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Université de Sherbrooke Faculté d’éducation L’expérience d’insertion professionnelle des enseignantes et enseignants de migration récente au Québec Par Aline Niyubahwe Thèse présentée à la Faculté d’éducation en vue de l’obtention du grade de Philosophiae Doctor, Ph. D. Doctorat en éducation Décembre 2014 © Aline Niyubahwe, 2014

Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

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Université de Sherbrooke

Faculté d’éducation

L’expérience d’insertion professionnelle des enseignantes et enseignants de migration

récente au Québec

Par

Aline Niyubahwe

Thèse présentée à la Faculté d’éducation

en vue de l’obtention du grade de

Philosophiae Doctor, Ph. D.

Doctorat en éducation

Décembre 2014

© Aline Niyubahwe, 2014

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UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE

Faculté d’éducation

L’expérience d’insertion professionnelle des enseignantes et enseignants de migration

récente au Québec

Aline Niyubahwe

a été évaluée par un jury composé des personnes suivantes :

Jean-Claude Coallier Président du jury

Joséphine Mukamurera Directrice de recherche

France Jutras Codirectrice de recherche

Michèle Vatz-Laaroussi Membre interne à l’Université de Sherbrooke

Fasal Kanouté Membre externe à l’Université de Sherbrooke

Michèle Lepage Membre externe à l’Université de Sherbrooke

Thèse acceptée le 22 mai 2015

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SOMMAIRE

Cette thèse par articles porte sur l’insertion professionnelle des enseignantes et

enseignants de migration récente (EMR) au Québec. Ces EMR intègrent à la fois une

nouvelle société, un nouveau marché du travail, un nouveau système d’enseignement, un

nouvel environnement scolaire et culturel ainsi qu’une nouvelle communauté scolaire. Tout

cela requiert beaucoup d’adaptation. Au Québec, leur insertion professionnelle (IP) se fait

dans un contexte difficile, déjà marqué par la précarité d’emploi et la complexification du

travail enseignant. Les recherches faites sur le personnel enseignant immigrant au Canada

et ailleurs en Occident montrent qu’ils ou elles peuvent aussi faire face à des défis et

difficultés spécifiques à eux, mais offrent un portrait relativement partiel du processus d’IP

de ces enseignants. D’ailleurs au Québec, aucune recherche empirique n’avait encore été

faite et c’est pour contribuer à éclairer en profondeur cette problématique que nous avons

entrepris cette recherche.

Les assises théoriques de cette recherche reposent sur des concepts permettant

d’aborder la situation des EMR dans sa complexité, particulièrement ceux d’insertion

professionnelle, de parcours migratoire, de transition socioprofessionnelle. L’objectif

général est de décrire et comprendre l’expérience d’insertion professionnelle des EMR dans

le contexte scolaire québécois. De cet objectif général découlent deux objectifs

spécifiques : 1) décrire et comprendre l’expérience de transition professionnelle des EMR

au Québec; 2) décrire et comprendre l’expérience d’adaptation au rôle professionnel des

EMR dans le contexte scolaire québécois.

Cette recherche de nature phénoménologique a été menée au moyen d’entrevues

semi-dirigées auprès de 13 EMR des régions de Montréal et de Sherbrooke. L’analyse des

données a été faite à deux niveaux. Le premier niveau d’analyse a conduit à l’élaboration

d’un récit d’expérience pour chaque EMR interviewé. Ces récits sont présentés au

quatrième chapitre. Le deuxième niveau a consisté en une analyse transversale de

l’ensemble des récits individuels. Les résultats de cette analyse transversale des récits sont

mis en relief dans les articles deux et trois de la thèse présentés dans le cinquième chapitre

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en rapport avec les deux objectifs spécifiques de recherche mentionnés ci-haut. Quant au

premier article de la thèse, il porte sur la recension des écrits. Il a permis de documenter de

façon systématique la situation d’insertion professionnelle des enseignants immigrants et de

voir qu’il y a peu d’écrits scientifiques sur le sujet et qu’aucune recherche empirique

n’avait encore été faite au Québec.

Les résultats de l’analyse transversale des récits montrent que les EMR vivent, à

des degrés différents, plusieurs défis et difficultés au cours de leur transition

professionnelle. Dès leur arrivée au Québec, ces EMR font face à des défis d’adaptation au

nouvel environnement physique, social et culturel et au nouveau mode de vie. Les

différences culturelles, linguistiques et climatiques constituent des sources de chocs et

entraînent de la déstabilisation. Quand les EMR commencent les formalités pour intégrer

l’enseignement au Québec, leur intégration au marché du travail représente un véritable

parcours du combattant, tant en ce qui concerne la lourdeur administrative pour l’obtention

du permis d’enseigner qu’en ce qui concerne des blocages systémiques divers pour accéder

à l’emploi.

De plus, lorsque ces enseignants trouvent du travail, l’adaptation à une nouvelle

culture organisationnelle, professionnelle et pédagogique comporte de nombreux défis

d’autant plus qu’aucune mesure formelle d’accueil ou d’accompagnement n’est mise en

place pour faciliter leur intégration. On relève que leur intégration dans l’équipe-école

s’avère plus ou moins difficile en fonction du climat de l’école et de l’ouverture de ses

membres à la diversité ethnoculturelle.

Les résultats montrent également que les EMR vivent un processus d’adaptation

au rôle professionnel pénible, parsemé de ruptures, de remises en question et de nouveaux

apprentissages. Dès leur prise de fonction, les EMR vivent un choc de la réalité, car ils font

face à des conceptions de l’éducation et des philosophies d’enseignement différentes, voire

opposées à celles auxquelles elles ou ils étaient habitués. Cela peut se traduire, par

exemple, par plusieurs oppositions entre leur expérience antérieure et certaines

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caractéristiques de l’éducation au Québec: relations enseignant-élèves

hiérarchiques/relations moins hiérarchiques; gestion de classe autoritaire/gestion de classe

démocratique; paradigme de l’enseignement/paradigme de l’apprentissage; approche par

objectifs/approche par compétences. Les EMR font ainsi face à plusieurs défis et difficultés

d’adaptation non seulement en raison de logiques différentes, voire opposées, mais aussi à

cause de leur méconnaissance des programmes, des contenus pédagogiques et de la culture

du milieu. Pour devenir efficaces dans le nouveau contexte scolaire, ces EMR doivent,

d’une part, modifier leurs conceptions de l’éducation et leurs représentations du travail

enseignant et, d’autre part, s’ouvrir à la culture du milieu d’accueil. Leurs processus

d’adaptation au rôle professionnel dans le nouveau contexte éducatif durent plus ou moins

longtemps en fonction de plusieurs facteurs, notamment la distance culturelle, l’écart entre

les orientations de l’enseignement et entre les pratiques pédagogiques, les conditions de

travail, le climat de l’école et les qualités personnelles de l’enseignant immigrant.

Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles

connaissances sur l’IP des EMR. Sa contribution originale est d’éclairer le parcours de

transition professionnelle des EMR depuis leur arrivée dans la société d’accueil jusqu’à leur

intégration relativement réussie dans le nouvel environnement scolaire et culturel. Elle offre

également une compréhension des difficultés et des besoins spécifiques de soutien des

EMR, ce qui permet d’envisager des dispositifs d’IP des enseignants de migration fondés

sur des données probantes. Enfin, les résultats de cette recherche permettent également

d’ouvrir des pistes de recherche et de réflexion pour les chercheuses et chercheurs ainsi que

les formatrices et formateurs intéressés par l’IP du personnel enseignant immigrant.

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TABLE DES MATIÈRES

LISTE DES TABLEAUX .................................................................................................... 8

LISTE DES FIGURES ........................................................................................................ 9

LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS ................................................................... 10

REMERCIEMENTS ......................................................................................................... 11

INTRODUCTION GÉNÉRALE ...................................................................................... 13

PREMIER CHAPITRE-LA PROBLÉMATIQUE ......................................................... 17

1 LE CONTEXTE DU PROBLÈME .............................................................................. 17

1.1 Les mécanismes légaux et réglementaires d’accès à la profession

enseignante………………………………………………………………………..17 1.1.1 Les voies d’accès à la profession enseignante au Québec ............................................ 18 1.1.2 Les règles d’embauche et les modalités d’affectation ................................................... 22

1.2 La situation de l’IP en enseignement au Québec ............................................ 27

2 LE PROBLÈME DE RECHERCHE ET LA RECENSION DES ÉCRITS ................ 31

2.1 L’insertion professionnelle des enseignantes et enseignants de migration

récente au Québec ................................................................................................... 31 2.1.1 L’accès à l’emploi des enseignantes et enseignants de migration récente .................... 31 2.1.2 L’intégration sociale et professionnelle du personnel enseignant de migration récente

dans le milieu scolaire ................................................................................................................. 37

2.2 La recension des écrits sur l’IP du personnel enseignant immigrant au Canada

et ailleurs en Occident ............................................................................................. 40 2.2.1 Les difficultés d’IP des enseignantes et enseignants immigrants .................................. 42 2.2.2 Les éléments favorables à l’IP des enseignantes et enseignants immigrants ................ 51

2.3 Question de recherche ..................................................................................... 55

DEUXIÈME CHAPITRE-LE CADRE CONCEPTUEL ............................................... 57

1 L’INSERTION PROFESSIONNELLE EN ENSEIGNEMENT ................................. 59

2 LA CLARIFICATION DES CONCEPTS PORTEURS À L’ÉTUDE DE L’IP

DU PERSONNEL ENSEIGNANT DE MIGRATION RÉCENTE .................................... 63

2.1 Le parcours migratoire .................................................................................... 63

2.2 De la transition socioprofessionnelle à l’acculturation ................................... 66

2.3 La communication interculturelle ................................................................... 72

2.4 Le rapport au savoir ........................................................................................ 74

3 LES OBJECTIFS DE RECHERCHE .......................................................................... 79

TROISIÈME CHAPITRE-LA MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE .............. 83

1 LE CADRE MÉTHODOLOGIQUE: RECHERCHE QUALITATIVE

D’INSPIRATION PHÉNOMÉNOLOGIQUE .................................................................... 83

2 L’ÉCHANTILLONNAGE ET LE RECRUTEMENT DES PARTICIPANTS .......... 85

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3 LE CADRE DE COLLECTE DES DONNÉES .......................................................... 91

3.1 Méthode de collecte des données : l’entrevue semi-dirigée............................ 91

3.2 L’instrument de collecte des données : un guide d’entrevue .......................... 92

4 LA DÉMARCHE D’ANALYSE ET DE VALIDATION DES DONNÉES ............... 94

4.1 L’analyse phénoménologique des données ..................................................... 95

4.2 L’analyse transversale des récits ..................................................................... 97

5 L’ÉTHIQUE DE LA RECHERCHE ........................................................................... 98

6 LE CADRE DE LA THÈSE PAR ARTICLES ........................................................... 98

QUATRIÈME CHAPITRE-LES RÉCITS D’EXPÉRIENCE .................................... 100

1 RÉCIT D’ALESSANDRA......................................................................................... 100

2 RÉCIT D’ANDRÉ ..................................................................................................... 110

3 RÉCIT DE DORA ..................................................................................................... 118

4 RÉCIT D’EVA ........................................................................................................... 127

5 RÉCIT DE FRANCIS ................................................................................................ 135

6 RÉCIT DE KARIM ................................................................................................... 142

7 RÉCIT DE LATIFA .................................................................................................. 152

8 RÉCIT DE MARIYA ................................................................................................. 161

9 RÉCIT DE MICHAEL ............................................................................................... 167

10 RÉCIT DE NADIA .................................................................................................... 176

11 RÉCIT D’OLIVIA ..................................................................................................... 185

12 RÉCIT DE PRIMA .................................................................................................... 194

13 RÉCIT DE ROCIO .................................................................................................... 203

CINQUIÈME CHAPITRE-LES ARTICLES DE LA THÈSE .................................... 210

1. PREMIER ARTICLE: PROFESSIONAL INTEGRATION OF IMMIGRANT

TEACHERS IN THE SCHOOL SYSTEM: A LITERATURE REVIEW ........................ 210

ABSTRACT ....................................................................................................................... 211

RESEARCH PROBLEM ................................................................................................... 212

METHODOLOGY ............................................................................................................. 214

Literature review procedure .................................................................................. 214

RESULTS .......................................................................................................................... 217

Professional integration problems specific to immigrant teachers ....................... 217

Initiatives to enhance the professional integration of immigrant teachers ............ 226

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DISCUSSION AND CONCLUSION ................................................................................ 229

REFERENCES ................................................................................................................... 231

2. DEUXIÈME ARTICLE : L’EXPÉRIENCE DE TRANSITION

PROFESSIONNELLE DES ENSEIGNANTS DE MIGRATION RÉCENTE AU

QUÉBEC ............................................................................................................................ 236

RÉSUMÉ ........................................................................................................................... 236

INTRODUCTION ............................................................................................................. 237

PROBLÉMATIQUE DE LA RECHERCHE .................................................................... 239

Les difficultés d’insertion professionnelle ............................................................ 239

Les éléments favorables à la transition professionnelle des enseignants

immigrants……………………………………………………………………….241

CLARIFICATION CONCEPTUELLE ............................................................................. 243

Le concept de transition ........................................................................................ 243

Le parcours migratoire .......................................................................................... 244

MÉTHODOLOGIE ............................................................................................................ 248

PRÉSENTATION DES RÉSULTATS .............................................................................. 251

Adaptation à la société québécoise ....................................................................... 251

Intégration au marché du travail ........................................................................... 254

L’intégration au milieu scolaire ............................................................................ 259

DISCUSSION DES RÉSULTATS ET CONCLUSION ................................................... 264

RÉFÉRENCES ................................................................................................................... 269

3. TROISÈME ARTICLE : S’ADAPTER AU RÔLE PROFESSIONNEL

LORSQU’ON EST ENSEIGNANT DE MIGRATION RÉCENTE AU QUÉBEC:

EXPÉRIENCE, DÉFIS ET FACTEURS DE RÉUSSITE ................................................. 273

RÉSUMÉ ........................................................................................................................... 273

INTRODUCTION ............................................................................................................. 274

PROBLÉMATIQUE ET OBJECTIF DE LA RECHERCHE ........................................... 275

Difficultés relatives aux pratiques pédagogiques et à la gestion de classe ........... 276

Le contexte de l’enseignement au Québec ............................................................ 278

Objectif de recherche ............................................................................................ 279

CADRE CONCEPTUEL ................................................................................................... 280

Le concept d’insertion professionnelle ................................................................. 280

MÉTHODOLOGIE ............................................................................................................ 283

RÉSULTATS ..................................................................................................................... 286

Rapport aux élèves, communication et gestion de classe ..................................... 286

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Rapport au savoir et à l’apprentissage .................................................................. 289

Perception du nouveau système d’enseignement .................................................. 293

Facteurs favorables à l’adaptation au rôle d’enseignant dans un nouveau contexte

éducatif .................................................................................................................. 295

DISCUSSION DES RÉSULTATS .................................................................................... 297

Choc de la réalité et perte des repères culturels .................................................... 297

Désenchantement, remise en question du système éducatif et stratégies de

survie……………………………………………………………………………..299

Prise de conscience de la culture du milieu et adaptation progressive ................. 300

Sentiment de compétence et aisance dans l’exercice du rôle professionnel ......... 301

CONCLUSION .................................................................................................................. 302

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ........................................................................... 303

SIXIÈME CHAPITRE-DISCUSSION GÉNÉRALE ................................................... 308

1 RETOUR SUR LES RÉSULTATS DES TROIS ARTICLES .................................. 308

1.1 L’adaptation au milieu d’accueil ................................................................... 310

1.2 L’intégration au marché de travail en enseignement .................................... 311

1.3 L’intégration dans le milieu scolaire ............................................................. 314

1.4 L’adaptation au rôle professionnel ................................................................ 317

2 APPORTS SCIENTIFIQUES DES ARTICLES ....................................................... 323

3 LIMITES ET FORCES DE L’ÉTUDE ...................................................................... 330

4 LIEN DE LA THÈSE AVEC LA THÉMATIQUE DE L’INTERRELATION

ENTRE LA RECHERCHE, LA FORMATION ET LA PRATIQUE ............................... 331

CONCLUSION GÉNÉRALE ......................................................................................... 334

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ....................................................................... 338

ANNEXE A-LETTRE D’INVITATION À PARTICIPER À LA RECHERCHE .... 352

ANNEXE B-GUIDE D’ENTREVUE ............................................................................. 354

ANNEXE C-ATTESTATION DE CONFORMITÉ ÉTHIQUE ................................. 360

ANNEXE D-FORMULAIRE DE CONSENTEMENT À PARTICIPER AUX

ENTREVUES ................................................................................................................... 361

ANNEXE E-PREUVE DE SOUMISSION DU PREMIER ARTICLE ...................... 364

ANNEXE F-PREUVE DE SOUMISSION DU DEUXIÈME ARTICLE ................... 365

ANNEXE G-PREUVE DE SOUMISSION DU TROISIÈME ARTICLE .................. 366

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 - Nature de la dernière autorisation émise au personnel enseignant de

migration récente formé à l’extérieur du Canada depuis 1998-

1999………………………………………………………………………………….32

Tableau 2 - Répartition du personnel enseignant de migration récente ayant obtenu

l’autorisation d’enseigner depuis 1998 par rapport à l’accès à l’emploi ou non dans

une commission scolaire publique et le statut occupé

……………………………………………………………………………………….35

Tableau 3 - Le corpus des écrits recensés…………………………………………....41

Tableau 4- La différence entre le modèle d’enseignement traditionnel et les modèles

centrés sur l’apprenant……………………………………………………………….76

Tableau 5 - Les caractéristiques des participantes et participants à l’étude…………88

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LISTE DES FIGURES

Figure 1 - L’insertion professionnelle des enseignantes et enseignants de migration

récente : un processus de transition……………………………………………….....81

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LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS

CAPEL : Certificat d’aptitude au professorat d’enseignement dans les lycées

CAP-CEG : Certificat d’aptitude au professorat dans les collèges d’enseignement

général

CEFRANC : Centre d’évaluation du rendement en français écrit

CNIPE : Carrefour national de l’IP en enseignement

COFPE : Comité d’orientation de la formation du personnel enseignant

CPNCF : Comité patronal de négociation pour les commissions scolaires

francophones

CS : Commission scolaire

CSQ : Certificat de sélection du Québec

CSQ : Confédération des syndicats du Québec

EHDAA : Élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage

EMR : Enseignant de migration récente

FLSH : Faculté des lettres et sciences humaines

IP : Insertion professionnelle

MELS : Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport

MEQ : Ministère de l’Éducation du Québec

PFEQ : Programme de formation de l’école québécoise

PIP : Programme de soutien à l’insertion professionnelle

SAE : Situation d’apprentissage et d’évaluation

SANC : Service d’aide aux Néo-Canadiens

SEL : Service d’évaluation linguistique

Page 13: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

11

REMERCIEMENTS

Plusieurs personnes ont contribué, chacune à sa façon, et ce, à différentes

étapes de mon cheminement, à la réalisation de cette thèse.

Je tiens d’abord à remercier les membres de mon équipe de direction, les

professeures Joséphine Mukamurera et France Jutras, pour leur expertise, leur rigueur

et surtout pour le suivi sans relâche. Leurs remarques constructives et leurs conseils et

encouragements ont été indispensables à ma persévérance, à ma capacité à me

dépasser et à viser l’excellence. Je suis très reconnaissante à ma directrice de thèse,

Joséphine Mukamurera, qui a cru en moi dès notre première rencontre et qui a su

diriger cette thèse avec adresse. Sans son soutien moral et psychologique, je n’aurais

pas pu franchir la route tortueuse, mais enrichissante de la thèse. Merci Joséphine de

m’avoir permis de participer dans vos projets de recherche, me permettant ainsi

d’approfondir mes connaissances dans le domaine de l’insertion professionnelle. Un

grand merci aussi pour m’avoir placée entre les bonnes mains de Madame France

Jutras, ma codirectrice de thèse. Madame France, je vous suis très reconnaissante

pour m’avoir proposé l'idée de faire une thèse par articles. Votre proposition fut

constructive et fructueuse. Je ne manquerai pas aussi de vous dire que votre ouverture

d’esprit, votre humilité, votre disponibilité et votre manière de voir les choses du bon

côté m’ont beaucoup marquée.

Je tiens également à exprimer mes sincères remerciements à madame Vatz-

Laaroussi, professeure à la FLSH, pour sa contribution à l’élaboration de mon cadre

conceptuel. J’ai grandement apprécié nos discussions et les informations que vous

m’avez partagées. Merci également de m’avoir intégrée dans vos projets de

recherche. L’expérience fut profitable à bien des égards.

Je m’en voudrais d’oublier le professeur Jean Gabin Ntebutse, qui s’est

beaucoup investi pour que j’obtienne l’admission à l’Université de Sherbrooke. Ses

Page 14: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

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conseils, ses remarques constructives et sa disponibilité à répondre à chacune de mes

questions ont été grandement appréciés.

J’aimerais témoigner ma gratitude à mes enfants Terry Chris, Olivia et Alex

Mylord pour leur amour, leur patience et la part certaine qu'ils ont prise dans la

réalisation de cette thèse. Grâce à votre présence, ma motivation a été rehaussée.

Les mots me manquent pour remercier, à sa juste valeur, mon mari Élie,

avec qui j’ai pu réaliser mes rêves les plus chers. Sa confiance en moi et en mes

capacités, son soutien inconditionnel, ses encouragements, sa patience et son amour

m’ont aidée à persévérer et à mener ce projet à sa fin. Cher Elie, cette thèse est le fruit

de ta patience.

Mes remerciements s’adressent également à l’équipe du Programme

canadien de bourses de la Francophonie (PCBF) qui a créé les conditions favorables à

l’élaboration de ce travail, en me fournissant les moyens nécessaires à sa réalisation.

Qu’elle trouve ici l’expression de ma profonde gratitude.

Je ne peux pas oublier d’exprimer ma reconnaissance aux enseignantes et

enseignants immigrants qui ont accepté de me partager leur expérience de transition

professionnelle. Sans votre participation, cette recherche n’aurait pas été possible.

Une pensée spéciale à mon père, Pie Nahayo et à mon oncle, abbé Michèle

Habonimana qui m’ont toujours encouragée à affronter ce grand défi qu’est la thèse,

mais qui n’ont pas eu la chance de la voir aboutir, car ils ne sont plus de ce monde.

Un grand merci à ma chère mère, à mon oncle François, à mes frères et sœurs, aux

familles Sahabo, Chartrand et Gélinas pour l’affection qu’ils n’ont cessé de me

témoigner durant mon parcours doctoral. Je ne saurais terminer sans souligner le

soutien affectif et chaleureux de mes amis et de mes collègues étudiants.

Page 15: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

13

INTRODUCTION GÉNÉRALE

La présente thèse porte sur l’insertion professionnelle (IP) des enseignantes et

enseignants de migration récente au Québec. Par enseignant de migration récente

(EMR), il faut entendre des enseignantes et enseignants immigrants ayant une

formation en enseignement, une autorisation d’enseigner et une expérience

d’enseignement dans leur pays d’origine. Dans le cadre de notre étude, nous utilisons

deux critères pour définir ce qu’est un enseignant de migration récente. Ces critères

reposent d’une part sur la complexité du processus d’IP qui peut durer de un à sept

ans selon le parcours de l’enseignant (G. Nault, 2007; T. Nault, 2003) et, d’autre part,

sur le fait que les procédures administratives qui mènent à la reconnaissance des

diplômes et à l’obtention d’une autorisation d’enseigner au Québec peuvent s’avérer

plus ou moins longues. Ainsi, un enseignant de migration récente est un enseignant

immigrant qui réside au Québec depuis sept ans ou moins et qui a eu l’opportunité de

commencer à exercer la profession enseignante dans le réseau scolaire québécois.

L’embauche du personnel enseignant immigrant n’est pas nouvelle au

Québec. Cependant, depuis que le gouvernement du Québec a assoupli les conditions

d’accès à la profession enseignante, un nombre assez important d’enseignantes et

enseignants de migration récente accèdent à la profession enseignante au Québec. En

effet, environ 3000 autorisations d’enseigner ont été décernées au personnel

enseignant de migration récente depuis 1998 jusqu’en juin 2009 (Martel, octobre

2010)1.

Si certains auteurs comme Mukamurera, Bourque et Gingras (2008) décrivent

l’IP des enseignantes et enseignants comme une expérience difficile qui requiert une

forte adaptation, il y a lieu de se demander comment ces EMR vivent l’expérience

d’IP dans le milieu scolaire québécois. En effet, ils intègrent à la fois un nouveau

1 Martel, R. (2010). Données de production interne du MELS. Il n’existe pas de statistiques plus

récentes.

Page 16: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

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marché du travail, un nouveau système d’enseignement, un nouvel environnement

scolaire et culturel et une nouvelle communauté scolaire. Tout cela demande

beaucoup d’adaptation.

Les écrits sur l’IP en enseignement au Québec révèlent que les conditions de

travail du personnel enseignant deviennent de plus en plus difficiles (Mukamurera,

2011a; Mukamurera et Balleux, 2013; Mukamurera et al., 2008) en raison de la

précarisation croissante de l’emploi en enseignement, de la lourdeur de la tâche, des

groupes-classe difficiles et du manque de soutien en début de carrière (Mukamurera

et Balleux, 2013). Cette détérioration des conditions de travail entraine, chez

beaucoup d’enseignantes et enseignants, une détresse psychologique, voire un

épuisement professionnel et une remise en question de la carrière. D’ailleurs, un

nombre assez important d’enseignantes et enseignants pensent à abandonner leur

profession (Martineau, Gervais, Portelance et Mukamurera, 2008; Mukamurera et

Balleux, 2013). Les résultats de cette récente dernière étude indiquent que près de 21

% des répondants ont abandonné la profession temporairement au cours de leur

carrière et 51 % ont envisagé de quitter la profession. Les 45% de ceux qui ont tenté

de la quitter l’ont fait durant les cinq premières années d’enseignement. Eu égard à

cette situation préoccupante, force est de constater que ces recherches ne font pas

allusion à la situation spécifique du personnel enseignant immigrant. Cependant, la

recension des écrits sur la situation de l’IP du personnel enseignant immigrant au

Canada et ailleurs en Occident révèle qu’il est confronté à de nombreux défis.

Traiter de l’IP des EMR revêt un intérêt social et scientifique. Non seulement

les EMR contribuent à l’éducation, mais aussi ils peuvent combler des problèmes de

pénurie de main-d’œuvre. Plusieurs auteurs, par exemple Berthelot (1991), Carr et

Klassen (1997), Deters (2006), Goodson, Thiessen et Bascia (1997), Phillion (2003),

Ross (2001) et Wang (2003), soutiennent également que les enseignants immigrants

jouent un grand rôle social dans l’intégration scolaire des enfants issus de

l’immigration. Selon ces auteurs, ils peuvent leur servir de modèles d’identification,

Page 17: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

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les connecter au système scolaire et contribuer à l’éducation multiculturelle. À cet

égard, Benes et Dyotte (2001) ont relevé que chaque année, le réseau scolaire

québécois reçoit entre 6000 et 8000 nouveaux élèves immigrants. Selon les données

statistiques du rapport du Comité de gestion de la taxe scolaire de l’île de Montréal

(2014), 45 % des écoles de la commission scolaire de Montréal ont des effectifs de 50

à 98 % d’élèves issus d’autres cultures. Un corps professoral qui reflète cette diversité

constitue ainsi un apport capital à la réussite de ces enfants (Lefebvre, Legault et De

Sève, 2002). Tout comme l’indiquent Vallerand et Martineau (2006), le personnel

enseignant immigrant constitue donc une richesse. À cet égard, une meilleure

connaissance de leurs besoins spécifiques permettrait de mieux les soutenir afin qu’ils

puissent assumer leur rôle. Du point de vue scientifique, la recension des écrits que

nous avons faite permet de relever qu’aucune recherche sur la situation de l’IP du

personnel enseignant immigrant au Québec n’a été faite jusqu’à présent. La nécessité

scientifique d’effectuer une recherche pour rendre compte de leur situation apparaît

pleinement.

Notre recherche a pour objectif de décrire et comprendre l’expérience d’IP des

EMR au Québec. Située dans une logique descriptive et compréhensive, cette

recherche est de nature qualitative. Afin d’arriver à comprendre ce phénomène et à en

saisir l’essence, l’approche phénoménologique a été privilégiée. La collecte des

données a été faite au moyen d’entrevues semi-dirigées et un guide d’entrevue a servi

comme instrument de collecte de données.

La présente thèse est composée de six chapitres : la problématique, le cadre

conceptuel, la méthodologie, les résultats sous forme de récits d’expérience, les

résultats sous forme de trois articles et la discussion générale de la thèse. Le premier

chapitre porte sur la problématique. Nous présentons le contexte du problème et sa

position, la recension des écrits sur la situation de l’IP du personnel enseignant

immigrant au Canada et ailleurs en Occident, ainsi que la question générale de

recherche. Le deuxième chapitre a trait au cadre conceptuel : nous définissons les

Page 18: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

16

concepts d’insertion professionnelle en enseignement et les concepts porteurs à

l’étude de l’IP des EMR tels le parcours migratoire, la transition socioprofessionnelle,

l’acculturation, la communication interculturelle et le rapport au savoir. Nous

clôturons le chapitre par la présentation des objectifs de recherche. Le troisième

chapitre porte sur la méthodologie de la recherche : le cadre méthodologique,

l’échantillonnage et le recrutement des participants, le cadre de collecte de données,

la démarche d’analyse et de validation des récits phénoménologiques et l’éthique de

la recherche. Le quatrième chapitre présente les récits phénoménologiques issus de la

première analyse des entrevues : ces récits présentent l’expérience d’insertion et de

transition professionnelle vécue par chaque participante et participant. Le cinquième

chapitre place les trois articles au cœur de cette thèse par articles. Ils sont présentés

sous forme de manuscrits soumis aux différentes revues, mais dans leurs versions

définitives publiées. Le premier article porte sur la recension des écrits; le deuxième

article traite de la transition professionnelle des EMR au Québec et le troisième porte

sur l’adaptation au rôle professionnel des EMR. Le dernier chapitre a trait à la

discussion générale de la thèse où nous mettons l’accent sur l'apport scientifique des

trois articles, les limites de la recherche et son inscription dans la thématique du

doctorat qui est l’interrelation entre la recherche, la formation et la pratique. Enfin, la

conclusion met en relief les retombées de la recherche ainsi que quelques

perspectives pour de nouvelles recherches.

Page 19: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

17

PREMIER CHAPITRE

LA PROBLÉMATIQUE

D’entrée de jeu, il importe de préciser que notre recherche porte sur les

enseignantes et enseignants de migration récente qui enseignent en formation

générale dans les écoles francophones au Québec. Pour poser la problématique de

cette recherche, nous traitons d’abord du contexte du problème où les opportunités et

les contraintes de faire carrière en enseignement au Québec sont mises en évidence.

Ensuite, nous présentons le problème de recherche et la recension des écrits. C’est

ainsi que nous mettons en relief la situation de l’IP spécifique aux EMR au Québec et

la recension des écrits qui permettra d’avoir une vue d’ensemble sur l’état des

connaissances sur l’IP du personnel enseignant immigrant dans les pays d’accueil.

Enfin, la question générale de recherche sera posée.

1 LE CONTEXTE DU PROBLÈME

Afin de mieux saisir le problème de recherche, il s’avère pertinent de

comprendre son contexte. Nous débutons ce point avec la présentation des

mécanismes légaux et réglementaires qui régissent l’accès à la profession enseignante

au Québec. Par la suite, nous décrivons le contexte de l’IP en enseignement au

Québec.

1.1 Les mécanismes légaux et réglementaires d’accès à la profession

enseignante

L’accès à la profession enseignante au Québec requiert une autorisation légale

d’enseigner décernée par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS).

Cette autorisation prend la forme d’un permis temporaire d’enseigner, d’une

autorisation provisoire d’enseigner ou d’un brevet d’enseignement (permis

permanent). Toutefois, l’obtention d’une autorisation d’enseigner ne garantit pas

Page 20: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

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forcément un emploi dans une commission scolaire. En effet, comme nous le verrons,

l’accès à l’emploi est conditionné non seulement par les conditions du marché du

travail, mais aussi par le règlement sur les autorisations d’enseigner, ainsi que par des

mécanismes d’embauche et d’affectation qui sont en bonne partie conventionnés.

Nous présentons d’abord les voies d’accès à la profession enseignante, puis les

mécanismes d’embauche et d’affectation en vigueur dans les commissions scolaires.

1.1.1 Les voies d’accès à la profession enseignante au Québec

Depuis 1993, au Québec, l’autorisation permanente d’enseigner, le brevet

d’enseignement, est obtenue au terme d’une formation universitaire de quatre ans

dans un programme de baccalauréat en enseignement agréé par le MELS. Cependant,

depuis le milieu des années 2000, le gouvernement du Québec a assoupli les

conditions d’accès et de qualification non seulement pour faire face à la pénurie

pressentie du personnel enseignant, mais aussi pour faciliter l’accès à la profession

enseignante (Lavigne, 2006). En effet, une mesure transitoire permet aux détentrices

et détenteurs d’un diplôme universitaire dans un champ d’enseignement ou une

discipline de la grille-matière du secondaire au Québec d’obtenir un permis

temporaire d’enseigner s’ils ont une offre d’emploi d’un établissement

d’enseignement reconnu. De même, le nouveau règlement sur les autorisations

d’enseigner permet aux enseignantes et enseignants formés à l’extérieur du Québec,

c’est-à-dire ceux et celles provenant d’autres provinces canadiennes ainsi que des

personnes immigrantes formées à l’extérieur du Canada, d’obtenir, sous certaines

conditions, un permis d’enseigner temporaire puis un brevet d’enseignement

(Gouvernement du Québec, 2014). Dans l’ensemble, ce nouveau règlement sur les

autorisations d’enseigner définit six voies d’accès à la profession enseignante.

La première et principale voie d’accès à la profession enseignante est la voie

traditionnelle. Elle est basée sur l’article 5 du règlement sur les autorisations

d’enseigner. Elle concerne les enseignantes et enseignants ayant complété un

Page 21: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

19

Baccalauréat de quatre ans de formation à l’enseignement dans un programme agréé

d’une université québécoise. Cette formation comprend au moins 700 heures de

stages en milieu de pratique et elle est sanctionnée par un diplôme décerné par

l’université ainsi qu’un brevet d’enseignement délivré par le MELS.

La deuxième voie d’accès concerne les étudiantes ou étudiants qui sont en

quatrième année d’un Baccalauréat en formation à l’enseignement. Celles-ci ou ceux-

ci peuvent, selon l’article 48 du règlement sur les autorisations d’enseigner, obtenir

une autorisation provisoire d’enseigner en formation générale, valide pour une seule

période de deux années scolaires à compter du début de l'année scolaire de sa

délivrance. Pour cela, l’étudiante ou l’étudiant doit satisfaire à deux conditions

suivantes: 1) détenir une promesse d'engagement d'un employeur attestant d’une part

qu'il entend lui confier, dans l'année scolaire en cours, un emploi d'enseignant en lien

direct avec son baccalauréat et nécessitant une autorisation d'enseigner et, d’autre

part, que cet emploi ne peut être comblé par le titulaire d'une autorisation d'enseigner,

2) détenir une permission de son université lui permettant d'occuper l'emploi tout en

complétant sa formation. Par la suite, le brevet d’enseignement lui est délivré après

avoir complété et réussi le programme universitaire de formation à l'enseignement

(Article 5 du présent règlement).

La troisième voie d’accès concerne des candidats ayant une formation

disciplinaire (baccalauréat ou équivalent) dans des matières du régime pédagogique.

Selon l’article 46 du règlement sur les autorisations d’enseigner, toute personne qui

détient un baccalauréat disciplinaire ou une formation équivalente peut obtenir une

autorisation provisoire d’enseigner si elle satisfait à deux conditions: 1) elle a

accumulé au moins six unités de formation en éducation d'un programme

universitaire de baccalauréat ou de maîtrise de formation à l'enseignement reconnu

depuis septembre 2001, en lien avec sa formation disciplinaire et auquel elle est

inscrite, 2) elle détient une promesse d'engagement d'un employeur attestant qu'il

entend lui confier, dans l'année scolaire en cours, un emploi d'enseignant en

Page 22: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

20

formation générale en lien direct avec sa formation disciplinaire. Cet emploi nécessite

une autorisation d'enseigner et l’employeur atteste qu’aucun candidat titulaire d'une

autorisation d'enseigner n’est disponible pour le combler. La période de validité de

cette autorisation provisoire d'enseigner est de deux années scolaires à compter du

début de l'année scolaire de sa délivrance. Toutefois, elle peut être renouvelée jusqu’à

trois fois si la personne satisfait aux trois conditions stipulées dans l’article 47 du

présent règlement. Un brevet d’enseignement lui est délivré après avoir complété et

réussi le programme universitaire de formation à l'enseignement reconnu par le

MELS (Article 49).

La quatrième voie d’accès concerne, comme la voie précédente, des candidats

ayant une formation disciplinaire (baccalauréat ou équivalent) dans des matières du

régime pédagogique, mais avec en plus une formation à l’enseignement collégial d’au

moins 30 unités. Selon l’article 50, un candidat peut obtenir un permis d'enseigner

valide pour une seule période de cinq années si les deux autres conditions suivantes

sont satisfaites : 1) avoir une promesse d'engagement d'un employeur attestant qu'il

entend lui confier, dans l'année scolaire en cours, un emploi d'enseignant en

formation générale en lien direct avec la formation disciplinaire. Cet emploi nécessite

une autorisation d'enseigner et l’employeur atteste qu’aucun candidat titulaire d'une

autorisation d'enseigner n’est disponible pour le combler, 2) avoir réussi l'examen de

français ou d'anglais (tel que le stipule l’article 28 du Règlement sur les autorisations

d’enseigner). Le brevet lui est délivré après avoir rempli deux conditions : 1)

compléter 15 unités en éducation dont six en didactique, trois en évaluation des

apprentissages, trois en intervention auprès des élèves handicapés ou en difficulté

d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA), 2) réussir le stage probatoire (article 51

du présent règlement).

La cinquième voie concerne les titulaires d’une autorisation d’enseigner

obtenue à l’extérieur du Québec dans une autre province canadienne. Selon l’article 3

du règlement sur les autorisations d’enseigner, une personne qui possède une

Page 23: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

21

autorisation d’enseigner valide obtenue dans une autre province canadienne, peut

obtenir un permis d’enseigner au Québec d’une validité de cinq ans sous deux

conditions : 1) avoir achevé avec succès un programme d’études universitaires

équivalent à un programme universitaire de premier cycle et comportant l’équivalent

d’au moins une année de formation à l’enseignement et 2) avoir réussi l’examen de la

langue d’enseignement (Article 28). Le permis pourra être renouvelé si la personne

titulaire est inscrite au cours menant à l’obtention du brevet. Selon l’article 6, pour

obtenir le brevet, la personne titulaire du permis d’enseigner doit réussir le cours sur

le système scolaire du Québec et le stage probatoire. Toutefois, celui ou celle dont la

formation disciplinaire n’est pas au régime pédagogique, doit, en plus des deux

conditions, réussir 12 unités en éducation dans une université québécoise : trois unités

en évaluation des apprentissages, six unités en didactique, trois unités en intervention

auprès des EHDAA.

La sixième voie d’accès concerne les enseignantes et enseignants immigrants.

Selon l’article trois, la personne titulaire d’une autorisation d’enseigner valide

obtenue en dehors du Canada, c’est-à-dire dans un autre pays, peut obtenir un permis

d’enseigner au Québec d’une validité de cinq ans sous deux conditions : 1) avoir

réussi une formation universitaire en éducation équivalente à celle dispensée au

Québec et 2) avoir réussi l’examen de la langue d’enseignement (article 28). Pour le

cas d’une personne qui a reçu la plus grande partie de la formation dans une langue

autre que le français ou l'anglais, cet examen doit aussi mesurer la compréhension du

français ou de l'anglais oral et de l'expression orale en français ou en anglais. Le

renouvellement du permis peut se faire une fois à condition de commencer la

formation menant à l’obtention du brevet d’enseignement. Selon l’article six, la

personne titulaire du permis d’enseigner obtient le brevet d’enseignement sous trois

conditions : 1) elle a accumulé au moins 12 unités en éducation dans une université

québécoise, six unités en didactique, trois unités en évaluation des apprentissages et

trois unités en intervention auprès des EHDAA, 2) elle a réussi un cours sur le

système scolaire du Québec, 3) elle a réussi le stage probatoire.

Page 24: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

22

En résumé, les deux premières voies d’accès à la profession enseignante

concernent les étudiants qui complètent ou sont en voie de compléter un programme

agréé de baccalauréat en enseignement dans une université au Québec, lequel conduit

directement à l’obtention du brevet d’enseignement. Les troisième et quatrième voies

concernent les détenteurs d’un baccalauréat disciplinaire ou son équivalent obtenu au

Québec mais qui, après l’obtention de l’autorisation provisoire d’enseigner, doivent

compléter une certaine formation pédagogique afin d’obtenir leur brevet

d’enseignement. Les cinquième et sixième voies s’adressent respectivement aux

détenteurs ou détentrices d’un diplôme en enseignement délivré dans une autre

province canadienne ou dans un pays étranger. Si l’accès à l’enseignement au Québec

est régi par le règlement sur les autorisations d’enseigner, les mécanismes

d’embauche et d’affectation des enseignants conditionnent l’accès et la carrière en

enseignement. Le point qui suit fait état des règles qui régissent l’embauche et

l’affectation des enseignantes et enseignants dans les commissions scolaires.

1.1.2 Les règles d’embauche et les modalités d’affectation

Selon une étude réalisée auprès de jeunes enseignantes et enseignants du

secondaire par Mukamurera et Gingras (2004), l’accès à l’emploi pour les nouvelles

enseignantes et les nouveaux enseignants devient de plus en plus difficile avec la

précarisation du marché du travail en enseignement. Il ressort de cette étude que

certains passent de six à 10 mois d’attente avant d’accéder au premier emploi. Même

ceux qui obtiennent directement leur premier emploi «entrent dans l’enseignement

par la petite porte, pour remplacer d’autres enseignants» (Ibid., p.15). Ces résultats

vont dans le même sens que le rapport du MEQ (Gouvernement du Québec, 2003,

p.69) Attirer, former et retenir des enseignants de qualité au Québec, qui stipule que

«le recrutement des enseignants passe généralement par le sentier sinueux et parsemé

d’embûches de la suppléance». Il importe de parler des règles d’embauche et

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d’affectation, car celles-ci ont des incidences sur les conditions d’entrée en emploi

des enseignantes et enseignants, qu’ils soient québécois ou immigrants.

- Règles d’embauche

Compte tenu de la précarité du marché du travail en enseignement et dans un but

d’objectivité, l’embauche du personnel enseignant dans les commissions scolaires est

circonscrite par des règles d’embauche et d’octroi des contrats (Désilets, 2011;

Mukamurera et Gingras, 2004). Ainsi, les enseignantes et enseignants doivent

franchir plusieurs étapes avant d’obtenir la permanence : suppléance occasionnelle,

accès aux contrats à temps partiel, accès à la liste de rappel ou de priorité d’emploi,

contrat à temps plein régulier et permanence (Gouvernement du Québec, 2003).

o Suppléance occasionnelle

Toute enseignante et tout enseignant remplissant les conditions d’accès à

l’emploi doit d’abord déposer son curriculum vitae à la commission scolaire

(Désilets, 2011; Gouvernement du Québec, 2003). Celle-ci examine son dossier et

décide si on peut lui accorder une entrevue. La réussite de l’entrevue l’autorise à être

inscrit sur la liste de suppléance occasionnelle. C’est dans cette liste de suppléance

que l’on puise les candidates et les candidats pour des remplacements dans les

différentes écoles qui relèvent de la commission scolaire. Toutefois, il importe de

souligner que l’accès à la liste de suppléance ne signifie pas que l’emploi va suivre

immédiatement. Comme l’indiquent Mukamurera et Gingras (2004), cette étape

comporte des défis pour les nouvelles enseignantes et les nouveaux enseignants qui

doivent emprunter plusieurs voies pour obtenir leur premier emploi en enseignement:

Envoyer son curriculum vitae un peu partout, établir un réseau de

contacts dans le milieu scolaire, se présenter sur place en sollicitant

une rencontre ou une entrevue avec les directions d’écoles et avec

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les ressources humaines des commissions scolaires, se faire

connaître et apprécier des secrétaires d’écoles. (p.15)

Au regard de ces démarches, il y a lieu de s’interroger sur les défis qu’ont à

surmonter des enseignantes et enseignants de migration récente qui tentent de trouver

un emploi dans un système qui leur est encore nouveau au plan physique et

organisationnel et où ils ne bénéficient pas encore d’un réseautage. De plus, on peut

se demander si leur expérience d’enseignement acquise dans leur pays d’origine est

prise en compte pour être acceptés dans une commission scolaire.

o Les contrats à temps partiel ou à la leçon et l’accès à la liste de rappel

La commission scolaire peut recruter à l’interne et parfois à l’externe les

candidates et les candidats à qui décerner des contrats à temps partiel ou à la leçon

(Gouvernement du Québec, 2003). Il reste toutefois que la marge de liberté et

l’arbitraire dans l’octroi des contrats se sont beaucoup restreints pour les

commissions scolaires à la suite de l’obtention, au début des années 1990, du droit de

rappel pour les enseignantes et les enseignants selon l’ancienneté. Mais précisons

d’emblée la portée des deux formes de contrats précaires que sont le contrat à temps

partiel et le contrat à la leçon visés par le droit de rappel.

Comme le stipule l’article 5-1.11 de la Convention collective des enseignants

(CPNCF/CSQ, 2011), un contrat à temps partiel est attribué à la suppléante ou au

suppléant occasionnel engagé pour remplacer une enseignante ou un enseignant à

temps plein ou à temps partiel, lorsqu'il est préalablement déterminé que la période

d'absence de cette enseignante ou cet enseignant est supérieure à deux mois

consécutifs. Un contrat à temps partiel est donné à toute personne qui est employée :

a) pour une journée scolaire non complète durant toute l'année scolaire, b) pour une

semaine scolaire non complète durant toute l'année scolaire, c) pour une année

scolaire non complète. Quant au contrat à la leçon, l’article 5-1.10 de la convention

collective prévoit qu’il est accordé «à une personne dont l’enseignement qu’elle

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accepte de donner correspond au 1/3 ou moins du maximum annuel de la tâche

éducative d’une enseignante ou d’un enseignant à temps plein» (Ibid., p.14).

Concernant le fonctionnement même du droit de rappel, c’est la convention

collective des enseignants de 1989-1991 qui a introduit l’idée de liste de rappel par

ancienneté pour l’octroi des contrats à temps partiel ou à la leçon. Cette liste de

rappel, appelée aujourd’hui «liste de priorité d’emploi» dans la convention collective,

régit aussi l’accès aux postes réguliers depuis 1996 (Gouvernement du Québec,

2003; Mukamurera, 2011a). Chaque commission scolaire détermine à sa façon les

modalités d’accès à cette liste. Selon l’étude de Mukamurera et Gingras (2004, p.15),

«il faut effectuer un certain nombre de contrats en un temps donné pour accéder à une

liste prioritaire». Par ailleurs, l’accès à une liste de priorité ne signifie pas qu’on va y

demeurer si on n’a pas encore atteint la permanence. Une mauvaise évaluation ou

l’expiration du permis d’enseigner sont des causes qui conduisent une enseignante ou

un enseignant à être rayé de la liste. De plus, un enseignant qui passe trois ans sans

obtenir de contrat est radié de cette liste de rappel ou de priorité (Gouvernement du

Québec, 2003). Or, compte tenu de la précarité d’emploi, l’obtention d’un premier

emploi ne garantit pas la continuité du contrat ou l’obtention d’un autre (Mukamurera

et Gingras, 2004). Ainsi, soulignent ces auteures, ceux ou celles qui n’arrivent pas à

se maintenir sur cette liste jusqu’à la permanence retombent à la case de départ et

doivent encore attendre le nombre de contrats requis pour que leur nom soit remis sur

la liste de rappel ou de priorité. Notons aussi que cette étude relève que l’ancienneté

acquise dans une commission scolaire n’est pas prise en compte dans une autre

commission scolaire. Corollairement, tous ces temps d’attente et de retour au point de

départ ne font que retarder leur processus d’IP.

o Contrat à temps plein régulier et permanence

Comme nous l’avons mentionné plus haut, la commission scolaire a

l’obligation de passer par la liste de priorité d’emploi pour attribuer des contrats

Page 28: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

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précaires, mais aussi pour combler des postes à temps plein régulier. Selon la

Convention collective (CPNCF/CSQ, 2011), un contrat à temps plein régulier est

attribué à toute enseignante ou tout enseignant recruté entre le 1er

juillet et le 1er

décembre et qui enseigne jusqu’à la fin de l’année scolaire. Le contrat à temps plein

régulier est renouvelable automatiquement à la fin de l’année scolaire, à moins qu’il y

ait un excédent d’effectifs enseignants à la commission scolaire justifiant un non

rengagement (Article 5-1.08). Ce n’est que lorsque l’enseignante ou l’enseignant

entame une troisième année de service continu à temps plein régulier à la même

commission scolaire qu’elle ou qu’il obtient enfin la permanence d’emploi (Article,

5-3.8). Eu égard à cette condition et compte tenu de la précarité du marché de

l’emploi en enseignement ainsi que du principe de priorité d’ancienneté et des critères

d’accès à la liste de priorité, certains nouveaux enseignants et nouvelles enseignantes

peuvent passer plusieurs années avant d’atteindre la permanence.

Nous venons de voir les règles qui régissent l’embauche du personnel

enseignant dans les commissions scolaires au Québec. Le point suivant traite de leur

affectation dans les écoles.

- Les modalités d’affectation du personnel enseignant

L’affectation du personnel enseignant tient compte des besoins exprimés par

les directions d’école (Gouvernement du Québec, 2003) et du critère d’ancienneté à la

commission scolaire (Mukamurera et Gingras, 2004; Mukamurera, 2011a). Selon ces

derniers auteurs, cette affectation qui met en avant le critère d’ancienneté à la

commission scolaire n’est pas favorable aux nouvelles enseignantes et nouveaux

enseignants, en particulier lorsqu’ils sont à statut précaire puisque leurs tâches sont

déterminées après l’affectation des enseignantes et enseignants réguliers. Elles ou ils

se voient donc attribuer toutes sortes de tâches résiduelles souvent difficiles. De plus,

étant donné la courte durée des contrats obtenus, les nouveaux enseignants et

nouvelles enseignantes se retrouvent sans emploi à la fin de l’année scolaire et sont

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obligés d’attendre une autre affectation. Et là encore, la durée d’attente varie en

fonction du rang occupé sur la liste de rappel ou de priorité d’emploi.

Cette section sur les mécanismes légaux et réglementaires d’accès à la

profession enseignante nous a permis de montrer que différentes voies sont possibles

pour obtenir l’autorisation d’enseigner au Québec et que malgré toutes ces

possibilités d’accès à la profession, les règles d’embauche et d’affectation fondées sur

le critère d’ancienneté rendent difficiles les conditions d’entrée dans l’enseignement.

En effet, certaines enseignantes ou certains enseignants doivent passer beaucoup de

temps avant d’obtenir leur premier contrat ou d’accéder à la liste de rappel ou de

priorité d’emploi. Tout cela pèse sur leur insertion qui se fait dans un contexte de

baisse démographique qui affecte les besoins de recrutement. Le point qui suit fait

état de la situation d’IP des enseignantes et enseignants au Québec.

1.2 La situation de l’IP en enseignement au Québec

D’entrée de jeu, il importe de souligner que l’IP est un concept polysémique qui

comporte plusieurs dimensions, notamment l’insertion dans la sphère de l’emploi et

du travail, l’insertion au niveau organisationnel et l’insertion au plan de la

professionnalité (Mukamurera, 2005b; Mukamurera, Bourque et Gingras, 2008).

Selon ces auteurs, ces dimensions comportent toutes des défis pour les enseignantes

et enseignants qui débutent leur carrière.

Sur le plan de l’insertion dans la sphère de l’emploi et du travail, les recherches

confirment que le personnel enseignant débutant occupe des emplois précaires

(Mukamurera, 1999; Mukamurera, Dezuter et Uwamariya, 2004; Mukamurera et

Gingras, 2005; Mukamurera, 2005a; Mukamurera, 2011a; Mukamurera, 2011b; G.

Nault, 2008; T. Nault, 2003), qui se matérialisent par des contrats courts et à temps

partiel, des contrats à la leçon, des enseignements à taux horaire et des suppléances

occasionnelles (Mukamurera et Gingras, 2005; Nault, 2004). Cette précarité

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d’emploi, principale voie d’entrée en carrière, leur impose toutes sortes de

changements: changement d’école, de commission scolaire, de niveau

d’enseignement et de champ de formation (Mukamurera et Martineau, 2009). En

conséquence, la précarité alourdit et retarde leur processus d’insertion au plan

professionnel (Gingras et Mukamurera, 2008) puisqu’«il faut deux ou trois années

d’enseignement dans une même tâche pour qu’un enseignant puisse en accomplir

correctement diverses composantes» (COFPE, 2002, p.26). Comme le soulignent

Mukamurera et al. (2004), «la validation, le réinvestissement et la consolidation des

pratiques et savoirs d’expérience deviennent plus difficiles, faute de temps disponible

et de continuité dans les situations de pratique» (p.14-15).

Outre cette précarité d’emploi, les jeunes enseignantes et enseignants

travaillent dans des conditions difficiles (Gervais, 1999; Mukamurera, 2011a;

Mukamurera et Balleux, 2013; Mukamurera et al., 2004). Ils ou elles se voient

confier «des tâches difficiles, parfois dans plusieurs écoles ou comportant plusieurs

programmes…» (Nault, 2003, p.25). Les recherches sur les jeunes enseignantes et

enseignants du préscolaire, du primaire et du secondaire au Québec (Mukamurera et

Balleux, 2013; Mukamurera et al., 2008) indiquent que les novices font aussi face à

des classes difficiles composées d’enfants ayant des problèmes d’indiscipline, des

problèmes d’apprentissage et qui manquent de motivation pour apprendre. La

lourdeur de la tâche, les groupes-classes difficiles, la précarité d’emploi et le manque

de soutien constituent d’ailleurs les principaux facteurs d’abandon de l’enseignement.

Sur le plan de l’insertion au niveau institutionnel, les jeunes enseignantes et

enseignants font face à des défis d’intégration à la culture de l’école et à l’équipe des

enseignants (Martineau, Gervais, Portelance et Mukamurera, 2008) : «ils se sentent

souvent un peu perdus, puisqu’ils ne connaissent généralement ni le fonctionnement

de l’école, ni les habitudes de l’équipe en place et qu’ils doivent donc s’adapter à

toutes ces nouveautés» (p.2). Comme le soulignent également Dufour et Jurado

(2004) et Mukamurera (2011b), le passage de l’université à l’école est souvent vécu

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comme un choc, un choc d’un monde inhabituel dans lequel ils doivent s’intégrer. Ils

auraient donc besoin d’un milieu accueillant avec des collègues qui collaborent avec

eux et les soutiennent. Cependant, il ressort des différents écrits que certains

enseignants débutants ne profitent pas de mesures d’accueil particulières (COFPE,

2002; Mukamurera et al., 2004). Par ailleurs, même dans les écoles où des activités

d’intégration sont organisées, l’accueil est souvent limité à certaines activités sociales

ou administratives et ne couvre pas les divers besoins des enseignantes et

enseignants débutants (Mukamurera, 2005b).

Devant la complexité des difficultés que rencontrent les nouvelles

enseignantes et nouveaux enseignants, certains trouvent intenable de poursuivre la

carrière. Au Québec, de 15 à 25 % de jeunes enseignantes et enseignants abandonnent

la profession au cours des cinq premières années (Gouvernement du Québec, 2003;

Mukamurera et al., 2008). Plus particulièrement, ce sont les enseignantes et

enseignants débutants à statut précaire qui pensent beaucoup plus à abandonner

(76 %) durant les cinq premières années d’enseignement, contrairement à 37 % de

ceux ayant un statut régulier. La lourdeur de la tâche, les groupes-classes difficiles, la

précarité d’emploi, l’écart entre leurs attentes et la réalité de l’enseignement sont

autant de facteurs qui motivent l’abandon de la carrière (Céré, 2003; Mukamurera et

al., 2008; Mukamurera, 2005a).

Il importe de souligner que malgré toutes ces difficultés d’IP du personnel

enseignant débutant, le MELS n’a pas mis en place de programme national de soutien

à l’IP (COFPE, 2002; Mukamurera, Martineau, Bouthiette et Ndoreraho, 2013).

Toutefois, quelques initiatives locales existent (Lamontagne, Arsenault et Marzouk,

2008; Mukamurera, Martineau et Vallerand, 2010; Mukamurera et al. , 2013) mais

les résultats des études portant sur les programmes d’insertion professionnelle (PIP)

destinées aux enseignantes et enseignants débutants montrent que ces PIP sont

récents au Québec (Lamontagne et al., 2008; Mukamurera et al., 2013) et qu’on est

loin d’atteindre l’idéal. Selon l’étude de Lamontagne et al. (2008), certaines

Page 32: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

30

organisations exigent un contrat pour être admissible au programme, d’autres tablent

sur le nombre d’années d’expérience pouvant aller d’un an à cinq ans, d’autres

autorisent à tous leurs débutants l’accès au programme tandis que d’autres permettent

l’accès après avoir accumulé 400 jours de travail. L’analyse des programmes de

soutien à l’IP à l’enseignement faite par Mukamurera et al. (2010) corrobore ces

résultats. En effet, il ressort que la majorité des PIP ne sont accessibles qu’aux

enseignantes et enseignants ayant un contrat ou un poste, à ceux ayant une expérience

d’enseignement variant de un an à cinq ans selon les CS. Rares sont les PIP qui sont

accessibles aux enseignantes et enseignants suppléants ou qui ciblent les enseignantes

et enseignants de migration récente. Au regard de ces critères d’inclusion, il s’avère

important de souligner que beaucoup d’enseignantes ou enseignants débutants sont

laissés à eux-mêmes puisqu’il leur faut plus d’une année d’expérience et être sous

contrat pour bénéficier du PIP.

*

* *

Nous venons de brosser le portrait du contexte de l’insertion en enseignement

au Québec. C’est ainsi que l’assouplissement des conditions d’accès et de

qualification à la profession enseignante au Québec a élargi les voies d’accès à la

profession enseignante et qu’à la suite à de cette mesure, le personnel enseignant

immigrant formé à l’extérieur du Canada peut être autorisé à enseigner au Québec s’il

remplit les conditions exigées. Cependant, bien que cela paraisse en soi intéressant

pour favoriser l’accès de ces enseignants à la profession enseignante, leur insertion

dans le réseau scolaire québécois suscite des interrogations. Si leurs collègues

d’origine québécoise connaissent des difficultés d’insertion qui conduisent parfois à

l’abandon de la profession (Mukamurera, 2005b; Mukamurera et al., 2008;

Mukamurera et Balleux, 2013), qu’advient-il à ces enseignantes et enseignants

immigrants formés à l’étranger qui tentent de s’insérer dans un réseau et un milieu

différents à plusieurs égards?

Page 33: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

31

2 LE PROBLÈME DE RECHERCHE ET LA RECENSION DES ÉCRITS

Dans cette section, nous décrivons en premier lieu comment se pose le

problème de l’IP des enseignantes et enseignants de migration récente au Québec. En

deuxième lieu, nous examinons l’état des connaissances sur l’IP des enseignantes et

enseignants immigrants dans les pays d’accueil. Cela permet d’avoir une

connaissance plus large de la situation de leur insertion et des défis auxquels ils

peuvent être confrontés.

2.1 L’insertion professionnelle des enseignantes et enseignants de migration

récente au Québec

La catégorie socioprofessionnelle sur laquelle porte notre recherche concerne

les enseignantes et enseignants immigrants. Il est à noter que nous nous intéressons

particulièrement aux enseignantes et enseignants de migration récente (EMR). Les

EMR arrivent au Québec avec une expérience d’enseignement de leur pays d’origine

et doivent procéder aux demandes d’équivalence de diplômes et d’autorisation

d’enseigner pour intégrer la profession enseignante au Québec. C’est pourquoi leur

accès à l’emploi et leur intégration sociale et professionnelle seront traités.

2.1.1 L’accès à l’emploi des enseignantes et enseignants de migration récente

Pour combler la pénurie de personnel enseignant, le gouvernement du Québec

a assoupli les conditions de qualification et d’accès à la profession enseignante. Cette

mesure donne l’occasion au personnel enseignant immigrant formé à l’étranger

d’accéder à la profession enseignante s’ils remplissent les conditions énumérées

précédemment. Cependant, bien que le besoin de main-d’œuvre en personnel

enseignant se fasse sentir et malgré cette mesure visant à faciliter l’accès à la

profession, les enseignantes et enseignants immigrants obtiennent difficilement

l’autorisation d’enseigner au Québec (Allard, 2007). Par exemple, cette journaliste

souligne que sur 900 enseignantes et enseignants qui ont soumis la demande en 2006,

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32

moins de la moitié (45%) ont obtenu leur autorisation d’enseigner. Selon elle, la

situation au Québec est loin d’être comparable à la situation de l’Ontario où plus de

90% des demandeurs ont obtenu leur autorisation. Par ailleurs, elle avance que,

malgré le manque d’enseignants qualifiés au Québec, «un parcours de combattant

attend les immigrés qui veulent enseigner ici» (p.2). En effet, écrit-elle, on exige

d’eux beaucoup de documents à fournir, ce qui complique l’accès à la profession pour

ceux et celles qui n’arrivent pas à collecter tous les documents requis. Cependant,

cette journaliste ne manque pas de souligner que les choses vont en s’améliorant

quand elle écrit que «le taux de demandes non admissibles était plus élevé

auparavant, se chiffrant à 57% en 2001-2002». Cela va d’ailleurs dans le même sens

que les données de productions internes du MELS (Martel, 2010) comme on peut le

remarquer au tableau 1:

Tableau 1

Nature de la dernière autorisation émise au personnel enseignant de migration récente

formé à l’extérieur du Canada depuis 1998-19992

Cohorte Brevet

d’enseignement

Permis

d’enseigner

Autre

autorisation

Total

1998-1999 55 74 129

1999-2000 59 82 141

2000-2001 53 97 1 151

2001-2002 49 57 106

2002-2003 88 98 1 187

2003-2004 117 156 6 279

2004-2005 117 215 1 333

2005-2006 120 275 4 399

2006-2007 21 329 5 355

2007-2008 4 332 12 348

2008-2009 2 264 266

2009-2010 96 207 303

2 Selon Martel (2010), une cohorte se rapporte à l’année scolaire (du 1er juillet au 30 juin), période où

l’autorisation a été délivrée. Il note aussi que pour 2009-2010, les données dans le tableau ne comptent

pas l’effectif des enseignants qui ont obtenu les autorisations après le 22 juin 2009.

Page 35: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

33

Source : Martel (2010). Données de production interne du ministère de l’Éducation,

du Loisir et du Sport.

L’analyse des données de ce tableau permet de constater que les enseignantes

et enseignants immigrants formés à l’extérieur du Canada obtiennent une autorisation

d’enseigner (le brevet d’enseignement, le permis provisoire ou une autre autorisation

provisoire). Dans la colonne indiquant le total, on remarque que le nombre de

personnes ayant obtenu l’autorisation d’enseigner n’a cessé d’augmenter depuis

2002-2003. Cependant, on ne trouve pas dans le tableau, pour chaque cohorte, le total

des personnes qui ont fait la demande. Cela aurait permis de mieux évaluer le

pourcentage des refus. Par exemple, la journaliste Allard (2007) rapporte 900 dossiers

de demande d’autorisation d’enseigner déposés en 2006, mais on voit que, dans la

colonne qui rapporte le total pour la cohorte 2006-2007, seulement 355 personnes ont

obtenu une autorisation d’enseigner (21 brevets, 329 permis et cinq autres

autorisations). Si ce chiffre de 900 dossiers est véridique, on peut penser que bon

nombre d’enseignants n’obtiennent pas l’autorisation d’enseigner comme le souligne

Allard (2007). Soulignons aussi que l’examen de français peut constituer un obstacle

à l’accès à l’emploi pour beaucoup d’enseignantes et enseignants immigrants

(Lefèvre et al., 2002). Il est à remarquer que les enseignantes et enseignants

immigrants n’ont pas tous le même parcours migratoire. Certains, qui ont choisi

d’immigrer au Québec, connaissaient déjà les conditions pour accéder à un emploi en

enseignement alors que d’autres comme des réfugiés se retrouvent au Québec sans

connaître le français ou l’anglais.

Dans la colonne des brevets, nous remarquons des périodes où moins de

brevets ont été émis (de 1998-1999 à 2002-2003), des périodes où le nombre de

brevets émis était élevé (de 2002-2003 à 2005-2006) et des périodes où le nombre de

brevets émis a chuté de façon drastique (de 2006-2007 à 2008-2009). Eu égard à ce

constat, on peut penser que certains enseignants ou enseignantes n’arrivent pas à

remplir les conditions requises pour obtenir le brevet d’enseignement.

Page 36: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

34

Dans la colonne portant sur les autres autorisations d’enseigner, on remarque

que depuis dix ans (de 1998-1999 à 2007-2008), seulement 30 autorisations

provisoires ont été émises. On peut s’interroger à savoir si cela signifie que moins de

demandes avaient été faites. Si on compare cela à la situation de la cohorte 2009-2010

où 207 autorisations provisoires ont été délivrées en une année, on peut penser que

certains enseignantes et enseignants immigrants ont eu des difficultés à obtenir des

autorisations provisoires d’enseigner durant les dix dernières années.

De façon globale, nous remarquons que, de 1998-1999 à 2009-2010, 2997

enseignantes et enseignants de migration récente ont obtenu une autorisation

d’enseigner au Québec. Ainsi, 685 brevets d’enseignement, 2075 permis d’enseigner

et 237 autorisations provisoires d’enseigner ont été émis. Compte tenu de ce nombre

assez important d’enseignantes et enseignants de migration récente qui obtiennent les

autorisations d’enseigner, il s’avère pertinent de savoir s’ils accèdent à l’emploi. Le

tableau 2 donne les détails sur la situation de leur accès à l’emploi.

Page 37: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

35

Tableau 2

Répartition du personnel enseignant de migration récente ayant obtenu l’autorisation

d’enseigner depuis 1998 par rapport à l’accès à l’emploi ou non dans une commission

scolaire publique et le statut occupé

Emploi comme enseignant Emploi

autre

Sous-total

à l’emploi

des CS

Personnes

non à

l’emploi

des CS

Total

Année régulier Temps

partiel

Appoint

1998-

1999

31 26 19 3 79 50 129

1999-

2000

33 35 18 2 88 53 141

2000-

2001

43 25 29 2 99 52 151

2001-

2002

38 22 17 2 79 27 106

2002-

2003

53 57 17 2 129 58 187

2003-

2004

64 85 49 1 199 80 279

2004-

2005

57 141 54 2 254 79 333

2005-

2006

48 168 61 6 283 116 399

2006-

2007

12 139 82 9 242 113 355

2007-

2008

5 104 73 12 194 154 348

2008-

20093

3 32 594 5 99 167 266

2009-

20104

3 10 9 4 26 277 303

Source du tableau 1: Martel (2010). Données de production interne du ministère de

l’Éducation, du Loisir et du Sport.

3 Pour la cohorte (2008-2009), Martel (2010) note qu’il est possible que plusieurs autorisations

puissent avoir été émises en fin d’année scolaire en prévision pour l’année scolaire qui suit pour

laquelle les données ne sont pas fournies.

4 Pour la cohorte 2009-2010, Martel indique qu’il manque les données de l’année scolaire 2009-2010.

Les effectifs dans le tableau pour cette cohorte représentent les enseignants qui ont été engagés avant

d’avoir une autorisation légale pour enseigner.

Page 38: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

36

Ce tableau montre que le personnel enseignant de migration récente accède à

l’emploi dans les commissions scolaires publiques. Le calcul de l’effectif total dans la

colonne «Sous-total à l’emploi des CS» permet de savoir que 1771 enseignantes et

enseignants de migration récente ont obtenu un emploi dans les commissions

scolaires publiques sur les 2997 qui ont obtenu les autorisations d’enseigner depuis

1998. Plus de la moitié, 59% (1771/2997), des personnes ont accédé à l’emploi.

Parmi eux, 390 enseignent à temps plein, 844 enseignent à temps partiel et 487 ont un

statut de suppléant («appoint»), 50 occupent un emploi autre que l’enseignement.

Nous remarquons qu’un grand nombre d’entre eux occupent des emplois dits

précaires, notamment des emplois de suppléants ou à temps partiel.

Il ressort aussi, après le calcul de l’effectif total dans la colonne titrée «Personnes non

à l’emploi des CS», qu’un nombre non négligeable, 41% (1226/2997), de ceux qui

ont obtenu une autorisation d’enseigner n’accèdent pas à l’emploi dans le réseau

scolaire public. Bien que les productions internes du MELS (Martel, 2010) indiquent

que les 1226 enseignantes et enseignants non à l’emploi dans le réseau public peuvent

être à l’emploi dans les institutions d’enseignement privées, on peut se demander si

toutes ces personnes ont pu trouver un emploi dans les établissements privés. Étant

donné que le réseau scolaire public demeure le plus grand employeur de personnel

enseignant, il se pourrait qu’un bon nombre d’enseignantes et enseignants de

migration récente n’accèdent pas à l’emploi dans le réseau scolaire public ou

l’enseignement privé et que, comme les immigrants en général, ils ont la difficulté à

intégrer le marché du travail québécois. À cet égard, Boudarbat (2011) indique que

malgré la sélection des immigrantes et immigrants sur la base de leurs qualifications,

certaines immigrantes et immigrants accèdent difficilement au marché du travail. Il

précise que les immigrantes et immigrants font généralement face à plusieurs

obstacles qui freinent leur accès à l’emploi, notamment le manque de reconnaissance

des compétences acquises dans leur pays d’origine, le manque d’expérience et de

référence dans le pays d’accueil, le manque de contacts dans le marché du travail, le

manque d’emplois dans leurs domaines de formation, les barrières linguistiques ainsi

Page 39: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

37

que la discrimination à l’embauche. La plupart des immigrantes et immigrants

subissent d’ailleurs une déqualification d’autant plus qu’ils se retrouvent à occuper,

pendant un certain temps, des emplois pour lesquels ils sont surqualifiés avant de

trouver un emploi qui répond à leurs qualifications (Boudarbat, 2011; Lacroix, 2013).

Après avoir montré des données sur l’accès à la profession enseignante pour le

personnel enseignant de migration récente et mis en relief les défis IP communs aux

autres immigrants qualifiés, nous traitons maintenant l’insertion des EMR dans le

milieu scolaire.

2.1.2 L’intégration sociale et professionnelle du personnel enseignant de migration

récente dans le milieu scolaire

Les EMR s’insèrent dans des contextes scolaires et culturels nouveaux. En

effet, ils viennent de pays qui ont des cultures et des systèmes d’enseignement

différents de ceux de la société québécoise. Ils sont comme des débutants dans le

système scolaire québécois d’autant plus qu’ils ne maîtrisent ni la culture québécoise,

ni le système scolaire, ni les modèles d’enseignement en usage au Québec. Comme

l’indique Vallerand et Martineau (2006), «ils doivent passer par tout un processus

d’adaptation, afin de parvenir à devenir des enseignants efficaces dans le contexte

québécois» (p. 1).

Au plan professionnel, ils doivent non seulement appliquer l’approche

d’enseignement en usage au Québec, mais aussi préparer leur enseignement en

fonction des finalités de l’école québécoise. Or, comme l’indiquent Vallerand et

Martineau (2006), passer d’un système d’enseignement à un autre demande une

grande capacité d’adaptation. En effet, les enseignantes et enseignants immigrants

peuvent être influencés par les approches d’enseignement de leurs pays d’origine

alors qu’elles peuvent ne pas être compatibles avec celles de la société d’accueil.

C’est ce qu’observent les auteurs:

Page 40: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

38

Au Canada et au Québec où l’approche socioconstructiviste de

l’éducation est très répandue, l’enseignement est davantage centré

sur l’enfant et l’on privilégie une construction conjointe du savoir

par l’enseignant et les élèves à travers l’interaction avec les pairs.

D’autres pays ont une approche plus traditionnelle, où

l’enseignement magistral dirigé par l’enseignant occupe une large

part et où la mémorisation et le savoir livresque sont très

importants. (p. 2)

Ce passage d’un modèle d’enseignement traditionnel vers un modèle centré sur

l’apprenant modifie les rapports au savoir des enseignants (Maury et Caillot, 2003).

Les EMR doivent non seulement modifier leurs rapports à la matière et aux outils

d’enseignement, mais aussi leurs rapports aux apprenants. Ayant déjà développé des

automatismes vis-à-vis de leurs anciennes pratiques, la transition entre les deux

approches peut comporter d’énormes défis d’adaptation. Malgré leur longue

expérience, «la réalité de l’école québécoise exige de leur part de nouveaux

apprentissages» (Lépine, 2009, p.2). Ils doivent apprendre la signification des choses

dans le nouvel espace professionnel, changer leurs anciennes pratiques pour adopter

les nouvelles. Cela peut s’avérer difficile pour un nouvel arrivant qui ne maîtrise pas

encore le système scolaire québécois et le nouveau milieu dans lequel il doit

s’intégrer. Selon Bridges (2006), l’individu peut se sentir désorienté face aux

nouvelles façons de faire d’autant plus que les anciennes habitudes qui lui servaient

de guide sont bien ancrées. Selon cet auteur, une personne en situation de transition

peut se retrouver dans un état de «confusion» et avoir un sentiment de «perte de

repères». Devant les nouvelles exigences du métier, ces EMR peuvent aussi vivre un

état de confusion et un sentiment de perte de repères qui, en conséquence, peuvent

générer un sentiment d’incompétence pédagogique. Ainsi, ces EMR «auront besoin

d’un soutien continu et personnalisé afin de développer rapidement les connaissances

et les compétences nécessaires pour bien ‘lire les situations’» (Martineau et

Ndoreraho, 2006, p.6).

Au plan institutionnel, les EMR intègrent un nouveau milieu scolaire ayant

une culture et une organisation autres que ce à quoi elles ou ils étaient habitués. Les

Page 41: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

39

EMR doivent s’imprégner de cette culture non seulement pour une bonne intégration

dans le milieu, mais aussi pour travailler en harmonie avec les règles régissant le

fonctionnement de l’école. Elles ou ils intègrent ainsi une communauté. Comme, dans

leur quotidien, les EMR doivent interagir avec les élèves, les collègues, le personnel

de direction et les parents d’élèves et qu’elles ou ils sont porteurs d’une culture

différente de celles des autres membres de la communauté, la communication peut

comporter des défis. En effet, certains auteurs comme Bidou-Houbaine (2005);

Camilleri et Cohen Émerique (1989) et Muhammad (2005) posent que la rencontre

entre deux personnes de cultures différentes est souvent source de malentendus,

d’incompréhension et de coupure de communication. Cela peut affecter leurs

relations. Or, pour réussir leur intégration tant au plan professionnel que social, les

EMR ont besoin de collègues qui les aident non seulement dans la préparation des

cours, mais aussi qui leur apprennent la culture québécoise et celle de l’école en

particulier. Ils ont aussi besoin de collaborer avec la direction et les parents pour le

suivi des élèves. Il appert que les difficultés de communication entre l’enseignante ou

l’enseignant de migration récente et le reste de la communauté peuvent nuire à son

intégration sociale et professionnelle.

Qui plus est, au Québec, les enseignantes et enseignants sont appelés à jouer

un rôle de passeur culturel (Gouvernement du Québec, 2001). De ce fait, ils doivent

avoir des compétences culturelles et linguistiques pour être capables d’orienter «les

apprentissages et le rapport au savoir des élèves dans une certaine direction»

(Desaulniers et Jutras, 2007, p.137). On peut alors penser que, dans certains cas, des

lacunes dans la maîtrise de la culture québécoise et de la langue d’enseignement

peuvent nuire à l’intégration socioprofessionnelle des enseignantes EMR.

Afin de faciliter l’intégration sociale et professionnelle du personnel

enseignant immigré depuis moins de trois ans au Québec, la commission scolaire

(CS) de Laval leur offre trois formations d’une demi-journée chacune (CNIP, 2008).

Ces enseignantes et enseignants reçoivent d’abord une formation sur l’interculturel

Page 42: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

40

dans le but de favoriser leur transition socioculturelle. Ensuite, elles ou ils sont

informés de la réalité de l’école (les caractéristiques de la culture de l’école, le

contexte multiculturel de l’enseignement) et de la jeunesse québécoise. Enfin, ils ou

elles reçoivent une formation pratique sur les compétences à développer en matière

de discipline des élèves, de gestion de la classe et d’apprentissage centré sur

l’apprenant. En plus de ces formations, ces enseignantes et enseignants bénéficient,

comme tous les autres enseignants et enseignantes débutants de cette CS, d’une

trousse d’accueil et de l’accompagnement par un mentor. Toutefois, aucune recherche

n’a été faite auprès de ces enseignantes et enseignants pour évaluer la portée des

formations et des services offerts quant à la réussite de leur IP. Soulignons qu’on ne

retrace pas d’écrits sur ce qui se fait à l’égard de personnel enseignant de migration

récente dans les autres commissions scolaires.

Nous venons de montrer qu’un nombre assez important d’enseignantes et

enseignants de migration récente accèdent à l’emploi dans les commissions scolaires

au Québec et qu’ils peuvent faire face à de multiples défis d’insertion au niveau

institutionnel et professionnel. Mais, il n’existe pas de connaissances sur la situation

de leur insertion dans le milieu scolaire. Que nous apprennent les écrits sur la

situation de l’IP du personnel enseignant immigrant dans les autres provinces

canadiennes et ailleurs en Occident?

2.2 La recension des écrits sur l’IP du personnel enseignant immigrant au

Canada et ailleurs en Occident

Comme le suggère Fortin (2006, p.69), «avant de définir la question de

recherche, il est nécessaire de prendre en compte les connaissances acquises sur le

sujet que l’on se propose d’étudier». Afin de nous enquérir de l’état des

connaissances sur notre sujet de recherche, nous avons fait une recherche

bibliographique pour recenser des écrits portant sur l’IP du personnel enseignant

immigrant. Pour effectuer cette recherche, différentes banques de données ont été

consultées: le catalogue Crésus de la bibliothèque de l’Université de Sherbrooke, les

Page 43: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

41

bases de données ERIC et Francis, le catalogue des mémoires et thèses Proquest

ainsi que des outils de recherche Internet comme Google. Les recherches ont été

faites en français et en anglais pour accéder à un maximum d’écrits. Les mots-clés

utilisés en français sont les suivants: enseignants immigrants, enseignants de

migration récente, personnel enseignant immigrant, enseignants étrangers, insertion

des enseignants immigrants. En anglais, les mêmes mots-clés ont été repris:

immigrant teachers, teachers of recent migration, immigrant teaching personnel,

foreign teachers, integration of immigrant teachers. La majorité des écrits recensés,

particulièrement les articles scientifiques qui rendent compte de résultats de

recherches empiriques, proviennent du monde anglo-saxon. Il importe de souligner

qu’aucun article scientifique rapportant des résultats d’une recherche portant sur la

situation des enseignantes et enseignants immigrants au Québec n’a été retracé. En

tout, 26 documents ont été recensés. Cependant, compte tenu que la recension est un

processus évolutif, d’autres écrits ont été recensés lors de l’élaboration des articles de

cette thèse. Le tableau qui suit présente le corpus des écrits recensés lors de

l’élaboration de la problématique et lors de sa révision.

Tableau 3

Le corpus

Types d’écrits Provenance Type de recherche Technique de

collecte de données

17 articles

scientifiques dont

15 avec des

résultats

empiriques:

-Ontario (7)

-Australie (3)

-Québec (1)

-États-Unis (3)

-Israël (3)

Quantitative (4)

Qualitative (11)

- Questionnaire +

Interview + focus

group (1)

- Questionnaire +

Interview (2)

- Questionnaire (2)

- Interview semi-

structuré (6)

- Interview +

Observation (2)

-Interview + focus

group (1)

-Interview (récit de

Page 44: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

42

vie) (1)

1 chapitre de

collectif

Ontario Qualitative Interview semi-

structuré

1 Rapport d’étude Grande Bretagne quantitative Questionnaire

2 Thèse de doctorat Ontario

Manitoba

Qualitative

Quantitative

Interview +

Observation

Questionnaire+

interview

3 articles

professionnels

Ontario Sondage d’opinion

1 brochure

d’information en

ligne

-Israël Néant Néant

Deux thèmes ressortent de l’analyse des documents recensés : les difficultés

d’IP spécifiques aux enseignantes et enseignants immigrants et les éléments

favorables à leur IP.

2.2.1 Les difficultés d’IP des enseignantes et enseignants immigrants

Selon les différentes recherches effectuées dans les autres provinces

canadiennes, aux États-Unis et ailleurs comme en Israël et en Australie, les

enseignantes et enseignants immigrants font face à des difficultés qu’on peut classer

en quatre catégories : les difficultés d’accès à l’emploi, les difficultés d’intégration à

la culture de l’école et à l’équipe des autres enseignants, les difficultés relatives au

manque de reconnaissance des compétences acquises dans leurs pays d’origine ainsi

que les difficultés relatives au rôle d’enseignant, particulièrement des difficultés au

plan des pratiques d’enseignement et des problèmes de gestion de classe.

- Les difficultés d’accès à l’emploi

Les enseignantes et enseignants immigrants accèdent difficilement à l’emploi

dans les pays d’accueil. Que ce soit au Canada (Deters, 2006), aux États-Unis (Ross,

2001) et en Australie (Reid, 2005), on observe un taux élevé de chômage et de sous-

emploi des enseignantes et enseignants immigrants.

Page 45: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

43

L’accès à l’emploi requiert une autorisation d’enseigner qui impose des

procédures longues et coûteuses (Phillion, 2003). Selon cet auteur, la recherche faite

en Ontario sur les obstacles à l’accès à l’emploi en enseignement pour les femmes

immigrantes a été menée auprès de cinq candidates immigrantes de minorités visibles

à la certification pour enseigner. Les résultats révèlent qu’en plus des longues

procédures, les enseignantes ont eu des difficultés à payer les frais de 250$ exigés

pour obtenir l’équivalence de leurs diplômes. En effet, en attendant d’être

embauchées comme enseignantes, la plupart occupent des emplois à salaire minimum

qui ne leur permettent pas de faire des économies et de réunir les frais exigés pour le

service. Même si une fois que les frais ont été couverts et qu’elles obtiennent une

autorisation temporaire d’enseigner, l’accès à l’emploi demeure difficile. En effet, on

leur exige d’avoir une expérience canadienne et une lettre de référence d’un directeur

d’école (Beynon, Ilieva et Dichoupa, 2004; Deters, 2006; Duchesne et Stitou, 2010;

Jamieson et McIntyre, 2006; McIntyre, 2004; Phillion, 2003). À en croire ce dernier,

l’expérience canadienne est exigée même pour effectuer un remplacement. Il relève

d’ailleurs que l’obtention d’une entrevue avec un conseiller d’établissement n’est

possible qu’avec une lettre de recommandation. C’est ainsi que certaines enseignantes

et certains enseignants immigrants considèrent que le bénévolat constitue le meilleur

moyen d’accéder à l’expérience, mais beaucoup ont même de la difficulté à trouver

une école qui leur offre cette possibilité de faire leurs preuves (McIntyre, 2004;

Phillion, 2003).

Les difficultés d’accès à l’emploi peuvent également être dues à des barrières

linguistiques et culturelles (Beynon et al., 2004; Cruickshank, 2004; Elbaz-Luwisch,

2004; Maureen, 1992; Gordon, 1996; Myles, Cheng et Wang, 2006; Phillion, 2003;

Reid, 2005; Remennick, 2002). Leur manque de maîtrise de la langue et de la culture

du pays d’accueil constitue en effet un frein à leur accès à l’emploi (Dakin, 1971). Par

exemple, les participants à l’étude d’Elbaz-Luwisch (2004) sur les enseignants

immigrants en Israël racontent comment il leur arrivait d’afficher des comportements

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44

inopportuns à cause de la méconnaissance de la langue et des codes culturels. Quant

aux enseignants d’origine russe ayant participé à l’étude de Remennick (2002) en

Israël, ils avouent que leur principal motif d’abandon de la profession était la non-

maîtrise de l’hébreu, langue d’enseignement en Israël. En Ontario, les enseignantes et

enseignants immigrants ayant pris part à l’étude de Myles et al. (2006) soulignent

combien ils sont perçus comme différents à cause de leur accent. De même, les

participantes à l’étude de Phillion (2003) en Ontario déplorent le fait qu’elles

n’arrivaient pas à réussir le test oral à cause de leur accent et de leur manque de

fluidité en anglais. Aux États-Unis, une participante à l’étude de Gordon (1996)

mentionne qu’on lui a refusé un emploi à cause de son accent. En Australie, les

enseignants immigrants ayant participé à l’étude de Cruickshank (2004) notent qu’ils

perdaient confiance en eux-mêmes à cause de leur manque de maîtrise de l’anglais,

langue d’enseignement. D’autres disent qu’ils se sentent inférieurs à cause de leur

accent comme en témoignent les enseignants d’origine russe en Israël dans la

recherche de Remennick (2002). Au Québec où l’obtention du permis d’enseigner est

conditionnelle à la réussite du test de français ou d’anglais, celui-ci peut constituer un

obstacle aux enseignantes et enseignants immigrants qui ne maîtrisent pas la langue

française (Lefebvre et al., 2002) ou la langue anglaise, selon les CS où ils vont

enseigner.

Enfin, l’obligation de reprendre les études ou de les compléter en suivant un

certain nombre d’unités de cours pour obtenir le permis officiel d’enseignement pose

un problème de taille aux enseignantes et enseignants immigrants (Beynon et al.,

2004; Maureen, 1992). Selon ce dernier auteur, certaines enseignantes et certains

enseignants immigrants trouvent que rien ne leur garantit qu’ils obtiennent un poste

d’enseignant après leur certification. Reprendre le chemin de l’école peut aussi

paraître fastidieux pour certaines enseignantes et certains enseignants plus âgés qui

doutent de leurs capacités à réussir les études (Cruickshank, 2004; Gordon, 1996). De

plus, la précarité financière qui frappe la plupart des familles immigrantes ne permet

pas vraiment la conciliation études-travail-famille (Phillion, 2003).

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45

Nous venons de voir les difficultés auxquelles font face les enseignantes et

enseignants immigrants pour accéder à l’emploi et qui freinent leur IP. Voyons à

présent les difficultés d’intégration à la culture de l’école et à l’équipe des autres

enseignants.

- Les difficultés d’intégration à la culture de l’école et à l’équipe des autres

enseignants

Bien que la plupart des enseignantes et enseignants immigrants détiennent

déjà une expérience en enseignement, ils intègrent un nouveau milieu et une nouvelle

culture. Comme tous les débutants, ils ont besoin d’un milieu ouvert et de collègues

qui collaborent pour les aider à s’intégrer à la culture de l’école. Cependant, cela ne

se manifeste pas dans la réalité pour la plupart des enseignantes et enseignants

immigrants. Les différentes recherches faites au Canada (Bascia, 1996; Myles et al.,

2006; Phillion, 2003), en Israël (Remennick, 2002) et en Australie (Reid, 2005) sur

l’insertion du personnel enseignant immigrant soulignent que ces enseignants font

face à de grandes difficultés pour tisser des bonnes relations et collaborer avec leurs

collègues et le personnel de direction.

Dans l’étude de Bascia (1996) menée en Ontario auprès d’enseignantes et

enseignants immigrants issus des minorités visibles, les participants déplorent non

seulement le fait que, dans leurs interactions avec leurs collègues de race blanche, les

conversations restent à un niveau superficiel, mais aussi qu’ils vivent de l’isolement

social à l’intérieur même de l’école. Les résultats de la thèse de doctorat de Wang

(2003) portant sur la dissonance culturelle et l’adaptation des enseignants immigrants

d’origine chinoise en Ontario vont exactement en ce sens. Certains disent avoir vécu

beaucoup de frustration. D’autres avancent que cette période a été marquée par

l’anxiété, le stress et la pression. Ces enseignants déplorent également la distance,

l’indifférence et la méfiance du personnel de direction à leur égard.

Page 48: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

46

En Israël, certains participants à l’étude de Remennick (2002) notent que leurs

relations avec leurs collègues israéliens sont conflictuelles. Les enseignants d’origine

russe perçoivent que les enseignants israéliens les considèrent comme des menaces à

leur emploi et qu’ils les tiennent à l’écart. De plus, ces enseignants immigrants

d’origine russe disent que les enseignants israéliens ne veulent pas collaborer avec

eux ni leur servir de mentors. Ces enseignants soulignent également l’absence de

collaboration avec les conseillers scolaires et les parents d’élèves. D’ailleurs, ceux-ci

se rangent habituellement du côté de leurs enfants en cas de conflit avec ces

enseignantes ou enseignants. Ce comportement des parents et des conseillers ne fait

qu’accroître leur sentiment d’impuissance dans leurs interactions avec les élèves

difficiles. Dans une recherche australienne sur l’importance du mentorat dans la

transition professionnelle du personnel enseignant immigrant, Peeler et Jane (2005)

rapportent qu’une participante considère que l’échec de sa relation avec son mentor a

affecté ses relations avec les autres membres du personnel enseignant.

Au Canada et aux États-Unis, les problèmes de racisme et de discrimination

auxquels font face certains enseignants immigrants bloquent la réussite de leur

intégration (Bascia, 1996; Phillion, 2003; Schmidt, 2010). Dans l’étude de Phillion

(2003), des enseignantes rapportent que leurs collègues ontariens refusent de leur

parler quand ils se trouvent ensemble dans le local des enseignants et que cela peut

même arriver en salle de classe pendant leur stage avec leur enseignante ou

enseignant associé. De plus, l’étude de Bascia (1996) met en évidence l’isolement des

enseignants immigrants de minorités visibles tant dans l’école qu’à l’extérieur de

l’école. À Toronto, des enseignants de race blanche ayant participé à l’étude de Carr

et Klassen (1997) affirment d’ailleurs que certains parmi eux sont racistes ou ont des

tendances racistes.

Page 49: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

47

- Les difficultés relatives au manque de reconnaissance des compétences

professionnelles des enseignants immigrants

Selon Lenoir-Achdjian (2005), la politique canadienne de sélection des

immigrants tient compte de leurs compétences et qualifications afin qu’ils puissent

trouver un emploi dans le pays d’accueil. Pour le cas des enseignantes et enseignants

immigrants, la plupart ont des diplômes universitaires et une grande expérience en

enseignement acquise dans leurs pays d’origine. Cependant, certains auteurs aux

États-Unis (Ross, 2001), au Canada (Beynon et al., 2004; Duchesne et Stitou, 2010;

Myles et al., 2006; Phillion, 2003) et en Australie (Reid, 2005) affirment que leurs

compétences ne sont pas prises en compte lors des procédures d’embauche. Ils sont

obligés de refaire une partie ou la totalité de leur formation. Mais cela ne garantit pas

pour autant l’accès à l’emploi (Beynon et al., 2004). Par exemple, en Ontario, les

enseignantes et enseignants immigrants ayant des compétences dans les matières où il

y a une pénurie d’enseignants n’arrivent pas à décrocher un emploi permanent

(Jamieson et McIntyre, 2006). McIntyre (2004, p.7) remarque que : «Malgré leur

expérience et le fait qu’ils sont certifiés, ils se retrouvent beaucoup plus souvent sous-

utilisés et confinés à des postes de suppléants que les diplômés ontariens ou les

Canadiens qui ont fait leurs études ailleurs.»

Non seulement les enseignants immigrants éprouvent-ils des difficultés

d’accès au travail, mais, quand ils en ont un, ils peuvent être victimes de préjugés.

Dans une étude faite aux États-Unis par Hwang et Baek (2005) portant sur les

perceptions des enseignants immigrants d’origine hispanique vis-à-vis de l’éducation,

les participants déplorent les stéréotypes négatifs de la population américaine à leur

égard ainsi que les préjugés et le niveau élevé d’attentes par rapport à leurs

compétences. Au Canada, les enseignants immigrants de minorités visibles peuvent

aussi être victimes de préjugés. Dans l’étude de Mujawamariya (2008), les

enseignantes et enseignants immigrants de race noire disent que les directions

d’établissements et leurs collègues enseignants doutent de leurs capacités à enseigner

les sciences. Ce dernier auteur souligne que ces préjugés «concourent à compliquer

Page 50: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

48

davantage leur insertion dans la carrière enseignante et à inhiber leur contribution au

savoir scientifique» (p.152). Qui plus est, selon cette étude et celle de Wang (2003),

les directions et les collègues sont moins ouverts aux enseignants immigrants qu’aux

autres enseignants canadiens. Ainsi, les enseignantes et enseignants immigrants

doivent fournir plus d’effort et d’énergie pour se conformer et être acceptés.

L’étude de Carr et Klassen (1997) menée à Toronto indique que les

enseignants de minorités raciales occupaient un statut inférieur par rapport à leurs

collègues blancs en ce qui concerne l’accès à des postes de responsabilités. Dans une

autre recherche menée en Israël par Michael (2005) qui a comparé les enseignants

israéliens de naissance et les enseignants immigrants d’origine russe, les résultats

indiquent que les enseignants immigrants affichent une faible présence dans des

organisations professionnelles, participent moins à la prise de décision concernant

l’école, assument moins de postes de responsabilité et participent moins à la

formation continue que leurs collègues israéliens. L’auteur explique que l’intégration

des enseignants immigrants n’est pas une question centrale dans le quotidien des

établissements scolaires israéliens. Il indique que ces enseignants rencontrent non

seulement des barrières systémiques qui les empêchent de devenir des enseignants

permanents, mais aussi qu’ils sont victimes de mécanismes d’exclusion qui freinent

l’accès à des postes de responsabilités et limitent leur influence dans les prises de

décision au sein de l’école. En effet, selon les résultats de cette recherche,

l’enseignant immigrant n’est pas perçu comme un bon éducateur pouvant transmettre

la culture dominante.

- Difficultés relatives au rôle d’enseignant

Cette section porte sur les difficultés aux plans des pratiques d’enseignement

inhérentes au passage d’un modèle d’enseignement à un autre et les difficultés en lien

avec la gestion de classe.

Page 51: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

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o Difficultés au plan des pratiques d’enseignement

Les philosophies d’enseignement pouvant être différentes d’un pays à un

autre, les enseignantes et enseignants immigrants font face à des difficultés

d’adaptation au modèle d’enseignement appliqué dans le pays d’accueil

(Cruickshank, 2004 ; Dakin, 1971; Gordon, 1996 ; Duchesne et Stitou, 2010 ; Myles

et al., 2006 ; Seah, 2005). Par exemple, dans sa thèse de doctorat, Wang (2003)

rapporte que les enseignants immigrants d’origine chinoise exerçant à Toronto se

sentent désorientés à la suite des différences observées dans l’approche

d’enseignement des écoles torontoises. Ils trouvent que le modèle d’enseignement est

tout à fait différent de celui qu’ils connaissaient. En Chine, tout est fourni par l’école

tandis qu’à Toronto, ils doivent se débrouiller pour le matériel pédagogique à utiliser.

Par exemple, ces enseignants disent qu’ils doivent être créatifs et autonomes afin de

trouver les bons matériaux pour enseigner alors que tout est standardisé en Chine. Ces

enseignants éprouvent aussi des difficultés au niveau du rôle qu’ils doivent jouer en

classe. Ils étaient habitués à transmettre le savoir livresque et trouvent difficile de

s’adapter à passer du rôle de transmetteurs de connaissances à celui de facilitateurs

d’apprentissages. Des difficultés liées à l’évaluation des élèves ont été aussi

soulignées par ces enseignants. Les mêmes constats se retrouvent dans les études

faites en Ontario par Myles et al. (2006), Duchesne et Stitou (2010) et en Australie

par Cruickshank (2004). Pour s’adapter au nouveau système d’enseignement, les

enseignantes et enseignants immigrants ayant participé à ces études disent qu’ils ont

dû modifier leurs croyances et pratiques d’enseignement.

o Problèmes de gestion de classe

Que ce soit au Canada (Duchesne et Stitou, 2010 ; Wang, 2003), aux États-

Unis (Gordon, 1996), en Israël (Elbaz-Luwisch, 2004 ; Remennick, 2002) ou en

Page 52: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

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Australie (Reid, 2005), la gestion de classe pose un problème de taille aux

enseignantes et enseignants immigrants. Au Canada, les enseignants immigrants

d’origine chinoise ayant participé dans l’étude de Wang (2003) en Ontario disent

avoir travaillé beaucoup pour gagner le respect des élèves, car ils font face à des

comportements d’indiscipline, de manque de respect et de désobéissance de la part

des élèves. De plus, ces enseignants évoquent la difficulté d’établir des relations

stables et fermes avec les élèves. La mise à l’épreuve des enseignants par les élèves

est un autre malaise éprouvé par les enseignantes et enseignants immigrants. Doutant

des compétences de leurs enseignants, les élèves cherchent ainsi à les tester. Cette

situation a été relevée dans les travaux d’Elbaz-Luwisch (2004) et de Remennick

(2002) en Israël ainsi que de Reid (2005) en Australie.

Les participantes à l’étude d’Elbaz-Luwisch (2004) en Israël révèlent que la

gestion disciplinaire des élèves a été difficile au cours de leur première année

d’enseignement. Ces enseignantes déplorent d’ailleurs que la direction d’école ne

prenait aucune initiative pour les aider à s’en sortir. L’étude de Remennick (2002)

confirme cette situation : les enseignants d’origine russe déclarent travailler dur pour

gagner le respect et l’attention des élèves. Ils ajoutent que l’instauration de la

discipline en classe leur demande beaucoup de temps et que cela affecte leur

enseignement. Ils remarquent que le manque de discipline est très aigu dans les

classes pluriethniques et dans les écoles où les élèves proviennent surtout des milieux

défavorisés. De plus, ils relèvent que c’est aux enseignants immigrants que l’on

confie les classes plus difficiles et que celles-ci sont évitées par les enseignants nés en

Israël.

Aux États-Unis, le personnel enseignant immigrant rencontre les mêmes

difficultés quant au rôle et au pouvoir de l’enseignant. Gordon (1996) souligne

d’ailleurs que les immigrantes et immigrants ne font pas leurs études en formation

des maîtres parce qu’ils trouvent que le rôle et le pouvoir de l’enseignant ne sont pas

les mêmes que dans leur pays d’origine. En effet, dans certains pays où le droit à

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l’éducation est loin d’être acquis, l’enseignant ou l’enseignante bénéficie d’une

grande considération et est vu comme quelqu'un qui décide de l’avenir des enfants.

Par contre, aux États-Unis où l’éducation est un droit inaliénable, l’enseignante ou

l’enseignant n’a pas de pouvoir hiérarchique. Pour des enseignantes et enseignants

immigrants qui ne sont pas habitués à ce mode de fonctionnement et qui veulent

imposer leurs anciennes habitudes, gagner le respect des élèves peut s’avérer un

grand défi à relever. Les résultats d’une étude faite en Ontario par Duchesne et Stitou

(2010) auprès des enseignants immigrants suivant le programme de certification en

enseignement confirment cette situation. Habitués à un système éducatif où les

relations maître-élèves sont plus hiérarchiques, les participantes et les participants ont

été choqués par le comportement des élèves, leur façon de s’exprimer et de s’adresser

à leurs enseignants. Cette étude révèle aussi que ces enseignants avaient de la

difficulté à communiquer avec des élèves Franco-Ontariens, car ils utilisaient des

expressions et des figures de style difficiles à comprendre pour des élèves qui parlent

rarement le français en dehors de l’école. Pour s’adapter, ces enseignants ont dû

modifier leurs croyances en rapport avec les règles de politesse et de respect envers

les adultes ainsi que leur façon de s’exprimer afin de s’adapter au nouveau contexte.

Nous venons de voir que les enseignantes et enseignants immigrants

connaissent des difficultés d’IP qui sont presque similaires d’un pays à l’autre.

Voyons à présent les éléments favorables à leur IP qu’on trouve dans les écrits.

2.2.2 Les éléments favorables à l’IP des enseignantes et enseignants immigrants

Dans ce point, nous mettons en exergue les différentes mesures prises dans

certains pays pour favoriser l’accès à l’emploi du personnel enseignant immigrant

ainsi que certains facteurs favorisant l’insertion de ce personnel au sein de l’école et

dans l’équipe des autres enseignants.

- Éléments favorables à l’accès à l’emploi

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52

En Amérique du Nord comme dans d’autres pays d’immigration, on assiste à

une croissance fulgurante des enfants issus de l’immigration dans les écoles. Compte

tenu de cette diversité dans les salles de classe, dans certains pays, on prend

conscience qu’il faut un corps professoral qui reflète cette diversité (Bascia, 1996 ;

Phillion, 2003 ; Ross, 2001). Les enseignantes et enseignants immigrants sont ainsi

considérés comme une richesse pour le fait qu’ils peuvent non seulement servir de

modèles d’identification aux enfants issus de l’immigration, mais aussi contribuer à

l’éducation multiculturelle dans les écoles (Phillion, 2003 ; Ross, 2001).

En Ontario, des mesures administratives visant l’intégration des enseignantes

et enseignants immigrants ont été mises sur pied (Bascia, 1996 ; Ordre des

enseignants de l’Ontario, 2004). Selon cet ordre, la certification des enseignantes et

enseignants immigrants fait partie des priorités: «Le ministère de la Formation et des

Collèges et Universités a injecté près de 1,9 million de dollars dans un projet qui

aidera les enseignants formés à l’étranger à obtenir la certification pour enseigner en

Ontario.» (p.1) Ce projet avait pour mission de servir d’appui aux immigrants dans

leur processus de certification, de faciliter leur apprentissage du français et de

l’anglais, de mettre à leur disposition un site web bilingue où ils peuvent se

ressourcer et faciliter le réseautage. Aussi, un programme de formation universitaire

pour enseignantes et enseignants immigrants formés à l’étranger a été mis en place

pour les aider à acquérir les compétences et les connaissances nécessaires à leur IP

dans les écoles ontariennes.

Aux États-Unis, certains programmes de formation tiennent compte des

besoins des enseignantes et enseignants immigrants pour faciliter la conciliation

études-travail (Ross, 2001). Dans certains districts scolaires, la communauté et

l’université travaillent en étroite collaboration dans l’identification et l’orientation des

candidates et candidats au programme. Ces enseignantes et enseignants suivent alors

des cours à temps partiel pendant trois semestres dans un programme qui dure deux

ans pour leur laisser l’occasion de continuer à travailler pour faire vivre leurs

Page 55: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

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familles. Des programmes similaires existent en Australie (Cruickshank, 2004) où les

enseignants immigrants suivent une formation de deux ans afin d’acquérir les

compétences indispensables pour pouvoir enseigner dans les écoles australiennes. En

Israël, les nouveaux enseignants immigrants suivent une formation d’une durée de 10

mois. Selon leurs diplômes, ils peuvent se voir attribuer moins de cours et faire le

cheminement dans un temps plus restreint. De plus, l’expérience acquise à l’étranger

est prise en compte et l’enseignante ou l’enseignant qui dispose d’une attestation de

services rendus reçoit des primes d’ancienneté (Ben-Chétrit, 2003).

Nous venons de voir différentes initiatives prises dans divers pays pour

faciliter l’IP des enseignantes et enseignants immigrants. Cependant, ces initiatives

semblent encore limitées pour faire face adéquatement aux nombreux obstacles

auxquels ces enseignantes et enseignants sont confrontés pour une intégration

professionnelle réussie. Par exemple, les mesures mises en place visent surtout à

faciliter la certification des enseignantes et enseignants immigrants. Or, les

recherches déjà citées montrent que malgré leur certification, leur accès à l’emploi

reste difficile et, quand elles ou ils accèdent à l’emploi, elles ou ils restent confinés à

des postes précaires même lorsqu’elles ou ils sont certifiés dans des matières où il y a

pénurie d’enseignants. De plus, pour être acceptés comme enseignantes ou

enseignants à part entière, il semble que leurs compétences sont mises à rude épreuve.

- Éléments favorables à l’intégration à la culture de l’école et à l’équipe des

autres enseignants

Certains auteurs insistent beaucoup sur l’importance de l’accueil et de la

collaboration (Deters, 2006 ; Elbaz-Lewisch, 2004 ; Myles et al., 2006 ; Remennick,

2002), du soutien de la part de la direction et des collègues (Deters, 2006;

Remennick, 2002), de l’accompagnement par un mentor (Deters, 2006; Peeler et

Jane, 2005) ainsi que de l’acceptation par la communauté scolaire et les parents

d’élèves (Deters, 2006) dans la réussite du processus d’IP des enseignantes et

enseignants immigrants. En guise d’illustration, les enseignantes immigrantes ayant

Page 56: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

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participé dans l’étude de Deters (2006) en Ontario ont souligné combien l’aide

apportée par le mentor et la direction a favorisé leur succès. Elles ont rapporté

également que l’accueil et la collaboration des collègues leur ont permis d’accéder à

des ressources sociales telles que des conseils de la part d’autres collègues

expérimentés et à des ressources physiques telles que du matériel pédagogique. Ces

stratégies ont facilité leur intégration au groupe d’enseignants et ont contribué au

succès de leurs pratiques et au développement de leurs compétences pédagogiques.

De plus, leur acceptation par la communauté scolaire et le fait de travailler dans une

école où les enseignants sont de cultures différentes ont constitué des atouts pour

favoriser leur intégration au milieu de travail. Ces enseignantes ont dit d’ailleurs que

leurs collègues étaient conscients des difficultés qu’elles pouvaient éprouver au

niveau culturel et linguistique et que tout le monde s’était mobilisé pour soutenir leur

intégration.

En Australie, l’étude de Peeler et Jane (2005) sur l’expérience de mentorat

révèle que les enseignants immigrants qui ont bénéficié d’un accompagnement par un

mentor ont réussi leurs transitions culturelles et professionnelles en développant un

sentiment d’appartenance à la communauté et une identité professionnelle. De plus,

l’étude indique que l'expérience de mentorat sert de pont aux enseignants immigrants

en facilitant le développement des connaissances et compétences nécessaires pour

enseigner dans leur nouvel environnement de travail. Ces enseignants disent eux-

mêmes que leurs mentors ont facilité les contacts avec les autres enseignants, ce qui

favorise encore la collaboration entre collègues.

Nous venons de voir que les enseignantes et enseignants immigrants font face

à divers défis et obstacles qui freinent leur IP. Les recherches montrent également

que, dans certains pays, on perçoit que ces enseignantes et enseignants immigrants

sont une richesse et que des mesures visant à faciliter leur accès à l’emploi sont

prises. Toutefois, malgré les mesures prises, leur accès à l’emploi demeure difficile.

Par ailleurs, ces mesures sont souvent limitées et peu adaptées aux divers défis et

Page 57: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

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obstacles auxquels ils font face, notamment les défis de maîtriser la culture et la

langue d’enseignement dans le pays d’accueil, les défis d’asseoir une bonne

communication interculturelle, source de bonnes relations entre enseignants

immigrants et les autres membres de la communauté scolaire, et les défis d’adaptation

au modèle d’enseignement dans le pays d’accueil. De plus, les différentes recherches

faites sur le personnel enseignant immigrant rapportent presque toutes les difficultés

auxquelles les enseignantes et enseignants immigrants font face ainsi que certaines

initiatives prises, mais aucune recherche ne nous permet d’appréhender comment se

fait leur insertion de façon globale. Qui plus est, cette recension nous a permis de

constater un manque criant d’écrits sur le personnel enseignant immigrant dans les

milieux francophones et en particulier au Québec.

2.3 Question de recherche

Nous avons mis en évidence que les enseignantes et enseignants formés à

l’étranger peuvent obtenir une autorisation d’enseigner au Québec s’ils remplissent

toutes les conditions exigées et que leur embauche est devenue une réalité dans les

commissions scolaires. Nous avons également vu que les enseignantes et enseignants

débutants au Québec travaillent dans des conditions qui ne favorisent pas leur IP.

Cependant, les recherches sur le personnel enseignant débutant au Québec ne font pas

de distinction entre enseignantes et enseignants débutants qui ont fait leurs études au

Québec et les autres enseignantes et enseignants débutants formés à l’étranger. La

recension des écrits a montré aussi qu’aucune recherche empirique sur le personnel

enseignant immigrant n’a été faite au Québec. Il n’en demeure pas moins que la revue

des écrits fait état que les enseignantes et enseignants immigrants connaissent des

difficultés spécifiques qui nuisent à leur IP. Compte tenu de cette problématique,

nous posons la question de recherche suivante: comment les enseignantes et

enseignants de migration récente au Québec vivent et perçoivent leur IP dans leur

nouvel environnement scolaire et culturel?

Page 58: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

56

*

* *

Nous venons de présenter la problématique de notre recherche qui débouche

sur la question générale de recherche. Pour circonscrire cette question générale de

recherche, nous allons asseoir un cadre conceptuel qui nous permettra de mieux

comprendre le phénomène de l’IP des enseignantes et enseignants de migration

récente au Québec. C’est ce qui fait l’objet du chapitre suivant.

Page 59: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

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DEUXIÈME CHAPITRE

LE CADRE CONCEPTUEL

Selon Feld et Manço (2000), l’étude des processus d’insertion des immigrants

«nécessite une investigation à un niveau suffisamment désagrégé pour tenir compte

de l’origine nationale des immigrés, de leur histoire migratoire, du contexte

économique et social» (p.15) qui prévaut dans le pays d’accueil. Ainsi, le fait de tenir

compte de l’origine des personnes immigrantes peut aider à comprendre certains des

défis qu’elles rencontrent au cours de leur insertion. Au Québec, on note actuellement

que les personnes immigrantes arrivent de plus en plus des pays de culture arabe,

africaine, asiatique et latino-américaine et de moins en moins des pays de culture

occidentale (Toussaint, 2010). Le passage d’une culture à une autre impose des défis

d’intégration à ces personnes immigrantes (Legault et Fronteau, 2008). En effet, selon

eux, la confrontation entre la culture dont l’immigrant est porteur et celle de la société

d’accueil provoque des chocs culturels qui résultent des situations

d’incompréhension. La connaissance de la culture du pays d’accueil est indispensable

à l’intégration des personnes immigrantes. Pour le cas des enseignantes et

enseignants, il est primordial «pour que l’interaction enseignant/élèves ait un sens,

que les élèves participent et comprennent les actions dirigées vers eux et, par leur

rétroaction, permettent à l’enseignant de s’interroger sur ses gestes» (Toussaint, 2010,

p.98). Les enseignantes et enseignants de migration récente au Québec doivent en

effet apprendre à connaître la culture québécoise afin de pouvoir à la fois mieux

communiquer et comprendre les réactions des élèves et des autres membres de la

communauté scolaire. Ainsi, la maîtrise de leur métier et leur expérience dans leur

pays d’origine ne suffisent pas, «ils doivent vite saisir les subtilités de la langue et de

la communication, de l'organisation du travail et de la société, du système

d'enseignement, des codes de déontologie» (Roux, 2003, p.4). Comme l’intégration et

l’acculturation vont ensemble, la compréhension de ces processus permet de mieux

saisir ce que vivent les nouveaux arrivants (Legault et Fronteau, 2008).

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L’histoire migratoire doit être tenue en compte pour l’étude de l’insertion

socioprofessionnelle des immigrants (Feld et Manço, 2000). Legault et Fronteau

(2008) soulignent également que les modalités selon lesquelles se fait la migration

«ont une influence déterminante sur le processus d’adaptation et d’intégration à la

nouvelle société» (p.44). Une enseignante ou un enseignant qui a choisi de migrer au

Québec va peut-être vivre différemment son insertion socioprofessionnelle par

rapport à un autre qui s’est retrouvé au Québec comme réfugié. Chaque enseignant ou

enseignante ayant sa propre histoire ou son propre parcours migratoire, la façon dont

il ou elle va vivre cette transition d’une société à une autre, d’une culture à une autre

et d’un système d’enseignement à un autre lui est unique. Le parcours d’intégration

de chaque personne immigrante «varie plutôt en fonction des acquis et des vécus

antérieurs» (Ibid., p. 51).

Il faut aussi considérer, comme le disait André Gariépy dans une entrevue

accordée à Roux (2003, p.4), qu’«exercer un métier est un acte culturel». La culture

étant enracinée dans un milieu de vie, l’enseignante ou l’enseignant doit connaître

l’environnement dans lequel elle ou il vit «de manière à pouvoir y puiser des

contenus adaptés à son enseignement et préparer l’enfant à entrer dans la vie»

(Badiane et Ndione, 2002, p.81). Comme l’enseignante ou l’enseignant de migration

récente se retrouve dans un nouvel environnement culturel, même les savoirs qu’elle

ou qu’il enseignait devront aussi être adaptés au nouveau contexte pour les rendre

signifiants et compréhensibles aux élèves. Cela peut aller jusqu’à modifier son

rapport au savoir pour enseigner dans le nouveau contexte scolaire québécois.

Dans ce chapitre sur le cadre conceptuel, nous définissons d’abord le concept

d’IP qui est un thème central de notre recherche. Ensuite, nous clarifions les

différents concepts porteurs à l’étude de l’IP des EMR, c’est-à-dire les concepts de

parcours migratoire, de transition socioculturelle, d’acculturation, de communication

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interculturelle, d’intégration socioprofessionnelle et de rapport au savoir. Enfin, nous

terminons ce chapitre avec les objectifs spécifiques de recherche.

1 L’INSERTION PROFESSIONNELLE EN ENSEIGNEMENT

Le concept d’insertion professionnelle (IP), qui est au cœur de notre

recherche, est un concept polysémique qui se rapporte à des dimensions et des

critères différents (Martineau, Portelance et Presseau, 2010 ; Mukamurera et al.,

2008). Il importe de clarifier le sens que nous lui attribuons en fonction des

orientations de notre recherche. Weva (1999, p. 194) définit l’IP comme un

processus qui débute « dès la sélection des nouveaux enseignants et se termine

lorsque ceux-ci ont réalisé l'adaptation nécessaire afin de fonctionner pleinement et

efficacement au sein du système scolaire. » Dans le cadre de notre recherche, le

processus d’IP des EMR commence dès leur installation au Québec lorsqu’ils

commencent à s’informer sur les conditions d’équivalence des diplômes et d’accès à

l’emploi et se termine lorsqu’ils ont réalisé l'adaptation nécessaire pour fonctionner

pleinement et efficacement au sein du système scolaire québécois.

Selon Mukamurera et al., l’IP en enseignement touche quatre

dimensions interdépendantes: l’insertion au plan de l’emploi, l’insertion au plan du

travail, l’insertion au plan organisationnel et l’insertion au plan de la professionnalité.

L’insertion au plan de l’emploi a principalement trait à «l’accès aux emplois, aux

cheminements professionnels et aux caractéristiques des emplois occupés en terme de

statut, de durée et d’avantages sociaux» (Ibid., p.53). L’insertion sur le plan du

travail renvoie aux modalités de travail, c’est-à-dire à ce que la personne fait comme

travail, aux exigences de ce travail et à sa complexité ainsi qu’à sa compatibilité avec

la formation reçue. L’insertion au niveau organisationnel fait référence à l’intégration

dans le milieu du travail, l’adaptation à la culture de l’école, l’intégration à l’équipe

des collègues et des autres membres de la communauté. Bengle (1993, dans

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Martineau et al., 2010, p.3) appelle cela la socialisation organisationnelle. Selon cet

auteur, la socialisation organisationnelle est un «processus par lequel une personne en

arrive à apprécier les valeurs, les habiletés, les comportements attendus et les

connaissances sociales essentielles afin d’assumer un rôle dans l’organisation et d’y

participer en tant que membre». Lacaze et Fabre (2005) notent que la socialisation

organisationnelle concerne non seulement les jeunes qui débutent dans la profession,

mais aussi les personnes qui sont en transition professionnelle ou qui changent de

milieu de travail. La quatrième dimension, l’insertion au niveau de la professionnalité

renvoie à la façon dont l’enseignant fait face aux diverses composantes de sa tâche, la

manière dont il acquiert un savoir d’expérience, consolide ses acquis et développe ses

compétences professionnelles. Aux quatre dimensions qui viennent d’être décrites,

Mukamurera et al. (2013) ajoutent une cinquième dimension qui concerne l’insertion

au plan personnel et psychologique. Celle-ci «réfère […] aux aspects émotionnels et

affectifs de l’insertion.» (p.16) Comme l’indiquent ceux-ci, l’IP n’implique pas

seulement un apprentissage cognitif. Elle est aussi une expérience humaine où chaque

nouvel enseignant, par ailleurs porteur d’attentes et d’idéaux personnels associés à

l’enseignement, fait face émotionnellement à sa nouvelle situation et interprète ce

qu’il vit d’une façon qui lui est propre.

Le concept d’intégration socioprofessionnelle est proche de celui d’insertion.

Étymologiquement, le mot intégration vient du latin integrare qui signifie rendre

complet, rétablir dans sa globalité (Legendre, 2005). Selon Charpentier (2008, p. 26) :

«Chaque fois qu’un être humain est coupé de ses racines et qu’il vient s’installer dans

un nouvel espace, on peut dire qu’un processus d’intégration va être sollicité.»

Ricci (2001) et Taboada-Léonetti (1995) soulignent que la notion

d’intégration est polysémique. Elle suscite des questionnements, des remises en

question et change de signification selon les époques. Le Multidictionnaire de la

langue française (De Villers, 2003, p. 806) définit l’intégration comme une

«opération par laquelle une personne s’adapte, s’incorpore à un nouveau milieu».

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Pour Feld et Manço (2000), l’intégration dépend de la façon dont l’individu

s’incorpore à son nouveau milieu en adoptant la culture du milieu d’accueil. Ces

définitions touchent la dimension culturelle de l’intégration.

L’intégration, selon Le dictionnaire actuel de l’éducation (Legendre, 2005,

p.785), est définie comme un «processus par lequel les immigrés participent à leur

société d’accueil par une activité professionnelle, l’adoption des comportements

familiaux et culturels, l’apprentissage de la langue et des normes de comportement,

etc.». Cette définition est plus explicite que les précédentes, car elle prend en compte

plusieurs dimensions, notamment l’intégration professionnelle, culturelle et

linguistique. D’ailleurs, la définition de l’intégration de Ricci (2001) est plus globale:

Être intégré, c’est participer totalement à la vie d’une société, c’est

en être tout à fait membre. C’est aussi être reconnu par les autres

membres de la communauté nationale comme faisant partie, en

cette même qualité, de celle-ci. C’est enfin la possibilité d’accéder

aux divers services, prestations et moyens que cette société met à la

disposition de chacun de ses membres. (p. 14)

Cette définition est intéressante, car elle porte non seulement sur le rôle de la

personne en processus d’intégration, mais aussi sur la responsabilité de la société

d’accueil qui doit reconnaître cette personne comme faisant partie intégrante de la

société. En effet, «Sans la collaboration de la population, les immigrants ne peuvent

pas s’intégrer et devenir des citoyens à part entière.» (Buzzanga, 1974, p.12) Pour que

leur intégration puisse être effective, il faut «des efforts des deux parties en question

et un engagement commun» (Yim, 2000, p.30). Ainsi, une personne bien intégrée

développe un sentiment d’appartenance au groupe ou à la société dans laquelle elle

vit (Charpentier, 2008). Cependant, comme le mentionne Césari-Russo (2008, p.101),

l’individu «peut avoir des difficultés à accepter, voire à intégrer ce qui lui semble être

autre et différent». L’intégration peut donc rencontrer des résistances dues à «une

crainte d’une invasion des étrangers, la peur de la perte de son identité» (Ricci, 2001,

p.13). Comme on l’a vu dans la recension des écrits, certains enseignants immigrants

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vivent de l’isolement social, du racisme et de la discrimination, ce qui freine leur

intégration socioprofessionnelle.

Le concept d’intégration socioprofessionnelle est porteur pour notre étude sur

l’insertion des EMR au Québec, car il permet de comprendre les défis auxquels ils

font face au cours de leur insertion au plan organisationnel et professionnel. Comme

les EMR intègrent un nouveau milieu de travail et un nouveau système

d’enseignement, ils ont besoin d’une nouvelle socialisation aux niveaux

organisationnel et professionnel pour réussir leur IP. Campoy, Waxin, Davoine,

Charles-Pauvers, Commeiras, et Goudarzi (2005) indiquent que l’intégration dans

une nouvelle culture comporte plusieurs défis d’adaptation:

La nouveauté de la culture organisationnelle augmente l’incertitude

due au changement de l’environnement de travail et retarde

l’adaptation. Plus la culture organisationnelle de l’organisation hôte

est éloignée de celle de l’organisation d’origine, plus l’adaptation

au travail de l’expatrié s’en trouve difficile. (p.358)

L’intégration socioprofessionnelle des EMR nécessite non seulement l’ouverture de

ces enseignants aux membres de la communauté scolaire et à leur culture, mais aussi

l’acceptation des EMR par les membres de la communauté scolaire. Sans leur accueil

et leur collaboration, il est difficile que les EMR réussissent leur IP et leur mission

éducative.

Dans le cadre de notre recherche, nous faisons nôtre la définition de

l’intégration de Ricci tout en l’adaptant au personnel enseignant de migration récente.

Pour nous, une enseignante ou un enseignant immigrant est intégré au niveau social et

professionnel quand elle ou il se sent à l’aise dans son nouveau milieu de travail et

dans son rôle, quand elle ou il est accepté et reconnu par le personnel de direction, les

collègues et les élèves comme membre à part entière de la communauté scolaire et

qu’elle ou qu’il bénéficie des avantages et privilèges que l’école accorde aux autres

enseignants. De son côté, une enseignante ou un enseignant intégré devrait se sentir

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accepté, s’impliquer dans les activités organisées pour le bien de l’école et se définir

comme membre de cette communauté.

Dans le cadre de notre recherche, nous allons tenir compte des cinq

dimensions dégagées par Mukamurera et al. (2013) pour comprendre de façon

globale l’expérience que vivent les enseignantes et enseignants de migration récente

au cours de leur IP. Dans le point qui suit, nous mettons en exergue les concepts

porteurs à notre étude tout en soulignant les dimensions de l’IP auxquelles ils se

rapportent.

2 LA CLARIFICATION DES CONCEPTS PORTEURS À L’ÉTUDE DE L’IP

DU PERSONNEL ENSEIGNANT DE MIGRATION RÉCENTE

Les concepts qui font objet de clarification sont le parcours migratoire; la

transition socioprofessionnelle et l’acculturation, la communication interculturelle; le

rapport au savoir.

2.1 Le parcours migratoire

Le Multidictionnaire de la langue française (De Villers, 2003, p. 1055)

définit le parcours comme un «trajet à suivre pour passer d’un lieu à un autre». Et,

l’adjectif migratoire désigne ce qui est «relatif à l’immigration». En associant les

deux, on peut dire que le parcours migratoire constitue l’ensemble des différentes

phases que franchissent les immigrantes et les immigrants depuis leur pays d’origine

jusqu’à leur installation dans le pays d’accueil. Legault et Fronteau (2008) distinguent

trois phases: la phase prémigratoire, la phase migratoire et la phase postmigratoire.

La phase prémigratoire correspond à la période où la personne immigrante

ou réfugiée réside encore dans son pays d’origine. Les raisons qui motivent le départ

ou l’exil sont multiples. Elles peuvent être économiques, politiques, sécuritaires ou

autres (Fiset, 2006; Vatz-Laaroussi et Rachedi, 2003). Les immigrants économiques,

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c’est-à-dire ceux qui décident eux-mêmes de migrer pour améliorer leurs conditions

de vie économiques, remplissent les formalités administratives pour obtenir le statut

d’immigrant durant cette période. La personne entre en contact avec le pays d’accueil

par l’entremise du ministère de l’Immigration et reçoit régulièrement des

informations sur l’état de son dossier. Ces informations l’aident à préparer son départ.

Il s’agit d’une immigration planifiée. La situation des réfugiés est tout à fait autre.

L’insécurité dans leurs pays les contraint à traverser des frontières sans

nécessairement savoir où ils vont aboutir, car ils recherchent un endroit paisible.

Souvent, ils prennent la décision de s’exiler après avoir assisté au massacre des leurs.

C’est là que débute leur trajectoire de fuite dans plusieurs pays.

La phase migratoire est la période plus ou moins longue où le migrant quitte

son pays. Pour les immigrants économiques, l’obtention du statut de résident

permanent leur donne le visa pour entrer et s’installer dans le pays où ils ont obtenu la

résidence permanente. Cette phase comprend le voyage et l’arrivée dans le nouveau

pays de résidence. Pour les réfugiés, cette phase débute par une trajectoire de fuite

vers les pays frontaliers, la guerre rendant la situation dans leurs pays intenable. Dans

les différents pays de transit, ils font face à de nombreux défis, notamment des défis

d’adaptation et d’intégration. C’est dans ces pays de transit que les familles

introduisent la demande d’asile. Selon Vatz-Laaroussi et Rachedi (2003), «Le point

d’arrivée est souvent présenté comme une loterie : c’est le hasard qui fait qu’ils ont

été sélectionnés d’une part, qu’ils arrivent au Canada puis au Québec d’autre part.

Peu ont des informations sur le Canada.» (p.78) Notons que ce parcours de fuite peut

durer jusqu’à dix ans. L’arrivée au Canada ne signifie pas la fin des difficultés pour

ces immigrants (Legault et Fronteau, 2008; Vatz-Laaroussi et Rachedi, 2003). En

effet, ils sont non seulement inquiets du sort de ceux qu’ils laissent derrière, mais

également de leur avenir dans le nouveau pays. Peu importe s’ils sont immigrants

économiques ou réfugiés, les immigrants doivent se rebâtir une nouvelle vie dans un

contexte culturel nouveau.

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La phase postmigratoire est la période où les personnes immigrantes

commencent à s’établir dans leur nouveau pays d’accueil. Abou (1990) affirme que,

durant leur installation, les immigrants vivent les processus d’adaptation,

d’intégration et d’acculturation». Selon Legault et Fronteau (2008), l’adaptation fait

référence aux stratégies que la personne immigrante met en place pour être capable de

vivre dans la société d’accueil. L’intégration dépend du degré d’ouverture de la

société d’accueil pour accepter le nouveau membre, alors que l’acculturation découle

de la confrontation de la culture d’origine avec celle de la société d’accueil.

Le concept de parcours migratoire peut éclairer notre étude sur l’IP des EMR.

En effet, les personnes immigrantes n’ont pas toutes le même parcours migratoire.

Les raisons qui poussent les individus à émigrer n’étant pas les mêmes, on comprend

que leur parcours sera aussi différent. Comme l’indiquent Legault et Fronteau

(2008) :

À chacune des phases du processus migratoire correspondent des

moments particuliers qui sont essentiels (ou qui le deviendront) du

fait qu’ils déterminent, pour l’avenir, des balises, des repères et des

limites, des points d’ancrage, des filtres ou des écrans… (p.45)

La situation de quelqu’un qui a décidé de migrer par lui-même est tout à fait

différente de celle de la personne qui a été obligée de le faire pour échapper à la mort.

Guilbert (2005, p.8) note que «La migration forcée est un déplacement marqué par les

pertes, les deuils, les souffrances.» Le réfugié n’a pas le temps de se préparer

psychologiquement à quitter son pays et à vivre dans son nouvel environnement. Il

ignore où il va se retrouver alors que l’immigrant économique décide de lui-même et

se prépare longtemps avant et après avoir pris sa décision. Contrairement au réfugié,

il choisit lui-même le pays vers lequel il va migrer. Les circonstances qui entourent

leur migration n’étant pas les mêmes, la façon dont ils vont vivre ces étapes aura des

répercussions sur leurs processus d’intégration dans la société d’accueil (Legault et

Fronteau, 2008).

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Ainsi, la connaissance des parcours migratoires des enseignantes et

enseignants de migration récente permet de comprendre certaines des difficultés qui

surviennent lors de l’IP. Par exemple, un enseignant qui a tous les documents requis

pour l’équivalence des diplômes et l’autorisation d’enseigner ne connaîtra pas le

même processus d’IP qu’un enseignant qui n’a aucun document sur lui. De plus,

quelqu’un qui maîtrise la langue d’enseignement n’aura pas les mêmes difficultés que

celui qui ne parle pas cette langue. Nous avons d’ailleurs relevé dans la revue des

écrits que la non-maîtrise de la langue constitue un obstacle à l’accès à l’emploi pour

bon nombre d’enseignantes et enseignants immigrants. De surcroît, quelqu’un dont

un membre de la famille réside sur place aura des avantages par rapport à celui qui ne

connaît personne à son arrivée dans le pays d’accueil. Ces exemples illustrent

combien le parcours migratoire peut éclairer l’étude sur l’insertion des enseignantes

et enseignants de migration récente. Cependant, bien que le parcours migratoire

influence la façon dont ils vont vivre leur transition, d’autres facteurs peuvent entrer

en jeu. Quelqu’un qui intègre un établissement scolaire ayant une structure d’accueil

et d’accompagnement des enseignantes et enseignants diffère de celui qui intègre un

milieu où on doit se débrouiller seul. D’autres facteurs internes à l’individu peuvent

aussi avoir des répercussions sur la situation.

Quitter son pays pour s’installer dans un autre «ne se fait pas sans deuil, sans

désirs et sans transgressions» (Legault et Fronteau, 2008, p.45). Cela nous amène à

clarifier la notion de transition pour comprendre comment une personne vit ce

changement au niveau social, culturel et professionnel.

2.2 De la transition socioprofessionnelle à l’acculturation

Selon Ntebutse (2009, p.95), «Chaque personne vit […] subjectivement le

changement, l’affronte avec son histoire et interagit avec le contexte dans lequel il

s’effectue.» Pour le cas des personnes immigrantes, c’est durant la phase

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postmigratoire qu’elles vivent des changements au niveau culturel, social et

professionnel. Tous ces changements impliquent une transition, ce que Bridges

(1995) définit comme un «processus intérieur que l’on traverse émotionnellement

pour digérer le changement. Elle est terminée quand on se sent à l’aise dans la

nouvelle situation.» (p. 76). Vécue différemment selon les individus, la transition

dure plus longtemps que le changement, car l’individu doit prendre le temps

nécessaire pour s’adapter (Bridges, 2006; Roberge, 1998).

Bridges (2006) souligne que l’être en transition vit une période de deuil.

Détaché de l’environnement affectif et social auquel il s’identifiait, il doit faire le

deuil de ses anciens repères et automatismes afin de s’investir dans l’apprentissage

des nouveaux codes et comportements adaptés au nouveau contexte. Toutefois,

l’adoption de nouvelles façons de faire et d’être n’est pas facile puisqu’elle demande

de désapprendre et de réapprendre en même temps (Collerette, Delisle et Perron,

2008). En effet, la personne peut sentir un malaise, voire un déséquilibre d’autant

plus qu’elle «se trouve entre deux façons de faire et d’être, l’ancienne désormais

perdue et la nouvelle qui reste à trouver» (Bridges, 2006, p.196). À cause de la perte

des repères, la personne a l’impression de ne plus savoir qui elle est. Ainsi, elle

éprouve de la confusion (Collerette et al., 2008) de la désorientation, de

l’incompréhension, de la désillusion, de la solitude (Bridges, 2006) et une sensation

de fatigue plus élevée et un sentiment d’incompétence (Collerette et al., 2008). En

effet, «Les réalités quotidiennes paraissent vidées de toute substance. Les choses que

l’on prenait pour la réalité deviennent une illusion.» (Bridges, 2006, p.132) De plus,

comme l’indiquent Collerette et al. (2004, p.155), c’est «toutes les satisfactions qui

venaient de la compétence acquise au fil des années qui seront remplacées par de

multiples frustrations tout au long de la transition». Durant cette période, la personne

vit un vide et cherche à combler ce vide. Elle a donc besoin de prendre du recul pour

mettre fin à l’impasse dans laquelle elle se trouve. Ce temps de répit «permet de

renoncer à voir le passé comme avant. De ce fait, on s’autorise également de regarder

l’avenir d’un œil différent.» (Ibid., p.138). Ainsi, c’est l’ouverture à la nouvelle

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culture, aux nouvelles façons de faire et d’être qui lui permet de «se sentir à l’aise

dans le monde tel qu’il est et à stabiliser son identité en conformité avec les nouvelles

conditions» (Bridges, 2006, p.196). Comme le souligne ce dernier, le lâcher-prise

ouvre un nouvel horizon de possibilités et permet à la personne de devenir créative.

Le concept de transition est porteur pour notre étude sur l’insertion des

enseignantes et enseignants de migration récente. En effet, qu’elle provienne d’un

choix volontaire ou forcé, la migration «entraîne le relâchement ou la rupture de

certains liens sociaux affectifs et professionnels et la perte de repères géographiques,

sociaux et culturels» (Guilbert, 2005, p.2). Gagnon (1995) souligne aussi qu’«un

transfert de société peut amener des changements plus ou moins importants selon que

les différences entre les deux sociétés sont plus ou moins grandes» (p. 4). De plus,

une fois installés dans leur société d’accueil, les EMR vivent «une multitude de

transitions» (Meyer, Biron, Doray, Bélanger et Cloutier, 2006, p. 1) : des transitions

au niveau social, culturel et professionnel. Ces transitions comportent d’énormes

défis, car «Face à une interaction culturelle nouvelle, chacun dans sa singularité est

impliqué différemment et fragilisé dans différentes sphères de son identité.» (Cardu,

2008, p.171) Les EMR vont donc vivre une période de désorientation-réorientation

(Bridges, 2006) en ce sens que leur acculturation implique «une reconstruction

identitaire où s’amalgament pertes de repères culturels et intégration de valeurs

nouvelles» (Cardu, 2008, p.173).

Dans le cadre de notre recherche, nous considérons que la transition

socioprofessionnelle constitue la période durant laquelle les EMR s’adaptent au

nouveau milieu, aux nouvelles conditions d’emploi et de travail, s’imprègnent de la

nouvelle culture de l’école et de la société d’accueil et s’approprient les nouvelles

pratiques au niveau professionnel. Cette imprégnation dans la nouvelle culture est

associée au processus d’acculturation.

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Le dictionnaire actuel de l’éducation (Legendre, 2005, p. 785) définit le

concept d’acculturation comme un «ensemble des phénomènes qui résultent du

contact direct et continu entre des groupes de personnes appartenant à des cultures

différentes ainsi que des changements produits dans l’un ou l’autre des groupes».

Cette dernière définition est presque identique à celle de Redfiels, Linton et

Herskovits (1936, dans Stork, 1995, p. 280) selon lesquels l’acculturation est

l’«ensemble des phénomènes qui résultent du contact direct et continu entre des

groupes d’individus de cultures différentes avec des changements subséquents dans

les types culturels de l’un ou des autres groupes». Abou (1990, p.129), quant à lui,

définit l’acculturation comme «l’ensemble des interférences culturelles que les

immigrés et leurs enfants subissent, à tous les niveaux de l’adaptation et de

l’intégration, par suite de la confrontation constante de leur culture d’origine avec

celle de la communauté d’accueil».

Les trois définitions que nous venons de relever sont presque identiques à la

seule différence que celle d’Abou (Ibid.) met l’accent sur les changements culturels

subis par les immigrants alors que les deux autres indiquent qu’autant les immigrants

que les membres de la société d’accueil subissent des changements culturels à la suite

de la confrontation directe et continue de leurs cultures. Toutefois, comme le

soulignent Bourhis et Bougie (1998, p.80), «ce sont souvent les immigrants qui

sentent l’obligation de faire le plus d’efforts pour s’assimiler à la culture dominante

de la majorité d’accueil.»

Berry (1997) distingue quatre stratégies d’acculturation des immigrants en

fonction de deux aspects fondamentaux : le maintien de l’identité culturelle et

l’ouverture à la culture de la société d’accueil. Il met en relief les caractéristiques de

ces différentes stratégies. Les immigrants qui adoptent la stratégie d’intégration

préservent leur culture d’origine tout en adoptant certains aspects de la culture de la

société d’accueil. Ceux qui choisissent la stratégie d’assimilation adoptent totalement

la culture dominante et abandonnent progressivement leur identité culturelle. La

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stratégie de séparation implique que les personnes immigrantes choisissent de se

mettre à l’écart ou de s’isoler des autres communautés ou de la culture majoritaire

pour préserver leur identité culturelle. Lorsque leur isolement n’est pas choisi, mais

que ce sont plutôt des membres de la culture dominante qui les forcent à s’isoler, on

parle de ségrégation. La dernière stratégie, plus négative, est la marginalisation : les

immigrants vivent en même temps le rejet de la part de la société dominante et la

perte progressive de leur identité et de leurs valeurs traditionnelles. Berry (Ibid.)

souligne que cela survient quand des immigrants en mode d’assimilation vivent des

processus d’exclusion de la part des membres de la société d’accueil.

Selon Bourhis et Bougie (1998), l’adoption de l’une ou de l’autre des

stratégies d’acculturation par les immigrants peut être influencée par les orientations

d’acculturation des membres de la société d’accueil. Ces auteurs indiquent qu’il y a

«concordance» lorsque les orientations d’acculturation des membres de la société

d’accueil correspondent avec celles des immigrants et qu’il y a «discordance» quand

les orientations ne coïncident pas ou ne coïncident que dans une très faible mesure.

Ainsi, «les profils d’acculturation concordants ou discordants donnent lieu à des types

de conséquences relationnelles différentes durant les rencontres entre les membres du

groupe immigrant et ceux de la communauté d’accueil.» (Ibid., p.89) Ces

conséquences entraînent des «relations dites consensuelles», des «relations

problématiques» et des «relations conflictuelles». Ces divers types de relations

peuvent se manifester dans plusieurs domaines comme l’emploi, les relations

communautaires et dans différentes institutions comme l’école, les services de santé,

la police et le système judiciaire. Ainsi, des orientations d’acculturation concordantes

donnent lieu à des «relations consensuelles», c’est-à-dire des relations positives

caractérisées par une bonne communication, l’absence de discrimination et l’absence

de problèmes d’acculturation. Par exemple, si les immigrants et les membres de la

communauté d’accueil veulent tous l’intégration ou l’assimilation, l’acculturation

devient plus facile. Par contre, si les orientations d’acculturation des immigrants et

celles de la communauté d’accueil sont discordantes, les relations peuvent être

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problématiques ou conflictuelles. Les «relations problématiques» sont caractérisées

par des problèmes de communication, des préjugés, des stéréotypes négatifs et

peuvent donner lieu à un stress d’acculturation chez les personnes immigrantes. Par

exemple, si les immigrants veulent s’intégrer alors que la communauté souhaite

l’assimilation des immigrants ou inversement, leurs relations peuvent devenir

problématiques. Quant aux «relations conflictuelles», elles impliquent un manque de

communication, des stéréotypes négatifs, de la discrimination et du racisme. Par

exemple, les membres de la communauté d’accueil qui optent pour la ségrégation ou

l’exclusion des immigrants vont entretenir des relations conflictuelles avec des

immigrants qui veulent l’intégration ou l’assimilation. Bourhis et Bougie soulignent

d’ailleurs que les «exclusionnistes» sont les plus hostiles envers les immigrants

puisqu’ils «sont les plus susceptibles de lancer des attaques racistes contre les

immigrants et de mettre sur pied des mouvements politiques pour les dénigrer ou les

expulser.» (Ibid., p.91)

Il importe de souligner que les orientations d’acculturation de la communauté

d’accueil peuvent varier en fonction de l’origine ethnoculturelle de chaque groupe

d’immigrants (Bourhis et Bougie, Ibid.). Ainsi, comme l’indiquent ces auteurs, les

membres de la communauté d’accueil peuvent choisir l’intégration des immigrants

d’origine culturelle X, mais opter pour l’exclusion des immigrants d’origine

culturelle Y. Sélim (1981) abonde dans le même sens en soulignant que le degré

d’acculturation dépend non seulement des cultures, mais aussi des populations en

contact. Quand les personnes en contact ont des cultures très proches, l’acculturation

est vue comme un enrichissement mutuel. Par contre, quand les groupes en présence

ont des cultures qui n’ont rien de semblable, la confrontation des deux cultures peut

être difficile, car «l’éloignement des cultures, quel qu’en soit le degré, joue comme

un facteur négatif qui rend difficile l’acculturation» (Ibid., p. 54). Cependant, comme

le précise Buzzanga (1974, p.172), «Un minimum d’acceptation des valeurs de la

société d’accueil est indispensable pour qu’ait lieu l’intégration.» Parlant des

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72

conséquences d’une mauvaise acculturation chez les immigrants, Charpentier (2008)

écrit que :

Le «phénomène d’acculturation» est à considérer avec beaucoup de soin

[…]; quand l’intégration se fait dans de mauvaises conditions, […] le

sujet adulte ou enfant présente des tendances de repliement sur soi ou, à

l’opposé, des tendances agressives, mais aussi des états dépressifs, des

comportements de critique et d’opposition. Concrètement, cela peut

provoquer chez l’enfant des retards scolaires et chez l’adulte des échecs

sociaux ou professionnels. (p.25)

Le concept d’acculturation est d’un grand intérêt pour l’étude de l’IP du

personnel enseignant de migration récente au Québec. En effet, l’ouverture à la

culture de la société d’accueil est requise non seulement pour accéder à l’emploi,

mais aussi pour l’intégration tant sociale que professionnelle. Cependant, comme

nous venons de le voir, leur intégration nécessite l’ouverture des membres de la

communauté d’accueil à la diversité ethnoculturelle.

2.3 La communication interculturelle

Selon Barrette, Gaudet et Lemay (1996, p.35), «La communication est ce qui

permet aux membres d’une même culture ou de cultures différentes qui partagent des

modèles de perception du monde, des schémas cognitifs et des langages communs, de

créer du sens à travers leurs interactions.» Pour qu’une interaction ait du sens, il faut

que les interlocuteurs comprennent à peu près de la même façon le message émis.

Guitel (2006) va dans le même sens et considère que la communication est un

«processus bilatéral caractérisé par trois éléments: un émetteur, un message et un

récepteur» (p. 64). Toute communication implique un locuteur qui émet un message

et un autre qui le reçoit. Pour que le récepteur réponde à l’émetteur, il faut qu’il

décode le message reçu. C’est à partir du moment où le récepteur donne une réponse

au message qu’on peut parler de communication. Une bonne communication donne

lieu à des rétroactions entre les interlocuteurs (Bidou-Houbaine, 2005).

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73

Le terme interculturel concerne les relations entre cultures et civilisations

différentes (Rey-Debove et Rey, 2004). Camilleri (1990) et Guitel (2006) avancent

qu’on ne peut pas parler d’interculturel s’il n’y a pas rencontre de deux cultures

différentes. La communication interculturelle constitue un échange entre individus

provenant d’univers culturels différents (Camilleri, 1990; Guitel, 2006). Plus

précisément, selon ce dernier auteur, la culture comme ensemble de codes sociaux

colore le moyen de communication avec l’autre.

Lorsque les interlocuteurs partagent la même culture, le risque

d’incommunication est moindre, car ils donnent ordinairement plus ou moins la

même signification au message. Par contre, lorsque les interlocuteurs sont de cultures

différentes, le risque est grand de ne pas accorder le même sens au message puisque

chacun se réfère à son propre champ culturel qui est différent de celui de l’autre

(Barrette et al., 1996; Guitel, 2006). Si les interlocuteurs sont de cultures différentes,

une même réalité interprétée différemment peut provoquer de l’incompréhension

entre eux. Selon Guitel (Ibid., p.64), «il suffit de très peu pour qu’un malaise

interculturel s’installe et compromette tout le reste». Comme le souligne cet auteur,

l’écart interculturel entre les interlocuteurs peut parfois donner lieu à des chocs

culturels, ce qui entraîne une «panne de communication». Cette panne provient du

fait que chacun des interlocuteurs a tendance à interpréter et à juger le message de

l’autre par rapport à sa propre culture. Or, ne pas reconnaître la différence de l’autre

nuit à la bonne communication interculturelle (Guitel, Ibid.; Camilleri, 1990).

Une communication interculturelle efficace requiert une compréhension

mutuelle entre les interlocuteurs. Cette compréhension suppose une reconnaissance

des limites de son propre champ de référence et une ouverture à l’autre culture

(Camilleri et Cohen-Émerique, 1989; Césari-Lusso, 2008; Muhammad, 2005). À

partir du moment où l’on s’ouvre à l’autre et qu’on accepte de coopérer, les barrières

culturelles peuvent tomber et une communication plus efficace peut se produire. Cela

peut se traduire par une ouverture à la culture du pays d’accueil, car l’intégration ne

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74

peut se faire qu’en entrant en contact avec les membres de ladite société. Le

développement de la capacité de communication interculturelle facilite assurément

l’interaction entre les personnes immigrantes et les membres de la société d’accueil.

Dans le cas des EMR, ils ou elles doivent apprendre à connaître la culture québécoise

afin de pouvoir à la fois mieux communiquer et comprendre les réactions des élèves

et des autres membres de la communauté scolaire. Le développement d’une

compétence en communication interculturelle est indispensable pour que leurs

interactions avec les élèves aient un sens, que «les élèves participent et comprennent

les actions dirigées vers eux et, par leur rétroaction, permettent à l’enseignant de

s’interroger sur ses gestes» (Toussaint, 2010, p.98). Une communication

interculturelle difficile ou peu adéquate pèserait lourd sur l’intégration

socioprofessionnelle des EMR et par conséquent sur leur IP.

2.4 Le rapport au savoir

Charlot (2005) définit le rapport au savoir comme un «rapport d’un sujet au

monde, à soi-même et aux autres. Il est rapport au monde comme ensemble de

significations, mais aussi comme espace d’activités et il s’inscrit dans le temps»

(p.90). Comment celui-ci explique-t-il ce concept de rapport au savoir? Il l’illustre en

partant de l’exemple d’un enfant. En venant au monde, l’enfant est comme une page

vierge, il n’a aucune connaissance, ni aucun savoir, mais il arrive dans un

environnement déjà organisé. Au fur et à mesure qu’il grandit et qu’il entre en

interaction avec son monde, celui-ci l’influence. L’enfant, écrit-il, «est

biologiquement ouvert sur ce milieu, tourné vers lui, il s’en nourrit, se l’assimile, de

sorte que ce qui était élément du milieu devient ressource du vivant» (Ibid., p. 90).

L’enfant, par le biais de ses proches, apprend les valeurs, les normes et les coutumes

caractéristiques de sa société. Ainsi, les rapports avec ses proches influencent ses

façons de penser, d’agir, de sentir et d’entrer en relation avec les ressources de son

environnement. C’est donc à travers les divers apprentissages que l’enfant entre en

relation avec son monde «parce qu’il accède à l’univers des significations, au

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75

“symbolique”, et c’est dans cet univers symbolique que se nouent les relations entre

le sujet et les autres, entre le sujet et lui-même» (Ibid., p. 90).

Ce monde en interaction avec le vivant est à comprendre aussi comme

«espace d’activités». Le monde se construit et le monde évolue grâce aux différents

apports des êtres qui le peuplent. Ces apports sont le fruit des différentes activités qui

s’y déroulent et qui débouchent sur un savoir nouveau. Ainsi, «le rapport au savoir

implique une activité du sujet» (Charlot, 1997, p.91). De plus, ajoute-t-il, le monde

dans lequel nous vivons évolue et change avec le temps. Ce qu’il était hier est

différent de ce qu’il est aujourd’hui et de ce qu’il sera demain. Le rapport au savoir

étant rapport d’un sujet au monde, il devient donc rapport au temps. Ainsi, croit-il,

«L’appropriation du monde, la construction de soi, l’inscription dans un réseau de

relation aux autres - l’«apprendre» - exigent du temps et ne sont jamais achevées.»

(Ibid., p. 91).

Cette définition de Charlot (1997) du rapport au savoir est explicite et peut

aider à éclairer notre recherche sur l’insertion des EMR au Québec puisque les

enseignantes et enseignants «orientent les apprentissages et le rapport au savoir des

élèves dans une certaine direction» (Desaulniers et Jutras, 2006, p.137). Pour bien

jouer ce rôle, ils doivent avoir des compétences en rapport avec les disciplines qu’ils

enseignent, la culture et la langue d’enseignement (Gouvernement du Québec, 2001).

L’enseignante ou l’enseignant qui n’a pas assez de connaissances dans la

discipline qu’il enseigne rend plus ou moins impossibles les apprentissages de ses

élèves. Il devient difficile pour lui non seulement de déterminer les connaissances à

faire acquérir aux élèves, mais aussi de les adapter à leur niveau. Par ailleurs, comme

l’indique Derouet (2002, dans Dehalu, 2008, p.74), «un savoir est construit dans une

sphère et en fonction des enjeux de cette sphère. Pour faire sens dans une autre

sphère, il doit partiellement être déconstruit et reconstruit en fonction des enjeux du

nouveau contexte. » C’est pourquoi, au Québec, il ne leur suffit pas d’avoir des

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76

compétences disciplinaires, les enseignants doivent aussi savoir diriger les

apprentissages des élèves et leur rapport au savoir en fonction des finalités de l’école

(Desaulniers et Jutras, 2006). Le terme finalité est à comprendre comme un but à

atteindre (De Villers, 2003). Les finalités éducatives peuvent différer d’un système

scolaire à un autre et changer au rythme de l’évolution de la société (Desaulniers et

Jutras, 2006). Au Québec, la réforme de l’éducation des années 1990 a conduit au

renouvellement de la mission de l’école. Dans L’école tout un programme, le

Gouvernement du Québec (1997) a précisé la mission de l’école québécoise :

instruire, socialiser et qualifier. Le programme d’études qui a fait suite à cette

politique éducative, le Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ), est

fondé sur l’approche par compétence, le décloisonnement de la formation, une

nouvelle politique d’évaluation des apprentissages, ainsi que le passage du paradigme

de l’enseignement au paradigme de l’apprentissage (Gouvernement du Québec,

2007). Ces nouvelles orientations impliquent de nouvelles conceptions de

l’enseignement et de l’apprentissage. C’est ainsi que le paradigme de l’apprentissage

du PFEQ est basé sur une conception constructiviste et socioconstructiviste. Dans

cette optique, l’élève devient le principal acteur dans le processus d’apprentissage. Ce

changement de paradigme modifie les pratiques enseignantes (Jutras, Desaulniers et

Legault, 2003; Gouvernement du Québec, 2007) comme on peut le voir dans ce

tableau 4.

Tableau 4

Différence entre le modèle traditionnel et les modèles centrés sur l’apprenant

Modèle traditionnel Modèles constructiviste et

socioconstructiviste

L’enseignant Transmetteur des connaissances Guide, soutien, accompagnateur

Technicien qui exécute les

directives des programmes à

l’aide des manuels scolaires.

Professionnel autonome qui

planifie des situations

d’apprentissage et d’évaluation, et

prépare son propre matériel, etc.

Planifie en fonction des objectifs

à atteindre, vise le développement

des habiletés des élèves

Planifie en fonction des

compétences à développer pour

chaque élève. L’élève est pris

comme un cas unique

Page 79: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

77

Devant ses élèves dans la classe Proche de ses élèves et de chaque

élève

Autoritaire Non autoritaire

Accède au savoir par

l’intermédiaire de l’enseignant

Accède au savoir par lui-même et

par les interactions avec les autres

Élève Passif : écoute et prend des notes,

pose moins de questions

Actif : construit son savoir, pose

des questions à l’enseignant,

recherche des informations à

l’aide de diverses ressources

Moins d’interactions entre élèves Plus d’interactions entre élèves :

apprentissage coopératif

Objet

d’évaluation

Niveau des connaissances atteint Niveau de développement atteint

Source : Ce tableau a été élaboré à partir de Jutras, Desaulniers et Legault (2003) et

de Gouvernement du Québec (2007).

Ce passage du modèle traditionnel aux modèles centrés sur l’apprenant change

les rapports aux savoirs des enseignantes et enseignants (Maury et Caillot, 2003).

Ceux-ci ne transmettent plus des savoirs livresques, mais ils doivent «définir des

situations à l’intérieur desquelles les élèves peuvent construire des connaissances et

développer des compétences» (Ibid., p.114). Selon ces auteurs, cette transition d’un

modèle à l’autre peut comporter d’énormes défis. On a d’ailleurs pu voir dans la

revue des écrits que les enseignantes et enseignants immigrants qui viennent des

cultures où le modèle d’enseignement est traditionnel éprouvent des difficultés

d’adaptation aux modèles centrés sur l’apprenant.

Qui plus est, le rapport au savoir étant aussi rapport aux autres, le changement

de paradigme transforme la relation enseignant-élèves car le rapport au savoir

comporte souvent des représentations, celles du «bon élève» ou du «bon prof»

(Charlot, 2005):

Tout rapport au savoir, en tant que rapport d’un sujet à son monde,

est rapport au monde et à une forme d’appropriation du monde :

tout rapport au savoir présente une dimension épistémique. Mais

tout rapport au savoir comporte également une dimension

Page 80: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

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identitaire : apprendre fait sens en référence à l’histoire du sujet, à

ses attentes, à ses repères, à sa conception de la vie, à ses rapports

aux autres, à l’image qu’il a lui-même et à celle qu’il veut donner

aux autres. (p.85)

Par conséquent, le changement de paradigme mène à de nouveaux rapports aux

collègues et aux élèves. Cela peut remettre en cause ses croyances profondes et ses

conceptions bien ancrées, comme on a pu le constater dans la revue des écrits.

Selon Amireault et Lussier (2008, p.13) «l’apprentissage fait partie intégrante

de la culture d’une société». Au Québec, on considère que les enseignantes et

enseignants doivent être des pédagogues cultivés pour mieux jouer leur rôle de

passeur culturel (Martineau, 2006). Par ailleurs, Charlot (1997, 2005) indique aussi

que le rapport au savoir constitue également un rapport à la langue en tant

qu’ensemble de symboles. C’est par la langue que la culture se transmet et c’est par

elle qu’on communique le savoir. Ainsi, sans maîtrise de la langue sous toutes ses

formes, l’enseignant est incapable de faire accéder les élèves au savoir et à la culture

(Desaulniers et Jutras, 2006). Sans ouverture au monde dans lequel ils vivent, sans

ouverture à sa culture, il leur est difficile de «permettre aux élèves de faire des liens

entre ce qu’ils apprennent et ce qu’ils vivent, de même que les aider à se connaître et

à se situer dans le monde» (Ibid., p.141).

Eu égard au rapport au savoir, nous pouvons dire que l’IP des EMR interroge

leurs rapports aux savoirs. Nous venons de voir que l’enseignante ou l’enseignant

doit avoir des compétences en rapport avec les approches d’enseignement, les savoirs

à enseigner ainsi que des compétences en rapport avec la culture et la langue

d’enseignement pour répondre aux exigences du PFEQ. Bien que les EMR aient déjà

enseigné dans leurs pays d’origine, leur maîtrise de la discipline qu’ils ont à enseigner

ne suffit pas pour enseigner. Ils doivent aussi pouvoir s’inscrire dans l’approche

d’enseignement au Québec et les orientations du PFEQ pour mieux planifier leurs

enseignements. Il est alors possible qu’ils doivent modifier leurs conceptions et

représentations de l’éducation, notamment par rapport à l’image qu’ils ont d’un «bon

Page 81: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

79

élève» ou d’un «bon prof» pour réussir leur intégration dans le nouveau système

d’enseignement. De plus, ils doivent avoir une assez bonne maîtrise de la culture et

du français, la langue d’enseignement dans les écoles francophones au Québec. Une

bonne connaissance de l’anglais est nécessaire pour enseigner dans les écoles

anglophones. En effet, le français est considéré comme «un moyen d’intégration

personnelle et professionnelle au Québec» (Amireault et Lussier, 2008, p.37). Sans

connaissance de la langue d’enseignement, les EMR ne peuvent pas accéder à

l’emploi. Et sans ouverture à la culture du milieu d’accueil, il leur est impossible de

communiquer le savoir et d’entrer en contact avec les membres de la communauté

scolaire.

3 LES OBJECTIFS DE RECHERCHE

Chaque EMR a des repères et une histoire migratoire qui lui sont propres.

N’ayant pas le même passé et le même parcours, la façon dont ils vont vivre leur

transition sociale, culturelle et professionnelle sera aussi différente. Quelqu’un, par

exemple, qui a une assez bonne connaissance de la langue de la société d’accueil

n’aura pas les mêmes difficultés d’adaptation que celui ou celle qui n’a jamais

pratiqué cette langue.

La transition touche tous les aspects de l’IP des EMR. En effet, dès leur

arrivée dans la société québécoise, ces enseignantes et enseignants vivent une

multitude de transitions, notamment une transition socioculturelle et professionnelle.

Au niveau socioculturel, ces enseignantes et enseignants commencent à s’adapter au

nouvel environnement, cherchent à s’informer sur les conditions d’équivalence des

diplômes et d’accès à l’emploi. Toutes ces étapes marquent le début du processus

d’insertion en emploi. Une fois qu’ils obtiennent un emploi, ils doivent s’adapter aux

nouvelles conditions de travail. Au niveau de l’insertion au plan organisationnel, ils

doivent surmonter des défis d’intégration à la culture de l’école et à l’équipe des

enseignants. Ils doivent s’ouvrir à la culture, apprendre les nouvelles normes de

Page 82: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

80

travail, s’imprégner de la politique scolaire, etc. En un mot, ils doivent développer

des processus d’acculturation. Ils ont aussi à développer des relations avec leurs

collègues et le personnel de direction. Tout cela exige des compétences en

communication interculturelle. Toutefois, soulignons que la réussite de leur transition

au niveau organisationnel nécessite également que les collègues et la direction

s’ouvrent à ces EMR et les accompagnent dans leur processus d’intégration.

L’insertion au plan de la professionnalité peut comporter de nombreux défis

pour les EMR. Ils et elles entrent dans un système d’enseignement différent de celui

de leur pays d’origine. Cela interroge leur rapport au savoir d’autant plus que la

maîtrise de la discipline à enseigner ne suffit pas. Et pour cause, ils doivent non

seulement maîtriser la culture et la langue d’enseignement, mais aussi incarner les

finalités de l’école et les modèles d’enseignement centrés sur l’apprenant pour réussir

leurs pratiques d’enseignement au Québec. Même s’ils doivent fournir de grands

efforts d’adaptation, il appert que ce processus exige aussi du soutien et de la

collaboration des collègues qui pourront leur apprendre comment lire les situations.

Une bonne transition conduira ces EMR à réussir leur IP et leur permettra ainsi

d’offrir un enseignement de qualité.

Dans ce chapitre, nous avons montré que les concepts de transition

socioprofessionnelle, d’acculturation, de communication interculturelle, d’intégration

socioprofessionnelle et de rapport au savoir ont des liens entre eux. Leur mise en

réseau peut permettre de comprendre l’IP EMR dans sa globalité comme l’illustre la

figure 1.

Page 83: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

81

Figure 1. L’IP des EMR : un processus de transition

Il ressort du cadre conceptuel que les EMR ont à surmonter différents défis

au cours de leur IP dans l’enseignement. Ce chapitre a permis d’apporter des pistes de

réflexion à notre question générale de recherche, à savoir : comment les EMR au

Québec vivent et perçoivent leur IP dans leur nouvel environnement scolaire et

culturel? Maintenant nous pouvons poser l’objectif général de la recherche : décrire et

comprendre l’expérience d’IP des EMR dans le contexte scolaire québécois.

Transition socioprofessionnelle

IP en enseignement

Insertion

au niveau

de l’emploi

Insertion au niveau organisationnel

Insertion au

niveau du

travail Insertion au niveau de la professionnalité

Acculturation Intégration

socioprofessionnelle

Communication interculturelle

Rapport

au savoir Élèves

Langue,

culture

Savoirs à

enseigner

Modèles d’enseignement

Page 84: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

82

De cet objectif général découlent deux objectifs spécifiques :

1. Décrire et comprendre l’expérience de transition professionnelle des EMR au

Québec.

2. Décrire et comprendre l’expérience d’adaptation au rôle professionnel des

EMR dans le contexte scolaire québécois.

*

* *

Dans ce chapitre sur le cadre conceptuel, nous avons pu expliquer les concepts

pertinents à l’étude de l’IP des enseignantes et enseignants de migration récente.

L’illustration des liens entre les concepts permet d’appréhender leur insertion dans

toute sa globalité. Les résultats seront discutés à la lumière de ces concepts. Le

chapitre suivant sur la méthodologie rapporte les moyens qui ont été mis en place

pour atteindre les objectifs fixés.

Page 85: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

83

TROISIÈME CHAPITRE

LA MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE

Il importe de rappeler que notre recherche comporte deux objectifs

spécifiques: 1) décrire et comprendre l’expérience de transition professionnelle des

EMR au Québec et 2) décrire et comprendre l’expérience d’adaptation au rôle

professionnel des EMR dans le contexte scolaire québécois. Ces objectifs de

recherche appellent un cadre méthodologique particulier, que nous présentons dans le

présent chapitre. Il est question de préciser le type de recherche choisi, le type

d’échantillonnage et la stratégie pour le choix des participants, la méthode et

l’instrument de collecte de données, la démarche d’analyse et de validation des

données, les aspects éthiques et déontologiques et le cadre de la thèse par articles.

1 LE CADRE MÉTHODOLOGIQUE: RECHERCHE QUALITATIVE

D’INSPIRATION PHÉNOMÉNOLOGIQUE

Toute recherche impose à la chercheuse ou au chercheur un choix d’une

méthodologie appropriée pour atteindre ses objectifs. Ce choix est non seulement

dicté par sa position épistémologique (Gendron, 1996), mais aussi par «des

caractéristiques spécifiques du phénomène étudié et du contexte de la recherche»

(p.163). Fortin (1996) s’inscrit aussi dans cette logique et considère que «La décision

d’utiliser soit une méthode qualitative, soit une méthode quantitative, relève de la

question de recherche, selon que celle-ci suggère l’exploration de l’expérience

humaine ou l’explication et la vérification de relations.» (p.138) Notre recherche a

pour objectif général de décrire et comprendre l’expérience d’IP des EMR dans le

contexte scolaire québécois. Étant située dans une logique descriptive et

compréhensive, l’approche qualitative a été la mieux indiquée pour aborder notre

objet de recherche. En effet, comme l’indique Fortin (2006, p.25-26), «Le but des

recherches qualitatives est de découvrir, d’explorer, de décrire des phénomènes et

d’en comprendre l’essence.»

Page 86: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

84

Selon Fortin (2006) en optant pour une méthodologie, «le chercheur adopte

une vision du monde et un fondement philosophique» (p. 15). Notre choix étant

orienté vers les méthodologies qualitatives, nos référents ontologiques et

épistémologiques s’inscrivent ainsi dans le paradigme compréhensif et interprétatif

(Fortin, 2010 ; Karsenti et Savoie-Zajc, 2004).

Dans une recherche qualitative, la chercheuse ou le chercheur étudie un

phénomène dans sa globalité en essayant de comprendre et de dégager le sens que les

individus lui attribuent. Étant donné que nous voulons décrire et comprendre

l’expérience d’IP des EMR dans le contexte scolaire québécois et tenant compte de la

pluralité des méthodologies qualitatives, l’approche phénoménologique a été

privilégiée pour atteindre nos objectifs de recherche. Selon Fortin (2006), la

phénoménologie constitue non seulement une doctrine philosophique, mais aussi une

méthode de recherche. Comme doctrine philosophique, la phénoménologie pose que

l’être humain est un tout indissociable de son environnement et que sa façon

d’interagir avec son monde lui est propre. Ainsi, qui prétend comprendre l’humain ne

peut le séparer de son propre contexte. Comme méthode, la phénoménologie

constitue une «démarche inductive qui a pour but l’étude d’expériences déterminées

telles qu’elles sont vécues et décrites par des personnes. Elle vise à comprendre un

phénomène, à en saisir l’essence du point de vue des personnes qui en font ou en ont

fait l’expérience.» (p.29). Ainsi, dans une recherche phénoménologique, la

chercheuse ou le chercheur intervient le moins possible afin de se consacrer à mettre

en avant la perception que les participants ont du phénomène à l’étude (Poisson,

1991). Il doit prendre la position de ce qu’Alex Muchielli (1983, dans Ibid, p.27)

appelle une «réduction phénoménologique», c’est-à-dire mettre de côté toutes ses

connaissances et perceptions sur le phénomène «pour ne pas altérer la qualité des

données issues directement des personnes qui sont l’objet de la recherche».

Deschamps (1993, dans Lapointe, 1994, p.12-13) s’inscrit dans la même logique et

avance qu’une recherche utilisant l’approche phénoménologique doit :

Page 87: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

85

1. être fidèle au phénomène tel qu’il est expérimenté par le sujet;

2. considérer et respecter la manière dont se livre l’expérience du

phénomène;

3. être descriptive, c’est-à-dire rapporter soigneusement l’évidence

du phénomène qui apparaît à la conscience;

4. présenter le contexte dans lequel se situe la personne qui vit

l’expérience et qui en fournit une description;

5. expliciter la signification de l’expérience du phénomène à l’aide

d’un procédé d’analyse phénoménologique qui permet d’élucider le

sens intentionnel contenu dans les données descriptives jusqu’à la

conceptualisation finale de ce dernier.

Bachelor et Joshi (1986) notent également que la compréhension du phénomène à

l’étude repose sur le contexte et les significations que les sujets accordent à leur

expérience.

Selon ce que nous avons dégagé de l’approche phénoménologique, nous

considérons qu’elle est la plus appropriée pour nous permettre d’accéder à

l’expérience d’IP des EMR au Québec. En effet, chaque enseignante ou enseignant de

migration récente a un parcours antérieur et actuel qui lui est propre et la façon dont il

ou elle vit son expérience d’IP dans son nouvel environnement et son nouveau

système scolaire lui est propre également. Nous avons donc cherché à décrire et à

comprendre le sens de cette expérience dans le respect des significations que les

participantes et les participants à l’étude ont donné à la réalité qu’ils vivent.

2 L’ÉCHANTILLONNAGE ET LE RECRUTEMENT DES PARTICIPANTS

Selon Savoie-Zajc (2007), l’échantillonnage constitue l’ensemble des

décisions qui sous-tendent le choix de l’échantillon. Cette auteure indique que

l’échantillonnage et le choix de l’échantillon doivent être cohérents «avec les

positions épistémologiques, théoriques et méthodologiques du type de recherche

entrepris» (Ibid., p.110). Ainsi, dans une recherche qualitative compréhensive et

interprétative comme la nôtre, le choix des participantes et des participants est établi

Page 88: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

86

en fonction du problème et de la question de recherche qui précise l’objet d’étude.

Notre question de recherche étant de comprendre comment les EMR vivent et

perçoivent leur expérience d’IP dans le contexte scolaire québécois, nous devions

nous assurer que les personnes participantes avaient effectivement vécu le

phénomène. Le choix des enseignantes et enseignants qui ont fait partie de notre

échantillon n’a donc pas été fait au hasard. C’était un choix intentionnel (Fortin,

2010; Karsenti et Savoie-Zajc, 2004), c’est-à-dire que nos participantes et participants

devaient être avant tout des enseignantes et des enseignants répondant à des critères

déterminés: avoir reçu une formation à l’enseignement et détenir une expérience

d’enseignement dans leur pays d’origine, exercer ou avoir exercé durant au moins une

année la fonction d’enseignante ou d’enseignant au Québec. Le critère d’expérience

minimale d’une année d’enseignement visait à permettre d’avoir accès à des

expériences d’IP suffisamment significatives et variées pour éclairer le phénomène à

l’étude. De plus, conformément à notre définition d’EMR, les participantes et

participants devaient être dans leurs sept premières années de résidence au Québec.

Les participantes et participants à la recherche ont été recrutés à l’aide du

système d’échantillonnage par réseaux ou en boule de neige (Fortin, 2010). En effet,

nous sommes passée par les ressources du milieu pour cibler les personnes

susceptibles de répondre à nos critères. Par la suite, il était demandé aux personnes

interviewées de nous indiquer, à leur tour, d’autres personnes qui répondaient aux

mêmes critères. Pour entrer en contact avec les participantes et participants, nous leur

avons envoyé un courriel pour nous présenter d’abord en tant que chercheuse sur le

sujet, puis nous leur avons transmis, s’ils étaient intéressés, une lettre les invitant à

participer volontairement à notre recherche. Dans le cas d’une réponse positive, un

rendez-vous était pris pour l’entrevue selon leur disponibilité. La lettre d’invitation

figure à l’annexe A.

L’enquête s’est déroulée entre août 2011 et mai 2012 dans les régions de

Montréal et de Sherbrooke. La région de Montréal a été choisie pour la simple raison

Page 89: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

87

qu’un grand nombre d’EMR y ont été recensés (Données internes du MELS, Martel,

2010) et celle de Sherbrooke, en raison de la disponibilité des personnes qui habitent

notre région. Afin d’appréhender le phénomène à l’étude dans sa diversité et de nous

assurer d’une compréhension riche, l’échantillon a été diversifié quant au genre, à la

société d’origine, au champ de formation et à l’expérience d’enseignement. Le

tableau 4 présente les principales caractéristiques des participantes et participants.

Des pseudonymes leur ont été attribués afin de préserver leur anonymat.

Page 90: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

88

Tableau 5.

Caractéristiques des participants et participantes

Profil

Participant

Tranche

d’âge

Origine Champ de

formation pays

d’origine

Niveau

de

formation

Années

de

résidence

au

Québec

Expérience

d’enseignement

Niveau

d’enseignement

au Québec

Matières

enseignées

au Québec Pays

origine

Québec

Dora 36-45

ans

Afrique

Subsaharienne

Enseignement

des sciences et

technologies

Maîtrise 3 ans 15 ans 2 ans Secondaire Sciences et

technologie

Prima 36-45

ans

Afrique

Subsaharienne

Enseignement

du français

Maîtrise 2 ans 13 ans 1 an -Secondaire

-Primaire

(éducatrice)

Français

Olivia 46-55

ans

Afrique

Subsaharienne

Littérature

africaine

Licence 6 ans 5 ans 2 ans Secondaire Français

Nadia 46-55

ans

Afrique du

Nord

Didactique du

français

langue

seconde

Maîtrise 4 ans 20 ans 3 ans Secondaire Français

Latifa 36-45

ans

Afrique du

Nord

Didactique du

français et des

mathématiques

Maîtrise 6 ans 6 ans 3,5 ans -Secondaire

-Primaire

(Accueil)

-Maths

-Français

langue

seconde

Francis 46-55

ans

Afrique

Subsaharienne

Physique Maîtrise 2 ans 12 ans 1 an Secondaire Sciences et

technologies;

Maths

Karim 36-45

ans

Afrique du

Nord

Linguistique Doctorat 4 ans 17 ans 3 ans Secondaire Français

Page 91: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

89

Profil

Participant

Tranche

d’âge

Origine Champ de

formation pays

d’origine

Niveau

de

formation

Années

de

résidence

au

Québec

Expérience

d’enseignement

Niveau

d’enseignement

au Québec

Matières

enseignées

au Québec Pays

origine

Québec

André 55-65

ans

Afrique

Subsaharienne

Didactique des

mathématiques

Maîtrise 7 ans 14 ans 6 ans Secondaire Maths

Mariya 36-45

ans

Europe de

l’Est

Linguistique Maîtrise 7 ans 3 ans 5 ans Primaire

(accueil)

Français

langue

seconde

Eva 36-45

ans

Europe de

l’Est

Langue

française

Licence 5 ans 20 ans 4 ans Primaire et

secondaire

(accueil)

Français

langue

seconde

Michael 25-35

ans

Caraïbes Enseignement

de l’histoire

Licence 5 ans 4 ans 3 ans Secondaire Histoire

Éthique et

culture

religieuse

Rocio 46-55

ans

Amérique du

Sud

Enseignement

de l’espagnol

Licence 7 ans 17 ans 5 ans Primaire (École

privée)

Espagnol

Alessandra 36-45

ans

Amérique du

Sud

Adaptation

scolaire et

sociale

Licence 7 ans 16 ans 5 ans Secondaire

(Adaptation

scolaire et

sociale)

Anglais, arts

plastiques.

Page 92: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

90

L’échantillon de 13 enseignantes et enseignants comprend neuf femmes et quatre

hommes. Un enseignant a moins de 35 ans, sept ont entre 36-45 ans, quatre

enseignants ont entre 46-55 ans et un enseignant a plus de 56 ans. La majorité des

enseignantes et enseignants (Dora, Prima, Olivia, Nadia, Latifa, Francis, André,

Karim) viennent d’Afrique; deux viennent d’Europe de l’Est (Mariya et Eva); un des

Caraïbes (Michael); tandis que deux viennent de l’Amérique du Sud (Rocio et

Alessandra). Quant au niveau de formation, un enseignant a un doctorat, six

enseignants ont une maîtrise et cinq ont une licence (cinq ans d’université). La

majorité, 9/13 enseignants, ont de 12 ans à 20 ans d’expérience d’enseignement dans

leur pays d’origine alors que quatre ont de trois à six ans d’expérience. Certains ont

occupé des postes de responsabilité dans leurs pays d’origine: direction d’école

(Olivia et Prima), conseiller au ministère de l’Éducation (André) et chef de bureau

dans une compagnie privée (Mariya). Les 13 enseignantes et enseignants ont de deux

à sept ans de résidence au Québec et leur expérience d’enseignement au Québec varie

de un à six ans. Par rapport au niveau actuel d’enseignement, la majorité des

participantes et participants (10/13) sont au secondaire régulier; une (Rocio) est au

primaire dans une école privée; deux autres enseignent en classe d’accueil (Mariya au

primaire; Eva au primaire et secondaire). Une enseignante (Latifa) qui est au

secondaire actuellement a d’abord été enseignante au primaire en classe d’accueil.

Par rapport aux champs d’enseignement, six enseignantes et enseignants (Karim,

Nadia, Olivia, Prima, Eva, Mariya) sont dans le champ des langues, plus précisément

dans l’enseignement du français; quatre enseignants (Dora, Francis, André et Latifa)

sont dans le champ des mathématiques, sciences et technologies; un enseignant

(Michaël) est dans le domaine l’univers social; une enseignante est en adaptation

(Alessandra) et une autre (Rocio) enseigne l’espagnol dans une école privée.

Page 93: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

91

3 LE CADRE DE COLLECTE DES DONNÉES

Dans cette section, nous présentons la méthode de collecte de données et

l’instrument qui a été utilisé. Il s’agit précisément de l’entrevue semi-dirigée et du

guide d’entrevue construit à cet effet.

3.1 Méthode de collecte des données : l’entrevue semi-dirigée

Dans le cadre de notre recherche, la collecte de données a été faite par le biais

d’entrevues semi-dirigées. Selon Fortin (2010), une recherche de type

phénoménologique peut reposer sur l’entrevue, le journal de bord, l’observation

directe ou l’observation participante. Étant donné que nous cherchions à décrire et

comprendre l’expérience vécue par les EMR au cours de leur IP, pour accéder à leur

expérience, il fallait leur donner la parole pour qu’ils puissent exprimer ce qu’ils

vivent et comment ils le perçoivent. C’est pourquoi l’entrevue, plus particulièrement

l’entrevue semi-dirigée, a été privilégiée pour accéder à leur expérience (Savoie-Zajc,

2009). Cette auteure définit l’entrevue dirigée comme suit :

Une interaction verbale animée de façon souple par le chercheur.

Celui-ci se laissera guider par le rythme et le contenu unique de

l’échange dans le but d’aborder, sur un mode qui ressemble à celui

de la conversation, les thèmes généraux qu’il souhaite explorer avec

le participant à la recherche. Grâce à cette interaction, une

compréhension riche du phénomène à l’étude sera construite

conjointement avec l’interviewé. (p.340)

Selon Savoie-Zajc (Ibid., p.343), l’entrevue semi-dirigée permet à la

chercheuse ou au chercheur de «rendre explicite l’univers de l’autre» en ce sens que

l’interaction entre la chercheuse ou le chercheur et la participante ou le participant

amène ce dernier à exprimer son vécu, ses pensées et ses intentions sur un phénomène

donné. L’échange sur des thèmes précis permet aussi à la chercheuse ou au chercheur

de comprendre davantage son objet de recherche. De plus, l’entrevue semi-dirigée

Page 94: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

92

permet aux interlocuteurs d’apprendre l’un de l’autre, d’organiser, de structurer leur

pensée et ainsi en arriver à produire un savoir en situation, une coconstruction grâce à

l’interaction vécue. Enfin, l’entrevue semi-dirigée permet aux interlocuteurs de

s’émanciper dans la mesure où certaines questions «peuvent stimuler des prises de

conscience et des transformations de la part des interlocuteurs en présence». Pour

Bertier (2010), l’avantage de l’entrevue semi-dirigée est qu’elle est moitié non

directive et moitié directive. Elle est moitié non directive dans la mesure où la

chercheuse ou le chercheur entame une discussion autour des questions ouvertes où la

participante ou le participant s’exprime librement dans un climat détendu; elle est

moitié directive en ce sens que la chercheuse ou le chercheur oriente une discussion

autour des thèmes et sous-thèmes préparés à l’avance en rapport avec son objet de

recherche.

3.2 L’instrument de collecte des données : un guide d’entrevue

Dans une entrevue semi-dirigée, la chercheuse ou le chercheur doit utiliser un

guide d’entrevue (Karsenti et Savoie-Zacj, 2004 ; Savoie-Zajc, 2009) pour orienter

l’échange sur certains thèmes et sous-thèmes en rapport avec l’objet de recherche.

Selon Paillé (1991), le guide d’entrevue renferme plusieurs avantages. En effet, le

guide:

1) permet d’entrevoir les limites à l’intérieur desquelles l’entrevue

devra avoir lieu, ce qui a pour effet de rendre celle-ci plus

prévisible, donc mieux contrôlable;

2) permet d’éviter cette situation difficile où le chercheur termine

ses entrevues avec une tonne d’informations disparates,

pratiquement impossible à traiter;

3) Finalement, il permet d’obtenir sensiblement les mêmes

informations d’une entrevue à l’autre, avec les avantages que

l’on entrevoit au niveau de la validité des résultats. (p.3)

Comme le suggèrent Karsenti et Savoie-Zajc (2004), nous nous sommes basée sur la

problématique de recherche et le cadre conceptuel où les différents concepts ont été

Page 95: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

93

clarifiés pour élaborer notre guide d’entrevue. Cela nous a aidée à fixer les thèmes et

les questions qui orientaient nos entrevues en fonction des buts de notre recherche.

Notre guide d’entrevue a été mis à l’essai, en vue d’une validation, au mois de mai

2010 auprès de deux enseignants immigrants qui font de la suppléance occasionnelle.

Ces deux enseignants avaient une formation à l’enseignement et une expérience

d’enseignement acquise dans leurs pays d’origine. Le MELS n’ayant pas reconnu leur

diplôme, ils ont été obligés de recommencer leur formation en enseignement au

Québec. L’un a commencé à enseigner au Québec au cours de ses stages et il a

continué après avoir obtenu son brevet. Celui-ci a eu son brevet d’enseignement à la

fin de son baccalauréat. L’autre a fait un baccalauréat multidisciplinaire qui a compris

deux cours de didactique et de pédagogie. Après qu’il a complété ces cours, la

commission scolaire lui a donné une autorisation temporaire d’enseigner et dès lors, il

fait des suppléances occasionnelles. Notons que ces deux enseignants ne

remplissaient pas tous les critères pour être considérés comme EMR. En effet, les

deux enseignants avaient plus de sept ans de résidence au Québec. Cependant, le

choix de ces deux enseignants restait quand même pertinent dans la mesure où les

premières journées d’enseignement demeurent stressantes compte tenu du nouveau

contexte éducatif québécois et que leurs huit et dix années d’expérience

d’enseignement dans leurs pays d’origine pouvaient influencer leurs pratiques

d’enseignement.

L’analyse du contenu de ces entrevues a permis de vérifier si les questions

étaient bien posées ou si une reformulation ou un ajustement était nécessaire.

Certaines questions ont été reformulées, d’autres ont été fusionnées et l’ordre des

questions a été restructuré. Ainsi, notre guide d’entrevue révisé (voir annexe B)

comprend 27 questions autour des thèmes suivants : I. La formation antérieure et

l’expérience d’enseignement; II. Le parcours migratoire; III. L’insertion dans

l’emploi; IV. L’entrée dans le milieu scolaire; et V. L’exercice du rôle professionnel

au sein de l’école québécoise. Le premier thème sur la formation antérieure et

l’expérience d’enseignement porte sur la formation dans le pays d’origine, le niveau

Page 96: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

94

de formation atteint ainsi que l’expérience professionnelle acquise en enseignement

ou dans un autre domaine, dans le pays d’origine. Le deuxième thème sur le parcours

migratoire traite des raisons qui ont poussé à l’immigration, si la personne a transité

dans d’autres pays, son adaptation dans le ou les pays d’accueil. Le troisième thème

sur l’insertion dans l’emploi porte sur le temps passé avant d’être embauché, les

procédures d’embauche, la trajectoire d’emploi en enseignement au Québec, si elle ou

il a reçu une formation à l’enseignement au Québec. Le quatrième thème a trait au

vécu de l’intégration dans le milieu scolaire, à la culture de l’école, aux rapports avec

les collègues, les élèves et la direction. Le cinquième thème porte sur l’adaptation au

rôle d’enseignante ou d’enseignant, c’est-à-dire l’adaptation par rapport aux pratiques

d’enseignement, les défis ou les difficultés vécus. Après ce dernier thème, on a

bouclé l’entrevue avec des questions d’ordre général.

Lors de l’entrevue, nous sommes restée ouverte quant aux différents thèmes qui

pouvaient émerger de l’échange et qui sont riches de significations pour notre objet

d’étude. De plus, à chaque fin d’entrevue, il était demandé au participant s’il y aurait

d’autres sujets en lien avec les EMR qu’on n’a pas abordés et qui sont importants

pour lui. Enfin, une fiche de renseignements sur la personne interrogée a été jointe à

notre instrument de collecte de données pour recueillir les informations

sociodémographiques et professionnelles nécessaires à la description de chaque

participante ou participant.

4 LA DÉMARCHE D’ANALYSE ET DE VALIDATION DES DONNÉES

La constitution des données a été réalisée au moyen d’entrevues semi-

dirigées qui ont eu une durée de 60 à 90 minutes. Après la transcription des entrevues,

nous avons mis en place une analyse phénoménologique de données afin de mettre en

exergue dans un premier temps l’expérience individuelle des personnes ayant vécu le

phénomène à l’étude. Dans un deuxième temps, nous avons procédé à une analyse

transversale de l’ensemble des récits élaborés à la première étape d’analyse. Pour

réaliser une analyse phénoménologique, l’analyste, tout en cherchant à comprendre

Page 97: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

95

l’essence de cette expérience, va «pénétrer le sens intentionnel contenu dans les

données descriptives» (Deschamps, 1993, p.54). Ainsi, les données recueillies ont été

analysées en suivant les orientations de l’analyse phénoménologique (Bachelor et

Joshi, 1986). Nous avons procédé à l’analyse selon les étapes suivantes: la saisie du

sens global du texte, l’identification des unités de signification, la délimitation des

thèmes centraux, l’élaboration des récits individuels, l’analyse des thèmes centraux

sur l’ensemble des récits, la description de la structure fondamentale du phénomène à

l’étude.

4.1 L’analyse phénoménologique des données

La saisie du sens global du texte

Après chaque entrevue, nous avons transcrit mot à mot le verbatim. Pour

nous assurer que la transcription a été faite correctement, après la transcription, nous

avons réécouté les entrevues pour corriger les erreurs éventuelles. En même temps,

cela nous a permis de nous familiariser avec les données. De plus, nous avons lu et

relu chacun des verbatim pour nous rapprocher du phénomène et en saisir le sens

(Bachelor et Joshi, 1986; Dechamps, 1993). Deslauriers (1991, p.81) soutient à cet

égard que «le meilleur outil d’analyse est encore la lecture, la relecture et la re-

relecture des notes prises au cours des observations et des entrevues».

L’identification des unités de signification

Après avoir saisi le sens global de chacun des verbatim, nous sommes passée

à l’identification et à la délimitation des unités de signification qui émergeaient du

texte. Comme l’indiquent Bachelor et Joshi (1986), on découpe le texte en unités de

sens et on passe d’une unité à une autre chaque fois que le contenu exprimé par le

sujet change de sens. Une unité de sens peut être une phrase simple ou un ensemble

de phrases: «Le critère de démarcation des unités est que ces phrases ressortent

comme étant des exemples caractéristiques de l’expérience globale du sujet en

rapport avec l’objet spécifique de la recherche.» (Ibid., p.51) Deschamps (1993)

Page 98: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

96

abonde dans le même sens et note que ces unités représentent la structure même du

phénomène.

La délimitation des thèmes centraux

Une fois les unités de signification décelées, il a été question de «délimiter les

énoncés redondants et d’articuler le thème principal exprimé autour d’une ou de

plusieurs unités naturelles» (Bachelor et Joshi, 1986). Comme le suggèrent ces

auteurs, nous avons formulé les thèmes centraux dans le langage utilisé par les

participantes et les participants.

L’élaboration des récits individuels

Après la délimitation des thèmes centraux, nous sommes passée à la

rédaction du récit d’expérience d’IP spécifique à chaque participante ou participant.

Lors de l’écriture du récit, les aspects du témoignage à considérer étaient choisis en

fonction des objectifs de notre recherche. Paillé et Mucchielli (2003) soulignent que

l’écriture du récit doit faire usage du «vocabulaire des acteurs eux-mêmes, et elle doit

suivre la ligne chronologique ou argumentative mise en place par eux» (p.76). De ce

fait, nous sommes restée très proche du langage de chaque participant et comme le

suggèrent ces auteurs, nous avons utilisé le «je» comme pour signifier que la

personne s’exprime elle-même. La rédaction des récits nous a permis de décrire, à

travers le récit, l’expérience vécue de chaque participante ou participant tout en

respectant la trame de fond de son témoignage. Ainsi, nous avons élaboré 13 récits de

six à neuf pages chacun.

Dans toute recherche qualitative et, en l’occurrence dans la recherche

phénoménologique, la chercheuse ou le chercheur doit constamment se préoccuper de

la validité de ses analyses. Deschamps (1993) suggère de faire valider les récits

auprès des participantes et participants à la recherche. Pourtois et Desmet (1997) et

Van der Maren (1995) vont aussi dans le même sens : ils recommandent de soumettre

Page 99: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

97

les récits aux participantes et participants à la recherche pour qu’ils puissent

confirmer ou corriger les erreurs possibles. À cet égard, l’approbation des

interprétations par les personnes participantes donne une validité phénoménologique

ou validité de signifiance des interprétations (Pourtois et Desmet, 1997). Dans le

cadre de notre recherche, nous avons soumis les récits phénoménologiques aux

participantes et participants pour qu’ils puissent valider leur récit ou apporter des

corrections. Ainsi, chaque récit a été validé par le participant qui a pu l’accepter tel

quel ou demander des corrections mineures. Les 13 récits validés sont présentés au

quatrième chapitre.

4.2 L’analyse transversale des récits

L’analyse des thèmes centraux sur l’ensemble des récits

Une fois l’élaboration des récits terminée, il a été question d’analyser les

thèmes centraux en portant un regard sur l’ensemble des récits pour repérer des

convergences, des différences ou des particularités. L’analyse des thèmes centraux

«permet l’approfondissement de la compréhension des unités de signification»

(Fortin, 1996, p.312). Lors de l’analyse, nous avons tenu compte non seulement des

objectifs spécifiques de recherche, mais aussi de ce que le thème dévoile sur

l’expérience du sujet (Bachelor et Joshi, 1986). À cette étape, comme le suggèrent ces

auteurs, nous avons utilisé un langage scientifique pour rendre intelligible

l’expérience racontée.

La description de la structure fondamentale du phénomène à l’étude

La dernière étape consiste à faire une description des constituants essentiels

de l’expérience de manière à décrire le phénomène tel qu’il est (Bachelor et Joshi,

1986; Deschamps, 1993). Pour le cas qui nous concerne, il était question de faire une

description générale de l’expérience d’IP des EMR dans le contexte scolaire

québécois. Cette description générale du phénomène d’IP rassemble toutes les

descriptions spécifiques du vécu de chaque EMR «en une fidèle synthèse qui élève le

Page 100: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

98

niveau descriptif au-dessus de caractère spécifique, le portant ainsi à un niveau de

généralité tout en conservant intact le sens de l’expérience» (Ibid., p.73).

5 L’ÉTHIQUE DE LA RECHERCHE

Étant donné que notre recherche implique des sujets humains, elle a été

soumise au Comité d’éthique de la recherche en éducation et sciences sociales de

l’Université de Sherbrooke pour une évaluation éthique. Après avoir obtenu

l’attestation de conformité éthique (voir annexe C), nous avons respecté les termes de

l’approbation déontologique. Ainsi, les participantes potentielles et les participants

potentiels ont reçu une lettre d’invitation à participer à la recherche (voir annexe A).

Celle-ci contenait de l’information sur les objectifs de recherche et son déroulement

pour leur permettre de prendre une décision éclairée quant à leur participation : liberté

d’engagement, durée et déroulement de l’entrevue, critères de recrutement, utilisation

des données, anonymat et confidentialité des données. Par la suite, les participantes et

les participants sélectionnés ont été invités à signer un formulaire de consentement

avant l’entrevue (voir annexe D). De plus, au cours des entrevues, compte tenu que

nos participantes et participants sont des personnes immigrantes et que certaines

questions sur leur parcours migratoire pouvaient éventuellement rappeler des

événements douloureux vécus antérieurement, une liste d’organismes qui offrent des

services d’aide psychologique était prévue en cas de besoin. En outre, lors de

l’analyse et de la diffusion des résultats, nous avons veillé à l’anonymat des

participantes et participants en leur attribuant des pseudonymes. Par ailleurs, les noms

des écoles où ils ou elles travaillent n’ont pas été dévoilés.

6 LE CADRE DE LA THÈSE PAR ARTICLES

La présente thèse a été réalisée sous forme d’articles et comprend trois

articles. Le premier article «Professional integration of immigrant teachers in the

school system: a literature review» porte sur la recension des écrits sur la situation de

l’IP des enseignantes et enseignants immigrants au Canada et ailleurs en Occident.

Page 101: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

99

Cet article a été soumis en ligne à la Revue des sciences de l’éducation de McGill

(voir l’accusé de réception à l’annexe E) le 29 février 2012. Les articles soumis dans

cette revue sont évalués par un comité de pairs. Accepté en été 2013, ce premier

article a été publié dans le numéro daté de l’automne 2013, le volume 48, numéro 2,

p. 279-296.

Le deuxième article «L’expérience de transition socioprofessionnelle des

enseignantes et enseignants de migration récente au Québec» porte sur les résultats

en rapport avec le premier objectif de recherche, à savoir: décrire et comprendre

l’expérience de transition professionnelle des enseignantes et enseignants de

migration récente au Québec. Cet article a été soumis en ligne à la Revue canadienne

de l’éducation (voir l’accusé de réception en annexe F) le 31 janvier 2014. Les

articles de recherche soumis dans cette revue sont évalués par un comité de pairs. Ce

deuxième article a été accepté en août 2014 et il a été publié en décembre 2014, dans

le volume 37, numéro 4, p.1-32.

Quant au troisième article «S’adapter au rôle professionnel lorsqu’on est

enseignant de migration récente au Québec: expérience, défis et facteurs de

réussite», il porte sur les résultats en rapport avec le deuxième objectif de recherche :

décrire et comprendre l’expérience d’adaptation au rôle professionnel des enseignants

de migration récente dans le contexte scolaire québécois. Cet article a été soumis en

ligne à la revue scientifique francophone, Les Nouveaux cahiers de la recherche en

éducation, de la Faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke (voir l’accusé de

réception en annexe G) le 22 octobre 2014. Les articles de recherche soumis dans

cette revue sont évalués par un comité de pairs. Ce troisième article a été accepté en

janvier 2015 et il a été publié en mars 2015, dans le volume 16, numéro 2, p.56-87.

Page 102: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

100

QUATRIÈME CHAPITRE

LES RÉCITS D’EXPÉRIENCE

Dans ce chapitre, nous présentons les 13 récits qui résultent de l’analyse

phénoménologique du verbatim de chaque entrevue. Chaque récit reflète l’expérience

d’IP spécifique à chaque participante ou participant qui l’a d’ailleurs validé. Afin de

rester très proche du langage de chaque participante ou participant, nous avons utilisé

le «je» pour signifier que la personne s’exprime elle-même.

1 RÉCIT D’ALESSANDRA

Je suis enseignante de formation. Je travaille dans l’enseignement depuis la

fin de mes études universitaires en 1990. Je détiens un diplôme de licence en

adaptation scolaire et sociale obtenu dans mon pays d’origine et un diplôme de

maîtrise en adaptation scolaire et sociale obtenu en 2008 dans une université

québécoise. Dans mon pays d’origine, j’ai travaillé pendant 13 ans comme

enseignante au préscolaire et au primaire, 11 ans comme orthopédagogue auprès des

enfants ayant des handicaps mentaux et 3 ans à l’université comme professeur. Au

Québec, j’ai une expérience de cinq ans en tant qu’enseignante au secondaire.

J’enseigne dans les classes d’adaptation scolaire.

Je suis arrivée au Québec en août 2004 comme résidente permanente. En

appliquant pour l’immigration au Québec, on visait un avenir meilleur pour nos

enfants. À notre arrivée, l’adaptation n’a pas été facile pour ma famille et moi. Les

choses n’étaient pas pareilles comme chez nous. Il fallait s’adapter au froid de l’hiver,

acheter des vêtements appropriés et nous n’étions pas préparés pour cela. C’était tout

un nouvel apprentissage et on devait s’adapter, car c’était nous qui avions choisi de

venir au Québec. Communiquer en français était aussi un autre défi pour nous, car on

n’avait jamais appris le français. J’étais enceinte et mon bébé est né un mois après

Page 103: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

101

notre arrivée. Donc, je restais seule à la maison avec mon bébé et ma fille de trois

ans. J’écoutais la radio, je regardais les chaînes de télé en français, mais je ne

comprenais rien. Je devais aussi répondre au téléphone, mais j’étais incapable de

sortir un mot en français. C’était vraiment très difficile pour moi. Quand mon bébé a

eu huit mois, j’ai commencé mes cours de français au Cégep, puis j'ai poursuivi la

formation au Centre d’éducation des adultes pour finir à l’Université. C’était très

difficile, mais j’ai quand même réussi.

Après avoir fini mes cours de français, j’ai commencé à me questionner sur

mon avenir professionnel au Québec. Je suis allée au Service d’aide aux néo-

canadiens (SANC) et ils m’ont suggéré d’aller demander du travail dans une garderie

où on engageait des éducatrices immigrantes. Je me suis donc présentée dans cette

garderie et ils m’ont engagée comme éducatrice en 2007. Là-bas, je trouvais que

c’était bien de travailler avec des bébés, mais je sentais qu’il y avait quelque chose

que je n’atteignais pas. Dans ma tête, je me disais que je devais faire ce que j’aime le

plus. Ainsi, l’idée d’être enseignante primait sur les autres. Je disais à mes collègues

que j’allais commencer les démarches pour être enseignante et ils me conseillaient de

rester en me disant que c’est difficile d’avoir un poste d’enseignant à la commission

scolaire. Je savais que c’était long, que ce n’était pas facile non plus, mais comme je

n’étais pas à l’aise dans ce que je faisais, j’ai décidé de présenter ma démission en

novembre 2007. À Noël, le monsieur qui m’avait suggéré de travailler à la garderie

m’a appelée chez moi pour me demander si ça marchait bien à la garderie. Je lui ai

répondu que j’avais démissionné pour faire une maîtrise à l’université. Il était surpris

et il m’a demandé pourquoi je ne voulais pas garder mon emploi. Je lui ai dit que je

voulais enseigner. Il m’a répondu ainsi : «Comment vous pensez, vous les

immigrants? Là, tu vas avoir ton diplôme, tu vas le coller au mur, tu vas rester

avec! » Moi j’insistais pour lui dire que je suis consciente que ça ne se fera pas tout

de suite, mais que je finirai par trouver du travail en enseignement. J’ai alors entamé

les démarches pour être enseignante au Québec. J’ai envoyé mon diplôme de Licence

en adaptation scolaire pour l’évaluation comparative au ministère de l’Immigration et

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102

des Communautés Culturelles. Après évaluation, ils m’ont reconnu un bac en

adaptation. Toutefois, le bac, pour eux, compte trois ans alors que j’avais fait cinq

ans. J’avais 19 ans de formation, mais ils ont réduit ça à 17 ans. C’est dommage, car

même lors de l’évaluation de l’échelon à la commission scolaire, ils m’ont reconnu

17 ans alors que j’en avais 19.

Après avoir obtenu l’équivalence des diplômes, j’ai envoyé le dossier de

demande de permis d’enseigner au ministère de l’Éducation. Je devais aussi passer un

test de français en compréhension orale et écrite. Le test était très difficile. La

grammaire, surtout les accords, était la partie la plus difficile. J’ai échoué au test et je

l’ai refait trois fois. Ce n’était pas facile parce que les corrections se font à Laval et

c’est une seule personne qui corrige. Ce qui fait que le délai d’attente est plus long.

Ça prend deux à trois mois avant que l’on reçoive les résultats et s’il y a un échec, il

faut prendre un autre temps d’attente. Heureusement, quand ils ont ouvert mon

dossier au MELS, dans l’attente des résultats au test de français, ils m’ont donné une

lettre d’admissibilité que je pouvais présenter à la commission scolaire pour avoir des

suppléances occasionnelles. Quand j’ai réussi au test de français, ils m’ont donné un

permis d’enseigner d’une durée de cinq ans. Dans les cinq ans, je devais faire trois

cours (un cours sur le système scolaire québécois, un autre en didactique et un

troisième sur l’évaluation) et un stage probatoire pour avoir un brevet

d’enseignement. En effet, je devais normalement faire cinq cours, mais ils m’ont

reconnu deux cours (le cours sur la gestion de classe et le cours sur l’intervention

auprès des élèves en difficultés d’adaptation et d’apprentissage) que j’avais déjà

suivis dans mon programme de maîtrise en adaptation scolaire et sociale à

l’université. Quant au stage probatoire, je ne l’ai pas encore fait, car j’obtiens toujours

des petits contrats à la leçon qui ne me permettent pas de faire un stage en cours

d’emploi.

Après avoir obtenu du MELS la lettre d’admissibilité, j’ai commencé à

chercher du travail à la commission scolaire. J’ai déposé la lettre avec mon CV et

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quelques jours plus tard, ils m’ont appelée pour me dire que je pouvais faire des

suppléances occasionnelles. J’étais sur la liste des suppléants, mais ça a pris du temps

avant d’avoir la suppléance, car il fallait d’abord se faire connaître parce que si les

gens ne te connaissent pas, ils ne vont jamais t’appeler. Donc, le plus difficile ici,

c’est d’avoir un premier contrat. Il fallait alors dès le mois d’août, faire une tournée

dans les écoles avec de petites cartes d'affaires pour rencontrer la direction et les

secrétaires, car avant, c’était la direction qui avait le pouvoir d’engager et c’est la

secrétaire d’école qui appelait pour les suppléances. Des fois, ils préfèrent téléphoner

à une personne d’ici ou à une personne qu’ils connaissent déjà plutôt qu’à un étranger

qui porte un nom compliqué comme le mien. J’ai donc commencé les suppléances

occasionnelles en novembre 2007, j’avais la lettre d’admissibilité en ce moment, et en

janvier 2009, j’ai eu un contrat à la leçon. Maintenant, ce n’est plus la direction qui

engage, même pour les suppléances. Cela a changé depuis mai 2011. Si on est sur la

liste, c’est la centrale qui t’appelle et il n’y a plus de favoritisme maintenant.

Ma première journée de suppléance m’a beaucoup marquée. J’étais dans une

classe difficile qu’on appelle ici classe d’essais. Les classes d’essais sont des classes

avec des jeunes qui ont des troubles importants. Je suis arrivée en classe puis, après la

présentation, je leur ai donné un travail que le professeur leur avait laissé. Tout à

coup, ils ont commencé à «sacrer» au sujet du travail, mais, moi, je ne comprenais

pas ce qu’ils disaient. Personne ne voulait travailler. Je me rappelle que j’avais une

autre période en art plastique, puis un élève est venu me demander s’il pouvait mettre

les écouteurs pour écouter la musique, arguant que leur professeur leur donne

l’autorisation en arts plastiques. Comme il me disait que leur professeur les laisse

écouter la musique, je lui ai donné la permission. Puis, il s’est mis à chanter à haute

voix, puis c’était une chanson avec des mots vulgaires, mais moi, je ne comprenais

rien de ce qu’il disait. C’est un professeur qui passait à côté de la classe qui est entré

pour lui rappeler que c’est interdit de dire des choses pareilles à l’école. Dans la

même journée, un garçon qui avait été retiré de l’école a regagné la classe puis il s’est

assis au bord de la fenêtre. Je lui ai demandé par la suite de s’asseoir sur sa chaise,

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mais il a refusé. Un autre élève a pris une chaise puis il l’a lancée sur ce garçon. À ce

moment-là, je n’ai pas su quoi faire. Je suis sortie de la classe pour aller chercher

l’éducatrice. C’était vraiment très difficile parce que je ne m’attendais pas à ça.

C’était des élèves difficiles à gérer et j’étais rentrée chez moi en pleurant, en me

demandant ce que j’allais faire. Je me sentais vraiment perdue, si démunie que j’ai

décidé, le même jour, de retourner à l’université pour étudier et connaître un peu plus

le système scolaire québécois. C’est à ce moment-là que j’ai commencé une maîtrise

en adaptation scolaire et sociale à l’université tout en continuant à faire des

suppléances.

C’est très difficile de faire de la suppléance, car il faut vraiment être créatif.

Parfois, j’arrivais en classe et les choses n’étaient pas prêtes. Quand le professeur

tombe malade d’un coup, il n’a pas le temps de te laisser les préparations, tu dois te

débrouiller. Et puis, des fois, on t’appelle à 6h30 du matin et tu n’as même pas le

temps de te préparer. Au début, c’était très difficile, car je ne connaissais pas le

système et ce que les professeurs utilisaient comme matériel en classe. J’avais

beaucoup de doutes et de questions et des fois, je me culpabilisais comme si c’était de

ma faute. Je me réjouis d’avoir pris la décision d’aller à l’université, car en

échangeant avec les autres enseignants étudiants à la maîtrise, j’ai constaté que je

n’étais pas la seule, que même les enseignants d’ici avaient les mêmes

questionnements, les mêmes sentiments. Dans les cours à l’université, les profs

n’arrêtaient pas de dire que la suppléance n’est pas facile, que c’est difficile de gérer

une classe qu’on ne connaît pas, car les élèves profitent d’un enseignant qui ne

connaît pas la classe. J’ai appris beaucoup de choses à la maîtrise, mais beaucoup

plus avec mes collègues de classe. Je leur demandais comment ils font, le matériel

qu’ils utilisent, etc. Il y a aussi sur Internet des forums de discussion sur la

suppléance et on peut trouver des réponses à nos questions. Donc, avec le temps, j’ai

appris à fabriquer mon propre matériel que j’utilisais à l’école lors des suppléances.

Je ne pouvais pas aller en classe sans matériel, car si je n’ai pas les moyens d’occuper

les élèves, ils deviennent plus énervés et plus excités.

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Au début, j’avais aussi des difficultés liées à la langue. C’était très difficile de

parler toute la journée dans une langue qui n’était pas la mienne. Malgré ma longue

expérience en enseignement, je me sentais vraiment comme une débutante. Parfois,

les élèves ne comprenaient pas ce que je disais, car j’avais un gros accent. Un jour,

lors d’une suppléance que j’avais à faire, le professeur avait laissé un texte à faire lire

et un dessin à faire faire aux élèves. Les élèves devaient dessiner un canot d’écorce.

Les élèves se sont mis à la tâche, mais quand je circulais dans les rangées pour voir,

j’ai constaté qu’il y a un élève qui avait dessiné un canot de course. J’ai dit à l’élève

qu’il fallait dessiner un canot d’écorce, mais pas de course. L’élève m’a répondu en

me disant : «Toi, tu as dit canot de course et j’ai dessiné un canot de course, c’est

tout.». Ça a provoqué un conflit, car l’élève en question ne voulait pas refaire le

travail. Je me suis excusée puis j’ai demandé à toute la classe s’ils avaient bien

compris. Du côté des élèves, il y avait certaines de leurs expressions que je ne

comprenais pas. J’avais des élèves qui sacraient beaucoup (dire de gros mots), mais

moi, je ne savais même pas c’est quoi un sacre. Dans notre langage, on ne sacre pas.

Même nos enfants ne sacrent pas. Il n’y a pas longtemps, l’éducatrice avec laquelle je

travaille m’a dit : «Attention aux sacres parce qu’à l’école, c’est zéro tolérance aux

sacres.». C’est sûr que ce sont des mots qu’on n’apprend pas à l’université ou dans

un cours de français. Ce sont des choses qu’on apprend dans la rue. Je trouve cela

difficile, car, je dois apprendre les insultes, les sacres pour être capable de dire à

l’élève qu’il n’a pas le droit de dire des sacres en classe. J’ai fait une recherche sur

Internet pour apprendre les sacres et maintenant j’ai fait une liste et j’ai dit aux

élèves : «Ça, ça et ça, c’est interdit dans la classe.». Je dois donc maintenir mon

oreille ouverte pour veiller à ce qu’il n’y ait pas de sacre dans ma classe.

En faisant de la suppléance, ce n’est pas facile de s’intégrer dans les écoles et

de nouer des relations avec les autres, car on ne reste pas dans la même école. Au

début, lors des suppléances, les secrétaires me regardaient de façon étrange et se

demandaient ce que j’allais faire avec mon accent. Il y avait aussi des gens ouverts,

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qui étaient prêts à m’aider, qui me demandaient ce que j’ai fait comme formation

chez moi. Il y avait un peu de tout. Seulement, il faut travailler fort pour gagner le

respect et mériter sa place au sein de l’école. Et là, ce n’est pas facile, car nous les

immigrants, nous devons fournir cinq fois plus d’efforts que les enseignants d’ici. Je

me rappelle que quand je faisais de la suppléance pour la première fois à l’école où je

travaille à la leçon depuis 3 ans, les profs me regardaient un peu bizarrement, même

les préposés. Ils se disaient : «Qu’est-ce qu’elle va faire? » Je me sentais insultée,

évaluée. Ils étaient comme des inspecteurs, ils surveillaient comment je faisais mon

travail. C’est sûr que le respect, on le gagne avec le travail. En 2009, je faisais du

bénévolat dans la classe d’une amie. Puis, dans cette classe, il y avait un enfant

immigrant qui avait un déficit d’attention. J’aidais beaucoup cet enfant-là. Un jour,

l’enseignante m’a dit qu’elle allait avoir une visite du psychologue de la commission

scolaire qui viendra évaluer cet enfant-là et m’a demandé si je pouvais venir aider à

évaluer l’enfant. Je me suis présentée le jour de l’évaluation et j’ai évalué l’enfant

avec le psychologue. Le psychologue a beaucoup apprécié le travail que je venais de

faire et en a parlé à son supérieur à la commission scolaire. C’est comme ça qu’en

janvier 2009, ils m’ont convoquée en entrevue et j’ai été engagée. Quand j’ai signé

mon premier contrat à la leçon dans cette école en 2009, les autres enseignants me

connaissaient déjà et ils m’ont fait un bon accueil. Je pense que j’ai beaucoup

travaillé pour gagner ce respect. J’ai de bons collègues qui m’encouragent beaucoup,

qui savent que ce n’est pas facile pour les nouveaux enseignants, car c’est à eux

qu’on confie les classes les plus difficiles. Présentement, je travaille avec une

collègue très ouverte. Nous faisons des projets ensemble et la collaboration est bonne.

Avec la direction, je dirais que j’ai de bons rapports avec la directrice de

l’école où je suis depuis trois ans. Après mon contrat que j’ai eu en 2009, elle m’a

encore appelée pour signer un autre contrat en me signifiant qu’elle avait apprécié

mon travail. Ils ont vraiment reconnu mon travail et je me sentais valorisée,

encouragée. C’est vraiment très important de se sentir valorisée, d’entendre que tu

travailles bien et que ton travail est apprécié. Cette directrice est, selon moi, une

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personne avec des qualités humaines extraordinaires. Je me rappelle qu’un jour, je

travaillais avec une collègue en classe, puis son élève m’a dit : «Vas-t-en avec ton

accent!». Ma collègue est partie le dire à la directrice. Puis la directrice est venue

chercher l’élève et lui a demandé de s’excuser auprès de moi. Après, elle a dit

clairement à tous les élèves qu’on ne fait pas ça à l’école. À partir de ce jour-là, les

élèves ont commencé à me respecter beaucoup et c’est vraiment la directrice qui a

mis fin à ça. C’était vraiment très encourageant de trouver des gens qui me

soutiennent dans une situation pareille.

Cette année, j’ai un autre contrat à la leçon dans une autre école. Quand je me

suis présentée pour la première fois à la direction, j’ai été bien accueillie. Le directeur

m’a fait visiter l’école et m’a montré les classes. Puis, à la première journée de la

rentrée, ils font un accueil de tous les profs et c’est ce jour même qu’on présente les

nouveaux enseignants. Il y a aussi un accueil au niveau de la Commission scolaire à

l’égard des nouveaux employés et enseignants. Seulement, j’aurais aimé qu’ils

fassent quelque chose pour les immigrants, car même si nous sommes expérimentés,

nous avons besoin d’un mentor pour nous accompagner au début. Je sais qu’il y a des

Commissions scolaires qui font du mentorat aux nouveaux profs et ce serait une

bonne idée pour les profs immigrants qui ne sont pas débutants, mais qui débutent

dans un nouveau système.

Quant aux relations avec les parents, je dirais que je ne communique pas

beaucoup avec eux. On se voit juste pour l’agenda. À la rencontre que nous avons eue

en septembre, je me suis présentée et ils m’ont dit que ce serait excellent si je pouvais

de temps en temps faire apprendre l’espagnol à leurs enfants.

Avec les élèves, à part l’incident avec l’élève d’un autre prof qui m’a dit

«Vas-t-en avec ton accent!», je dirais que je m’entends bien avec eux. Au début,

quand je faisais des suppléances, j’expliquais aux élèves pourquoi j’ai un accent en

parlant français. Je leur faisais comprendre que s’ils venaient chez moi, ils parleraient

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espagnol avec un gros accent et qu’ils auraient des difficultés au début. Donc, je

prenais le temps de sensibiliser les élèves sur les différentes façons de me faire la

remarque poliment et gentiment en cas d’incompréhension. Ainsi, je n’ai jamais eu de

problème avec eux sur le fait que je sois immigrante. D’ailleurs, souvent à la fin de la

journée, je leur demande si on peut prendre un peu de temps pour apprendre quelques

mots en espagnol ou poser des questions sur ma culture. Tout le monde crie : «Oh

oui!». Je trouve qu’ils sont intéressés à connaître plus de choses sur mon pays.

Par rapport à l’enseignement, je trouve que ce n’est pas différent au niveau de

l’approche d’enseignement. D’ailleurs, c’est plus facile d’enseigner ici, car les

groupes sont moins nombreux. Chez nous, on trouve des classes de 40 élèves et plus

alors qu’ici, à l’école où je suis, j’ai six élèves dans ma classe. C’est sûr qu’avec une

petite classe, j’ai du temps pour mieux connaître chaque élève, de faire des liens avec

lui, mais aussi avec les autres. Seulement dans mon pays, comme orthopédagogue, je

recevais chaque élève individuellement dans mon bureau. Mais ici, dans l’une des

écoles, j’ai un petit groupe et dans l’autre c’est un à un. Souvent, je me questionne sur

mon travail, je fais une autocritique pour voir si je suis dans le droit chemin, car je

suis encore sur la liste B et je dois avoir une bonne évaluation pour accéder à la liste

A. J’ai été évaluée pour une deuxième fois il y a une semaine, je rencontre la

direction la semaine prochaine pour savoir ce qui en est sorti.

Dans le système scolaire québécois, je trouve qu’il y a de la place pour tous

les élèves. Il y a de l’ouverture pour tout le monde et c’est une plus-value par rapport

au système scolaire de chez moi. Ici, les élèves ayant des handicaps ou des difficultés

d’apprentissage ont leur place dans le système. C’est une chose que je valorise

beaucoup, car dans mon pays, on n’a pas les ressources suffisantes et l'on finit par les

exclure du système scolaire. Par contre, je trouve que les élèves, chez moi, sont plus

respectueux à l’égard des enseignants qu’ici au Québec. Je n’ai pas vécu d’événement

particulier, mais les élèves d’ici, depuis la maternelle, ont tendance à parler de leurs

droits aux profs : «Non, tu n’as pas le droit…; j’ai droit…».

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En conclusion, je dirais que la persévérance est une qualité importante

qu’il faut avoir dans la vie. Il faut toujours se poser la question : «Qu’est-ce

qu’on peut faire? » Malgré les moments difficiles, malgré les difficultés

auxquelles j’ai dû faire face, je trouvais que je devais continuer, persévérer. À

côté de cela s’ajoute le soutien des amis et des collègues enseignants qui

suivaient avec moi le programme de maîtrise à l’université. J’allais, parfois, faire

de la suppléance ou du bénévolat dans leurs classes. De cette façon, j’ai pu un

peu connaître comment fonctionne le système scolaire québécois.

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2 RÉCIT D’ANDRÉ

Je suis enseignant de formation. J’ai fait mes études de premier cycle

universitaire dans mon pays d’origine. J’ai d’abord fait deux années d’études en

maths-physique pour enseigner au collège et je suis sorti avec un Certificat d’aptitude

au professorat dans les collèges d’enseignement général (CAP-CEG). Par la suite, j’ai

passé deux années d’études universitaires en maths pour enseigner dans les lycées.

Au bout de cette formation, j’ai obtenu le Certificat d’aptitude au professorat

d’enseignement dans les lycées (CAPEL). Dès la fin de mes études, j’ai commencé à

enseigner. En tout, j’ai 14 ans d’expérience d’enseignement dans mon pays

d’origine : cinq ans au collège où j’enseignais les maths et la physique et neuf ans au

Lycée où je donnais uniquement les maths. Au bout des 14 ans d’enseignement, j’ai

obtenu un poste administratif au sein d’un ministère en 1999. Puis, en 2003, j’ai

quitté mon pays pour aller faire une maîtrise en didactique des maths dans une

université africaine qui avait un programme conjoint avec une université canadienne.

Selon les ententes entre les deux universités, je devais faire une année en Afrique et

passer la deuxième année au Canada. Ainsi, après ma première année, je suis venu

poursuivre mes études ici au Québec. C’était en mai 2004. Après l’obtention de mon

diplôme de maîtrise, je ne suis pas retourné chez moi. Il y avait un climat d’insécurité

et j’ai demandé l’asile pour rester au Canada. Je me suis alors installé à Montréal. À

mon arrivée à Montréal, les besoins étaient intenses et je devais gagner de l’argent

pour faire vivre ma famille qui était restée en Afrique. J’ai donc préféré chercher du

travail plutôt que de poursuivre mes études doctorales.

Pour trouver un emploi en enseignement, il fallait satisfaire un certain

nombre d’exigences. Je devais d’abord soumettre mes diplômes au ministère en

charge de l’évaluation comparative des diplômes. Cela n’était pas facile puisqu’il

fallait réunir tous les documents, les diplômes, les relevés de notes avant de soumettre

la demande. Ainsi, après avoir collecté tous ces documents, j’ai envoyé mes deux

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diplômes (le CAP-CEG et le CAPEL) pour l’évaluation comparative. Ça a pris

environ six mois, car il fallait que le ministère de l’Immigration et des Communautés

culturelles contacte mon université d’origine pour vérifier la véracité des documents.

Au bout de six mois, mes diplômes ont été reconnus puisqu’ils m’ont donné quatre

années de baccalauréat dans le contexte du Québec. C’était donc l’équivalent d’un

diplôme de baccalauréat en enseignement des maths au secondaire. À mon avis, je

trouve que l’équivalence a été faite correctement. Après l’obtention de l’équivalence

des diplômes, il fallait réunir tous les documents requis pour l’obtention du permis

d’enseigner. J’ai alors demandé à mon université d’origine de m’envoyer les relevés

des notes pour le CAPEL et le CAP-CEG. Quand ces documents me sont parvenus,

j’ai alors envoyé le dossier de demande de permis d’enseigner au ministère de

l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec. Dans le dossier, il y avait l’équivalence

de diplôme, les relevés de notes des quatre années d’université, mes diplômes ainsi

qu’un document attestant que j’étais demandeur d’asile. Au bout d’un certain temps,

le permis m’a été accordé. Pour avoir le Brevet d’enseignement, il fallait faire un

stage probatoire d’un certain nombre d’heures dans une école et réussir le cours sur le

système scolaire québécois. Quand j’ai eu mon premier contrat en 2006-2007, j’ai dû

passer une période probatoire et j’ai été bien évalué. Puis, en été 2007, j’ai suivi le

cours sur le système scolaire du Québec dans une université et je l’ai réussi. Par la

suite, j’ai demandé le brevet d’enseignement qui m’a été accordé quelques mois

après.

Quand j’ai obtenu mon permis d’enseigner, j’ai alors commencé la recherche

d’emploi en enseignement. Avant de soumettre ma demande d’emploi, j’ai d’abord

passé l’examen de français. C’était la Télé université du Québec (TELUQ) qui s’en

occupait. Quand je l’ai réussi, j’ai déposé mon dossier dans une commission scolaire

de la région de Montréal qui exigeait la réussite au test de français en plus du permis

d’enseigner. De mon temps, ce n’était pas facile d’avoir du travail en tant

qu’immigrant. Pour que j’obtienne mon premier contrat en 2006-2007, il a fallu que

je fasse un cours à la leçon à domicile au service de la commission scolaire. Je

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donnais cours à une fille chez elle et le père de l’enfant a beaucoup apprécié ma

ponctualité et tout ce que je faisais avec elle. Il en a parlé à la direction de l’école et à

la commission scolaire. Il en a aussi parlé dans un journal pour me remercier et c’est

à partir de ce moment que j’ai pu obtenir un contrat en 2006-2007.

Les directions ont parfois, j’imagine, des préjugés défavorables envers les

immigrants. Un jour, un directeur d’école m’a appelé puis quand je me suis présenté,

il m’a demandé mon expérience. Je lui ai dit que j’ai 14 ans d’expérience

d’enseignement dans mon pays d’origine mais je n’ai pas été retenu. Dans une autre

école, un directeur m’a appelé. Quand je me suis présenté, il me disait qu’il était

désolé. Je m’étais plaint à l’alliance et à la Commission scolaire. Il m’a fait passer un

test, je crois, sur l’introduction d’un cours de géométrie. C’est vraiment un domaine

qui me plait beaucoup puisque mon mémoire de maîtrise portait sur la géométrie.

Alors, j’ai expliqué les choses mais par après, j’ai compris qu’il n’était pas prof de

maths car il ne comprenait pas ce que je faisais comme démonstration. Par ailleurs, il

n’avait pas le droit de me tester, de m’évaluer. En fin de compte, il ne m’a pas retenu.

J’ai compris que c’est parfois l’expérience au niveau du Québec qu’on cherchait. De

toutes les façons, ils étaient libres de me retenir ou de me refuser, mais quand même,

j’insiste là-dessus, il ne faut pas penser que nous n’avons pas les capacités

d’enseigner, car nous avons eu nos diplômes dans des universités reconnues.

D’ailleurs, moi j’enseigne au secondaire non pas sur la base de mon diplôme de

maîtrise, mais sur la base de mon diplôme obtenu dans mon pays d’origine.

Dans une autre ville, non loin de Montréal, j’ai vécu un autre événement

malheureux au cours de ma recherche de travail. J’avais déposé un dossier de

demande de travail dans la Commission scolaire de cette ville. Le directeur m’a

appelé pour une entrevue et je me suis présenté. À l’entrevue, il m’a demandé si je

suis enseignant, j’ai dit oui. Puis, il m’a demandé si je suis qualifié pour enseigner.

J’ai dit oui. Puis il m’a dit : «C’est bon mais seulement, n’oubliez pas qu’ici, il y a

des élèves qui n’ont jamais vu un Noir et vous allez les affronter. C’est-à-dire que

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vous allez vivre avec ça et ça va être dur. » Je n’ai pas compris comment ils n’ont

jamais vu un Noir, car c’est une ville non loin de Montréal. Là aussi, je n’ai pas été

retenu. Vous comprenez donc que quand on est immigrant, on compose avec tout ça.

Ainsi, avant la mise en place du système API (Affectation Par Internet) pour les

suppléances, ce n’était pas facile d’avoir du travail en raison d’une possible

discrimination. Vous comprenez donc que quand on est immigrant, on compose avec

tout ça. Je trouve aussi que c’est une bonne chose d’avoir instauré la liste de priorité

d’emploi, car ça a pu éviter pas mal de dérives. Maintenant, je n’ai pas encore la

permanence, mais je suis sur la liste de priorité d’emploi. Donc, s’il n’y avait pas de

liste de priorité, c’est sûr que ce ne serait pas facile de pouvoir travailler en tant

qu’immigrant.

Concernant mon insertion au rôle d’enseignant, j’avais des défis à relever

qui se situaient à deux niveaux : au niveau de la gestion de classe et au niveau de

l’enseignement proprement dit. Je dirai que ma première journée d’enseignement était

vraiment infernale. Les élèves ne m’écoutaient pas et étaient indifférents à mon

discours. Il y en avait qui montaient sur les tables et quand je leur demandais de

s’asseoir, ils ne voulaient pas m’écouter. Il y en avait aussi qui criaient et d’autres qui

écoutaient de la musique. J’étais un peu stupéfait et je me demandais dans quel

système je me trouvais. La directrice adjointe est venue pour les calmer un peu et leur

dire la nécessité, pour eux, de rester vraiment calme et de suivre le prof, mais ça n’a

rien changé, ils étaient indifférents aux directives de la directrice adjointe. J’ai trouvé

que la période de 75 minutes était épuisante. Même les jours qui ont suivi, je ne

pouvais pas enseigner correctement, car je devais tout le temps chercher à mettre de

l’ordre. Ce que je faisais, je mettais dehors les cas extrêmes et les envoyais dans une

salle qu’on appelle oasis et, pour d’autres, c’était la psychoéducatrice qui s’en

occupait. Je recevais donc de l’aide ponctuelle de la psychoéducatrice et de temps en

temps de la directrice adjointe, mais pas vraiment de manière permanente.

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Ce qui m’a beaucoup déçu, c’est vraiment le comportement des élèves.

C’était des cas extrêmement difficiles et je trouvais que je passais beaucoup de temps

à faire de la gestion de classe au lieu d’enseigner. J’avais un contrat de remplacement

à durée indéterminée, mais je n’ai pas pu le terminer, car j’ai présenté ma démission.

Je n’ai donc pas trouvé cela convenable et j’ai dit au directeur adjoint que je ne peux

pas poursuivre dans de telles conditions. En effet, je n’ai pas voulu être évalué dans

de mauvaises conditions, car ça aurait pu avoir des préjudices dans ma carrière ou du

moins dans mon avancement. J’ai changé d’école et je faisais de la suppléance dans

d’autres écoles avant d’avoir un autre contrat.

Comparativement à ce qui se passe chez moi, par rapport au comportement

des élèves, je trouve que c’est le jour et la nuit. Dans mon pays, le prof est prof, il a

l’autorité. Je n’avais pas de problème au niveau de la gestion de classe. Il y avait des

élèves qui dérangeaient, j’en conviens, mais ce n’était pas vraiment la même chose.

Ici, on donne plus de liberté aux élèves. Je ne généralise pas, car il y a des écoles où il

fait bon vivre, où on enseigne comme on enseignait chez nous, mais elles ne sont pas

nombreuses. Ici, le prof n’a pas d’autorité sur les élèves, c’est quelqu’un qui n’est pas

respecté tandis que chez nous, le prof est prof, il a le respect qu’il mérite. En tant

qu’enseignant immigrant qui vient d’arriver, qui ne connaît pas encore le système, qui

ne sait pas comment il fonctionne réellement, c’était difficile de supporter tout ça au

début. Mais, à un moment donné j’ai dû lâcher prise pour ne pas me limiter. J’ai dû

comprendre qu’il fallait effectivement négocier avec eux, qu’il fallait les apprivoiser.

Nous les immigrants, parfois nous avons des approches autoritaires, mais je trouve

qu’il faut changer d’approche. Je trouve intéressant d’écouter l’élève pour savoir

pourquoi il n’a pas fait ceci ou cela, car il peut avoir des raisons de se comporter

d’une façon ou d’une autre. C’est un élément important que j’ai pu apprendre dans

ma petite expérience en faisant du recul. Je trouve qu’il faut s’approcher et discuter

avec eux pour les comprendre. Ainsi, avec le temps, j’ai compris qu’il fallait tolérer

certaines choses et ça m’a beaucoup aidé dans la façon d’apprivoiser les élèves et

d’avoir une autre relation avec eux. Cependant, je trouve qu’on tolère beaucoup dans

Page 117: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

115

le système d’ici, car parfois les sanctions qui sont données ne sont pas à la hauteur

des actes commis. En guise d’illustration, au cours de cette année scolaire, un élève

m’a frappé, je dis bien frappé et j’étais impuissant en tant qu’adulte. Comment cela

s’est-il passé? En effet, je l’ai empêchée, deux fois successives, d’utiliser son

téléphone pendant mon cours sans succès. Le lendemain, elle a refait la même chose,

je lui ai fait la même remarque. Par la suite, je lui demandé de me donner le téléphone

puis elle l’a donné à son amie. Quand son amie me l’a remis, elle est venue puis elle a

sauté sur moi et m’a frappé devant les élèves. C’était très humiliant et j’ai appelé la

sécurité pour venir la sortir de ma classe. Pour montrer les frustrations que nous

vivons en tant qu’enseignants, cette élève est revenue à l’école dans la semaine et a

suivi deux fois le cours dans ma classe. C’est quand même très frustrant et c’est

injuste envers les enseignants. On aurait quand même pu changer cette élève d’école

pour sauvegarder l’honneur des enseignants. C’est le genre de frustration que je ne

tolère pas, mais en tant qu’enseignant et père de famille, je n’ai pas voulu aller

jusqu’au tribunal quand bien même j’avais le droit de le faire. Donc, on compose

avec tout ça en tant qu’enseignant, en tant qu’immigrant.

Concernant l’enseignement, ce n’était pas évident au début. Je donnais le

cours de sciences et technologies. Ça faisait longtemps que je n’avais pas enseigné les

sciences et technologies même si je suis qualifié pour le faire. Il fallait donc préparer

et faire le cours, mais j’étais soutenu par quelqu’un qui faisait le laboratoire. Je trouve

quand même qu’il y a un travail qui se fait dans ce sens-là pour soutenir le travail de

l’enseignant. Les enseignants ont à leur disposition des guides pédagogiques et des

documents de travail bien élaborés contrairement aux enseignants de chez moi. C’est

quand même quelque chose que j’apprécie beaucoup, mais au bout de cela, il y a

l’effort personnel de l’enseignant. Quand on enseigne ici, on doit adapter son

enseignement en fonction des élèves et du groupe. J’avais à enseigner en classe

d’accueil, en classe d’adaptation scolaire et dans les classes régulières. Si tu as une

classe où les élèves ont des difficultés d’apprentissage, tu ne vas pas aborder les

concepts ou introduire le cours de la même manière que quand tu as les élèves qui

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116

sont dans des classes régulières. Ce n’est pas du tout la même chose. Par exemple, au

niveau des classes d’accueil, je crois que le gros problème était le problème de la

langue. Il y avait des élèves qui avaient non seulement de grandes difficultés en

français, mais aussi des difficultés en mathématique. Là, c’était plus difficile au

niveau de l’intervention. Il fallait donc adapter mon enseignement au niveau de

chaque élève et du groupe aussi. J’avais donc des réajustements à faire par rapport à

ce que je faisais chez moi. Je devais tenir compte du contexte des élèves, car il y a

vraiment beaucoup d’élèves en difficultés d’apprentissage du moins dans mon

domaine. Donc, que ce soit au niveau de l’enseignement des sciences et technologies,

que ce soit au niveau de l’enseignement des maths, j’avais des ajustements à faire par

rapport à ce que je faisais dans mon pays. En effet, au niveau des fondements des

maths, je peux utiliser le livre que j’utilisais chez moi, car ce sont les mêmes notions.

Néanmoins, je n’enseigne pas ces notions ici de la même façon. Par exemple, dans la

plupart des guides ou des manuels pour l’enseignement des maths, on nous encourage

à introduire des notions d’études à partir des situations-problèmes. Ce n’était pas le

cas chez nous. Je trouve cela intéressant à condition d’avoir un climat propice au bon

déroulement de la classe. En effet, une situation-problème demande que les élèves

réfléchissent. L’élève doit donc être suffisamment motivé pour construire lui-même

son savoir. Si les élèves sont indisciplinés, ça devient compliqué d’apprendre par eux-

mêmes. C’est d’ailleurs ce qui fait que parfois pour éviter des tracasseries, le prof

donne la règle à suivre pour que les élèves l’apprennent. Si certains profs choisissent

l’enseignement magistral, c’est parce qu’ils se retrouvent dans un climat tel qu’ils ne

peuvent pas exercer normalement. Ils préfèrent donc la transmission du savoir en

donnant la règle à suivre pour éviter des ennuis.

Quant à mon intégration dans le milieu scolaire, je trouve que j’ai de bons

rapports avec la direction et mes collègues. Même si je suis toujours prudent, je reste

ouvert aux autres. Au début, les collègues m’ont beaucoup soutenu en me donnant

des documents. Jusqu’à présent, je n’ai donc pas eu de problème avec eux. Je trouve

qu’il y a une bonne collaboration, car on échange des évaluations et on se prête des

Page 119: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

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documents. C’est plus au niveau des élèves et de certains parents que j’ai vécu des

problèmes. De manière générale, certains parents allaient parfois se plaindre auprès

de la direction pour des choses qui n’étaient pas justifiées. Des fois ils allaient dire à

la direction que je n’explique pas assez, que je reste indifférent vis-à-vis des élèves.

C’était vraiment incroyable, car c’était un jugement sans fondement. La direction me

convoquait des fois, mais heureusement, j’avais toujours sur moi la fiche de chaque

élève. Je savais comment travaille tel élève, s’il se présente aux récupérations, s’il fait

ses devoirs, etc. Je me rappelle qu’une autre année, j’ai reçu des plaintes au niveau

des notes. Certains parents venaient me dire que leurs enfants avaient 90% en telle

année, mais qu’avec moi, ils ont 70%. J’en suis arrivé même à envoyer par deux fois

les évaluations de leurs enfants pour qu’ils aillent vérifier la correction auprès d’un

autre prof de maths. Je leur ai dit qu’ils ont le droit de contester la note, mais je savais

que j’avais bien corrigé leurs copies. Ils voulaient que leurs enfants aient de bonnes

notes alors qu’ils ne travaillaient pas assez.

Concernant mon avenir de carrière, je ne me vois pas, à mon âge, continuer à

faire de la gestion de classe au secondaire. Je pourrai piquer une crise, car c’est

vraiment fatigant. Je félicite d’ailleurs mes collègues qui terminent leur carrière au

secondaire. Mes perspectives, c’est d’être enseignant au supérieur, à l’université, pour

faire de l’enseignement et de la recherche.

Page 120: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

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3 RÉCIT DE DORA

Je suis enseignante depuis plusieurs années. J’ai 17 ans d’expérience dont 15

ans dans mon pays d’origine et deux ans au Québec. J’ai fait ma formation secondaire

et postsecondaire dans mon pays d’origine. Je détiens un diplôme de maîtrise en

biologie et un diplôme de maîtrise en sciences de l’éducation. Dans mon pays,

j’enseignais les sciences et technologies dans les lycées et collèges.

Quand les agents de l’immigration au Québec sont venus dans mon pays

pour parler des migrations en ce qui concerne les travailleurs qualifiés, mon mari a

décidé qu’on pouvait postuler pour l’immigration. Cette décision n’a pas été prise

facilement, mais comme nous venons d’un pays du tiers monde où les enfants n’ont

pas accès aux nouvelles technologies, nous avons pensé que les enfants pourraient

mieux s’épanouir au Canada. Après avoir obtenu le visa de résident permanent, nous

sommes venus directement au Québec. Cela fait trois ans que nous vivons au Québec

en tant que résidents permanents.

À notre arrivée au Québec, l’adaptation n’a pas été facile pour moi et pour

toute la famille. J’ai vécu un choc à plusieurs niveaux. Au niveau culturel, les

relations parents-enfants n’étaient pas les mêmes. Au Québec, les relations parents-

enfants sont plus horizontales contrairement à ce qui se passe dans ma propre culture

où les relations sont plus verticales. Sur le plan climatique, je passais d’un pays chaud

à un pays plus froid. Il fallait s’adapter aux quatre saisons, surtout à l’hiver le plus

rude et ce n’était pas facile pour nous malgré les informations dont nous disposions

sur les saisons au Québec. L’éloignement familial fut aussi un autre problème

difficile à supporter pour moi du fait que nous étions seuls au Canada sans soutien

familial.

Page 121: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

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Sur le plan personnel, j’étais un peu frustrée, car l’Immigration-Québec ne

nous avait pas bien renseignés que trouver un emploi pouvait nous prendre du temps.

En nous disant qu’ils ont besoin de travailleurs qualifiés, tout laissait croire que, tout

de suite à notre arrivée à l’aéroport, on allait nous dérouler un tapis rouge, mais ce

n’était pas vraiment ça. J’ai passé 6 mois à la recherche active d’emploi sans rien

trouver. Toutefois, je ne restais pas les bras croisés. Je faisais du bénévolat. J’ai

travaillé comme bénévole dans une banque alimentaire puis dans des écoles où je

faisais l’aide au devoir pour les enfants qui avaient des difficultés ou dont les parents

n’étaient pas francophones.

De plus, en venant au Québec, on ne savait pas qu’être francophone ne suffit

pas pour avoir du travail ici. Avant que je commence à travailler en enseignement, je

postulais à plusieurs postes, mais j’étais confrontée au problème de langue. Il fallait

être bilingue pour être accepté dans les services à la clientèle et dans les centres

d’appel. L’adaptation au français québécois était aussi un autre problème. Je suis

francophone, mais écouter un Québécois parler et comprendre ce qu’il dit était un

gros défi pour moi. Il m’arrivait des fois de ne pas comprendre ce qu’on me

demandait en entrevue d’embauche. Par exemple, on m’a demandé si j’avais un char,

et moi j’ai compris qu’on me demandait si j’ai un chat. J’ai répondu que je n’ai pas

de chat mais que j’ai un chien. C’est plus tard que j’ai compris que char signifie auto.

Il fallait donc m’adapter au français parlé du Québec.

Pour travailler en enseignement, il fallait que j’aie un permis d’enseigner.

Pour l’avoir, ça m’a pris beaucoup de temps, entre 6 et 8 mois d’attente. J’ai d’abord

fait l’évaluation comparative des études faites hors Québec au ministère de

l’Immigration et des Communautés culturelles (MICC). J’ai présenté pour évaluation

mes deux diplômes de maîtrise en biologie et en sciences de l’éducation. Au terme de

cette évaluation, ils m’ont reconnu une maîtrise en biologie et un Bac en sciences de

l’éducation au lieu d’une maîtrise en sciences de l’éducation. En effet, dans mon

pays, pour être professeur des sciences et technologies, j’ai fait une formation en

Page 122: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

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sciences de l’éducation à l’école normale supérieure. Au terme de cette formation,

j’ai obtenu un diplôme de maîtrise en sciences de l’éducation. Ainsi, au niveau du

MICC, ils ont reconnu ce diplôme de maîtrise en sciences de l’éducation comme étant

l’équivalent d’un diplôme de Baccalauréat en sciences de l’éducation obtenu au

Québec. Ayant l’équivalent d’un Bac en sciences de l’éducation, j’ai alors constitué

le dossier pour demander le permis d’enseigner au ministère de l’Éducation. Ainsi, je

devais avoir un document attestant mes antécédents judiciaires, une autorisation

d’enseigner valide de mon pays d’origine, un document de l’établissement

d’enseignement où j’ai fait ma formation attestant le pourcentage de mes études et la

langue d’enseignement. Une fois le dossier constitué, je l’ai envoyé au ministère de

l’Éducation pour demander le permis d’enseigner. Quand le Ministère a trouvé que le

dossier était complet, il m’a envoyé un avis de réception de mon dossier et des

propositions de dates pour passer le test de français. La réussite au test était une

condition pour avoir le permis d’enseigner. Ça prend beaucoup de temps, trois mois

minimum, pour avoir les résultats au test de français, car on nous disait que c’est une

seule personne qui corrige le test. C’était un peu stressant, car si on rate le test, on

doit attendre une année pour le refaire. Heureusement, je l’ai réussi et ils m’ont donné

un permis d’enseigner d’une validité de 5 ans renouvelable sous conditions : il faut

faire un stage et cinq cours (un cours sur l’évaluation des apprentissages, un cours sur

le système scolaire québécois, deux cours sur la didactique et un cours sur

l’intervention auprès des élèves en difficulté d’adaptation et d’apprentissage) à

l’université pour avoir le brevet. Toutefois, avant que j’obtienne ce permis

d’enseigner, je me suis inscrite volontairement à l’université pour avoir un certificat

de qualification en enseignement. J’ai fait 30 crédits, dont 16 sur des cours théoriques

et 14 sur des cours pratiques comprenant les stages dans les écoles. Au terme de cette

formation, j’ai obtenu mon brevet d’enseignement.

Quand j’ai obtenu le permis d’enseigner, j’ai déposé mon dossier dans trois

Commissions scolaires, mais une ne m’a jamais appelée. Cependant, pour avoir du

travail dans les Commissions scolaires, il fallait réussir aussi au test de français même

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121

pour les suppléances. Il y a deux sortes de tests, le SEL (service d’évaluation

linguistique) et le CEFRANC (Centre d’évaluation du rendement en français écrit),

mais il faut réussir un des deux pour être admissible à l’emploi. J’ai fait le SEL et j’ai

eu les résultats dans les deux ou trois jours qui ont suivi. Ça prend des frais, mais au

moins on n’attend pas longtemps. Après avoir réussi au test, je me suis inscrite en

ligne dans deux Commissions scolaires de la région de Montréal pour être sur leurs

listes de suppléants. Ainsi, j’ai été enregistrée dans les banques de suppléants des

deux Commissions scolaires et chacune des deux m’appelait indépendamment pour

venir faire les suppléances.

Avant de commencer à faire la suppléance, j’étais inscrite à l’université pour

mon Certificat en enseignement et j’ai eu la chance de faire un stage dans une école

secondaire en enseignement des sciences et technologies. Cela a facilité mon

intégration parce que mon stage m’a véritablement permis de me familiariser au

système scolaire québécois, car ce n’est pas comme si j’étais tombée de mon pays

directement dans une classe. En effet, mon enseignant associé m’a introduite

progressivement dans la classe, j’observais comment il faisait, puis petit à petit, j’ai

commencé à intervenir davantage jusqu’à ce que je prenne complètement les rênes de

la classe. Bien évidemment, ce n’était pas facile les premières journées

d’enseignement en tant que stagiaire. J’ai eu un petit trac à la première période, car

j’étais la seule Noire dans la classe. Je me demandais si ça allait être comme ça dans

tous les cours. J’avais déjà une appréhension, mais mon enseignant associé m’a

beaucoup aidée. Il m’a demandé de me mettre à l’aise puis il m’a présentée aux

élèves en leur disant que je suis là dans un premier temps pour observer ce qu’il fait,

puis pour prendre les tâches dans un deuxième temps. Cependant, quand est venu le

moment de prendre les tâches, certains élèves étaient un peu réservés, méfiants et

préféraient poser les questions à l’enseignant associé plutôt qu’à moi. Heureusement,

mon enseignant associé m’a beaucoup soutenue. Quand ces élèves allaient vers lui, il

les renvoyait vers moi en leur faisant comprendre que je suis leur prof et que c’est à

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moi qu’il faut poser les questions. Petit à petit, les choses se sont mises en place avec

le temps.

Mon enseignant associé, que je félicite beaucoup, a également facilité mon

intégration dans cette école. Le premier jour, il m’a fait la visite de toute l’école, il

m’a montré où se trouve le laboratoire, m’a présentée au technicien de laboratoire et

aux autres profs qui enseignaient la même discipline que moi ainsi qu’à la directrice

adjointe qui était responsable des secondaires quatre. Mon intégration s’est donc bien

déroulée dans cette école pendant le stage.

Dans les écoles où je faisais les suppléances durant l’année scolaire 2009-

2010, il n’y avait pas moyen de développer des relations avec les membres de la

communauté scolaire. Tout le monde sait que vous êtes là occasionnellement et non

pour longtemps. Par contre, à l’école où j’ai eu la chance de signer un contrat à temps

plein (de septembre 2010 à juin 2011) pour remplacer une enseignante en congé de

maternité, j’ai été bien accueillie par la directrice qui m’a présentée à tous les autres

profs le lendemain, lors d’une assemblée de la rentrée scolaire. Cette directrice a

beaucoup facilité le contact en me donnant les noms des autres profs qui enseignaient

la même discipline que moi, surtout celle qui enseignait le secondaire deux comme

moi. Vraiment on s’est lié d’amitié ce même jour. On a fait une réunion pour pouvoir

faire les planifications parce que c’était en début d’année. Qu’est-ce qu’on va

enseigner pendant quelle période, pendant quel mois? On a fait un peu ce qu’on

appelle le découpage jusqu’à la fin de l’année. Donc j’avais de bonnes relations avec

les collègues du département et d’autres collègues dont les bureaux étaient proches du

mien. On dinait ensemble et des fois on s’échangeait des affaires. Par contre, avec les

autres collègues qui ne sont pas du même département que moi, les relations n’étaient

pas toujours faciles. C’est à peine qu’on se regardait dans les yeux, c’est à peine si on

se disait bonjour. Vous pouviez leur dire bonjour, certains répondaient et d’autres ne

répondaient pas. Avec le temps, je me suis faite des amis parmi les profs et tout se

passait bien. Avec le personnel administratif, particulièrement la directrice adjointe

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de l’école qui était attentive et me donnait de la rétroaction, les relations étaient très

enrichissantes. C’était aussi pareil avec le personnel non enseignant. Je m’entendais

bien avec les techniciens de l’éducation spécialisée, les techniciens de laboratoire, la

psychoéducatrice, la réceptionniste et les responsables de l’Oasis (local où on envoie

les enfants qui dérangent en classe).

Quant aux rapports avec les parents d’élèves, la première rencontre fut un

choc pour eux. Ils connaissaient presque tous les enseignants des sciences et, comme

j’étais nouvelle, certains pensaient que je n’avais pas d’expérience en enseignement

de sciences. Je devais donc les rassurer, leur dire que je suis nouvelle dans l’école,

mais pas dans l’enseignement. Je leur disais que leurs enfants sont dans de bonnes

mains et je leur ai expliqué comment nous pourrions communiquer pour une bonne

collaboration : note dans l’agenda, courriel, appel téléphonique et rencontre au

besoin. Par la suite, les rencontres se passaient bien.

Avec les élèves, ce n’était pas facile au début. Quand j’ai commencé mon

remplacement à temps plein, les élèves pensaient que j’étais une suppléante. Mais

quand je leur ai dit que je suis leur nouveau prof, certains ont commencé à me huer.

Je les ai rassurés, mais n’empêche que certains avaient un air sceptique. Toutefois, au

bout de deux ou trois semaines, quand ils ont remarqué que j’étais toujours là,

beaucoup ont embarqué, mais certains continuaient toujours à faire la tête jusqu’à la

fin de l’année.

Les premières journées de classe étaient pour moi plus difficiles. J’étais

choquée par le comportement des élèves. Dans les salles de classe ici, les élèves ont

le droit de s’embrasser. De plus, je ne comprenais pas comment un élève assis peut

mettre ses pieds sur son bureau. Ce sont des situations qui me dérangeaient et que

j’interprétais comme des signes d’impolitesse, car cela n’est pas permis dans ma

culture. Pour le bon déroulement de mon cours, j’ai mis en place dix règles de

fonctionnement dont l’une était d’avoir une posture adéquate. J’avais aussi des

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problèmes de communication avec mes élèves. C’est vrai que je parle bien le français,

mais les élèves veulent qu’on parle le québécois comme eux. Ils ne comprenaient pas

mon accent, mais moi aussi je ne comprenais pas certaines expressions de leur jargon

québécois. Il m’arrivait de demander aux élèves de reformuler la question pour que je

puisse comprendre. Il y avait aussi des moments où je parlais et les élèves me

regardaient sans comprendre ce que je disais. Pour avancer, j’ai dit aux élèves que je

ne devais pas changer mon accent pour me faire comprendre et qu’ils pouvaient

m’arrêter s’il y a des choses qu’ils ne comprenaient pas. Ce n’était pas très facile,

mais, avec le temps, on finit par se familiariser, s’apprivoiser et se comprendre.

J’apprenais aussi à me familiariser avec leur jargon pour comprendre certaines

choses. En outre, j’avais des difficultés de gestion de classe. Il y avait des élèves

paresseux qui ne voulaient pas travailler, d’autres voulaient jouer alors que les autres

travaillaient et je n’étais pas d’accord avec ça. Au cours des deux premières semaines,

la directrice adjointe m’a mise en garde en me disant que ça parlait un peu trop dans

ma classe. J’étais un peu stressée, car j’avais peur d’avoir une mauvaise évaluation,

ce qui m’empêcherait de bien cheminer et entrer sur la liste de priorité. Je lui ai

demandé de m’accorder un peu de temps pour faire la loi dans ma classe. Ce n’était

pas facile avec les enfants d’ici qu’on appelle enfants rois, mais il fallait s’imposer,

faire sa discipline et donner un peu ses règles. À partir de la troisième semaine, ma

directrice m’a félicitée en me disant que ça parlait moins dans ma classe. J’avais un

groupe diable de l’école et c’était un groupe difficile pour tous les profs. Je n’étais

pas habituée à ça, car dans mon pays, c’est le maître qui est chef, qui est roi, mais ici

c’est le contraire. Je n’aime pas le fait qu’on ait donné trop de liberté aux enfants ici,

car aujourd’hui, on n’est plus capable de les contrôler. Dans mon pays, je ne faisais

pas d’effort pour qu’il y ait de la discipline, je ne devais pas crier. Dès que je rentrais

dans ma classe, les élèves se levaient pour m’accueillir puis c’était le calme qui

s’installait.

Concernant l’enseignement, c’était aussi un peu difficile au début, que ce

soit durant le stage ou mon premier contrat. La méthodologie et l’approche

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d’enseignement étaient différentes de celles que je connaissais. Passer subitement

d’une approche par objectifs, que j’utilisais depuis 15 ans, à l’approche par

compétence n’était pas du tout facile. J’étais plus préoccupée de comprendre cette

approche, la maîtriser, me l’approprier et arriver à dispenser mes cours conformément

à cette approche. De plus, amener les élèves à construire leur savoir était un autre

défi. Quand le groupe n’était pas motivé pour travailler, j’étais obligée de tout

donner. Dans mon pays, on ne tient pas compte de l’avis des élèves, il faut

transmettre. De mon côté aussi, il m’arrivait de retourner à mes anciennes habitudes

de mon pays. Je leur faisais prendre plus de notes et des fois les élèves me

demandaient si je ne pouvais pas leur faire des photocopies de notes de cours. Il

fallait aussi adapter mon enseignement au contexte d’ici. Pour apprendre aux élèves

de nouvelles notions, je devais partir de leur vécu quotidien, partir de ce qu’ils

connaissaient déjà et cela me demandait de savoir réellement ce qui se passe dans la

communauté, de me cultiver.

Face à tous ces défis, je dirais que la transition n’a pas été très difficile, car

avec mon stage, j’avais eu la possibilité d’être encadrée, d’observer comment on fait

et d’avoir une rétroaction constructive de mon enseignant associé. En plus de cela,

comme je suis quelqu’une de très proactive, au début, je me suis présentée aux

enseignants de sciences pour leur dire que je suis une nouvelle enseignante et que j’ai

besoin d’un volontaire qui, de temps en temps, peut venir m’observer en classe, voir

mes cours et me faire une rétroaction. J’ai donc pu avoir un enseignant d’une

vingtaine d’années d’expérience, qui venait m’observer dans ma classe une fois dans

un cycle de neuf jours et qui me faisait de la rétroaction. Je suis une personne très

ouverte à la critique et cela m’a beaucoup aidée. Quand je ne sais pas quelque chose,

je m’approche des autres qui savent mieux que moi pour demander des conseils :

Comment tu abordes telle notion dans tel cours? Tu utilises quel déclencheur? Vous

discutez avec les gens et tout doucement, vous finissez par savoir la meilleure façon

de faire. Il ne faut pas être fermé, il faut demander de l’aide. Par exemple, au début, je

ne savais pas comment photocopier à la fois des documents, les agrafer et les

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perforer. C’est des choses que je ne maîtrisais pas, mais que j’ai trouvé faciles par

après.

Depuis que j’enseigne au Québec, je dirais que j’ai appris beaucoup de

choses. Dans mon pays, on n’a pas de laboratoire dans certaines écoles et là où il y en

a, ils ne sont pas bien équipés. Tout était trop livresque, trop théorique mais ici quand

on parle de laboratoire, cela signifie qu’on pratique. C’est donc plus facile de faire

apprendre certaines notions, car les enfants ont la chance de manipuler, de toucher et

de voir. Chez nous, l’élève est un réceptacle que l’enseignant doit charger, bourrer et

bourrer. Il doit leur transmettre tout alors qu’ici, les élèves construisent le savoir. On

a une bonne approche d’enseignement, un système informatique très développé, il y a

vraiment une valeur ajoutée.

Par rapport à mon avenir de carrière, rien n’est certain. On est déjà le 24 août

2011, c’est la rentrée des enseignants, mais jusqu’à présent, je n’ai pas encore de

poste. Je n’ai eu qu’un contrat alors qu’il faut deux contrats au moins, avec des

évaluations positives, pour être sur la liste de priorité. Tant que je ne suis pas sur cette

liste, aucun poste ne peut s’ouvrir à moi. Je ne sais pas où je serai l’année prochaine

(2011-2012), peut-être que je vais reprendre les suppléances. Non plus, je ne sais pas

si je vais continuer en enseignement, car les autres me disent que ça prend un

minimum de 10 ans pour avoir un poste ici. Comme j’ai une maîtrise en biologie, je

pense à faire la formation en soins infirmiers, mais ce n’est pas sûr.

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4 RÉCIT D’EVA

Je suis enseignante de formation. J’ai fait 5 ans d’études universitaires à la

faculté des langues étrangères dans mon pays d’origine. Je détiens donc un diplôme

de licence en enseignement du français langue seconde. Ainsi, j’enseignais le français

langue seconde depuis la fin de mes études en 1990. Ici au Québec, j’enseigne le

français dans les classes d’accueil depuis 2008.

C’est pour des raisons économiques que j’ai immigré ici, car dans mon pays,

je n’étais pas bien payée. En appliquant pour l’immigration, je voulais changer ma

situation financière. Ainsi, je réside au Québec depuis mai 2007 avec un statut de

résidente permanente. À mon arrivée ici, j’étais toute seule, car mon mari était resté

dans notre pays et il m’a rejoint quelque mois plus tard.

Au début, je ne savais pas que c’était possible d’avoir un travail en

enseignement et je n’avais aucune information sur les démarches à suivre. Ainsi, je

me contentais d’un petit job d’emballage dans une manufacture pendant deux ou trois

mois. Mais, un jour, en rentrant à la maison en autobus, j’ai croisé par hasard une

dame qui parlait ma langue. En échangeant avec elle, elle a pu me donner toutes les

informations sur les procédures à suivre pour enseigner au Québec, car elle travaille

comme orthopédagogue. C’est à partir de ce moment que j’ai commencé les

démarches pour enseigner au Québec.

Pour avoir un permis d’enseigner, il fallait d’abord demander l’équivalence

des diplômes. J’ai envoyé mon diplôme de licence au ministère de l’Immigration et

des Communautés culturelles (MICC) pour l’évaluation comparative, puis ils m’ont

donné l’équivalent d’un Baccalauréat en enseignement du français langue seconde.

Après avoir obtenu l’équivalence des diplômes, j’ai passé l’examen de français, le

SEL. La première fois, je ne l’ai pas réussi, car il y avait des choses que je ne

maîtrisais pas, par exemple, les anglicismes. De plus, dans la partie rédaction, les

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128

thèmes portaient sur l’école québécoise alors que je ne savais pas comment ça

fonctionne. Je l’ai donc passé deux fois avant de le réussir. Après avoir réussi cet

examen, j’ai envoyé le dossier pour la demande de permis d’enseigner au ministère

de l’Éducation. Celui-ci m’a délivré un permis d’enseigner d’une durée de 5 ans

renouvelable sous conditions: je devais, avant la date d’échéance du permis, faire 15

crédits en pédagogie et en didactique à l’université et faire un stage probatoire pour

obtenir un brevet d’enseignement. J’ai déjà suivi tous ces cours et je fais maintenant

mon stage avec l’université à l’école où j’enseigne à temps partiel.

Quand j’ai obtenu mon permis d’enseigner, j’ai commencé à chercher du

travail en enseignement. Parallèlement, je me suis inscrite à l’université pour suivre

les cours requis pour le brevet d’enseignement. Je travaillais donc comme

enseignante tout en suivant des cours. Mon premier contrat, c’était l’enfer. Je ne

disposais d’aucun livre, aucun matériel pour enseigner le français langue seconde

(FLS) en classe d’accueil. Je devais confectionner moi-même mon matériel et la

directrice ne voulait pas m’aider. Au lieu de m’aider, elle n’arrêtait pas de me dire

qu’il y a des gens qui parlent mieux que moi. Je ne maîtrisais pas bien le français

parlé, car à l'université, on nous a appris le langage littéraire plutôt que le langage

parlé. Chaque matin, c’était une torture d’aller à l’école. À côté de cela, j’étais

enceinte et, à cause du stress, je tombais souvent malade. J’avais une tension

artérielle de presque 190. Pire encore, je ne connaissais pas les procédures pour

prendre quelques mois de repos avant mon accouchement. En plus, il y avait des

problèmes entre moi et mon mari. Mon état de santé s’est alors détérioré et quand je

me suis présentée à l’hôpital, le médecin m’a recommandé de rester à l’hôpital et

d’arrêter le travail sous risque de perdre mon bébé. C’est comme ça que j’ai arrêté

mon premier contrat. Puis après mon accouchement, j’ai divorcé avec mon mari.

Dans une autre école où je travaillais il y a deux ans, la directrice adjointe

m’a fait un mauvais rapport d’évaluation alors qu’elle m’avait fait une appréciation

positive le jour de l’évaluation en classe. En effet, à chaque fois qu’on a un contrat, la

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directrice vient nous évaluer à la fin de l’année. Le jour où elle est venue, elle est

sortie vraiment contente et m’a dit : «Tu as vraiment été bonne et dynamique. » Puis

deux jours après, elle m’a remis mon rapport d’évaluation avec une note négative,

70%, alors qu’on doit avoir une note supérieure ou égale à 80% pour accéder à la

liste de priorité d’emploi. J’ai été la voir pour lui demander pourquoi, car malgré que

j’avais une classe difficile, tout s’était bien passé. En effet, je partageais la classe avec

une autre enseignante qui prenait 3 jours et moi deux par semaine. Alors, durant cette

année, les élèves travaillaient très bien, ils ne dérangeaient pas beaucoup et j’étais très

satisfaite. Je lui ai alors demandé pourquoi elle m’avait fait une évaluation négative,

car, avec cette note-là, je ne pouvais pas avoir un contrat l’année suivante. Ce qu’elle

a fait, elle m’a demandé de lire toutes les compétences ayant fait l’objet d’évaluation

et de signer que j’accepte le rapport. Elle était assise devant son ordinateur puis elle

m’a tourné le dos, refusant de discuter sur le sujet. C’était impossible de continuer à

parler avec quelqu’un qui ne veut pas et j’étais sur le point de pleurer. Je lui ai dit

que je n’étais pas d’accord quant à la note attribuée et que j’étais prête à faire une

contestation. Malgré ce désaccord, j’ai été quand même obligée de signer pour cette

note-là, car elle me disait que je dois la signer et faire une contestation après comme

le prévoit le règlement. Par la suite, on s’est rencontrées, moi et elle, à la Commission

scolaire (CS) en présence de deux représentants de la CS et d’un représentant

syndical. J’ai parlé de tout, de mon travail, des événements de la gestion de classe et

du manque de soutien de la part de la directrice adjointe malgré les multiples

demandes d’aide. À son tour, elle a dit qu’un élève s’est endormi en classe lors de

l’évaluation, que quand elle venait dans ma classe au cours de l’année, elle voyait des

bouts de papier par terre. Donc, c’est ça qu’elle m’a reproché. C’était très choquant

pour moi et j’avais à la fois envie de pleurer et de rire en même temps, car c’était tout

un montage. Donc, j’ai dit que c’est tout à fait normal qu’il y ait des papiers par terre

en classe lorsqu’on fait des découpages et du bricolage. Après, elle a ajouté qu’elle a

vu des bottes devant le casier d’un élève et que j’étais responsable de ce coin du

corridor. Ces choses-là n’appartenaient pas à mes élèves, c’était peut-être des objets

perdus. Chaque fois que j’avançais des explications convaincantes, elle essayait de

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130

trouver d’autres arguments pour me faire perdre. Cette année-là, je travaillais un jour

par semaine avec une autre enseignante dans un autre pavillon de la même école. Et

la directrice adjointe a dit que ma collègue lui avait dit que le lendemain de mon jour

de travail, les élèves étaient nerveux. Cette fois, j’étais bouche bée, je n’ai pas trouvé

des mots pour répliquer. J’ai dit que ce n’est pas vrai puis j’ai commencé à pleurer,

car je me sentais impuissante face à des accusations toutes montées. Le lendemain, je

suis allée voir ma collègue pour vérifier si réellement elle a dit ça à la directrice

adjointe, mais la réponse était négative. Elle-même était choquée d’entendre que

madame la directrice adjointe l’a associée dans des histoires mensongères, puis elle

m’a demandé de l’accompagner chez la directrice adjointe pour mettre les choses au

clair. Nous sommes allées dans son bureau, j’ai rappelé tout ce qu’elle a dit par

rapport aux reproches de ma collègue, puis elle a refusé en arguant qu’elle n’a pas dit

cela. Ma collègue était déçue et moi, j’ai pleuré tout l’été, car ma contestation n’a rien

changé par rapport à la note. Je crois que la mauvaise évaluation m’était attribuée

parce que je suis immigrante, car tous les jeunes enseignants qui venaient de sortir de

l’université et qui avaient commencé au même moment que moi ont été bien évalués

sauf moi, une immigrante avec 20 ans d’expérience d’enseignement. Je me

demandais si j’aurais un contrat ou pas, mais heureusement j’ai fini par l’avoir dans

une autre école. Toutefois, l’idée de porter plainte contre cette directrice m’est restée

en tête, car un jour, j’ai eu la chance de rencontrer une dame qui travaillait dans un

comité pour les droits de l’homme. J’avais l’intention d’écrire cette histoire-là et de la

lui envoyer, car je trouvais cela injuste et j’avais besoin d’aide. Finalement, l’année

suivante, j’ai croisé un homme d’origine arabe qui avait travaillé à cette même école.

Il m’a dit qu’il avait vécu la même chose. La directrice adjointe était gentille avec lui,

lui souriait à chaque rencontre, mais à la fin de l’année, il a eu une évaluation

négative. Ainsi, il m’a déconseillé d’envoyer cette lettre au comité des droits de

l’homme. Il m’a dit ceci: «Écoute madame, si tu veux avoir un contrat, si tu veux

continuer à travailler à la commission scolaire, ne fais pas ça parce que ça peut

avoir un impact sur ta carrière.». J’ai suivi son conseil mais je reste un peu

traumatisée, car chaque fois que la direction vient m’évaluer, j’ai l’impression qu’elle

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vient pour chercher des points négatifs uniquement. C’est très dévalorisant et ma

mauvaise expérience m’a beaucoup affectée. Toutefois, malgré toutes ces difficultés,

je n’ai pas baissé les bras. J’ai tout fait pour ne pas décrocher, car j’aime mon métier.

Maintenant, je travaille dans une autre école et finalement je suis rentrée sur cette

maudite liste de priorité.

Concernant mes relations avec les collègues, dans toutes les écoles où j’ai

travaillé, j’ai toujours eu la chance d’avoir quelques collègues qui collaboraient.

L’année passée, j’ai eu la chance de travailler dans une école secondaire et j’ai

remarqué qu’il y a une grande différence entre le personnel enseignant du primaire et

du secondaire. À l’école secondaire, on trouve beaucoup d’enseignants immigrants

contrairement à l’école primaire où la majorité des enseignants sont des Québécois.

Alors, je me sentais tellement bien, comme un poisson dans l’eau. J’étais heureuse de

travailler dans cette école. Quand on est au primaire, la majorité des enseignants sont

québécois et ils viennent à se séparer un peu du reste, de nous. Parfois, ils ne nous

disent même pas bonjour. Je ne parle pas de tous, mais la plupart des gens le font.

C’est pour cela que moi aussi je devenais fermée, car je ne pouvais pas être ouverte

alors que je voyais que les gens ne voulaient pas de moi. Quand on est assis à table

pendant le dîner, les Québécois sont entre eux, même les jeunes qui font leurs

premiers pas dans l’enseignement. J’ai vu récemment un Noir, je ne connais pas son

origine, il faisait des remplacements au primaire. Il a posé une question au sujet du

sucre : «Est-ce qu’il y a du sucre ici? » Tout le monde était en train de parler et

personne n’a regardé dans sa direction. C’était quelque chose et cela s’observe

presque dans plusieurs écoles. Cette année, j’ai aussi la chance d’être dans une bonne

école, mais il y a des écoles où je ne peux pas travailler.

Avec les parents, j’ai toujours eu de bonnes relations avec eux. Je suis en

classe d’accueil et les parents sont contents de voir que je suis une enseignante

immigrante comme eux, car ils pensent que je me mets facilement dans la peau de

leurs enfants.

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Avec les élèves, je n’ai pas rencontré de problèmes particuliers à part que

certains groupes étaient difficiles à gérer. D’ailleurs, je dirais que partout dans le

monde, les enfants sont presque tous pareils. L’année dernière, j’ai travaillé dans une

école où je remplaçais l’enseignante qui était en congé de maladie pendant trois mois.

Les élèves se sont attachés à moi, leurs parents également. À la fin de mon contrat,

j’ai préparé les élèves à la séparation, car ils sont très attachants, mais ils ne voulaient

pas accepter mon départ. Après, comme j’étais obligée de partir, les élèves m’ont

demandé de revenir à la fin de l’année, le dernier jour de l’année scolaire. Ce jour-là,

je suis retournée à l’école et les élèves étaient contents de me revoir et j’ai trouvé

qu’ils m’avaient préparé une grande table.

Concernant mon intégration au rôle, cela n’a pas été facile pour moi. La

première fois que je me suis présentée en classe, lors de mon premier contrat, il n’y

avait aucun livre, aucun matériel dans ma classe et je ne savais même pas ce que je

dois enseigner et comment l’enseigner. Le soir, je cherchais sur Internet des choses

sur la calligraphie, mais je ne savais même pas sur quels thèmes chercher, personne

ne pouvait me renseigner. Heureusement, j’ai eu la chance d’avoir des collègues qui

collaboraient. Certains m’ont donné leurs cartables et m’ont autorisée à en faire des

photocopies. D’autres m’ont indiqué quelques sites Internet où je pouvais trouver des

choses utiles. C’est grâce à ces gens-là que j’ai pu savoir quoi faire. De plus, chez

nous, j’enseignais le français mais l’explication des mots était faite dans ma langue

tandis qu’ici je dois tout expliquer en français. Au début, c’était très difficile, car chez

nous, on apprend les langues étrangères, le français et l’anglais, mais quand on

termine l’école, on n’est pas vraiment en mesure de bien parler la langue. J’avais

donc la difficulté de bien parler français au début et mon unique défi depuis que je

suis ici a toujours été la langue. J’essayais de lire beaucoup de livres, je soulignais les

expressions, les mots inconnus, je cherchais dans le dictionnaire les explications, je

regardais dans quelles situations je peux les employer, etc., et cela m’a aidée à

améliorer mon français. Le problème, c’est que quand on est immigrant, toutes les

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petites erreurs de prononciation ou des problèmes d’accent ne sont pas tolérés par les

Québécois. Ils veulent qu’on prononce les mots comme eux alors qu’on ne pourra

jamais parler comme eux. Les Québécois, ils font aussi des fautes, des erreurs, mais

ça passe inaperçu. Mais quand c’est un immigrant qui prononce mal ou qui fait une

erreur, c’est une autre histoire. Ainsi, j’avais tout le temps peur de me tromper, de

faire des erreurs.

Un autre défi, c’était l’adaptation au système d’enseignement d’ici. Chez

nous, c’est un système d’enseignement magistral et on n’avait pas à faire beaucoup

d’activités avec les élèves. Ici c’est tout à fait différent. Il y a beaucoup d’activités et

on ne force pas l’élève à progresser. Il faut faire en sorte que l’enfant soit intéressé à

apprendre et à progresser en suivant son propre rythme. Je dois stimuler les élèves,

chercher des moments positifs pour chaque élève et essayer de l’accrocher à quelque

chose. J’ai beaucoup aimé ce système, mais l’adaptation à cette approche n’était pas

facile au début. Personne ne voulait m’inviter dans sa classe pour observer comment

ils font les choses. Peu à peu, en échangeant avec les autres enseignants, j’apprenais

des choses. Aussi avec mon stage, j’ai eu l’occasion d’observer comment les autres

enseignants enseignent. Maintenant je me suis adaptée, car je suis en train de faire

mon dernier stage.

Par rapport à tout ce que j’ai vécu, je dirais que la période de transition était

vraiment très difficile : ça m’a pris un ou deux ans. En effet, les petits brins

d’informations, je les ai ramassés pendant une période assez longue, car il n’y avait

personne pour m’aider à passer la transition. Les gens qui travaillent dans les écoles

tiennent pour acquis que nous, les enseignants immigrants, sommes au courant de

tout. Personne ne se donne la peine de nous expliquer comment les choses

fonctionnent, même les petits détails. On a besoin d’une personne ressource à qui

s’adresser, car au début, on ne connait pas le fonctionnement des choses. Par

exemple, on a besoin de quelqu’un pour nous expliquer comment on entre les notes

dans les bulletins scolaires. Tout est informatisé et on ne sait pas comment ça marche

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au début. De plus, à l’université, on nous donne la ligne générale, mais pas tous ces

détails. Aussi, il faut ajouter le fait que chaque école fonctionne à sa façon. Par

exemple, lors de mon premier contrat, dans un groupe, j’avais un élève qui lançait des

choses en classe. Je ne savais pas quoi faire avec cet enfant, je ne connaissais pas non

plus les démarches pour avoir recours à un éducateur spécialisé, je ne savais même

pas à qui est-ce que je devais m’adresser pour ce cas-là. Je me demandais qui je

devais appeler entre l’éducatrice spécialisée et le psychologue. J’ai appelé la

directrice adjointe et elle m’a envoyé plusieurs fois le psychologue. Je ne savais pas

ça au début, mais maintenant je sais à qui m’adresser en cas de problème avec un

élève. Un autre exemple, maintenant je travaille comme orthopédagogue, je fais des

activités de conscience phonologique en classe, mais c’est la première fois que je vois

ça. En effet, j’ai enseigné dans plusieurs écoles ici au Québec, je passais d’une école

à l’autre, mais je n’avais jamais vu un orthopédagogue faire des activités de

conscience phonologique en classe. Les autres orthopédagogues viennent chercher les

élèves pour une heure, une fois par semaine. Donc c’est différent d’une école à

l’autre, ce qui complique encore l’adaptation. Ainsi, les enseignants immigrants ont

besoin d’une personne ressource pour les accompagner au début et ce serait l’idéal

que cette personne soit une immigrante comme nous, car on a déjà vu que les

Québécois ne peuvent pas rentrer dans notre peau.

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5 RÉCIT DE FRANCIS

Je suis enseignant de formation. J’ai fait d’abord quatre années d’études

universitaires à la faculté des sciences dans une université de mon pays où je suis

sorti avec un diplôme de Licence en physique. Après l’obtention de ma licence, j’ai

continué en maîtrise où j’ai pu obtenir un diplôme d’études spécialisées en physique.

Puis, pour pouvoir enseigner chez moi, il fallait aller dans une école normale

supérieure afin d’obtenir un diplôme d’études professionnel pour l’enseignement

secondaire. Donc, je suis allé dans cette école où j’ai pu obtenir ledit diplôme. Ainsi,

avec ce diplôme, j’ai pu entrer dans le système scolaire de mon pays et j’y suis resté

pendant 12 ans. J’enseignais les mathématiques, la physique et la chimie au

secondaire. Dans le cadre de mon métier, j’ai aussi joué le rôle d’animateur

pédagogique pendant plusieurs années. Ici au Québec, j’ai une année d’expérience en

enseignement comme suppléant.

C’est par Internet que mon épouse et moi avons appris qu’il y a une

immigration au niveau du Canada. Nous avons alors soumis notre dossier juste pour

voir. Ça nous plaisait d’y aller, mais on n’était pas vraiment engagé au point de partir

directement si on était accepté. Ainsi, on a juste soumis notre dossier puis nous avons

obtenu le certificat de sélection du Québec (CSQ) en 2008. Tel que c’était mentionné

dans le CSQ, on avait deux ans pour soumettre le dossier de demande de visa

d’immigrant permanent au niveau de l’ambassade du Canada. Au lieu de le faire

directement, nous avons mis nos CSQ dans les tiroirs. En effet, on n’était pas pressés

pour venir, car sur le plan matériel, on n’avait pas de difficulté. Mais, une année

après, nous avons repris le processus d’immigration, car ma femme avait des

problèmes de santé à tel point que ses prélèvements devaient, chaque fois, être

envoyés en France pour des analyses. Même les commandes de ses médicaments

devaient aussi se faire en France. Ainsi, à un certain moment, c’est son médecin qui

nous a demandé si ça ne nous tentait pas de faire une évacuation sanitaire. Comme on

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avait déjà la sélection du Québec, nous avons rapidement soumis le dossier auprès de

l’Ambassade du Canada pour obtenir un visa de résident permanent. Ça n’a pas

trainé, au mois d’avril 2010, ils nous ont donné la résidence. Quand nous avons eu

nos passeports, nous sommes venus d’urgence comme des gens qui fuyaient

carrément.

Nous sommes arrivés au Québec, dans la région de l’Estrie, en avril 2010. Il

fallait dans un premier temps trouver un logement, inscrire les enfants à l’école et

prendre des dispositions pour les centres hospitaliers. Nous sommes passés par le

service d’aide aux immigrants qui nous a aidés à trouver un logement et l’école pour

nos enfants. Au niveau de l’adaptation, ça n’a pas été facile pour nous d’autant plus

que ma femme était presque inactive. Il fallait lutter pour ne pas se décourager, mais

aussi l’aider à garder le moral. Heureusement qu’on a pu savoir de quoi elle souffrait.

Elle n’a pas été hospitalisée, mais elle allait à l’hôpital toutes les semaines pour y

passer toute la journée. Je devais l’accompagner, être présent, mais entre temps, les

enfants restaient seuls à la maison. L’aîné avait 13 ans, ce n’était pas facile. On était

obligé d’acheter un téléphone portable pour être en communication avec eux et savoir

ce qui se passait à la maison.

La recherche d’emploi était aussi un autre défi. En effet, je ne pouvais pas

être en plein temps dans la recherche du travail, car il fallait s’occuper de ma femme

pendant un bout de temps jusqu’à ce qu’elle se relève. De plus, il fallait m’habituer

aux entrevues, lettres d’introduction et curriculum vitae qui sont essentiels dans la

recherche d’emploi au Québec. Ce n’était pas facile pour moi. Grâce au service

d’aide aux Néo-Canadiens, j’ai pu suivre des formations au centre local d’emploi sur

la rédaction des CV et lettres d’introduction. C’est aussi grâce au cours que j’ai suivi

au centre local d’emploi que j’ai pu connaître les organismes de placement comme

Emplois-compétences et Projection Estrie. Ainsi, au bout d’une année, quand ma

femme était guérie, j’ai pu obtenir un emploi à l’usine Bombardier. Je travaillais tous

les soirs de 15h30 à 23h depuis le début du mois de mai jusque fin juillet 2011.

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Concernant la recherche d’emploi en enseignement, je devais d’abord

demander l’évaluation comparative des diplômes au ministère de l’Immigration et des

Communautés culturelles. Je l’ai fait tardivement au mois de juillet alors qu’on était

ici depuis avril 2010. En effet, quand on nous a donné les visas pour venir, nous

sommes venus d’urgence et nous n’avons pas eu le temps de penser à apporter nos

diplômes et relevés de notes. Il fallait alors attendre que tous les documents nous

parviennent ici au Canada. Quand j’ai eu tous les documents requis, j’ai soumis pour

évaluation tous mes diplômes : Licence en physique, le diplôme d’études

professionnelles en enseignement au secondaire et celui maîtrise en physique. Au

bout de cinq mois, ils m’ont donné l’équivalent d’un baccalauréat en enseignement au

secondaire et d’une maîtrise en physique. Je trouve que ça a beaucoup trainé et

beaucoup d’immigrants se plaignent particulièrement à cause de la lenteur à ce

niveau.

Après avoir obtenu l’équivalence des diplômes en novembre 2010, j’ai

soumis immédiatement le dossier de demande de permis au ministère de l’Éducation,

du Loisir et du Sport (MELS). Par la suite, ils m’ont demandé de passer un test de

français. Je n’ai pas pu passer le test tout de suite, car ma femme était encore malade

et je manquais du temps pour le faire. Je l’ai fait au mois de mai et j’ai pu obtenir la

note désirée par le Ministère. Quand le MELS a reçu les résultats au test, en moins de

deux semaines, j’avais le permis d’enseigner. Seulement, la lenteur se situe au niveau

de la correction du test, car entre le moment où on fait le test et le moment où le

résultat te parvient par la poste, ça prend deux mois et demi. Quand j’ai eu le permis,

l’année scolaire 2011 était déjà terminée. Maintenant, ce qui me reste à faire, j’ai cinq

cours à suivre : un cours sur le système scolaire québécois, deux cours en didactique,

un cours sur l’évaluation des apprentissages et un autre sur l’intervention auprès des

élèves en difficultés d’adaptation et d’apprentissage. La réussite de ces cours me

permettra d’obtenir un brevet qui est l’autorisation permanente.

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Dès l’obtention de l’équivalence des diplômes en novembre 2010, j’ai

déposé le dossier de demande d’emploi à la commission scolaire. Puis, en décembre

2010, la commission scolaire nous a convoqués pour une entrevue de groupe. À l’issu

de cette entrevue, on m’a confirmé le statut de suppléant. J’ai fait donc la première

suppléance en février 2011. À ce moment-là, je n’avais pas encore eu le permis

d’enseigner, mais la commission scolaire m’avait déjà prévenu que, pour compléter

mon dossier, je devais non seulement présenter le permis, mais aussi réussir le test de

français, soit le SEL ou le CEFRANC. J’ai passé le test organisé par le SEL (Service

d’évaluation linguistique de la télé-université) et j’ai obtenu la note qu’ils désiraient.

Quand j’ai obtenu mon permis, je l’ai déposé avec les résultats au test pour compléter

le dossier. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à avoir des suppléances

régulièrement, car quand tu n’as pas encore le permis d’enseigner, tu reçois moins

d’appels. Maintenant on m’appelle toutes les semaines pour au moins une période.

Ainsi, jusqu’à présent, je n’ai fait que des suppléances.

Quand je me suis présenté pour une première fois à l’école, la secrétaire m’a

donné la clé du local et m’a bien indiqué où se trouve le local et le travail à faire que

l’enseignant m’avait laissé. Je me suis dirigé vers le local puis j’ai ouvert la porte aux

élèves. Dès que les élèves voient que ce n’est pas leur prof, il y a déjà une certaine

réserve, une certaine appréhension. Donc, ça ne parait pas souvent facile pour faire

passer le message, mais il faut casser ça. Ce que je fais, je prends une marge

d’environ une heure quinze minutes avant de me présenter au local pour lire le

document afin de bien m’imprégner du travail que je dois faire. Donc quand j’entre

en classe, je leur explique directement ce qu’il faut faire. Et quand ils voient que le

suppléant maîtrise le travail, ils commencent à se ranger effectivement. Et comme il y

a une pause de 10 à 15 minutes entre les cours, je fais pareil pendant la pause pour

l’autre travail.

Au niveau de l’enseignement, le problème reste encore la discipline au

niveau des élèves. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression qu’on leur accorde

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beaucoup de liberté au point où c’est le prof qui se sent obligé de se courber. Cela est

aussi pareil pour les profs qui sont permanents. Je n’avais jamais entendu un élève

dire à un prof : «Va te faire foutre. » Je n’étais pas habitué à ce genre de

comportements. Dans mon pays d’origine, les élèves ont beaucoup de respect pour

l’enseignant. On ne se tutoie pas comme ici, puis les élèves ne t’appellent pas ou ne te

parlent pas comme un égal. Au début, c’était comme un choc. Chaque fois que

j’appelais un élève, je disais par exemple, mademoiselle telle, monsieur tel dans

l’intention que ça devrait les amener à leur tour à m’appeler ainsi, mais cela n’a pas

marché. Il fallait donc contenir tout ça sinon ça allait crier scandale en classe et

j’allais paraître ridicule devant les autres collègues, car eux ils vivent ça au quotidien

et ça ne leur dit rien. J’ai même remarqué qu’ils faisaient pareil vis-à-vis du directeur

de l’école et j’ai compris que c’est comme ça qu’ils sont éduqués.

Je ne connais pas encore profondément le système et la façon dont ils

encadrent les enfants, mais peut-être que c’est dû au système. Mais, ce qui pose

problème, c’est que quand on t’appelle pour une suppléance, on ne t’explique pas les

règles générales de discipline, car chaque école dispose de son propre règlement. Ça

devrait être un élément de travail pour nous afin de savoir comment nous comporter

en classe ou comment gérer des situations qui peuvent se présenter. De plus, ce qui

complique encore le travail du suppléant, c’est que quand on vous appelle, on ne vous

précise pas à quel niveau vous allez suppléer. On ne vous dit pas non plus à quel

niveau l’enseignant est par rapport à son programme. Si on pouvait savoir tout ça,

cela rendrait le travail du suppléant un peu facile.

En ce qui concerne mes relations avec les collègues, je dirai qu’au début, ils

étaient beaucoup plus réservés. Ils se mettaient un peu à l’écart comme s’ils se

demandaient qui je suis. Mais quand ils se rendent compte qu’on t’appelle

fréquemment, ça casse un peu la glace. Je me dis qu’ils se disent ceci : «Si on

l’appelle quand même régulièrement, ça veut dire, peut-être, qu’il fait quelque chose

de mieux. » Ils sont donc ouverts à la discussion et on cause pendant les pauses,

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surtout celle de midi. Quand j’échange avec eux sur mes cours, ils apportent leur

point de vue et j’apprécie beaucoup leur discussion. Comme je me présente à l’école

une heure à l’avance, j’ai même déjà eu la chance de trouver sur place l’enseignante

que je venais suppléer. J’ai causé avec elle et je lui ai dit comment je comptais

procéder pour son travail en physique. Elle a trouvé que ma méthode était différente

de la sienne malgré qu’on arrive aux mêmes résultats. Elle me l’a déconseillé, car

certains élèves faibles n’allaient pas comprendre. J’ai beaucoup aimé le fait qu’elle a

pris du temps pour discuter avec moi à propos de son travail.

Au niveau des secrétaires, elles sont gentilles à l’accueil et quand vous faites

un travail appréciable, dès qu’elles ont l’occasion, elles vous le disent. Par exemple, il

y a une secrétaire qui m’a appelé pour me dire que l’école me remercie pour le travail

que j’accomplis dans leur école. Ça m’a réjoui un peu. En tant que suppléant, les

relations avec la direction et les parents sont presque inexistantes. Le directeur, je le

vois au passage et on ne se parle pas.

Compte tenu de ma petite expérience en tant que suppléant et de mes propres

observations, je constate qu’il y a des choses que je dois approfondir si je veux

m’intégrer de façon complète dans l’enseignement ici au Québec. En effet, je prends

souvent le temps de lire dans les cahiers de mes enfants avant de les aider à faire leur

révision. J’ai alors compris que les cours théoriques qu’on faisait chez moi avec des

démonstrations à perte de vue n’avaient pas tellement de raison d’être. Par exemple

en mathématique, c’étaient des démonstrations qui n’étaient pas nécessaires pour un

élève du secondaire. Ici, on doit donner à l’enfant ce dont il a besoin directement. On

enlève donc le superflu. J’ai vu en cela une certaine simplification que je n’aurais pas

faite si jamais on m’avait engagé directement dans la classe comme ça. J’aurai aussi à

retravailler les techniques de laboratoire, car en physique et en chimie, ça ne blague

pas. Il faut absolument maîtriser les techniques, sinon on risque de paraître ridicule

devant les enfants. Chez moi, les lycées manquent des équipements de laboratoire

pour permettre aux enfants de manipuler, faire des dosages de solutions ou mesurer

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les concentrations. J’ai fait des expériences au laboratoire à l’université, mais au

secondaire, on nous racontait les sciences. C’était donc plus théorique. Ainsi, comme

enseignant, j’aurai à préparer des cours pratiques et même des examens pratiques. Ce

sont donc ces choses-là que je dois approfondir. J’apprécie ça, car l’enfant ne voit pas

seulement les choses théoriquement, il les voit aussi de façon pratique. Autre chose,

j’ai compris que l’outil informatique est incontournable si tu veux enseigner ici.

Quand je suis arrivé ici, ma connaissance était un peu embryonnaire. J’ai donc passé

le temps à approfondir mes connaissances en informatique dans l’objectif de pouvoir

enseigner ici. Je trouve aussi important que tout enseignant immigrant puisse avoir un

mentor pour l’aider à mieux s’intégrer. Le mentor lui permettra d’avoir le programme

scolaire officiel dans sa discipline, savoir la tâche qu’il doit faire en tant

qu’enseignant dans la pratique même du métier, savoir comment organiser son

travail, savoir comment il doit se comporter, en tant que professeur, devant ses élèves

en classe pour éviter des difficultés, savoir comment communiquer avec la hiérarchie,

etc. Ainsi, avec un mentor, il prendra moins de temps pour s’intégrer.

Par rapport à ma carrière, je trouve que ça prend plus de temps pour être

intégré de façon complète dans l’enseignement. Ce n’est pas facile et cela est aussi

pareil pour les enseignants québécois d’origine. Il y en a qui démissionnent pour aller

faire autre chose. On en discute souvent avec mes collègues. En ce qui me concerne,

présentement je fais d’abord avec et je verrai par la suite si je vais rester ou pas.

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142

6 RÉCIT DE KARIM

Je suis enseignant de formation et j’ai 20 ans d’expérience en enseignement,

dont 17 ans dans mon pays d’origine et 3 ans au Québec. J’ai fait ma formation

universitaire à la faculté d’éducation dans une université de mon pays où je suis sorti

avec un diplôme de Licence en enseignement du français au secondaire. Après ma

formation, j’ai enseigné au secondaire, puis après, j’ai été sélectionné pour travailler

comme assistant à l’université. J’avais en charge la formation des futurs enseignants

du français au secondaire. Au bout d’un certain temps, j’ai obtenu une bourse

d’études et je suis parti en France pour une formation doctorale qui a été couronnée

par un diplôme de doctorat en linguistique. Durant ma formation doctorale, je

travaillais dans mon université comme chargé de cours.

Pendant que je faisais mon doctorat, ma femme faisait ses études au Canada.

C’est elle qui insistait pour que je demande la résidence permanente au Canada.

L’idée d’immigration ne me tentait pas, car j’avais vécu une mauvaise expérience en

France que je ne voulais pas répéter au Canada. Elle a donc tout fait pour me

convaincre et, au bout de quelques mois, j’ai déposé le dossier sans toujours la

moindre conviction. Par la suite, j’ai obtenu le visa de résident permanent et je suis

venu directement de la France au Canada. Après l’obtention de ma carte de résidence

permanente, je suis retourné chez moi pour servir mon pays, car moralement j’avais

une dette envers mon université qui m’avait permis d’aller en formation. J’y ai passé

quelque temps et, après je suis revenu m’installer au Canada en permanence.

Je suis arrivé au Québec au mois d’août 2007. Sur le plan social, c’était tout

un changement radical dans ma façon de vivre. Chez moi, il y a quelqu’un qui garde

les enfants, mais ici non. On doit se débrouiller tout seul en leur cherchant une

garderie. Il faut aussi se renseigner, car chez nous, l’information se passe de bouche à

oreille, mais ici non. Il faut chercher l’information sur Internet, il faut avoir un

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téléphone et les numéros de téléphone pour accéder à l’information, il faut donc gérer

sa vie sur téléphone. C’était un grand changement dans ma vie, mais j’ai trouvé que le

Québec est un milieu intéressant contrairement à la France. L’adaptation n’a pas été

difficile, car ma femme travaillait déjà et ça m’a aidé un peu à trouver du temps pour

découvrir ce qu’est Montréal, ce qu’est le Canada, faire les équivalences de diplôme,

etc.

Concernant la recherche d’emploi en enseignement, j’ai suivi le parcours

administratif ordinaire. J’ai d’abord envoyé pour équivalence mes diplômes de

Licence et de Doctorat au ministère de l’Immigration et des communautés culturelles.

Au bout d’un mois, un mois et demi, mes diplômes ont été reconnus exactement au

même niveau que ceux des autres universités québécoises. Après, j’ai attendu au

moins un mois ou deux mois pour me renseigner sur l’obtention du permis

d’enseigner, car je n’avais pas de contact, pas de numéros de téléphone pour avoir les

renseignements. C’est sur Internet que j’ai trouvé un document d’une cinquantaine de

pages sur les mesures à suivre pour enseigner au Québec. Je l’ai lu et j’ai pris au

moins deux semaines pour finaliser mon dossier. Ensuite, grâce à Internet toujours,

j’ai pu avoir l’adresse et j’ai déposé mon dossier de demande de permis d’enseigner

le 20 novembre 2007. Une semaine après, c’était au début du mois de décembre, on

m’a dit que mon dossier est complet et en date du 13 décembre, j’ai obtenu le permis.

Comme j’étais spécialisé en français, je n’ai pas passé de test de français pour avoir le

permis. Alors, le permis avait une validité de cinq ans renouvelable une fois qu’on a

commencé les cours et stages requis pour l’obtention du brevet d’enseignement. Il

s’agit de cinq cours : deux sur la didactique, un autre sur le système scolaire

québécois, un cours sur l’évaluation des apprentissages et un autre sur la gestion des

élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage ainsi que trois

stages. J’ai déjà passé les cinq cours et les trois stages et, si tout se passe bien, demain

ou après-demain, j’aurai les résultats de mon stage III et je vais déposer ma demande

pour le brevet d’enseignement.

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Dès l’obtention du permis d’enseigner et avant de commencer les cours

conduisant à l’obtention du brevet d’enseignement, je me suis lancé à la recherche du

travail. J’ai d’abord cherché dans les écoles privées mais j’étais toujours sur la liste

d’attente. Pour l’enseignement public en tant que tel, j’ai déposé le dossier dans une

commission scolaire de la région de Montréal. Puis, en date du 4 décembre 2008, on

m’a envoyé une lettre comme quoi je suis convoqué en entrevue au siège social de la

commission scolaire. J’ai passé avec succès cette entrevue ainsi qu’un test de français

le 18 décembre 2008. Quelques jours après, on m’a informé que j’ai été accepté et on

m’a proposé un premier contrat à temps plein pour enseigner le français. Je devais

remplacer une enseignante en congé de maternité. Comme c’était les vacances de

Noël, j’ai dû attendre le mois de janvier. Cela a bien tombé, car je n’avais pas

vraiment les renseignements précis sur ma mission ou bien sur la tâche pour ce

travail-là. Durant cette période, j’ai profité pour me renseigner amplement sur ce

qu’est l’enseignement au Québec. J’ai commencé par voir quelles sont les matières à

enseigner, c’est quoi le cycle secondaire, comment on les gère du point de vue

premier cycle, deuxième cycle et ainsi de suite. Je n’avais vraiment aucune idée sur

l’enseignement du français, les objectifs du Ministère, l’enseignement général,

l’enseignement du français et l’enseignement du français au secondaire en particulier.

Ces vacances m’ont aidé à approfondir, d’une manière purement personnelle, mes

connaissances sur l’enseignement du français au Québec.

J’ai commencé ma première journée d’école le 6 janvier 2009. Je me suis

présenté à l’école et un enseignant m’a montré le local et c’était tout. Personne ne

s’est présenté à l’un de mes trois groupes pour dire : «S’il vous plait, comportez-vous

bien avec ce nouvel enseignant.» J’ai donc rencontré les élèves seul pour la première

fois et ce fut un grand défi pour moi. Je les accueillais à l’entrée de leur local et

c’était un choc de les voir bouger partout. Chacun lançait un mot, une phrase, un petit

commentaire : «Ah, qui est-ce? C’est un remplaçant?», «Qu’est-ce qu’il vient faire?

Un arabe en plus! Il fait quoi ici?» «Ah, tu viens d’où Monsieur?» «Ah, d’Algérie?

Du Maroc?» C’était une sorte de désordre total. Je souriais, je les accueillais avec un

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sourire comme c’est mon habitude. Ensuite, je n’ai rien dit et je les ai laissé parler

ainsi pendant 20 minutes, car je ne savais pas comment gérer cette situation. J’avais

le sentiment d’être laissé à moi-même. J’aurai bien aimé que le directeur-adjoint ou la

directrice générale me présente pour trois ou quatre minutes juste pour officialiser ma

présence à l’école. C’était pour la première fois que je voyais un élève tutoyer son

enseignant. Je ne trouvais pas cela normal et je pensais que les élèves là s’en foutaient

de moi, que peut-être, je m’étais mal présenté. Toutefois, en face de l’élève, je faisais

comme si de rien n’était. C’est beaucoup plus tard que je me suis rendu compte que

c’était normal, que c’était dans leurs habitudes de tutoyer leurs enseignants.

Une autre difficulté que j’ai dû surmonter, ce jour-là, concernait le niveau

d’enseignement. Au début, on m’avait dit que je vais enseigner au secondaire V. Je

me suis préparé donc pour secondaire V. Quand je suis arrivé et quand j’ai vu mon

horaire, j’ai trouvé que j’avais le secondaire III. C’était quand même un problème non

moins important au départ. Compte tenu de tout ça, deux minutes après la

présentation, je leur ai donc proposé de voir un film, une idée qui a plu à tous les

élèves. Et c’était quand même une idée qui m’a permis aussi de voir qui ils sont.

Donc la première journée s’est passée comme ça. Ensuite, pendant la pause de midi,

je me suis informé sur les enseignants qui enseignent le secondaire III et j’ai échangé

avec eux sur qu’est-ce que je devais préparer exactement pour cette période-là. Ils

m’ont rassuré et ils m’ont donné quand même du matériel pour commencer. Le

problème, c’est que l’enseignante que je remplaçais ne m’avait pas vraiment laissé

des traces bien précises sur le programme ou bien sur le contenu qu’elle enseignait et

que je devais continuer. Elle m’avait juste laissé un message qu’il y avait une sorte de

cahier maison qu’elle avait fait avec les élèves pour les exercices, c’est tout. Aucun

élève ne m’a donné la moindre information sur ce cahier-là.

La première semaine, je me suis donc débrouillé presque seul avec les petites

informations que je recueillais des autres enseignants du secondaire III et ainsi de

suite. Le directeur adjoint m’avait laissé un petit message sur mon bureau comme

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quoi il viendrait voir comment ça se passait après la première semaine. Il m’a

rencontré et je lui ai dit que c’est un peu bien. Il m’a prévenu quand même que le

secondaire III est réputé le niveau le plus difficile et qu’il fallait me préparer à des

problèmes de gestion de classe. Il m’a dit qu’il était disposé à m’aider à tisser un petit

réseau de contacts avec les autres enseignants de secondaire III, chose qu’il a bien

faite. Il m’a mis en contact avec eux, mais le problème, c’est qu’on n’était pas dans le

même local. Il m’a donné leurs coordonnées et il les a contactés pour leur dire qu’il y

a un nouvel enseignant, qu’il faut l’aider. Ainsi, certains enseignants m’ont été d’un

grand secours, mais il y en avait d’autres qui, au lieu de me donner des stratégies sur

la façon de m’en sortir avec les élèves difficiles, transmettaient l’information à la

direction comme quoi je ne suis pas capable de gérer ma classe. Il y avait même

certains qui venaient comme ça pour écouter quelque chose et l’envoyer à la

direction. C’était vraiment leur seul moyen de m’aider, car au bout d’un mois, la

directrice est venue me dire : «Il faut faire attention parce qu’il y a des enseignants

qui se plaignent de votre classe. Là, à un moment donné, je peux vous remercier.» Je

ne comprenais pas comment elle me donne cette remarque alors qu’elle n’a jamais

mis le pied dans ma classe pour constater dans quelles conditions je travaillais.

C’était normal que je ne sois pas capable de gérer ma classe parce que je suis arrivé

au milieu de l’année, à un niveau difficile avec des groupes difficiles et je n’avais

même pas la moindre idée sur le contenu à enseigner et des exigences d’évaluation.

Elle ne pensait pas à tout ça. Heureusement que la remarque est tombée en période

des travaux et des examens, car le jour où je me sentais un peu mal à l’aise de gérer

ma classe, je leur imposais un travail noté à faire sur place pour 15 - 20 minutes. Je

faisais cela juste pour les calmer, pour les stabiliser un peu, et ensuite je reprenais le

contenu que je devais leur enseigner. C’était ma seule stratégie en fait. Entre-temps,

je me renseignais toujours sur la gestion de classe et quand j’ai commencé mes cinq

cours requis pour le brevet, j’ai choisi directement comme premier cours, la gestion

de classe. Ces cinq cours-là m’ont beaucoup aidé à me réadapter, à m’adapter

vraiment au milieu et à la réalité de l’enseignement ici au Québec, car je m’en suis

sorti avec une évaluation positive. En effet, à partir du mois d’avril, je me suis

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préparé à tout faire, à tout renommer, à présenter la matière autrement et en fin de

compte, j’ai réussi à le faire.

Un autre défi que je devais surmonter était d’ordre culturel et linguistique et

je trouvais cela normal puisque c’était mon premier contact avec les élèves québécois.

Je ne comprenais pas comment ils parlent et ce qu’ils disent. J’avais de la difficulté à

comprendre les premières semaines. Il y avait des expressions que je ne comprenais

pas. Je captais, je cherchais dans le dictionnaire et petit à petit, j’ai fait mon petit

dictionnaire québécois. Plate, ça veut dire quoi? Plate : vous voulez dire plat? Qu’est-

ce que cela veut dire? «Plate c’est comme monotone, comme ennuyeux.» Mais

ennuyeux dit mieux la chose! «Aah, non! On dit plate.» Et le lendemain, les élèves

disaient : «C’est pas plate, c’est bien.» C’est à partir de là qu’on a quand même géré

la situation entre nous. Du point de vue culturel, je n’étais pas habitué à leur façon de

parler aux enseignants sans le moindre respect et aux relations garçons-filles d’ici.

Face à cela, je me référais aux règles de comportement et au code de vie. C’était un

code de vie que j’appliquais par mes propres principes. Je l’appliquais sur moi en

premier et ensuite sur eux et ça se passait bien comme ça.

La première semaine, c’était une période particulièrement difficile.

Franchement, je pense que j’ai rendu les choses de la meilleure façon qu’on peut

s’attendre, car c’était une école réputée difficile, un niveau réputé difficile et des

groupes réputés difficiles aussi. J’ai appris que l’enseignante qui était là avant moi a

anticipé son congé parce qu’elle était tombée sur des groupes difficiles. Ici, les

milieux défavorisés veulent dire des élèves difficiles. Chez moi, c’est tout à fait le

contraire. Un milieu défavorisé veut dire un enseignement idéal avec un élève idéal

dans une école idéale. J’étais habitué à des élèves exemplaires : pas le moindre clin

d’œil avec des classes qui dépassaient les 45 élèves et des objectifs de cours atteints à

100%. J’avais donc cette idée quand j’ai accepté ce premier contrat ici. J’ai donc pris

l’engagement sans savoir ce qui m’attendait. Cependant, je ne regrette pas d’avoir

pris cet engagement, car avec le temps, mes relations avec les élèves sont allées en

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s’améliorant. Au début, en janvier, c’était difficile, mais au mois de juin, j’avais

réussi à créer de bonnes relations avec certains élèves. Il y avait un élève

particulièrement difficile, c’était l’élève le plus difficile de l’école. Il était réputé le

plus perturbateur dans toute l’école. Alors là, mon objectif c’était de ramener cet

élève à l’ordre. Alors, là, j’ai réussi à le faire et on avait vraiment du mal à se quitter

fin juin. C’était exactement le 22 juin, c’était la dernière journée. Et depuis, je tiens

toujours à me rappeler de cette expérience, comment j’ai fait pour gérer ma situation,

ça s’est très bien terminé en fin de compte.

Concernant l’enseignement, c’était aussi tout un changement de pratique. Par

rapport au contenu pédagogique, on ne fonctionnait pas selon l’approche par

compétence comme ici et on n’était pas vraiment performant dans de telles

approches. La première semaine, je ne savais pas ce que voulaient dire les

compétences disciplinaires et les compétences transversales. Je me suis renseigné sur

Internet et auprès des collègues. Ainsi, j’ai adapté mon contenu par rapport aux

compétences à atteindre. Chez moi, on était comme classique, mais pas tout à fait

magistral. Les élèves prennent des notes, posent des questions sur les parties qu’ils ne

comprennent pas, mais ici ce n’est pas comme ça. On doit laisser les élèves exprimer

ce qu’ils pensent. En plus, ici, on doit travailler tout en même temps pour bien

s’adapter aux besoins de l’élève. Je ne dois pas enseigner uniquement le français

comme chez moi, je dois aussi tenir compte de l’état émotionnel de l’enfant, de ses

intérêts, de son origine sociale et culturelle, etc. Tout cela fait partie de notre mission

en tant qu’enseignant et cela m’a amené à changer beaucoup, ce que je trouve positif,

car si l’élève est satisfait, l’enseignant l’est aussi. C’est mon thermomètre dans ma

carrière : trouver que l’élève est satisfait dans chaque période ou dans le travail en

général. Pour moi, le virage vers cette orientation a été facile, car cela m’intéresse

personnellement et je l’appliquais de façon intentionnelle et spontanée.

Du côté administratif, c’était aussi de grands changements. Ici, on doit être

performant au niveau de l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et

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de la communication. Il fallait s’adapter à la façon de faire les bulletins, car c’est tout

à fait différent de ce qui se passe chez moi. Chez nous, on peut rester deux ans, même

trois ans sans changer la façon d’administrer les examens, ici il faut être tout le temps

à jour, car tout change vite. Même la façon de prendre les présences, c’est tout à fait

différent. C’était vraiment des défis importants qu’il fallait relever au début.

Ma deuxième année, je travaillais dans une autre école secondaire de la

même commission scolaire. J’avais un contrat à temps plein et j’enseignais le

secondaire I et le secondaire V depuis le début jusqu’à la fin de l’année. C’est une

petite école dans un très beau quartier avec une très bonne clientèle. Ça s’est très bien

passé, parce que le milieu, ici, influence l’école et influence les choix des enseignants

et le travail des enseignants. C’était très éveillant pour moi. Franchement, les élèves

de cette école tiennent à respecter et à profiter du maximum de la période d’une façon

qu’on ne peut pas imaginer. Je compare toujours ma situation de cette façon : ma

première journée, le premier contrat, la première école. Le premier commentaire que

j’ai entendu d’un élève: «Ah, il va voir plus!» Ensuite, le deuxième contrat, c’était

dans une autre école. Le premier commentaire ou la première phrase que j’ai

entendue d’un élève était: «Bonjour monsieur Karim! C’est bien vous, monsieur

Karim, notre nouvel enseignant de français?» J’ai dit oui, c’est bien moi. Regardez

les deux façons d’accueillir un enseignant. Ça m’a très agréablement influencé.

Maintenant, je suis dans ma troisième année et je travaille dans une autre

école secondaire où j’ai fait mes stages en cours d’emploi. C’est une grande école,

dans un beau quartier, avec une bonne clientèle. Franchement, c’est une bonne école

où il y a beaucoup d’enseignants immigrants et je me sens beaucoup plus à l’aise.

C’est ça la différence avec les autres écoles où j’ai travaillé. Les élèves se comportent

très bien. Par rapport au comportement des élèves, c’est comme une école privée,

mais c’est l’étiquette publique seulement qui fait la différence. Au bassin, quand on

propose les postes, tout le monde fait tout pour obtenir un poste à cette école. Aussi,

c’est un milieu plus mosaïque, multiculturel, plus varié.

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Par rapport à l’enseignement et à la gestion de classe, je dirai pour conclure

que mes cours, mes stages et les conseils des collègues m’ont beaucoup aidé jusqu’à

présent. Je pense qu’il devait y avoir une sorte d’encouragement pour les anciens

pour accompagner les nouveaux enseignants. C’est grâce à mon enseignante associée,

25 ans d’expérience, que j’ai appris beaucoup de choses. Elle venait m’assister dans

ma classe et après je lui posais des questions : «Qu’est-ce que je vais faire avec cet

élève-là? Avec tel autre, etc.» Elle me suggérait des idées, je les prenais et je les

appliquais tout de suite. Franchement, j’ai réussi rapidement à mieux gérer ma classe.

Ainsi, j’ai remarqué que l’élément qui fait la différence est vraiment quand il y a un

enseignant ancien qui a de l’expérience, qui partage correctement ce qu’il a comme

stratégies, comme astuces pour gérer sa classe. En plus de l’accompagnement, il doit

y avoir aussi la part de l’enseignant immigrant lui-même. Il doit s’ouvrir aux autres,

être souple vis-à-vis des élèves, s’impliquer dans les activités de l’école avec les

autres enseignants, montrer qu’il n’est pas différent des autres et avec quelques

concessions au niveau culturel, tout doit bien aller. Il y a certains qui le font plus que

d’autres et ils réussissent. Ainsi, il faut aussi être tenace devant les différents défis.

Moi, tout le monde me qualifie de tenace. Même devant des remarques très sévères

de la direction, je ne lâche pas. Devant les difficultés de taille, je prends toujours cela

comme une occasion pour enrichir mon expérience. Par exemple, au début de mon

premier stage, je me demandais toujours pourquoi on me donnait la 4e période avec le

groupe le plus difficile, à la dernière journée de la semaine. Et mon enseignante

associée ne cessait de me dire que ça ne marche pas bien. Même quand la période se

passait plutôt bien, elle oubliait toujours de mentionner les points positifs pour ne

retenir que les points négatifs. Et c’était le groupe le plus difficile pour tous les

enseignants. J’étais sur le point d’abandonner mon stage, mais à un certain moment,

j’ai changé d’avis. Je me suis dit que je dois continuer et que je ne vais pas lui donner

la moindre chance, dans les prochaines périodes, de me faire la même remarque. De

plus, même si, au fond, je n’étais pas convaincu de ses remarques, je répondais

toujours positivement en disant : «J’accepte, merci beaucoup pour votre aide. Ce

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sont des remarques que je dois prendre en considération dans les prochains cours.»

J’ai constaté par après que ses remarques m’ont beaucoup aidé en m’obligeant de

revoir ma stratégie, de revoir ma gestion de classe. En fin de compte, j’ai fini par

obtenir son approbation, car quelques semaines plus tard, elle est venue me dire que

c’est vraiment parfait, que c’est correct. Donc, ce que je peux conseiller aux autres,

c’est de ne pas prendre les remarques comme des remarques personnelles pour en fin

de compte, améliorer leur pratique. Je me rappelle, au début du stage, on était cinq

nouveaux enseignants immigrants, mais nous sommes deux qui ont réussi à continuer

jusqu’au bout.

Quant à mon avenir de carrière, je viens de terminer une année plutôt bien.

Je suis optimiste, car dans cinq semaines ou six semaines, il y aura le bassin pour

l’année prochaine. Je pense que j’aurai un bon poste. Je suis sur la liste de priorité

d’emploi déjà, il reste quand même à espérer une bonne évaluation et une bonne

ambition pour l’avenir.

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7 RÉCIT DE LATIFA

Je suis enseignante de formation. J’ai un cursus un peu particulier. J’ai fait

mon primaire et le début du secondaire dans mon pays d’origine, le secondaire en

France et l’université dans mon pays d’origine. À l’université, j’ai d’abord fait 4 ans

en Mathématiques et je suis sortie avec un diplôme de Licence en Maths. Dès

l’obtention de ma licence, j’ai commencé à travailler dans mon pays d’origine. Je

faisais alors des remplacements. C’était des mini contrats de 15 jours maximum.

Comme je n’avais pas un contrat à temps plein, j’ai repris tout de suite une autre

formation de quatre ans en français, car je ne voulais pas rester à la maison. Ainsi, au

bout de ces quatre ans, j’ai obtenu un diplôme de Licence en français. Dès l’obtention

de ce diplôme, j’ai commencé à faire des remplacements et j’enseignais le français

langue seconde au moyen et au Lycée. Pendant que je faisais les remplacements, je

me suis inscrite en maîtrise et j’ai fait deux ans en didactique du français et des

mathématiques. Concernant mon expérience en enseignement, j’ai d’abord fait les

remplacements pendant deux ans puis j’ai obtenu un contrat à temps plein pour

enseigner les mathématiques. J’ai été titularisée dans mon poste et j’enseignais

uniquement les mathématiques durant quatre ans et demi avant de venir au Québec.

En tout, je totalise 6 ans et demi d’expérience d’enseignement dans mon pays

d’origine. Au Québec, j’ai 3 ans et demi d’expérience d’enseignement, dont deux ans

en enseignement du français langue seconde et 1 an et demi en enseignement des

mathématiques au secondaire.

Dans mon pays, la vie était très dure et mon mari ne se sentait pas bien du

point de vue socioprofessionnel. En effet, il est ingénieur de formation et moi

professeure, mais financièrement, on n’était pas capable d’assouvir tous nos besoins.

C’est pour cela que nous avons demandé la résidence permanente au Canada. Après

trois ans, on nous a donné le visa de résident permanent et nous sommes venus

directement. On s’est donc un petit peu sauvé.

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Nous sommes arrivés au Québec, dans la région de Montréal, en décembre

2005. L’adaptation n’était pas trop dure pour moi, car j’avais déjà vécu en France. Je

connaissais donc un peu le système de l’étranger. Au début, ce n’était pas évident

avec l’hiver, mais on s’attendait à ce qu’il fasse froid. Durant les deux premiers mois,

on s’est occupé à trouver un logement et une garderie pour nos enfants. Après, notre

priorité était de trouver un emploi. Franchement, j’ai eu une chance inouïe, car le

premier février, j’ai trouvé du travail juste à côté de chez moi. C’est ma mère qui m’a

appelé de mon pays d’origine, par Skype, pour me dire qu’on cherche quelqu’un pour

faire du travail par appel téléphonique à côté du métro Henri-Bourassa. Elle aime

surfer sur Internet et c’est grâce à elle que j’ai eu ce travail. J’ai donc appelé puis ils

m’ont fait passer une entrevue. Par la suite, ils m’ont appelé pour commencer le

travail. Je suis restée là-bas pendant deux ans et demi à peu près, car après, j’ai

obtenu mon permis d’enseigner.

Concernant la recherche d’emploi en enseignement, j’ai d’abord demandé

l’évaluation comparative de mes diplômes. C’était en 2006. J’ai appelé au ministère

de l’Immigration et des communautés culturelles et je suis tombée sur une dame

sympa qui m’a tout expliqué. J’ai envoyé mes trois diplômes (deux de Licence en

mathématique et français langue seconde et un diplôme de maîtrise en didactique de

l’enseignement du français et des mathématiques), les relevés de notes ainsi que la

traduction des documents. Au bout d’un mois et demi, ils m’ont donné l’équivalent

d’un Bac de trois ans en français langue seconde, un bac de trois ans en maths et deux

ans de maîtrise en didactique de l’enseignement des maths et du français langue

seconde. Après avoir obtenu l’équivalence des diplômes, je n’ai pas demandé le

permis d’enseigner tout de suite, car j’avais des enfants en bas âge et le plus petit, qui

avait 1 an et demi, était souvent malade. J’avais aussi des problèmes au niveau de la

garderie. C’est pour cela que je me contentais de petits boulots qui me permettaient

de m’absenter quand mon fils était malade. En 2008, j’ai pu trouver une bonne

garderie pour mon fils et c’est à ce moment que j’ai envoyé le dossier de demande de

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permis d’enseigner au ministère de l’Éducation. Après trois mois, ils m’ont accordé

un permis d’une validité de cinq ans pour enseigner les mathématiques au secondaire

et le français langue seconde au primaire et au secondaire. Le permis était

renouvelable à condition d’avoir commencé les cinq cours requis pour avoir un brevet

d’enseignement. Il s’agit de deux cours en didactique, un cours sur le système

scolaire québécois, un cours sur l’évaluation des apprentissages et un cours sur la

gestion des élèves en difficultés d’adaptation et d’apprentissage. Pour mon cas, je

n’avais pas de stage à faire. Dès l’obtention de mon permis, j’ai commencé les cours

et je les ai finis cette année. J’attends donc le brevet.

Après l’obtention de mon permis d’enseigner, j’ai déposé mon dossier de

demande d’emploi, en dehors de Montréal, dans une commission scolaire qui était

proche de chez moi. J’ai été vraiment chanceuse, car cette commission scolaire m’a

offert un contrat à temps plein à partir du mois d’octobre jusqu’à la mi-juin. Je faisais

de la francisation, dans quatre écoles, aux enfants immigrants nouvellement arrivés au

niveau primaire. Je n’ai pas pu travailler toute l’année, car à la mi-mars, on m’a mis

en retrait préventif pour raison de grossesse. Durant les six mois de travail, je n’ai

jamais rencontré de problèmes. En effet, je changeais souvent d’écoles, mais le peu

de temps que j’y passais, je trouvais que les gens étaient sympas.

L’année suivante, la même commission scolaire m’a offert un autre contrat,

toujours en francisation, pour remplacer une enseignante qui venait d’abandonner son

poste. C’est dans cette école où j’ai rencontré les vrais problèmes. J’ai vécu des

événements malheureux avec la directrice adjointe et certains collègues. C’était

vraiment monstrueux. Dès les premières semaines, la directrice adjointe me faisait de

petits piques du genre: «Vous avez vidé notre compte, vous avez explosé le budget de

la francisation, vous encaissez trop.» J’ai dit : mais comment ça, j’encaisse trop? Puis

elle m’a dit : «Oui votre salaire est trop élevé par rapport à l’autre enseignante, vous

nous avez ruinés.» Je lui ai dit que c’est normal qu’on me donne un grand salaire

d’autant plus que j’ai plus d’années de scolarité et une grande expérience par rapport

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à celle que j’avais remplacée. Par ailleurs, ce n’était même pas moi qui déterminais

les échelles salariales. Puis elle m’a dit: «Oui, mais quand même vous avez explosé le

budget.» Durant toute l’année, chaque fois que je lui disais bonjour, elle me regardait

puis elle tournait la tête. Je ne comprenais pas pourquoi et j’étais malheureuse. À la

fin de l’année, sept jours avant la fin de mon contrat, la directrice de l’école m’a

appelée et m’a dit que c’était pour mon évaluation. Elle m’a montré l’évaluation que

la directrice adjointe avait faite à mon égard. Elle avait écrit que je ne communique

pas bien en français, que je ne prépare pas bien les documents d’évaluation et que je

n’agis pas de façon éthique. Je n’en revenais pas, car elle m’a évaluée sans avoir

jamais mis le pied dans ma classe. J’étais étonnée d’entendre que je ne communique

pas bien en français, mais je me suis rappelé un incident qui m’est arrivé avec elle.

Un jour, la directrice adjointe a dit: «Ferme les lumières!» Comme j’ai l’habitude de

corriger les élèves, j’ai dit automatiquement sans réfléchir: éteins les lumières. Donc,

je l’ai corrigée sans m’en rendre compte et probablement que cela l’a beaucoup

choquée. Je suis allée voir la directrice adjointe pour lui demander sur quelle base elle

m’avait évaluée sans avoir jamais mis le pied dans ma classe. Elle m’a répondu

qu’elle n’avait pas besoin de venir voir, qu’elle me voyait agir dans les couloirs. Je lui

ai demandé si j’avais un cours à donner dans les couloirs, mais elle ne voulait pas

m’écouter. Par après, elle m’a dit qu’elle me déconseille pour un autre contrat. C’était

n’importe quoi et je n’en revenais pas. Je lui ai dit que je ne suis pas d’accord avec

son évaluation puis elle m’a dit: «Oui, mais vous devez le signer.» Comme j’étais

hors de moi, je n’ai pas fait attention, j’ai signé et je suis partie. Quand je suis allée

me plaindre à mon syndicat, ils m’ont dit que je n’aurais pas dû signer. Mon contrat

devait prendre fin un lundi, c’était le 21 juin et moi je devais voyager samedi, le 19

juin. Vendredi, le 18, j’ai travaillé comme une malade pour tout mettre en ordre avant

de partir. J’avais même été voir les responsables de la francisation pour leur dire que

je ne serai pas là le dernier jour. Ainsi, avant la fin de mes vacances, ils m’ont envoyé

une lettre me disant qu’on me raye de la liste d’appel pour avoir reçu une évaluation

négative et pour avoir rompu mon contrat. J’ai appelé pour expliquer mon cas puis ils

m’ont répondu que je n’ai aucune possibilité de recours. J’ai contacté mon syndicat,

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mais ils m’ont répondu qu’ils ne peuvent pas intervenir pour le simple fait que je

n’étais pas titulaire. J’ai laissé tomber et je n’ai plus travaillé avec cette commission

scolaire.

Quant à mes collègues, certains étaient sympas avec moi tandis que d’autres

étaient des gens à proprement dit racistes. Un jour, une collègue québécoise m’a

invitée à manger avec elle dans la salle des profs. Quand je suis allée à sa rencontre,

elle était avec une autre collègue. Je me suis assise puis l’enseignante qui était avec

elle a tout de suite arrêté de parler, puis elle est partie. Ma copine était gênée et elle se

demandait pourquoi elle a réagi ainsi. On est resté ensemble à causer en mangeant.

Par après, d’autres enseignants sont venus à notre table. Au bout d’un moment, ils ont

commencé à critiquer les parents qui imposent le ramadan à leurs enfants, après

c’était la polygamie des hommes musulmans, etc. J’ai fait comme si je n’avais rien

entendu. C’était devenu le sujet principal puis, d’un seul coup, comme ils voyaient

que je ne réagissais pas, une m’a prise par la main et m’a dit : «Et toi, ton mari a

combien de femmes?» Je leur ai dit que mon mari n’a qu’une seule femme, de même

que mes oncles et mon grand-père. Ils voulaient me blesser tout simplement.

L’année suivante, je travaillais dans deux commissions scolaires de la région

de Montréal. Je faisais la suppléance dans une et j’avais un contrat à temps partiel

(40 %) dans l’autre. J’enseignais les mathématiques au secondaire III. C’était dans

une école où il y a beaucoup d’immigrants. Dans la salle des profs, il y avait deux

Algériens, un Marocain, un Haïtien et huit Québécois. Il y avait une entente

extraordinaire, car les enseignants, dans cette école, ont une grande ouverture

d’esprit. Je leur ai dit ce que j’ai vécu, dans la première commission scolaire, la seule

fois où j’étais restée dans la salle des profs. Les enseignants québécois ne

comprenaient pas comment on peut être aussi borné. Eux, ils avaient l’habitude de

voir des étrangers, ils n’étaient pas ignorants. Quand la directrice adjointe m’a fait

une évaluation, c’était excellent partout. J’aurais aimé prendre cette évaluation, la

donner à la première commission scolaire où on m’a évaluée injustement et leur

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demander de comparer l’évaluation d’une personne raciste et celle d’une personne qui

a l’habitude d’employer des immigrants.

Dans toutes les écoles où j’ai travaillé, je n’ai pas reçu d’aide au début. À la

première école, j’ai signé le contrat et le lendemain je devais être en classe. J’ai eu

donc une journée pour préparer mon document pédagogique. J’avais des élèves

nouvellement arrivés, qui ne parlaient pas ou parlaient moins le français. On me

demandait de les évaluer et de les classer, mais je ne savais pas comment le faire.

J’étais livrée à moi-même et je n’avais aucun matériel, aucune documentation,

uniquement des jeux. Évidemment, je me suis débrouillée toute seule. Heureusement,

dans la commission scolaire où je travaillais, on donnait de petites formations aux

enseignants immigrants et je me suis inscrite à toutes. Mais, le problème, c’est que

ces formations étaient dispensées un mois ou deux mois après le début des cours,

mais ça m’a quand même aidée. Par la suite, je suis allée voir mes collègues, eux ils

avaient des documents, des exercices, mais ils ne pouvaient pas me les prêter. Ils

m’ont orientée vers une orthopédagogue, car j’avais des enfants autistes dans ma

classe. Elle m’a beaucoup aidée, car elle m’a tout de suite donné beaucoup d’outils,

beaucoup de matériel didactique. Elle m’a aussi autorisée de faire des photocopies

que j’ai pu utiliser dans les quatre écoles où je travaillais. Dans la deuxième année, je

n’ai pas eu de problème, car l’enseignante que j’ai remplacée avait beaucoup d’outils

didactiques. En plus, j’avais déjà ma petite banque d’outils.

À l’école secondaire où j’enseignais les mathématiques au secondaire trois, à

Montréal, on m’a donné l’accès à des sites, mais à part ça, personne ne m’a expliqué

comment ça fonctionne. On m’avait dit qu’il y a un guide et dans le guide, il y avait

un site Internet où on devait trouver des exercices. Toutefois, on ne m’a jamais

montré comment on accède à ces exercices. Je devais me débrouiller toute seule et

j’avais donc des difficultés à préparer mes cours. Chaque fois, je préparais des

exercices et leurs corrections moi-même. C’est très récemment que j’ai su, par le biais

d’un collègue, qu’il y a un livre de cours, qui contient des exercices corrigés.

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Personne ne m’en avait parlé. De plus, il y avait un collègue qui donnait de petits

résumés de cours. Quand je lui ai demandé d’où il ramène les petits résumés, il m’a

répondu que tout se trouve sur le site. Par la suite, il m’a montré comment ça

fonctionne, mais si je ne lui avais pas posé la question, il n’allait pas me le dire. Il

m’a aussi dit qu’on doit évaluer les différentes compétences, mais moi, je ne savais

pas comment on évalue en fonction des compétences. Heureusement, au début, le

conseiller pédagogique m’avait fourni des feuilles sur les échelles de niveau de

compétences. Ainsi, au début de l’année dernière, je me suis retrouvée avec ça

comme documentation à lire pour comprendre ce que sont compétence 1, compétence

2, etc. Ce qui est paradoxal, même les anciens m’ont dit qu’ils n’ont jamais compris

ce truc-là, qu’ils rentrent la même note pour les deux compétences. Je trouve qu’il

faut vraiment qu’il y ait une formation sur ça.

L’usage du système informatique était aussi un autre défi à relever. On

m’avait donné un code, un mot de passe et un nom d’utilisateur, mais personne ne

m’avait expliqué comment ça fonctionne. C’est moi-même qui ai cherché le

spécialiste en informatique pour m’expliquer comment ça fonctionne, car tout était

nouveau pour moi. Je devais donc rentrer les absences et les présences directement en

ligne, faire les bulletins à l’ordi avec le code qui correspond au nom de mon groupe.

C’est donc le bouche à oreille qui fonctionne, car personne n’a la charge d’expliquer

aux nouveaux comment ça marche.

Concernant l’enseignement comme tel, je trouve qu’il n’y a vraiment pas de

différence. Chez nous, on a arrêté l’enseignement magistral, on nous demandait

d’emmener les élèves à exprimer ce qu’ils déduisent eux-mêmes. Ici, tous les

exercices sont étudiés par des mises en situation, des mises en contexte. C’est plus

compréhensible. Je comprends qu’on a eu des aberrations dans nos écoles chez moi

où on parlait de neige, de tempête de neige alors que ce sont des choses que les élèves

ne connaissaient pas. Cependant, je trouve qu’avec cette nouvelle façon d’enseigner,

les enfants sont trop livrés à eux-mêmes. L’élève est au centre de son apprentissage et

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nous, nous ne sommes que des guides. Moi je ne suis pas d'accord, car il y a des

choses qu’on est obligé de donner. Personnellement, je vise toujours d’amener les

enfants, avec des situations, à déduire eux-mêmes les conclusions. Néanmoins, je fais

toujours une partie du cours magistral. Moi, j’introduis les choses, car si les élèves ne

savent pas résoudre des équations, je ne peux pas leur donner un truc sur une feuille

et leur demander de lire pour comprendre par eux-mêmes. Qu’on le veuille ou non,

moi je le fais personnellement et je vois que ça marche bien avec mes élèves. J’ai une

classe de soutien avec des élèves faibles en classe. Quand je leur fais un cours

magistral, ils comprennent facilement. Les élèves ont donc besoin qu’on leur montre,

qu’on les encadre. Par exemple, j’ai des élèves qui ont passé de 50 % à 83 %. Cela

montre qu’ils n’étaient pas bien encadrés.

Pour ce qui est de la gestion de classe, je n’ai jamais eu de problèmes

jusqu’à présent. Que ce soit dans la première commission scolaire où j’enseignais aux

immigrants, que ce soit dans les deux autres commissions scolaires où j’enseignais

dans des classes régulières, je n’ai jamais eu des élèves qui perturbent mon cours.

Dans le nouveau système, je trouve qu’on a tout ce qu’il faut pour bien

enseigner. Chez nous, on avait juste 50 minutes d’enseignement, mais ici, c’est 1h15.

On a donc le temps d’installer les élèves, de les calmer et de commencer le cours. Je

trouve que c’est bien pour les mathématiques. De plus, on a le matériel didactique et

les outils adaptés pour bien faire son travail. Il reste juste le soutien de la direction,

car les enseignants en ont beaucoup besoin. Les nouveaux enseignants ont aussi

besoin d’un encadrement au début pour comprendre le fonctionnement des choses.

Cela leur évitera de perdre du temps à chercher comment ça marche. Ce serait aussi

bon qu’on permette aux enseignants immigrants d’assister à un cours dans les

différents cycles pour voir comment les enseignants d’ici enseignent.

Concernant mon avenir de carrière, j’espère être sur la liste de priorité

d’emploi l’année prochaine puisqu’il faut avoir deux contrats pour accéder à cette

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liste. Je suis encore à l’école secondaire où j’enseigne les maths. J’ai un contrat à

temps partiel (60 %); c’est ça qui restait comme tâche. Par ailleurs, ça m’intéresse de

ne pas faire du 100 % tant que mes enfants sont encore petits. Physiquement, je ne

serai pas capable, car je me fatigue énormément.

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8 RÉCIT DE MARIYA

Je suis enseignante de formation. J’ai neuf ans d’expérience en

enseignement, dont trois ans dans mon pays d’origine et 6 ans au Québec. J’ai fait ma

formation universitaire en lettres françaises, option linguistique et je suis sortie avec

un diplôme de maîtrise en linguistique. Après, j’ai fait une année de formation en

enseignement du français et cette formation était sanctionnée par un diplôme de

maîtrise en enseignement du français. C’est d’ailleurs cette formation qui m’a permis

d’avoir l’équivalence de diplôme pour pouvoir enseigner au Québec. Chez moi, j’ai

enseigné le français dans une école privée pendant 3 ans. J’étais légèrement mieux

payée par rapport à ceux qui travaillent dans l’enseignement public, mais je ne

gagnais pas assez. Au bout de trois ans, j’ai quitté l’enseignement pour travailler

comme chef de bureau dans une compagnie française. Là-bas aussi, je me rendais

compte que je ne gagnais pas assez pour vivre décemment. Comme je ne voyais pas

d’autre issue, j’ai préféré immigrer au Canada pour tout recommencer à zéro. Pendant

que notre demande de résidence permanente était en cours de traitement, j’avais déjà

l’idée que j’allais devenir prof alors que je ne connaissais pas du tout le système.

Je suis arrivée au Québec, dans la ville de Montréal en mars 2004 en

compagnie de mon mari. Je n’avais pas d’amis, pas de contacts, mais petit à petit, j’ai

pu construire un réseau puis un groupe d’amis. L’adaptation n’a donc pas été difficile

pour moi. Comme je parle français, c’était facile de m’adapter. Seulement, au début,

j’avais des difficultés à comprendre pourquoi on dit dîner à midi et pas le soir. Au

niveau de la culture, je trouvais qu’on est différent des Québécois. Comme c’est moi

qui avais pris la décision de venir, je savais que je ne devais pas leur imposer ma

culture. Ce n’était donc pas à eux de s’adapter à moi, mais heureusement, je trouvais

qu’ils s’intéressaient à ma culture. Cela m’arrangeait beaucoup, et ça m’a permis

d’avoir de l’intérêt pour la leur et on trouve pas mal de points communs entre nous

les Européens et les Québécois.

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À mon arrivée au Québec, j’ai demandé l’évaluation comparative de mon

diplôme de maîtrise en enseignement du français. Malheureusement, mon diplôme

n’a pas été reconnu comme tel, mais quand même, ils m’ont donné quatre ans de

formation, donc l’équivalent d’un baccalauréat. Pour ce qui est du permis

d’enseigner, une connaissance m’avait donné une fausse information comme quoi je

n’allais pas avoir un permis d’enseigner tout de suite. J’ai donc décidé de refaire mes

études, mais j’ai dû attendre un an avant de m’inscrire à l’université. Je devais

d’abord passer des examens en anglais, en français et en mathématique pour être

admise au Bac en éducation à l’université. Durant le temps que je préparais mes

examens, j’avais besoin de travailler pour gagner ma vie. Sur ce, j’ai été chanceuse,

car je n’ai pas eu de difficulté à trouver du travail. Je suis arrivée en mars et vers fin

juin, j’avais déjà deux emplois. Je donnais des cours de français pour adultes dans un

collège et je travaillais en même temps dans un centre médical. Comme le travail en

enseignement était un remplacement d’été qui ne durait pas longtemps, j’ai aussi

travaillé, durant un an, dans une compagnie de vêtements pour gagner un peu

d’argent. Cela m’a permis de me préparer aux examens sans trop de difficultés. Après

avoir passé tous les examens, je me suis inscrite au Bac en éducation en septembre

2005. Je dirais que j’ai toujours été chanceuse, car la directrice du programme

trouvait vraiment inutile de refaire le bac au complet pour les enseignants qui

viennent de l’étranger. Elle a fait des démarches auprès du Ministère puis ils ont

accepté qu’on fasse un an et demi d’études. Donc au lieu de faire 4 ans, je devais faire

1 an et demi. Je suis restée trois mois à l’université puis du coup, une amie m’a

conseillé d’envoyer mon dossier au Ministère de l’Éducation pour demander si je

remplissais les critères pour avoir un permis d’enseigner. Moi, je n’y croyais pas.

Toutefois, comme elle m’appelait chaque jour pour s’assurer que j’ai envoyé mon

dossier, j'ai fini par le faire, mais sans la moindre conviction. Je m'attendais à une

réponse négative, mais au contraire, ils m’ont répondu que je remplissais les critères.

Toutefois, je devais donner la preuve que j’ai fait trois crédits en didactique. J’en

avais déjà fait 15, donc je remplissais tous les critères. Ainsi, j’ai envoyé tout de suite

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la preuve que j’ai fait 3 crédits en didactique, puis j’ai eu mon permis au bout de

quelques semaines. Finalement, je n’ai fait qu’une session à l’université. À notre

époque, il n’y avait pas obligation de passer un certificat en enseignement. Je crois

que ça a changé, car ceux qui sont venus à partir de 2006, peu importe ce qu’ils ont

fait comme études à l’étranger, ils doivent passer 15 crédits obligatoires pour avoir un

certificat en enseignement. Moi je n’ai pas fait ça. On m’a d’abord donné le permis

puis, pour avoir le brevet, je devais travailler et réussir un stage probatoire. Ça a été

rapide, car en deux ans, j’avais le brevet et j’avais aussi un poste permanent.

Après avoir obtenu mon permis d’enseigner, j’ai déposé mon dossier de

demande d’emploi dans une commission scolaire de la région de Montréal. Là aussi,

je dirais que j’ai fait la demande au bon moment, car il n’y avait personne sur les

listes d’attente. Lorsqu’on m’a appelée, je m’attendais à avoir une suppléance, mais à

ma surprise, c’était un contrat à temps plein de février 2006 jusqu’en juin 2006 pour

enseigner le français langue seconde en classe d’accueil.

Quand je me suis présentée pour la première fois à l’école, j’ai été bien

accueillie par la directrice. C’était vraiment un accueil chaleureux. Elle m’a présentée

aux collègues, puis elle m’a montré mon local. Je n’avais aucune information sur

comment ça se passe en classe d’accueil. J’ai ouvert la porte et c’était le grand vide: il

n’y avait pas de livres, pas de manuels, pas d’affiches, rien. J’étais stressée et je me

demandais comment je vais enseigner sans matériel et je n’avais jamais enseigné en

classe d’accueil. J’avais en face de moi des élèves immigrants qui venaient d’arriver

et qui ne parlaient aucun mot en français. J’avais donc besoin d’un support, car ça n’a

rien à voir avec la classe régulière. J’ai appelé mon professeur de français, de mon

pays d’origine, pour lui demander comment je peux m’en sortir. Elle m’a assurée

qu’on peut enseigner une langue sans avoir de manuel ou de livre. Franchement, la

première journée, c’était l’enfer. Je me demandais si c’était ça ma job. Je n’avais

aucun soutien et je devais me débrouiller toute seule. Je suis donc allée à la

bibliothèque et j’ai commencé à taper mes textes, car je n’avais pas le droit de

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photocopier. Je dessinais à la maison des affiches et, comme j’aime travailler à

l’ordinateur, je me suis bien débrouillée avec l’outil informatique. J’ai été voir mes

collègues, puis ils m’ont permis de les consulter si j’ai besoin de quelque chose.

Comme ils étaient gentils, ils m’ont permis de faire des copies de leurs cahiers. Du

coup, je me suis retrouvée avec beaucoup de matériel.

Au niveau de l’enseignement, c’est comme si j’étais débutante, car j’avais

arrêté l’enseignement depuis quelques années. De plus, je n’avais jamais enseigné en

classe d’accueil. Je devais enseigner à des élèves d’origines différentes, qui

apprennent une langue autre que leur langue maternelle. Donc, c’était nouveau pour

moi. De plus, j’avais des classes multiniveaux et, quand tu as des enfants de six ans à

12 ans dans la même classe, on ne peut pas leur enseigner de la même façon. Chaque

jour, je devais alors préparer des leçons diversifiées en fonction du niveau des

enfants. Ce n’était pas évident. Heureusement, mes collègues étaient ouverts, ils me

permettaient d’entrer dans leurs classes pour voir comment ça se passe. Je regardais

comment ils font la routine du matin, je faisais le tour des locaux, j’admirais leurs

affiches. Ils m’ont donné des informations utiles pour m’en sortir. Mon court séjour à

l’université m’a aussi été d’une grande utilité. J’avais déjà suivi des cours en

didactique et sur le système scolaire québécois. Ces cours m’ont beaucoup aidée, car

j’avais théoriquement une idée de ce que je devais faire. Puis, avec le temps, j’ai

appris à faire moi-même mes cahiers de lecture, d’écriture et de grammaire. J’avais

appris aussi l’informatique et l’usage des technologies de l’information et de la

communication à l’université. Tout cela m’a sauvé la vie, car j’utilisais le tableau

interactif pour enseigner la lecture, le vocabulaire, etc. Il y avait un projecteur

multimédia à l’école et j’étais la seule à l’utiliser. Au bout d’un mois, on m’a dit que

c’était une innovation et tout le monde a commencé à l’utiliser.

Concernant la gestion de classe, je n’ai pas eu de problème jusqu’à présent.

Franchement, ça n’a rien à voir avec la classe régulière. Cela ne veut pas dire qu’on

n’a pas d’élèves problématiques, mais sur 18 élèves, tu peux en avoir trois au

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maximum. Par ailleurs, moi je suis quelqu’un de très autoritaire, s’il y a un élève qui

dérange, par exemple, je le déplace sur le pupitre à côté de mon bureau dos tourné

aux autres. Là, il ne peut plus bouger. Je peux aussi le priver de récréation ou le

mettre carrément à la porte. Ils n’aiment pas trop être à la porte, car ils ont peur que la

directrice les trouve là-bas. Donc, quand je suis dans ma classe, je deviens le chef et

les élèves doivent m’écouter et travailler comme je veux, car on a un but à atteindre à

la fin de l’année: maîtriser le français pour intégrer le régulier. Alors, je n’ai pas de

problème sur ce point, mes élèves sont très ambitieux : ils veulent tous s’intégrer en

classe régulière. C’est vraiment incroyable, ils apprennent vite. Je me sens donc très

bien dans mon rôle et je suis très appréciée par la direction et mes collègues.

J’ai commencé ma première année en février et, au mois de mai, ma

première évaluation, par la direction, était de nonante-six pour cent (96 %). Cela m’a

beaucoup rassurée et c’est grâce à ma directrice que je n’ai pas décroché la première

année. De plus, après le premier contrat, elle m’a appelée pour me dire que je pourrai

rester pour faire des suppléances si jamais il n’y a pas un autre poste qui s’ouvre. Je

n’ai jamais fait de suppléances, car après les vacances, elle m’a appelée pour me

donner un contrat à temps plein allant du 15 septembre jusque fin juin. C’est le

professionnalisme qui compte pour notre directrice. Par exemple, elle a choisi de

mettre un tableau interactif dans mon local et tout le monde était surpris. Il y avait

plein de profs québécois qui voulaient ce tableau interactif, mais elle l’a donné à moi.

Donc, elle ne choisit pas par la couleur ou le nom de famille, mais par la qualité du

travail que tu offres. Elle apprécie beaucoup mon travail, car elle dit souvent aux gens

qu’elle a une excellente enseignante en accueil. Jusqu’à aujourd’hui, quand je la vois,

c’est comme ma mère.

Quant à mes collègues, ils sont ouverts, mais au début, il a fallu que je fasse

le premier pas. En effet, si tu ne leur dis pas bonjour, ce n’est pas obligatoire qu’ils te

le disent. Tout dépend de la personne, de sa personnalité. Moi j’ai un sens de

l’humour, j’aime raconter des blagues. Mon sens de l’humour a donc facilité mon

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intégration. Je fais aussi du sport et de la musique et c’est ça qui m’a ouvert les

portes. Je faisais beaucoup d’activités avec mes collègues et, la deuxième année, je

me sentais comme chez moi. On travaille normalement en équipe et il y a plus de

collaboration. Maintenant, j’ai un grand projet d’écriture d’un livre avec un collègue

québécois pour sa classe régulière afin de faciliter l’intégration de mes élèves au

régulier.

Concernant les rapports avec le personnel administratif, je m’entends bien

avec la secrétaire et le concierge. Quand il y a des sorties, on les fait tous ensemble

puis, des fois, ils viennent dîner avec nous. Avec les parents des élèves, je n’ai pas de

problème avec eux. Ils sont d’ailleurs très contents de savoir que je suis immigrante

comme eux, que je peux donc avoir de l’empathie pour leurs enfants.

Par rapport à mon insertion professionnelle, je dirais que je me sens bien

dans mon rôle et je suis bien intégrée au sein de la communauté scolaire. Je participe

aux comités les plus importants, particulièrement au comité éthique. Franchement, je

me sens égale aux autres. Je dirais que notre école est un peu particulière, car 90 %

de la clientèle sont des immigrants. Aussi, la moitié des profs sont des immigrants,

surtout en classes d’accueil. J’ai donc de bons rapports aussi bien avec les profs

immigrants qu’avec les Québécois. Mais, ce qui est bizarre, mes meilleurs amis sont

des Québécois.

Concernant mon avenir de carrière, je ne compte pas bouger pour l’instant,

car j’ai un poste permanent. Seulement à mon arrivée au Québec, j’avais beaucoup

d’ambition et je pensais faire des études en administration scolaire pour le poste de

direction. Maintenant, avec les années, je m’aperçois que les directeurs sont assez

occupés. En enseignement, je pense que c’est un petit peu mieux. J’ai le temps de

m’occuper de ma fille, de faire du sport, d’aller à la chorale et faire autre chose. Je me

sens bien comme ça.

Page 169: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

167

9 RÉCIT DE MICHAEL

Je suis enseignant de formation. J’ai 8 ans d’expérience d’enseignement dont

4 ans dans mon pays d’origine et 4 ans au Québec. J’ai fait mes études universitaires

en sciences de l’éducation et celles-ci ont été couronnées par un diplôme de Licence

en enseignement de l’histoire au secondaire. J’ai enseigné l’histoire au secondaire,

pendant quatre ans, dans mon pays d’origine. Durant cette période, je me rendais

compte qu’il y avait un manque d’horizon au niveau professionnel, car je ne gagnais

pas bien ma vie. Ainsi, j’ai entrepris mes démarches pour l’obtention de la résidence

permanente au Canada en tant que travailleur qualifié. Mais, comme le processus

prenait plus de temps, j’ai fait une demande de permis d’études pour venir faire un

DESS en andragogie dans une université au Québec. Le permis m’a été accordé et je

suis venu au Canada en 2006 avec un statut d’étudiant étranger.

À mon arrivée au Québec, l’adaptation n’a pas été facile. Au plan

climatique, ce n’était pas facile de faire face à l’hiver. À l’université, c’était assez

difficile au départ, car le système d’enseignement est différent. Dans mon pays

d’origine, c’est un peu le système européen, c’est très encyclopédique, très

académique tandis qu’ici en Amérique du Nord, les cours sont très pratiques et il n’y

avait pas beaucoup de théories. Je trouvais cela plus professionnel qu’académique et

c’était difficile pour moi au départ.

Au moment où j’ai terminé mon DESS, mon dossier pour la résidence

permanente était pratiquement finalisé. Ayant le droit de m’établir au Québec en

main, j’ai commencé la recherche d’emploi en enseignement. J’ai d’abord appelé au

ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) pour avoir des

renseignements sur les procédures à suivre. Ils m’ont dit que je devais d’abord obtenir

l’équivalence de diplôme au ministère de l’Immigration et des Communautés

culturelles (MICC) avant de demander le permis d’enseigner. J’ai donc envoyé mon

diplôme de Licence au MICC et mon diplôme a été reconnu. Cela m’a pris trois mois

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168

d’attente. Durant cette période, j’ai passé le test de français, le SEL, et je l’ai réussi.

Quand le MICC a reconnu mon Bac en enseignement de l’histoire, j’ai envoyé le

dossier de demande de permis d’enseigner au MELS.

Comme j’avais déjà passé le test de français, cela a écourté les délais

considérablement. Donc au bout d’un mois, j’ai eu mon permis d’enseigner.

Toutefois, les stages que j’avais déjà faits dans mon pays d’origine : stage en

enseignement, en observation et en intervention n’ont pas été reconnus. Pour avoir le

brevet d’enseignement, je devais donc suivre quelques cours à l’université et refaire

les stages. J’ai déjà fait tous les cours et, en ce moment, je suis en stage probatoire à

l’école où je travaille à temps plein.

Quand j’ai obtenu mon permis d’enseigner, j’ai déposé mon dossier à la

commission scolaire de Montréal pour faire de la suppléance. C’était à la fin du mois

d’octobre 2007. Lors de l’entrevue à la commission scolaire, on m’a demandé quelles

matières que je pourrais enseigner en dehors de mon champ d’enseignement. J’ai dit

le français, puis j’ai aussi dit oui au nouveau programme d’éthique et culture

religieuse qui était en première année d’application. J’ai fait de la suppléance deux

jours au primaire, puis ils m’ont appelé pour me proposer un contrat à temps plein,

qui commençait en novembre 2007. J’ai sauté sur l’occasion, car c’était une chance

pour moi. Je remplaçais une enseignante qui partait en congé de maternité et ce

n’était pas dans mon champ de formation. Toutefois, j’aurais dû me poser la question

à savoir pourquoi j’ai obtenu un contrat aussi facilement et aussi rapidement. Il y

avait deux raisons à cela. Premièrement, le programme d’éthique et culture religieuse

était en sa première année d’implantation. Il n’y avait pas beaucoup d’enseignants qui

voulaient le faire, parce que la plupart c’était des enseignants de l’ancien programme

qui était un programme plus religieux. Il n’y avait pas beaucoup d’enseignants qui

voulaient s’embarquer dans un nouveau programme. Deuxièmement, c’était une école

très difficile, située dans un quartier défavorisé, à majorité québécoise, de la région de

Montréal. Donc, la première expérience, ce n’était pas facile. Pas du tout!

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Quand je me suis présenté à l’école le premier jour, ils m’ont dit : «Voilà ton

horaire!», puis j’ai commencé. Je me suis introduit moi-même et puis c’est moi-

même qui devais demander où se trouve mon local. Cependant, deux jours avant,

j’avais été accueilli par un conseiller pédagogique qui m’avait plus ou moins expliqué

comment ça allait se passer le premier jour. Il m’a dit qu’il ne serait pas là ce jour-là.

Donc, quand je suis arrivé, j’avais un peu d’informations, le minimum pour

fonctionner. Comme je suis quelqu’un de très ouvert, j’ai été voir les collègues pour

leur demander des renseignements. Ils m’ont expliqué comment ça fonctionne, c’était

quoi la clientèle, les défis auxquels j’allais faire face, etc. Mais, ce sont les collègues

qui me l’ont dit, pas la direction.

Ma première journée de classe, c’était en adaptation scolaire. En effet,

j’avais quatre groupes de régulier et deux groupes en adaptation scolaire. Ça faisait

six groupes. Pour le groupe d’adaptation scolaire, mes collègues m’avaient conseillé

d’aller voir la titulaire du groupe le premier jour. J’ai été la voir, mais je n’ai pas reçu

des informations si pertinentes que ça. Elle m’a dit: «Oui, mais, tu fais ton cours, puis

s’il y a quelqu’un qui dérange, tu le fais sortir.» Moi, je pensais qu’il allait

m’accompagner le premier jour, mais cela n’a pas été fait. Donc, je suis arrivé en

classe, puis pendant que je m’apprêtais à commencer mon cours, un des élèves s’est

mis à grimper sur le bureau et, brusquement, il s’est mis à crier. Après, c’est tous les

élèves qui criaient en même temps et c’était la pagaille totale. De mon côté, je n’ai

rien fait, car j’attendais le retour au calme. Ensuite, tout le monde est venu en classe

pour me demander ce qui se passait. Je leur ai demandé de constater eux-mêmes en

leur avouant que je n’avais frappé personne. Par après, ils ont calmé les élèves, mais

ce fut une première mauvaise expérience pour moi.

Concernant les rapports avec les élèves, mes collègues m’avaient prévenu de

rapporter à la direction si jamais ils tiennent des propos racistes. Ils ne m’ont jamais

insulté. Entre élèves, j’entendais des propos racistes, mais vis-à-vis de moi, jamais.

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Par contre, j’ai vécu des problèmes avec les parents. Un jour, j’ai expulsé de ma

classe un élève qui avait un comportement irrespectueux. J’ai été en parler au

directeur adjoint qui l’a suspendu. Au retour de la suspension, selon les règlements de

l’école, il devait y avoir une rencontre entre l’enseignant, l’élève en question et le

parent. Puis, le directeur adjoint m’a informé que le parent a refusé la rencontre parce

qu’il n’était pas disposé à avoir une rencontre avec un Noir. Ça ne m’a pas choqué,

car je commençais un peu à prendre de l’expérience. Par la suite, le directeur adjoint

m’a dit ceci : «En tout cas, c’est à vous de décider, mais les règlements pour nous,

c’est que tant qu’il y a pas de rencontre, il n’y a pas de retour de suspension.» J’ai

dit : «Bon! Ok, il n’y a pas de problèmes. On attend qu’il se décide. Moi, je le vois

mieux, j’ai mon poste. Il reste en suspension jusqu’au jour où le parent décidera de

me rencontrer.» Mais, le surlendemain, la rencontre a eu lieu effectivement. Ça s’est

très bien passé, il m’a présenté ses excuses et on a même gardé contact avec ce

parent. Il m’appelait pour me demander comment son fils se comportait à l’école, etc.

À la rencontre avec les parents, quand ce parent-là venait, on s’assoyait ensemble, ça

durait des trentaines, quarantaines de minutes. Des fois, on discutait sur d’autres

sujets en dehors de l’école. Je ne sais pas pourquoi il ne voulait pas me rencontrer,

peut-être qu’il s’était imaginé quelqu’un avec un couteau dans les dents puis, à la

rencontre, il s’est peut-être rendu compte que ce n’était pas vraiment le cas, que ce

n’était pas pire.

Vers la fin de l’année, j’ai vécu une autre expérience malheureuse avec un

élève du secondaire I que j’expulsais souvent en raison de son comportement. J’ai

reçu une convocation de la part de la direction me disant qu’il avait rapporté que je

l’avais expulsé de la classe après l’avoir frappé. Puis la direction m’a demandé si

j’étais prêt à rencontrer les parents, car ils voulaient porter plainte. J’ai dit oui, puis la

direction a organisé la rencontre sans avoir jamais cherché à comprendre ni à faire

une enquête, rien du tout. Je n’ai pas aimé ce comportement un peu offensant de la

directrice, car elle m’a mis en face des parents, le père et la mère, puis elle est restée

en retrait. L’élève a alors dit que je l’avais bousculé et qu’il a été cogné contre le mur

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171

en pleine salle de classe. Je lui ai demandé s’il avait des témoins, mais ce qui m’a

étonné, c’est qu’on s’est mis à appeler trois élèves qui étaient tous ses amis. Ils sont

venus dire qu’effectivement, je l’avais bousculé. Comme il n’y avait que trois élèves

dans ma classe, j’ai demandé à ce que la directrice, en l’absence de moi et des

parents, puisse aller en classe rencontrer tous les élèves un à un séparément et vérifier

si effectivement je l’avais bousculé. Ils ont refusé et le père m’a dit ceci : «Mais c’est

incroyable. Ça fait deux heures qu’on discute, il y a trois élèves qui disent que c’est

vrai et vous refusez d’avouer.» Je lui ai dit que je ne peux pas avouer une chose que

je n’ai jamais faite et je leur ai rappelé qu’il faut une enquête. Puis, la directrice a

refusé en disant qu’elle ne sera pas là, arguant qu’une procédure pareille est

compliquée. Après, elle a simplifié les choses en me disant ceci : «Vaut mieux avouer

puis c’est fini.» Je n’ai pas aimé ce comportement offensant de la directrice. J’ai

refusé d’avouer des choses que je n’avais pas faites, puis à un certain moment, je leur

ai dit que je mets fin à la rencontre en leur demandant d’aller porter plainte s’ils

veulent me poursuivre. Depuis lors, j’ai attendu qu’on me convoque, mais un jour, la

directrice m’a dit que ça a été réglé. Vers la fin de l’année, les autres élèves sont

venus me dire qu’ils étaient au courant et que si on les avait appelés, ils étaient prêts à

me défendre.

Durant cette année, ce qui a été le plus difficile pour moi, c’était la gestion

de classe. C’est sûr que c’est inconfortable, certes, mais on finit par développer un

sentiment d’incompétence. C’est-à-dire que quand ça ne marche pas avec un groupe,

tu n’arrêtes pas de te questionner : «Qu’est-ce que j’ai fait de mal? Comment est-ce

que je devais aborder la question? Comment font les autres?» Je me rappelle que mes

collègues me disaient : «Écoute!, c’est une journée à la fois! Ça se passe mal, tu

rentres chez toi, tu laisses tout ça à l’école; puis la prochaine journée, ça sera une

journée différente.» Mais, moi, je n’ai jamais pu le faire. En rentrant à la maison, tu

es vraiment fatigué, ton estime chute pour un coup, car tu te dis : «Est-ce que c’est

moi qui ai mal fait les choses? Est-ce que je n’ai pas les compétences pour, etc., etc.»

Page 174: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

172

Ce qui m’a permis de reprendre le dessus, d’avoir moins ce sentiment

d’incompétence, c’est que, à la fin de l’année, la direction m’a demandé de

renouveler le contrat, car la personne n’allait pas revenir pour l’année suivante. Ils

m’avaient même proposé de demander à la commission scolaire de ne pas mettre le

contrat à la disposition de tous les autres profs si j’acceptais de le reprendre l’année

suivante. J’ai refusé, car je n’ai pas aimé l’expérience et c’est une page que je voulais

tourner. Puis, je suis reparti à la suppléance, et par après, j’ai eu mon deuxième

contrat dans une autre école très difficile de la même commission scolaire.

J’avais 60 % de la tâche, puis je comblais le reste avec de la suppléance

occasionnelle. J’étais dans mon champ, en histoire, mais j’avais une clientèle très

difficile. Ce n’était pas en adaptation scolaire, ce n’était pas du régulier non plus,

c’était des classes qu’on appelait, dans leur jargon, des classes de doubleurs. Là je

m’en suis bien sorti, car la meilleure chose qui me soit arrivée, c’est d’avoir

commencé dans une école difficile. J’avais vraiment décidé de tourner la page, de

recommencer à zéro, car je savais à ce moment comment fonctionne le système.

Comme me le disait un des directeurs avec qui je m’entendais très bien : «On ne rate

jamais une occasion de faire une première bonne impression.» Donc, j’avais compris

que ça allait se jouer le premier jour. Ainsi, à ma première rencontre avec les élèves,

j’ai su comment les aborder, comment fixer très tôt les règles, les limites et, au fur et

à mesure que les relations s’améliorent, tu peux leur donner une marge de manœuvre.

Mais, au départ, il faut s’imposer tout de suite, prendre le dessus puis, à la longue, ils

apprennent à fonctionner dans le cadre que tu as tracé. Maintenant, j’ai un contrat

dans une autre école secondaire, où je fais en même temps mon stage probatoire pour

le brevet, je n’ai plus des problèmes de gestion de classe.

Concernant l’enseignement, j’estime qu’il nous manque beaucoup

d’informations au début. Par exemple, personne ne m’avait jamais dit qu’il y a un

document du ministère qu’on appelle La progression des apprentissages qui décrit

bien ce que l’élève devrait savoir pour chaque matière, d’une année à l’autre. C’est

quasiment après quatre années d’expérience d’enseignement au Québec que j’en ai

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entendu parler alors que ce sont des informations pertinentes qu’on devrait avoir dès

le début. Donc, par rapport à ça, je restais très collé sur le manuel alors que des fois,

les manuels ne correspondent pas à La progression des apprentissages.

Corollairement à cela, il m’arrivait de passer à côté certaines choses alors qu’elles

sont pertinentes.

La planification était aussi un autre défi à relever au début. J’avais un

problème de gestion de temps, de savoir à quel moment on doit voir telle chose,

combien de temps pour tel chapitre, l’examen du Ministère ça porte sur quels thèmes,

etc. Ce sont des informations qu’on n’a pas au début et je ne savais même pas où

chercher toutes ces informations. C’est plus tard que j’ai appris à aller les chercher à

la commission scolaire, sur le site Internet du Ministère, mais aussi dans les forums

de discussions avec d’autres collègues. Je ne savais pas qu’on pouvait échanger sur

des situations d’apprentissages en ligne avec les autres collègues. Par exemple,

j’élabore une situation d’apprentissage, je la mets en ligne puis je reçois des

propositions d’autres collègues en ligne. Je l’ai appris tardivement et quand j’ai

commencé à le faire, j’ai trouvé que ça marche très bien.

La première année, j’avais aussi des difficultés liées au changement

d’approche d’enseignement. Non seulement la transition n’a pas été facile, mais aussi

ça a été long pour comprendre comment il fallait faire. Ici, c’est moins magistral alors

que dans mon pays d’origine, l’enseignant donne son cours, il explique et puis ça

s’arrête là. J’ai appris que les élèves doivent travailler beaucoup en classe, que

l’enseignement ne doit pas être trop théorique et très magistral. C’est une bonne

méthode, mais si l’enseignant ne la maîtrise pas bien, il passe à côté. Ce n’était pas

facile au début et j’avais l’impression de faire du sur place. Des fois, je me rendais

compte que les élèves ne progressaient pas comme il fallait et j’avais de la culpabilité.

Je me demandais ce que je devais améliorer, mais tout ça donne un sentiment

d’incompétence. Toutefois, au fur et à mesure que l’année avançait, je me rendais

compte qu’il fallait les faire travailler en classe, etc. De plus, donner un cours auquel

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je n’étais pas formé était aussi un autre défi. Il fallait appréhender la matière et me

l’approprier, car à l’école où j’étais, il n’y avait pas de manuel étant donné que le

cours d’éthique et culture religieuse était une nouvelle matière. Ainsi, j’épluchais

dans plusieurs manuels et puis j’élaborais moi-même mes situations d’apprentissage.

En outre, avec l’approche par compétence, il faut non seulement des situations

d’apprentissages, mais aussi il y a l’évaluation qui s’en suit. Souvent, cela n’était pas

fait. Je n’ai pas appris à faire une SAE (Situation d’apprentissage et d’évaluation) à

l’université comme les autres enseignants d’ici, j’ai appris à le faire seul, sur le tas, en

travaillant. Face à toutes ces difficultés, je n’ai jamais tenté de demander de l’aide à

mes collègues alors que je n’avais jamais eu de problèmes avec eux. Je me disais que

si j’allais vers eux, pour certaines choses en rapport avec mon enseignement, peut-

être qu’il y aurait, de leur part, un jugement par rapport à mes compétences. Donc,

j’étais seul à faire face à tous ces problèmes.

La deuxième année, quand j’ai eu mon deuxième contrat dans une autre

école, j’ai eu la chance d’avoir un enseignant expérimenté qui m’a accompagné

volontairement. Il est venu me voir directement pour me demander si j’étais un

nouvel enseignant de l’école, puis il m’a demandé de le suivre dans son bureau et il

m’a expliqué tout le fonctionnement. Ce n’était pas sa tâche, mais il me disait qu’il le

faisait pour tous les nouveaux. Il m’a demandé la matière que j’enseigne, puis comme

c’était en milieu d’année, au mois de janvier, il m’a montré ce qui avait été fait

jusque-là : «Voilà les notes qui sont déjà entrées; toi, ce qu’il te reste à faire, c’est tel

pourcentage de la note finale, etc.» Je trouve que c’est très important d’avoir un

enseignant ressource dans chaque école dont la mission serait l’accueil des nouveaux

enseignants. Par exemple, quand je suis arrivé ici, j’ai passé au moins deux semaines

à faire de la surveillance des élèves à la cafétéria, mais à un endroit qui, au fond, ne

m’était pas assigné. Comme ils s’étaient répartis les postes avant mon arrivée,

personne ne m’avait expliqué qu’on avait changé les règles de surveillance.

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Par rapport à mon avenir de carrière, je pense pouvoir continuer à enseigner

pour avoir ma permanence, car je n’ai que quatre ans d’expérience d’enseignement ici

au Québec. Seulement, je m’inquiète par rapport à ma retraite puisque j’ai commencé

à enseigner à la fin de ma vingtaine. Donc, à l’âge légal de la retraite ici au Québec, je

n’aurai pas mes années de cotisation. Et là je me dis que, peut-être, à un certain âge,

je n’aurai peut-être plus l’envie d’être à l’école pour enseigner au secondaire I et II.

Je ne me vois pas faire encore de la gestion de classe avec des adolescents à 65 ans.

Ça me conviendrait de terminer ma carrière à l’éducation des adultes, car c’est plus

facile l’enseignement aux adultes. Ce sont des personnes qui savent pourquoi elles

sont là. Il n’y a pas de gestion de classe à faire là-bas. Malheureusement, il n’y a pas

beaucoup de contrats à l’éducation des adultes. Mon projet est peut-être de continuer

les études, faire une maîtrise ou un doctorat à l’université pour enseigner plus tard au

Cégep ou à l’université. Je sais que ce sont des milieux assez fermés, mais il y a

quand même des possibilités. Dans le pire des cas, je préfère rester au secondaire,

mais au niveau de la formation des adultes.

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10 RÉCIT DE NADIA

Je suis enseignante de formation. J’ai fait mes études universitaires dans

mon pays d’origine. J’ai d’abord fait une formation de 5 ans en enseignement du

français où je suis sortie avec un diplôme de Licence en enseignement du français

langue seconde. Par la suite, j’ai fait une maîtrise en didactique de l’enseignement du

français langue étrangère. Après mes études, j’ai enseigné le français au secondaire

pendant 13 ans. Après l’enseignement au secondaire, j’ai été engagée à l’université

pour former les futurs professeurs de langue française au secondaire et cela pendant 7

ans. Ici au Québec, j’ai trois ans et demi d’expérience d’enseignement dont deux ans

en francisation des adultes et une année et demie en enseignement du français langue

maternelle au secondaire régulier.

C’est dans le but d’assurer un bon avenir professionnel à nos enfants que

nous avons décidé de venir nous installer au Québec. Nous avons alors demandé la

résidence permanente au Canada en 2003 et le processus a duré cinq ans. Quand on

nous a donné la résidence permanente, mon mari est venu directement au Québec

avec nos deux enfants. C’était en février 2008. Moi je suis venue quatre mois après,

donc en juillet 2008.

Personnellement, je n’ai pas vécu de problèmes d’adaptation. C’est vrai qu’il

y avait des choses nouvelles, mais je me suis adaptée doucement. Il faudrait dire que

quand j’étais jeune, j’ai fait ma scolarité en France et je suis revenue dans mon pays à

25 ans. Donc j’étais déjà habituée à la mentalité occidentale contrairement à mon

mari qui avait plus de mal à s’adapter. Je dirais même que j’ai bien vécu cette

adaptation puisqu’un mois après mon arrivée, j’ai trouvé du travail dans un centre de

formation pour adultes. Quand j’ai commencé à travailler dans ce centre, la direction

m’a fait entrer dans une équipe de profs de francisation et cela a facilité mon

adaptation.

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Pour ce qui est des procédures pour l’obtention des équivalences de

diplômes et du permis d’enseigner, ça m’a pris environ 9 mois. En effet, quand mon

mari est arrivé en février 2008, il a envoyé tout de suite mon dossier au ministère de

l’Immigration et des Communautés culturelles (MICC) pour l’évaluation comparative

des diplômes. Dans le dossier, il y avait le certificat de scolarité, mon diplôme de

Licence et celui de maîtrise, les relevés de notes de chaque diplôme et la traduction

des documents en français. Moi j’avais déjà les traductions des documents faites dans

mon pays, mais le MICC exige que ces traductions soient validées par les traducteurs

du Québec. Ainsi, j’ai dû payer un autre traducteur du Québec pour faire valider les

traductions faites dans mon pays. Par la suite, ils m’ont donné l’équivalent d’un Bac

en enseignement du français et d’une maîtrise en didactique de l’enseignement du

français. Donc, à mon arrivée au Québec en juillet 2008, j’avais déjà les équivalences

de diplômes et c’est cela qui m’a permis d’avoir du travail rapidement. Par la suite,

j’ai envoyé tout de suite le dossier de demande de permis d’enseigner au ministère de

l’Éducation. Six mois après, en novembre 2008, ils m’ont donné le permis

d’enseigner. Je n’ai pas passé de test de français, car je suis arrivée une semaine avant

que le test devienne obligatoire. Le permis était renouvelable à condition de

commencer les cours menant à l’obtention du brevet. Pour avoir le brevet

d’enseignement, je devais suivre cinq cours à l’université (un cours sur la gestion des

élèves en difficultés d’adaptation et d’apprentissage, un cours sur le système scolaire

du Québec, un cours sur la didactique du français, un cours sur l’analyse et

conception didactique, un cours sur l’évaluation des apprentissages) et faire un stage

probatoire. J’ai fait les cinq cours, il me reste juste un travail à rendre en didactique.

J’ai fait aussi mon stage en cours d’emploi cette année.

Concernant mon expérience de recherche d’emploi en enseignement, je

dirais qu’elle est un peu spéciale. Quand je suis arrivée en 2008, je lisais un journal

puis j’ai vu dans le journal un appel d’offres pour faire de la francisation dans un

Centre de formation pour adultes. Je n’avais jamais fait ça dans mon pays, mais j’ai

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postulé. Par chance, j’ai été engagée dans ce Centre. Je faisais la francisation à des

adultes immigrants qui venaient d’arriver au Québec et qui ne connaissaient pas la

langue française. Je suis restée dans ce Centre pendant deux ans et j’avais de bons

collègues en francisation. Le seul problème, c’est que je ne pouvais pas rester là-bas,

car je voyais que j’avais peu de chance d’y avoir un contrat permanent. J’ai alors

commencé à chercher du travail en enseignement général des jeunes. Un jour, j’ai pris

mon ordi puis j’ai cherché les numéros de téléphone de toutes les écoles secondaires

qui étaient proches de chez moi. À la première école où j’ai appelé, on m’a dit de

venir, car il y avait un prof qui venait de partir le matin. Ils étaient vraiment en panne.

Ils m’ont alors donné un contrat de 27 % en novembre 2010. C’était une seule classe

maiss j’ai accepté. Comme je ne pouvais pas joindre les deux bouts du mois avec un

contrat de 27%, j’ai continué à enseigner aux adultes jusqu’à la fin du contrat de 3

mois qu’ils m’avaient donné. À la fin du contrat, ils voulaient le renouveler, mais je

leur ai dit que je ne voulais pas, car je voulais être en enseignement général où on a

plus de chance d’avoir la permanence.

Depuis novembre 2010, j’enseigne le français langue maternelle dans une

école secondaire. J’avais une classe qui avait été créée pour des élèves qui étaient

faibles en langue et qui avaient besoin d’un suivi rapproché. Je pouvais donc leur

apporter plus d’attention puisqu’ils étaient moins nombreux. Quand je me suis

présentée dans cette école pour la première fois, c’est le directeur qui m’a accueillie.

Après il m’a conduit au local où les élèves m’attendaient. Il a ouvert la porte et il a

dit : «Voilà, c’est le nouveau prof de français», puis il est parti. C’était comme s’il

me jetait dans une fosse aux lions. Ils étaient 19 ou 20 élèves, mais j’ai eu du mal à

les maîtriser. J’étais la cinquième prof qui arrivait dans leur classe et, quand ils me

regardaient, ils se demandaient si j’allais y passer une semaine et partir comme les

autres. Ils étaient vraiment très méchants. Ils savaient que je ne connaissais pas tout à

fait le règlement de l’école et ils en ont profité à fond. Ils s’insultaient entre eux en

classe et n’avaient pas de respect vis-à-vis des profs, même à l’égard du directeur.

J’étais un peu choquée par le comportement de ces élèves. Quand le directeur venait

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dans ma classe, ils s’en foutaient complètement de lui. J’étais habituée, chez moi, à

des élèves qui craignaient la direction, mais ici ils continuaient à parler et je n’en

revenais pas. Je n’avais jamais vu ça. Un jour, le directeur est venu dans ma classe,

les élèves étaient en train de travailler en équipe et il y avait une équipe qui avait

décidé de ne pas travailler. Ils s’amusaient et je n’ai pas réussi à les maîtriser. Ce

jour-là, le directeur m’a reproché d’être trop gentille avec eux, qu’il faut les maîtriser

beaucoup plus. Mais, mon seul problème, c’est que je ne connaissais pas le

règlement. Par exemple, j’avais un élève qui amenait son ordinateur et qui l’utilisait

pendant le cours. J’avais beau lui interdire, mais il ne changeait pas. Je ne savais pas

que c’était complètement interdit. J’ai aussi eu une autre élève qui n’était pas

d’accord avec moi sur la définition d’un mot. J’ai eu beau lui expliquer, mais elle n’a

pas voulu, elle a claqué son cartable et elle est sortie de la classe. À mon avis, c’était

une attitude quand même pas normale. J’en ai parlé à mes collègues. Ils m’ont dit

comment il fallait réagir. Moi, je ne savais pas qu’il y avait une salle qu’on appelle

Oasis, où on envoie les élèves qui dérangent en classe. Ça n’existe pas chez moi.

Donc mes collègues m’ont montré une feuille qu’on doit remplir quand on sort

l’élève. C’est vrai que mes collègues m’ont expliqué les démarches, mais personne

n’est venu au début pour me parler de tout ça et personne n’est venu me dire d’aller le

voir si jamais j’ai des difficultés. Personne ne m’a parlé des règlements intérieurs de

l’école, personne ne m’avait dit que les élèves ont des dossiers en ligne et qu’on

pouvait, à partir d’Internet, avoir une influence sur leurs dossiers, appeler les parents,

etc. Quand j’ai commencé à appeler les parents, j’ai vu que l’attitude des élèves a

changé. Ils ont compris que je fais un suivi. Quant à la jeune fille qui avait claqué la

porte avant la fin de mon cours, le lendemain, quand elle est revenue en classe, je l’ai

laissée s’installer, puis je lui ai demandé de sortir de ma classe et d’aller dans la salle

Oasis et j’ai rempli la feuille. J’ai montré aux autres élèves que ce n’est pas parce que

je ne maîtrise pas tout à fait le règlement que je me laisserai faire. Dès lors, quand les

élèves ont remarqué que je devenais de plus en plus ferme, ils ont changé. Ce qui m’a

beaucoup plu, c’est que les profs qui étaient dans des classes à côté ont vu le

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180

changement. Ce sont eux qui venaient me dire que je fais un travail formidable. Cela

m’a beaucoup encouragée, ça m’a fait du bien, car moralement j’étais épuisée.

Cette année, je les ai mis à leur place tout de suite. Je reste ferme dans mes

décisions et les élèves voient que c’est sérieux. Même le directeur a remarqué le

changement. Il m’a vue dehors, puis il m’a convoquée dans son bureau pour me dire

que c’est bon, que je fais un bon travail. Ça m’a beaucoup encouragée, car la gestion

des élèves n’est pas facile. Par exemple, hier, les élèves du secondaire V avaient

l’examen du Ministère. C’était en écriture. Le directeur nous avait ordonné de veiller

à ce que tous les élèves déposent leur stylo dès que le signal sera donné. Quand le

directeur a sonné, un élève a refusé de poser son stylo et a continué à écrire. Je lui ai

dit que ça suffit, je lui ai retiré la feuille et il a piqué une crise. Il a hurlé et m’a

insultée de tous les noms devant les autres élèves. Par la suite, il est parti en courant

chez le directeur pour lui demander quel genre de prof on leur a envoyé pour la

surveillance. Après, je suis allée voir le directeur pour lui dire que je ne suis pas

payée pour être insultée par les élèves. Le directeur m’a dit qu’il attendait le prof qui

allait venir se plaindre. Il m’a dit que l’élève n’avait pas le droit d’insulter un prof qui

applique le règlement et il l’a renvoyé de l’école pour trois jours. C’est une mesure

que je ne connaissais pas et j’ai beaucoup aimé l’attitude du directeur.

Franchement, je trouve que le système éducatif québécois est bon.

Seulement, c’est qu’on n’est pas au courant de toutes les armes qu’on a en main dès

le départ. À l’université, on ne nous a pas donné toutes les informations là-dessus. On

nous a donné les grandes lignes du système éducatif québécois, mais on ne nous a pas

dit qu’il y a un règlement dans chaque école. Par exemple, les histoires pour appeler

les parents, où trouver les numéros de téléphone ou comment faire avec un élève

perturbateur en classe, c’est tout ça qui me manquait au début et, moi, je n’avais

jamais eu des élèves aussi perturbateurs que ceux que j’ai depuis deux ans. Dans mon

pays, des élèves comme ça n’existent pas. C’est un pays religieux, donc vous faites

seulement référence à la religion et les élèves se calment.

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181

Quant à l’enseignement proprement dit, je dirai qu’il y a eu beaucoup de

changement, car ce n’était pas du tout la même approche. Quand je suis partie,

l’approche par compétence venait d’être mise en place, mais on n’avait pas les

mêmes moyens que ceux qu’on a ici. En français, par exemple, chez moi on insistait

sur la littérature, beaucoup sur la langue et sur la grammaire. Mais, ici, ce n’est pas la

même chose. À l’écrit, on insiste sur la typologie textuelle, c’est-à-dire les différents

types de texte: texte explicatif, texte narratif, texte argumentatif. Moi ça m’a

beaucoup épatée, car je vois que le texte argumentatif est vraiment étudié à fond. Si

les élèves maîtrisent un peu la langue, on arrive à faire un texte argumentatif. Ici, on

donne beaucoup de techniques aux élèves pour arriver à bien écrire et vraiment je

trouve que ça marche bien. Donc au début, j’avais des défis à relever de ce côté-là et

je devais faire beaucoup de recherche pour y arriver. Heureusement qu’il y avait de la

documentation. J’essayais de suivre les directives telles qu’elles sont données. Puis,

mes collègues m’ont expliqué qu’on doit programmer les activités en fonction des

examens à venir. Chez moi, on ne travaillait pas comme ça avec des échéances : un

texte qui sera écrit et qui devra être écrit à telle date, les élèves doivent faire ça parce

qu’il y a un examen à telle date. On ne fonctionnait pas comme ça chez moi. J’ai dû

alors revoir ma façon d’enseigner. J’avais une collègue qui donnait la même matière

que moi, je discutais beaucoup avec elle sur les étapes et la façon de procéder. Cela

m’a aidée à améliorer ma façon d’enseigner et quand je vois que les élèves

comprennent, ça me fait du bien. Toutefois, je trouve que le prof d’ici est livré à lui-

même. Chez moi, tout est planifié au début de l’année: on sait ce qui sera vu en

octobre, en novembre, en décembre, etc. Donc les enseignants sont plus encadrés. Si

je n’avais pas de conscience professionnelle, je pouvais leur faire apprendre

n’importe quoi, car personne ne vient surveiller et vérifier ce que les élèves sont en

train d’apprendre. C’est vraiment dommage et je me dis que quelqu’un sans

conscience professionnelle pourrait sacrifier plusieurs générations. Je trouve donc

qu’on devrait plus encadrer les enseignants ici. C’est vrai qu’on évalue le prof, mais

cela se fait après les bulletins, après un certain temps et c’est vraiment négatif.

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Un autre défi que j’ai à relever, c’est de faire les bulletins en ligne, sur

Internet. Je trouve cela très fastidieux. Je ne sais pas si je suis de l’ancienne

génération, mais je préfère les faire à la main. J’ai une collègue gentille qui m’aide à

le faire, mais elle n’est pas obligée. Il devrait y avoir un prof qui est là pour former

les nouveaux profs qui arrivent. Je pense qu’un prof de migration récente devrait être

jumelé avec un prof immigrant ancien reconnu par le système et qui donne la même

matière, car il comprendrait mieux les difficultés auxquelles il peut faire face.

Du côté administratif, ce que je trouve difficile quand on arrive ici, c’est que

personne ne t’explique comment fonctionnent les choses, particulièrement le

règlement intérieur de l’école et le syndicat. Par exemple, tout ce qui concerne le

futur de ma carrière, je l’apprends à travers les échanges avec les collègues.

J’aimerais qu’il y ait quelqu’un, du syndicat, qui vient expliquer ou donner des

éclaircissements sur la convention collective, car je connais peu de choses sur tout ce

qui est de la règlementation qui touche à mon statut d’enseignant.

Concernant mes rapports avec les autres membres de la communauté

scolaire, je dirai que je suis dans une école spéciale. Les administratifs sont

formidables et les collègues sont vraiment super. La première année, la directrice

adjointe m’a fait la remarque que je ne gère pas bien ma classe. Après un certain

temps, quand elle a vu que les choses commençaient à bien aller, elle m’a appelée

pour me dire que tout va bien. C’est pour cela qu’on a créé d’autres classes pour moi

la deuxième année. Ils m’ont donné un deuxième contrat de 83 %. Cette année, elle

est venue dans ma classe, elle est restée 10 minutes et elle m’a dit que tout est bien. Je

trouve cela encourageant. Lors de mon stage probatoire en cours d’emploi, la

directrice adjointe est venue me voir pour le stage et m’a dit que j’ai un bon contact,

que les gens disent que je suis une personne agréable. Ça m’a fait plaisir de recevoir

ces compliments de la directrice adjointe.

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Quant à mes collègues, ils sont vraiment formidables, ils m’encourageaient

beaucoup. J’ai un collègue, professeur de français qui me supervisait lors de mon

stage en plus du professeur de l’université. Il venait dans ma classe et, après le cours,

il me disait ce qui allait bien et ce qu’il faut améliorer. Il m’a dit qu’il était content de

moi, qu’il allait demander à la direction de me reprendre pour l’année prochaine.

Même les collègues qui ne donnent pas la même matière me souhaitent d’avoir un

autre contrat pour l’année prochaine. Ils me disent que je gère bien ma classe et que

les élèves m’aiment bien. En effet, ils ont vu les changements au niveau des rapports

avec les élèves, car au début, c’était la guerre. Dans l’ensemble, ils sont vraiment très

gentils, très coopératifs. J’aime aussi l’ambiance qui règne dans la salle des profs.

Concernant mes rapports avec les parents, je dirai que tout se passe bien.

C’est une école dont les élèves sont à 98% issus de l’immigration. Quand on

téléphone aux parents pour leur dire que leur enfant a fait des gaffes ou qu’il a été

désagréable, en général, les parents le reçoivent bien et ils s’excusent pour leur

enfant. Ils sont très coopératifs, mais certains n’ont pas de pouvoir sur leurs enfants.

Cette année, par exemple, j’ai découvert qu’il y avait des parents qui donnaient leur

courriel à l’insu des élèves. J’ai envoyé des courriels à plusieurs parents : ils étaient

très contents de discuter avec moi par Internet. Je leur envoie des nouvelles sur leurs

enfants et ils apprécient beaucoup cela. Je crois que je vais le faire plus souvent

l’année prochaine.

Avec les élèves, c’était difficile au début, mais les relations se sont

améliorées progressivement. Ça demande beaucoup de patience et, surtout, il faut

valoriser les enfants quand ils ont fait quelque chose de bien. Quand ils ont bien

travaillé, je leur donne des compliments et quand je ne suis pas satisfaite, je dis à

l’élève qu’il est capable de mieux faire. Et quand il améliore, je lui dis que je suis

fière de lui, que ça confirme ce que je pensais de lui : qu’il est intelligent, qu’il est

capable. Des fois j’appelle ses parents pour leur dire qu’il a fait un bon travail et

quand l’élève l’apprend, je vois que son comportement change petit à petit. C’est

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donc à nous de nous adapter au comportement et à la personnalité de chacun et ça

finit par mieux aller.

En ce qui concerne mon avenir de carrière, je ne compte pas faire une

marche en arrière. Je suis sûre de vouloir aller de l’avant ici dans ce pays, car je

trouve que l’ambiance est bonne, surtout si je reste dans cette école. L’ambiance n’est

pas bonne dans toutes les écoles, mais il y a l’exception. J’aimerais rester dans cette

école et là, je pourrai me donner à fond. J’espère y avoir un poste permanent, car j’ai

beaucoup de projets dans ma tête, mais je ne peux pas m’engager tant que je suis

encore à statut précaire.

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11 RÉCIT D’OLIVIA

Je suis enseignante de formation et j’ai 17 ans d’expérience dans

l’enseignement. Dans mon pays d’origine, j’ai suivi d’abord une formation à l’école

normale pour enseigner au primaire. Après cette formation, j’ai enseigné trois ans au

primaire, puis je suis entrée à l’université où je suis sortie avec un diplôme de

Licence en littérature africaine. Ce diplôme me donnait l’autorisation non seulement

d’enseigner le français langue seconde, mais aussi la langue nationale de notre pays

dans les écoles secondaires. Ainsi, j’ai enseigné le français et ma langue maternelle

pendant deux ans au secondaire, puis j’ai été promue directrice d’une école

secondaire que j’ai dirigée pendant dix ans jusqu’à ce que j’obtienne un visa canadien

de résident permanent pour venir rejoindre mon mari au Québec. Ici au Québec,

j’enseigne le français langue maternelle depuis deux ans après avoir obtenu un

diplôme de Baccalauréat en enseignement secondaire dans une université québécoise.

À mon arrivée au Québec, ce n’était pas facile de trouver un emploi et de

m’adapter au système d’embauche d’ici. Comme mon mari est arrivé ici trois ans

avant moi, il m’avait déjà informée que je ne pouvais pas m’intégrer directement dans

l’enseignement. J’ai donc commencé directement les petits jobs comme l’emballage

et l’étiquetage en manufacture pendant six mois. L’adaptation au système

d’embauche était un grand défi, car chez nous, quand on te donne un travail, on te le

donne une fois pour toutes alors qu’ici, quand on te donne du travail, c’est peut-être

pour une journée et le lendemain, il faut recommencer à chercher un autre travail.

C’était très difficile pour moi, car chaque jour, je ne savais pas si j’allais travailler

alors que mon but était d’abord de travailler et non de rester à la maison. Toutefois,

au bout d’un certain temps, j’ai pu trouver une manufacture qui m’a offert un travail

presque à temps complet, mais j’ai dû le quitter pour aller à l’université.

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Au niveau personnel, j’ai vécu beaucoup de changements. Dans mon pays,

en tant que directrice d’école, j’étais très respectée, mais ici, je me suis retrouvée au

bas de l’échelle. J’étais traitée comme un vaurien, comme quelqu’un qui n’a pas

étudié, qui accepte n’importe quoi. Je devais alors me comporter comme quelqu’un

qui n’a jamais mis le pied à l’école. Donc c’est ça la vie d’un immigrant, il faut, dans

un premier temps, arriver à se rabaisser pour accepter n’importe quoi quitte à ce que

tu puisses faire autre chose après. C’était très difficile pour moi, car dans mon pays,

j’étais habituée à un travail de bureau, un travail intellectuel, mais pas manuel.

Toutefois, je dirais que c’était un passage intéressant, car j’ai beaucoup appris. Même

si c’était de petits boulots, ça m’a permis quand même de connaître le Québec et les

Québécois, de travailler avec eux, de me familiariser avec le système de travail

québécois, de m’orienter et de me déplacer en autobus.

Pour m’intégrer dans l’enseignement, j’ai dû reprendre les études à

l’université. En effet, dès mon arrivée au Québec, j’ai d’abord envoyé mon dossier au

ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles pour l’évaluation

comparative des diplômes. J’ai présenté, pour évaluation, mon diplôme de Licence en

littérature africaine. Au terme de cette évaluation, qui m’a pris six mois d’attente, ils

m’ont reconnu trois années d’université, mais en précisant que ma spécialité n’était

pas reconnue pour enseigner ici au Québec. C’est sûr que j’enseignais le français dans

mon pays, mais ce n’était pas vraiment ma formation. C’était donc clair, dans le

dossier, que si je veux poursuivre ma carrière en enseignement, je devais

recommencer les études. J’étais arrivée au mois de septembre et au mois de

septembre suivant, je me suis inscrite à l’université ici au Québec. À l’université, ils

m’ont crédité le stage de 3e année et pour le reste, j’ai tout refait du début à la fin.

Durant mes études, dès la fin de mon deuxième stage, j’ai commencé à avoir

des contrats de suppléance dans les écoles. En effet, j’avais déjà dépassé les 45

crédits exigés pour qu’un étudiant puisse être autorisé à travailler comme enseignant.

Par après, avant même d’avoir mon brevet d’enseignement, j’ai eu un contrat

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d’enseignement à temps partiel dans une école secondaire à raison de 10h par

semaine. Dans cette école, l’intégration fut la chose la plus difficile pour moi. Quand

la directrice m’a vue pour la première fois, elle m’a appelée et m’a dit : «Écoute

madame, toi tu as un ton. Ton français n’est pas normal, ce n’est pas notre ton. Toi,

tu enseignes le français, mais ce ton-là, ça ne marche pas.» Si elle m’avait dit que je

n’avais pas la bonne méthode d’enseignement, j’allais m’appliquer, mais le ton, je ne

voyais pas comment le changer. Ainsi, je me sentais beaucoup mal, dévalorisée et

diminuée un tout petit peu. Cela m’a beaucoup affectée de façon que quand j’avais

des difficultés avec ma classe, c’était difficile de me confier à elle ou de lui demander

de l’aide alors qu’elle m’avait rejetée au début. J’ai même demandé des heures de

suppléance supplémentaires pour rehausser mon salaire, mais on ne m’a jamais

accordé cela. Au début, j’avais accepté ce petit contrat en espérant que j’aurais plus

d’heures, car c’était une grande école, mais à un moment donné, j’ai vu que ça

n’allait pas du tout. Je me demandais pourquoi on me refusait des heures

supplémentaires alors que je devais en avoir normalement. Dans mon cœur, je

n’arrêtais pas de me culpabiliser, je pensais que c’était toujours le ton, mais est-ce

que c’était ça? Je ne sais pas et je ne le saurais peut-être jamais.

Avec les collègues, je n’ai pas été accueillie à bras ouverts comme chez

nous. Ce n’était pas la même chose. Les premiers jours, c’est à peine que je pouvais

avoir quelqu’un qui pouvait me parler, ils s’en foutaient de moi. À la salle des profs,

si tu as la chance qu’on te dise bonjour, c’est déjà bien. La collaboration n’était pas

très développée et je devais alors compter sur mes propres connaissances. Par

ailleurs, je ne voyais même pas comment je pouvais demander de l’aide à quelqu’un

qui ne me disait même pas bonjour. Cependant, avec le temps, tu peux avoir un ami

qui peut quand même te parler, à qui tu peux te confier, demander des documents une

fois, deux fois, ainsi de suite, mais il faut vraiment être autonome.

Avec les élèves, c’était un autre problème, car j’avais un groupe très

difficile. C’était des adolescents de secondaire trois qui dérangeaient en classe. Quand

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je demandais à un élève d’arrêter de déranger, il me répondait n’importe comment.

Par exemple, un élève pouvait me dire : «Eh madame, qu’est-ce que tu dis là? Je n’ai

rien fait. Pourquoi tu me cries dessus? Tu cries juste sur moi. Pourquoi tu ne cries

pas sur les autres? Tu es raciste.» Comme quelqu’un qui venait d’un pays où on a

l’habitude d’avoir des élèves très sages, obéissants, c’était difficile d’enseigner ici. En

tant qu’immigrante, c’était d’abord une surprise, c’était inconcevable, inimaginable

qu’un élève se permet de lancer des papiers à son enseignante. Pour le punir, je le

faisais sortir de la classe pour aller dans une salle qu’on appelle Oasis (un local où on

envoie les élèves qui dérangent en classe), mais malheureusement, au retour, il

refaisait la même chose. Cette fois-là, il n’était pas seul, mais quelqu’un d’autre

faisait pareil. Il y avait une solidarité entre les élèves et c’est moi qui devenais la risée

de toute la classe. De plus, le grand problème des élèves d’ici, c’est qu’ils ont

l’habitude qu’on leur crie dessus. Le professeur doit crier pour qu’ils obéissent. Des

collègues venaient me dire: «Tu sais madame, il faut leur crier dessus et ils vont se

taire.» Mais moi en tant qu’étrangère, je ne savais pas comment crier sur les élèves et

je ne pouvais même pas le faire, cela n’était pas dans mes habitudes. Même quand je

faisais les stages, je regardais comment l’enseignant criait sur les élèves, mais moi

j’étais incapable de le faire. Donc, c’est ça qui montre que l’intégration n’est pas si

facile que ça, car les valeurs de la personne font partie de son métier et c’est difficile

de changer ce qu’on est. Je ne pense pas non plus qu’ils faisaient cela à moi parce que

je suis immigrante, mais ils le faisaient aussi à des collègues québécois. Mais pour

une immigrante qui n’avait pas l’habitude de voir ça, ça devenait trop. C’est d’ailleurs

pour cette raison que j’ai quitté le secondaire pour aller dans l’enseignement aux

adultes, car j’étais incapable de crier sur les élèves.

Quant aux rapports avec les parents, je dirais que les parents ne s’impliquent

pas beaucoup au secondaire. Je pouvais dire à un parent que son enfant dérange en

classe, mais il ne réagissait pas. Il s’en foutait de moi. L’implication au niveau des

parents est vraiment meilleure chez nous et là nous avons quelque chose à leur

apprendre à ce niveau. Des fois, un enfant peut avoir des problèmes, mais les parents

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ne suivent pas beaucoup alors que chez nous, si tu dis à un parent que l’enfant est

comme ci ou comme ça, il va collaborer pour corriger le problème.

Au niveau de l’enseignement, la préparation des cours était aussi un autre

défi à relever. Non seulement le matériel didactique n’était pas toujours présent,

surtout que des fois je ne savais pas par où commencer, mais aussi je n’avais pas

beaucoup de temps pour préparer. C’était dur la première semaine, car personne ne te

montre le matériel qui est présent dans la classe et je n’avais même pas le temps

d’aller le chercher. Je devais me débrouiller seule et je m’en suis sortie grâce à mes

collègues de l’université, mais pas de l’école. Au bout de deux ou trois semaines, en

fouillant dans les tiroirs, je me rendais compte qu’il y avait du matériel dans la classe

que j’aurai pu utiliser, mais qu’on ne m’avait pas présenté. Face à toutes ces

difficultés, je trouve qu’il faut vraiment encadrer les immigrants, les accompagner

parce que quand on entre en classe pour la première fois, on ne sait pas s’il y a du

matériel ou pas.

Ce qui était encore plus difficile au secondaire, c’était la création du

matériel. Chez nous, on a un programme standard à suivre pour chaque cours et les

documents sont fournis aux enseignants tandis qu’ici, c’est chaque enseignant qui

adapte son programme, qui fait lui-même ses documents. Quand tu es nouveau, tu as

intérêt à avoir quelqu’un qui te donne directement le matériel avant de commencer et

créer ton propre matériel plus tard. Or, quand tu es immigrant, tu ne connais

personne, il n’y a vraiment pas d’amis à qui tu peux demander ces documents-là.

Quand j’ai commencé à enseigner pour de vrai, lors de mon contrat à temps partiel,

c’est là que je me suis rendu compte que j’étais chanceuse d’avoir recommencé la

formation à l’enseignement au Québec. En effet, je m’imaginais quelqu’un qui vient

d’Afrique, qui ne connaît même pas le système et qui doit être autonome. Ce n’est pas

du tout évident, car personne ne t’explique quoi que ce soit, la collaboration n’y est

pas. Moi, au moins, j’avais suivi des cours et fait des stages et j’avais des

connaissances sur la façon d’enseigner qui est tout à fait différente. J’avais aussi

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quelques documents de l’université que j’utilisais sauf qu’il fallait vraiment

s’approprier la matière, car ce qu’on apprenait à l’université n’était pas exactement ce

qui se passait sur le terrain. Comme j’avais repris les études, je pensais que j’allais

affronter facilement la réalité du terrain, mais ce n’était pas vrai. C’était vraiment un

choc pour moi.

Dans mon cours de français, j’enseignais des textes québécois. Or, des fois,

je me retrouvais avec des termes que je ne connaissais pas nécessairement ou qui

représentaient des réalités que je ne connaissais pas. Parfois, il fallait connaître la

culture ou l’histoire du Québec pour pouvoir connaître le contexte. Je devais donc

chercher le socioculturel du texte alors que le socioculturel québécois, je ne le

connaissais pas. Devant ces situations, j’essayais d’être humble et de reconnaître mes

limites. Si c’est un texte que je ne connaissais pas, je le préparais d’avance en faisant

des recherches pour bien l’expliquer ou alors je demandais à mes collègues. Si un

élève me demandait quelque chose que je ne comprenais pas, je lui avouais que je ne

connaissais pas tout et des fois je lui demandais de faire la recherche sur Internet pour

partager à toute la classe les résultats de sa recherche. Ainsi, nous avons sûrement

besoin d’apprendre la culture québécoise et c’est là où entre en jeu la collaboration

avec les autres enseignants.

Depuis que j’enseigne au Québec, beaucoup de choses ont changé en moi

par rapport à ce qui se passe chez nous. Par exemple, le rapport aux élèves a changé.

Ici l’élève est comme un ami, on crée beaucoup de liens avec l’élève alors que chez

nous, l’enseignant reste le maître. J’apprécie vraiment la relation enseignant-élève. Je

trouve magnifique de créer des liens avec l’élève, faire de lui un ami pour que tu

puisses savoir et comprendre ce qu’il vit, car, ce sont ses difficultés qui risquent de

gêner ton enseignement et tout. Quand tu connais ses problèmes, cela permet

d’adapter ton enseignement à l’élève alors que chez nous, on n’a pas à savoir s’il a

des problèmes ou pas. Au niveau de l’enseignement de la matière, ici c’est pratique

tandis que chez nous, tout reste théorique. Au niveau de l’évaluation, chez nous on

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piège beaucoup plus les élèves alors qu’ici, on mesure leurs compétences pour leur

donner tout ce qu’il faut pour réussir. Chez nous, c’est la sélection des meilleurs

tandis qu’ici, même le moins intelligent doit réussir à sa manière. C’est vraiment des

choses que j’ai dû modifier et que j’apprécie beaucoup.

Face à tous ces changements que j’ai vécus, je dirais que l’adaptation n’a pas

été si difficile, car la formation reçue à l’université au Québec m’a été d’un grand

apport. Par rapport à l’approche d’enseignement, si je n’étais pas retournée à

l’université, il y a des points que je n’aurais pas pu changer tout de suite. Mais

comme j’avais repris les études au Québec, c’était facile de les appliquer, car déjà

quand mes profs à l’université expliquaient ça en classe, je me remettais directement

en question et je devais me réajuster chaque fois. La relation pédagogique n’a pas été

difficile pour moi, car ma façon d’être m’influençait beaucoup. L’écoute, la patience

sont des qualités personnelles qui m’ont beaucoup aidée. Puis, en tant que directrice

d’école, je me rapprochais beaucoup de mes élèves, je créais des liens avec eux parce

que je devais savoir tout ce qui se passait dans mon école.

Ce qui a été le plus dur pour moi, c’était la gestion de classe. Je vivais des

frustrations tout le temps et à un moment donné, je me sentais perdue. Il faut que

l’immigrant essaie de surmonter tout ça, mais ça prend du temps, car d’un coup, on

est sous le choc et c’est difficile de changer ce qu’on est. Je ne comprenais pas

comment je pouvais enseigner autant d’années, être directrice pendant 10 ans, diriger

une école de 1000 élèves et ne pas arriver à gérer 25 élèves. Je me culpabilisais et je

n’avais plus confiance en moi. Chercher de l’aide était un autre problème parce

qu’intérieurement, j’étais devenue incapable. Je les faisais sortir et, au retour, ils

refaisaient la même chose ou alors je leur donnais un devoir à faire et au moment de

contrôler, ils n’avaient rien fait. J’essayais de les ramener, mais la première personne

qui culpabilisait, ce n’était pas l’élève, ni les autres, c’était moi-même. Je me sentais

humiliée à 100 %. C’est pour cela qu’on voit des gens devenir fous. Ils n’en sont pas

responsables, c’est le système. Moi je me trouvais compétente : non seulement je me

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débrouillais bien dans ma façon d’enseigner, de préparer mes cours, mais aussi j’étais

quelqu’un qui savait quoi faire. Je ne pouvais pas supporter tout ça, car mes attentes

n’étaient pas comblées. Quand tu as 75 minutes à enseigner et que tu te rends compte

que tu n’as enseigné que 30 minutes, peut-être la directrice ne le saura même pas,

même l’enseignante d’à côté peut ne pas savoir ce qui s’est passé, mais toi dans ton

cœur, c’est toi qui sais. Tous ces enseignants qui quittent l’enseignement, ce n’est pas

que les autres les jugent incompétents, ce sont eux-mêmes qui se jugent

incompétents. Il n’y a rien de plus mauvais que quand on se sent impuissant. Je me

rappelle que quelqu’un me disait un jour que tout le monde vit ça, qu’il ne faut pas en

faire un problème personnel, mais moi je me sentais mal en tant qu’enseignante.

Quand on est conscient de ce qu’on fait, on se juge, on se fait une critique et je ne me

jugeais pas capable de supporter tout ça. À côté de cela s’ajoutait le problème de

manque d’assistance. Cela arrivait à tout le monde, mais je pense que nous les

immigrants, on le sentait beaucoup plus parce qu’on n’avait pas l’habitude de vivre ça

dans nos pays. Heureusement que j’avais vécu cette expérience avant de finir mon

bac. Quand j’ai eu mon brevet, je me disais que l’expérience au secondaire avec les

jeunes n’était pas mon métier, car je risquais de devenir folle. Je ne pourrais jamais

supporter ça et c’est pour cette raison que j’ai changé pour aller dans l’enseignement

secondaire aux adultes. Là j’ai commencé au bas de l’échelle avec 5h par semaine,

mais cela m’importait peu, car j’étais à l’aise. Je le savais que c’était un avantage

d’enseigner au secondaire régulier, car là-bas, on a la permanence plus rapidement

qu’au secteur des adultes. Après deux ans dans une école, tu deviens permanent.

Cependant, quand je me représente ce qu’on vivait au secondaire régulier, je préfère

rester dans l’insécurité plutôt que d’enseigner dans un endroit où je ne me sentirais

pas mieux. À l’éducation des adultes où je suis maintenant, les collègues collaborent

beaucoup et je me suis intégrée rapidement. Quand tu as des difficultés au niveau de

la confection du matériel, ils te montrent comment faire sans problèmes. En classe,

j’ai affaire à des adultes : ils m’écoutent et apprécient mes prestations. Ils valorisent

ce que je leur fais alors qu’au secondaire, je me sentais presque comme si je n’étais

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193

pas appréciée à ma juste valeur. Je me sens donc mieux intégrée au secteur des

adultes.

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194

12 RÉCIT DE PRIMA

Je suis enseignante de formation. J’ai fait d’abord quatre années d’études

universitaires en langue française, modèle français chez moi en Afrique. Je suis sortie

avec un diplôme de maîtrise en langue française. Ensuite, je suis entrée dans une

école normale où j’ai fait deux ans de formation en enseignement. Au terme de ces

deux ans, je suis sortie avec un diplôme de professeur d’enseignement du français au

secondaire. Après ma formation, j’ai enseigné le français aussi bien à des

francophones qu’à des anglophones pendant 13 ans au secondaire. En même temps

que j’enseignais, j’ai assuré aussi la fonction de directrice adjointe d’une école

pendant cinq ans, juste avant d’immigrer. Au Québec, j’ai une année d’expérience en

enseignement. Je supplée occasionnellement au secondaire et je suis éducatrice au

primaire.

Je réside au Québec avec un statut de résidente permanente avec mon mari et

mes quatre enfants. J’ai pris la décision de venir m’établir au Québec, car je voulais

avoir de toutes les expériences. Je voulais beaucoup plus avoir l’occasion de faire des

études supérieures. C’est vrai qu’il y a des universités dans mon pays, mais souvent

quand on est affecté dans un coin reculé du pays, on n’a pas la possibilité de

continuer les études. C’est pour toutes ces raisons que j’ai demandé la résidence

permanente au Canada.

Quand on nous a donné la résidence, nous sommes venus directement au

Canada, dans la province de Québec. Nous résidons en Estrie depuis 2009. À notre

arrivée au Québec, nous avons été accueillis par les membres de notre famille et je

n’ai pas eu beaucoup de problèmes pour m’adapter. De plus, je connaissais déjà le

Québec, parce que pendant que le processus d’immigration était en cours, j’ai dû faire

deux voyages en famille au Québec, en 2007 et en 2008, comme touriste. En ce

moment-là, j’avais déjà obtenu le Certificat de Sélection du Québec (CSQ). La

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famille m’avait donc déjà expliqué comment ça se passe. Ce qui a été dur pour moi,

c’est l’insertion dans la société. J’avais de la difficulté à comprendre comment la

société fonctionne, les mécanismes et tout. Pour obtenir un emploi, il a fallu faire une

remise à jour de mon CV, il a fallu se préparer à des entrevues et ce n’était pas

évident. Les membres de la famille m’avaient déjà dit à peu près ce qu’il fallait faire.

Ainsi, une fois arrivée à Sherbrooke, je suis allée rencontrer une conseillère en

emploi. Elle m’a vraiment accompagnée et m’a expliqué comment ça fonctionne ici

au Québec. Il fallait absolument faire le CV, on me l’avait déjà dit en famille, mais la

conseillère m’a guidée, m’a orientée et m’a aidée à faire une mise à jour de mon CV.

Par la suite, elle a fait des simulations d’entrevues avec moi. C’est comme ça que ça

s’est passé et ça m’a aidée beaucoup.

Concernant la recherche d’emploi en enseignement, la procédure n’a pas été

longue pour moi. Il fallait d’abord faire l’évaluation comparative des diplômes, ce

que j’avais déjà fait en 2007, lors de ma visite au Québec. En fait, quand je suis venue

ici en 2007, je suis allée directement au bureau du Ministère ayant dans ses

attributions l’évaluation comparative des diplômes à Montréal. Je leur ai expliqué que

je suis en processus d’immigration, que j’ai déjà mon CSQ et je leur ai demandé si

c’est possible que je puisse demander l’équivalence des diplômes. Ils m’ont dit oui,

car j’avais la preuve que j’étais en processus d’immigration. J’ai donc déposé pour

évaluation mon diplôme de professeur d’enseignement du français au secondaire.

Entre-temps, je suivais également la procédure pour avoir le permis d’enseigner.

Ainsi, avant de retourner dans mon pays, j’ai passé le test de français, le CEFRANC

et je l’ai réussi. Par la suite, j’ai laissé une procuration pour que les membres de ma

famille suivent et retirent mon évaluation comparative. Cela n’a pas pris beaucoup de

temps. Donc en 2007, j’ai obtenu mon évaluation comparative et j’avais la preuve que

j’ai réussi le test de français. Quand je suis revenue en 2008, toujours comme touriste,

j’ai alors déposé le dossier pour le permis d’enseigner. À ce moment, le Ministère

m’a donné une admissibilité conditionnelle d’enseigner valable pour deux ans. Ils

m’ont dit que quand j’aurai la résidence permanente au Québec, effectivement, ils

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vont me donner le permis. Donc quand je suis arrivée en 2009, j’avais la preuve de la

résidence permanente, un mois après, j’ai eu le permis d’une validité de cinq ans. Le

permis peut être renouvelé à condition de suivre les cours requis pour le brevet

d’enseignement (un cours sur le système scolaire québécois, un cours sur l’évaluation

des apprentissages, deux cours sur la didactique de l’enseignement du français et un

autre sur la gestion des élèves en difficultés d’adaptation et d’apprentissage). Je

devais non seulement passer des cours pour 15 crédits, mais aussi réussir le stage

probatoire pour avoir un brevet qui est définitif. Comme je ne connaissais pas la

société québécoise et son système scolaire, je me suis dit, pour être réaliste, que ce

serait être fou de penser que je peux entrer dans une classe et enseigner valablement.

Je me suis alors inscrite dans une maîtrise en enseignement depuis l’hiver 2011 et je

suis à mon 3e cours.

Dès la réception de mon permis d’enseigner, je n’ai pas entamé la recherche

d’emploi directement, car j’étais enceinte et quelques mois après notre arrivée, j’ai eu

un bébé. Je savais donc que je ne pouvais pas travailler. Neuf mois après mon

accouchement, j’ai déposé mon dossier à la commission scolaire. J’ai passé une

entrevue, ils appellent ça une entrevue de groupe et on m’a dit que je suis inscrite à la

banque des suppléances. Au lieu de rester à attendre des suppléances qui viendront

éventuellement, j’ai aussi demandé l’inscription pour faire la surveillance et être

éducatrice en service de garde. Ils m’ont répondu favorablement et c’est comme ça

que je suis en service de garde. J’encadre les enfants à l’heure du midi et je fais juste

6 h par semaine. Ainsi, je travaille comme éducatrice et je fais aussi des suppléances

occasionnellement.

Quand je me suis présentée pour la première fois à l’école où je travaillais

comme surveillante, j’ai été accueillie par la personne qui allait me superviser si je

suis embauchée. Par la suite, c’est cette même personne qui m’a fait passer une

entrevue. Après l’entrevue, elle m’a dit que c’est parfait, que je peux commencer. Ce

jour-là, j’ai été choquée par la façon dont on m’a accueillie. En effet, dans mon pays,

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quand un nouvel employé arrive, c’est le directeur ou le directeur adjoint qui

l’accueille. Ici c’est différent, car dès que vous arrivez, vous passez par votre

superviseur pour vous présenter et c’était pour moi un choc. Ce n’était même pas

facile, car vous arrivez là, comme un cheveu sur la soupe, les gens vous regardent,

mais ne savent pas qui vous êtes. Cela rend difficiles l’insertion et l’intégration parmi

les autres. Franchement, j’ai passé deux mois dans une école sans connaître qui est le

directeur. Il a fallu une réunion avec le personnel pour qu’on me présente la direction.

Pourtant, je le voyais tout le temps, mais je ne savais pas qu’il était notre directeur.

C’est quand même quelque chose pas très enviable le fait que c’est le nouvel employé

qui doit se présenter aux autres. Je m’attendais à ce que la directrice ou son adjoint

me fasse visiter l’école, me présente à la classe et aux collègues.

Mon intégration n’était pas facile les premiers jours. Il a fallu donc un peu de

temps pour que je sois acceptée. Comme personne ne m’avait présentée à mes

collègues, c’était difficile d’aller leur dire qui je suis. J’ai l’impression qu’ils n’étaient

même pas habitués à voir des enseignants noirs dans leur milieu. Un jour, mes

collègues m’ont fait vivre un événement qui m’a beaucoup blessée, qui m’a frustrée.

Il y avait un collègue qui partait travailler dans une autre école et on avait organisé

une sortie au restaurant pour lui dire au revoir. On avait fixé une date et une heure

pour la rencontre et moi, je m’en tenais à cette date-là. Le jour où moi je pensais

qu’on devait se rencontrer, je suis arrivée à l’école puis j’ai dit à ma superviseure

qu’on allait se rencontrer le soir. «Comment ça le soir?» répondait la superviseure.

Puis je lui ai dit ceci : «Il me semble qu’on devait se rencontrer initialement

aujourd’hui pour dire au revoir à notre collègue.» Après, elle m’a répondu que la

rencontre a eu lieu la veille. Pourtant, vendredi quand on s’est séparé, j’avais vu la

carte sur son bureau et je lui avais même précisé le jour où j’allais la remplir. Elle

aurait donc pu me le dire. J’étais surprise d’entendre qu’ils ont changé la date à mon

insu. Je n’étais pas du tout contente. Comme j’étais la seule Noire dans le petit

groupe, je me suis vraiment interrogée et j’ai senti, peut-être, que c’était une

ségrégation. Je ne suis pas sûre, mais c’était vraiment malheureux, j’étais très triste.

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Un autre jour, dans cette même école, on a voulu réduire mes heures de

travail injustement. Je suis arrivée le matin et le directeur adjoint m’a appelée pour

me dire qu’on vient de me diminuer le nombre d’heures. Je lui ai demandé pourquoi

et il m’a répondu que c’est par rapport à ce qu’il entend. Je ne sais pas si c’est le

directeur ou la secrétaire qui voulait me faire ça, mais ce qui est sûr, c’est que dans

les écoles, la secrétaire fait la pluie et le beau temps. Elle a dit qu’on m’avait

embauchée pour faire de l’animation, que cela ne marchait pas bien et qu’il fallait

diminuer le nombre d’heures de travail. Heureusement, ma superviseure m’a

soutenue et leur a dit qu’elle n’était pas d’accord avec ce qu’on voulait me faire.

C’est comme ça que la décision a été annulée. Ma superviseure était quand même

assez bien avec moi, je lui posais des questions sur ce que je voulais comprendre,

puis elle était vraiment ouverte pour m’expliquer comment ça fonctionne. Je lui avais

même demandé de ne pas hésiter à me donner des remarques constructives si elle

constatait que je ne faisais pas correctement ma tâche. Ça a vraiment marché, elle m’a

fait un bon accompagnement. Corollairement à ce que j’ai vécu, je n’ai pas aimé

rester là et j’ai changé d’école par la suite.

À l’école où je travaille maintenant comme éducatrice, je dirais que ce

n’était pas facile au début, mais avec le temps, on finit par créer de bonnes relations.

J’allais vers les autres enseignants et je leur disais bonjour. Il y en a qui sont ouverts,

qui se rapprochent de vous et qui s’intéressent à savoir d’où vous venez, ce que vous

faites, etc., mais ils ne sont pas nombreux. Il y en a d’autres qui sont fermés, qui ne

répondent même pas à votre bonjour. Chez moi, quelqu’un peut ne pas être

sympathique à votre endroit, mais il répond au moins à votre bonjour. C’est différent

ici. De plus, les gens ne nous donnent pas la considération que nous méritons. Je

racontais à mes collègues que je suis enseignante de français, mais cela ne disait rien

à personne. De prime abord, l’idée qu’ils se font, c’est que vous n’êtes pas

compétente. Il y a une professeure de français qui est venue une fois, on a discuté un

peu et c’est depuis ce temps-là qu’elle peut me saluer. Elle a vu effectivement que je

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suis enseignante, que je connaissais un petit bout du système scolaire. À partir de ce

jour-là, elle avait plus de considération pour moi. Je pense qu’il faut quand même que

les gens aient l’occasion de découvrir que tu es réellement enseignante parce que

n’importe qui peut dire qu’il est enseignant. Je les comprends un peu, mais d’un autre

point de vue, je me dis qu’il faut quand même être ouvert. J’ai l’impression qu’ils ne

sont pas très ouverts ici en Estrie. Je trouve quand même qu’au service de garde, c’est

un peu différent, car des fois, lorsque c’est la journée pédagogique, vous êtes obligés

de rencontrer les parents. Ils sont très ouverts : «Bonjour madame, est-ce que vous

êtes éducatrice?» C’est sûr que les enfants parlent de nous aux parents, ça fait que

c’est un peu plus facile.

Ma première expérience avec les élèves, c’était aussi un choc, car le contexte

est complètement différent. Vous entrez dans une classe, non seulement les élèves ne

se lèvent pas, mais aussi ne vous disent pas bonjour. Au niveau de la discipline, c’est

aussi différent, car ici, les élèves ne sont pas respectueux à l’endroit des enseignants.

Leur façon de parler, de donner des remarques sans avoir froid aux yeux était un peu

choquante. Ce n’était pas facile au début, il a fallu que je m’adapte, que je comprenne

que je suis dans un autre contexte, que c’est différent de ce que je suis habituée de

voir. Un autre défi que j’avais et que j’ai encore à relever se situe au niveau culturel

et linguistique. Que ce soit au service de garde ou dans l’enseignement lors des

suppléances, je me rendais compte que ma façon de parler diffère de celle des élèves

ou des enfants que j’encadre. C’est vrai que je parle français, mais c’est un français

différent du français québécois. Il fallait vraiment m’ajuster pour savoir communiquer

avec les enfants ou les Québécois en général. Ma superviseure par exemple m’a déjà

dit que quand je parle vite, les enfants ne me suivent pas bien. Moi-même je ne

comprenais pas leur accent au début. Comme je suis en processus d’intégration, je

comprends que je dois faire des efforts. Je suis en train de vouloir suivre les cours sur

le français québécois pour avoir une meilleure insertion. Je trouve que si on veut

réellement enseigner ici, il faut quand même connaître à peu près le contexte culturel

dans lequel on veut évoluer. Là encore, c’est un autre défi pour moi et c’est pour cette

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raison que je me suis inscrite en maîtrise rapidement pour connaître davantage le

système scolaire québécois.

Quant à la gestion de classe, je dirais que c’est un autre gros défi à relever.

Les élèves sont très turbulents et il y a l’effet d’entrainement qui fait que s’il y a un

seul élève dans la classe qui se met à perturber le cours, il entraine aussi d’autres. Le

plus dur, c’est que même lorsque vous lui parlez, il n’a pas déjà la culture du respect

et ça devient très compliqué. Ceux qui sont les moins disciplinés cherchent à tester si

tu es capable de gérer la classe. Ils essaient donc de faire du désordre et c’est à toi de

savoir comment gérer ta classe. Même si c’est seulement pour un devoir, il faut que tu

instaures la discipline en classe, sinon, tu ne pourras pas. Dans mon pays, quand un

enfant coupe le cours, vous avez une façon de lui parler. Vous pouvez le faire sortir,

mais ici il va falloir analyser et voir les tenants et les aboutissants. On n’envoie pas

facilement un enfant comme ça au local d’encadrement. Le plus grand problème pour

nous les enseignants suppléants, c’est qu’on ne rencontre jamais l’enseignante qu’on

remplace pour échanger sur le fonctionnement et les routines de gestion de classe. Or,

en situation de suppléance, on n’est jamais à la même école ou dans la même classe.

Je pense que le gouvernement ou la commission scolaire devrait trouver les moyens

pour insérer au moins les enseignants immigrants qui arrivent sinon, on n’aura jamais

d’expérience.

Avec les suppléances, on n’a pas grand-chose à faire, on surveille

simplement les élèves. Je n’ai pas encore eu l’occasion d’enseigner, de préparer des

cours et de faire passer des examens. L’année dernière, ma conseillère du service

d’aide aux néo-canadiens (SANC) m’a mis en contact avec son amie qui enseigne le

français pour faire un jumelage professionnel. J’ai visité sa classe une fois. Elle avait

rempli le consentement avec la direction, il était question que j’y aille pour une

deuxième fois, mais ça ne s’est jamais passé. Elle m’a dit que c’est compliqué et je

n’ai jamais su pourquoi. Toujours dans le sens d’avoir de l’expérience dans

l’enseignement, je suis allée à l’école où étudie ma fille pour demander l’autorisation

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d’y faire du bénévolat. Ce qui m’a étonnée, ils ne m’ont pas dit non, ils m’ont dit que

c’est une bonne idée, que ce serait le fun, mais on ne m’a jamais appelée. J’aimerais

avoir de l’expérience dans une salle de classe, mais je ne sais pas si je vais encore

passer par ma conseillère. J’ai même suivi des cours au Cegep, j’étais dans deux

classes différentes toujours dans l’intention de voir comment ça se passe dans une

salle de classe. Heureusement, mes cours de maîtrise en enseignement m’ont

beaucoup aidée à comprendre comment fonctionne le système scolaire d’ici. Au fur et

à mesure que je continue mes cours, je me rends compte que si j’avais eu à enseigner

il y a un an, vraiment je n’aurais pas pu bien enseigner. Sans connaissance du système

scolaire, vous ne pouvez pas venir avec le bagage intellectuel et professionnel et

penser que vous allez réussir à enseigner ici. C’est vraiment impossible à moins que

vous soyez malhonnête. Vous allez peut-être enseigner, mais ce ne sera pas ce qui est

admis. Le plus difficile, c’est de comprendre d’abord le contexte. Ensuite, il faut

avoir l’idée de ce qu’on enseigne ici : c’est quoi les programmes, c’est quoi les

approches pédagogiques? C’est très important parce que les approches pédagogiques

d’ici sont différentes de celles de chez nous. Je pense qu’il faut quand même prendre

le temps d’apprendre les différences. Ce serait vraiment une erreur de penser que tu

peux partir avec ton bagage professionnel et faire une transition en douceur sans avoir

pris le temps d’apprendre comment ça fonctionne. Si on me donnait l’occasion

d’enseigner demain, je pense que la transition serait facile grâce au cours que j’ai

suivi à la maîtrise. De plus, ce que j’aime et qui est admirable ici, c’est quand même

l’effectif des élèves dans une classe. Dans mon pays, j’avais 70 élèves, mais ici j’en

ai 20. C’est déjà, pour moi, quelque chose de bien. Le seul défi, quand ils ne sont pas

disciplinés, ça devient difficile à gérer. Ce que j’apprécie encore dans le système

scolaire d’ici, c’est la façon dont on enseigne. L’enseignement est vraiment

participatif. Ce n’est pas un enseignement magistral comme chez nous. Ça, c’est bien

sauf que ça pourrait être difficile si les élèves ne sont pas suffisamment motivés. Les

élèves doivent être autonomes dans leurs apprentissages, dans leurs devoirs. Le seul

défi, c’est de trouver les moyens de les motiver pour qu’ils aient plus d’attaches.

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En conclusion, ce qui m’a beaucoup marquée au cours de mon IP, c’est qu’il

y a beaucoup de défis. Dans mon pays, il n’y a pas tant de défis que ça. Je comprends

que c’est un nouvel environnement que je ne connaissais pas. C’est beaucoup de défis

puisqu’il faut faire beaucoup d’efforts, beaucoup de recherches pour comprendre

comment ça fonctionne, comprendre la culture du milieu et trouver un emploi. Mais

comme ils ne m’ont pas appelée, c’est à moi de faire des efforts pour m’insérer. Peut-

être même que dans une école où vous allez, on n’a jamais vu un Noir ou une Noire

travailler. C’est donc à nous de faire la preuve qu’on est capable, qu’on est compétent

et, avec le temps, les choses finissent par bien aller.

Même si les immigrants veulent enseigner, il leur faut non seulement une

formation dès leur arrivée, mais aussi une occasion d’expérimenter ce qu’ils auront

appris. Ils ne peuvent l’expérimenter qu’en entrant dans les salles de classe et non

dans les services de garde. C’est en enseignant effectivement. Ce qui est surprenant,

c’est que lorsque vous allez sur les sites des commissions scolaires, partout on parle

d’égalité des chances à l’accès à l’emploi. C’est ce qu’on dit, mais je suis curieuse de

savoir combien d’enseignants immigrants travaillent ici en Estrie. Je pense qu’il faut

des mesures spéciales, une espèce de quota. Par exemple, dans une commission

scolaire, on pourrait admettre, par année, un nombre d’enseignants immigrants pour

au moins leur donner la chance d’avoir de l’expérience. Ce qu’on observe maintenant

est très décourageant, il faut avoir les nerfs solides pour être déterminé à continuer.

Par rapport à mon avenir de carrière, cela ne me démotive pas du tout. Sinon, je ne

suivrais pas les cours à l’université. J’ai une philosophie, je suis positiviste. Je ne

croise pas les bras, je sais qu’un jour, je vais enseigner. Si ça ne marche pas ici, je

peux aller ailleurs si je trouve de la place.

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13 RÉCIT DE ROCIO

Je suis enseignante de formation. J’ai un diplôme de Licence en

enseignement de l’espagnol obtenu dans mon pays d’origine. Après mes études

universitaires, j’ai enseigné l’espagnol au primaire pendant 17 ans. Ici au Québec,

j’enseigne l’espagnol dans une école primaire privée depuis 5 ans. J’ai donc 22 ans

d’expérience en enseignement.

Dans mon pays, il y avait beaucoup de problèmes d’insécurité et de

corruption. C’est pour cela que nous avons décidé de demander la résidence

permanente au Canada. On voulait que nos enfants grandissent dans un pays libre et

paisible. Ainsi, quand on nous a donné la résidence permanente, nous sommes venus

directement au Québec. C’était le 24 août 2005.

L’adaptation n’a pas été facile pour moi. Au plan climatique, c’était bon les

deux premiers mois, mais vers la fin du mois d’octobre, on ne supportait pas le froid.

C’était difficile de s’adapter à l’hiver et, surtout, c’était difficile pour moi de conduire

dans la neige, de marcher quand il y a de la glace. Au niveau de la langue, j’avais de

la difficulté à communiquer en français. J’avais appris quelques mots de politesse,

mais pas vraiment pour mener une conversation. D’ailleurs le gros défi pour moi,

c’était surtout au niveau de la langue. C’était vraiment dur, car je ne pouvais pas

communiquer en français. Les gens appelaient à la maison, je décrochais le téléphone,

mais je ne comprenais rien. C’était du chinois et là j’étais incapable de répondre. Il

m’arrivait de répondre en espagnol alors que c’était des Québécois. J’ai alors

commencé les cours de francisation que nous offre le ministère de l’Immigration. J’ai

d’abord fait un cours de francisation au Cegep, après j’ai continué au centre

d’éducation des adultes. Par la suite, je me suis inscrite dans un cours de français à

l’université. Pendant que je suivais ces cours, je donnais aussi des cours d’espagnol à

des Québécois dans le but d’être en contact avec les gens et d’améliorer mon français.

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C’est quand j’ai atteint le niveau requis pour pouvoir communiquer en français que

j’ai commencé à chercher du travail pour gagner ma vie. Je me suis inscrite à

l’agence de placement Emploi-Compétence et ils m’ont trouvé un emploi dans une

usine au mois de juin 2006. Mais, comme je ne voulais pas perdre mon temps à faire

autre chose que l’enseignement, j’y suis restée trois mois et en septembre 2006, je me

suis inscrite dans un programme de maîtrise en éducation dans une université

québécoise.

Concernant la recherche du travail en enseignement, ce n’était pas facile au

début. Je devais remplir certaines conditions pour travailler au Québec. Je devais

d’abord faire l’évaluation comparative de mon diplôme. Ce qui a été le plus difficile

pour moi, c’est que j’ai dû retourner chez moi pour apporter les documents attestant

les programmes suivis chez moi, les objectifs et le contenu de chaque cours suivi, les

relevés de notes et la traduction de tous ces documents. Après avoir fini la collecte de

tous ces documents, je les ai envoyés au ministère de l’Immigration et des

Communautés culturelles avec mon diplôme de Licence en enseignement de

l’espagnol. Après l’évaluation, ils m’ont donné l’équivalent d’un bac en

enseignement. J’ai trouvé l’évaluation injuste, car chez moi, on met plus d’années à

faire une licence contrairement au Bac.

Après avoir obtenu l’équivalence de mon diplôme, j’ai appelé au ministère

de l’Éducation pour savoir ce que je dois faire pour avoir un permis d’enseigner. Ils

m’ont donné la liste des documents à envoyer en plus du test de français que je devais

passer. J’ai passé le test, mais je ne l’ai pas réussi la première fois. Le test était dur et

long. J’aurai aimé qu’on nous demande de faire un cours de français à l’université et

de le réussir pour avoir le permis d’enseigner. Cela permettrait à beaucoup de gens de

rester dans l’enseignement, car beaucoup abandonnent la carrière à cause de ce test.

Toutefois, le ministère de l’Éducation donne aux enseignants une lettre

d’admissibilité en attendant qu’ils remplissent les conditions pour avoir le permis

d’enseigner. C’est cette lettre que j’ai présentée pour avoir mon premier contrat.

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Quand j’ai refait le test pour une seconde fois, j’ai pu avoir la note requise pour avoir

un permis. Ils m’ont alors donné un permis d’enseigner renouvelable à condition de

commencer les cinq cours de 15 crédits (un cours sur la gestion de classe, un cours

sur l’évaluation des apprentissages, un cours sur la communauté d'apprentissages et

TIC, un cours sur l’intervention auprès des élèves en difficultés d’adaptation et

d’apprentissage et un cours sur le système scolaire québécois) requis pour avoir le

brevet d’enseignement. Je devais aussi faire un stage probatoire de 900h. Comme

j’avais déjà commencé une maîtrise en éducation, j’avais déjà fait les 15 crédits et j’ai

fait mon stage en cours d’emploi à l’école où je travaille maintenant. Donc, j’ai eu

mon brevet d’enseignement un peu plus rapidement.

J’ai commencé à travailler en enseignement en septembre 2006. C’est une

dame qui travaille au service d’aide aux Néo-Canadiens qui m’a aidée. Elle m’a

montré comment monter mon CV et elle m’a dit qu’elle connaît une école privée où

on donne des cours d’espagnol. J’ai envoyé mon CV dans cette école et la directrice

m’a appelée pour passer une entrevue. Par la suite, elle m’a donné un contrat à temps

partiel pour travailler neuf heures par semaine. J’enseignais en 6e année de septembre

à décembre 2006. En janvier 2007, comme l’enseignante qui enseignait l’espagnol

était enceinte et qu’elle devait prendre son congé de maternité, la directrice m’a

appelée pour venir la remplacer. Elle m’a alors donné un contrat à temps plein. Là,

j’ai dû arrêter ma maîtrise, car je n’arrivais pas à concilier les études et le travail en

même temps. Depuis lors, je travaille toujours dans cette école et j’ai maintenant la

permanence.

Quand je me suis présentée dans cette école pour la première fois, j’ai été

bien accueillie par la directrice de l’école. Elle m’a présentée en classe et elle m’a dit

de l’appeler si j’ai des problèmes ou s’il y a quelque chose qui ne va pas. Après, elle

m’a promis qu’elle reviendra pour vérifier si tout va bien. Quelques jours après, elle

est passée dans ma classe, comme promis, pour me demander si tout est correct. C’est

vraiment quelqu’une qui prend de l’initiative pour que l’enseignant se sente bien. Elle

Page 208: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

206

est toujours attentive pour répondre à nos besoins. Par exemple, elle m’a donné la

liberté de donner mon cours comme je veux. Et quand je lui ai donné mon plan de

cours, elle m’a fait une rétroaction que je le fais comme tout le monde. Au début,

j’avais peur de m’exprimer pour ne pas dire des choses inappropriées, je pensais que

je n’allais pas être comprise, mais avec le temps, c’est la même directrice qui me

demandait : «Qu’est-ce que vous pensez de ça?» Je donnais mon appréciation et elle

qui me disait : «Oh, vous avez raison. Oui on pourrait faire comme ça.» C’était aussi

pareil avec mes collègues et cela m’a donné envie de participer beaucoup plus. Je

pense que j’ai une place dans cette école, je suis ce que je devais être. Je me sens

comme membre de l’école. Dans les réunions, je propose des choses, de nouvelles

choses et je suis écoutée comme les autres. Par exemple, je fais partie d’un petit

comité social. J’organise des fêtes et je propose des choses à faire par exemple à

Noël. En tout cas, je me sens bien intégrée. Je m’entends bien avec mes collègues.

Seulement la première année, il y en avait qui me regardaient avec méfiance. Je les

regardais et je m’imaginais ce que je peux faire pour leur donner la certitude que je

suis une bonne personne, que je peux être un bon collègue. Je suis de nature calme,

j’aime écouter les autres, mais cette fois, j’ai commencé à m’ouvrir aux collègues.

Après, j’ai remarqué qu’ils ont complètement changé. Maintenant, beaucoup de

collègues me disent qu’ils m’aiment beaucoup. À mon anniversaire, ils m’ont écrit

qu’ils sont contents de m’avoir dans leur équipe. Ils me disent que je les écoute s’ils

ont des choses à dire. En fait, ce sont des jeunes d’une vingtaine d’années, je deviens

donc comme leur maman. De plus, ils sont ouverts à la collaboration. Par exemple,

chaque fois que je fais mon plan de cours, que je dois le faire en français, je demande

à mes collègues de me corriger et ils le font vraiment. Ils me donnent de bonnes

rétroactions et me corrigent quand il le faut. Puis lors des fêtes, on organise des

choses ensemble. Par exemple, je leur ai proposé de venir passer la fête de fin

d’année chez moi, tout le monde est venu et ils étaient très contents. Je me sens

vraiment bien parmi eux.

Page 209: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

207

Concernant mes relations avec les parents, je dirais qu’elles sont bonnes.

Quand ils veulent savoir l’évolution de leur enfant, je leur donne un rendez-vous et ça

se passe très bien. D'ailleurs, ils sont contents que leurs enfants se débrouillent bien

en espagnol. Par exemple, ils me disent que, quand ils sont en vacances, ce sont leurs

enfants qui commandent des choses pour eux en espagnol.

Avec les élèves, les relations sont bonnes, mais je ne me sens pas proche

d’eux comme dans mon pays. Chez moi, pour recevoir mes élèves le matin, je les

embrassais et je leur demandais s’ils vont bien, s’ils ont bien dormi, etc. J’étais

comme leur deuxième maman. Mais ici, je ne peux pas les embrasser, je ne peux pas

les toucher, c’est vu comme un harcèlement. Je me sens donc éloignée de mes élèves.

Quant à la gestion de classe, c’était difficile au début, car j’avais des élèves

difficiles. Ils s’adressaient à moi et aux autres n’importe comment. Des fois, pour

qu’ils comprennent, je devais parler de certaines choses en français. Or, mon français

était bien pire que maintenant. Et là, tout le monde se mettait à rire. Je me rappelle,

une fois, je parlais de la lettre Q, j’ai dit la lettre Q. Et tout le monde s’est mis à rire.

«Qu’est-ce que tu dis? Ha ha ha ha.» Je leur ai dit ok, mais comment dit-on? En fait,

j’ai dit Q, mais eux ils ont compris cul. J’ai dit ok, mais ce n’est pas ça que je voulais

dire et je me suis mis à rire moi aussi. Le cours suivant, je leur ai parlé de ma famille,

de mon pays. Ils étaient intéressés et m’ont posé beaucoup de questions. Les jours qui

ont suivi, quand ils ont remarqué que je ne suis pas autoritaire, très stricte, ils ont

changé leur vision de moi. Vers la fin de l’année, je leur ai donné comme cadeaux des

CD de musiques espagnols et tout le monde était content.

Au niveau de l’enseignement proprement dit, je n’ai pas eu de difficultés, car

chez moi, on enseigne de la même façon qu’ici. C’est l’approche socioconstructiviste

et on enseigne beaucoup plus par projet. De plus, il n’y a pas de programme du

Ministère pour l’enseignement de l’espagnol ici au Québec. J’ai donc la liberté de

créer moi-même mon propre programme et déterminer ce qu’on va voir de la

Page 210: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

208

première année jusqu’en sixième. Ce que j’ai trouvé difficile au début, c’est que les

élèves n’étaient pas habitués à bouger en classe. Or, quand on enseigne une langue,

on ne se limite pas à l’écrit, il faut aussi parler. Donc, on doit laisser la liberté aux

enfants de la pratiquer. Et s’ils parlent, ils font du bruit. Comme c’était interdit aux

enfants de faire du bruit en classe, cela freinait mon enseignement. J’ai alors été voir

la directrice pour lui dire que quand les enfants ont mon cours, c’est impossible qu’il

n’y ait pas du bruit. Ils ne doivent pas rester assis, ils doivent bouger, travailler par

petit groupe et échanger entre eux. La directrice m’a dit : «Ok, c’est correct. Fais ton

projet, ferme la porte et c’est tout.» C’est vrai que ça devient difficile de calmer les

élèves après les activités en groupe, mais ça vaut la peine s’ils apprennent une langue.

Maintenant, je remarque que beaucoup de profs ont choisi ma façon de travailler. Je

vois qu’il y a plus de mouvements dans les classes qu’avant. Chez moi, les élèves ne

doivent pas rester assis pour apprendre quelque chose et je trouve que c’est un peu

différent de ce qui se passe ici. En classe, chez moi, les enfants sont tout le temps en

train de bouger, de faire quelque chose. Ils ne restent pas assis tout le temps et ils font

du bruit quand ils apprennent. Ici, ils doivent rester calmes et je n’étais pas habituée à

ça. Je trouve d’ailleurs que les enfants d’ici ne sont pas libres. Ils ne mangent pas en

parlant, ils doivent rester calmes même dans les autobus scolaires. Je n’en revenais

pas. Je me rappelle la première journée d’école, mon fils est monté dans l’autobus

scolaire avec ses amis de même origine que nous. Ils étaient habitués à chanter en

autobus scolaire, puis se sont mis à chanter. Le chauffeur n’a pas supporté ça et il a

arrêté l’autobus pour leur dire qu’ils doivent arrêter de chanter. La journée suivante,

on leur a interdit d’entrer en autobus, c’est moi qui ai dû les conduire à l’école. Je ne

trouvais pas ça correct, mais c’est comme ça que ça fonctionne ici. Les enfants

doivent rester calmes, en marchant, en mangeant, en autobus, ils ne sont pas libres.

En ce qui concerne mon avenir de carrière, je ne compte pas rester en

enseignement des jeunes. Je travaille dans une école privée et là-bas on ne tient pas

compte de mon ancienneté. J’aurai des difficultés pour ma retraite. De plus, les écoles

privées ne donnent pas de bons salaires comme dans les écoles publiques. Or, on

Page 211: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

209

n’enseigne pas l’espagnol dans les écoles publiques. C’est pour cela que je suis

encore ici. Je pense finir ma maîtrise et faire un doctorat pour travailler peut-être à

l’université et faire de la recherche.

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210

CINQUIÈME CHAPITRE

LES ARTICLES DE LA THÈSE

Ce chapitre comprend les trois articles au cœur de cette thèse par articles. Le

premier article fait le point sur l’état des connaissances relatives à l’IP des

enseignantes et enseignants immigrants dans le milieu scolaire. Le deuxième article

présente les résultats relatifs au premier objectif spécifique de recherche, à savoir

décrire et comprendre l’expérience de transition professionnelle des enseignantes et

enseignants de migration récente au Québec. Le troisième article présente les résultats

relatifs au deuxième objectif spécifique de recherche qui est de décrire et comprendre

l’expérience d’adaptation au rôle professionnel des enseignantes et enseignants de

migration récente dans le contexte scolaire québécois.

1. PREMIER ARTICLE: PROFESSIONAL INTEGRATION OF IMMIGRANT

TEACHERS IN THE SCHOOL SYSTEM: A LITERATURE REVIEW5

ALINE NIYUBAHWE, JOSÉPHINE MUKAMURERA & FRANCE JUTRAS

Université de Sherbrooke

Référence : Niyubahwe, A., Mukamurera, J. et Jutras, F. (2013). Professional

Integration of Immigrant teachers in the school system: A literature review. McGill

journal of education, 48(2), 279-296.

5 L’insertion professionnelle des enseignants immigrants dans le milieu scolaire : recension des écrits

Page 213: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

211

ABSTRACT

This literature review article investigates the professional integration of teachers

recently immigrated to Canada and other western countries. Its findings reveal a

number of obstacles to the integration of immigrant teachers into the teaching

profession. The review summarizes different initiatives facilitating or hampering

immigrant teachers’ access to employment and professional integration. It also notes

that there is little research on teachers’ professional integration in Western French

speaking countries in general, and more particularly in Quebec where these teachers

are often relied upon because of the shortage of personnel in this profession.

Keywords: Immigrant teachers, Immigrant teaching personnel, Integration of

immigrant teachers, professional integration, Teachers of recent migration.

RÉSUMÉ

Cette recension des écrits porte sur l’IP des enseignants immigrants au Canada et

ailleurs en Occident. Les résultats mettent en évidence divers obstacles à leur

insertion dans la profession enseignante. Ils permettent également de prendre

connaissance de certaines mesures qui favorisent ou nuisent à leur intégration dans

l’emploi et au sein de l’équipe-école. On constate aussi que peu de recherches sont

faites sur le sujet dans les pays francophones en général et au Québec en particulier

où on compte sur l’apport de ces enseignants pour combler les besoins de main-

d’œuvre.

Mots clés : Enseignants immigrants, enseignants de migration récente, personnel

enseignant immigrant, IP, insertion des enseignants immigrants.

Page 214: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

212

Hiring teachers who are recent immigrants is not new to the Quebec school system.

However, the state of their professional integration is largely unknown especially

since there has been little research about how they fit into the different school

communities. In an effort to better understand this issue, a literature review was

undertaken to sum up and analyze French and English research dealing with the

professional integration of immigrant teachers in Canada and several other Western

countries. The aim of this article is to present the results of this review. It begins by

presenting the research problem, then describes the methodology employed to review

the documentation and finally analyzes the findings.

RESEARCH PROBLEM

Since 1993, becoming a teacher in Quebec normally requires four years of bachelor

level studies that are approved by the Quebec Ministry of Education, Sports and

Leisure (Ministère de l’Éducation, du Sport et des loisirs, MELS). It also requires a

Quebec teaching permit, which is issued by the MELS upon successful completion of

the entire Quebec teacher training requirements. However, since the middle of the

2000s, a new Quebec Government regulation has introduced more flexible training

requirements for secondary school teachers not only in order to face an anticipated

shortage in teaching personnel, but also in an effort to facilitate entry into the

teaching profession (Lavigne, 2006). In fact, this provisional measure allows

Bachelor degree holders in a Quebec Secondary School subject or discipline to obtain

a temporary teaching authorization or permit on the condition that they are offered

employment from a recognized Quebec secondary school. Furthermore, this new

teaching authorization regulation allows the MELS to first grant a temporary teaching

authorization. Subsequently, upon fulfillment of certain conditions,1 a permanent

teaching permit can be granted to recently immigrated teachers holding a valid

teaching permit in their country of origin. This new Teaching Authorization

Regulation eliminates the requirement that these teachers must undergo a complete

teacher re-certification process in Quebec (MELS, 2006).

Page 215: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

213

The aim of this regulation is to facilitate re-entry into the teaching profession. The

results are beneficial not only to recently immigrated teachers but also to the children

of immigrant families. In fact, several authors (Carr & Klassen, 1997; Deters, 2006;

Goodson, Thiessen, & Bascia, 1997; Phillion, 2003; Ross, 2001; Schmidt, 2010;

Schmidt, Young, & Mandzuk, 2010; Wang, 2003) maintain that immigrant teachers

play a key role in facilitating immigrant children’s integration. These authors contend

that these teachers can a) act as role models b) help these children to integrate into the

school system, and c) contribute to multicultural education. Consequently, they can

bring significant educational contributions to the steadily increasing number of

immigrant children in the Quebec School system. As a case in point, Benes and

Dyotte (2001) explained that the Quebec school system receives between six and

eight thousand new immigrant students per year. In certain Montreal-area schools, the

percentage of immigrant students can reach 90%. A teaching faculty that reflects this

diversity would therefore be a considerable asset to the success of immigrant

children. In fact, this is coherent with the goals of integrating people of various

ethnocultural origins at all levels of employment in the school system set forth in the

1998 intercultural policy (Benes & Dyotte, 2001).

Although certain administrative measures appear to foster access into the profession

for immigrant teaching personnel in Quebec, their integration into the Quebec School

system remains quite controversial. If their Quebec-born colleagues have already

encountered professional integration problems, sometimes leading to abandonment of

the profession (Mukamurera, 2005; Mukamurera, Bourque & Gingras, 2008), what

are the implications for teachers of foreign origin as they attempt to integrate into a

network and a community that is very different from what they have experienced

previously in their own countries?

Indeed, despite the teaching experience acquired in their countries of origin, these

teachers assume a beginner’s status in the Quebec school system. This is

compounded by the fact that they are often not familiar with Quebec culture, its

Page 216: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

214

school system or the teaching models that are used. As a result, it appears that they

must undergo quite an adaptation process in order to become effective teachers in the

Quebec context (Vallerand & Martineau, 2006). According to Martineau and

Ndoreraho (2006), these recently immigrated teachers need continuous and

personalized support in order to rapidly develop the necessary knowledge and

competency required to be able to read a situation correctly. It is therefore

particularly relevant to study the professional integration of these teachers into the

Quebec school system in order to better understand their particular situation and to

consider different ways of meeting their needs. For these reasons, a literature review

dealing with the issue of professional integration of immigrant teaching personnel

was undertaken in order to explore this situation and to examine research related to

the professional integration of immigrant teachers endeavouring to enter the teaching

profession in Quebec, elsewhere in Canada and in several other Western countries.

METHODOLOGY

Literature review procedure

The literature review was conducted using standard procedures (Mertens, 2010). The

first step involved identifying relevant publications (scientific articles, professional

articles, media articles, chapters in an edited volume, thesis, etc.) dealing with the

integration of immigrant teachers. In order to find references relating to this specific

research topic, the main concepts were first identified and then keywords were

assigned to each concept using synonyms. The research was carried out in English

and French in order to consult as many texts as possible. Different search engines

were employed: the University of Sherbrooke Crésus Catalogue, the Education

Resources Information Center (ERIC), a well known English language database,

FRANCIS, the French humanities and social sciences database, the ProQuest thesis

catalogue, and Google. The second step of the literature review required sorting

through the documents that were found during step one in order to select the most

relevant documents. The final step involved the analysis of 34 documents dealing

Page 217: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

215

with the professional integration of immigrant teachers. The vast majority of these

documents originated in English speaking countries. Table 1 summarizes their

general characteristics.

TABLE 1. The corpus

Document

Types Location

Research

types

Data collection

techniques

21 scientific

articles

(18 with

research

results)

Ontario (7)

Manitoba (2)

Quebec (1)

Australia (4)

United States

(3)

Israel (4)

Quantitative

(4)

Qualitative

(14)

Observations

Questionnaires

Interviews

Focus groups

Documentary

analysis

5 professional

articles

Ontario

Québec

— Surveys

Opinions

2 Research

reports

UK

United States

Quantitative Questionnaires

Interviews

1 Media

article

Québec — —

1 Chapter in

an edited

volume

Ontario Qualitative Interviews

2 Doctoral

theses

Ontario

Manitoba

Qualitative

Quantitative

Interviews

Observations

Questionnaires

Page 218: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

216

2 Information

brochures

available on

the Internet

Quebec

Israel

— —

This review of literature shows very few studies on immigrant teachers’ professional

integration, and especially in French-speaking areas of the world. The studies are

generally based on the Community of Practice (COP) framework as it is considered

useful in the study of adaptation and integration of immigrant teachers. Several

aspects of the COP are investigated: legitimate peripheral participation, adjustment to

established social norms, institutional structures, sociocultural adjustment, identity

and resilience. From the 34 documents reviewed, there are two doctoral theses and

eight documents which pertain more to the professional community and general

public than to the scientific. Among the scientific literature gathered, most present

qualitative studies (17/21). From these, six were undertaken with merely three to six

participants. Furthermore, the six quantitative studies reviewed do not give a general

portrait of the situation of immigrant teachers, as they are limited to a specific school

district or to participants from a specific university training program for immigrant

teachers. Moreover, two of these quantitative studies involved only a small number of

participants (34 to 110), and thus do not offer an overview of the situation. However

interesting all of these results are, they do not lead to a general understanding of the

immigrant teachers’ integration. Finally, the results do not reflect the migratory

journey of the group studied, thus shedding little light on the factors that could have

influenced their socioprofessional integration in their new school environment.

Nevertheless, the analysis of these studies shows the many challenges immigrant

teachers face in the schools of their new country.

A content analysis procedure (Mucchielli, 1979; Bardin, 2007) was used on the

selected documents. This procedure was chosen because it facilitates consultation of

information in documents and isolation of their meaning. As each document was

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217

read, relevant passages regarding the research topic were noted. The information from

relevant passages was then divided into “coded segments” (Mucchielli, 1979; Bardin,

2007). After the coding, the “coded segments” were classified into themes and sub-

themes.

RESULTS

Two main themes emerged from the chosen documents dealing with professional

integration of immigrant teachers: professional integration problems specific to

immigrant teachers, and factors favourable to their professional integration into the

school system.

Professional integration problems specific to immigrant teachers

According to different studies carried out in North America and elsewhere such as

Israel and Australia, immigrant teachers face the following difficulties: 1) problems

related to employment; 2) problems linked to professional integration into the school

culture and into the teacher team; 3) problems related to non-recognition of

competencies previously acquired in their countries of origin; and 4) problems related

to the teaching task, particularly those related to teaching practice and classroom

management.

Problems related to access to employment. Immigrant teachers have difficulty

accessing employment in their host country. Most of them have acquired extensive

experience in their countries of origin, but because of the different teaching systems,

many obstacles hinder their access to employment. Whether it is in Canada (Deters,

2006; Schmidt, 2010), the United States (Ross, 2001) or Australia (Reid, 2005), a

high level of unemployment and under-employment among immigrant teachers was

observed. As stated by Schmidt, Young and Mandzuk (2010), most immigrant

teachers faced two major obstacles to resuming their career in their host country. The

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218

first obstacle was the difficulty in gaining access to the required training leading to

temporary or permanent teacher certification, and the second the finding of

employment once certification was obtained.

Access to employment requires a teaching permit, which implies long and expensive

procedures (Allard, 2007; Phillion, 2003). In Ontario, Phillion (2003) explored

obstacles to employment encountered by five visible minority immigrant teachers.

This study showed that in addition to lengthy procedures, the teachers found it

difficult to pay the $250 required for obtaining equivalencies for their diplomas. In

fact, most immigrant teachers were under-employed while waiting for employment as

teachers, earning only minimum wage that did not allow them to save the money

required to obtain equivalency for their diploma.

Phillion (2003) also showed that once the fees could be covered the immigrant

teachers were able to secure a temporary teaching permit. However, access to

employment still remained difficult because it required experience in Canada and a

letter of reference from a Canadian school principal (Beynon, Ilieva & Dichoupa,

2004; Deters, 2006; Jamieson & McIntyre, 2006; McIntyre, 2004; Phillion, 2003;

Schmidt, Young, & Mandzuk, 2010). According to Phillion, Canadian teaching

experience is compulsory even for supply teaching. He also indicated that a letter of

recommendation was required merely to obtain an interview with a school counsellor.

For this reason, immigrant teachers believed that volunteering represented the best

way to gain teaching experience. Nevertheless, several of these teachers found it very

difficult to find a school that would give them an opportunity to prove themselves

(McIntyre, 2004; Phillion, 2003). All things considered, one must question the logic

that requires immigrant teachers to have professional experience in Canada when

these same individuals are not allowed the opportunity to acquire it. Furthermore, in

Manitoba, Schmidt (2010) and Schmidt, Young and Mandzuk (2010) pointed out that

systematic discriminatory hiring practices are some of the main obstacles faced by

immigrants who want to resume their teaching career. Schmidt (2010) also noted that

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219

over-qualification could have an additional negative impact on their chances of

obtaining teaching employment. As an example, one research participant explained

that her personal strategy for increasing her chances of gaining employment was to

conceal the fact that she had a Master’s diploma and extensive teaching experience.

She believed that her native country diploma and experience could decrease her

chances of being hired because of the higher salary that she was entitled to.

Problems of access to employment could also be attributed to linguistic and cultural

barriers (Beynon, Ilieva, & Dichoupa, 2004; Cruickshank, 2004; Elbaz-Luwisch,

2004; Maureen, 1992; Gordon, 1996; Hutchison, 2005; Myles, Cheng, & Wang,

2006; Phillion, 2003; Reid, 2005; Remennick, 2002; Schmidt, 2010). Not mastering

the language and the culture of the country could hamper access to employment

(Dakin, 1971). For example, the participants in a study led by Elbaz-Luwisch (2004)

involving immigrant teachers in Israel related that they would show inappropriate

teaching behaviour because of their lack of understanding of the language and the

cultural code of teaching practices. Immigrant teachers from Russia who participated

in the Remennick (2002) study in Israel admitted that their main reason for leaving

the teaching profession was their lack of mastery of Hebrew, the teaching language of

Israel. In Quebec, the French language test could be an obstacle for gaining access to

employment for many immigrant teachers (Lefebvre, Legault, & De Sève, 2002). In

Ontario, the immigrant teachers who were involved with the Myles, Cheng and Wang

(2006) study stressed how they were perceived to be very different from the others

because of their accent. Participants in the Phillion (2003) study in Ontario deplored

the fact that they could not pass the oral language test because of their accent and lack

of fluency in English. In the United States, one participant in Gordon’s (1996) study

mentioned that she was refused employment because of her accent. One participant in

Hutchison’s (2005) research underwent language training to reduce her accent

because the parents of the children in her class were concerned about the effect of her

accent on their children’s education. In Australia, the immigrant teachers who

participated in the Cruickshank (2004) study said that they lost confidence in

Page 222: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

220

themselves because of their lack of mastery of English, the language of instruction.

Hutchison (2005) also noted the language barrier could limit their ability to teach

effectively and to offer culturally based examples. Others said that they felt inferior

because of their Russian accent in Israel (Remennick, 2002). Schmidt (2010)

suggested that in order for immigrant teachers to succeed in their professional

integration they needed additional community support to adapt to their new cultural

and linguistic environment.

Finally, the requirement to re-train for the necessary credits in order to earn the

official Teaching Permit strongly hindered immigrant teachers’ professional

integration (Beynon, Ilieva, & Dichoupa, 2004; Maureen, 1992). In fact, their

financial vulnerability due to the cost of their university studies made balancing

family, work and study responsibilities more difficult for many immigrants (Gordon,

1996; Phillion, 2003; Schmidt, 2010; Schmidt, Young, & Mandzuk, 2010).

Furthermore, certain immigrant teachers found that they were not guaranteed a

teaching position even when they had obtained proper certification (Maureen, 1992).

Going back to school could appear discouraging for certain immigrant teachers who

doubted their own ability to successfully complete their studies (Cruickshank, 2004;

Gordon, 1996).

This concludes the analysis of the first type of problem, the different obstacles faced

by immigrant teachers while attempting to obtain employment and integration into

the profession. The second type of problem involves difficulties of professional

integration into the school culture as well as integrating into networks of other

teachers at a school.

Problems linked to professional integration into the school culture and the teacher

network. Even though most immigrant teachers already have teaching experience,

they must integrate into a new school system and a new culture. This requires, as

beginners do, an open environment with colleagues that are willing to cooperate, thus

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221

helping them integrate easily into the school culture. Unfortunately this does not

appear to be the case for most immigrant teachers. Different studies on this topic in

Canada, Israel and Australia emphasized the fact that often these teachers faced great

difficulties establishing positive relations and collaboration with their colleagues as

well as with the school administration (Bascia, 1996; Myles, Cheng, & Wang, 2006;

Phillion, 2003; Reid, 2005; Remennick, 2002).

In Bascia’s (1996) Ontario study investigating immigrant teachers from visible

minorities, the participants deplored not only the fact that their conversations with

their white colleagues remained superficial, but also reported feeling socially isolated

at the school. The results of Wang’s (2003) doctoral thesis on cultural dissonance and

the adaptation of immigrant teachers of Chinese origin in Ontario showed similar

findings. All the participants reported that they felt isolated from their Canadian

colleagues, were left on their own and did not receive support during their first year

of work. Some said they experienced many different types of frustrations, while

others related that this period was marked by anxiety, stress and pressure. These

teachers also deplored the distance, indifference and mistrust of the school

administration towards them.

In Israel, certain participants in Remennick’s (2002) study reported having conflicts

with their Israeli colleagues. The teaching personnel of Russian origin perceived that

their Israeli colleagues considered them a threat to their jobs and kept a distance.

Furthermore, these same immigrant teachers claimed that the Israeli teachers did not

want to cooperate with them or develop mentoring relationships with them. These

teachers also emphasized the lack of cooperation on the part of the schools’

counsellors and the students’ parents. The parents often took their children’s side in

the case of conflict with these teachers. These types of parental or counsellor

behaviour only contributed to the increase of these teachers’ feelings of

powerlessness when interacting with difficult students (Remennick, 2002). Peeler and

Jane’s (2005) Australian research on the importance of mentoring during the

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222

professional transition of immigrant teaching personnel reported that one participant

ascertained that a failed relationship with her mentor had affected her relations with

the other members of the teaching personnel.

In Canada and the United States, problems of racism and discrimination faced by

some immigrant teachers hindered the success of their integration. Phillion (2003)

notes that some teachers reported that their Ontario colleagues refused to speak to

them in the staff room and this same behaviour sometimes occurred in the classroom

during their practicum with the supervising teacher. Moreover, Bascia’s (1996) study

emphasized the isolation felt by the visible minority immigrant teachers at school. In

Toronto, some white teachers interviewed in Carr and Klassen’s study (1997)

affirmed that some of their colleagues were racist or had racist tendencies. In

Manitoba, Schmidt (2010) also reported that immigrant teachers often faced

discriminatory practices in the school and university communities. For example, one

school principal who was a research participant deplored the open hostility shown

towards teachers with a strong accent and questioned the real effectiveness of equity

legislation on obvious discriminatory practices in certain schools.

Problems due to lack of recognition of the professional competencies of immigrant

teachers. Some authors (Lenoir-Achdjian, 2005; Reid, 2005) reported that Canadian

immigrant selection policies that took into consideration the immigrants’

competencies and their qualifications facilitated finding a job in their host country.

Most of the immigrant teachers already had university diplomas and extensive

teaching experience acquired in their country of origin. However some authors’

research from the United States (Ross, 2001), Canada (Beynon, Ilieva, & Dichoupa,

2004; Myles, Cheng, & Wang, 2006; Phillion, 2003; Schmidt, 2010) and Australia

(Reid, 2005), found that the immigrant teachers’ existing competencies were not

taken into consideration in the hiring procedures. Consequently they were forced to

begin part, or all of their training again. Furthermore, the retraining did not guarantee

access to employment (Beynon, Ilieva, & Dichoupa, 2004). For example, during a

Page 225: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

223

period of teacher shortages in Ontario, immigrant teachers who were competent in the

required subject were not hired for a permanent position (Jamieson & McIntyre,

2006). McIntyre (2004) remarked that despite immigrant teachers’ experience and

even certifications, they are more often under-utilized and limited to supply teaching

positions in contrast to their qualified Ontario or Canadian counterparts.

Not only do the immigrant teachers experience difficulties being hired for a teaching

position, they also experience prejudice even when they do succeed. One study in the

United States by Hwang and Baek (2005) related to the perceptions of immigrant

teachers of Hispanic origin with regards to education indicate negative stereotypes

towards them from the broad US population, prejudices, and a high level of

expectation regarding their competency. In Canada, immigrant teachers from a visible

minority were also victims of prejudice. In Mujawamariya’s (2008) study, black

immigrant students reported that both the administration and their colleagues doubted

their capability to teach science. In addition, according to Mujawamariya (2008) and

Wang (2003), the administration and their colleagues were less open to immigrant

teachers than to other Canadian teachers. As immigrant teachers they were required to

spend more time and energy in order to conform and to be accepted. According to

Mujawamariya (2008), these prejudices appear to further inhibit the teachers’

professional integration into their teaching careers and their contribution to scientific

knowledge.

Carr and Klassen’s (1997) Toronto study showed that visible minority teachers held

positions that were of inferior status to those of their white colleagues. In another

research study in Israel by Michael (2005), comparing Israeli born teachers to those

of Russian origin, the results seemed to indicate that the immigrant teachers showed

lower membership in professional organizations, participated with less frequency in

decision-making concerning their school, assumed fewer positions of responsibility

and participated less often in continuing education than their Israeli counterparts. This

author suggested that integration of immigrant teachers was not a central priority in

Page 226: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

224

the everyday affairs of Israeli school establishments. He argued that these teachers

encountered not only systematic barriers that prevented them from becoming full time

classroom teachers, but also that they were victims of an exclusion mechanism which

restricted access to positions of responsibility and limited their influence in school

decision making. In fact, according to the research results, immigrant teachers were

not perceived as good educators, and were thus seen as incapable of transmitting the

dominant culture.

Problems linked to the teaching task. The first problem is related to teaching

practices. Because teaching philosophies can vary from one country to another,

immigrant teachers must often face problems adapting to the teaching model that is

applied in their host country (Cruickshank, 2004; Dakin, 1971; Gordon, 1996;

Hutchison, 2005; Myles, Cheng, & Wang, 2006; Wang, 2003; Seah, 2005). For

example, Wang (2003) notes that immigrant teachers of Chinese origin in Toronto

felt disoriented after observing the differences in teaching approaches in Toronto

schools. In China, the school supplied everything, whereas in Toronto, the teachers

were responsible for procuring and managing their teaching materials on their own.

Furthermore, the teachers found that they must be creative and self-reliant in order to

find the appropriate materials to teach with, while in China teaching materials were

standardized. The teachers also experienced problems with the role they had to play

in the classroom. They were used to transmitting textbook knowledge and found it

difficult to change from the role of transmitting knowledge to that of facilitating

learning. The teachers also brought to light problems related to student assessment.

Similar findings were also reported in other studies: Myles, Cheng and Wang (2006)

in Ontario, Cruickshank (2004) in Australia, Elbaz-Luwisch (2004) in Israel and

Gordon (1996) in the United States. The immigrant teachers who participated in these

studies felt they had to change their beliefs and teaching practices, in order to adapt to

the new teaching system.

Page 227: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

225

The second problem is related to classroom management. Whether in Canada or the

United States, the immigrant teachers were required to manage multicultural or multi-

ethnic classrooms with children from different socio-economic backgrounds which

might pose problems for the immigrant teachers who were faced with this “diversity”

for the first time (Gordon, 1996). The situation was similar in Israel. Consequently,

certain immigrant teachers who participated in the Elbaz-Luwisch study (2004)

reported that their first year teaching was difficult. When the students insulted them,

the school administration made no effort to reconcile the two parties. Remennick’s

(2002) study in Israel confirmed the situation: immigrant teachers of Russian origin

declared that they had to work very hard to gain respect and the students’ attention.

They added that instilling discipline took a lot of time and affected the effectiveness

of their teaching. They remarked that there was a notable lack of discipline in the

multi-ethnic classrooms and in schools with children from disadvantaged

neighbourhoods. Furthermore, the study showed that immigrant teachers were often

given the most difficult classes and that the Israeli-born teachers avoided these types

of classes.

Findings related to classroom management problems were also reported in Wang’s

(2003) thesis. Immigrant teachers of Chinese origin in Ontario claimed they had to

work hard to gain the respect of the children, and faced undisciplined behaviour, lack

of respect and disobedience from the children. Furthermore, these teachers

encountered the difficulty of establishing lasting and strong relationships with their

students. Another malaise sensed by the immigrant teachers was the students’ lack of

confidence in their teaching ability. This resulted in the students intentionally testing

the limits of their teachers. This situation is noted in Elbaz-Luwisch’s (2004) and

Remennick’s (2002) studies in Israel as well as that of Reid (2005) in Australia.

In the United States, immigrant teaching personnel encountered the same types of

problems regarding the teacher’s role and power. Gordon (1996) also emphasized that

immigrants do not apply for teacher training because they find the role and power of

Page 228: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

226

the teacher is not the same as that of their countries of origin. In fact, in some

countries where education is not considered a human right for all, teachers benefited

from high esteem and are viewed as persons who can have a significant effect on the

child’s future. On the other hand in the United States where education is considered

to be an undeniable right, the teacher has no hierarchical status (Gordon, 1996). For

immigrant teachers who are not used to this mode of operation and who would like to

impose their old habits, gaining respect from the students proves to be quite a

challenge. For example, one participant in Hutchison’s (2005) research in the United

States related that she had received an official note from the school administration

saying that her contract would not be renewed if her classroom management

competencies were not improved.

We have just demonstrated that immigrant teachers’ encountered difficulties with

professional integration are quite similar from one country to another. The following

points address the different initiatives that favour access to employment and

integration into the school team.

Initiatives to enhance the professional integration of immigrant teachers

Access to employment. Ontario has instigated administrative procedures aimed at

improving immigrant teachers’ integration into the mainstream (Bascia, 1996; Ordre

des enseignantes et enseignants de l’Ontario (Ontario College of Teachers), 2004).

According to the Ordre des enseignantes et enseignants de l’Ontario (Ontario College

of Teachers) (ibid.), certification of immigrant teachers is among their top priorities.

In 2004, Ontario’s Ministry of Training, Colleges and Universities injected 1.9

million dollars into a project to help foreign-trained teachers acquire certification in

order to teach in Ontario schools. This project’s mission was to support immigrants in

their process of certification, to facilitate learning English and French, to offer a

bilingual website where they can find teaching and social resources and to facilitate

networking, etc. Queen’s University has also started a teaching program for

immigrant teachers trained abroad to aid them in gaining competency and the

Page 229: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

227

necessary knowledge for their professional integration into Ontario schools. Schmidt,

Young and Mandzuk (2010) reported that a similar program was put in place at the

University of Manitoba’s Faculty of Education. This program was set up to facilitate

immigrant teacher training up until their re-certification. The Ministry of

Employment and Immigration offered financing to cover the tuition fees for teachers

participating in this program. These immigrant teachers also received supplementary

funding to cover subsistence and childcare fees during their university studies.

In the United States certain training programs take into account the needs of

immigrant teachers in order to reconcile work and studies (Ross, 2001). In some

school districts, the community and the university work together in close

collaboration to select and direct candidates towards the program. These teachers

followed part-time courses during three semesters in a program spanning two years to

allow them to continue working and to support their families. Similar programs exist

in Australia (Cruickshank, 2004) where immigrant teachers follow a two-year course

aimed at gaining the necessary competencies to qualify them to teach in Australian

schools. In Israel, the new immigrant teachers’ training lasts 10 months. Depending

on the type of diploma, they are required to take fewer courses and therefore become

certified in a shorter period of time. Experience acquired abroad is also taken into

consideration, and teachers with proof of teaching experience receive seniority

benefits (Ben-Chétrit, 2003).

This analysis has described various countries’ initiatives to facilitate professional

integration of immigrant teachers. However, these initiatives still seem limited in

order to adequately address the different obstacles to certification faced by immigrant

teachers. Moreover, these studies have already shown that despite the fact that even

when these teachers become certified in their areas of expertise, access to and

procurement of employment remains difficult to obtain. When they were employed,

immigrant teachers were confined to unreliable teaching positions without job

security even during a teacher shortage. Additionally, it appears that their

Page 230: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

228

competencies were continually put to the test in order for them to gain acceptance as

a bona fide teacher.

Integration into the school culture and into the team of the other teachers. The key

factors contributing to the process of professional integration of immigrant teachers

emphasized by most authors were the quality of the reception and collaboration

(Elbaz-Luwisch, 2004; Myles, Cheng & Wang, 2006; Remennick, 2002; Deters,

2006); support given by the administration and their colleagues; mentorship

relationship (Peeler & Jane, 2005; Deters, 2006) and acceptance from the school

community and the students’ parents (Deters, 2006).

Some examples that illustrate these findings involve the immigrant teachers who

participated in the Deters (2006) Ontario study that emphasized how effective help

given by the mentor and the administration supported their success. They also

reported that the level of acceptance by their colleagues along with the many

opportunities for and types of cooperation available enabled them to gain access to

the proper resources. These include social resources such as connecting with and

receiving advice from other experienced colleagues, or finding out about concrete

resources such as teaching materials. These strategies facilitated their integration into

the school team of teachers and contributed to the success of their teaching practice

and the development of their teaching competencies. A school community that

already employed teachers from different cultural backgrounds was also a means of

support. It facilitated their successful integration into the workplace, especially

because their colleagues were conscious of the difficulties the immigrant teachers

were going through on a cultural and linguistic level and everyone worked together to

support their integration.

In Australia, the Peeler and Jane (2005) study of the mentorship experience revealed

that immigrant teachers who benefited from a mentor relationship succeeded in their

cultural and professional transition by developing a feeling of belonging in the

Page 231: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

229

community and also a professional identity. Furthermore, the study showed that the

mentorship experience facilitated the development of the necessary knowledge and

competencies to teach in their new work environment. These teachers said themselves

that their mentors facilitated their contact with the other teachers, which in turn

favoured cooperation with their colleagues.

In Quebec, the Laval School Board offered three workshops to support the

professional integration of recently immigrated teachers (Carrefour national de l’IP

en enseignement (CNIPE), 2008). These teachers first took part in an inter-cultural

workshop aimed at facilitating their socio-cultural transition. Next they were

familiarized with the realities and characteristics of the school culture and the

multicultural teaching context and Quebec youth, and finally received practical

training related to developing competencies in student discipline, classroom

management and student-centred learning. All these training elements were focused

on facilitating integration of recently immigrated teachers. However, no research

relating the effect of these workshops on their professional integration has yet been

carried out. Information has yet to be found on what has been done to help integrate

this category of teachers in other school boards.

DISCUSSION AND CONCLUSION

This literature review has shown that immigrant teachers are being considered more

and more as precious resources, both to fill the needs of the workforce and to

contribute to multicultural education and the school-integration of students of

immigrant families. However studies carried out in Canada and a number of other

countries in the West show that there is still work to be done in order to support this

professional integration. Despite certain initiatives taken to help these teachers,

access to employment remains difficult and few specific measures have been adapted

to address the specific obstacles that they must face. As an example, these measures

should sufficiently take into account the existing systemic, sociological and cultural

barriers. Concepts such as migration routes, socio-cultural transition, acculturation,

Page 232: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

230

comparative education and relation to knowledge should all contribute to in-depth

consideration and reflection on the support of professional integration for immigrant

teachers. It is understood that despite the successful initiatives for the integration of

immigrant teachers, success also depends on the openness and cooperation of the

school administration, the school team and all the members of the community.

Unfortunately, it appears from the analysis done that no initiative has been

undertaken in these directions. This necessarily hinders the success of immigrant

teachers’ professional integration since these factors can lead to a lack of motivation

and the abandoning of the teaching profession (Portelance, Martineau, & Vallerand,

2007).

In fact, career commitment and continuation are influenced by the contribution of the

school administration as well as colleague support (Comité d’orientation de la

formation du personnel enseignant (COFPE), 2001). The school boards and the

schools that hire immigrant teachers could gain from adopting clear procedures for

their social and professional integration in order to fully benefit from what these

teachers have to offer and consequently foster student success (Martineau &

Vallerand, 2007).

In conclusion, obstacles hindering professional integration of immigrant teachers

have been brought to light by this review as well as procedures that can enhance their

integration. However, it would be necessary to reinforce and increase these

procedures if this integration is to be effective. This literature review highlighted the

small number of studies dealing with the integration of immigrant teachers, more

particularly in Quebec and in other francophone communities. It also showed that no

study has yet been undertaken in Quebec with the intent to examine the state of

professional integration of recently immigrated teachers. It thus seems appropriate to

explore this avenue in order to shed more light on the situation of these teaching

personnel in Quebec.

Page 233: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

231

NOTE

These conditions require successful completion of the following: a) the Quebec

French Language Exam that is compulsory as of September 1st 2008; b) the

equivalent of 12 course credits in Education of which 6 credits are in teaching

didactics, that is the art of teaching in their area of specialisation, plus 3 credits in

evaluation of learning; c) the equivalent of 3 credits in special education (different

techniques regarding handicapped students, and students with learning difficulties

and problems adapting to the system); d) a university level course outlining the

Quebec teaching system; e) a teaching practicum that demonstrates that they are able

to teach in the Quebec school system.

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236

2. DEUXIÈME ARTICLE : L’EXPÉRIENCE DE TRANSITION

PROFESSIONNELLE DES ENSEIGNANTS DE MIGRATION RÉCENTE

AU QUÉBEC

Aline Niyubahwe, Joséphine Mukamurera et France Jutras

Université de Sherbrooke

Référence : Niyubahwe, A., Mukamurera, J. & Jutras, F. (2014). L’expérience de

transition professionnelle des enseignants de migration récente au Québec. Revue

canadienne de l’éducation, 37(4), 1-32.

Résumé

Cet article présente les résultats d’une recherche qualitative qui vise à décrire et à

comprendre l’expérience de transition professionnelle des enseignants de migration

récente au Québec. L’analyse phénoménologique des données recueillies au moyen

d’entrevues semi-dirigées auprès de 13 enseignants de migration récente œuvrant à

Montréal et à Sherbrooke montre que ces enseignants font face à des défis

d’adaptation au nouvel environnement socioculturel et à des difficultés d’intégrer la

profession enseignante au Québec. Lorsqu’ils trouvent du travail, aucune mesure

formelle d’accueil ou d’accompagnement n’est mise en place pour faciliter leur

intégration. Cependant, la maîtrise du français, diverses stratégies d’adaptation et le

soutien de l’équipe-école constituent des facteurs favorables à leur transition

professionnelle.

Mots-clés : adaptation, enseignant immigrant, enseignant de migration récente,

intégration, transition professionnelle.

Page 239: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

237

Abstract

The paper presents the results of a qualitative study intended to describe and

understand the professional transition experience of teachers who recently

immigrated to Quebec. The phenomenological analysis of the data collected through

semi-structured interviews with 13 recently immigrated teachers working in Montréal

and Sherbrooke provides evidence that these teachers face challenges in their

adaptation to their new sociocultural environment and difficulties to access teaching

jobs. Those who do find a teaching job do not have access to a reception or coaching

service to help their integration. However, the ability to speak French, various

adjustment strategies, and support from school community are positive factors in their

professional transition.

Key words : adaptation, immigrant teachers, integration, professional transition,

recent immigrant teachers.

Introduction

De nombreux immigrants qualifiés, c’est-à-dire «des immigrants indépendants

choisis pour contribuer à l’économie grâce à leur instruction, à leurs compétences et à

leur formation» (Becklumb, 2008, p. 18) s’installent au Canada. Peu importe leur

profession, leur parcours d’insertion dans les milieux de travail comprend plusieurs

étapes qui peuvent se révéler difficiles. La recherche présentée porte sur les

enseignants de migration récente (EMR), c’est-à-dire des enseignants qui ont une

formation et une expérience d’enseignement dans leur pays d’origine et qui résident

depuis moins de dix ans au Québec.

Page 240: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

238

L’embauche d’enseignants immigrants n’est pas un phénomène nouveau au

Québec. Cependant, depuis l’assouplissement des conditions d’accès à

l’enseignement pour faire face à la pénurie d’enseignants, les EMR accèdent de plus

en plus à la profession enseignante. Selon les données internes du ministère de

l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS), environ 3 000 autorisations d’enseigner

ont été décernées à cette catégorie d’enseignants entre 1998 et 2009, et plus de la

moitié d’entre eux (1 771) ont obtenu un emploi dans des commissions scolaires

(Martel, octobre 2010)i. Leur transition professionnelle ne saurait se faire sans heurts,

car ils intègrent à la fois une nouvelle société, un nouveau marché du travail et un

nouvel environnement scolaire. Notre recherche porte précisément sur la transition

professionnelle de ces EMR.

Traiter de la transition professionnelle des EMR présente un intérêt social et

scientifique. Au plan social, ils comblent des besoins de main-d’œuvre et ils

apportent une contribution à l’intégration scolaire des enfants issus de l’immigration

et à l’éducation multiculturelle (Deters, 2006; Phillion, 2003). Dans la région de

Montréal, l’effectif des élèves issus de l’immigration peut atteindre 90 % dans

certaines écoles (Benes & Dyotte, 2001). Une transition professionnelle adéquate des

EMR serait donc primordiale pour la réussite de ces enfants (Lefebvre, Legault, & De

Sève, 2002). Au plan scientifique, une recension des écrits (Niyubahwe,

Mukamurera, & Jutras, 2013) révèle le peu de connaissances disponibles sur le vécu

de ces enseignants dans le monde francophone en général et au Québec en particulier,

où aucune recherche empirique scientifique n’a encore été réalisée. Les études faites

ailleurs au Canada et en Occident montrent que les enseignants immigrants peuvent

être confrontés à de nombreux défis et difficultés (Niyubahwe, Mukamurera, &

Jutras, 2013). En conséquence, notre recherche vient donc à point nommé et a pour

but de décrire et de comprendre en profondeur l’expérience de transition

professionnelle des EMR au Québec. Pour ce faire, l’approche qualitative

phénoménologique a été retenue pour la collecte et l’analyse des données.

Page 241: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

239

Problématique de la recherche

Depuis les années 1980, les conditions d’insertion professionnelle (IP) en

enseignement au Québec se sont détériorées, notamment en raison de la précarisation

persistante du travail enseignant et des tâches difficiles souvent confiés aux nouveaux

enseignants (Mukamurera, Bourque, & Gingras, 2008). Ces conditions difficiles

peuvent entrainer des répercussions négatives sur leur bien-être, la qualité de leur

enseignement et parfois compromettre la poursuite de leur carrière (Karsenti, Collin,

& Dumouchel, 2013). Précisons toutefois que les recherches ne font pas de

distinction entre les nouveaux enseignants formés au Québec et ceux formés à

l’extérieur. La situation particulière des enseignants immigrants au Québec demeure

inconnue. Une recension exhaustive des écrits (Niyubahwe, Mukamurera, & Jutras,

2013) fait ressortir certains éléments qu’il importe de présenter à propos de l’IP des

enseignants immigrants dans les pays d’accueil : les difficultés d’IP spécifiques aux

enseignants immigrants et les éléments favorables à leur insertion.

Les difficultés d’insertion professionnelle

Indépendamment des difficultés d’adaptation au rôle professionnel des

enseignants immigrants, leur IP est caractérisée par des difficultés d’accès à l’emploi

et des difficultés d’intégration à la culture de l’école et à l’équipe-école.

Les difficultés d’accès à l’emploi. Les études réalisées au Canada, aux États-

Unis et en Australie révèlent que les enseignants immigrants connaissent un taux

élevé de chômage et de sous-emplois (Niyubahwe, Mukamurera, & Jutras, 2013). En

Ontario, une étude réalisée par Phillion (2003) auprès de cinq femmes immigrantes de

minorités visibles suivant un programme de certification à l’enseignement met en

évidence différents obstacles à leur accès au travail enseignant. D’abord, le processus

d’évaluation comparative des diplômes est long et parfois très cher quand les

documents doivent être traduits. Certaines enseignantes ont d’ailleurs eu de la

difficulté à couvrir les frais exigés pour l’évaluation de leurs diplômes. Une fois

Page 242: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

240

l’équivalence des diplômes obtenue, elles ont dû suivre des cours pour obtenir le

brevet d’enseignement et parfois des cours supplémentaires pour se qualifier à deux

niveaux d’enseignement comme cela est exigé en Ontario. Cependant, une fois les

cours obligatoires réussis, l’accès à l’emploi constitue un autre défi.

D’autres recherches soulignent que pour un travail d’enseignant, une

expérience canadienne et une lettre de recommandation d’un directeur d’école sont

requises (Deters, 2006; Phillion, 2003). Dans le cas des enseignants immigrants, cela

pourrait être identifié comme une forme de discrimination systémique à l’embauche.

À cet égard, l’étude de Schmidt (2010) au Manitoba, effectuée auprès de 20

enseignants immigrants et de 23 intervenants issus des différents organismes

impliqués dans le processus d’intégration des enseignants immigrants, révèle que la

discrimination systémique à l’embauche constitue l’un des principaux obstacles à

l’intégration des enseignants immigrants. Cette étude montre que certaines directions

d’école sont réticentes à embaucher des enseignants immigrants malgré les messages

de sensibilisation qui viennent des différents programmes visant leur intégration.

Certains intervenants estiment d’ailleurs que la discrimination va rester présente

puisque ces enseignants immigrants sont en concurrence avec les jeunes enseignants

manitobains. Que ce soit au Canada, aux États-Unis ou en Australie, malgré leur

expérience en enseignement, leurs compétences ne sont pas nécessairement prises en

compte lors des procédures d’embauche (Niyubahwe, Mukamurera, & Jutras, 2013).

Pour plusieurs enseignants immigrants, le bénévolat constitue le meilleur moyen

d’obtenir de l’expérience dans le pays d’accueil, mais très peu ont l’opportunité de le

faire (Phillion, 2003).

Les difficultés d’accès à l’emploi peuvent également être dues à des barrières

linguistiques. Les participantes à l’étude de Phillion (2003) rapportent qu’elles

n’arrivaient pas à réussir le test d’anglais oral à cause de leur accent et de leur

manque de fluidité langagière. De même, les enseignants russes interviewés dans

l’étude de Remennick (2002) en Israël ont rapporté que leur principal motif

Page 243: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

241

d’abandon de la profession est la non-maîtrise de l’hébreu, langue d’enseignement en

Israël. Au Québec, le test de français peut aussi constituer un obstacle à l’accès à

l’emploi pour beaucoup d’enseignants immigrants (Lefebvre, Legault, & De Sève,

2002).

Les difficultés d’intégration à l’équipe-école. Les enseignants immigrants

ont besoin d’un milieu ouvert et de collègues qui collaborent pour les aider à réussir

leur intégration. Cependant plusieurs recherches indiquent que ces enseignants ont du

mal à tisser de bonnes relations et à collaborer avec leurs collègues et le personnel de

direction (Niyubahwe, Mukamurera, & Jutras, 2013). Certains font aussi face à du

racisme et à de l’isolement social à l’école. Par exemple, Phillion (2003) rapporte que

les collègues ontariens refusent de parler aux enseignantes immigrantes dans la salle

des professeurs. Les résultats d’autres études faites en Ontario par Bascia (1996) et

Wang (2003) vont dans le même sens.

Les éléments favorables à la transition professionnelle des enseignants

immigrants

Au niveau de l’accès à l’emploi. En raison de l’accroissement du nombre

d’enfants issus de l’immigration et de la grande diversité qui en résulte dans les

écoles, les gouvernements de certains pays comme le Canada, les États-Unis et

l’Australie considèrent que le corps professoral doit refléter cette diversité (Bascia,

1996; Phillion, 2003; Ross, 2001). Des mesures visant à faciliter la certification des

enseignants immigrants ont été mises en place. En Ontario, par exemple, un

programme de formation universitaire pour enseignants immigrants formés à

l’étranger est offert pour les aider à acquérir les compétences et les connaissances

nécessaires au travail dans les écoles ontariennes. Des programmes similaires existent

en Australie et aux États-Unis. Au Québec, les enseignants immigrants qui obtiennent

un permis d’enseigner et occupent un emploi doivent compléter une formation de 15

crédits (Gouvernement du Québec, 2014).

Page 244: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

242

Au niveau de l’intégration au milieu du travail. Les écrits montrent

l’importance de l’accueil, de la collaboration, du soutien et de l’acceptation par la

communauté scolaire et les parents d’élèves pour la réussite de l’intégration des

enseignants immigrants (Niyubahwe, Mukamurera, & Jutras, 2013). En Ontario,

Deters (2006) a mené une étude auprès de 32 enseignants immigrants du primaire et

du secondaire pour mettre en évidence les facteurs de réussite par rapport au

processus d’acculturation et d’intégration professionnelle. Les résultats montrent,

d’une part, que l’aide apportée par un mentor et le soutien de la direction permettent

de surmonter les difficultés et, d’autre part, que l’accueil et la collaboration des

collègues sont nécessaires pour accéder aux ressources sociales et matérielles. De

plus, l’acceptation de la part de la communauté scolaire et des parents, ainsi que le

fait de travailler dans un milieu où le personnel enseignant est culturellement

diversifié, facilitent l’acculturation et l’intégration professionnelle. Enfin, l’ouverture

des enseignants immigrants à apprendre la langue et la culture du pays d’accueil et

leur volonté de participer avec les autres à la communauté scolaire contribuent

favorablement à leur intégration.

Les différentes initiatives pour faciliter l’IP du personnel enseignant

immigrant demeurent limitées. Elles visent surtout à faciliter la certification des

enseignants immigrants, mais l’intégration en emploi et au milieu du travail peut

demeurer difficile. Considérant l’absence de recherches au Québec sur l’entrée en

carrière des EMR, l’objectif de cet article est de décrire et de comprendre

l’expérience de transition professionnelle de ces enseignants. Dans la section qui suit,

nous définissons les concepts de transition et de parcours migratoire, ainsi que les

concepts connexes d’adaptation, d’intégration et d’acculturation.

Page 245: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

243

Clarification conceptuelle

Le concept de transition est au cœur de notre recherche. Toutefois dans le cas

des EMR, la transition est indissociable de leur parcours migratoire et implique des

processus d’adaptation, d’intégration et d’acculturation (Abou, 1990; Legault &

Fronteau, 2008; Simon, 2000).

Le concept de transition

Les EMR quittent leurs pays pour venir s’établir au Québec. Dès leur arrivée

dans la société d’accueil, ils vivent les effets du changement sur les plans culturel,

social et professionnel : ils sont en processus de transition. Bridges (1995) définit la

transition comme «un processus intérieur que l’on traverse émotionnellement pour

digérer le changement» (p. 76). Vécue différemment selon les individus, la transition

dure plus longtemps que le changement, car l’individu doit prendre le temps

nécessaire pour s’adapter.

Bridges (2006) écrit que l’être en transition vit une période de deuil. N’ayant

plus accès à son environnement affectif et social qui lui conférait une identité, il doit

faire le deuil de ses anciens repères et automatismes afin de s’investir dans

l’apprentissage des codes de sa nouvelle société. Il traverse une période de doute,

d’incertitude, car il «se trouve entre deux façons de faire et d’être, l’ancienne

désormais perdue et la nouvelle qui reste à trouver» (Bridges, 1995, p. 196). Il peut se

sentir fragile et vulnérable puisque les «repères familiers du passé disparaissent et le

profil des assises nouvelles se distingue à peine» (Simon, 2000, p. 252). Il éprouve de

la confusion, de la désorientation, de l’incompréhension, de la désillusion et de la

solitude (Bridges, 2006). Pour s’en sortir, il doit laisser aller ses anciens repères pour

en acquérir des nouveaux. En s’imprégnant de la nouvelle culture et des nouvelles

façons de faire, il commence à «se sentir à l’aise dans le monde tel qu’il est et à

stabiliser son identité en conformité avec les nouvelles conditions» (Bridges, 2006, p.

196). Toutefois, il reste encore des efforts à fournir, notamment pour prendre racine

Page 246: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

244

dans le nouvel environnement, pour nouer des liens avec de nouvelles personnes,

pour développer sa crédibilité et son appartenance au nouveau milieu (Simon, 2000).

Ce concept de transition aide à appréhender les défis auxquels les EMR sont

confrontés dans leur nouvel environnement social, culturel et professionnel.

Le parcours migratoire

Étudier la transition implique de tenir compte du passé et de l’avenir qu’elle

relie (Simon, 2000), c’est-à-dire le parcours migratoire. Le parcours migratoire

constitue l’ensemble des phases que franchissent les immigrants depuis leur pays

d’origine jusqu’à leur installation dans le pays d’accueil. Il comprend les phases pré-

migratoire, migratoire et post-migratoire. Les circonstances de la migration étant

propres à chacun, la façon dont les immigrants vivent les différentes phases aura des

répercussions sur leurs processus d’intégration dans la société d’accueil (Legault &

Fronteau, 2008).

La phase pré-migratoire est la période où l’immigrant ou le réfugié réside

encore dans son pays d’origine. Des raisons économiques, politiques ou sécuritaires

peuvent motiver le départ ou l’exil (Vatz-Laaroussi & Rachedi, 2003) et l’expérience

de transition en sera marquée. La phase migratoire constitue la période où le migrant

quitte son pays. L’obtention du visa de résident permanent permet aux immigrants

économiques de quitter tranquillement leur pays pour le nouveau pays de résidence.

Une trajectoire de fuite caractérise celle des réfugiés. Lors de la phase post-

migratoire, les immigrants s’installent dans la société d’accueil et vivent les

processus d’adaptation, d’intégration et d’acculturation (Abou, 1990). Ces processus

peuvent marquer leur transition professionnelle.

Le processus d’adaptation

Selon Berry (1997), l’adaptation réfère aux changements qui ont lieu chez

l’individu ou le groupe en réponse aux exigences du nouvel environnement. Legault

Page 247: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

245

& Fronteau (2008) abondent dans le même sens : l’adaptation réfère «au processus

d’interaction entre l’individu (ou le groupe restreint) et le milieu social plus large où

il se trouve, processus où l’individu modifie ses attitudes et comportements afin de

s’insérer dans ce milieu social» (Ibid., p. 46). C’est durant le processus d’adaptation

que les nouveaux arrivants apprivoisent le nouvel environnement. Zhou, Jindal-

Snape, Topping, & Todman (2008) rapportent que l’adaptation est influencée par un

certain nombre de variables, comme le niveau de connaissances générales sur la

nouvelle culture, la durée de résidence dans le pays d’accueil, la connaissance de la

langue, la quantité et la qualité des contacts avec les membres de la société d’accueil,

l’expérience à l’étranger, la distance culturelle, le statut de résidence dans le pays

d’accueil et la formation interculturelle. C’est pourquoi certains individus réussissent

facilement leur adaptation alors que d’autres éprouvent des difficultés (Berry, 1992).

Devant l’inadéquation des codes de références, certains immigrants doivent non

seulement réapprendre tout ou presque toutes les tâches de la vie quotidienne pour

mieux fonctionner dans le nouvel environnement, mais aussi désapprendre certains

codes incompatibles avec le bon fonctionnement (Berry, 1997; Legault & Fronteau,

2008). Ces apprentissages requièrent des interactions et des échanges avec les

membres de la société d’accueil. Toutefois, bien que ces rencontres soient

indispensables à leur adaptation, elles peuvent générer des chocs culturels, car il est

difficile de modifier son cadre de référence (Berry, 1997). Pour survivre aux

différentes épreuves auxquelles ils font face, les immigrants ont besoin d’être

résilients et de développer des stratégies d’adaptation (Zhou, Jindal-Snape, Topping,

& Todman, 2008).

Le processus d’intégration

Ricci (2001) souligne que le concept d’intégration est polysémique. Aucune

définition ne fait consensus (Legault & Fronteau, 2008). Legendre (2005) définit

l’intégration comme un «processus par lequel les immigrés participent à leur société

d’accueil par une activité professionnelle, l’adoption des comportements familiaux et

Page 248: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

246

culturels, l’apprentissage de la langue et des normes de comportement, etc.»

(Legendre, 2005, p. 785). Ricci (2001) considère qu’»Être intégré, c’est participer

totalement à la vie d’une société, c’est en être tout à fait membre. C’est aussi être

reconnu par les autres membres de la communauté nationale comme faisant partie, en

cette même qualité, de celle-ci» (p. 14).

Legault & Fronteau (2008) vont dans le même sens et mettent en relief la

«double dynamique» qui implique la personne immigrante et la société d’accueil, et

qui appelle l’ouverture de part et d’autre. Ces auteures soulignent que l’ouverture

permet aux immigrants d’accepter les remises en question et de développer les

compétences nécessaires afin de vivre harmonieusement dans le pays d’accueil.

L’ouverture leur permet aussi d’atteindre un équilibre sur plusieurs plans, de

s’intéresser aux autres et d’entreprendre des projets d’avenir. L’immigrant qui atteint

cette étape d’ouverture «accepte certaines des valeurs, croyances et idées de la société

d’accueil et les perçoit comme une autre façon de construire la réalité et d’interagir

avec elle» (Legault & Fronteau, 2008, p. 54). Toutefois, l’intégration ne peut être

réussie que si l’immigrant est en relation avec différents acteurs de son nouveau

milieu, et que la société d’accueil est ouverte et inclusive envers la diversité culturelle

(Berry, 1997). L’intégration s’accompagne d’un processus d’acculturation par lequel

«les immigrants adoptent ou refusent certains comportements explicitement ou

implicitement souhaités par le milieu dominant» (Yim, 2000, p. 29).

Le processus d’acculturation

L’acculturation est définie comme «l’ensemble des interférences culturelles

que les immigrés et leurs enfants subissent, à tous les niveaux de l’adaptation et de

l’intégration, par suite de la confrontation constante de leur culture d’origine avec

celle de la communauté d’accueil» (Abou, 1990, p. 129). Selon Legault & Fronteau

(2008), le processus d’acculturation dure longtemps et ne peut être accompli de façon

définitive.

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247

Berry (1997) distingue quatre options d’acculturation en fonction de deux

aspects fondamentaux : le maintien de l’identité culturelle et les liens avec la société

d’accueil. Premièrement, l’acculturation peut se faire sous le mode de l’intégration :

les immigrants préservent leur culture traditionnelle tout en adoptant les modes de

fonctionnement de la société d’accueil. Par exemple, ils peuvent préserver leurs

traditions au sein de leurs familles et dans la communauté, et manifester un intérêt

pour les valeurs des différentes institutions qu’ils doivent fréquenter (travail, services

sociaux, école). Deuxièmement, les individus peuvent vivre l’assimilation : les

immigrants adoptent totalement la culture dominante et abandonnent progressivement

leur identité culturelle. Troisièmement, les individus peuvent opter pour la

séparation : ils se mettent à l’écart ou s’isolent des autres communautés ou de la

culture majoritaire pour préserver leur identité culturelle. Lorsque cet isolement n’est

pas choisi et qu’il provient des membres de la culture dominante, on parle de

ségrégation. Le dernier cas de figure, plus négatif, est la marginalisation : les

immigrants vivent à la fois le rejet par la société dominante ainsi que la perte

progressive de leur identité et de leurs valeurs traditionnelles. Berry souligne que cela

survient quand les immigrants en mode d’assimilation font face au rejet de la part de

la société d’accueil.

Les processus d’adaptation, d’intégration et d’acculturation sont inter-reliés

(Berry, 1997; Legault & Fronteau, 2008). Par exemple, une mauvaise adaptation

affecte du même coup l’intégration et l’acculturation. Le temps peut affecter ces

processus (Legault & Fronteau, 2008), car, «que ce soit dans leur durée ou dans leur

succession, les événements ne comportent pas les mêmes exigences ni n’ont la même

portée selon que l’on parle d’adaptation, d’intégration ou d’acculturation» (p. 63).

Rappelons que le but de notre recherche est d’analyser l’expérience de

transition professionnelle des EMR au Québec telle qu’elle est vécue. Une orientation

phénoménologique et descriptive a donc été privilégiée.

Page 250: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

248

Méthodologie

Notre étude a pour objectif de décrire et de comprendre l’expérience de

transition professionnelle des enseignants de migration récente au Québec. Étant dans

une logique descriptive et compréhensive, l’approche qualitative d’inspiration

phénoménologique a été privilégiée parce qu’elle permet de décrire les expériences

telles qu’elles sont vécues par les participants (Bachelor & Joshi, 1986; Deschamps,

1993; Giorgi, 1997). Dans cette approche, le chercheur doit faire preuve de réduction

phénoménologique, c’est-à-dire qu’il doit mettre de côté ses connaissances des

théories sur le phénomène à l’étude afin de le saisir tel qu’il se présente à la

conscience des personnes étudiées. Giorgi (1993) considère que «la phénoménologie

n’est pas théorique au sens où elle proposerait des hypothèses, des concepts ou des

catégories extérieurs au phénomène dans le but d’en rendre compte» (p. 343). Elle est

plutôt descriptive (Deschamps, 1993), car, «le contexte ainsi que les significations

individuelles que la personne attache à son expérience sont essentiels à la

compréhension du phénomène» (Bachelor & Joshi, 1986, p. 25).

Pour comprendre en profondeur le phénomène du point de vue de ceux qui le

vivent, les participants ont été choisis en fonction de leur pertinence théorique. Trois

critères de base ont été retenus. Les personnes devaient avoir une formation en

enseignement, une qualification et une expérience d’enseignement dans leur pays

d’origine. Étant donné que l’IP est un processus temporel qui peut s’étendre sur

environ sept ans (Vonk, 1988), les personnes devaient résider au Québec depuis sept

ans ou moins et avoir au moins une année d’expérience d’enseignement au Québec.

Cela a permis d’obtenir un échantillon diversifié quant au genre, à la société

d’origine, au champ de formation et à l’expérience d’enseignement. Le tableau 1

présente les principales caractéristiques des participants. Des pseudonymes leur ont

été attribués pour préserver leur anonymat.

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Tableau 1 : Description des participants

Profil

Participant

Champ de formation dans

leurs pays d’origine

Niveau de

formation

Années

de

résidence

Expérience

d’enseignement

Pays

origine

Québec

Dora Enseignement des sciences

et technologies

Maîtrise 3 ans 15 ans 2 ans

Prima Enseignement du français Maîtrise 2 ans 13 ans 1 an

Olivia Littérature africaine Licence 6 ans 5 ans 2 ans

Nadia Didactique du français

langue seconde

Maîtrise 4 ans 20 ans 3 ans

Latifa Didactique du français et

des mathématiques

Maîtrise 6 ans 6 ans 3,5 ans

Francis Physique Maîtrise 2 ans 12 ans 1 an

Karim Linguistique Doctorat 4 ans 17 ans 3 ans

André Didactique des

mathématiques

Maîtrise 7 ans 14 ans 6 ans

Mariya Linguistique Maîtrise 7 ans 3 ans 5 ans

Eva Langue française Licence 5 ans 20 ans 4 ans

Michael Enseignement de l’histoire Licence 5 ans 4 ans 3 ans

Rocio Enseignement de

l’espagnol

Licence 7 ans 17 ans 5 ans

Alessandra Adaptation scolaire et

sociale

Licence 7 ans 16 ans 5 ans

L’échantillon de 13 enseignants comprend neuf femmes et quatre hommes. La

majorité des enseignants (Dora, Prima, Olivia, Nadia, Latifa, Francis, André, Karim)

viennent d’Afrique; deux viennent d’Europe de l’Est (Mariya et Eva); un des

Caraïbes (Michael); tandis que deux viennent de l’Amérique du Sud (Rocio et

Alessandra). Par rapport au niveau actuel d’enseignement, la majorité des participants

(10/13) sont au secondaire régulier; une (Rocio) est au primaire dans une école

privée; deux autres enseignent en classe d’accueil (Mariya au primaire; Eva au

primaire et au secondaire). Certains ont occupé des postes de responsabilité dans leurs

pays d’origine : direction d’école (Olivia et Prima), conseiller au ministère de

l’Éducation (André) et chef de bureau dans une compagnie privée (Mariya).

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La collecte des données a été faite entre août 2011 et mai 2012 dans les

régions de Montréal et Sherbrooke au moyen d’entrevues semi-dirigées (Deschamps,

1993). À partir des questions générales, les enseignants racontaient les différentes

étapes de leur expérience de transition professionnelle. Les thèmes suivants ont été

abordés : la formation antérieure et l’expérience d’enseignement, le parcours

migratoire, l’insertion dans l’emploi, l’entrée dans le milieu scolaire et l’exercice du

rôle professionnel au sein de l’école québécoise.

Les entrevues d’une durée de 60 à 90 minutes ont été transcrites intégralement

et analysées selon les orientations de l’analyse phénoménologique (Bachelor & Joshi,

1986) : saisir le sens global du texte, identifier les unités de signification, délimiter les

thèmes centraux, élaborer les récits individuels, analyser les thèmes centraux sur

l’ensemble des récits.

Après la transcription des entrevues, nous avons d’abord lu et relu chacun des

verbatim de façon à nous rapprocher du phénomène à l’étude et à en saisir le sens

(Bachelor & Joshi, 1986; Deschamps, 1993; Giorgi, 1997). Comme l’indique Giorgi

(1997), en phénoménologie, il est important de «bien lire l’ensemble des données

avant de les analyser» (p. 354). Une fois le sens général du verbatim saisi, nous

sommes passés à l’identification et au découpage des unités de signification qui

émergeaient du texte (Bachelor & Joshi, 1986; Giorgi, 1997). Par la suite, il a été

question de «délimiter les énoncés redondants et d’articuler le thème principal

exprimé autour d’une ou de plusieurs unités naturelles» (Bachelor & Joshi, 1986, p.

51). Ainsi, comme le suggèrent ces auteurs, nous avons formulé les thèmes centraux

dans le langage utilisé par les participants. Après la délimitation des thèmes centraux,

nous avons élaboré le récit d’expérience spécifique de chaque participant. Chaque

récit a été validé par le participant qui a pu l’accepter tel quel ou demander des

corrections mineures. Enfin, nous avons analysé les thèmes centraux sur l’ensemble

des récits pour repérer des convergences, des différences ou des particularités. Le

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251

présent article porte sur une partie des résultats de la recherche, soit ceux concernant

l’adaptation à la société d’accueil, l’intégration au marché du travail et l’intégration

dans le milieu scolaire. Ceux relatifs à l’adaptation au rôle professionnel font l’objet

d’un autre article.

Enfin, soulignons que l’échantillon est composé d’enseignants qui étaient tous

en fonction au moment de l’entrevue et qu’en ce sens, les résultats ne portent pas sur

la réalité d’enseignants qui auraient tenté de s’insérer en enseignement au Québec,

mais qui n’auraient pas réussi à obtenir un emploi.

Présentation des résultats

Adaptation à la société québécoise

D’entrée de jeu, il importe de préciser que les participants ont tous fait le

choix de s’installer au Québec. En effet, 11 sont des immigrants économiques

sélectionnés comme travailleurs qualifiés, Olivia a été parrainée par son mari et

André a demandé l’asile au Québec après ses études. Bien que ces immigrants soient

principalement venus au pays pour améliorer leurs conditions socioéconomiques

(Dora, Alessandra, Nadia, Michael, Eva, Mariya et Latifa), d’autres l’ont fait pour des

raisons sécuritaires (André, Rocio), personnelles (Prima et Francis) et familiales

(Karim et Olivia).

En examinant l’ensemble du corpus en rapport avec l’adaptation à la société

québécoise, on relève quatre thèmes principaux : l’écart culturel et linguistique; les

différences climatiques; la présence ou non de la famille; l’obtention d’un emploi.

L’écart culturel et linguistique : source de choc culturel et de

déstabilisation. Les résultats révèlent que l’adaptation des participants varie en

fonction de la distance entre la culture d’origine et celle de la société d’accueil. Les

enseignants qui viennent des cultures occidentales considèrent que leur adaptation

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s’est faite assez bien ou même très bien. Cependant, ceux qui viennent de pays dont la

culture est éloignée de celle du Québec estiment qu’ils ont vécu difficilement leur

adaptation puisque le déracinement et la confusion des valeurs ont été des sources de

choc, de déstabilisation et de frustrations. Pour ces enseignants, tout ou presque était

nouveau dans leur milieu de vie québécois : l’environnement, les codes culturels et,

pour certains, la langue et le mode de vie. Certains enseignants manquaient de repères

pour comprendre l’orientation de l’éducation des enfants. Par exemple, habituée à des

relations parents-enfants plus autoritaires, Dora a été véritablement étonnée et

choquée des rapports démocratiques dans ces relations au Québec. D’un autre côté,

frustrée de constater que des choses permises aux enfants dans son pays d’origine

sont interdites au Québec, Rocio a le sentiment que les enfants sont brimés ici

notamment parce qu’ils doivent garder le silence en marchant, en mangeant et en

montant dans les autobus scolaires. Elle a été surprise et irritée du fait qu’une

direction d’école a suspendu le droit au transport scolaire à son fils qui ne respectait

pas ces règlements.

Certains enseignants, par contre, ont vécu assez facilement leur adaptation

malgré l’éloignement de leur culture avec celle du Québec. Les facteurs comme la

familiarité avec le mode de vie occidental et la connaissance du Québec expliquent

leur facilité d’adaptation. En effet, trois enseignants (Latifa, Nadia et Karim) ayant

déjà séjourné longtemps en France comme étudiants ont eu le sentiment d’être dans

un environnement familier. Contrairement à ceux qui ont vécu le choc d’un monde

étrange, ils étaient plutôt émerveillés et enchantés par leur nouvel environnement.

Une autre enseignante considère que son adaptation a été facilitée par des séjours

antérieurs au Québec en tant que touriste, ce qui lui avait permis de connaître le mode

de vie et la culture québécoise.

En outre, la maîtrise ou non de la langue française influence l’adaptation

socioculturelle. Cinq des participants qui ont une formation en enseignement du

français considèrent que la maîtrise du français a facilité leur adaptation au Québec.

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253

Au contraire, deux participantes (Alessandra et Rocio) estiment que la barrière

linguistique a été la source de toutes leurs difficultés d’adaptation. Ne comprenant et

ne parlant pas le français à leur arrivée, elles étaient incapables de communiquer et

d’entrer en contact avec les membres de la société d’accueil, ce qui a provoqué en

elles un sentiment de dévalorisation. Cependant, certains francophones ont tout de

même aussi éprouvé des difficultés avec l’accent et le lexique québécois. Dora

rapporte, par exemple, que lors d’une entrevue d’embauche pour un petit emploi, on

lui a demandé si elle avait un «char» (automobile), mais elle comprenait qu’on lui

demandait si elle avait un «chat.»

Les différences climatiques : un défi d’adaptation. En plus du choc culturel

et linguistique, le climat hivernal est une source de problèmes. Cinq enseignants

venant d’Afrique subsaharienne, des Caraïbes et d’Amérique latine soulignent avoir

vécu des difficultés en hiver : la conduite sur les routes enneigées, le déplacement sur

les trottoirs glacés et les diverses manières de s’habiller en fonction du froid.

La présence ou non de la famille. L’isolement social ou le sentiment de

solitude peut constituer un problème pour un immigrant. Deux participantes (Dora et

Mariya) mentionnent leur difficulté d’être seules loin de la famille. Par contre,

certains de nos participants ont bénéficié de la présence de la famille qui les a

accueillis et qui a ainsi facilité leur adaptation au nouvel environnement.

L’obtention d’un emploi : voie d’accès à la culture québécoise. Quatre

enseignantes ont occupé rapidement un petit emploi en dehors de l’enseignement.

Elles ont considéré que cela a facilité leur adaptation dans la mesure où elles ont été

en contact avec des Québécois et se sont imprégnées petit à petit de la culture de leur

nouveau milieu de vie.

Malgré le choc culturel et les frustrations diverses, ces enseignants ont pris en

main la responsabilité de leur adaptation et ont préparé leur intégration sociale et

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professionnelle dans leur nouveau pays. Ils se sont alors mis en mode proactif en

entreprenant des initiatives diverses. Rocio a appris à marcher sur la glace l’hiver, elle

a appris le français et a multiplié les contacts avec des Québécois pour le maîtriser.

Alessandra a suivi des cours de français en vue de son intégration professionnelle.

Enfin, Dora a fait du bénévolat pour acquérir une expérience de travail québécoise.

Intégration au marché du travail

Au niveau de l’intégration au marché du travail, l’examen de l’ensemble du

corpus fait ressortir trois thèmes principaux : l’obtention du permis d’enseigner; les

petits emplois et le retour aux études; la recherche d’emploi en enseignement.

L’obtention du permis d’enseigner : processus long et frustrant. Les

résultats montrent que l’intégration au marché du travail en enseignement au Québec

n’est pas un processus simple comme ces enseignants l’avaient imaginé avant

d’immigrer. En arrivant au Québec, ils se sont rendu compte de l’écart entre leurs

attentes et la réalité. Selon les participants, le discours du gouvernement canadien sur

le besoin de travailleurs qualifiés ne correspond pas à la réalité qu’ils ont vécue à leur

arrivée : «Tout laissait croire que tout de suite à l’aéroport, on allait nous dérouler

un tapis rouge, mais ce n’était vraiment pas ça» (Dora).

Comme le mentionnent les enseignants qui ont participé à notre recherche, et

conformément au règlement sur les autorisations d’enseigner (Gouvernement du

Québec, 2014), l’accès à l’enseignement au Québec pour les personnes immigrantes

requiert l’obtention d’un permis d’enseigner. Il s’agit d’une autorisation d’enseigner

temporaire qui est assortie de conditions pour son renouvellement. Le permis est

valide pendant cinq ans et renouvelable une fois à condition que la personne ait déjà

commencé la formation menant à l’obtention d’une autorisation permanente

d’enseigner, c’est-à-dire le brevet d’enseignement. Pour obtenir le brevet

d’enseignement, la personne doit suivre une formation qui comprend des cours : un

sur le système scolaire du Québec, deux en didactique, un en évaluation des

apprentissages, un en intervention auprès des élèves handicapés ou en difficulté

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d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) et un stage probatoire de 600 à 900

heures. Les enseignants immigrants ne peuvent pas intégrer directement

l’enseignement à leur arrivée puisqu’ils doivent d’abord obtenir un permis

d’enseigner qui, selon eux, exige beaucoup de formalités.

Il ressort des résultats que certains enseignants n’étaient pas au courant des

procédures à suivre pour intégrer l’enseignement au Québec, ce qui a eu pour effet de

retarder leur démarche pour l’obtention du permis d’enseigner. Par exemple, c’est

après deux mois que Karim a trouvé, en fouillant sur l’Internet, un document portant

sur les démarches pour enseigner au Québec. Eva a obtenu de l’information grâce à

une compatriote croisée par hasard dans l’autobus trois mois après son arrivée.

Mariya avait déjà commencé un baccalauréat en enseignement lorsque le responsable

du programme l’a informée qu’elle n’avait pas à tout reprendre pour travailler comme

enseignante.

Les enseignants trouvent que le processus qui mène à l’obtention du permis

d’enseigner est long et que cela retarde leur accès à l’emploi en enseignement. Tel

que requis, ils doivent d’abord demander l’évaluation comparative de leurs diplômes

auprès du ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles (MICC). Ils

vivent beaucoup de frustrations en raison du temps d’attente jugé long avant de

recevoir les équivalences de leurs diplômes. Ce qui a frustré encore plus les

participants, ce sont les exigences par rapport aux documents requis. En effet, le

MICC exige que les documents écrits dans une langue autre que le français et

l’anglais soient traduits en français et que les traductions faites dans leurs pays soient

validées par un traducteur du Québec. Qui plus est, une participante (Rocio) rapporte

que le MICC lui a demandé des documents supplémentaires difficiles à obtenir. Elle a

dû retourner dans son pays pour chercher un document portant sur les cours suivis

dans sa formation universitaire et leur description. L’obtention de tous ces documents

prend non seulement du temps, mais aussi de l’argent.

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256

Une autre source de frustration concerne la dévaluation des diplômes. Certains

participants estiment que leurs diplômes n’ont pas été reconnus à leur juste valeur,

par exemple, lorsqu’une licence ou une maîtrise obtenue après au moins cinq années

d’études équivaut seulement à un baccalauréat de quatre ans, voire de trois ans.

Après l’obtention de l’équivalence des diplômes, sauf Olivia qui ne

remplissait pas les conditions requises, tous les participants ont envoyé leur dossier

de demande de permis d’enseigner au MELS. Il est à noter que depuis septembre

2008, l’obtention du permis d’enseigner requiert la réussite du test de français du

MELS, même pour les francophones. Arrivés avant l’obligation du test de français,

six enseignants (Eva, Mariya, André, Latifa, Karim et Nadia) ont obtenu leur permis

sans le passer alors que six autres (Prima, Michael, Dora, Francis, Alessandra et

Nadia) ont dû le passer et le réussir.

Les résultats montrent que le test de français constitue une autre source de

frustration, de stress, voire de découragement pour les EMR. Généralement, ils

trouvent longue l’attente de leurs résultats au test : «Entre le moment où tu fais le test

et le moment où le résultat te parvient, il y a deux mois et demi, trois mois» (Francis).

Ce délai retarde l’obtention du permis d’enseigner et constitue un moment

d’incertitude et de stress, d’autant plus qu’en cas d’échec, la personne peut le

reprendre seulement une année plus tard. D’ailleurs, deux enseignantes (Rocio et

Alessandra) l’ayant réussi après un ou deux échecs croient qu’il constitue un tel

obstacle que beaucoup se découragent et abandonnent la profession.

Les petits emplois et le retour aux études : des stratégies relativement

gagnantes. Compte tenu des délais d’attente pour le permis d’enseigner, la plupart

des enseignants ont occupé de petits emplois pour survivre financièrement, par

exemple, du travail en manufacture, dans des centres d’appels téléphoniques ou des

centres commerciaux. Contrairement aux autres, Dora a cherché un petit emploi à

Montréal pendant six mois, mais sans succès; elle considère que le fait qu’elle ne

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parle pas l’anglais a constitué l’obstacle principal. Francis a également été confronté à

la même difficulté à Sherbrooke, avant de trouver un travail dans une manufacture où

il n’avait pas à parler l’anglais. Ces deux enseignants ont été déçus que le bilinguisme

fasse partie des exigences du marché du travail au Québec, là où la langue officielle

est le français. Bien que les enseignants reconnaissent avoir pu survivre grâce aux

petits emplois, trois d’entre eux ont trouvé que ce genre de travail était dégradant.

Alessandra et Rocio ont considéré que leur travail dans une garderie et dans une

manufacture n’était pas à la hauteur de leurs qualifications. Olivia a vécu

difficilement la perte du statut social dont elle jouissait en tant que directrice d’école

dans son pays d’origine. Alors que ce statut lui conférait respect et considération dans

la société, elle s’est rapidement sentie au bas de l’échelle en occupant un petit emploi

où elle se sentait dévalorisée : «On te traite comme un vaurien, quelqu’un qui n’a

même pas étudié, qui accepte ça et ça.» De plus, elle a trouvé que son travail dans

une manufacture était difficile, stressant et précaire.

Cinq enseignantes sont retournées aux études pour s’assurer d’une voie

d’entrée vers le marché du travail en enseignement. Olivia, Mariya, Alessandra et

Rocio ont abandonné leurs petits emplois pour commencer une formation en

enseignement. De même, après six mois infructueux de recherche d’emploi, Dora

s’est inscrite à l’université pour une qualification en enseignement. Le retour aux

études s’est révélé être une stratégie efficace pour ces enseignantes puisque le MELS

leur a crédité les cours déjà faits pour l’obtention du brevet d’enseignement.

La recherche d’emploi en enseignement : un chemin parsemé

d’embûches. L’obtention du permis d’enseigner ne garantit pas l’obtention d’un

emploi dans une commission scolaire (CS). Les résultats révèlent qu’une fois le

permis d’enseigner obtenu, les enseignants découvrent qu’ils ont encore du chemin à

faire avant d’être embauchés dans le milieu scolaire.

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258

Premièrement, l’obtention d’un contrat est conditionnelle à la réussite d’un

autre test de français qui, selon certains participants, est difficile à cause de la

présence de beaucoup de mots inconnus, notamment des anglicismes.

Deuxièmement, le manque d’expérience d’enseignement au Québec constitue

un autre obstacle à l’accès à l’emploi. Alors qu’ils ont été sélectionnés comme

immigrants sur la base de leurs expériences et qualification, les enseignants ont été

choqués, frustrés et déçus que leur expérience ne soit pas reconnue lors des entrevues

d’embauche. Trois enseignants (Dora, Prima et André) rapportent que des directions

d’école leur ont dit qu’ils avaient réussi leurs entrevues, mais que seulement des

personnes qui ont plus d’expérience au Québec étaient embauchées. Ces enseignants

considèrent que certaines directions d’écoles font de la discrimination. Par exemple,

un directeur a dit à André qu’il aurait des problèmes dans son école parce que les

élèves n’avaient jamais vu un noir. Il a été choqué de cette remarque puisque l’école

se trouve non loin de Montréal, une ville cosmopolite.

Troisièmement, les enseignants doivent se faire connaître dans les écoles pour

obtenir un premier contrat. Or, cela n’est pas facile pour un EMR puisque son réseau

social et professionnel est encore limité. Par exemple, après plusieurs entrevues,

André n’arrivait pas à être embauché dans une commission scolaire (CS), faute de

références. C’est grâce au témoignage du père d’un enfant à qui il a donné des cours à

domicile, qui a parlé positivement de lui à la CS, à l’école et dans un journal, qu’il a

obtenu son premier contrat. Les enseignants résidant à Sherbrooke mentionnent avoir

bénéficié du soutien du Service d’aide aux Néo-Canadiens (SANC), organisme qui

existe depuis 1954. Par exemple, grâce aux contacts des intervenantes de cet

organisme, Prima a pu bénéficier d’un jumelage professionnel; Alessandra a obtenu

un poste d’éducatrice dans un service de garde; Rocio a été embauchée comme

enseignante.

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Quatrièmement, lorsqu’ils trouvent du travail, ces enseignants ont d’abord des

emplois précaires qui ne leur permettent pas d’atteindre le bien-être auquel ils

aspiraient en immigrant. Habitués à des contrats à durée indéterminée ou à vie dans

leurs pays d’origine, ces enseignants ont eu du mal à s’adapter aux emplois instables.

La précarité d’emploi, synonyme de précarité financière, les place dans une situation

d’incertitude, d’angoisse et de stress où ils doivent constamment se préoccuper du

lendemain.

Enfin, d’autres enseignants (Latifa, Dora, Alessandra et Prima) ont obtenu un

emploi d’enseignant grâce à leur persévérance pour se faire connaître dans le milieu

scolaire, notamment au moyen d’appels téléphoniques réguliers ou de bénévolat dans

les écoles. En fin de compte, sauf pour Olivia qui a dû refaire un baccalauréat de

quatre ans, tous les participants ont intégré le marché du travail enseignant après un

ou deux ans au Québec.

L’intégration au milieu scolaire

L’examen du corpus en rapport avec l’intégration professionnelle fait ressortir

trois thèmes principaux : l’entrée dans le milieu scolaire et dans la classe; la

perception des enseignants vis-à-vis de leur intégration professionnelle; les facteurs

influençant l’intégration professionnelle.

L’entrée dans le milieu scolaire et dans la classe : choc, désenchantement

et sentiment d’être laissés à eux-mêmes. En se présentant pour la première fois dans

les écoles d’affectation, les enseignants s’attendaient à ce que le directeur ou son

adjoint les accueille, leur fasse visiter l’école, les présente aux élèves et aux collègues

comme cela se passe dans leurs pays d’origine, mais cela n’a pas été le cas pour la

majorité des enseignants. Hormis trois enseignantes (Dora, Mariya et Rocio) qui ont

apprécié la façon dont elles ont été accueillies, les autres ont vécu un choc et un

désenchantement. Par exemple, Michael a dû demander à ses collègues où se trouvait

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son local de classe. Les participants ont aussi été surpris de voir qu’un nouvel

enseignant peut s’introduire seul en classe. Même Nadia qui a été accompagnée par la

directrice a trouvé qu’elle ne l’avait pas présentée comme il faut aux élèves. La

directrice lui avait simplement ouvert la porte et dit aux élèves qu’elle est leur

nouvelle professeure de français. Nadia a eu alors l’impression d’être jetée dans une

«fosse aux lions» et a eu du mal à maîtriser sa classe par la suite. Ce fut aussi le cas

pour cinq autres enseignants (Michael, Karim, Alessandra, André et Olivia). Les

participants considèrent que l’absence d’accueil rend l’intégration difficile : «Vous

arrivez là comme un cheveu sur la soupe, les gens vous regardent, mais ne savent pas

qui vous êtes» (Prima).

En outre, ce qui a frustré encore plus ces enseignants, c’est d’être laissés à

eux-mêmes, sans renseignements sur le fonctionnement et l’organisation de l’école,

sur les règles de conduite à l’intention des élèves et les ressources auxquelles recourir

en cas de besoin : «Tu viens ici pour n’importe quel travail, puis tu es censé tout

savoir» (Mariya). Par exemple, après deux semaines, Michael s’est rendu compte

qu’il ne faisait pas la surveillance des élèves à l’endroit qui lui avait été assigné

puisque personne ne lui avait expliqué les règles de surveillance. Nadia, Eva et

Francis considèrent que leurs difficultés en classe étaient attribuables à la

méconnaissance du règlement de l’école. C’est par les collègues et de manière

informelle qu’ils ont peu à peu appris le fonctionnement, l’organisation, les

règlements et les valeurs de l’école.

Perception des enseignants vis-à-vis de leur intégration professionnelle.

Sur 13 enseignants rencontrés, seules deux enseignantes (Mariya et Rocio) ayant un

statut d’emploi permanent se perçoivent comme complètement bien intégrées et

témoignent d’un sentiment de satisfaction, de bien-être et d’appartenance à l’école.

Les autres enseignants se sentent en partie bien intégrés, mais ils considèrent que

l’absence de permanence et les changements fréquents d’écoles dus à leur précarité

d’emploi freinent leur pleine intégration. L’insécurité d’emploi combinée à

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261

l’instabilité de milieu de travail font que l’intégration reste superficielle et est

constamment à refaire. Cependant, les participants observent que leur expérience

d’intégration est plus ou moins difficile selon le climat de l’école, particulièrement à

l’échelle de son organisation, du leadership de la direction, de la qualité des relations

entre les membres de l’équipe-école et de la présence ou non d’enseignants

immigrants.

Les facteurs influençant l’intégration professionnelle. Les résultats

montrent que plusieurs facteurs influencent l’intégration professionnelle des

enseignants : les rapports avec les membres de la communauté scolaire, la présence

d’autres enseignants immigrants, le statut d’emploi et la responsabilité individuelle

des enseignants eux-mêmes.

Les rapports entretenus avec les membres de la communauté scolaire

influencent positivement ou négativement l’intégration professionnelle des EMR.

Ceux qui ont eu de bons rapports avec la direction de l’école considèrent que leur

intégration s’est déroulée facilement, contrairement à ceux dont les rapports étaient

difficiles. Cinq enseignantes (Mariya, Dora, Rocio, Nadia, Alessandra) estiment que

l’attitude positive de la direction de l’école, qui se matérialise par l’accueil, le

soutien, l’évaluation juste, l’appréciation, les rétroactions positives et

l’encouragement, a beaucoup contribué à leur intégration professionnelle. Mariya

considère d’ailleurs que c’est grâce au soutien et à l’accompagnement de sa directrice

d’école qu’elle n’a pas décroché de l’enseignement. De même, Dora et Nadia

trouvent valorisant et stimulant le fait que leurs directions d’écoles reconnaissent leur

amélioration en gestion de classe. Alessandra et Rocio indiquent aussi que leurs

directions valorisent les enseignants par des rétroactions positives. Au contraire,

quatre enseignants (Olivia, Latifa, Eva et Michael) affirment que l’attitude négative

de la direction ou direction adjointe à leur égard a rendu leur intégration difficile. Par

exemple, Olivia relève que lors de sa première rencontre avec sa directrice, celle-ci

lui a dit que son accent français n’était pas correct puisque différent du sien. Elle s’est

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sentie dévalorisée et rejetée, si bien qu’en cas de difficultés, elle n’osait pas demander

de soutien à sa directrice : «c’était difficile de me confier à elle pour qu’elle m’aide

alors qu’elle m’avait déjà presque rejetée au début» (Olivia). Latifa et Eva ont été

étonnées de recevoir une évaluation négative de leurs directions adjointes alors que

ces dernières n’avaient jamais mis les pieds dans leurs classes. N’ayant pas été

recommandées pour un autre contrat, ces enseignantes ont dû chercher du travail

ailleurs. Quant à Michael, il se souvient avec amertume d’avoir été laissé à lui-même

dans un conflit avec un parent, sans soutien moral ni conseil.

En outre, dix participants sur treize estiment qu’un bon accueil, la convivialité

et la collaboration des collègues facilitent l’intégration professionnelle. À titre

d’illustration, Karim avait reçu l’information qu’il allait enseigner en secondaire V

dans une école et s’est préparé en conséquence, mais, à son arrivée, il a constaté que

c’était plutôt en secondaire III. Il s’est alors tourné vers les collègues qui enseignent

au même niveau : ils l’ont rassuré et lui ont donné tout le matériel pour commencer.

Toutefois, les participants mentionnent que ce ne sont pas tous les collègues qui sont

bienveillants et qui collaborent de cette façon. Latifa, Michael et Prima disent avoir

fait face à du racisme et de la discrimination. Par exemple, Latifa, une enseignante

musulmane portant un voile, rapporte que la première fois qu’elle a dîné dans la salle

des professeurs, ses collègues québécois ont tenu des propos désobligeants sur sa

religion en sa présence. Ils ont critiqué le ramadan et la polygamie, allant jusqu’à

l’affronter directement pour lui demander combien de femmes avait son mari. Elle

s’est sentie jugée et rejetée dès ce moment à cause de sa religion. Un autre exemple

de discrimination est que les collègues de Prima, une enseignante noire, auraient

changé la date où ils devaient tous se rencontrer pour une fête mais sans l’en aviser :

tout le monde était à la fête, sauf elle. Ces enseignants disent qu’il est difficile de

tisser de bonnes relations ou de bien collaborer avec des collègues qui ne leur

adressent même pas un simple bonjour ou qui font en coulisse des commentaires

négatifs sur leur travail, au lieu de leur apporter du soutien.

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L’attitude négative des parents des élèves rend également difficile

l’intégration professionnelle des EMR. Par exemple, un parent a refusé de rencontrer

Michael en confiant à la direction qu’il ne voulait pas parler à un enseignant noir.

D’autres parents se fient davantage à ce que leur rapportent leurs enfants et vont

d’emblée se plaindre à la direction plutôt que de communiquer avec l’enseignant. Par

exemple, après que Karim se soit présenté à ses élèves, un élève étonné par son nom

musulman lui a dit : «Tu t’appelles Karim et tu viens nous enseigner le français?»

Quelques jours plus tard, le père de cet enfant a appelé la direction pour parler de son

insatisfaction à propos de Karim. Un cas semblable s’est produit pour André.

La présence ou non d’autres enseignants immigrants dans le milieu scolaire a

été citée par plus de la moitié des participants comme ayant aussi une influence sur

leur intégration. Par exemple, Karim a travaillé dans trois écoles, mais considère qu’il

s’est intégré plus facilement dans l’école où il y avait beaucoup d’immigrants : «Je

me sens très à l’aise ici, c’est ça la différence. Tout le monde fait tout pour obtenir un

poste ici. C’est un milieu plus mosaïque, multiculturel.» De même, Mariya, qui se

sent complètement intégrée, avance que le personnel enseignant de son école est

culturellement diversifié. Par contre, cinq enseignants (Latifa, Eva, Olivia, Prima et

Michael), qui ont travaillé dans un milieu scolaire plus homogène, témoignent d’un

sentiment d’isolement social et de rejet : «Si tu entres dans une école où c’est

typiquement québécois, là tu es perdu» (Olivia).

Avoir un poste permanent et être accepté par les membres de l’équipe-école

facilite encore plus l’intégration professionnelle. C’est le cas de Rocio et Mariya qui

se sentent bien intégrées, éprouvent un sentiment d’appartenance à leur école,

participent à des comités sociaux et estiment être écoutées et considérées comme les

autres : «Dans l’école où je travaille, je suis membre de l’école. Je me sens comme

ça. Dans les réunions, je propose des choses, de nouvelles choses, des changements,

je suis écoutée comme les autres» (Rocio).

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Enfin, certains participants soulignent la responsabilité individuelle de

l’enseignant quant à son intégration : être proactif, ouvert et avoir le sens de l’humour

facilite l’intégration. Ils constatent que leurs collègues québécois sont réservés face

aux étrangers et qu’il revient aux enseignants immigrants de faire les premiers pas et

de trouver la bonne façon de communiquer. Ils peuvent aussi demander de l’aide en

cas de besoin. Par exemple, à la demande de Dora, un collègue québécois

expérimenté a accepté de l’observer de temps en temps dans sa classe et de lui donner

des rétroactions constructives.

Discussion des résultats et conclusion

Cette étude avait pour but de décrire et de comprendre l’expérience de

transition professionnelle des EMR au Québec. Rappelons que les enseignants

interviewés sont majoritairement des immigrants économiques possédant un niveau

élevé de formation et une bonne expérience d’enseignement dans leur pays d’origine.

Tous ces enseignants occupaient un emploi permanent avant d’immigrer au Québec.

Les résultats de cette recherche permettent de comprendre que la transition

professionnelle de ces EMR ne se fait pas sans heurts et qu’ils font face, à des degrés

divers, à plusieurs défis ou difficultés d’adaptation et d’intégration au nouveau

contexte social et professionnel. Soulignons d’emblée que chaque participant

interprète les différents événements qu’il vit à sa façon, selon ses repères culturels et

son histoire personnelle. C’est dans ce sens que ce qui paraît normal pour beaucoup

de personnes au Québec, par exemple, l’individualisme, la précarité d’emploi ou le

manque de respect de l’autorité de la part des élèves, peut être vécu subjectivement

comme un problème important pour des enseignants de migration récente.

Au plan de l’adaptation à la société d’accueil, nos résultats montrent que

certains EMR vivent facilement leur adaptation alors que d’autres connaissent une

expérience éprouvante. Les facteurs qui influencent leur adaptation correspondent à

ceux que les auteurs qui s’intéressent à ce sujet ont déjà mis de l’avant, notamment la

distance culturelle (Berry, 1997; Legault & Fronteau, 2008; Zhou, Jindal-Snape,

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Topping, & Todman, 2008), l’expérience antérieure à l’étranger, la maîtrise de la

langue, la quantité et la qualité des contacts avec les membres de la société d’accueil

(Zhou, Jindal-Snape, Topping, & Todman, 2008), la présence ou non de la famille

(Dembil, 1992) et les différences climatiques (Phaneuf, 2013).

On relève que les enseignants dont la culture est proche de celle du Québec,

comme ceux provenant d’Europe, affirment s’être adaptés facilement, contrairement

à ceux dont la culture est éloignée. À cet égard, Berry (1997) et Legault & Fronteau

(2008) soulignent que l’éloignement culturel, voire l’incompatibilité de cadres de

références, rend pénible et déstabilisant le processus d’adaptation et d’acculturation.

Il en a été ainsi pour la plupart de nos participants. Cependant, les enseignants qui

avaient déjà vécu dans un autre pays occidental ou qui avaient déjà séjourné au

Québec comme touriste avant d’immigrer au Québec ont vécu facilement leur

adaptation même si leur culture d’origine est éloignée de celle du Québec. Grâce à

leur connaissance du mode de vie occidental, ils avaient le sentiment d’être dans un

environnement plutôt connu. Zhou, Jindal-Snape, Topping & Todman (2008)

observent aussi que l’expérience antérieure à l’étranger influence l’adaptation.

De plus, les résultats montrent que les enseignants qui maîtrisent le français

estiment s’être adaptés facilement, contrairement à ceux qui ne le parlaient pas et ne

le comprenaient pas à leur arrivée, ces derniers se considérant alors en baisse du

statut social à cause de leurs limites linguistiques. L’incapacité de communiquer avec

les habitants du pays d’accueil occasionne un sentiment de dévalorisation (Legault &

Fronteau, 2008). Outre le choc culturel et linguistique, l’adaptation aux différences

climatiques constitue un autre défi. Tout comme le souligne Phaneuf (2013), la

rigueur de l’hiver rend l’adaptation plus difficile aux immigrants des pays chauds.

Il ressort également que les enseignants qui n’ont pas de famille au Québec ou

au Canada ont vécu un sentiment de solitude rendant plus difficile leur adaptation,

contrairement à ceux qui y ont de la famille. L’importance du réseau familial dans

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266

l’adaptation des immigrants a d’ailleurs été soulignée par Dembil (1992). Comme

plusieurs EMR n’ont pas de famille au Québec pour favoriser leur intégration, et

qu’ils n’obtiennent pas rapidement un emploi qui leur permet plus de contacts avec

les membres de la société d’accueil, on peut penser que leur adaptation et leur

acculturation se feront lentement, voire tardivement. Zhou, Jindal-Snape, Topping

&Todman (2008) soulignent d’ailleurs que l’adaptation dépend de la quantité et de la

qualité des contacts avec les membres de la société d’accueil.

Concernant l’intégration au marché du travail enseignant, nos résultats

montrent que les EMR font face à plusieurs défis, notamment la méconnaissance des

procédures à suivre et la lourdeur des exigences et des procédures administratives

pour obtenir un permis d’enseigner. Quand ils ont leur permis d’enseigner, il leur est

difficile d’obtenir un emploi en raison de leur manque d’expérience d’enseignement

au Québec et de l’absence d’un réseau de contacts dans le milieu scolaire. Ces

résultats corroborent ceux de la recherche de Phillion (2003) en Ontario.

La majorité des enseignants de notre étude ont dû attendre entre un et deux

ans avant d’obtenir un premier emploi en enseignement, si précaire soit-il. Ce délai

relativement long entraîne du stress et du découragement et oblige, pour survivre,

d’occuper de petits emplois pour lesquels ils sont surqualifiés et qu’ils considèrent

dévalorisants. Bastien & Bélanger (2010) expliquent que la personne subit alors «une

réelle déqualification du fait qu’elle n’a pas pu pratiquer son métier pendant une

certaine période» (p. 7). De plus, les événements vécus par certains participants lors

d’entrevues d’embauche s’apparentent à ce que Schmidt (2010) appelle la

discrimination systémique à l’embauche. Même lorsqu’ils trouvent du travail, ces

enseignants obtiennent d’abord des emplois précaires. Bien que la précarité d’emploi

soit une caractéristique des débuts dans la carrière enseignante au Québec, les

enseignants immigrants la vivent différemment puisqu’ils sont habitués à des

contrats à durée indéterminée dans leurs pays d’origine. Ayant quitté leur pays pour

des raisons économiques, la précarité de l’emploi en début de carrière en

Page 269: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

267

enseignement est très loin de leur assurer le bien-être auquel ils aspiraient en venant

s’établir au Québec. C’est grâce à leur détermination, à des stratégies individuelles

comme le retour aux études et le bénévolat et parfois l’aide à la recherche d’emploi

encadrée par un organisme à but non lucratif que peu à peu ces enseignants ont fini

par être embauchés dans les écoles.

Quant à l’intégration en enseignement, les EMR se sentent souvent laissés à

eux-mêmes lors de leur entrée dans le milieu scolaire, mais aussi lors de situations

conflictuelles avec les élèves et les parents. Certains affirment même avoir vécu de

l’isolement social, du racisme et de la discrimination, situations que rapportent aussi

les recherches de Phillion (2003) et de Schmidt (2010). Le soutien social et

administratif est donc loin d’être assuré pour ces enseignants. Toutefois, l’expérience

est parfois différente d’une école à l’autre selon le climat de l’école et l’ouverture de

ses membres à la diversité culturelle. Le leadership de la direction d’école, la

convivialité et la collégialité des collègues et la diversité ethnoculturelle de l’équipe-

école semblent constituer des facteurs favorables à une expérience d’intégration

professionnelle positive. Comme le précise Berry (1997), l’ouverture de la société

d’accueil à la diversité culturelle est essentielle à une intégration réussie des

immigrants. Cela transparaît dans les résultats de notre étude, qui corroborent par

ailleurs ceux de Deters (2006) en Ontario selon lesquels un milieu scolaire

culturellement diversifié facilite l’acculturation et l’intégration des enseignants

immigrants.

Le statut d’emploi représente aussi un facteur clé d’intégration

professionnelle, plus particulièrement les conditions qui l’accompagnent, comme la

stabilité ou, au contraire, la précarité, l’instabilité et l’incertitude. Plus concrètement,

nos résultats montrent que l’enseignant ayant un poste permanent a plus de

possibilités de développer un sentiment d’appartenance à la communauté scolaire, si

évidemment celle-ci se montre ouverte et l’accepte comme membre. Nous attirons

l’attention sur le fait que, dans notre étude, seules les deux enseignantes permanentes

Page 270: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

268

se sentent complètement intégrées. Les autres enseignants se perçoivent intégrés de

façon partielle dans la mesure où leur intégration est constamment à refaire à cause de

l’insécurité d’emploi et des changements fréquents du milieu de travail. Cette

situation n’est pas unique aux EMR, car une enquête réalisée au Québec auprès

d’enseignants a montré que la régularité d’emploi assortie à une stabilité de milieu

constitue l’un des principaux facteurs d’une IP réussie (Mukamurera, Bourque, &

Gingras, 2008).

Tout comme l’indique Deters (2006), l’enseignant immigrant lui-même a un

rôle à jouer dans sa propre intégration. Nos résultats le confirment. D’une part, nos

participants ont pu intégrer la profession enseignante au Québec grâce à leur

persévérance et aux stratégies d’adaptation qu’ils ont initiées : prendre des cours de

français, retourner aux études, faire du bénévolat dans les écoles, occuper un emploi

non qualifié pour commencer. D’autre part, les enseignants qui prennent les devants

pour initier la communication avec des collègues ou pour demander de l’aide,

affirment avoir bénéficié du soutien pertinent à leur intégration. Il est possible,

comme le diraient Legault & Fronteau (2008), que le choc culturel ait poussé ces

enseignants à relativiser leurs propres schèmes de pensée et à les transformer de

manière à mettre en œuvre des mécanismes d’adaptation cohérents avec les exigences

de leur nouveau milieu.

Nous venons de voir comment les enseignants de migration récente vivent

leur transition depuis leur arrivée au Québec jusqu’à leur entrée dans le milieu

scolaire. Compte tenu du nombre limité de participants, ces résultats ne sont pas

représentatifs ni généralisables à l’ensemble des enseignants de migration récente au

Québec. Malgré cette limite, ils permettent d’envisager certaines pistes pour des

mesures de soutien formel susceptibles de favoriser une transition plus harmonieuse.

Par exemple, le MICC, en collaboration avec le MELS, devrait donner de

l’information aux enseignants immigrants, dès leur arrivée au Québec, quant aux

démarches à entreprendre pour intégrer l’enseignement ainsi que sur la profession

Page 271: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

269

enseignante et l’organisation scolaire au Québec. Par ailleurs, les directions d’écoles

pourraient exercer un leadership dans l’intégration professionnelle de ces enseignants,

notamment en leur réservant un accueil personnalisé, en leur fournissant un soutien

informatif, en mettant en place des dispositifs de soutien ciblés et, plus généralement,

en stimulant une culture professionnelle de collégialité et d’entraide au sein de

l’équipe pédagogique. Il va sans dire que l’encadrement, l’accompagnement et le

soutien dès la prise de fonction seraient bénéfiques.

Les résultats présentés dans cet article ne couvrent pas l’ensemble des aspects

à analyser pour comprendre ce qu’est la transition professionnelle des enseignants de

migration récente. Il importe de poursuivre l’analyse sur un autre aspect non moins

important de la transition, soit celui de l’adaptation au rôle d’enseignant dans le

contexte scolaire québécois.

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Page 275: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

273

3. TROISÈME ARTICLE : S’ADAPTER AU RÔLE PROFESSIONNEL

LORSQU’ON EST ENSEIGNANT DE MIGRATION RÉCENTE AU QUÉBEC:

EXPÉRIENCE, DÉFIS ET FACTEURS DE RÉUSSITE

Aline Niyubahwe, Joséphine Mukamurera et France Jutras

Université de Sherbrooke

Référence : Niyubahwe, A., Mukamurera, J. et Jutras, F. (2013, publié en 2015).

S’adapter au rôle professionnel lorsqu’on est enseignant de migration récente au Québec:

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16(2), 55-87.

Résumé

Cet article présente les résultats d’une recherche qualitative phénoménologique

dont l’objectif est de décrire et de comprendre l’expérience d’adaptation au rôle

professionnel des enseignants de migration récente dans le contexte scolaire québécois. À

partir de données d’entrevues semi-dirigées réalisées auprès de 13 enseignants de

migration récente des régions de Montréal et de Sherbrooke, l’analyse montre qu’ils ont

traversé une période de déstabilisation et de perte de repères par rapport au rôle

professionnel. Une fois le choc de la réalité passé, ils ont réappris peu à peu le métier et

développé des stratégies d’adaptation qui les ont conduits à modifier leurs pratiques

pédagogiques et à développer un rapport positif au système éducatif québécois. Le

soutien et la collaboration de l’équipe-école constituent des facteurs favorables à leur

adaptation.

Mots clés : Enseignant de migration récente, enseignant immigrant, adaptation au rôle

professionnel, transition professionnelle, insertion professionnelle.

Page 276: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

274

Introduction

Parmi le nouveau personnel enseignant des écoles québécoises, on trouve de

plus en plus d’enseignants de migration récente. Selon les données internes du

ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS), sur 3000 enseignants

immigrants qui ont obtenu des autorisations d’enseigner de 1998 à 2009, 1771 ont

obtenu un emploi dans des commissions scolaires (Martel, octobre 2010)6. Ces

enseignants intègrent à la fois un nouveau système d’enseignement et un nouvel

environnement culturel. Cela comporte de nombreux défis puisque le rôle de

l’enseignant, les modèles pédagogiques et les connaissances professionnelles requises

peuvent différer selon les cultures et les systèmes éducatifs (Duchesne, 2010a). La

recherche présentée ici porte sur l’adaptation au rôle professionnel des enseignants de

migration récente (EMR) dans le contexte éducatif québécois. Dans le cadre de cette

étude, la notion d’EMR signifie qu’il s’agit d’enseignants immigrants qui possèdent

une formation en enseignement acquise dans leur pays d’origine ainsi qu’une

autorisation d’enseigner et une expérience d’enseignement dans ce contexte. Étant

donné que l’insertion professionnelle (IP) constitue un processus temporel et

dynamique qui peut s’étendre sur environ sept ans (Vonk, 1988), deux autres critères

s’appliquent : ils résident au Québec depuis sept ans ou moins et ils exercent la

profession enseignante dans le réseau scolaire québécois.

Au Québec, les enseignants immigrants contribuent à combler des besoins de

main-d’œuvre (Vallerand et Martineau, 2006) et peuvent constituer un apport à la

réussite des enfants issus de l’immigration (Lefebvre, Legault et De Sève, 2002). Or,

il existe peu de connaissances sur le vécu professionnel de ces enseignants dans le

monde francophone en général et au Québec en particulier (Niyubahwe, Mukamurera

et Jutras, 2013). Une récente étude (Niyubahwe, Mukamurera et Jutras, 2014) montre

déjà que l’expérience de transition professionnelle de ces EMR pour intégrer le

6

Martel, R. (2010). Données de production interne du MELS.

Page 277: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

275

marché du travail et le milieu scolaire québécois s’avère difficile et qu’ils ne

bénéficient pas de mesures formelles d’accueil et d’accompagnement lors de leur

prise de fonction. Qu’en est-il alors de l’adaptation au rôle professionnel

d’enseignants dans le contexte scolaire québécois? Ce sujet représente un enjeu social

et scientifique important qu’il importe d’éclairer afin de combler un manque de

connaissances fondées sur des données empiriques solides (Niyubahwe, Mukamurera

et Jutras, 2013, 2014). Ces EMR sont un peu comme des débutants dans le système

éducatif québécois et une intégration réussie dans la pratique de l’enseignement au

Québec aurait des retombées positives tant pour eux-mêmes que pour les élèves et le

milieu scolaire en général.

Cet article présente les résultats d’une recherche qualitative d’inspiration

phénoménologique (Bachelor et Joshi, 1986) réalisée auprès de 13 EMR travaillant

dans les régions de Montréal et Sherbrooke. Nous y abordons à tour de rôle la

problématique et l’objectif de recherche, le concept d’insertion professionnelle (IP)

qui constitue la toile de fond de l’étude, les choix méthodologiques et les étapes de

l’analyse phénoménologique des données, les résultats articulés autour des thèmes

dégagés de l’analyse ainsi que leur discussion. Enfin, une conclusion expose certaines

limites de la recherche et des perspectives pour des recherches futures.

Problématique et objectif de la recherche

Les EMR s’insèrent dans un contexte scolaire et culturel nouveau. Leurs

connaissances, valeurs et conceptions de l’éducation peuvent parfois différer de celles

du système scolaire québécois, ce qui comporte plusieurs défis d’adaptation

(Vallerand et Martineau, 2006). Martineau et Ndoreraho (2006, p.6) considèrent que

les EMR ont besoin «d’un soutien continu et personnalisé afin de développer

rapidement les connaissances et les compétences nécessaires pour bien “lire les

situations”».

Page 278: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

276

Une recension des écrits sur l’insertion professionnelle des enseignants

immigrants (Niyubahwe, Mukamurera et Jutras, 2013) montre que la majorité des

articles à ce sujet proviennent du monde anglo-saxon et qu’aucun ne porte sur les

enseignants immigrants au Québec. L’analyse de ces recherches fait ressortir

plusieurs difficultés relatives à l’obtention de l’autorisation d’enseigner, l’obtention

d’un emploi en enseignement, l’intégration dans le milieu scolaire et la pratique

d’enseignement. Concernant la pratique d’enseignement qui se rapproche plus

spécifiquement de l’objet de cet article, les difficultés des enseignants immigrants une

fois qu’ils sont embauchés dans le milieu scolaire concernent la pratique pédagogique

et la gestion de classe, même si quelques facteurs peuvent faciliter cette adaptation.

Leurs difficultés peuvent en partie s’expliquer par leur manque de connaissance du

système scolaire dans lequel ils s’insèrent. Ces deux thèmes sont traités dans les

sections qui suivent.

Difficultés relatives aux pratiques pédagogiques et à la gestion de

classe

Les études faites au Canada (Deters, 2008; Duchesne, 2010b; Myles, Cheng

et Wang, 2006; Wang, 2003), aux États-Unis (Ross, 2003), en Australie

(Cruickshank, 2004) et en Nouvelle-Zélande (Butcher, 2012) révèlent que les

difficultés des enseignants immigrants proviennent de l’écart entre les pratiques

pédagogiques de leur pays d’origine et celles du pays d’accueil, notamment par

rapport aux modèles centrés sur l’apprenant. L’étude de Myles, Cheng et Wang

(2006) auprès de 18 enseignants immigrants suivant un programme de certification à

l’enseignement en Ontario montre que ceux qui viennent des systèmes éducatifs

caractérisés par l’enseignement magistral, la mémorisation et l’évaluation des

connaissances au moyen des tests standardisés sont désorientés par l’enseignement

centré sur l’apprenant. La création de matériel didactique, la préparation et la

planification de leçons, l’évaluation des élèves, les stratégies de motivation des élèves

et le rôle de l’enseignant en tant que facilitateur de l’apprentissage constituent des

défis à relever. Pour s’adapter au nouveau système d’enseignement, ils doivent

Page 279: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

277

modifier leurs croyances et pratiques d’enseignement. Wang (2003) et Duchesne

(2010b) en Ontario et Cruikshank (2004) en Australie obtiennent des résultats

semblables.

Les enseignants immigrants rencontrent aussi des difficultés relatives à leur

méconnaissance des programmes d’étude et leur application, au décalage entre leurs

connaissances disciplinaires et celles requises par ces programmes, aux cours en

dehors de leur spécialité (Butcher, 2012) ou qui requièrent des connaissances

contextuelles et culturelles (Deters, 2008).

La complexité du travail enseignant constitue une autre source de difficultés

pour les enseignants immigrants (Butcher, Ibid.; Duchesne, 2010a; Myles, Cheng et

Wang, 2006). Les participants à l’étude de Butcher (Ibid.), par exemple, évoquent

leurs difficultés à intervenir auprès d’élèves en difficultés d’apprentissage, à faire de

la différentiation pédagogique, à animer des activités parascolaires qu’ils ne

connaissent pas.

Au plan de la gestion de classe, les enseignants immigrants habitués à des

systèmes éducatifs où les relations hiérarchiques dominent trouvent difficile

d’imposer leur autorité et d’instaurer un climat de classe égalitaire et coopératif

(Butcher, 2012; Duchesne, 2010b; Deters, 2008; Remennick, 2002, Myles, Cheng et

Wang, 2006, Wang, 2003). Ces études rapportent que les enseignants immigrants font

face à des comportements d’indiscipline et de manque de respect des élèves à leur

égard, ainsi que des difficultés de gestion de classe. Le manque de maîtrise de la

langue d’enseignement peut aussi affecter la gestion de classe. Deters (2008) en

Ontario et Remennick (2002) en Israël rapportent que certains élèves se moquent de

l’accent des enseignants immigrants et font des remarques négatives sur leur

prononciation.

Page 280: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

278

Par contre, plusieurs facteurs favorables à la réussite de l’adaptation

professionnelle des enseignants immigrants sont relevés: le soutien et la collaboration

des collègues et de la direction dans l’appropriation des programmes et la gestion de

classe (Deters, 2008; Remennick, 2002); l’accompagnement par un mentor (Deters,

Ibid.; Peeler et Jane, 2005); certaines qualités personnelles comme l’ouverture

d’esprit et la capacité d’autocritique (Deters, Ibid.). De plus, Deters (Ibid.) rapporte

que les collègues et la direction peuvent fournir de l’aide par des conseils, des

rétroactions et le partage de matériel pédagogique.

Le contexte de l’enseignement au Québec

Pour comprendre la réalité scolaire à laquelle les EMR s’intègrent au

Québec, il importe de clarifier les grandes orientations de l’enseignement qu’ils

doivent mettre en œuvre. Le Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ),

en vigueur au primaire depuis 2001 et au secondaire depuis 2005, repose entre autres

sur le passage du paradigme de l’enseignement au paradigme de l’apprentissage,

l’approche par compétence et le décloisonnement de la formation (Gouvernement du

Québec, 2007). Fondé sur les courants cognitiviste, constructiviste et

socioconstructiviste, le PFEQ fait de l’élève le principal acteur dans son processus

d’apprentissage et l’enseignant, plutôt que d’être un transmetteur de connaissances,

devient un guide ou un accompagnateur des élèves dans la construction de leurs

connaissances (Gauthier, Bissonnette et Richard, 2008). L’enseignant n’est pas non

plus perçu comme un technicien qui exécute des programmes, mais comme un

professionnel qui doit «définir des situations à l’intérieur desquelles les élèves

peuvent construire des connaissances et développer des compétences» (Maury et

Caillot, 2003, p.114).

Définie comme «un savoir-agir fondé sur la mobilisation et l’utilisation

efficace d’un ensemble de ressources» (Gouvernement du Québec, 2007, p.11), la

compétence ne s’enseigne pas, mais elle se développe par des situations

d’apprentissage et d’évaluation (SAE) complexes, signifiantes et contextualisées, en

Page 281: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

279

prise avec les situations et les problèmes liés à la vie courante (Gouvernement du

Québec, Ibid.). Lors de la conception de SAE, l’enseignant doit être «sensible à la

diversité des élèves qui composent le groupe-classe» et tenir compte de «la dimension

affective des élèves dans leur processus d’apprentissage» (Ibid., p.21). Il est aussi

appelé à travailler en collégialité avec ses collègues et les autres intervenants «pour

créer les conditions d’enseignement-apprentissage les plus favorables.» (Ibid., p.22).

Les orientations du PFEQ requièrent, de la part des enseignants, le

développement de compétences professionnelles spécifiques. C’est ainsi qu’une

formation professionnalisante et un référentiel de 12 compétences professionnelles

ont été mis en place pour former les enseignants (Gouvernement du Québec, 2001).

Ces compétences concernent la maitrise des contenus disciplinaires et culturels, la

maitrise du français oral et écrit, la conception de SAE, le pilotage de SAE,

l’évaluation des apprentissages et des compétences, la gestion de classe, l’adaptation

des interventions aux élèves en difficulté, l’intégration des TIC, la coopération avec

les partenaires éducatifs, le travail en équipe pédagogique, le développement

professionnel et l’éthique professionnelle. Or, les EMR ont souvent une formation

plus traditionnelle axée sur la discipline d’enseignement plutôt que sur la pédagogie,

la pratique et le travail en collaboration. Mais, comme les autres enseignants, ils

doivent agir en cohérence avec l’esprit et les orientations du PFEQ.

Objectif de recherche

La recension des écrits a montré qu’il existe peu d’écrits scientifiques sur la

transition professionnelle des enseignants immigrants et plus spécifiquement sur

l’adaptation au rôle professionnel. Au Québec en particulier, aucune étude empirique

n’a été faite sur le sujet. Même les quelques études réalisées ailleurs dans le monde ne

nous permettent pas d’appréhender comment ces enseignants vivent réellement leur

processus d’adaptation professionnelle jusqu’à un niveau de consolidation qui leur

permet d’être relativement à l’aise dans leur travail. D’ailleurs, ces études portaient

sur des enseignants immigrants stagiaires inscrits à un programme de certification à

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l’enseignement ou sur des enseignants qui ont déjà leur certification pour enseigner

dans les pays d’accueil, ce qui n’est pas le cas pour les EMR au Québec. Ces derniers

peuvent en effet obtenir une autorisation d’enseigner temporaire et commencer à

exercer l’enseignement avant d’entreprendre une formation complémentaire requise

pour l’obtention ultérieure du brevet d’enseignement, qui est l’autorisation

permanente d’enseigner (Niyubahwe, Mukamurera et Jutras, 2014). Ainsi,

indépendamment des difficultés spécifiques aux enseignants immigrants, ils peuvent

aussi faire face à d’autres difficultés inhérentes aux exigences liées à l’exercice du

rôle professionnel dans leur nouveau contexte éducatif. Eu égard à cette

problématique, l’objectif de recherche est de décrire et de comprendre l’expérience

d’adaptation au rôle professionnel des EMR dans le contexte scolaire québécois.

Cadre conceptuel

D’entrée de jeu, il importe de souligner que notre recherche

phénoménologique est de nature descriptive et compréhensive. Par conséquent, nous

ne partons pas d’un cadre théorique explicatif. Toutefois, étant donné que les EMR

intègrent à la fois un nouveau système éducatif et un nouvel environnement de travail

ayant une culture et une organisation qui lui sont propres, ces enseignants font figure

de débutants jusqu’à un certain point. Par conséquent, la clarification du concept

d’insertion professionnelle (IP) et des concepts connexes permet d’appréhender des

éléments pouvant éclairer leur transition et adaptation au rôle professionnel

d’enseignant au Québec.

Le concept d’insertion professionnelle

Selon Mukamurera, Martineau, Bouthiette et Ndoreraho (2013), l’insertion

professionnelle (IP) est un processus mutlidimensionnel qui comporte cinq

dimensions complémentaires et interdépendantes. Selon ces auteurs, tout IP

commence par l’accès à l’emploi. Ainsi, la première dimension concerne l’intégration

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à l’emploi et «renvoie aux conditions d’accès et aux caractéristiques des emplois

occupés» (Ibid., p.16). Au Québec, la précarité d’emploi et l’instabilité

professionnelle caractérisent largement les situations de travail des nouveaux

enseignants et les EMR seraient aussi touchés par cette réalité.

La deuxième dimension touche «l’affectation spécifique et les conditions de

la tâche, notamment en ce qui concerne la nature, les composantes et l’organisation

de la tâche, le lien entre la tâche spécifique et le champ de formation, la stabilité de la

tâche et de milieu, la charge de travail, etc.» (p.16) Tous ces facteurs influent sur la

façon dont le nouvel enseignant va vivre son intégration aux plans organisationnel et

professionnel.

La troisième dimension concerne la socialisation organisationnelle et renvoie

à l’intégration dans le milieu du travail, l’adaptation à la culture de l’école et

l’intégration à l’équipe-école. Selon Bengle (1993, dans Martineau, Portelance et

Presseau, 2010, p.3), la socialisation organisationnelle est un «processus par lequel

une personne en arrive à apprécier les valeurs, les habiletés, les comportements

attendus et les connaissances sociales essentielles afin d’assumer un rôle dans

l’organisation et d’y participer en tant que membre.» Lacaze et Fabre (2005) notent

que la socialisation organisationnelle concerne non seulement les jeunes qui débutent

dans la profession, mais aussi les personnes qui sont en transition professionnelle ou

qui changent de milieu de travail. C’est particulièrement le cas des EMR qui intègrent

un nouveau système scolaire et une nouvelle culture organisationnelle et

professionnelle. Campoy, Waxin, Davoine, Charles-Pauvers, Commeiras, et Goudarzi

(2005) indiquent que l’intégration dans une nouvelle culture organisationnelle

comporte plusieurs défis, dont l’adaptation au travail:

La nouveauté de la culture organisationnelle augmente l’incertitude

due au changement de l’environnement de travail et retarde

l’adaptation. Plus la culture organisationnelle de l’organisation hôte

est éloignée de celle de l’organisation d’origine, plus l’adaptation

au travail de l’expatrié s’en trouve difficile. (p.358)

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La quatrième dimension éclaire particulièrement notre étude et renvoie à la

professionnalité nécessaire à l’exercice de sa fonction. L’insertion au niveau de la

professionnalité a trait à l’adaptation et la maîtrise du rôle professionnel «par le

développement des savoirs et compétences spécifiques au métier. Il s’agit ici, dans le

cas des enseignants, du savoir ‘faire la classe’, de devenir compétent et efficace dans

les diverses facettes du travail» (Mukamurera et al., 2013, p.16). Perez-Roux (2012)

souligne aussi que la maîtrise du rôle professionnel requiert le développement d’un

certain nombre de compétences, comme celles relatives à la maitrise de la discipline

à enseigner, à la conception des situations d’apprentissage et d’évaluation qui

tiennent compte des prescriptions du programme de formation et de la diversité des

élèves, ainsi qu’aux compétences en gestion de classe «pour créer les conditions

favorables à la réussite de tous les élèves.» (Ibid., p.12) Au Québec, comme nous

l’avons mentionné dans la problématique, le référentiel de compétences

professionnelles pour la formation à l’enseignement compte 12 compétences

(Gouvernement du Québec, 2001). Le fait que les enseignants immigrants ont des

conceptions de l’enseignement propres à leur culture conduirait ceux-ci à réaliser des

apprentissages pour répondre aux exigences du système scolaire québécois. Perez-

Roux (2012, p.13) souligne d’ailleurs que «la professionnalité suppose […] une

adaptation au contexte et de fait, inscrit l’enseignant dans une dynamique de

changement.»

La dernière dimension, l’insertion au plan personnel et psychologique, réfère

aux aspects émotionnels et affectifs de l’insertion. Comme l’indiquent Mukamurera et

al. (2013), l’insertion professionnelle s’avère une expérience humaine complexe où

chaque nouvel enseignant, déjà porteur d’attentes et d’idéaux personnels associés à

l’enseignement, fait face émotionnellement à sa nouvelle situation et interprète ce

qu’il vit d’une façon qui lui est propre.

La cible de notre étude qui porte sur l’adaptation au rôle professionnel vise

surtout la quatrième dimension de l’insertion. Étant donné l’interdépendance entre les

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différentes dimensions, l’expérience d’adaptation au rôle professionnel peut

impliquer certains aspects d’autres dimensions comme la précarité d’emploi et

l’instabilité de la tâche. De même, une intégration déficiente au sein de l’équipe-école

et/ou une rupture importante entre les attentes personnelles et la réalité de la pratique

peuvent affecter la manière dont sera vécue l’adaptation au rôle professionnel.

Méthodologie

Pour atteindre l’objectif de décrire et de comprendre l’expérience

d’adaptation au rôle professionnel des EMR dans le contexte scolaire québécois, une

logique descriptive et compréhensive a été privilégiée. L’approche

phénoménologique permet d’étudier les phénomènes sous l’angle du sens qu’ils ont

pour les personnes qui les vivent (Giorgi, 1997). Les participants ont été recrutés dans

les régions de Montréal et de Sherbrooke en fonction de leur pertinence théorique. La

région de Montréal a été choisie en raison du grand nombre d’EMR qui y sont

recensés (Données internes du Mels, Martel, 2010) et celle de Sherbrooke, en raison

de la proximité géographique et de la disponibilité des personnes. L’échantillon

intentionnel (Fortin, 2010) est ainsi formé d’EMR, c’est-à-dire d’enseignants qui ont

une formation initiale à l’enseignement, une qualification et une expérience

d’enseignement dans leur pays d’origine. Pour être considérés comme EMR, les

enseignants immigrants devaient aussi résider au Québec depuis sept ans ou moins.

Dans le but d’avoir accès à des expériences significatives, nous avons également ciblé

des EMR ayant au moins une année d’expérience d’enseignement au Québec.

L’échantillon final est diversifié quant au genre, à la société d’origine, au champ de

formation et à l’expérience d’enseignement, ce qui comporte un avantage quant à la

richesse et la variété des expériences recueillies. La description des participants est

présentée au tableau 1. Des pseudonymes sont utilisés afin de préserver leur

anonymat.

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Tableau 1

Description des participants

Profils

Participants

Champ de

formation dans le

pays d’origine

Niveau de

formation

Expérience

d’enseignement

Niveau

d’enseignement

au Québec

Pays

origine

Québec

Dora Sciences et

technologies

Maîtrise 15 ans 2 ans Secondaire

Prima Français Maîtrise 13 ans 1 an Secondaire

Olivia Littérature

africaine

Licence7 5 ans 2 ans Secondaire

Nadia Français Maîtrise 20 ans 3 ans Secondaire

Latifa Français et

mathématiques

Maîtrise 6 ans 3,5 ans - Secondaire

- Primaire

(Accueil)

Francis Physique Maîtrise 12 ans 1 an Secondaire

Karim Linguistique Doctorat 17 ans 3 ans Secondaire

André Mathématiques Maîtrise 14 ans 6 ans Secondaire

Mariya Linguistique Maîtrise 3 ans 5 ans Primaire

(Accueil)

Eva Langue française Licence 20 ans 4 ans -Primaire

(Accueil)

-Secondaire

(Accueil)

Michaël Histoire Licence 4 ans 3 ans Secondaire

Rocio Espagnol Licence 17 ans 5 ans Primaire

Alessandra Adaptation

scolaire et sociale

Licence 16 ans 5 ans Secondaire

(Adaptation)

L’échantillon de 13 enseignants comprend neuf femmes et quatre hommes.

La majorité des enseignants (Dora, Prima, Olivia, Nadia, Latifa, Francis, André,

Karim) viennent d’Afrique; deux viennent d’Europe de l’Est (Mariya et Eva); un des

Caraïbes (Michaël) tandis que deux autres viennent d’Amérique du Sud (Rocio et

Alessandra). Certains ont de l’expérience dans des postes de responsabilité dans leurs

7 La Licence correspond à une formation universitaire de deux ans après un baccalauréat de deux ou

trois ans selon les pays, mais au Québec elle est considérée comme équivalente à un baccalauréat.

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pays d’origine, notamment comme direction d’école (Olivia et Prima), conseiller au

ministère de l’Éducation (André) et cadre d’entreprise (Mariya). Six enseignants

(Karim, Nadia, Olivia, Prima, Eva, Mariya) sont dans le champ d’enseignement des

langues, plus précisément en français; quatre enseignants (Dora, Francis, André et

Latifa) enseignent les mathématiques, les sciences et technologies; un enseignant

(Michaël) est dans le domaine l’univers social; une enseignante est en adaptation

scolaire (Alessandra) et une autre (Rocio) enseigne l’espagnol dans une école

primaire privée. La majorité des enseignants, 9/13, sont de la région de Montréal

(Karim, André, Michaël, Dora, Nadia, Latifa, Eva, Mariya et Olivia) et quatre

enseignants sont de Sherbrooke (Francis, Prima, Rocio et Alessandra).

La collecte des données a eu lieu du mois d’août 2011 au mois de mai 2012

dans les régions de Montréal et Sherbrooke, au moyen d’entrevues semi-dirigées

(Deschamps, 1993) sur les thèmes suivants : la formation antérieure et l’expérience

d’enseignement, le parcours migratoire, l’adaptation au pays d’accueil, l’insertion en

emploi, l’intégration dans le milieu scolaire et l’insertion au rôle professionnel. Les

entrevues d’une durée de 60 à 90 minutes ont été transcrites intégralement et

analysées en suivant les orientations de l’analyse phénoménologique (Bachelor et

Joshi 1986, Dechamps, 1993; Giorgi, 1997). Soulignons que l’analyses des 13

entrevues a permis d’atteindre le critère de saturation des données (Deslauriers, 1991;

Fortin, 2010) puisque nous n’avons relevé aucun nouveau thème dès la dixième

entrevue.

Les étapes de l’analyse ont été les suivantes : saisie du sens global du texte,

identification des unités de signification, délimitation des thèmes centraux,

élaboration de récits individuels, analyse des thèmes centraux en portant un regard sur

l’ensemble des récits. Plus précisément, après la transcription des entrevues, chacun

des verbatim a été lu et relu afin d’approcher le phénomène et d’en saisir le sens

(Bachelor et Joshi, 1986). Comme le souligne Deslauriers (1991, p.81), «le meilleur

outil d’analyse est encore la lecture, la relecture et la relecture des notes prises au

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cours des observations et des entrevues.» Après avoir saisi le sens global de chacun

des verbatim, nous sommes passées à l’identification et à la délimitation des unités de

signification qui émergeaient du texte. Comme le proposent Bachelor et Joshi (1986),

il s’agit de découper le texte en unités de sens et de passer d’une unité à une autre

chaque fois que le contenu exprimé par le sujet change de sens. Deschamps (1993)

note que ces unités représentent la structure même du phénomène. Une fois les unités

de signification décelées, il a été question de «délimiter les énoncés redondants et

d’articuler le thème principal exprimé autour d’une ou de plusieurs unités naturelles»

(Bachelor et Joshi, 1986, p.51). Comme le suggèrent ces auteurs, nous avons formulé

les thèmes centraux dans le langage utilisé par les participantes et les participants.

Après la délimitation des thèmes centraux, nous avons rédigé le récit d’expérience

spécifique à chaque participant, ce dernier étant par la suite invité à le valider et, s’il y

a lieu, à signifier des corrections. À cet égard, Pourtois et Desmet (1997) soutiennent

que l’approbation des interprétations par les personnes participantes donne une

validité phénoménologique ou validité de signifiance des interprétations. Enfin,

l’analyse transversale des thèmes centraux a été faite sur l’ensemble des récits pour

repérer des convergences, des différences ou des particularités.

Résultats

L’analyse fait ressortir quatre thèmes principaux : rapport aux élèves,

communication et gestion de classe; rapport au savoir et à l’apprentissage; perception

du système scolaire québécois; éléments favorables à l’adaptation au rôle

professionnel.

Rapport aux élèves, communication et gestion de classe

Dès leur première rencontre avec les élèves, les EMR ont été surpris, voire

choqués par la différence des relations enseignant-élèves dans leurs pays d’origine et

au Québec. Sauf Latifa, Mariya et Éva qui enseignent à des élèves immigrants en

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classe d’accueil, les autres ont été déstabilisés par l’attitude et le comportement des

élèves. Habitués à des relations enseignant-élèves très hiérarchiques, ils ne

comprenaient pas qu’un élève puisse tutoyer son enseignant, l’appeler par son

prénom ou s’adresser à lui comme à un égal: «Je n’étais pas habitué à leur façon de

parler aux enseignants sans le moindre respect. […] C’était pour moi la première

fois de voir un élève qui tutoie son enseignant. Je ne trouvais pas cela normal»

(Karim). Ces enseignants ne savaient pas comment établir un contact positif avec des

élèves qu’ils trouvaient irrespectueux et indisciplinés: «Dans mon pays, on a

l’habitude de voir des élèves très sages, obéissants et on arrive ici où un élève peut te

dire n’importe quoi, c’est vraiment très difficile.» (Olivia) Les différences culturelles

par rapport aux relations garçons-filles, à la façon de s’asseoir en classe et à la façon

de parler ont constitué des sources de choc et de déstabilisation pour Karim, Prima,

Dora et Francis. Par exemple, Dora rapporte le choc de voir un garçon et une fille

s’embrasser en classe en présence de l’enseignant et des autres élèves et un élève

assis qui appuie ses pieds sur son bureau : «Ce sont des situations qui me

dérangeaient et que j’interprétais comme des signes d’impolitesse, car cela n’est pas

permis dans ma culture.»

La communication avec les élèves constitue un autre défi pour les EMR,

quel que soit leur degré de maîtrise de la langue française. Karim, Dora, Prima,

Rocio, Alessandra et Eva disent avoir vécu des difficultés de communication avec les

élèves en raison de leur incompréhension réciproque. Karim croit que cela provient

de l’accent, des expressions et des structures de phrases différentes:

Les premières semaines, j’avais de la difficulté à comprendre. Il y

avait des expressions que je ne comprenais pas. Je captais, je

cherchais dans le dictionnaire et, petit à petit, j’ai fait mon petit

dictionnaire québécois. De mon côté, j’étais habitué à utiliser des

structures de phrases, des terminologies, alors, ils ne comprenaient

pas.

Pour Rocio et Alessandra, le manque de maîtrise du français était frustrant.

Enseignante d’espagnol, Rocio qui doit parfois donner des explications en français

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relate que les élèves se sont déjà moqués d’elle à cause de sa prononciation.

Alessandra a eu des conflits avec ses élèves car elle n’arrivait pas à s’exprimer

correctement.

Sauf pour les EMR qui travaillent en classes d’accueil auprès d’élèves

immigrants, la gestion disciplinaire des élèves constitue un grand problème. Habitués

à une discipline autoritaire et uniforme, ils ont été déstabilisés devant le

comportement des élèves au Québec: «La première journée, c’était infernal. Les

élèves ne m’écoutaient pas, ils étaient indifférents à mon discours, à tout ce que je

leur disais.» (André). Michaël et Alessandra ne savaient pas comment faire face aux

comportements violents d’élèves dans leurs groupes-classes d’adaptation scolaire et

sociale : «Je me sentais vraiment perdue, si démunie que j’ai décidé, le même jour, de

retourner à l’université pour étudier et connaître un peu plus le système scolaire

québécois» (Alessandra). Cinq enseignants ont subi de la violence verbale (Karim,

Dora, Olivia, Nadia) et physique (André) de la part d’élèves. Dépassés par les

événements, ils ne savaient pas quoi faire dans de telles situations: «Une élève m’a

frappé, je dis bien frappé, et j’étais impuissant en tant qu’adulte. C’était très

humiliant et j’ai appelé la sécurité pour venir la sortir de ma classe.» (André) Ces

enseignants estiment qu’au Québec, l’enseignant n’a aucune autorité sur les élèves

comparé à leur pays d’origine: «Au niveau de la gestion de classe, je trouve que c’est

le jour et la nuit» (André). Ici la gestion de la discipline prend trop de temps au

détriment de l’enseignement. Même si leurs collègues québécois vivent aussi des

difficultés gestion de classe, ces enseignants estiment que cela ne les affecte pas au

même titre: «Comme ils ont étudié ici et ont vécu ça en tant qu’élèves, ils supportent

ça facilement et ils savent comment faire dans ces cas-là.» (Olivia) En raison du

problème de gestion de classe, Michaël, Olivia et Alessandra ont développé des

sentiments de culpabilité et d’incompétence et même une perte de confiance en soi:

«Quand ça ne marche pas avec un groupe, tu n’arrêtes pas de te questionner. En

rentrant à la maison, tu es vraiment fatigué, ton estime chute pour un coup, car tu te

dis : est-ce que c’est moi qui ai mal fait les choses?» (Michaël)

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Avec le temps, les EMR parviennent à développer des relations positives

avec les élèves et des stratégies de gestion de classe : «Mes relations avec les élèves

sont allées en s’améliorant. Au début, en janvier, c’était difficile, mais au mois de

juin, j’avais réussi à créer de bonnes relations avec certains élèves» (Karim). Karim

rapporte avoir réussi à ramener à l’ordre l’élève le plus difficile de l’école: «Mon

objectif c’était de ramener cet élève à l’ordre. Alors, là, j’ai réussi à le faire et on

avait vraiment du mal à se quitter la fin juin». Afin d’améliorer leurs relations avec

les élèves, Karim, Nadia, Dora, André et Francis, Prima disent avoir fait preuve de

souplesse avec les élèves et même fait des concessions au niveau culturel: «Avec le

temps, j’ai compris qu’il fallait tolérer certaines choses et ça m’a beaucoup aidé

dans la façon d’apprivoiser les élèves et d’avoir une autre relation avec eux»

(André).

Rapport au savoir et à l’apprentissage

Les difficultés des EMR dans le rapport au savoir et à l’apprentissage sont

toutes liées au changement de système d’enseignement: passage du paradigme de

l’enseignement au paradigme de l’apprentissage, manque de maîtrise de l’approche

par compétences et méconnaissance du programme d’enseignement et des contenus à

faire apprendre.

Sauf Rocio et Alessandra, les autres participants viennent des pays où

l’enseignement magistral est la norme. Pour eux, le passage du paradigme de

l’enseignement au paradigme de l’apprentissage a été source de déstabilisation, de

confusion et de stress, en raison de la nécessité d’impliquer les élèves dans les

activités d’apprentissage: «Chez nous, c’est un système d’enseignement magistral et

on n’avait pas à faire beaucoup d’activités avec les élèves. Ici c’est tout à fait

différent. L’adaptation à cette approche n’était pas facile» (Eva). La préparation des

cours et la création de matériel pédagogique posent aussi problème. Olivia, André,

Alessandra, Latifa, Eva et Mariya ont rapporté leur stress à ce sujet: «Je n’avais pas

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beaucoup de temps pour préparer et, des fois, je ne savais pas par où commencer»

(Olivia). Les enseignantes en classe d’accueil (Latifa, Eva et Mariya) ont trouvé cela

encore plus compliqué à cause de leur inexpérience. Dans leurs classes, elles se

sentaient perdues sans documentation et ne savaient pas quoi préparer ni comment

faire. Ces enseignantes déplorent d’avoir été laissées à elles-mêmes sans formation

préalable, ni soutien formel: «J’étais livrée à moi-même et je n’avais aucun matériel,

aucune documentation… je me suis débrouillée toute seule» (Latifa).

La différenciation pédagogique pose un autre défi aux EMR. Mariya et

André rapportent leurs difficultés à préparer et à présenter des leçons qui tiennent

compte des besoins, des caractéristiques et des capacités des élèves et des groupes-

classes. Enseignante en classes d’accueil multiniveaux, Mariya trouvait difficile de

tenir compte de toute la complexité de la situation. André qui enseigne les

mathématiques aux élèves en classe d’accueil, en classe d’adaptation scolaire et dans

les classes ordinaires considère que l’adaptation de l’enseignement aux élèves

constitue un grand défi à relever, en particulier dans les groupes-classes où certains

sont en difficultés d’apprentissage: «J’avais donc des réajustements à faire par

rapport à ce que je faisais chez moi. Je devais tenir compte du contexte des élèves».

Les interventions d’accompagnement qui doivent susciter la motivation

envers l’apprentissage constituent un autre type de difficulté. Dora, André, Michaël et

Eva rapportent qu’avec les approches centrées sur l’apprenant, les élèves doivent être

actifs et suffisamment motivés pour apprendre par eux-mêmes. Or, comme ils étaient

habitués à des élèves passifs qui écoutent leur discours, accompagner les élèves et les

intéresser à apprendre par eux-mêmes s’avère difficile d’autant plus qu’ils étaient

portés à faire de cours magistraux. Ils considèrent que la transition a été difficile et

qu’ils ont mis beaucoup de temps à comprendre comment agir dans leurs nouvelles

classes.

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Le manque de connaissances contextuelles et culturelles constitue un autre

obstacle. Par exemple, Olivia qui doit traiter de textes littéraires dont la

compréhension requiert des connaissances de la culture et de l’histoire du Québec

souligne qu’elle ne peut faire apprendre aux élèves des choses qu’elle-même ne

connaît pas. Latifa et Dora rencontrent les mêmes difficultés en mathématiques et en

sciences et technologies où, pour introduire des notions ou concepts, elles avaient

besoin de connaître le contexte socioculturel: «Cela me demandait de savoir

réellement ce qui se passe dans la communauté, de me cultiver» (Dora).

L’approche par compétences pose un problème de taille aux EMR habitués à

l’approche par objectifs. Dora, Karim, Nadia, André, Michaël, Olivia, Latifa et Eva

rapportent leurs difficultés en ce sens: «Imaginez-vous quelqu’un qui enseigne

pendant 15 ans dans une approche par objectif et qui subitement doit faire une

approche par compétence. C’est un tout petit peu difficile» (Dora). De plus, ils ne

connaissaient pas les compétences disciplinaires et transversales à développer: «La

première semaine, je ne savais pas ce que voulaient dire les compétences

disciplinaires et les compétences transversales. Je me suis renseigné sur internet et

auprès des collègues» (Karim). En outre, ils ont de la difficulté à concevoir et

organiser des situations d’apprentissage et d’évaluation (SAE) basées sur les

compétences. Karim, Michaël et Latifa considèrent qu’ils n’évaluaient pas les élèves

correctement: «Avec l’approche par compétences, il faut non seulement des situations

d’apprentissage, mais aussi il y a l’évaluation qui s’en suit. Souvent, cela n’était pas

fait» (Michaël).

La méconnaissance des programmes d’étude et des contenus est un autre

obstacle à l’adaptation professionnelle des EMR. N’ayant pas de vue de l’ensemble

du programme et de la progression des apprentissages, la planification s’avère un

problème important. Michaël, Nadia et Karim mentionnent leurs difficultés à

planifier, à estimer le temps par rapport aux contenus et évaluations. Les EMR

déplorent que les enseignants au Québec sont trop laissés à eux-mêmes contrairement

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à ce qui se passe dans leurs pays d’origine, comme le rapporte Nadia: «Chez moi, tout

est planifié au début de l’année: on sait ce qui sera vu en octobre, en novembre, etc.

Donc, les enseignants sont plus encadrés». Karim rapporte qu’il ne connaissait pas le

contenu, les objectifs et les exigences du programme qu’il devait enseigner. Michaël

ne connaissait pas le document du MELS sur la progression des apprentissages et

rapporte le manuel utilisé n’allait pas en ce sens.

Enfin, le manque de maîtrise des TIC constitue un autre obstacle pour

beaucoup d’EMR. Latifa, Karim, Nadia, Francis, Dora et Eva relèvent leur manque

de compétence dans l’usage des ordinateurs et autres outils technologiques. Ainsi,

faire les bulletins, prendre les présences, consulter des documents en ligne les

stressait. Ils auraient eu besoin de formation à leur arrivée dans les écoles : «Les gens

qui travaillent dans les écoles tiennent pour acquis que les enseignants qui viennent

d’ailleurs savent tout. Personne ne se donne la peine de nous expliquer ces petits

détails» (Latifa).

Ces difficultés ont conduit les EMR à prendre conscience que leurs pratiques

pédagogiques habituelles ne fonctionnaient pas dans le contexte scolaire québécois et

à commencer à apprendre de nouvelles approches d’enseignement: «J’ai dû alors

revoir ma façon d’enseigner» (Nadia). Plusieurs stratégies permetttent d’y arriver:

rechercher de l’information sur Internet, demander de l’aide et des conseils auprès des

collègues, suivre des cours pour comprendre le système scolaire québécois. Peu à

peu, plusieurs ont changé leurs pratiques, comme en témoigne Nadia: «J’avais une

collègue qui donnait la même matière que moi, je discutais beaucoup avec elle sur les

étapes et la façon de procéder. Cela m’a aidé à améliorer ma façon d’enseigner et

quand je vois que les élèves comprennent, ça me fait du bien». Michaël est le seul

EMR qui n’a pas osé demander de l’aide à ses collègues de peur d’être jugé

incompétent, même s’il donnait un cours pour lequel il n’avait pas de formation. Seul

face à aux problèmes, il a fini par développer un sentiment d’incompétence: «J’avais

l’impression de faire du sur place. Des fois, je me rendais compte que les élèves ne

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progressaient pas comme il fallait et j’avais de la culpabilité. Je me demandais ce

que je devais améliorer, mais tout ça donne un sentiment d’incompétence».

Perception du nouveau système d’enseignement

L’adaptation des EMR constitue un cheminement au cours duquel ils

rencontrent des difficultés qui les déstabilisent et les amènent à des remises en

question. C’est ainsi qu’ils cherchent peu à peu à s’adapter à leur rôle professionnel et

à comprendre la logique du système scolaire québécois, voire à y trouver des

éléments positifs. Au fil du temps et une fois le choc initial passé, les EMR en

viennent même à apprécier positivement le système scolaire québécois, mais ils

déplorent le manque d’informations au début: «Franchement, je trouve que le système

éducatif québécois est bon. Seulement, c’est qu’on n’est pas au courant de toutes les

armes qu’on a en main dès le départ» (Nadia).

Ces enseignants considèrent que le système scolaire québécois est plus

inclusif: «Il y a de l’ouverture pour tout le monde et c’est une plus-value par rapport

au système scolaire de chez moi» (Alessandra). Le fait qu’il vise la réussite pour tous

contrairement au caractère élitiste des systèmes de leurs pays d’origine est très

apprécié: «Chez nous, c’est la sélection des meilleurs tandis qu’ici, même le moins

intelligent doit réussir à sa manière» (Olivia). Néanmoins, les EMR estiment qu’on

donne trop de droits et de liberté aux élèves, ce qui rend leur travail difficile: «Je

n’aime pas le fait qu’on ait donné trop de liberté aux enfants ici, car aujourd’hui, on

n’est plus capables de les contrôler» (Dora). Par ailleurs, André et Olivia trouvent

que les sanctions infligées aux élèves ne sont pas proportionnelles aux actes commis.

Par exemple, André a été frustré de voir que l’élève qui l’avait giflé est revenue dans

sa classe. Selon lui, elle aurait dû être renvoyée de l’école.

Les EMR en viennent à apprécier l’approche d’enseignement centrée sur

l’élève. Dix enseignants estiment que cette approche comporte plusieurs aspects

positifs par rapport au modèle traditionnel: «Chez nous, l’élève est un réceptacle que

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294

l’enseignant doit charger, bourrer et bourrer. […] alors qu’ici, les élèves

construisent le savoir» (Dora). De plus, ils apprécient la prise en compte des intérêts

et des besoins des élèves et l’hétérogénéité en classe. Karim relève que cela lui a

donné de la motivation pour changer: «Je dois aussi tenir compte de l’état émotionnel

de l’enfant, de ses intérêts, de son origine sociale et culturelle, etc. […] Cela m’a

amené à changer beaucoup, ce que je trouve positif, car si l’élève est satisfait,

l’enseignant l’est aussi». Bien que Michaël, Latifa et André reconnaissent plusieurs

qualités au modèle constructiviste, ils trouvent que cela doit être utilisé à bon escient.

Par exemple, Michaël estime que «si l’enseignant ne le maîtrise pas bien, il passe à

côté». André considère qu’il est difficile d’utiliser l’approche constructiviste dans une

classe difficile. Latifa qui enseigne dans une classe de soutien composée d’élèves

faibles trouve que les élèves sont trop laissés à eux-mêmes et combine les deux

modèles d’enseignement pour obtenir de bons résultats:

Personnellement, je vise toujours d’amener les élèves, avec des

situations, à déduire eux-mêmes les conclusions. Néanmoins, je fais

toujours une partie du cours magistral... j’ai des élèves qui ont

passé de 50 % à 83 %.

En outre, Dora, Latifa, André, Alessandra, Prima et Francis estiment que

l’abondance d’outils et de manuels pédagogiques, le bon équipement des laboratoires

et le système informatique sont favorables à l’enseignement: «L’enseignant est

beaucoup soutenu au niveau des supports pédagogiques, ce qui n’est pas toujours le

cas dans mon pays» (André). De plus, le nombre moins élevé d’élèves en classe que

dans leurs pays d’origine facilite l’interaction avec les élèves et leur

accompagnement, comme le souligne Alessandra: «Avec une petite classe, j’ai du

temps pour mieux connaître chaque élève, de faire des liens avec lui, mais aussi avec

les autres».

Page 297: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

295

Facteurs favorables à l’adaptation au rôle d’enseignant dans un

nouveau contexte éducatif

Plusieurs facteurs internes aux EMR et des facteurs contextuels contribuent à

atténuer les difficultés de l’enseignement dans leur nouvel environnement scolaire et

socioculturel. Ils ont tous développé des stratégies d’adaptation. Pour faire face au

problème de gestion de classe, plusieurs ont appris à mettre en œuvre des règles de

disciplines (Dora, Karim, Michaël et Prima), à trouver un équilibre entre la fermeté et

la souplesse (Karim et Nadia), à sanctionner les élèves conformément au règlement

de l’école (Nadia, Olivia et André), à travailler avec les parents et instaurer un

système de récompenses pour valoriser et encourager les élèves (Nadine). Certains

ont préféré démissionner et changer d’école: André a démissionné pour éviter une

évaluation négative; Michaël a quitté une école malgré le renouvellement de son

contrat pour tourner la page et ne pas revivre une expérience négative; Olivia s’est

orientée vers l’éducation des adultes où elle s’est bien intégrée.

L’ouverture aux nouvelles façons d’enseigner et d’être en rapport avec les

élèves a facilité l’adaptation de Karim, Michaël, André, Dora, Nadia, Prima et

Francis. Ayant pris conscience que les relations autoritaires avec les élèves ne

convenaient pas pour instaurer un climat de classe propice à l’apprentissage, ces

enseignants se sont résolus à apprivoiser les élèves, à s’approcher d’eux pour mieux

les comprendre et adapter leur enseignement en fonction de leurs besoins. De plus, ils

ont décidé de s’approprier de l’approche par compétence et des modèles

d’enseignement centrés sur l’apprenant pour mieux répondre aux exigences du

système scolaire québécois. En ce sens, Karim, Alessandra, Eva, Dora, Mariya et

Prima ont suivi les cours universitaires requis pour l’obtention du brevet

d’enseignement, notamment les cours sur le système scolaire du Québec, la

didactique, l’évaluation des apprentissages, l’intervention auprès des élèves

handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage: «Ces cours-là m’ont

beaucoup aidé à me réadapter, à m’adapter vraiment au milieu et à la réalité de

Page 298: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

296

l’enseignement ici au Québec.» (Karim) De plus, Dora, Karim, Eva, et Mariya ont

fait des stages ou ont observé des pairs: «Avec mon stage, j’ai eu l’occasion

d’observer comment les autres enseignants enseignent» (Eva).

Des caractéristiques personnelles comme être ouvert aux autres et à la

critique, être tenace, persévérant, patient, déterminé ont été citées par Karim, Dora,

Alessandra et Nadia comme des qualités nécessaires pour réussir la transition au

nouveau système d’enseignement: «Je suis une personne très ouverte à la critique et

cela m’a beaucoup aidée» (Dora). «Moi, tout le monde me qualifie de tenace. Même

devant des remarques très sévères de la direction, je ne lâche pas» (Karim).

Au niveau institutionnel, même s’il n’y avait pas de structure d’accueil et

d’accompagnement dédiée aux EMR, le soutien, la collaboration et les rétroactions

positives des collègues, de la direction et du personnel de soutien ont été cités par

Dora, Nadia, Latifa, Mariya, Karim, André, Eva, Alessandra et Rocio comme des

facteurs favorables à leur adaptation au rôle professionnel, comme en témoigne

Nadia :

La première année, la directrice adjointe m’a donné la remarque

que je ne gère pas bien ma classe. […]Cette année, elle est venue

dans ma classe, elle est restée 10 minutes puis elle m’a dit que tout

est bien. Je trouve cela encourageant. Quant à mes collègues, ils

sont vraiment formidables, ils m’encourageaient beaucoup. […] ils

sont vraiment très gentils, très coopératifs.

De même, l’accompagnement informel par un enseignant expérimenté a aidé Dora,

Michaël et Karim à résoudre des problèmes relatifs à l’enseignement et à la gestion

de la classe: «j’ai vu que l’élément qui fait la différence est vraiment quand il y a un

enseignant ancien qui a de l’expérience, qui donne vraiment correctement de ce qu’il

a comme stratégies, comme astuces pour gérer la classe.» (Karim) Cependant, ce

soutien semble plutôt ponctuel et rarement prodigué dès la prise de fonction.

Page 299: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

297

Discussion des résultats

Les résultats permettent de comprendre que les EMR font face, à des degrés

divers, à plusieurs défis et difficultés d’adaptation au rôle professionnel, mais qu’une

fois le choc de la réalité passé, ils réapprennent peu à peu le métier, développent des

stratégies et arrivent à modifier leurs pratiques pédagogiques et à développer un

rapport positif au système éducatif québécois. Ces EMR passent par différentes

étapes avant de se sentir à l’aise dans leur rôle professionnel.

Choc de la réalité et perte des repères culturels

Les EMR ont immigré dans l’espoir d’améliorer leurs conditions

économiques et d’assurer un avenir meilleur à leurs enfants. Comme d’autres, ils ont

dû surmonter plusieurs obstacles avant d’accéder à l’emploi en enseignement:

lourdeur des exigences et des procédures administratives pour obtenir un permis

d’enseigner, barrières culturelles et linguistiques, manque d’expérience et de

référence au Québec, discrimination à l’embauche (Niyubahwe, Mukamurera et

Jutras, 2014). L’obtention d’un emploi en enseignement, quels que soient le statut et

la durée, signifiait pour eux l’aboutissement d’un rêve, voire la fin des problèmes.

C’est avec enthousiasme et espoir qu’ils ont commencé à enseigner et ils pensaient

relever ce défi sans difficulté. Toutefois, lorsqu’ils entrent en classe, ils vivent plutôt

un choc, car ils découvrent une autre réalité. Il semble, comme l’indique Duchesne

(2010b), que les enseignants immigrants ont des attentes et des représentations qui ne

correspondent pas à la réalité du nouveau contexte scolaire. Les différences

culturelles au plan du comportement des élèves, de la communication, des relations

enseignant-élèves, de la gestion disciplinaire des élèves et de la philosophie

d’enseignement sont des sources de frustration, de déstabilisation et de perte de

repères. Berry (1997) soutient que l’écart culturel, voire l’incompatibilité des cadres

de référence rend pénible et déstabilisant le processus d’adaptation. Les EMR venant

des cultures caractérisées par des relations enseignant-élèves hiérarchiques et une

discipline autoritaire éprouvent des difficultés non seulement à établir des relations

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298

positives et moins distantes avec les élèves, mais aussi à instaurer un climat de classe

favorable aux apprentissages. Ces résultats confirment ceux des études faites en

Ontario par Myles, Cheng et Wang (2003) et Wang (2003). Dans le cas de nos

participants, le choc et la frustration relatifs à la gestion de classe, au manque de

respect à leur égard ainsi qu’à la violence verbale et physique subie semblent

terribles, d’autant plus qu’ils étaient confiants en leur autorité, en leur longue

expérience d’enseignement et en leur formation universitaire poussée. Aucune autre

étude n’a rapporté ce phénomène de violence envers les enseignants immigrants.

On remarque que l’adoption du paradigme de l’apprentissage et de

l’approche par compétences pose d’énormes défis aux EMR habitués à

l’enseignement magistral et à l’approche par objectifs. Comme l’indiquent Collerette,

Delisle et Perron (2008), la rupture des habitudes comporte de très grands défis

d’autant plus qu’elle implique de désapprendre et de réapprendre en même temps.

Ces enseignants traversent une période de doute, d’incertitude et de stress. Bridges

(1995, p.196) soutient qu’il en est ainsi pour toute transition, parce que la personne

«se trouve entre deux façons de faire et d’être, l’ancienne désormais perdue et la

nouvelle qui reste à trouver». Par ailleurs, Collerette (2005) souligne qu’un

changement de paradigme peut occasionner un état de fatigue intense, une confusion,

une incapacité à accomplir son travail efficacement, une perte des repères

professionnels et des frustrations en raison du manque de maîtrise des compétences

attendues. La plupart de nos participants ont vécu cela. Privés de leurs anciens repères

alors que les nouveaux s’installent à peine, ils se sont sentis perdus et ont eu des

difficultés à préparer et créer du matériel pédagogique, faire de la différentiation

pédagogique, évaluer les élèves, les accompagner et maintenir leur motivation dans

les activités d’apprentissage. Ces résultats ressemblent à ceux de l’étude de Myles,

Cheng et Wang (2003), à la seule différence que leurs participants étaient des

stagiaires qui avaient déjà suivi une formation d’appoint sur le fonctionnement du

système scolaire ontarien. Il est intéressant de constater que les difficultés

pédagogiques des EMR de notre étude sont directement liées aux spécificités de

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299

l’enseignement au Québec et aux compétences professionnelles visées par la

formation des enseignants au Québec (Gouvernement du Québec, 2001), à quoi

s’ajoutent pour certains des tâches en dehors de leur domaine de formation et

d’expérience (adaptation scolaire, classe d’accueil, classes multiniveaux, classes avec

élèves en difficulté intégrés).

Désenchantement, remise en question du système éducatif et stratégies

de survie

Du jour au lendemain, les EMR se rendent compte que ce qu’ils faisaient

sans effort dans leurs pays d’origine comme la gestion disciplinaire des élèves et le

pilotage de cours devient un calvaire dans le nouveau contexte. Dans un premier

temps, confiants en leur expérience d’enseignement dans leur pays d’origine, ces

enseignants ne réalisent pas que les problèmes peuvent se situer à leur propre niveau.

Au contraire, déçus et frustrés, ils remettent en question le nouveau système scolaire;

ils lui reprochent de donner trop de droits et de liberté aux élèves. Ils se plaignent que

l’enseignant au Québec n’a aucun pouvoir d’autorité sur les élèves, ce qui justifie

leurs difficultés de gestion de classe. Dans un deuxième temps, à cause de la

persistance des problèmes, de commentaires de collègues et de remarques de leurs

directions d’école, ces enseignants prennent conscience que les problèmes se situent à

leur propre niveau et tentent d’y remédier. N’ayant pas de connaissance de la culture

du milieu et du fonctionnement du système scolaire, ils interprètent les différents

problèmes à partir de leur cadre de référence initial et tentent de les résoudre en

appliquant des solutions traditionnelles, voire des stratégies de survie comme, par

exemple, appliquer des sanctions aux élèves, imposer un travail noté pour ramener les

élèves au calme, démissionner, changer d’école ou quitter le secteur des jeunes pour

aller à l’enseignement aux adultes. Mais, ils se rendent compte que certaines de leurs

stratégies sont inadaptées et rarement efficaces à long terme. Woods (1997) relève

que le recours à différentes stratégies de survie sous forme de sanctions n’aboutit pas

à la résolution du problème et peut même l’amplifier ou causer «un nouveau

problème pour lequel il faut inventer une autre stratégie de survie.» (p.357) On

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300

constate d’ailleurs, dans le cas des participants à notre recherche, que certaines

situations ont dégénéré jusqu’à donner lieu à des violences verbales ou physiques

envers eux. Constatant les limites de leurs interventions, certains perdent confiance en

eux-mêmes, se sentent coupables et responsables des problèmes de leurs classes et

développent un sentiment d’incompétence pédagogique. Cela marque cependant le

début d’une réelle prise de conscience de la nécessité de revoir en profondeur leurs

pratiques et de s’engager dans un processus actif et délibéré de changement.

Prise de conscience de la culture du milieu et adaptation progressive

Avec le temps, le regard externe et les observations personnelles amènent les

EMR à prendre conscience de la culture du milieu, à relativiser les problèmes et à

vouloir se prendre en charge. Plusieurs ont ainsi mis en place des stratégies de gestion

de classe efficaces et développé des relations positives avec les élèves, grâce

notamment au soutien des collègues et aux cours d’appoint suivis dans les universités

québécoises. De plus, une meilleure lecture de la réalité du milieu leur a permis de

prendre conscience qu’ils doivent modifier leur rapport au savoir et à l’apprentissage

pour répondre aux exigences du PFEQ. Comme le souligne Duchesne (2010c, p.38),

«Lorsque les points de vue adoptés ou les actions posées par un individu deviennent

problématiques ou inappropriés au regard d’une situation donnée, ses cadres de

références peuvent être transformés par un processus de réflexion critique.»

L’autoréflexion lui permet de se «remettre en question, puis de modifier les

suppositions sur lesquelles ses croyances d’origine étaient fondées» (Ibid., p.38). Il en

a été le cas pour les EMR. La remise en question de leurs croyances a suscité

l’engagement et l’ouverture à la culture du milieu, aux nouvelles façons d’enseigner

et d’être en rapport avec les élèves. Ces enseignants se sont investis à apprendre

l’approche par compétences et les approches d'enseignement centrées sur l’apprenant.

À cet égard, on remarque que la collégialité, le soutien des collègues et celui de la

direction, l’observation des pairs, l’accompagnement par un enseignant expérimenté

ainsi qu’une formation d’appoint conduisent les EMR qui en bénéficient à apprivoiser

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peu à peu à la réalité de l’enseignement au Québec et à adapter leur pratique. Utilisant

une métaphore fort significative, Wheeler (2003, p.267) indique aussi que l’homme, à

l’image du crustacé, «évolue de façon incroyable» en se débarrassant de sa vieille

carapace.

Sentiment de compétence et aisance dans l’exercice du rôle

professionnel

Avec une meilleure compréhension du fonctionnement du système scolaire

québécois, les EMR se sentent plus à l’aise et en confiance. Ils ont terminé les cours

(15 crédits) obligatoires pour l’obtention du brevet d’enseignement. Plusieurs ont

complété le stage requis et ont déjà le brevet ou l’attendent, tandis que d’autres

suivent leur stage en cours d’emploi. Tous ces cours et stages leur ont permis de

développer les connaissances et les compétences nécessaires à l’adaptation à leur rôle

professionnel. À cette étape, ils apprécient positivement le système éducatif

québécois comparativement à leur système d’origine. On remarque alors que les

EMR trouvent plus d’éléments positifs dans le système scolaire québécois: son

caractère inclusif, l’approche par compétence, les modèles d’enseignement centrés

sur l’apprenant, la prise en compte des intérêts des élèves, de leurs besoins affectifs et

de l’hétérogénéité de la classe, l’abondance des supports pédagogiques et la petite

taille des groupes-classes. Ainsi, ils sont enthousiastes à l’idée d’obtenir la stabilité

d’emploi pour ainsi demeurer dans l’enseignement au Québec dans une perspective

de long terme. Il importe de souligner que seuls deux enseignants ayant le statut de

suppléants n’ont pas encore atteint cette dernière étape en raison de l’instabilité

professionnelle accrue et de l’impossibilité d’exercer pleinement la fonction

enseignante dans toutes ses facettes. Par ailleurs, même ceux qui ont déjà atteint cette

étape déplorent que leur transition a duré longtemps du fait de l’absence de soutien et

d’accompagnement dès leur prise de fonction. Bridges (1995) souligne d’ailleurs que

la transition peut être plus longue faute de soutien.

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302

En somme, cette étude permet de comprendre que l’adaptation des EMR au

rôle professionnel dans un nouveau contexte éducatif dure plus ou moins longtemps

en fonction de plusieurs facteurs: la distance culturelle, l’écart entre les orientations

de l’enseignement et les pratiques pédagogiques du contexte d’origine au nouveau

contexte éducatif, le statut d’emploi, l’aide des collègues, le sentiment de collégialité

avec leurs collègues, le leadership de la direction et les qualités personnelles de

l’enseignant.

Conclusion

Les EMR traversent une période de déstabilisation et de perte des repères au

cours de leur adaptation au rôle professionnel, souvent sans soutien spécifique lors de

la prise de fonction. Ces enseignants doivent modifier leurs perspectives sur

l’éducation et leurs représentations du travail enseignant afin de devenir efficaces

dans le nouveau contexte scolaire. Leur processus d’adaptation est long et pénible,

parsemé de ruptures, de remises en question et de réapprentissages. Mais ils semblent

résilients et finissent généralement par devenir efficaces et se sentir à l’aise dans le

nouveau contexte scolaire. La maturité liée à leur haut niveau de formation

universitaire (maîtrise ou équivalent et doctorat) et leur expérience d’enseignement y

est sans doute aussi pour quelque chose.

Cette étude comporte une limite méthodologique relative à la composition de

l’échantillon. D’une part, les EMR recrutés pour la recherche avaient tous du travail

en enseignement au moment de l’entrevue. Dans ce sens, nos résultats n’éclairent pas

la réalité d’autres EMR qui ont pu accéder à l’enseignement, mais qui ont abandonné

en cours de route pour diverses raisons. Il serait donc intéressant de retracer ces

enseignants et de mener une recherche sur leurs motifs d’abandon, ce qui pourrait

aider à réfléchir sur des moyens de favoriser la rétention du personnel enseignant

immigrant dans la profession. D’autre part, les milieux de Montréal et de Sherbrooke

dont est issu notre échantillon ne sont pas représentatifs des différentes régions du

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303

Québec au plan de la diversité ethnoculturelle. Il serait intéressant de connaître la

réalité des EMR dans les milieux ruraux, par exemple, où il ya une faible densité

d’immigrants.

Malgré cette limite, notre étude a traité d’un sujet peu couvert dans le monde

francophone et au Québec en particulier. De plus, les résultats permettent d’envisager

certaines pistes de soutien formel susceptible de faciliter l’adaptation au rôle

professionnel des EMR. Par exemple, ceux et celles qui ont suivi quelques cours

d’appoint en formation à l’enseignement au Québec reconnaissent en avoir retiré des

bénéfices. De même, les commissions scolaires, en collaboration avec les directions

d’écoles, pourraient organiser des ateliers de formation pour les EMR nouvellement

embauchés. Ces ateliers pourraient les familiariser avec la culture pédagogique, les

valeurs de l’école québécoise, la gestion de classe, la planification pédagogique, la

gestion des élèves en difficulté, les approches d’enseignement, les attentes vis-à-vis

des enseignants et les ressources (humaines et matérielles) disponibles dans les écoles

au Québec. Enfin, étant donné qu’une compétence à enseigner «se construit dans la

pratique et en contexte professionnel réel» (Duchesne, 2010b, p.110), les directions

d’école pourraient par la suite mettre en place un dispositif d’accompagnement

professionnel personnalisé comme le mentorat ou le jumelage avec un collègue

expérimenté dès la prise de fonction. Il va sans dire que pour être efficaces

rapidement, les EMR ont besoin d’un accueil personnalisé, de soutien, d’information

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conquête de l’identité professionnelle (p.255-268). Québec : Les Éditions

Logiques.

Woods, P. (1997). Les stratégies de survie des enseignants. In J.- C. Forquin, Les

sociologies de l’éducation américains et britanniques : Présentation et choix de

textes (351-376). Bruxelles : De Boeck Université.

Page 310: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

308

SIXIÈME CHAPITRE

DISCUSSION GÉNÉRALE

Selon les normes du doctorat en éducation, la discussion générale d’une

thèse par articles a pour but de mettre en lumière la contribution des articles sur le

plan scientifique et d’exposer les limites de l’étude dans son ensemble. Afin d’y

parvenir, nous allons d’abord faire un bref retour sur les résultats significatifs de

l’étude. Ensuite, nous mettrons en relief les apports scientifiques de chacun des

articles. Puis, les limites et les forces de l’ensemble de l’étude seront présentées.

Enfin, les résultats de cette étude seront situés dans la thématique du doctorat en

éducation, soit l’interrelation entre la recherche, la formation et la pratique.

1 RETOUR SUR LES RÉSULTATS DES TROIS ARTICLES

Dans cette section, nous discutons des résultats des trois articles afin de

répondre à notre question générale de recherche qui est la suivante : comment les

EMR au Québec vivent et perçoivent leur IP dans leur nouvel environnement scolaire

et culturel? Avant de répondre à la question, il importe de rappeler les objectifs de

chacun des articles. Le premier article avait pour objectif de faire le point sur l’état

des connaissances sur l’IP des enseignantes et enseignants immigrants dans le milieu

scolaire. Le deuxième article visait à décrire et comprendre l’expérience de transition

professionnelle des EMR au Québec. Le troisième article avait pour objectif

de décrire et comprendre l’expérience d’adaptation au rôle professionnel des EMR

dans le contexte scolaire québécois.

Les résultats du premier article montrent qu’il y a peu d’écrits scientifiques

sur l’IP du personnel enseignant immigrant en général et dans le monde francophone

en particulier. Ils conduisent aussi à constater qu’aucune recherche empirique sur le

sujet n’a été faite au Québec. Qui plus est, on remarque que toutes les études

recensées ne permettent pas d’appréhender leur parcours d’IP de façon globale.

Cependant, les résultats montrent que le personnel enseignant immigrant connait des

Page 311: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

309

difficultés d’IP assez semblables d’un pays à l’autre, notamment des difficultés

d’accès à l’emploi, de non-reconnaissance des compétences acquises dans leurs pays

d’origine, d’intégration dans le milieu scolaire ainsi que des difficultés relatives à

l’exercice du métier, particulièrement des difficultés qui ont trait aux pratiques

d’enseignement et à la gestion de classe. Enfin, les résultats montrent aussi quelques

initiatives prises dans certains pays pour faciliter l’IP du personnel enseignant

immigrant, mais on constate qu’elles demeurent limitées par rapport aux divers

obstacles auxquels elles ou ils font face.

Le manque de connaissances scientifiques sur l’IP du personnel enseignant

immigrant dans le contexte particulier du Québec est illustré par le fait qu’aucune

recherche empirique n’avait été réalisée avant la nôtre. Les résultats du deuxième et

du troisième article permettent de répondre à la question générale de recherche. Nous

les mettrons en relation avec ceux des études recensées et nous les discuterons en

regard du cadre conceptuel de la recherche.

Selon Meyer, Biron, Doray, Bélanger et Cloutier (2006, p. 1), les

immigrantes et les immigrants vivent «une multitude de transitions» une fois installés

dans leur société d’accueil. Cela transparaît dans les résultats de notre recherche qui

montrent que les EMR vivent une transition sociale, culturelle et professionnelle. Dès

leur arrivée au Québec, les EMR doivent d’abord s’installer, s’adapter à leur nouvel

environnement et commencer à s’informer sur les procédures à suivre pour

recommencer leur carrière en enseignement. C’est lorsqu’ils ont franchi cette étape

que s’amorce leur processus d’insertion en enseignement. En ce sens, l’adaptation

socioculturelle est un point de départ de leur transition professionnelle.

Page 312: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

310

1.1 L’adaptation au milieu d’accueil

Les enseignantes et enseignants ayant participé à notre étude sont

majoritairement des immigrants économiques possédant un niveau élevé de formation

et une bonne expérience d’enseignement dans leur pays d’origine. Toutes et tous

occupaient un emploi permanent avant d’immigrer au Québec. Elles et ils ont

immigré dans l’espoir d’améliorer leurs conditions économiques et d’assurer un

avenir meilleur à leurs enfants. L’arrivée en terre d’accueil est vécue avec beaucoup

d’enthousiasme et ils s’attendent à réaliser leurs rêves. Toutefois, cet enthousiasme ne

dure pas longtemps. Leur adaptation au climat, à la culture, au mode de vie et au

mode de fonctionnement du Québec comporte d’énormes défis. En effet, si leur

environnement habituel a changé, leur rapport au monde et leurs systèmes de

référence n’ont pas changé. Comme l’indique Bridges (2006, p.166),

«Extérieurement, le changement semble accompli, mais le vrai processus de

transition n’est qu’à ses débuts.» Ces EMR doivent s’adapter au climat, à la culture et

au mode de vie de leur nouvel environnement. Selon Bridges (Ibid., p.102), «Pour

qu’une nouvelle situation puisse s’enraciner, il faut d’abord défricher le terrain, en le

débarrassant des vielles habitudes, attitudes et perceptions.» Les résultats de l’analyse

transversale des récits montrent que les différences culturelles, linguistiques et

climatiques ont été des sources de choc, de déstabilisation et de perte des repères.

Aussi bien la documentation scientifique que les résultats de notre étude permettent

de saisir que l’adaptation au nouveau milieu de vie est plus ou moins difficile en

fonction de l’écart culturel (Sélim, 1981; Zhou, Jindal-Snape, Topping, et Todman,

2008), de la connaissance de la langue, de la quantité et de la qualité des contacts

avec les membres de la société d’accueil, de l’expérience antérieure à l’étranger

(Zhou et al., Ibid.), des différences climatiques (Phaneuf, 2013) ainsi que de la

présence ou non de la famille (Dembil, 1992).

Ces résultats amènent à comprendre l’importance du concept de parcours

migratoire dans la compréhension de la trajectoire de transition professionnelle des

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311

EMR. En effet, tous les EMR n’arrivent pas au Québec avec la même histoire, les

mêmes acquis et les mêmes repères culturels. C’est dans ce sens qu’ils ne vivent pas

la même expérience d’adaptation en raison des facteurs qui viennent d’être évoqués.

Par exemple, les résultats montrent qu’une EMR ou un EMR qui ne parle pas ou qui

ne comprend pas le français ne vit pas les mêmes défis ou les mêmes difficultés que

celles et ceux qui le maîtrisent. De même, l’enseignante ou l’enseignant qui a une

famille ou un réseau de contact sur place ne vit pas la même expérience que celle ou

celui qui ne connaît personne à son arrivée. Comme on va le voir aussi dans les points

qui suivent, chaque EMR interprète les différents événements qu’il vit à sa façon,

selon ses acquis antérieurs, ses repères culturels et son histoire personnelle.

1.2 L’intégration au marché de travail en enseignement

Ayant été sélectionnés sur la base de leurs qualifications et de leur

expérience, les EMR arrivent avec l’idée qu’ils vont automatiquement intégrer

l’enseignement une fois sur le sol québécois. Cependant, ils découvrent rapidement

un écart entre les attentes et la réalité. Les résultats montrent en effet qu’elles ou ils

intègrent difficilement le marché du travail en enseignement. Tout d’abord, les EMR

découvrent que l’obtention d’un permis d’enseigner exige des conditions particulières

qui nécessitent des démarches administratives longues et couteuses. Une fois le

permis d’enseigner en main, les EMR doivent, comme tous les autres nouveaux

enseignants au Québec, emprunter plusieurs voies pour obtenir un premier emploi en

enseignement, notamment envoyer le curriculum vitae dans plusieurs écoles,

construire un réseau de contacts, chercher à rencontrer la direction et passer des

entrevues d’embauche (Désilets, 2011; Mukamurera, Bourque et Ntebutse, 2010;

Mukamurera et Gingras, 2004) et réussir un test de français exigé par la CS. Les

résultats mettent en relief que cela n’est pas facile pour les EMR. Plusieurs obstacles

freinent leur accès à l’emploi : la non-reconnaissance de leurs compétences

professionnelles, le manque d’expérience d’enseignement au Québec, l’absence d’un

réseau de contacts dans le milieu scolaire, certaines pratiques discriminatoires et des

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barrières linguistiques. Ces résultats vont dans le même sens que ceux de l’étude faite

en Ontario par Phillion (2003) auprès de cinq femmes immigrantes de minorités

visibles suivant un programme de certification à l’enseignement. Phillion a mis en

évidence que le manque d’expérience et de référence au Canada et les barrières

linguistiques freinent leur accès à l’emploi en enseignement. Il semble cependant que

ces difficultés ne sont pas spécifiques seulement aux enseignantes et enseignants

immigrants et qu’elles affectent les immigrantes et les immigrants sans distinctions

de leurs professions ou de leur formation. En effet, dans leur analyse de l’intégration

des immigrants et immigrantes au Québec, Forcier et Handal (2012) relèvent les

mêmes obstacles. Ils soulignent d’ailleurs que «l’analyse des difficultés d’intégration

socio-économique des immigrants récents permet de voir que ce n’est pas l’infériorité

des compétences des immigrants, mais bien des pratiques discriminatoires sur le

marché du travail qui sont en cause» (Ibid., p.9).

Un autre obstacle à l’accès à l’emploi en enseignement réside dans la

lourdeur des procédures de passation et de correction du test de français, dont la

réussite est conditionnelle à l’obtention du permis d’enseigner. Les EMR déplorent

que l’attente très longue des résultats retarde leur insertion dans l’emploi. De plus,

cette attente crée du stress chez certains d’entre eux. Comme notre échantillon est

composé d’EMR ayant persévéré et obtenu du travail en enseignement, on peut

penser qu’un certain nombre d’enseignantes et enseignants immigrants finissent par

se décourager et abandonner leur projet d’intégrer l’enseignement au Québec en

raison de leurs limites reliées à la langue et du temps d’attente relativement long (un

an) pour refaire le test en cas d’échec. Cette situation est particulière aux EMR au

Québec et aucune autre étude n’a révélé ce problème spécifique.

Eu égard aux différents défis et difficultés qui marquent leur intégration au

marché de l’emploi en enseignement, on remarque que les EMR passent une période

allant de un à deux ans avant d’obtenir un premier emploi en enseignement au

Québec. Boudarbat (2011) et Lacroix (2013) soulignent d’ailleurs que la personne

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313

subit une déqualification en raison du temps passé sans pratiquer son métier. Durant

cette période, pour survivre, ces EMR n’ont d’autre choix que d’accepter de petits

emplois pour lesquels elles ou ils sont surqualifiés. Bien que certains les considèrent

dévalorisants, ces petits emplois contribuent à faciliter leur adaptation puisqu’ils leur

donnent l’occasion de découvrir l’environnement, d’être en contact avec des

Québécois et de s’imprégner de la culture du Québec. Une enquête réalisée au

Québec auprès des immigrants de la catégorie des travailleurs qualifiés (Lacroix,

2013) montre aussi que beaucoup d’immigrantes et immigrants qualifiés transitent

par de petits emplois avant d’en trouver un dans leur domaine de compétence. Chez

les participantes et participants à notre étude, on relève que le retour aux études, le

bénévolat, la dispensation de cours à domicile et le recours à l’aide à la recherche

d’emploi constituent des stratégies efficaces de recherche d’emploi qui aboutissent à

une embauche dans une école. Toutefois, en raison de la précarité du marché de

l’emploi en enseignement, les EMR obtiennent, comme les autres enseignantes

débutantes et enseignants débutants au Québec, des emplois précaires (Mukamurera,

2011a; Mukamurera et Martineau, 2009) qui ne leur permettent pas d’atteindre le

bien-être auquel ils aspiraient en venant au Québec.

Les difficultés d’intégration en emploi affectent directement ou

indirectement les autres dimensions de l’IP identifiées par Mukamurera et al. (2013).

Au niveau personnel et psychologique, les EMR vivent beaucoup de déceptions et de

frustrations face aux délais d’attente pour obtenir un emploi et à la précarité du

travail. En effet, elles ou ils ne s’attendent pas à autant d’obstacles puisque le

discours du gouvernement canadien sur le besoin de travailleurs qualifiés leur laissait

croire que l’accès à l’emploi dans leur domaine de compétence ne serait qu’une

simple formalité. Une fois sur le sol québécois, c’est le choc de la réalité, la

désillusion, le désespoir et l’inquiétude quant à leur avenir professionnel et

socioéconomique. Ce qui les affecte encore davantage, c’est le sentiment de perte de

statut social lorsqu’ils font de petits emplois sous-qualifiés, lesquels sont

généralement dévalorisés et dévalorisants dans leurs pays d’origine. Par ailleurs,

Page 316: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

314

l’obtention d’emplois instables entraine, chez ces EMR, beaucoup de stress lié à

l’insécurité professionnelle. Même si le problème de la précarité d’emploi touche

autant les EMR que les autres enseignantes et enseignants débutants au Québec, nous

pensons que l’expérience qu’en ont les EMR est plus déstabilisante, voire

traumatisante à cause du grand écart entre leurs attentes et la réalité, eux qui étaient

habitués à des contrats permanents et qui, de surcroit, n’ont pas de base dans le pays

d’accueil où tout est encore à découvrir et à bâtir.

La précarité d’emploi affecte également l’insertion dans le travail et la

maîtrise de la pratique. Les résultats montrent que les emplois précaires qu’occupent

les EMR leur imposent des conditions de travail très difficiles. Non seulement les

EMR changent souvent d’écoles et de niveaux d’enseignement, mais aussi elles ou ils

enseignent parfois des matières en dehors de leur champ de formation ou

d’expérience. À cela s’ajoute les groupes-classes difficiles puisque l’attribution des

tâches se fait en fonction de la priorité d’ancienneté à la CS (Mukamurera, 2011a).

C’est ainsi que les changements de milieux, l’instabilité des tâches et l’affectation à

des groupes-classes difficiles et/ou à des matières ne correspondant pas à leur champ

de formation ou d’expérience nuisent à l’intégration socioprofessionnelle des EMR et

ralentissent leur développement professionnel. Tout cela génère chez les EMR un

sentiment d’incompétence pédagogique, de la fatigue et de la perte de confiance en

soi. Les résultats montrent aussi que leur intégration reste partielle et constamment à

refaire à cause de l’instabilité de milieu et de tâche, ce qui correspond à ce que

Mukamurera (2005a) avait déjà relevé pour les enseignantes et enseignants débutants

québécois.

1.3 L’intégration dans le milieu scolaire

Lorsqu’ils commencent à travailler dans les écoles du Québec, les EMR se

retrouvent dans un environnement scolaire et culturel qui leur est complètement

étranger. En tant que débutants dans le système scolaire québécois, la dimension de

Page 317: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

315

socialisation organisationnelle se révèle essentielle à la réussite de leur IP. En ce sens,

Lacaze et Fabre (2005) soutiennent que la socialisation organisationnelle concerne

non seulement les jeunes qui débutent dans la profession, mais aussi les personnes qui

sont en transition professionnelle. Selon Campoy, Waxin, Davoine, Charles-Pauvers,

Commeiras et Goudarzi (2005), l’adaptation à une nouvelle culture organisationnelle

peut comporter d’énormes défis si l’organisation d’origine et l’organisation hôte ont

des cultures différentes. Nos résultats le confirment. Les EMR ont vécu une période

de désorientation en raison de la méconnaissance du fonctionnement et de

l’organisation de l’école au Québec, des règles de conduite à l’intention des élèves et

des ressources auxquelles recourir en cas de besoin dans les milieux scolaires

particuliers où ils ont trouvé du travail. Martineau et Vallerand (2006) notent que les

directions d’établissements doivent jouer un rôle capital dans l’intégration des

nouvelles enseignantes et des nouveaux enseignants. Leur rôle consiste à accueillir et

à rassurer les recrues, leur donner des informations utiles, les présenter aux membres

du personnel enseignant et administratif et leur offrir un soutien en cas de besoin.

Cela n’a pas été le cas pour beaucoup d’EMR. Au contraire, elles ou ils se sont sentis

laissés à eux-mêmes par les directions d’écoles : elles ou ils n’ont bénéficié d’aucune

mesure formelle d’accueil, de soutien et d’accompagnement contrairement à ce qui se

passe dans leurs pays d’origine. À leur arrivée à l’école où ils ont obtenu du travail,

les EMR ont même souvent dû se débrouiller pour trouver par eux-mêmes leur local

de classe, se présenter aux élèves et se familiariser tant bien que mal à

l’environnement de travail. Beaucoup affirment d’ailleurs s’être sentis «jetés dans une

fosse aux lions» lors de leur première expérience en classe. Ces EMR estiment que

plusieurs difficultés rencontrées en classe sont attribuables au fait qu’ils ne

connaissaient pas les règlements de l’école.

En outre, les résultats montrent que l’absence de mesures formelles d’accueil

et d’accompagnement rend plus ardue l’intégration des EMR au sein de l’équipe-

école dans la mesure où ils doivent eux-mêmes s’introduire dans l’équipe-école, se

présenter aux collègues et aux autres membres du personnel scolaire et se familiariser

Page 318: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

316

avec la culture du milieu. Cette intégration se passe plus ou moins difficilement en

fonction du climat de l’école et de l’ouverture de ses membres à la diversité

ethnoculturelle. Il se dégage que le leadership de la direction d’école, la convivialité

et la collégialité des collègues, la diversité ethnoculturelle de l’équipe-école et les

qualités personnelles de l’EMR constituent des facteurs favorables à son expérience

d’intégration professionnelle positive au sein de l’équipe-école. Buzzanga (1974)

explique d’ailleurs qu’il est impossible aux immigrants de s’intégrer et devenir des

membres de la société à part entière sans l’ouverture et la collaboration des membres

de la société d’accueil. Cela paraît dans nos résultats où il ressort que les EMR

affirment s’être intégrés plus facilement dans les écoles culturellement et

ethniquement diversifiées en raison de l’ouverture de leurs membres à la diversité.

Ces résultats confirment ceux d’une étude faite en Ontario par Deters (2006) auprès

de 32 enseignantes et enseignants immigrants du primaire et du secondaire. Cette

étude a montré qu’un milieu scolaire culturellement et ethniquement diversifié facilite

l’acculturation et l’intégration du personnel enseignant immigrant. D’ailleurs, dans

notre recherche, les EMR ont relevé qu’il leur a été plus difficile de s’intégrer dans un

milieu scolaire homogène québécois. Certains EMR ont fait face à ce que Legault et

Fronteau (2008) désignent comme des mécanismes d’exclusion : l’isolement social,

le racisme et la discrimination. Cela rejoint les propos de Bourhis et Bougie (1998) :

lorsque les orientations d’acculturation des immigrants et celles des membres de la

communauté d’accueil sont discordantes, il en résulte des relations conflictuelles

marquées par un manque de communication, des stéréotypes négatifs et des

comportements discriminatoires et racistes. Ces situations ont aussi été rapportées en

Ontario par Phillion (2003) dans sa recherche auprès de cinq enseignantes

immigrantes issues de minorités visibles. À cet égard, Césari-Russo (2008) indique

que les individus peuvent résister à l’intégration des étrangers par crainte de perdre

leur identité. Il appert que dans pareille situation, l’acculturation et l’intégration

deviennent difficiles puisqu’il n’y a pas de contacts soutenus avec les membres de la

communauté d’accueil (Berry, 2001; Bourhis et Bougie, 1998; Legault et Fronteau,

2008; Legendre, 2005). Il importe de souligner qu’une expérience d’intégration

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317

déficiente au sein de l’équipe-école affecte du même coup la manière dont les EMR

vivent leur adaptation au rôle professionnel. Certains EMR témoignent avoir eu peur

de demander de l’aide à une direction ou à des collègues qui, dès le départ, leur

avaient manifesté une attitude de rejet. En conséquence, elles ou ils vivent une

transition professionnelle pénible, faute de pouvoir compter sur un soutien approprié.

Enfin, les résultats montrent que les qualités personnelles de l’enseignante

ou de l’enseignant immigrant, comme l’ouverture d’esprit, le fait d’être proactif et

d’avoir le sens de l’humour, favorisent l’intégration. Les EMR qui ont pris les

devants pour initier une communication ou demander de l’aide à des collègues ont

non seulement développé des relations positives avec leurs collègues, mais aussi ont

bénéficié, en retour, de leur soutien. Legault et Fronteau (2008) et Yim (2000)

soutiennent aussi que les personnes immigrantes jouent un rôle important dans leur

propre intégration.

1.4 L’adaptation au rôle professionnel

L’adaptation des EMR au rôle professionnel se révèle constituer une

dimension de l’insertion qui laisse, à des degrés divers dépendamment des acquis et

des repères culturels de chacun, des traces psychologiques plus ou moins

douloureuses. Dès leur prise de fonction, les chocs se succèdent et s’accumulent. Ils

sont constamment exposés à des logiques différentes, voire opposées de celles qu’ils

connaissaient dans leurs propres pays. Par exemple, ils passent parfois d’un modèle

de relations enseignant-élèves hiérarchiques à un modèle où les relations sont moins

hiérarchiques, ils passent de la gestion autoritaire des élèves à une gestion

démocratique, du paradigme de l’enseignement à celui de l’apprentissage et de

l’approche par objectifs à l’approche par compétence. Tout comme l’indique Cardu

(2008, p.173), leur acculturation professionnelle nécessite «une reconstruction

identitaire où s’amalgament perte de repères culturels et intégration de valeurs

nouvelles». Ainsi, la transition d’une logique à une autre a comporté d’énormes défis.

Les résultats montrent que les EMR venant de cultures éducatives caractérisées par

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des relations enseignant-élèves hiérarchiques et une gestion autoritaire des élèves ont

été déstabilisés par l’attitude et le comportement des élèves en classe au Québec. Ces

enseignantes et enseignants considèrent avoir eu du mal à établir des relations

positives et moins distantes avec les élèves et à instaurer un climat de classe propice

aux apprentissages. En outre, les EMR habitués à un enseignement magistral et une

approche par objectifs ont éprouvé des difficultés à dispenser les cours conformément

aux orientations des modèles d’enseignement constructivistes et de l’approche par

compétence en usage au Québec. En ce sens, la préparation des cours, la création du

matériel pédagogique, la différentiation pédagogique, l’évaluation des apprentissages

ainsi que le maintien de la motivation des élèves par les activités proposées ont été

des défis de taille à relever pour ces EMR. Les résultats d’une étude qualitative faite

en Ontario par Wang (2003) auprès de huit enseignantes et enseignants immigrants

d’origine chinoise vont dans le même sens. Selon cette étude, les enseignants

immigrants d’origine chinoise habitués à un enseignement magistral se sont sentis

désorientés par les modèles d’enseignement constructivistes. De plus, Wang a montré

que la gestion de classe pose un problème à ces enseignantes et enseignants qui

déplorent l’indiscipline, le manque de respect et la désobéissance des élèves. Ces

enseignantes et enseignants ont aussi vécu des difficultés à établir des relations

stables et fermes avec les élèves. Les mêmes constats ont été relevés dans l’étude

faite en Ontario par Myles et al. (2003) auprès de 18 enseignants immigrants suivant

un stage de certification à l’enseignement.

Nos résultats montrent que les EMR au Québec font face à d’autres

difficultés en lien avec les spécificités de l’enseignement au Québec et les

compétences professionnelles attendues des enseignants (Gouvernement du Québec,

2001). Il s’agit notamment de la maitrise des programmes d’études et des contenus

pédagogiques et culturels, de la conception et du pilotage des situations

d’apprentissage et d’évaluation (SAE), de l’évaluation des compétences, de

l’adaptation des interventions aux EHDAA ainsi que de la maîtrise et l’intégration

pédagogique des TIC. D’autres difficultés rencontrées par certains EMR proviennent

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319

de leur affectation à l’enseignement de matières pour lesquelles ils ne sont pas

qualifiés, à l’enseignement en adaptation scolaire, ainsi qu’à l’enseignement en classe

d’accueil ou en classes multiniveaux.

Une autre difficulté qui a déstabilisé les EMR et qui a nui à leur gestion de

classe se situe au niveau culturel et linguistique. Les EMR, francophones comme non

francophones, ont éprouvé des difficultés de communication avec leurs élèves en

raison d’une incompréhension réciproque due à la différence d’accents, d’expressions

utilisées et de la structure des phrases. Barrette, Gaudet et Lemay (1996) et Guitel

(2006) relèvent que lorsque les interlocuteurs sont de cultures différentes, l’écart

linguistique peut donner lieu à une «panne de communication» d’autant plus que

chacun interprète le message de l’autre à partir de son propre champ culturel. Les

EMR ont dû reconnaître les limites de leurs propres champs de référence et s’ouvrir

aux codes de communication de leurs élèves afin d’asseoir une bonne

communication. Bien que les EMR n’aient pas évoqué de difficultés de

communication particulières avec les autres membres de la communauté scolaire, on

peut penser que les difficultés reliées à la communication interculturelle puissent

expliquer certains problèmes de communication avec les élèves.

Dans un autre ordre d’idées, on peut relever qu’après de longues années

d’expérience d’enseignement dans leurs pays d’origine, les EMR ne s’attendaient pas

à ce que des activités jusque-là effectuées sans effort, comme la gestion de classe et la

gestion de l’enseignement, deviennent laborieuses dans le nouveau contexte et

exigent de nouveaux apprentissages. À cet égard, Brigdes (2006, p.132) pose que le

changement demande beaucoup d’adaptation et que «Les choses que l’on prenait pour

la réalité deviennent une illusion» en période de transition. Dans le même sens,

Collerette, Delisle et Perron (2004, 155) soulignent que certaines habiletés

professionnelles ne se transfèrent pas de façon automatique et que «toutes les

satisfactions qui venaient de la compétence acquise au fil des années [sont]

remplacées par de multiples frustrations tout au long de la transition». Ces

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320

frustrations ont amené les EMR participant à notre étude à développer une perception

négative du système scolaire québécois. Leur manque de connaissances de la culture

du milieu et de la réalité des élèves au Québec les amenait à interpréter les situations

vécues ou observées à partir seulement de leur cadre de référence culturel.

Mais, une fois le choc de la réalité passé, ces enseignantes et enseignants ont

commencé à réapprendre petit à petit le métier et ont développé des stratégies de

survie professionnelle comme d’appliquer des sanctions aux élèves, d’imposer un

travail noté pour ramener les élèves au calme, de démissionner, de changer d’école ou

de quitter le secteur des jeunes pour aller à l’enseignement aux adultes. Toutefois,

certaines de leurs stratégies comme, par exemple, l’application des sanctions ne

donnent pas nécessairement les résultats attendus. On remarque d’ailleurs que des

situations ont dégénéré et donné lieu à des violences verbales, voire physiques à

l’égard des EMR. Il importe de souligner qu’aucune autre étude n’a évoqué ce

phénomène de violence envers les enseignants immigrants.

Compte tenu des limites de leurs interventions, certains EMR finissent par

perdre confiance en eux-mêmes, se sentir coupables et responsables des problèmes de

leurs classes et développer un sentiment d’incompétence pédagogique. Bridges (2006,

p.89) explique que l’être en transition peut avoir «l’impression de stagner, que tout

aille de travers, que les stratégies d’hier cessent brutalement de donner satisfaction».

Tout comme le relève Bridges (Ibid.), ces EMR doivent faire le deuil de leurs

anciennes pratiques pour en découvrir de nouvelles adaptées à la réalité du nouveau

contexte scolaire. On remarque qu’avec le temps, ces EMR sont arrivés à remettre en

question leurs anciennes pratiques et à s’ouvrir à la culture du milieu et aux nouvelles

façons d’enseigner et d’être en rapport avec les élèves. Ainsi, une certaine forme de

lâcher-prise leur a ouvert de nouveaux horizons et leur a permis de s’approprier le

code de vie de l’école et de devenir un peu plus créatifs. Par exemple, certains ont

développé des stratégies de gestion de classe efficaces, comme de mettre en œuvre

des règles de disciplines et de respect, de trouver un équilibre entre la fermeté et la

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souplesse, d’impliquer les parents et d’instaurer un système de récompenses pour

encourager les bons comportements. C’est ainsi que ces EMR ont pu progressivement

développer des relations positives avec les élèves. On remarque d’ailleurs que

certains EMR ont même pu redresser le comportement d’élèves les plus difficiles de

l’école tandis que d’autres, surtout ceux qui avaient des classes des doubleurs, ont pu

prouver aux élèves en difficultés d’apprentissage qu’ils sont capables de mieux faire.

Ainsi, ces EMR apportent une plus-value à l’éducation et la réussite de leurs élèves

dans leur nouveau milieu.

Afin de mieux répondre aux exigences du PFEQ, les EMR se sont résolus à

s’investir dans leur développement professionnel en recourant à l’approche par

compétence et aux approches d’enseignement centrées sur l’apprenant. Pour y arriver,

ils ont mis en place différentes stratégies, notamment s’inscrire plus tôt que prévu à

des cours d’appoint, suivre le stage requis pour l’obtention du brevet d’enseignement,

solliciter de l’aide et de l’accompagnement informel de collègues plus expérimentés

et participer à des forums de discussion en ligne avec d’autres enseignants. Grâce à

ces différentes stratégies, à la collégialité de certains collègues et au soutien de

certaines directions, ces EMR parviennent, au fil du temps, à s’adapter à la réalité de

l’enseignement au Québec, à ajuster leurs pratiques et à développer un rapport plus

positif au nouveau système d’enseignement. Les EMR considèrent que les cours et le

stage requis pour l’obtention du brevet d’enseignement leur ont permis de développer

les connaissances et les compétences nécessaires à leur adaptation au rôle

professionnel requis pour l’enseignement au Québec. Cependant, elles ou ils doivent

traverser plusieurs étapes avant de se sentir efficaces dans leur rôle professionnel et

auraient souhaité bénéficier d’un soutien dès la prise de fonction afin d’alléger cette

longue et complexe transition professionnelle. De plus, compte tenu de la précarité

d’emploi, les EMR en situation de suppléance manquent de possibilités d’exercice de

la fonction enseignante dans toutes ses facettes, ce qui ne fait qu’allonger leur période

de transition au rôle professionnel d’enseignant en contexte scolaire québécois. Cet

effet négatif du statut de suppléant et de la précarité en général a d’ailleurs été mis en

Page 324: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

322

évidence par Gingras et Mukamurera (2008), Mukamurera (2005a) et Mukamurera et

Martineau (2009).

En somme, notre étude permet de comprendre que le parcours de transition

professionnelle des EMR au Québec représente un labyrinthe parsemé d’embuches

depuis leur adaptation socioculturelle jusqu’à l’adaptation au rôle professionnelle.

Notre étude permet aussi de voir que les EMR vivent une transition sociale et

professionnelle au sens de Bridges (2006). Selon cet auteur, la transition occasionne

des ruptures, des déstabilisations, des déceptions, des remises en question et des

réajustements qui permettent à la personne « de se connaître et d’acquérir le pouvoir

nécessaire à son nouveau statut» (p.171).

De plus, les résultats de notre étude apportent un nouvel éclairage sur

l’importance des cinq dimensions de l’IP (Mukamurera et al., 2013) dans la

compréhension de la transition professionnelle des EMR. Non seulement ils

confirment la complémentarité et l’interdépendance des cinq dimensions dans le

vécu de la transition professionnelle, mais aussi ils révèlent la prépondérance de la

dimension de l’insertion personnelle et psychologique de l’IP. En effet, on s’aperçoit

que ce qui touche à chacune des autres dimensions la touche en même temps, d’où

l’importance de considérer qu’un soutien d’ordre affectif et psychologique serait

aussi d’un apport crucial dans le vécu de la transition professionnelle chez les EMR.

Enfin, notre étude permet de mettre en évidence que les EMR ne forment

pas un groupe entièrement homogène. L’expérience diffère d’une enseignante à

l’autre ou d’un enseignant à l’autre en fonction de la distance culturelle, des acquis

antérieurs et de son histoire personnelle.

Page 325: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

323

2 APPORTS SCIENTIFIQUES DES ARTICLES

Chacun des articles de cette thèse apporte une contribution à l’avancement

des connaissances sur l’IP du personnel enseignant immigrant. Le premier article

porte un regard critique sur la littérature existante, alors que le deuxième et le

troisième article répondent aux objectifs spécifiques de la thèse. Les apports

scientifiques des trois articles sont présentés dans les paragraphes suivants.

Le premier article consiste en une recension systématique des écrits qui a

permis d’apporter une mise à jour exhaustive sur l’état des connaissances au regard

de l’IP des enseignantes et enseignants immigrants dans les pays d’accueil. De plus,

les résultats du premier article permettent de comprendre que la question de

l’insertion du personnel enseignant immigrant constitue une préoccupation autant

pour les chercheurs que pour les gouvernements des pays qui les accueillent compte

tenu des nombreuses difficultés auxquelles ils font face et du rôle qu’ils peuvent jouer

dans l’éducation des enfants en général et de ceux de l’immigration en particulier.

La recension des écrits a également permis de constater la rareté des études

faites sur le personnel enseignant immigrant dans le monde francophone et au Québec

en particulier. Alors qu’on recense un grand nombre d’études sur l’IP des

enseignantes et enseignants débutants au Québec (Martineau, Vallerand et Bergevin,

2008), aucune étude empirique n’a été recensée sur le personnel enseignant

immigrant au Québec. Pourtant, les résultats des trois articles permettent de

comprendre que les enseignantes et enseignants immigrants ont des besoins

spécifiques à eux. À cet égard, les résultats présentés dans le deuxième et le troisième

article de cette thèse sont, à notre connaissance et au regard de la littérature

scientifique consultée, les premiers qui traitent de la situation du personnel enseignant

immigrant au Québec. La principale contribution de notre étude à l'état des

connaissances porte sur cette catégorie socioprofessionnelle que sont les enseignantes

et enseignants immigrants.

Page 326: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

324

Le premier article a aussi permis de constater que les études empiriques

réalisées jusqu’à maintenant ne permettaient pas d’appréhender de façon globale le

parcours de transition professionnelle des enseignantes et enseignants immigrants. À

cet égard, notre étude est la première et la seule qui aborde en même temps toutes les

dimensions de l’IP. Elle est aussi la première qui tient compte du parcours migratoire

des enseignantes et enseignants immigrants. Les résultats de notre étude montrent que

ces aspects sont essentiels si l’on veut appréhender le sujet dans sa complexité. Notre

étude a donc comme principale contribution d’éclairer de manière complète le

parcours de transition professionnelle des EMR depuis leur arrivée dans la société

d’accueil jusqu’à leur intégration relativement réussie dans le nouvel environnement

scolaire et socioculturel. À ce propos, notre étude confirme la pertinence du concept

de parcours migratoire à l’étude de la transition professionnelle des enseignantes et

enseignants immigrants. Plus précisément, les résultats montrent que l’expérience de

transition professionnelle varie d’une enseignante ou d’un enseignant à l’autre en

fonction de ses acquis antérieurs, de ses repères culturels et de son histoire migratoire.

En ce sens, notre étude montre qu’il serait erroné de considérer les enseignantes et

enseignants immigrants comme un groupe entièrement homogène. Les résultats

montrent, par exemple, qu’une enseignante immigrante ou un enseignant immigrant

venant d’un système éducatif où l’enseignement se fait de façon magistrale n’a pas

les mêmes besoins que celle ou celui qui vient d’un système où l’enseignement est

centré sur l’apprenant. De même, une enseignante immigrante ou un enseignant

immigrant qui vient d’une culture où les relations enseignant-élèves sont plus

hiérarchiques n’aura pas les mêmes besoins que celle ou celui habitué à des relations

moins distantes avec les élèves. Ainsi, notre étude permet de mettre en relief que le

soutien aux enseignantes et enseignants immigrants devrait être personnalisé d’autant

plus que toutes et tous n’ont pas les mêmes besoins.

En outre, notre étude apporte un nouvel éclairage sur l’importance des cinq

dimensions de l’IP en enseignement (Mukamurera et al., 2013). Les résultats

Page 327: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

325

montrent que les différents défis et difficultés auxquels les EMR font face sont

inhérents aux conditions d’accès à l’emploi, de travail, d’intégration dans leur

nouveau milieu de travail et aux exigences liées à l’exercice du rôle professionnel

dans un contexte éducatif donné. L’insertion au plan personnel et psychologique

ressort des résultats comme une dimension transversale aux autres dimensions,

confirmant par là que l’IP des enseignantes et enseignants est une expérience

humaine traversée par des émotions de tout genre, dont le choc de la réalité, la perte

des repères, la frustration et le sentiment d’incompétence. Ainsi, notre étude

contribue à montrer la pertinence de tenir compte de l’interdépendance des cinq

dimensions si l’on veut mieux soutenir l’IP des enseignantes et enseignants

immigrants et favoriser une transition harmonieuse. Les résultats montrent par

exemple que la précarité d’emploi impose aux EMR des conditions de travail

difficiles, qu’elles ou qu’ils n’ont jamais connues ni imaginées auparavant comme

l’insécurité d’emploi, le changement fréquent d’écoles, l’instabilité des tâches, les

groupes-classes difficiles, l’enseignement en dehors du champ de formation ou

d’expérience, notamment dans les classe avec des EHDAA, les classes d’accueil ou

les classes multiniveaux. On remarque aussi que l’instabilité d’emploi et de milieu

scolaire affecte l’intégration dans le milieu scolaire. De plus, l’enseignement en

dehors du champ de formation et d’expérience affecte le sentiment d’efficacité des

EMR. La précarité d’emploi affecte aussi psychologiquement les EMR puisqu’elles

ou ils vivent beaucoup de stress et d’incertitude en raison d’un avenir professionnel

incertain, eux qui sont venus s’établir au Canada dans l’espoir d’un avenir meilleur.

On a aussi pu voir qu’une intégration difficile au sein de l’équipe-école affecte la

manière dont l’EMR vit son expérience d’adaptation au rôle professionnel. C’est pour

cela qu’il faut tenir compte de l’interdépendance des cinq dimensions de l’IP si l’on

veut soutenir l’insertion des EMR et favoriser une transition harmonieuse.

Le deuxième article, dont l’objectif était de décrire et de comprendre

l’expérience de transition professionnelle des EMR au Québec, permet de

comprendre que leur transition professionnelle ne se fait pas sans heurts. Les résultats

Page 328: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

326

montrent qu’elles ou ils font face, à des degrés différents, à plusieurs défis et

difficultés d’adaptation et d’intégration au nouveau contexte social, culturel et

professionnel. Certains des défis et difficultés sont similaires à ceux rapportés dans

les écrits recensés, alors que d’autres sont tout à fait spécifiques aux EMR au Québec.

On remarque que les EMR intègrent difficilement l’enseignement en raison des

procédures administratives longues et coûteuses pour l’obtention du permis

d’enseigner, de la non-reconnaissance des compétences acquises dans leurs pays

d’origine, du manque d’expérience et de référence au Québec, de la discrimination à

l’embauche et des barrières linguistiques. Ces constats se retrouvent aussi dans

d’autres études déjà mentionnées, dont celle de Phillion (2003) en Ontario. Les EMR

font face à d’autres difficultés d’intégration sur le marché du travail en lien avec le

contexte québécois. Plus précisément, ils doivent passer des tests de français pour se

qualifier pour le permis d’enseigner et être éligibles à des emplois dans les CS

francophones. Il est à noter aussi que la maîtrise de l’anglais est nécessaire pour

enseigner dans les CS anglophones. Il ressort que la lourdeur des procédures

entourant la passation et la correction du test de français freine leur accès à

l’enseignement. Non seulement l’attente est relativement longue avant d’avoir les

résultats du test du MELS, mais aussi, en cas d’échec, ils doivent attendre longtemps

(un an) avant d’avoir le droit de reprise du test. À côté du test de français du MELS,

les EMR doivent aussi passer et réussir un autre test de français, celui de la ou des CS

qui sont les employeurs potentiels. À cet égard, on peut émettre l’hypothèse que

certains enseignantes et enseignants immigrants finissent par abandonner la carrière

enseignante non seulement à cause du manque de maîtrise de la langue française,

mais aussi à cause de la lourdeur des procédures de passation du test de français exigé

par le MELS. Il serait d’ailleurs intéressant de mener une recherche auprès des

enseignantes et enseignants immigrants qui n’ont pas poursuivi la carrière

enseignante au Québec pour comprendre les motifs d’abandon de la profession. De

plus, il serait intéressant de traiter du même problème pour les CS anglophones.

Page 329: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

327

Bien que d’autres études présentées dans le premier article rapportent que les

enseignantes et enseignants immigrants s’intègrent difficilement dans le milieu

scolaire à cause des relations difficiles avec les collègues ou la direction, de

l’isolement social, du racisme ou de la discrimination, le deuxième article montre que

les EMR au Québec vivent d’autres difficultés d’intégration qui sont liées aux

spécificités du contexte socioéconomique québécois. Il ressort des résultats de cet

article que leur intégration reste partielle et constamment à refaire en raison de la

précarité d’emploi et de la nécessité de mobilité professionnelle excessive qui

l’accompagne. Par ailleurs, étant donné le contexte un peu particulier du Québec où

les EMR peuvent intégrer l’enseignement sans formation préalable sur le

fonctionnement des écoles et la culture scolaire, on remarque que les EMR au Québec

sont désorientés et perdus à leur entrée dans le milieu scolaire et que, minimalement,

un soutien informatif et émotionnel devrait leur être prodigué. Certaines des

difficultés de gestion de classe sont d’ailleurs dues à la méconnaissance du

fonctionnement et de l’organisation de l’école, des règles de conduite à l’intention des

élèves et des ressources auxquelles recourir en cas de besoin. Les résultats du

deuxième article indiquent aussi que le leadership de la direction d’école, la

convivialité et la collégialité des collègues et la diversité ethnoculturelle de l’équipe-

école constituent des facteurs favorables à une expérience de socialisation

organisationnelle positive.

Le troisième article répond au deuxième objectif de la recherche, soit de

décrire et de comprendre l’expérience d’adaptation au rôle professionnel des EMR

dans le contexte scolaire québécois. Les résultats obtenus révèlent que les EMR

vivent une transition au rôle professionnel longue et pénible, marquée par des

déceptions, des ruptures, des déstabilisations, des frustrations, des remises en

question et des réapprentissages. Cet article apporte une grande contribution à la

compréhension du processus d’adaptation au rôle professionnel du personnel

enseignant immigrant. Son originalité réside dans la conceptualisation de ce

processus en mettant en relief les étapes que les EMR doivent franchir avant de

Page 330: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

328

devenir efficaces et de se sentir à l’aise dans le nouveau contexte scolaire. Une bonne

compréhension de ces différentes étapes permettrait aux responsables scolaires, aux

collègues ou aux autres intervenants de mieux comprendre les difficultés et les

besoins spécifiques de soutien des EMR afin de proposer des mesures d’insertion

adaptées et susceptibles de favoriser une transition moins douloureuse.

Par ses résultats, le troisième article permet aussi de comprendre que les

EMR font face à plusieurs défis et difficultés d’adaptation au rôle professionnel dus

au passage du paradigme de l’enseignement au paradigme de l’apprentissage. Les

enseignantes et enseignants qui viennent des cultures où l’enseignement se fait de

manière magistrale s’adaptent difficilement aux modèles d’enseignement

constructivistes prescrits par le PFEQ. De plus, il ressort des résultats que les EMR

qui viennent des cultures où les relations enseignant-élèves sont hiérarchiques et où la

gestion de classe se fait de façon autoritaire éprouvent des difficultés à développer

des relations positives avec les élèves et à asseoir une gestion de classe favorable aux

apprentissages. Bien que ces résultats soient similaires à ceux des études recensées

dans le premier article, il importe de souligner que les enseignantes et enseignants

immigrants des autres provinces du Canada et des autres pays comme les États-Unis,

l’Australie et Israël ne s’insèrent pas dans les mêmes conditions qu’au Québec.

Comme nous l’avons déjà souligné, les enseignantes et enseignants immigrants au

Québec peuvent intégrer directement l’enseignement une fois qu’elles ou ils ont le

permis d’enseigner en main. C’est après, pour l’obtention du Brevet d’enseignement,

qu’ils doivent suivre un certain nombre de cours et un stage de formation pratique de

600 à 900h. Dans les autres provinces ou dans les pays ci-haut cités, les enseignantes

immigrantes et les enseignants immigrants doivent d’abord suivre un programme de

certification avant d’intégrer l’enseignement. Comme les enseignantes ou les

enseignants qui ont suivi une formation sur le système scolaire et les approches

pédagogiques en usage dans leur pays d’accueil rencontrent les mêmes difficultés que

celles et ceux qui n’ont bénéficié d’aucune formation préalable, il y a lieu de se

demander si une formation d’appoint serait bénéfique avant ou après l’intégration

Page 331: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

329

dans l’enseignement. À cet égard, l’expérience vécue par les EMR ayant participé à

notre étude semble montrer que la formation est plus bénéfique après l’entrée en

carrière si ces enseignantes et enseignants obtiennent un soutien et un

accompagnement adéquat dès leur prise de fonction. On a pu voir que les EMR ont

un grand sens de responsabilité, une grande maturité, une formation académique de

haut niveau et une longue expérience de travail et de vie qui leur permettent de

prendre une distance critique et de s’adapter adéquatement s’ils sont mieux encadrés

et soutenus. En effet, les EMR qui ont bénéficié de la collégialité et de l’aide des

collègues et de la direction ont relevé les défis d’adaptation au rôle professionnel

moins péniblement que celles et ceux qui n’en ont pas bénéficié. Tout comme

l’indique Duchesne (2010, p.110) à propos d’étudiants immigrants stagiaires suivant

un programme de certification à l’enseignement en Ontario à l’Université d’Ottawa,

«pour développer sa compétence à enseigner, il ne suffit pas de participer à des

activités de formation sur l’enseignement comme celles suggérées dans les cours de

la Faculté d’éducation. Une telle compétence se construit dans la pratique et en

contexte professionnel réel. » Dans ce sens, on peut dire que la modification du

règlement sur les autorisations d’enseigner en vue d’assouplir les conditions d’accès

et de qualification à l’enseignement au Québec a des retombées positives, mais qu’un

allègement de la lourdeur administrative pour l’obtention du permis ainsi qu’un

encadrement et un soutien adéquats lors de l’entrée en milieu scolaire auraient une

importante valeur ajoutée.

Enfin, au-delà des difficultés similaires à celles rapportées dans d’autres

études, les résultats du troisième article montrent que les EMR au Québec font face à

d’autres défis et difficultés dus aux spécificités de l’enseignement au Québec. Il s’agit

notamment du défi de maîtriser l’approche par compétence, du défi de réussir

l’enseignement en dehors de leur champ de formation ou en contexte particulier

comme en classes d’accueil, en classes d’adaptation scolaire, en classes multiniveaux,

ou en classes avec des EHDAA. Par ailleurs, on remarque que les EMR au Québec

Page 332: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

330

font face à des violences verbales et physiques, phénomènes qu’aucune autre étude, à

notre connaissance, n’avait fait mention.

3 LIMITES ET FORCES DE L’ÉTUDE

Cette thèse par articles comporte quelques limites méthodologiques qui

doivent être considérées afin de nuancer les résultats. La première limite concerne la

taille de l’échantillon. Notre échantillon est en effet constitué de 13 EMR volontaires.

Bien que nous ayons diversifié les participantes et les participants notamment au plan

du genre, de champ d’enseignement et des pays de provenance, il va sans dire que cet

échantillon, par ailleurs intentionnel, est trop petit pour être représentatif de la

population des enseignantes et enseignants immigrants et qu’il n’y a pas lieu de

généraliser les résultats.

La deuxième limite concerne la composition même de l’échantillon. D’une

part, la majorité des participantes et participants ont un haut niveau de formation

universitaire (maîtrise ou équivalent et doctorat) et une longue expérience

d’enseignement dans leur pays d’origine. Compte tenu de leurs caractéristiques un

peu particulières, ces résultats ne sont, une fois de plus, pas représentatifs ni

généralisables à l’ensemble des EMR au Québec. D’autre part, ces enseignantes et

enseignants étaient tous en fonction au moment de l’entrevue. Dans ce sens, nos

résultats peuvent dissimuler la réalité d’autres enseignantes et enseignants qui ont

tenté de s’insérer en enseignement au Québec, mais qui n’ont pas réussi à obtenir un

emploi. Les résultats ne nous permettent pas non plus de connaître la réalité de ceux

qui ont pu accéder à l’emploi, mais qui ont abandonné la carrière en cours de route. Il

serait donc intéressant de connaître leurs motifs d’abandon de la carrière enseignante

si l’on veut assurer la rétention du personnel enseignant immigrant dans la profession.

Malgré ces limites, notre étude comporte des forces qui confirment la

pertinence des résultats. Le fait que notre échantillon soit diversifié quant au genre, à

Page 333: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

331

la société d’origine, au champ de formation et à l’expérience d’enseignement au

Québec constitue une force. Le fait que notre échantillon comporte, par exemple, des

EMR qui ont plus ou moins d’années d’expérience d’enseignement au Québec a

permis de comprendre qu’ils doivent franchir différentes étapes au cours de leur

processus d’adaptation au rôle professionnel. On a pu relever que certains enseignants

ont déjà franchi toutes les étapes alors que d’autres ne sont pas encore rendus à la fin.

De plus, le fait que les 13 EMR n’ont pas les mêmes origines a permis de comprendre

qu’elles ou ils ne rencontrent pas les mêmes défis et difficultés d’autant plus que les

différences culturelles et linguistiques influencent l’adaptation, l’intégration et

l’acculturation.

Une autre force de l’étude a trait à l’élaboration des récits d’expérience des

participants. Les récits permettent d’appréhender la situation de chaque participant

comme un tout et de saisir la dynamique du processus d’IP des EMR et de

l’expérience de transition, ce qu’une analyse purement synchronique ou de contenu

n’aurait pas permis. Ces récits répondent aussi à un souci de rigueur et de

transparence. Le lecteur a ainsi devant lui un matériel riche et synthétique lui

permettant de saisir pleinement le sens et la crédibilité des résultats.

Enfin, la grande force de notre étude est qu’elle traite d’un sujet peu couvert

dans le monde francophone et au Québec en particulier. À cet égard, elle apporte de

nouvelles connaissances qui pourront avoir des retombées au niveau de la recherche,

de la formation et de la pratique.

4 LIEN DE LA THÈSE AVEC LA THÉMATIQUE DE L’INTERRELATION

ENTRE LA RECHERCHE, LA FORMATION ET LA PRATIQUE

Les résultats des trois articles de la thèse se situent bien par rapport à la

thématique du doctorat en éducation à l’Université de Sherbrooke, soit l’interrelation

entre la recherche, la formation et la pratique. Le premier article porte un regard

Page 334: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

332

critique sur la littérature existante. Les résultats de cet article peuvent intéresser les

chercheuses et chercheurs, les formatrices et formateurs et les praticiennes et les

praticiens. Les chercheuses et chercheurs pourront s’y référer non seulement pour

connaître l’état des connaissances sur le sujet, mais aussi pour comprendre la question

de l’insertion du personnel enseignant immigrant dans les pays d’accueil. Les

formatrices et formateurs ainsi que les directions d’école, les responsables des

ressources humaines dans les CS et les fonctionnaires du MELS soucieux de

l’intégration professionnelle des enseignantes et enseignants immigrants pourraient

aussi y trouver leur compte pour mieux orienter leurs interventions respectivement au

niveau de la formation et de la pratique.

Les deuxième et troisième articles apportent des connaissances originales sur

la situation de l’IP des EMR puisqu’il s’agit d’une première étude empirique sur cette

catégorie socioprofessionnelle au Québec. Sur le plan de la recherche, les récits

phénoménologiques ainsi que les deux articles qui découlent de l’analyse transversale

des récits apportent de nouvelles connaissances qui contribuent à augmenter le corpus

de savoir sur l’IP du personnel enseignant immigrant.

Si la recherche apporte de nouvelles connaissances scientifiques, la

formation initiale et continue à l’enseignement pourrait s’y appuyer pour proposer des

dispositifs pertinents, efficaces et efficients à l’égard des enseignantes immigrantes et

enseignants immigrants. Les nouvelles connaissances pourraient éclairer les

responsables des programmes de formation, la direction de la formation et de la

titularisation du personnel enseignant au MELS ainsi que la direction des ressources

humaines dans les CS sur des pistes d’actions à entreprendre afin de concevoir des

politiques et des dispositifs de formation et de qualification du personnel enseignant

immigrant fondés sur des données probantes. Par ailleurs, les formatrices ou

formateurs dans les universités qui donnent des cours aux enseignantes et enseignants

immigrants pourront utiliser les récits d’expérience comme matériel pédagogique à

partir duquel discuter des situations vécues. De plus, ces formateurs ou formatrices

Page 335: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

333

ainsi que celles ou ceux qui supervisent les stages des enseignantes immigrantes ou

enseignants immigrants ou qui les accueillent comme stagiaires dans leurs classes

devraient être sensibilisés à leurs besoins afin d’en tenir compte dans leurs

interventions. On peut aussi penser que des ateliers de formation pourraient être

organisés à l’intention du personnel enseignant immigrant nouvellement embauché

pour le sensibiliser sur la culture scolaire, organisationnelle et pédagogique propre au

Québec. Cette sensibilisation pourrait contribuer à réduire le choc de la réalité qui

affecte tous les EMR.

Sur le plan de la pratique, les CS, les directions d’école et les syndicats

d’enseignants devraient être sensibilisées à la réalité de l’IP du personnel enseignant

immigrant afin de mettre en place des mesures de soutien à l’IP fondées sur leurs

besoins. Nous espérons aussi que les directions d’école sauront tenir compte de

nouvelles connaissances sur la réalité et les apports potentiels des EMR afin de

promouvoir la diversité au sein du personnel scolaire ainsi qu’une culture

professionnelle de collégialité et d’entraide au sein de l’équipe pédagogique.

Enfin, les dirigeants du MICC et ceux du MELS pourraient aussi tirer profit

des connaissances sur la réalité des EMR afin de tenir compte des conséquences de la

désinformation et de la lourdeur des procédures administratives sur la vie personnelle

et professionnelle des EMR. Nous espérons que ces nouvelles connaissances

permettront d’informer adéquatement et d’orienter les enseignantes immigrantes et

enseignants immigrants, dès leur arrivée au Québec, sur les démarches à faire pour

intégrer l’enseignement, sur la profession enseignante et l’organisation scolaire au

Québec ainsi que sur des ressources du milieu susceptibles de les “coacher” dans

leurs démarches d’intégration socioprofessionnelle.

Page 336: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

334

CONCLUSION GÉNÉRALE

Les EMR obtiennent de plus en plus d’emplois dans le réseau scolaire

québécois. Ces enseignantes et enseignants intègrent à la fois une nouvelle société, un

nouveau marché du travail, un nouveau système éducatif et un nouvel environnement

scolaire et culturel. De plus, leur IP se fait dans un contexte difficile. En effet, les

recherches faites sur les enseignantes et enseignants débutants au Québec montrent

qu’elles ou ils font face à des difficultés qui, parfois, conduisent à l’abandon de la

profession (Mukamurera et Balleux, 2013). Qui plus est, les recherches faites sur le

personnel enseignant immigrant au Canada et ailleurs en Occident montrent qu’ils ou

elles peuvent faire face à des défis et difficultés spécifiques à eux. Au Québec,

aucune recherche empirique n’avait encore été faite avant la nôtre et les données

issues des recherches réalisées ailleurs dans le monde donnent un portrait

relativement partiel de la situation de ces enseignants. C’est pourquoi nous avons

voulu porter une attention particulière aux EMR pour comprendre comment elles ou

ils vivent et perçoivent leur IP dans leur nouvel environnement scolaire et culturel. En

explorant un terrain quasi vierge, cette étude a permis de porter un premier regard sur

le phénomène de l’IP des EMR au Québec et de l’expérience de transition qui le

colore.

Compte tenu que les études scientifiques réalisées ne nous permettaient pas

d’identifier un cadre théorique qui réponde à l’ensemble de notre problématique, le

cadre conceptuel construit à partir des concepts d’IP, d’intégration

socioprofessionnelle, de parcours migratoire, de transition socioprofessionnelle,

d’acculturation, de communication interculturelle et de rapport au savoir nous a

permis d’avoir une compréhension de la situation de l’IP des EMR sous toute sa

complexité. Les résultats de notre étude mettent en évidence des éléments auxquels il

faut prêter attention si l’on veut comprendre l’IP des EMR. Il s’agit notamment de

l’influence du parcours migratoire sur l’expérience de transition professionnelle des

EMR. Les résultats permettent également de conclure qu’on ne doit pas prendre les

Page 337: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

335

EMR comme un groupe entièrement homogène puisqu’ils n’ont pas la même

histoire, les mêmes acquis antérieurs, les mêmes expériences et les mêmes repères

culturels. L’étude montre aussi l’importance de tenir compte de l’interdépendance

des cinq dimensions de l’IP dans le soutien à apporter aux enseignantes et

enseignants immigrants.

Cette étude est la première en son genre qui a abordé toutes les étapes de la

transition professionnelle depuis l’adaptation socioculturelle jusqu’à l’intégration

socioprofessionnelle dans le milieu scolaire. À cet égard, elle a permis d’appréhender

la complexité du parcours de transition professionnelle des EMR dans leur nouvel

environnement scolaire et culturel québécois. Les résultats révèlent que le parcours de

transition professionnelle des EMR est jonché d’embuches à l’adaptation

socioculturelle, à l’intégration sur le marché de l’emploi et au niveau du travail, à

l’intégration dans le milieu scolaire ainsi qu’à leur l’adaptation au rôle professionnel.

Ces enseignantes et enseignants vivent beaucoup chocs, de déceptions, de

frustrations, de perte des repères, de déstabilisation, de stress, d’incertitude, de

remises en question et de nouveaux réapprentissages à faire tout au long de leur

transition professionnelle. Des lacunes ressortent en rapport avec l’information

idéalisée que le personnel enseignant immigrant reçoit à l’étranger ainsi qu’en lien

avec le soutien informatif sur les procédures à suivre pour intégrer l’enseignement au

Québec. Qui plus est, l’absence de mesures formelles d’accueil, de soutien et

d’accompagnement des EMR dans les milieux scolaires ressort comme un grand

obstacle à leur socialisation organisationnelle, professionnelle et pédagogique.

Il s’avère nécessaire de bien informer les enseignantes et enseignants

immigrants, dès leur arrivée au Québec, sur les démarches à faire pour intégrer

l’enseignement ainsi que sur la profession enseignante et l’organisation scolaire au

Québec. De plus, les directions d’établissements pourraient faciliter l’intégration du

personnel enseignant immigrant en leur accordant un accueil personnalisé, un soutien

informatif, un encadrement et un accompagnement ciblé dès leur entrée en fonction.

Page 338: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

336

En outre, l’instauration d’une culture d’entraide, de collégialité et d’inclusion

apporterait une plus-value évidente à l’intégration socioprofessionnelle des

enseignantes et enseignants immigrants.

Cette étude apporte un éclairage pertinent sur la situation et les besoins

spécifiques des EMR. Elle fournit des données probantes utiles à la formation initiale

et continue des enseignants ainsi qu’à leur pratique. Ainsi, les différents intervenants,

en l’occurrence les fonctionnaires du MICC, la direction de la formation et de la

titularisation du personnel enseignant au MELS, les formatrices et formateurs

d’enseignants et les responsables scolaires pourront s’y appuyer pour encadrer

l’accueil, orienter et accompagner de façon appropriée les enseignantes et les

enseignants issus de l’immigration récente de façon à permettre une transition

professionnelle constructive dans leur société d’accueil.

À la suite de cette étude exploratoire, d’autres recherches devraient être

entreprises pour continuer à documenter la situation du personnel enseignant

immigrant. Il serait intéressant de mener une recherche auprès des enseignantes et

enseignants immigrants qui n’ont jamais eu accès à l’emploi en enseignement ou qui

ont décroché la profession en cours de route afin de connaître leurs motifs d’abandon

de la carrière enseignante. Cela permettra d’enrichir la base de connaissances sur

laquelle s’appuyer si on veut assurer la rétention du personnel enseignant immigrant

dans la profession. Il serait aussi pertinent de mener une recherche auprès des

directions d’écoles et du personnel enseignant pour s’enquérir de leurs perceptions et

de leurs défis vis-à-vis du personnel enseignant immigrant. Par ailleurs, afin de

comprendre davantage le processus d’adaptation au rôle professionnel du personnel

enseignant immigrant et de lui offrir un soutien adéquat, il serait intéressant de mener

une recherche-action incluant des enseignantes et enseignants immigrants pour

observer leurs pratiques en classe, identifier les problèmes auxquels ils font face,

mettre en place des solutions, accompagner leur processus d’adaptation au rôle

professionnel et évaluer les résultats. Cette recherche-action aurait comme retombée

Page 339: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

337

non seulement de favoriser une transition harmonieuse aux pratiques d’enseignement

au Québec, mais aussi de renforcer le partenariat entre la recherche, la formation et la

pratique.

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Page 354: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

352

ANNEXE A

LETTRE D’INVITATION À PARTICIPER À LA RECHERCHE

Faculté d’éducation

2500, boul. de l’Université

Sherbrooke (Québec) J1K 2R1

Chères enseignantes, chers enseignants immigrants,

Je m’appelle Aline Niyubahwe, Doctorante en éducation. J’ai besoin de volontaires

pour participer, sur une base bénévole, à ma recherche intitulée «L’insertion

professionnelle des enseignantes et enseignants de migration récente au Québec.»

Les objectifs de ce projet de recherche sont :

Décrire et comprendre l’expérience de transition professionnelle des

enseignantes et enseignants de migration récente au Québec.

Décrire et comprendre l’expérience d’adaptation au rôle professionnel des

EMR dans le contexte scolaire québécois.

La participation à ce projet de recherche consiste à passer une entrevue individuelle

d’environ 1h30 avec la chercheuse. Cette entrevue aura lieu à la date, à l’heure et au

lieu qui conviennent le mieux aux sujets, soit à leur bureau au travail, à leur domicile

ou à un autre lieu de leur préférence. Dans certains cas, l’entrevue pourrait même se

faire au moyen d’une visioconférence en utilisant le logiciel Skype ou tout autre

support technologique adéquat. Après cette entrevue, la chercheuse écrira le récit de

l’expérience des sujets qui leur sera soumis par courriel en vue d’une validation ou de

corrections s’ils le jugent nécessaire.

Les sujets recrutés doivent :

avoir reçu une formation à l’enseignement dans leurs pays d’origine;

avoir une expérience d’enseignement dans leur pays d’origine;

exercer ou avoir exercé durant au moins une année la fonction d’enseignante

ou d’enseignant au Québec;

être dans leurs sept premières années de résidence au Québec.

Les participants peuvent être assurés de l’anonymat et de la confidentialité des

informations fournies. Les données seront utilisées à des fins de recherche dans le but

de répondre aux objectifs du projet mentionnés plus haut.

Page 355: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

353

Si vous êtes intéressés à participer à cette recherche, veuillez contacter Mme

Niyubahwe par courriel ( ) ou par téléphone : cell, résidence et elle vous fournira

toutes les indications complémentaires requises.

Merci de l’attention portée à cette demande.

Aline Niyubahwe

Doctorante en éducation

Université de Sherbrooke

Page 356: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

354

ANNEXE B

GUIDE D’ENTREVUE

Question d’ouverture : Pouvez-vous me raconter votre expérience d’enseignement au

Québec?

I. Formation antérieure et expérience d’enseignement

1. Pouvez-vous me dire ce que vous avez fait comme formation dans votre pays

d’origine et le niveau de formation atteint?

Probes :

- Domaine de formation

- Niveau de formation : secondaire, postsecondaire.

- Diplômes obtenus

2. Pouvez-vous me parler de votre expérience professionnelle en enseignement

ou dans un autre domaine avant de venir au Québec?

II. Parcours migratoire

3. Pouvez-vous me raconter comment a été prise la décision de venir vous établir

au Québec?

4. Pouvez-vous me parler de votre parcours depuis votre pays d’origine jusqu’à

votre arrivée au Québec?

Probes :

- Pays où elle a transité et les raisons du transit

- Son occupation et temps passé dans ces pays

- Dans quelles conditions elle a quitté le ou les pays de transit

- Connaissait-elle le Québec avant son arrivée?

5. Pouvez-vous me raconter comment s’est passé votre adaptation au Québec,

votre nouvelle terre d’accueil?

Probes :

- Changements vécus dès son arrivée sur le plan personnel et social

- Ce qui a été plus difficile ou plus facile pour lui

III. Insertion dans l’emploi

Page 357: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

355

6. Pouvez-vous me parler de vos occupations avant d’être embauchée comme

enseignant au Québec?

Probes :

- Combien de temps passé avant d’être embauché comme enseignant au

Québec?

- A-t-elle exercé un autre métier avant d’être embauchée comme

enseignant?

- Emplois occupés?

- Pourquoi a-t-elle cherché ou accepté un autre emploi que celui

d’enseigner?

- Occupe-t-elle encore cet emploi?

7. Pouvez-vous me parler de votre expérience de recherche d’emploi en

enseignement au Québec?

Probes

- Procédures suivies

- Quel type d’autorisation d’enseigner?

- Difficultés ou facilités rencontrées?

8. Pouvez-vous me parler de votre trajectoire d’emploi en enseignement au

Québec?

- Suppléance occasionnelle

- Contrat à temps partiel, à la leçon, à taux horaire

- Contrat à temps plein régulier menant à la permanence

- Permanence

9. Pouvez-vous me parler des événements qui ont marqué positivement ou

négativement votre insertion en emploi au Québec?

IV. Insertion organisationnelle

10. Pouvez-vous me raconter comment s’est passée votre intégration dans le

milieu scolaire?

Probes :

- Accueil au cours des premiers jours

- Mesures d’aide ou de soutien dont elle a bénéficié pour son intégration

- Par qui?

- Vécu de la première expérience :

o avec les élèves,

o avec les collègues,

o avec les administratifs,

o avec les parents?

Page 358: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

356

11. Pouvez-vous me faire une appréciation de votre intégration dans l’équipe-

école?

Probes :

- Rapports avec les collègues

- Rapports avec le personnel non enseignant

- Rapport avec la ou les directions d’école

12. Pouvez-vous me parler des événements qui ont marqué positivement ou

négativement votre intégration dans le milieu scolaire?

13. Pouvez-vous me dire si vous avez rencontré des difficultés liées à la langue ou

à la culture au cours de votre intégration dans le milieu scolaire?

14. Pouvez-vous me parler des moyens qui ont facilité votre intégration dans

votre milieu de travail?

15. Pouvez-vous me parler des moyens qui auraient pu faciliter votre intégration

dans votre milieu de travail?

V. Insertion au rôle d’enseignant

16. Pouvez-vous me parler de votre expérience d’enseignement dans le nouveau

système scolaire québécois?

Probes :

- Vécu de la première journée d’enseignement, réactions des élèves?

- Vécu durant les jours qui ont suivi?

- Qu’est-ce qu’il aime dans le nouveau système d’enseignement?

- Qu’est-ce qu’il n’aime pas?

- Quelles sont les facilités ressenties dans la pratique d’enseignement?

- Quels sont les défis ou les difficultés rencontrées dans ses pratiques

d’enseignement?

- Aide ou soutien reçu et par qui?

17. Pouvez-vous me dire si vous avez eu à modifier ou à remettre en question vos

pratiques d’enseignement depuis que vous enseignez au Québec?

Probes :

- Remises en question et à-propos de quoi?

- Changements par rapport à ses pratiques antérieures?

- Comment a-t-elle vécu cette transition?

- Difficultés rencontrées ou défis surmontés?

Page 359: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

357

18. Pouvez-vous me dire s’il y a des choses, liées à la langue ou à la culture

québécoise, que vous avez trouvées particulièrement difficiles au cours de

votre insertion au rôle d’enseignant?

Probes :

- Par rapport à la gestion des élèves?

- Par rapport à la communication avec les élèves?

- Par rapport à la préparation des cours?

- Pa rapport à l’enseignement?

19. Pouvez-vous me faire une appréciation de la façon dont vous êtes perçue par

vos collègues, la direction et les parents en tant qu’enseignant d’origine

étrangère?

Probes :

- Compétent ou incompétent?

- Est-ce qu’il se perçoit lui-même de la même façon?

- Est-ce que cela affecte sa façon de travailler et sa conduite?

20. Pouvez-vous me dire comment vous envisagez votre avenir de carrière en

enseignement?

21. Finalement par rapport à votre parcours, qu’est-ce que vous trouvez marquant

positivement ou négativement dans votre expérience d’enseignement au

Québec?

22. Pensez-vous que vos caractéristiques personnelles en tant qu’individu ont

influencé votre adaptation à la réalité de l’enseignement au Québec?

- Qu’est-ce qui a influencé positivement?

- Qu’est-ce qui a influencé négativement?

23. Quels seraient les conseils que vous donneriez à un nouvel enseignant de

migration récente qui commence à enseigner à l'école québécoise?

VI. Questions d’ordre général

24. Pouvez-vous me dire comment les collègues, les parents, la direction

perçoivent en général les enseignantes et enseignants d’origine étrangère?

25. Trouvez-vous pertinent d’embaucher des enseignantes et enseignants de

migration récente dans les écoles québécoises?

Probe :

- Contribution du personnel enseignant immigrant?

Page 360: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

358

- Cette contribution est-elle appréciée et encouragée dans le système

scolaire québécois?

26. Pouvez-vous me parler des difficultés que rencontrent généralement les

enseignantes et enseignants de migration récente?

Probes :

- Au niveau de l’accès à l’emploi,

- Au niveau des conditions de travail

- Au niveau de l’intégration sociale et professionnelle

- Ces difficultés sont elles particulières au personnel enseignant de

migration récente?

- Ont-ils des besoins tout à fait spécifiques à eux seuls? Lesquels?

27. Pouvez-vous me faire des propositions, de façon spécifique, pour réduire ou

éliminer les difficultés que vivent les enseignantes et enseignants de migration

récente qui s’insèrent dans le milieu scolaire québécois?

28. Avez-vous quelque chose à ajouter en lien avec les enseignants de migration

récente?

Fiche de renseignements sur la personne interrogée

1/ Pays d’origine :

2/ Âge : entre 25-35 ans : entre 36-45 ans : entre 46-55 ans : entre 56 -65 ans :

3/ Sexe: Féminin Masculin

4/ État matrimonial : Marié(e) Divorcé(e) Séparé(e) Conjoint(e) de fait

5/ Nombre d’enfants à charge :

6/ Statut au Québec/Canada: Réfugié(e) Résident(e) permanent(e) Citoyen(ne)

7/ Depuis combien de temps êtes-vous au Québec/ Canada?

8/ Depuis combien de temps êtes-vous enseignant au Québec?

9/ Vous enseignez dans une école publique ou privée? Laquelle?

10/ Pourriez-vous nous dire si vous enseignez au préscolaire, primaire ou

secondaire?

Page 361: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

359

11/ Qu’est-ce que vous enseignez? À quel degré d’enseignement?

Page 362: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

360

ANNEXE C

ATTESTATION DE CONFORMITÉ ÉTHIQUE

Page 363: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

361

ANNEXE D

FORMULAIRE DE CONSENTEMENT À PARTICIPER AUX ENTREVUES

Faculté d’éducation

2500, boul. de l’Université

Sherbrooke (Québec) J1K 2R1

Consentement à participer aux entrevues pour la recherche portant sur :

L’IP des enseignantes et enseignants de migration récente au Québec

Chercheuse responsable : Aline Niyubahwe, Étudiante au doctorat en éducation,

Université de Sherbrooke.

Directrice de thèse : Joséphine Mukamurera, Ph.D, professeure, Faculté d’éducation,

Université de Sherbrooke.

Co-directrice de thèse: France Jutras, Ph.D, professeure, Faculté d’éducation,

Université de Sherbrooke.

Madame, Monsieur,

Nous vous invitons à participer à la recherche intitulée «L’IP des enseignantes et

enseignants de migration récente au Québec.» Selon la personne qui nous a mis en

contact, vous avez reçu une formation à l’enseignement et une expérience

d’enseignement dans votre pays d’origine, vous exercez ou avez exercé durant au

moins une année la fonction d’enseignante ou d’enseignant au Québec et vous êtes

dans les sept premières années de résidence au Québec. C’est pourquoi votre

participation à notre recherche est importante.

Les objectifs de ce projet de recherche sont :

- Décrire et comprendre l’expérience de transition professionnelle des

enseignantes et enseignants de migration récente au Québec.

- Décrire et comprendre l’expérience d’adaptation au rôle professionnel des

EMR dans le contexte scolaire québécois.

Page 364: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

362

Votre participation à ce projet de recherche consiste à passer une entrevue

individuelle d’environ 1h30 avec la chercheuse. Cette entrevue aura lieu à la date

convenue, à l’heure et au lieu qui vous conviennent le mieux, soit à votre bureau au

travail, à votre domicile ou un autre lieu qui vous convient. Dans certains cas et si

cela se justifie, l’entrevue pourrait se faire au moyen d’une visioconférence en

utilisant le logiciel Skype ou tout autre support technologique adéquat. Après cette

entrevue, la chercheuse écrira le récit de votre expérience qui vous sera soumis en vue

d’une validation ou correction si vous le jugez nécessaire.

La participation à cette entrevue peut comporter des risques minimes et la chercheuse

s’engage à mettre en œuvre les moyens nécessaires pour les réduire. Par contre,

l’occasion de réfléchir à votre expérience ainsi que l’éclairage approfondi que vous

apporterez sur les difficultés et les défis auxquels les enseignantes et enseignants de

migration récente font face constituent les principaux bénéfices à participer à

l’entrevue. Cependant, aucune compensation financière n’est attribuée à votre

participation à ce projet de recherche.

Comme participant, vous pouvez être assuré de l’anonymat et de la confidentialité des

informations fournies: les enregistrements ainsi que leurs transcriptions seront

conservés durant la recherche et pour une période maximale de cinq ans, en lieu sûr.

Nous utiliserons les données à des fins de recherche dans le but de répondre aux

objectifs scientifiques du projet de recherche décrits dans ce formulaire de

consentement. Les résultats de l’analyse des données seront publiés dans des revues

scientifiques ou partagés avec d’autres personnes lors de communications

scientifiques. Nous vous assurons que lors de ces communications orales ou écrites,

vous ne serez identifié personnellement en aucune façon et un pseudonyme vous sera

attribué. Le respect de l’anonymat des sources sera ainsi assuré. Seule la chercheuse

aura accès aux entrevues et aux transcriptions. Cependant, il est possible qu’elle les

montre à sa directrice et sa codirectrice pour valider certaines analyses.

La participation à cette étude se fait sur une base volontaire. Vous êtes entièrement

libre de participer ou non, et de vous retirer en tout temps sans avoir à motiver votre

décision ni à subir de préjudice de quelque nature que ce soit.

Si vous avez des questions concernant ce projet de recherche, n’hésitez pas à

communiquer avec moi aux coordonnées indiquées ci-dessous :

[Signature de la chercheuse ou du chercheur][Date de la signature]

Aline Niyubahwe

Étudiante au doctorat en éducation

Sherbrooke (Québec),

Tél : (cellulaire), (résidence), 819 821 8000 Poste (bureau)

Courriel :

Page 365: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

363

J’ai lu et compris le document d’information au sujet du projet «L’IP des

enseignantes et enseignants de migration récente au Québec.»

J’ai compris les conditions, les risques et les bienfaits de ma participation. J’ai

obtenu des réponses aux questions que je me posais au sujet de ce projet. J’accepte

librement de participer à ce projet de recherche.

Participante ou participant :

Signature :

Nom :

Date :

S.V.P. Signez les deux copies.

Conservez une copie et remettez l’autre à la chercheuse.

Ce projet a été revu et approuvé par le comité d’éthique de la recherche Éducation et

sciences sociales, de l’Université de Sherbrooke. Cette démarche vise à assurer la

protection des participantes et participants. Si vous avez des questions concernant les

aspects éthiques de ce projet (consentement à participer, confidentialité, etc.), vous

pouvez communiquer avec M. André Balleux, président de ce comité, au (819) 821- 8000 poste ou à

Page 366: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

364

ANNEXE E

PREUVE DE SOUMISSION DU PREMIER ARTICLE

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365

ANNEXE F

PREUVE DE SOUMISSION DU DEUXIÈME ARTICLE

Page 368: Université de Sherbrooke insertion professionnelle des ...Cette recherche, première sur le sujet au Québec, apporte de nouvelles connaissances sur lIP des EMR. Sa contribution originale

366

ANNEXE G-PREUVE DE SOUMISSION DU TROISIÈME ARTICLE

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