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- 1 - UNIVERSITE DE CERGY-PONTOISE Année : L2 Droit Titulaire du cours : Benjamin Remy LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DES CHOSES Fiche n° 4 Conseil de lecture : - G. Durry, « L’irremplaçable responsabilité du fait des choses », in L’avenir du droit, Mélanges en hommage à François Terré, Dalloz, PUF, 1999, p. 707 s. - L’article 1243 de l’avant-projet de réforme du droit de la responsabilité I. Le principe général de responsabilité du fait des choses - Ch. réunies, 13 février 1930, Jand’heur ; GAJC, T. II, n° 199 (Document 1). II. La notion de garde : usage, contrôle, direction Pour être applicable, l’article 1242 al. 1 er requiert un dommage causé par une chose et un gardien de la chose sur qui pèsera la responsabilité. La notion de garde est donc essentielle pour identifier le responsable et elle a dû être définie : est gardien de la chose celui qui a un pouvoir d’usage, de contrôle et de direction sur la chose (Document 2). Le gardien n’est donc pas forcément le propriétaire. Certes, dans les faits, il l’est le plus souvent, d’où l’existence d’une présomption simple : le propriétaire est présumé gardien. Le cas échéant, il devra établir qu’il a transféré la garde de la chose à un tiers (Document 3). Si la garde est en principe alternative (une chose ne peut avoir qu’un seul gardien), la garde peut, à titre exceptionnel, être exercée concomitamment par plusieurs personnes qui sont alors co-gardiens (la garde est alors cumulative), soit que la garde est collective (Documents 4 comp. avec l’article 1240 de l’avant-projet de réforme), soit que l’on dissocie, pour les choses présentant un dynamisme propre, garde de la structure et garde du comportement (Documents 5 et 6). En tout état de cause, peu importe le discernement du gardien (Document 7). - Ch. réunies, 2 décembre 1941, arrêt Franck ; Grands arrêts de la jurisprudence civile, T. II, n° 200 (Document 2). - Civ. 2 ème , 19 juin 2003, Bull. civ. II, n°201 (Document 3). - Civ. 2 ème , 15 décembre 1980, Bull. civ. II, n° 269 (Document 4). - Cass. 2 ème sect. civ., 5 janvier 1956, arrêt Oxygène liquide ; GAJC, T. II, 201-202 (Document 5).

UNIVERSITE DE CERGY-PONTOISE Année : L2 Droit civil des obligations B... · - 2 - - èmeCiv. 2 , 20 novembre 2003, RTD Civ. 2004, 103, obs. Jourdain (Document 6). - Ass. Plén. 9

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UNIVERSITE DE CERGY-PONTOISE

Année : L2 Droit

Titulaire du cours : Benjamin Remy

LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DES CHOSES

Fiche n° 4

Conseil de lecture :

- G. Durry, « L’irremplaçable responsabilité du fait des choses », in L’avenir du droit,

Mélanges en hommage à François Terré, Dalloz, PUF, 1999, p. 707 s.

- L’article 1243 de l’avant-projet de réforme du droit de la responsabilité

I. –Le principe général de responsabilité du fait des choses

- Ch. réunies, 13 février 1930, Jand’heur ; GAJC, T. II, n° 199 (Document 1).

II. – La notion de garde : usage, contrôle, direction

Pour être applicable, l’article 1242 al. 1er requiert un dommage causé par une chose et un

gardien de la chose sur qui pèsera la responsabilité. La notion de garde est donc essentielle pour

identifier le responsable et elle a dû être définie : est gardien de la chose celui qui a un pouvoir

d’usage, de contrôle et de direction sur la chose (Document 2). Le gardien n’est donc pas

forcément le propriétaire. Certes, dans les faits, il l’est le plus souvent, d’où l’existence d’une

présomption simple : le propriétaire est présumé gardien. Le cas échéant, il devra établir qu’il

a transféré la garde de la chose à un tiers (Document 3).

Si la garde est en principe alternative (une chose ne peut avoir qu’un seul gardien), la garde

peut, à titre exceptionnel, être exercée concomitamment par plusieurs personnes qui sont alors

co-gardiens (la garde est alors cumulative), soit que la garde est collective (Documents 4 comp.

avec l’article 1240 de l’avant-projet de réforme), soit que l’on dissocie, pour les choses

présentant un dynamisme propre, garde de la structure et garde du comportement (Documents

5 et 6). En tout état de cause, peu importe le discernement du gardien (Document 7).

- Ch. réunies, 2 décembre 1941, arrêt Franck ; Grands arrêts de la

jurisprudence civile, T. II, n° 200 (Document 2).

- Civ. 2ème, 19 juin 2003, Bull. civ. II, n°201 (Document 3).

- Civ. 2ème, 15 décembre 1980, Bull. civ. II, n° 269 (Document 4).

- Cass. 2ème sect. civ., 5 janvier 1956, arrêt Oxygène liquide ; GAJC, T. II, n°

201-202 (Document 5).

- 2 -

- Civ. 2ème, 20 novembre 2003, RTD Civ. 2004, 103, obs. Jourdain (Document

6).

- Ass. Plén. 9 mai 1984, Gabillet, Grands arrêts de la jurisprudence civile, T.

II, n° 203-205 (Document 7)

III.- La chose et le fait de la chose

Pendant une courte période, la Cour de cassation n’a plus exigé la preuve de l’anormalité de la

chose inerte ou de sa position pour mettre en œuvre la responsabilité du gardien (Documents 8

et 9). Depuis une série d’arrêts rendus le 24 février 2005 (Document 10), la Haute juridiction

est toutefois revenue à sa position première en exigeant de la victime qu’elle démontre

l’anormalité de la chose inerte pour obtenir réparation du gardien (Documents 11, 12 et 13).

- Civ. 2ème, 29 avril 1998, RTD civ. 1998, p. 913 obs. P. Jourdain (Document 8).

- Civ. 2ème, 25 octobre 2001, RTD Civ. 2002, p.108, obs. P. Jourdain (Document 9).

- Civ. 2ème, 24 février 2005, Bull. civ. II, n° 51 ; RTD Civ. 2005. 407, obs. P. Jourdain

(Document 10).

- Civ. 2ème, 29 mars 2012, n°10-27553 (Document 11).

- Civ. 2ème, 11 septembre 2014, n° 13-22046 (Document 12).

- Civ. 2ème, 13 novembre 2014, n° 13-18682 (Document 13).

IV. – Régime de la responsabilité : une responsabilité de plein droit

- Civ. 2ème, 27 mars 2014, n°13-13790 (Document 14).

V. – Exercice

Réaliser le cas pratique suivant :

Il y a deux semaines, Abel, âgé de 9 ans, est allé chez son grand-père paternel René au cours

du week-end de son anniversaire. Edgar et Magali, ses parents, ont alors profité de ces jours

pour partir à l’étranger. Un soir, alors que son grand-père s’endort, Abel sort de la petite maison

et décide de se rendre chez le voisin, Martin, avec une bande de copains. Les enfants mineurs

s’isolent dans le bureau du voisin et y trouvent une arme à feu, légalement détenue par Martin,

et posée en évidence sur son bureau. Les enfants s’en emparent et décident de jouer à se passer

l’arme le plus rapidement possible en la faisant tourner sur elle- même. Cependant, alors que le

bruit se fait de plus en plus important, Martin se lève et se rend dans son bureau. En rentrant

dans la pièce, il effraie Abel qui détenait l’arme et tire sur Martin.

Blessé, Martin souhaite être indemnisé de son préjudice. Le peut-il ?

Variante : la solution serait-elle la même si Martin avait été blessé par Abel lors d’une séance

de tirs organisée par Martin ? – on imagine que Martin, ami du grand-père d’Abel, a invité le

jeune voisin Abel à venir apprendre à tirer dans son jardin.

- 3 -

n.b. comme cet aspect n’a pas encore été étudié en cours, on écartera les régimes de

responsabilité pour le fait d’autrui.

Remis de ses blessures, Martin s’est finalement un peu brouillé avec René. Mais il a sympathisé

avec ses autres voisins, les Lepic. Il décide d’inviter les Lepic et leurs trois enfants, Brian, Brice

et Bob à déjeuner et leur propose de se baigner dans la piscine. Les 3 garçons ne tardent pas à

se baigner et à faire des concours de plongeon. Bob, le plus vieux mais aussi le plus intrépide –

il est âgé de 16 ans –, décide alors d’escalader un muret pour atteindre la toiture de l'abri de

piscine, d'où il souhaite plonger. Malheureusement, il s’empale alors sur une tige de fer à béton

plantée au milieu d'un buisson situé au pied du muret. Gravement blessé, Bob succombe à ses

blessures.

Les parents Lepic souhaitent engager la responsabilité de Martin. Le peuvent-ils ?

- 4 -

Document 1 : Ch. réunies, 13 février 1930, arrêt Jand’heur.

Document 2 : Ch. réunies, 2 décembre 1941, arrêt Franck.

- 5 -

Document 3 : Civ. 2ème, 19 juin 2003

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Amiens, 14

septembre 2001), que, le 16 avril 1998, M. X...,

tondant la pelouse de M. Y..., s’est blessé aux

doigts en voulant dégager de l’herbe coincée

sous la lame de la tondeuse appartenant à ce

dernier ; que M. X... a assigné M. Y... en

réparation de son préjudice, sur le fondement de

l’article 1384 du Code civil ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Y... fait grief à l’arrêt de l’avoir

déclaré entièrement responsable du dommage

subi par M. X... et de l’avoir condamné à réparer

l’intégralité de son préjudice, alors, selon le

moyen, qu’est gardien de la chose son

utilisateur qui, en dehors de tout lien de

subordination envers le propriétaire, en a

l’usage, la direction et le contrôle ; qu’en se

fondant pour considérer que M. X..., qui selon

ses propres constatations tondait la pelouse de

M. Y... avec la tondeuse de ce dernier, n’était

pas gardien de la tondeuse, sur la circonstance

exclusive de tout lien de subordination qu’il

n’avait pas été autorisé à se servir de la tondeuse

pour son usage personnel, ni à la sortir de la

propriété, la cour d’appel a violé l’article 1384,

alinéa 1er, du Code civil ;

Mais attendu que l’arrêt, après avoir énoncé que

le propriétaire d’une chose est réputé en avoir la

garde, que, bien que la confiant à un tiers, il ne

cesse d’en être responsable que s’il est établi

que ce tiers a reçu corrélativement les pouvoirs

d’usage, de direction et de contrôle de la chose,

retient que M. Y... n’avait confié sa tondeuse à

M. X... que pour un court laps de temps et pour

un usage déterminé dans son propre intérêt, que

M. X... n’avait pas été autorisé à se servir de la

tondeuse pour son usage personnel, ni à la sortir

de la propriété ;

Que de ces constatations et énonciations, la cour

d’appel a pu déduire que M. Y... était demeuré

gardien de la tondeuse ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen : (…)

D’où il suit que le moyen n’est pas recevable;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Document 4 : Civ. 2ème, 15 décembre 1980

Sur le second moyen :

Vu l’article 1384, alinéa 1er, du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué, qu’à la

suite d’une salve de fusils tirée a l’occasion d’un

mariage, selon une coutume locale, Bazot et

Chaumien ont été blessés par des plombs ;

attendu que Fleury et Martin X... présumés des

blessures, ont été relaxés par la juridiction

pénale ; attendu que Bazot, la Caisse régionale

d’assurances mutuelles agricole de la Nièvre,

son assureur, et Chaumien ont demandé à

Fleury et Martin Y... de réparer leur préjudice

sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du

code civil ; qu’en cause d’appel ils ont appelé

en intervention Jacquet, Truchot et Petit qui

faisaient partie avec eux du groupe ayant tiré les

coups de feu ; que Bazot, Chaumier et la Caisse

régionale ont conclu à leur égard ; attendu que

pour les débouter de leur demande, l’arrêt

énonce qu’il est de principe que la garde

juridique, caractérisée par les pouvoirs de

direction et de contrôle exercés par le gardien

sur la chose qui a causé le dommage, est

alternative et non cumulative ; que l’arme qui a

provoqué les blessures n’a pas été identifiée et

qu’on ne peut soutenir avec vraisemblance que

chacun des tireurs avait la garde de la totalité

des fusils utilisés ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résulte de ses

propres constatations, que les tireurs avaient

avec les fusils dont ils avaient la garde, participé

à une action commune et exécuté des actes

connexes et inséparables, ayant causé le

dommage, la cour d'appel n’a pas donné de base

légale à sa décision ;

Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu d’examiner

le premier moyen :

Casse et annule (…)

- 6 -

Document 5 : Cass. 2ème sect. civ., 5 janvier 1956, arrêt Oxygène liquide

Vu l’article 1384, alinéa 1er du Code civil ;

Attendu que la responsabilité du dommage

causé par le fait d’une chose inanimée est liée à

l’usage ainsi qu’au pouvoir de surveillance et de

contrôle qui caractérisent essentiellement la

garde ; qu’à ce titre, sauf l’effet de stipulations

contraires valables entre les parties, le

propriétaire de la chose ne cesse d’en être

responsable que s’il est établi que celui à qui il

l’a confiée a reçu corrélativement toute

possibilité de prévenir lui-même le préjudice

qu’elle peut causer ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt confirmatif

attaqué que la société "L’Oxygène liquide"

avait expédié, par voie ferrée, au "Comptoir des

carburants" un certain nombre de bouteilles

métalliques remplies d’oxygène comprimé ;

qu’à l’arrivée en gare, ces bouteilles furent

prises en charge par X..., entrepreneur de

transports ; qu’au cours de leur livraison dans

les locaux du comptoir destinataire, l’une

d’elles éclata ; que la cause de cette explosion,

en l’état de l’expertise effectuée, serait restée

inconnue, encore qu’il n’ait point été prouvé, ni

même allégué, que l’accident fût la

conséquence d’un acte ou d’une circonstance

extérieurs à l’objet ; que Y..., préposé de X...,

ainsi que Z..., employé au service du "Comptoir

des carburants" furent blessés par les éclats de

la bouteille ;

Attendu que, pour débouter lesdites victimes,

ensemble les Caisses de sécurité sociale

intervenantes de leurs actions en réparation,

dirigées, sur la base de l’article 1384, alinéa 1er,

du Code civil, contre la société "L’Oxygène

liquide", la Cour d’Appel appuie sa décision sur

ce motif que "seul, celui qui a la garde

matérielle d’une chose inanimée peut être

responsable de cette chose", ce qui n’était pas le

cas pour la défenderesse ;

Mais attendu qu’au lieu de se borner à

caractériser la garde par la seule détention

matérielle, les juges du fond, devaient, à la

lumière des faits de la cause et compte-tenu de

la nature particulière des récipients transportés

et de leur conditionnement, rechercher si le

détenteur, auquel la garde aurait été transférée,

avait l’usage de l’objet qui a causé le préjudice

ainsi que le pouvoir d’en surveiller et d’en

contrôler tous les éléments ;

Attendu qu’en refusant de se déterminer sur ce

point, la Cour d’appel n’a pas mis la Cour de

cassation à même d’apprécier quel était, en

l’espèce, le gardien de la chose, au sens de

l’article visé au moyen ;

D’où il suit que l’arrêt attaqué manque de base

légale ;

Par ces motifs :

Casse et annule les deux arrêts rendus entre les

parties par la Cour d’Appel de Poitiers le 29

octobre 1952 et les renvoie devant la Cour

d’Appel d’Angers.

- 7 -

Document 6 : Civ. 2ème, 20 novembre 2003

« Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 10 septembre 2001) que Richard X..., fumant depuis l'âge de

treize ans, soit depuis 1963, des cigarettes "Gauloises", et victime en 1988 d'un cancer du poumon puis

en 1995 de cancers du poumon et de la langue, ainsi que son épouse née Lucette Y..., leurs enfants

Sébastien et Richard- Pierre X... et Mme Charlotte Z... veuve Y..., grand-mère de Mme X..., ont assigné

la société anonyme Service d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (la Seita), devenue société

Altadis, sur le fondement des articles 1382 et 1384, alinéa 1er, du Code civil, en réparation des préjudices

causés par la consommation du tabac ; que la Caisse primaire d'assurance maladie du Loiret est

intervenue à l'instance ; qu'après le décès de Richard X... et de Charlotte Z... veuve Y..., l'action a été

poursuivie par leurs héritiers (les consorts X...) ; qu'un jugement a partiellement accueilli leurs demandes

et a ordonné une expertise avant dire droit sur l'évaluation des dommages ;

[…]

Sur le troisième moyen :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leurs demandes en réparation

pour la période allant de 1963 à 1999, alors, selon le moyen :

1) que les cigarettes sont, en l'état de leur caractère additif et cancérigène, des choses dangereuses dotées

d'un dynamisme propre, en sorte que le fabricant est gardien de leur structure ; qu'en retenant cependant

le contraire, la cour d'appel a violé l'alinéa 1er de l'article 1384 du Code civil ;

2) que la structure dangereuse d'une chose est réputée être à l'origine exclusive du dommage subi par

son utilisateur, sauf à ce que ce dernier ait été en mesure, lors de l'usage de la chose, d'en maîtriser le

danger ; qu'un fumeur n'est jamais en mesure de contrecarrer les méfaits de la cigarette puisque ces

derniers sont provoqués par la seule consommation du produit ; qu'il en va d'autant plus ainsi du fumeur

excessif qui, par définition, est celui qui est sous la dépendance directe du produit et qui a perdu tout

pouvoir de contrôle ; qu'en décidant que le comportement de Richard X... constituait la cause de son

dommage, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1er du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que le dommage causé par les cigarettes est dû de manière indissociable

aux produits contenus et dégagés par elles, nicotine, goudron, gaz, et au comportement du fumeur qui

consomme excessivement ce produit, que la garde de la structure suppose que le fabricant d'un produit

même dangereux ait le pouvoir de surveiller, de contrôler les éléments de la chose et de prévenir le

dommage ; qu'il n'est pas démontré que la Seita ait fabriqué ses cigarettes de manière anormale compte

tenu des connaissances actuelles ; que la théorie distinguant garde de la structure et garde du

comportement, applicable uniquement aux choses dotées d'un dynamisme propre et dangereuses ou

encore dotées d'un dynamisme interne et affectées d'un vice interne, n'est pas applicable aux cigarettes

fumées par Richard X... ;

Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que la responsabilité de

plein droit de la Seita du fait des cigarettes détenues par Richard X..., qui en était le seul gardien, ne

pouvait être recherchée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi. »

- 8 -

Document 7 : - Ass. Plén. 9 mai 1984, Gabillet

Document 8 : Civ. 2ème, 29 avril 1998

« Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le jeune X..., alors âgé de 13 ans, s'est blessé au bras en

heurtant une porte vitrée dans une partie commune d'un immeuble appartenant à la société

d'HLM de la Vallée de la Seine ; que ses parents ont assigné cette société et son assureur en

réparation du préjudice subi ;

Attendu que pour rejeter cette demande, formée en application de l'article 1384, alinéa 1er, du

Code civil, l'arrêt énonce que l'état de la vitre n'apparaissant ni anormal ni dangereux, cette vitre

n'a pas été l'instrument du dommage, l'accident étant dû à la précipitation de l'enfant ;

Qu'en statuant ainsi tout en constatant que le jeune garçon s'était blessé au coude droit à la suite

du bris du carreau de la porte palière qu'il avait poussée, ce dont il résultait que la vitre avait été

l'instrument du dommage, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses

constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 octobre 1994, entre les

parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état

où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel

d'Amiens. »

- 9 -

Document 9 : Civ. 2ème, 25 octobre 2001

« Sur le moyen unique :

Vu l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;

Attendu, selon le jugement attaqué rendu en dernier ressort, que Mme Aiello s'est blessée en

heurtant la boîte aux lettres de M. Aubert qui débordait de 40 centimètres et à une hauteur de 1

mètre 43 sur un trottoir de 1 mètre 46 de large ; qu'elle a demandé à M. Aubert réparation de

son préjudice ;

Attendu que, pour rejeter la demande, le jugement énonce que la boîte aux lettres, répondant

aux prescriptions de " l'administration des PTT ", qui occupait une position normale et ne

présentait aucun débordement excessif susceptible de causer une gêne, n'a pu jouer un rôle

causal dans la réalisation de l'accident ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations, que la boîte aux lettres

avait été, de par sa position, l'instrument du dommage, le Tribunal a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 8 octobre 1999, entre

les parties, par le tribunal d'instance de Nogent-sur-Seine. »

Document 10 : Civ. 2ème, 24 février 2005

« Vu l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mlle X... a heurté une baie vitrée coulissante qui ouvrait, de

l'intérieur d'un appartement, sur une terrasse ; que la vitre s'est brisée et a blessé Mlle X... ; que

cette dernière a assigné Mme Y..., propriétaire de l'appartement et son assureur, la compagnie

GAN, en présence de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, en réparation

de son préjudice, sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;

Attendu que pour débouter Mlle X... de ses demandes, l'arrêt retient que cette dernière s'est

levée, a pivoté à 90 , s'est dirigée vers la terrasse, sans s'apercevoir que la porte vitrée coulissante

était pratiquement fermée, qu'elle a percuté la porte vitrée qui s'est brisée ;

que la victime indique qu'elle avait pu croire que la baie vitrée était ouverte compte tenu de sa

transparence et du fait qu'elle donnait sur une terrasse, alors que c'était l'été ; qu'il n'est pas

allégué un mauvais état de la baie vitrée, que, par ailleurs, le fait qu'elle ait été fermée, même

si l'on se trouvait en période estivale, ne peut être assimilé à une position anormale ; que la

chose n'a eu aucun rôle actif dans la production du dommage et que celui-ci trouve sa cause

exclusive dans le mouvement inconsidéré de la victime ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la porte vitrée, qui

s'était brisée, était fragile, ce dont il résultait que la chose, en raison de son anormalité, avait été

l'instrument du dommage, la cour d'appel a violé le texte susvisé

PAR CES MOTIFS, CASSE ET ANNULE… »

- 10 -

Document 11 : Civ. 2ème, 29 mars 2012, n° 10-27553

« Sur le moyen unique :

Attendu, selon le jugement attaqué, (juridiction de proximité de Dinan, 24 juin 2010), rendu en dernier

ressort, que M. X..., sorti de son véhicule garé sur une place de l'aire de stationnement d'un centre

commercial, a heurté un muret en béton séparant celle-ci de l'allée piétonne donnant accès à la réserve

de chariots et à l'entrée du magasin et s'est blessé en chutant au sol ; qu'il a assigné en indemnisation de

son préjudice la société Super U-Somadis (la société) ; que l'assureur, la société MMA, est intervenu

volontairement à l'instance ;

Attendu que M. X... fait grief au jugement de le débouter ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie

des Côtes-d'Armor, de leurs demandes, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en statuant ainsi quand il résultait de ses propres constatations que l'un des murets en béton

délimitant le passage piéton avait été l'instrument du dommage, la juridiction de proximité a violé

l'article 1384, alinéa 1er, du code civil ;

2°/ qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'il était invité à le faire, si le muret blanc sur lequel il avait

chuté, seulement surélevé de 10 centimètres en son centre et de 5 centimètres sur les côtés, ne présentait

pas une anormalité dans sa conception, à l'origine du dommage, dès lors qu'il pouvait être confondu avec

la signalisation des passages piétons peinte au sol dans la même couleur, le juge de proximité a privé sa

décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil ;

3°/ que la faute de la victime n'exonère totalement le gardien de sa responsabilité que si elle constitue

un cas de force majeure ; qu'en statuant par des motifs impropres à caractériser l'imprévisibilité et

l'irrésistibilité de la faute d'inattention imputée à M. X..., le juge de proximité à violé l'article 1384,

alinéa 1er du code civil ;

Mais attendu que le jugement retient que M. X... a chuté en heurtant un muret en béton en bon état large

de 50 cm, haut de 10 cm et peint en blanc délimitant un chemin d'accès piétonnier à l'entrée de la surface

de vente ; que la couleur blanche tranche avec la couleur gris foncé du bitume recouvrant le parking et

que la configuration des murets les rend parfaitement visibles pour une personne normalement attentive

; qu'il n'est de surcroît pas obligatoire de les franchir pour se rendre dans le magasin, le parking étant

conçu comme tout parking qu'il soit privé ou public et laissant donc le choix au client du passage qu'il

souhaite ; que M. X... ne démontre pas que ce muret a joué un rôle actif dans sa chute ;

Que de ces constatations et énonciations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur

et de la portée des éléments de preuve, et dont il résultait que le muret en béton, chose inerte, n'était pas

placé dans une position anormale et n'avait joué aucun rôle actif dans la chute de la victime, la juridiction

de proximité a exactement déduit que /le muret n'avait pas été l'instrument du dommage ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi »

- 11 -

Document 12 : Civ. 2ème, 11 septembre 2014

Sur le moyen unique, pris en ses quatre

premières branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 10 avril

2013), qu'au cours d'un séjour de vacances dans

la villa de M. et Mme X... à Rosas, en Espagne,

M. Y...s'est blessé le 24 juin 2008 en tombant

dans l'escalier extérieur ; que M. Y...a assigné

M. et Mme X... et leur assureur, la société

Zurich Espana Compania de Seguros y

Reaseguros (l'assureur), en présence de la caisse

primaire d'assurance maladie du Lot-et-

Garonne, du Centre national de remboursement

des soins à l'étranger près la Caisse primaire

d'assurance maladie du Morbihan, de la société

La Médicale de France, de la mutuelle Avenir

des professions libérales et indépendantes et de

la Caisse autonome de retraite des chirurgiens

dentistes et des sages-femmes, en responsabilité

sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du

code civil, et réparation de son préjudice ;

Attendu que M. et Mme X... et leur assureur

font grief à l'arrêt de dire qu'ils étaient tenus de

réparer l'entier préjudice causé à M. Y...par

l'accident du 24 juin 2008, d'ordonner une

expertise et de surseoir à statuer sur les

préjudices et recours nés de cet accident, et de

les condamner in solidum à payer à M. Y...une

somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du

code de procédure civile et de les condamner

aux dépens d'appel, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge ne peut statuer par voie de motif

hypothétique ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a

relevé qu'il était établi que M. Y...avait été

retrouvé gisant au pied d'un escalier, atteint de

multiples fractures costales et d'un traumatisme

crânien ; qu'en affirmant ensuite que cette

situation correspondait parfaitement à une chute

dans un escalier, la cour d'appel, qui a déduit un

motif hypothétique, a violé l'article 455 du code

de procédure civile ;

2°/ qu'il incombe à celui qui se prétend victime

du fait d'une chose de rapporter la preuve de

l'intervention matérielle de cette chose dans la

réalisation de son dommage ; qu'en affirmant,

pour en déduire que M. Y...établissait que

l'escalier litigieux était bien le lieu de son

dommage, que M. et Mme X... se contentaient

de contester le principe d'une chute dans cet

escalier sans préciser dans quel (le) autre

escalier ou partie de la villa cette chute aurait pu

se produire, la cour d'appel a inversé la charge

de la preuve, en violation de l'article 1315 du

code civil ;

3°/ qu'en relevant, pour juger de son caractère

anormal, qu'il ressortait des photographies

produites aux débats que l'escalier était

totalement dépourvu de rampe sur son côté

droit, de palier et d'éclairage la nuit. quand il

ressortait très clairement desdites photos, que la

partie haute des escaliers litigieux, là-même où

la victime prétendait avoir chuté, avait toujours

été pourvue d'une rampe, d'un premier palier et

d'éclairage, la cour d'appel a méconnu

l'interdiction faite au juge de dénaturer les

documents de la cause ;

4°/ que le juge ne saurait dénaturer les

conclusions des parties ; que dans ses écritures

d'appel, M. Y...s'était borné, pour démontrer le

caractère anormal de l'escalier, à invoquer

l'absence de toute rampe et garde-corps, de tout

palier intermédiaire et de tout revêtement

spécial extérieur sur les marches de l'escalier ;

qu'en jugeant que le caractère anormal de

l'escalier résultait de sa forte déclivité, de son

étroitesse ainsi que de l'absence d'éclairage la

nuit, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de

procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt retient par motifs

propres et adoptés qu'en application de l'article

1384, alinéa 1er, du code civil, une chose inerte

telle qu'un escalier ne peut être l'instrument d'un

dommage que si la preuve est rapportée d'un

mauvais état ou d'un caractère anormal ; qu'il

résulte du rapport établi le jour même de

l'accident par le service des urgences que le

service a été appelé à 1 heure 15 le 24 juin 2008

à l'adresse où résidait M. Y...; qu'il résulte des

pièces versées au dossier que celui-ci a été

retrouvé gisant au pied de l'escalier litigieux par

son épouse et sa fille, ainsi que, quelques

minutes après, par les services d'urgence, à 1

heure 15 du matin, soit de nuit, ainsi que cela est

mentionné sur leur rapport d'intervention,

lequel fait état de multiples fractures costales et

d'un traumatisme crânien ; que le témoignage de

l'épouse de M. Y..., et de Mmes Stéphanie et

Laura Y..., ses filles, suffit à établir que la chute

a eu lieu dans l'escalier en raison de

l'emplacement du corps, de la localisation et de

l'importance des blessures ; que le caractère

- 12 -

anormal de cet escalier résulte de l'absence

totale de rampe, de sa forte déclivité, de son

étroitesse, de l'absence de palier et d'éclairage la

nuit, moment où l'accident est intervenu ;

Que de ces constatations et énonciations

procédant de son appréciation souveraine de la

valeur et de la portée des éléments de preuve

produits, la cour d'appel, sans se prononcer par

des motifs hypothétiques et sans dénaturer les

documents photographiques de la cause, ni

méconnaître les termes du litige, a pu déduire,

sans inverser la charge de la preuve, que

l'escalier, qui présentait un caractère dangereux

et une position anormale, était bien l'instrument

du dommage ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que les cinquième, sixième et

septième branches du moyen ne sont pas de

nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

Document 13 : Civ. 2ème, 13 novembre 2014

Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant sur

renvoi après cassation (Com, 15 décembre

2009, pourvoi n° 08-19. 539) que M. X...,

victime d'un accident dans les locaux de la

société Sodiviv, a assigné cette société en

responsabilité ; que, par arrêt du 17 juin 2008,

la cour d'appel a jugé la société Sodiviv

responsable du dommage et l'a condamnée à

payer certaines sommes à M. X... et à la caisse

primaire d'assurance maladie de Privas (la

CPAM) ; que cet arrêt, rendu alors que la société

Sodiviv avait été mise en redressement

judiciaire le 26 décembre 2006 et qu'un plan de

redressement avait été arrêté le 11 décembre

2007, sans que le commissaire à l'exécution ait

été appelé, a été annulé et dit non avenu par un

arrêt de la Cour de cassation du 15 décembre

2009 (pourvoi n° 08-19. 539) ; que la

liquidation judiciaire de la société Sodiviv a été

prononcée le 8 juin 2010, M. Y... étant désigné

en qualité de mandataire liquidateur ; que M.

X... a saisi la cour d'appel de renvoi et appelé en

cause la société Amlin France (la société

Amlin), venue aux droits de la société Anglo

French underwriters, assureur de la société

Sodiviv ; qu'il a demandé la condamnation de la

société Amlin à lui payer des dommages-

intérêts en réparation de son préjudice ; que la

CPAM a, alors, demandé la condamnation de la

société Amlin à lui payer ses débours et ses frais

de gestion ;

Sur le pourvoi principal : (…)

Sur le pourvoi incident :

Sur le premier moyen : (…)

Sur le second moyen :

Attendu que M. Y..., ès qualités, fait grief à

l'arrêt de déclarer la société Sodiviv responsable

du préjudice subi par M. X... et de fixer en

conséquence la créance de la CPAM au passif

de la procédure collective, alors, selon le

moyen, que si le contact de la victime avec une

chose en mouvement permet de présumer le rôle

instrumental de la chose dans la réalisation du

dommage, une chose inerte ne peut se voir

reconnaître un rôle actif qu'à la condition que

soit établie l'anormalité de son positionnement,

de son état ou de son fonctionnement ; qu'au cas

présent, M. Y... faisait valoir que l'échelle, qui

avait été positionnée contre le mur par M. Z...,

était inerte et qu'il incombait dès lors à M. X...

d'apporter la preuve de l'anormalité de son

positionnement, de son état ou de son

fonctionnement ; que pour estimer que

l'accident dont avait été victime M. X... était

imputable au fait de l'échelle dont SODIVIV

avait conservé la garde, la cour d'appel a retenu

que l'échelle avait été l'instrument du dommage,

aux seuls motifs que M. X... était monté sur

l'échelle et qu'il en était tombé avec elle ; qu'en

statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y

était invitée par l'exposant, si la chute de M. X...

avait été causée par un mouvement de l'échelle

ou, à défaut, si ladite échelle présentait une

anomalie tenant à son positionnement, à son état

ou à son fonctionnement, la cour d'appel a privé

sa décision de base légale au regard de l'article

1384, alinéa 1er, du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'un préposé de

la société Sodiviv, en raison d'une forte pluie et

de la nécessité de fermer les trappes de

désenfumage, avait pris l'échelle qui se trouvait

dans la cour et était monté sur le toit, et que, la

- 13 -

deuxième trappe ne se fermant pas, il avait fait

appel à M. X... qui était alors monté sur le toit à

l'aide de la même échelle mais qui, perdant

l'équilibre, était ensuite tombé avec cette

échelle, ce dont il résultait que l'échelle était

nécessairement en mouvement et en contact

avec M. X... dans sa chute et qu'elle avait donc

été l'instrument du dommage, la cour d'appel a

légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi incident (…)

Document 14 : Civ. 2ème, 27 mars 2014 Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite du

décès d'Annick X... et de son fils Jonathan,

survenu à l'occasion d'une collision entre le

véhicule automobile avec lequel celle-ci

franchissait une voie ferrée à hauteur d'un

passage à niveau, et un train de la Société

nationale des chemins de fer français (la SNCF),

MM. Marc et Sébastien X... et Mmes Isabelle

Y... et Jessica Z..., nées X..., (les consorts X...)

ont assigné la SNCF en responsabilité et

indemnisation de leurs préjudices sur le

fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du code

civil ; que la société Mutuelle du Mans

assurances IARD, venant aux droits de la

société Azur assurance IARD, assureur du

véhicule accidenté, est intervenue

volontairement à l'instance ; que la SNCF a

formé une demande reconventionnelle en

réparation de ses préjudices matériels ;

Attendu que le second moyen, identique, du

pourvoi principal de la société Mutuelle du

Mans assurances IARD et de la société

Mutuelle du Mans IARD assurances mutuelles

(les sociétés Mutuelles du Mans) et du pourvoi

incident des consorts X... n'est pas de nature à

permettre l'admission de ces pourvois ;

Mais sur la seconde branche, identique, du

premier moyen du pourvoi principal des

sociétés Mutuelles du Mans et du pourvoi

incident des consorts X... :

Vu l'article 1384, alinéa 1er, du code civil ;

Attendu que la faute de la victime n'exonère

totalement le gardien de sa responsabilité que si

elle constitue un cas de force majeure ;

Attendu que, pour débouter les consorts X... et

la Mutuelle du Mans de leurs demandes

d'indemnisation, l'arrêt énonce, par motifs

propres et adoptés, que le passage à niveau

emprunté par Annick X... le jour des faits est un

passage de 2e catégorie, dépourvu de barrière,

de signal lumineux, et dont l'approche est

signalée par un panneau de danger et un stop,

qui imposent donc aux automobilistes

d'observer la priorité due aux trains, en

marquant un arrêt absolu, et en ne s'engageant

qu'après s'être assurés qu'ils peuvent le faire

sans danger ; que la vitesse de passage des trains

est limitée à 140 km/heure sur ce type de

passage à niveau et que la bande graphique

examinée par l'expert judiciaire confirme que la

vitesse était dans cette limite ; qu'il ne ressort

pas du dossier que ce passage à niveau ait été

particulièrement dangereux, que depuis 1978,

aucun accident ne s'y était produit ; que la

visibilité minimale pour ce type d'installation,

de 288 mètres, était plus que respectée puisque

mesurée à 370 et 400 mètres ; que le conducteur

du convoi ferroviaire a respecté ses obligations

et en particulier celle, à l'approche du passage à

niveau non protégé, de signaler de manière

sonore son arrivée ; qu'au dernier moment, alors

que le train était à 30 ou 40 mètres, le véhicule

« a démarré en trombe » et qu'il n'a pu éviter la

collision ; que les éléments objectifs de

l'enquête permettent exactement de situer le

début du freinage d'urgence à environ 30 mètres

du passage à niveau ; que la SNCF a pris toutes

les précautions pour éviter tout accident, du fait

de la signalétique d'annonce du passage à

niveau, avec l'implantation d'un panneau placé

20 mètres avant le passage de la voie ferrée

indiquant « STOP 20 M », puis d'un second

panneau « STOP » placé en dessous d'une croix

de Saint-André quadrillée blanc et rouge qui

impose l'arrêt absolu aux automobilistes, et de

l'activation à plusieurs reprises par le

conducteur de la locomotive du signal sonore ;

que l'avancée inexplicable du véhicule d'Annick

X... alors que la locomotive n'était plus qu'à 30

mètres est incompréhensible et que son arrivée

imminente ne pouvait qu'être perçue par la

conductrice de l'automobile qui connaissait

parfaitement les lieux et la fréquence des trains

; que ce « démarrage en trombe » tandis que le

train n'était plus qu'à quelques dizaines de

- 14 -

mètres, alors que quelques instants auparavant

la conductrice avait immobilisé son automobile

au passage à niveau, constitue un événement à

la fois irrésistible et imprévisible, cause

exonératoire, comparable à la force majeure

pour le gardien du train, la SNCF ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que

le passage à niveau franchi par le véhicule

d'Annick X... était démuni de barrières, ce dont

il résultait que la présence d'un véhicule sur la

voie ferrée n'était pas imprévisible, la cour

d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de

statuer sur la première branche du premier

moyen du pourvoi principal des sociétés

Mutuelles du Mans et du pourvoi incident des

consorts X... :

CASSE ET ANNULE

15