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i Université de Franche Comté (U. F. C) UFR de Sciences Juridiques, Economiques, Politiques et de Gestion Ecole Doctorale Louis Pasteur MARCHÉS BOURSIERS ÉMERGENTS ET PROBLÈMATIQUE DE L’EFFICIENCE. ………………………………………………. Le cas de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM). Thèse pour le Doctorat en Sciences Economiques (Doctorat Nouveau Régime) Présentée et soutenue publiquement par : Benjamin NDONG JURY : Directeur de thèse: Mr. Michel Mougeot, Professeur à l’Université de Franche Comté. Membres de Jury : Mr.Christian Bordes, Professeur à l’Université de Paris1-Panthéon-Sorbonne, Rapporteur Mr. Alain Schatt, Professeur à l’Université Robert Schuman de Strasbourg, Rapporteur Mme Julie LeGallo, Professeur à l’Université de Franche Comté Mr. Michel Mougeot, Professeur à l’Université de Franche Comté. Date: 13 Septembre 2007.

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    Universit de Franche Comt (U. F. C) UFR de Sciences Juridiques, Economiques, Politiques et de Gestion

    Ecole Doctorale Louis Pasteur

    MARCHS BOURSIERS MERGENTS ET PROBLMATIQUE DE LEFFICIENCE.

    . Le cas de la Bourse Rgionale des Valeurs Mobilires (BRVM).

    Thse pour le Doctorat en Sciences Economiques (Doctorat Nouveau Rgime)

    Prsente et soutenue publiquement par : Benjamin NDONG

    JURY : Directeur de thse: Mr. Michel Mougeot, Professeur lUniversit de Franche Comt. Membres de Jury : Mr.Christian Bordes, Professeur lUniversit de Paris1-Panthon-Sorbonne, Rapporteur Mr. Alain Schatt, Professeur lUniversit Robert Schuman de Strasbourg, Rapporteur Mme Julie LeGallo, Professeur lUniversit de Franche Comt Mr. Michel Mougeot, Professeur lUniversit de Franche Comt.

    Date: 13 Septembre 2007.

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    Remerciements. Je remercie tout particulirement Monsieur Michel MOUGEOT, Professeur lUniversit de Franche Comt, directeur du Centre de Recherches sur les Stratgies Economiques (C.R.E.S.E), qui a accept de suivre ce travail, malgr le fait que je nai pas fait ma formation de base Besanon. Cest la preuve de son ouverture desprit, de son exprience et de sa parfaite connaissance du monde universitaire. Quil soit assur de toute ma gratitude. Je remercie Messieurs Alain SCHATT et Christian BORDES pour lintrt quils ont bien voulu porter ce travail en acceptant dtre les rapporteurs de cette thse. Je remercie galement Madame Julie LeGallo de siger ce jury. Jassocie ces remerciements le Professeur Adama DIAW et le Docteur Mathurin FOUNANOU, enseignants- chercheurs lUniversit Gaston BERGER de Saint Louis (Sngal), de mme que la Coopration Franaise pour sa bourse de recherche. Je remercie tous les membres du CRESE, enseignants-chercheurs et doctorants, pour leur accueil cordial et leur participation mes sminaires. Enfin, je remercie ma famille et tout ce qui de prs ou de loin mont apport leur soutien. Je pense particulirement ma maman, ma femme et mon grand frre. Cest loccasion davoir une pense pieuse pour mon dfunt papa. Que Dieu laccueille dans son paradis. Amen.

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    Sommaire Introduction gnrale...1 Premire partie : Libralisation financire et problmatique de dveloppement et defficience des marchs mergents : le cas de la BRVM10 Chapitre I : Thories des marchs financiers efficients..13 Chapitre II : Spcificits des marchs boursiers mergents51 Chapitre III : La BRVM : aspects institutionnels et problmatique de dveloppement et defficience financiers dans un contexte de libralisation financire.101 Deuxime partie : Analyse empirique : dynamique et efficience dune bourse transnationale et mergente: le cas de la BRVM....165 Chapitre IV : Analyse statistique du comportement des cours boursiers au niveau de la BRVM.168 Chapitre V : Prvisibilit des rendements boursiers au niveau de la BRVM : une tude de la convergence des taux dintrt et des rendements boursiers par lanalyse de la cointgration...208 Chapitre VI : Information financire et rendements boursiers : un autre regard sur la rationalit du march boursier : le cas de la BRVM...265 Conclusion gnrale....317 Annexes..327 Rfrences bibliographiques354 Table des matires.379 Table des figures et des tableaux.387

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    Introduction gnrale. Les thories de la libralisation financire dveloppes dans les annes 70 (Mckinnon 1973, Shaw 1973) ont eu fustiger la politique montaire qui consiste dans les Pays en Voie de Dveloppement (PVD) maintenir les taux dintrt nominaux un niveau tel que les taux dintrt rels deviennent ngatifs. Une telle politique dsigne sous le vocable de rpression financire a pour effet, non seulement de dcourager lpargne, mais aussi dagir dfavorablement sur la qualit de linvestissement. Cela est d au fait que le rendement rel de la monnaie (diffrence entre le taux nominal sur les dpts et linflation) est rprim. La politique de libralisation financire du taux dintrt peut ainsi prendre deux formes :

    - une augmentation du rendement rel de la monnaie - une stabilisation du niveau du rendement rel.

    Laugmentation du taux servi sur les dpts, en encourageant la demande de dpts des agents, accrot la capacit de crdit du secteur bancaire. Alors que la stabilisation du niveau de rendement rel a pour but de rduire la variabilit croissante du taux nominal servi sur les dpts, et /ou de linflation, afin de diminuer le risque croissant li ce rendement. Ces thories ont eu un cho favorable dans les PVD telle enseigne quelles ont t les fondements des diffrentes politiques dajustement financier mises en uvre dans ces pays au dbut des annes 90. Mais, larrive, lespoir qui tait plac sur ces politiques, propos de leur capacit rsoudre les problmes de financement de lconomie et des entreprises, sest beaucoup rod. Cest ainsi que Demirgc-Kunt et Detragiache1pensent que la libralisation financire a des cots en termes daugmentation de la fragilit financire spcialement dans les PVD o les institutions ncessaires pour supporter un systme financier qui fonctionne bien ne sont gnralement pas bien tablies . Dans le mme registre, dautres conomistes et des dcideurs se sont interrog sur limpact rel de la politique de libralisation financire sur lpargne financire et le financement de lconomie. En dautres termes, sinterroger sur lapplicabilit des thories qui la sous-tendent dans le cadre des PVD.

    1 Policy Research Working Paper N 1917, World Bank.

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    Cependant Diaw (2000)2 dans un test empirique de lhypothse de complmentarit de R. Mckinnon dans les Pays de lUnion Economique et Montaire Ouest-Africaine (UEMOA)3 aboutit des rsultats qui justifieraient la pertinence des politiques financires fondes sur le taux dintrt (politiques de libralisation financire). Mais, en plus de cette pertinence justifie, nest-il pas ncessaire de se poser des questions sur les conditions defficacit dune telle politique ? Rappelons que les politiques de libralisation financire sont censes influencer la croissance conomique dans les PVD en stimulant lpargne et linvestissement, en amliorant la productivit du capital etc. Particulirement, au niveau du march boursier, la libralisation financire est suppose entraner une baisse du cot du capital. Mais, ces mcanismes de transmission des effets de la libralisation financire surtout celui daccroissement de la productivit travers une meilleure slection des projets dinvestissements sont conditionns. Et parmi ces conditions, nous supposons que le fonctionnement efficient du march boursier occupe une place importante. En effet, des marchs financiers efficients sont ncessaires pour que cette relation entre libralisation financire et croissance conomique via le dveloppement financier soit effective, car lefficience du march boursier permet tout simplement dallouer les ressources financires vers les secteurs les plus productifs. Une bonne partie de la littrature sur la libralisation financire dans les PVD mettait plus laccent sur un seul compartiment du march des capitaux. Les recherches portaient leur attention essentiellement sur le secteur bancaire considr comme tant le seul march des capitaux organis dans les conomies en dveloppement . La place du march boursier dans cette stratgie de libralisation financire ne constituait pas une proccupation principale dans ces recherches. Alors quon peut lgitiment sinterroger sur lefficacit dune libralisation complte du systme bancaire dans un systme financier o les autres marchs des capitaux, et particulirement le march boursier, sont presque ignors et/ou restent rprims. La rponse est que le dveloppement substantiel du march des capitaux et principalement le march boursier est une condition ncessaire pour une libralisation financire

    2 Ndiaw, A. (2000). Test de lhypothse de complmentarit de Mc Kinnon dans les pays de lUEMOA . Revue dEconomie et de Gestion, Universit de Libreville. 3L UEMOA (Union Economique et Montaire Ouest Africaine) comprend 8 pays de lAfrique de lOuest appartenant la zone franc et partageant la mme monnaie, le Franc de la Communaut financire Africaine (FCFA), mise par la Banque Centrale des Etats de lAfrique de lOuest (BCEAO) qui a son sige Dakar (capitale du Sngal) Ces pays partagent aussi en commun une commission conomique, limage de celle de lUnion europenne, charge de promouvoir lintgration conomique des pays membres et la coordination de leurs politiques conomiques, et une Bourse Rgionale des Valeurs Mobilires (BRVM). Ces pays sont : la Cote dIvoire, le Burkina Faso, le Bnin, le Togo, le Mali, le Niger, le Sngal, la Guine- bissau.

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    complte . Et, notre avis, le dveloppement substantiel du march boursier est synonyme, ou tributaire en partie, de son fonctionnement efficient. Ainsi, ltablissement dun march financier4 a t prsent comme une condition la russite de la politique de libralisation financire dans beaucoup de PVD en gnral et les Pays de lUEMOA en particulier. La Bourse Rgionale des Valeurs Mobilires (BRVM) sera, cet effet, ouverte Abidjan en Septembre 1998 marquant ainsi la premire exprience au monde de bourse transnationale5. La BRVM est un march de fixing, gouvern par les ordres et centralis. Le march financier devait aider la diversification du systme financier, et surtout crer la concurrence vis--vis du systme bancaire, pour plus defficience dans ce dernier (systme financier). Le but recherch dans les marchs des capitaux est le transfert efficient des fonds entre prteurs (pargnants) et emprunteurs (producteurs, porteurs de projets). Le plus souvent, dun ct, des agents conomiques (individus ou entreprises) bnficient dopportunits dinvestissement avec des taux de rentabilit qui excdent le taux demprunt du march, mais ne disposent pas pour autant dassez de liquidits (fonds) pour saisir celles-ci. Dans ce cas despce, lexistence de marchs de capitaux leur permet demprunter les fonds dont ils ont besoin. Dun autre ct, les prteurs disposant dexcs de fonds, aprs avoir exploiter tous les opportunits productives avec une rentabilit espre suprieure au taux demprunt, aimeraient prter ces fonds en excs si le taux de prt est suprieur ce quils peuvent avoir ailleurs. Ainsi, prteurs et emprunteurs profitent, dans ce cas, de lexistence de marchs de capitaux efficients facilitant ce transfert de fonds. Un march est dit allocativement efficient lorsque les prix sont dtermins de telle faon quils galisent les taux marginaux de rentabilit (taux ajusts au risque) pour tous les producteurs et les pargnants. Dans un tel march (o existe une efficience allocationnelle), lpargne peu abondante est alloue de manire optimale linvestissement productif. Alors que lefficience oprationnelle ou transactionnelle dun tel march interviendra lorsque les intermdiaires6 - dont le rle est de fournir un service consistant canaliser les fonds des pargnants vers les investisseurs - font cela au cot minimum (le juste prix de leur service).

    4 Au niveau des pays de lUEMOA, ltablissement dun march financier rgional a consist redynamiser la bourse nationale de Cote dIvoire pour en faire une bourse transnationale, mais surtout pour louvrir et lorganiser davantage suivant des normes internationales. 5 Le sige de cette bourse est implante Abidjan (Cote dIvoire) et les 6 autres pays de lUEMOA (sauf la Guine Bissau) possde chacun une antenne nationale de la BRVM relie au systme central install au sige. 6 Par exemple, les banques pour le march du crdit et les socits dintermdiation et de bourse pour le march financier.

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    Ce mme march des capitaux sera informationnellement efficient lorsque les prix reflteront entirement et simultanment toute linformation disponible et pertinente. Les prix deviennent, dans ce cas, des signaux corrects pour lallocation du capital, les marchs des titres remplissant ainsi deux fonctions importantes : lallocation du risque et la transmission (communication) de linformation parmi les investisseurs. Lefficience informationnelle concourt, cet effet, lefficience allocative. Ce type defficience (informationnelle) est particulirement mis en exergue au niveau du march financier. La fonction dun march financier est dallger voire satisfaire totalement le besoin de financement des entreprises et de certains agents conomiques comme lEtat et les collectivits locales. En effet, une partie du march des capitaux, reprsent par le systme bancaire classique, narrive pas jouer entirement ce rle. Le rle du march financier est alors de mettre directement en rapport agents capacit de financement (particuliers, investisseurs institutionnels) et agents besoin de financement (entreprises, Etat, collectivits locales). Il sagit exactement de drainer lpargne vers des investissements rentables, mais cela suppose que le march financier fonctionne de faon efficiente. Une caractristique importante des marchs efficients est quils valuent les titres de la mme manire. Ainsi, lorsque cette efficience est relle, le prix du titre est une bonne estimation de la valeur que lui confre le march. Do limportance du concept defficience pour les investisseurs qui comptent investir dans un march financier et surtout pour lallocation efficiente des ressources financires. Cest ainsi que la variation des cours boursiers est toujours un prtexte pour une rallocation des ressources financires dans lconomie en question. Une telle rallocation est efficiente que lorsque le march boursier lui-mme fonctionne de manire efficiente. Ce fonctionnement efficient assure une bonne valuation des titres cots sur le march boursier. Lefficience est dfinie ici comme lexistence dune correcte valuation des titres financiers. Certains pays dits mergents, ou en dveloppement, devraient pouvoir bnficier des importants flux dinvestissement de portefeuille, car ils prsentent un environnement o existent de larges potentiels de bnfices et o le retour sur investissement est suppos tre lun des plus lev. Mais, ce pouvoir potentiel dattraction ne peut tre rel que dans le cadre dexistence de marchs financiers dynamiques et efficients. Ces marchs financiers dit mergents reprsentent, en effet, de bonnes occasions dinvestissement avec un potentiel de rendement lev et une corrlation relativement faible avec les marchs financiers

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    dvelopps. Cependant, ces marchs boursiers mergents prsentent beaucoup de spcificits, surtout dordre structurel, qui handicapent leur fonctionnement efficient. Le concept defficience des marchs financiers est lune des propositions les plus controverses et tudies dans toutes les sciences sociales Lo (1997). Et malgr des dcennies de recherche il narrive pas, jusqu nos jours, faire lobjet dun consensus. Ceci montre donc sa profondeur et son tendue et le fait quil continue toujours fasciner les conomistes en gnral et les conomistes financiers en particulier. Le prix Nobel dconomie Paul Samuelson est all mme jusqu dire que lconomie financire est considre comme le bijou de la couronne des sciences sociales . Et, ceci, elle le devrait en grande partie lhypothse defficience des marchs. La recherche sur lefficience a eu un effet marqu sur la connaissance et les attitudes envers les marchs boursiers et les marchs financiers en gnral. Elle a ainsi influenc la tendance mondiale la libralisation des marchs des capitaux que nous voquions ci-dessus et des autres types de marchs. Lefficience des marchs financiers est un domaine dtude cheval entre la finance et lconomie, mais aussi qui fait appel la fois lanalyse microconomique surtout dans son aspect thorique macroconomique et conomtrique dans son aspect empirique. Ltude de ce concept requiert une bonne connaissance de ces diffrents aspects de lanalyse conomique. Cest donc un domaine dtude assez enrichissant et stimulant, o il faut faire preuve de technicit et de connaissances thoriques. Lhypothse des marchs efficients (HME) est une des rares hypothses en conomie o la thorie et lempirisme communiquent . C'est--dire que les vidences empiriques permettent en retour vers la thorie. Ce qui montre que cette hypothse ou certaines de ses formulations est vraiment rfutable7 au sens pistmologique ou Popprien du terme. Beaucoup dtudes sur lefficience ont t faites sur les bourses des pays dvelopps (Europe, USA, Japon) et lessentiel dentre elles vont dans le sens de la confirmation de lhypothse defficience. Mais quen est-il pour les bourses dites mergentes, ou assimiles comme telles, dont la BRVM ? A priori celles-ci se prsenteraient dans une situation diffrente et sont supposes mme tre moins efficientes cause de leur environnement. Il y a-t-il deux reprsentations diffrentes du march boursier selon quil se situe dans un pays dvelopp ou dans un pays dit mergent ? C'est--dire que les marchs boursiers des pays dvelopps sont, priori, supposs comme efficients, alors que ceux des pays dits mergents sont 7 Beaucoup de critiques supposent cependant que cette hypothse nest pas rfutable.

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    catalogus comme des marchs inefficients. Au moment o les diffrences technologiques technologies de linformation surtout et institutionnelles peuvent tre rsorbes. Pourquoi le march boursier dit mergent ne pourrait-il pas fonctionner de faon efficiente lorsque les normes internationales dans le domaine de lorganisation de celui-ci sont respectes ? Le respect des conditions dorganisation du march boursier, en termes de structures et de rglementation, suffit-il pour que lefficience du march devienne latente en matire de fonctionnement ? Ou que le concept defficience dfinie comme lexistence dune correcte valuation des titres nest-il pas en effet, plus, une question de vritables mcanismes de march ? De mme, lexistence de vritables mcanismes de march ne conditionne-elle pas lefficacit dune politique de libralisation financire complte ? Il est intressant par exemple, cet effet, de voir comment les marchs boursiers mergents ragissent la nouvelle information, particulirement pour le cas de la BRVM. Quelle est la dynamique des prix au niveau dune bourse transnationale comme la BRVM ? Quelle est la rationalit de la BRVM relativement certains types dinformation comme les bnfices et les dividendes? La rponse ces questions, et dautres qui leur sont connexes, est dun intrt particulier pour les dirigeants dentreprise qui soumettent la performance de leur entreprise au public en publiant des tats financiers, pour les commissaires aux comptes qui auditent ces tats financiers, pour les commissions de bourse qui rgulent et rglementent le fonctionnement du march et linformation sur les titres, et surtout pour les investisseurs. Car, linvestibilit du march boursier est, dune certaine manire, lie son fonctionnement efficient. Parmi les facteurs dinvestibilit du march boursier dun pays, on identifie gnralement les conditions macroconomiques, lenvironnement et la stabilit politique, la qualit des marchs financiers locaux,, la gouvernance dentreprise, la scurit des droits de proprit et dexcution des contrats, la taille du march etc. La qualit des marchs locaux, que nous rapportons lefficience de ces derniers, a une fonction conomique trs importante, car elle permet, comme nous lavons rpt tout au long de cette introduction, une allocation efficiente des ressources financires en crant un lien entre le secteur rel et le secteur financier, et vite que le march financier ne sert qu des objectifs spculatifs.

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    En supposant que les facteurs macroconomique et politique ont fait lobjet dune attention particulire dans les pays de lUEMOA depuis 1994, que la gouvernance dentreprise fait partie des conditions dadmission la cote, que la scurit des droits de proprit et lexcution des contrats sont surveilles et garanties par les structures dadministration et de rgulation du march financier, alors les efforts dinvestibilit doivent tre axs sur la qualit et la taille des marchs locaux. Ces deux phnomnes sont, en effet, conomiques et non le produit dune lgislation ou dune rgulation. Ces deux phnomnes sont aussi troitement lis. Mais si lun (qualit ou efficience) peut tre influenc par la rgulation, lautre par contre est une consquence du dveloppement conomique et ventuellement de louverture (intgration) du march. Le fonctionnement efficient du march financier est, notre avis, un pralable et un facteur important de son investibilit. De mme, la qualit du march boursier est gnralement mesure par la liquidit et lefficience. Si la liquidit peut tre saisie par des ratios, ou indicateurs particuliers, et par ltude de la microstructure du march en gnral (voir section 3 du chapitre III), cela nest pas le cas de lefficience qui ncessite une modlisation. Cest pourquoi nous consacrons la deuxime partie de cette thse cette question. Lobjectif gnral de celle-ci est donc lanalyse de lefficience et de la dynamique de la BRVM, tout en noccultant pas les autres facteurs relatifs la microstructure et aux spcificits structurelles des marchs mergents, et surtout au lien entre la libralisation financire complte, la croissance conomique via le dveloppement financier et le fonctionnement efficient du march financier. Ainsi les objectifs spcifiques tourneront autour :

    - de lanalyse des spcificits structurelles des marchs boursiers mergents, - de ltude de la microstructure et du niveau de dveloppement financier de la BRVM,

    - de lexamen de la question de lattractivit et de linvestibilit, et de celle de

    linterdpendance et de lintgration des marchs mergents en gnral et de la BRVM en particulier,

    - de la recherche dune vidence en faveur de lhypothse defficience, condition

    defficacit de la politique de libralisation financire complte, dans le cas dune

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    bourse transnationale et mergente , en tudiant la dynamique et la prvisibilit des rendements boursiers,

    - et enfin, du jet dun autre regard sur la rationalit du march boursier.

    Hypothse de travail : le fonctionnement efficient du march financier est une condition ncessaire defficacit de la politique de libralisation financire complte. Notons que notre travail consiste plus tudier le comportement des prix dans un march transnational et mergent que de vrifier lhypothse defficience tout court. Cest pourquoi des techniques conomtriques avances (test de BDS, analyse R/S, analyse de la cointgration) sont utilises pour dissquer ce comportement des cours. Ainsi, les chapitres IV et V sont consacrs lanalyse de la dynamique de la BRVM travers ltude du comportement des cours. Seul le chapitre VI revient sur le thme de lefficience, mais en mettant plus laccent sur la rationalit du march et le comportement danticipations rationnelles des acteurs. Ltude sur la BRVM, laquelle nous procdons ici, peut donner plus de visibilit ce march financier, et pousser, si ce nest pas encore le cas, plus dattractivit et dinvestibilit vis--vis des investisseurs internationaux. Notre thse comprend deux parties. La premire partie porte sur la libralisation financire et la problmatique de dveloppement et defficience des marchs mergents et comporte trois chapitres. Dans le premier chapitre nous tudions le concept de march financier efficient de faon gnrale en mettant en relief les principales thories. Ce chapitre comprend trois sections qui consistent dfinir et analyser les fondements thoriques de lhypothse defficience informationnelle en mettant un accent particulier sur les travaux pionniers de Samuelson (1965), de Fama (1970, 1976), de Grossman (1975, 1976), Grossman et Stiglitz (1980), LeRoy (1973), Lucas (1978) etc. Ainsi, la premire section revient sur lhypothse de marche alatoire. Tandis que la deuxime section nous permet daborder le modle de martingale. Enfin, la troisime section aborde lapproche des asymtries dinformation. Alors que le deuxime chapitre sintresse aux marchs boursiers efficients, non plus de faon gnrale, mais la lumire du contexte des marchs mergents compte tenu de leurs

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    spcificits. Ces marchs soulvent un problme de structure, de tendance lourde qui ressortent travers un certain nombre de spcificits structurelles. De mme que la problmatique de linterdpendance et de la corrlation des rendements boursiers dune part, celle de lattractivit et de linvestibilit dautre part, sont plus marques dans les marchs mergents. Et, toujours dans cette logique daller du gnral au particulier , le troisime chapitre porte sur la cas de la BRVM, en rapport la fois avec les spcificits des marchs mergents et de lhypothse defficience des marchs. Nous tudions ainsi dans ce chapitre les aspects structurels et institutionnels de la BRVM, de mme que la problmatique de dveloppement et defficience financiers. Il sagit de montrer limportance des modes dorganisation et de la structuration du march financier. Ceux-ci fondent en effet ce quon appelle communment la microstructure du march, qui est sense influencer lefficience de ce dernier. Un lien est ainsi fait ici entre la libralisation financire, le dveloppement financier, la croissance conomique et le fonctionnement efficient du march. La deuxime partie de notre thse est axe sur lanalyse empirique, et plus prcisment sur ltude de la dynamique et de lefficience dune bourse mergente (BRVM), premire exprience au monde de bourse transnationale. Elle comporte trois chapitres. Dans le premier chapitre nous tudions la dynamique des cours au niveau de la BRVM laide de deux sections. La premire section cherche identifier la vraie nature de la distribution des cours boursiers, en se posant la question de savoir si celle-ci suit une marche alatoire ou une dynamique non linaire, et en utilisant des tests comme celui du bruit blanc, des runs et du BDS etc. La deuxime section sinscrit dans la mme problmatique en se servant de lanalyse R/S pour une tude approfondie du comportement des cours pour y dceler ventuellement une mmoire courte, une mmoire longue ou une mean reversion. Le deuxime chapitre porte sur ltude de la prvisibilit des rendements boursiers partir de variables fondamentales ou conomiques. Il sagit dexaminer la relation rendements boursiers taux dintrt, plus prcisment sa convergence, laide de lanalyse de la cointgration. Le troisime chapitre jette un autre regard sur la rationalit du march boursier, en tudiant la raction successive du march la publication des bnfices puis des dividendes. Nous apportons dans ce chapitre une problmatique et une mthodologie nouvelles pour tudier la rationalit du march.

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    Premire partie Libralisation financire et problmatique de dveloppement et

    defficience des marchs mergents : le cas de la BRVM.

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    Introduction de la premire partie. La premire partie de ce travail a pour objet de dgager dune part le cadre thorique gnral et les cadres thoriques connexes. Et dautre part, le contexte, la problmatique principale et les problmatiques connexes. Les rformes de libralisation financire ont t entreprises dans le but dacclrer le dveloppement financier. Dans le cadre de lUEMOA, louverture dun march financier rgional a t considr comme une condition la russite de cette politique de libralisation financire. Mais nous supposons quil faut pour cela que le march financier fonctionne de manire efficiente. Nous tablissons donc un lien entre la libralisation financire, le dveloppement financier, la croissance conomique et le fonctionnement efficient du march financier. Cest la problmatique principale, c'est--dire celle de lefficience. Aprs lexpos des thories de base et une discussion du concept de marchs financiers efficients de faon gnrale, nous nous attellerons montrer ce quil en est pour les marchs mergents compte tenu de leurs spcificits. Le troisime chapitre a, quant lui, pour objet de dcrire la situation de la BRVM, non seulement par rapport aux spcificits des marchs mergents, mais aussi de lhypothse defficience en gnral et du contexte de libralisation financire complte en particulier. Ainsi, le premier chapitre de cette premire partie est ax sur lexpos du cadre thorique gnral qui charpente la problmatique principale. Il sintresse particulirement aux thories de base des marchs financiers efficients que sont le modle de marche alatoire (section 1), de martingale (section 2) et les modles reposant sur lapproche par les asymtries dinformation (section 3). Ces dveloppements thoriques sont en effet mobiliss en vue de lanalyse empirique prvue dans la deuxime partie. Le chapitre II aborde les spcificits des marchs boursiers mergents. Il est, en effet, admis que les marchs mergents diffrent des marchs dvelopps plusieurs gards. Ces diffrences tant plus structurelles que conjoncturelles. Elles se manifestent dans le cadre de la microstructure des marchs mergents et de lvaluation des titres au niveau de ces derniers. Cest dire que ces spcificits structurelles apparatront et seront dcrites travers ltude de la microstructure et de lvolution des indicateurs de la BRVM, prvue dans la troisime section du chapitre III. La premire section du chapitre II a pour objet de les aborder dans le cas gnral des marchs mergents.

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    Enfin, le troisime chapitre, intitul : BRVM : aspects institutionnels et problmatique de dveloppement et defficience financiers dans un contexte de la libralisation, sintresse la relation entre cette libralisation financire et le dveloppement financier en gnral et le dveloppement boursier en particulier. Mais aussi elle revient sur la problmatique principale et aborde la microstructure de la BRVM en rapport avec le concept defficience. Faisons remarquer que les rformes de libralisation financire peuvent tre mises en rapport avec la problmatique de lintgration et de linterdpendance des marchs mergents. La libralisation financire tant parfois assimile tout simplement lintgration au march mondial. Cette problmatique est dveloppe dans la deuxime section du chapitre II. La deuxime section du chapitre III aborde le cadre institutionnel en exposant lorganisation et le fonctionnement de la BRVM. Enfin, la troisime section de ce chapitre III est, quant elle, consacre une analyse comparative de la microstructure et du dveloppement de la BRVM. Elle permet de situer ce march boursier dans un cadre international et de se faire une ide sur son niveau dattractivit et dinvestibilit. La problmatique de lattractivit et de linvestibilit est souvent pose dans le cas des marchs mergents. Elle fait ainsi lobjet de la troisime section du chapitre II consacr aux spcificits des marchs mergents. Cette section 3 du chapitre III permet aussi de situer la BRVM par rapport ces spcificits des marchs mergents et lhypothse defficience.

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    Chapitre I Thories des marchs financiers efficients.

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    Introduction du chapitre I. Il est ressorti des travaux de Roberts (1959) et de Fama (1965)8lide que la marche alatoire des cours boursiers dcoulait du comportement maximisateur et concurrentiel des investisseurs. Cette ide voluera plus tard sous lappellation de thorie des marchs efficients. Cette thorie met en exergue un march en tat dquilibre concurrentiel compte tenu dun certain ensemble informationnel. Autrement dit lefficience est, ici, dfinie compte tenu dun ensemble informationnel particulier ou de sous ensembles informationnels. Linformation publique dont le cot est suppos nul a t privilgie au dbut. Le concept defficience informationnelle, ou thorie defficience, peut tre compris comme un modle restrictif du comportement concurrentiel des prix par rapport un flux dinformation sur le march. Faisons noter que lefficience du march financier, comme toute thorie, est une tentative de description et dabstraction des aspects saillants dune ralit. En dautres termes, cest une reprsentation simplifie de la ralit, et comme telle, elle ne peut tre une caractrisation, ou une description, parfaite des marchs des titres. Surtout que beaucoup de ses hypothses sont juges trop restrictives relativement, par exemple, aux cots de traitement de linformation et aux croyances des investisseurs. Cependant, la thorie des marchs efficients constitue une tentative russie douverture des marchs financiers vers une vraie analyse conomique. Ainsi, les diffrentes dfinitions qui suivront (par exemple FAMA, 1976) lieront davantage le modle de march efficient la thorie conomique de la concurrence. La thorie de lefficience informationnelle revtira plusieurs aspects tout au long de son volution avec des conceptions et des coles diffrentes. Elle a t apprhende au dpart par le modle de marche alatoire, puis par celui de martingale. On distingue ainsi trois coles de pense de lefficience informationnelle : lcole pragmatique ou du pragmatisme empirique dont le chef de file est Eugne Fama. Cette cole, dont lanalyse est juge parfois peu rigoureuse, a des proccupations dordre oprationnelles assez videntes. A ct de lcole pragmatique, nous avons une deuxime cole plus thorique que la premire, et qui dfinit lefficience par le biais du concept de martingale de faon stricte, o une quivalence est suppose exister avec le concept danticipations rationnelles. Paul Samuelson (1965) est considr comme le chef de file de ce courant.

    8 Voir paragraphe sur lhistorique et la controverse sur le modle de marche alatoire dans ce mme chapitre III.

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    Enfin, la troisime cole, qui elle aussi adopte une approche thorique, est suppose merger des travaux de Sanford Grossman (1976). Cette cole, mme si elle rvle une problmatique assez riche, perd quant mme en oprationnalit empirique ce quelle gagne en rigueur et en cohrence. Il y a efficience informationnelle lorsque les prix refltent pleinement toute linformation disponible relativement un vnement pass, prsent et futur. Le march est informationnellement efficient si lensemble des informations utiles dans lvaluation des titres cots se retrouve automatiquement reflt dans les cours. En effet, il est suppos que le prix observ agrge la leon des vnements passs et les anticipations sur les vnements futurs. Cest ainsi que depuis Fama (1970), lefficience informationnelle revt trois formes : la forme faible, la forme semi forte et la forme forte. La forme faible de lhypothse defficience renvoie un march pour lequel les donnes passes sur les prix sont tout fait inappropries, telle enseigne quelles deviennent sans utilit pour prdire dultrieurs changements sur les prix des actions. Alors que la forme semi forte stipule que toute linformation publique disponible est suppose entirement prise en compte dans les prix courants des titres. Tandis que la forme forte dcrit un march dans lequel mme ceux disposant dune information privilgie ne peuvent raliser des investissements qui leur procureraient des profits anormaux. Lhypothse defficience informationnelle, une fois pose, il fallait laborer des thories ou des modles expliquant comment linformation est reflte dans les prix. Cest dans ce sens que des modles dquilibre comme celui de martingale ont t spcifis. Ces modles de martingale, avec dautres comme ceux sur la marche alatoire et ceux sur les asymtries dinformation, vont constituer les thories de base de lhypothse defficience informationnelle. Cette efficience informationnelle a dabord t apprhende par le modle de marche au hasard depuis le dbut des annes 60. Et cest en 1965 que le modle de martingale est apparu. Le modle de martingale est un descendant du modle de marche alatoire et est troitement li au modle de la valeur actuelle qui, paradoxalement, tait considr comme tout fait oppos au modle de marche au hasard. Ces deux modles, plus lapproche des asymtries dinformation, constituent respectivement les trois sections de ce chapitre I.

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    Section 1 : La Marche Alatoire. Au dbut, lanalyse financire des titres reposait sur lanalyse fondamentale et technique. Lanalyse fondamentale, comme nous le savons, est base sur le postulat que la valeur fondamentale dun titre est gale ses flux de revenus futurs actualiss, et que la valeur courante fluctue autour de la valeur fondamentale. Ainsi, linvestisseur pouvait faire des profits en vendant (ou achetant) des titres lorsque leurs prix taient au-dessus (ou au-dessous) de leur valeur fondamentale. Do limportance de la mthode de calcul, ou destimation exacte, de cette valeur fondamentale, et surtout du choix du taux dactualisation. Lanalyse fondamentale, devant la difficult de calcul de la valeur fondamentale dun titre, se contentait danticipations, de projections des cash flows futurs. Mais, cette projection ncessitait des informations relatives la rentabilit de lentreprise comme la demande du bien produit, la situation conomique, la concurrence etc. Cependant, les recommandations des analystes financiers bases sur lanalyse fondamentale napparurent pas aussi utiles quon le pensait. Cest dans cet atmosphre que lhypothse de prix suivant une marche alatoire a t mise par Working (1934, 1960). La recherche sur le modle de marche alatoire avait apparemment, ses dbuts, pour objectif de remettre en cause la fois lanalyse fondamentale et lanalyse technique. En effet, si aucun schma ne peut tre tir des prix des titres, alors aucun avis pertinent ne pouvait ressortir de lanalyse fondamentale et technique. 1 1- Historique de la controverse sur le Modle de Marche Alatoire (MMA).

    Les premiers travaux acadmiques sur les comportements des prix spculatifs marquent, selon Hagin (1979), les premiers pas du modle de march alatoire. Lefficience des marchs serait donc centenaire, car cest en 1900 que Louis Bachelier9 labora et procda au test du MMA, dcrivant ainsi le comportement des prix des actions dans sa thse de doctorat. Pour dcrire la marche alatoire, Bachelier utilisa une quation identique celle qui dcrit plus tard le mouvement brownien. Il aboutit alors au rsultat selon lequel les donnes historiques rcentes sur les prix taient inutiles pour prdire les variations futures de prix. Quelques annes aprs, cest dire en 1927, les travaux de lconomiste Russe Eugne Slutsky sonnrent comme une rsurgence de ceux de Bachelier. Ainsi, jusquau Crash Boursier de 1929, on nota une prolifration des tudes de type technique, mais qui napportrent pas, cependant, une validit rigoureuse cette approche. 9 Brillant mathmaticien franais et lve du mathmaticien H. Poincar.

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    1- 1 -1- Premire phase (1930 1960): ttonnement dans les mthodes et les techniques De 1930 1959, on na pas assist des contributions scientifiques majeures, malgr les deux dcennies de crise de Wall Street, incitatives la recherche avec un dsir de comprhension des mcanismes boursiers. Seuls Kendall (1953) et Roberts (1959) apportrent une certaine contribution.

    Auparavant Working (1934) et Cowles et Jones (1937) se sont penchs sur la question avec des fortunes diverses. Working tenta de dmontrer, en effet, que mme des fluctuations artificielles des cours rvlaient des trends tout a fait apparents. A laide de graphiques de simulation de fluctuations de cours rels, il permit de faire une distinction entre les sries relles et les sries artificielles. Mais working, limage de Cowles et Jones, manqua de rigueur dans ses travaux qui neurent pas dattrait sur les chercheurs qualifis.

    Cependant les rsultats de Cowles et Jones, deux chercheurs distingus de la foundation for research in Economics, prirent une direction oppose ceux de working. En effet, ils pesrent de toute leur autorit en faveur de lapproche technique en soutenant que les prix des actions suivent des trends prdictibles . Mais, une erreur, dcouverte dans leurs travaux, remit en cause leur rsultat. Aprs cet intermde constitu par les travaux de working (1934) et de Cowles et Jones (1937), il a fallu attendre jusqu 1953 pour voir un autre chercheur se pencher sur la question et apporter une contribution assez significative. Il sagit de Maurice Kendall (1953) de la London School of Economics, qui trouva que les fluctuations des cours boursiers se comportaient presque comme si elles taient le fruit dune reprsentation parfaite dune roulette russe. Autrement dit, chaque rsultat tait statistiquement indpendant du pass (donnes passes). En consquence, la conclusion de Kendall alla dans le sens dune confortation de lide que les cours suivaient une marche alatoire, c'est--dire quil tait impossible de prdire les mouvements des changes.

    Roberts (1959), dans le sillage de Working (1934) et de Kendall (1953), annona que probablement tous les modles classiques sur lanalyse technique peuvent tre gnrs artificiellement par une parfaite roulette russe ou une table des nombres au hasard . Pour Roberts les sries de prix gnres au hasard pourraient ressembler strictement aux donnes courantes (vraies ou actuelles) sur les actions. Et, ce qui est intressant de noter ce niveau,

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    cest que ce hasard (ou cette correspondance de ces types de donnes : hasard et rel) produisait des trends (modles). Quant Osborne (1959), il sappesantit, dans un article, sur lhypothse selon laquelle la perception subjective du profit est la mme pour une variation de prix de 10 dollars 11 dollars, ou pour celle de 100 dollars 110 dollars. Cela veut dire que les fluctuations des cours pourraient tre exprimes sous forme logarithmique, ce qui devrait tre conforme un MMA. Toujours dans ce mme registre mthodologique, Working (1960) et Alexander (1961), dans des recherches menes indpendamment, trouvrent que les mthodes employant des moyennes hebdomadaires, ou mensuelles, de cours boursiers pourraient rvler des fausses corrlations, qui napparatraient pas lorsque des moyennes de cours ntaient pas utilises.

    Ces rsultats sont dautant plus importants que Cowles et Jones (1937) dfendaient lide selon laquelle les mouvements passs des cours pourraient tre utiliss pour prdire les fluctuations mensuelles des cours. Une recherche qui confirmait, en ce temps, la thse qui fonde lanalyse technique. Mais Cowles (1960) remit lui-mme en question ces rsultats. En effet, dans un autre article, il arriva la conclusion selon laquelle il ny avait aucune vidence soutenant que les donnes mensuelles de prix pourraient tre utilises pour prdire la direction des fluctuations des cours dans les mois ultrieurs. Jusqu maintenant les techniques utilises pour tester le MMA restaient embryonnaires et ne permirent pas de trancher vritablement le dbat. Cest pourquoi les tudes qui prirent le relais mettront laccent sur lutilisation de techniques plus avances et plus rigoureuses.

    1 -1 -2 Deuxime phase (aprs 1960) : la recherche de techniques plus rigoureuses.

    Le MMA peut tre test partir des variations journalires, hebdomadaires, mensuelles, ou plus, des cours. Cela fait donc quil est important de connatre lintervalle utilis avant toute discussion sur un test du MMA. A partir de ce moment, on pourra se demander si le MMA est ainsi valid par tel ou tel intervalle particulier choisi (journalier, mensuel, annuel) et voir aussi ce qui adviendra avec lutilisation dun intervalle de temps variable. Cest ainsi quAlexander (1961) sera le premier tudier le comportement des fluctuations des cours partir dun modle intervalle de temps variable. Il utilisa la technique du

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    filtre 10 pour trouver des rsultats statistiquement significatifs pour invalider le MMA, et fournir ainsi un point de plus en faveur de lanalyse technique.

    Cependant, Cootner (1964) fit part dune erreur dans la mthode de calcul dAlexander. Ce dernier na pu en effet donner assez de prcisions sur le degr de validit statistique de ses conclusions, ce qui fait que la probabilit de rptition de tels rsultats est incertaine. Une telle remarque nempchera pas Houthakker (1961) de revenir la charge pour attaquer nouveau le MMA. Ainsi, des rsultats de ses travaux, il ressort lide de lexistence de trends dans le comportement des cours qui ne seraient pas constats si les fluctuations des cours taient alatoires. Il faut, dans ce sens, prciser que Houthakker sest servi, limage dAlexander, dintervalle de temps variable. Cet avantage de lanalyse technique, suite aux travaux de Houthakker, sur le MMA sera de courte dure, car Hagin (1966) prsentera des rsultats qui ne militeront pas en faveur de cette analyse technique, et ceci la suite de plusieurs tests avec intervalle de temps variable bass sur les moyennes mobiles, les filtres et les seuils.

    Malgr cette multitude de rsultats, le dbat ne sera pas pour autant clos, il prendra plutt une autre tournure. Cest ainsi que Cootner (1962) fera une remarque importante portant sur la dfinition quil fallait donner aux expressions pass et futur . Il dfinit, cet effet, le pass et le futur par rapport dune part une dure dune semaine et dautre part une dure de 14 semaines. C'est--dire que lorsque lon se situe une date t, les donnes passes seront celles observes une semaine avant la date t et les variations futures seront observes une semaine aprs cette date t pour le premier cas, et 14 semaines avant et aprs pour le second cas. Sur la base de cette dfinition, Cootner (1962) trouva deux rsultats trs intressants : pour le premier cas (dure dune semaine), son test du MMA montra que les fluctuations des cours taient alatoires. Tandis que pour le second cas (dure de 14 semaines), le modle de MMA ntait pas valid.

    Toujours dans la mme veine, Moore (1962), dans sa thse de doctorat de luniversit de Chicago, justifia le MMA, mais cette fois-ci avec des fluctuations de cours hebdomadaires, en se servant dun chantillon de 33 actions reprsentatives de la bourse de New York.

    10 La technique du filtre repose sur lhypothse selon laquelle des trends existent dans les fluctuations des cours, mais que ces schmas sont cachs (troubls) par des bruits (blancs) ou fluctuations non significatives. Ainsi, lorsquune amplitude (degr de fluctuation, de changement) est spcifie, les fluctuations de cours en de de cette amplitude sont ignores. Alors, les donnes restant sont tudies.

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    Encore dans le milieu des annes soixante, Fama (1965) tenta un certain nombre de tests toujours dans le mme but de trouver une validation au modle de MMA. Il se servit, pour cela, de donnes dintervalles dune journe 16 jours pour 30 actions de lindice Dow Jones, espaant les priodes de 5 7 ans. Et pour tous les intervalles de temps, Fama ne trouva aucun trend dans les cours des actions.

    Au total, ces recherches marquent des tapes importantes dans lhistoire de la forme faible de lhypothse defficience. Aucune, dentre elles, navait jusqu maintenant remis fondamentalement en question le MMA. Cependant, jusquau milieu des annes 60, toutes les tudes empiriques en faveur du MMA, malgr leur nombre grandissant, reposaient sur des tests incomplets, des donnes et des instruments statistiques limits11. Une autre rserve, ou critique, formule en lencontre des rsultats en faveur du modle serait dordre mthodologique. En effet, ces tests ont ignor compltement les donnes sur les volumes de transaction, sintressant uniquement aux sries de prix. Alors que pour beaucoup dadeptes de lanalyse technique, les volumes de transaction taient un complment ncessaire aux donnes sur les sries de prix.

    Ainsi, les quelques griefs relevs contre la dmarche mthodologique, concernant les tests du MMA, se dclinent de la faon suivante :

    - le modle na pas t test sur des valeurs (actions) suffisantes, et ce sur une longue priode.

    - La recherche tait incomplte, car elle ne tenait pas compte de linformation sur les volumes de transaction.

    - La recherche tait limite dans la mesure o elle avait presque exclusivement pour objectif de trouver des trends (modles), existants travers une priode de temps donne (bien dfinie)

    - Les techniques statistiques utilises pour confirmer le MMA seraient incapables de dtecter les relations graphiques dcouvertes par les chartistes .

    Tenant compte de toutes ces critiques, Hagin (1966) entreprit une tude des cours et des volumes de transaction journaliers pour 790 valeurs activement changes au niveau de la bourse New Yorkaise (NYSE) et celle de lAmerican Stock Exchange (AMEX) sur plusieurs

    11 Les instruments statistiques utiliss : corrlation des sries, tests rptitifs etc. taient inadquats pour dtecter des modles complexes.

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    priodes de 3 ans. La question laquelle voulait rpondre cette recherche tait celle de savoir si le MMA tenait pour des valeurs activement changes. Aprs plusieurs tests statistiques, la rponse cette question a t quil ny avait pas un comportement systmatique des cours qui pourrait tre utilis comme moyen de prdiction, lorsque les donnes sont tudies en intervalles compris entre 1 et 16 jours.

    Comme vous lavez pu le constater, les problmes dordre mthodologique et technique (statistique et conomtrique) reviennent comme un leitmotiv dans les tests de vrification de lhypothse defficience des marchs financiers sous ses diverses formes (faible, semi-forte et forte). Malheureusement cela demeure jusqu nos jours, donnant limpression que la recherche sur lefficience des marchs financiers se rduit une recherche statistique et conomtrique et passant presque sous silence la dimension conomique. Nous reviendrons sur cet aspect sur les lignes ci-dessous. Auparavant, donnons une description du MMA dans ces diffrentes versions. 1- 2 Le Modle de Marche Alatoire (MMA).

    Le MMA se prsente en trois versions. La premire fait rfrence des rendements indpendants et identiquement distribus. La deuxime des rendements indpendants mais non identiquement distribus. Et enfin, la troisime version des rendements dpendants mais non corrls. 1-2-1- La premire version du MMA Le MMA se prsente dans sa premire version comme suit : pt suit une marche alatoire si : pt = pt-1 + ut [avec pt = cours de lactif au temps t et ut iid (0, 2)] ln (pt) = ln (pt-1) + t (1.1) t est un bruit blanc, avec E(t) =0 et V(t) = constante De la dfinition du rendement de lactif, nous pouvons tirer lapproximation suivante :

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    Rt (ptpt-1)/pt-1 ln (pt/pt-1) (1.2) Daprs lquation (1.1) t = ln (pt) ln (pt-1) (1.3) Rt= ln (pt /pt-1) = ln (pt) ln (pt-1) (1.4) Do Rt = t (1.5) Les rendements suivent un bruit blanc, elles sont indpendantes. Le bruit blanc est un processus non autocorrl de moyenne nulle et de variance constante au cours du temps. 1-2-2- La deuxime version du MMA. Dans sa deuxime version le MMA est exprime comme suit : pt = pt-1 + ut ut INID ( indpendants mais non identiquement distribus). Lhypothse implicite, faite au niveau de la premire version, considre la loi de probabilit des rendements comme tant la mme sur une longue priode. Et, si lon sait quon assiste rgulirement des changements dordre conomique, social, technologique et institutionnel etc., alors une telle hypothse peut tre sujette question. Ainsi, la deuxime version du MMA permet de tenir compte de lhtroscdasticit non conditionnelle de ut, caractristique de la volatilit dans beaucoup de sries de rendements dactifs financiers. 1-2-3- La troisime version du MMA La troisime version du MMA relaxe lhypothse dindpendance de la deuxime version pour inclure des processus avec des ut dpendants mais non corrls. Tout processus pour lequel cov (ut , ut-k ) = 0 pour k 0, mais o cov (u2 t , u2 t-k ) 0 pour tout k 0, a des ut non corrls, mais leur indpendance nest pas claire, car les carrs des rsidus sont corrls, selon Campbell et Lo (1997).

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    Le MMA a fait lobjet dun certain nombre de critiques relatives, par exemple, son caractre oppos, ou contradictoire, certaines lois conomiques comme la loi de loffre et de la demande. Do ses limites pour prtendre dcrire un modle concurrentiel de prix. 1- 3 - Les limites du modle de marche alatoire. Paradoxalement le modle de marche au hasard, qui est une des thories sous-tendant lefficience informationnelle du march financier, va lencontre de la thorie concurrentielle des prix. Alors que lide, selon laquelle lefficience du march rsulte dune utilisation rationnelle de linformation dans un march concurrentiel, est trs partage. Leroy (1989) assimile mme la thorie des marchs financiers efficients la thorie de lquilibre concurrentiel applique aux marchs des actifs financiers. Ni plus, ni moins. Certains, comme Malliaris et Stein (1999) acceptent lide que la marche au hasard ne peut tre en vigueur que lorsque, ou parce que, linformation est incomplte. Ainsi, plus lensemble informationnel sagrandira, moins il sera question de marche alatoire. Pour Samuelson (1965), si les prix suivaient une marche alatoire brownienne, cela aurait t une remise en question de certaines lois conomiques notamment, la loi du march qui nous dit que le prix du bien est fonction de loffre et de la demande. Samuelson est pour des prix qui suivent un fair game (jeu quilibr) ou une martingale et non pour une marche au hasard pure, comprise dans le sens dun mouvement brownien. Le comportement des prix ne devrait pas tre assimile une marche de livrogne (drunkard walk), mais comme un systme qui ne rvle pas des trends systmatiques. On parle ainsi dapproche martingale stricte de Samuelson.

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    Section 2 Le Modle de Martingale (MM). Les critiques faites sur le modle de marche alatoire, et les problmes quelles soulvent, pouvaient trouver une solution si ce modle pouvait tre rapproch, plus ou moins, avec le cadre de lquilibre conomique.12Ce qui nest pas le cas. Le modle est tellement restrictif, que lon ne peut le rapporter des modles de type optimisation, qui il faut le reconnatre dominent dans les mthodes danalyse conomique, voire sont mme la rfrence, surtout en termes danalyse de march. Le modle de martingale, en prsentant un cadre moins restrictif que le modle de marche alatoire, mme sil reste dans la mme veine en sappropriant ses arguments, tente dtre plus gnral et plus large. Samuelson (1965) fut le premier mettre lide dune tude de lefficience des marchs financiers par le biais du modle de martingale. Et, mme si son travail a fait lobjet de critique normal pour un travail scientifique portant sur la simplicit de son modle et son caractre trivial surtout lorsquon lexamine avec le recul, il nen demeure pas moins un des articles les plus influents et des plus importants dans la littrature sur lefficience des marchs financiers, et celui qui a provoqu le tournant du modle de marche alatoire vers le modle de martingale. Ceci a pu tre accept et compris lorsque beaucoup de choses ont t claircies et les arguments de Samuelson digrs . Cependant, ceci ne veut pas dire que le modle de martingale apporte des rponses toutes les critiques qui ont t formules lgard du modle de marche au hasard, mme sil a fait des efforts dans ce sens. Pour le LeRoy (1989) contrairement la marche alatoire, le modle de martingale constitue un vritable modle conomique des prix dactifs, dans le sens quil peut tre li aux hypothses primitives sur les prfrences et les rendements, qui, bien que restrictives, ne le sont pas tel point de rendre ncessaire ou vident le besoin de justification conomique . 2-1- Spcification du modle de martingale. Un processus stochastique pt est une martingale conditionnellement un ensemble dinformation t si pt a la proprit suivante :

    12 Cest ce qui justifie srement quun certain nombre dauteurs, qui ont tudi le comportement des prix au niveau du march financier, ont opt pour lapproche dite des asymtries dinformation caractrise par ltude de lquilibre du march sous diverses hypothses de concurrence parfaite, danticipations rationnelles, dinformation incomplte, dasymtries dinformation, de concurrence imparfaite etc.

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    ttt ppE =+ )/( 1 (1.6)

    Alors quen processus stochastique que nous dsignons par Rt est un fair game (jeu quilibr) sil est possible de lexprimer de la faon suivante :

    0)/( =ttRE (1.7).

    Nous pouvons traduire littralement les quations (1.6) et (1.7) de la faon suivante : Daprs (1.6) la meilleure prvision ralisable de la variable (p) au temps t+1, laide de linformation t disponible au temps t, serait tout fait gale la valeur de cette variable au temps t. Cette relation (1.6) nest pas valable pour un type dinformation, mais quelque soit la valeur de celle-ci. Dailleurs, t reprsente toute linformation disponible au temps t13. De la mme manire, lquation (1.7) nous dit que la prvision de Rt+1, compte tenu de linformation disponible, et quelle que soit sa valeur, serait gale zro. Il suffit ainsi dexprimer les quations [(1.6) et (1.7)] par la mme variable, disons p, pour se rendre compte que martingale et fair game dsignent la mme ralit, c'est--dire une caractrisation de lquilibre sur les marchs financiers. Daprs (1.6) ttt ppE =+ )/( 1 (martingale)

    Do 0)/( 1 =+ ttt ppE (fair game) (1.8)

    Cela veut dire que si pt+1 pt suit un fair game, alors pt suivra une martingale.

    13 On ne peut, partir dici, dire quelle forme de lhypothse defficience sommes nous en train dlaborer thoriquement. Pour cela, il est ncessaire de prciser ce que lon entend par ensemble, ou toute information, disponible. Faut-il y inclure linformation prive ou celle disponible pour les uns et non pour les autres, c'est--dire celle asymtrique. Mais, selon notre comprhension, et surtout selon lesprit des thoriciens de lefficience des marchs financiers, la proprit de martingale est observe quelle que soit la nature de linformation. En effet, selon la logique de la thorie de lefficience informationnelle les prix au temps t incorporant toute linformation disponible au temps t, la meilleure anticipation des prix au temps t+1 nest rien dautre que le prix au temps t [le prix au temps t (pt) est gal la somme actualise du prix futur anticip (pt+1) + dividendes (information disponible qui permet danticiper et dactualiser]. Le modle de martingale ne fait que prciser comment linformation est reflte dans les prix, ou plutt comment les prix refttent entirement linformation disponible. La thorie de lefficience informationnelle suppose ainsi la validit dun modle dquilibre des prix des marchs financiers. Le qualificatif de modle dquilibre est accept, ou tolr, pour le modle de martingale. Ce qui ne lest pas pour le modle de marche alatoire, o les prix, loin dtre des prix dquilibre, suivent plutt un bruit blanc. Mais, force est de constater que malgr le pas qui a t franchi par le modle de martingale, comparativement au modle de marche alatoire, en termes de conformation aux lois conomiques, les principes dquilibre de march bass, par exemple, sur lanalyse marshallienne, restent en peu corchs. Le problme du modle de martingale dans sa formulation classique est que lhypothse defficience informationnelle, selon laquelle les prix refltent toute linformation disponible, au lieu dtre dmontre, est tout simplement exprime ou traduite dans une formulation mathmatique : E(pt+1 /t ) = pt . Certains auteurs ont tent depuis lors des dmonstrations de ce modle.

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    Lquation (1.8) peut tre interprte de la faon suivante : les rendements suivent un fair game si et seulement si la valeur actualise des revenus futurs, composs du gain en capital et des dividendes, suivent une martingale. La valeur actualise des revenus futurs nest rien dautre que la valeur anticipe (ou prvue) du prix du titre. Cest, par ailleurs, lexpression de la valeur fondamentale. Cest pourquoi dans le modle de martingale, le prix est suppos gal la valeur fondamentale. Contrairement au modle de marche alatoire o le prix fluctue autour de la valeur fondamentale. Le rendement du titre suit un fair game si et seulement si le prix anticip suit une martingale14. Il est vident quon appuie ici le raisonnement sur lexemple du march boursier, mais que lillustration de la proprit de martingale pourrait tre diffrente pour dautres prix financiers, autres que les cours des actions. Nous mettons, ci-aprs, en rapport les modles de martingale, de sous- martingale et de marche alatoire. 2- 2 Martingale, sous-martingale et marche alatoire. Une modlisation, sous forme dun processus stochastique de pt suivant une marche alatoire, est plus restrictive que lorsquon admet que pt suit une martingale. La marche alatoire et la sous-martingale sont des cas spciaux du modle de fair game, qui peut tre considr comme leur cas gnral. Le modle de sous- martingale se prsente en effet comme suit :

    0)(

    )/(

    1

    1

    +

    +

    tt

    ttt

    ppEou

    ppE (1.9).

    14 Historique du mot martingale : il gagne toujours, hier dj je lai remarqu. Il a sans doute une martingale, et je joue toujours comme lui (). Hier aussi il a toujours gagn, seulement jai commis la faute de continuer jouer lorsquil est parti : ce fut ma faute Le mot vient des chausses la martingale , sorte de culottes pouvant souvrir par-derrire comme en portaient les habitants de Martigues en Provence. Il est probable selon Bouleau (1998) que le succs de cette expression vient de ce quelle dsigne aussi, depuis le 18 ime sicle, un pli pinc dans le dos des manteaux quon ne voit pas de face et qui voque une sorte de botte scrte, connue du joueur uniquement et qui est, pour les autres, la raison de sa persvrance. Martingale : si un joueur dcide de frquenter un casino pur au plus un mois, ventuellement moins en fonction des alas du jeu, lesprance de son gain est toujours nulle. Autrement dit, sur une dure dtermine et fixe lavance, toutes les stratgies possibles donnent un rsultat quilibr entre les pertes et les gains probables. Lironie de lhistoire a voulu que les mathmaticiens dsignent par le terme de Martingale prcisment les situations alatoires o les bottes secrtes des joueurs sont inoprantes. Au jeu de pile ou face, au casino pur, les gains des joueurs, quelles que soient leurs stratgies, sont des martingales mathmatiques. Cf. Bouleau (1998).

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    C'est--dire que la distribution du prix (pt) suit une sous- martingale compte tenu de la distribution de linformation (t). Autrement dit, la valeur espre du prix futur, telle que anticipe sur la base de linformation t, est suprieure ou gale au prix courant. Au dbut, lefficience des marchs, dcrite par la proposition selon laquelle le prix courant de tout titre reflte entirement linformation disponible, reposait sur les hypothses selon lesquelles les variations successives de prix (ou rendements successifs dune priode) sont indpendantes ou quelles sont identiquement distribues. Ces hypothses dcrivent le modle de marche alatoire : )()/( 11 ++ = ttt rfrf (1.10).

    La fonction de densit (f) doit tre la mme pour tout t. Daprs lquation (1.6) le modle de martingale peut scrire de faon quivalente comme suit : ttt pp +=+ 1 (1.11).

    O t est la diffrence martingale. Exprime de cette faon, la martingale est identique la marche alatoire (Barnett et Serltis, 2000). La martingale (ou la sous- martingale) carte toute dpendance de lanticipation conditionnelle de pt+1 pt linformation disponible en t, tandis que la marche alatoire carte cela, mais aussi, la dpendance impliquant des moments conditionnels de pt+1 plus levs (variance, kurtosis, skewness). Il y a, donc, une distinction quil faut faire entre martingale et marche alatoire. Les prix des titres suivraient des priodes continues (prolonges) calmes et des priodes continues turbulentes de mme dimension. Ce comportement peut tre reprsent par un modle dans lequel les variances conditionnelles successives des prix des titres (mais non leurs niveaux successifs) sont positivement autocorrles. Une telle spcification est cohrente avec la martingale, mais non avec la marche alatoire qui est plus restrictive selon LeRoy (Voir Samuelson (1965) et Mandelbrot (1966) qui sont alls dans le mme sens)15. LeRoy (1973) analyse lefficience du march financier partir du modle de martingale, et fait ressortir le fait que lefficience (du march financier) implique ncessairement la

    15 En fait, cette spcification nest pas autant incohrente avec la marche alatoire, car elle correspond sa troisime version expose supra.

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    martingale, et que la neutralit au risque est ncessaire (est requise) pour la validit de ce modle de martingale. Cependant, cette analyse semble restrictive si lon veut faire ressortir des quilibres dans un cadre plus gnral, et des mthodes plus puissantes sont, cet effet, ncessaires. Cest ce que tente de fournir Lucas (1978). Lucas confirme la position de LeRoy selon laquelle le modle de martingale est valable sous lhypothse de neutralit envers le risque. Mais, cette connexion ne serait vrifie que dans une conomie dchange16. La neutralit vis--vis du risque ne serait plus suffisante pour rendre valide le modle de martingale dans une conomie de production, o des notions comme la technologie et les prfrences entrent en jeu. Cependant, Lucas penche plus pour un processus de prix dcrit par un modle de dividende que par un modle de martingale. Mme sil prcise les conditions pour lesquelles le processus de prix pourrait suivre une martingale. Avec le cadre thorique prsent par Lucas (1978), la prsence dun taux marginal de substitution entre consommation prsente et consommation future dcroissant est incompatible avec la proprit de martingale. Une autre hypothse du modle de Lucas, intressante souligner, est relative la connaissance de cette structure de lconomie. Pour lui, les agents ont une grande connaissance de cette structure et russissent des calculs de faon non routinire. En dautres termes, lconomie serait sans bruit, ou bruit faible, et les anticipations rationnelles. Mais, plus tard lorsquil affirme que les agents ont des rgles, mais des rgles rvises de temps en temps, alors on est tent dassimiler cela un processus baysien dapprentissage et dadaptation, et au lieu danticipations rationnelles, on est ainsi plus en prsence danticipations adaptatives. En rsum, nous dirons donc que le modle de Lucas est construit avec des agents homognes (do le recours un agent reprsentatif dans la modlisation) qui ont des anticipations adaptatives, construites travers un processus baysien dapprentissage, et voluant dans une conomie au faible bruit, do leur grande connaissance de la structure de celle-ci. Mais, cette bonne connaissance de lconomie ne signifie pas quils connaissent la vraie distribution de probabilits des prix futurs. Ce qui explique quils fassent, de temps autre, des erreurs (erreurs baysiennes) sur cette distribution des prix futurs, conditionnellement linformation dtenue sur ltat courant de lconomie. Par exemple, des chocs exognes sur lenvironnement productif peuvent tre lorigine de telles erreurs. De mme, que la manire dont les agents sadonnent lvaluation du portefeuille de fin de priode. En effet, la faon la plus objective de procder lvaluation

    16 NB : qui est le cadre danalyse de LeRoy (1973).

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    est dutiliser la fonction des valeurs dquilibre. Mais, celle-ci est elle-mme fonction de ltat physique de lconomie. La connaissance de celui-ci est donc le dterminant principal de la connaissance de la distribution des prix futurs dans le modle de Lucas. Cet ajustement vers lquilibre ncessite, selon Lucas, que les agents aient des prfrences cohrentes et compatibles en termes de consommation et de dtention dactifs. Ils sadonneront ainsi une allocation intertemporelle de leurs ressources, consistant arbitrer entre consommation prsente et consommation future. Ce processus dynamique aboutit une rvision priodique, ou permanente, des prfrences en termes de consommation, car la dtention dactifs rtroagit sur celle-ci, ou plus prcisment, sur lutilit de lagent. Ils nont pas besoin, pour cet ajustement vers lquilibre, dtre familiers la thorie des processus de Markov, la programmation dynamique, ou dtre outills pour rpondre des questions denqute sur les mouvements des prix futurs . Lucas (1978) droule un modle dquilibre gnral dvaluation des actifs o les prix ne suivent pas ncessairement une marche alatoire, voire une martingale. Son cadre danalyse est ainsi plus proche de celui de ltude de lefficience informationnelle par lapproche dite des asymtries dinformation. Cette approche, et celle de Lucas, fournissent des fondements microconomiques lanalyse de lefficience informationnelle. Lanalyse de Lucas fournit aussi un cadre thorique qui justifie ltude de lquilibre de march en termes de rendements esprs , et surtout, les conditions qui satisfont cette dmarche. Rappelons que lanalyse de lquilibre du march en termes de rendements esprs a t mise en exergue par Fama (1970). 2 -3 Lapproche pragmatique ou empirique. 2 -3 1 Lanalyse de Fama : atouts et limites. Pour Fama (1970), la plupart des tests empiriques de lefficience du march sont bass sur lhypothse selon laquelle les conditions dquilibre du march peuvent tre spcifies en termes de rendements esprs dcrits de la faon suivante :

    [ ] ttttt prEpE )/(1)/( 11 += ++ (1.12).

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    En effet, lquation (1.12) est obtenue en appliquant loprateur desprance conditionnelle

    lidentit 1)( 11 = ++ ttt ppr 17.

    Fama a aussi tent dexpliquer et de formaliser lassertion selon laquelle les prix refltent totalement toute information disponible par lutilisation du modle de sous-martingale : ttt ppE + )/( 1 .

    Ce quon peut rcrire de la faon suivante : 0)/( 1 + ttt ppE .

    Ce qui veut dire que les rendements esprs conditionnellement linformation disponible (t) sont non ngatifs. Et plus prcisment, pour Fama, cela signifie que lorsque les prix suivent une sous-martingale, alors aucune rgle de transaction, mme claire par linformation (t), ne peut performer mieux quune stratgie simple qui consiste acheter et vendre. A ce propos, LeRoy (1989) fait noter que le MEDAF nimplique nulle part que les rendements des titres lquilibre suivront ncessairement une sous- martingale. Par exemple, un titre qui covarie ngativement, et suffisamment fort avec le march, pourrait trs bien produire un rendement espr ngatif. Le manque de clart dans la discussion thorique de lefficience du march financier de la part de Fama apparat mme dans son interprtation des tests empiriques. Ainsi, des autocorrlations presque nulles des variations successives des cours boursiers sont considres comme tant en faveur de lefficience du march. Ce qui veut dire que les rendements suivent un fair game (jeu quilibr)), et qui est contraire sa formulation qui renvoie une sous- martingale. Mais, mme si largumentaire et la formulation mathmatique de lhypothse defficience informationnelle des marchs financiers de Fama recleraient des erreurs et des incohrences, il nen demeure pas moins que ses dfinitions et son analyse de lefficience ont servi de support lessentiel des tudes empiriques sur le sujet. Et cela renvoie ce quon a qualifi de pragmatique dans ses dfinitions et son analyse. Mme si, comme nous venons de le noter,

    17 [ ] tttttttt prEpEppr )1111 /(1)/(/1 +==+ ++++

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    ce pragmatisme a pu tre atteint au prix dune certaine rigueur et dune certaine cohrence analytique. Ces difficults de formulation thorique de lhypothse defficience de la part de Fama sexpliquent, en grande partie, par le fait que lempirisme avait prcd le dveloppement de la thorie. Cest dans ce sens que Fama (1976) tenta daller plus loin que sa dfinition de 1970, en proposant une autre dfinition de lefficience. Ainsi, un march financier est efficient si :

    - il ne nglige aucune information pertinente la dtermination des prix des titres. - et il (agit comme sil) a des anticipations rationnelles.

    Autrement dit, le march utilise toute information pertinente dans la dtermination des prix et lutilise correctement18. Ainsi, pour Fama lefficience peut tre teste seulement de faon jointe avec un modle particulier dquilibre du march. Il faut aussi noter que lefficience est dfinie compte tenu dun ensemble informationnel particulier ou des sous-ensembles informationnels. Le premier sous-ensemble informationnel est constitu des prix passs. Le deuxime, de linformation publiquement disponible et le troisime, de toute linformation y compris linformation prive. En fait, en parlant de sous-ensembles, le troisime peut tre considr comme lensemble global de linformation disponible, prive comme publique, et le premier et le deuxime peuvent tre pris comme des sous-ensembles de lensemble global. Ainsi, Ball (1994) regrette que cette distinction soit faite en termes statistiques au lieu de mettre en avant les proprits conomiques de linformation. Autrement dit, faire la distinction en termes dconomie de linformation, et plus prcisment en termes de cots de linformation, ou cots dacquisition et de traitement de linformation. Ce qui aurait donner deux types dinformation : linformation au cot nul et linformation au cot positif. A partir de ce moment, nous parlerons plus defficience au sens faible, semi forte et forte, mais defficience par rapport linformation gratuite ou au cot nul, et defficience par rapport linformation coteuse ou au cot positif.

    18 Conditions ncessaires (mais non suffisantes) de lefficience : 1)- il n y a pas de cots de transaction dans lchange du titre. 1)- toute linformation disponible lest gratuitement pour tous les participants, 3)- les participants ont les mmes croyances relativement aux implications de linformation courante sur le prix courant et les distributions futures du prix de chaque titre.

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    Une telle dfinition, ou distinction, permet dviter la critique pertinente de Grossman et Stiglitz (1980) relative limpossibilit de lefficience informationnelle. Parce que le problme de la catgorisation de Fama rside dans le fait que le troisime type dinformation, que nous avons appel ensemble global, runit toute linformation y comprise linformation prive. Mais, une catgorisation en fonction du caractre onreux, ou pas, de linformation, aboutissant deux sous-ensembles de lensemble global de linformation visible ou invisible; publique ou prive , aurait permis dviter la remarque de Grossman et Stiglitz, et daccepter quil puisse y avoir une rvlation partielle de linformation par les prix. C'est--dire dune rvlation totale de linformation non coteuse par les prix et, peut tre, dune rvlation partielle de linformation coteuse et/ou prive. Ainsi, malgr les tentatives de Fama de donner une base thorique lhypothse defficience, et surtout dy apporter des lments danalyse conomique, celleci narriva pas saffranchir de ses origines statistiques (marche alatoire). Lesquelles apparaissent, comme nous venons de le mettre en relief, dans les dfinitions des trois types dinformation et defficience. Lapproche en termes dconomie de linformation, et plus tard en termes dasymtries de linformation, a ainsi le mrite davoir investi ce crneau, mme si leur modlisation, parfois trs abstraite, ne se prte pas trop la vrification empirique. Ainsi, on se retrouve entre deux extrmes . Dun ct, une approche empiriste qui pche en peu dans lexplication thorique, et de lautre, une approche trs thorique o la cohrence externe des modles lemportent parfois sur la cohrence interne, et o leur testabilit nest pas toujours vidente. 2-3-2 - Quelques arguments en faveur du pragmatisme empirique. Lapproche pragmatique, ou du pragmatisme empirique, fait sien le raisonnement selon lequel un comportement de maximisation, inform et rationnel, de la part de tous les individus, nest pas une condition ncessaire pour que les marchs se comportent comme le prdit les modles qui supposent un tel comportement19. On suppose donc que les investisseurs agissent comme sils calculaient et traitaient linformation de faon rationnelle. Une fois cette hypothse pose, on sintresse la manire dont le march utilise linformation, et non pas au comportement ou aux actions des investisseurs et leur influence sur les prix, comme tente de le faire les premires tentatives de lapproche en termes dconomie de linformation et qui sera approfondie par lapproche des asymtries dinformation, issue des travaux de Grossman (1975, 1976). 19 Cette ide, ou argument, serait dveloppe depuis Hayek (1945), Alchian (1950) et Friedman (1952).

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    Dans cette approche pragmatique, on estime quon peut tablir et laborer des modles qui expliquent avec succs les prix, sans la ncessit de comprendre totalement le processus partir duquel les prix naissent de laction individuelle. Par exemple, Hayek (1945) estime quaucun nindividu seul ne peut connatre linformation emmagasine dans les prix. Une manire de dire quil est illusoire dagrger le comportement individuel pour en faire celui du march. Il serait donc plus logique de considrer le march comme une entit qui agit selon sa propre logique en termes de raction linformation. On peut dire que lapproche pragmatique a une vision globale, ou macroconomique, du march. Contrairement lapproche en termes dconomie de linformation, et plus tard lapproche des asymtries de linformation qui, elles, ont plutt une vision microconomique, en sintressant justement aux comportements individuels et aux actions des investisseurs. Ainsi, cette approche modlise les prix, en termes dun certain processus dagrgation, travers les comportements individuels. En fait, ce sont les fondements microconomiques de la vision globale de lapproche pragmatique, qui sont les proccupations de lapproche en termes dconomie de linformation et/ou dasymtries de linformation.

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    Section 3 Asymtries de linformation et efficience informationnelle des marchs financiers.

    Dans la thorie traditionnelle des marchs efficients, les croyances des investisseurs sont supposes jouer aucun rle, linformation est un bien homogne, cest dire quelle ne varie pas travers les investisseurs. De mme, il est implicitement suppos que linformation publiquement disponible est traite de la mme manire par des individus et des institutions diffrents. En outre, linformation prive nest pas prise en compte. En fait, cette thorie traditionnelle de lefficience sest appropri les hypothses du modle concurrentiel de base o seule linformation publiquement disponible et gratuite est prise en considration, et o les investisseurs ont des croyances homognes. Mais, limportance et la pertinence dhypothses dhtrognit des agents et de leurs croyances, dasymtrie dinformation sous-tendant la possession dune information prive par ces derniers, de comportement stratgique et de concurrence imparfaite, restent aujourdhui admises. Lhypothse dhtrognit des agents est fondamentale dans la comprhension de la dynamique des prix dactifs (Chiarella et alii., 2003). Cette caractristique a t mise en exergue par des auteurs, comme Brock et Hommes (1997), Chiarella et He (2001a, 2001b), qui estiment quaucune transaction entre agents individuels ne se ralise si les gots, les dotations et les croyances sont les mmes pour tous ces derniers. Cette hypothse de la diversit des agents est aussi partage par Malliaris et Stein (1999) qui, prenant leur compte une tude de Kaudel et Pearson (1995), estiment que les analystes financiers ont des modles trs diffrents et interprtent linformation publique diffremment. Et ce constat a t fait, partir dune tude des donnes sur les changements danticipations des bnfices annuels, par les analystes financiers des plus grandes firmes de courtage amricaines, laide de linformation publique relative aux bnfices trimestriels. Beaucoup darticles ont suppos, ainsi, lexistence de plusieurs types dagents avec des fonctions danticipation diffrentes : certains ont des anticipations rationnelles, dautres sont des noise traders (agents non informs), dautres des chartistes etc. Dans le mme ordre dides, une bonne partie de la littrature tudie des marchs dactifs avec des agents asymtriquement informs (Bernado et Judd, 2000, Grossman et Stiglitz, 1980, Hellwig, 1980, Verrechia, 1982 etc.).

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    Lapproche dite des asymtries dinformation reconsidre lefficience comme un quilibre avec anticipations rationnelles bruit, alors quavant lefficience tait plutt considre comme un quilibre concurrentiel avec information parfaite et symtrique. Sans bruit, aucune information nest produite, tout simplement parce quil ny a pas dincitation, ou dintrt, le faire. Et avec un bruit, les prix ne peuvent reflter totalement linformation. Ces diffrentes et riches problmatiques ont anim et structur de nouvelles thories de lefficience informationnelle dites de lapproche par les asymtries dinformation, lances par les articles de Grossman (1975, 1976), Grossman et Stiglitz (1980). 3 -1 - Lefficience informationnelle analyse en termes dquilibre avec anticipations rationnelles.

    Le concept dEquilibre avec Anticipations Rationnelles (EAR) emprunt Radner (1967) a apport une certaine rigueur lanalyse de lefficience informationnelle. Ainsi, linformation sera rvle totalement par les prix dquilibre suivant certaines hypothses relatives la nature de linformation (exogne ou endogne) et lexistence dun bruit . Lexistence de ce bruit conduira trs souvent lagent conomique la production - ou la collecte - et au traitement de linformation qui requiert un cot. Ainsi, ce quon appelle le paradoxe de Grossman et Stiglitz (1980) a consistait mettre en exergue le fait, quavec un bruit, les prix ne pouvaient pas tre entirement rvlateurs dans un quilibre avec anticipations rationnelles. 3 1 -1 La notion dquilibre avec anticipations rationnelles. Mme sil est reconnu, par ailleurs, que lexpression anticipations rationnelles serait introduite par Muth (1961), celui-ci nabordait pas le problme de lexistence de lquilibre li ce concept. Selon Allen et Jordan (1998), ce problme a t voqu sept annes auparavant par Grunberg et Modigliani (1954)20 qui ont reconnu que les prvisions des vnements conomiques, loppos des prvisions du temps (climat), peuvent affecter les vnements prdits. Par

    20 Notons que H.A. Simon , J.F Muth, Franco Modigliani et Charles Holt, des collgues de lUniversit de Carnegie Mellon dans la fin des annes cinquante et au dbut des annes soixante, ont labor de faon presque simultane les concepts de rationalit limite (H.Simon) et danticipations rationnelles (Muth). Tous les quatre ont travaill ensemble sur un livre sur la gestion des stocks et le contrle de la production (Cf. Sheffrin, 1985).

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    exemple, la dynamique des prix observe sur un march dpend de la nature des anticipations formules par les diffrents participants ce dernier (march) [Chavas, 2000]. Ainsi, une anticipation dune hausse substantielle du prix (dun bien) peut provoquer une augmentation de loffre qui fera que la hausse du prix sera faible, relativement ce qui a t prdit et anticip. Et mme si Grunberg et Modigliani nont pas modlis de faon explicite le processus de dtermination des prix, ils ont montr, tout de mme, que le thorme du point fixe de Brower implique lexistence de prvision correcte, montrant que les conditions de continuit et de limite requises sont satisfaites (Allen et Jordan, 1998). Il est important de noter que Muth (1961, p.316) lui mme a reconnu lexistence du travail de Grunberg et Modigliani, mais sest intress plus lutilisation de lhypothse des anticipations rationnelles dans la spcification des modles conomtriques, o lquilibre peut tre obtenu par construction, dans le sillage des travaux de Nerlove (1958) et o les anticipations taient qualifies dadaptatives. Cest surtout lirruption des mathmatiques dans la thorie de lquilibre gnral, et les avances qui ont pu se faire dans ce domaine dans les annes cinquante et le dbut des annes soixante, qui ont incit la prise en compte des hypothses danticipations et dincertitude dans les modles dquilibre dans la fin des annes soixante et le dbut des annes soixante dix. Radner (1968, 1972) et Green (1973, 1977) ont apport des contributions notables dans ce domaine. Radner met laccent sur une structure de linformation qui sous-tend la formation des anticipations rationnelles. Les modles de Radner font tat dune condition forte de consquence informationnelle qui veut que le changement dactions, travers les tats de la nature de lagent, ne soit fonction que de sa dotation informationnelle. Autrement dit, les actions de lagent dpendent toujours de son ensemble informationnel destin clairer ces dernires. Green, quant lui, sintresse aux quilibres avec anticipations rationnelles conditionnellement aux prix (ou plus exactement linformation rvle par les prix). Ainsi, les premiers travaux qui ont emprunt cette direction lui sont attribus. Green (1973), dans sa description du march dchange de titres de richesse contingents aux tats de la nature, o certains changistes dtiennent une information prive sur les vraies probabilits des tats du monde, pendant que dautres nen ont pas, montre que les fonctions dexcs de demande des changistes, lorsquelles sont diffrencies relativement aux

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    probabilits des tats de la nature, ont une proprit qui implique que la fonction des probabilits des tats, au prix dquilibre du march, soit le rsultat dune confrontation. Do il existe, dans ce modle, un EAR dans lequel les prix du march rvlent entirement les probabilits des tats de la nature - formules par les agents informs - aux agents non informs. Par contre, les thormes dexistence de Radner font rfrence lhypothse selon laquelle les agents sont dots de la mme structure dinformation. En effet, la possibilit que linformation soit rvle par les prix, et puisse agir sur la dotation initiale informationnelle, mise en relief par Green, na pas t prise en compte par Radner. Certaines critiques ont t formules lendroit des EAR totalement rvlateurs, relatives leur ralisme et leur contradiction avec lintuition conomique. Ce qui nous amne aborder leurs proprits defficience, et nous permettra dintroduire les concepts dquilibre partiellement rvlateurs avec bruit et sans bruit. 3 -1 -1 -1 Les proprits defficience. En effet on peut, lgitimement, se demander si les prix ont la capacit de transmettre toute linformation ncessaire aux agents conomiques, si lon sait que celle-ci peut tre trs complexe. Diffrents types dinformation sont appropris pour diffrentes transactions. Do la pertinence de se demander sil existe un nombre fini (mme continment variable) de prix, pour des biens changs sur des marchs, capable de saisir la complexit de linformation. En effet, on peut admettre que si les prix sont capables de charrier toute linformation utile, alors lquilibre serait au moins informationnellement efficient. On peut mme aller plus loin et considrer que, lorsquil ny a pas dautres distorsions au niveau du march, cet quilibre peut gnrer une allocation optimale au sens large21. A la suite de Radner (1967), les allocations dquilibres avec anticipations rationnelles totalement rvlateurs sont supposes ncessairement ex-ante Pareto-optimales. Notons, cependant, que dans un modle dquilibre gnral ce nest pas plus dinformation tout court qui est ncessaire ou souhaite, mais une information complte. Sil y