Click here to load reader

Université de printemps d histoire des arts 2017 Atelier ...cache.media.eduscol.education.fr/file/Formation_continue... · Jugement dernier de Michel Ange. Le pincipe fondamental

  • Upload
    buicong

  • View
    212

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

  • Florence Chantoury-Lacombe, Peindre les maux. Art et pathologie (XIV-XVIIe

    sicle), Paris, Editions Hermann, 2010.

    Universit de printemps dhistoire des arts 2017 Atelier Le corps, la maladie, la norme - Chteau de Fontainebleau Festival de lhistoire de lart

    Florence Lacombe, historienne de lart, professeure lcole alsacienne

    Kaloskagatos et catharsis La maladie est considre, depuis lAntiquit, sous un angle moral et psychologique, elle est aussi lie un aspect esthtique. Lassimilation du laid au mal et du bien au beau est due la fameuse notion du kalos kagatos, ce concept o sant et vertu sont lies1. Le terme de kalos signifie ce qui est beau, il reprsente lidal et le mrite personnel. Le kaloskagatos contient la beaut physique et la vritable art, il sagit dun syntagme fig, beau et bon, qui dsigne lhomme excellent. Dj chez Socrate, on rencontre la remarque au sujet de lenveloppe de lme, une me saine dans un corps sain . Lorsque le mot kalos est employ pour une personne, il dfinit une belle stature plutt que la valeur personnelle, associ kagathos, il exprime lidal complet de la personne2. Il est inutile de prolonger davantage cette analyse pour se rendre compte que, ds sa formulation, la maladie est tributaire de la laideur. Il faut rappeler ce sujet quun topos de la philosophie occidentale est de fonder son entreprise sur une rcusation du corps puisque la premire dmarche du philosophe consiste se dgager de son corps pour accder au concept.

    Il est vrai que les manifestations extrieures et mcaniques du corps ne trouvent que peu de place dans la pense grecque. Le corps malade, gnralement proscrit car il procure un sentiment non esthtique.

    Un rgime de lidalisation traverse le portrait de la Renaissance et se manifeste par un cas significatif avec les divers portraits de Federico da Montefeltre, tmoignant de cette volont de dissimulation du fait pathologique. La posture rcurrente du profil de Montefeltre correspond une volont didalisation, relevant dans ce cas de la dtermination ne pas montrer les traces des blessures de guerre du Duc dUrbino en dissimulant la marque de la perte de lil droit. Les quatre portraits connus de Federico de Montefeltre rpondent aux principes didalisation noncs par Alberti3. Les portraits de Montefeltre tmoignent de ce que lon pourrait nommer une histoire secrte de la peinture. Le duc de Montefeltre avait perdu son il droit dans une joute au cours de laquelle il avait laiss sa visire ouverte en gage damour pour une dame de la

    1 Werner Jaeger a bien mis en vidence limportance de cette notion dans la pense grecque. Jaeger Werner, Paideia, Paris, Gallimard, 1964, p. 31. Voir galement Murielle Gagnebin, Fascination de la laideur. La main et le temps, Lausanne, Lge dHomme, 1978. 2 On retrouve la notion de kalokagathia, chez Platon dans le Gorgias, 470e ; dans Lysis, 207a et dans La Rpublique, III, 400d-e. Pour Aristote, la notion est prsente dans Lthique Nicomaque, IV, 7, 1224a4, mais galement dans La Rhtorique, X, 20, 490. 3 Sur lexemple des portraits du Duc de Montefeltre, voir Claudia Cieri Via, Limmagine del ritratto. Considerazioni sullorigine del genere e sulla evoluzione dal Quattrocento al Cinquecento , Il ritratto e la memoria, materiali I. A cura di Augusto Gentili, Philippe Morel e Claudia, Cieri Via, Roma, Bulzoni editore, 1987, p. 45-92.

  • Florence Chantoury-Lacombe, Peindre les maux. Art et pathologie (XIV-XVIIe

    sicle), Paris, Editions Hermann, 2010. 2

    cour4. Le fait que le Duc tait borgne nest jamais dvoil dans ses portraits, laccident de lil nest pas montr mais suggr par le nez car son aspect tmoigne du mme accident, tranch par un coup dpe. Les portraits raliss par Piero della Francesca, celui de Juste de Gand, La communion des Aptres, ou encore le portrait de Pedro Berruguete utilisent tous les conventions antiques de la peinture de portraits par lapplication pratique du topos dAntigonos, savoir peindre de profil le modle en vue doffrir une solution figurative au prcepte dAlberti concernant ladoucissement du dfaut.

    De la mme manire, la malformation faciale de Charles Quint, le menton prominent qui entravait la fermeture de la bouche, et dont plusieurs contemporains ont dcrit laspect, napparat pas non plus dans les portraits de lempereur5. Voir la description de lambassadeur vnitien Gaspare Contarini en 1525 rsum dans les Diari de Marino Sanudo, XL, col. 289. Le diagnostic pos par la mdecine moderne est celle dune prognathie mandibulaire. Le portraitiste, lorsquil dissimule la maladie ne fait pas un aveu dindiffrence, il tmoigne dun refus de produire llment perturbateur qui court-circuiterait la fonction du portrait6.

    Deux modalits vont rgler le discours sur lart : lun provenant de la rhtorique, levidentia, dans lequel la reprsentation du corps malade ou difforme tablit un indice de crdibilit et permet de mettre en prsence de lacte; lautre prcepte (2), mis par la thorie humaniste de la peinture, suggre que le peintre fasse preuve de convenance en imitant la nature mais avec quelques discrtions7. Lartiste devra euphmiser la maladie, il doit en suspendre leffroi, tout cela afin dindiquer que lillusion ne doit pas tre prise pour la ralit.

    Le trait de Dolce, paru en 1557, apparat sous la forme traditionnelle du trait de peinture et Dolce naborde pas directement la reprsentation de la maladie. Il sintresse la question de la vrit du sujet, de listoria et dispense un certains nombres de rgles travers sa critique du Jugement dernier de Michel Ange. Le principe fondamental de la peinture reste limitation de la nature et sa dfinition est proche de celle dAlberti. La peinture a trois fonctions : utile, car elle

    4 Cet vnement est rapport par Martin Warnke dans Lartiste et la cour : aux origines de lartiste moderne, Paris, ditions de la Maison des Sciences de lHomme, 1995, p. 264. 5 Voir la description de lambassadeur vnitien Gaspare Contarini en 1525 rsum dans les Diari de Marino Sanudo, XL, col. 289. Le diagnostic pos par la mdecine moderne est celle dune prognathie mandibulaire. Pour une tude du prognathisme de Charles-Quint dun point de vue mdical voir Oswald Rubbrecht, Lorigine du type familial de la maison de Habsbourg, Bruxelles, G. Van Oest, 1910. galement, Flix Regnault, Charles-Quint devant la mdecine , Le correspondant mdical, 15 aot 1995, p. 5. Liconodiagnostic utilis par Diane Bodart dans son tude des portraits de Charles Quint permet, travers le prognathisme, daborder la question de la ressemblance dans les portraits de Charles-Quint, p. 111. Lhistorienne de lart endosse ici la blouse du mdecin pour poser un diagnostic rtrospectif. Selon cet auteur, lexaltation des stigmates familiaux affirme la lgitimit de la continuit dynastique. Diane Bodart, Pouvoirs du portrait sous lempire des Habsbourg dEspagne. 1500-1700, Thse sous la direction de Daniel Arasse, EHESS, 2003, voir chapitre 3, p. 105. 6 En reprenant lenseignement des traits physiognomoniques de lAntiquit, les auteurs de la Renaissance ont aussi soulign que la difformit du visage est toujours reconnue comme le signe dune mauvaise nature. Le personnage de Judas dans La Cne de Lonard fait souvent office dexemple. 7 con alcuna discrezione . Lexpression est de Benedetto Varchi, dans Paola Barocchi, Scritti darte del Cinquecento, Tome I, p. 265. Dans ce passage, Varchi loue la prudence dApelle qui devant peindre le portrait dAntigonos (en franais, Antigone le Borgne) qui tait borgne choisit de le prsenter de profil.

  • Florence Chantoury-Lacombe, Peindre les maux. Art et pathologie (XIV-XVIIe

    sicle), Paris, Editions Hermann, 2010. 3

    doit permettre une lvation morale; agrable, car elle doit tre un ornement ; dlectable car elle doit procurer du plaisir au spectateur. Finalement, luvre doit surpasser le modle naturel et, lartiste doit rechercher une perfection mme si elle nest pas dans la nature. Cest ici la glorification du divino artista, lide dun crateur comparable Dieu. La peinture en tant que force de conviction donne au peintre le don de crer lillusion de la ralit, mais il ne doit pas abuser de ce pouvoir car, si le peintre est attir par la reprsentation du monstrueux sous langle du dfi, il doit cependant sen carter au nom de la biensance.

    Paolo Lomazzo, peintre milanais qui se consacra lcriture de traits artistiques aprs la ccit qui le touche en ., admet de reprsenter la difformit et la maladie lorsquelle a une valeur salvatrice. Dans cette perspective, la composition approprie des scnes miraculeuses fait entrer en jeu des gurisons destropis, daveugles, de muets, dpileptiques et des scnes de soins aux malades et aux infirmes. Image de Fra Angelico Dans ce type de compositions, cest la performance affective de la preuve qui est mise en valeur puisquune telle preuve mobilise le tmoignage de la mmoire pathtique. Ce procd rhtorique est dcrit par Quintilien : [...] Quant aux accusateurs, nous les voyons montrer une pe ensanglante, et des os retirs de blessures, et des vtements tachs de sang, ou prsenter leurs plaies vif, dcouvrir leurs corps meurtris8. Plus loin, il souligne, Ces moyens sont gnralement une force considrable car ils mettent en quelque sorte lesprit des assistants en prsence des faits 9. La valeur informative de limage est requise au moyen du dvoilement du corps meurtri en vue de saisir lauditoire. En revanche, selon Quintilien, il nest pas convenable de figurer le corps bless dans une reprsentation : Mais je napprouverais pas pour cela le procd (je lai lu et je lai vu parfois moi-mme) qui consiste reprsenter sur un tableau ou sur un rideau la scne du crime dont latrocit devait mouvoir profondment le juge 10. La dmonstration provoque les mmes sentiments que si les faits avaient lieu sur linstant, elle a pour but de mettre le spectateur en prsence du fait. Bien que Quintilien rprouve la figuration de ces blessures, la Renaissance, le discours sur lart est plus nuanc ce propos et les personnages atteints par la maladie dans les scnes de gurison miraculeuses, devaient profondment souffrir en vue de favoriser le rle apologtique de limage.

    Si la reprsentation des tats pathologiques et de la difformit trouve une validit dans ce discours puis dans la rhtorique antique, dans lequel la peinture a pour enjeu de saisir le spectateur, une autre opportunit se rvle lorsque les thoriciens de lart tirent parti du fait que lartiste peut surpasser la nature. travers le thme du dpassement de la nature, Giorgio Vasari, peintre et auteur de la premire compilation de biographies dartistes, reprend un des topo de la littrature artistique de lAntiquit, savoir que dans la reprsentation de la douleur et des tats paroxystiques et au moyen de la figuration des grimaces, des difformits, des positions anormales, les artistes vont dominer la nature. De cette faon, lorsque le peintre sengage saisir en peinture la difformit et les dformations du corps, il se soumet un dfi

    8 Quintilien, Institution oratoire, texte tabli et traduit par Jean Cousin, Paris, Belles Lettres, 1977, Livre VI, 1, 30. 9 Quintilien, Institution oratoire, 31. Aristote observe dans La potique, Nous nous rjouissons de contempler les images (eikonas) qui reproduisent-le-plus-exactement des choses que nous voyons elles-mmes avec peine comme les formes des btes les plus hideuses et des cadavres . Aristote, La potique. Traduction, prsentation et notes de Pierre Gravel, Montral, ditions du Silence, 1995, 1448a 9, p. 24. 10 Quintilien, Institution oratoire, 32.

  • Florence Chantoury-Lacombe, Peindre les maux. Art et pathologie (XIV-XVIIe

    sicle), Paris, Editions Hermann, 2010. 4

    pictural, un exercice lui permettant de faire preuve dune certaine prouesse artistique11. Il faut cependant admettre une restriction cet alibi de permissivit : le peintre ne doit pas se laisser prendre au jeu de la seule audace artistique. La reprsentation de Saint Augustin de Tintoret.

    Linstant reprsent est celui o saint Augustin apparat, dans ses habits dvque, un groupe destropis et daveugles se rendant Rome, il dtourne leur chemin par un geste indicatif pour identifier son propre tombeau Pavie et leur promet ainsi la gurison. Le peintre situe la scne dans le lit dune rivire assche, larrire-plan, on observe la reprsentation dun paysage dsol et dune glise12. Les figures destropis ne sidentifient, non pas par la reprsentation des symptmes de la difformit ou de la dformation du corps, mais plutt au moyen dune torsion des corps. Ce procd figuratif illustre une expression pathtique pousse lextrme et dote la scne dun caractre dtranget. En plus dune instance mise sur les btons de soutien qui scandent la composition, la torsion des corps, cause des postures forces, mtaphorisent la dformation du corps. Il ne sagit pas dune reprsentation descriptive de la perte ou de la mutilation dun membre, car chaque figure destropi prsente un tat du corps apparemment sain, seule, lintensit plastique des formes corporelles voque la difformit des membres. La reprsentation appelle le spectateur, elle linvite sapprocher pour endosser son tour les sentiments de piti ou de compassion que les personnages miment tout en lui assurant une possibilit de se distinguer de ses corps. Ainsi sexplique, en partie, quun tel traitement du corps relve du principe quil faut hypertrophier les traits du malade afin de lui assurer une tranget. Ce procd cre, invitablement, une distance avec le spectateur qui a pour rle de le rassurer sur lui-mme.

    Arothrapie de la Renaissance

    Lide que lair est lagent principal de la contagion

    La dgradation de lair tait une proccupation indiscutable de la socit de la Renaissance. Lide dune altration, partielle ou totale de lair, tait gnralement assimile une putrfaction : des lments dans un lieu prcis produisaient un pourrissement de lair. Ce que lon appellerait, de nos jours, une pollution atmosphrique locale tait due la dcomposition de corps. Charniers.

    Limaginaire dploye autour des traits de peste affirme quatre niveaux de causalit : cause humaine. Causes naturelles Causes non naturelles, cause divine.

    Lorigine du concept de contagion nest pas certaine, mais il semble appartenir trs tt au domaine de la morale, avant mme que la mdecine ait thoris la nature des pidmies. En

    11 Paolo Pino dans son Dialogo di pittura, incite les artistes figurer dans leurs uvres un personnage la position force ( una figura tutta sforciata, misteriosa e difficile ) afin de faire preuve de sa matrise de lart. Pino parle en termes formels sans prciser la nature du personnage reprsenter. Cit par Michel Hochmann dans Peintres et commanditaires Venise (1540-1628), Rome, cole Franaise de Rome, 1992, p. 128, note 14. 12 Il sagit de la faade dune glise tire du trait darchitecture de Serlio, Regole generali, publi Venise en 1537 (Livre IV, p. LIIII). Tintoret peignit cette toile pour lautel de la famille Porto Godi, dans la chapelle de Saint-Augustin de lglise Saint-Michel Vicenze aujourdhui dtruite. Voir Rodolfo Pallucchini, Tintoretto. Le opere sacre e profane, Tome 1, Milano, lecta, 1982, p. 158-159.

  • Florence Chantoury-Lacombe, Peindre les maux. Art et pathologie (XIV-XVIIe

    sicle), Paris, Editions Hermann, 2010. 5

    Occident, jusquau XIIIe sicle, le thme de la contagion morale se dveloppe en contexte thologique (contagion des pchs, des vices et des hrsies) sans rfrence explicite un modle contagionniste issu de la mdecine, bien que les maladies comme la lpre ou la peste soient toujours associes certains vices. Lun des buts de cet article est de montrer que larrive de la mdecine arabe transforme la perspective des thologiens et des moralistes qui ont dsormais leur disposition un modle mdical et philosophique pour expliquer comment certaines passions et certains vices peuvent se transmettre dun individu lautre. Ce schma

    explicatif, qui na plus rien dune mtaphore, reste en usage jusqu laube du XIXe sicle, au moment o les progrs de la recherche mdicale le rendent caduc. Paradoxalement donc, dans

    les sciences sociales naissantes la fin du XIXe sicle, lusage du concept de contagion redevient descriptif, voire mtaphorique.

    De lAntiquit la Renaissance, les mdecins expliquaient plutt les mcanismes de propagation des maladies par le contact immdiat avec un poison ou par la mdiation de lair corrompu entre un agent malade et un patient sain. Par consquent, aucune distinction nette ntait trace entre maladie contagieuse et empoisonnement, quel que soit le substrat (peau, eau, air, etc.) de linfection. Dun point de vue rtrospectif, daucuns concluraient quil ny avait pas de vritable pense de la contagion dans lancienne mdecine. Dailleurs, noteraient-ils, le champ lexical de la contagion (infection, contamination, pidmie, etc.) ntait pas rserv aux mdecins, lesquels jugeaient mme trop mtaphorique, voire magique, lexplication par infection ou contagion (Grmek 1984 ; Nutton 2000). Preuve en est, le substantif latin infectio et le verbe inficere appartenaient au dpart au vocabulaire des teinturiers et dsignaient limprgnation des couleurs dans le tissu. Appliques aux maladies, notamment aux maladies de peau, les images de la souillure et de la tache illustraient mtaphoriquement les effets dune maladie et non ses causes ou les modalits de sa transmission. Les mdecins semblent avoir rserv un sort identique au terme de contagio en le vidant de toute valeur explicative.

    La putrfaction de lair se produit partir de lieux jugs malsain

    Lpidmie de peste la Renaissance est lie la corruption de lair, la ftidit. La puanteur signe de putridit et de vnimosit est mortifre. Dans les traits de peste, ce sont les marais, les cavernes, les puits qui deviennent les espaces o se forge la corruption de lair. Ces lieus sont ressentis comme principalement des lieux malodorants, les eaux stagnantes, les excrments, salets et dchets provenant spcialement des tanneries, lieux de carcasses danimaux, de fosses communes, de champs de batailles jonchs de corps morts, Gentile da Fabriano, Consilium, (p. 53 du Campbell). Les relents de charognes, des poissonneries, les corcheries, les tanneries, les hpitaux, la fiente de pourceaux, les puits dans lequel on jette des cadavres Daprs les nombreux traits de peste, la corruption de lair peut provenir dexhalations telluriques, de tremblements de terre, la prsence massive de grenouilles, de sauterelles ou dautres insectes dans lair d la gnration spontane sont galement des facteurs annonciateurs. Sans oublier les consquences de facteurs astrologiques et mtorologiques tels que les comtes, les toiles filantes, les clipses, un excs de pluie ou de scheresse peut tre la cause de la corruption de lair, nous avons alors un panorama quasi complet des causes de la peste. Une telle apprhension de la contagion fait de la peste une maladie minemment mystrieuse, ce qui a favoris les mtaphores guerrires ou reptiliennes impliquant une irruption sournoise et soudaine dun air corrupteur, dun poison arien.

  • Florence Chantoury-Lacombe, Peindre les maux. Art et pathologie (XIV-XVIIe

    sicle), Paris, Editions Hermann, 2010. 6

    Les mdecins prescrivant lentretien des feux de rue pour purifier latmosphre. Ficin compare la peste un dragon qui jette son poison par son haleine. Ficin prne des mthodes de parfumer lintrieur des habitations, parfums et feux odorants. La confiance en laromathrapie. Selon Franoise Bourin, cest Acron dAgrigente, qui le premier lve des feux de bois aromatiques pour chasser la peste qui ravage Athnes au Ve sicle avant J. C. et qui met lide en pratique selon laquelle la peste provient de lair vici. Voir Annick Le Gurer, Les pouvoirs de lodeur, Paris, Editions Franoise Bourin, 1988, p. 59. Voir aussi M. D. Grmek, les vicissitudes des notions dinfection, de contagion et de germes dans la mdecine antique , Textes mdicaux latins et antiques, Saint-Etienne, Centre J. Palerme, 1984, p. 65.

    Peur de la contagion

    La dgradation de lair tait une proccupation indiscutable de la socit de la Renaissance. Lide dune altration, partielle ou totale de lair, tait gnralement assimile une putrfaction : des lments dans un lieu prcis produisaient un pourrissement de lair. Ce que lon appellerait, de nos jours, une pollution atmosphrique locale tait due la dcomposition de corps. Charniers. Au temps dHippocrate, le terme dpidmie se dfinissait par la description de lensemble des maladies contagieuses et des conditions de ces maladies qui existaient certaines poques dans un espace gographique prcis. Cest lair, la cause principale des pidmies. Lexplication de type cosmique et mtaphysique de lair vient des Stociens, lair est entendu comme un lment homogne, mais maladif et instable par essence. Philon dAlexandrie disait que la peste nest pas autre chose que la mort de lair. Lautorit mdicale de la Renaissance, Galien aborde une conception de la peste qui nest pas trs diffrente : cest une maladie produite par la corruption de lair et qui attaque toutes les populations.

    La thrapie de la peste ds lAntiquit est travaille par un constant souci de combattre la putridit de lair et du corps. Un anti-venin, le feu aromatique selon Galien, antidote par excellence du poison. Les mdecins prescrivant lentretien des feux de rue pour purifier latmosphre. Ficin compare la peste un dragon qui jette son poison par son haleine. Ficin prne des mthodes de parfumer lintrieur des habitations, parfums et feux odorants. La confiance en laromathrapie Selon Franoise Bourin, cest Acron dAgrigente, qui le premier lve des feux de bois aromatiques pour chasser la peste qui ravage Athnes au Ve sicle avant J. C. et qui met lide en pratique selon laquelle la peste provient de lair vici. Voir Annick Le Gurer, Les pouvoirs de lodeur, Paris, Editions Franoise Bourin, 1988, p. 59. Voir aussi M. D. Grmek, es vicissitudes des notions dinfection, de contagion et de germes dans la mdecine antique , Textes mdicaux latins et antiques, Saint-Etienne, Centre J. Palerme, 1984, p. 65. Laction bnfique ou nocive de latmosphre est aussi lie la prsence ou labsence dmanations pathognes qui la souillent Galien indique tous ceux qui expirent un air putride, tel point que mmes les maisons dans lesquelles ils vivent deviennent ftides Galien, De febrium differentiis, p. 279 cit par Annick le Gurer, p. 94. Apparat alors le schma suivant, la peste est due une corruption de lair mais peut tre transmise par lhaleine du pestifr. Il faut se souvenir quau Moyen Age, la ftidit est tellement caractristique de la peste quelle tend se confondre avec elle, le terme de pestilence dsignant aussi la maladie pidmique que lodeur infecte qui lui est associe. Chez Ficin une liste des agents de transmission, murs, meubles, vaisselles, objets divers, tres humains et animaux, dans Antidote

  • Florence Chantoury-Lacombe, Peindre les maux. Art et pathologie (XIV-XVIIe

    sicle), Paris, Editions Hermann, 2010. 7

    des maladies pestilentes, 1595, Cahors, p. 11. Lodeur de lautre reprsente une si grande crainte quil devient urgent de codifier sa mise distance : deux coudes au moins sil sagit dune personne saine, six et plus sil sagit dun pestifr, et tenir compte lorsque lon est en plein air de la direction du vent.