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UNIVERSITÉ LYON 2 Institut d'Etudes Politiques de Lyon ETUDE DES CCN : QUEL AVENIR POUR LA PRODUCTION-DIFFUSION DE LA DANSE CONTEMPORAINE ? Marine MAGNIN Diplôme de l'IEP de Lyon Master 2 « Stratégie des Echanges Culturels Internationaux » (directeur Patrick Landre) 2008-2009 Date de soutenance : 28 septembre 2009

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UNIVERSITÉ LYON 2Institut d'Etudes Politiques de Lyon

ETUDE DES CCN : QUEL AVENIR POURLA PRODUCTION-DIFFUSION DE LADANSE CONTEMPORAINE ?

Marine MAGNINDiplôme de l'IEP de Lyon

Master 2 « Stratégie des Echanges Culturels Internationaux »(directeur Patrick Landre)

2008-2009Date de soutenance : 28 septembre 2009

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Table des matièresRemerciements . . 4Préface . . 5Introduction : Situation de la politique générale du spectacle vivant à l'aune de l'étude de laproduction-diffusion des CCN . . 8Chapitre 1 – Les adaptations des CCN face aux mutations du secteur de la dansecontemporaine, en matière de production-diffusion . . 10

I -Les transformations du milieu et leurs enjeux . . 10A) Des évolutions récentes déstabilisantes pour le milieu de la dansecontemporaine . . 10B) La création de l'ACCN : une voix pour les CCN . . 20

II - Une évolution paradoxale de la production-diffusion des CCN . . 26A) Une production croissante favorisée par l'outil CCN, mais fragilisée par lescontraintes du secteur . . 26B) Accroissement de la diffusion mais hors des cadres institutionnels . . 35

Chapitre 2 – Le CCN de Montpellier, un exemple de stratégie réussie duquel on peut tirerdes perspectives d’avenir ? . . 49

I – Présentation et positionnement du CCN de Montpellier . . 49A) Un projet original à la pointe de la recherche . . 49B) Une production et diffusion intense dont le point clé est l'adaptation aux réalitésdu terrain et une ouverture internationale . . 56

II - Quels enjeux pour l’avenir ? . . 66A) Les nouveaux modèles de production/diffusion pour faire face auxproblématiques du milieu . . 66B) Bilan et recommandations . . 71

Conclusion : assurer l'avenir des CCN, les soutiens à l'ensemble du secteur de la danse . . 76Bibliographie . . 77

Rapports officiels . . 77Ouvrage . . 77Etudes . . 77Articles . . 77Documents politiques . . 78Sites web . . 78Entretiens . . 79Notes de cours . . 79

Annexes . . 80Résumé . . 81

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ETUDE DES CCN : QUEL AVENIR POUR LA PRODUCTION-DIFFUSION DE LA DANSECONTEMPORAINE ?

4 Magnin Marine - 2009

RemerciementsJe tiens à remercier Anne Fontanesi et Michel Chialvo de m'avoir conseillée tout au long del'élaboration de mon plan, de m'avoir accordé du temps pour la réalisation des entretiens, d'avoirété attentifs et surtout de m'avoir beaucoup appris pendant mon stage au CCN de Montpellier.

Merci aussi à Hélène Joly, Jean-Marc Urréa et Vincent Cavaroc de m'avoir consacré de leurtemps pour répondre à mes questions sur la production et la diffusion de la danse contemporaineet de m'avoir prêté des documents intéressants.

Je souhaiterais également remercier Camille Soler pour le suivi qu'elle a fait de mon travailet pour sa disponibilité.

Enfin, je remercie tout particulièrement les personnes qui m'ont entourée ces derniers mois,qui ont montré leur intérêt pour mon travail et m'ont apporté soutien et aide.

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Préface

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PréfaceCe mémoire s’inscrit directement dans la lignée de mon stage au service de production-diffusiondu Centre Chorégraphique National (CCN) de Montpellier Languedoc Roussillon, d’avril à juillet2009.

Présentation du CCN de Montpellier

Le CCN de Montpellier, dirigé par la chorégraphe Mathilde Monnier est un lieu de création,recherche et formation, consacré à la danse contemporaine. Il a été fondé par Dominique Bagoueten 1984 qui l’a dirigé jusqu’en 1994, date à laquelle il est décédé et Mathilde Monnier a été nomméepour lui succéder. Avec l’aide de son équipe et de nombreux intervenants extérieurs, MathildeMonnier a choisi d’adopter un projet artistique avec plusieurs orientations :

1. Les ]domaines[ : programmation qui permet à des artistes de se saisir d'un espacede recherche nécessaire à la construction et à la réalisation de leur projet, tout enoffrant au public la possibilité de circuler et de pénétrer dans un territoire à travers desdispositifs de médiations expérimentaux et multiples

2. ReRc : les résidences de recherche qui sont des espaces de travail pour leschorégraphes et danseurs et durant lesquelles leurs sont proposés des temps devisibilité.

3. La formation de danseurs professionnels avec la mise en place de cours du matin etex.e.r.ce, un dispositif de formation qui aura bientôt le grade de Master.

4. Le soutien à la recherche théorique et à l’édition.5. À ces lignes de projet s’ajoute le cœur de l’activité d’un CCN : la production et la

diffusion des pièces de Mathilde Monnier. Cette activité du Centre est assurée par :6. Michel Chialvo, directeur de production, de diffusion et du partenariat7. Anne Fontanesi, attachée de production et diffusion (et responsable de la

programmation ]domaines[).

Mes missions

Durant mon stage au CCN de Montpellier, j’étais en charge de deux missions parallèles.

Auprès d’Anne Fontanesi, j’étais assistante de production. J’étais principalement en charge del’organisation et de la logistique des tournées. Il s’agissait pour moi d’organiser le bon déroulementdes représentations de Mathilde Monnier et son équipe, dans les contraintes d’un budget fixé àl’avance. J’assurais alors un vrai lien entre l’équipe du lieu accueillant le spectacle, la techniqueet la comptabilité de Mathilde Monnier, les prestataires de service (agence de voyage) et lesartistes. Il fallait donc que j’assure la circulation de l’information et trouve à chaque fois les bonsinterlocuteurs. À l’approche de la date, je synthétisais tout ce que j’avais organisé sur la feuille deroute : planning, billets d’avion, per diems, hôtel, transports locaux, etc.

Outre l’organisation des tournées, j’étais aussi amenée à préparer des budgets et établir desdevis pour des dates en cours de négociation. Il me fallait ainsi évaluer les coûts des voyages, detransport du décor, et des frais de séjour et établir un document récapitulatif du budget.

Cette mission a été très intéressante car elle m’a permis d’être véritablement forméeprofessionnellement sur des tâches précises d’organisation et m’a fait découvrir concrètementl’organisation d’une tournée, tout en m’obligeant à respecter un budget précis et la conventioncollective pour le spectacle vivant.

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ETUDE DES CCN : QUEL AVENIR POUR LA PRODUCTION-DIFFUSION DE LA DANSECONTEMPORAINE ?

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Sous la responsabilité de Michel Chialvo, j’étais en charge de la synthèse de l’étude surla production et diffusion des CCN menée par l’Association des CCN (ACCN) qui regroupeles 19 CCN existant en France. L’ACCN est actuellement organisée en groupes de travail et laCommission Production Mobilité et Circulation des Œuvres (appelé aussi groupe 1), avait lancéen octobre 2008 une étude statistique sur les activités de production et diffusion des CCN de2004 à 2009. À mon arrivée, plus de la moitié des données statistiques avaient été récoltées et mamission consistait à les centraliser et à en faire un traitement statistique. Dans cette perspective,j’ai notamment participé à une réunion à Paris avec plusieurs membres du groupe 1 où j’étais forcede proposition. Il s’agissait de trouver des façons pertinentes de traiter les données. Aux vues desconclusions de cette réunion, j’ai réalisé des tableaux et graphiques permettant de d’analyser lesgrandes tendances de la production-diffusion des CCN qui se dégageaient sur 5 ans.

Cet aspect de mon stage a été particulièrement enrichissant puisqu’il m’a permis d’être encontact avec de nombreux autres responsables de production-diffusion dans un CCN, de développermes connaissances sur le fonctionnement et les réalités des services de production-diffusion desCCN et de connaître plus précisément les points communs et les caractéristiques de chaque CCN.

Etude de l’ACCN

C’est de mon travail sur cette étude et de ses résultats que découle mon mémoire. Il me sembledonc important d’expliquer plus en détails l’étude lancée par l’ACCN et de revenir à sa mise enplace.

Cette étude statistique sur la production et diffusion des CCN a été initiée par le groupe 1 del'ACCN en octobre 2008 avec comme objectif de « de réunir et de mettre à plat des observations etinformations pratiques, sous forme d’état des lieux de la production et de la diffusion au sein d’unpanel constitué par les 19 CCN afin d’en retirer des enseignements et des perspectives utiles pour

nos propres structures. » 1 . Son objet n'est pas d’évaluer ni de comparer les qualités des projets,mais de mesurer les réalités des CCN à la fois dans l’hétérogénéité de leurs structures et l’exercicecommun de leurs missions. Étant donné les difficultés que connaissent les CCN depuis quelquesannées en matière de production et de diffusion, le but de cette étude est de connaître précisémentles réalités de ces activités afin de pouvoir argumenter auprès des institutions publiques et trouverdes réponses aux mutations récentes du secteur de la danse contemporaine :

« Compte tenu des conditions actuelles de la production et de la situationpréoccupante concernant la recherche de financements et de diffusion surl’ensemble des CCN, il nous apparaît important d’en faire remonter une synthèsede nos travaux auprès des institutions concernées, en particulier au niveau de laDMDTS dans le cadre des Entretiens de Valois. »2

Il s'agit donc, à partir des données récoltées auprès de l'ensemble des CCN de faire une étude desynthèse afin de construire une véritable radiographie des conditions de fabrication des œuvres etde leurs circulations.

Cadre de l'étude

Cette étude s'appuie sur le relevé de données sur la production et diffusion des CCN surune période de 5 ans, de 2004 à 2008. En s'appuyant sur une période de 5 ans, il semble qu’une

1 Cf .annexe 1 : introduction et préambule à l’étude de l’ACCN2 Idem

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Préface

Magnin Marine - 2009 7

tendance générale puisse être dégagée, ce qui est plus instructif qu’une photographie annuelle,sorte d’instantané forcément arbitraire.

Les outils mis en place ne concernent qu'une mission des CCN : la production et la diffusiondes œuvres internes en tant qu’auteur/chorégraphe des CCN et non les productions et diffusiondélégués (accueil studio, etc.) qui feront l’objet d’une autre étude séparée.

La relève des données comporte, pour chaque CCN, plusieurs parties :

- 1 tableau : productions auteurs Chorégraphe des CCN ;

- 1 liste exhaustive des coproducteurs français et étrangers ;

- 1 tableau de diffusion par année ;

- 1 liste de scènes nationales et de grandes villes.

Les outils nécessaires pour remplir ces tableaux sont :

- Contrats ;

- Comptabilité ;

- Budgets ;

- Informations au générique du spectacle (promotion).

Cette étude a été conçue sur 17 bases de données graphiques et statistiques (2 CCN n'ont putransmettre leurs données pour des raisons d'organisation interne : départ des équipes précédentes,confusion des données entre deux structures liées au CCN), dont la validité est véri#able.

Apports du mémoire

En tout état de cause, nombreux seront les débats suscités à la suite de ce travail, dont l’un desobjets, au-delà de la photographie et de la pensée qu’ils convoquent aujourd’hui, est d’appeler àdes rencontres élargies avec les artistes, les réseaux professionnels, institutionnels et politiques.

Par mon mémoire, je cherche à m'inscrire dans ce débat-là. En m'appuyant sur les résultatsstatistiques obtenus après traitement des données, je tente d'analyser et interpréter les donnéesen apportant des éléments qualitatifs, car les chiffres ne peuvent se suffirent à eux-mêmes etnécessitent des apports extérieurs concrets. Au-delà d’une recherche documentaire, mon analyseest nourrie de mes expériences de stage et d'entretiens avec plusieurs professionnels du milieu dela danse contemporaine.

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Introduction : Situation de la politiquegénérale du spectacle vivant à l'aune del'étude de la production-diffusion desCCN

Malgré une volonté de relance du secteur de l'art vivant depuis quelques années, aucuneaction significative n'est venue résorber les difficultés auxquelles doivent faire face lesstructures culturelles. En 2004, le rapport Latarjet, motivé par un désir de compréhensionpour un renouveau du spectacle vivant constatait :

« Le diagnostic de vitalité ne peut masquer la réalité de difficultés qui ont deuxorigines : - une insuffisante régulation du développement des activités dont leseffets d’essoufflement, voire d’asphyxie sont amplifiés par un ralentissementde la croissance des moyens publics depuis plusieurs années. - des évolutionsrécentes, d’ampleur et de nature diverses (artistiques, technologiques,économiques, sociales) le plus souvent de dimension internationale, quimodifient les rapports traditionnels entre art, culture et société ainsi que lesconditions de mise en œuvre des politiques culturelles publiques. »3

Le rapport faisait ensuite des préconisations pour y remédier. Aujourd'hui, les observationsrestent les mêmes et, en ce qui concerne la danse contemporaine, l'Association des CentresChorégraphiques Nationaux (ACCN) s'inquiète des obstacles rencontrés dans certainesde leurs missions. C'est la raison pour laquelle sa Commission Production Mobilité etCirculation desœuvres a lancé en octobre 2008 une étude sur la situation de la productionet diffusion des CCN de 2004 à 2008.

La production représente la réalisation du projet du spectacle depuis la recherchede financements privés et publics jusqu'à l'élaboration finale du budget et son suivi. Elleinsère aussi la production des tournées : dépenses, organisation et logistique des dates dereprésentation.

Étape complémentaire à la production, la diffusion est souvent intégrée dans la mêmefonction. Lorsque la production a été finalisée pour une représentation, il est appréciablede la distribuer le plus largement possible. On entend par diffusion la vente d'une pièce auxsalles de spectacles : de la première prise de contact à la signature du contrat, en passantpar la négociation et l'émission des documents de communication.

Ces deux activités sont soumises à des contraintes de nature artistique, économique,mais aussi politique. Il semble alors que la crise économique et la réforme générale despolitiques publiques (RGPP) visant à réduire les dépenses de l'État risque d'aggraverl'« essoufflement de la danse contemporaine »4. Mais qu'en est-il vraiment ? N'y a-t-il pas

3 LATARJET, Bernard. Pour un débat national sur l’avenir du spectacle vivant, Paris, avril 2004.4 Jean-Paul Montanari, lors de la conference de presse bilan du vendredi 3 juillet 2009.

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Introduction : Situation de la politique générale du spectacle vivant à l'aune de l'étude de laproduction-diffusion des CCN

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là au contraire une occasion de redéfinir les bases d'une politique générale pour la dansecontemporaine ? On peut par exemple penser aux entretiens de Valois qui sont aussi uneopportunité pour les acteurs du milieu de faire entendre leur voix.

Pour analyser les réalités du secteur de la danse contemporaine, il semble intéressantde s'attarder sur l'étude des CCN, institutions emblématiques de ce secteur, et plusparticulièrement sur leur activité de production-diffusion interne qui s'apparente à celle d'unecompagnie.

Cette enquête sur l'activité des CCN semble particulièrement intéressante car elle estla seule qui soit complète et effectuée sur une période significative. Seul un travail réalisépar l'ACCN et synthétisé dans le rapport « l'Art en présence », mais manquant de recul,avait essayé de combler le manque de documents et d'analyses sur le sujet. De plus, l'étudedes CCN permet de traiter des problématiques générales auxquelles toutes les structuresculturelles sont confrontées. En ce qui concerne plus particulièrement la production-diffusionde la danse contemporaine, elle nous interpelle sur le point suivant : quel avenir se dessinepour de cette mission des CCN et quelles modifications de la politique publique pourraientla favoriser ?

Pour répondre à cette question, nous allons examiner comment les CCN organisentla production-diffusion d’un artiste et quelles sont leurs difficultés. Nous nous attacheronsensuite à la situation particulière du CCN de Montpellier en étudiant ses adaptations faceaux mutations récentes du secteur et tenterons d'appréhender les stratégies qui pourraientêtre adéquates.

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ETUDE DES CCN : QUEL AVENIR POUR LA PRODUCTION-DIFFUSION DE LA DANSECONTEMPORAINE ?

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Chapitre 1 – Les adaptations des CCNface aux mutations du secteur de ladanse contemporaine, en matière deproduction-diffusion

Le milieu de la danse contemporaine a connu de récentes mutations économiques etpolitiques. En effet, les modifications actuelles des stratégies publiques sont venueschanger le cadre de fonctionnement de ce secteur. Il paraît intéressant d'analyser cesmutations, et d'étudier comment les CCN s'y sont adaptés et quelles démarches ont étéentreprises, en observant particulièrement l'objet de notre étude : la production diffusion.

I -Les transformations du milieu et leurs enjeuxOn s'attachera principalement aux questions politiques, puisque ce sont elles qui affectentdirectement les structures institutionnelles telles que les CCN, et qui conditionnent lesquestions économiques. Il s'agit de plus des mutations les plus importantes qu'a connu cemilieu. Nous verrons quels enjeux se cachent derrière ces changements pour les CCN quiont progressivement construit leur propre action politique.

A) Des évolutions récentes déstabilisantes pour le milieu de la dansecontemporaine

Pour comprendre les récents changements, il semble nécessaire de connaître l'évolutionde l'histoire de la danse contemporaine et de son accompagnement par les politiquespubliques.

1 - Un domaine artistique au départ oublié des politiques publiquesMalgré son dynamisme, la danse contemporaine tarde à être prise en compte par lesgouvernements.

a - Développement historique de la danse contemporaineL'histoire de la danse contemporaine montre qu'il s'agit d'une discipline artistique

relativement nouvelle. Jean-Marc Matos 5 , chorégraphe de la compagnie K.Danse, lorsd'une intervention à la radio sur la danse contemporaine et les nouvelles technologies

5 Groupe de Recherche pour l'éducation et la prospective de Midi Pyrénées (consulté le 28 juin 2009) MATOS, Jean-Marc, Dansecontemporaine et conception multimédia [transcription d’une intervention radio] <http://www.grep-mp.org/cycles/imaginaire/danse-contemporaine-multimedia.htm>

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Chapitre 1 – Les adaptations des CCN face aux mutations du secteur de la danse contemporaine,en matière de production-diffusion

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précise en effet : “Ce dont je parle aujourd'hui est un art excessivement jeune. Tous leschorégraphes actuels s'accordent là-dessus et nous n'insisterons jamais assez sur le faitque notre domaine est très récent par rapport à toutes les autres disciplines”.

La danse dite contemporaine est née dans les années 1900, lorsque la danse acommencé à se scinder en deux grands mouvements : la progression du ballet classiqueet l'émergence de la danse dite moderne. À cette époque la révolution industrielle entraînele succès de deux entités politiques : les États-Unis et l'Empire allemand. Selon J-MMatos, c'est à partir de leur articulation géopolitique et sociale que naît la nouvelle danse,accompagnée par un mouvement de revendication de liberté. Aux États-Unis, se trouventdes figures marquantes qui privilégient la liberté corporelle comme Isadora Duncan, RuthéSaint Denis et Ted Shawn, Loïe Fuller, puis Martha Graham qui invente le vocabulaire dela danse moderne. En Allemagne, des années 1920 aux années 1930, de grandes figurescomme Mary Wigman, Rudolf Von Laban et Kurt Joss font émerger un autre schéma. Cesartistes marquent fortement l'appréhension par le corps de deux mouvements plastiques etculturels importants (l'Expressionnisme et le Dadaïsme) qui protestent contre la guerre etsurtout contre l'arrivée du nazisme. Ce double mouvement nous emporte sur tous les grandscourants artistiques de ces trente dernières années, regroupés sous le terme de "postmodern dance", qui se sont développés à partir des années 1940 avec Merce Cunninghamaux États-Unis.

À partir de là on voit des filiations intéressantes comme, par exemple, Hanya Holm, uneélève de Mary Wigman, qui part aux États-Unis et forme là-bas Alwin Nikolaïs le fameuxcréateur de tous les spectacles kaléidoscopiques qui feront émerger dans les générationsplus proches, des Caroline Carlson, des Susan Buirge et par continuation encore desPhilippe Découflé, etc. C'est ainsi que la danse contemporaine arrive progressivement enFrance et se développe après la Seconde Guerre mondiale.

En quelques années, les chorégraphes tels D.Bagouet, J.Bouvier et R.Obadia,R.Chopinot, J-C Gallota, M.Marin, K.Saporta et F.Verret installent la danse contemporainesur une idée de rupture avec le style américain, mais avec un désir continuité de ladanse moderne. Selon Dominique Frétard, “ils savent d'instinct que pour exister, ils doivent

feindre de n'avoir pas de passé” 6 . Ils s'attachent essentiellement à la question du

corps et délaissent la technique. Les questions de forme et de composition suivent. Àcette génération de chorégraphes succède celle d'A.Preljocaj, M. Monnier, J-F Duroure,H.Robbé, etc, et leur force créatrice. On assiste alors à ce qu'il est convenu d'appeler les

“boum des années 80” 7 . Cette émulation des années 80, selon J-M Matos, repose sur

un double mouvement : le refus du modèle européen et l’influence du classique sur lemouvement, incarné par Maurice Béjart, et l’appui sur le modèle américain représenté parMerce Cunningham. Peu à peu les chorégraphes s'emparent des lieux officiels de la danseclassique : ils entrent dans les opéras. Dès 1985, A.Preljocaj est en France l'emblème dece mouvement qui intègre le passé au contemporain.

Aujourd'hui, les chorégraphes des années 1980 sont toujours là, avec le mêmedynamisme créatif, ajouté à celui des nouvelles compagnies. Comme l'affirme J-M Matos,la danse contemporaine “est donc très jeune, elle n'a même pas deux cents ans, et elle est

6 Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (consulté le 28 juin 2009) La danse contemporaine ou l’esthétique du désordre(1980-1996 et au-delà) < http://funwebtest.epfl.ch/site0405/LBaracchini/la_danse_contemporaine.htm >

7 idem

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déjà d'une grande richesse” 8 . Cependant, malgré son foisonnement et son dynamisme, ce

nouveau mouvement n'est que tardivement inclus dans les politiques publiques mises enplace au sein du ministère des Affaires culturelles.

b - Le parent pauvre des politiques publiquesEn 1959 est fondé le ministère des Affaires culturelles par Monsieur André Malraux, maisla danse semble hors du champ artistique et reste à l'écart du développement culturel. Lafaiblesse du milieu professionnel paraît expliquer l'absence d'administration de la dansedans l'organigramme qui se met en place. Elle dépend, sans être nommée, du bureau dela musique puis du service de la Musique créé en 1966 et placé sous la responsabilité deMarcel Landowski. Ce n'est qu'en 1969 que la danse apparaît d'un point de vue nominatifpuisque le service de la Musique devient le service de la Musique, de l'Art lyrique et de laDanse (puis direction de la Musique, de l'Art lyrique et de la Danse en 1970); et apparaît d'unpoint de vue administratif avec la création d'un poste d'inspecteur de l'enseignement. Ladanse et notamment la danse contemporaine bénéficieront alors de politiques spécifiques.Néanmoins, de 1960 à 1980, il n'existe aucune politique de la danse. C'est seulement dansles Maisons de la Culture créées par Monsieur André Malraux en 1967 que naissent lesprémices d'une vie chorégraphique en France.

Aux débuts de son éclosion en France, la danse contemporaine venue d'ailleurs estpeu soutenue par l'État, à la différence d'autres disciplines artistiques comme la musiqueou le théâtre. Bruxelles et New York sont les lieux visibles autours desquels s'organisentles formations, les discours de rejet ou d'admiration, les références. Toutefois à Paris, uncourant émerge. Il s'agit d'un mouvement quasiment souterrain qui préfigure le métissagedes idées et des formes : on ne dira jamais assez l'influence du Japonais Hideyuki Yano etde l'Africaine, élevée aux États-Unis, Elsa Wolliaston qui véhiculent le message de la dansecomme un état intérieur : le corps est un medium pour exprimer les forces de l'univers. Ilsapprennent aux futurs chorégraphes que la danse est un mode de vie, et pas seulementune heure de spectacle.

À la fin des années 70, il semble que se soient essentiellement les Américains quifassent avancer la situation. Carolyn Carlson est nommée chorégraphe à l'Opéra de Paris etinvente le Groupe de recherche chorégraphique et théâtrale de l'Opéra de Paris (GRTOP)et invite des danseurs étrangers à l'institution. C.Carlson, au GRTOP, et S.Buirge, defaçon indépendante, enseignent alors la technique de Nikolaïs, compagnie américainedont elle sont issues. Il existe un autre réseau pour se former, toujours à Paris, affiliéà l'expressionnisme allemand, celui de Françoise et Dominique Dupuy, de JacquelineRobinson, de Karine Waehner (ces deux dernières furent des élèves de Mary Wigman).Il s'agit d'un enseignement secret en quelque sorte, qui apparaît, là aussi, confidentiel.“Comme si en France, dans l'ombre omniprésente de la technique classique, ne pouvait sedévelopper qu'une transmission souterraine du savoir, centré autour de personnalités, et

non pas d'écoles.” 9 Il faut attendre l'ouverture du Centre national de danse contemporaine

d'Angers, en 1979, pour que l'idée d'un enseignement contemporain fasse son chemin,8 Groupe de Recherche pour l'éducation et la prospective de Midi Pyrénées (consulté le 28 juin 2009) MATOS, Jean-Marc,

Danse contemporaine et conception multimédia [transcription d’une intervention radio] <http://www.grep-mp.org/cycles/imaginaire/danse-contemporaine-multimedia.htm>

9 Groupe de Recherche pour l'éducation et la prospective de Midi Pyrénées (consulté le 28 juin 2009) MATOS, Jean-Marc,Danse contemporaine et conception multimédia [transcription d’une intervention radio] <http://www.grep-mp.org/cycles/imaginaire/danse-contemporaine-multimedia.htm>

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Chapitre 1 – Les adaptations des CCN face aux mutations du secteur de la danse contemporaine,en matière de production-diffusion

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s'installe ensuite dans les Conservatoires supérieurs de musique et de danse, puis dansles universités.

À Paris, un autre lieu venu des États-Unis devient un espace majeur du développementde la danse, l'American Center. Il s'agit d'un lieu de formation et de diffusion, un espace devisibilité sur le paysage New-yorkais qui est alors LA référence en terme de formation et derecherche en danse contemporaine.

En somme, malgré le développement de la danse contemporaine en France, il n'existeaucun dispositif de soutien à cet art initié par l'État français jusqu'aux années 1980. Leschorégraphes des années 70-80 durent tout inventer : leur style chorégraphique et leurmode fonctionnement. Il n'existait à l'époque que très peu de lieu de diffusion et de création.Aucun subventionnement pour la danse contemporaine et aucun comité d'experts n'avaitencore était mis en place.

“Le tableau d'une compagnie ressemblait donc à ceci : un chorégraphe répètegratuitement avec quelques danseurs qui n'ont ni salaire ni statut, le plussouvent dans un lieu improbable : jardin public, garage, appartement ouquelques heures dans un local de MJC (dont le sol est en béton). Il présente sacréation où il peut, ou, à partir de 1977, dans un festival qui ne dispose pas plusque lui de locaux. Il vit le plus souvent à Paris, car l’accès à un enseignement en

danse contemporaine en région est quasi nul…” 10 .

2 – Essor de la danse contemporaine dans les années 80 soutenu par lamise en place des CCN

a - La danse contemporaine progressivement prise en compte par legouvernement : les mesures générales concernant la production-diffusionL'éclosion de la danse contemporaine au cours des années 1970 provoque de profondschangements. Le gouvernement ne peut plus laisser la danse contemporaine en margede son champ d'action. Il devient nécessaire de donner un cadre au développement de cenouvel art. Cette situation va conduire l'État à mettre en place un ensemble de dispositifssur lesquels s'appuie aujourd'hui la politique publique dans le domaine chorégraphique.

On s'intéressera ici essentiellement aux mesures concernant la production et ladiffusion de pièces chorégraphiques contemporaines, c'est-à-dire à la structuration descompagnies avec la décentralisation chorégraphique et à la création d'établissementspublics nationaux dédiés à la danse.

La dotation du pays en compagnies et leur structuration se font progressivement. L'Étatsouhaite soutenir la création de compagnies comme outils de création mais aussi commeoutils d'aménagement du territoire en envisageant les compagnies comme vecteurs deprésence de la danse dans le pays. Le ministère de la Culture et de la Communication parle

de “décentralisation chorégraphique” et distingue trois phases dans sa mise en place 11 ,signe d'une aide progressive à la danse contemporaine.

10 ORVOINE, Dominique. L’Art en Présence, les Centres chorégraphiques Nationaux, lieux de ressource pour la danse,

Paris, ACCN, 20 mars 2006 (p 16).11 Cinquantenaire du ministère de la Culture 1959-2009 (consulté le 3 mai 2009) RECHTER, Paul, 50 ans de danse < http://

www.50ans.culture.fr/50ans/danse/1>

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La première phase est celle des fondations (1968-1983). D'abord, le Ministère met àprofit le réseau des Maisons de la Culture d'André Malraux. C'est ainsi que plusieurs balletsseront installés dans des Maisons de la Culture, comme le Ballet Théâtre Contemporain en1968 à Amiens, la compagnie Félix Blaska en 1974 à Grenoble ou encore le Théâtre duSilence en 1972 à La Rochelle. Simultanément, le Ministère accompagne la transformationdes certains ballets d'opéras en entités indépendantes. C'est ainsi qu'apparaissent le Balletdu Rhin à Mulhouse en 1972, le ballet de Lorraine à Nancy en 1978, ou encore le balletdu Nord en 1983 à Roubaix. Enfin, le Ministère en partenariat avec plusieurs grandes villescrée de toutes pièces de nouvelles entités comme le ballet de Marseille en 1972, conçu pourRoland Petit tandis que la compagnie de Dominique Bagouet est implantée à Montpellieren 1980 et celle de Maguy Marin à Créteil en 1981. C'est à la même époque que CarolynCarlson crée le GRTOP à l'opéra de Paris.

La deuxième phase est celle de la structuration (1984-1998). Elle s'ouvre avec lacréation du label “Centre Chorégraphique National” (CCN). Cette appellation délivréepar le ministère de la Culture est donnée à des entités constituées durant la périodeprécédente mais de nouvelles implantations concertées avec les collectivités territorialessont engagées. On compte aujourd'hui en France 19 CCN avec à leurs têtes desartistes représentant une grande diversité des langages et des formes de la danse.Parallèlement, le Ministère met en place un véritable dispositif d'aides à la créationpour les équipes indépendantes qui permet de toucher une centaine de compagnies en1997. Le développement de la production chorégraphique pose alors la question de ladiffusion et de la rencontre du public. Viennent alors s'ajouter aux Maisons de la Culturepluridisciplinaires d'autres établissements de spectacles aux missions équivalentes quireçoivent des financements de l'État, fédérés en 1992 sous l'appellation scènes nationales.Certaines sont alors plus spécifiquement dédiées à la danse, comme c'est le cas de lapremière d'entres elles : la Maison de la Danse, créée en 1980, mais aussi le Théâtrecontemporain de la danse (TCD) créé en 1983. De plus, le Ministère œuvre pour la diffusionde la danse en apportant son soutien à nombre de festivals qui sont de bons vecteurs dela rencontre des œuvres de danse avec le public comme Montpellier Danse, la Biennalede la danse de Lyon, le festival d'Uzès, ou les Rencontres chorégraphiques internationalesde Seine-Saint-Denis.

La troisième phase est celle de la consolidation (à partir de 1998). La déconcentrationauprès des Directions Régionales des Affaires Culturelles (DRAC) du dispositif d'aides à lacréation chorégraphique cette année-là a permis de consolider le tissu national d'équipeschorégraphiques puisque environ deux cent cinquante compagnies indépendantesbénéficient aujourd'hui du soutien de l'État. Parallèlement, au-delà des soixante-dix scènesnationales, d'autres structures peuvent bénéficier du soutien de l'État pour leurs initiativesconcourant à renforcer la place qu'elles accordent à la danse, à travers le programme des“scènes conventionnées” mis en place en 1999. Aujourd'hui, on peut dénombrer 35 “scènesconventionnées pour la danse”. Par ailleurs, de nouvelles entités entièrement dédiées à ladanse ont vu le jour. Il s'agit des “Centres de Développement Chorégraphique” (CDC) dontla vocation est l'accompagnement des artistes en création et le développement de la culturechorégraphique. Une véritable institutionnalisation de la danse a eu lieu.

Après avoir tardé en prendre en compte la danse contemporaine dans les politiquespubliques, on assiste à la mise en place progressive d'une vraie politique de la danse àpartir de 1968 avec notamment de vraies aides à la production et à la diffusion. C'est cette

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Chapitre 1 – Les adaptations des CCN face aux mutations du secteur de la danse contemporaine,en matière de production-diffusion

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action étatique qui permet ensuite que la danse contemporaine connaisse le “boum des

années 80” 12 .

Par ailleurs, aux côtés des mesures favorisant la production et la diffusion d'œuvreschorégraphiques, une structuration de l'enseignement de la danse et notamment de ladanse contemporaine, un travail de conservation du patrimoine chorégraphique, et la miseà disposition de la danse de trois établissements nationaux (Opéra de Paris, théâtre deChaillot, Centre national de la danse) viennent compléter les dispositifs de soutien à ladanse.

b- Le rôle des CCN dans cette institutionnalisationEn 1984, Jack Lang, alors ministre de la Culture annonce lors d'une conférence de presse“Dix nouvelles mesures pour la danse” dont la première est la création des CCN. Le nouveaulabel CCN s'applique à des compagnies déjà implantées telles que celle de DominiqueBagouet qui devient le CCN de Montpellier ou celle de Maguy Marin à Rillieux-la-Pape. LeCentre National de Danse Contemporaine (CNDC) ainsi qu'onze compagnies préexistantesdeviennent des CCN. Plus tard, d'autres CCN seront créés. On compte aujourd'hui 19

CCN 13 en France, répartis sur tout le territoire français. Financés conjointement par lescollectivités locales et l'État, et d'après le texte cadre établi en 1984, ils doivent être “despôles de développement et ne pas limiter leur dynamique à leur propre action artistique. Ilsdoivent assurer au moins trois des quatre missions : création, diffusion, formation, accueil”14 . Il est également précisé que les CCN doivent s'inscrire pleinement dans la vie culturelleet chorégraphique de la région.

Les CCN sont un point clé de l'institutionnalisation de la danse contemporaine car ilspermettent non seulement au chorégraphe-directeur et à sa compagnies d'avoir les moyensde leur création, production et diffusion, qui sont les missions premières d'un CCN, maisaussi aux compagnies indépendantes de pouvoir bénéficier d'un lieu de création grâce auxrésidences et aux accueils studio. Il faut ajouter à cela les activités de formation et de pôleressource. Les CCN ont en effet ce que l'on pourrait appeler des “missions associées” desoutien aux chorégraphes indépendants, de sensibilisation des publics et de formation. Ilsdeviennent donc un bassin majeur d'emplois pour les artistes.

Le rôle des CCN est donc considérable pour le développement de la dansecontemporaine. Cependant, comme le montre le document L’Art en Présence , ces

missions sont très difficiles à remplir car les CCN manquent de moyens 15 . Alors queles CCN sont en priorité un lieu de création pour des chorégraphes contemporains, maisqu'ils possèdent souvent qu'un seul studio, remplir les missions de diffusion, formation etsensibilisation prescrites dès 1984, semble ambitieux, surtout avec des financements forts

12 AFAA (consulté le 29 juin 2009) FRETARD, Dominique. Des créatrices en rupture <http://www.ambafrance-nl.org/france_paysbas/spip.php?article455>13 Les 19 CCN sont implantés à : Aix, Angers, Belfort, Biarritz, Caen, Créteil, Grenoble, La Rochelle, Le Havre, Marseille, Montpellier,Mulhouse, Nancy, Nantes, Orléans, Rillieux, Rennes, Roubaix, Tours.14 Note interne de la DMD du 18 juin 1984 citée dans ORVOINE, Dominique. L’Art en Présence, les Centres chorégraphiquesNationaux, lieux de ressource pour la danse, Paris, ACCN, 20 mars 2006 (p16).

15 ORVOINE, Dominique. L’Art en Présence, les Centres chorégraphiques Nationaux, lieux de ressource pour la danse, Paris,ACCN, 20 mars 2006 (p14)

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restreints. Mais grâce au volontarisme et à l'investissement des équipes, ces missionssont remplies. Comme l'indique presque ironiquement l'étude L’Art en Présence :“Heureusement, le milieu chorégraphique a généralement une bonne résistance à la fatigue

et est particulièrement désintéressé sur le chapitre financier” 16 . Le volontarisme des

équipes, désireuse d'implanter la danse contemporaine au cœur de la société, est en effetfort présent comme le démontre les propos tenus par Brigitte Lefèvre :

“Le premier grand enjeu était la rencontre de l’artiste avec l’Institution et aussi lePolitique. C’était un moyen d’intégrer l’artiste à la vie sociale, à la vie de la cité. Nous avonspu implanter des Centres chorégraphiques grâce à la volonté des artistes et à la complicitédes collectivités locales. Être une institution, c’est une responsabilité. Dans la réflexion, il nefaut rien s’interdire, et toujours s’attacher au fait de savoir comment cela sert la collectivité.Une politique volontariste dans ces domaines est indispensable”

Les CCN, peu à peu, sont devenus des institutions pérennes partageant leur outilet contribuant au nombre croissant des compagnies en région. Leurs équipes sont trèssollicitées tant au niveau de la création que des actions de sensibilisation, et doiventrépondre à une demande de plus en plus importante. La stabilité de certains artistes-directeurs assure de plus la mémoire du patrimoine chorégraphique et l'accroissementde l'expérience du terrain. Ainsi ces chorégraphes prennent conscience qu'ils ont aussivocation à assurer une meilleure diffusion de la danse en France. Certains militentpour posséder une salle de spectacle, comme A.Preljocaj pour le futur Pavillon Noir duCCN d’Aix-en-Provence. Les équipes de ces Centres se sont mobilisées autour d’actionsdiverses qui aujourd’hui les placent véritablement en lieux de pôles ressources pour unerégion dans des domaines aussi divers que la formation, l’expertise chorégraphique localeou la mémoire. Ces pôles régionaux pour la danse que sont les CCN ont connu unevraie montée en puissance. En effet, qu’il s’agisse de favoriser l’emploi permanent desdanseurs, du développement d’un réseau spécifique, de préserver la mémoire de la danseou de renouveler les conditions de la rencontre entre la danse et son public, ils sontincontournables. On peut donc les considérer comme la clé de voûte de l'institutionnalisationde la danse contemporaine puisqu'ils ont un rayon d'action large et puissant. En ce quiconcerne la production et la diffusion, ils constituent des outils de soutien primordiaux tantpour les compagnies accueillies que pour le chorégraphe directeur qui bénéficie d'un lieuet d’une équipe administrative dans la durée.

3 - Affaiblissement de la dynamique institutionnelle ?La danse contemporaine, ayant bénéficié d'un soutien étatique linéaire à partir de la findes années 1970 jusqu'à aujourd'hui, s'est développée de façon exponentielle durant cettepériode, malgré les difficultés rencontrées. Cependant, cette tendance historique sembleaujourd'hui arriver à un tournant.

a – De nouvelles nominations à la tête des CCN au moment où le spectaclevivant ne semble pas être une préoccupation premièreAujourd'hui, la danse contemporaine, toujours aussi vive, entre dans une période detransition où les nouvelles générations arrivent à la tête des CCN et prennent la relèvedes chorégraphes des années 1970-80. Ainsi, en deux ans, quatre CCN ont changé dedirecteur-chorégraphe. En avril 2008, Boris Charmatz a succédé à Catherine Diverrès

16 ORVOINE, Dominique. L’Art en Présence, les Centres chorégraphiques Nationaux, lieux de ressource pour la danse, Paris,ACCN, 20 mars 2006 (p17)

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à la direction du CCN de Rennes. En février 2009, Kader Attou a été nommé directeurdu CCN de La Rochelle suite au départ de Régine Chopinot, et Mourad Merzoukia pris la tête du CCN de Créteil avec Blanca Li comme artiste associée suite audépart de Messieurs Montalvo et Hervieu. Une autre nomination est attendue auCCN de Belfort d'où Odile Duboc est partie. Les jeunes générations arrivent donc,toujours aussi créatives, avec leur projet particulier et leur langage chorégraphiquespécifique. On peut notamment citer l'entrée du hip-hop dans les CCN avec l'arrivéede Kader Attou et de Mourad Merzouki qui ont su donner à cette danse, en s’appuyantsur sa signification sociale, une écriture et une force qui en ont fait une esthétiquecontemporaine fondamentale. La proposition de projets originaux comme celui du“Musée de la danse” 17 de Boris Charmatz ou celui “d' un projet artistique ouvertsur le monde et sur la pluralité des langages chorégraphiques” 18 de Mourad Merzoukiet Blanca Li sont aussi à souligner.

Cependant, alors que la vitalité de la danse contemporaine est toujours aussiprésente, le mouvement de soutien que connaît cet art depuis les années 80 sembles'essouffler, ne s'inscrivant pas parmi les priorités du gouvernement. Le Syndeacdéclare en effet : “Depuis plusieurs années, les conditions ne sont plus réunies pourque le Président de la République et le Premier Ministre revendiquent la place centralede l'art dans la société” 19 et déplore le manque de volonté politique pour accroîtreles moyens dédiés à la danse. Il semble qu'il n'y ait plus ce mouvement vers l'avantde soutien à l'art chorégraphique, et que pour suivre et appuyer l'actuelle dynamiquecréatrice, l'État doive réformer l'ensemble du système en interrogeant les dispositifsagglomérés depuis 50 ans. C'est également la position que prend le rapport Latarjetexpliquant que les modèles institutionnels ont vieilli et qu'ils ne correspondent plusà la réalité artistique et sociale du terrain 20 . Or, l'État ne semble pas se donner lesmoyens d'avoir une véritable action culturelle. Comme l'indique le rapport Latarjet,“l'État perd toute marge de manœuvre nécessaire pour faire face à de nouveauxenjeux” 21 culturels.

Et la situation est encore plus dramatique pour la danse. Initialement très bas(0,9 % du budget du ministère des Affaires culturelles), les crédits accordés à ladanse sont multipliés par 4 entre 1980 et 1987, passant de 11,29 millions de francsà 46,16 millions de francs, puis à 57,97 millions de francs avec l'arrivée deBrigitte Lefèvre à la délégation danse en 1988 qui arrive, en 4 ans, à doubler lebudget création-diffusion. Cependant ces montants ne représentent alors que 10 %du budget musique. En 1997, le budget danse atteint 170,30 millions de francs maisn'équivaut toujours qu'à 9 % du budget musique. Et la situation n'a guère changéaujourd'hui puisque le budget danse ne représente qu'environ 12 % du budgetmusique. L'aide croissante apportée à la danse contemporaine semble s'achever,or son institutionnalisation n'a pas rattrapé son retard par rapport aux autres

17 La danse.com blog (consulté le 5 mai 2009) MADALA, Philippe. A qui le tour ? 6 mai 2008 <http://www.ladanse.eu/spip.php?article144>18 Accrorap (consulté le 5 mai 2009) Nomination de Kader Attou<http://www.accrorap.com/spip.php?article151>

19 Syndeac. La politique nationale de la danse en éclats, 2000 (annexe 3).20 LATARJET, Bernard. Pour un débat national sur l’avenir du spectacle vivant, chapitre Constats et enjeux, Paris,

avril 2004.21 LATARJET, Bernard. Pour un débat national sur l’avenir du spectacle vivant, chapitre Constats et enjeux, Paris,

avril 2004.

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disciplines culturelles. La production et la diffusion de la danse contemporaine ensouffrent donc particulièrement.

b – Un texte cadre fixant des objectifs pour les CCN en élaborationHistoriquement, les CCN se sont structurés sans cadre précis et ont organisé librementleurs missions. En effet, dans un premier temps, devant une absence de cahier descharges précis, les chorégraphes-directeurs des CCN ont dû complètement inventer leurfonctionnement. Les CCN ont été imaginés comme le pendant des Centres DramatiquesNationaux (CDN), mais contrairement à ces derniers ils n’ont pas de texte cadre et nesont donc pas liés par contrat au ministère de la Culture. Ils sont liés aux collectivités

locales par un financement « à parité » assez vague (« un montant suffisant 22 ») mais

très inférieur à celui des CDN. Malgré cela, dès la fin des années 80, la crise sur la valeuraccordée à la culture alourdit considérablement les missions des CCN. À partir de 1992,la culture doit se justifier par son impact social. Il est alors demandé aux CCN d'avoir uneplus forte action d'animation culturelle, ce qui entraîne une multiplication de leurs missions.Ils développent en effet des actions concertées sur la ville, des actions de sensibilisationdes publics défavorisés, des formations permanentes de professeurs, des spectacles pourenfants, et, à partir de 1998, des accueils studios. Les CCN s'ouvrent, développent leursmissions sans cadre précis, et souffrent largement du manque de moyens qui leurs sontaccordés, de façon plus ou moins prononcée selon les CCN qui recoupent des réalitésdifférentes selon les régions. Tel que l'indique l'étude de l'ACCN L'Art en présence , cettesituation floue aboutit à une situation difficile en 2000 :

«Or, comme on a pu le constater dès leur création en 1984, non seulement le cadre estflou mais il englobe tout. L’ensemble de ces difficultés qui ne sont, comme on l’a perçu, queles conséquences logiques des bases de départ, conduit dans les années 2000 à ce quel’on appelle alors « la crise des CCN ». En effet, certains chorégraphes, lassés par l’ampleurd’une mission impossible décident de partir. D’autres se voient remplacés. Soudain, l’onsemble découvrir que l’institution CCN recoupe des réalités différentes, des missions floues,des esthétiques contrastées... »

Cet état des lieux pousse les politiques et les professionnels du milieu à se pencher surla rédaction d'un texte cadre afin de définir plus précisément le label CCN : ses missions, sesfinancements, sa structuration. Ce texte cadre est actuellement en cours d'élaboration, enconcertation avec les CCN et les politiques. C'est donc une vraie chance pour ces structures.Mais c'est aussi un risque. Par exemple, Hélène Joly, coordinatrice de l’ACCN, pointe le faitque le texte socle pour les labels en rédaction à Valois rende, pour l'instant, la délabellisationpossible. Ainsi, une structure ne remplissant pas un des critères de son texte cadre pourraitêtre délabellisée et perdre ses moyens. Selon elle, cela pourrait être le cas pour le CCN deBelfort qui n'a toujours pas trouvé de direction et où le paysage du spectacle vivant est entrain d'être totalement ré envisagé

En terme de production et diffusion, le risque est l'imposition d'objectifs chiffrés netenant pas compte des disparités et particularités des CCN. Il s'agirait d'une logique nouvellepour les CCN. En introduisant des objectifs et une pression du chiffre dans un domainerégi par des logiques artistiques, il ne faudrait pas arriver à influencer trop fortement lacréation, et à l'extrême, à la formater. Les artistes pourraient en effet se retrouver ensituation de devoir créer des pièces à un rythme différent du leur et surtout ayant des

22 ORVOINE, Dominique. L’Art en Présence, les Centres chorégraphiques Nationaux, lieux de ressource pour la danse, Paris, ACCN,20 mars 2006 (p16)

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thèmes et des formats correspondant aux modes du moment, dans le seul but d'atteindreun chiffre de diffusion et de maintenir leur financement. Où serait leur liberté de création ?Les chorégraphes risqueraient de se retrouver dans une position opposée à leur logiqueartistique : eux qui tendent souvent à faire valoir d'autres valeurs que celles du marché dansla société se retrouveraient tenus de respecter des chiffres et des logiques de résultats etrentabilité. Une institutionnalisation de la danse dans cette voie deviendrait une véritablecontrainte et non plus un soutien. C'est pourquoi, pour Brigitte Lefèvre, il paraît primordialde respecter les spécificités artistiques de chacun dans la rédaction de ce texte cadre :

“J’étais attachée à l’idée de poser des grands axes sans enchaîner lesartistes pour laisser des espaces de liberté à chacun. Il faut savoir rester dansl’organique et je suis parfois inquiète des automatismes appliqués au détrimentd’un « sur mesure» selon les lieux, l’artiste… J’entends le souhait actuel formulépar les chorégraphes de préciser les cadres de leurs missions et mandats. On sedoit d’avoir un contrat mais sans le figer, à condition de concertations préalables

avec les artistes, et au sein des conseils d’administration.” 23

Jean-Marc Urréa, directeur délégué du CCN de Montpellier, affirme également cettenécessité d'élaborer un texte cadre souple qui permette à l'artiste de définir son projet entoute liberté :

“Le projet ne s'établit pas sous injonction, mais dans un cadre de fonctionnement. Sion est dans une logique de projet d’un artiste, cela fonctionne. Le projet doit être pensé enfonction du territoire et du contexte.”

c- La RGPP ou comment résister au redéploiement des créditsBien qu'un texte cadre vienne prochainement appuyer l'activité des CentresChorégraphiques, le soutien au spectacle vivant ne semble plus figurer parmi les prioritésde l'État et cette tendance se confirme avec la mise en place de la révision générale despolitiques publiques (RGPP) initiée à l'arrivée de N.Sarkozy à la présidence.

La RGPP est une réforme de l'État au travers de 374 décisions adoptées lors de 3conseils de modernisation des politiques publiques qui ont eu lieu entre décembre 2007et juin 2008, et organisées autour de six axes. Tous les ministères sont concernés. Pource qui est du ministère de la Culture et de la Communication, et plus particulièrement despolitiques publiques concernant le spectacle vivant, les constats sont inquiétants et affichentun certain retrait de l'État, comme si un mouvement de marche arrière s'opérait. En effet, ledeuxième rapport d'étape, présenté le 13 mai 2009 définit la RGPP appliquée au ministèrede la Culture comme une réforme visant à “réaliser des économies au sein du Ministère,

grâce à une plus grande sélectivité des interventions” 24 . Par ailleurs, selon le Syndeac, le

budget 2010 du spectacle vivant est annoncé en baisse de 35 millions d'euros, par rapport

au budget 2009, dans la loi de programmation 2009-2011 25 . La rentrée s'annonce doncdifficile pour toutes les entreprises culturelles. Or, selon le secrétaire général de la CGT-

23 ORVOINE, Dominique. L’Art en Présence, les Centres chorégraphiques Nationaux, lieux de ressource pour la danse,

Paris, ACCN, 20 mars 2006 (p22)24 Le deuxième rapport d’étape, rendant compte mesure par mesure de l’état d’avancement de la réforme, a été présenté en

Conseil des ministres par Eric Woerth, le rapporteur général de la RGPP, le 13 mai 2009.25 Syndeac, communiqué aux adhérents du 12 juin 2009 (annexe 4)

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Culture, Nicolas Monquaut : "La culture représente à peine 1 % du budget de l'État. Leséconomies qui résulteront de la RGPP auront un impact ridicule sur la dépense, mais les

conséquences sur la vie culturelle peuvent être catastrophiques." 26 En effet, ces réductions

importantes des soutiens financiers risquent d'avoir un impact considérable puisqu'ellesarrivent dans un contexte général de baisse des moyens, en ce qui concerne la productionpar exemple. Comme l'indique H.Joly, à l'appui d'une étude du Syndeac non encore publiéesur le spectacle vivant, on s'aperçoit que sur la globalité, les scènes nationales sont moinssubventionnées par l'État et s'impliquent donc moins dans les coproductions. Il s'agit d'un

vrai problème, qui affecte notamment les CCN 27 .Devant les inquiétudes suscitées par la RGPP et le mouvement de revendications lancé

par le milieu de la culture par l'appel “Sauvons la culture” en avril 2008, la ministre de laCulture de l'époque, Christine Albanel a obtenu un report de l'application de la RGPP pourle secteur de la Culture et sa mise en place progressive après les entretiens de Valois,c'est-à-dire après une période de concertation et préconisation des professionnels du milieuafin de préciser le rôle de chacun dans le développement d’une politique nationale pour lespectacle vivant.

Cependant, les difficultés ne sont pas écartées car, parallèlement aux entretiens deValois, la rédaction actuelle d'un texte socle envisage la délabellisation de manière plus

simple qu'avant. Or, comme nous l'avons vu 28 , il est difficile pour certains CCN de respecterdes directives qui vont à l'encontre de leur logique artistique ou de leur taille, des disparitéshistoriques importantes existant entre les CCN. La délabellisation d'un CCN entraîneraitune réduction drastique des subventions qui lui sont accordées et remettrait notamment enquestion les moyens de production et diffusion dont il dispose.

B) La création de l'ACCN : une voix pour les CCNLes CCN, face aux défis qui se profilent (notamment pour leur production-diffusion) avec laréorganisation du secteur, se sont regroupés au sein d'une association pour faire entendreleur voix auprès des politiques.

1 - Mise en réseau des CCN dans l'ACCN pour relever les défis qui seprésentent aux CCN

a- Genèse de la mise en réseau de CCN très différentsLes CCN ont décidé de s'unir dans une association afin de mieux se connaître et de défendreleur label. L'Association des Centres Chorégraphiques Nationaux (ACCN) a été créée àCaen en 1995, à l'issue d'une réunion des directeurs chorégraphes des CCN, organiséeà l'initiative de Karine Saporta, alors directrice du CCN de Caen. Le but de l'ACCN estalors d'échanger sur l'identification, l'évolution et la réalisation des missions des CCN. Cetteréflexion est mise en perspective avec le champ des politiques publiques en faveur de lacréation, de la diffusion et du développement chorégraphiques en France.

26 FABRE, Clarisse. Le Monde, La réforme du ministère de la Culture provoque de fortes inquiétudes, 20 décembre 2007.27 Entretien : L'ACCN et les enjeux politiques (18 mai 2009) [notes]. Hélène JOLY, coordinatrice de l’ACCN (p 1).28 Partie sur le texte cadre (b), p 14 du mémoire.

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Comme l'explique plus précisément Jean-Marc Urréa : “l'ACCN a un double intérêt :elle est un moyen d'engager un travail politique et un travail technique. Elle a finalement

une action similaire à celle d'un syndicat.” 29 Le travail politique est intéressant car les

CCN ont une tutelle commune : celle de l'État. Et au niveau technique, la mutualisationdes expériences et des informations est un grand gain de temps et de travail : lesquestions économiques, sociales, juridiques et fiscales étant en constante évolution.Ilsemble donc intéressant et important qu'ils puissent réfléchir conjointement sur les mêmesproblématiques et partagent leurs expériences. D'ailleurs, un travail de grande envergure aété fait de 1997 à 1998 et s'est soldé par un temps de présentation publique. Ce travail a étémené par la personne en charge de la danse au Syndeac, l'ACCN et le collectif du 20 août.Ce collectif était constitué de nombreux chorégraphes indépendants, de danseurs, maisaussi de théoriciens, d'enseignants dans le domaine de la danse. Certains parmi eux serévèleront être de futurs directeurs chorégraphes de CCN comme Emmanuelle Huynh. Ons'aperçoit donc que la réunion des CCN au sein d'une association, dès sa création, possèdeun certain poids capable de mobiliser, d'améliorer et dynamiser, à terme, le fonctionnementdu secteur de la danse contemporaine, en étant une force d'analyse et de proposition.

Pour Hélène Joly, la création de l'ACCN a permis l'union des directeurs pour défendre

leur label 30 . En effet, cette association leur permet alors d'acquérir une meilleure visibilité et

un poids significatif auprès des tutelles, à l'heure où la voix de la danse est peu représentéeet peine à se faire entendre, même auprès des syndicats. À ce jour, les 19 CCN sontmembres de l'ACCN et versent annuellement une cotisation.

Cependant, il n'a pas été facile de réunir des CCN très différents, tant au niveaude l'artistique, que du fonctionnement, ou de la taille. Car au-delà des problématiquescommunes, il existe des questions plus complexes d’ordre individuel, chaque CCN étanten lien avec des collectivités territoriales. Depuis la création de l'ACCN, il y a d’ailleurseu régulièrement des entrées et des sorties des CCN de l'association. Mais un vrai effortde cohésion est entrepris par les CCN pour améliorer leurs moyens, comme ceux de laproduction et de la diffusion :

“Il y a une chose assez claire dans ACCN : on met de côté, dans chaque réunion,tout aspect particulier. Les problématiques sont liées au label malgré l'énormedifférence qu'il peut exister entre les structures sur le terrain. On essayed'adapter les textes, et notre positionnement en fonction des situations des CCNqui sont extrêmement différentes. C'est complexe, mais des consensus sont

trouvés. C'est une posture qui est claire quand même.” 31

b- Après le faste des débuts : ralentissement de l'action de l'ACCNDès sa création, l'ACCN, portée par la volonté des chorégraphes, se met à la tâche. En1997, un grand travail d'étude du secteur chorégraphique est lancé. Il s'agit d'analyser lemilieu de la danse contemporaine, son fonctionnement, ses forces et ses faiblesses, afin depouvoir analyser les outils dont a besoin le secteur pour s'épanouir et de les revendiquer.Ce travail est réalisé par l'association du collectif du 20 août, un autre groupement important

29 Entretien : Le CCN de Montpellier et ses tutelles (12 juin 2009) [notes]. Jean-Marc URREA, directeur délégué du CCN deMontpellier (p 1).

30 Entretien : L'ACCN et les enjeux politiques (18 mai 2009) [notes]. Hélène JOLY, coordinatrice de l’ACCN (p 3).31 Entretien : L'ACCN et les enjeux politiques (18 mai 2009) [notes]. Hélène JOLY, coordinatrice de l’ACCN.

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de l'époque composé d'administrateurs et de chargés de production et l'ACCN. Ces troisgroupes collaborent ensemble sur ce projet pendant deux ans et sont coordonnés par unl'élément central : Catherine Girard, chargée danse au Syndeac et qui souhaitait impliquerle syndicat dans cette réflexion. L'ACCN, ainsi que ses partenaires, s'est alors révélée êtreune vraie force de propositions. Ce travail s'est d'ailleurs soldé par d'importantes retombéespolitiques pour le secteur. En effet, Catherine Girard a été nommée inspecteur de la danseauprès du Ministère et quelques années après, des mesures importantes ont été prises enfaveur de la danse. Selon, Jean-Marc Urréa :

“ On a alors assisté à une chose extraordinaire. Le 19 décembre 2001, laconférence de presse de Catherine Pasca a été énormément axée sur la danse. Ils'agissait presque d'une conférence de presse monothématique. Elle met alorsen place au ministère de la Culture un certain nombre de dispositifs pour la

danse qui n’existaient pas auparavant. 32 ”

En effet, il est plutôt hors du commun que le ministre de la Culture s'attache à un art enparticulier. Elle annonce dès le début de la conférence : “La fin d'année est une bonneoccasion (…) de mesurer ensemble le chemin parcouru dans le domaine de la danse et

de vous dire très simplement mon attachement à votre art” 33 . Elle énumère plus tard les

dispositifs phares mis en place pour la danse, parmi lesquels, concernant la production : uneaide spécifique à l'écriture sans obligation de spectacle et une aide aux studios. De plus,dans le dossier récapitulant les nouvelles mesures mises en place, une partie est dédiée à laconsolidation des CCN, présentés comme des “lieux de création repérés au niveau national

et international”, des “pôles de référence” 34 et auxquels 2,8 millions d'euro supplémentaires

sont accordés. Un vrai saut est donc fait en terme de soutien étatique.La mise en place de ces dispositifs pour la danse est à attribuer aux travaux qui avaient

été engagés, Catherine Girard s'étant “complètement saisie des travaux effectués avant son

entrée au Ministère” 35 .

Mais à cette période grande effervescence, une période “tranquille” selon J-M Urréa,voire “moribonde” d'après H.Joly démarre. Les différends ressortent, certains CCN quittentl'ACCN, comme Montpellier ou deLa Rochelle. Mais une activité de fond continue pourl'ACCN avec une moyenne d'une réunion par mois.

c- Le renouveau face à la RGPP ?Au milieu des années 2000, l'ACCN retrouve une activité dynamique. Est-ce dû à laréorganisation latente du ministère de la Culture et de la Communication avec la RGPP ?Oui et non si l'on en croit la coordinatrice de l'ACCN pour qui il s'agit d'un ensemble defacteurs. On peut distinguer, d'une part, le désir de l'ACCN de vouloir démontrer l'efficacitédes CCN dans l'accomplissement de leurs missions variées malgré le manque de moyens,et leur importance pour le secteur de la danse contemporaine, notamment en terme de

32 Entretien : Le CCN de Montpellier et ses tutelles (12 juin 2009) [notes]. Jean-Marc URREA, directeur délégué du CCN de

Montpellier (p 1).33 Allocution de Catherine TASCA. Rencontre Danse, 19 décembre 2001 (annexe 5).34 TASCA, Catherine, Rapport de synthèse : Une nouvelle étape de la politique en faveur de la danse, 2001 p 13 (annexe 6).

35 Entretien : Le CCN de Montpellier et ses tutelles (12 juin 2009) [notes]. Jean-Marc URREA, directeur délégué du CCN deMontpellier (p 1).

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production et diffusion. En effet, face à une “crise des CCN” annoncée dans les médias en2004, l'ACCN souhaite réagir et affirmer, entre autres, la vitalité de production et de diffusion

des CCN, en publiant une étude intitulée L'Art en présence 36 . Il s'agissait alors de

publier un “Manifeste des CCN”, basé sur une étude statistique réalisée de janvier à mai2005, complétée par une série d'entretiens.

D'autre part, l'élection en mars 2008 d'un nouveau bureau présidé par EmmanuelleHyunh a donné un nouvel élan dans l'association. Tous les CCN rejoignent ou retrouventalors l'ACCN, des groupes de travail par domaine sont créés, tels que le groupe 1 deproduction et diffusionou le groupe 3 de relations publiques. Un poste de coordinateur,assuré actuellement par Hélène Joly est alors créé. Les chantiers techniques et politiquesconcernant les CCN sont alors entrepris et menés avec plus d'efficacité qu'auparavant,grâce à cette nouvelle organisation. L'ACCN et les CCN en tant que réseau ont gagnéen visibilité (bénéficiant d'une permanence) et en poids politique. L'ACCN est alors moyenefficace de défendre leur label. En effet, dès son arrivée, Hélène Joly doit rédiger un texte deproposition concernant les CDN pour finir un travail entamé par les groupes qu'elle transmetà la DMDTS. L'arrêté du texte cadre reprendra finalement complètement son propos. Lespoints cruciaux de la négociation avaient été acceptés au niveau de la délégation. Par la

suite, de nombreuses propositions de l'ACCN seront prises en compte par la DMDTS 37 .Ce renouveau dans l'activité de l'ACCN est ensuite accentué par la mise en place

de la RGPP. En effet, le ministère de la Culture entrant dans une logique d'évaluation abesoin de nombreuses études sur le secteur culturel et multiplie donc les demandes auprèsde l'ACCN. D'autre part, la DMDTS surveille de près les travaux lancés par l'ACCN etsaisit les analyses le plus intéressantes. L'ACCN, bénéficiant d'une montée en puissancepolitique, entreprend la défense du label CCN et du secteur de la danse contemporaine, etrenforce son action. Face aux inquiétudes qu'engendre la RGPP, notamment en matière deproduction et diffusion de l'art chorégraphique, l'ACCN tente de faire en sorte que la RGPPsoit la plus adaptée possible à l'activité des CCN. Elle s'attaque aux dossiers politiquesconcernés par le rapport de fin des entretiens de Valois sur « La place et le rôle et de l’Étatdans la politique publique en faveur du spectacle vivant ». Ce dossier reprend tous lescadrages que le Ministère souhaite apporter envers toutes les structures labellisées, telsque les CCN.

2 - La nécessité d'outils d'observation pour la production/diffusionL'étude actuellement réalisée par le groupe 1 de l'ACCN sur la période 2004-2008 s'effectuedans le contexte que l'on vient de décrire. Les CCN sont désireux d'établir un état des lieuxde leur activité de production-diffusion des pièces des chorégraphes-directeurs.

a- Peu d’outils existants36 “Il est alors apparu indispensable à l’Association des Centres chorégraphiques nationaux (ACCN) d’affirmer et de revendiquerles qualités et la vitalité des activités de création, de production, de diffusion, de recherche et de formation menées par les CCN, etcela à travers la diversité de leurs projets artistiques, culturels et politiques. L’ACCN a alors pris l’initiative de mettre en oeuvre unprojet d’étude, d’analyse et de réflexion, annoncé lors d’une conférence de presse au cours de la Biennale de la danse de Lyon le25 septembre 2004, questionnant les missions et engagements des CCN, et devant aboutir à une publication au cours de la saison2005/2006.”ORVOINE, Dominique. L’Art en Présence, les Centres chorégraphiques Nationaux, lieux de ressource pour la danse,Paris, ACCN, 20 mars 2006.

37 Entretien : L'ACCN et les enjeux politiques (18 mai 2009) [notes]. Hélène JOLY, coordinatrice de l’ACCN : “il y a tout untas d'autres sujets acceptés comme ça”.

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La danse a du mal à se faire entendre car elle dispose de peu d'outils d'analyse, commel'indique Hélène Joly : “On a vraiment un problème d'outils d'observation. C'est pareil pour

tous les labels.” 38 Et ce constat semble d'autant plus vrai si l'on s'attache à la production-

diffusion des CCN, secteur pour lequel aucun dispositif d'évaluation n'a été mis en placedans le cadre de leur conventionnement.

Les CCN souhaitent présenter des statistiques probantes et basées sur une méthodeadaptée à leur mode de fonctionnement pour pouvoir défendre leur activité de production-diffusion, sachant qu'à ce jour aucune étude approfondie sur ce sujet n'existe.

Il y a bien trois études réalisées par le ministère de la Culture et le Département desEtudes et Prospectives Statistiques (DEPS). La première intitulée “Statistique de la culture– chiffres clés” traite du spectacle vivant et de la danse, mais une seule page concerne lesCCN contre trois pour les opéras, et les seules indications précisées en terme de diffusionsont le nombre des représentations données dans l'année avec comme unique détail leurlieu (région d'implantation – reste de la France – étranger). Quant à la production, ellen'est pas abordée. Cette étude est annuelle, mais aucune analyse de tendance de fondn'est faite au-delà d'une comparaison avec l'année précédente. La seconde est celle deL' Art en Présence . Elle vient apporter des éléments plus précis concernant la production

et la diffusion des CCN, allant même jusqu'à détailler des sous-groupes parmi les CCN 39

et complétant les données statistiques par des indications qualitatives issues d'entretiens.Cependant, un certain nombre de paramètres ne sont pas abordés, comme le degréd'engagement et l'origine des coproducteurs pour la production ou le format des piècesdiffusées pour la diffusion. Par ailleurs, cette étude n'analyse pas de tendance, les donnéesutilisées ayant été collectées sur 4 mois. Enfin, l' Art en présence a été réalisé par l'ACCNmais date de 2005 et aucun document ne donne une analyse actuelle de cette activité.La troisième n'est pas encore publiée et concerne seulement le domaine de la dansecontemporaine de façon générale.

b – L'étude du groupe 1 : un vrai enjeu à l'annonce d'un texte cadrepermettant la délabellisationL'étude menée par le groupe 1 consiste à évaluer, en amont de toute décision politique,l'activité réelle de production et diffusion des CCN. L'ACCN veut créer un outil performantpour défendre leurs structures. Il paraît important que les CCN affirment leur position, ens'appuyant sur des données solides, précises et adaptées permettant de montrer les pointsforts et les lacunes des CCN dans le domaine. Les indicateurs doivent découler des réalitésdu terrain et non être imposés comme actuellement. De plus, il faut également combattreles idées préconçues comme « les spectacles de danse ne tournent pas », et rester dansla logique artistique malgré les contraintes économiques.

La délégation de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles (DMDTS) esten charge de l'écriture du texte cadre des CCN, et doit préciser les grandes lignes deleurs missions artistiques, les cadres juridiques des nominations, les obligations sociales etéconomiques liées à leurs responsabilités. Afin que l'utilisation des subventions accordéessoit optimum, la DMDTS va dans le sens d'imposition de contraintes fortes, et en faisantpeser une menace de retrait des subventions en cas de non atteinte d'objectifs exigeants.

38 Entretien : L'ACCN et les enjeux politiques (18 mai 2009) [notes]. Hélène JOLY, coordinatrice de l’ACCN,39 ORVOINE, Dominique. L’Art en Présence, les Centres chorégraphiques Nationaux, lieux de ressource pour la danse, Paris,

ACCN, 20 mars 2006 (p 86)

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Chapitre 1 – Les adaptations des CCN face aux mutations du secteur de la danse contemporaine,en matière de production-diffusion

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Le Syndéac déclare “La DMDTS travaille plutôt dans le sens de la RGPP, en énonçant uneliste considérable de missions, avec une batterie d'indicateurs, et en prévoyant surtout des

modalités de retrait du label et des baisses de subventions.” 40

Il existe donc une vraie nécessité, pour les CCN, d'avoir des outils performants. Commece fut le cas lors de l'étude sur les relations publiques des CCN, il faut des données précisespour être entendu des pouvoirs publics et arriver à une collaboration efficace pour tous.Hélène Joly indique :

“le bureau d'observation de la DMDTS, intéressé par un tel travail, a été alerté.La directrice a voulu mettre en place un questionnaire, et l'a fait passé. Maisil ne correspondait pas du tout à nos pratiques, du coup, on a retravaillé lequestionnaire en collaboration avec eux, et on arrive en ce moment à faire passel'idée d'une approche qualitative des choses, d'une manière de fonctionnerparticulière, d'une méthodologie adaptée”.41

Si une étude est menée sur des indicateurs non adaptés, elle aboutit bien sûr à desconclusions erronées, sur lesquelles ne doit pas s'appuyer une politique publique. L'étudemenée par le groupe 1, malgré les limites qu'elle peut avoir, est fondée sur un protocoleélaboré par les responsables de production-diffusion de CCN quotidiennement confrontésaux réalités de cette activité. Elle est l'aboutissement d'une initiative interne et représentedonc un outil adéquat pour arriver à réussir l'obtention d'un texte cadre cohérent avec lesactivités de production-diffusion des CCN, car le retrait du label provoquerait des dommagesimportants pour ces structures qui ont un rôle clé dans le domaine de la danse. Comme lesouligne J-M Urréa : “Le label change beaucoup de choses. Il s'agit d'une reconnaissancenationale, d'une sorte de garantie. Et les moyens accordés par l'État sont donc beaucoupplus importants”. Sans ce label, l'action des CCN se retrouverait dramatiquement réduite.

À ce jour, aux vues des chiffres récoltés auprès des CCN, il paraîtrait cohérent deproposer un texte cadre imposant la réalisation de 2 créations sur un mandat de 3 ans. En

ce qui concerne la production, on pourrait penser à 70 représentations sur 3 ans 42 .De plus, cette étude a laissé apercevoir son potentiel puisqu'elle a, avant sa finalisation,

eu quelques retombées. Devant les graphiques montrant clairement la baisse dans letemps, des aides de Culturesfrance à l'exportation des pièces des CCN et l'augmentation

tout aussi significative du nombre de représentations à l'étranger 43 , les responsables de

Culturesfrance ont affirmé qu'ils accorderaient dorénavant des crédits directement pour ladiffusion des CCN, à côtés de ceux déjà existant pour la diffusion de la danse en général.

Enfin cette étude du groupe 1 est aussi un outil d'observation pour les CCN eux-mêmes,leur permettant de savoir qu'elles sont les réalités de leur production-diffusion, ce qu'ilspeuvent améliorer et quels sont leurs besoins. Cette évaluation est primordiale dans le cadre

du plan de relance promis par le Président de la République le 23 mars dernier 44 .

40 Syndeac, communiqué aux adhérents du 12 juin 2009 (annexe 4)41 Entretien : L'ACCN et les enjeux politiques (18 mai 2009) [notes]. Hélène JOLY, coordinatrice de l’ACCN (p 4).

42 Proposition d'indicateurs à partir de l'observation de l'activité des CCN.43 Cf annexe 7 : « Graphique Evolution des aides de Culturesfrance et des représentations des CCN à l’étranger ».44 Syndeac, communiqué aux adhérents du 12 juin 2009 (annexe 4)

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II - Une évolution paradoxale de la production-diffusion des CCN

La production-diffusion des CCN semble résister aux transformations du milieu, mais cettetendance est contrastée.

A) Une production croissante favorisée par l'outil CCN, mais fragiliséepar les contraintes du secteur

1 - Volume des productions constant qui cache des disparités entre les CCN

a- Volume des productions stable grâce aux atouts de la structure CCNLes données collectées montrent que la production des CCN est importante et relativementstable. Le nombre de productions varie très peu par année et la légère croissance observéeentre 2004 et 2005 est à nuancer car rien n'est comptabilisé, dans l’étude de l’ACCN en2004 pour les CCN de Belfort, Caen et Roubaix car ils s’agissaient de créations de leursanciens directeurs. Malgré cette régularité de production, on observe une légère baisse en2008, qui est donc à surveiller. Chaque année, environ 25 pièces sont produites par les 16CCN concernés, soit une moyenne de 1,6, chiffre relativement important.

Cette dynamique productive est à relier directement avec la structure CCN qui offreaux chorégraphes un cadre privilégié. Les CCN disposent de moyens matériels, humains etfinanciers pleinement adaptés aux productions chorégraphiques. Ils bénéficient d’au moinsun studio de grande taille équipé d’un plancher adéquat, d’un parc de matériel technique, debureaux, d’une équipe permanente (composée d’administratifs, de techniciens, et parfoisde danseurs), d’un soutien financier substantiel et durable des collectivités territoriales etde l’État, et souvent de recettes propres.

Ces conditions de production sont sans équivalent dans le domaine de la danseen France et permettent une qualité et un rythme de production que les chorégraphes

indépendants n’ont pas. Comme le fait remarquer H.Joly 45 , avoir un lieu adapté àdisposition est un luxe que possède le chorégraphe directeur de CCN sachant que le restedes compagnies voit son budget de production grevé par la location d’un studio ou doitfaire des demandes à plusieurs endroits (notamment les CCN). Il dispose finalement d’unlieu de production pendant une période réduite, et sans forcément d’accompagnement(administratif, technique,…). Bénéficier d’un lieu et d’un accompagnement permanents estun atout considérable :

“Ces lieux sont l’exacte alternative au nomadisme propre à de nombreuxartistes, accordanttemps et espaces aux danseurs et chorégraphes, mais aussiconfrontant lesréalités de la création avec celles de son environnement.Bâtir ethabiter un lieu, c’est signifier une permanence et la pérennité d’outils de création,

45 Entretien : L'ACCN et les enjeux politiques (18 mai 2009) [notes]. Hélène JOLY, coordinatrice de l’ACCN (p 9).

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Chapitre 1 – Les adaptations des CCN face aux mutations du secteur de la danse contemporaine,en matière de production-diffusion

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un bien commun et ouvert à l’espace public, au delà même des artistes qui leur

on donné existence ou l’ont investi un moment.” 46

Depuis 1984, les CCN ont bénéficié de travaux afin de disposer de lieux en accord avec leursmissions de création et de diffusion. Les plus beaux exemples sont l’arrivée des CCN dansdes lieux du patrimoine réhabilités comme le CCN de La Rochelle à la Chapelle Fromentin(1992) ou la construction de bâtiments spécifiques et ultramodernes comme le Pavillon Noirpour le CCN d’Aix (2006) permettant de mener le processus de production en intégralité,

du studio à la scène 47 .Une vraie permanence a été apportée aux artistes par l’institution CCN ce qui leur

permet d’avoir une production stable, importante, et bien sûr de qualité. Ils bénéficient en

effet de la durée du soutien financier et matériel 48 , ce qui est fondamental

49 , et peuventainsi retravailler leurs pièces : “Je veux briser la forme du spectacle, le côté figé de lapartition. Je rêve de travailler sur une oeuvre pendant des années et de la faire évoluer endevenant maître de mon propre temps de travail.” Josef Nadj.

b – La stabilité de la production permet un soutien à l'emploi artistique

46 ORVOINE, Dominique. L’Art en Présence, les Centres chorégraphiques Nationaux, lieux de ressource pour la danse,

Paris, ACCN, 20 mars 2006 (p 60).47 ORVOINE, Dominique. L’Art en Présence, les Centres chorégraphiques Nationaux, lieux de ressource pour la danse, Paris, ACCN,20 mars 2006 (p 62).

48 DEPS, ministère de la Culture. Rapport d’activité 2004, DEPS, Paris, 2004 (p 15).49 MARTIN, Judith. Comment mieux accompagner les artistes ? De la production à la diffusion, Paris, ONDA, 2006.

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Comme le montre le graphique ci-dessus, la production des CCN est dominée parles pièces de grand format. Seulement 11 % des pièces créées en 5 ans comptaient unetrès petite équipe artistique (moins de 5 personnes) et 33 % des pièces étaient de formatmoyen, alors que plus de 45 % des productions comptaient des équipes constituées de 10personnes et près de 20 % étaient créées par des groupes de plus de 20 personnes. Deplus, le nombre de pièces nécessitant une grande équipe de production va en augmentant.De 2004 à 2008, on observe une stabilité du nombre de productions des CCN alors que le

nombre de personnes apparaissant au générique augmente 50 . Cela démontre que les CCNsont une source importante d’emplois artistiques et que ces derniers sont en croissance.Ce constat est valable autant durant la période de création que celle de la diffusion (unepartie de l’équipe artistique partant en tournée). L’emploi artistique représente le premier

50 Ils passent de 270 personnes en 2004 à 623 personnes en 2008 : cf annexe 8 : graphique Evolution du nombre de productionsdes CCN et d’emploi de personnes (2004-2008)

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Chapitre 1 – Les adaptations des CCN face aux mutations du secteur de la danse contemporaine,en matière de production-diffusion

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poste d’emploi des CCN 51 . D'ailleurs, Catherine Tasca avait annoncé la consolidation du

réseau dans la perspective de renforcer le soutien à l’emploi 52 .

L’emploi artistique des CCN prend en réalité deux formes : celle de la permanence etcelle de la permittence. La réalité de l’emploi est en effet très contrastée selon les CCN.D’après l’étude l’ Art en Présence :

“89 % des emplois permanents sont employés par cinq CCN, revendiquant tousl’identité de ballets de création et de répertoire. Six CCN dirigés par un artistechorégraphe contemporain mixent les deux statuts, cela variant de 1 à 5 artistespermanents. Enfin six CCN n’ont aucun emploi d’artiste permanent.”53

Le choix que fait chaque CCN concernant les modalités d’emploi de ses équipes artistiquesdépend non seulement de logiques et contraintes économiques, mais aussi de logiquesartistiques et d’une vision particulière du métier d’artiste. Ainsi, alors que le Syndeacs’exprime clairement en faveur de la permanence pour lutter contre la précarité du métier,l’ ACCN explique que la mobilité permise par l’intermittence est nécessaire au métier dedanseur : “nous croyons que le ressort fondamental de la carrière du danseur tient dans le

désir de rencontre avec des chorégraphes et ce désir prime sur la sécurité de l’emploi” 54 .

Suivant la logique de ces deux arguments, une nouvelle forme d’emploi des danseurs que

l’on pourrait appeler “permittence” 55 s’est développée au sein des CCN. Ces derniers font

régulièrement appel aux mêmes artistes, ce qui leur apporte une certaine sécurité, tout enleur laissant la liberté qu’offre l’intermittence. Les CCN essaient de créer un emploi stableen contractualisant des CDD artistiques adaptés à leur activité de production et diffusion.

La croissance de l’emploi artistique engendrée par la forte production des CCN est àinterpréter comme un signe positif quand les rapports d’activité du ministère de la Culture

annoncent une montée du travail artistique illégal 56 et une diminution de la durée de travail

des danseurs. Les CCN 57 , en tant qu’institution, offrent un emploi légal et relativementdurable.

c – Appui sur des CCN « moteurs » à la production interne forteNéanmoins, les réalités de la production et de l'emploi sont contrastées selon les CCNétudiés. Celui de Marseille, par exemple, a produit quatre fois plus de pièces en 5 ans quesix autres CCN pris individuellement. On peut aussi constater que cinq CCN seulement

51 ORVOINE, Dominique. L’Art en Présence, les Centres chorégraphiques Nationaux, lieux de ressource pour la danse, Paris,ACCN, 20 mars 2006 (p 122).

52 TASCA, Catherine, Rapport de synthèse : Une nouvelle étape de la politique en faveur de la danse, 2001 p 13 (annexe 6).53 ORVOINE, Dominique. L’Art en Présence, les Centres chorégraphiques Nationaux, lieux de ressource pour la danse,

Paris, ACCN, 20 mars 2006 (p 122).54 LATARJET, Bernard. Pour un débat national sur l’avenir du spectacle vivant, Paris, avril 2004.55 MARTIN, Judith. Comment mieux accompagner les artistes ? De la production à la diffusion, Paris, ONDA, 2006 (p 10)

56 DEPS, ministère de la Culture. Rapport d’activité 2004, Chapitre 10, DEPS, Paris, 2004.57 DEPS, ministère de la Culture. Rapport d’activité 2003, Chapitre 7, DEPS, Paris, 2004

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(Marseille, Roubaix, Montpellier, Le Havre, Nantes) sont à l'origine de la moitié des

productions totales de l'ensemble des CCN sur la période étudiée 58 .D'autre part, les CCN de Belfort, Marseille et Roubaix ont employé pour leurs

productions quasiment autant de personnes que tout le reste des CCN.De manière générale, trois CCN moteurs se dégagent en terme de production :

respectivement les CCN de Marseille, Roubaix et Montpellier. En effet, ils ont employé plusde 100 personnes pour leurs productions et en ont réalisées plus de deux par an. À euxseuls, ils représentent plus de 30 % des productions des CCN et des personnes employéespour les réaliser. Il faut souligner le rôle majeur du CCN de Marseille dans l'emploi artistiquecar il s'agit essentiellement d'emplois permanents. Sans ces trois CCN, la moyenne deproduction se rapprocherait d'une pièce par an par CCN, contre deux pièces en les incluant.

Des CCN comme ceux de Caen, Nancy et Aix présentent un niveau moyen, ayantréalisé 5 à 10 productions en 5 ans, avec des équipes artistiques comptant au total 50 à100 personnes.

Enfin, les CCN de Rillieux et Tours incarneraient plutôt le groupe faible de la productioninterne, en termes statistiques, avec moins de 50 personnes composant leurs équipes deproduction et une (ou moins d'une) production par an.

Cependant, il ne faut pas oublier que ces données quantitatives sont à nuancer enrapport des projets artistiques particuliers, propres à chaque CCN. Ainsi, bien que les CCNde Rillieux et Tours présentent une activité de production interne (du chorégraphe directeur)moins dynamique, on peut penser que leur production externe (chorégraphes en résidence)bénéficie de moyens plus importants et soit intense. D'autres missions également peuventêtre privilégiées, comme celle de formation. La diversité des données statistiques des CCNreflète en effet leur diversité artistique. Chaque CCN est dirigé par un chorégraphe particulieravec son projet spécifique et ses logique et rythme de création propres. Comme le soulignel'ACCN :

“Le fondement initial des CCN est bien d’être un espace de recherche et deproduction centré sur l’univers d’un artiste. […] Répondant à la volonté despolitiques d’État de favoriser sur le territoire l’existence de danses plurielles,les CCN réunissent dans une réalité institutionnelle commune une diversité decourants et de conceptions”59.

Il faut donc analyser les différences et les interpréter au regard de projets artistiques pluriels.Certains CCN sont leaders en terme de production interne.

2 – Moyens de production mis en dangerCependant, au delà de l'importance et de la stabilité de l'activité, on observe sur la périodeétudiée une dégradation des conditions de production qu'il faut surveiller surtout dans uncontexte de pression à la performance.

a – Augmentation des coûts de production

58 Cf annexe 10 : graphique Répartition des CCN selon leur nombre total de productions.59 ORVOINE, Dominique. L’Art en Présence, les Centres chorégraphiques Nationaux, lieux de ressource pour la danse,

Paris, ACCN, 20 mars 2006 (p 84).

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Chapitre 1 – Les adaptations des CCN face aux mutations du secteur de la danse contemporaine,en matière de production-diffusion

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On constate que le coût des productions des CCN augmente, passant d'environdeux millions d'euro en 2004 à plus de cinq millions d'euro en 2008, avec un pic en2008, après une période régulière. Cette observation s'explique par la progression desgrands formats de production et du nombre de personnes composant leurs équipes. Despersonnes supplémentaires, cela implique bien sûr des salaires additionnels, mais aussides déplacements, défraiements et frais de gestion supérieurs.

De plus, les CCN sont régis par la convention collective des entreprises artistiques etculturelles du Syndeac qui a prévu, de 2004 à 2008, des augmentations régulières dessalaires et défraiements. En outre, de 2004 à mi-2008, on a assisté à une montée du prixde l’immobilier et donc des logements. De même, les voyages ont vu leur coût augmenter,essentiellement à cause de la hausse du prix des carburants. Or, la majorité des CCNtravaillent avec des intermittents ne résidant pas forcément dans la ville d'implantation duCCN et qui doivent donc être logés et indemnisés pour leur déplacement.

Les CCN ne sont bien entendu pas les seules structures concernées par cephénomène. Le rapport Latarjet « Pour un débat national pour l'avenir du spectacle vivant »souligne une aggravation des tensions financières dues notamment à la croissance continuedes frais de production, avec une estimation à 40 % de la hausse moyenne des frais

techniques en 5 ans (de 1998 à 2003) 60 . Selon l'étude menée par le groupe 1, il semble

que cette augmentation des coûts de production ait perduré.On comprend donc que la forte capacité de production des CCN soit progressivement

réduite et risque d'être davantage altérée prochainement, surtout si l'on tient compte del'augmentation abrupte des coûts de production en 2008 qui s'inscrit dans une tendancegénérale d'augmentation progressive. Ces données méritent donc que l'on continue de leurprêter attention afin de savoir si ce pic marque le début d'une accélération de la croissancedes coûts de production ou s'il est seulement conjoncturel.

60 LATARJET, Bernard. Pour un débat national sur l’avenir du spectacle vivant, Paris, avril 2004 (p 13).

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ETUDE DES CCN : QUEL AVENIR POUR LA PRODUCTION-DIFFUSION DE LA DANSECONTEMPORAINE ?

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b - Un appui financier étatique et capacités d’autofinancement : source degaranties de liberté et de duréeFace à la hausse continue des coûts de production, il est nécessaire d'analyserles ressources financières de cette activité. On peut en distinguer deux types :l'autofinancement (issu de subventions et recette propres) et les apports en coproduction.

En ce qui concerne l'autofinancement, les CCN bénéficient dans la durée de fondsréguliers et importants. En effet, les données démontrent qu'entre 2004 et 2008, le volumed'autofinancement des CCN était très stable, puisqu'il était toujours situé entre 1,5 millionset 2 millions d'euro. Mais ce qui est remarquable, c'est que cette stabilité en volumes'accompagne d'une stabilité en pourcentage dans le financement des productions (autourde 70 %), malgré une baisse en 2008 (à cause du pic des coûts de production).

La pérennité des subventions perçues par les CCN, soit un peu plus de 30 000 €

par année pour les 19 CCN entre 2004 et 2008 61 .est garantie par le label dont ilsbénéficient. Ces contributions croissent légèrement d'année en année et étant apportées àparité par l'État et les collectivités locales permettent en outre une certaine indépendancedes productions.

Cependant, ces subventions perçues, bien que représentant une certaine solidité pourles CCN, mais ne sont pas suffisantes pour faire face à la hausse des coûts. Il est doncnécessaire que les CCN augmentent leurs apports en coproduction pour ne pas mettre endanger leur secteur production.

c - Une nouvelle distribution du financement des productions à doubletranchant : entre capacité à trouver des coproducteurs et leur moindreengagement

61 DEPS. Statistiques de la Culture chiffres clés 2008, ministère de la Culure, Paris, 2009.

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Chapitre 1 – Les adaptations des CCN face aux mutations du secteur de la danse contemporaine,en matière de production-diffusion

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La hausse continue des coûts de production s'est accélérée en 2008, mais on s'aperçoit queles CCN ont pu s'y adapter. L'étude montre clairement qu'ils présentent une forte capacitéà trouver des coproducteurs.

On constate en effet sur ce graphique la hausse des revenus en coproduction expliquéepar la croissance du nombre de coproducteurs. Cette observation statistique permet dedémentir une idée répandue dans le milieu de la danse contemporaine et des CCN selonlaquelle il y a de moins en moins de coproducteurs pour la danse. Après avoir baissé de33 % à 27 % entre 2004 et 2006, la coproduction représente en 2008 36 % du financement

total des productions des CCN 62 . Il existe donc une vraie capacité des CCN à trouver denouveaux coproducteurs, et notamment à l'international puisque 24 % des coproducteurs

sur la période étudiée sont étrangers 63 .

62 Cf annexe 11 : graphique Répartition du financement des productions des CCN (2004-2008).63 Cf annexe 12 : graphique Proportion de coproducteurs étrangers des CCN (2004-2008)

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Cependant, il s'agit d'une tendance générale qui ne profite pas à tous les CCN. Tousne montrent pas la même capacité à réunir des apports en coproduction. Le volume desapports en coproduction perçus par chaque CCN démontre les inégalités frappantes entreCCN, puisque ceux de Créteil et Montpellier réunissent à eux deux plus de la moitié desapports en coproduction reçus entre 2004 et 2008.

On retrouve ici les mêmes « CCN moteurs » qu'en terme de nombre de productionset emplois artistiques liés aux productions puisque tout de suite après ces deux CCNse trouvent Orléans, Roubaix et Marseille, réunissant 5 % à 10 % chacun des apportsen coproduction des CCN. On retrouve également, dans un groupe plus faible, les CCNde Rillieux et de Tours, accompagnés par les CCN du Havre, de la Rochelle et deGrenoble. Ces positions, là aussi, dépendent des logiques artistiques de chaque CCN, del'écriture chorégraphique de son directeur, de son projet pour le CCN mettant l'accent surla production interne ou sur d'autres missions. En effet, une posture d'accompagnement

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Chapitre 1 – Les adaptations des CCN face aux mutations du secteur de la danse contemporaine,en matière de production-diffusion

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prise par un coproducteur et son engagement dans un projet dépend directement du choix

artistique 64 .Malgré cette tendance globale positive montrant que les CCN arrivent à pallier

l'augmentation des coûts de production en mobilisant plus de partenaires, une certainefragilité de la coproduction apparaît. En effet, sur la période étudiée, l'engagement dechaque coproducteur décroît. La moyenne des apports coproducteur passe d'environ 64000 € par coproducteur en 2004 à environ 22 000 € en 2007, avant, cependant, de reprendreun peu de vigueur en 2008 (62 000 €). Ce phénomène observé ne semble pas nouveauet vient confirmer les conclusions de déresponsabilisation des coproducteurs donnéespar certains rapports officiels comme : La création et la diffusion du spectacle vivant en

Languedoc Roussillon 65 .

La hausse du nombre de coproducteurs dans le financement des productions desCCN est donc à double tranchant : elle permet de faire face à la croissance rapide descoûts de production, mais fragilise les CCN qui doivent faire appel à plus de coproducteursqui donnent moins et prennent donc moins de responsabilité. La précarité est donccontinuellement présente dans le financement des productions chorégraphiques.

B) Accroissement de la diffusion mais hors des cadres institutionnelsDe 2004 à 2008, la diffusion des CCN s'est progressivement accrue, tant sur le plan nationalqu'international. Paradoxalement cette progression semble avoir eu lieu avec un faiblesoutien des structures publiques.

1- Essor de la diffusion nationale

a- Croissance de la diffusion, portée par certains CCN

64 MARTIN, Judith. Comment mieux accompagner les artistes ? De la production à la diffusion, Paris, ONDA, 2006 (p12).65 DUBOURG, Nicolas et alii. La creation et la diffusion du spectacle vivant en Languedoc Roussillon, Obster, Montpellier,

2006 (p 72).

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Sur la période étudiée, on observe une amélioration de la diffusion des CCN : le nombrede représentations en France a progressé de 37 % en 5 ans, passant de 541 en 2004 à 862représentations en 2008. Or, la diffusion représente un enjeu majeur pour les CCN, commepour toutes les compagnies. Comme le précise l'ACCN : « La présence d’un artiste sur lesscènes est sans conteste l’un des indicateurs les plus lisibles de la reconnaissance artistiquedes compagnies, et en rebond, de la légitimité d’un artiste en direction d’une institution telle

qu’un CCN » 66

Cette belle performance de la diffusion des CCN s'explique notamment, tout comme laproduction, par les atouts de la structure institutionnelle. Ainsi, un chorégraphe qui connaîtune diminution de ses tournées et donc de sa reconnaissance, qui se questionne sur laqualité de son travail bénéficie d'un soutien à long terme qui lui permet de produire d'autrescréations et de rebondir. Or, un nouvel élan paraît extrêmement difficile pour une compagnie

66 ORVOINE, Dominique. L’Art en Présence, les Centres chorégraphiques Nationaux, lieux de ressource pour la danse, Paris,ACCN, 20 mars 2006 (p 102).

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dont la production de nouvelles œuvres dépend exclusivement de la bonne diffusion despièces précédentes.

De plus, pouvoir compter sur une équipe administrative permanente et qualifiée, estmajeur. Les chargés de production et de diffusion garantissent la médiation avec les réseauxen assurant la qualité et la permanence des échanges et organisent les tournées. Comme lesouligne l'ACCN, il s'agit d'une « tâche complexe qui suppose à la fois une compréhension

interne de la création, et la connaissance des systèmes dans lesquels elle s’inscrit. » 67

Enfin, les bonnes conditions de production des CCN favorisent leur bonne diffusion.Car s'il existe un lien entre la production et la diffusion ce serait bien celui-ci. Comme leprécise le rapport de l'Office National de Diffusion Artistique (ONDA) : « mal produit, un

spectacle sera mal diffusé » 68 . Il semble que la production détermine, au moins en partie,la diffusion et non l'inverse. Dans ce cas, il s'agirait d'une logique éminemment commercialeoù le produit et son contenu seraient formatés par les contraintes de diffusion. Or, on setrouve ici dans un système de diffusion le plus souvent subventionné dont la fonction estde garantir la diversité des œuvres.

Cependant, la valeur et le sens de la démarche artistique d'un chorégraphe ne peuventêtre évalués à la seule lumière d'une observation statistique de la diffusion. La diffusiond'une œuvre est en effet soumise à de multiples contraintes qu'il faut prendre en compte.Ces dernières sont de nature esthétique (effet de mode, attentes du public, ligne artistiquedu lieu de diffusion), économique (rareté ou abondance de l'offre sur le même créneau,prix de cession, budget du lieu de diffusion) et politique (attentes et responsabilité desprogrammateurs, des élus). Comme le résume l' Art en Présence :

« Inscrite dans les règles et les modes d’un « marché » en continuelle mutation,la réalité des chiffres reflète en premier lieu et à un temps donné d’un parcoursde chorégraphe, l’adéquation entre l’œuvre, l’attente des programmateurset la réponse des publics […] Les connivences artistiques de l'œuvre d'unchorégraphe, qu'il soit ou non d'un CCN, sont les raisons premières d'un

accueil » 69

La progression de la diffusion des CCN leur a notamment permis de bénéficier de revenussupplémentaires, sachant que les recettes consécutives aux représentations sont l'élémentclé de leurs ressources financières propres. Le montant total des bénéfices de diffusiondes CCN est passé de 4,1 millions d'euro à 7,8 millions d'euro en 5 ans. Cette progressiondes bénéfices permet aux CCN de maintenir et d'améliorer encore leurs activités, etd'éventuellement faire face à des périodes creuses.

Il faut également remarquer que ces bonnes performances de la diffusion ne sont paséquivalentes dans toutes les structures. Alors qu'on peut distinguer un groupe de tête dequatre CCN comptabilisant plus de 300 représentations en 5 ans (Créteil, Grenoble, Aix etNantes) soit plus de 40 % des représentations de tous les CCN en 5 ans, les CCN de Tours

67 ORVOINE, Dominique. L’Art en Présence, les Centres chorégraphiques Nationaux, lieux de ressource pour la danse, Paris,ACCN, 20 mars 2006 (p 103).

68 MARTIN, Judith. Comment mieux accompagner les artistes ? De la production à la diffusion, Paris, ONDA, 2006 (p6).69 ORVOINE, Dominique. L’Art en Présence, les Centres chorégraphiques Nationaux, lieux de ressource pour la danse,

Paris, ACCN, 20 mars 2006 (p 102).

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et Rennes enregistrent moins de 100 représentations sur la même période, tandis que prèsde la moitié des CCN ont fait entre 100 et 200 représentations.

b- Une diffusion peu soutenue par les réseaux officielsEn terme de diffusion, l'appui sur un réseau est primordial. Or, assez paradoxalement, ladiffusion des Centres Chorégraphiques Nationaux n'est pas particulièrement soutenue parles réseaux officiels, dont la mission est pourtant de favoriser la diffusion en région, Eneffet, on constate que plus d'un tiers des scènes nationales a accueilli seulement une ouaucune représentation de CCN par an, de 2004 à 2008. D'ailleurs, les scènes nationales

ne représentent que 22 % de la diffusion des CCN en France 70 . Il existe un vrai problèmede non demande de spectacles de danse contemporaine.

70 Cf annexe 13 : graphique Nombre de représentations des CCN (2004-2008)

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Il faut savoir que la place réservée à la diffusion de la danse est faible 71 . C'est pourquoile ministère de la Culture et de la Communication cherche à favoriser la présence de ladanse sur les plateaux en s'assurant du réel désir des directeurs de scènes nationales

d'avoir une programmation pluridisciplinaire 72 . Cette attitude répond favorablement auxobservations du rapport Latarjet dénonçant le fait que « le réseau des scènes nationales

fait très peu appel à des chorégraphes au poste de direction artistique » 73 expliquant ainsila faiblesse de la programmation de danse (et donc les opportunités pour les danseurs).Le Ministère semble en effet être conscient que certaines scènes nationales ne sont pastrès efficaces dans leurs missions puisqu'il avait commandité un rapport sur leurs activitéset entreprend actuellement de formaliser ses relations avec les scènes nationales à travers

l'établissement de conventions d'objectifs 74 , sous peine de les délabelliser,Un des facteurs expliquant la faiblesse relative du soutien de la diffusion des CCN

par les scènes nationales est le fait que « le nombre de représentations contractuellementimposé aux compagnies aidées (du spectacle vivant en général) ne leur permet pas d'être

accueillies en totalité par ce réseau de diffusion qui n'en a pas les capacités » 75 Il existe untrop grand déséquilibre entre l'offre et la demande de diffusion aboutissant pour les CCN etles compagnies à la recherche de lieux de diffusion externes au système institutionnel. Deplus, comme l'indique explicitement le rapport Latarjet, « les modèles institutionnels ont vieilli

[…] et ne correspondent plus à la diversité des réalitésartistiques et sociales du terrain » 76 .Il y a engorgement du réseau des scènes nationales et il ne semble pas près d'être résorbé.

Alors que les CCN et les scènes nationales ont été pensés pour permettre unedécentralisation de la danse, on constate que les représentations des CCN se focalisent surParis dans une large mesure, ainsi que sur de grandes villes telles que Lyon ou Marseille.Paris compte à elle seule plus d’un quart des représentations des CCN dans les 20 plusgrandes villes de France, sans compter le reste de l'agglomération parisienne77. On serend compte que, contrairement à ce qui a été initialement voulu, les pièces des CCNsont présentées « là où il faut être vu »78 pour ensuite pouvoir dynamiser leur diffusion, etalors peut-être aller en région. Cette situation peut largement s'expliquer par le manque destructures de diffusion adaptées dans les régions.

Les réseaux officiels semblent avoir besoin d'être renforcés et devraient s'ouvrir auxoffres de qualité de la danse contemporaine,

71 ORVOINE, Dominique. L’Art en Présence, les Centres chorégraphiques Nationaux, lieux de ressource pour la danse, Paris,ACCN, 20 mars 2006 (p 103).

72 DEPS, ministère de la Culture. Rapport d’activité 2003, Chapitre 7, La Documentation française, Paris, 2004 (p 3)73 LATARJET, Bernard. Pour un débat national sur l’avenir du spectacle vivant, Paris, avril 2004 (p 114).74 DEPS, ministère de la Culture. Rapport d’activité 2003, Chapitre 7, La Documentation française, Paris, 2004 (p 15)75 DEPS, ministère de la Culture. Rapport d’activité 2003, Chapitre 7, La Documentation française, Paris, 2004 (p 13)76 LATARJET, Bernard. Pour un débat national sur l’avenir du spectacle vivant, Paris, avril 2004 (p 14).77 Cf annexe 14 : graphique Nombre de représentations des CCN dans les 20 plus grandes villes de France78 Entretien MichelEntretien : La diffusion du CCN de Montpellier (14 juin 2009) [notes]. Michel CHIALVO, responsable de la

production, de la diffusion et du partenariat du CCN de Montpellier.

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2- Un effort sur l'export qui devient difficile ?

a – Un relatif dynamisme de la diffusion à l’étrangerSelon Michel Chialvo, la danse contemporaine française est en mesure de prouver sacapacité à l'exportation. Cette tendance est confirmée par la performance des CCN, puisque

près du quart de leurs représentations entre 2004 et 2008 a eu lieu hors de France 79 .

À l'étranger comme en France, on enregistre une augmentation régulière du nombrede représentations.

Cependant, il faut noter que la diffusion à l'étranger ne peut être comparable à celleen France, qui est facilitée par la proximité géographique et culturelle. Alors que l'oncompte une progression de 33 % des représentations sur le territoire entre 2004 et 2008,la croissance enregistrée à l'étranger est de 21 %.

De plus, l'exportation des pièces chorégraphiques est difficile pour les structuresfrançaises étant donné leurs coûts salariaux plus élevés par rapport à la majorité des autrespays. Or, d'après la coordinatrice de l'ACCN « en général, à l'étranger, il y a beaucoupmoins d'argent consacré à l'achat de spectacles, même aux État-Unis. À New York, peu de

structures ont suffisamment d'argent pour accueillir des compagnies françaises » 80 . À cesdifficultés économiques s'ajoutent souvent des problèmes pratiques de transport du décor.

Malgré ces difficultés, on voit que les CCN arrivent à développer leur diffusion àl'étranger. Ce constat statistique semble pouvoir s'expliquer par la notoriété de la majoritédes directeurs-chorégraphes à l'étranger et par la qualité artistique des pièces proposées.En outre, certains ont une volonté particulière d'aller à l'étranger devant l'étroitesse dumarché de la diffusion de la danse contemporaine en France. C'est le cas des CCN d'Aix-

79 Cf annexe 13 : graphique Nombre de représentation des CCN (2004-2008)80 Entretien : L'ACCN et les enjeux politiques (18 mai 2009) [notes]. Hélène JOLY, coordinatrice de l’ACCN (p 8).

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en-Provence, de Créteil ou de Montpellier 81 . Trouver des coproducteurs en France devient

difficile, d'où une stratégie d'ouverture sur l'étranger. On comprend alors le développementde la coproduction étrangère s'accompagne de celui de la diffusion à l'international.

Néanmoins, tout comme pour les autres aspects étudiés, la réalité de la diffusion àl'étranger n'est pas la même pour tous les CCN. On peut distinguer un groupe « fort »comptant chacun plus de 100 représentations à l'export sur la période étudiée alors que leCCN du Havre n'en compte que 6. On retrouve en tête les mêmes CCN que ceux dominantla diffusion au niveau national alors que les CCN d'Angers, Tours, Rennes, Belfort, Caenet Nantes enregistrent entre 20 et 50 représentations. Finalement, les positionnements, enterme statistiques de diffusion sont similaires, qu'il s'agisse de la France ou de l'étranger.Bien sûr, ces données chiffrées dépendent des projets particuliers de chaque chorégraphequi déterminent ensuite les lieux et les possibilités de diffusion selon par exemple, leurscompatibilités avec les cultures étrangères, et ne résultent pas de l'éventuelle supérioritéartistique d'un chorégraphe sur un autre.

b – Freiné par l'inégalité et la diminution des aides pour la diffusion àl'étrangerComme nous l'avons vu, la diffusion des CCN à l'étranger est bonne et progresse de manièrerégulière, malgré des conditions difficiles. Les CCN bénéficient régulièrement du soutien

Culturesfrance pour leur diffusion à l'international 82 . Ces aides sont de deux types :

— les CCN peuvent s'inscrire dans une saison culturelle française à l'étranger et êtresubventionnés dans le cadre de l'organisation de la saison.

81 Entretien : La diffusion du CCN de Montpellier (14 juin 2009) [notes]. Michel CHIALVO, responsable de la production, de ladiffusion et du partenariat du CCN de Montpellier (p 6) : “Sur le même créneau de la danse, bien sûr, on essaie d’élargir la diffusion.Il y a donc forcément des stratégies […] Il s’agit de conquêtes de nouveaux territoires de diffusion.”82 Entretien : L'ACCN et les enjeux politiques (18 mai 2009) [notes]. Hélène JOLY, coordinatrice de l’ACCN, p 8.

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— les CCN peuvent recevoir d'autres subventions pour des représentations à l'étranger.Dans ce cas, Culturesfrance agit alors un peu comme un opérateur et met en place desaides avec des structures locales du pays concerné.

Dans l'étude L' Art en Présence , les aides de Culturesfrance perçues par les CCN ontrelativement progressé de 2002 à 2004 puisqu'elles couvraient 1,7 % des projets des CCN

en 2002-2003 et 2 % en 2003-2004 83 .Cependant, dans la période récente, quel que soit le type de soutien apporté

par Culturesfrance aux CCN, les aides pour leurs représentations à l'étranger ontsignificativement diminué.

Que les aides indirectes soient comprises ou non dans les données d'observation,on constate que la croissance du nombre de représentations des CCN à l'étranger n'apas été accompagnée par une hausse du soutien de Culturesfrance. Cette décroissanceimportante des aides du ministère des Affaires Étrangères (MAE) pour la diffusion des CCNà l'international pourrait venir fragiliser la progressive croissance de la diffusion à l'étrangerque connaissent actuellement les CCN.

De plus, la répartition des aides de Culturesfrance est très inégale selon les CCN.

83 ORVOINE, Dominique. L’Art en Présence, les Centres chorégraphiques Nationaux, lieux de ressource pour la danse, Paris,ACCN, 20 mars 2006 (p 105).

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On observe une corrélation entre le nombre de représentations d'un CCN à l'étrangeret la part du soutien qu'il perçoit. Si l'on peut penser, a priori, que plus un CCN a de projetsà l'étranger, plus il reçoit d'aides, il ne faut pas oublier que moins un CCN reçoit d'aides àla diffusion, moins il a de possibilités d'exporter ses pièces.

En recevant davantage d'aides à l'export, les CCN pourraient être mieux accompagnéset être plus performants. L'image de la France à l'étranger, à travers la danse contemporaineet ses institutions phares comme les CCN n'en serait que meilleure.

3-Les solutions apportées par les CCN pour maintenir le niveau de diffusionFace aux transformations de leurs conditions de diffusion, les CCN semblent avoirdéveloppé certaines stratégies pour maintenir leur croissance.

a – La diffusion en sériesPour pallier les difficultés rencontrées dans leur activité de diffusion, les CCN ont essayéde favoriser la diffusion en séries. Cette attitude s'inscrit complètement dans le cadre despréconisations du Syndeac et du ministère de la Culture. En effet, le syndicat déclare :

« Il est urgent d'impulser une dynamique efficace pour la diffusion de la dansecontemporaine, en veillant d'une part à la présence d'interlocuteurs spécifiquesà cet art dans ces lieux d'accueil et d'autre part en systématisant les séries dereprésentations »84

Les travaux entrepris par le ministère de la Culture avec le rapport Latarjet vont dans lemême sens en montrant que la danse se prive des atouts qu’apporte la diffusion en série :

« Autre donnée du problème : le déséquilibre structurel entre la production etla diffusion,engénéral dans le spectacle vivant, est ici amplifié par la faiblesse

84 Syndeac. La politique nationale de la danse en éclats, 2000 (annexe 3).

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patente de la diffusion et,en particulier, par l’inexistence de séries, privant ladanse d’un « bouche à oreille » dont lethéâtre connaît bien l’importance pour laconstitution des publics. »85

Néanmoins, il faut bien comprendre que la notion de « série » pour la danse n'est pasla même que pour le théâtre, le public de la danse contemporaine étant beaucoup moinsdéveloppé. Pour un spectacle de danse contemporaine, on commence à parler de série àpartir de 3 représentations consécutives.

Les CCN de Créteil, Nantes, Le Havre, Orléans, et Montpellier affichent une moyennede plus de 2 représentations par ville.

Cependant, les stratégies sont différentes pour la diffusion en France et à l'étranger.

85 LATARJET, Bernard. Pour un débat national sur l’avenir du spectacle vivant, Paris, avril 2004 (p 113).

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On constate en effet que les séries, pour les pièces chorégraphiques des CCN,

sont plus développées en France qu'à l'étranger 86 . Néanmoins, on observe sur la

période étudiée une hausse de la pratique des séries à l'étranger (le nombre moyen dereprésentations par ville pour un CCN croît de 1,5 à 2,02 entre 2004 et 2007, avant deconnaître une légère baisse en 2008 (1,9)), alors que la tendance inverse est constatée pourla diffusion des CCN en France. Le développement de la diffusion en série à l'internationalpeut s'expliquer en partie par la nécessité d'amortir les frais de voyage et de transportdu décor. Les frais d'approche sont en effet très importants dans le budget d'achat d'unspectacle puisqu'ils représentent environ 70 % du coût total du spectacle pour un théâtre.Privilégier les séries apparaît donc comme un bon moyen d'améliorer la diffusion de la dansecontemporaine, autant en France qu'à l'étranger.

Néanmoins, la systématisation des séries n'est pas évidente. Comme le fait remarquerMichel Chialvo « ce n'est pas parce que la diffusion se fait en série qu'il y aura plus de public.[…] La série peut être possible dans certains lieux, mais on ne peut pas forcer des lieux à

programmer en série » 87 D'un point de vue économique pour la structure qui reçoit, la sérien'est pas forcément possible. Il semble que tout dépende du spectacle et de la jauge de lasalle. Pour privilégier la série, on comprend bien qu'il faille d'abord développer un public,peut-être par un vrai travail de sensibilisation car la danse contemporaine n'est pas un artfacile d'accès.

b – Jeu sur les frais d’approche, pour maintenir une stabilité des prix

Note du titre 88

Outre la progression de la diffusion en série, la chute des frais d'approche permettantune certaine stabilité dans le temps du coût total des spectacles, a été un élément importantpour favoriser la diffusion des CCN.

Malgré l'augmentation du prix des cessions (cachet), un vrai effort semble avoir été faitpour maintenir le coût des frais d'approche alors que le prix des voyages était en hausse, àcause de l'augmentation du cours du pétrole connu pendant la période étudiée.

86 Moyenne du nombre de représentations par ville : 2 en France / 1,8 à l'étranger.87 Entretien : La diffusion du CCN de Montpellier (14 juin 2009) [notes]. Michel CHIALVO, responsible de la production, de la

diffusion et du partenariat du CCN de Montpellier, p4.88 Frais d'approche = frais de voyage + frais de transport du décor + frais de séjour + défraiements.

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ETUDE DES CCN : QUEL AVENIR POUR LA PRODUCTION-DIFFUSION DE LA DANSECONTEMPORAINE ?

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Cette situation a eu pour effet mécanique de réduire la part des frais d'approche dansle prix global de vente des pièces des CCN. En effet, ces frais représentent en 2008 31 %du coût total d'une représentation alors qu'ils en composaient 35 % en 2005. Cela a permisun maintien des prix globaux des spectacles des CCN malgré l'inflation. Après une haussesignificative des prix totaux entre 2004 et 2005, les prix ont ralenti leur progression passant« seulement » de 1,3 millions d'euro en 2005 à 2,2 millions d'euro en 2008.

Cette situation constitue un grand avantage pour les CCN car en terme de prix desspectacles, se sont surtout les frais d'approche qui grèvent les budgets des structures

accueillant les représentations 89 . Ils constituent donc un frein économique important àla diffusion. Freiner leur croissance permet donc aux CCN de bénéficier d'un avantageéconomique favorisant leur diffusion. Mais bien sûr, outre le facteur économique, il ne fautpas oublier que la diffusion d'une pièce est aussi déterminée par sa qualité artistique, saconnivence avec les attentes du public, les intérêts des programmateurs, etc.

c – L'accompagnement de la diffusion avec des actions de sensibilisationL'accompagnement de la diffusion par des actions de sensibilisation peut être unefaçon d'améliorer la diffusion. Comme le souligne Anne Fontanesi, responsable de laprogrammation ]domaines[ et attachée de production et diffusion, la question de la diffusion

rejoint la question des publics 90 . Un programmateur, aujourd'hui de plus en plus contraintpar les logiques économiques étant donné la réduction des crédits ministériels (suitenotamment à la mise en place de la RGPP), ne va pas acheter une pièce si elle ne remplitpas la salle. Or, l'art contemporain, même chorégraphique, n'est pas toujours facilement

89 Entretien : La diffusion du CCN de Montpellier (14 juin 2009) [notes]. Michel CHIALVO, responsable de la production, dela diffusion et du partenariat du CCN de Montpellier, p 2.90 Discussion sur les nouvelles méthodes de production (28 juillet 2009). Anne FONTANESI, responsable de laprogrammation ]Domaines[ et attachée de production et diffusion du CCN de Montpellier.

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Chapitre 1 – Les adaptations des CCN face aux mutations du secteur de la danse contemporaine,en matière de production-diffusion

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accessible. La question de la construction des publics et de l'éducation artistique se posedonc. Il semble que si une pièce est accompagnée d'un travail de sensibilisation du public,elle affiche plus de probabilité d'attirer des spectateurs et donc d'être achetée par lesstructures. Les transformations récentes du milieu de la danse contemporaine et l'insertioncroissante de logiques de rentabilité dans le milieu semblent expliquer la croissance récentedes actions de sensibilisation accompagnant la diffusion des pièces des CCN.

Ces dernières années, le nombre d'interventions en tournée des CCN a en effetaugmenté, passant de 86 en 2004 à 117 en 2007. De plus, ces interventions payantes entournée représentent une part non négligeable de l'activité de diffusion des CCN.

Les CCN semblent donc s'être saisis d'une stratégie-clé pour appuyer leur diffusion etainsi lutter contre les contraintes croissantes auxquelles ils doivent faire face, mais cettesensibilisation doit être nuancée car :

— elle reste très faible en terme de volumes financiers, représentant à peine 1 %desbénéfices des CCN réalisés avec les cessions des spectacles.

— elle ne résulte pas forcément d'une prise de conscience et d'une volonté délibéréede la part des CCN, mais plutôt de la part des structures recevant leurs représentations. Ceslieux portent de plus en plus l'accent sur l'échange de savoir-faire et les collaborations. Lesprogrammateurs étrangers souhaitent de plus en plus qu'une action d'accompagnement de

la pièce diffusée soit faite 91 .C'est peut être cet accompagnement des tournées, un mouvement initié depuis peu et

en croissance, qui pourrait permettre aux CCN de développer à terme la diffusion de leursspectacles dans de nouveaux lieux.

Les CCN ont connu dans la période récente des difficultés entravant leurs activitésde production et de diffusion. Mais grâce aux atouts de ces structures et à leurs capacités

91 Entretien : La diffusion du CCN de Montpellier (14 juin 2009) [notes]. Michel CHIALVO, responsable de la production, dela diffusion et du partenariat du CCN de Montpellier, p 7.

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ETUDE DES CCN : QUEL AVENIR POUR LA PRODUCTION-DIFFUSION DE LA DANSECONTEMPORAINE ?

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d'adaptation, ils ont pu maintenir le volume important et la croissance de leur production-diffusion. C'est notamment ce qui en fait des structures très enviées et étudiées à l'étranger.La Belgique, par exemple, a mené une étude sur les CCN français afin de créer uns structure

similaire en Wallonie 92 .Cependant, comme nous l'avons vu, l'activité de production-diffusion des CCN a été

récemment fragilisée, essentiellement par la baisse du soutien étatique et l'imposition delogiques économiques heurtant les logiques artistiques. L'évolution à venir de la production-diffusion des CCN reste à suivre…

92 ALBEA, Rodrigo. Centres Chorégraphiques Nationaux, une politique française pour la danse contemporaine, Wallonie-Bruxelles theater, Bruxelles, 2004.

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Chapitre 2 – Le CCN de Montpellier, un exemple de stratégie réussie duquel on peut tirer desperspectives d’avenir ?

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Chapitre 2 – Le CCN de Montpellier, unexemple de stratégie réussie duquel onpeut tirer des perspectives d’avenir ?

Etant donné les difficultés étudiées auparavant et les réalités contrastées entre les CCN,on peut se demander si le CCN de Montpellier connaît les mêmes tendances positivesd'adaptation malgré la fragilisation de l'activité de production-diffusion. À partir du cadreinstitutionnel défini, est-il possible de repérer des caractéristiques différentes ?Il seraitintéressant de se concentrer sur la structure du CCN de Montpellier afin de réaliser uneanalyse plus fine de la situation et d'envisager les perspectives possibles pour la production-diffusion de la danse contemporaine.

I – Présentation et positionnement du CCN deMontpellier

Avant de procéder à l'analyse de la production-diffusion du CCN de Montpellier, il estnécessaire de le présenter dans ses particularités — artistiques et locales — afin decomprendre ses spécificités.

A) Un projet original à la pointe de la rechercheComme chaque CCN, celui de Montpellier dispose d'un projet artistique particulier, impulsépar sa directrice — Mathilde Monnier — et adapté à son environnement local. Ce projetoriginal a comme axe moteur la recherche en danse contemporaine, pour son activité deproduction-diffusion tout comme pour le reste de ses missions.

1- Mathilde Monnier : une pionnière éclectiqueMathilde Monnier se distingue par ses qualités de recherche et de création de pièceschorégraphiques contemporaines en lien avec une grande diversité de disciplinesartistiques et de thèmes.

a- Pionnière dans la danse contemporaine françaiseMathilde Monnier fait partie de la première génération de la danse contemporaine française,et comme l'indique le responsable de la communication, Vincent Cavaroc, responsable dela communication et des relations presse au CCN de Montpellier, elle est une pionnièrepuisqu' « elle s'inscrit dans la génération de la nouvelle danse française des années 1980 »

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ETUDE DES CCN : QUEL AVENIR POUR LA PRODUCTION-DIFFUSION DE LA DANSECONTEMPORAINE ?

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93 . Il s'agit d'une génération de chorégraphes et danseurs, qui cherchent, dans la lignée deMaguy Marin, à créer une rupture dans la danse contemporaine, à déconstruire les codesqui ont été installés, mais qui gardent également un œil du côté américain.

En effet, si l'on s'intéresse à la biographie de Mathilde Monnier, on s'aperçoit qu'elle aà la fois été marquée par la danse américaine de la fin des années 70 et a été poussée às'en détacher. En effet, après s'être formée à Lyon, elle a débuté en tant qu'interprète auCNDC d'Angers où elle danse sous la direction de Viola Faber, une chorégraphe américaine,ancienne partenaire de Merce Cunningham (dans les années 50-60). Viola Faber poussaitalors ses interprètes à une réflexion portée par les principes transmis au black MontainCollege tout en laissant une grande marge de liberté aux danseurs à qui elle offrait plus depossibilités d'expression individuelle. M. Monnier se forge alors un style propre conciliantécriture chorégraphique formelle et intérêt pour les figures qui relèvent de la performanceet de la kinésiologie. Afin de questionner les rapports de l'être au monde et à l'autre, ellecherche dans l'intime les raisons d'un mouvement moderne et en prise avec le monde.Elle s'inscrit alors totalement dans cette nouvelle génération de la danse contemporainefrançaise des années 1980 avec qui elle collabore puisqu'elle réalisera ensuite des pièces94 avec François Verret, puis Jean-François Droure 95 avec qui elle fondera la compagnieHexe en 1984 qui deviendra sa propre compagnie lors du départ de J-F Droure en 1987.Affirmée comme une chorégraphe majeure de la scène française, elle est ensuite nomméeà la tête du CCN de Montpellier en 1993.

On comprend donc pourquoi elle peut être qualifiée de pionnière, tant par son parcoursque par l'originalité de son écriture. Elle est notamment citée dans le quotidien Le Monde en

tant que « chorégraphe historique » 96 . Elle a transmis à la danse française contemporainedeux grandes pièces marquantes : Antigone, un projet né entre le Burkina Faso et leMali mettant en scène des interprètes africains et européens reprenant le célèbre mythed'Antigone, et Déroutes, pièce chorégraphique appuyée sur la nouvelle de Büchner de Lenzet abordant le thème du déplacement, de la frontière, du ralentissement du temps et del'interpénétration des espaces temporels et géographiques. Avec Déroutes, elle a gagné lerespect de tous en montrant que tout en étant de la génération des années 1980, elle avaitsu garder un regard vif et actuel, et qui s'est avéré parfois plus corrosif et innovateur quecelui d'autres chorégraphes contemporains plus jeunes.

Mathilde Monnier explore et innove aussi à chaque fois par les thèmes qu'elle aborde :

« elle n'est jamais là où on l'attend » 97 .

b- Une recherche artistique constante comme moteur à la diversité desproductions

93 Discussion sur l’image de Mathilde MONNIER dans la presse (20 juillet 2009). Vincent CAVAROC, responsable de lacommunication et des relations presse.

94 Une éclipse totale de soleil et Illusions comiques (1985)95 Pudique Acide (1984), Mort de Rire (1987)96 FABRE, Clarisse. Le Monde, Montanari, l’indéboulonnable patron de Montpellier Danse, 23 juin 2008 (annexe 15)97 Discussion sur l’image de Mathilde MONNIER dans la presse (20 juillet 2009). Vincent CAVAROC, responsable de la

communication et des relations presse

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Chapitre 2 – Le CCN de Montpellier, un exemple de stratégie réussie duquel on peut tirer desperspectives d’avenir ?

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Mathilde Monnier est en recherche artistique constante. Elle est sans cesse en quête denouvelles questions et de nouvelles formes à explorer : « elle cherche dans toutes les

directions possibles » 98 .En ce qui concerne le fond, elle ne paraît pas avoir un thème de prédilection dont elle

serait une spécialiste, mais souhaite au contraire aborder différents sujets et en changerrégulièrement afin de conserver un regard frais et juste sur les questions qu'elle aborde.Elle veut se positionner sur une problématique sans imposer une analyse de professionnelmais en gardant un regard neuf.

En ce qui concerne la forme, elle cherche à sortir des schémas classiques de la danse.Cette volonté se traduit par la multiplication de ses collaborations avec des artistes issus de

diverses disciplines 99 . En amont d'une création, elle va généralement beaucoup chercher

dans la philosophie et dans l'univers de certains plasticiens 100 . Cette démarche lui permetde rester complètement ancrée dans la réalité. Elle se nourrit des mutations de la sociétépour ensuite les aborder dans ses œuvres. D'ailleurs, c'est selon elle le rôle premier dela danse contemporaine, de s'inscrire dans l'actualité de la société. Elle définit en effet ladanse contemporaine comme porteuse des problématiques actuelles, en opposition à ladanse classique :

« La danse classique est une transmission d'un répertoire, un musée, liée àdes mouvements reconnaissables. La danse contemporaine, elle, représentedifférentes techniques propres à un nom et parle des questions d'aujourd'hui à

travers le corps, l'art du mouvement, l'imaginaire et l'esthétisme. » 101

Selon V. Cavaroc, M. Monnier est « une pure intuitive » 102 , c'est en faisant confiance àson ressenti qu'elle sait s'entourer et s'aiguille vers de nouvelles créations et de nouveauxthèmes à traiter, en lien avec notre temps.

Cette recherche incessante de la part de la chorégraphe s'explique en partie par une

sorte « d'urgence à créer » 103 et d'explorer d'autres domaines, de découvrir de nouveauxhorizons. Cette image de travailleuse infatigable est d'ailleurs relayée par la presse. On peutnotamment relever dans le Midi Libre du 22/12/08 la déclaration de M. Monnier : « le luxeabsolu ? Pouvoir travailler au calme, pendant les vacances ».

Ce travail perpétuel aboutit à la diversité des productions de la chorégraphe. En effet,elle a travaillé sur l'autisme, notamment dans L'Atelier en pièces (1996), et s'est aussibeaucoup intéressée à l'Afrique, à laquelle elle est liée par son histoire. Malgré ces deuxpériodes relativement identifiables, la multiplication des collaborations avec des artistes

98 idem99 LE VAILLANT, Luc. Libération, Corps de la pensée, 13 décembre 2002.100 Discussion sur l’image de Mathilde MONNIER dans la presse (20 juillet 2009). Vincent CAVAROC, responsable de la

communication et des relations presse101 PERCQ, Ysis. L’Hérault du jour, Le désir de danser, 16 mai 2008 (annexe 17).102 Discussion sur l’image de Mathilde MONNIER dans la presse (20 juillet 2009). Vincent CAVAROC, responsable de lacommunication et des relations presse

103 Entretien : La diffusion du CCN de Montpellier (14 juin 2009) [notes]. Michel CHIALVO, responsible de la production, dela diffusion et du partenariat du CCN de Montpellier, p 9.

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très différents, de Louis Sclavis (Les Signes Extérieurs - 2008) à Christine Angot (La placedu Singe - 2005) en passant par Philippe Katerine (2008 Vallée - 2006) fait qu'elle estinclassable et sans cesse originale. Et comme l'indique V. Cavaroc, même si on peut repérerdes collaborations peut-être plus nombreuses avec des musiciens, il s'agit à chaque fois degenres très différents, puisqu'elle a travaillé aussi bien avec ErikM (Frère et soeur - 2005)que Louis Sclavis ou encore Heiner Goebbels (Surrogate Cities – 2008). Cependant, on peutidentifier le thème du vivre ensemble comme sujet transversal à la plupart de ses pièces. Elleaborde presque toujours le rapport à l'autre et le partage d'un espace dans ses créations.

L'originalité paie, du moins en ce qui concerne l'exploitation, si ce n'est sur le plan de

la création 104 . En effet, le système de la diffusion fait qu'une pièce innovante sera plusattractive et plus programmée.

c- De ce projet découlent des caractéristiques de production-diffusionparticulièresDes choix esthétiques de Mathilde Monnier (logique artistique) résultent alors les conditionsde production, ainsi que le public concerné (logique de la demande) et les lieux de diffusionprivilégiés (logique économique).

Ainsi, en fonction du projet sur lequel elle souhaite travailler, un réseau decoproducteurs particulier va être trouvé et sollicité. Par exemple, lorsque M. Monnier acommencé à travailler sur sa nouvelle création, Pavlova 3"23, elle avait dans l'idée deréaliser une pièce sur la fin, la mort, et de s'appuyer pour cela sur Hamlet. Son responsablede production s'est alors surtout dirigé vers les structures de théâtre pour trouver descoproducteurs, et a notamment fait appel au Festival d'Automne en Normandie dont lethème principal pour 2010 est Hamlet. Cependant, depuis, un changement a eu lieupuisque la chorégraphe a décidé de s'appuyer sur la Mort du Cygne. Le projet a quandmême continué d'être soutenu et programmé par le Festival d'Automne, dans le cadre d'unévénement spécial. En ce qui concerne la production de 2008 Vallée, M. Chialvo a plutôt faitappel à des salles de type concert. Grâce aux multiples visages des créations de MathildeMonnier, le responsable de production du CCN peut faire appel à chaque fois à différentesstructures. Ainsi, M. Chialvo affirme :

« Je n’ai aucun complexe pour chercher des lieux qui ne sont pas apparentés àla danse. C’est ce qui fait l’intérêt du travail avec Mathilde entre autres. Certainspensent en termes de réseau autoroute, ils sont donc plus concurrencés, cartout le monde frappe à la même porte. Encore une fois, trouver un réseau faitappel à l’expérience et à la veille. Il faut aussi vérifier la progression du travail de

Mathilde, vérifier qu'elle n'ait pas changé d'idée » 105

De même, les formes et contenus de chaque œuvre vont déterminer les publics concernés,et non l'inverse. Le public de Mathilde Monnier est spécifique à chaque pièce. Or, commeles idées de la chorégraphe sont très diversifiées, les publics sont souvent très différents.Avec 2008 Vallée par exemple, elle a pu toucher des publics de concert liés à Philippe

104 idem105 Entretien : La diffusion du CCN de Montpellier (14 juin 2009) [notes]. Michel CHIALVO, responsable de la production,

de la diffusion et du partenariat du CCN de Montpellier, p 12.

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Chapitre 2 – Le CCN de Montpellier, un exemple de stratégie réussie duquel on peut tirer desperspectives d’avenir ?

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Katerine, des « publics qui n'avaient jamais vu de spectacle de danse » 106 . Quant à lapièce Publique, elle a davantage généré un public du type festival. Avec Surrogate Cities,à la philharmonique de Berlin, le public touché n'était souvent pas un habitué de danse,mais de musique classique. Avec 2008 Vallée au festival d'Avignon, de nombreux théâtreuxont constitué une part de son public. À chaque fois, les œuvres de Mathilde Monnier, enabordant un nouveau sujet et un nouveau style élargissent son public. Comme tout artiste,lorsque Mathilde Monnier crée, elle pense d'abord à sa pièce et ses intentions, et non au

public qui assistera finalement à sa pièce 107 .Le projet artistique déterminant les coproducteurs et les publics, il est logique qu'il

détermine aussi son réseau de diffusion. Car même si le réseau de diffusion de MathildeMonnier est constitué de relations interpersonnelles, il est à frontière variable : « PlusMathilde a été internationale et nationale, plus ses propositions artistiques étaient diverses

et variées, plus le réseau s’est élargi. » 108 . De plus, le fait que la chorégraphe continuede travailler ses créations après leurs premières influe sur la diffusion. En effet, unereprésentation peu attirante pour les programmateurs lors de sa première sera faiblementachetée et diffusée au début, mais pourra ensuite être de plus en plus demandée en raisond'une plus grande qualité apportée par un travail ultérieur. C'est notamment ce qui s'estpassé avec la diffusion de Gustavia, au début peu programmée à cause d'une impressionmitigée lors de sa première, et qui, une fois retravaillée a été de plus en plus demandéepar l'effet du bouche à oreille.

Enfin, il faut rajouter la temporalité afin de prendre en compte le contexte global dela diffusion d'une pièce. Michel Chialvo insiste sur le fait qu'il faille diffuser « la bonne

pièce, au bon endroit, au bon moment et avec les bonnes personnes » 109 . On peutillustrer cette affirmation par deux exemples. Lors du départ de Gérard Paquet du théâtrede ChâteauVallon à Oullioules, la nouvelle programmatrice Carole Rambaud a voulu sedémarquer et la création Arrêtez Arrêtons Arrête de Mathilde Monnier en collaboration avecChristine Angot s'y est parfaitement prêtée. À l'inverse, la diffusion à la Cour d'honneur dela pièce Frère et sœur au festival d'Avignon en 2005, alors que les critiques internationalesregrettaient à ce moment-là le manque de textes et de théâtre classiques, a été vécuecomme un échec, ayant été la cible toute indiquée pour le déchaînement des critiques.

2- Un contexte local favorable à l'épanouissement de ce projetLe projet artistique de recherche que Mathilde Monnier a élaboré pour le CCN et pourelle-même a bénéficié d'un contexte local favorable pendant longtemps, mais qui connaîtaujourd'hui quelques modifications.

a- Point fort de la politique du Languedoc Roussillon : la politique culturelle

106 Entretien : La diffusion du CCN de Montpellier (14 juin 2009) [notes]. Michel CHIALVO, responsible de la production, de la diffusionet du partenariat du CCN de Montpellier, p6.107 Idem

108 Entretien : La diffusion du CCN de Montpellier (14 juin 2009) [notes]. Michel CHIALVO, responsible de la production, dela diffusion et du partenariat du CCN de Montpellier, p10

109 Michel p9.

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Mathilde Monnier et le CCN de Montpellier bénéficient de la généreuse politique culturellelancée par Georges Frêche (élu maire de Montpellier en 1978), qui désire faire de laculture un moteur fort du développement économique d'un endroit essentiellement viticole.Il souhaite faire de la ville une véritable métropole au rayonnement important, notammenten attirant les cadres. Pour cela, il aide des entreprises du tertiaire à s'installer à Montpellier,renforce les universités déjà réputées, et insuffle une dynamique culturelle. Après sonélection en 1978, le budget de la culture pour la ville est multiplié par huit. Puis, en 1981,avec l'arrivée du chorégraphe Dominique Bagouet, on assiste à l'implantation et la créationdu Centre Chorégraphique Régional (CCR). Une première convention est alors signée avecl'État : 30 des 70 représentations convenues doivent avoir lieu à Montpellier même. Avecl'arrivée de la gauche au pouvoir, G. Frêche et D. Bagouet lancent en 1980 le festivalrattaché à la ville : Montpellier Danse et choisissent Jean-Paul Montanari pour en assurer ladirection. Puis viennent les lois de décentralisation en 1982 et la création des CCN en 1984.Le CCR devient alors le CCN de Montpellier et bénéficie de la politique culturelle étenduetoujours poursuivie par G. Frêche. Après le décès de D. Bagouet en 1994, M. Monnierprend la direction du CCN, qui, avec l'aide substantielle des tutelles (ville de Montpellier,département de l'Hérault, région Languedoc Roussillon et État), déménage dans un grandespace aménagé pour la danse : le couvent de Ursulines, conformément au projet deD. Bagouet.

Comme on peut le voir dans le rapport sur la production-diffusion 110 en LanguedocRoussillon, outre le CCN, la politique culturelle de G. Frêche a continué sur la même lancéeet bénéficie particulièrement à la danse, dont l'activité est très développée dans la région etconcentrée sur Montpellier et l'Hérault. À titre d'indicateur, la région Languedoc Roussillonest la deuxième région de France, après l'Ile-de-France qui regroupe le plus de compagniesconventionnées. Le CCN de Montpellier tire donc largement profit du dynamisme culturelde la ville lié la stabilité à long terme d'une volonté politique forte de développement de ladanse et de la culture en général.

Et malgré quelques remous en 1998 lorsque le Front National, devenu puissant danscette région, a tenté de couper le subventionnement de plusieurs grandes institutionsculturelles, la politique forte menée par G. Frêche et les professionnels de la culture s'estmaintenue à Montpellier. Le CCN de Montpellier s'est toujours vu attribuer des aidescroissantes depuis sa création.

Actuellement, la région met en place des réflexions autour des questions de productiondiffusion. Récemment, une commission régionale a été mise en place. De plus, dans lecadre des Commissions Régionales des Professions du Spectacle (COREPS), un groupe

de travail a été créé pour analyser les enjeux pour les collectivités 111 . Les réflexionsmenées sous l'impulsion de la région dans ce domaine participent à améliorer les conditionsd'exercice de la production-diffusion pour toutes les compagnies de danse.

b- Entre importance du subventionnement local et indépendance du projetde Mathilde MonnierSubventionnée à presque 70 % par les collectivités locales et l'État, le CCN de Montpellierest une structure qui doit assurer certaines missions de service public. On pourrait s'attendre

110 DUBOURG, Nicolas et alii. La creation et la diffusion du spectacle vivant en Languedoc Roussillon, Obster, Montpellier, 2006.111 Entretien : Le CCN de Montpellier et ses tutelles (12 juin 2009) [notes]. Jean-Marc URREA, directeur délégué du CCN

de Montpellier, p 9.

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Chapitre 2 – Le CCN de Montpellier, un exemple de stratégie réussie duquel on peut tirer desperspectives d’avenir ?

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à ce que M. Monnier, dans ses créations, ait une marge de liberté réduite, voire doive sesoumettre à un projet politique (éventuellement mené par Frêche, étant donné le poids etla volonté de ce dernier dans le domaine culturel). Cependant, comme l'affirme Jean-MarcUrréa, c'est loin d'être le cas : “Le CCN a en fait une place intéressante, il bénéficie d'une

sorte d'indépendance politique” 112 .

Cette “indépendance politique” du CCN s'explique par la structure de ses subventions,à parité entre l'État et les collectivités locales. En effet, au moment où ces dernièress'investissent de plus en plus dans le domaine culturel, il existe un risque qu'elle profitentalors de leur capacité d'injonction pour se réapproprier un projet artistique et le mettreau service de buts politiques. Or, en ce qui concerne le CCN de Montpellier, l'État reste

majoritaire 113 et est ainsi garant, au niveau de l'ensemble du territoire national de grandesorientations et de la liberté des projets.

La présence forte de l'État a par exemple été salutaire lors de la montée du FrontNational en Languedoc Roussillon en 1998. La ville et l'agglomération dirigées par G. Frêcheœuvraient au développement de la culture et se sont retrouvées confrontées à la régiondirigée par J. Blanc, soutenu par le Front National et qui désirait diminuer drastiquement lefinancement dans ce domaine. La présence d'un État fort dans le subventionnement du CCNa permis d'assurer la continuité de la structure et la présence d'interlocuteurs administratifscompétents et informés a rendu possible la stabilité du soutien financier au CCN.

Sans la présence de l'État, il existerait une vraie menace d'instrumentalisation desprojets culturels par le politique local. Selon J-M Urréa, on arriverait alors à un modèlesimilaire à celui de l'Espagne où les régions sont les seules maîtresses de leur politiqueculturelle qui manque alors de sens et de cohérence :

“On arriverait à un modèle comme celui de l'Espagne, où les régions impulsentles politiques qu’elles souhaitent. Les politiques culturelles sont alors au servicedu politique. Cela entraîne une perte de professionnalisme, et une perte de lienentre les acteurs. Par exemple, le festival Montpellier Danse est un festival créépar une ville, qui s’appelle du nom de cette ville, et participe donc à la réputationinternationale de Montpellier. Il est complètement utilisé comme un outil fortde la région. En avançant sur un territoire non régional, on a besoin de trouverdes réponses pertinentes pour garder l’idée d’un projet cohérent, et l’injonctionpolitique ne doit pas engager sur des terrain qui bouleverserait le sens du projet

initial.” 114

Le cadre des tutelles du CCN n'impose pas de chiffre en terme de diffusion, même si cettefacette est considérée comme extrêmement importante puisque “Le travail de l'artiste ne

fait sens que s'il est diffusé” 115 . Le CCN de Montpellier bénéficie d'une situation sereine de

112 Entretien : Le CCN de Montpellier et ses tutelles (12 juin 2009) [notes]. Jean-Marc URREA, directeur délégué du CCN deMontpellier, p 5.

113 Cf annexe 18 : Comparatif des subventions du CCN de Montpellier de 1994 à 2009114 Entretien : Le CCN de Montpellier et ses tutelles (12 juin 2009) [notes]. Jean-Marc URREA, directeur délégué du CCN

de Montpellier, p 4.115 Entretien : Le CCN de Montpellier et ses tutelles (12 juin 2009) [notes]. Jean-Marc URREA, directeur délégué du CCN deMontpellier, p 5.

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ETUDE DES CCN : QUEL AVENIR POUR LA PRODUCTION-DIFFUSION DE LA DANSECONTEMPORAINE ?

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par sa dimension nationale. L'activité de production diffusion tire partie de ce contexte quilui est favorable et est donc définie librement.

c- Un équilibre menacéLa situation d'indépendance du CCN est rendue possible grâce à la présence constantede l'État qui assure plus de 50 % des subventions, le reste étant pratiquement à parts à

peu près égales entre la région et l'agglomération 116 . Cependant, cet équilibre pourrait êtremenacé car l'État cherche à économiser à tout prix par la mise en place de la RGPP.

D'autres facteurs politiques sont actuellement susceptibles de créer des déséquilibres.En observant l'évolution des subventions totales reçues par le CCN de Montpellier, ons'aperçoit que le Conseil régional a progressivement pris en charge, de 1995 à 2009, lessubventions anciennement attribuées par l'agglomération. Cette évolution a été possiblepuisque les deux collectivités sont aujourd'hui dirigées par la même personne : G. Frêche.Cependant, les rapports de forces ont été complètement modifiés puisqu'on se retrouveactuellement avec seulement deux grandes tutelles se partageant à quasi-égalité le

financement du CCN : “le CCN devient une structure satellite de la région” 117 . Ces

changements ont fait passer le CCN à un nouveau statut. J-M Urréa explique :“Pour l’instant, le cahier des charges a été écrit il y a 4 ans pour le projet2007-2009. A partir de l’auto-évaluation que j'ai réalisée, l'Assemblée Généralea confirmé la nomination de Mathilde Monnier pour 3 ans. Pour la nouvelleassemblée générale fin septembre-début octobre, on discutera d'un nouveauprojet d’objectifs pour les 3 ans à venir : 2010-2012. J'organise donc un rendez-vous avec l'État et la région pour rediscuter des objectifs. Peut-être que la régionfera du forcing, insistant sur le fait qu'elle nous donne tant d’argent et désire

obtenir certaines choses en retour.” 118

Le poids considérable pris par la région semble fragiliser la situation du CCN. Une certainevigilance semble donc nécessaire car les variations politiques peuvent menacer les projetsartistiques. On peut citer au niveau régional, par exemple, le projet du maire de Perpignan decréer une scène nationale d'envergure. Le pilotage de ce projet avait été confié au directeurde la scène nationale d'Annecy qui avait travaillé en amont sur cette affaire, mais dont leposte a été stoppé par la nouvelle majorité arrivée au pouvoir entre temps et qui a annuléles financements. Donner un sens politique aux projets culturels est problématique.

Il ne faut donc pas oublier que la situation en Languedoc Roussillon par le passage dufinancement du CCN de 3 à 2 tutelles fragilise la situation d'indépendance du Centre.

B) Une production et diffusion intense dont le point clé estl'adaptation aux réalités du terrain et une ouverture internationale

116 Cf annexe 18 : Comparatif des subventions du CCN de Montpellier de 1994 à 2009117 Entretien : Le CCN de Montpellier et ses tutelles (12 juin 2009) [notes]. Jean-Marc URREA, directeur délégué du CCN

de Montpellier, p 6.118 idem

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Chapitre 2 – Le CCN de Montpellier, un exemple de stratégie réussie duquel on peut tirer desperspectives d’avenir ?

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La bonne performance de la production-diffusion du CCN de Montpellier s'explique par desstratégies judicieuses qui permettent de s'adapter aux nouvelles fragilités du secteur de ladanse contemporaine.

1- Une dynamique créative qui porte la diffusion

a- Intensité de la création suivie par la croissance de la diffusionOn observe un grand dynamisme dans la production et la diffusion du CCN de Montpellier.Celui-ci fait partie du groupe des “CCN moteurs”, avec plus de 10 productions et plus de300 représentations entre 2004 et 2008.

L'intensité des productions est tout à fait remarquable. En terme de nombre deproductions réalisées sur la période étudiée, le CCN de Montpellier se situe à la troisièmeplace derrière les CCN de Marseille et de Roubaix. De plus, cette vitalité ne semble pasaffectée par les récents changements. En effet, l'évolution du nombre de productions vacroissant sur la période, malgré un creux en 2006. Elle suit exactement l'évolution inversede l'ensemble des CCN.

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ETUDE DES CCN : QUEL AVENIR POUR LA PRODUCTION-DIFFUSION DE LA DANSECONTEMPORAINE ?

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Chapitre 2 – Le CCN de Montpellier, un exemple de stratégie réussie duquel on peut tirer desperspectives d’avenir ?

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Il faut dire que la puissance créative de Mathilde Monnier est impressionnante. Et à sonrythme personnel de création viennent s'ajouter d'autres conceptions issues de commandesou résultant d'opportunité particulière.

Son énergie de production est relayée par une bonne diffusion, même si le CCNde Montpellier se trouve “seulement” à la huitième place en terme de nombre dereprésentations sur la période étudiée. La diversité des créations permet au responsable dediffusion de trouver sans cesse de nouveaux réseaux susceptibles de présenter les pièces.De plus, la notoriété internationale de M. Monnier lui permet de développer son marchéà l'étranger. L'exportation de ses pièces reste très bonne et est même en hausse sur la

période 119 . Il faut dire qu'il existe une vraie volonté de performance de la diffusion dela part du CCN et de son directeur délégué. Les liens pérennes du CCN avec certainesgrandes structures de diffusion comme Montpellier Danse ou le théâtre de la Ville à Parisaident également le CCN à maintenir son niveau de diffusion. Ces bonnes performancesen terme de diffusion permettent au CCN de Montpellier de dégager des recettes propres

119 Les représentations à l'étranger passent de 11 en 2004 à 16 en 2008, malgré un creux en 2006.

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importantes. On observe en effet qu'entre 2004 et 2008, le pourcentage de recettes propresest en hausse, passant de 29,7 % en 2004 à 32,8 % en 2008 alors que les recettes totales

ont augmenté sur la même période 120 .

b - Les financements de la production et diffusion au service de projetsartistiques particuliersLa grande capacité de production du CCN de Montpellier s'explique non seulement par lalogique artistique et le rythme enlevé de création de M. Monnier mais aussi par la capacitédu CCN à trouver des financements. Comme l'explique, M. Chialvo, responsable de laproduction, de la diffusion et des partenariats au CCN de Montpellier :

“En ce qui nous concerne, on est quand même assez fort en production, avecun minimum de 50 % du budget de production apporté par la coproduction,voire parfois 100 %. On peut mettre cela en rapport avec nos chiffres pourl'étude ACCN. On a sûrement une moyenne de 70 % d'apport en coproduction.Dans l'étude, les apports directs en coproduction sont uniquement de lacoproduction pure. Les préachats sont seulement considérés comme une marge

d’exploitation.” 121

En effet, le CCN de Montpellier est celui qui regroupe le plus de coproducteurs et qui reçoit,après le CCN de Créteil, le plus d'apports en coproduction. Il se démarque largement desautres avec 42 coproducteurs trouvés en 5 ans. Il représente à lui seul : 21 % des apportsen coproduction et 21 % des coproducteurs trouvés par l'ensemble des CCN sur la périodeétudiée. Les apports en coproductions du CCN de Montpellier sont croissants de 2004 à2008, tout comme pour l'ensemble des CCN, mais ils explosent véritablement

On observe qu'au-delà de coproducteurs réguliers comme le Théâtre de la Ville, leFestival d'Automne à Paris, le Centre Pompidou, ou encore Montpellier Danse, le réseaude coproducteurs varie selon le thème et la forme de œuvres concernées.

En ce qui concerne les partenaires réguliers, la confiance établie permet de se contenterd'indiquer le nombre de danseurs de la création ainsi que son thème général pour obtenirune aide substantielle et suivie. C'est le cas avec Montpellier Danse. La relation entreces deux structures est notamment facilitée par leur proximité géographique puisque lesdeux entités se trouvent dans le même bâtiment aménagé pour la danse : le couventdes Ursulines, et leurs deux équipes se côtoient quotidiennement. Cette relation pérennes'illustre par exemple par le fait que parmi les 10 pièces créées par Mathilde Monnier entre2004 et 2008, 6 d'entre elles ont été coproduites par Montpellier Danse.

Quant aux partenaires appelés “occasionnels”, ils sont sollicités en fonction de lacréation à financer. A partir de l'idée générale de la pièce en construction, M. Chialvo,responsable de la production, de la diffusion et des partenariats au CCN de Montpellier,s'aiguille vers différents types de lieux qui pourraient coproduire et acheter la création.Il cherche alors à obtenir un maximum d'informations pour pouvoir argumenter devantles diffuseurs. On remarque que certaines pièces chorégraphiques sont plus propicesà la coproduction que d'autres. On peut par exemple citer Gustavia qui compte huitcoproducteurs (dont trois étrangers) finançant la production à hauteur de 70 %. Cette

120 Cf annexe 18 : Comparatif des subventions du CCN de Montpellier de 1994 à 2009.121 Entretien : La diffusion du CCN de Montpellier (14 juin 2009) [notes]. Michel CHIALVO, responsable de la production,

de la diffusion et du partenariat du CCN de Montpellier, p12.

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Chapitre 2 – Le CCN de Montpellier, un exemple de stratégie réussie duquel on peut tirer desperspectives d’avenir ?

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capacité à recruter les coproducteurs peut s'expliquer par le fait que deux chorégraphes à lanotoriété internationale se soient associées : M. Monnier et La Ribot. Frère et sœur, ainsi que2008 Vallée se démarquent aussi par leurs apports en coproduction. Tout comme Gustavia,elles mettent de grands noms à l'affiche : M. Monnier, Ph. Katerine, EriKm. De plus, cespièces permettent d'élargir le public par la présence d'artistes de concert. D'autres piècespeinent à obtenir l'appui de coproducteurs comme Signes Extérieurs qui n'en compte quedeux et fait figure d'exception, les autres spectacles ayant en moyenne 4,1 coproducteurschacun. Finalement, le CCN de Montpellier et les créations de sa directrice font preuved'une vraie capacité à mobiliser des moyens puisque les apports en coproduction sont enmoyenne de 80 % sur les 5 ans étudiés.

Qu'ils soient réguliers ou occasionnels, les coproducteurs font preuve d'un vraiengagement puisqu'ils financent une pièce souvent sans l'avoir vue, et sans détail précis.Ils démontrent ainsi une totale confiance à M. Monnier et un fort soutien à ses projets.

Enfin, comme la diffusion commence dès la production, étant donnée qu'elle estpresque toujours associée à des préachats, le CCN de Montpellier assure une partie de sadiffusion en trouvant un nombre élevé de coproducteurs.

c- Le soutien à l'emploi artistique

Le rythme de création important 122 a des répercussions positives sur l'emploi artistique,

qui est complètement lié à la production 123 .Les courbes représentant le nombre de personnes composant les équipes de

production et le nombre de productions réalisées sont parallèles et évoluent de façonsimilaire (contrairement à ce qui a été observé pour l'ensemble des CCN). Ainsi lahausse globale du nombre de pièces créées sur la période a entraîné une croissance del'emploi artistique pour la production. Il s'agit ici des emplois de danseurs, techniciens,scénographes, costumiers, etc. Il faut bien sûr rajouter les heures effectuées par lesadministratifs recrutés lors de la diffusion, mais pour laquelle on ne dispose pas de donnéesstatistiques en terme d'emploi.

Il est important de noter que parmi les deux formes d'emploi possibles : permanenceet intermittence, le CCN a fait un choix mixte. Même si Mathilde Monnier n'a plus aucundanseur permanent depuis 2003, elle compte sur une scénographe et trois technicienspermanents. De plus, elle s'attache à faire régulièrement appel aux mêmes danseurs,avec qui elle a des liens professionnels privilégiés. Elle semble avoir fait le choix de ce

qu'on a appelé la “permittence” 124 . Tout en s'ajustant aux conditions économiques et aux

contraintes de la création (variabilité du nombre de danseurs selon les projets par exemple),elle a su garantir une régularité de l'emploi à ses danseurs et sa costumière par exemple.Ce fonctionnement permet aux artistes et techniciens de bénéficier d'un emploi régulier touten restant libre de leurs choix artistiques et de s'enrichir au contact de divers artistes. Cechoix est justifié car il s'agit, pour les artistes, “d'un moyen d'avoir plusieurs partenaires

122 Moyenne de 2 créations par an sur la période étudiée123 Cf graphique précédent : “Evolution du nombre de productions du CCN de Montpellier et d’emploi de personnes (2004-2008)

124 MARTIN, Judith. Comment mieux accompagner les artistes ? De la production à la diffusion, Paris, ONDA, 2006.

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pour avancer” et de “responsabiliser les danseurs-chorégraphes qui ne doivent pas être de

simples exécutants” 125 .

De plus, ce système permet que la création réalisée par la chorégraphe soit motivéeintellectuellement et non liée à une contrainte externe d'un nombre de danseurs ettechniciens fixe qu'il faudrait employer systématiquement. Elle a besoin de cette liberté pourréaliser des pièces très diverses. Souvent, les danseurs expriment leur volonté de pouvoirparticiper à plusieurs projets à la fois avec différents chorégraphes, tout en menant les leurs.

L'intensité de création de M. Monnier soutient l'emploi artistique au rythme des projets.

2- Capacité du CCN de Montpellier à s'adapter aux nouvelles fragilités dusecteurMalgré les récentes mutations du secteur, les données statistiques montrent que le CCNde Montpellier réussi à maintenir les bonnes performances de ses activités de productionet de diffusion. Plusieurs axes stratégiques peuvent être dégagés et semblent expliquer cesuccès.

a- Ouverture croissante vers l'étrangerLe CCN de Montpellier a réussi à faire face à l'augmentation des coûts, de la même façonque l'ensemble des CCN, c'est-à-dire en trouvant davantage de coproducteurs et d'apportsen coproduction, mais avec une supériorité quant au nombre de partenaires. On s'aperçoitque ces coproducteurs supplémentaires sont étrangers : 29 % pour Montpellier (entre2004 et 2008) et 17 % pour les autres CCN. La recherche d'apports en coproduction àl'étranger est une volonté forte de la part du CCN de Montpellier car il n'y a désormaisguère de coproducteurs en France. Cette stratégie permet de plus de nourrir la notoriétéde M. Monnier à l'étranger. Outre la recherche de financement à l'international, M. Chialvoessaie également d'imposer l'idée de commande qui n'est pas très développée en France126 .

En terme de diffusion, on observe la même volonté d'internationalisation.

125 OTT, Lise. Midi Libre, Mathilde Monnier, la volonté en marche, 29 juin 2003 (annexe19).126 Entretien : La diffusion du CCN de Montpellier (14 juin 2009) [notes]. Michel CHIALVO, responsable de la production, de ladiffusion et du partenariat du CCN de Montpellier, p 13.

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Alors que l'ensemble des CCN voient leur représentations en France augmenter et leurdiffusion à l'international rester stable, le CCN de Montpellier connaît la tendance inversesur la même période : le nombre de ses représentations en France a été divisé par 2 tandisqu'il a été multiplié par 1,5 à l'étranger. Selon M. Chialvo, “Il devient difficile pour les Françaisde tourner en France. Pour nous, les tournées à l'exportation sont la planche de salut”.127 Il s'agit d'exporter Mathilde Monnier dans de nouveaux territoires, de développer denouveaux marchés afin de maintenir le niveau de diffusion du CCN. C'est sur cette idée-làqu'a été montée la tournée de M. Monnier au Moyen-Orient pour 2010 par exemple. Mais au-delà de la conquête de pays, il s'agit de développer les représentations de la chorégraphe

dans de nouveaux lieux de pays où elle est déjà allée 128 . Ainsi, à Berlin, M. Monnier a

127 Entretien : La diffusion du CCN de Montpellier (14 juin 2009) [notes]. Michel CHIALVO, responsable de la production, dela diffusion et du partenariat du CCN de Montpellier, p 2.

128 Entretien : La diffusion du CCN de Montpellier (14 juin 2009) [notes]. Michel CHIALVO, responsable de la production, dela diffusion et du partenariat du CCN de Montpellier, p 8.

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multiplié les lieux de représentations puisque ces pièces ont été jouées, selon leur style, auHebbel Théâtre (Publique), au Schaubuhme (Déroutes), au Radial System (2008 Vallée), àla Maison des Cultures du Monde (Gustavia), etc. Cette stratégie permet à M. Monnier degagner une forte visibilité dans une ville ou un pays, tout en apparaissant sous différentesfacettes. Cependant, il ne faut pas oublier que de telles stratégies sont longues à aboutir.La mise en place de la tournée au Moyen-Orient aura duré 3 ans par exemple.

b- Recentrage sur les prioritésUne autre stratégie du CCN de Montpellier semble consister à se focaliser sur les priorités ens'adaptant de près aux réalités du terrain. On observe donc la mise en place des adaptationssuivantes :

Veille et saisie d'opportunités : l’équipe du CCN est particulièrement attentive etdéveloppe certains projets, au gré des opportunités. Sur la période étudiée, on compteplusieurs projets de diffusion qui se sont saisis des évolutions du contexte politique, commela pièce présentée au théâtre d'Oullioules lors du départ de son directeur suite à l'électiondu FN à Toulon, ou des opportunités artistiques, comme la présentation de 2008 Valléeà la cour d'honneur en 2008. Pour ces projets-là, il s'agit de “faire un coup” dans tel ou

tel endroit 129 à tel ou tel moment. Par exemple, en présentant 2008 Vallée au festival

d'Avignon, deux objectifs ont pu être atteints : Mathilde Monnier, passant pour une artistepurement intellectuelle après les critiques reçues lors de son passage à Avignon en 2005, aeu les moyens de se réconcilier avec le public du festival en présentant un autre travail. Sonimage a ainsi été plus positive. De plus, un public de concert a été attiré dans un festival dethéâtreux, grâce à la présence de Philippe Katerine.

Consolidation des relations avec les partenaires de longue date : le CCN deMontpellier bénéficie de la fidélité de quatre structures (Montpellier Danse, du théâtre de laVille, du Centre Pompidou et du Festival d'Automne de Paris) dont l'engagement pérenne

est un point clé pour la diffusion de M. Monnier 130 . Ces structures sont des lieux de visibilité

très importants pour la diffusion future des pièces. Ils sont repérés comme étant des lieux depassage obligés pour la création. Ils sont les endroits où se trouve le marché internationalde la danse. Le CCN de Montpellier fait donc particulièrement attention à ces relationsprivilégiées. Il faut donc être attentif aux questions d'exclusivité et faire varier les lieux despremières en l'adaptant aux caractéristiques de la création.

Flexibilité de la diffusion : Afin de favoriser la diffusion des pièces à l'étranger,plusieurs mesures ont été mises en place afin de limiter les frais d'approche. Malgrél'augmentation du coût des transports et l'inflation, ils restent stables sur la période étudiée.Pour cela, le transport du décor n'est plus assuré par un transporteur, mais pas un technicienfaisant le déplacement en camion pour les destinations relativement proches. Pour lestournées sur d'autres continents, le décor est parfois allégé et est transporté commesupplément bagage. La dimension marketing est donc améliorée. En outre, M. Monnierdémontre une volonté de faciliter les questions de planning. Comme l'indique A. Fontanesi

129 Entretien : La diffusion du CCN de Montpellier (14 juin 2009) [notes]. Michel CHIALVO, responsable de la production, dela diffusion et du partenariat du CCN de Montpellier, p8.

130 Discussion sur les nouvelles méthodes de production (28 juillet 2009). Anne FONTANESI, responsable de laprogrammation ]Domaines[ et attachée de production et diffusion du CCN de Montpellier.

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131 , lors des prémices de sa nouvelle création, Pavlova 3”23, M. Monnier souhaitaitembaucher beaucoup de danseurs et faire des rôles masqués. Ainsi, les danseurs auraientété interchangeables et tirés au sort ou choisis selon leur disponibilité pour les datesde tournée. Cette flexibilité extrême n'a finalement pas été mise en place car le projeta légèrement changé, mais des systèmes de remplacement des danseurs sont souventutilisés dans les pièces de M. Monnier avec beaucoup de danseurs comme pour Tempo 76.

Fin des interventions payantes en tournée : Depuis 2005, le CCN ne fait plus

d'interventions payantes en tournée. Selon M. Chialvo 132 , ce serait une erreur de lesdévelopper car il n'y a pas de relation entre les ateliers proposés par un chorégraphe etle nombre de spectateurs assistant à sa pièce. Cependant, il n'exclut pas d'en mettre enplace quand il s'agit d'une exigence du programmateur pour diffuser l'œuvre de M. Monnier,comme c'est souvent le cas au Moyen-Orient ou en Asie où la demande d'échanged'expertise et de collaboration est forte.

c- Les limites de ces stratégiesCes stratégies ont prouvé leur efficacité, mais elles montrent aussi leurs limites, dans leurmise en place et dans un contexte en évolution.

L'ouverture à l'étranger pose des difficultés dues aux différences de culture, depratiques professionnelles et de moyens financiers. En effet, l'exportation des pièces deM. Monnier n'est pas toujours évidente, surtout dans les pays à fortes différences culturelles.Il faut pouvoir proposer une œuvre au thème adapté. Par exemple, Gustavia, assez engagéesur le plan du féminisme ne pouvait convenir pour une tournée au Moyen-Orient. Il adonc fallu attendre une nouvelle création pour pouvoir envisager cette tournée. En ce quiconcerne l'Asie, les thèmes abordés sont aussi soigneusement étudiés. Les spectaclesabordant le vivre ensemble sont privilégiés. La concordance des questions abordées nesuffit malheureusement pas toujours. Dans des régions comme le Moyen-Orient ou l'Asie,un vrai échange de savoir-faire est généralement demandé. Aussi, il faut souvent pouvoirproposer des ateliers ou interventions de la chorégraphe, chose qui est peu privilégiée parle CCN comme nous l'avons vu. Enfin, il faut trouver les financements pour réaliser cestournées. Comme l’économie en dehors de l'Europe est souvent constituée d’économiesprivées, de sponsoring, cela est souvent très long. De plus, les Centres Culturels françaiset les Alliances Françaises qui participent la plupart du temps au financement voientactuellement leurs moyens se réduire. Culturesfrance diminue aussi son soutien pour lesexportations à l'étranger.

Enfin, même si l'ouverture à l'étranger est une réussite, il semble nécessaire dene pas négliger la diffusion en France. Sur la période étudiée, la chute du nombre dereprésentations du CCN de Montpellier en France est considérable,

De plus, il ne faut pas oublier que le CCN a une mission locale et qu'une partie dela diffusion doit s'effectuer en région. Il y a une délégation régionale de pouvoir auprès dedifférents théâtres comme ceux de Sète, Narbonne, Nîmes ou encore Alès. Le problème estque les enjeux politiques pour augmenter la circulation d'une œuvre en région s'opposentparfois aux logiques économiques du marché. Par exemple, si Mathilde joue à Montpellier,

131 Discussion sur les nouvelles méthodes de production (28 juillet 2009). Anne FONTANESI, responsable de laprogrammation ]Domaines[ et attachée de production et diffusion du CCN de Montpellier.

132 Entretien : La diffusion du CCN de Montpellier (14 juin 2009) [notes]. Michel CHIALVO, responsable de la production, dela diffusion et du partenariat du CCN de Montpellier, p 7.

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tout son public viendra à Montpellier, ce qui engendrera des problèmes de concurrence pourles autres villes.

II - Quels enjeux pour l’avenir ?Les contraintes du CCN de Montpellier sont celles que tout le milieu affronte. Quenous apprend donc son analyse sur les conditions de production-diffusion de la dansecontemporaine pour les structures françaises ? Dans un milieu en mutation, quels sont lesenjeux à venir de cette activité ?

A) Les nouveaux modèles de production/diffusion pour faire face auxproblématiques du milieu

Face aux nouvelles fragilités du milieu, de nouveaux modèles ont émergé, comme celui desbureaux de production.

1- Émergence de nouvelles formes de production-diffusion pour faire face àla contradiction entre le marché et la démarche esthétique

a- Les lois du marché pèsent même sur une marchandise pas comme lesautresL'étroitesse du marché de la diffusion de la danse contemporaine et sa logique économiqueont atteint toutes les structures du milieu.

Comme le mentionne le rapport de l'ONDA 133 , il existe un déséquilibre croissant entrela production et la diffusion des spectacles pointé par le rapport Latarjet et que toutes lesétudes récentes confirment. Alors que l'offre est abondante, la demande de spectaclesest réduite, et encore plus dans le champ de la danse contemporaine. D'après le rapide

calcul de M. Chialvo 134 , en comptant seulement les compagnies de danse référencées,on aurait environ 300 pièces au répertoire auxquelles il faut encore ajouter les productionsinternationales. En face se trouvent de 150 à 200 lieux qui programment de la danse. Lepotentiel d'accueil ne semble pas suffisant pour absorber toutes les productions.

De plus, le système français favorise l'offre. En effet, les aides à la production poussentles compagnies à créer pour recevoir une aide financière alors que les possibilités dediffusion ne sont pas favorisées. Selon J-M Urréa :

“On a un système monstrueux en France qui est celui de l'aide à la production.Un certain nombre de compagnies qui n’arrivent pas à atteindre les critèresde l’aide aux compagnies annuelle y ont recours. C'est un moyen pour ellesd’obtenir des subventions en tant qu'aide au projet. Pour cela, il faut produiretous les ans. Face à la surproduction engendrée par ce système, il y a eu un léger

133 MARTIN, Judith. Comment mieux accompagner les artistes ? De la production à la diffusion, Paris, ONDA, 2006.134 Entretien : La diffusion du CCN de Montpellier (14 juin 2009) [notes]. Michel CHIALVO, responsable de la production, de

la diffusion et du partenariat du CCN de Montpellier, p 1.

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changement avec la création de l'aide à la diffusion. Mais la somme accordéedans le cadre de l'aide à la diffusion est moindre. Les compagnies sont donc

poussées à créer.” 135

Le marché de la production ne s'en retrouve donc que plus engorgé.Cependant, outre cette méthode qui pousse à la production, c'est tout d'abord un désir

et une logique artistique qui sont à l'origine d'une pièce. On ne peut empêcher un artiste decréer. Il semble donc que le dysfonctionnement provienne aussi d'un problème de demande.La question serait donc : “Y a-t-il suffisamment de théâtres qui programment de la danse ?”136

En s'intéressant à cette question, on s'aperçoit alors que les programmateurs sont eux-mêmes pris par des règles qui ne favorisent pas les spectacles de danse. Ils sont contraintspar un budget et sont souvent obligés de présenter des spectacles pour lesquels la billetterie

est assurée, ce qui est peut-être moins le cas des pièces de danse contemporaine 137

. De plus, ils sont actuellement confrontés à des baisses de fréquentation du public quis'expliquent par différents facteurs :

“- cet affaiblissement est pour partie lié à des éléments de contexte. Parmi ceux-ci,deux réalités se conjuguent pour faire de la demande des Français une variable elle-mêmeen baisse.

- une situation générale de crise économique et de redistribution des priorités deconsommation. La sensibilité du public à cette donnée exogène est d’autant plus grandeque cette demande est très concentrée (10 % des ménages effectuent 50 % de la dépensepour le spectacle vivant).

- une mutation structurelle défavorable au poids de la sortie au spectacle dans lesdépenses culturelles des Français. La dernière enquête de l’INSEE/DEP à ce sujet (1995)révélait une stagnation de la fréquentation du spectacle vivant au sein des pratiquesculturelles des ménages, tandis que d’autres domaines se développent (audiovisuel,nouvelles technologies). “

Cette situation est sans doute à mettre en relation avec la qualité de l’offre, et conduità des choix de programmation difficiles. Il ressort du rapport Latarjet que certains CentresDramatiques Nationaux peuvent enregistrer des baisses de fréquentation en ne privilégiantplus les programmations ouvertement destinées à « remplir les salles ». On peut doncimaginer que programmer de la danse contemporaine revient pour les diffuseurs à sacrifierleur budget.

En résumé, les structures arrivent à peu près à faire face à l'augmentation du coût desproductions grâce aux aides existantes, mais peinent véritablement à diffuser leurs piècesdans un marché saturé et dans un contexte économique difficile, peu de mesures ayant étémises en place afin de favoriser la diffusion de la danse contemporaine.

135 Entretien : Le CCN de Montpellier et ses tutelles (12 juin 2009) [notes]. Jean-Marc URREA, directeur délégué du CCN

de Montpellier, p 8.136 Entretien : La diffusion du CCN de Montpellier (14 juin 2009) [notes]. Michel CHIALVO, responsable de la production, de

la diffusion et du partenariat du CCN de Montpellier, p 3.137 Discussion sur les nouvelles méthodes de production (28 juillet 2009). Anne FONTANESI, responsable de la

programmation ]Domaines[ et attachée de production et diffusion du CCN de Montpellier.

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ETUDE DES CCN : QUEL AVENIR POUR LA PRODUCTION-DIFFUSION DE LA DANSECONTEMPORAINE ?

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b- Les bureaux de production comme solution ?Plusieurs compte-rendus, notamment le rapport Latarjet préconisent la mutualisation des

moyens : entre les compagnies (comme le partage des emplois permanents 138 ) ou entreles institutions culturelles (par la création de structures communes aux réseau culturel deservice public qui seraient en charge de la gestion des instruments collectifs de soutien à

la création et à la diffusion 139 ).Les bureaux de production, apparus dès les années 1970, paraissent être une solution.

Ils permettent en effet de partager les moyens. Leur modèle de fonctionnement estaujourd'hui en pleine expansion. Un rapport récent intitulé Démarches et pratiques desbureaux de production en Ile-de-France souligne leur nouvelle place dans le paysageculturel. Ce sont certes des structures fragiles mais qui permettent de rémunérer despersonnes compétentes pour travailler pour plusieurs compagnies, notamment dans ledomaine de la diffusion. Mais les bureaux de production proposent toute une panoplied'autres services administratifs. Il s'agit en fait de mutualiser des ressources humaines defaçon collégiale.

L'artiste peut ainsi recourir à une compétence particulière selon ses nécessités dumoment.

Or, comme le précise l'Office National de Diffusion Artistique (ONDA), pouvoir faireappel à des personnes ayant des compétences solides est essentiel pour la diffusion. Lesprofessionnels mettent en effet en exergue le fait que les chargés de diffusion doivent avoirun profil particulier :

“Ce profil réclame un niveau élevé de formation initiale et/ou d’expérienceprofessionnelle et indéniablement des « compétences techniques “: savoirlire et rédiger un contrat de cession, de coproduction, d’engagement d’artisteet négocier, savoir faire et adapter un budget…[...]Au premier rang de cescompétences : la connaissance des réseaux propres à la discipline artistique.Or, si l’on peut apprendre à gérer une production – les cursus de formationà cet endroit sont pléthores - la connaissance réelle d’un réseau de théâtreset de directeurs, de leurs identités artistiques, de leurs projets respectifs, deleurs façons de travailler ne peut s’acquérir que dans le temps de l’expérienceprofessionnelle. En outre, tous nos interlocuteurs font état d’une exigence demobilité et de disponibilité, de culture générale et de connaissance approfondiedu domaine artistique. ,Efficacité technique, compréhension artistique desenjeux, capacité à aller vers des interlocuteurs variés (artistes, institutions…),à les écouter et à s’en faire comprendre, appellent un esprit à la fois pratique et

inventif.” 140

Grâce à un recrutement sélectif de leur personnel et à la minimisation des coûts fixes,les bureaux de production offrent des avantages indéniables de production aux structurescherchant à diffuser des artistes.De ce fait l'avenir semble se dessiner avec une diffusionau coup par coup.

138 LATARJET, Bernard. Pour un débat national sur l’avenir du spectacle vivant, Paris, avril 2004 (p 61).139 LATARJET, Bernard. Pour un débat national sur l’avenir du spectacle vivant, Paris, avril 2004 (p 133).140 MARTIN, Judith. Comment mieux accompagner les artistes ? De la production à la diffusion, Paris, ONDA, 2006 (p 16).

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Cependant, comme l'indique Anne Fontanesi, ils représentent une façon intéressantede mutualiser les moyens, uniquement à condition que les artistes proposés par les bureaux

de production ne se mettent pas en concurrence 141 . Souvent, les bureaux de productionn'accompagnent pas un artiste de façon pérenne, mais plutôt sur une visibilité, un projetparticulier.

De plus, il ne faut pas oublier que les emplois créés par les bureaux de productionne sont pas pérennes comme le révèle l’étude Démarches et pratiques des bureaux deproduction en Ile-de-France. Les employés sont finalement salariés sur les budgets descompagnies, des aides au projet qui ne sont pas garanties chaque année. Enfin, l'économiedes bureaux de production est très complexe puisque ces structures ne peuvent fonctionnerque si un artiste génère beaucoup de recettes et paie en quelques sortes pour les autrescompagnies.

c- D'autres moyens de financement ?Pour faire face aux difficultés rencontrées récemment par les structures culturelles de dansecontemporaine, le recours à des moyens de financement supplémentaires est souventpromu par l'État. Parmi ces sources “providentielles” de financement sont souvent citéesl'Union Européenne et le mécénat. Qu'en est-il vraiment ?

Ces types de ressources financière semblent constituer un grand potentiel definancement pour la production et la diffusion de pièces chorégraphiques. En effet, leprogramme Culture de l'Union Européenne est doté d'un budget trisannuel d’environ 400millions d’euros auquel il faut rajouter tous les programmes annexes pouvant comprendredes projets culturels. Quant au mécénat, il a été rendu très attractif en France depuis la loide 2003. Cette loi accorde aux entreprises mécènes une déduction fiscale égale à 60 % dumontant total du don ainsi qu'une contrepartie en nature pouvant aller jusqu'à 3 % du donreçu par la structure aidée.

Cependant, ces deux types de financement bénéficient peu aux structures dedansecontemporaine telles que les compagnies et les CCN. En ce qui concerne le mécénat,

il est, selon Hélène Joly 142 , extrêmement faible chez les compagnies et les CCN qui restentquand même de petites entités culturelles. Seuls les grands ballets ayant une plus fortevisibilité peuvent peut-être davantage recourir au mécénat, tels que le ballet Preljocaj duCCN d'Aix ou le ballet de Marseille. De plus, la crise économique actuelle est venue réduireles budgets de mécénat des entreprises. Le domaine de la danse neperçoit qu’environ 3 %des dons annuels de mécénat, ce qui reste très peu.

Quant aux financements de l'Union Européenne, Michel Chialvo souligne le fait qu'ilsne soient versés que pour des projets très particuliers. L'UE soutient bien sûr des projetsavec une plus-value européenne. Elle ne veut pas se substituer aux politiques nationales. Ils'agit uniquement d'un soutien aux projets incluant plusieurs territoires. On peut égalementobserver une forte tendance à l'aide plus marquée aux pays de l'Est. Les conditions d'accèsaux fonds européens sont souvent difficiles à remplir. C'est en effet ce que confirme H.Joly :

“Je pense que le recours à l'Europe n'est pas encore très développé, malgréune vraie volonté politique. Remplir les conditions permettant d'accéder aux

141 Discussion sur les nouvelles méthodes de production (28 juillet 2009). Anne FONTANESI, responsable de laprogrammation ]Domaines[ et attachée de production et diffusion du CCN de Montpellier.

142 Entretien : L'ACCN et les enjeux politiques (18 mai 2009) [notes]. Hélène JOLY, coordinatrice de l’ACCN, p 4.

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subventions européennes est très difficile. Il s'agit de projets particuliers, montésd'une certaine manière. Cela fait que ce n'est pas encore une pratique installée.Mais peut-être que certains CCN la développe. Peut-être surtout les CCN situésdans des régions et territoires transfrontaliers, comme c'est le cas pour le CCN

de Belfort.” 143

2- Des réponses ambiguës : entre amplification et restriction des effetspervers induits par les décisions politiquesLes possibilités que nous venons d'évoquer offrent certains avantages pour faire faceaux difficultés, mais paradoxalement, ils concourent à favoriser les changements connusrécemment dans le milieu de la danse.

a- L'intermittence, système largement utilisé par les bureaux de productionOn peut par exemple s'intéresser à l'emploi généré par l'activité de production-diffusion telleque développée par les bureaux de production. Ils accompagnent plusieurs projets en mêmetemps et permettent ainsi aux artistes de mutualiser de nombreux outils nécessaires à laproduction et à la diffusion de leurs œuvres, notamment de salarier des personnes pourrépondre aux multiples demandes des compagnies. Cependant, l'emploi généré est trèsprécaire, et on constate que de nombreux intermittents comptent parmi les employés desbureaux de production. Comme le montre l'étude de la Belle Ouvrage sur les bureaux deproduction :

« Les contrats à durée déterminée ne représentent qu’un tiers des contrats(30,9 %). Les contrats de travail sont majoritairement établis à durée déterminée(60,3 %) […]l’usage des contrats précaires reflète surtout surtout les difficultéséconomiques rencontrées par les bureaux de production, difficultés à se projeteréconomiquement et à pérenniser ses postes, d’où un large recours aux annexes

8 et 10. » 144

Cette situation est due au fait que les bureaux de production sont complètement soumisaux lois du marché. Ils ne reçoivent aucune aide de l'État afin de pérenniser les emplois ousoutenir la création et la diffusion artistique. Ces structures et leurs emplois sont régis parla loi de l'offre et de la demande. L'artiste fait appel à un bureau de production selon sonbudget et lorsqu'il a besoin d'une compétence particulière pour un projet précis. L'emploiest donc très souple et s'adapte aux nécessités, d'où l'utilisation significative du régime del'intermittence. Le travail est très sectionné. Les bureaux de production ne proposent doncfinalement pas d'accompagnement pérenne de la production-diffusion d'un artiste par unepersonne en particulier et n'aboutit pas à la formation d'emplois permanents comme ce qui

est évoqué par les travaux sur le milieu 145 .

b- Le désengagement de l'État, possible grâce aux bureaux de production etles nouvelles sources de financement ?

143 idem144 La Belle Ouvrage. Démarches et pratiques des bureaux de production en Ile-de-France , Paris, 2008.145 LATARJET, Bernard. Pour un débat national sur l’avenir du spectacle vivant, Paris, avril 2004 (p 133).

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Les solutions évoquées pour renforcer la production-diffusion de la danse contemporaineont, comme on l'a vu, leurs limites. Les concepts de coopération, de mécénat et duprogramme culture de l'UE sont très utilisés dans les discours, mais semblent être en réalitédes solutions peu utilisées et difficiles à mettre en place par les structures de production-diffusion telles que les CCN et les compagnies.

Le problème est que ces ressources ne paraissent pas être envisagées par l'Étatcomme des moyens additionnels en faveur de la production-diffusion, mais plutôt commedes palliatifs aux économies de l'État opérées par la RGPP. A l'extrême, la mise en avantde ces potentielles ressources financières pour les structures culturelles ne permettrait-ellepas à l'État de se désengager sans culpabilité ?

Comme l'indique Hélène Joly dans son entretien du 18 mai 2009, l'État encourage

fortement les entreprises culturelles à avoir recours à l'UE pour financer leurs projets 146 .On peut émettre l'idée que l'État chercherait ainsi à se décharger de certains financements.Cependant, il est nécessaire de rappeler que l'UE ne veut absolument pas se substituer auxpolitiques culturelles nationales, ce qui ne semble d'ailleurs pas souhaitable. Les projetssoutenus ne sont que des projets très particuliers, à dimension européenne, et qui n'auraitpeut-être pas pu trouver un support national. De plus, il faut garder à l'esprit que les dossiersde demande de subvention européenne demande des compétences pointues. Les aidesde l'UE sont donc limitées,

Quant au mécénat, il ne semble pas être une vraie solution vers laquelle les entreprisesculturelles puissent se tourner. Malgré sa nouvelle attractivité grâce aux avantages conférés

par la loi de 2003, le mécénat a peu augmenté 147 et le montant total des dons à la dansepar rapport au budget danse de l'État reste très faible.

Ces deux ressources ne peuvent donc pas compenser un éventuel retrait de l'Étatfrançais dans le domaine de la production et de la diffusion de la danse contemporaine. Lessubventions de l'État et des collectivités restent essentielles au milieu.

Les bureaux de production apparaissent comme une éventuelle possibilité decompenser un manque de subventions aux compagnies. Cependant, ces structures nebénéficient d'aucune aide au fonctionnement. Leur système est complètement privé alors

que les artistes reçoivent des financements publics. La démarche n'est pas complète 148

. Alors qu'il y a mutualisation des moyens, les postes créés ne sont pas pérennes et laproduction-diffusion des “petites” compagnies ne peut être réalisée qu'en prélevant surles recettes des “grandes” compagnies. Il serait nécessaire que l'État investisse dansces structures flexibles offrant de nouveaux modes de production-diffusion aux artistescombinant adaptabilité, compétence et optimisation des ressources.

B) Bilan et recommandationsDans le contexte d'un milieu de la danse contemporaine en mutation où sont apparues denouvelles formes de production-diffusion, quelles conclusions peut-on tirer ?

146 Entretien : L'ACCN et les enjeux politiques (18 mai 2009) [notes]. Hélène JOLY, coordinatrice de l’ACCN,147 GANNET, Claire. Cours Le Mécénat culturel, 2009.148 Discussion sur les nouvelles methodes de production (28 juillet 2009). Anne FONTANESI, responsable de la

programmation ]Domaines[ et attachée de production et diffusion du CCN de Montpellier.

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1)Défendre le travail d'un artiste dans un contexte difficile

a- Un contexte de création actuel difficileLe CCN de Montpellier, comme de nombreuses compagnies, a dû faire face, sur la périodeétudiée (2004-2008), à un contexte de production et de diffusion qui s'est dégradé.

En effet, plusieurs difficultés nouvelles sont présentes :Marché de la diffusion saturé : La question de la surproduction se pose, même si

sa connotation marchande peut déranger. Il faut souligner que les difficultés de l’équilibreentre création et diffusion s'apparentent à une crise économique dans la mesure où elletraduit l’incapacité des divers intervenants à réguler leurs échanges, y compris les échangesnon-marchands. Les obstacles de diffusion en résultant viennent miner la production, carla diffusion commence avec la production. Une partie de la production étant financée pardes préachats, les possibilités réduites de diffusion sont venues appauvrir les possibilitésde création des artistes.

Diminution des soutiens officiels : L'État a lancé en 2005 la RGPP. Or, en cequi concerne son application au ministère de la Culture et de la Communication, il s'agitessentiellement de faire des économies et donc, à terme, de réduire les soutiens auxstructures culturelles. En outre, on s'est aperçu que des établissements conventionnésayant des missions d'aide à la production et à la diffusion, tels que les scènes nationales,ne peuvent assumer toute l'activité de production-diffusion, ce qui participe à la baisse

des moyens de production disponibles pour les créations chorégraphiques 149 . ,Laplace relativement faible qu'occupent les SN dans la diffusion (notamment des CCN) peuts'expliquer par les impératifs économiques des programmateurs qui sont de plus en plussous la pression d'objectifs de billetterie et qui ne privilégient donc pas la danse de création,

et par le manque de spécialistes de la danse parmi les programmateurs 150 . Pour faire face àla baisse des moyens de production disponibles sur le territoire français, plusieurs structures(dont le CCN de Montpellier) se sont tournées vers l'étranger. Cependant, les possibilitésd'exportation de la production et de la diffusion des créations semblent difficiles alorsque Culturesfrance diminue les aides attribuées, et ce notamment pour les CCN·. Enfin,cette situation ne paraît pas pouvoir s'améliorer car les ressources envisagées commesubstituables aux aides de l'État (mécénat, subventions européennes) s'avèrent ne pasl'être en réalité.

Pression à la compétitivité : Avec la RGPP et la définition d'un texte cadre CCN, desobjectifs chiffrés précis et contraignants, conditionnant la conservation du label, risquentd'être imposés aux structures institutionnelles,

Dans un tel contexte de telle pression économique, la production des créations deschorégraphes se voit menacée.

b- Où est la liberté de l'artiste entre l'économie et la politique ?Outre l'aspect économique, l'activité de production-diffusion est aussi contrainte par lapolitique, et encore plus dans une structure institutionnelle régie par une convention avec

149 Entretien : L'ACCN et les enjeux politiques (18 mai 2009) [notes]. Hélène JOLY, coordinatrice de l’ACCN.150 Entretien : La diffusion du CCN de Montpellier (14 juin 2009) [notes]. Michel CHIALVO, responsible de la production, de

la diffusion et du partenariat du CCN de Montpellier

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l'État et les collectivités territoriales. Dans un tel contexte, où se situe la liberté de créationde l'artiste ?

Rex WARNER montre qu'en bénéficiant de subventions, l'artiste acquiert “non

seulement la liberté économique, mais la liberté spirituelle” 151 . On pourrait donc en

conclure, que les directeurs chorégraphes des CCN bénéficient pleinement d'une situationde totale liberté artistique. Cependant, il ne fait pas oublier qu'en étant directement financépar les institutions politiques, il existe un risque d'instrumentalisation. D'après Jean-JacquesSanchez, ce n'est pas une menace mais un fait réel. Selon lui, les chorégraphes de dansecontemporaine se sont laissés totalement emprisonnés dans un système institutionnel quiles déprave de toute liberté de création et a transformé leur art subversif en un art totalementconventionnel :

“Les chorégraphes représentent en somme des cadres statutairement inscrits dans uneéchelle de valeur hiérarchique d’un système hyper institutionnalisé. Système qui, à l’heureactuelle, sous couvert de crise économique et de réformes, cache mal son autoritarisme etses priorités idéologiques.

Dans ce contexte politique et économique abusif, l’art chorégraphique devraitjouer son rôle d’art subversif parce qu’il traite justement de la matière du corps etde ses mouvements. Le corps étant l’outil premier de l’expression et de l’action.Au lieu de cela, les chorégraphes contribuent, il faut bien le dire, à la canalisationdes énergies fulgurantes des corps. Ainsi, jouant le rôle de gardes fous, àpartir des cercles « cultureux » d’une société « bien pensante », ils participentd’une certaine manière, au déclin comme à la magnificence du paysage culturelcommun, à l’émergence contenue de ses esthétiques choisies et à leur pluralité,à la détermination conforme des contours philosophiques et idéologiques d’un

pouvoir, quel qu’il soit.” 152

Il est clair qu'un tel risque d'instrumentalisation existe, comme en témoigne l'histoire desrelations entre l'Art et le pouvoir. Mais en est-on réellement arrivée à la situation décritepar J-J Sanchez ? Cette conclusion “que les chorégraphes soient en somme des "créatifs

contraints" super instrumentalisés” 153 semble démesurée, voire à la limite de la paranoïa.

Il suffit pour cela de se pencher sur les créations actuelles. On constatera par exempleque Blanca Li a créé et montré en première mondiale Le Jardin des Délices à MontpellierDanse. Ainsi, une chorégraphe récemment nommée artiste associée au CCN de Créteil,et qui se trouve donc au cœur de ce qu'on peut appeler le système institutionnel de ladanse contemporaine, a diffusé une création dénonçant les travers de la société actuelleet critiquant directement le président N. Sarkozy et son train de vie luxueux alors que lemonde de la culture souffre de manque de financements. De plus, sa première a eu lieudans un festival bénéficiant d'une très grande visibilité internationale. Il devient difficile dedouter de sa liberté de création.

Le système des subventions, même s'il est dirigé par les institutions politiques, restetempéré par un système d'attribution selon des critères objectifs. Il existe en France

151 REX, Warner. La Liberté de la creation littéraire et artistique, Collection Droits de l’Homme, UNESCO, Paris, 1950 (p 9).152 La danse.com blog (consulté le 5 mai 2009) SANCHEZ, Jean-Jacques. Vive l’art chorégraphique contemporain ! 12

novembre 2008 < http://www.ladanse.eu/spip.php?article274 >153 idem

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une vraie liberté qui permet à la danse contemporaine de rester un art potentiellementprovocateur. Les artistes ont la chance de rester souverains dans le choix de leurscréations, et encore plus lorsqu'ils sont à la tête d'un CCN. Comme le montre JM Urréa,l'équilibre des financements entre l'État et les collectivités locales agit comme une garantied'indépendance artistique.

2- Les moyens à mettre en place pour une création libre…Bien que les chorégraphes en France soient libres, les difficultés économiques actuellespourraient venir menacer cette situation, comme le souligne l'article de J-J Sanchez et il fautdonc y être vigilant. Il semble alors nécessaire de soutenir le travail de l'artiste.

a- … au sein des CCN, aux vues des forces et faiblesses de celui deMontpellierIl est important de veiller à ce que les structures CCN ne deviennent pas l’instrument devolontés politiques locales. Afin que l’indépendance soit sauvegardée, plusieurs pointspourraient être mis en œuvre.

Tout d’abord, il faudrait veiller à conserver un dialogue plaçant au même niveau l’Étatet les régions afin de faire jouer l’équilibre des forces et leur montrer qu’aucun n’a la mainmise sur le projet du CCN. Il s’agit d’un projet artistique indépendant, sans préoccupationspolitiques locale ou nationale.

Ensuite, il paraît évident surveiller le texte cadre des CCN pour qu’une définition dela répartition des financements entre État et collectivités locales garantisse l’équilibre destutelles.

Enfin, repenser régulièrement les stratégies est essentiel : le développement desrecherches d’apports en coproduction et de diffusion à l’étranger semble être une stratégieréussie pour le CCN de Montpellier. Cependant, la baisse de financement des CCF et leretrait progressif de Culturesfrance sont de vrais dangers.

Il paraît donc important de :—réduire les frais d’approche en privilégiant par exemple des versions allégées des

décors à l’étranger, en évitant de passer par une agence de voyage pour l’achat des billets,sauf peut-être pour les vols long-courrier ;

—utiliser au maximum des formes de diffusion adaptées aux pays des lieux dereprésentation : par exemple, développer l’accompagnement des pièces par des workshopsau Moyen-Orient et en Asie ;

— se concentrer également sur la diffusion en France qui demande moins d'énergiepour la mise en place d’une tournée, malgré les difficultés connues. La diffusion serafavorisée en entretenant et surtout développant les réseaux de diffusion français, ensaisissant des opportunités fortes, en montant des tournées en région afin que les théâtresmutualisent leurs dépenses à l’image de la régionalisation du festival Montpellier Dansepour l’édition 2009 : City Maquette de Mathilde Monnier a été joué à Uzès et à Montpellier,(Madame Plaza se Bouchra Ouizguen à Montpellier et Lodève, Le Jardin des Délicesde Blanca Li à Montpellier, Carcassonne, Perpignan, Narbonne et Sète), en proposant laprogrammation de “packages” composés de plusieurs pièces.

b- … au niveau national par de nouvelles directions

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De toute évidence, pour garantir une certaine liberté de création, il faut que les CCN aientune certaine marge de manœuvre en termes de moyens.

Pour cela, on pourrait imaginer un échelon supplémentaire sur l’échelle graduellede l’aide au projet, le conventionnement et les CNN. En effet, il semble manquer uneétape entre la compagnie conventionnée qui a seulement des objectifs de production et dediffusion et le CCN qui dispose d’un lieu, et a des missions très diverses auxquelles tous les

chorégraphes ne veulent pas forcément participer. Un label de “compagnie nationale” 154

serait un moyen pertinent de combler ce manque et de favoriser la production et diffusiond’œuvres chorégraphiques en apportant à une grande compagnie une reconnaissance

nationale et l’assurance d’un budget 155 de fonctionnement décent, lui permettant de mener

à bien ses projets artistiques. De plus, l’existence d’un tel label permettrait une meilleurerotation des chorégraphes directeurs de CCN, qui, après avoir fait le tour de cette fonctionet sentant leur rôle fini dans cette structure, ne craindraient pas de quitter leurs postes et seretrouver avec un budget insuffisant à la réalisation de leurs projets.

Enfin, plus généralement, afin de favoriser la diffusion de la danse contemporaine, ilsemble nécessaire de se poser la question de l’éducation artistique. En effet, alors que laproduction fonctionne à peu près et que l’offre d’œuvres chorégraphiques contemporainesest relativement abondante, il est maintenant important d’en donner les clés d’accès auplus grand nombre de personnes possible. Pour l’instant, les programmateurs, contraintspar des logiques économiques de rentabilité privilégient surtout les pièces qui sont les plussujettes à remplir les salles, c’est-à-dire les pièces de ballet. Cette situation laisse peu deplace à la diffusion de la danse de création. Au-delà du questionnement sur la nécessité deprivilégier la logique de rentabilité sur la logique artistique, il semble important de développerles actions de sensibilisation du public et de renforcer l’éducation culturelle afin de favoriserla diffusion de pièces chorégraphiques contemporaines. Au moment où on coupe les créditsde l’éducation artistique à l’école, il semble au contraire nécessaire de la renforcer et dedévelopper :

1. des actions d’accompagnements des spectacles par les compagnies2. des projets de recherche de nouveaux publics par les établissements culturels3. les pratiques en amateurs au-delà de la professionnalisation.

154 Entretien : Le CCN de Montpellier et ses tutelles (12 juin 2009) [notes]. Jean-Marc URREA, directeur délégué du CCNde Montpellier.

155 150 000 €

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Conclusion : assurer l'avenir des CCN,les soutiens à l'ensemble du secteur dela danse

Aux vues des résultats de cette analyse de la production-diffusion des CCN, on s'aperçoitqu'il s'agit de structures privilégiées avec de nombreux atouts. Face aux transformations dela société qui ont modifié les relations entre économie, politique et culture, les CCN ont sus'adapter et ont prouvé leur capacité à faire front aux difficultés récentes du secteur de ladanse contemporaine. Cependant, alors que certaines stratégies mises en place se révèlentefficaces comme le développement d'interventions en tournée, d'autres voient leur avenirmenacé, comme la tactique d'ouverture vers l'étranger fragilisée par le retrait des aides deCulturesfrance.

On comprend donc qu'il est nécessaire que soit redéfini un système d'interventionpublique plus adapté aux besoins du secteur et qu'il devrait être articulé selon plusieursgrands axes parmi lesquels : le renforcement de l'éducation culturelle (actuellementdélaissée) et la révision des labels (incluant notamment un niveau supplémentaire commeles “compagnies nationales” et permettant un meilleur équilibre entre création et diffusion).

On pourrait argumenter qu'à l'étranger, comme aux États-Unis ou au Royaume-Uni,il n'existe pas de tel système de subvention directe et que les compagnies tournent,survivent, sans politique culturelle développée. Mais il faut souligner le fait que les CCNsont subventionnés pour un service public complexe qui va au-delà des activités d'unecompagnie. IL ne s'agit pas de mettre une structure et son financement au service d'unchorégraphe particulier qui serait privilégié. Au-delà de l'activité de production-diffusion duchorégraphe directeur, les CCN ont des missions de production d'autres artistes (par lebiais des résidences et des accueils studio), de formation professionnelle, de centre dedocumentation, de sensibilisation, de développement de projet artistique dans un contextelocal.

Il convient que ces institutions bénéficient d'une attention particulière et de soutiensadaptés étant donné qu'elles sont une véritable source pour la vitalité de la dansecontemporaine en France. Il semble essentiel de définir une politique et un texte cadreen adéquation avec les spécificités des CCN. Sans cela, leur avenir s'en retrouveraitcompromis.

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Bibliographie

Magnin Marine - 2009 77

Bibliographie

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2004.

Ouvrage

REX, Warner. La Liberté de la creation littéraire et artistique , Collection Droits del’Homme, UNESCO, Paris, 1950.

Etudes

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DUBOURG, Nicolas et alii. La creation et la diffusion du spectacle vivant en LanguedocRoussillon, Obster, Montpellier, 2006.

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Articles

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ETUDE DES CCN : QUEL AVENIR POUR LA PRODUCTION-DIFFUSION DE LA DANSECONTEMPORAINE ?

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LE VAILLANT, Luc. Libération, Corps de la pensée, 13 décembre 2002.

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FABRE, Clarisse. Le Monde, Montanari, l’indéboulonnable patron de Montpellier Danse,23 juin 2008

PERCQ, Ysis. L’Hérault du jour, Le désir de danser, 16 mai 2008

OTT, Lise. Midi Libre, Mathilde Monnier, la volonté en marche, 29 juin 2003

HERNANDEZ, Luc. Le Petit Bulletin, Mathilde est revenue, 5-12 avril 2006.

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Documents politiques

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TASCA, Catherine, Rapport de synthèse : Une nouvelle étape de la politique en faveurde la danse, 2001 p 13.

Sites web

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Bibliographie

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La danse.com blog (consulté le 5 mai 2009) MADALA, Philippe. A qui le tour ? 6 mai2008 http://www.ladanse.eu/spip.php?article144

La danse.com blog (consulté le 5 mai 2009) SANCHEZ, Jean-Jacques. Vive l’artchorégraphique contemporain ! 12 novembre 2008 < http://www.ladanse.eu/spip.php?article274 >

Accrorap (consulté le 5 mai 2009) Nomination de Kader Attou <http://www.accrorap.com/spip.php?article151>

Entretiens

Entretien : L'ACCN et les enjeux politiques (18 mai 2009) [notes]. Hélène JOLY,coordinatrice de l’ACCN.

Entretien : Le CCN de Montpellier et ses tutelles (12 juin 2009) [notes]. Jean-MarcURREA, directeur délégué du CCN de Montpellier.

Entretien : La diffusion du CCN de Montpellier (14 juin 2009) [notes]. Michel CHIALVO,responsible de la production, de la diffusion et du partenariat du CCN de Montpellier

Discussion sur les nouvelles methodes de production (28 juillet 2009). AnneFONTANESI, responsable de la programmation ]Domaines[ et attachée deproduction et diffusion du CCN de Montpellier.

Discussion sur l’image de Mathilde MONNIER dans la presse (20 juillet 2009). VincentCAVAROC, responsable de la communication et des relations presse.

Notes de cours

GANNET, Claire. Cours Le Mécénat culturel, 2009.

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ETUDE DES CCN : QUEL AVENIR POUR LA PRODUCTION-DIFFUSION DE LA DANSECONTEMPORAINE ?

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Annexes

(à consulter en version papier)

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Résumé

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Résumé

La danse contemporaine arrive en France à la fin des années 1940 et tarde, malgré savitalité, à être prise en compte par le gouvernement. Elle connaît finalement le “boom desannées 80” grâce à l'énergie créative des jeunes chorégaphes de l'époque et à la miseen place d'une politique nationale ambitieuse, appuyée notamment sur la création desCentres Chorégraphiques Nationaux. Ces structures deviennent alors des centres pharesde la danse contemporaine. Elles ont de multiples missions contribuant au dynamisme dusecteur (formation, accueil studio, production et diffusion) et s'ouvrent à l'ensemble desprofessionnels. Cependant, les récentes mutations du secteur les a mises en difficultés.Tout comme les compagnies, les CCN ont du s'y adapter et mettre en place de nouvellesstratégies. On observe aujourd'hui l'émergence de nouvelles formes de production-diffusion,mais sont-elles soutenables ? A partir de l'exemple du CCN de Montpelier, diversesrecommandations peuvent être tirées pour tracer de nouvelles perspectives d'avenir.