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www.insee.fr/lorraine V N ° Les facteurs de l’étalement urbain L’analyse de la croissance urbaine renvoie au conflit entre intérêt général et intérêt particulier : entre une ville compacte non désirée par les individus (préférence pour les faibles densités) et une ville étalée, considérée comme non désirable pour la collectivité (nuisances). Christian CALZADA - Insee Lorraine Le processus d’étalement urbain en Lorraine : vers une stabilisation ? Les dynamiques d’évolution des répartitions spatiales des densités de population en Lorraine sont caractéristiques d’une transition douce et régulière entre le centre-ville et la périphérie. Christian CALZADA - Insee Lorraine (L’auteur tient à remercier M. Francis LEBLANC (MEDAD/SESP) pour le concours qu’il a apporté à la réalisation de cette étude). Polarisation de l’emploi autour de Metz et Nancy Entre 1962 et 2005, on observe un phénomène de polarisation de l’emploi autour des deux grandes aires urbaines de Metz et Nancy. Cette polarisation croissante de l’espace lorrain s’explique par les transformations qu’a subies le système productif depuis les années 60. Christian CALZADA - Insee Lorraine Évolution de la tache urbaine : l’exemple de l’aire urbaine de Metz L’analyse de l’évolution de la tache urbaine de l’aire urbaine de Metz sur la période 1990-2000 montre que si les surfaces “artificialisées” progressent dans la région messine, la périurbanisation ne joue qu’un rôle modeste dans cette évolution, la consommation de terrains étant due pour l’essentiel à l’aménagement de zones d’activité. Alain OGNIER - AGURAM Dépendance automobile L’hypothèse d’une dépendance de notre société à l’automobile a peu à peu émergé depuis les années 70. L’urbanisation en tendant vers des densités plus faibles, désavantagerait les modes alternatifs à la voiture et favoriserait une utilisation toujours plus intensive de l’automobile. Le remède avancé par certains auteurs consisterait alors à mettre en place des politiques publiques qui tendraient vers de plus fortes densités. Christian CALZADA - Insee Lorraine 121-122 Les espaces urbains lorrains :

Urbain - Insee

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Les facteurs de l’étalement urbainL’analyse de la croissance urbaine renvoie au conflit entre intérêt généralet intérêt particulier : entre une ville compacte non désirée par les individus(préférence pour les faibles densités) et une ville étalée, considérée commenon désirable pour la collectivité (nuisances).Christian CALZADA - Insee Lorraine

Le processus d’étalement urbain en Lorraine : vers une stabilisation ?Les dynamiques d’évolution des répartitions spatiales des densités de populationen Lorraine sont caractéristiques d’une transition douce et régulière entre lecentre-ville et la périphérie.Christian CALZADA - Insee Lorraine (L’auteur tient à remercier M. Francis LEBLANC(MEDAD/SESP) pour le concours qu’il a apporté à la réalisation de cette étude).

Polarisation de l’emploi autour de Metz et NancyEntre 1962 et 2005, on observe un phénomène de polarisation de l’emploiautour des deux grandes aires urbaines de Metz et Nancy. Cette polarisationcroissante de l’espace lorrain s’explique par les transformations qu’a subies lesystème productif depuis les années 60.Christian CALZADA - Insee Lorraine

Évolution de la tache urbaine : l’exemple de l’aire urbaine de MetzL’analyse de l’évolution de la tache urbaine de l’aire urbaine de Metz surla période 1990-2000 montre que si les surfaces “artificialisées” progressentdans la région messine, la périurbanisation ne joue qu’un rôle modestedans cette évolution, la consommation de terrains étant due pour l’essentielà l’aménagement de zones d’activité.Alain OGNIER - AGURAM

Dépendance automobileL’hypothèse d’une dépendance de notre société à l’automobile a peu à peuémergé depuis les années 70. L’urbanisation en tendant vers des densitésplus faibles, désavantagerait les modes alternatifs à la voiture et favoriseraitune utilisation toujours plus intensive de l’automobile. Le remède avancé parcertains auteurs consisterait alors à mettre en place des politiques publiquesqui tendraient vers de plus fortes densités.Christian CALZADA - Insee Lorraine

121-122 Les espaces urbains lorrains :

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Les facteurs de l’étalement urbain

Croissance urbaineLe modèle de cycle de vie urbain[VAN DEN BERG L., 1987] décritschématiquement la croissancedes villes comme la successionde quatre phases : l’urbanisation,la suburbanisation, la désurbani-sation et la réurbanisation.

L’urbanisation est caractériséepar une croissance soutenue dela population urbaine au centrecomme en périphérie. La désur-banisation décrit une populationcentrale qui diminue alors quecelle des zones périphériquesreste croissante. La suburbanisa-tion se définit comme une crois-sance des zones périphériquesplus élevée que celle du centre[cf . métaphore du “vo lcan” deLACOUR, 1996]. La suburbanisa-tion est au départ une simple pé-r iurbanisat ion cont inue, uneurbanisation des zones périphéri-ques aux villes. La démocratisa-t ion de l ’automobi le rendaccessibles de nouveaux territoi-res plus éloignés des villes, onparle alors de suburbanisationdiscontinue ou en “sauts de mou-ton” (“leapfrog development”), qui“saute” les terrains vacants enpériphérie pour s’installer dansdes zones éloignées des centres :c’est la réurbanisation, le taux decroissance démographique ducentre redevient positif.

Étalement urbain

1. Quelle définition ?

La traduction spatiale des diffé-rentes formes d’extension du pé-rimètre urbain est l’étalementurbain. L’étalement urbain peutêtre défini a minima, commeune extension du périmètre ur-bain supérieure à la croissancede la population [BESSY-PIETRI P.,2000], autrement dit une dimi-nut ion des densités ou plusexactement un aplatissement dugradient de densité.

Bien que le terme d’étalementprovienne du verbe “s’étaler” si-gnifiant s’étendre, se répandre,croître en surface, il peut être

appréhendé comme un état ouun processus.

2. La difficile mesurede l’étalement urbain

La mesure de l’étalement par lesdensités nécessite de préciser ceque l’on entend par densité : densi-té brute ou nette (approche géogra-phique), densité de construction(approche urbanistique), résidentielleou d’emploi (approche économique),etc. [cf. Méthode p. 13].

Avec la croissance d’espacesdiscontinus, il est devenu deplus en plus difficile de suivre l’é-volution de la surface urbanisée,même si l’Insee a pu apporterune limite statistique au phéno-mène périurbain en s’appuyantsur des nomenclatures territo-riales qui prennent en compte lecaractère spatio-temporel duphénomène. Deux nomenclatu-res ont été produites par l’Inseeet mises à jour après les recen-sements de la population. Ellesreflètent deux approches distinc-tes qui ont cependant des liens :la première, celle des unités ur-baines se réfère à la continuitédu bâti ; la seconde, celle des ai-res urbaines prend en compteles migrations domicile-travail etun taux d’attraction (40%) entrela ville et sa périphérie. Ces no-menclatures offrent le grandavantage de faciliter la lecturede l’urbanisation grâce à un lan-gage commun mais souffrent dela simpl i f icat ion inhérente àtoute nomenclature [JULIEN P.,2000 et 2005].

La question de la mesure duphénomène d’étalement dansces marges reste délicate, sur-tout en l’absence d’une continui-té spatiale des espaces bâtis.Doit-on alors raisonner en ter-mes de croissance de populationou en densités, ou encore entermes de surfaces ? commentqualifier cette transition ?, etc.

3. Facteurs en causedans l’étalement urbain

Pour certains auteurs, l’étale-ment urbain est une forme “dis-

pendieuse” de la croissance ur-baine [EWING R., 1997]. La faibledensité considérée comme posi-tive par les individus est sous-op-t imale au niveau col lectif enraison des différents coûts so-ciaux générés : consommationextensive des sols, surconsom-mation d’énergie pour les trans-ports, éparpillement des servi-ces pub l ics , po l lu t ion, etc .L’intégration du coût des exter-nalités négatives de l’étalementdans les décisions privées de lo-calisation des agents devrait lo-giquement produire une ville plusdense, plus compacte.

L’étalement urbain et les faiblesdensités sont stigmatisés, alorsque par contraste la ville com-pacte est idéalisée comme uneforme économe de la croissanceurbaine. De fortes densités et laconstruction de villes en hauteur,doivent permettre une diminutiondes distances parcourues, untransfert vers des modes alterna-tifs à la voiture et en consé-quence une réduct ion de laconsommation énergétique indivi-duelle.

Malgré tout la ville compacten’est pas sans poser des problè-mes :

* la densité est génératrice d’unaccroissement des prix fon-ciers ;

* les résidents des parties lesplus denses de la ville, vertueuxen termes de mobilité sont plusexposés aux pollutions queleurs collègues de périphériepeu dense.

BIEBER A., MASSOT M.H. et ORFEUIL

J.-P. (1993) ont pu déterminerune typologie urbaine en fonctionde l’organisation du réseau detransports et de son fonctionne-ment. Ainsi, ils dressent une ty-po log ie tr id imens ionne l le ,chaque ville apparaissant alorscomme un compromis entretrois modèles :

* le modèle californien : caracté-ristique d’un centre-ville plus oumoins délaissé où ne subsistentque les act iv i tés haut degamme. Comme les activités se

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disséminent, en aboutissanttoutefois à la création d’edge ci-ties, les populations suivent lamême tendance ;

* le modèle rhénan décrit uneville au centre historique fort,combiné à de fortes densitésde population, le transport col-lectif est largement mis en va-leur ;

* le modèle saint-simonien cons-titue une organisation forte-ment guidée par les pouvoirspublics. Le réseau de trans-ports repose sur de grandes in-frastructures aux v itessesimportantes. Le zoning y est as-sez strict, le centre concentreles bureaux. Le potentiel decroissance en surface est defait assez réduit.

Pour cer ta i ns au teurs , i lsemble que l’origine de la dis-persion du bâti soit le fait de lamob i l i té . La d iminut ion destemps d’accès a eu à la foispour conséquence de rappro-cher des lieux autrefois éloi-gnés et la capacité de rendrecontigus des espaces éclatés.La ville perd ainsi toute limite etles qualificatifs pour la désignerne manquent pas : “vi l le i l l i-mitée, ville-pays, ville-archipel,ville diffuse, ville étale”, autantde termes impliquant l’usage detransports rapides.

Le modèle où le coût des dépla-cements et des nuisances estle moins élevé est le modèlerhénan. Les préoccupat ionsécologistes construisent uneville dense où les vitesses sontplus faibles, en même tempsque les distances parcourues.Le modèle saint-simonien estmarqué par une congestion quilimite l’extension de l’agglomé-rat ion. Les vitesses restenttoutefois constantes. Les dis-tances parcourues sont en trèslégère augmentation. Le mo-dèle californien, le plus coûteuxd’un point de vue énergétique,en t ra îne un accro i ssementspectaculaire des limites de laville, les vitesses sont en aug-mentation et se doublent d’unaccroissement des distances.

a) Population et étalementurbainLe plus important des facteurs res-ponsables de la croissance de l’es-pace bâti est l’évolution de lapopulation urbaine totale. WHEATON

W. C. (1974) montre qu’en théorie,la croissance de la population atendance à entraîner un étalementurbain. En effet, historiquement, lacroissance de la population urbaines’est traduite sur longue périodepar une extension surfacique de laville. D’autres auteurs notent quel’étalement des villes vient dumanque de place dans le centre,rejetant en périphérie les nouvellesfonctions. Ces dernières posentassez souvent des problèmes denuisances ou d’enlaidissement (ter-rains militaires, usines, dépôts, ordu-res, abattoirs, gare de triage, etc.).L’évolution de la surface urbaineest également fortement liée à laconstruction d’équipements sou-vent consommateurs d’espace(santé, éducation, loisirs, circulation,espaces verts, zones d’activités et in-dustrielles). Lorsque le contenu hu-main varie, la vil le peut, soits’étendre, soit se densifier, d’oùl’importance de la capacité d’ac-cueil de l’espace. Le manque deplace traduit le dépassement d’unecapacité maximum ; cette dernièreétant elle-même fonction du niveautechnique de la ville (aptitude à cons-truire en hauteur, hygiène...). Cettedensité critique est donc fortementcorrélée aux progrès et provoquedes effets de saturation. Si cette

dernière est atteinte, alors toutenouvelle croissance de populationentraîne une extension du bâti. Sice mécanisme de densificationcentrale précédant une croissancepériphérique était opérant pour lesvilles jusqu’au XIXème siècle, il en estaujourd’hui autrement : des fac-teurs tels que les transports ou lavaleur des terrains jouent un rôlemajeur dans la dynamique des es-paces urbains.

b) Transports et étalementurbain

Processus d’étalement urbain etutilisation de l’automobile sont inti-mement liés. D’un côté l’automo-bile a permis à la ville de s’étendre,de l’autre, un habitat dispersé àfaible densité entretient la “dépen-dance à l’automobile”.

De nombreux travaux ont montréque de fortes densités étaient as-sociées à de faibles distances dedéplacement et à un partage mo-dal en défaveur de l’automobile etdonc à une moindre consomma-tion énergétique. Une forte densi-té constitue un environnementdéfavorable à l’automobile. L’ac-cessibilité généralisée étant meil-leure et les niveaux de congestionplus forts, le recours à l’automo-bile perd de sa pertinence.

La distance entre lieux de rési-dence et de travail a tendance àprogresser avec l’extension desvilles provoquant des phénomè-nes de congestion.

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Triptyque de la croissance urbaine

Modèle californienCentre délaissé avec activités supérieures

Nuisances élévées

Faible ségrégation spatiale Forte ségrégation spatiale

Modèle rhénan Modèle saint-simonienCentre historique fort, densités élevées, transport collectif Organisation guidée par les pouvoirs publics, zoning strictNuisances faibles Congestion

Faible potentiel d'extension urbaine

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La croissance urbaine est assezsignificativement reliée à l’éléva-t ion des v i tesses [WIEL M. ,1999]. Pour WIEL M., “la vitesseautorisée sur les infrastructurestend à faire éclater la ville et àprovoquer leur saturation natu-relle du fait de l’allongement destrajets induits par cet éclate-ment. L’objectif de vitesse varie-ra avec la taille de la ville et sondéveloppement”. NEWMAN P.W.

et KENWORTHY J.R. (1992) don-nent un aperçu du lien entreforme urbaine et vitesse. Lesgrandes villes américaines etaustraliennes se caractérisentpar de faibles densités et les vi-tesses de circulation les plus im-portantes (44 km/h) . À unniveau intermédiaire, se trou-vent les v i l l es européennesmoyennement étendues, avecdes densités elles aussi moyen-nes et des vitesses approchantles 30 km/h. Enfin à l’autre ex-trémité, on observe les villesasiatiques denses, avec de trèsfaibles vitesses (24 km/h). Uneforte densité s’expliquerait parde faibles vitesses.

BEAUCIRE F. (2002) montre qu’àun niveau de vitesse corres-pond une forme de croissanceurbaine liée à la structure desréseaux et à l’util isation d’unmode de transport spécifique.L’auteur définit trois types devilles : la ville pédestre, la villemotorisée où règne le trans-port collectif, la ville motoriséeoù l’on circule en voiture. Uneforte vitesse est ainsi respon-sab le d ’une extens ion de laville, a contrario d’une faible vi-tesse qui est l’essence mêmede la ville compacte.

Par ailleurs les infrastructuresde t ranspor t e xe rcen t unepression croissante sur les ha-bitats et la biodiversité en rai-son de l’utilisation de terres,des nuisances sonores et lumi-neuses, de la pollution de l’airet de la fragmentation des pay-sages. Au fur et à mesure queces infrastructures s’étendent,de plus en plus de zones natu-relles classées sont soumises àde telles pressions.

c) Foncieret étalement urbain

Dès le XIXème siècle les économistess’intéressent au foncier et à sesconséquences sur l’espace :RICARDO D. (1817) montre que le prixdes terrains varie fortement selon letype d’occupation du sol. Le prix duterrain, s’exprime quel que soit lemode d’occupation du sol à l’aide ducoût de transport. Une innovationtechnique entraîne ainsi une baissedu prix du terrain au centre et aucontraire une extension de la zoned’offre (et du bâti).

Notons qu’une croissance de lapopulation augmente le nombrepotentiel de consommateurs deterrains, donc accroît le coût dufoncier. En conséquence, le prixdu terrain agit sur l’étalementurbain dans la mesure où il tra-duit en partie l’évolution d’autresparamètres.

En dehors de toute considéra-tion se rapportant aux prix, laforme du parcellaire semble éga-lement déterminante dans l’ex-tens ion des v i l l es car e l leaffectera le type de construc-tions. Des parcelles trop petiteset trop irrégulières rendent l’ur-banisation plus difficile.

d) Artificialisationdu territoire

Les facteurs naturels influencentle développement du bâti. Le re-lief peut jouer un rôle de cataly-seur ou au contra i re debarrière. Ainsi, la vallée guidel’urbanisation. L’extension desespaces urbains se fait au détri-ment d’espaces naturels ou agri-co les et met en danger lemaintien de la biodiversité, laqual ité des paysages périur-bains, la préservation des mi-lieux fragiles, des zones humideset espaces littoraux : “l’artificiali-sat ion du so l ne cesse decroître : 60 000 ha sont grigno-tés chaque année par les zonesartificielles, principalement audétriment des zones agricoles etnaturelles. Les zones artificiali-sées représentaient en 20048,3% du territoire métropolitain.Entre 1994 et 2004, elles ontprogressé de 15%, ce qui repré-

sente l’équivalent de la surfaced’un département français. L’é-talement urbain, lié essentielle-ment au succès de la maisonindividuelle, est consommateurd’espace pour les bâtimentsmais également tous les espa-ces associés, pelouses et jar-d ins , vo i r ies et park ings,infrastructures de transport.Ainsi, entre 1994 et 2004, lessols artificialisés bâtis ont aug-menté de 16%, les routes etparkings de 10%, les sols artifi-cialisés non bâtis (jardins, pelou-ses, chantiers, terrains vagues,décharges, carrières) de 19%,alors que dans le même temps,la population n’a augmenté quede 5%.” (IFEN, 2007).

e) Ségrégation socialeet étalement urbain

Les mécanismes de ségrégationpeuvent être à l’origine d’un étale-ment accru. L’existence d’un pro-cessus cumulatif de dégradationdes conditions économiques etsociales de certaines parties dela ville, souvent centrales, peutaboutir au départ des classes ri-ches des zones centrales. Ce pro-cessus dit de “fuite face à larouille” (flight from blight) produit dela ségrégation. La concurrenceentre collectivités locales, quicherchent à attirer (niveau destaxes, fourniture de biens et servicespublics locaux) les ménages lesplus fortunés peut également in-duire un “filtrage par le bas” (filte-ring down) des populations.

Le logement étant un bien dontla consommation augmente avecle revenu, les ménages de-vraient avoir tendance à s’éloi-gner du centre -v i l le a f in depouvo ir consommer de plusgrandes surfaces. Dans ce cas,ce seraient les ménages les pluspauvres qui s’installeraient prèsdu centre-ville et y utiliseraientde petites surfaces, tandis queles ménages les plus riches de-vraient résider en périphérie,phénomène effectivement obser-vé dans la plupart des villes amé-r ica ines, mais éga lement àBruxelles. Toutefois, ce typed’organisation ne correspondpas à ce que l’on constate dans

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Page 5: Urbain - Insee

plusieurs villes françaises (Paris,Lyon et Strasbourg) où les ban-lieues accueillent les couches depopulation à bas revenu.

En tout état de cause, l’étale-ment urbain n’est pas la causede la ségrégation sociale qui atoujours existé, de même que ladensité ne garantit pas à l’oppo-sé la cohésion sociale. La périur-banisation attire néanmoins lesjeunes couples avec enfants,a lors que les v i l l es -centresconcentrent célibataires et per-sonnes âgées. L’augmentationde l’offre foncière périurbaine acontribué fortement à la polari-sation des quartiers par niveauxde revenus. La stratification so-ciale de l’espace urbain reste lereflet de la dispersion des reve-nus, qui s’exprime au traversdes enchères différentes desménages. Une façon de favori-ser une plus grande mixité desvilles et des quartiers consiste-rait à modifier les enchères desménages défavorisés par unepolitique ciblée d’aides.

Leviers pour l’action

1. Les politiquesLes politiques de “smart growth”(“croissance intelligente”) ne visentpas à limiter ou stopper la crois-sance urbaine, mais à amortirles effets pervers de l’étalementsur les deux échelles métropoleet quartiers. À l’échelle métropo-litaine, ces politiques recoupentles politiques de compacification.À l’échelle des quartiers, il s’agitde rendre “acceptables” les for-tes densités (vi l lages urbains),principes issus du mouvementdu “Nouvel Urbanisme” (1) quivise à réduire la dépendance àl’automobile en “retrouvant laforte vie communautaire ob-servée dans les quartiers du dé-but du XXème siècle” [LUND H.,2003].

2. Les mesures du droit du sol

* Restreindre de manière régle-mentaire les possibilités des’installer en périphérie (SCOT,PLU, etc.).

* Contraindre l’offre foncière enfaisant peser les coûts des équi-pements publics (ex. écoles) surles bénéficiaires directs. Afin defavoriser l’urbanisme rural en ap-portant une réponse au pro-blème du financement deséquipements publics dans les pe-tites communes, la loi SRU

(13/12/2000) a instauré uneparticipation pour voies nouvelleset réseaux, dite PVNR. Cette der-nière qui a fait l’objet de trèsnombreuses critiques, a étéremplacée par la participationpour voirie et réseau (PVR). LaPVR permet aux communes depercevoir auprès des propriétai-res de terrains nouvellementdesservis par un aménagement,une contribution correspondantà tout ou partie du financementdes travaux nécessaires.

* Mutualiser la rente foncièreentre propriétaires au sein parexemple des Associations Fon-cières Urbaines.

* Identification de zones “interdi-tes” qui constituent une limiteextérieure au développementurbain : ceinture verte, parcsruraux, forêts en bordure dezone urbaine, etc.

3. Les outils économiques

* Imposition d’une taxe égale à lavaleur paysagère des terrainsagricoles lorsque ceux-ci sontacquis pour un usage urbain.

* Instauration d’un péage decongestion : si l’usager d’unevoie congestionnée ne sup-porte que le coût privé de sondéplacement domicile-travail(coût d’utilisation du véhicule + va-lorisation du temps de déplace-ment), il n’est pas incité à tenircompte du coût social qu’il im-pose aux autres navetteurs etqui conduit à une congestionsupplémentaire. Ce type demesure devrait inciter les mé-nages à réduire la distance denavettage et entraîner unedensification de la ville.

* Taxe sur les logements va-cants (TLV) : cette taxe estdue par les propriétaires deslogements vacants à usaged’habitation. Le logement doit

être vacant depuis au moins 2ans et être situé dans une descommunes appartenant auxhuit agglomérations suivan-tes : Paris, Bordeaux, Lille,Toulouse, Lyon, Montpellier,Cannes -Grasse -Ant ibes etNice. Depu is le 13 ju i l l e t2006, les communes demoins de 200 000 habitantspeuvent elles aussi percevoirla TLV. Elle est due par les pro-priétaires des logements va-cants depuis plus de 5 anssitués dans les communes quil’ont votée.

* Des prêts à taux zéro spécifiquesavec plafonds plus élevés pour lesménages qui investissent au seinde la communauté urbaine.

4. Agir sur la mobilité* Voiries périurbaines : mettre en

œuvre une politique de régula-tion par la congestion, favoriserles modes de déplacement al-ternatifs à la route.

* Politiques locales de déplace-ments (PDU) : mesures de réduc-tion des chaussées, parcs-relais,dualisation de l’espace (centres-vil-les réservés aux modes “doux” versusvoies rapides et rocades périurbaines).

* Réguler les vitesses autorisées.

* Augmenter le coût du carburant.

5. Investirdans le renouvellement urbain* Rénover les centres urbains en

densifiant et transformant lastructure urbaine existante.

* Recréer en banlieue des cen-tres urbains denses, sociale-ment mixtes.

* Mettre en valeur les anciennesfriches industrielles urbaines.

6. Augmenter la valeur ajoutéerégionale agricole* Consolider la présence d’activi-

tés rurales (labels locaux, ventedirecte, gîtes ruraux, etc.). Àl’instar de ce qui existe enSuisse ou en Autriche, lesfranges des agglomérations,deviennent des campagnes ur-baines avec des agriculteursprestataires de services pourles collectivités.

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(1) http://www.cnu.org/

Page 6: Urbain - Insee

Le processus d’étalement urbain en Lorraine : vers une stabilisation ?

Des nomenclaturespour définir la ville

Jusqu’en 1954, le critère decontinuité du bâti permettait debien rendre compte de la limiteentre la ville et la campagne.

À partir des années 1960, laville s’étale sur ses marges demanière discontinue en produi-sant des territoires plus frag-mentés. Les Zones dePeuplement Industriel et Urbain(ZP IU) sont a lors créées en1962 par l’Insee pour appréhen-der ce phénomène, zones for-mant la couronne périurbaineautour des agglomérations. Cezonage perd ensuite de sa perti-nence. D’une part parce qu’aurecensement de 1990, la ZPIU

nous dit que “la ville est partout”et que son influence couvre 75%du territoire et 96% de la popu-lation. D’autre part il donne tropd’importance à une populationagricole faible. Enfin les ZPIU “dé-limitation 1990” reposent surdes populations 1982 et desévolutions de population entre1975 et 1982 déjà dépassées.

En 1997, les Aires Urbainessont créées pour remplacer lesZPIU. Composées d’un pôle ur-bain et d’une couronne périur-baine, elles répondent au soucid’identifier plus strictement l’es-

pace à dominante urbaine. Lespôles urbains sont définis en sé-lectionnant les unités urbainesde plus de 5 000 emplois. Cons-tituée de manière itérative, lacouronne périurbaine regroupeles communes dont au moins40% des actifs travaillent dansle pôle principal ou dans des pô-les secondaires rattachés à cedernier. Dans le zonage en airesurbaines on utilise l’emploi etnon plus la population et l’on fixela barre à 5 000 emplois. Le cri-tère d’emploi est préféré à celuide population parce que, de plusen plus, “l’emploi se concentreen ville” [TERRIER C., 1996] et que“l’emploi fait la ville”. Le seuil re-tenu de 5 000 emplois est celuioù les services l’emportent surles autres secteurs d’activité,permettant de préjuger d’une vé-ritable offre de services urbains.

Analyser l’évolution du niveaud’urbanisation dans le temps re-vient soit à raisonner à géo-graph ie constante, so i t àrecourir à une géographie évolu-tive des espaces. Autrement ditdans le cas des aires urbaines,doit-on raisonner dans les limi-tes des aires urbaines de 1999pour les dates antérieures oubien tenir compte de l’extensionde ce périmètre au cours dutemps (1968, 1975, ... 1999),

compte tenu de l’évolution del’intensité et de la portée des na-vettes domicile-travail ?

En Lorra ine entre 1990 et1999 (1), la superficie des uni-tés urbaines s’est accrue de184 km². Bien que le nombred’agglomérations de plus de2 000 hab i tants so i t restéstable (111), des unités urbai-nes ont vu leur périmètre s’é-tendre, c’est notamment le casde Metz [cf. Figure 1].

Sur la période 1962-1999 (délimi-tation des aires urbaines 1999), lapopulation a reculé de 0,1% paran dans les villes-centres et de0,3% dans le rural et progresséde +0,4% dans les banlieues etde +0,7% en couronne périur-baine. Les banlieues jusqu’en1975 et la couronne périurbaineaprès 1975 ont fortement contri-bué à maintenir la population [cf.Figure 2].

Du modèlemonocentrique ...La représentation monocentriquede l’espace urbain s’organise selonun schéma radiocentrique, les den-sités résidentielles et d’emplois va-rient avec l’accessibilité à uncentre et diminuent au fur et à me-sure que l’on s’en éloigne.

Ainsi la dynamique moyenne dela population entre 1962 et1999 selon la distance à lav i l l e -centre de Nancy rendcompte d ’une décro issanceentre 0 et 5 minutes, d’un pic

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Géographie d'évolution des unités urbaines lorraines (Fig. 1)

DélimitationVariation dela population

Superficieen km2

Unités urbaines 1990 -0,28 4 542

Communes déjà urbaines -0,36 4 270

Nouvelles communes urbaines 1999 4,74 272

Unités urbaines -0,59 4 358

Source : Insee, recensements de la population

Dynamiques de la population par type d’aire urbaine (Fig. 2)

Taux de croissance annuels moyens (%) 62-68 68-75 75-82 82-90 90-99 62-99

Centre 0,5 0,1 -0,6 -0,1 -0,1 -0,1

Banlieue 1,9 1,0 -0,2 -0,2 0,0 0,4

Couronne 0,3 0,8 1,6 0,7 0,4 0,7

Multipolarisé -0,4 -0,2 0,1 0,0 0,2 0,0

Rural -0,2 -0,2 -0,3 -0,4 -0,2 -0,3

Total 0,60 0,35 -0,07 -0,08 0,02 0,14

Source : Insee, recensements de la population

(1) COUNOT S., 2000 : “Metz et Nancydans le club des plus de 300 000 ha-bitants”, Économie Lorraine, n° 197,mai.

Page 7: Urbain - Insee

de 10-15 minutes et d ’unepente décroissante ensuite [cf.Figure 3]. Une autre représenta-tion en termes de différencescumulées de populations en vo-lume entre deux dates selon ladistance au centre témoigne elled’une chute dans le temps desvolumes de population concer-nés [cf. Figure 4].

Le principe de centralité faitdes cond i t i ons d ’ accès aucentre, une des clés de la confi-guration de l’espace urbain, le-quel se caractérise par unediminution générale des densi-tés des centres vers la péri-phérie [cf. Méthode p. 13]. Parailleurs, les évolutions tempo-relles des répartitions spatialesdes densités sont un révélateurdu mode d’adaptation des for-mes urbaines à la croissance.L’évolution récente des vil lesoccidentales s’est traduite parune diminution dans le tempsdes valeurs des gradients dedensité (2), cette diminutionétant significative d’un proces-sus de desserrement urbain as-soc i é à une évo l u t i on desdensités centrales ; l’améliora-tion de l’accessibilité, la réduc-tion des coûts de déplacementset l’augmentation du niveau gé-néral des revenus ont favorisél’étalement urbain.

Les résultats des modèles mo-nocentriques de densité de po-pulation pour Nancy et Metz,montrent une grande régularitédans les formes fonctionnellessur la période 1962-2005. Iln’en est pas de même pour l’évo-lution des densités d’emplois,marquée par une progressiondes densités centrales et uneaugmentation des gradients dedensité [cf. Figures 5, 6, 7, 8, 9].

Le modèle monocentrique s’a-vère néanmoins incapable de ré-pondre à la quest ion de laformation des centres et donc àcelle de l’évolution des configura-tions urbaines dans le temps.

7

Différences cumuléesde population

Évolution de la répartition de la population autour de Nancy(Fig. 4)

Source : recensements de la population, 2005 estiméInsee,

-40 000

-20 000

0

20 000

40 000

60 000

80 000

100 000

0 50 100 150

1975-1982

Temps routierà Nancy

Temps routierà Nancy

1982-1990

1990-1999

1962-1968

1968-1975

-50 000

0

50 000

100 000

150 000

200 000

0 50 100 150

1962-1999

1962-2005

(2) Gradient de densité : mesure decombien en % diminue la densité quandon s’éloigne du centre d’une unité detemps.

-1,0

-0,5

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

3,0Taux de croissance annuel moyen

Temps routier à Nancy

0-5

15

-20

30

-35

45

-50

60

-65

75

-80

90

-95

10

5-1

10

12

0-1

25

13

5-1

40

1962-1999

1962-2005

Vandoeuvre-lès-Nancy

MarlyMetz

Petite Rosselle

Dynamiques de la population selon la distance à Nancy (Fig. 3)

Source : recensements de la population, Insee, 2005 estimé

Page 8: Urbain - Insee

8

Temps routier à Nancy

Tempsroutier

à Nancy

Tempsroutier à Metz

Temps routier à Metz

Moyennes des logde densité de population

Moyennes des logde densité de population

Moyennes des logde densité de population

Moyennes des logde densité de population

Fonctions polynomiales de degré 3

Fonctions polynomiales de degré 3

Évolution de la répartition estimée de la populationautour de Nancy (Fig. 6)

Évolution de la répartition estimée de l'emploiautour de Nancy (Fig. 8)

Évolution de la répartition estimée de l'emploiautour de Metz (Fig. 9)

Évolution de la répartition estimée de la populationautour de Metz (Fig. 7)

Source : recensements de la population, 2005 estiméInsee,

0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

0 50 100 150

1982

1982

1962

1962

2005

2005

0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

0

0

20 40 60 80 100 120 140

-2

-1

0

1

2

3

4

5

6

0 50 100 150

0

1

2

3

4

5

6

50 100 150

Fonctions polynomiales de degré 2

Fonctions polynomiales de degré 2

1982

1982

1962

1962

2005

2005

Lissage - ordre du voisinage : 1 à 2

Source : recensements de la population, 2005 estiméInsee,

Réalisé avec le logiciel Philcarto - http://philgeo.club.fr

(Pop 05 - Pop 62) / (43 * Superficie)

12,10

- 12,51

Évolution des densités de population entre 1962 et 2005 (Fig. 5)

Page 9: Urbain - Insee

9

Pics de densité de population en 1999 (Fig. 10)

Réalisée avec le logicil Philcarto - http://perso.club-internet.fr/philgeo

Source : Insee, recensement de la population 1999

Fortes densités

Faibles densités

Résultats des estimations des modèles* de densités de population (Fig. 11)Variable expliquée : log de la densité de chaque commune

1962 1968 1975 1982 1990 1999 2005

Modèle de NEWLING

Densité centrale (D0) 6,43 6,59 6,80 6,93 7,00 7,04 6,96

Minimum(T) -0,1043 -0,1114 -0,1208 -0,1246 -0,1257 -0,1251 -0,1170

Minimum(T)2

0,0008 0,0008 0,0009 0,0009 0,0009 0,0009 0,0008

R2 0,88 0,89 0,90 0,92 0,92 0,92 0,92

Modèleavec autocorrélationspatiale des erreurs

Densité centrale (D0) 5,18 5,29 5,43 5,59 5,69 5,77 5,80

Minimum(TN, TM) -0,0125 -0,0143 -0,0169 -0,0192 -0,0202 -0,0206 -0,0207

Minimum(TA) -0,0183 -0,0194 -0,0201 -0,0205 -0,0209 -0,0216 -0,0217

Lambda 0,74 0,75 0,76 0,77 0,77 0,77 0,78

AIC 5 603 5 721 5 852 5 845 5 773 5 688 5 601

R2 ajusté 0,56 0,58 0,60 0,62 0,63 0,64 0,66Lambda : paramètre qui exprime l'intensité de la corrélation spatiale entre les résidus de la régressionAIC : critère d’information d’Akaike

D0 : densité au centre

T : temps routier aux communes de Metz, Nancy, Longwy, Thionville, Forbach, Épinal

TN : temps routier à Nancy

TM : temps routier à Metz

TA : temps routier aux communes de Longwy, Thionville, Forbach, Épinal

* cf. Méthode p. 13

Source : Insee, recensements de la population, 2005 estimé

Page 10: Urbain - Insee

L’approche multicentrique aban-donne l’idée d’un centre unique,énonçant que l’organisation rési-dentielle et économique des es-paces urbains est régie parplusieurs centres, dont la locali-sation reste prédéterminée [cf.Figure 10]. Pour caractériser cesespaces i l faut connaître lenombre, la local isation et lecontenu en populations et em-plois des différents centres. Ilfaut ensuite s’interroger sur lesfacteurs et les forces expliquantla formation des centres et enfinapprécier comment l’apparitionde nouveaux centres modifie lesrépartitions prévalant dans lesespaces monocentriques.

Une autre approche, dite non-mo-nocentrique remet elle en causel’idée de la prédétermination ducentre. Il s’agit dès lors dans uncadre d’équil ibre général, deprendre en compte simultané-ment les choix de localisation desménages et des entreprises, cequi peut conduire à l’émergencede différents types de configura-tions : monocentrique, multicen-

trique ou dispersée. Ce courantthéorique vise à analyser la for-mation des villes et l’évolution dessystèmes de villes.

... au modèlemulticentrique

Les tests de spécifications desmodèles [cf. Méthode p. 13] nousont conduit pour la Lorraine àretenir l’hypothèse d’indépen-dance des centres, en tenantcompte du temps routier mini-mal de chaque commune à Metzet Nancy et aux centres secon-daires (Longwy, Thionville, Forbach,Épinal).

Les résultats des modèles glo-baux multicentriques de densitéde population sur l’espace lor-rain appellent plusieurs com-mentaires. Le signe du gradientde densité est celui de la majori-té des villes européennes où latransition entre le centre-ville etla périphérie s’effectue de ma-nière douce. Le niveau du gra-dient de densité (3), qui dénotele degré de compacité des villes,

reste cependant faible [cf. Figure11]. Sur la période 1962-2005,le gradient de densité moyen acrû faiblement autour de 1% tra-duisant la faiblesse de l’exten-sion de la ville sur des distanceséloignées du centre, accom-pagnée d’une progression de ladensité centrale de 1,5%.Les densités centrales estiméespour l’emploi comparativement àcelles obtenues pour la popula-tion sont à des niveaux significa-t ivement moindres [cf. Figure12]. Les gradients en valeur ab-solue sont plus élevés pour lapopulation que pour l’emploi,sauf en fin de période, la popula-tion serait plus concentrée quene le seraient les emplois. Lesgradients d’emplois ont ten-dance sur la période 1962-2005 à augmenter plus vite(+1,9%) que la population, la po-larisation des emplois aurait ten-dance à se renforcer.

10

(3) Plus le niveau du gradient en valeurabsolue est faible, plus la pente de lafonction de densité est faible, corres-pondant à une ville plus étalée.

Résultats des estimations du modèle* des densités d’emploi (Fig.12)Modèle avec autocorrélation spatiale des erreurs

Variable expliquée : log de la densité de chaque commune

1962 1968 1975 1982 1990 1999 2005

Modèle de NEWLING

Densité centrale (D0) 4,17 4,44 4,76 5,00 5,09 5,33 5,34

Minimum(T) -0,0823 -0,0859 -0,1133 -0,1276 -0,1358 -0,139 -0,1693

Minimum(T)2 0,0006 0,0006 0,0009 0,001 0,0011 0,0011 0,0013

R2 0,71 0,78 0,79 0,84 0,83 0,84 0,81

Modèleavec autocorrélationspatiale des erreurs

Densité centrale (D0) 2,94 3,32 3,32 3,36 3,42 3,75 3,48

Minimum(TN, TM) -0,0033 -0,0089 -0,0118 -0,0146 -0,0168 -0,0195 -0,0250

Minimum(TA) -0,0142 -0,0151 -0,0176 -0,0168 -0,0186 -0,0209 -0,0260

Lambda 0,19 0,30 0,32 0,35 0,39 0,42 0,44

AIC 7 965 7 172 7 609 7 583 7 632 7 558 8 596

R2 ajusté 0,19 0,30 0,32 0,35 0,39 0,42 0,44

Lambda : paramètre qui exprime l’intensité de la corrélation spatiale entre les résidus de la régression

AIC : critère d’information d’Akaike

D0 : densité au centre

TN : temps routier à Nancy

TM : temps routier à Metz

TA : temps routier aux communes de Longwy, Thionville, Forbach, Épinal

T : temps routier aux communes de Nancy, Metz, Longwy, Thionville, Forbach, Épinal

* cf. Méthode p. 13

Source : Insee, recensements de la population, 2005 estimé

Page 11: Urbain - Insee

L’effet de la tailledes ménages

Entre 1999 et 2005, le parc derésidences principales en airesurbaines lorraines s’est accrubeaucoup p lus v i te que lenombre de leurs occupants.P lus on s ’é lo igne de laville-centre et plus le taux de

croissance des nombres de rési-dences principales s’accroît. Lenombre moyen de personnespar logement continue sur la pé-riode à décroître régulièrementet ce en raison de plusieurs fac-teurs : diminution du nombred’enfants des familles, rupturesd’union, espérance de vie plusgrande chez les femmes que

chez les hommes, logement "enville” des jeunes, etc. Il s’élevaiten Lorraine à 2,56 en 1999 ets’établit à 2,38 en 2005. Lesvilles-centres restent les com-munes où le taux d’occupationdes résidences principales est leplus faible, tandis que les com-munes périurbaines continuent àêtre celles où la taille des foyersfiscaux est la plus forte ; l’écartentre ces deux types d’espaceest de 0,6 personne [cf. Figure13].

La densité de population sur unterritoire donné évolue sous l’in-fluence de la taille des ménageset du nombre de logements oc-cupés. L’indicateur (1) proposéici vise à mesurer l’impact de lavariation de la taille des ména-ges sur l’évolution de la popula-tion des résidences principaleset par conséquent de la densité.Ainsi la croissance du nombrede résidences principales dansla ville-centre de Metz aurait dûindu i re une var ia t ion de+70 200 habitants, si la tailledes ménages était restée cons-tante entre 1962 et 2005, or labaisse de la taille des ménagesa freiné la croissance de la po-pulation (-51 800) [cf. Figure 14].Dans toutes les aires urbaines,l’effet "taille des ménages" vientréduire le potentiel de crois-sance démographique induit parl ’extension du parc de loge-ments, en particulier dans lesgrandes aires urbaines [cf. Figure15].

11

(1) N.B. : ne pas confondre cet indicateur avec la taille moyenne des ménages, cf. plus haut dans le texte.

Dynamiques des aires urbaines de Lorraine (Fig. 13)

Type d’aire urbaine

Taux de croissance 1999-2005Nombre de personnes

par logement

Résidencesprincipales (%)

Population(%)

Constructionneuve*

1999 2005

Ville-centre + 5,5 - 5,4 + 16 2,24 2,06Banlieue + 7,2 + 0,1 + 20 2,62 2,42Couronne + 11,0 + 7,2 + 7 2,85 2,69Multipolarisé + 10,1 + 6,3 + 8 2,75 2,60Rural + 7,3 + 2,1 + 6 2,62 2,43Ensemble des aires urbaines + 7,6 + 0,9 + 57 2,56 2,38

* en milliers, MEDAD/SESP, Sitadel

Source : Insee, recensements de la population, 2005 estimé

L’indicateur (1) proposé ici a pour but de mesurer l’impact de la variationde la taille des ménages sur l’évolution de la population des résidencesprincipales et par conséquent de la densité. Il est calculé en décompo-sant l’évolution de la population des résidences principales selon deuxcomposantes, l’une mettant en évidence l’impact de la taille des ména-ges, l’autre l’influence du nombre de logements. Il permet de repérer leszones à forte décohabitation ou, à l’inverse celles qui attirent plutôt desfamilles avec enfants.

NRP62, NRP05 : nombre de résidences principales en 1962, respecti-vement 2005.

PRP62, PRP05 : population des résidences principales en 1962, res-pectivement 2005.

TM62=PRP62/RP62 : taille des ménages en 1962, respectivement2005.

Variation de la population 1962-2005 peut se décomposer en un effet“nombre de résidences principales” et un effet “taille des ménages” :

PRP05-PRP62=TM05*NRP05-TM62*NRP62=TM*(NRP05-NRP62)+NRP*(TM05-TM62)

avec : TM=(TM05+TM62)/2, Taille moyenne des ménages entre 1962

et 2005 et NRP=(NRP05+NRP62)/2, nombre moyen de résidences

principales entre 1962 et 2005.

La contribution de la taille des ménages à la variation relative de la popula-tion des résidences principales, ou “contribution de la taille des ménages”s’écrit :ContTaille des Ménages=1000*NRP * (TM05 - TM62)

PRP62

ContNombre de logements=1000*TM * (NRP05 NRP62)PRP62

Page 12: Urbain - Insee

12

L’effet “taille des ménages” sur l’évolution de la population* (Fig. 14)

Aire urbaine Type de zoneVariation

de la population (1)Effet taille

des ménagesEffet nombrede logements

Metz Centre 18,4 -51,8 70,2Banlieue 22,8 -74,3 97,1Couronne périurbaine 43,8 -25,6 69,4

Nancy Centre -32,9 -60,6 27,7Banlieue 84,2 -75,4 159,7Couronne périurbaine 24,8 -16,4 41,2

Thionville Centre 6,3 -18,2 24,5Banlieue -0,6 -35,0 34,4Couronne périurbaine 5,4 -10,0 15,4

Épinal Centre 0,3 -14,4 14,7Banlieue 4,8 -8,6 13,4Couronne périurbaine 7,5 -6,8 14,2

Bar-le-Duc Centre -1,6 -7,4 5,8Banlieue 0,7 -1,0 1,7Couronne périurbaine 2,1 -2,9 5,0

* en milliers, 1962-2005

(1) Population des résidences principales

Lecture : Dans la ville-centre de Metz, la croissance du nombre de résidences principales aurait dû induire une variation de + 70 200 habitants, si la taille desménages était restée constante entre 1962 et 2005.

De fait on constate une baisse de la taille des ménages qui freine la croissance de la population (-51 800)

Source : Insee, recensements de la population, 2005 estimé

Effet de la taille des ménages sur l'évolution de la population des résidences principalesentre 1962 et 2005 (Fig. 15)

Source : Insee, recensements de la population, 2005 estimé

Réalisée avec le logiciel Philcarto - http://philgeo.club.fr

Variation du nombre d'habitants

Page 13: Urbain - Insee

13

Méthode1. Mesures de l’étalement urbain et de son évolution par les densités

a. Le modèle monocentrique et circulaire

Les premières mesures ont été basées sur des indicateurs synthétiques et ont recherché à estimer des fonctionsde densité, dans lesquelles la seule variable explicative de la densité en chaque point d’une aire urbaine était la dis-tance au centre-ville. Différentes formes fonctionnelles ont été utilisées : Box-Cox, polynomiales, exponentielles inver-ses, puissances, log-normales, gamma, linéaires discontinues, spline cubiques, exponentielles, etc. Il s’agissait deprendre en compte l’existence de certains phénomènes : cratères de densité au centre, ruptures, changements derégime dans les courbes de densité, “rebonds” de densité à une certaine distance des centres, etc.

La forme la plus largement utilisée est l’exponentielle négative. H. BLEICHER (1) (1892) est à l’origine des premièresétudes sur les densités de population en milieu urbain. C. CLARK (2) (1951) reprend les précédents travaux et établitla relation de base liant densité résidentielle et distance au centre.

Cette “Loi de CLARK” repose sur les deux postulats suivants :

* l’existence d’une ville monocentrique et circulaire ;

* un rythme de décroissance monotone de la densité vers la périphérie.

Elle s’écrit : D X D eox( ) = − µ ,

avec D(X) , la densité à une distance X du centre, µ le gradient de densité, X la distance radiale au centre de l’ag-

glomération et Do la densité au centre de la ville

* S. BERROIR (1996) note que “la densité centrale est une expression du niveau moyen de la concentration d’uneville, puisqu’il a souvent été montré que la densité moyenne d’une aire urbaine est fonction de la densité aucentre”. E. S. MILLS (1970) montre également que Do est une fonction croissante de la taille de la ville ; décrois-

sante du revenu des ménages et que le coût des transports varie en sens inverse de Do . µ est par ailleursune fonction décroissante de la taille de la ville et du revenu des ménages.

* Pour l’ajustement de cette relation, on utilise généralement la transformation logarithmique. P.-Y. PÉGUY (3)(2000) montre que la qualité des ajustements du modèle s’améliore au fur et à mesure que la taille des agglo-mérations augmente. S. BERROIR (4) énonce en 1996, que “la mesure du gradient (µ) est particulièrement fé-conde pour analyser les formes de la ville, déterminer les degrés de compacité ou d’étalement des espacesurbains et les niveaux de différenciation dans la concentration. Plus le gradient est élevé et plus le rythme dedécroissance de la densité du centre vers la périphérie est rapide [...]. La détermination des gradients permetaussi d’aborder la question des limites de l’espace urbanisé. Des ruptures, des seuils peuvent être repérés quicorrespondent aux formes des contacts entre la ville et son environnement”. Plus le gradient est petit (respecti-vement grand) en valeur absolue, plus la pente de la fonction de densité est faible (respectivement forte), ce quicorrespond à une ville étalée (respectivement concentrée). La décroissance du paramètre µ en valeur absolue cor-respond à une extension de la ville sur des distances éloignées du centre. Cet étalement peut s’accompagnerou pas d’une baisse de la densité centrale (Do ).

Les tests menés sur des périodes historiques et des espaces géographiques très différents aboutissent à une ten-dance commune appelée “urban sprawl”, caractérisée par une diminution de la densité centrale et du gradient. Desdifférences sont apparues entre espaces géographiques, selon la taille des villes et la date d’apparition duphénomène, plus précoce aux États-Unis.

B.E. NEWLING (5) propose en 1966, une formulation qui permet d’intégrer trois types de profils (b) et qui s’écrit :D X D eo

bx cx( ) ²= − .

* Si b<0 : le profil est celui de la majorité des villes européennes où la transition entre le centre-ville et la périphéries’effectue de manière douce, ce qui produit des villes étendues avec des densités de population fortes en proche pé-riphérie.

* Si b ≈ 0 : le profil est celui de villes avec des densités centrales les plus élevées et peu étendues en périphérie (vil-les en hauteur).

* Si b>0 (cratère de densité) : des villes où les densités centrales ne sont plus les plus importantes, qui concentrentles emplois au centre et rejettent en faubourg la fonction résidentielle, exemple des grandes villes américaines.

Page 14: Urbain - Insee

14

En 1972, BUSSIÈRE R. avance une nouvelle formulation, amendée en 1996 par BONNAFOUS A. et TABOURIN E. (6). Il s’a-git non plus de raisonner sur les densités mais sur la population cumulée P(X) comprise dans un rayon inférieur ouégal à X, autrement dit de déterminer la répartition la plus probable de la densité résidentielle D(X) en maximisant

l’entropie du système sous contrainte. On obtient la formulation suivante : D XN

e x( )²= −γ

πγ

2

avec N, la population totale et γ le gradient de densité (taux de décroissance exponentielle de la densité résidentielle).

Si l’on raisonne sur la population cumulée, l’on obtient :

[ ]P XD

X e x( )²

( )= − + −21 10π

γγ γ avec la population totale N

D= 2 0πγ²

Les différents profils de densités

Extrait de : NEWLING B.E. (1969) : “The Spatial Variation of Urban Population Densities”, Geographical Review, Vol. 59, N° 2, april, pp. 242-252.

b<0 b=0 b>0

DISTANCE DISTANCE DISTANCE

DEN

SIT

É

DEN

SIT

É

DEN

SIT

É

Les profils évolutifs de densités

Extrait de : CASETTI E. (1973) : "Testing for spatial temporal trends : an application to urban population densitytends using the expansion method", The Canadian Geographer, pp. 127-137.

Augmentation globale de la densitésans modification de la forme du gradient

Affaiblissement du gradientet de la densité centrale

Apparition d'un cratèrede densité

Élargissement du cratèrede densité

Page 15: Urbain - Insee

15

La forme générale de la répartition de la population en fonction de la distance au centre est telle que la pente à l’ori-gine est nulle, puis s’accroît jusqu’au point d’inflexion 1/ γ avant de décroître ensuite.

Afin de mieux faire coller le modèle aux données empiriques une version amendée du modèle est proposée :

[ ]P XD

X e KXyx( )²

( )= − + +−21 10π

γγ

L’amendement KX traduit la croissance accélérée de l’étalement urbain due à l’amélioration globale des conditionsde circulation. La décroissance dans le temps de Do traduit une dédensification du centre de l’agglomération. La

baisse du coefficient γ et la croissance de K reflètent l’étalement urbain.

b. Les modèles polycentriques et sectoriels

Si l’on rejette l’hypothèse monocentrique et l’on accepte l’existence de centres multiples, il s’avère alors nécessaired’adapter les formes fonctionnelles utilisées pour estimer les gradients de densités dans le modèle monocentriquepour tenir compte de la multiplicité des centres et des relations entre ceux-ci.

Le sociologue et journaliste J. GARREAU (7) a montré l’émergence d’edge cities aux États-Unis, micro-villes en borduredes espaces urbains, véritables noyaux de densité urbaine, qui en raison de leur pouvoir d’attraction, étaient suscep-tibles à terme de résorber l’étalement urbain. Les edge cities incluent des parcs industriels, des lotissements rési-dentiels et des centres commerciaux. Sous l’effet de la hausse du coût du foncier ou de la diminution des économiesd’agglomération, le cœur de l’aire urbaine perd progressivement ses fonctions en faveur de centres en périphérie.Les centres ayant tendance à créer un “effet d’ombre” : “l’attractivité exercée par un centre sur les activités produc-tives vide l’espace alentour de ses activités” et “un centre économique existe et perdure, s’il est suffisamment at-tractif et s’il se situe à une distance minimale du ou des autres centres" [BEAUMONT C., LE GALLO J., DERYCKE P.-H.,

JAYET H., 2000]. La difficulté consiste alors à déterminer le centre principal et les centres secondaires.

Trois solutions sont envisageables : exprimer la ville comme une densité surfacique, raisonner en fonction de la dis-tance au centre, suivant les différentes directions dans l’espace, considérer la densité en fonction de la distance auxcentres.

Comprendre la nature des interactions entre centres

Les formes fonctionnelles multicentriques s’appuient sur une vision globale des interdépendances entre lescentres. Les centres peuvent être complémentaires, rivaux ou indépendants.

* Si les centres sont complémentaires, l’influence d’un centre est liée à celles des autres centres ce qui affai-blit les relations de domination d’un centre sur les autres. Dans cette configuration, les individus fréquententtous les centres ce qui signifie que certaines activités ne sont présentes que dans certains centres. L’im-pact d’un centre est accentué par celui des autres centres, la fonction de densité est alors le produit desfonctions individuelles.Chaque zone m est caractérisée par n distances (une distance pour chacun des n centres).

D f di j ij= =ΠΝι 1 ( ) avec i : commune et j : centres.

* En revanche, si les centres sont rivaux, alors les relations de domination l’emportent : les agents ne fré-quentent qu’un seul centre, celui qui est le plus proche. Dans ces conditions, cela signifie que tous les cen-tres offrent les mêmes types de biens ou de services. Sur une même aire urbaine, des relations decomplémentarité et de substituabilité s’établissent généralement entre les centres et conduisent à unestructure hiérarchique entre les centres : chaque centre de niveau supérieur offre un bien supplémentairemais tous les centres d’un même niveau offrent les mêmes biens. Ainsi, la diversification des activités pré-sentes en un centre traduit plutôt une tendance à la substituabilité, tandis que la spécialisation serait as-sociée à la complémentarité. Dans les approches empiriques, cela revient à identifier un centre dominant,généralement le CBD (Central business district) et des centres secondaires ou “subcenters” qui peuvent êtrecomplémentaires ou substituables (SIVITANIDOU R., 1996). Si l’on considère que les centres sont de parfaitssubstituts, alors seuls les centres dominants sont importants : la fonction de densité est l’enveloppe supé-rieure des fonctions de densité individuelles (i.e. relatives à un centre unique). Si les centres sont considéréscomme substituables alors cela signifie que les activités présentes dans chaque centre sont relativement in-différenciées aux yeux des utilisateurs : ceux-ci interagiront alors avec le centre le plus proche. Pour chaquezone m, seule la distance au centre le plus proche est retenue.

[ ]D Max f di jN

j ij= = 1 ( ) avec i : commune et j : centres.

Page 16: Urbain - Insee

16

* Si les centres sont indépendants, cela signifie que l’espace urbain est segmenté. Un centre régit l’organisa-tion spatiale d’une partie seulement de l’aire urbaine et en dehors de son aire d’influence, ce centre n’estpas fréquenté. Ce type d’espace urbain est en fait une juxtaposition d’espaces monocentriques. Les activitéséconomiques présentes dans chaque centre dépendent des caractéristiques économiques (qualifications de lamain-d’oeuvre, revenus des ménages) de l’aire urbaine sous influence. Si les activités économiques présentesdans un centre se délocalisent, les ménages n’accompagnent pas cette délocalisation ce qui crée des situa-tions de “spatial mismatch”. Cette organisation se rencontre dans une partie seulement des aires urbaines,lorsqu’il existe des phénomènes de ségrégation raciale fortement marqués comme dans la plupart des gran-des métropoles nord-américaines. Si les centres ne sont ni des substituts parfaits, ni complémentaires,alors la fonction de densité est égale à la somme des fonctions individuelles. Des options intermédiaires peu-vent même être retenues si l’on considère qu’une structure hiérarchisée des centres prévaut sur l’agglomé-ration : il existe dans ce cas plusieurs groupes complémentaires de centres, mais à l’intérieur des groupes,les centres sont substituables. Dans ce cas, on retient pour chaque zone m quelques distances à des cen-tres importants et on ajoute la distance au centre le plus proche ou à 2 centres les plus proches, etc. Ladistance au CBD traditionnel est toujours prise en compte, ce centre étant considéré comme le centre de ni-veau hiérarchique le plus élevé.

Di f dj ijj

N

==∑ ( )

1

avec i : commune et j : centres.

Limites à l’approche multicentrique

Pour certains auteurs, la remise en cause de l’hypothèse monocentrique ne conduit pas nécessairement à l’é-mergence d’une configuration multicentrique.

Par ailleurs, la démarche d’identification des centres économiques est souvent un préalable nécessaire à l’éla-boration de fonctions multicentriques, ce qui n’est pas totalement satisfaisant dans la mesure où la façon dontles centres sont précisément identifiés prédétermine l’obtention de gradients négatifs. Une solution vise à uneestimation jointe de la fonction de densité et de l’identification de la localisation des centres.

c. L’introduction de facteurs explicatifsLa recherche de facteurs explicatifs de la déconcentration des emplois et de la population s’appuie sur les résultatsde modèles théoriques :

* le modèle standard de l’économie urbaine : hypothèse d’emplois immobiles et localisés au centre de l’aire ur-baine [ALONSO W., 1964] ;

* les modèles où les emplois suivent la population, apparition de pôles secondaires de services en périphérie[GOFETTE-NAGOT F., 1998] ;

* les modèles où emplois et population se localisent simultanément, prise en compte des interactions entre fir-mes et des interactions entre firmes et ménages qui passent par le marché du travail [FUJITA M. ET OGAWA H.,1982].

2. Mesures de l’étalement urbain par les formes urbainesDe même que les indicateurs de densité décrivent l’emprise spatiale des espaces urbanisés, la compacité morpholo-gique des agglomérations peut être décrite à partir de la notion de configuration spatiale, qui tient compte de laforme des extensions de l’agglomération et du dessin de son contour.

Plusieurs méthodes ont été proposées pour définir des indices statiques qui permettent d’appréhender les formesobservées de façon mesurable :

* Les indices “arithmétiques” de compacité et d’élongation : il s’agit ici de confronter la forme à mesurer avecdes figures géométriques standards, en général le cercle. Les indices sont construits de manière à ce que lesformes soient classées en fonction de leur degré de ressemblance avec cette figure de référence (indice de cir-cularité, coefficient de compacité, indice elliptique, ...). Ce premier groupe d’indices a deux limites principales : d’unepart leur dépendance à l’égard de catégories de formes géométriques définies a priori et ensuite leur caractèreparfois équivoque, dans la mesure où une même valeur peut renvoyer à deux formes différentes.

* Les indices “géométriques” : pour se libérer de toute référence à une forme standard, d’autres types de formu-lations ont été proposées : assimiler la forme observée à un polygone de n sommets et en décrire la dispositionen se fondant uniquement sur les distances qui séparent les sommets, ou bien tenir compte de la distance quisépare le centre de la forme et son contour, appliquer des indices fractals à l’étude des formes urbaines, etc.

Page 17: Urbain - Insee

17

Par ailleurs, il existe un certain nombre de bases de données d’occupations des sols (BD CARTO® ET BD TOPO® (IGN),SPOT THÉMA® (SPOT IMAGE), GUS LAND USE® (SCOT), etc.). Chaque base de données peut se caractériser par :

* une nomenclature : contenu thématique de la base (les “espaces artificialisés” retenus) ;

* une géométrie, qui correspond à la conception des polygones de la base au regard de la photo aérienne ou de l’i-mage satellite initiale : l’Unité Minimale de Collecte (UMC) retenue, quels bâtiments englobe-t-on dans un seul etmême polygone ? (notion de “continuité du bâti”), quelle est la “précision planimétrique” ? ;

* son degré d’actualité : date d’élaboration et de mise à jour.

Parmi les nomenclatures existantes, citons à titre d’exemple :

* SPOT THEMA (2 niveaux) : base de données d’occupation des sols à l’échelle des agglomérations, disponible sur laFrance métropolitaine ;

* CORINE LAND COVER (3 niveaux) : produite dans le cadre du programme européen Corine, de coordination de l’infor-mation sur l’environnement ;

* Depuis 1982, le MODE D’OCCUPATION DU SOL (MOS) Île-de-France (5 niveaux) assure un suivi régulier de l’occupationdu sol de l’Île-de-France. Actualisé régulièrement depuis sa première édition de 1982 ;

* L’INVENTAIRE PERMANENT DU LITTORAL (IPLI) (2 niveaux), décidé en 1977 dans le cadre d’un Comité interministérield’aménagement du territoire, actualisable tous les 5 ans.

La mesure de l’évolution de l’espace urbanisé ou de la “tache urbaine” permet de définir le type de développementobservé :

* par densification de la ville-centre via la rénovation et le complètement (“urban fill”) ;

* par expansion par contigüité autour des centres existants (“urban extension”) ;

* par concentrations autour de petits centres sélectionnés (“key villages extensions”) ;

* par des implantations nouvelles (“new settlements”).

(1) BLEICHER H. (1892): “Statische Beschreibung der Stadt Frankfurt am Main und ihrer Bevölkerung”, Frankfurt.(2) CLARK C. (1951) : “Urban population densities”, Journal of the royal Statistical Society serie A, n°114, pp. 490-494.(3) PEGUY P.Y. (2000), Analyse économique des configurations urbaines et de leur étalement, thèse de doctorat en scien-ces économiques.(4) BERROIR S. (1996) : “L’espace des densités dans la ville : théorie et modélisations”, L’espace géographique, Tome XXV,n°4, pp. 353-369.(5) NEWLING B.E. (1969) : “The Spatial Variation of Urban Population Densitie ”, Geographical Review, Vol. 59, n°2, april,pp. 242-252.(6) BONNAFOUS A., TABOURIN E. (1998) : “Modélisation de l’évolution des densités urbaines”, Données urbaines II dirigé parPUMAIN D. et MATTEI M.F., Paris, Anthropos, collection Villes.(7) GARREAU J. (1991), Edge City, Life on the New Frontier, NY, Anchor Books, 548 p.

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Polarisation de l'emploi autour de Nancy et Metz

L’analyse exploratoire spatiale desdonnées permet d’identifier lescentres principaux et secondairessans recourir à des seuils sou-vent arbitraires d’identification deces derniers [GUILLAIN R., LE GALLO

J., BOITEUX-ORAIN C., 2006].

L’analyse des ratios d’emplois/po-pulation décrit un schéma d’asso-ciation spatiale positive (HH, BB),autrement dit les communes à ra-tio d’emplois/population élevés(respectivement faibles), sont entou-rées par des communes à ratiod’emplois/population élevés (res-pectivement faibles). Ce schémad’association bien que faible, esten progression sur la période1962-2005. Les deux tiers enmoyenne des communes lorrainessont caractéristiques de ce sché-ma [cf. Figures 1 et 2]. Les commu-nes “clusters” (HH) ou “pôles isolés”(HB) représentent le tiers dunombre total de communes, maisconcentrent près de 90% de l’em-ploi total en Lorraine. Entre 1962et 2005, on observe un phéno-mène de polarisation autour desdeux grandes aires urbaines deMetz et Nancy [cf. Cartes 1 et 2].

Dynamique des clustersLa polarisation croissante de l’es-pace lorrain peut être expliquéepar les transformations qu’a subiesle système productif depuis les an-nées 60. Comment le schéma delocalisation des différents secteursd’activité a-t-il évolué sur la période1962-2005 ? La statistique I deMORAN standardisée calculée àpartir des quotients de localisationpour chaque secteur [cf. Encadré p.22] nous indique que cinq secteursne sont pas significativement spa-tialement autocorrélés à un seuilde 5% en 2005 [cf. Figure 3] : lesIAA, la production et la distributiond’énergie, les biens d’équipement,le bâtiment et le génie civil et agri-cole, les transports et télécommu-nications. Autrement dit, pour cessecteurs, il n’existe pas globale-ment de tendance à l’aggloméra-tion pour des valeurs similaires (1).Tous les autres secteurs s’avèrentpositivement et statistiquementspatialement autocorrélés ; descommunes à valeurs similaires dequotient de localisation ont ten-dance à être spatialement regrou-pées.

Pour déterminer si les secteurs d’ac-tivité ont tendance ou non à seconcentrer dans tel ou tel type d’es-pace, le tableau 4 présente la distri-bution des communes “clusters (HH)”dans l’espace urbain. En 2005, les“clusters” à caractère fortement ur-bain concernent les services aux en-treprises et le secteur éducation,santé, action sociale.

En 1962, en moyenne 41% descommunes de type “clusters” ou “pô-les isolés” significatives étaient locali-sées dans le pôle urbain ou encouronne périurbaine, en 2005, ellesne sont plus que 31% [cf. Figure 5].

L’analyse cartographique permetd’appréhender les schémas de lo-calisation des secteurs et leurévolution dans le temps. À titred’exemple les cartes du dia-gramme de Moran pour le sec-teur des services marchands en1962 et 2005 [cf. Cartes 3 et 4]témoignent de la dynamique depolarisation autour des zones deMetz, Nancy et de Bitche.

18

Évolution du ratio emploi-population des communes lorraines (Fig. 1 et 2)

Indicateur local d'autocorrélation spatiale du ratio emploi/populationpar commune (Fig. 1)

Valeur standardisée de l'indice global d'autocorrélation spatialede Moran du ratio emploi/population (Fig. 2)

0

2

4

6

8

10

12

14

%

1962 1968 1975 1982 1990 1999 2005

0

10

30

20

40

50

60

70

80

90

100

1962 1968 1975 1982 1990 1999 2005

(HH)(HB)(BB)(BH)

Les statistiques du I de Moran sont significatives au seuil de 5% Lecture : la distribution des communes significatives dans le diagrammede Moran est exprimée en % du nombre total de communes :23% des communes à ratio emploi/population élévé sont entourées de communesà ratio emploi/population élévé en 2005 (schéma HH)

Source : Insee, recensements de la population, 2005 estimé

Bas-Haut Haut-HautBas-Bas Haut-Bas

(1) Cela ne signifie pas qu’il n’existe pasde poches locales de valeurs élevéesde quotient de localisation.

Page 19: Urbain - Insee

19

Diagramme de Moran du ratio Emploi/Population en 1962 (Carte 1)

Source : Insee, recensement de la population 1962

Bas-Haut Haut-Haut

Bas-Bas Haut-Bas

Ratio Emploi/Population(standardisé)

Déc

alag

esp

atia

ldu

ratio

Empl

oi/

Pop

ulat

ion

(sta

ndar

disé

)

IGN

-In

see

2008

Diagramme de Moran du ratio Emploi/Population en 2005* (Carte 2)

* estimé

Source : Insee, 2005 estimé

Bas-Haut Haut-Haut

Bas-Bas Haut-Bas

Ratio Emploi/Population(standardisé)

Déc

alag

esp

atia

ldu

ratio

Empl

oi/

Pop

ulat

ion

(sta

ndar

disé

)

IGN

-In

see

2008

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20

Distribution des communes “clusters” selon le type d’espace en 2005 (en %) (Fig. 4)Secteurs Centre Banlieue Couronne Multipolarisé RuralAgriculture, sylviculture, pêche 0 0 5 7 88Industries agricoles et alimentaires (IAA) 0 17 6 39 39Industrie des biens de consommation 6 6 0 12 76Industrie automobile 25 0 25 0 50Industrie des biens d’équipement 0 44 11 33 11Industrie des biens intermédiaires 5 15 10 10 59Production et distribution d’énergie 0 54 23 8 15Construction 0 8 42 29 21Commerce 3 27 27 27 16Transports 0 0 25 13 63Activités financières 6 35 14 37 7Activités immobilières 0 0 0 0 100Services aux entreprises 2 55 36 5 3Services aux particuliers 6 3 18 38 35Éducation, santé, action sociale 4 31 36 13 16Administration 0 0 16 31 53Moyenne 4 18 18 19 41

Lecture : la distribution des communes significatives de type HH dans les espaces est exprimée en pourcentage du nombre de communes.Pour le secteur des services aux particuliers, 38% des communes "clusters" significatives sont localisées dans l'espace multipolarisé en 2005.Source : Insee, 2005 estimé

Évolution des quotients de localisation (Fig.3)

Secteurs d’activité1962 1999 2005

I de Moranstandardisé

Probabilitécritique

I de Moranstandardisé

Probabilitécritique

I de Moranstandardisé

Probabilitécritique

Agriculture, sylviculture, pêche 7,38 0,001 23,01 0,001 0,89 0,001Industries agricoles et alimentaires (IAA) -1,24 n.s. 1,19 n.s. 0,26 n.s.Production et distribution d’énergie 24,79 0,001 4,17 0,003 0,00 n.s.Industrie des biens intermédiaires 12,27 0,001 8,49 0,001 5,90 0,001Industrie des biens d’équipement 7,12 0,001 1,36 n.s. 1,49 n.s.Industrie des biens de consommation 2,55 0,014 4,31 0,001 3,11 0,007Bâtiment, génie civil et agricole 3,52 0,001 2,99 0,003 1,29 n.s.Commerce 0,72 n.s. 4,48 0,001 4,63 0,001Transports et télécommunications 3,03 0,003 1,92 0,032 -0,07 n.s.Services marchands 0,80 n.s. 3,65 0,002 5,39 0,001Activités financières -0,74 n.s. 0,16 n.s. 4,53 0,002Services non marchands 1,33 n.s. 4,73 0,001 5,44 0,001

L’inférence sur la statistique I de Moran est basée sur une approche de permutations conditionnelles avec 999 permutations.

n.s. : secteurs non significatifs à 5%.

Source : Insee, recensements de la population, 2005 estimé

Distribution des communes “clusters” et “pôles isolés” selon le type d’espace (en %) (Fig. 5)

Secteurs

1962 2005Pôle urbain+ couronnepériurbaine

Multipolarisé RuralPôle urbain+ couronnepériurbaine

Multipolarisé Rural

Agriculture, sylviculture, pêche 28 50 22 12 16 72Industries agricoles et alimentaires (IAA) 18 53 29 31 28 41Production et distribution d’énergie 58 8 33 42 21 37Industrie des biens intermédiaires 34 52 15 32 14 54Industrie des biens d’équipement 42 42 16 38 21 40Industrie des biens de consommation 33 47 20 16 16 68Bâtiment, génie civil et agricole 49 30 20 35 22 43Commerce 46 40 14 37 17 46Transports et télécommunications 38 43 20 27 15 58Services marchands 50 30 20 55 14 32Activités financières 47 44 9 21 23 55Services non marchands 46 25 29 31 25 43Moyenne 41 39 21 31 19 49

Lecture : la distribution des communes significatives de type HH dans les espaces est exprimée en pourcentage du nombre de communes.

Pour le secteur des services marchands, 14% des communes “clusters” et “pôles isolés” significatives sont localisées dans l’espace multipolarisé en 2005.

Source : Insee, recensements de la population, 2005 estimé

Page 21: Urbain - Insee

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Diagramme de Moran du quotient de localisation des services marchands en 1962 (Carte 3)

Source : Insee, recensement de la population 1962

Bas-Haut Haut-Haut

Bas-Bas Haut-Bas

Ratio Emploi/Population(standardisé)

Déc

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ldu

ratio

Empl

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Pop

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ion

(sta

ndar

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)

IGN

-In

see

2008

Diagramme de Moran du quotient de localisation des services marchands en 2005* (Carte 4)

* estimé

Source : Insee, 2005 estimé

Bas-Haut Haut-Haut

Bas-Bas Haut-Bas

Ratio Emploi/Population(standardisé)

Déc

alag

esp

atia

ldu

ratio

Empl

oi/

Pop

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ion

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disé

)

IGN

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22

L’identificationdes centres économiques

Une bonne méthode d’identification des centres éco-nomiques doit permettre d’indiquer le nombre, la lo-calisation, la taille et la frontière de ces centres[GIULIANO G. ET SMALL K.A., 1991].

Le nombre de centres dépend généralement de lataille de l’économie considérée.

La localisation des centres est simplifiée lorsqueseul le choix entre une localisation centrale ou péri-phérique est considéré. Par contre évaluer de façonprécise le rôle joué par les distances entre centresreste un élément déterminant. Les travaux deKRUGMAN P. sur les systèmes de villes montrent queles centres produisent un “effet d’ombre d’agglomé-ration” (HB) : l’attraction exercée par un centre surles activités productives vide l’espace alentour deces activités (effet gravitationnel), dès lors des pô-les secondaires ne peuvent apparaître qu’à une dis-tance suffisante pour échapper à ce phénomèned’attraction, laissant les espaces intermédiaires re-lativement vides.

La taille des centres est appréciée généralementpar le volume des activités productives localiséesdans ces centres. La question de la nature des acti-vités productives présentes dans ces centres peutêtre abordée de différentes manières. De manièregénérale des entreprises qui sont fortement“consommatrices" d’économies d’agglomération au-ront tendance à se regrouper : sectoriellement (fi-nance, R&D, ...) ou fonctionnellement (centresdécisionnels opposés aux centres d’exécution). Lecaractère spécialisé ou diversifié des activités pré-sentes dans les centres est souvent étudié dans lecadre de la concurrence monopolistique. La spéciali-sation d’un centre est liée aux économies intra-sec-torielles, tandis que la diversification d’un centre estassociée aux économies intersectorielles. Dans lesmodèles de places centrales, la taille des centresest liée au nombre de biens différents produits et lesystème des lieux centraux peut être hiérarchisé(CHRISTALLER W.) ou non (LÖSCH A.). Dans le casd’une hiérarchie, cela signifie qu’un centre d’un ni-veau supérieur contient plus d’activités différentesqu’un centre de niveau inférieur mais qu’il possèdeégalement toutes les activités déjà présentes dansles centres de niveaux inférieurs.

Pour qu’une concentration d’activités productivessoit réellement considérée comme un centre écono-mique, il faut encore qu’elle ait une certaine in-fluence sur l’organisation de l’espace urbain.

Les indicateurs usuels de concentration des emploissont donnés par les densités d’emplois ou par lesratios emploi/population. Les densités peuvent êtrebrutes (lorsque le dénominateur est la superficie

quel que soit son usage) ou nettes (lorsque la super-ficie est différenciée selon son usage : industriel,tertiaire, voir FOUCHIER V.).

Un centre [cf. GUILLAIN R. ET LE GALLO J., 2007]sera à la fois une commune (ou un ensemble decommunes) pour laquelle le quotient de localisa-tion est significativement plus élevé que le quo-tient de localisation moyen et à la fois unecommune (ou un ensemble de communes) en-tourée par des communes pour lesquelles le quo-tient de localisation moyen est significativementplus faible. Cette méthode revient à analyser lesschémas de localisation des communes de typeHH (“clusters”) et HB ("pôles isolés”). Les effetsd’agglomération sont appréciés en termes deconcentration de valeurs élevées et repérablespar les associations de type HH et HB. Une com-mune de type H et ses voisines de type H consti-tuent une agglomération de type extensif, alorsqu’une commune de type H et ses voisines de typeB traduit une concentration sur elle-même, autre-ment dit sans processus d’extension.

Quotient de localisation

Le quotient de localisation pour chaque secteur etchaque commune est calculé. Ces quotients mesu-rent le ratio entre le pourcentage local et le pour-centage total de l’emploi d’un secteur donné. Onconsidère qu’une commune est spécialisée dans unsecteur si son quotient de localisation est supérieurà un certain seuil.

Schémas d’association spatiale

La décomposition du schéma d’association spatialepeut être réalisée grâce à la construction du “dia-gramme de Moran” [ANSELIN L., 1996] où figure enabscisses le quotient de localisation standardiséd’une commune et en ordonnées son décalage spa-tial standardisé. Les quadrants du graphique cor-respondent aux quatre types d’association spatialelocale entre une commune et ses voisines. Le qua-drant (HH) correspond à une commune à quotientde localisation élevé, entourée de communes à quo-tients de localisation élevés ; le quadrant (BH) à unecommune à quotient de localisation faible, entouréede communes à quotients de localisation élevés,etc. Les quadrants (HH) et (BB) (respectivement(BH) et (HB)) indiquent une autocorrélation spatialepositive (respectivement négative) et représententdes agglomérations géographiques de valeurs simi-laires (respectivement dissemblables). Les statisti-ques locales d’association spatiale permettentd’avoir une information sur la significativité statis-tique des centres détectés. La matrice de poids uti-lisée est une matrice de contigüité d’ordre 2.

Page 23: Urbain - Insee

Évolution de la tache urbaine : l’exemple de l’aire urbaine de Metz

L’analyse de l’évolution de latache urbaine de l’aire urbainede Met z sur l a pér i ode1990-2000 montre que si lessurfaces “artif icial isées” pro-gressent dans la région mes-s ine, la pér iurbanisat ion nejoue qu’un rôle modeste danscette évolution, la consomma-tion de terrains étant due pourl’essentiel à l’aménagement dezones d’activité.

19 000 hectaresd’espaces urbanisésen 2000L’aire urbaine de Metz (237 com-munes) occupe environ 1 840km2, sur les 23 550 m2 de la ré-gion Lorraine. Selon les donnéesfournies par Corine Land Coverpour l’année 2000, elle est cou-verte essentiellement de zonesagricoles ou naturelles. Les ter-ritoires “artificialisés” (zones urba-nisées, carrières, chantiers...) nereprésentent à cette date que10,4% de sa superficie. En cela,la région de Metz ne constituepas une exception puisque cette

proportion reste inférieure à15% dans la plupart des airesurbaines françaises (1).

Largement majoritaires, avecplus de 120 000 ha, les terresagricoles couvrent 65,5% de lasurface de l’aire urbaine. Il s’agitprincipalement de terres culti-vées et de prairies, le resteétant constitué de vergers etd’espaces agricoles dits com-plexes. Les espaces boisés cou-vrent quant à eux 22,5% del’aire urbaine, tandis que les zo-nes humides (marais, tourbières)et les rivières et plans d’eau n’enoccupent que 1,5%.

Les territoires artificialisés necouvrent donc qu’une pet itepartie de l’aire urbaine : environ19 200 ha en 2000. Le tissuurba in en const i tue la p lusgrande part (66,8%), le resteétant formé surtout de zonesd’activité (18,4%), et d’infras-tructures de transport (6,4%),relativement importantes de faitde la présence des trois aéro-ports de Metz -Nancy , Mar-ly-Frescaty et Chambley.

Les espaces verts urbains et leséquipements de loisirs n’inter-viennent que pour 4,3% dans lasurface artificialisée, les carriè-res et chantiers pour 4,1% [cf.Figure 1].

À titre de comparaison, l’aire ur-baine de Nancy qui couvre unesurface à peu près identique àcelle de Metz (183 600 ha) a unesurface artif icialisée moindre(8,9% contre 10,4%). La princi-pale différence tient à l’impor-tance des zones boisées (29,2%contre 22,5%), avec en contre-partie une plus faible présencedes terres agricoles (60,6%contre 65,5%).

Une progression de 6%des surfaces artificialiséesentre 1990 et 2000Les changements d’occupationdu sol dans l’aire urbaine se sol-dent par une progression de5,9% des surfaces artificialiséesentre 1990 et 2000, so i t1 067 ha supplémentaires aucours de la décennie. Celles-cicouvraient 9,8% de la superficiede l’aire urbaine en 1990 ; ellesen occupent 10,4% dix ans plustard. Ce résultat global masquedeux évolutions contraires, l’uned’artificialisation de terrains au-paravant naturels [Cadre grisdans la Figure 2], qui a touché1 297 ha dans la région mes-sine, l’autre de “renaturation” deterrains auparavant artificialisés[Cadre vert dans la Figure 2], qui atouché 230 ha. C’est la combi-naison de ces deux évolutions

23

(1) Elle est de 11,4% en moyennepour les 100 aires urbaines de mé-tropole les plus peuplées. C’est l’aireurbaine de Douai-Lens qui présentele taux le plus élevé, avec 33,8 % desols artificialisés.

Occupation des sols de l'aire urbaine de Metz (Fig.1)Cumuls par grande catégorie (ha)

Types d’occupationSurfaces (en ha) Évolution 1990-2000 Répartition (en %)

1990 2000 en ha en % en 1990 en 2000

Territoires artificialisés 18 105 19 172 1 067 5,9 9,8 10,4

dont :

Tissu urbain 12 471 12 808 337 2,7 6,8 7,0

Activités, voiries 4 276 4 755 479 11,2 2,3 2,6

Carrières et chantiers 653 791 138 21,1 0,4 0,4

Espaces verts et équipements de loisirs 704 818 114 16,2 0,4 0,4

Terres agricoles 121 727 120 591 -1 135 -0,9 66,2 65,5

Forêts, milieux semi-naturels 41 444 41 460 16 0,0 22,5 22,5

Zones humides 386 358 -28 -7,2 0,2 0,2

Rivières et plans d’eau 2 330 2 409 79 3,4 1,3 1,3

Total 183 991 183 991 100,0 100,0

Source : IFEN, Corine Land Cover

Page 24: Urbain - Insee

qui conduit à un bilan de 1 067ha de surfaces artificialiséessupplémentaires.

Les mouvements de “reverdisse-ment” peuvent dans certains casreprésenter des surfaces impor-tantes : transformation de gra-vières ou de sablières en plansd’eau, ou bien aménagementd’anciennes carrières ou de si-tes industriels désaffectés en zo-nes boisées. Il est clair que sil’on s’interroge sur le développe-ment de l’urbanisation, et surses effets possibles sur l’envi-ronnement, c’est bien la super-ficie des sols artificialisés qu’ilfaut prendre en compte ( les1 297 ha mentionnés précédem-ment) plutôt que le bilan desmouvements d’artificialisation etde renaturation (les 1 067 ha).

Les activités économiques,premier vecteurde l’artificialisationÀ quel usage ont été affectés lesterritoires artificialisés de l’aireurbaine ? D’abord à la créationet au développement de zonesd’activité (493 ha), en secondlieu à l’extension de carrières ou

de chantiers (354 ha), ensuite audéveloppement de l’urbanisation(337 ha). De façon plus margi-nale, des surfaces ont été utili-sées pour l ’ ex tens ion deséquipements sportifs ou de loi-sirs (114 ha, en l’occurrence pourla création du golf de Marly).

Parmi les principaux secteursartificialisés, on trouve la zoneEuroMoselle à Semécourt, lepôle d’Ennery, l’extension de lazone portuaire de Metz et lazone Ikea, le parc thermald’Amnéville, la zone de Grimontà Saint-Julien-lès-Metz et le sec-teur des Hauts de Queuleu àMetz [cf. Carte]. Ce sont les zo-nes agricoles qui ont fourni l’es-sentiel des surfaces nécessairesau développement de l’urbanisa-tion : elles se sont réduites entout de 1 135 ha entre 1990 et2000, dont 1 107 ha ont étéartificialisés. Malgré cela, lessurfaces cultivées ont progressédans la région messine (+1 390ha), au détriment principalementdes prairies (-2 400 ha). Les au-tres types d’occupation (forêts,zones humides, cours d’eau) ontpeu évolué au cours de la dé-cennie.

Développement urbainou périurbain ?Les données fournies par labase Corine Land Cover per-mettent de replacer la question

de la périurbanisation à un ni-veau sans doute plus proche dela réalité de terrain. D’abordsur la consommation d’espacel iée à l ’extension des zonesd’habitation : elle ne représen-terait que 34 ha par an dans larégion messine, c ’est -à -d irequ’à ce rythme on dispose en-core de plusieurs millénaires deréserves pour le développe-ment urbain. Ensuite, sur lerô l e de l ’ hab i t a t dans l aconsommat ion d ’espace : i ln’en mobiliserait qu’à peine unquart, l’essentiel étant utilisépour les activités économiques.

S i l ’ on souha i t e rédu i re l aconsommation d’espace, il fautdonc agir en priorité sur les zo-nes d’activité. Il ne s’agit évi-demment pas de br i de r l edéve loppement économique,mais plutôt de réexaminer la fa-çon dont on aménage les sec-t eu rs des t i nés à l ’ a ccue i ld’activités (par exemple la surfacedes parkings dans les zones com-merciales).

Les données de l’Ifen permet-tent également de faire la partde l ’urbain et du pér iurbaindans la consommation d’es-pace. L’agglomération de Metz(2) couvre 362 des 1 840 km2

de l’aire urbaine. Par définition,elle en forme le noyau, avec78% des logements et 75% dela population. La densité y est

24

(2) L’agglomération Insee, ou unité ur-baine, de Metz compte 47 communeset 322 526 habitants au recensementde 1999. Elle constitue le noyau del’aire urbaine (429 600 habitants).

Évolution des types d'occupation dans l'aire urbaine de Metzentre 1990 et 2000 (ha) (Fig.2)

Occupation en 1990Occupation en 2000

Total 1990A B C D E F G

A Tissu urbain 12 471 - - - - - - 12 471

B Activités, voiries - 4 256 - - - 20 - 4 276

C Carrières et chantiers - 6 438 - - 188 22 653

D Espaces verts et équip. de loisirs - - - 704 - - - 704

E Terres agricoles 320 453 220 114 120 564 7 48 121 727

F Forêts 17 21 133 - 27 41 245 - 41 444

G Zones humides, rivières, lacs - 18 - - - - 2 698 2 716

Total 2000 12 808 4 755 791 818 120 591 41 460 2 767 183 991

Évolution 1990-2000 337 479 138 114 -1 135 16 51 -

artificialisation 337 493 354 114 1 297

renaturation - 208 22 230

Cadre vert : renaturation - Cadre gris : artificialisationSource : IFEN, Corine Land Cover

Page 25: Urbain - Insee

25

Occupation du sol dans l'agglomération de Metz en 2000

Briey

Homécourt

Joeuf

Amnéville

Maizières

Metz

Marly

Semécourt

Woippy

Ennery

Source : IFEN - Corine Land Cover

upation du sol en 2000Tissu urbain continu

Tissu urbain discontinu

Activités et voiries

Carrières et chantiers

Espaces verts non agricoles

Terres agricoles

Forêts

Zones humides

Lacs et cours d'eau

ution depuis 1990Urbanisation

Zones d'activité

Espaces verts

Zones renaturées

Occupation du sol en 2000Tissu urbain continu

Tissu urbain discontinu

Activités et voiries

Carrières et chantiers

Espaces verts non agricoles

Terres agricoles

Forêts

Zones humides

Lacs et cours d'eau

Évolution depuis 1990Urbanisation

Zones d'activité

Espaces verts

Zones renaturées

Page 26: Urbain - Insee

év idemment beaucoup p lusforte que dans le reste de l’aireurbaine : 890 habitants/km²dans l’agglomération contre 73dans les zones périurbaines.

Pourtant, même dans l’agglo-mération, les surfaces artificia-lisées ne représentent qu’unepe t i t e par t i e du te r r i t o i r e(33,1% en 2000), la majeurepartie étant couverte de terresagricoles (29,5%) et de forêts(33,0%). Dans le périurbain, lessurfaces artificialisées restenttrès réduites (4,9%), l’agricul-ture et les zones boisées de-meurent largement dominantes( r e s pe c t i v emen t 74 ,4% e t20,0%).

Les quelque 1 300 ha de surfa-ces artificialisées entre 1990et 2000 se répartissent à peuprès également entre zones ur-baines (711 ha) et périurbaines(586 ha). C’est vrai aussi dessur faces consommées pourl’extension des zones urbaines :163 ha dans l’agglomération et174 ha en périphérie, soit unrythme annuel d’artificialisationdu territoire de 0,05% par andans la première et de 0,01%par an dans la seconde. Parcontre, le développement deszones d’activité se fait davan-tage dans l’urbain (330 ha) quedans le périurbain (163 ha) [cf.Figure 3].

Un développementconcentré sur la valléede la Moselle

On ne peut guère aller au-delàdans l’analyse des évolutionsentre agglomération et péri-phérie, parce que l’on toucheaux limites d’utilisation de CorineLand Cover et parce que les mo-des d’occupation du sol ne peu-vent pas être c la i rementdissociés dans les cœurs d’ag-glomération.

Il ressort néanmoins de ce quiprécède que la périurbanisationne constitue pas un réel pro-blème dans la région messine, aumoins pour ce qui est de laconsommation d’espace.

On peut en revanche trouver pluspréoccupant le fait que les zonesartificialisées se situent majoritai-rement dans la vallée de la Mo-selle, ou à proximité de celle-ci. Ils’agit bien sûr de la partie la plusdense de l’aire urbaine, celle quise développe le plus rapidement.C’est là que se situent les gran-des infrastructures de transport :l’autoroute A31, l’axe ferroviaireBenelux-Méditerranée, sans ou-blier bien sûr la Moselle cana-l isée. C’est là aussi que seconcentrent désormais les princi-pales zones d’activité, alors qu’au-trefois beaucoup d’industries

étaient implantées à l’écart del’axe mosellan, dans les vallées del ’Orne et de la Fensch parexemple.

La concentration des activitéset des populations a évidem-ment un impact sur l’environne-ment, ne serait-ce que du faitde l’imperméabilisation des solsdans le lit de la Moselle. Lesrisques d’inondation en sont ac-crus, de même que les risquesde pollution liés aux activitéshumaines. De ce point de vue,le déve loppement de zonesd’habitat à l’écart de la valléepourrait apparaître, paradoxale-ment, comme une des répon-ses possibles aux problèmesd’environnement qui se posentdans la région messine.

26

Consommation d’espace en urbain et périurbain de l'aire urbaine de Metz(définition 1999) (Fig. 3)

Types d’occupation (en ha)Surfaces en 2000

Répartition en 2000(en %)

Artificialisation1990-2000

urbain périurbain urbain périurbain urbain périurbain

Territoires artificialisés 11 983 7 189 33,1 4,9

dont :

Tissu urbain 7 535 5 273 20,8 3,6 163 174

Activités, voiries 3 306 1 450 9,1 1,0 330 163

Carrières et chantiers 376 415 1,0 0,3 104 249

Espaces verts et équipements de loisirs 767 51 2,1 0,0 114

Terres agricoles 10 672 109 919 29,5 74,4

Forêts, milieux semi-naturels 11 938 29 522 33,0 20,0

Zones humides 54 304 0,1 0,2

Rivières et plans d’eau 1 548 861 4,3 0,6

Total 36 195 147 796 100,0 100,0 711 586

Source : IFEN, Corine Land Cover

Page 27: Urbain - Insee

La dépendance automobile des territoires lorrains

Le concept de dépendance automo-bile a été introduit au début des an-nées 90 par DARGY J. et GOODWIN P.

et al. (1) ; énonçant pour se dépla-cer, le recours de plus en plus inévi-table à la voiture. Les travaux deNEWMAN P.W.G et KENWORTHY J.R.

(2) [1989, 1991] ont montré l’exis-tence d’une corrélation négativeentre de fortes densités et l'utilisa-tion des modes de transport indivi-duels. À l’inverse, une plus faibleconsommation pétrolière ou uneplus faible motorisation irait de pairavec de plus fortes densités et doncune plus grande compacité de laville. L’urbanisation en tendant versdes densités plus faibles, désavanta-gerait les modes alternatifs à la voi-ture. Le remède consisterait àmettre en place des politiques urbai-nes qui tendent vers de plus fortesdensités. Fonctionnement des trans-ports et étalement urbain demeu-rent intimement liés. Les grandesvilles américaines s’opposent ainsiaux villes asiatiques, dont laconsommation en carburant est laplus faible. Les agglomérations euro-péennes se situent dans lamoyenne, ce qui signifie une poten-tialité moyenne de croissance entermes de surfaces.

Bien que la corrélation entre usagede l’automobile et densité soit ob-servée dans tous les pays dévelop-pés, le rapport de cause à effetn’est pas avéré [DUPUY G., 2001,

POUYANNE G., 2004]. L’idée selon la-quelle les fortes densités sont favo-rables aux modes alternatifs à lavoiture, ne serait valable que pourles trajets domicile-travail dont lesflux restent relativement concentréset se font dans certaines plages ho-raires ; les mobilités pour d’autresmotifs que le travail se font lors de“pérégrinations” et ne sont passubstituables par un autre modepour un budget équivalent. En1999, DUPUY G. (3) va s’attacher àdéfinir la réalité de la situation dedépendance et non plus seulementl’automobilisation croissante de lasociété. La dépendance automobileest alors “le processus par lequelles individus ne disposant pas d’uneautomobile pour se déplacer, vontêtre poussés à s’équiper en véhicule

afin d’obtenir un niveau d’accessibili-té équivalent à celui des individusmotorisés”.

La dépendance automobile pourDUPUY G. est une des conséquen-ces du fonctionnement du “sys-tème automobile” qui fonctionnecomme une sorte de club sportif.Les automobilistes sont membresd’un club, le système automobile,auquel ils adhérent en passant unpermis puis en achetant une voi-ture. Les avantages pour sesmembres sont une améliorationdes temps d’accès pour les nou-veaux entrants et un “bonus” pourceux déjà adhérents au fur et àmesure de l’entrée de nouveauxmembres. Le modèle MAAGIC (Mo-dèle d’Accessibilité Automobile Généréepar les Interactions de Club) énoncequ’"une augmentation de 1% de lamotorisation procure, toutes cho-ses égales par ailleurs, un gaind’accessibilité de l’ordre de 2%”. Acontrario, le système automobileproduit un “malus” : congestion,environnement dégradé, etc.

Les enquêtes menées en Francecomme à l’étranger, ont montréque la durée moyenne de déplace-ment est stable dans le temps, ainsidans toutes les villes européennes,les citadins se déplaceraient enmoyenne une heure par jour.

Depuis 25 ans, cette Loi dite “deZAHAVI” (4) énonce que les gainsde temps résultant de l’améliora-tion de vitesse des systèmes detransports sont totalement réin-vestis par les agents en accroisse-ments des distances parcouruesquotidiennement, sous l’hypothèsed’une constance du temps quoti-

dien consacré aux transports, au-trement dit à budget-temps detransport stable.

BIEBER A. (1995) donne une autreformulation de cette loi : “Les pro-grès de vitesse offerts par l’amélio-ration des techniques dedéplacement et par l’importancedes investissements consacrés àl’automobile et aux transports col-lectifs, permettent, non pas de ga-gner du temps, mais d’augmenterla portée spatiale des déplace-ments en maintenant relativementstable le budget-temps de trans-port d’un individu”. (5)

Cette loi illustre en fait deux méca-nismes distincts. Si la localisationdu travail suppose une pendularitélongue, celle-ci sera de nature àrestreindre le temps libre et parvoie de conséquence la mobilité quilui est associée et à ainsi modelerle partage des tâches au sein duménage. Le second mécanisme atrait à la mobilité résidentielle. L’ob-servation de budgets-temps cons-tants consacrés au déplacement,implique qu’une mobilité résiden-tielle est induite lors d’un change-ment de localisation du lieu detravail entraînant des déplace-ments pendulaires excédant uncertain seuil de durée.

Ce mécanisme permet d’expliquer l’é-talement urbain et le couplage entreéconomie et transport. Par la crois-sance des distances parcourues, àtemps constant, les automobilistesiront résider en zone périurbaine pourbénéficier d’externalités positives. Cecomportement conduit à l’étalementurbain et à la baisse des densités rési-dentielles. Pour le non-automobiliste,

27

(1) DARGY J., GOODWIN P. et al. (1995) : “Car dependence : a report for the RAC Foundation for Moni-toring an the Environment”, ESRC Transport Studies Unit, University of Oxford.(2) NEWMAN P.W.G, KENWORTHY J.R. (1991) : “Transport and urban form in thirty-two of the world’sprincipal cities”, Transport reviews, vol. 11, n°3, p. 249-272.(3) DUPUY G., (1999) : La dépendance automobile, Anthropos, Economica.(4) ZAHAVI, Y., TALAVITTIE A. (1980) : “Regularities in Travel Time and Money Expenditures”, Transpor-tation Research Record, n° 750, pp. 36-44.(5) BIEBER A. (1995) : “Temps de déplacement et structures urbaines” dans DUHEM B. et al. (éd.), Vil-les et transports, Actes du séminaire, Tome 2, Plan urbain, Direction de l’architecture et del’urbanisme, pp. 277-281.

Croissance économique � amélioration des vitesses � accroissement des distances

sous l'hypothèse : Vitesse * BTT = Distances

avec BTT (Budgets Temps de Transport constants)

Page 28: Urbain - Insee

l’accessibilité en transport collectif tendà diminuer lorsque l’automobilisationcroît. “L’effet ZAHAVI” entraîne donc àla fois une baisse de la densité et unaccroissement de la dépendance au-tomobile.

Certains analystes considèrent ainsique les 35 heures ont eu un impactsur la suburbanisation. Dans les vil-les de province, une majorité degens rentrent déjeuner chez eux.Avec le passage aux 35 heures,beaucoup de citadins sont passés àla journée continue. Ils ne font alorsplus qu’un aller-retour par jour aulieu de deux et se donnent la possi-bilité, avec la conjecture de ZAHAVI,d’aller vivre deux fois plus loin deleur lieu de travail. Constat vrai aus-si pour les entreprises.

Une des conséquences de l’"effetZAHAVI” est que les populations denon-automobilistes qui ne peuventou ne veulent se motoriser ou cir-culer en automobile ne peuventvivre dans des espaces de tropfaible densité, caractérisés parl’absence ou l’éloignement auxservices de base. Ces populationsse retrouvent donc par un effet“grégaire” concentrées dans desespaces de plus forte densitédans lesquels l’automobile n’estpas indispensable [cf. Figure 1].

Au total, des espaces de moindredensité investis par des habitantsautomobilistes cohabitent avec desespaces plus denses qui par effetgrégaire concentrent des habitants

28

Part des ménages disposant d’au moins une voiture (Fig. 3)Taux de motorisation des ménages (%) 1999 2005 1999-2005Sarreguemines 78,0 76,0 - 2,0Vandœuvre-lès-Nancy 69,9 68,0 - 1,9Saint-Dié-des-Vosges 73,2 71,6 - 1,6Épinal 74,0 72,4 - 1,6Forbach 79,4 78,8 - 0,6Thionville 81,2 81,7 + 0,5Nancy 62,8 63,7 + 0,9Metz 72,0 73,1 + 1,2Montigny-lès-Metz 77,7 78,9 + 1,3Lunéville 70,0 71,8 + 1,8Lorraine 80,3 81,8 + 1,5

Source : Insee, recensements de la population, 2005 estimé

Source : Insee, recensements de la population

L'effet "grégaire" (Fig. 1)

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

0 2 000 4 000 6 000 8 000

Densité de population(habitant/km²)

% de ménages lorrains sans voiture par commune

1990 1999

Source : Insee, recensements de la population

Lecture : le taux de motorisation des ménages lorrains résidant au sein des pôles urbainsest passé de 84,1% à 85,9 % soit une progression de +1,7 point entre 1999 et 2005,contre +4,6 points entre 1990 et 1999.

Taux de motorisation et type d'aire urbaineen Lorraine (Fig. 2)

+ 7,3

+ 6,3

+ 5,4

+ 4,6

+ 2,8

+ 3,1+ 2,3

+ 1,7

65

70

75

80

85

90

95 %

Pôle urbain Couronnepériurbaine

Espace àdominante

urbaine

Espace àdominante rurale

1990 1999 2005

Taux de motorisation des ménages en 1999 (%) (Fig. 4)Au moins 1 voiture par ménage

Lissage -ordre du voisinage :

1 à 294,84

63,45

Source : Insee, recensement de la population

Page 29: Urbain - Insee

29

Nomenclature Corine Land Cover(les postes traitant de l'urbain sont en fond blanc)

1. Territoires artificialisés11. Zones urbanisées

111. Tissu urbain continu

112. Tissu urbain discontinu

12. Zones industrielles ou commerciales et réseaux de communication

121. Zones industrielles et commerciales

122. Réseaux routier et ferroviaire et espaces associés

123. Zones portuaires

124. Aéroports

13. Mines, décharges et chantiers

131. Extraction de matériaux

132. Décharges

133. Chantiers

14. Espaces verts artificialisés, non agricoles

141. Espaces verts urbains

142. Equipements sportifs et de loisirs

2. Territoires agricoles21. Terres arables

211. Terres arables hors périmètres d’irrigation

212. Périmètres irrigués en permanence

213. Rizières

22. Cultures permanentes

221. Vignobles

222. Vergers et petits fruits

223. Oliveraies

23. Prairies

231. Prairies

24. Zones agricoles hétérogènes

241. Cultures annuelles associées aux cultures permanentes

242. Systèmes culturaux et parcellaires complexes

243. Surfaces essentiellement agricoles, interrompues par desespaces naturels importants

244. Territoires agro-forestiers

3. Forêts et milieux semi-naturels31. Forêts

311. Forêt de feuillus

312. Forêts de conifères

313. Forêts mélangées

32. Milieux à végétation arbustive ou herbacée

321. Pelouses et pâturages naturels

322. Landes et broussailles

323. Végétation sclérophylle

324. Forêt et végétation arbustive en mutation

33. Espaces ouverts, sans ou avec peu de végétation

331. Plages, dunes et sable

332. Roches nues

333. Végétation clairsemée

334. Zones incendiées

335. Glaciers et neiges éternelles

4. Zones humides41. Zones humides intérieures

411. Marais intérieurs

412. Tourbières

42. Zones humides maritimes

421. Marais maritimes

422. Marais salants

423. Zones intertidales

5. Surfaces en eau51. Eaux continentales

511. Cours et voies d’eau

512. Plans d’eau

52. Eaux maritimes

521. Lagunes littorales

522. Estuaires

Page 30: Urbain - Insee

non-automobilistes, ces dernierspermettant la modération globalede la dépendance automobile.

En Lorraine, la proportion de mé-nages équipés d’au moins une voi-ture, qui était de 80,3% en 1999est estimée à 81,8% en 2005,soit une progression de seule-ment 1,5 point. Les périurbainssont beaucoup plus motorisésque les habitants des pôles ur-bains. Le taux de motorisationcontinue à progresser mais demoins en moins vite, en particu-lier dans les pôles urbains [cf. Fi-gure 2]. Alors que sur la périodeantérieure, le taux de motorisa-tion était en progression danstoutes les grandes communes, il

est en repli dans la moitié d’entreelles entre 1999 et 2005 [cf. Fi-gure 3]. En raison de leur densité,de l’offre de transports alternatifset du coût du parking, certainesaires urbaines peuvent dissuadernombre de ménages de s’équiperd’une automobile.

La carte du nombre de voitures parménage (Figure 4) ne laisse pas ap-paraître une motorisation structuréeselon la distance aux centres, iln’existe pas de relation significativeselon laquelle le nombre de voiturespar ménage augmenterait selon ladistance aux centres, mais à l’in-verse en dehors du sillon lorrain eten particulier de l’A31, le taux demotorisation diminuerait fortement.

30

Savoir plus :

- Sites internet :

www.cnis.fr

Métropolisation et territoires :www.metrolab.net

www.certu.fr

www.insee.fr

Ministère de l’Économie,de l’Industrie et de l’EmploiInseeInstitut National de la Statistiqueet des Études ÉconomiquesDirection Régionale de Lorraine15, rue du Général HulotCS 5422954042 NANCY CEDEXTél :03 83 91 85 85Fax :03 83 40 45 61www.insee.fr/lorraine

DIRECTEUR DE LA PUBLICATIONJean-Paul FRANÇOISDirecteur régional de l’Insee

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RESPONSABLE ÉDITORIAL ETRELATIONS MÉDIASJacqueline FINEL

RÉDACTRICE EN CHEFAgnès VERDIN

SECRÉTARIAT DE FABRICATIONMISE EN PAGE - COMPOSITIONMarie-Thérèse CAMPISTROUSMarie-Odile LAFONTAINE

ISSN : 0293-9657© INSEE 2008

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