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Usul al fiqh selon l’école malikite
Note préliminaire : tout ce qui concerne les autres écoles est grisé
Source 1 : Le Coran
1) La place du Coran par rapport à la Sunna au sein des 4 écoles
Pour les malikites (comme pour les hanafites), le Coran domine et dirige la Sunna. Par contre, chez
les shaféites et les hanbalites, Coran et Sunna sont mis au même niveau, car - selon eux - la Sunna
dirige le Coran. Les écoles hanafites et malikites sont appelées les « anciennes écoles » et les écoles
shaféites et hanbalites les « nouvelles écoles ». Pour les hanafites et les malikites, on parle aussi de
« fiqh d’interprétation » (ahl ul ray) et pour les shaféites et les hanbalites de « fiqh de transmission »
(ahl ul hadith). On dit aussi que l’école malikite est une école combinant le « fiqh d’interprétation »
et le « fiqh de transmission ». On parle de « fiqh de transmission » quand l’interprétation des textes
se fait essentiellement, voire uniquement par d’autres textes et de « fiqh d’interprétation » quand
les textes connaissent également une autonomie vis-à-vis des autres textes transmis et nécessitent
donc l’interprétation des savants sur base d’autres outils juridiques (sens littéral, déduction des
contraires, déduction de la finalité de la loi, recherche de l’intérêt général, utilisation de l’analogie,
etc.)
2) L’argumentation des malikites sur la prédominance du Coran sur la Sunna
Les malikites argumentent leur point de vue en se basant sur des éléments d’ordre rationnels et
traditionnels. Les éléments rationnels sont que le Coran est la parole d’Allah (ses règles juridiques
ont donc un statut particulier du fait qu’Allah les a consignées dans Son Livre), qu’il est préservé par
Allah et est inaltérable dans sa forme et dans ses sens (contrairement aux sunnas, qui sont des
paroles humaines faillibles), et enfin qu’il est rapporté de manière mutawatir (alors que les sunnas
atteignant ce degré sont peu nombreuses1). Les éléments traditionnels sont qu’Abu Bakr avait
interdit la transmission de hadiths contraires au Coran, qu’Umar ibn al Khattab avait rejeté un hadith
de Fatima bint al Qays2 pour lui préférer le sens général du Coran et qu’Aïsha avait de même réfuté
plusieurs hadiths authentiques (rapportés par d’autres Compagnons et présents dans al Bukhari et
Muslim) sur base du Coran3. On pourrait également citer le fait que le prophète avait longtemps
interdit la mise par écrit du hadith et que même les Compagnons hésitaient à sa mise par écrit.4
3) Sens textuel (nass), sens littéral (dhahir) et sens sommaire (mujmal)
Le sens textuel (nass) est celui d’un ou de plusieurs mots qui n’ont pas d’interprétation possible (p.e.
« cinq chokobons » : on ne peut pas interpréter cinq, idem pour chokobons). Le sens est donc certain
(qati)
A contrario, le sens sommaire (mujmal) est celui d’un ou de plusieurs mots qui ont tous plusieurs
interprétations possibles (p.e. il faut refaire le wudu quand on a touché à nos femmes : le mot
toucher peut être interprété comme toucher avec la main ou comme avoir des rapports intimes). Or,
1 A peine plus de cent hadiths musnad ont ce statut (cf. Suyuti en recense 110). Dans un ouvrage de Malik, les coutumes de Médine recensés tournent aussi du même nombre. Etc. 2 Sur la pension et le logement de la femme répudiée une troisième fois pendant son délai de viduité 3 Comme le hadith sur la vision d’Allah par le prophète ou le fait que le mort est châtié par les pleurs de ses proches dans la tombe 4 Ceci indique qu’ils ne désiraient pas l’élever au niveau du Coran
il est impossible d’extraire la loi sur base d’un mujmal. Le mujmal doit ainsi être rendu textuel (nass)
ou littéral (dhahir).
Ainsi, si des éléments du Coran et de la Sunna5 permettent de trancher indubitablement en faveur
d’une seule des interprétations possibles, le sens sommaire (mujmal) devient textuel (nass). A
contrario, si plusieurs interprétations restent possibles, le sens retenu sera le premier sens qui vient
à l’esprit, le sens littéral (dhahir) du fait que ce mot particulier a été choisi par Allah parmi d’autres
possibles. Le sens dhahir n’étant qu’une des interprétations possibles (du fait qu’il n’a pas pu être
tranché entre les différentes interprétations) est donc conjecturel (zanni)
Aussi, dans l’argumentation juridique le sens textuel (nass) (qui est certain, qati) sera plus fort que le
sens littéral (dhahir) (qui est conjecturel, zanni)
4) Le général (‘amm) et le particulier (khass)
Le général (‘amm) désigne l’ensemble des cas individuels au sein d’une prescription (houkm). (p.e.
« cinq fruits » : le terme « fruit » désigne tout type de fruit)
Le particulier (khass) désigne, au contraire, une seule partie des cas individuels au sein d’une
prescription (houkm). (p.e. « cinq fruits exotiques »)
Chez les malikites (suivis en cela par les chaféites et les hanbalites), un terme général (‘amm)
indiquant une généralité relève du sens littéral (dhahir) et non textuel (nass), car un terme général
(‘amm) peut être dans certains cas précisé, donc restreint et son sens est ainsi conjecturel (zanni).
Les hanafites, au contraire, voient le général (‘amm) comme un sens textuel (nass) et non littéral
(dhahir), car - pour eux - Allah a choisi Ses mots avec sagesse et son sens est ainsi certain (qati).
Attention au fait que les hanafites ont une autre définition du général (‘amm) et du particulier
(khass) que les trois autres écoles !
Les quatre écoles sont cependant d’accord sur le fait que le particulier (khass) est textuel (nass) et
donc non-littéral (dhahir) et est ainsi certain (qati).
Ainsi, dans l’argumentation juridique, le sens particulier (khass) qui est certain (qati) sera plus fort
que le sens général (‘amm) qui est conjecturel (zanni) chez les malikites. Il faudra donc essayer de
transformer le terme général (‘amm) en un terme particulier (khass), qui le fera passer d’un sens
littéral (dhahir) à un sens textuel (nass) et donc du conjecturel (zanni) au certain (qati). Ce processus
se nomme le takhsis (spécification). Or, on ne peut faire le takhsis qu’avec quelque chose de même
force ou de plus fort, donc ici avec quelque chose de conjecturel (zanni) ou de certain (qati).
Au contraire, chez les hanafites, le général étant textuel (nass) et donc certain (qati), il ne pourra pas
être restreint (takhsis) par quelque chose de conjecturel (zanni), comme par exemple par le hadith
ahad (hadith n’ayant que quelques chaînes de transmission). Ceci explique que les hanafites ne
prennent pas en compte bon nombre de hadiths (car la majorité sont ahad) et ceci au profit de
versets généraux (‘amm) du Coran. En outre, quand un général (‘amm) et un spécifique (khass) (tous
les deux certains (qati) chez les hanafites) se contredisent, si leur moment de révélation est le même,
le spécifique (khass) spécifie (takhsis) le général (‘amm) et si leur moment de révélation n’est pas le
même, le postérieur abroge l’antérieur. Ainsi, chez les hanafites, le takhsis est assez limité, certains
hadiths sont abrogés de ce simple fait et le général peut abroger le particulier.
5 Attention, la Sunna chez les malikites ne se limite pas aux hadiths connectés (musnad), mais concerne aussi les hadiths disconnectés (mursal), les athars des Compagnons et des Tabiins et la coutume de Médine.
5) Le takhsis chez les malikites
Il existe quinze manières de procéder à la spécification (takhsis) au sein de l’école malikite :
La raison (al ‘aql)
La perception (al his)
L’exception
La condition (ach chart)
La qualification (as sifa)
Le but et l’interrogation
Le Coran par le Coran
Le Coran par la sunna mashour
La sunna mashour par le Coran
La sunna mashour par la sunna mashour
Le consensus
L’analogie si le général est le Coran ou la sunna mashour
Le Coran par les récits rapportés par un petit nombre de rapporteurs
Les coutumes
L’intérêt général
Étudions-les au cas par cas :
1) La raison (al ‘aql)
2) La perception (al his)
Il s’agit de recourir à des indices circonstanciels pour faire passer un texte général (‘amm) littéral
(dhahir) de son sens propre (haqiqa) à son sens figuré (majaz). Toutes les écoles y ont recours.
Exemple : faire une quenelle à François Hollande ne veut pas dire lui préparer un repas dénommé
« quenelle », selon la raison et la perception !
3) L’exception
4) La condition
5) La qualification
6) Le but et l’interrogation
Il s’agit des contraintes de l’énonciation. Toutes les écoles y ont recours.
7) Le Coran par le Coran
8) Le Coran par la sunna mashour
9) La sunna mashour par le Coran
10) La sunna mashour par la sunna mashour
Tous les fuqaha sont d’accord sur ces quatre formes de takhsis, sauf les shaféites et les hanbalites qui
rejettent la restriction de la sunna mashour par le Coran, car - pour eux - la sunna dirige le Coran.
11) Le consensus
Exemple : « Préservez votre sexe de tout rapport, si ce n’est avec vos femmes et avec ce que vos
mains droites possèdent. » Il y a unanimité de la communauté pour exclure de « ce que vos mains
droites possèdent » les hommes, les jeunes garçons, les femmes interdites en mariage.
12) L’analogie si le général est le Coran ou la sunna mashour
Il s’agit d’une spécificité de l’école malikite, même si quelques imams célèbres d’autres écoles l’ont
ponctuellement utilisé. L’analogie restreint le sens général (‘amm), à condition qu’elle s’appuie sur
un sens textuel (nass) et donc certain (qati). Exemple : Allah a autorisé la vente et interdit le riba.
Littéralement cela signifie que la vente de riz contre du riz avec marge est licite. Or, en appliquant
l’analogie sur base du hadith interdisant la vente de l’orge contre l’orge, une telle vente sera illicite
du fait du takhsis opéré. Ceci rend le fiqh malikite plus adapté au contexte que le fiqh de
transmission (des ahl ul hadith) et démontre que le fiqh maliki est un fiqh d’interprétation.
13) Le Coran par les récits rapportés par un petit nombre de rapporteurs
Comme chez les hanafites, les malikites considèrent que les hadiths ahad ne sont pas assez fort
individuellement pour faire le takhsis du Coran ou de la sunna mashour, et ce en dépit du fait que les
deux soient conjecturels (zanni)6. Les shaféites, au contraire, ne voient aucun problème à effectuer
ce genre de takhsis. Cependant, lorsqu’un hadith ahad est supporté par la coutume de Médine (amal
ahl ul Madina)7 ou un consensus (ijma’) ou une analogie basée sur le Coran ou une Sunna mutawatir
ou mashour, alors le takhsis peut avoir lieu, et ce même si l’analogie basée sur le Coran ou la sunna
mashour dit le contraire. On voit donc que la coutume de Médine influence même potentiellement le
sens donné au Coran !
14) Les coutumes
Il s’agit des coutumes verbales datant de l’époque de la révélation du Coran. Ainsi, le sens général
d’un terme se trouve spécifié par l’usage qui en était fait du vivant du Prophète. Exemple : on ne
coupe pas la main d’un voleur pour moins que quatre dinars. Il s’agit des dinars de l’époque et non
des dinars d’aujourd’hui. De même pour le sa’, le mudd, etc.
15) L’intérêt général
Il s’agit d’une spécificité de l’école malikite, car cette dernière considère que la recherche de l’intérêt
général est exigée par le Coran et la Sunna. Exemple de takhsis par l’intérêt général : « tous les
hommes doivent partir au combat ». Or, l’intérêt général veut que les ingénieurs, les scientifiques et
les médecins restent en dehors des combats pour reconstruire le pays, développer de nouvelles
armes et soigner les blessés. La sentence est alors « tous les hommes, sauf les ingénieurs, les
scientifiques et les médecins, doivent partir au combat ». Comme pour le takhsis par l’analogie, ceci
rend le fiqh malikite plus adapté au contexte que le fiqh de transmission (des ahl ul hadith) et
démontre que le fiqh maliki est un fiqh d’interprétation.
6) Le concept de concordance (mafhoum al mouwafaqa) et de contradiction (mafhoum al
mukhalafa)
Le concept de concordance (mafhoum al mouwafaqa ou fahwa al khitab) consiste à affirmer une
prescription (houkm) en partant de l’explicite du texte pour un élément tacite, soit par majoration,
soit par minoration. (p.e. pour la majoration : s’il est interdit de crier contre quelqu’un pour une
erreur, il l’est encore plus interdit de le frapper, p.e. pour la minoration : si on peut faire confiance à
quelqu’un pour qu’il garde cent euros, alors on peut lui faire confiance pour dix euros)
6 Il existe, en effet, différents niveaux de conjecturel (zanni) 7 Qui est une sunna mutawatir selon le mashour de l’école malikite
Le concept de contradiction (mafhoum al moukhalafa ou dalil al khitab) consiste à déduire d’une
prescription (houkm) son pendant. (p.e. si je dis : il faut payer une taxe spéciale lors de l’achat d’une
voiture neuve, cela signifie qu’a priori il ne faut pas payer de taxe spéciale lors de l’achat d’une
voiture d’occasion).
Il existe dix types de concepts de contradiction :
1) La cause (al ‘illa) (p.e. ce qui enivre est illicite)
2) La qualification (p.e. ce qui enivre est illicite)
3) La condition (p.e. celui qui s’est purifié, sa salat est valide)
4) La limite (p.e. jeûnez jusqu’à la nuit)
5) L’exception (p.e. n’acceptez pas leur témoignage, sauf ceux qui se repentent)
6) L’exclusivité (mafhoum al hasr) (p.e. il y a seulement l’eau (le ghusl) pour l’eau (le sperme))
7) Le temps (p.e. fouettez-les le jour)
8) Le lieu (p.e. fouettez-les en place publique)
9) Le nombre (p.e. fouettez-les de cent coup de fouet)
10) Le nom (p.e. la zakat est due sur les moutons)
Les malikites ne rejettent que le concept de nom parmi les dix. Les hanafites ne retiennent que les
concepts d’exception et d’exclusivité), car ils comprennent une négation et une affirmation
simultanément, alors que les autres ne comprennent qu’une négation.
7) Ordre de priorité dans le raisonnement déductif de l’école malikite
1) Sens textuel
2) Sens littéral
3) Concept de concordance
4) Concept de contradiction
Notons que les deux premières sous-sources concernant le Coran (sens textuel et sens littéral) sont
les sources explicites du Coran et sont mutuellement exclusives, alors que les deux dernières sous-
sources du Coran constituent les sources implicites du Coran et ne sont ni mutuellement exclusives
entre elles ni avec une source explicite.
Source 2 : La Sunna
1) Les fonctions de la Sunna chez les malikites
- Confirmation des prescriptions coraniques
- Eclaircissement du sens du Coran (supprimer les termes mujmal, faire le takhsis du ‘amm)
- Indication d’une prescription non-mentionnée par le Coran
2) La composition de la Sunna
- Le hadith connecté (musnad)8
- Le hadith disconnecté (mursal)
- Les athars et fatawas des Compagnons
- Les athars et fatawas des Tabiins
- La coutume de Médine
8 Il s’agit du hadith tel que l’entendent généralement les gens
3) Ordre dans le raisonnement déductif de l’école malikite
Nous retrouvons pour la Sunna les quatre sous-sources vues précédemment pour le Coran, à savoir :
1) Sens textuel
2) Sens littéral
3) Concept de concordance
4) Concept de contradiction
Or, ces quatre sous-sources de la Sunna ne passent qu’après les quatre sous-sources du Coran, du
fait que le Coran domine et dirige la Sunna. Aussi, chez les malikites, avant d’utiliser une source
relevant de la Sunna, il faut avoir examiné au préalable et en profondeur les quatre sous-sources du
Coran.
En outre, la Sunna est soumise à des contraintes auxquelles le Coran n’est pas soumis, à savoir
l’authenticité de l’information (sahih, hassan, daïf et munkar) et l’évaluation de son degré de
transmission (mutawatir, mashour et ahad) ; le Coran étant par nature préservé par Allah (et donc
sahih) ainsi que mutawatir.
Nous pouvons alors réécrire les quatre sous-sources de la manière suivante en posant l’hypothèse
que les textes sont des hadiths sahih ou hassan :
1) Sens textuel : Mutawatir > Mashour ; Mursal > Ahad
2) Sens littéral : Mutawatir > Mashour ; Mursal > Ahad
3) Concept de concordance : Mutawatir > Mashour ; Mursal > Ahad
4) Concept de contradiction : Mutawatir > Mashour ; Mursal > Ahad
Ainsi, par exemple, s’il existe deux hadiths contradictoires sur un sujet, il faut analyser leur
authenticité ; si les deux sont au même niveau, il faut alors voir leur degré de transmission ; si les
deux sont au même niveau9, il faut alors voir leur degré parmi les quatre sous sources ; si les deux
sont au même niveau, alors on essaye de les réconcilier (jam’) et si cela n’est pas possible, on en
préférera un à un autre (tarjih) en regardant laquelle des deux chaînes de transmission est la plus
forte.
4) Les types de hadith (mutawatir, mashour, ahad, mursal et gharib)
9 Normalement il y a deux autres étapes supplémentaires qui ne seront vues qu’ultérieurement dans le cours : il faut voir s’ils ont été mis en pratique et il faut voir s’ils s’accordent avec les principes de la loi
Le hadith mutawatir (fig1) est celui rapporté d’un si grand nombre (de Compagnons et de Salafs par
la suite) qu’il est impossible que tous se soient mis d’accord sur un mensonge (le point le plus à
gauche représente le prophète, ceux à droite les Compagnons et ceux encore à droite les autres
Compagnons et Tabiins ; on pourrait encore poursuivre le graphique à droite). Le hadith mashour ou
moustafid (fig2) est un hadith ahad rapporté d’un petit nombre de Compagnons (moins de quatre),
mais qui a été bien diffusé et est devenu célèbre (mashour) à l’époque des Compagnons et des
Tabiins, à un moment où la Sunna était claire et admise sans qu’elle puisse faire l’objet de démenti
dans sa transmission. Le hadith ahad (fig3) est un hadith rapporté d’un petit nombre de Compagnons
(moins de quatre10), qui n’a pas été diffusé à l’époque des Compagnons et des Salafs et qui n’a été
bien diffusé et n’est devenu célèbre qu’après la période des Salafs. Alors que les deux premiers types
de hadiths ne peuvent être démentis, le 3e est considéré par les hanafites et les malikites comme
extrêmement conjectural (zanni) et utilisé avec d’extrêmes précautions, car les Salafs ne le
connaissaient pas11. Les shaféites et les hanbalites l’utilisent quant à eux sans restriction12. Les
hanafites et malikites se basent ainsi sur les hadiths répandus à l’époque des Salafs (le critère du
hadith est donc la fréquence), alors que les shaféites et les hanbalites se basent sur la continuité
absolue de la chaîne de transmission (le critère du hadith est donc la continuité). Cela peut être
illustré par le cas des hadiths mursal (disconnecté) et gharib (étrange).
Malik, comme les hanafites et les autres fuqaha de son temps, recourait aussi au hadith mursal (fig4)
(hadith rapporté par un Tabii directement du Prophète sans mentionner le ou les Compagnons
intermédiaires et qui est devenu célèbre à partir de ses compagnons) du fait que telle était alors la
pratique quand un hadith était célèbre et vérifié. Il est donc mis sur le même pied d’égalité que le
hadith mashour chez les malikites13.
Hassan al Basri : si quatre Compagnons sont d’accord sur un hadith, ils le détachent définitivement
Hassan al Basri : si je vous dis, untel m’a raconté, ce sont ses propos et pas ceux d’un autre, alors que
lorsque je dis, le prophète a dit, je l’ai entendu de soixante-dix ou plus
Ibn Sirin : Nous ne détaillions pas la chaîne de transmission avant que ne surgissent des subversions
(fitan)
10 Le hadith rapporté avec trois chaînes est appelé chez les gens du hadith (muhadiththin) mahsour, celui par deux chaînes aziz et celui par une chaîne gharib ou infirad 11 Les savants hanafites disent même qu’il était commun à l’époque des Tabiins de rejeter le hadith ahad 12 Du fait de leur foi dans le hadith 13 Certains disent même qu’il est au même niveau que le mutawatir. Certains le mettent même au-dessus du hadith avec isnad (musnad), car si quelqu’un cite toute la chaîne de transmission, c’est soit pour prouver son information, soit pour indiquer que l’on n’a pas confiance dans tous les transmetteurs
La condition de continuité n’étant pas vérifié pour les shaféites et les hanbalites, ce type de hadith
est jugé faible par eux.14
Enfin, le hadith gharib (fig5) est un hadith, où, à un moment de la chaîne de transmission, tous les
liens antérieurs et postérieurs convergent vers une seule personne, ce qui le rend éminemment
suspect. Les hanafites et les malikites vont le considérer comme faible, alors que les shaféites et
hanbalites vont potentiellement l’utiliser du fait de la continuité de la chaîne de transmission.
5) Hadith ahad en contradiction avec une analogie
En cas de contradiction entre un hadith ahad et une analogie basée sur le Coran ou une Sunna
mutawatir ou mashour, l’analogie passe avant le hadith ahad du fait de la priorité donné à ce qui est
basé sur ce qui est certain sur ce qui est conjecturel (zanni). Ceci indique aussi que le fiqh maliki est
un fiqh d’interprétation et pas ou pas seulement de transmission. Cependant, s’il existe un doute sur
la source de l’analogie ou sur la réalité de cette confrontation, il y a alors analyse des deux points de
vue. De même, si le hadith ahad est étayé par une autre source de la loi. Ainsi, ibn Abbas et Aïsha
avaient rejeté le hadith d’Abou Hourayra sur le lavage des mains avant de manger sur base de la
règle « pas de gêne en religion » tirée du Coran et de la Sunna.
6) Les athars et les fatawas des Compagnons et des Tabiins
Malik utilisait beaucoup les athars et les fatawas des Compagnons, comme ceux des deux premiers
califes (Abu Bakr et surtout Umar ibn al Khattab), d’ibn Umar (du fait qu’il connaissait aussi bien son
fils Salim que son esclave affranchi Nafi’), mais aussi ceux des Tabiins comme les fatawas des sept
fuqahas de Médine15. Malik considérait leurs athars et leurs fatawas comme faisant partie de la
Sunna, alors qu’Abu Hanifa et ash Shafii les considèrent comme un simple taqlid (imitation) quand
rien d’autre n’est disponible comme texte (naql)16. Lors de son échange épistolaire avec al Layth ibn
Sa’d (mujtahid qui avait son madhdhab en Egypte), Malik avait insisté sur la nécessité de suivre les
paroles des Compagnons et de rejeter tout ce qui s’y opposait. Voici la lettre originale en arabe :
إمامتك في وأنت فيه، نحن الذي وببلدنا عندنا، الناس جماعة عليه لما مخالفة بأشياء الناس تفتي أنك بلغني أنه هللا رحمك واعلم
ترجو ما عوتتب نفسك على تخاف بأن حقيق : منك جاءهم ما على واعتمادهم إليك، قبلك من وحاجة بلدك، أهل من ومنزلتك وفضلك،
باتباعه النجاة .
عنهم هللا رضي بإحسان، اتبعوهم والذين واألنصار المهاجرين من األولون والسابقون: )العزيز كتابه في يقول وجل عز هللا فإن
يستمعون الذين عباد فبشر: )تعالى وقال ،(العظيم الفوز ذلك أبدا، فيها خالدين األنهار تحتها تجري جنات لهم وأعد عنه، ورضوا
األلباب أولو هم وأولئك هللا هداهم الذين أولئك أحسنه، فيتبعون القول ).
وسلم هعلي هللا صلى هللا رسول إذ الحرام، وحرم الحالل وأحل القرآن، نزل وبها الهجرة، كانت إليها المدينة، ألهل تبع الناس وإنما
هللا صلوات ،عنده ما له واختار هللا توفاه حتى فيتبعونه، لهم ويسن فيطيعونه، ويأمرهم والتنزيل، الوحي يحضرون أظهرهم، بين
وبركاته ورحمته عليه وسالمه .
14 Certains savants hanafites ont déterminé que les hadiths mursal représentent environ la moitié de tous les hadiths transmis par les salafs. Le Muwatta contient, quant à lui, environ un tiers de hadiths mursal. At Tabari dit qu’il y a consensus des Tabiins sur l’utilisation des hadiths mursal et que le premier à les avoir rejetés est l’Imam ash Shafii. 15 Les sept Tabiins les plus érudits en matière de fiqh et de hadith et qui se trouvaient à Médine 16 L’ordre des sources chez les hanafites est : Coran > Sunna > Consensus > Athar/Fatwa Compagnon > Analogie > Istihsan > Coutume L’ordre des sources chez les shaféites est : Coran / Sunna > Consensus (fermement établi) > Fatwa Compagnon > Analogie > Istishab
ته من له الناس أتبع بعده بمن قام ثم ألواس علم فيه عندهم يكن لم وما أنفذوه، علموا مما بهم نزل فما بعده، من األمر ولي ممن أم
ترك وأولى منه أقوى غيره امرؤ قال أو مخالف خالفهم وإن عهدهم، وحداثة اجتهادهم في ذلك في وجدوا ما بأقوى أخذوا ثم عنه،
بغيره وعمل قوله .
السنن تلك ويتبعون السبيل تلك يسلكون بعدهم من التابعون كان ثم .
ادعاؤها لو انتحالها ألحد يجوز ل التي الوراثة تلك من أيديهم في للذي خالفه، ألحد أر لم به معمول ظاهرا بالمدينة األمر كان فإذا .
لهم كني ولم ثقة، على ذلك من يكونوا لم من ا، مضى من عليه مضى الذي وهذا ببلدنا الذي العمل هذا: يقولون األمصار أهل ذهب ولو
لهم كان الذي مثل ذلك من .
وحده، تعالى هلل النصيحة إل إليك، به كتبت ما إلى دعاني يكون ل أرجو أني واعلم لنفسك، به إليك كتبت فيما هللا رحمك فانظر
آلك لم أني تعلم فعلت إن فإنك منزلة، منك كتابي فأنزل بك، والضن لك والنظر نصحا
Extrait : « Ensuite émergea ceux qui assumèrent l’autorité après le prophète, ceux qui de toutes les
personnes de cette communauté furent les plus proches dans le suivi du prophète, sur base de ce qui
leur avait été révélé (à travers lui). Quand ils avaient connaissance d’une chose, ils la mettaient en
pratique et quand ils n’avaient pas connaissance d’une chose, ils s’interrogeaient entre eux à son
propos. Ils suivaient ensuite l’avis qui émergeait, du fait que ce qu’ils avaient trouvé sur le sujet était
le plus fort en ce qui concerne leur ijtihad et du fait de la proximité de leur époque avec celle du
prophète. Si quelqu’un d’autre discutait de la question avec eux et avait un autre avis qui était plus
fort, ils abandonnaient alors leur première position »
Malik suivait en cela la parole d’Omar ibn ‘abd al Aziz (le 5e calife bien guidé) : « le prophète et ceux
qui lui ont succédé ont édicté des lois qui constituent une confirmation du Livre saint et qu’il n’est en
aucune façon possible de modifier. Ceux qui les observent sont bien guidés et secourus s’ils le
demandent tandis que ceux qui s’y opposent ont pour destinée l’enfer. »
Ibn al Qayyim al Jawziyya : le Compagnon, lorsqu’il tient un discours ou juge par fatwa, possède des
connaissances que nous n’avons pas, et d’autres qu’il partage avec nous. Concernant ce qu’il est le
seul à posséder, il doit l’avoir entendu du Prophète ou d’un Compagnon le tenant lui-même du
Prophète. Il n’a pas rapporté tout ce qu’il a entendu. C’est ainsi que la Communauté n’a pas rapporté
plus de cent hadiths d’Abu Bakr, alors qu’il n’a pas quitté le Prophète depuis le début de sa mission
jusqu’à sa mort, et faisait partie des meilleurs connaisseurs de ses paroles et de ses actes. De même,
les autres Compagnons, dont la transmission est limitée par rapport à ce qu’ils ont entendu. S’ils
avaient tout raconté, leurs récits auraient de beaucoup surpassé ceux d’Abu Hureyra17. Mais ils
craignaient d’en dire trop ou trop peu et se contentaient de rapporter ce qu’ils avaient entendu de
nombreuses fois (cf. l’avis des malikites sur le hadith mutawatir ou mashour), et en craignant de
citer franchement le Prophète (cf. les nombreuses paroles de Salafs à ce sujet18) »
17 Qui a connu le prophète quatre an avant sa mort et a pourtant rapporté plus de 5000 hadiths. 18 Abu ‘Amr al-Shaybani says, “I stayed with ‘Abdullãh ibn Mas'üd for a period of one year and I did not hear him attributing any hadith to the Messenger of Allah. lf he did, per chance, say Allah’s Messenger (PBUH) said’ in regards to any sentence, his entire body would tremble (out of fear of attributing something incorrectly to him).” Anas, the special attendant [khadim khass] of Allah’s Messenger (PBUH) says, “If I did not have a fear of slipping up, I would have narrated many hadiths that I had heard from Allah’s Messenger (PBUH). However, I fear that if I narrate those hadiths, I will fall under the threat of punishment” Suhayb says: “I will be able to narrate the incidents that took place in our battles while we were with Allah’s Messenger (PBUH) However, for me to narrate that ‘ this is what Allah’s Messenger (PBUH) said,’ I will not be able to do that.”
Les hanafites n’acceptent les athars et fatawas des Compagnons que lorsque l’analogie ne convient
pas. Ash Shafii n’y recourait qu’en cas de nécessité en prenant le texte le plus proche de la Sunna ou
qui s’accorde avec l’analogie.
7) Athar ou fatwa d’un Compagnon en contradiction avec un hadith ahad
En cas de contradiction avec un hadith ahad (non soutenu par une autre source de la loi), Malik
faisait passer le athar ou la fatwa du Compagnon avant lui. Abu Hanifa et surtout ach Chafii sont en
profond désaccord avec cela. S’il rejetait donc un hadith, ce n’était donc pas la parole du prophète
qu’il rejetait en conservant celle d’un Compagnon, mais un récit explicite concernant le prophète en
conservant un autre implicite plus fiable dans sa transmission.
Expl concernant le chapitre du hajj : l’interdiction du hajj at tamatu, car Umar ibn al Khattab l’avait
interdit ; l’interdiction d’al hijama durant le hajj sauf en cas de nécessité, en reprenant le propos
d’Umar ibn al Khattab ; l’interdiction du parfum en état d’ihram, en reprenant le propos d’Umar ibn
al Khattab, etc.
8) Les athars et les fatawas des Tabiins
Abu Hanifa affirme que les fatawas des Tabiins sont leur ijtihad et ash Shafii et Ahmad (de manière
simplificatrice) rejettent leurs fatawas et disent qu’il est interdit de les imiter. Malik ne donne pas le
même poids à leurs fatawas qu’à celles des Compagnons, mais considère leur fiqh comme basé sur la
Sunna et retenait les fatawas, entre autres, d’Umar ibn abd al Aziz (le 5e calife bien guidé), de Saïd ibn
al Musayyib (un des sept fuqhq de Médine), d’az Zuhri, de Nafi’ (l’esclave affranchi d’ibn Umar), etc.
Il retenait leur ijtihad si rien ne venait le contredire vis-à-vis du Coran, de la Sunna mutawatir et
mashour, des analogies connues et de la coutume de Médine ou s’il les trouvait en concordance avec
les autres sources de la loi. S’il acceptait leur ijtihad, c’était donc après avoir confronté les diverses
sources et s’il le refusait, c’était parce qu’il avait trouvé des sources plus solides.
On voit donc qu’un autre critère pour retenir un hadith (après avoir observé son authenticité et son
degré de transmission) est qu’il soit en confirmé par la mise en pratique (al ‘amal) des Compagnons
et des Tabiins individuellement ou collectivement, comme on va le voir maintenant avec la coutume
de Médine (‘amal ahl ul Medina)
9) La coutume des gens de Médine
Le prophète a dit : « Médine chasse ses impuretés comme le soufflet de forge chasse les impuretés
du fer ».
Zayd ibn Thabit : « Lorsque vous voyez les gens de Médine faire une chose, sachez qu’il s’agit de la
Sunna »
Umar ibn al Khattab (sur le minbar) : « Par Allah, je vais rendre la vie difficile à l’homme qui relate un
hadith différent de l’action des gens de Médine »
‘Imran ibn Husayn says, “By Allah, I know so many Hadiths that I can narrate rather extensively if I want to, but the practice of certain Companions impede me from doing So. They (i.e. those Companions) heard many hadiths from Allah’s Messenger (PBUH) like I did, and they remained in his service like I did, but some of them have committed many inaccuracies while narrating. I fear that if I had to narrate, then the narration of the hadiths would bewilder me just as they were left bewildered. However, let me draw your attention to the fact that this was only an oversight on their part and they had no intention of committing these blunders."
Ibn Taymiyya : « A cette époque (celle des Compagnons), et après elle, toutes les cités musulmanes
suivaient les gens de Médine. Ibn Mas’ud était le plus savant des Compagnons (et était) en Irak à
l’époque où la fitna (suite à l’assassinat de Uthman) eut lieu. Il avait l’habitude de retourner à
Médine pour interroger (les gens du savoir de Médine) sur les jugements qu’il avait fait en Irak et s’il
trouvait que la pratique de Médine était différente, il se rétractait du jugement qu’il avait
(précédemment) fait »
Ibn Umar : « Quand une sédition (fitna) se produit, si seulement les gens référaient de l’affaire aux
gens de Médine, et si ces derniers se mettaient d’accord sur quelque chose, le feraient, l’affaire
serait alors réglée. Mais lorsqu’un chien aboie, les gens le suivent »
Ibn Abi Hazim (muhadith irakien) : « Abu Darda était questionné et répondait. Si quelqu’un disait
« nous avons entendu telle et telle chose », mentionnant quelque chose différent de ce qu’il avait
dit, il disait : j’ai aussi entendu cela, mais j’ai trouvé que l’action (al ‘amal) (des gens de Médine) est
différente. »
Ibn Mahdi (un très grand muhadith de l’époque des Tabiins) : « La sunna établie à partir de la sunna
des gens de Médine est meilleure que le hadith »
Ibn Mahdi : « Il se peut que je possède un hadith sur un sujet et qu’ensuite je trouve que les gens du
pays (de Médine) ont quelque chose de différent que cela. Ainsi le hadith devient faible dans mon
jugement »
Rabia (un des sept fuqaha de Médine) disait : « Mille transmettant de mille (la coutume de Médine)
m’est préférable qu’un de un (hadith ahad), car un de un retirera la Sunna de vos mains »
Malik : « Plusieurs milliers de Compagnons accompagnèrent le messager d’Allah lors d’une certaine
expédition à telle et telle époque. Environ 10 000 d’entre eux moururent à Médine et le reste se
sépara dans les cités (du Califat). Qui préféreriez-vous suivre et quels mots préfériez-vous prendre ?
Ceux qui en présence du prophète moururent avec les Compagnons que j’ai mentionné ou celui qui
mourut avec un ou deux Compagnons du prophète ? »
Malik : « (...) Les gens suivent les gens de Médine, la hijra fut faire vers elle, le Coran y fut révélé, le
halal y fut rendu halal et le haram y fut rendu haram, du fait que le messager d’Allah vivait parmi eux
et qu’ils étaient eux-mêmes présents à l’époque de la révélation. Il les dirigea et ils lui obéirent. Il fit
la Sunna pour eux et ils le suivirent jusqu’à ce qu’Allah le fasse mourir et choisisse pour lui ce qui est
avec lui (…) Puis les Tabiins après eux suivirent cette voie et suivirent ces sunnas. Du fait que l’affaire
à Médine était ouverte et acceptée, je ne pense pas que quiconque puisse s’y opposer du fait que les
Médinois possèdent cet héritage que personne n’est autorisé à plagier ou à réclamer. Si les gens des
autres cités avaient commencé à dire « Ceci est l’action dans notre cité et ceci est ce qui s’y produisit
avant nous », ils n’auraient pas été certains de cela et ils n’auraient pas eu ce qui leur permet cela »
Malik : « Si tu veux le savoir, prend résidence (càd à Médine). Le Coran n’a pas été révélé sur
l’Euphrate (càd en Irak, chez les hanafites) »
Malik : « Les hommes parmi les gens du savoir parmi les Tabiins transmettaient des hadiths qui leur
avaient été transmis par d’autres et disaient : « Nous sommes ignorants de cela, mais l’action est
autre que cela » »
Les malikites la divisent en celle connue par transmission (comme l’appel à la prière ou le fait de ne
pas réciter du tout la basmala dans la salat) ou celle qui relève de l’interprétation et de l’induction.
Concernant celle relevant de l’interprétation et de l’induction, les malikites divergent :
- Elle n’est pas une référence argumentaire
- Elle n’est pas une référence argumentaire, mais leur interprétation a la préférence
- Elle est une référence argumentaire. Cela semble l’avis de Malik et de l’école du Maghreb.
10) En cas de contradiction entre la coutume de Médine et le hadith
- Si la coutume de Médine est en accord avec le hadith, alors la coutume de Médine supporte
le hadith.
- Si la coutume de Médine est en accord avec un hadith, mais est contredite par un autre
hadith, la coutume de Médine fait alors que la préférence ira au premier hadith.
- Si la coutume contredit tous les hadiths, si elle date de l’époque du prophète (càd qu’elle est
une coutume de transmission), elle est préférée parce qu’elle est mutawatir alors que les
hadiths sont ahad. Si la coutume est basée sur l’ijtihad (l’interprétation et la déduction), il y a
alors désaccord au sein de l’école.
- S’il y a un hadith et pas de coutume de Médine, le hadith est alors suivi à certaines
conditions. (cf. le point 11)
11) Récapitulatif : cas où le hadith ahad est rejeté parmi la source « Sunna »
Ibn Wahb : Quiconque connaît un hadith, mais n’a pas un imam dans le fiqh est égaré
Ibn Uyayna : Les hadiths sont une source d’égarement sauf pour les fuqaha
Les conditions d'acceptation du hadith ahad pour les malikites sont donc :
1) que le hadîth ne soit pas en contradiction avec les actes des Médinois19
2) que le hadîth ne soit pas en contradiction avec un hadith mutawatir ou mashour
3) que le hadith ne soit pas en contradiction avec la pratique des Compagnons
4) que le hadith ne soit pas en contradiction non plus avec une règle établie à partir du Coran
ou d'un hadîth mashour (la raison légale de la loi).
Des hadiths ahad sont donc rejetés non pas du fait de leur authenticité, mais du fait de leur sens. Il
est ainsi rapporté que jusqu’à la mort de Malik, ceux qui transmettaient des hadiths à Médine
craignaient que Malik ne les mettent en prison et ne leur demandent de corriger ce qu’ils ont
transmis avant de permettre leur libération. En outre, Malik disait que les gens du savoir parmi les
Tabiins qui transmettaient un hadith ou le recevait d’autres, disaient ensuite : « Nous sommes
ignorants d’eux ». Il est enfin rapporté de manière certaine que les Tabiins filtraient les hadiths ahad
qui leur parvenaient.
Source 3 : Le consensus
Les malikites sont ceux qui utilisent le plus le concept de consensus. Ils le déterminent comme ce sur
quoi se sont mis d’accord les savants et les faqih (uniquement de Médine, à l’époque de Malik). Ash
Shafii a quasiment nié pour sa part le consensus et Ahmad ibn Hanbal n’a admis que le consensus des
Compagnons. Chez les malikites, le consensus peut être étayé par le Coran, la Sunna ou une analogie,
alors que dans les autres écoles cela ne peut être que par le Coran ou la Sunna. En cas de différend
entre le consensus et une Sunna ahad, le consensus prédomine, car sinon cela signifierait que les
savants et les faqih sont des ignorants ou alors qu’ils sont des gens s’en prenant sciemment à la
Sunna. En outre, et comme mentionné, le consensus doit être étayé, ce qui écarte ces deux risques.
19 Car on a tendance à rapporter ce qui est inhabituel plutôt que ce qui est courant
Source 4 : L’analogie
L’analogie est la mise en parallèle d’un fait à la prescription non connue et d’un autre connu, du fait
d’une cause commune entre les deux. Il ressort donc de la symétrie entre deux faits la symétrie entre
leurs prescriptions.
Les malikites font l’analogie sur base du Coran et de la Sunna (ce qui inclut le consensus des gens de
Médine, les fatawas des Compagnons, etc.), alors que les hanafites ne la font que sur le Coran et la
Sunna forte, les shaféites sur le Coran et sur la sunna même ahad et les hanbalites même sur les
athars des Compagnons, les hadiths mursal et les hadiths qui ne sont pas sahih. Certaines analogies
sont considérées comme fortes si elles sont basées sur des règles établies à partir du Coran ou d’un
hadith mashour (raison légale de la loi) et sont ainsi plus forts que certains textes au sens littéral (cf.
takhsis du Coran général et donc littéral) ou certains hadiths ahad (cf. contradiction entre un hadith
ahad et une analogie). En outre, les malikites - une fois l’analogie réalisée - peuvent utiliser le cas
subsidiaire et en faire un nouveau cas principal et ainsi de suite à l’infini (alors que les hanafites
remontent toujours à l’analogie initiale).
Enfin, en cas de contradiction entre une analogie et l’intérêt général, l’intérêt général prédomine. Il
en est de même pour sadd adh dhara’i et al istihsan.
Source 5 : Le choix préférentiel (al istihsan)
Malik : « Le choix préférentiel vaut les neuf dixièmes de la science »
Asbagh : « Celui qui est noyé dans l’analogie n’est pas loin de quitter la Sunna, quant au choix
préférentiel, il est le pilier de la science religieuse »
Ach Chatibi : « Celui qui pratique le choix préférentiel, en effet, ne se réfère pas à sa fantaisie
personnelle, mais à ce qu’il sait de l’intention du législateur dans le cas de ces choses imposées, mais
qui conduisent à la négligence d’un intérêt ou à l’apparition d’un dommage, comme c’est souvent le
cas de certaines analogies conduisant à une gêne ou à une difficulté et pour lesquelles il convient de
faire une exception »
Le choix préférentiel est donc une exception à la règle générale qui vient pallier un dommage qui
serait la conséquence de l’application de la règle générale.
Le choix préférentiel est retenu lorsque l’analogie n’est plus valide ou lorsque l’application de cette
analogie conduit à une outrance dans la prescription. Le fiqh malikite traite l’outrance dans l’analogie
de trois façons : la coutume dominante, l’intérêt probable et le rejet de la gêne. Attention au fait que
les hanafites ont aussi recours à l’istihsan, mais que les règles sont totalement différentes.
Déf : Ibn Arabi 1 : Il s’agit de la préférence accordée à l’indication la plus forte.
Ibn Arabi 2 : Il s’agit du fait d’abandonner l’exigence de l’indication à titre d’exception à cause d’une
contradiction avec certaines de ses implications.
Ibn al Anbari : Il s’agit de la recherche d’un intérêt partiel à la place d’une analogie globale.
Sources le fondant :
« Dieu veut pour vous l’aisance et non pas la gêne » (S.2, v.185)
« Il ne vous a pas imposé de gêne en religion » (S.22, v.78)
« Ni dommage ni préjudice (en religion) » (hadith)
Lorsqu’il n’y a pas d’analogie se basant sur un texte, l’intérêt global est la seule indication.
Lorsqu’il y a une analogie et que son application entraîne une gêne ou fait perdre un intérêt, il est
autorisé par exception d’abandonner cette analogie au profit de l’istihsan. Les malikites disent que si
ce principe n’est pas appliqué, la sharia aura pour conséquence de produire des méfaits et des
difficultés.
Les shaféites et les hanbalites20 réfutent fermement ce principe, ach Chafii parlant même de bidaa le
concernant.
Expls : observation des parties génitales des patients, autorisation du métayage et des contrats
d’irrigation, non exigence de la condition de justice chez les témoins dans un pays où elle ne peut
être remplie, etc.
Source 6 : La présomption de continuité (al istishab)
Les prescriptions sont établies suite à l’absence d’une indication de nature à modifier une loi déjà
existante. Al Qarafi l’a considère comme la conviction que l’état passé d’une chose impose son état
présent ou futur.
Expls : la présomption d’innocence, l’eau est à la base pure sauf preuve du contraire, etc.
Source 7 : L’intérêt indéterminé (al maslaha al moursala)
Ach Chafii considère que la loi islamique a prévu tout ce qui constitue un bénéfice pour les gens, soit
directement par les textes, soit par analogie sur base de ces textes en se basant sur le verset
« L’homme pense-t-il qu’il sera abandonné ? » (S.75, v.36). Cela est similaire chez Abou Hanifa, à la
différence que celui-ci utilise l’istihsan pour limiter les effets néfastes de l’analogie. Malik et Ahmad
acceptent cependant l’intérêt général comme source indépendante, sur base des mêmes textes que
ceux de l’istihsan. Ainsi, tout œuvre comportant un intérêt sans dommage ou un dommage inférieur
à l’utilité est requis et tout fait comportant un dommage sans intérêt ou un bénéfice inférieur au
dommage est prohibé. Certains ont même restreint le Coran et la Sunna par l’intérêt général pour les
mouamalat et non les ibadat. Pour al Ghazali et al Juwayni (tous les deux shaféites), il s’agit de pures
fantaisies. Pour les malikites, un grand nombre de mouamalat textuels sont justifiés comme « Et ne
mangez pas vos biens entre vous à tort » (S.2, v.188), « le juge ne juge pas en état de colère »,
« l’assassin n’hérite pas », « toute boisson enivrante est interdite », « Satan veut susciter entre vous
haine et inimitié dans l’alcool et les jeux de hasard, en vous détournant du rappel de Dieu et de la
prière » (S.5, v.91)
L’intérêt général doit s’accorder les cinq objectifs de la loi (protection de la vie, de la raison, des
biens, du lignage et de l’honneur) et en cas de contradictions entre plusieurs intérêts ou de plusieurs
dommages, il convient de privilégier celui dont l’intérêt est le plus important, le besoin le plus
pressant ou le dommage qu’il est le plus urgent d’éviter.
Le nom d’intérêt général indéterminé vient du fait qu’il n’est pas déterminé par les textes.
Pour les malikites, il est impossible qu’un texte indiscutable (qati) soit en contradiction avec un
intérêt prouvé ou dominant. Cependant, si le texte est de nature conjecturale (zanni), alors Malik
restreint ce dernier par une analogie suffisamment étayée. Aussi, si un hadith ahad est en
contradiction avec l’intérêt général, ce dernier est alors encore plus affaibli.
20 Ces derniers l’utilisent mais comme toute dernière source du fiqh
En cas de textes conjecturels contredisant l’intérêt, il les restreint, sinon il est retenu en tant que tel.
Xpl parmi les sahabas : la mise par écrit du Coran, le fait de flageller le buveur de vin de 80 coups de
fouets, le garantissement des artisans par les califes, le fait qu’Omar prenait la moitié des biens des
gouverneurs lorsqu’ils confondaient leurs biens avec ceux de l’Etat, le fait qu’il a aussi renversé le lait
mélangé à l’eau, le fait qu’il a tué l’ensemble d’un groupe ayant tué une seule personne, l’allégeance
à un calife qui n’est pas le plus vertueux pour éviter le désordre, la mise en place de nouveaux impôts
si les coffres sont vides et les dépenses militaires nécessaires, l’acceptation de revenus illicites si
l’illicite domine un pays…
Source 8 : Sadd adh dharâ’i’
On dit que les moyens représenteraient 50% du droit musulman et ce principe est aussi commun aux
hanbalites. Son principe consiste à ce que le moyen d’arriver à l’illicite est lui-même illicite, de même
que celui d’arriver à l’obligatoire est lui-même obligatoire. Xpl : regarder le sexe d’une femme autre
que la sienne est interdit du fait que cela peut amener à la fornication, la salat al jumua est
obligatoire et donc fermer son commerce lors de son heure aussi.
Xpl dans les textes : « Et n’insultez pas ceux qui prient d’autres que Dieu de peur qu’ils n’insultent
Dieu à leur tour » (S.6, v.108) ; l’interdiction du voyage de la femme sans mahram ; l’interdiction de
la construction des mosquées sur des cimetières ; le refus du prophète de tuer les hypocrites
Il existe quatre sous-cas :
1) L’acte conduit indiscutablement à un dommage : la personne est transgresseur et l’acte est
interdit
2) L’acte conduit rarement à un dommage : l’origine de l’autorisation tient au fait que l’intérêt y
est prépondérant
3) L’acte conduit souvent à un dommage d’un point de vue conjectural (p.e. la vente de raisins
va inévitablement engendrer la production de vins) : il faut prendre en compte ce dommage
4) L’acte conduit souvent à un dommage important sans connaissance de sa fréquence : Malik
retient le dommage important et pas l’intérêt prépondérant (cf. le « salam » conduit souvent
au riba) car le rejet des dommages passe avant la recherche des intérêts
Xpls : le paiement des rançons pour les prisonniers musulmans, le paiement d’un pot de vin pour se
prémunir d’un péché plus grave, le paiement fait à un Etat étranger pour éviter un dommage de sa
part
Il est dit que du fait de ce principe Malik et ach Chafii ont divergé sur près de 1000 cas de vente…
Source 9 : Les us et coutumes (al ‘urf wa al ‘âdat)
Les hanafites et les malikites sont les seuls à les accepter comme source de fiqh. Pour les malikites, la
prise en compte des us et coutumes qui n’entraînent pas de dommage est un élément intrinsèque de
l’intérêt. En outre, ces derniers laissent tomber l’analogie si un usage vient la contredire et l’utilisent
même pour restreindre le général ou l’indéfini du Coran ou de la Sounna. Ce principe est très
important pour ce qui touche aux mouamalat (transactions).
Xpl : le paiement du mahr avant la consommation du mariage, le paiement au comptant ou autre
pour les transactions, le fait d’avoir la tête nue ou couverte.