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Vade-mecum des aides d’État Édition 2016

Vade-mecum - economie.gouv.fr · Voici la huitième édition du Vade mecum des aides d’Etat publiée par la direction des affaires juridiques du ministère de l’économie et des

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  • Vade-mecumdes aides dtat

    dition 2016

  • ISBN: 978-2-11-151825-4Imprim en France

    Paris 2016

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    Ungrand merci tous les services qui ont particip,depuis sa premire dition, la relec-ture de louvrage, tout particulirement au Secrtariat gnral aux affaires europennes, la Direction gnrale des entreprises, et la Sous-direction du droit de ladministration, de la concurrence et des procdures juridiques europennes du Ministre de lagriculture, de lagroalimentaire et de la fort.

    La huitime dition de cet ouvrage a t ralise sous la direction de Catherine Houdant, adjointe au chef du bureau du droit europen et international, Mohammed Bouzar, chef de bureau et Nathalie Bert adjointe au chef de bureau.

    Il est le fruit du travail dune quipe de consultantes : Gal Arnold, Aurlie Cerqueira, Alexandra Cuisiniez, Aime Jeanne et Anne Le Roux.

  • 7

    S O M M A I R E

    PRFACE 9

    P A R T I E 1

    PRINCIPES GNRAUX RGISSANT LA QUALIFICATION ET LA COMPATIBILIT DES AIDES D'TAT 13

    CHAPITRE 1 QUALIFICATION DAIDE DTAT 15

    Fiche 1 La notion daide dtat 17

    Fiche 2 Lintervention de ltat comme oprateur priv en conomie de march 43

    CHAPITRE 2 COMPATIBILIT DES AIDES D'TAT 59

    Fiche 3 La compatibilit des aides dtat : les drogations prvues par le trait (art.107 2-3 et 1062 TFUE) 61

    Fiche 4 Economie gnrale du rglement gnral d'exemption par catgorie (RGEC) 79

    Fiche 5 Rgles de cumul et articulation avec les autres rgles du trait 91

    P A R T I E 2

    QUELQUES EXEMPLES DE LA COMPATIBILIT DES FINANCEMENTS PUBLICS 99

    CHAPITRE 1 FINALITS HORIZONTALES ET SECTORIELLES DES FINANCEMENTS PUBLICS 101

    Fiche 6 Service public et aides dtat : larticulation des articles107 et106 TFUE 103

    Fiche 7 Les aides dtat la recherche, au dveloppement et linnovation (RDI) 131

    Fiche 8 Les aides lemploi et la formation professionnelle 145

    Fiche 9 Les aides aux petites et moyennes entreprises 151

    Fiche 10 Les aides finalit rgionale 159

    Fiche 11 Les aides dtat la protection de lenvironnement et de lnergie 173

    Fiche 12 Les aides au sauvetage et la restructuration des entreprises en difficult 197

    Fiche 13 Les aides lagriculture et la pche 209

    Fiche 14 Les aides au secteur bancaire dans le contexte de la crise financire depuis2008 219

  • 8

    CHAPITRE 2 LMENTS DAIDES DANS LES INSTRUMENTS DE FINANCEMENT SPCIFIQUES 229

    Fiche 15 Les garanties publiques 231

    Fiche 16 Privatisations et aides dtat 243

    Fiche 17 Fiscalit et aides dtat 251

    P A R T I E 3

    RGLES DE PROCDURE 265

    Fiche 18 La notification des aides nouvelles 267

    Fiche 19 La procdure de contrle des aides nouvelles 277

    Fiche 20 La rcupration des aides illgales 293

    Fiche 21 Le contrle des aides existantes 313

    Fiche 22 Les droits des tiers 323

    Fiche 23 Lautorisation avec ou sans conditions 345

    ANNEXE Liste rcapitulative des diffrents encadrements, lignes directrices et rglements relatifs aux aides dtat 351

    LISTE DES ABRVIATIONS 379

    INDEX 381

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    P R F A C E

    Voici la huitime dition du Vade mecum des aides dEtat publie par la direction des affaires juridiques du ministre de lconomie et des finances, actualise pour tenir compte des dernires volutions textuelles et jurisprudentielles en ce domaine.

    Aprs la profonde rforme des annes prcdentes, le temps est venu dune forme de stabilit des textes relatifs aux aides dEtat. Publie le 19 juillet 2016, la communication sur la notion daide dEtat constitue le dernier adopt par la Commission europenne dans le cadre de la rforme lance en 2012 pour moderniser le cadre juridique des aides dEtat.

    Paracheve au terme de deux annes et demi de consultation, cette communication opre une synthse bienvenue de la jurisprudence et de la pratique dcisionnelle de la Commission concernant les diffrents lments constitutifs de la notion daide dEtat mentionne larticle 1071 du trait: lexistence dune entreprise, le financement de la mesure au moyen de ressources dEtat, loctroi dun avantage, la slectivit de la mesure et ses effets sur la concurrence et les changes intra-europens.

    Elle prcise notamment les hypothses dans lesquelles les investissements destins la construction ou la modernisation dinfrastructures ne constituent pas une aide dEtat. Sagissant des rescrits fiscaux ( tax rulings), elle met en lumire les situations dans lesquelles les pratiques des autorits publiques, en procurant un avantage slectif leurs bnficiaires, remplissent les critres dune aide dEtat (par exemple, lorsque les prix de transfert entre socits dun groupe ne sont pas conformes aux conditions du march). Si, bien des gards, elle parat ainsi susceptible de contribuer une application plus cohrente de cette notion dans toute lUnion, elle nira pas sans donner lieu dbats, raison par exemple de la position de la Commission sur la mise en uvre du critre de loprateur priv en conomie de march en matire de cession dactifs. Il est possible galement de regretter son manque de prcisions sur lvaluation de limpact dune mesure sur la concurrence et les changes entre Etats membres, analyse que la Commission ne conduit souvent, en pratique, quau stade de lapprciation de la compatibilit de laide.

    La pratique des aides dEtat a, quant elle, connu plusieurs volutions notables au cours de lanne coule.

    Au nombre des nouvelles contraintes introduites par la rforme de 2012, lobligation de rendre accessibles au public la liste des rgimes daides et des aides individuelles notifis et informs, ainsi que diverses informations sur les aides individuelles dun montant suprieur 500.000, a pris effet le 1er juillet 2016. Le guide sur la mise en uvre de ces nouvelles obligations de transparence est accessible sur le site Europe en France.

    Poursuivant son travail dinvestigation, entrepris en 2013, sur les pratiques des tats membres en matire de tax rulings, la Commission a conclu, dans une dcision du 30 aot 2016, que lIrlande avait accord Apple des avantages fiscaux indus pour un montant de 13 milliards deuros, somme, augmente des intrts, que lIrlande devra rcuprer auprs de lentreprise. LIrlande a form un recours contre cette dcision.

    Enfin, de lactivit du juge europen et du juge national, on retiendra notamment deux affaires aux enjeux juridiques et financiers majeurs.

    Le Tribunal de lUnion europenne vient dapporter un clairage important sur la question de la compatibilit du statut des tablissements publics industriels et commerciaux (EPIC) avec le droit des aides dEtat. Dans son arrt La Poste du 3 avril 2014 (C-559/12 P), la Cour avait jug que loctroi dune garantie implicite et illimite de lEtat, du fait du statut dEPIC, permettait de prsumer que cet tablissement, en lespce La Poste avant sa

    http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52016XC0719(05)&from=ENhttp://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52016XC0719(05)&from=ENhttp://www.europe-en-france.gouv.fr/Centre-de-ressources/Aides-d-etat/Regimes-d-aideshttp://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-2923_fr.htmhttp://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-2923_fr.htmhttp://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=150285&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=434379

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    transformation en socit anonyme, avait bnfici dun avantage. Par son arrt rendu le 26 mai 2016 (T-479/11 et T-157/12) relatif lInstitut franais du ptrole-Energies nouvelles, le Tribunal juge que le statut dEPIC ne cre pas automatiquement un avantage constitutif dune aide dEtat et quil est ainsi possible de renverser la prsomption davantage. En tout tat de cause, cette prsomption ne vaut que pour les relations de lEPIC avec les institutions bancaires et financires. La Commission a form un pourvoi contre larrt du Tribunal.

    Par une dcision du 15 avril 2016 (n 393721), le Conseil dEtat, sur requte de lassociation Vent de Colre !, a prcis les consquences du dfaut de notification pralable des aides dEtat la Commission. En substance, lorsque le juge national annule un acte rglementaire instituant une aide en mconnaissance de lobligation de notification, en lespce larrt du 17 novembre 2008 fixant les conditions dachat de llectricit produite par les installations utilisant lnergie mcanique du vent, il incombe lEtat de prendre toutes les mesures ncessaires pour assurer le recouvrement auprs des bnficiaires, selon le cas, des aides verses sur le fondement de ce rgime illgal ou des intrts calculs sur la priode dillgalit, si laide a t entre temps dclare compatible par la Commission.

    Cest un Vade mecum des aides dEtat intgrant ces diffrents lments qui vous est aujourdhui accessible en ligne et gratuitement, avec lobjectif dapporter lensemble des praticiens des aides dEtat les clairages les plus utiles possible la prparation de leurs dcisions et aux changes avec les autorits europennes.

    Le parti pris lan dernier de la diffusion gratuite de cet ouvrage sest avr probant, le mesurer laune des milliers de tlchargements et de consultations en ligne dont il fait lobjet chaque mois. Poursuivant dans cette voie, la prsente dition senrichit de plusieurs logigrammes et de liens vers les arrts et dcisions cits en rfrence, afin den faciliter la consultation en ligne.

    Jean MaaDirecteur des affaires juridiques du ministre

    del'conomie et des finances

    Jean MAA

    http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=178785&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=433935http://arianeinternet.conseil-etat.fr/arianeinternet/ViewRoot.asp?View=Html&DMode=Html&PushDirectUrl=1&Item=1&fond=DCE&texte=393721&Page=1&querytype=simple&NbEltPerPages=4&Pluriels=True

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    PRINCIPES GNRAUX RGISSANT LA QUALIFICATION ET LA COMPATIBILIT DES AIDES DTAT

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    F I C H E 1La notion daide dtat

    Larticle 107 1 TFUE dispose que, sauf drogations prvues par les traits, Sont incompatibles avec le march intrieur, dans la mesure o elles affectent les changes entre tats membres, les aides accordes par les tats ou au moyen de ressources dtat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines pro-ductions.

    Le trait ne dfinit pas ce quest une aide dtat. La Cour de justice a retenu une conception objective1 et extensive de la notion daide dEtat. Selon la Cour, afin dapprcier sil y a aide, il convient [] de dterminer si lentreprise bnficiaire reoit un avantage conomique, quelle naurait pas obtenu dans des conditions de march 2 . Constituent des aides toutes formes davantages financiers di-rects, tels que les apports en capital, la fourniture dassistance commerciale et logistique, ou davantages indirects qui allgent les charges normales des entre-prises : exonration fiscale ou sociale, garantie, conversion de dettes en capital.

    Une aide dtat se dfinit par quatre critres cumulatifs :

    Une aide publique. Il peut sagir de ressources octroyes directement par ltat, indirectement par des organismes lis ltat, ou encore par les collecti-vits territoriales. Le cas des aides accordes par les entreprises publiques a fait lobjet dune volution jurisprudentielle importante, jusqu prsumer que toute intervention financire dune entit publique au profit de tiers est une aide.

    Un avantage slectif. Le trait prcise que les aides doivent favoriser cer-taines entreprises ou productions.

    Une aide affectant la concurrence. Il peut sagir de la concurrence interne ltat membre, comme intra-Union europenne.

    Une aide affectant les changes intra-Union europenne. Toute aide qui assche le march, permet de placer des barrires lentre ou renforce la po-sition dune entreprise par rapport ses concurrentes sur le march pertinent (national ou mondial) est prsume affecter les changes entre tats membres. En raison de leur importance rduite, les aides infrieures un certain mon-tant, dites aides de minimis nentrent pas dans le champ des articles107 et108 du TFUE. Un nouveau rglement de minimis a t adopt par la Commission le 18dcembre 20133.

    1. [L]a notion daide dEtat rpond une situation objective et ne peut dpendre du comportement ou des dclara-tions des institutions . Il en rsulte que la Commission peut modifier son analyse dune mesure ou constater lexistence dune aide dEtat alors mme que la mesure a t autorise par un texte de droit driv (cf. par ex. les arrts alumine dont le dernier a t rendu en 2016 par le Tribunal: Trib. UE, 22 avril 2016 (Irlande et Aughinish Alumina Ltd c/ Com-mission) aff. jtes T-50/06 RENV II et T-69/06 RENV II).2. CJCE, 11juillet 1996, SFEI, aff. C-39/94.3. Rglement n 1407/2013, publi au JOUE L352 du 24/12/2013, p.1.

    http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=9ea7d2dc30d520f35d6497244784b4fbd4c8c5ed9e86.e34KaxiLc3qMb40Rch0SaxuTch50?text=&docid=176921&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=760882http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61994CJ0039http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32013R1407

  • 18

    La Commission europenne a adopt en 2016 une communication sur la notion daide dEtat4, qui se veut une synthse de sa pratique dcisionnelle et de la jurisprudence concernant les diffrents lments constitutifs de la notion daide dEtat mentionne larticle 107, paragraphe1, du trait. Cette communication a vocation constituer un guide pratique pour dterminer les mesures qui doivent tre notifies, conformment larticle 108, paragraphe 3, TFUE. Y figurent no-tamment des prcisions sur les cas dans lesquels les investissements destins la construction ou la modernisation dinfrastructures ne constituent pas une aide ainsi que des orientations en matire de tax ruling5.

    1. Un champ dapplication tendu

    Larticle1071 TFUE pose en principe que les aides dtat sont incompatibles avec le march intrieur, mais ne dfinit pas ce quest une aide dtat. Il est donc revenu la Commission et la Cour de justice den dfinir les contours.

    1.1. Une notion extensive : sont concernes toutes les activits de nature conomique

    La Commission estime que les articles107109 TFUE sont applicables lensemble des activits6 couvertes par le trait, soit toute activit rmunre, quelle ait un caractre conomique, culturel, social ou autre 7. La Cour de justice prcise que larticle871 [devenu 107 1 TFUE] ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions tatiques, mais les dfinit en fonction de leurs effets 8.

    Laide est une intervention procurant un avantage anormal, qui favorise lentreprise bn-ficiaire au dtriment des autres entreprises.

    En droit de lUnion europenne, la notion dentreprise est dfinie de faon trs large. Il sagit de toute entit exerant une activit conomique, indpendamment du statut juri-dique de cette entit et de son mode de financement 9. La notion dactivit conomique est dfinie comme toute activit consistant offrir des biens ou des services sur un march donn 10.

    La Cour refuse de qualifier dconomique une activit qui ne consiste pas offrir des biens ou des services sur un march. Tel est, par exemple, le cas de lacquisition de produits sanitaires par des tablissements hospitaliers11. En outre, il semble possible dinfrer de la dfinition mme de lactivit conomique que labsence totale de march (au sens dune offre et dune demande portant sur les biens ou services en cause) semble suffisante pour carter la qualification dactivit conomique12.

    4. Communication de la Commission relative la notion daide dtat vise larticle 107, paragraphe 1, du trait sur le fonctionnement de lUnion europenne, (2016/C 262/01), JOUE C 262 du 19/07/2016.5. Cf. fiche 17.6. Sous rserve de certaines activits agricoles.7. Dcision no89/441 du 21dcembre 1988 relative aux aides accordes par le gouvernement grec lindustrie cinmatographique, JOCE L 208, 20juillet 1989, p.38.8. CJCE, 26septembre 1996, France c/ Commission, aff. C-241/94.9. CJCE, 23avril 1991, Hfner, aff. C-41/90.10. CJCE, 16juin 1987, Commission c/ Italie, aff. C-118/85, CJCE, 25octobre 2001, Ambulanz Glckner, aff. C-475/99.11. TPICE, 4mars 2003, Fenin c/ Commission, aff. T-319/99, pts 35-40, confirm par larrt de la CJCE, 11juillet 2006, Fenin c/ Commission, aff. C-205/03P dans le cadre du pourvoi dirig contre larrt du tribunal.12. Cf. conclusions de lavocat gnral Trstenjak sous larrt Selex Sistemi c/ Commission et Eurocontrol du 26mars 2009, aff. C-113/07P, pts 116 118.

    http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52016XC0719(05)&from=ENhttp://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:31989D0441&from=ENhttp://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61994CJ0241http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61990CJ0041http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61985CJ0118http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=9ea7d0f130d528417319db5040ad9c60f8bc9f5af8bc.e34KaxiLc3eQc40LaxqMbN4OchiOe0?text=&docid=46789&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=480317http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=48089&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=480891http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=56460&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=481064http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=67070&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=481283

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    Lun des critres dterminants pour qualifier une activit dconomique est lexistence dune rmunration, contrepartie conomique du service fourni qui rvle lexistence dun march.

    Ont, par exemple, t jugs comme conomiques par la jurisprudence de la Cour de jus-tice, lactivit de placement exerce par des offices publics pour lemploi13, les services de transport durgence et de transport de malades14, la gestion des infrastructures de transport15, des activits secondaires exerces par des organisations de protection de lenvironnement, telles que la vente de bois, ou des baux de chasse16, ou les activits de pharmaciens regroups dans un ordre professionnel17.

    La Cour a confirm que la construction dinfrastructures aroportuaires, ds lors quelle ne relve pas, en tant que telle, de prrogatives de puissance publique, est indissociable de lutilisation conomique ultrieure qui en est faite, et constitue donc une activit cono-mique. Lapport en capital des autorits publiques destin financer la construction dune telle infrastructure constitue, par consquent, une aide dtat18.

    En se fondant sur la jurisprudenceLeipzig Halle, lAllemagne a dcid de notifier un projet de dveloppement de revitalisation de territoires par des autorits locales. La Com-mission a considr que cela ne constituait pas une activit conomique, mais une partie de leurs missions publiques, savoir la fourniture et la surveillance des territoires19.

    Toujours sur le fondement de la jurisprudence Leipzig Halle la Commission, se pro-nonant sur diffrentes les tapes du projet de financement de la construction et de la rnovation des stades pour lEuro 2016 (construction, exploitation, utilisation finale), a rappel que selon lvaluation de la Cour, le caractre conomique de lutilisation ul-trieure de linfrastructure tait essentiel dans la dtermination de la prsence daide dEtat. Au cas despce, dans les neuf projets qui lui taient prsents, chacun des stades sera utilis pour fournir des services sur un march, donc pour lexercice dune activit conomique20.

    A contrario, labsence de rmunration permet dchapper la qualification dactivit conomique. Ainsi, lenseignement public, dans la mesure o il est financ par des fonds publics et o les tudiants ne versent que des droits de scolarit, ne constitue pas une activit conomique21.

    Pour autant, le seul fait quune entit ne poursuive pas un but lucratif nquivaut pas une absence de rmunration et ne suffit donc pas dmontrer que les activits quelle exerce ne sont pas de nature conomique22. Dans un arrt MOTOE 23 relatif une association but non lucratif organisant des courses motocyclistes et concluant des contrats de parrainage, de publicit et dassurance, la Cour de justice a considr que lactivit en cause tait conomique. En effet, les manifestations sportives organises par lassociation faisaient

    13. CJCE, 23avril 1991 Hfner et Elser c/ Macroton, aff. C-41/90, pts 20-23.14. CJCE, 25octobre 2001 Glkner, aff. C-475/99, pt 20.15. CJCE, 24octobre 2002 Aroport de Paris c/ Commission, aff. C-82/01, pts 75-80. 16. Trib. UE, 12septembre 2013, Rpublique fdrale dAllemagne c/ Commission, aff. T-347/09.17. Trib. UE, 10 dcembre 2014, Ordre national des pharmaciens (ONP), aff. T90/11.18. Trib. UE, 24mars 2011, Leipzig-Halle c/ Commission, aff. T-455/08. Confirm par larrt CJUE du 19dcembre 2012, aff. C-288/11P. Par ailleurs, la Communication de la Commission europenne sur la notion daide dEtat fournit des prcisions sur les cas dans lesquels les investissements destins la construction ou la modernisation din-frastructures ne constituent pas des aides, aux points 199 228.19. Dcision SA.36346 (2013/N) du 27 mars 2014 C(2014) 1811 final.20. Dcision SA.35501 du 18 dcembre 2013, Aide dEtat (2013/N) France Financement de la construction et de la rnovation des stades pour lEURO 2016.21. CJCE, 27septembre 1988, Humbel, 263/86 et CJCE, 7dcembre 1993, Wirth, aff. C-109/92.22. Cf. les conclusions de lavocat gnral Mengozzi du 11novembre 2010 sous larrt CJUE, 3mars 2011, AG2R Prvoyance, aff. C-437/09, pts 63-64.23. CJCE, 1erjuillet 2008, MOTOE, aff. C-49/07, pt 43.

    http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61990CJ0041http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=9ea7d2dc30d52a45a774e6da4e298f93ebcd1adf9d6e.e34KaxiLc3qMb40Rch0SaxuSbNr0?text=&docid=46789&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=512803http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=47826&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=513663http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=140921&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=514723http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=160524&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=515408http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=80341&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=515611http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=131967&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=515912http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52016XC0719(05)&from=ENhttp://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=OJ:C:2014:141:FULL&from=ENhttp://ec.europa.eu/competition/elojade/isef/case_details.cfm?proc_code=3_SA_35501http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61986CJ0263http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61992CJ0109http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=79342&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=519913http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=84216&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=520817http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=67060&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=520302

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    lobjet de commercialisation de services (parrainage, publicit, assurance), source de re-venus pour elle.

    Le fait que lorganisateur des courses soit une association but non lucratif ne fait pas obstacle ce quil soit considr comme une entreprise, mme dans le cas o ne seraient prsents sur le march que des concurrents, eux-mmes oprateurs sans but lucratif.

    Enfin, la Cour a exclu du champ des activits prsentant un caractre conomique justi-fiant leur soumission au droit de la concurrence, deux types dactivits :

    Les activits exclusivement sociales, rpondant des exigences de solidarit nationale et dpourvues de tout but lucratif24.

    Dans le secteur des assurances sociales, la Cour a dgag trois critres25 :

    le caractre obligatoire de laffiliation;

    le degr dautonomie restreint du gestionnaire, condition apriori remplie lorsque lactivit en cause est soumise au contrle troit de ltat et que la loi fixe les modalits du rgime;

    la mise en uvre du principe de solidarit nationale, rput respect lorsquil est fait application du principe de rpartition et que les prestations sont indpendantes du mon-tant des cotisations.

    La Cour qualifie galement de non conomique lactivit de protection de lenvironnement, en raison de son caractre exclusivement social26.

    Toutefois, le fait que lactivit concerne puisse tre qualifie de sociale nest pas, en soi, suffisant pour exclure la qualification dactivit conomique27.

    Les activits correspondant lexercice de lautorit publique, dont la CJUE a une conception restrictive. Les cas o la Cour a reconnu tre en prsence de lexercice de lau-torit publique correspondent des missions de police destines, par exemple, assurer une surveillance antipollution28 ou la scurit de lespace arien29, ou encore sauvegar-der des donnes que les entreprises sont tenues de communiquer en vertu dobligations lgales et permettre aux personnes intresses de consulter ces donnes30. De mme, les missions de normalisation technique et dassistance apporte aux administrations, pour lacquisition dquipements et de systmes en matire de gestion du trafic arien, peuvent se rattacher lexercice de prrogatives de puissance publique, ne pouvant tre dissocies de la mission de gestion de lespace arien et de dveloppement de la scurit arienne31. La Cour estime, en effet, que le rattachement lexercice de prrogatives de puissance publique ne requiert pas que lactivit concerne soit essentielle ou indispen-sable la garantie de la scurit de la navigation arienne, [mais] quelle se rattache au maintien et au dveloppement de la scurit de la navigation arienne, qui constituent des prrogatives de puissance publique.

    linverse, la Commission32 doute du caractre non conomique des services de lutte contre lincendie des aronefs et de lutte contre le pril animalier, qui nentrent pas dans le

    24. CJCE, 17fvrier 1993 , Poucet et Pistre, aff. C-159/91 et C-160/91 et conclusions de lavocat gnral Mengozzi prsentes le 11novembre 2010 dans laffaire AG2R Prvoyance prcite, pts 58-64.25. CJCE, 16novembre 1995, FFSA, aff. C-244/94.26. Arrt Rpublique fdrale dAllemagne c/ Commission du 12septembre 2013 prcit, pt 31.27. CJCE, 22mai 2003, Freskot, aff. C-355/00, pt 77.28. CJCE, 18mars 1997, Diego & Cali, aff. C-343/95.29. CJCE, 19janvier 1994, SAT c/ Eurocontrol, aff. C-364/92.30. CJUE, 12juillet 2012, Datenbank GmbH, aff. C-138/11.31. Arrt Selex Sistemi c/ Commission et Eurocontrol du 26mars 2009 prcit.32. Dcision SA.33960 (2012/NN) Aroport de Beauvais Till, JOUE C 279 du 14septembre 2012, pts 126 130. Dans cette dcision, la Commission sest notamment rfre au rglement (CE) no 2320/2002 du Parlement europen et du

    http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61991CJ0159http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=79342&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=519913http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61994CJ0244http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=48312&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=521347http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61995CJ0343http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61992CJ0364http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=124999&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=521883http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52012XC0914(04)&from=FR

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    cadre des missions lies la sret, et pourraient contribuer la scurit de lexploitation commerciale normale dun aroport.

    1.2. La notion davantage revt des formes trs diverses

    La Commission considre que les subventions, exonrations dimpts et de taxes, exonrations de taxes parafiscales, bonifications de taux dintrt, garanties de prts consenties dans des conditions particulirement favorables, cessions de btiments ou de terrain titre gratuit ou des conditions particulirement favorables, fournitures de biens ou de services des conditions prfrentielles, couvertures de pertes dexploitation ou toute autre mesure deffet quivalent peuvent constituer des aides dtat33. Cette liste nest pas, bien entendu, exhaustive.

    La Cour de justice prcise que les avantages consentis par des autorits publiques, sous des formes diverses, qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou productions, peuvent sentendre non seulement des prestations positives telles que les subventions elles-mmes, mais aussi des inter-ventions qui allgent les charges qui normalement grvent le budget dune entreprise et qui, sans tre des subventions au sens strict, sont de mme nature et ont des effets identiques 34.

    Par mesure positive ou directe, il faut entendre notamment :

    loctroi davantages financiers directs une ou plusieurs entreprises ou productions;

    toute prime destine encourager une production35;

    la fourniture dune assistance logistique et commerciale par une entreprise publique ses filiales de droit priv exerant une activit soumise la concurrence, lorsque la rmu-nration reue en change de ces services est infrieure celle qui aurait t perue dans le cadre de conditions normales dconomie de march36;

    lapport en capital, les participations publiques dans le capital dune entreprise lors-quelles ont t effectues dans des circonstances qui ne seraient pas celles dun inves-tissement priv37.

    Une compensation financire octroye une entreprise slectionne dans des conditions conformes aux critres de la jurisprudence Altmark ne fournit en revanche pas davantage, donc daide dtat, cette entreprise38. Par mesure ngative ou indirecte, il faut comprendre tout avantage financier indirect allgeant les charges des entreprises :

    les taux de rescompte prfrentiels lexportation, lorsquils sont octroys en faveur des seuls produits nationaux39;

    Conseil relatif linstauration de rgles communes dans le domaine de la sret de laviation civile, qui dfinit la suret arienne comme la combinaison des mesures ainsi que des moyens humains et matriels visant protger laviation civile contre les actes dintervention illicite.33. Rponse une question crite, JOCE C 125, 17aot 1963.34. Cf. par exemple, CJCE, 15juin 2006, Air liquide Industries Belgium, aff. C-393/04 et C-41/05. Sur la notion din-tervention qui allge les charges qui normalement grvent le budget dune entreprise, cf. Trib. UE, 14 juillet 2016, Allemagne c/ Commission, aff. T-143/12 (pts 129 et svts), par lequel le Tribunal annule la dcision de la Commission ordonnant lAllemagne de rcuprer auprs de Deutsche Post une partie des subventions relatives aux retraites des anciens fonctionnaires postaux.35. Dcision no85/592 du 31juillet 1985, JOCE L 373, 31dcembre 1985, p.1.36. CJCE, 11juillet 1996, SFEI c/ La Poste, aff. C-39/94, et TPI 15janvier 1997, SFEI, aff. T-77/95.37. Cf. fiche 2.38. CJCE, 24juillet 2003, Altmark, aff. C-280/00. Cf. galement fiche 5.39. CJCE, 10dcembre 1969, Commission c/ France, aff. 6 et 11/69, Rec. p.523.

    http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=55362&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=522066http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=181664&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=766801http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1459952290508&uri=CELEX:31985D0592http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61994CJ0039http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61995TJ0077http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=48533&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=522999http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61969CJ0006

  • 22

    les exonrations fiscales40, sur les bnfices lis aux recettes lexportation41 ou sur les charges sociales;

    les rductions fiscales accordes aux redevables de limpt de solidarit sur la fortune investissant dans des petites et moyennes entreprises42;

    les bonifications de taux consenties sur les crdits lexportation;

    la prise en charge des cotisations sociales de certains producteurs (de lait, par exemple);

    la conversion en capital par des autorits publiques de dettes dentreprises43;

    la prise en charge dindemnits de retraite anticipe ou de chmage anticip pour le personnel de certaines entreprises, ces avantages bnficiant tant aux travailleurs, quaux entreprises dont ils dpendaient44;

    une transaction conclue entre ladministration fiscale et une entreprise permettant une rduction trs substantielle du montant dune amende peut conduire lexistence dun avantage conomique, si la concession faite par ladministration est disproportionne45. En revanche, des indemnits dexpropriation verses par ltat un producteur de tabac en vue de la relocalisation de son site de production ne fournissent aucun avantage loprateur46.

    A noter quune mesure de soutien public incitant les consommateurs acqurir des pro-duits ou services particuliers avantage indirectement les fournisseurs de ces produits ou services47.

    2. Les critres de laide dtat

    Constitue une aide dtat, au sens de larticle1071 TFUE, une mesure qui remplit simul-tanment quatre critres :

    2.1. Une aide publique

    Lavantage doit tre accord par ltat ou au moyen de ressources dtat (art.107 1 TFUE).

    Cette condition est apprcie de faon large par la Commission et la Cour de justice. Laide peut tre consentie :

    soit, directement par ltat;

    40. CJCE, 11 novembre 2004, Ramondin SA Daewoo, aff. C-186 et 188/02P, CJUE, 9 octobre 2014, Navantia SA, affC-522/13.41. Dcision no89/661 du 31mai 1989 Alfa Romo, JOCE L 389, 30dcembre 1989, p.9.42. Dcision no596a/2007 du 11mars 2008, dans laquelle la Commission a considr comme compatible le rgime fiscal franais de rduction de lISF, dans le cadre des lignes directrices concernant les aides dtat visant promouvoir les investissements en capital-investissements dans les PME.43. Dcision no91/144/CEE du 2mai 1990, Halkis Cement Company, JOCE L 73, 20mars 1991, p.27.44. Dcision no89/374 du 2fvrier 1989, JOCE L 170, 5juillet 1989, p.36.45. Dcision C(2010) 2538 final du 26mai 2010 concernant laide dtat sous la forme dun accord fiscal transac-tionnel mise excution par la Belgique en faveur de la socit Umicore S. A. aff. C 76/2003 (ex NN 69/2003), dcision publie sur le site de la DG COMP, JOUE L122/76 du 11 mai 2011.46. Dcision C(2013) 6250 final du 2octobre 2013 concernant les indemnits dexpropriation verses par les Pays-Bas au producteur dalcool nerlandais Nedalco, aide dtat SA.32225.47. CJUE, 28 juillet 2011, Mediaset SpA c/ Commission, aff. C-403/10 P, propos des subventions italiennes pour lachat des dcodeurs numriques terrestres.

    http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=49655&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=523657http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=158425&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=523522http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1459935802495&uri=CELEX:31989D0661http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1459952590585&uri=CELEX:31991D0144http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=OJ:L:2011:122:FULL&from=ENhttp://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=OJ:C:2013:335:FULL&from=ENhttp://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=114865&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=801233

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    soit, indirectement, au travers dorganismes institus en vue de grer laide. Dans ce cas, il faut que la mesure incrimine apparaisse comme le rsultat dun comportement imputable ltat et quelle soit octroye au moyen de ressources dtat. Ces deux condi-tions sont distinctes et cumulatives, ce qui, aprs une priode dhsitation jurispruden-tielle, a t clarifi par larrt Stardust du 16mai 200248. Le critre de ressource dtat nen reste pas moins dlicat apprhender.

    2.1.1. Avantage accord par ltat, si le lien avec le budget public est suffisamment direct

    Conformment la jurisprudence constante de la Cour de justice, la notion dtat est entendue de faon large :

    ltat, y compris le pouvoir lgislatif 49;

    les collectivits territoriales50, dont les aides peuvent avoir un impact conomique im-portant, notamment dans les tats fdraux ou trs dcentraliss;

    les personnes publiques spciales (EPA, EPIC, nationaux et locaux), quel que soit leur degr dautonomie, ainsi que les entreprises publiques, dans le cas o elles accorderaient des avantages privilgis leurs filiales de droit priv51 ou par le biais de leurs tarifs;

    les organismes, publics ou privs, qui peuvent tre spcialement institus ou simple-ment habilits pour la gestion de laide. Lidentification du caractre tatique des res-sources peut, dans ce cas de figure, se rvler complexe52.

    En revanche, les aides institues par le droit de lUnion europenne, que les tats se contentent de mettre excution, sans aucun pouvoir dapprciation, ne sont pas consid-res comme des avantages accords par les tats53. En outre, la jurisprudence considre quune mesure fiscale issue de la transposition dune directive nest pas imputable ltat et ne constitue donc pas une aide54.

    La mesure doit tre la charge des finances publiques. Cette charge peut prendre la forme dun manque gagner, par le biais notamment du renoncement de ltat des ressources, par exemple fiscales, ou du refus par ltat de monnayer un avantage, dans le cadre dun appel doffres des conditions de march.

    La charge pour le budget de ltat doit, enfin, rsulter de la mesure incrimine. Si le lien entre lavantage conomique octroy et le budget public est trop indirect, la mesure ne constitue pas une aide dtat.

    La jurisprudence en fournit quelques exemples :

    le dispositif lgal dun tat permettant de soumettre les contrats de travail conclus avec des marins ressortissants de pays tiers, des conditions de travail et de rmun-ration moins favorables que celles des marins ressortissants de ce mme tat, procure un avantage pour les entreprises y ayant recours et constitue, indirectement, une charge supplmentaire pour ltat (moindres rentres de cotisations sociales et fiscales). Nan-moins, la Cour de justice a estim que la nature et lconomie du dispositif, qui entend

    48. CJCE, 16mai 2002, Rpublique franaise c/ Commission, aff. C-482/99.49. TPICE, 12dcembre 1996, Air France c/ Commission, aff. T-358/94.50. CJCE, 14octobre 1987, Allemagne c/ Commission, aff. C-248/84.51. CJCE, 11juillet 1996, SFEI c/ La Poste, aff. C-39/94.52. Cf. point 2.1.2. Avantage octroy par des organismes publics ou privs.53. CJCE, 13octobre 1982, Norddeutsches Vieh und Fleischkontor, aff. 213/81 215/81.54. TPICE, 5avril 2006, Deutsche Bahn, aff. T-351/02.

    http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=47344&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=524133http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61994TJ0358http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61984CJ0248http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61994CJ0039http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61981CJ0213http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=55528&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=528327

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    uniquement modifier le cadre dans lequel stablissent les relations contractuelles entre les entreprises de navigation maritime et leurs salaris, permettent dchapper une qualification daide, car le cot pour ltat est inhrent la mesure, alatoire et non quantifiable55;

    les pertes subies par des cranciers privs, en raison de la faillite dun client, ne peuvent tre qualifies daides, au seul motif quelles entranent des recettes dimpt plus faibles pour ltat; le rapport avec lemploi de ses ressources par ltat est trop loign56;

    le fait dautoriser, aux fins de crer un systme de transport sr et efficace, des taxis circuler sur les couloirs de bus amnags sur les voies publiques aux heures pendant lesquelles les limitations de circulation relatives ces couloirs sappliquent, tout en inter-disant aux VTC dy circuler, sauf pour prendre et dposer des passagers les ayant prala-blement rserves, nest de nature ni impliquer un engagement de ressources dtat ni confrer ces taxis un avantage conomique slectif 57;

    lventuelle perte de ressource fiscale rsultant pour ltat de lapplication dune loi sur les nergies renouvelables, qui oblige les entreprises dapprovisionnement en lectricit acheter un prix minimum llectricit produite partir de sources dnergie renou-velables, et qui diminue, en consquence, leurs recettes et donc les recettes fiscales, ne peut, en soi, tre qualifie daide dtat, car la perte constitue simplement un effet secondaire inhrent la loi58.

    Dans ce dernier cas, la Commission avait soutenu que laction lgislative de ltat suffi-sait satisfaire la condition de ressource publique. La Cour na pas suivi la Commission dans cette interprtation trop large du critre de ressource publique, pour ne pas re-mettre en cause le pouvoir souverain des tats dans des domaines tels que la fiscalit, la scurit sociale ou la fixation de prix rglements dans des secteurs dintrt social ou stratgique.

    Dans un arrt du 19mars 2013, la Cour a jug que des dclarations des pouvoirs publics au soutien dune entreprise dont ltat est actionnaire au moment o celle-ci rencontre des difficults constituent des aides dtat. En effet, selon la Cour, une telle intervention a confr un avantage France Tlcom en lui permettant de se financer de meilleures conditions, au moyen de ressources publiques59.

    2.1.2. Avantage octroy par des organismes publics ou privs, sil est imputable ltat et financ par des ressources dtat

    La Cour a pos, dans larrt Steinike 60, le principe selon lequel larticle87 englobe les aides accordes par les tats ou au moyen de ressources dtat, sans quil y ait lieu de distinguer selon que laide est accorde directement par ltat ou par des organismes publics ou privs quil institue ou dsigne en vue de grer laide.

    55. CJCE, 17mars 1993, Sloman Neptun, aff. C-72/91 et C-73/91.56. CJCE, 1erdcembre 1998, Ecotrade, aff. C-200/97.57. CJUE, 14 janvier 2015, Eventech Ltd, aff. C-518/13.58. CJCE, 13mars 2001, PreussenElektra, aff. C-379/98.59. CJUE, 19mars 2013, Bouygues SA et Bouygues Tlcom / Commission et Commission / France, aff. C-399/10P et C-401/10P. Il sagissait de dclarations du ministre de lconomie assurant France Tlcom le soutien de ltat un moment o loprateur connaissait une crise importante, ainsi quune annonce sur un projet davance dactionnaire consistant en louverture dune ligne de crdit de 9milliards deuros. La Cour juge que le Tribunal a commis une erreur de droit en refusant de reconnatre lexistence dun lien entre, dune part, lavantage rsultant des dclarations des autorits franaises et, dautre part, lengagement potentiel de ressources tatiques dcoulant de loffre de contrat davance dactionnaire.60. CJCE, 22mars 1977, Steinike, aff. 78/76.

    http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61991CJ0072http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61997CJ0200http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=161376&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=529545http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=9ea7d2dc30d5b222a4b430f74726b7a4f7f1cf0972b5.e34KaxiLc3qMb40Rch0SaxuSc3n0?text=&docid=45891&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=173734http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=135222&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=626777http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=135222&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=626777http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61976CJ0078

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    En ce qui concerne les mesures prises par des entreprises publiques, la jurisprudence a volu sur les conditions dapplication du critre dorigine tatique de laide, laissant parfois entendre que les critres dimputabilit et de ressource dtat pourraient tre alternatif61.

    Larrt Stardust retient le principe du double critre : la Commission, dans une dcision de199962, avait qualifi daide dtat les concours financiers accords par des filiales du Crdit Lyonnais une socit de plaisance nautique (Stardust Marine), en se fondant sur la seule appartenance de ces socits au secteur public alors mme que ltat, actionnaire du Crdit Lyonnais, ntait pas intervenu en faveur de ces versements.

    Sur recours de la France, la Cour de justice a refus la prsomption automatique de ressources dtat pour les mesures prises par une entreprise publique et a clarifi les conditions de dtermination du caractre public dun avantage : Pour que ces avantages puissent tre qualifis daides au sens de larticle871, ils doivent dune part, tre ac-cords directement ou indirectement au moyen de ressources dtat, et, dautre part, tre imputables ltat 63.

    Cette double condition permet, la fois, dviter que ltat chappe au champ de lar-ticle1071 TFUE en attribuant des aides par lintermdiaire des entreprises publiques, tout en excluant du champ du dispositif les dcisions propres des entreprises publiques.

    Le critre de limputabilit ltatPour juger de limputabilit, la Cour de justice se fonde sur un ensemble dindices rsul-tant des circonstances en lespce et du contexte dans lequel cette mesure est interve-nue. Parmi ces critres, figurent notamment : le statut juridique de lentreprise; son in-tgration dans les structures de ladministration publique; lintensit de la tutelle exerce par les autorits publiques; la nature de ses activits et leurs conditions dexercice sur le march, ainsi que la probabilit de limplication des autorits publiques ou de leur absence dimplication dans ladoption dune mesure.

    La Cour de justice a ainsi jug que : Compte tenu de la participation directe ou indirecte de 50 % de ltat nerlandais dans Gasunie, de la nomination de la moiti des commissaires au conseil des commissaires, organe charg entre autres de la fixation des tarifs, du pouvoir dapprobation des tarifs []. Ces lments, considrs dans leur ensemble, dmontrent que dans le domaine de la fixation des tarifs du gaz dhorticulture, Gasunie ne dispose nullement dune pleine autonomie, mais agit sous le contrle de ltat nerlandais et est donc susceptible de rentrer dans la notion daide dtat accorde par un tat membre 64.

    Dans larrt Stardust prcit, cette imputabilit faisait dfaut car les avantages octroys Stardust avaient t le fait dune dlibration indpendante des filiales du Crdit Lyonnais. Larrt Stardust est dans la ligne jurisprudentielle restrictive , issue des arrts Van Tiggele 65 puis Sloman Neptun : Les avantages accords par dautres moyens que des ressources dtat ne tombent pas dans le champ dapplication de larticle87 66.

    La Commission doit donc mener une analyse minutieuse des rgles de prise de dcision au sein des entreprises publiques67.

    61. TPICE, 12dcembre 1996, Air France c/ Commission, aff. T-358/94.62. Dcision no2000/513/CE concernant les aides accordes par la France lentreprise Stardust Marine, JOCE L206, 15aot 2000.63. Arrt Stardust prcit.64. CJCE, 2fvrier 1988, Van der Kooy e. a. c/ Commission, aff. 67/85.65. CJCE, 24janvier 1978, Van Tiggele, aff. 82/77.66. Arrt Sloman Neptun prcit.67. Comme rfrence de doctrine sur la pratique dcisionnelle de la Commission aprs larrt Stardust, cf. notamment M. Merola, Le critre de lutilisation des ressources publiques, Aides dtat, Institut dtudes europennes, d. de

    http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61994TJ0358http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1459953266036&uri=CELEX:32000D0513http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61985CJ0067http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61977CJ0082

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    Dans une affaire qui concernait des garanties accordes par une entreprise publique, entirement dtenue par une commune, une banque aux fins de loctroi de crdits des emprunteurs tiers, la Cour a jug qutaient pertinents, sans tre toutefois dterminants pour apprcier limputabilit lEtat, les circonstances du cas despce selon lesquelles dune part, ladministrateur unique de ladite entreprise qui avait accord ces garanties avait agi irrgulirement, avait dlibrment gard secret leur octroi et mconnu les sta-tuts de son entreprise et, dautre part, la commune se serait oppose loctroi desdites garanties, si elle en avait t informe68. Dans larrt Doux Elevage SNC69, la Cour de justice, saisie sur renvoi prjudiciel du Conseil dtat, a jug que la dcision des autori-ts nationales tendant lensemble des professionnels dune filire agricole un accord interprofessionnel instituant une cotisation obligatoire afin de financer la mise en uvre dactions communes dcides par cette organisation, ne contient pas dlment daide dtat. Aprs avoir relev que les cotisations concernes proviennent doprateurs cono-miques privs et que le mcanisme nimplique aucun transfert de ressources dtat, ce dernier ne renonant aucune ressource, la Cour constate que cest lorganisation inter-professionnelle concerne qui dcide de lutilisation de ces ressources (pas dimputabilit ltat). En outre, elles ne sont pas la disposition des autorits tatiques (pas de contrle public, cf. infra). La circonstance que ces fonds privs soient utiliss par les organisations interprofessionnelles conjointement des sommes provenant du budget public ne modifie pas lanalyse.

    Le critre du financement octroy au moyen de ressources dtatDes avantages octroys par des organismes publics ou privs peuvent constituer une aide dtat, lorsquils sont financs par des ressources dtat.

    Il y a ressource dtat lorsque ces ressources sont sous contrle public.

    Dans le cas, parfois complexe, des transferts de ressources dentreprises publiques, la Cour de justice a une approche fonde sur le critre du contrle public des sommes concernes. Mme si les sommes correspondant une mesure daide dtat sont des ressources financires dentreprises publiques et ne sont pas de faon permanente en possession du Trsor public, le fait quelles restent constamment sous contrle public, et donc la disposition des autorits nationales comptentes, suffit pour quelles soient qualifies de ressources dtat 70. La condition de ressource dtat est prsume remplie dans le cas des fonds dentreprises sur lesquels les pouvoirs publics peuvent exercer directement ou indirectement une influence dominante du fait de la proprit, de la par-ticipation financire ou des rgles qui la rgissent. Cette approche est celle de larrt Stardust : la Cour prcise que les ressources financires des entreprises publiques, au sens de la directive de la Commission du 25juin 1980 sur la transparence des relations financires entre les tats membres et les entreprises publiques ainsi qu la transparence financire dans certaines entreprises71, sont assimiles des ressources dtat.

    Il nest pas ncessaire que ces ressources aient transit par le budget de ltat. Ainsi, dans larrt France c/Ladbroke Racing et Commission 72, la Cour a jug que les sommes provenant des gains non rclams des paris sur les courses de chevaux et utilises par le

    lUniversit de Bruxelles, 2005.68. CJUE, 17 septembre 2014, Commerz Nederland NV, aff. C-242/13.69. CJUE, 30mai 2013, Doux Elevage SNC, aff. C-677/11.70. Cf. arrt Air France c/ Commission, prcit.71. Directive 80/723/CEE (JOCE L 195, 25 juin1980) modifie dernirement en 2005, puis codifie par la directive 2006/111/CE du 16novembre 2006.72. CJCE, 16mai 2000, aff. C-83/98 confirmant larrt du TPICE du 27janvier 1998, Ladbroke Racing c/ Commission, aff. T-67/94.

    http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=9ea7d0f130d59bc10530fb9f4ba295feda0d1527c0f2.e34KaxiLc3eQc40LaxqMbN4OchiRe0?text=&docid=157804&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=593338http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=137834&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=593924http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A31980L0723http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex:32006L0111http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex:32006L0111http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=45273&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=595476http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61994TJ0067

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    PMU, mme si elles navaient jamais t en possession de ltat, taient continuellement soumises au contrle de ce dernier et la disposition des autorits nationales comp-tentes, ce qui tait suffisant pour les qualifier de ressources dtat.

    titre dexemple, peuvent galement tre considrs comme des ressources publiques, des bnfices non distribus dentreprises publiques73, en particulier quand ces bnfices ont t produits dans un secteur public protg par un monopole lgal. Le critre du contrle public est assez dlicat manier.

    Un avantage octroy par un organisme public peut ne pas avoir pour origine une ressource tatique, sil napparat pas que cet avantage ait t financ par des moyens laisss la disposition des autorits nationales.

    Ainsi, dans larrt PreussenElektra prcit, lavantage octroy aux producteurs dlectrici-t partir de sources dnergie renouvelable, via lachat de toute leur production un prix minimal par les entreprises dapprovisionnement en lectricit, fait lobjet de transferts financiers qui ne sont pas et ne seront jamais la disposition des autorits Ils ne quittent, en fait, jamais le secteur priv 74. En revanche, la Cour a jug, sur renvoi pr-judiciel du Conseil dtat, que le dispositif franais de financement de la compensation des surcots imposs aux oprateurs lectriques, raison de lobligation dachat de llectricit dorigine olienne un prix suprieur au prix de march, constituait une inter-vention au moyen de ressources dtat. En effet, contrairement aux circonstances ayant donn lieu larrt PreussenElektra, les sommes destines compenser les surcots rsultant de lobligation dachat, collectes auprs des consommateurs finals dlec-tricit sur le territoire franais sont gres par la Caisse des dpts et consignations, organisme public mandat par ltat, et doivent donc tre considres comme demeurant sous contrle public75.

    Dans larrt Pearle 76, lorganisme octroyant un avantage tait public. Pour la Commission, le critre de ressource publique tait rempli, puisque les ressources en cause taient accordes par lintermdiaire dun organisme institu par ltat. La Cour de justice a car-t cette analyse : les fonds utiliss pour financer lavantage ont, en effet, t collects auprs dentreprises prives, au moyen de contributions affectes obligatoirement lor-ganisation dune campagne publicitaire, dont bnficiaient ces mmes entreprises. Lor-ganisme public a donc uniquement servi dinstrument pour la perception et laffectation de ressources cres en faveur dun objectif commercial, fix pralablement par le milieu professionnel concern et qui ne sinscrivait pas dans le cadre dune politique dfinie par les autorits nationales. Ce financement a t ralis au moyen de ressources dont cet organisme professionnel de droit public na eu, aucun moment, le pouvoir de disposer librement, ce qui carte la qualification de ressource publique. La Cour exige donc que le critre de contrle public ne consiste pas en un simple critre formel de transition par un fonds public.

    73. Dcision de la Commission du 16avril 1997 concernant les aides accordes par lItalie Enirisorse, JOCE L80, 18mars 1998.74. Conclusions sous larrt CJCE, 13mars 2001, PreussenElektra, aff. C-379/98.75. CJUE, 19 dcembre 2013, Association Vent De Colre ! c/ Ministre de lcologie, aff. C-262/12. Cf. galement Trib. UE, 10 mai 2016, Rpublique fdrale dAllemagne c/ Commission, aff. T-47/15, dans lequel le Tribunal qualifie de ressources dEtat le soutien aux producteurs dlectricit partir dEnR financ par un prlvement la charge des fournisseurs rpercut sur les consommateurs finals (loi allemande EEG 2012 sur les nergies renouvelables), ce dispositif se diffrenciant de celui examin dans le cadre de larrt PreussenElektra. 76. CJCE, 15juillet 2004, Pearle BV, aff. C-345/02. Commentaire approfondi de cet arrt par D. Tayar et A. Giraud : Linterprtation du critre de lemploi de ressources dtat par la Cour de justice : le rvlateur dune lecture formaliste de larticle87 du trait CE? (rflexions propos de larrt Pearle), Petites affiches, no240, 2dcembre 2005.

    http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1459943452365&uri=CELEX:31998D0212http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=9ea7d2dc30d5b222a4b430f74726b7a4f7f1cf0972b5.e34KaxiLc3qMb40Rch0SaxuSc3n0?text=&docid=45891&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=173734http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=145912&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=595936http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=177881&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=786580http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=49410&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=596398

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    La Cour de justice a eu se prononcer sur une rglementation gnrale, imposant aux oprateurs de tlvision (publics ou privs), daffecter 5 % de leurs recettes dexploitation au financement anticip de films cinmatographiques et de tlvision. Elle a constat que lavantage concern ne dpendait pas du contrle exerc par les pouvoirs publics sur les oprateurs, ni de directives donnes par ces mmes pouvoirs ces oprateurs. Elle en dduit que la mesure ne constituait pas une aide dtat au bnfice de lindustrie cinma-tographique de ce mme tat membre77.

    De mme, sagissant de sommes correspondant au produit dune augmentation de page au profit de concessionnaires dautoroute, qui transitent directement et exclusivement entre socits prives, sans quun quelconque organisme public en acquire, serait-ce de manire passagre, la possession ou le contrle, la Cour considre que la qualification de ressources tatiques ne peut tre retenue78.

    2.2. Une aide slective

    Larticle 107 1 TFUE prcise que constituent des aides dtat, les aides favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

    Ces dispositions ne sappliquent pas si lentit bnficiaire dune aide nest pas une en-treprise au sens du droit europen de la concurrence (cf. point1.1. de la prsente fiche).

    Elles ne sappliquent pas, non plus, aux interventions publiques bnficiant directement des personnes physiques prises titre individuel79.

    A contrario, une mesure qui aurait pour bnficiaire direct des consommateurs, mais qui bnficierait indirectement des institutions de placement, qui sont des entreprises, peut tre qualifie daide80.

    Sont aussi exclues du champ dapplication de larticle107 TFUE les mesures dites gn-rales de soutien lconomie. Or, la distinction entre mesures gnrales et aides dtat est souvent difficile81.

    La Cour de justice procde une analyse en deux temps82 :

    elle identifie dabord si les entreprises auxquelles lavantage est octroy se trouvent, au regard de lobjectif de la mesure en cause, dans une situation factuelle et juridique com-parable celle des entreprises qui nen bnficient pas83. Si tel nest pas le cas, la mesure peut tre considre comme gnrale, donc exclue de la qualification daide dtat;

    si les entreprises bnficiaires se trouvent, en revanche, dans une situation comparable celle des autres entreprises, la Cour apprcie si la mesure en cause, donc la diffrence

    77. CJCE, 5mars 2009, Union de televisiones comerciales asociatas (UTECA), aff. C-222/07.Cf. galement Trib. UE, 24 septembre 2015, TV2/Danmark, aff. T-674/11, propos de lutilisation des recettes publicitaires perues par une socit de radiodiffusion.78. Trib. UE, 15 janvier 2013, Associazione italiana delle societ concessionarie per la costruzione e lesercizio di autostrade e trafori stradali (Aiscat) c/ Commission, aff. T-182/10.79. Dcision 2001/834/CE de la Commission du 18juillet 2001, JOCE L 312 : il sagissait en lespce de mesures de lItalie garantissant des ouvriers portuaires une couverture dassurance et de scurit sociale approprie, dans le cadre dune rforme du secteur portuaire.80. TPICE, 4mars 2009, Italie c/ Commission, aff. T-424/05.81. La Commission, dans sa communication sur lapplication des rgles relatives aux aides dtat aux mesures re-levant de la fiscalit directe des entreprises, JOCE C 384, 10dcembre 1998 (cf. fiche 16), donne des exemples de mesures fiscales ouvertes tous les acteurs conomiques oprant sur le territoire dun tat membre (pt 13 de la communication).82. CJUE, 8septembre 2011, Paint Graphos e.a., aff. jtes C-78 80/08 (avantages fiscaux accords aux socits coopratives). Cf. galement fiche 16 pt 2 sur lapplication du critre de slectivit aux mesures fiscales.83. A ce titre, selon la Cour de justice, il est indiffrent que la situation du bnficiaire se soit amliore ou aggrave la suite dune mesure tatique, CJUE, 20 mars 2014, Rousse Industry AD, aff.C-271/13 P.

    http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=77509&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=596864http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=168561&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=797352http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=132362&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=597216http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1459943239719&uri=CELEX:32001D0834http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=77498&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=598958http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A31998Y1210(01)http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A31998Y1210(01)http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=109241&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=600568http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=149504&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=600928

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    de traitement qui en rsulte, est justifie par la nature ou lconomie du systme, par exemple fiscal, dans lequel elle sinscrit. Si tel est le cas, la mesure, bien quen apparence slective, peut tre considre comme gnrale, donc galement exclue de la qualification daide dtat.

    La Cour de justice a rappel sa mthode danalyse applicable la slectivit en matire fiscale, a savoir que la qualification dune mesure fiscale de slective suppose, dans un premier temps, lidentification et lexamen pralables du rgime fiscal commun ou normal applicable dans ltat membre concern. Cest par rapport ce rgime fiscal commun ou normal quil convient, dans un deuxime temps, dapprcier lventuel caractre slectif de lavantage octroy par la mesure fiscale en cause en sassurant que celle-ci droge audit systme commun dans la mesure o elle introduit des diffrencia-tions entre oprateurs se trouvant, au regard de lobjectif assign au systme fiscal de cet tat membre, dans une situation factuelle et juridique comparable84.

    2.2.1. Le critre de mesure slective sectorielle ou rgionale

    Ce critre permet de prsumer que lon est apriori en prsence dune aide dtat. Une mesure est dite slective, quand elle procure un avantage certaines entreprises ou cer-taines productions, lexclusion dautres85. Il convient ainsi dexaminer si, dans un cadre juridique donn, une mesure constitue un avantage pour certaines entreprises par rapport dautres se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable86.

    Ce critre connat de multiples applications :

    les mesures ne sappliquant pas tous les oprateurs conomiques mais bnficiant aux entreprises exerant certains types dactivits dtermins87. Il en va ainsi daides sectorielles accordes des industries particulires comme le textile, les transports, la sidrurgie;

    les mesures ne sappliquant quen fonction de la taille de certaines entreprises, les aides accordes des nouvelles entreprises, ce qui exclurait les autres88, ou certaines catgories dentreprises, telles que celles nouvellement cotes en bourse, par exemple89. Cela concerne aussi des avantages, dont la porte est limite une partie du territoire dun tat membre90.

    Dans un arrt du 11septembre 200891, la Cour a dclar quaux fins de dterminer si des normes adoptes par une entit infra-tatique constituent une aide dtat slective, il est ncessaire de vrifier si cette entit dispose dune autonomie institutionnelle, procdurale et conomique suffisante, pour quune norme adopte par celle-ci soit considre comme dapplication gnrale au sein de cette entit infra-tatique et nait pas un caractre slectif. Toutefois, il appartient la juridiction de renvoi de vrifier, sur la base des lments exa-mins par la Cour et de tous autres lments quelle estimerait pertinents, si les Territorios Histricos et la communaut autonome du Pays basque jouissent dune telle autonomie, ce

    84. Trib. UE, 7 novembre 2014, Autogrill Espaa, aff. T-219/10.85. TPICE, 29septembre 2000, CETM c/ Commission, aff. T-55/99.86. CJCE, 6septembre 2006, Portugal c/ Commission, aff. C-88/03.87. CJCE, 15juin 2006, Air Liquide, aff. C-393/04 et C-41/05; CJUE, 30 juin 2016, Royaume de Belgique c/ Commis-sion, aff. C-270/15 P.88. Cf. par exemple, dcision 2004/343/CE de la Commission du 16dcembre 2003 concernant le rgime daide mis excution par la France concernant la reprise dentreprises en difficult.89. CJUE, 24novembre 2011, Rpublique Italienne c/ Commission, aff C-458/09P.90. CJCE, 19septembre 2000, Allemagne c/ Commission, aff. C-156/98.91. CJCE, 11septembre 2008, Union General de trabajadores de la Rioja, aff. jointes C-428 434/06.

    http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=159375&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=601228http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=45701&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=601791http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=66445&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=602124http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=55362&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=602578http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=181102&pageIndex=0&doclang=fr&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=208503http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1459944985217&uri=CELEX:32004D0343http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=115221&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=603515http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=45644&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=604192http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=67995&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=604518

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    qui aurait pour consquence que les normes adoptes dans les limites des comptences qui sont octroyes ces entits infra-tatiques nont pas un caractre slectif.

    2.2.2. Le critre de mesure dite gnrale

    A contrario, il se caractrise par le fait que toutes les entreprises de ltat ont un accs gal aux mesures, ce dont la Commission sassure notamment en vrifiant quil ny a pas de ca-ractre discrtionnaire des dcisions des autorits publiques charges doctroyer les aides.

    Toutefois, des mesures comportant un lment de spcificit (mesures drogatoires) peuvent tre considres comme gnrales, lorsquelles sinsrent dans la logique in-terne du systme ou constituent une drogation justifie au systme gnral 92.

    Il sagit malheureusement dun critre trs vague. La Commission considre que la dis-tinction entre mesures gnrales et mesures spcifiques, et parmi celles-ci, lidentification de celles qui rpondent la nature et lconomie du systme, ne peut stablir apriori sur la base de critres clairs et prcis. Seule la Commission sestime en mesure de dcider, sous le contrle du juge de lUnion europenne, si une mesure dtermine remplit ou non le critre de spcificit93.

    Par ailleurs, selon la Commission, une mesure gnrale doit ncessairement se traduire par trois lments : le caractre non limit de son champ dapplication, le fait dtre fond sur des critres ou conditions objectifs et horizontaux et une dure illimite94.

    Les mesures de politique conomique, fiscale et sociale gnrales ne relvent pas des rgles sur les aides dtat, alors mme quelles peuvent confrer un avantage concurren-tiel aux entreprises qui les mettent en uvre. Ces mesures constituent la manifestation des choix discrtionnaires de politique conomique, dans lesquels la Commission ne sau-rait lgitimement intervenir. Dans ce cas, ce qui peut sanalyser apriori en un avantage concurrentiel indu est, en fait, inhrent au systme.

    Laffaire Sloman Neptun de198895 est lun des arrts de rfrence : la Cour a dcid aux points19 et suivants que le rgime permettant de soustraire les marins non-rsidents, ressortissants de pays tiers aux conditions de travail et de rmunration prvues par le droit allemand ne tend pas par sa finalit ou son conomie gnrale, crer un avantage qui constituerait une charge supplmentaire pour ltat Les consquences qui en r-sultent tenant la diffrence de base de calcul des cotisations sociales et lventuelle perte de ressources fiscales imputable au faible niveau de vie de ces marins, sont inh-rentes ce rgime et ne constituent pas un moyen daccorder aux entreprises concernes un avantage dtermin. Par consquent ni les orientations gnrales de la politique sociale dfinie par chaque tat ni des mesures particulires arrtes dans ce cadre ne sauraient faire lobjet dun contrle juridictionnel au titre des aides dtat.

    Ce principe a t appliqu dans laffaire Ecotrade 96 de dcembre1998 pour une loi ita-lienne qui instaurait une procdure dadministration extraordinaire des grandes entre-prises en difficult97 : La perte de recettes fiscales est inhrente tout rgime lgal fixant le cadre des relations entre une entreprise insolvable et lensemble de ses cranciers. Il

    92. CJCE, 2juillet 1974, Italie c/ Commission, aff. 173/73, et TPICE 18septembre 1995, Tierc Ladbroke c/ Commis-sion, aff. T-471/93.93. Cf. fiche 17.94. Dcision 96/369/CE du 13mars1996 concernant une aide fiscale en matire damortissement au profit des com-pagnies ariennes allemandes, JOCE L 146, 20juin 1996, p.42.95. CJCE, 17mars 1993, Sloman Neptun, aff. C-72-73/91.96. CJCE, 1erdcembre 1998, Ecotrade Srl, aff. C-200/97.97. Loi qui leur permet de poursuivre leur activit notamment en suspension des poursuites individuelles.

    http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61973CJ0173http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61993TJ0471http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:31996D0369http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61991CJ0072http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61997CJ0200

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    nen rsulte pas ncessairement une charge financire supplmentaire supporte par les pouvoirs publics et procurant aux entreprises un avantage dtermin.

    Ultrieurement, la Cour a considr quune majoration de redevance pour laccs au r-seau national de transport dlectricit exige par les autorits italiennes de seulement certaines entreprises, avait pour objet de compenser lavantage cr pour ces entreprises par la libralisation du march de llectricit. Selon la Cour, il sagissait alors dune diff-renciation entre entreprises en matire de charges rsultant de la nature et de lconomie du systme de charges en cause ne constituant pas une aide dtat au profit des entre-prises non greves par cette majoration98.

    La juridiction de lUnion europenne na que trs rarement admis la justification dune diffrenciation par la nature et lconomie du rgime. Dans un arrt du 29avril 2004, la Cour a prcis quun tat invoquant une telle justification doit apporter des preuves lappui de son argumentation99.

    Une application de ce principe a cependant t faite par le tribunal de premire instance100 et confirme par la Cour de justice101 dans le cadre de la modification rtroactive des redevances dues par SFR et Orange au titre des licences UMTS. Le TPI a considr que la renonciation partielle de ltat ses crances rsultait invitablement dun texte de lUnion europenne (la directive 97/13 du 10avril 1997, instituant un cadre commun pour les autorisations gnrales et les licences individuelles).

    Les autorits franaises se trouvaient tenues, par cette directive, de procder laligne-ment rtroactif du montant des redevances dues par Orange France et SFR sur celui de la redevance impose Bouygues Tlcom. Labandon des crances correspondantes tait donc invitable. En effet, les caractristiques des trois licences UMTS tant identiques, le maintien du montant initial des redevances dues par Orange France et SFR aurait nces-sairement comport une violation, leur dtriment, des obligations relatives lgalit de traitement spcifiquement poses par le droit europen des tlcommunications.

    Une autre illustration de lapplication de ce principe a t fournie par le juge de lUnion europenne, dans le cadre du contentieux relatif au systme britannique de taxation de matriaux employs dans le secteur du btiment (granulats). Le Tribunal, sur renvoi de la Cour, a jug que lexonration de taxes en faveur de certains dchets ntait pas justifie par la nature et lconomie du systme, ds lors que la diffrenciation fiscale introduite portait atteinte lobjectif environnemental du dispositif global de taxation mis en place par les autorits britanniques102.

    2.2.3. La distinction dlicate entre mesures slectives et mesures gnrales

    La Cour a affin son approche dans laffaire Kimberly Clark Sopalin 103. Elle retient, comme critre fondamental, le fait que ltat ne dispose daucun pouvoir discrtionnaire dans lap-plication de la mesure, en fonction de considrations telles que le choix du bnficiaire, le

    98. CJCE, 14avril 2005, AEM, aff. C-128 et 129/03.99. CJCE, 29avril 2004, Pays-Bas c/ Commission, aff. C-159/01.100. TPICE, 4juillet 2007; Bouygues et Bouygues Telecom c/ Commission, aff. T-475/04.101. CJCE, 2avril 2009, Bouygues Telecom c/ Commission, aff. C-431/07P.102. Trib. UE, 7mars 2012, British Aggregates Association c/Commission, aff. T-210/02 RENV.103. CJCE, 26septembre 1996, Rpublique franaise c/ Commission (Kimberly Clark Sopalin), aff. C-241/94. Cette jurisprudence a t reprise notamment dans un arrt du TPICE, 6mars 2002, Diputacion Foral de Aleva c/ Commission, aff. T-127/99, la Cour considrant que ds lors quune administration dispose dun pouvoir discrtionnaire lui permet-tant de moduler le montant ou les conditions doctroi dun avantage fiscal la qualification de mesure gnrale peut tre carte.

    http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=60702&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=609134http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=49116&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=609935http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=61878&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=610354http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=73641&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=610847http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=120101&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=611047http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:61994CJ0241http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=47129&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=611352

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    montant de laide, les conditions de lintervention. En revanche, le fait que toute entreprise, quel que soit son secteur dactivit ou son lieu dimplantation, soit ligible au bnfice de la mesure, ne suffit pas viter la qualification daide, si ltat a la possibilit de refuser lintervention, mme sur le fondement de critres lgislatifs objectifs.

    Ainsi, la Cour a considr que constitue une aide au sens de larticle1071 TFUE le co-financement des mesures daccompagnement des plans sociaux labores dans le cadre dun fonds public, lorsque ltat dispose dun pouvoir discrtionnaire pour moduler son intervention.

    NB : la Commission a tenu le mme raisonnement dans une communication sur les aides fiscales104.

    2.3. Une aide affectant la concurrence

    Larticle 107 1 TFUE dclare incompatibles avec le march intrieur, les aides qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence.

    La notion daffectation de la concurrence est trs large : elle peut tre actuelle ou poten-tielle. Ainsi, peu importe quune mesure ne menace pas effectivement la concurrence, il suffit quelle soit, dans sa nature, susceptible de ltre pour que la mesure soit qualifie daide.

    Laffectation de la concurrence peut intervenir sur le march principal, comme sur les marchs connexes et drivs.

    Les restrictions de concurrence sont diverses. La prise en charge par ltat de cots in-combant, normalement, une entreprise lavantage par rapport ses concurrents di-rects105. De mme, les aides aux entreprises en difficult, qui permettent de maintenir ar-tificiellement en vie une entreprise voue la liquidation, dsorganisent le fonctionnement normal du march106.

    Lexistence dune distorsion de concurrence est, en pratique, gnralement constate lors-quune aide favorise une ou plusieurs entreprises ou productions dans un secteur ouvert la concurrence. Toutefois, la Commission est tenue de motiver sa dcision, en prcisant dans sa dcision la nature des atteintes portes la concurrence107. Le respect de cette exigence est assur par le juge108. Il incombe la Commission de prouver que les aides en cause taient susceptibles daffecter les changes entre les tats membres et de fausser la concurrence. Une motivation gnrale, fonde sur le rappel des principes issus de la jurisprudence et sur le fait que des effets sur les changes ou sur la concurrence ne sauraient tre exclus, ne rpond pas aux exigences de larticle296 TFUE.

    Si le juge europen a prcis quil nincombait pas, en principe, la Commission de dli-miter le march en cause ni danalyser sa structure ainsi que les rapports de concurrence en dcoulant109, la probabilit dune distorsion de concurrence ne doit toutefois pas tre purement hypothtique110.

    La motivation est dautant plus ncessaire que le montant du soutien est faible, ce qui rend peu probable le caractre sensible de laffectation.

    104. Cf. JOCE C 384, 10dcembre 1998 (cf. fiche 17).105. CJCE, 17septembre 1980, Philip Morris, aff. 730/79.106. Dcision 87/585/CEE Boussac, JOCE L 352, 15dcembre 1987, p.42.107. CJCE, 14 novembre 1984, Intermills, aff. 323/82 et CJCE, 13 mars 1985, Leeuwarder Papierwarenfabrik, aff.318/82.108. TPICE, 6septembre 2006, Rpublique italienne c/ Commission, aff. jointes T-304/04 et T-316/04.109. CJCE, 17septembre 1980, Philip Morris, aff. 730/79 ; Trib. UE, 15juin 2000, Alzetta, aff. jtes T-298/97, T-312/97, T-313/97, T-315/97, T-600/97 T-607/97, T-1/98, T-3/98 T-6/98 et T-23/98, pt95.110. CJCE, 24juillet 2003, Altmark Trans, aff. C-280/00, pt79.

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