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Mémoire stratégique n o 11 Avril 2016 Vaincre les superbactéries : la génomique et les politiques novatrices en matière de résistance aux antimicrobiens Préface de la rédactrice en chef Lancée en 2009, GPS : Au Carrefour de la génomique, de la politique publique et de la société est une série organisée par Génome Canada pour favoriser un dialogue entre les décideurs fédéraux et les cher- cheurs qui s’interrogent sur des questions dans lesquelles interviennent la génomique et ses aspects éthiques, environnementaux, économiques, légaux et sociaux (GE 3 LS). Les grands thèmes de la série et les sujets particuliers sont choisis en fonction de leur importance et de leur pertinence, de même que de la « maturité » du savoir sous-jacent. Ainsi, la première série a porté sur « L’information génétique » alors que dans la deuxième année, l’attention s’est tournée vers « la génomique translationnelle ». Notre troisième série, « le continuum d’innovation » élargit la discussion en plaçant le processus d’innovation dans un contexte sociétal plus large. La série de 2014-2015 porte sur la bioéconomie. Le concept de la bioéconomie englobe les activités économiques de même que les produits et services connexes qui découlent des nouvelles décou- vertes en sciences biologiques, dont la génomique. La préparation de mémoires stratégiques qui décrivent des options susceptibles de créer un équilibre entre la promotion des sciences et de la technologie d’une part, et le respect de nombreux autres facteurs qui influencent le bienêtre culturel, social et économique de notre société d’autre part, est au cœur de ces échanges. Les coauteurs des mémoires sont des chefs de file dans leur domaine à qui Génome Canada confie le mandat de résumer et de mettre en application les connaissances universitaires et les documents de poli- tique actuels dans un éventail d’options stratégiques. Les mémoires sont également inspirés des avis éclairés des commentateurs invités et d’autres experts réunis lors de séances « GPS ». Les mémoires ne sont pas un compte rendu d’opinions personnelles des auteurs ou de Génome Canada. Les auteurs n’y présentent pas qu’une seule recommandation, ils tentent plutôt d’établir des fondements avérés qui peuvent répondre à divers besoins de formulation de politiques, à un moment où les nouvelles technologies de la génomique en sciences de la vie pourraient exercer une influence déterminante sur le Canada. Natalie Brender Directrice nationale, La génomique dans la société Auteurs Rainer Engelhardt, autrefois de l’Agence de santé publique du Canada Gerard Wright, Université McMaster Sommaire Le monde risque de perdre des antibiotiques efficaces par suite de l’évolution et de la propagation de la résistance aux antimicrobiens (RAM). Les pathogènes bactériens résistants se trouvent dans plus de 250 maladies infectieuses préoccupantes au Canada. La solution à ce problème multisectoriel réside dans les études scientifiques et les politiques nationales pertinentes. Il faut de nouveaux médicaments, une utilisa- tion prudente des médicaments existants et de l’innovation pour trouver des solutions de rechange aux pratiques actuelles qui accélèrent la RAM. En raison de la force des liens de la RAM entre les humains, les animaux et dans l’environnement, l’élaboration de politiques utiles en matière de RAM doit reposer sur un paradigme « d’une seule santé » – qui relie les domaines de la santé humaine, de la santé animale et de la santé de l’environnement/de l’écosystème. Pour venir efficacement à bout de la RAM, les scientifiques et les décideurs, tout comme les utilisateurs des antimicrobiens (clini- ciens, agriculteurs, patients) et les fournisseurs du secteur privé, devront collaborer. Il faudra aussi la participation de la génomique pour comprendre l’évolution des gènes de la RAM, leur passage d’une communauté à l’autre et leur expression. Remerciements : Génome Canada tient à remercier les coauteurs Rainer Engelhardt et Gerard Wright, les commentateurs invités Bonnie Henry (agente de santé provinciale adjointe, gouvernement de la Colombie-Britannique), Stephen Hoffman (faculté de droit, Université d’Ottawa) et Craig Stephen (Réseau canadien de la santé de la faune), et tous les autres participants à l’atelier GPS qui a eu lieu le 25 novembre 2015, lors de la Conférence sur les politiques scientifiques canadiennes de 2015.

Vaincre les superbactéries : la génomique et les ...€¦ · sont pas un compte rendu d’opinions personnelles ... utilisent indifféremment « antibiotiques » et « antimicrobiens

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Mémoire stratégique no 11Avril 2016

Vaincre les superbactéries : la génomique et les politiques novatrices en matière de

résistance aux antimicrobiens

Préface de la rédactrice en chef

Lancée en 2009, GPS : Au Carrefour de la génomique, de la politique publique et de la société est une série organisée par Génome Canada pour favoriser un dialogue entre les décideurs fédéraux et les cher-cheurs qui s’interrogent sur des questions dans lesquelles interviennent la génomique et ses aspects éthiques, environnementaux, économiques, légaux et sociaux (GE3LS).

Les grands thèmes de la série et les sujets particuliers sont choisis en fonction de leur importance et de leur pertinence, de même que de la « maturité » du savoir sous-jacent. Ainsi, la première série a porté sur « L’information génétique » alors que dans la deuxième année, l’attention s’est tournée vers « la génomique translationnelle ». Notre troisième série, « le continuum d’innovation » élargit la discussion en plaçant le processus d’innovation dans un contexte sociétal plus large. La série de 2014-2015 porte sur la bioéconomie. Le concept de la bioéconomie englobe les activités économiques de même que les produits et services connexes qui découlent des nouvelles décou-vertes en sciences biologiques, dont la génomique.

La préparation de mémoires stratégiques qui décrivent des options susceptibles de créer un équilibre entre la promotion des sciences et de la technologie d’une part, et le respect de nombreux autres facteurs qui influencent le bienêtre culturel, social et économique de notre société d’autre part, est au cœur de ces échanges.

Les coauteurs des mémoires sont des chefs de file dans leur domaine à qui Génome Canada confie le mandat de résumer et de mettre en application les connaissances universitaires et les documents de poli-tique actuels dans un éventail d’options stratégiques. Les mémoires sont également inspirés des avis éclairés des commentateurs invités et d’autres experts réunis lors de séances « GPS ». Les mémoires ne sont pas un compte rendu d’opinions personnelles des auteurs ou de Génome Canada. Les auteurs n’y présentent pas qu’une seule recommandation, ils tentent plutôt d’établir des fondements avérés qui peuvent répondre à divers besoins de formulation de politiques, à un moment où les nouvelles technologies de la génomique en sciences de la vie pourraient exercer une influence déterminante sur le Canada.

Natalie Brender Directrice nationale,

La génomique dans la société

Auteurs Rainer Engelhardt, autrefois de l’Agence de santé publique du Canada Gerard Wright, Université McMaster

SommaireLe monde risque de perdre des antibiotiques efficaces par suite de l’évolution et de la propagation de la résistance aux antimicrobiens (RAM). Les pathogènes bactériens résistants se trouvent dans plus de 250 maladies infectieuses préoccupantes au Canada. La solution à ce problème multisectoriel réside dans les études scientifiques et les politiques nationales pertinentes. Il faut de nouveaux médicaments, une utilisa-tion prudente des médicaments existants et de l’innovation pour trouver des solutions de rechange aux pratiques actuelles qui accélèrent la RAM. En raison de la force des liens de la RAM entre les humains, les animaux et dans l’environnement, l’élaboration de politiques utiles en matière de RAM doit reposer sur un paradigme « d’une seule santé » – qui relie les domaines de la santé humaine, de la santé animale et de la santé de l’environnement/de l’écosystème. Pour venir efficacement à bout de la RAM, les scientifiques et les décideurs, tout comme les utilisateurs des antimicrobiens (clini-ciens, agriculteurs, patients) et les fournisseurs du secteur privé, devront collaborer. Il faudra aussi la participation de la génomique pour comprendre l’évolution des gènes de la RAM, leur passage d’une communauté à l’autre et leur expression.

Remerciements : Génome Canada tient à remercier les coauteurs Rainer Engelhardt et Gerard Wright, les commentateurs invités Bonnie Henry (agente de santé provinciale adjointe, gouvernement de la Colombie-Britannique), Stephen Hoffman (faculté de droit, Université d’Ottawa) et Craig Stephen (Réseau canadien de la santé de la faune), et tous les autres participants à l’atelier GPS qui a eu lieu le 25 novembre 2015, lors de la Conférence sur les politiques scientifiques canadiennes de 2015.

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2Vaincre les superbactéries : la génomique et les politiques novatrices en matière de résistance aux antimicrobiens Mémoire stratégique no 11

I. Contexte

Les antibiotiques facilitent la médecine moderne. Les médecins les uti-lisent non seulement pour traiter les infections, mais aussi pour tout un éventail de pratiques qui sauvent des vies et soulagent la douleur. La chimiothérapie en cancer, les interventions majeures, les greffes d’or-ganes et les prothèses articulaires dépendent toutes des antibiotiques pour lutter contre les infections. L’agriculture utilise beaucoup les anti-biotiques pour maintenir en santé les troupeaux d’animaux destinés à l’alimentation, traiter des infections qui peuvent causer des pertes écono-miques énormes et favoriser la croissance animale en élevage intensif.

Il n’est pas exagéré de penser que les antibiotiques font partie des découvertes les plus influentes du XXe siècle. Ils ont changé la société en profondeur : les infections causent maintenant moins de 5 % des décès, alors qu’avant l’arrivée des antibiotiques, dans les années 1920, elles représentaient la cause principale de mortalité (57 %) (Statistique Canada, 2015; Statistique Canada, 2014).

Nous courons toutefois aujourd’hui le danger de perdre des antibiotiques efficaces par suite de l’évolution et de la propagation de la résistance aux antimicrobiens (RAM). Les pathogènes bactériens résistants se trouvent dans plus de 250 maladies infectieuses préoccupantes au Canada. Le Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM), les Enterobacteriaceae productrices de carbapénémases (EPC) (p. ex., NDM-1, KPC); l’Enterococci résistant à la vancomycine (ERV); les espèces Salmonella multirésistantes; la tuberculose multirésistante (tuberculose MDR); la Neisseria gonorrhoeae (N. gonorrhoeae); et le Clostridium difficile (Cdiff). La presse populaire appelle souvent ces microbes les « superbactéries », en particulier parce qu’ils résistent maintenant à de nombreux antimicrobiens.

La crise de la RAM s’explique en partie par l’environnement, un réser-voir étonnamment grand de gènes de résistance aux antibiotiques. Ces gènes se sont accumulés au fil de millénaires (D’Costa et coll., 2006; D’Costa et coll., 2011) et ont été continuellement réactivés et sélec-tionnés par l’utilisation de médicaments antimicrobiens en médecine humaine et animale, de même que par les activités de l’agriculture moderne, le traitement des eaux usées et l’industrie qui libèrent des antimicrobiens dans l’environnement. Les gènes qui codent les élé-ments de résistance ne respectent pas les frontières nationales ni

même les limites biologiques traditionnelles des espèces. Au lieu de cela, un grand nombre d’entre eux sont mobiles et passent non seulement de cellules mères aux cellules filles, mais entre espèces et dans la popula-tion en général (Perry et Wright, 2013). Ce qu’il est convenu d’appeler le « résistome » – soit la totalité des gènes de résistance aux antibiotiques dans l’environnement et la clinique – est en mutation constante, minant l’efficacité à long terme de tous les antibiotiques.

Au sujet des auteurs

Rainer Engelhardt est un cadre supérieur consultant qui a récemment pris sa retraite de ses fonctions de sous-ministre adjoint et d’agent scientifique principal à l’Agence de la santé publique du Canada. Au cours de sa carrière, il a occupé les divers postes suivants : chercheur en sciences de la vie et en sciences biomédi-cales; professeur d’université; gestionnaire de grands programmes multisectoriels nationaux et internationaux en sciences et technologie; administrateur dans des conseils d’administration d’entreprise; concepteur de politiques scientifiques; expert-conseil auprès de gouvernements, de secteurs d’activité et d’organismes internationaux; et cadre supérieur dans les secteurs public et privé. Il a été chef de la direction dans des sociétés biopharmaceutiques novatrices et l’un des adminis-trateurs fondateurs de la Marine Spill Response Corporation, une entreprise d’intervention d’urgence de calibre mondial située aux États-Unis, après avoir quitté le gouvernement du Canada. Au début de sa carrière, il a été professeur

d’université au Canada (Université d’Ottawa) et au Massachusetts (SMU). Il compte plus de 150 publications à son actif, dont trois livres et plusieurs brevets.

Gerard Wright est le directeur de l’Institut de recherche sur les maladies infec-tieuses Michael G. DeGroote et professeur au département de biochimie et de sciences biomédicales de l’Université McMaster. Il est titulaire de la chaire de recherche sur les infections et les anti-infectieux et d’une chaire de recherche du Canada de niveau 1. Il est fellow de la Société royale du Canada et membre de l’American Academy of Microbiology. Il est souvent appelé à conseiller des entreprises et des organismes concernant les antibiotiques. Il est l’auteur de plus de 225 manuscrits et membre de comités de rédaction de plusieurs revues scientifiques arbitrées, dont mBio, ACS Infectious Diseases, Cell Chemical Biology et le Journal of Antibiotics.

Quelques définitions

Le domaine des antibiotiques comprend de nombreux termes dont les définitions se recoupent. Dans le présent document, les auteurs utilisent indifféremment « antibiotiques » et « antimicrobiens », notant que les « antibiotiques » désignent une classe particulière d’antimicrobiens, la plus courante et principalement axée sur les bactéries. Les « antimicrobiens » comprennent les médicaments « antibiotiques » qui tuent les microbes et d’autres produits qui agissent contre les parasites et les infections fongiques.

Antibiotiques : ce mot, attribué à Selman Waksman, le pionnier de la découverte des antibiotiques, désigne officiellement les composés produits par des micro-organismes qui inhibent la croissance d’un autre micro-organisme. Au fil du temps, cette définition a été élargie, dans la plupart des domaines, aux com-posés synthétiques, de même qu’aux substances produites par les microbes, et ils ne concernent que les composés qui agissent sur les bactéries.

Agents antimicrobiens : substances chimiques qui inhibent la croissance des microbes (p. ex., les bactéries, les champignons, les parasites). La catégorie comprend donc les antibiotiques, les antifongiques et les antiparasitaires.

Antiseptiques : substances chimiques qui inhibent la croissance des microbes, généralement par un mécanisme non spécifique d’application topique (p. ex., alcools et détergents).

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3Vaincre les superbactéries : la génomique et les politiques novatrices en matière de résistance aux antimicrobiens Mémoire stratégique no 11

Les résultats de ce phénomène peuvent être catastrophiques. Comme le montre la figure 1, selon un rapport du gouvernement du Royaume-Uni en 2014, 10 millions de personnes mourront d’ici 2050 si la RAM n’est pas enrayée, ce qui pourrait avoir des répercussions de 100 000 milliards de dollars US sur l’économie mondiale.

Figure 1

Source : Review on Antimicrobial Resistance, 2014

Même si, en général, on peut considérer que toute la population cana-dienne peut être menacée, certaines personnes courent un risque plus grand d’infections résistant aux antimicrobiens. Ce sont les personnes âgées, les enfants, les peuples autochtones et les personnes dont le sys-tème immunitaire est compromis (y compris les personnes hospitalisées en raison d’une maladie ou d’une chirurgie ou qui subissent des traite-ments courants comme patients externes, par exemple la chimiothérapie ou la dialyse). On peut se demander si la migration grandissante des peuples observée actuellement dans le monde aura des répercussions sur la dynamique de la RAM dans les pays récepteurs, y compris le Canada (Organisation mondiale de la santé, 2016).

Pourtant, malgré la menace de la RAM qui pèse sur la santé et la richesse des pays partout dans le monde et même si en milieu clinique, on a de plus en plus besoin de nouveaux médicaments antibiotiques, peu sont commercialisés. Les raisons de cette situation sont complexes, mais elles comprennent un milieu économique difficile pour les nouveaux antibiotiques, des contextes réglementaires nationaux et internationaux complexes, et finalement, des obstacles scientifiques très difficiles à surmonter. Comme il s’agit d’un enjeu multisectoriel, le problème de la RAM doit être résolu à la fois au plan scientifique et par des politiques nationales pertinentes. Pour cela, il faut de nouveaux médicaments, une utilisation prudente des médicaments existants et de l’innovation pour trouver des solutions de rechange aux pratiques courantes qui accé-lèrent la RAM.

En raison de la force des liens de la RAM entre les humains, les animaux et dans l’environnement, l’élaboration de politiques utiles en matière de RAM doit reposer sur un paradigme « d’une seule santé » – qui relie les domaines de la santé humaine, de la santé animale et de la santé de l’en-vironnement/de l’écosystème. L’approche d’« une seule santé » a évolué au cours de la dernière décennie en un paradigme reconnu mondialement et d’envergure interdisciplinaire, multidisciplinaire, intergouvernementale et internationale. Cette approche est axée sur la dynamique des inter-actions dans les interfaces des domaines. La pression internationale favorable à une approche « d’une seule santé » s’est accentuée au cours des dernières années, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Orga-nisation mondiale de la santé animale (OIE) et le G7 ayant adopté un rôle prépondérant à cet égard.

Pour venir efficacement à bout de la RAM, les scientifiques et les décideurs, tout comme les utilisateurs des antimicrobiens (cliniciens, agriculteurs, patients) et les fournisseurs du secteur privé, devront colla-borer. Une stratégie canadienne en matière de RAM doit faire intervenir les médecins, les patients, les agriculteurs, les vétérinaires et les proprié-taires d’animaux de compagnie afin de procéder de manière exhaustive à la résolution du problème. Il faut examiner les solutions de rechange aux antibiotiques, des pratiques d’hygiène bénéfiques, l’incidence sur le coût du produit ou d’autres facteurs commerciaux pertinents. Il faut en outre prévoir une stratégie de communications efficaces de l’information à chacun des secteurs visés, ainsi qu’au grand public.

Comme il s’agit peut-être du problème le plus grave du secteur des soins de santé au XXIe siècle jusqu’à maintenant, la RAM a de plus en plus retenu l’attention des organismes internationaux partout dans le monde au cours de la dernière décennie. L’OMS a demandé à tous les pays membres d’élaborer des plans d’action nationaux pour s’attaquer au problème de la RAM et de le faire en coordonnant leurs efforts à l’échelle internationale. L’Assemblée mondiale de la Santé a approuvé le Plan d’action mondial de l’OMS sur la résistance aux antibiotiques en mai 2015. En novembre 2014, le Canada a publié son cadre d’action fédéral, suivi en mars 2015 d’un Plan d’action fédéral de haut niveau sur la RAM.

La génomique doit jouer un rôle important dans la mise en œuvre fructueuse du cadre d’action fédéral sur la RAM. La résistance aux anti-microbiens découle des activités des gènes microbiens. Ces gènes sont influencés par leurs organismes hôtes, les environnements et l’énorme pression sélective exercée par les antibiotiques. En présence de taux élevés d’antibiotiques, les microbes n’ont que deux choix : s’adapter ou mourir. Le nombre impressionnant de microbes dans l’environnement (de 10 000 à 50 000 espèces différentes dans un gramme de terre) et leur adaptabilité remarquable garantissent qu’avec la sélection, les mécanismes de la résistance antibiotique émergeront. De plus, nous nous rendons de plus en plus compte que même les concentrations d’antibiotiques sublétales ont des répercussions spectaculaires à l’échelle de l’expression des gènes. Les bactéries ont également développé de multiples stratégies pour partager l’information génétique. Ces éléments génétiques mobiles se sont avérés très diversifiés, capables d’accueillir des cassettes multiples de gènes de résistance aux antibiotiques et leur capacité de distribution est fâcheusement difficile à prédire.

Tétanos60 000

Accidents de la route1,2 million

Rougeole130 000

Maladie diarrhéique1,4 million

Diabète1,5 million

Choléra100 000 – 120 000

Cancer8,2 millions

RAM en 205010 millions

RAM maintenant700 000 (estimation faible)

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4Vaincre les superbactéries : la génomique et les politiques novatrices en matière de résistance aux antimicrobiens Mémoire stratégique no 11

Équarrissage Cheptel vif Problèmes

Effluents de la ferme et épandage

du fumier

Remixage

Alimentation animale

Animaux de campagnie

Importations

Contact direct

Abattoirs commerciaux /

Usines de traitement

Eau potable Eau potable

Natation

Rivières et ruisseaux

Sol

Faune

Égouts

Mer / Lacs

Viande

Manutention, préparation,

consommation

Aquaculture

Vegétation, cultures

semencières, fruits

Vegetation Seed Crops

Fruit

Produits chimiques

antibactériens industriels et

ménagers

Animaux pour l’alimentation

Porcs

Bovins

Volaille

Autresanimaux d’élevage

Veaux

Moutons

Humains

Établissements de soins de

longue durée

Hôpitaux

Voyageurs

Collectivitésurbaines et

rurales

La compréhension de l’évolution des gènes de la RAM, de leur circulation dans des communautés et de leur expression est indispensable à la réussite du Plan d’action sur la résistance aux antimicrobiens du Canada. Une intendance fructueuse exige une profonde compréhension de la sélection de l’expression et de la mobilisation des gènes de la RAM. Une surveillance attentive de la RAM dépend de diagnostics rapides, des progrès du séquençage du génome et des outils de la bio-informatique pour identifier et étudier les gènes. En dernier lieu, les plateformes génomiques sont essentielles au développement de nouveaux antibio-tiques de solutions de rechange à ces derniers qui peuvent être moins sujets à la résistance.

Le présent rapport a pour objectif de décrire les enjeux liés à la RAM dans le contexte des trois domaines d’intérêt du Plan d’action – la sur-veillance, l’intendance et l’innovation – et de fournir des options qui orienteront la politique mise en place pour contre la RAM. Le rôle des sciences et de l’expertise génomiques, en particulier, est souligné, car ce domaine d’expertise scientifique doit être mis à profit pour atteindre le but commun de préserver les progrès dont nous avons bénéficié à l’ère des antibiotiques.

II. Enjeux

Le Plan d’action sur la résistance aux antimicrobiens du Canada est fondé sur trois domaines clés auxquels il faut s’attarder, selon les enquêteurs de la santé publique de partout dans le monde : la surveillance, l’inten-dance et l’innovation. La génomique est indispensable à la réussite dans chacun de ces domaines.

1. Surveillance

L’efficacité de la surveillance d’un phénomène mondial comme la RAM exige un accès libre aux données dans les secteurs public et privé, de même qu’entre les instances nationales et internationales. La compré-hension et le catalogage de la diversité et des mécanismes des éléments de résistance existants et circulant dans les pathogènes dans les réser-voirs humains et animaux sont indispensables à la gestion du risque de la RAM [voir la Figure 2]. Nous devons comprendre les mécanismes par lesquels ce réservoir mondial complexe engendre de nouvelles résis-tances dans les bactéries pathogènes pour élaborer des pratiques et des politiques qui réduiront au minimum la mobilisation des gènes.

On connaît très peu l’action réciproque complexe des gènes de résistance se trouvant dans les bactéries non pathogènes dans l’environnement ni leur potentiel de captation par les pathogènes. La plupart des gènes de la RAM sur les éléments mobiles proviennent probablement de ces bactéries non pathogènes parce que la résistance est omniprésente et séculaire dans ce groupe. La figure 3 ci-dessous présente un modèle conceptuel des voies environnementales qui peuvent causer un risque accru d’infec-tion humaine et animale par suite de bactéries résistant aux antibiotiques.

Le Canada ne dispose pas actuellement d’une surveillance bien coor-donnée des pathogènes chez les humains et les animaux et de leurs profils connexes de RAM. Le fédéralisme canadien et les responsabili-tés pertinentes réparties entre les provinces et les territoires dans ce domaine compliquent la coordination nationale. Il ne semble pas exis-ter de politique prévoyant la collaboration du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux et territoriaux en matière de RAM. Il en

Figure 2 : Voies complexes de l’exposition à la RAM

Source : Santé Canada, 2003

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5Vaincre les superbactéries : la génomique et les politiques novatrices en matière de résistance aux antimicrobiens Mémoire stratégique no 11

résulte une mosaïque d’études spéciales qui ne tirent pas profit d’une concertation exhaustive.

Il n’y a pas non plus de coordination avec d’autres gouvernements et nos partenaires commerciaux pour intégrer les données de divers endroits en un réseau international de surveillance de la RAM. Le plan d’action mondial de l’OMS sur la résistance aux antibiotiques prévoit la collaboration internationale, y compris la surveillance. À la fin de 2015, l’OMS a inauguré un programme visant à appuyer l’élaboration de plans nationaux sur la RAM dans tous ses États membres, facilitée par la prestation de conseils d’un groupe concerté d’experts contractuels mis à la disposition des pays qui en avaient besoin. Une autre initiative internationale récente, le Global Health Security Agenda, inaugurée en 2014 et à laquelle participe actuellement 60 pays, a fait de la RAM l’une de ses priorités d’action (Déclaration de Séoul, 2015).

La collaboration internationale s’impose de plus en plus, compte tenu des économies qui émergent rapidement, par exemple la Chine et l’Inde, où il existe très peu de contrôles efficaces de l’utilisation des antibio-tiques et par conséquent, où s’exercent plus fortement les pressions sélectives qui entretiennent et accentuent la RAM. La menace du gène de résistance aux antibiotiques, NDM-1, montre la nécessité de colla-borer dans le domaine de la surveillance [voir l’encadré ci-contre].

Le monde est véritablement un village planétaire du point de vue des pathogènes résistants aux médicaments, car le commerce et les trans-ports modernes permettent aux microbes et à leurs gènes de résistance de voyager dans le monde en quelques jours, voire en quelques heures. La propagation mondiale des entérobactériacées résistant aux médicaments

Gènes de résistance auxantibiotiques (GRA)

Antibiotique

Résidus de cosélection(biocides, métaux)

Développement et accentuation de BRAp

Échec du traitement chez les patients

Développement debactéries résistant aux

antibiotiques dansl’environnement (BRAe)

Développement debactéries pathogènes

résistant auxantibiotiques (BRAp)

1. Absorption par les bactéries dans l’environnement ou une mutation génique in situ

ou2. Pression sélective sur les bactéries dans l’environnement

3. Absorption, mutation et transmission horizontale de gènes (THG) par des humains

4. THG et mutation dans l’environnement

5. Absorption, mutation et transmission horizontale de gènes (THG) par les espèces animales cibles

6. Exposition des humains et infection subséquente

7. Transmission de BRAp entre les humains et les espèces animales cibles

8. Exposition des espèces animales cibles et infection subséquente

Un bref historique de la NDM-1

Le gène de résistance aux antibiotiques NDM-1 est devenu un problème de santé mondiale grave. Il confère la résistance à la pénicilline, à la céphalosporine et aux antibiotiques de la famille des carbapénèmes qui sont les principaux produits des thérapies antibiotiques dans la communauté et les hôpitaux. De plus, NDM-1 se trouve sur des éléments génétiques qui contiennent toujours des gènes qui confèrent la résistance à de nombreuses autres classes d’antibiotiques, ce qui fait que les bactéries qui captent NDM-1 sont invariablement multirésistantes, souvent à tous les médicaments disponibles. La première déclaration de NDM-1, en 2009, provenait d’une souche de Klebsiella pneumo-niae isolée chez un patient en Suède qui avait peu de temps avant été hospitalisé à New Delhi, en Inde. Par convention, le nouveau gène a été nommé selon la ville d’origine et sa fonction biochimique (New Delhi métallo-bêta-lactamase) et numéroté « 1 » parce qu’il était le premier de son genre.

Depuis 2009, le gène NDM s’est propagé à de nombreuses autres bactéries pathogènes (y compris Pseudomonas, E. coli et Acinetobacter) et s’est répandu dans des douzaines de pays dans le monde. Il est également répandu dans l’environnement et l’approvisionnement en eau en Inde et au Pakistan, ce qui contribue à sa propagation. Les Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis ont classé le NDM contenant des bactéries entériques comme une « menace urgente », leur niveau le plus élevé de préoccupation relativement à la résistance aux antibiotiques.

Figure 3

Source : Ashbolt et coll., 2013

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6Vaincre les superbactéries : la génomique et les politiques novatrices en matière de résistance aux antimicrobiens Mémoire stratégique no 11

illustre cette situation, en particulier celles qui portent le gène KPC qui confère la résistance à la pénicilline, à la céphalosporine et aux antibio-tiques de la famille des carbapénèmes (Nordmann et coll., 2011 et figure 4).

Le gène MCR-1 est une autre préoccupation suscitée par l’évolution pla-nétaire de la RAM et son lien avec les pratiques agricoles. Ce gène est lié à la résistance à l’antibiotique colistine, un des derniers antibiotiques de dernier recours à usage humain (Yang, 2016). Déclaré initialement par des chercheurs chinois en 2015, MCR-1 a depuis été trouvé (au moyen de la surveillance mondiale ciblée) dans E. coli dans le bétail, les pro-duits de la viande et chez des patients humains, y compris un patient canadien qui a probablement été infecté à l’extérieur du pays. Le gène MCR-1 est facilement partagé par d’autres microbes, ce qui crée une gamme potentiellement étendue de pathogènes résistant à la colistine. L’utilisation de la colistine et d’autres antibiotiques à base de polymyxine dans la production de bétail est toutefois répandue et à la hausse. Comme des souches bactériennes contiennent maintenant à la fois le gène MCR-1 et des carbapénémases, nous sommes indéniablement entrés dans l’ère postantibiotique.

La surveillance doit utiliser les données génomiques et métagénomiques sur les bactéries qu’il est de plus en plus facile d’obtenir en utilisant les infrastructures de séquençage de la nouvelle génération. Il faut surveiller ces données pour suivre et modéliser les éclosions et déterminer les nouveaux points d’entrée de nouveaux pathogènes et des gènes connexes de la RAM. Les relevés des éléments de résistance dans les bactéries non pathogènes dans l’environnement peuvent servir d’alerte rapide si de nouveaux gènes émergent dans des pathogènes.

Des banques centrales bien financées de données moléculaires de la RAM et des outils bio-informatiques pour interroger les données de séquençage de ces banques sont indispensables à la réussite de ces relevés génomiques. Des initiatives locales au Canada ont mené à la création de la Comprehensive Antibiotic Resistance Database (CARD), consultée par des chercheurs et des clients du monde entier (Université McMaster, sans date). Ces ressources ne disposent pas, toutefois, d’un financement réservé et ne sont pas bien intégrées aux efforts interna-tionaux faits dans d’autres secteurs (p. ex., les initiatives de la GenBank qui visent à canaliser et à analyser l’information génétique pour venir à bout de l’existence et du risque de la RAM) (National Center for Biotechnology Information, 2015).

A) Répartition géographique mondiale des producteurs de Klebsiella pneumoniae carbapénémase (KPC). Les zones colorées indiquent les régions séparément : B) répartition aux États-Unis; C) répartition en Europe; D) répartition en Chine

Isolats uniques producteurs de KPC

Plusieurs éclosions d'isolats producteurs de KPC

Endémicité d'isolats producteurs de KPC

Portugal

Espagne

France

Irlande

Royaume-Uni

Belgique

Pays-Bas

Danemark Norway

Suède

É.-U.

Canada

Porto Rico

Israêl

Inde

Taiwan

Corée du Sud

Colombie Brésil

Argentine

Finlande

Allemagne

Pologne

Suisse

Hongrie

Italie

Grèce

Jiangsu

Shangai

Zhejiang

Hong Kong

A B

CD

Figure 4

Source : Nordmann et coll., 2011

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7Vaincre les superbactéries : la génomique et les politiques novatrices en matière de résistance aux antimicrobiens Mémoire stratégique no 11

2. Intendance

La prescription « du bon antibiotique contre la bonne infection » – c’est-à-dire cibler très précisément les antibiotiques en fonction d’un organisme infectieux identifié – atténue la pression sélective qui favorise l’émer-gence et l’installation d’une RAM. La surutilisation des antibiotiques contribue considérablement au maintien de la RAM dans les populations bactériennes et à la clinique de santé humaine.

Les taux d’utilisation des antimicrobiens en agriculture sont probablement encore supérieurs, particulièrement dans les régions du monde pauvres en ressources où les antibiotiques sont abondants et peu coûteux. Au Canada et aux États-Unis, la pratique agricole a représenté, au cours des dernières années, environ 80 % de toutes les utilisations d’antibiotiques (Agence de la santé publique du Canada, 2007; Martin et coll., 2015). Au Canada, « l’importation à des fins propres » des antimicrobiens (situation dans laquelle une personne peut importer ces médicaments sans ordon-nance, souvent par Internet), de même que l’utilisation hors indication des antimicrobiens en santé animale (p. ex., pour des indications concernant des maladies autres que celles qui sont définies par le registre du médi-cament) viennent compliquer le problème.

L’utilisation des antibiotiques dans l’élevage et les soins des animaux destinés à l’alimentation varie d’un pays à l’autre dans le monde. Le Canada semble être un consommateur modéré d’antimicrobiens pour le bétail, mais d’après les prévisions, la consommation mondiale va aug-menter globalement de 67 % entre 2010 et 2030, presque doubler au Brésil, en Russie, en Inde, en Chine et en Afrique du Sud (Van Boeckel et coll., 2015). Cette augmentation s’explique probablement par la crois-sance de la demande des consommateurs pour les produits de l’élevage dans les pays à revenu moyen et à une transition vers les grandes exploitations agricoles où les antimicrobiens sont couramment utilisés.

Les faits probants sont de plus en plus nombreux à faire le lien entre la RAM dans les pathogènes humains et la sélection préalable en agricul-ture par suite de l’utilisation d’antibiotiques identiques ou similaires dans ce secteur. Même l’utilisation de solutions de rechange aux anti-biotiques (p. ex. le zinc) engendre des éléments de résistance mobiles qui comprennent des gènes de résistance aux médicaments utilisés en médecine humaine (Seiler et coll., 2012). Les moteurs économiques de ces pratiques sont complexes, et dans de nombreux pays, ne sont pas

assujettis à une réglementation ou à un examen rigoureux. Le problème est exacerbé par la mondialisation grandissante qui fait facilement tran-siter les produits agricoles au-delà des frontières.

Il faut aussi examiner la culture des prescripteurs (vétérinaires et méde-cins). De nombreux professionnels de la santé peuvent prescrire des antibiotiques, quelles que soient leur expérience ou leurs connaissances de la lutte anti-infectieuse et de la RAM. Les attentes des patients et des propriétaires d’animaux pour qui les antibiotiques représentent la pre-mière intervention à toute maladie engendrent une prescription excessive et une « tragédie des biens communs » dans laquelle des décisions indivi-duelles épuisent une ressource de valeur pour la société en général. De nouvelles pratiques de gestion animale, visant à éviter les infections et la propagation des pathogènes, contribueraient aussi à réduire la nécessité de recourir aux antibiotiques, et de là, à la propagation de la RAM.

Pour être fructueux, les efforts d’intendance exigent un diagnostic fiable et sensible pour lequel les technologies génomiques sont les plus utiles. La capacité de fournir rapidement des résultats précis est une exigence fondamentale des diagnostics efficaces, pas seulement pour connaître les organismes à la base de la maladie infectieuse, mais aussi leurs caracté-ristiques de RAM. Il existe à cet égard, des lacunes dans les connaissances et un besoin d’innovation et de marchés. Les prix arrondis en agriculture (c.-à-d. les faibles marges bénéficiaires typiques de la production animale et végétale) rendent difficile le recours à des diagnostics coûteux ou qui exigent une expertise ou du matériel de laboratoire spécialisé; pour cette raison, des diagnostics simples sur papier auraient un pouvoir transfor-mateur parce qu’ils diminueraient l’utilisation inutile d’antibiotiques et amoindriraient de ce fait la pression sélective de la RAM.

Jusqu’à tout récemment, il n’y avait pas d’effort centralisé pour faire valoir le programme d’intendance au Canada. Cette situation a changé en 2015 lorsque l’Agence de santé publique du Canada a reçu le man-dat de diriger les efforts fédéraux interministériels en matière de RAM, d’élaborer et de mettre en œuvre un programme basé sur une politique horizontale en la matière qui intègre la base des connaissances scien-tifiques aux préoccupations de nature stratégique.

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3. Innovation

La crise de la RAM exigera de nouveaux antibiotiques et de nouveaux adjuvants aux antibiotiques (composés qui potentialisent les antibio-tiques et/ou inhibent la résistance), des solutions de rechange aux antibiotiques (p. ex., les probiotiques, les prébiotiques, les produits bactériophages), des vaccins et de nouvelles pratiques. Les techniques et les connaissances génomiques sont au cœur d’un grand nombre de ces efforts, tant aux étapes de la découverte et du développement que de celles du déploiement et de l’évaluation des efforts de surveillance.

Le secteur pharmaceutique peine à mettre au point de nouveaux médi-caments antibiotiques. Ce secteur qui, depuis toujours, a été la source de nouveaux médicaments antimicrobiens pour pallier la RAM, a quitté le domaine pour des raisons scientifiques/techniques, réglementaires et financières au cours de la dernière décennie. (L’une de ces raisons – et non la moindre – est l’utilisation de courte durée de tout nouvel antibiotique parce que la résistance survient rapidement.) Il n’y a actuellement aucune grande société pharmaceutique qui mène des

recherches de découverte sur de nouveaux antibiotiques et qui pos-sède des programmes internes de recherche-développement au Canada. Elles sont en outre très peu nombreuses dans le monde.

Une grande partie du fardeau de la découverte et du développement est passée aux petites et moyennes entreprises de biotechnologie en Europe et aux États-Unis où les grandes sociétés pharmaceutiques tendent à acheter les innovations fructueuses. Au Canada, toutefois, l’absence d’un solide secteur de recherche-développement en biotech-nologie et d’une culture connexe d’investissement a fait en sorte que la RAM n’intéresse pas l’entrepreneuriat en recherche et les investis-sements de capitaux de risque.

Le milieu universitaire a fait preuve de beaucoup d’innovation pour résoudre la RAM. Au Canada, les investissements par le truchement des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), ainsi que d’autres organismes semblables dans d’autres pays, ont permis d’innover en recherche sur la RAM, axée sur le domaine préclinique.

Thérapies antimicrobiennes actuelles et potentielles

Au cours du siècle dernier, le traitement et la lutte contre les infections en médecine et en agriculture ont utilisé l’hygiène, les vaccins et les agents antimicrobiens. À l’avenir, l’hygiène (y compris l’accès à de l’eau propre et de bonnes conditions sanitaires) demeure le mécanisme le plus rentable pour prévenir les infections et les combattre. L’hygiène ne coûte pas très cher, mais offre d’immenses avantages. De nombreuses régions du monde n’ont toujours pas accès à des conditions hygiéniques, ce qui les incite à utiliser d’autres stratégies comme les antibiotiques, ce qui accélère la résistance.

Les vaccins demeurent la meilleure solution pour prévenir la maladie et lutter contre la propagation des éclosions. En prévenant en premier lieu l’infection, la maladie est maîtrisée et peut même être éradiquée (p. ex., la variole). Il existe des vaccins très efficaces contre les infections cou-rantes; il est cependant difficile de préparer des vaccins efficaces contre tous les agents infectieux. Par exemple, malgré plus d’un siècle d’efforts, il n’existe aucun vaccin efficace contre la tuberculose; pour cette raison, des dizaines de millions de personnes demeurent infectées et plus de 1,3 million d’entre elles meurent annuellement. Il est absolument et désespérément nécessaire de poursuivre les efforts pour mettre au point des vaccins et les améliorer.

Les antibiotiques demeurent la thérapie la plus efficace pour traiter les infections actives. Les antibiotiques sont de petites molécules produites par les microbes ou dans un laboratoire par des chimistes, qui inhibent la croissance des bactéries. L’augmentation de la résistance nuit grande-ment à l’efficacité de ces médicaments. Il s’est avéré très difficile pour le secteur pharmaceutique de mettre au point de nouveaux antibiotiques et de nombreuses sociétés ont cessé la production active de ces médicaments. Pour cette raison, il existe un fossé grandissant en innovation relativement à la découverte et au développement des antibiotiques.

Les adjuvants aux antibiotiques sont des molécules qui peuvent être utilisées pour prolonger la vie utile des antibiotiques existants. Ces adjuvants bloquent directement la résistance ou augmentent autrement le potentiel des antibiotiques. Ajoutées aux antibiotiques, des versions de ces médicaments combinés sont utilisées depuis deux décennies. Il existe de grandes possibilités d’étendre ce domaine de recherche pour trouver d’autres combinaisons qui préserveront les antibiotiques existants.

De nouvelles stratégiques de lutte aux antimicrobiens comprennent l’utilisation des bactériophages (virus qui infectent les bactéries) pour éra-diquer les bactéries pathogènes; l’identification de médicaments qui ne tuent pas les bactéries, mais qui préviennent plutôt les infections (antivirulence); les thérapies qui stimulent la réponse immunitaire de l’hôte, de même que les probiotiques et les prébiotiques qui modifient le microbiome de l’hôte (collection de microbes qui vivent dans et sur les animaux et les humains) pour améliorer la santé et la réponse immuni-taire. Toutes ces stratégies exigent une évaluation rigoureuse, fondée sur des faits probants, mais les efforts initiaux sont prometteurs et pourraient aboutir à des solutions de rechange qui ne favorisent pas la résistance aux antibiotiques.

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Il a cependant été difficile de faire passer ces découvertes du laboratoire à l’utilisation clinique, en raison de ce qu’on appelle la « vallée de la mort » des entrepreneurs qui ont besoin d’investissements extérieurs considérables pour éliminer le risque de la mise au point de médica-ments candidats et de diagnostics prometteurs. D’autres pays ont adopté des solutions pour surmonter cet obstacle (p. ex., le National Institute of Allergy and Infectious Diseases [NIAID] des États-Unis, avec sa plateforme de services précliniques). Au Canada, des partenariats public-privé pour les progrès en matière de RAM ont été difficiles à trouver. Le Conseil national de recherches a le mandat renouvelé d’ai-der à faire le pont entre la découverte et la commercialisation et devrait pouvoir contribuer à l’innovation en matière de RAM en tirant profit de son expérience approfondie en microbiologie, en génétique et en déve-loppement de médicaments, mais il ne sera pas facile d’acquérir des compétences ou une masse critique dans ce domaine.

III. Contexte sur le plan de la politique

La RAM est un « vilain » problème de santé publique en raison de ses aspects biologiques complexes, des échecs chroniques du système et des politiques. L’une des plus grandes difficultés est l’absence de coor-dination entre de nombreux secteurs et acteurs qui ne collaborent pas facilement au Canada. Le temps est propice à la mise au point de poli-tiques canadiennes coordonnées à l’échelle nationale en matière de RAM afin qu’y participent les 13 systèmes de santé provinciaux et territoriaux du pays, de même que le système de santé administré à l’échelle fédérale pour les Inuits et les Premières Nations du Canada et ce qu’on appelle la « population fédérale », dont les forces armées. Cette coordination doit s’étendre au secteur de la santé publique vétérinaire dans toutes les provinces et territoires du pays.

L’approche nationale canadienne souhaitée devrait idéalement corres-pondre aux efforts internationaux qui se font jour dans plusieurs secteurs mondiaux en réponse à la crise de la RAM. Ces secteurs comprennent les organismes internationaux comme l’OMS (qui a publié un plan d’action mondial sur la RAM); des initiatives internationales comme le Global Health Security Agenda (GHSA), les récentes déclarations sur la RAM des pays du G7, de même que les recommandations de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (Cecchini, 2015). Des cadres stratégiques visant à résoudre le problème de la RAM ont été annoncés par les principaux partenaires commerciaux tels que l’Union européenne (Union européenne, 2016), les États-Unis (Maison Blanche 2014a, 2014b; Centers for Disease Control and Prevention, 2015), le Royaume-Uni (gouvernement du Royaume-Uni, 2013), l’Aus-tralie (gouvernement de l’Australie, 2015) et d’autres pays encore. Les États-Unis ont adopté une loi intitulée Generating Antibiotic Incentives Now (GAIN) Act pour officialiser les mesures de lutte contre la RAM; cette loi encourage les investissements dans la mise au point d’antimicrobiens et donne comme consigne aux décideurs (par exemple, la Food and Drug Administration) d’harmoniser leur réglementation avec le besoin clinique de nouveaux médicaments. Ces initiatives sont financées par des bail-leurs de fonds tels que la Gates Foundation, le Welcome Trust, les National Institutes of Health (NIH) des États-Unis et au Canada, par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC).

En 2015, le gouvernement fédéral canadien a publié son plan d’action sur la résistance et le recours aux antimicrobiens qui prévoit un cadre de haut niveau pour l’élaboration de politiques et de mesures. Aucun programme détaillé visant sa mise en œuvre ni de programme spécifique en géno-mique lié à ce plan d’action n’a encore été rendu public, même si les études génomiques auront un rôle prédominant à jouer dans les solutions à la crise de la RAM. Dans le cadre fédéral, il y a récemment eu des efforts pour mettre au point une initiative de R-D en génomique (IRDG) commune, dirigée par le Conseil national de recherches et regroupant les ministères et organismes pertinents du gouvernement fédéral (c.-à-d. l’Agence de santé publique du Canada, Agriculture et Agroalimentaire Canada, l’Agence canadienne d’inspection des aliments et Environnement Canada, qui tous ont des responsabilités soumises aux répercussions de la RAM). Ces efforts doivent être liés à ceux des organismes provinciaux et des organismes à l’extérieur du secteur public pour mettre en place un programme canadien exhaustif en matière de RAM.

L’intégration dans les secteurs de la santé et de l’agriculture est tout par-ticulièrement importante, car seule une approche « d’une seule santé » peut correctement venir à bout de la crise de la RAM. L’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) a fait de la RAM une priorité pour ses États membres (Organisation mondiale de la santé animale, 2015). Au Canada, l’Association canadienne des médecins vétérinaires a publié un énoncé de position et des documents d’aide sur l’utilisation prudente des antimicrobiens dans la production animale et pour les animaux de compagnie (Association canadienne des médecins vétérinaires, 2016). Le secteur canadien de la production animale s’attaque aussi à la question, comme l’a montré un rapport d’enquête sur la RAM, publié en 2012 par le Conseil national sur la santé et le bien-être des animaux d’élevage (Conseil NSBEAE, 2012). Le secteur recueille de l’information et élabore des politiques sur la RAM et l’utilisation des antimicrobiens qui peuvent être acceptées par ses membres.

IV. Options stratégiques

La surveillance est un élément clé de la solution à la RAM. Il faut abso-lument réunir des données complètes pour surveiller le flux des gènes de la RAM en temps réel dans des réservoirs microbiens et entre eux, partout au pays et sur la planète, dans chacun des secteurs de la santé humaine, de la santé et de la production animales. Cette surveillance exige la coopération des réseaux provinciaux en santé et en agriculture et des autorités fédérales afin de mettre en commun les données et de partager l’information et le matériel (p. ex., les souches bactériennes et les données de séquençage des gènes) d’une manière simple, harmo-nieuse et opportune. L’Agence canadienne d’inspection des aliments devrait de toute évidence faire de la surveillance de la RAM une priorité « de la ferme à la table », garantissant ainsi que la surveillance de la RAM est mise en œuvre tout au long de la chaîne de valeur de la pro-duction alimentaire, du producteur au consommateur.

A) Surveillance

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Le Canada devrait s’associer à des organismes internationaux pour recueillir et partager des données afin de surveiller les vagues mon-diales de RAM, d’après les modèles de mouvement des gènes et des pathogènes. L’intégration des données de la RAM au mouvement des marchandises (y compris les animaux et les produits animaux) et des personnes permettraient d’élaborer des lignes directrices sur l’évalua-tion des risques fondée sur des faits qui pourront ensuite servir à élaborer de nouvelles stratégies d’orientation.

Des résultats récents donnent à penser que la surveillance de la RAM devrait s’appliquer aussi aux animaux de compagnie chez qui on constate de plus en plus des augmentations de la résistance aux antimicrobiens qui s’apparentent à celles qu’on observe chez les humains et qui peuvent constituer un réservoir additionnel. La surveillance doit aussi porter sur l’ampleur et les modèles de l’utilisation des antimicrobiens chez les ani-maux de compagnie, y compris l’utilisation en cascade d’antimicrobiens (en particulier les antimicrobiens également autorisés pour les humains).

Un nouveau Système canadien de surveillance de la résistance aux antimicrobiens (SCSRA), dirigé par le gouvernement fédéral, combinera les systèmes existants de surveillance des humains et des animaux mis en place par les gouvernements, au cours de sa phase initiale de mise en œuvre. Ensuite, il intégrera également les données sur la RAM dans l’environnement en une approche globale « d’une seule santé ». Le SCSRA sera perpétuel et adaptable aux besoins rapidement chan-geants de la surveillance, et nécessaire pour suivre l’évolution de la RAM et l’utilisation des antimicrobiens. Il établira également des cibles nationales et des mesures du rendement.

La surveillance de la RAM doit adopter un point de vue génomique, ce qui nécessite des investissements dans des plateformes et des outils de bio-informatique cohésifs à l’échelle mondiale ou à source libre pour faciliter le partage des données. Pour que cette plateforme de surveillance générale puisse évoluer, le Canada doit se doter d’experts formés à la fois en bio-informatique et en génomique.

L’intendance préserve nos médicaments existants, nous permet de protéger ces ressources précieuses et d’en assurer l’utilisation durable le plus longtemps possible. Les professionnels de la santé, qu’ils soient médecins, cliniciens ou vétérinaires, de même que les naturopathes, les agriculteurs et la population canadienne en général doivent adopter le principe d’intendance. Les politiques d’intendance doivent être fon-dées sur la formule des « bons médicaments pour les bons microbes » afin d’éliminer la prescription peu appropriée d’antibiotiques dans les secteurs de la santé et de l’agriculture. Pour réussir, il faudra la colla-boration d’intervenants comme l’Association médicale canadienne, l’Association canadienne des médecins vétérinaires, le secteur privé, les milieux universitaires, y compris les programmes dans les écoles médicales et vétérinaires, ainsi qu’une communication essentielle avec les patients, les clients, les consommateurs et le grand public.

Si des pratiques et des incitatifs fondés sur des faits pour des pratiques agricoles « exemptes d’antibiotiques » sont adoptés, il deviendra moins nécessaire de recourir aux antibiotiques et, par conséquent, on diminuera

la pression sélective de la RAM. Des pratiques agricoles sanitaires sont mises en œuvre dans quelques pays, ce qui montre qu’il est possible de réduire considérablement l’utilisation des antimicrobiens pour l’hygiène en utilisant une infrastructure et des politiques appropriées, sans que les agriculteurs n’aient à en porter un fardeau économique.

Peu après sa découverte de la pénicilline en 1928, Alexander Fleming a dit qu’il s’attendait à de la résistance à cet antibiotique, ce qui s’est effectivement produit, comme pour tous les autres antibiotiques qui ont suivi. Aujourd’hui, la crise de la RAM exige des investissements mondiaux imposants pour mettre au point de nouveaux médicaments, préserver les vieux médicaments et trouver des solutions de rechange aux antibiotiques. Il faut de nouveaux diagnostics, dont des tests au chevet du patient qui peuvent accélérer le diagnostic de l’infection et faciliter un traitement hâtif efficace, et alimenter en même temps une base de données nationale et internationale de la surveillance de la RAM. Les possibilités sont nombreuses pour des investissements publics et des investissements public-privé de grande envergure qui stimuleront l’innovation tant dans les milieux universitaires que dans les petites et moyennes entreprises de biotechnologie.

Les partenariats public-privé comme le programme « New Drugs for Bad Bugs » de l’Innovative Medicines Initiative d’Europe (Innovative Medicines Initiative, 2010) visent à stimuler la recherche universitaire sur la découverte de médicaments concernant la RAM et à rapprocher les médicaments candidats de la commercialisation. Les efforts des National Institutes of Health des États-Unis pour atténuer les risques des découvertes universitaires par des conseils experts et l’accès à des services précliniques d’avant-garde sont également prometteurs. Au Royaume-Uni, le Longitude Prize a été créé pour récompenser les progrès liés aux diagnostics aux points de service en RAM; et aux États-Unis, le président Obama a proposé des prix semblables pour stimuler les efforts en matière de diagnostics sensibles.

Ces efforts qui visent à accélérer la création de nouvelles options de lutte contre la RAM peuvent exiger des modifications aux politiques réglementaires sur l’élaboration de nouveaux médicaments et de nou-velles pratiques. L’European Medical Authority et la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis ouvrent la voie en modifiant les règlements sur les approbations de nouveaux médicaments. Combinés à des politiques qui modifient les règles d’exclusivité commerciale pour encourager le développement dans le secteur privé, ces efforts ont déjà des répercussions : l’approbation récemment accélérée par la FDA du nouvel antibiotique Avicaz, avec seulement les données des essais cliniques de la Phase II, en est un exemple.

Les efforts stratégiques du Canada pour encourager la mise au point de nouveaux médicaments antibiotiques tardent par rapport à d’autres pays. Le Canada doit systématiquement cibler les obstacles à la recherche-développement en matière de RAM et les éliminer, et prendre des mesures pour stimuler l’innovation et le développement dans les sec-teurs nationaux de la biotechnologie et de la production pharmaceutique.

B) Intendance

C) Innovation

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V. Mise en œuvre et perspectives futures

Même s’il existe déjà de nombreuses initiatives dans les trois domaines de la surveillance, de l’intendance et de l’innovation au Canada, ces dernières doivent être adoptées par les provinces et les territoires pour permettre la coordination et des progrès plus rapides et économiques. Par exemple, des méthodes avérées comme le programme de sensibili-sation communautaire « Do Bugs Need Drugs » de l’Alberta et de la Colombie-Britannique pourraient être adaptées et étendues à d’autres provinces et territoires (Alberta Health Services, 2016). Un réseau des réseaux pourrait appuyer chacun des segments des différentes instances et des différents secteurs qui garderaient leur indépendance dans la prise de décisions, mais qui créeraient un « tout plus grand que l’ensemble de leurs parties » par l’information et le partage des coûts, de même que des approches harmonisées en sciences et en élaboration des politiques.

En plus des aspects biologiques et cliniques du programme de la RAM, le Canada et le monde doivent également examiner les aspects écono-

miques et politiques de l’inaction. La RAM nécessite une stratégie scientifique pour une action mondiale collective. Par exemple, l’entente internationale sur l’utilisation des antibiotiques pour le bétail s’impose pour établir des règles mondiales et par voie de conséquence, un contexte concurrentiel équilibré pour les producteurs. Il faut un enga-gement véritable avec les secteurs industriels tels que les sociétés pharmaceutiques, les éleveurs et la technologie de l’information.

Les réussites des mégaprojets internationaux tels que la Station spatiale internationale et le Projet du génome humain montrent que la science peut être mise à profit et financée pour résoudre un grave problème d’importance mondiale. Il se pourrait bien que la crise de la RAM soit encore plus complexe que les problèmes précédents. Un vaste engage-ment envers la collaboration en sciences et en élaboration des politiques s’impose pour enrayer cette crise et les sciences génomiques sont indis-pensables dans ce contexte.

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