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© 2006 by Kimberly Raye Groff. © 2009, Editions Fleuve Noir, département d’Univers Poche, pour la traduction française. Vamp in Love Kimberly RAYE ISBN : 978-2-265-08756-9 378 pages Prix : 14.90 € 1 Pour celles et ceux d’entre vous qui ne me connaissent pas encore, je me présente : Comtesse Lilliana Arabella Guinevere du Marchette (oui, oui, je sais…), mais mes amies m’appellent Lil. Franchement, on se demande où mes parents avaient la tête. L’existence d’une vampire de cinq cents ans, célibataire et au chômage n’est-elle pas déjà, à notre époque, bien compliquée, sans s’encombrer par-dessus le marché d’un nom prétentieux et ringard, impossible à caser sur un formulaire de demande de carte Visa ? Vous parlez d’une autre croix à porter ! (Oups ! Choix de terme malheureux. Au temps pour moi.) En deux mots, je dirais que la vie n’épargne rien aux femmes, et que la mort ne leur promet guère mieux. On attend vraiment beaucoup de nous : on doit rivaliser avec l’image de Barbie – silhouette de rêve, chevelure irréprochable, vêtements à l’avenant, canines parfaites – et se transformer en amante passionnée à la nuit tombée mais aussi procréer, et chasser pour nourrir la famille, et veiller à ce que la petite Morticia ne dessine pas sur les murs et que le bébé Vlad n’avale pas les yeux de sa poupée Comte Dracula… Vous parlez d’un stress. Pour une vampire émérite, s’entend. Pour ma part, comme voilà un bon siècle que je n’ai pas eu de prétendant présentable, ni – loin s’en faut – trouvé celui qui me fera m’écrier « le Comte est bon ! », ma vie est plus simple. Notez bien que je dis plus simple et non pas « plus solitaire ». Car je ne souffre pas – j’insiste – de solitude. Je suis une vampirette célibataire, sexy, branchée et dotée d’un indéniable flair en matière d’accessoires. J’ai plusieurs amies absolument savoureuses – au sens

Vamp in love S1

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Vamp in love Saison 1

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© 2006 by Kimberly Raye Groff. © 2009, Editions Fleuve Noir, département d’Univers Poche,

pour la traduction française.

Vamp in Love

Kimberly RAYE

ISBN : 978-2-265-08756-9

378 pages

Prix : 14.90 €

1

Pour celles et ceux d’entre vous qui ne me connaissent pas encore, je me

présente : Comtesse Lilliana Arabella Guinevere du Marchette (oui, oui, je sais…), mais mes amies m’appellent Lil.

Franchement, on se demande où mes parents avaient la tête. L’existence d’une vampire de cinq cents ans, célibataire et au chômage n’est-elle pas déjà, à notre époque, bien compliquée, sans s’encombrer par-dessus le marché d’un nom prétentieux et ringard, impossible à caser sur un formulaire de demande de carte Visa ? Vous parlez d’une autre croix à porter ! (Oups ! Choix de terme malheureux. Au temps pour moi.)

En deux mots, je dirais que la vie n’épargne rien aux femmes, et que la mort ne leur promet guère mieux. On attend vraiment beaucoup de nous : on doit rivaliser avec l’image de Barbie – silhouette de rêve, chevelure irréprochable, vêtements à l’avenant, canines parfaites – et se transformer en amante passionnée à la nuit tombée mais aussi procréer, et chasser pour nourrir la famille, et veiller à ce que la petite Morticia ne dessine pas sur les murs et que le bébé Vlad n’avale pas les yeux de sa poupée Comte Dracula… Vous parlez d’un stress.

Pour une vampire émérite, s’entend. Pour ma part, comme voilà un bon siècle que je n’ai pas eu de prétendant

présentable, ni – loin s’en faut – trouvé celui qui me fera m’écrier « le Comte est bon ! », ma vie est plus simple. Notez bien que je dis plus simple et non pas « plus solitaire ». Car je ne souffre pas – j’insiste – de solitude.

Je suis une vampirette célibataire, sexy, branchée et dotée d’un indéniable flair en matière d’accessoires. J’ai plusieurs amies absolument savoureuses – au sens

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pour la traduction française.

littéral j’entends – et je consulte un psy super cher. Où en étais-je ? Ah oui – trouver ma voie en ce bas monde. Ma première priorité,

c’est de me dégoter un appartement – quelle fille peut vivre chez ses parents plusieurs siècles durant sans faire une dépression nerveuse ? La seconde, c’est de trouver un boulot. Dans un cas comme dans l’autre, ça ne devrait poser aucun problème à quelqu’un comme moi. Nous, les vampires héréditaires (de naissance, si vous préférez, par opposition aux « mordus », qui le sont devenus) appartenons à une race ambitieuse. Nous sommes fonceurs et nous avons l’esprit d’entreprise – si bien développé, d’ailleurs, que la plupart d’entre nous sont affreusement riches. Il ne tiendrait qu’à moi de puiser dans le magot familial pour acheter l’appartement de mes rêves à Manhattan (avec une femme de chambre à demeure – détail qui, compte tenu de mon aversion pour le ménage, justifierait presque que je contracte une dette à vie auprès de mes parents), et de travailler pour mon père en prenant la direction d’une succursale de Midnight Moe’s – celle, par exemple, qui se trouve à Manhattan, à côté de New York University.

Comment ? Vous ne connaissez pas Midnight Moe’s ! Pensez photocopieuses. Reprographie. Imaginez deux cents succursales à l’échelle des États-Unis, toutes situées à deux pas d’un campus ou de chez vous.

Pensez ennui mortel. Je n’ai aucun grief contre la reprographie et les métiers de l’imprimerie.

Simplement, je m’imagine assez mal passer mes nuits, du crépuscule jusqu’à l’aube, derrière un comptoir, vêtue d’un polo vert pomme avec la mention « Midnight Moe’s » brodée sur la poitrine et chaussée de Dockers assorties. Le vert pomme est désastreux pour mon teint, que j’ai diaphane. Toute couleur qui sort de ma gamme habituelle me donne un air… cadavérique. Et pour ce qui est des Dockers… bon, des Dockers, quoi. Brrrr. Vous comprenez certainement mieux pourquoi la seule perspective de passer l’éternité à travailler dans l’entreprise familiale me pousse à trouver par moi-même mes moyens de subsistance.

À ce stade, vous aurez probablement déjà deviné que je me distingue de mes congénères. À l’exception de l’une d’entre elles, peut-être : mon père soutient que je suis le portrait craché de feu ma grand-tante Sophie (celle qui, l’an passé, a péri carbonisée sur un banc à UV commandé au télé-achat). Avec son balayage blond, son vernis à ongles couleur pêche et son goût prononcé pour les pagnes hawaïens, la grand-tante Sophie était une authentique anticonformiste qui bousculait tous les clichés qui collent à l’image de notre peuple.

Personnellement, il est hors de question que la mort me surprenne affublée d’imprimés hawaïens, et ce, sur quelque vêtement que ce soit. Et pourquoi donc irais-je m’allonger sur un Sunsation 5 000 quand on trouve chez Clinique un spray autobronzant absolument dément qui dore la peau juste ce qu’il faut ? Absurde ! Quant à la couleur pêche, je n’en suis pas fana ; en revanche, j’ai moi aussi un balayage et, indéniablement, je suis anticonformiste (ma mère raconte volontiers à ses copines du Club des Gaies Chasseuses que j’aurais été échangée à la

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naissance). Les vêtements noirs, voyez-vous, ce n’est pas ma tasse de thé. Je ne rôde pas

non plus dans les rues pour mordre des victimes naïves (à moins qu’il ne s’agisse de garçons très, très mignons). Je ne dors pas à l’étroit dans un cercueil. Je n’ai pas un orgasme dès que quelqu’un prononce le nom de Marilyn Manson. (Sans rire ! Ce type a beau en faire des tonnes avec son look de créature des ténèbres, il est aux antipodes du sexy.) Je n’ai rien, non plus, d’une garce impitoyable et cynique (sauf quand on s’appelle Princesse Colette du Guilliam – cette pétasse blonde aux yeux bleus qui m’a volé mon tout premier petit ami).

Ma couleur préférée, c’est le rose. Et mordre, c’est franchement dépassé. Je préfère de loin boire mon dîner dans un verre à cocktail, suivi d’un cosmo en guise de digestif. Je dors dans un lit king-size équipé d’un surmatelas archimoelleux. Matt Damon, Brad Pitt et Toby Keith (je sais, je sais, il n’est absolument pas mon genre, mais j’ai un truc avec les chapeaux de cow-boys) font grimper mon orgasmomètre à dix. J’ai aussi la réputation de pleurer pendant les pubs de MasterCard. Et – il s’agit là du huitième péché capital en ce qui concerne ma race – je suis secrètement une grande romantique.

Je voue à l’amour un amour absolu, inconditionnel. J’aime tout de l’amour, du premier échange de regards entre deux inconnus

jusqu’à l’instant où le temps suspend son vol lorsqu’ils comprennent qu’ils sont à jamais faits l’un pour l’autre. Ahhhh… Mes films préférés sont, dans l’ordre, Pretty Woman, Officier et Gentleman et Terminator (bon, d’accord, le film en lui-même n’a rien de très émouvant, mais la seule et unique scène d’amour est vraiment démente). Ma fête préférée, c’est la Saint-Valentin, et j’ai un cœur tatoué au creux de l’aine. Lorsque Carrie a retrouvé Mr Big dans le dernier épisode de Sex and the City, j’ai carrément sauté de joie.

Donc, ça tombe sous le sens que, pour payer mes factures, j’envisage un boulot un peu plus romantique qu’un poste chez Moe’s.

Les vampires ont besoin d’amour, eux aussi. D’accord, d’accord, cette affirmation me vaudrait une levée de boucliers de la

plupart de mes frères, parce que a) ce sont des suceurs de sang cyniques qui ne croient pas au concept et b) ils sont bien moins éclairés que moi. Certes, le Joe Vamp lambda demeure assez hermétique au concept du grand Amour, mais il n’ignore rien de la pression pour trouver une compagne ou un compagnon d’éternité (cf. la petite Morticia et le bébé Vlad). Et qui est mieux à même de le lui dégoter que votre servante ?

Contre appointements, cela va de soi. Après tout, une fille doit se nourrir. (Bon, d’accord – cette fille doit également n’être jamais à court de poudre teint de soleil, mais vous avez compris l’idée, et c’est d’ailleurs pour cette raison que je ne limite pas mes services à mes semblables.) D’où mon projet absolument renversant de monter ma petite entreprise : Vamp’n’Love – une agence de rencontres, basée à Manhattan, qui s’adresse aux hommes comme aux femmes, et propose ses services

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tout autant au célibataire malin et sophistiqué qui en a par-dessus la tête des rencards sans lendemain qu’au célibataire vampire tout aussi malin et sophistiqué qui, lui, cherche précisément à se passer la corde au cou pour en finir une bonne fois pour toutes.

Je sais, je sais. C’est une idée géniale. Que voulez-vous… Le génie fait partie de mon patrimoine génétique (vous avez certainement entendu parler de Marie Curie, non ?). En tous les cas, c’est un projet formidable, sur lequel j’ai déjà pas mal avancé. La semaine dernière, j’ai loué le local idéal, à deux pas de mon Starbucks préféré (Aaah… le parfum des mocha latte et des scones au sirop d’érable !) et j’ai embauché ma première employée : Evie Dalton. Evie est on ne peut plus humaine, mais quand elle s’est présentée à son entretien d’embauche en spencer DKNY, pantalon Gucci en velours côtelé et bottines Kenneth Cole – sans oublier la pièce maîtresse : une ceinture en strass à mourir – que voulez-vous, je l’ai trouvée délicieusement irrésistible (au figuré, s’entend).

Donc, en cette soirée d’octobre, par ce beau clair de lune sur Manhattan, me voilà installée devant mon ordinateur portable et toute disposée à changer la destinée d’un pauvre cœur esseulé que je vais extraire de son puits de solitude et hisser jusque dans la lumière bénie du compagnonnage. Je vais le délivrer des mâchoires de la claustration et le conduire dans l’étreinte chaleureuse et rassurante de… Bref, vous avez compris.

Et qui sait ? Peut-être qu’en dispensant du bonheur jusqu’à la nuit des temps je trouverai mon propre compagnon d’éternité ?

Mais attention : même si je ne perds pas espoir, je demeure réaliste. En ce qui concerne les hommes, je suis encore plus exigeante qu’en matière d’accessoires. Pour l’instant, ma priorité, c’est de payer les factures – notamment celle, astronomique, de ma Visa, que j’ai légèrement fait chauffer lorsque j’ai créé ma petite entreprise.

Cependant, je reste sereine. Vous voyez comment c’est, lorsque Barney’s solde à cinquante pour cent ? Eh bien, quand ma pub sera passée dans tous les quotidiens de la ville, ce sera pareil. Les gens se bousculeront pour passer ma porte. L’argent va couler à flots et moi, je n’aurai pas à rentrer dans le Connecticut, chez mes parents, en rasant les murs, ni à supporter un énième dîner avec un potentiel Le Comte Est Bon. Vous ai-je déjà dit que ma mère a la manie de vouloir me caser ? Elle ne gobe pas une seule seconde mon baratin sur ma non-solitude.

Quoi qu’il en soit, je sais que Vamp’n’Love va faire un carton. Un mégacarton. C’est mon ticket gagnant pour l’indépendance financière et l’épanouissement personnel. Sinon, dans le pire des cas, ce sera une façon vraiment sympa de payer mon loyer du mois prochain.

Le business des rencontres, ça dépote un max.