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1 Verdun - la Somme 1996 EXPOSITION GARE DE L'EST 23 septembre - 6 novembre ________________ MINISTÈRE DES ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE DÉLÉGATION A LA MÉMOIRE ET A L'INFORMATION HISTORIQUE

Verdun - La Somme

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Verdun - la Somme

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    Verdun - la Somme

    1996 EXPOSITION GARE DE L'EST

    23 septembre - 6 novembre

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    MINISTRE DES ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE DLGATION A LA MMOIRE ET A L'INFORMATION HISTORIQUE

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    DITORIAL

    Parce qu'elle fut sans doute la plus grande bataille de l'Histoire, par sa dure, le nombre d'hommes qui y fuirent engags et y perdirent la vie.

    Parce qu'elle plongea ces hommes dans l'enfer des armes modernes, exigeant d'eux plus qu'on n'avait jamais os demander. Parce qu'elle reste jamais le symbole du plus pur des patriotismes, celui qui s'attache dfendre son pays, au besoin en sacrifiant son existence.

    Parce que nous avons la chance d'avoir encore parmi nous quelques survivants de cette pope, qui ont gagn jamais notre reconnaissance.....

    Il tait juste, il tait lgitime que la France clbrt avec solennit le 80e anniversaire de la Bataille de Verdun.

    Mais il devenait juste que cette clbration, au-del de l'hommage aux morts et aux vtrans, soit pour tous, et tout spcialement pour notre jeunesse, une occasion de rflexion, de mditation mme, sur la guerre et ses mfaits....

    Afin que, de l'immense blessure de Verdun, continue de jaillir pour la France et l'Europe un fleuve de paix et de fraternit.

    Pierre PASQUINI

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    1914: Partir pour un t

    Le 28 juin 1914, Sarajevo en Bosnie, aprs un premier attentat manqu, l'archiduc Franois Ferdinand, hritier de l'Empereur d'Autriche, et son pouse sont tus coups de pistolet par un tudiant bosniaque nationaliste: Gravilo Princip.

    Le 28 juillet, en dpit des multiples interventions diplomatiques internationales, l'Autriche-Hongrie dclare la guerre la Serbie. Sarajevo est l'ultime pisode d'une longue srie de crises et de rivalits europenne, exacerbes par un inextricable jeu d'alliances et fortement stimules par une redoutable course aux armements et aux effectifs.

    Le 28 juillet, les diplomates cdent la parole aux militaires. La guerre europenne est devenue invitable, le fatal engrenage des alliances ayant parfaitement fonctionn. "Partis pour un t" dans l'intention de gagner une guerre qui ne sera pas celle qui avait t prpare, des millions d'individus allaient dcouvrir brutalement la fin du temps des illusions.

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    Les Forces en prsence

    L'Arme franaise

    L'organisation de l'arme franaise repose sur la loi du 24 juillet 1873 et le dcret du 6 aot 1874. Le lgislateur prenant en compte les erreurs et les faiblesses ayant provoqu le revers de 1870, a voulu doter la France d'une

    Arme Nationale, en tout temps prpare la guerre, constitue en grandes units. Le corps d'arme a t dtermin comme tant l'unit permanente, destine s'intgrer dans la composition des armes actives, avec son existence propre et tous ses moyens d'action. En 1914, la suite de modifications successives, le nombre des corps d'arme s'lve 21 et l'Arme est forte d'environ 750.000 hommes et 3,5 millions aprs mobilisation. La France est partage en rgions o les units constitues ds le temps de paix stationnent. Le Service Militaire est gal pour tous. Il vient d'tre prolong d'une anne, et est donc de 3 ans.

    L'Arme allemande

    En 1914, l'arme active compte 870.000 hommes pour 67 millions d'habitants, partage entre l'Est (face aux Russes) et l'Ouest (face aux Franais). Elle est porte 3,8 millions d'hommes aprs mobilisation, et elle va surprendre les Allis par l'emploi de ses units de rserve en 1e ligne ds les premiers jours de guerre. Son organisation est base rgionale et comprend comme en France des units d'active, de rserve et de la territoriale. La discipline et l'entranement y sont trs pousss, la Kriegsakademie (acadmie de guerre) forme des officiers d'tatmajor destins aux plus hautes responsabilits. L'Empereur Guillaume II est le chef nominal de cette arme, qui demeure l'un des fondements physique et moral

    de l'Empire. Si l'armement lger es comparable celui de l'arme franaise, en revanche le soldat allemand porte depuis 1910 un uniforme gris vert pratique et peu visible. L'artillerie de campagne, (le canon de 77) est infrieure en qualit au canon de 75 franais, mais l'artillerie lourde est suprieure en nombre et plus efficace en porte, face un armement franais quasi inexistant dans ce domaine.

    Fin 1914 : L'enlisement

    La "bataille des frontires" a consomm l'chec du Plan XVII franais; la bataille de la Marne celle du plan allemand Schlieffen. Les deux adversaires tentent alors de se dborder par le nord, en une manuvre d'enveloppement improprement appele "course la mer". Dbut octobre, les Allemands tentent de s'emparer des ports de la Manche et de la Mer du Nord (bataille de l'Yser, bataille d'Ypres). Lorsque s'achve cette "mle de Flandres", Franais et Allemands sont puiss et manquent de munitions. Ils marquent leurs positions en s'enterrant sur place; face la puissance de

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    feu adverse, il devient impossible de rompre la ligne ennemie. Au terme de trois mois de guerre de mouvement, les positions se sont cristallises en un front stable et continu de 800 km. de long, de la Suisse la mer du Nord.

    Bilan de l'anne 1915

    A la fin de la seconde anne de guerre, l'avantage gnral revient l'Allemagne, moins du fait de ses initiatives qu' cause de l'chec des oprations allies. Le front de l'ouest reste particulirement stationnaire, malgr les grandes offensives franaises ; d'Artois et de Champagne.

    Pour la France, les annes 1914 et 1915 ont dj cot prs de 680.000 tus, soit, en 17 mois de combat, prs de la moiti des morts franais de la guerre. Le gouvernement est. de ce fait, oblig d'appeler la classe 17 avec un an d'avance.

    Sur le front oriental les armes russes ont t mises en droute; Varsovie et Brest-Litovsk sont aux mains des Empires Centraux et le front a recul de 150 km. Dans les Balkans, la Serbie est entirement envahie. Quant l'expdition des Dardanelles, n'ayant pu rompre le

    front turc, elle doit rembarquer pour Salonique o elle deviendra l'Arme d'Orient.

    Les rgions occups

    La Belgique, le Luxembourg et plus de dix dpartements franais sont occups ds 1914. Cette occupation est trs dure: excutions dportations, prise d'otages, imposition d'indemnits, amendes trs lourdes, destructions des richesses industrielles, mainmise sur le potentiel conomique.

    Il s'agit pour l'occupant de faire rgner l'ordre et la scurit et d'assurer l'exploitation rationnelle de toutes les ressources, sans mnager la population.

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    Les projets allis pour 1916

    Le front occidental, au dbut de l'anne 1916, se divise en deux parties: la premire, de la mer du Nord la Somme, est le secteur anglo-franco-belge qui comprend 59 divisions anglaises, 18 franaises et 6 belges. Le gros de ces forces est donc compos part le corps expditionnaire britannique, dont le commandement vient de changer puisque le 19 dcembre 1915, le gnral Douglas Haig a remplac

    le marchal French. Le secteur entirement franais qui s'tend de la Somme la Suisse comprend la majorit de l'arme franaise avec 87 divisions en ligne et en rserve. Il est compos des trois groupes d'armes; celui du Nord, du Centre dont dpend la Rgion fortifie de Verdun (R. E V.) et de l'Est, sous les commandements respectifs des gnraux Foch, de Langle de Cary et Dubail. Les objectifs militaires allis sont dfinis le 6 dcembre 1915 aux confrences interallies de Chantilly tenues au Grand Quartier Gnral (G. Q. G.) du gnral Joffre. Les diffrents

    reprsentants allis, solidaires, y dcident de continuer tenir l'ennemi en haleine par des actions locales et partielles, et de se donner les moyens de rompre le front ennemi. Pour ce faire, fin dcembre, Douglas Haig et Joffre convenaient ensemble d'une grande offensive franco-britannique sur la Somme, sous le commandement du gnral Foch. Mais l'attaque allemande sur Verdun devait modifier la mise en application de ces objectifs.

    Le systme dfensif Sr de Rivires

    Aprs la dfaite de 1870-71, le trait de Francfort qui a soustrait la France l'Alsace et une partie de la Lorraine laisse la frontire franaise de l'Est dcouverte face l'Allemagne. Il devient alors vital pour la France de se protger. Entre la Belgique, le Luxembourg et la Suisse, pays dont la neutralit est garantie par traits, notre frontire avec l'Allemagne est de 250 km. Le Comit de dfense anim par le gnral Sr de Rivires, conoit de la protger par deux grandes digues fortifies: l'une vers la Suisse, l'autre vers la Belgique, laissant un espace de 60 km intentionnellement ouvert: "la troue de Charmes". Face ce systme dfensif une invasion allemande

    n'est donc possible qu'en violant la neutralit suisse, luxembourgeoise ou belge, ou en s'engageant dans la troue. Cette organisation dfensive, dicte par le bon sens et l'conomie, permet aux forces franaises de se rassembler l'abri des digues fortifies et de ragir sur les flancs ennemis s'avanant par "la troue de Charmes", ou encore, mais ce serait contraire aux traits, par l'un des pays neutres. Les digues, constitues par une srie de forts et d'ouvrages permanents se flanquant mutuellement, et relies entre eux par des dfenses de campagne, sont ancres leurs extrmits par des camps retranchs. La digue du Nord longue de 75 km, suit la rive droite de la Meuse entre Verdun et Toul o le terrain se prte lui-mme un systme dfensif. En effet la Meuse est borde du ct ennemi par un long plateau calcaire, bois, large de 19 km, qui surplombe d'une

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    centaine de mtres la plaine de la Woevre et sur laquelle il se termine en falaise. Au sud, la digue plus courte, s'appuie sur les places fortes d'pinal et de Belfort.

    Le camp retranch de Verdun

    Pour que le systme Sr de Rivires soit efficace, il faut qu'il s'appuie sur des piliers robustes. Le sige de 1870 a fait apparatre l'importance des crtes qui dominent la ville de Verdun. La dfense de la place doit donc les intgrer: Verdun ne sera plus seulement une forteresse mais est transforme en un grand camp retranch. Sur les hauteurs de la ville, de 4 6 km, une premire ceinture d'ouvrages est difie entre 1874 et 1880: les forts de Belleville, St Michel, Souville, Tavannes, Belrupt, Haudainville, Dugny, Regret, Chaume et Marre. Dans le mme temps la place et la citadelle sont

    amliores; 5 galeries en sous-sol sont creuses sous 16 mtres de terre et de roc, avec cuisine, dortoirs, machines lvatrices pour l'eau et clairage lectrique. Mais cette nouvelle ossature qui protge la ville est encore insuffisante, surtout vers le front Nord. En 1880, un nouveau programme plus ambitieux est dfini, loign de la citadelle jusqu' plus de 8 km sur les hauteurs de Douaumont. Tandis que les fortifications nouvelles sont construites, les progrs de l'artillerie sont tels (avec en 1886 l' invention de la mlinite, explosif trs puissant, et l'apparition de l'obus-torpille), qu'il faut modifier la maonnerie des ouvrages dj difis.

    On dispose alors sur les votes une couche de 1 m de sable sur laquelle est coul du bton dur sur parfois 2,50 m. d'paisseur. A partir de 1900, les nouvelles constructions des forts de la ceinture extrieure sont protges par du ciment arm. Aprs 1905, les forts sont dots de tourelles blindes clipse pour canons et mitrailleuses. Paralllement les principes de dfense se modifient; des ouvrages intermdiaires, des batteries enterres, des dpts de munitions, des abris de combat sont construits.

    Certains ouvrages comme Froideterre, Thiaumont, La Laufe, Belle pine deviennent de vritables forts et l'ensemble est servi par un rseau ferroviaire. En aot 1914, lorsque la guerre clate, le camp retranch de Verdun est un trapze de 45 km de primtre, puissant de 28 forts et ouvrages fortifis, dont 16 moderniss; il possde un parc ballons et un terrain d'aviation. Le gouverneur de Verdun dispose de 65.000 hommes, de 350 canons gros calibre, et de 442 de petit calibre. Sa mission est de contenir l'ennemi et de lutter jusqu' la chute de la ville et de la citadelle.

    Pourquoi Verdun ?

    A la fin de 1915, en position de force, Von Falkenhayn, chef d'tatmajor des armes allemandes, dcide de lancer sur Verdun l'arme du Kronprinz de Prusse, Prince hritier de l'empire d'Allemagne. A Verdun, le front forme un saillant, ce qui permet plus facilement des attaques convergentes des deux cts.

    De plus, le champ de bataille est partag en deux par la Meuse, lment dfavorable aux Franais pour leur dfense. Ensuite, les forts de la rgion fortifie de Verdun sont mal organiss, sans ouvrage de liaison et de couverture entre eux.

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    Plus grave encore, ils sont pratiquement tous dsarms de leurs pices d'artillerie, l'tat-major ne croyant plus aux vertus des fortifications permanentes aprs l'crasement et la prise en 1914 des forts de Lige, Namur et Manonviller. Ainsi, ds aot 1915, 43 batteries lourdes avec prs de 130.000 obus, de mme que 11 batteries pied ont quitt Verdun pour le front de l'offensive de Champagne.

    Les forces allemandes ont donc en face d'elles un ennemi aux moyens de dfense affaiblis.

    A ces avantages tactiques s'ajoute un atout logistique capital: les Allemands bnficient d'un important rseau de communications (7 voies ferres normales ainsi que la proximit du formidable camp retranch de Metz) alors que du ct franais on ne peut utiliser que trois axes d'approvisionnement: deux voies de chemin de fer, celle de Sainte-Mnehould voie normale, coupe ds le dbut des combats, et le petit "Meusien" voie troite, enfin la route dpartementale de Bar-le-Duc Verdun. La dfense de Verdun est donc gravement dficiente en artillerie et en voies de communication alors que les forces allemandes disposent d'une supriorit tactique et logistique crasante. A cela s'ajoutent les raisons morales qui tiennent l'importance de Verdun dans l'histoire militaire de la France.

    C'est ainsi que le 14 fvrier 1916, le Kaiser adresse ses troupes une proclamation glorifiant l'attaque imminente de Verdun; "Moi,

    Guillaume, je vois la Patrie allemande contrainte l'offensive. Le peuple veux la paix; mais pour tablir la paix il faut savoir clore la guerre par une bataille dcisive. C'est Verdun, coeur de la France, que vous cueillerez le fruit de vos peines."

    La prise de Verdun a ainsi pour but l'effondrement du moral de l'arme franaise car, comme l'a crit plus tard le marchal Ptain, "Verdun n'est pas seulement la grande forteresse de l'Est destine barrer la route l'invasion, c'est le boulevard moral de la France". L'objectif initial du gnral Von Falkenhayn est de prendre la ville afin d'ouvrir ses armes les portes de l'invasion. Il n'a sans doute pas envisag clairement de broyer l'arme franaise.

    En fait, l'chec de ses premires tentatives de perce et les conditions gnrales de la bataille vont le conduire dfinir une nouvelle stratgie: celle de l'usure.

    L'tat-major allemand a donc tout avantage attaquer Verdun et Falkenhayn n'hsite pas employer les grands moyens pour prparer son offensive dcisive. Les forces allemandes ont concentr devant Verdun les pices lourdes; qui ont cras en 1914 les places fortes allies, soit 25 mortiers de 305 et 420 mm ainsi que trois canons de marine de 380, et les 1.200 canons de la Ve arme impriale sont pourvus de 600.000 obus.

    L'artillerie ennemie est donc prte un bombardement jamais vu depuis le dbut de la guerre et qui est soigneusement organis pour que l'infanterie n'ait plus qu' occuper un terrain dj conquis.

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    L'attaque du 21 au 25 fvrier 1916

    Le 21 fvrier, aprs un bombardement sans prcdent, de l'aube 16h 15, heure allemande (en avance d'une heure par rapport l'heure franaise), les forces allemandes fortes de 80.000 hommes s'lancent sur la rive droite l'assaut des positions franaises, certaines de ne plus trouver aucun obstacle aprs un tel dluge de feu. Trs rapidement, elles s'emparent du bois de Consenvoye et du bois de Ville, s'infiltrent en direction d'Haumont et prennent revers ce qui reste des points de rsistance du bois des Caures et du village d'Haumont, o les 2 bataillons de chasseurs du lieutenant-colonel Driant, qui occupent les positions du bois des Caures, rsistent pendant plus d'un jour et

    demi.

    Les 22 et 23 fvrier, la progression allemande se poursuit lentement mais inexorablement. Les troupes franaises, extnues, tiennent toujours les villages de Beaumont, Louvemont et Bezonvaux o au loin se devine la masse du fort de Douaumont. Le 24 fvrier, toutes les contre-attaques franaises sont arrtes par l'artillerie allemande. La situation devient extrmement critique. De la Meuse Douaumont, les Allemands occupent les 2e lignes franaises. Cette nouvelle avance, qui ouvre la route vers Verdun, met aussi en danger les positions franaises de la Wovre

    dont la perte fragiliserait l'ensemble du systme dfensif des Hauts de Meuse. Joffre, inform continuellement de la gravit de la situation, approuve ce moment l'abandon des positions de la Wovre mais ordonne de tenir cote que cote sur la rive droite face au nord entre Meuse et Wovre et d'engager immdiatement le 20 corps. Il faut, quoi qu'il en cote, sauver Verdun dont la chute reprsenterait une grave atteinte morale, mais aussi une perte de prestige face aux Allis.

    En prenant cette dcision, Joffre imagine-t-il l'ampleur du sacrifice qu'il demande aux soldats, qui vont trs vite eux-mmes parler de "l'enfer de Verdun". Pendant 5 jours, de faibles effectifs vont contenir l'avance ennemie, permettant de gagner du temps, d'amener des renforts et d'amorcer la dfense de Verdun sur la rive droite. A partir de ce moment, se prcise dj ce que l'histoire appellera "la bataille d'usure."

    La chute de Douaumont

    Le 25 fvrier vers midi, sous la pression ennemie, les troupes franaises, menaces, dcrochent en direction du fort de Douaumont et s'coulent sa gauche et sa droite, le dmasquant compltement vers 15h00. De plus, si un ordre du commandant du XXX corps avait bien prescrit d'occuper le fort, il n'a pas encore t excut. Le fort, comme la plupart de ceux de la rgion fortifie, n'a plus de garnison permanente et est entirement dsarme. Il ne subsiste que deux tourelles de 155 et de 75, servies par une quarantaine d'artilleurs territoriaux. Le fort avait galement souffert du bombardement; son pont-levis ne pouvait plus se lever, et de nombreuses ouvertures taient brises. C'est alors que les 12e et 24e Brandebourgeois se portent vers Douaumont. Aprs quelques tentatives, ils l'investissent par une brche faite dans les fosss Est. Il n'y a aucune rsistance

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    du ct franais. A l'aube, cinq nergiques contre-attaques franaises se succdent mais ne parviennent pas reprendre le fort, alors que la nouvelle de sa reprise est dj annonce par un communiqu franais. Les jours suivants, les combats acharns se poursuivent aux abords du fort et dans les ruines du village de Douaumont que l'ennemi enlve le 4 mars. Mais l'puisement est tel que peu peu l'avance ennemie s'essouffle. La masse de choc allemande est alors en grande partie dpense sans que le but de l'attaque brusque ait t atteint.

    Le 26 fvrier: Nomination du gnral Ptain

    Le 25 fvrier le gnral de Castelnau, qui a reu les pleins pouvoirs du gnral Joffre, confie au gnral Ptain le commandement de la rgion fortifie de Verdun et des forces arrivant sur les deux rives. A peine arriv son nouveau quartier gnral de Souilly, 20 km de Verdun, le gnral Ptain s'applique crer les moyens organiques ncessaires la bataille.

    Les premires mesures prises concernent les forts. Ils devenaient les mles principaux de la rsistance. Chaque fort reoit un commandement et une garnison propres et des rserves matrielles importantes avec interdiction absolue d'abandonner l'ouvrage en cas d'attaque ennemie.

    Ensuite, Ptain mobilise l'artillerie qui doit, en concentrant ses tirs sur les positions ennemies, soulager l'infanterie, mais assurer aussi un rle dfensif en crasant les

    attaques de l'adversaire. Durant toute la bataille de Verdun, Ptain ne cesse de rpter: "Il faut que l'artillerie donne l'infanterie l'impression qu'elle la soutient et qu'elle n'est pas domine". Une autre importante mesure prise par Ptain est la mise en place des transports logistiques et l'acheminement du ravitaillement.

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    L'essoufflement

    Aprs l'attaque du 21 fvrier, l'avance importante des troupes allemandes et la perte du fort de Douaumont, la dfense franaise s'organise et se renforce avec l'arrive de Ptain la tte de la 2e arme. Les Allemands sont nettement arrts sur leur front offensif par la rsistance franaise, ils subissent aussi de nombreuses pertes occasionnes par l'artillerie franaise installe sur la rive gauche de la Meuse. Le Kronprinz dcide alors d'tendre son effort offensif sur cette mme rive gauche.

    La bataille sur les deux rives

    Dbut mars les Allemands tendent les combats sur les 2 rives de la Meuse, et ceux-ci, d'une violence jamais gale jusqu'alors, mlent en attaques et contre-attaques permanentes les deux adversaires.

    Face la rsistance franaise, tenace et hroque,: l'ennemi dclenche un nouveau coup de boutoir sur les deux rives de la Meuse. Le secteur est particulirement disput.

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    La mobilisation des esprits

    Poursuivre la guerre impose au pays de se doter des moyens de le faire. La cration de la Croix de guerre, l'hroisation du soldat visent ainsi maintenir la sant morale de la Nation. Ds aot 1914, la propagande allie se met en place, fustigeant vigoureusement les armes allemandes, Guillaume II et le rgime imprial.

    Toute une production artistique voit le jour, traitant essentiellement par l'image les thmes les plus noirs, avec pour dnominateur commun la "barbarie allemande", la folie sanglante du Kaiser et de son fils, les crimes et les atrocits en rgion occupe. Dans le mme temps, les mmes artiste hrosent le combattant franais, mettent en valeur les efforts de l'arrire et exaltent l'acte patriotique.

    Les Marraines de guerre

    Elle prennent de l'importance partir de 1915, avec la mise en place du systme des permissions, et particulirement l'intention des soldats mobiliss dont les familles se trouvent de l'autre ct des lignes, dans la zone occupe. Au-del du mythe de la "marraine" ce sont avant tout des lettres, des colis, et des douceurs: un "foyer" pour beaucoup de ceux qui sont sans nouvelles des leurs.

    Les blessures

    Pour la seule anne 1916: 677.891 soldats franais seront blesss, 899.310 tomberont malades. Trs vite, il devient essentiel d'organiser les secours et de mettre en place les diffrentes infrastructures, sous l'autorit d'un sous-secrtaire d'tat: le parlementaire Justin Sodart. Ainsi, bousculant les ides prconues et les rglements dsuets, les services sanitaires vont s'adapter des situations que personne n'avait souponnes. Les progrs et les dcouvertes raliss sont rvolutionnaires. L'initiative prive, elle aussi,

    fait des prodiges, sous l'impulsion de la Croix Rouge et des socits de soins aux blesss. En chirurgie des progrs considrables sont raliss avec la cration des "autochirs" (autos chirurgicales), puis des quipes chirurgicales mobiles ; dotes des moyens puissants: de la technique moderne: arsenal chirurgical, radiographie, strilisation, laboratoire de bactriologie. A l'chelon rgimentaire ou divisionnaire, brancardiers: et infirmiers transportent et soignent les blesss au poste de secours l'ambulance ou l'hpital de campagne, avant l'vacuation vers la zone de l'intrieur. Peu peu les moyens sont complts, les

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    sections sanitaires automobiles sont multiplies et assurent en quelques heures le transport des blesss vers les hpitaux d'vacuation. Sur les trains sanitaires un effort semblable est fourni. On s'attache galement aux moyens moraux pour mettre en confiance blesss et malades et leur donner le sentiment que de gros efforts sont faits. Les officiers gnraux viennent en personne visiter les hommes distribuant rcompenses et trouvant un mot pour chacun. En tout tat de cause le plus important est de rtablir rapidement et correctement le bless, afin qu'il puisse reprendre au plus vite sa place au front.

    La voie Sacre

    L'obligation essentielle pour continuer la bataille reste la mise en place des transports logistiques et des moyens de ravitaillement. La route dpartementale de Bar-le-Duc Verdun, puisqu'elle tait le principal axe de communication entre Verdun et l'arrire, va, la suite d'un, article de Maurice Barrs, devenir "la Voie sacre". Pour ne pas interrompre la "noria" des 2.900 camions y circulant journellement dans les deux sens, Ptain fait ouvrir des carrires le long de la route, et des quipes de territoriaux et d'auxiliaires indochinois jettent sans cesse des pelletes de pierres sous les roues des vhicules qui se succdent parfois jusque toutes les cinq secondes.

    Le ravitaillement de Verdun par la voie sacre fut une entreprise gigantesque, car les 300 officiers, 8.000 hommes, 2.000 voitures, 200 autobus, 800 autos ambulances de la Commission Rgulatrice Automobile transportrent en moyenne chaque jour 13.000 combattants, 6.400 tonnes de matriels, 1.500 tonnes de munitions, consommant 2 tonnes de graisse, 20.000 litres d'huile et 200.000 litres de carburant. De son ct, le petit chemin de fer, le "Meusien," ravitailla aussi la 2e arme. La gare rgulatrice de Saint-Dizier expdia quotidiennement sur Verdun 21 trains de vivres, 7 de munitions, 9 de matriels, 2 de troupes, vacuant aussi 5 7 trains de blesss. Au total, du 21 fvrier au 1er juin, l'ensemble du trafic s'leva 119.000 wagons.

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    Du 9 avril au 1er mai

    Une dfense tenace et hroque

    La nouvelle offensive allemande du 9 avril est prcde d'un dluge d'artillerie encore plus violent que les prcdents. Mais les Franais rsistent et tiennent toujours. Le soir, le gnral Ptain lance son ordre du Jour historique: "on les aura".

    Le 10 avril est une vritable journe de crise mais la rsistance franaise retient sur l'ensemble du front la pousse allemande.

    Ce succs, contre toute logique arithmtique, cet quilibre assaillants-assaillis, est d particulirement l'efficace rendement de la route dpartementale Bar-le-Duc-Verdun, et la voie ferre du petit Meusien qui apportent journellement leur contribution au maintien de cet quilibre prcaire.

    A partir de cette date, l'attitude des troupes franaises, va devenir de plus en plus mordante, et c'est constamment que les ripostes et les contre-offensives franaises vont contrarier les efforts allemands.

    Nivelle

    Malgr cette russite, le commandement du gnral Ptain n'est pas entirement apprci, et Joffre l'loigne de ce champ de bataille trs particulier et symbolique en lui confiant le commandement suprieur du groupe d'armes du centre. C'est donc le jeune gnral Nivelle, qui vient de faire brillamment ses preuves la dfense du secteur de Froideterre, Fleury, Thiaumont, qui remplace Ptain la tte de la 2e arme.

    Une conomie dirige

    En 1914, le financement de la guerre ne devait pas poser de difficults dans la mesure o le conflit tait cens tre bref. Toutefois, de 5 milliards de "francs-or" avant guerre, les dpenses de l'tat passent rapidement 38 milliards. Les impts vont tre multiplis et de grands emprunts mis. Ceux-ci dans leur

    ensemble vont rapporter 24 milliards de francs, ce qui est peu en comparaison des 76 milliards perus grce aux bons du trsor. Dans tous les

    cas, la volont tend au mme but: tenir.

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    Les projectiles d'artillerie

    A la mobilisation, la France, qui a beaucoup mis sur sa seule artillerie lgre, peut fournir, pour la campagne, 1.390 obus chacun de ses 4.000 canons de 75, et aucune fabrication n'est envisage, ni prvue, pendant les premiers mois du conflit. Ds septembre 1914, le ministre de la guerre est inform que les munitions manquent. Sous la pression des autorits, les industriels vont, malgr un manque d'ouvriers spcialiss, d'acier, d'outillage, de poudre et d'explosifs, amliorer peu peu ou mme crer de toutes pices un outil performant. Pour gagner du temps et par manque de marteaux-pilons le procd de fabrication est modifi: l'obus n'est plus forg mais fabriqu partir d'une barre ronde tourne et fore. Tout le monde, grands et petits, se lance dans la fabrication nationale des obus. En fvrier 1915: 2.120.000 obus de 75 sont dj produits. Le but semble atteint, mais cette date on signale une proportion inquitante d'obus qui clatent au dpart du coup, provoquant la destruction du canon et souvent des servants. La production rapide d'obus mettant en pril l'existence mme de l'artillerie, de svres mesures modifiant les procds de fabrication sont imposes, et partir de mai 1915, la crise est enraye. En septembre 1914, 11.000 obus de 75 sont fabriqus par jour.

    En janvier 1915 46.000 en juin 1915 75.000, pour atteindre en mai 1917 261.000. La consommation d'obus ne cesse de crotre: 1.980.000 obus de 75 en septembre 1915 (bataille de Champagne) 851.000 en janvier 1916, 1.530.000 en fvrier 1916 (attaque sur Verdun), 3.750.000 en mars. La bataille s'intensifiant, les exigences du G.Q.G. vont s'lever 150.000 obus de 75 par jour, puis 160.000 et enfin 170.000.

    L'artillerie lourde

    Pour les obus de gros calibre, il fallut tout organiser et surtout innover dans les procds de fabrication. A partir d'une production insignifiante en 1915, la livraison des obus de calibre suprieur au 75, qui atteint difficilement le 1er juin 1915 8.000 par jour passe 15.000 en aot 1915 puis, en janvier 1916 plus de 30.000 obus (2.500 de 105, 6.500 de 120, 8.800 de 155 et 900

    de calibres suprieurs).

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    En janvier 1917, la production journalire va dpasser 80.000 obus.

    Quant aux poudres et explosifs, qui dpendaient en 1914 pour la matire premire et l'outillage presque entirement de l'tranger et surtout de l'Allemagne, il fallut l encore s'adapter, innover et construire. L'importance et la progression des productions prouvent les capacits stupfiantes de modernisation des industries franaises. En janvier 1915, 47 tonnes de poudre par jour sont produites; en janvier 1916, 333 tonnes, et en janvier 1917: 773 tonnes par jour.

    La guerre arienne

    En 1916, Verdun, volaient les escadrilles bases surtout Vadelaincourt et Bar-le-Duc, notamment la N.3, future escadrille des Cigognes. L'as Jean Navarre y russit le premier doubl de la guerre en abattant deux appareils ennemis le 26 fvrier 1916. Dans la Somme, la chasse allie s'assura la matrise de l'air et permit l'aviation d'observation de travailler de faon constante avec l'artillerie.

    Un mois de juin tragique

    La chute de Fort de Vaux 7 juin 1916

    Le 1e juin, les coups de blier allemands reprennent et 3 divisions germaniques attaquent sur un front de 4 km les positions franaises, dfendues seulement par 2 rgiments. Les bois de la Caillette et Fumin sont trs vite dpasss et le fort de Vaux encercl. Dans le fort, la garnison, aux ordres du commandant Raynal, rsiste aux lance-flammes, aux grenades, aux fumes et aux gaz, et dfend prement, barricades aprs barricades, les couloirs et les gaines qui convergent vers la galerie

    principale et les casernes. Aprs une rsistance hroque de plus de 6 jours, le commandant Raynal,: qui a puis tous ses moyens de lutte et qui a vu 6 contre-attaques franaises chouer en direction du fort, se rend au matin du 7 juin, avec sa troupe moribonde, prive entirement d'eau depuis plus de 48 heures. La bataille incessante a un caractre d'acharnement inimaginable. L'artillerie franaise consomme

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    jusqu' 100.000 obus de 75 par jour. Sur ce terrain dvast, de bois sans arbres, de villages rass, l'Allemand, matre de Douaumont et de Vaux, intensifie encore son action. Car le temps presse: depuis le 4 juin, les armes russes viennent de prendre l'offensive en Galicie et de crer une brche de a 50 km. sur le front austro-hongrois.:

    La guerre maritime

    A partir d'octobre 1914, la matrise maritime devenait vitale pour les diffrents belligrants, afin de pouvoir se procurer sur le march mondial les diffrents produits et denres ncessaires l'effort de guerre. Pour la France, aprs la trs grande dsorganisation provoque par; la mobilisation, et ensuite par la perte de la plupart des hauts fourneaux rests dans les dpartements envahis, la recherche de matires premires essentielles, leur acheminement et leur transformation vont devenir une des proccupations, pour ne pas dire inquitudes, de la commission de l'arme.

    La seule production des obus, qui demandait 21.000 tonnes d'acier en janvier 1915, en rclame 63.000 tonnes en janvier 1916, et en exige 150.000 tonnes en janvier 1917. Alors que la guerre sous-marine multiplie les difficults de transports et que des priorits particulirement alimentaires se font sentir.

    "Nous avons t obligs de diminuer la nourriture des camions pour permettre celle de la population. Le problme de l'avoine noire pour nourrir les chevaux sur le front a t une difficult des plus aigus. Il nous a fallu des sacrifices cruels; nous les avons faits sur l'importation des aciers".

    Albert Thomas, Ministre de l'armement.

    Quoi qu'il en soit les efforts et les progrs sont spectaculaires.

    En dcembre 1915, l'industrie franaise produit: 130.000 tonnes de lingots d'acier, 82.000 tonnes de lingots de fonte. En dcembre 1916: 182.000 tonnes de lingots d'acier, 141.000 tonnes de fonte. Les importations connaissent le mme bouleversement: 3.900 tonnes d'acier obus pour le mois de dcembre 1914, 52.500 tonnes d'acier obus pour les mois de dcembre 1915, 103.500 tonnes d'acier obus pour le mois de dcembre 1916. Pour les fontes les rsultats sont encore plus spectaculaires: 58.000 tonnes pour l'anne 1914, 166.000 tonnes pour l'anne 1915, 574.000 tonnes pour les 11 premiers mois de 1916. Pour le cuivre, le programme d'achat, prpar ds le temps de paix, prvoyait 2.500 tonnes par mois. Or en dbut 1916, les ncessits s'lvent 30.000 tonnes par mois et le prix, qui tait de 1,40 F le kg en 1914, s'lve dj 3,94 F le Kg en juillet 1916.

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    La bataille du Jutland

    1916, les Anglais ralisent que leur insularit ne les met plus l'abri des attaques ariennes et maritimes. Ils doivent mme songer se rationner suite la menace sous-marine.

    Ils comprennent d'autant moins cette situation qu'ils sont censs possder la meilleure flotte du monde, mais qui pourtant ne suffit plus garantir leur scurit. De son ct l'amiraut allemande labore la stratgie suivante: embuscades multiples devant les ports britanniques par le maximum de sous-marins qui torpilleront les grands btiments leur sortie; reconnaissances au large par des zeppelins, dmonstrations agressives par les croiseurs de bataille, qui serviront d'appt et devront attirer les forces ennemies sur les cuirasss allemands, pour destruction partielle ou totale de l'adversaire. Le 23 fvrier, l'Empereur, sduit, donne son accord. Le 31 mai 1916: une heure du matin, la flotte allemande quitte la rade de Shilling et se dirige plein nord. Du ct anglais, l'amiral Jellicoe, commandant en chef, inform la veille de ce mouvement, dcide la sortie de la grande flotte avec un point de ralliement qui se situe environ 200 milles l'Est de la cte britannique. Il croit alors qu'il ne rencontrera qu'une partie de la marine ennemie. Les 2 flottes (100 navires, 900 canons

    du ct allemand; 150 navires, 1700 canons du ct anglais) se dirigent donc l'une vers l'autre.

    Vers 14h30, l'avant-garde britannique commande par l'amiral Beatty, dcouvre les premiers btiments allemands dirigs par l'amiral Hipper, et se rue leur rencontre. Les escadres allemandes se sachant suivies par le gros de la flotte de l'Amiral Scheer acceptent le combat.

    15h48: la canonnade commence et trs vite les Allemands ont la supriorit du feu.

    16 h03: le croiseur de bataille allemand "Von der Tann" fait sauter le croiseur anglais "l'Infatigable" puis endommage le navire amiral le "Lion". Plus tard c'est au tour du "Queen Mary" de sombrer. Beatty n'a plus que 4 croiseurs peu prs intacts quand enfin une escadre de Dreadnoughts anglais arrive sa rescousse et bombarde de ses grosses pices de 381 mm les btiments allemands. Le "Von der Tann" et le "Moltke" sont touchs.

    16h35: arrive son tour l'amiral Scheer avec le gros de la flotte allemande. A ce moment, les trajectoires des torpilleurs des 2 parties se fondent en une mle confuse. Deux torpilleurs allemands sont couls et un destroyer anglais est rduit l'impuissance. Devant les gros btiments allemands qui ignorent l'approche de l'amiral Jellicoe, Beatty feint d'chapper la flotte allemande vers le nord afin de servir d'appt et de les amener sur les canons des escadres de Jellicoe. Abuse par la feinte anglaise, la flotte allemande reprend le combat avec Beatty, qui lui masque encore la flotte de Jellicoe. A ce moment, elle incurve son mouvement vers le Nord-est et tombe sur une autre escadre anglaise, celle de Hood.

    18h15: Jellicoe, inform rgulirement par radio, arrive enfin et oppose le maximum de ses forces qui se dploient sur sa gauche. Ainsi, 2 puis 6, 9 dreadnoughts s'en prennent-ils l'escadre allemande de l'amiral Scheer tire trs avant.

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    La rencontre

    L'amiral allemand ralise brusquement qu'il a devant lui une force considrable. Sans hsiter, il dcide la retraite gnrale. Il fait virer 180 vers le Sud-ouest pendant la manuvre l'"Invincible" de l'amiral Hood est touch et saute.

    18h45 le dploiement britannique s'achve, mais la flotte allemande disparat l'horizon. Jellicoe ne pense pas que celle-ci se rfugie vers la haute mer, mais plutt vers ses ports, et il manuvre pour couper la route de Wilhelmshafen, principal port allemand. L'amiral Scheer dsormais convaincu de la puissance ennemie, dcide, pour couvrir sa retraite, d'immobiliser et de dtourner l'ennemi du gros de la flotte allemande. Il engage 4 croiseurs de bataille et 3 flottilles de torpilleurs , qui dans une charge hroque et dsespre, obligent l'amiral Jellicoe, toujours prudent, rompre. Lorsque celui-ci peut reprendre sa ligne, les restes de l'escadre allemande disparaissent, protgs par des crans de fume. La nuit tombe l'amiral allemand avec ses units restantes largement endommages, est rduit un retour htif vers ses bases. 6.094 Anglais dont 2 amiraux, et 2.500 Allemands ont pri. Mais surtout le mythe de l'invincibilit de la "Home Fleet" est branl. Pas totalement toutefois, puisque la flotte allemande va pratiquement rester l'abri de ses ports jusqu' la fin du conflit, et abandonner aux sous-marins la lutte contre le commerce britannique et la marine anglaise.

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    L'heure de la Grande-Bretagne:

    La bataille de la Somme

    La bataille de la Somme livre l't et l'automne 1916, doit son origine la confrence interallie qui eut lieu Chantilly en dcembre 1915.

    Ce sera donc, contrairement 1915, une offensive mene scientifiquement, et conduite grce une technique perfectionne, la coopration des deux armes permettant une succession d'efforts puissants. Ainsi, les oprations britanniques seront troitement lies aux oprations franaises. Mais un facteur va changer ces donnes; la dure, l'intensit et l'importance de la bataille de Verdun qui va progressivement diminuer les disponibilits franaises.

    Ce sont donc les Anglais qui en deviennent les acteurs principaux. En consquence, la bataille perd elle mme de son ampleur, son front d'attaque tant rduit 30 km au lieu de 70 km. L'offensive, prvue initialement le 29 juin sur les 2 rives de la Somme est repousse pour cause de mauvais temps au 1er juillet. Mais trs vite la grande offensive allie de la Somme se retrouve enlise chez les Franais comme chez les Britanniques et ne prend pas la forme de la pousse massive souhaite par Joffre. Mais celui-ci ne renonce pas: une nouvelle phase d la bataille dbute la mi-juillet. Malgr ses efforts, Joffre ne parvient pas monter une bataille d'ensemble: la lutte continue donc sous forme d'actions partielles et isoles jusqu' fin aot. Une nouvelle action gnrale, prvue le 1er septembre est reporte au 10, mais Joffre veut l'avancer: la Roumanie vient d'entrer en guerre et il veut montrer ainsi l'ennemi la coordination allie. Cette troisime phase de la bataille s'engage le 4 septembre, et va durer 3 semaines. La pluie, persistante interrompt les combats, transformant le champ de bataille en un immense bourbier. Le 15 septembre les Britanniques pour la premire fois font donner leurs chars cuirasss, qui accompagnent les vagues d'assaut. Cette attaque surprend les Allemands sur un front de 9 km, mais mal utilis, le succs ne peut tre exploit convenablement. Une nouvelle bataille d'ensemble est prpare: les Britanniques attaqueront l'Est de la route de Bapaume, appuys par la 6e arme franaise. Mais une fois encore, les oprations sont trop dcousues, et malgr quelques avances, les objectifs ne sont pas atteints.

    On dcide d'une nouvelle attaque commune le 5 novembre. En fait la bataille de la Somme est maintenant presque termine, et connat ses derniers soubresauts. Mais quel est le bilan de cette trs longue offensive? Quel est l'apport de cette riposte Verdun? Reprendre l'initiative stratgique sur le front occidental et limiter puis desserrer la pression allemande en Meuse taient ses premiers objectifs: ils ont t atteints. Rompre brusquement le systme dfensif ennemi et revenir la guerre de mouvement tait son vritable mobile, mais, dans les premiers jours, cet espoir s'avra un leurre. En ralit, ce fut pendant de trs longues semaines une recherche lente et mthodique de la dislocation du front ennemi, et ce sur une profondeur atteignant presque 18 km certains endroits. Du 1er juillet au 1er novembre, la pression allie a impos aux Allemands, l'inverse de ce qu'ils ont pratiqu Verdun,

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    l'engagement successif et continu de 119 divisions, soit peu prs l'ensemble des forces qu'ils entretenaient sur le front occidental. Les pertes allemandes sont considrables: 350.000 hommes tus, disparus ou blesss, 85.000 prisonniers, une importante artillerie dtruite ou enleve de force, mais surtout ils ont abandonn presque 240 km2, soit 100 de plus de ce qu'ils ont conquis autour de Verdun. Leur usure est donc relle, mais surtout leur systme fortifi est devenu vulnrable: il a subi des dommages irrparables rapidement du fait de l'hiver. En consquence, Hindenburg va dans quelques semaines ordonner un repli stratgique sur de nouvelles positions fortifies, raccourcissant son front et faisant ainsi l'conomie de plusieurs divisions. Les Allis ne sortent pas indemnes du bourbier picard. Pour les seuls Franais 140.000 tus, disparus et prisonniers et 210.000 blesss. Quant aux pertes de la jeune et nouvelle arme anglaise, elles sont le double des franaises. Cependant, les mois qui viennent de s'couler ont dmontr au commandement allemand le renouveau de la puissance allie, sa volont de vaincre et l'affirmation de sa solidarit alors que lui-mme constate l'affaiblissement tant physique que moral de ses troupes.

    La mitrailleuse

    "Arme de l'infanterie", elle cause beaucoup de pertes aux troupes franaises de 1914, alors que celles-ci montaient l'assaut des positions ennemies.

    Aprs la stabilisation des fronts, les mitrailleuses vont occuper une grande importance dans la dfense des 1e lignes. Elles constituent, avec un faible rideau d'hommes, un barrage effectif courte distance.

    Au dbut des hostilits, l'arme franaise possdait 5.100 mitrailleuses dont 2.000 dans les corps de troupes. Les manufactures qui avaient livr 40 mitrailleuses au mois de juillet 1914, arrtent leurs production la mobilisation et ne la reprenne qu'en septembre. Le rendement de 5 livraisons par jour en 1914 va s'lever 10 en avril 1915 pour arriver 70 en dcembre 1916. Les productions des manufactures de l'arme

    (modle de St tienne et modle de Puteaux) furent largement renforces par une mitrailleuse plus rustique brevete ds l'avant guerre par une usine franaise: HOTCHKISS.

    Celle-ci pouvait livrer 50 engins au cours du mois d'octobre 1914, en fabriquait 180 au mois d'aot 1915 pour arriver une production journalire de 50 engins en dcembre 1916. Durant la guerre, la France en a fabriqu 93.500 de divers modles; elle en a achet 17.800 l'tranger, et en a cd 24.103 ses allis.

    Le fusil-mitrailleur

    Ds 1915, les troupes allemandes reoivent une mitrailleuse lgre. En France, les services de l'artillerie adoptent rapidement un prototype, propos l'essai en 1910. Le 22 novembre 1915, la fabrication commence, et le 8 dcembre les premires armes sont livres aux armes. A partir de mars 1916, elles arrivent sur le front, chaque compagnie devant en

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    recevoir 8 exemplaires. Armes fabriques en masse grce des techniques rvolutionnaires (tles d'acier, rivets, soudures), elles sont assembles par une socit de cycles.

    Le fusil-mitrailleur CHAUCHAT C.S.R.G, va ouvrir la voie aux productions de masse des armes automatiques de la 2 guerre mondiale. Entre 1915 et 1918, 225.000 fusils ont t fabriqus et 82.000 cds des troupes allies.

    La Roumanie

    Dans les Balkans, la Roumanie, impressionne par le succs de l'offensive Broussilov, dcide d'entrer en guerre aux cts des Allis le 28 aot. Les premires offensives roumaines en Transylvanie, au nord du pays, sont victorieuses. Falkenhayn, qui vient juste de recevoir le commandement du front oriental, organise contre la Roumanie la

    "Straffexpedition": l'expdition punitive. Ses troupes traversent alors au nord les Alpes de Transylvanie et prennent revers l'arme roumaine engage en Hongrie, tandis qu'au sud, depuis la Bulgarie, les armes du gnral Mackensen franchissent le Danube. Les deux armes se ruent dans les plaines roumaines de Valachie et prennent Bucarest le 6 dcembre. La Roumanie est envahie et mise hors de combat en une offensive-clair de trois mois. Les Empires Centraux restent plus que jamais matres des Balkans et cette conqute de la Roumanie est une vritable aubaine. Ils disposent maintenant d'un grenier bl supplmentaire qui va attnuer les effets du blocus. Ensuite, l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie profitent des champs de ptrole et de gaz roumains qui sont, l'poque, les plus importants gisements europens que l'on puisse trouver l'ouest de la Volga.

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    L'offensive Broussilov

    Sur le front russe, le dpart des troupes allemandes pour Verdun favorise une grande offensive du gnral Broussilov en Galicie.

    Du dbut juin la mi-aot, la 6 arme russe inflige d'abord une dfaite aux Empires Centraux: la Galicie et la Bukovine sont reprises, le front austro-allemand recule de 100 km et les troupes russes font presque 400.000 prisonniers. Mais l'offensive est un demi-chec car, aprs leur avance, les forces

    impriales russes arrivent bout de souffle au pied des Carpates et sont alors matriellement incapables de poursuivre plus en avant.

    Les brigades russes en France

    L'ambassadeur de Grande-Bretagne Sir G. Buchanan est sans doute le premier avoir eu l'ide d'envoyer des troupes russes sur le front occidental ds la fin aot 1914.

    C'est Paul Doumer, futur Prsident de la Rpublique, en mission en Russie, qui obtient en dcembre 1915 de Nicolas II la promesse de l'envoi d'un corps expditionnaire russe en France.

    Ces troupes seront la disposition du gouvernement franais et engages en tant qu'units constitues avec encadrement russe complt par des instructeurs franais. Le 13 fvrier 1916, la 1re brigade russe constitue (2 rgiments), quitte Moscou par le transsibrien et arrive en Mandchourie Dairen le 28 fvrier, d'o elle embarque pour la France sur des navires franais. Le 11 avril elle dbarque Marseille o un accueil triomphal lui est rserv. Installe au camp Mirabeau puis Mailly en Champagne, elle est instruite et quipe par l'arme franaise. Une seconde brigade

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    (la 3e) dbarque Brest et une troisime (la 2e) est mise disposition de l'arme d'Ouest Salonique. A l'automne 1916, 745 officiers et 43.547 soldats russes sont engags en France et Macdoine aux cots des Allis. Malgr les troubles de la Rvolution Russe de fvrier 1917, ces brigades feront partie de l'offensive Nivelle o elles s'illustreront par la prise de lignes ennemies et de la position fortifie du Mont Spin aux prix de lourdes pertes.

    Mais l 'indiscipline et l'insubordination s'installent dans les 2 brigades russes et l'tat-major franais dj embarrass par les contestations et les mutineries qui paralysent l'arme dcide, de les isoler au camp de la Courtine prs de Limoges. La 1e brigade russe s'y rvolte au mois de juillet 1917.

    Cette mutinerie sera combattue par la 3e brigade russe reste fidle l'arme franaise, et le camp de la Courtine investi le 16 septembre.

    Finalement, le gouvernement franais rpartit les contingents russes en 3 catgories:

    Ceux rests loyaux l'arme franaise et qui acceptrent de combattre, sans soviets et sous commandement russe, constitueront la lgion russe, qui va se battre avec honneur dans les dernires batailles de 1918.

    Ceux qui acceptent d'tres travailleurs volontaires. Et enfin ceux refusant de combattre et de travailler, qui seront transports en Afrique du Nord, avec travail impos. Par ailleurs la brigade d'infanterie destine par le gouvernement russe l' arme d'Orient subit les mmes troubles que ses consoeurs en France et finira son parcours en Tunisie avec travail impos.

    Enfin, tous les Russes seront rapatris sur Odessa ds juillet 1919.

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    Les captifs dlivrs

    Joffre, persvrant, tenace, emptr dans la maintenant trs longue bataille de la Somme, veut garder l'initiative des coups de poing, comme un boxeur qui sent son adversaire fatigu et dsquilibr. Il veut aussi soulager le vieil alli russe et la toute jeune Roumanie de la pression des empires centraux. Mais o frapper? En Lorraine? L'automne est dj l. Rassembler de nouvelles forces, regrouper de l'artillerie, prparer le "coup", demanderait beaucoup de temps et de moyens. Aussi Joffre, qui a toujours un il sur Verdun, demande-t-il, le 13 septembre, Ptain et Nivelle, de prparer sur la rive droite la reprise des forts de Maux et de Douaumont. Dans la nuit du 23 au 24, l'infanterie franaise monte en ligne, et l'assaut dbute le 24 octobre 11 heures 40, dans une atmosphre trange: une paisse brume impntrable recouvre et isole la rgion. Trs vite le RICM (Rgiment d'lnfanterie Colonial du Maroc) et quelques lments du 321e d'infanterie escaladent les pentes du fort. La veille, un "coup au but", d'un obus de 400 a dclench un important incendie, et une grande partie de la garnison allemande a t vacue; elle commenait roccuper le fort quand les troupes d'assaut surgissent du brouillard et la dlogent. Par contre droite, la 74e division (gnral Lardemelle) qui attaque face au fort de Vaux, du bois Fumin au fond de La Horgne, progresse peu ou avec beaucoup de difficults devant des positions allemandes fortement occupes et quelquefois presque intactes. Le soir Joffre, rassur et content, tlphone Mangin depuis le poste de commandement de Nivelle et lui ordonne d'exploiter fond le succs. "Toutes les audaces sont permises".

    Le lendemain l'aube, l'attaque reprend avec un effort principal sur le fort de Vaux, mais elle est enraye par le feu des mitrailleuses du fort; pourtant quelques hommes parviennent au sommet. Presque encercl, pris comme objectif par l'artillerie franaise, le fort, isol, est vacu par sa garnison dans la nuit du 1er au 2 novembre et occup par un dtachement franais du 298e Rgiment d'infanterie dans la nuit du 2 au 3. L'enceinte fortifie de Verdun est rtablie: le succs franais est total. Outre le retentissement moral, l'ennemi a perdu 20.000 combattants, dont 6.000 prisonniers, et un important matriel retrouv dans les deux forts. Ds son dbut la bataille de Verdun fut l'objet de toute une mythologie la fois littraire et iconographique. Des crivains allrent ainsi jusqu' personnifier certains lments du champ de bataille. Henri Bordeaux intitule,

    en 1916, son deuxime volume de l'histoire de la bataille de Verdun voquant la reprise des forts de Douaumont et Vaux les 24 octobre et 2 novembre 1916 "Les captifs dlivrs".

    Citation: Ordre du jour du gnral Nivelle le 25 octobre 1916, remerciant les troupes qui ont repris le fort de Douaumont. "Officiers, sous-officiers et soldats du groupement Mangin, en quatre heures, dans un assaut magnifique, vous avez enlev d'un seul coup, notre puissant ennemi, tout le terrain, hriss d'obstacles et de forteresses, du Nord-est de Verdun, qu'il avait mis huit mois vous arracher par lambeaux, au prix d'efforts acharns et de sacrifices

    considrables. Vous avez ajout de nouvelles et clatantes gloires celles qui couvrent les drapeaux de Verdun. Au nom de cette arme, je vous remercie. Vous avez bien mrit de la Patrie"

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    L'alli serbe

    Le front serbe, stable depuis la fin 1914, s'est croul brutalement la fin de l'automne 1915 la suite de l'entre en guerre de la Bulgarie. L'arme serbe, aprs une tragique retraite dans des conditions pouvantables, se dirige vers l'Adriatique travers les montagnes d'Albanie. Un corps expditionnaire franais, sous les ordres du gnral Sarrail est arriv trop tard pour rtablir la situation et les restes de l'arme Serbe sont recueillis et transports par la marine franaise sous les ordres de l'Amiral Gupratte. Les troupes serbes, soignes et entirement rquipes par la France, rejoignent l'arme d'orient du gnral Sarrail. Cette arme, ignore par bon nombre d'hommes politiques franais mais aussi de militaires, manque de moyens et malgr quelques rsultats vers Marasti, ne peut gure tendre ses oprations vers le nord. Les troupes allies restent dans un grand camp situ sur le territoire grec, proximit de la ville de Salonique. La Grce, seul pays rest neutre depuis le dbut de la guerre dans cette rgion, a un roi, Constantin 1er, qui a des sympathies personnelles pour l'Allemagne (il est le beau-frre de Guillaume II), tandis que son ancien 1er ministre Venizelos, est partisan du camp alli. En septembre 1916, Venizelos constitue un gouvernement rebelle officiellement reconnu par la France et la Grande Bretagne. La situation entre le royaume de Grce et les Allis ne cessant d'empirer, les Allis font pression par la force et devancent les manoeuvres de la diplomatie allemande, visant rallier la Grce sa cause. Le coup de main alli oblige le roi composer avec eux. Le 25 novembre 1916, le gouvernement provisoire grec a dj dclar la guerre l'Allemagne et la Bulgarie

    Les autres fronts

    L'Italie, qui se dclare neutre en 1914, constituait par sa puissance et sa situation gographique un alli de choix pour les 2 camps. Mais cette neutralit n'tait qu'une solution transitoire, et en 1915, l'Italie aprs une ngociation simultane avec les 2 camps, signe avec les Allis le 26 avril 1915, le trait de Londres par lequel elle dclarera la guerre l'Autriche-Hongrie dans un dlai d'un mois. Mais la gographie montagneuse du front italo-autrichien fait que la guerre s'enlise dans des actions offensives sans lendemain mais trs coteuses en hommes. C'est le 27 aot 1916, que l'Italie dclare son tour la guerre l'Allemagne.

    L'espoir dans chaque camp

    Bien que les oprations de l'anne 1916 n'aient permis aucun des adversaires d'emporter la dcision, l'espoir subsiste dans chaque camp. En effet l'est, l'offensive Broussilov a permis aux armes russes

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    de percer le front austro-allemand sur 80 kilomtres, tandis que dans l'autre camp on se flicite de l'invasion complte de la Roumanie.

    De mme sur le front d'Orient, l'arme franaise du gnral Sarrail, depuis le camp de Salonique, a repris en Serbie la ville de Monastir, mais la Turquie vient d'infliger une svre dfaite la Grande-Bretagne en faisant capituler la garnison anglaise de Kut el-Amara. Chaque camp se rjouit donc de ses succs, alors qu'en ralit ils sont trs relatifs, et conserve l'espoir de terminer le conflit son avantage. Mais le grand espoir de cette fin d'anne 1916 vient surtout du dpart de Joffre. Un nouveau gnralissime est nomm, dont on attend naturellement une solution rapide et nergique au conflit afin de pouvoir goter cette paix mrite que tous dsirent aprs trois annes de guerre.

    1916 est soeur de 1915: aucune solution militaire au cordite n'apparat. De semi-checs en demi-succs, les adversaires se trouvent de plus en plus enliss dans la guerre mais s'accrochent toujours dans l'espoir d'une victoire qu'ils veulent dcisive.

    Pour cela les efforts demands pour tenir ce dernier quart d'heure sont multiples et engagent entirement les nations belligrantes. En 1916, l'adaptation des tats la seule et vitale ncessit de se battre est termine.

    Elle s'accompagne cependant d'une profonde modification des mentalits. La France a mri; en particulier celle qui se bat sur le front, une maturit pas toujours mesure avec justesse par les autorits civiles et militaires: 1917 en apportera le preuve.

    Joffre

    Critiqu svrement depuis la fin 1915, la gnral Joffre, aprs les ngligences et les fautes releves aprs l'attaque-surprise sur Verdun, doit accepter, avec beaucoup de rticences, un contrle parlementaire. Mais sa mauvaise volont pour favoriser le travail des enquteurs dans la zone des armes ne fait qu'accrotre sa brouille avec les milieux politiques. A la suite des comits secrets la chambre, de novembre et dbut

    dcembre, trs houleux, le Prsident du Conseil Briand, comprend qu'il va falloir, s'il ne veut pas tre renvers son tour, se sparer du gnral Joffre. Mais le prestige du vieux chef est encore immense. Comment faire pour loigner l'ombrageux commandant sans heurter maladroitement l'opinion, tant en France qu'

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    l'tranger? Surtout que le Gnral a dj arrt le plan des oprations de 1917 la suite d'une nouvelle confrence militaire interallie runie son initiative Chantilly, les 15 et 16 novembre. Briand fait nommer, dbut dcembre, le gnral Joffre commandant en chef des armes franaises, mais il doit laisser Nivelle le commandement effectif des armes du Nord et de l'Est. Briand qui vient galement de remanier son cabinet, a remplac Roques, Ministre de la Guerre, par le gnral Lyautey. Joffre qui s'tait rsign ne plus tre qu'une sorte de conseiller technique auprs du gouvernement, s'inquite de cette arrive. Face Lyautey, autoritaire, responsable, et peu enclin partager ses pouvoirs et ses ides, Joffre prfre donner sa dmission, qui sera tenue secrte. Le 27 dcembre, un dcret prsidentiel lui confre la dignit de Marchal de France: ce n'est pas lui qui grera bientt la profonde crise de lassitude, fruit de l'immense sacrifice mri dans l'horreur et la misre de la bataille de Verdun.

    Artisanat des tranches

    Au cours de l'anne 1915 apparat sur le front toute une production d'objets fabriqus par les soldats au moyen d'outils et de matriaux de fortune. La sdentarisation en constitue le point de dpart vident: partir de l'hiver 1914, les positions qui ne varient plus favorisent une certaine rgularit de vie. Les lettres de l'arrire, la lecture de quelques journaux et l'arrive des "hommes de soupe" apportent une phmre distraction aux soldats. Occupation des mains et de l'esprit, la fabrication d'objets rpond une ncessit utilitaire autant que distractive. Par ailleurs, les paysans formant la majeure partie des troupes, elle perptue tout naturellement la tradition du travail

    hivernal. L'tat-major s'alarma de toute cette activit par suite de l'imprudence de certains artisans qui n'hsitaient pas risquer leur vie pour se procurer des matires premires. Mais sa reconnaissance implicite par l'autorit ne fut cependant jamais remise en cause. Cannes, briquets, douilles, coupe-papier et autres restent encore aujourd'hui des tmoignages nombreux de cette production. Ces objets artisanaux comblaient les grands vides de la vie du front, chassaient le cafard, faisaient oublier les angoisses quotidiennes de la mort, et de l'loignement.

    "Morts pour la patrie"

    Rien que pour la France, les annes 1914-1915 reprsentent en 17 mois de combats prs de 700.000 morts, soit la moiti des pertes franaises de la grande guerre. Avec la bataille de Verdun, le nombre des victimes ne cesse de s'accrotre. La loi du 27 avril 1916 dlivrant un diplme de "mort pour la France" pour chaque homme tu au combat veut rappeler que le sacrifice n'a pas t vain et, le 14

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    juillet 1916, le discours du prsident Poincar, affich dans toutes les communes, clbre cette loi et explique que chaque soldat mort pour la France rejoint par son sacrifice le panthon des hros morts pour la patrie.

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