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Vers la réussite en littératie Où en sommes-nous ? Cadre théorique Martine Leclerc, Ph.D. André C. Moreau, Ph.D. Octobre 2008

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Vers la réussite en littératie

Où en sommes-nous ?

Cadre théorique

Martine Leclerc, Ph.D.

André C. Moreau, Ph.D. Octobre 2008

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Vers la réussite en littératie Où en sommes-nous ?

Cadre théorique

Martine Leclerc, Ph.D.

André C. Moreau, Ph.D.

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Pour tout renseignement concernant cette recherche, veuillez vous s’adresser à :

Martine Leclerc Université du Québec en Outaouais 283, boul. Alexandre-Taché, C.P. 1250, succursale Hull, Gatineau, Québec Canada, J8X 3X7 Courriel : [email protected]

Téléphone : 800-567-1283 poste 4470 819 595-3900 poste 4470

Télécopieur : 819-595-4459 © GRECIP Toute reproduction est interdite sans l’autorisation expresse des auteurs. Octobre 2008

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Cette recherche a été réalisée par :

Martine Leclerc, Ph.D. Professeure chercheure, Faculté des sciences de l’éducation, Université du Québec en Outaouais André C. Moreau, Ph.D. Professeur chercheur, Faculté des sciences de l’éducation, Université du Québec en Outaouais

Les collaborateurs sur le plan de la recherche et de la production des documents sont :

Amélie Champagne, professionnelle de recherche Andrée Huot-Berger, consultante en éducation Claudia Roy, assistante à la recherche pour les équipes de recherche en littératie et inclusion (ERLI) Ginette Rainville, professionnelle de recherche Martine De Grandpré, professionnelle de recherche Roger Prud’Homme, conseiller expert en évaluation des apprentissages (concepteur de la base de données Littératie Plus)

Cette recherche a été subventionnée par :

Le Conseil scolaire de district catholique du Centre-Sud.

Le contenu de cette publication reflète les opinons des auteurs et n’engage aucunement la responsabilité de l’organisme subventionnaire. La référence suggérée pour ce rapport : Leclerc, M. et Moreau, A. C (2008). Vers la réussite e n littératie : Où en sommes-nous? Cadre théorique. Gatineau : Université du Québec en Outaouais.

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REMERCIEMENTS Nous désirons remercier tout particulièrement le Conseil scolaire de district catholique du Centre-Sud pour l’appui financier accordé à la réalisation de cette recherche, notamment mesdames Diane Jamieson et Louise Bourgeois, qui ont grandement contribué à l’accomplissement des activités de recherche, entre autres par une coordination rigoureuse de ces activités et un soutien à la mise en place des conditions de réussite.

Participer à une recherche portant sur les changements de pratiques dans l’enseignement de la lecture tout en documentant le progrès des élèves constitue un geste audacieux. Huit écoles du CSDCCS ont pourtant décidé de relever ce défi. Par leur accueil et leur ouverture d’esprit, les directions d’écoles et les enseignants ont permis aux membres de l’équipe de recherche de créer rapidement des contacts et de procéder à la collecte des données. Nous témoignons de notre reconnaissance aux personnes à la direction et au personnel enseignant des écoles Cardinal-Léger, Jean-Paul II, Le-Petit-Prince, Monseigneur-de-Laval, Sacré-Cœur, Saint-Jean-Baptiste, Saint-Noël-Chabanel et Sainte-Madeleine. Nos remerciements chaleureux vont également à monsieur Roger Prud’Homme, pour sa constante disponibilité, ainsi que pour sa volonté indéfectible à contribuer au succès de cette recherche. Nous témoignons également de notre reconnaissance à mesdames Carole Bellehumeur de l’école Le Trillium et Martine Perrias de l’école Francojeunesse pour leur contribution pédagogique inestimable et pour nous avoir ouvert la porte de leur salle de classe afin de valider certains outils.

Martine Leclerc Responsable du groupe de recherche Professeure chercheure Université du Québec en Outaouais

André C. Moreau Professeur chercheur Université du Québec en Outaouais

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TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ……………………………………………………………………..……………………………. i

INTRODUCTION………………………………………………………………………………………….. 1

1. CONTEXTE DE RECHERCHE ………….....………………………………………………………... 2

1.1 Objectif de recherche………………..…………………………......................................... 2 1.2 Questions de recherche…………………………….……………...………………………... 2

2. TROIS PÔLES ESSENTIELS À L’AMÉLIORATION DU RENDEMENT EN LECTURE..…..... 3

2.1 Premier pôle : un enseignement efficace de la lecture …………………………………....... 3 2.1.1 Principes directeurs …………………………………………………………………... 3 2.1.2 Contenu du Guide d’enseignement efficace de la lecture…………..................... 4 2.1.3 Quelques considérations à prendre……………………………….......................... 6 2.1.4 Évolution des écoles dans l’implantation d’un programme efficace en lecture… 7 2.2 Deuxième pôle : données pour améliorer l’apprentissage ……………....................... 10 2.2.1 Respect de la zone proximale de développement ....……………………………... 11 2.2.2 Outils normalisés pour alimenter les discussions pédagogiques ……………….. 12 2.2.3 Technologie comme soutien au jugement professionnel ………………………… 12 2.2.4 Données pour illustrer la progression vers le changement ………………………. 13 2.2.5 Quelques défis à surmonter..…………………………………………….................. 13 2.2.6 Évolution des écoles dans l’utilisation des données d’apprentissage..………. … 15 2.3 Troisième pôle : le fonctionnement de l’école en communauté d’apprentissage

professionnelle (CAP) ………………………………………………………………………….. 17

2.3.1 Qu’est-ce qu’une communauté d’apprentissage professionnelle? …………....... 17 2.3.2 Changement organisationnel dans les écoles de l’Ontario ………………………. 18 2.3.3 Équipes collaboratives comme fondement à l’apprentissage collectif ................ 19 2.3.4 Évolution des écoles dans l’implantation d’une CAP …………………………….. 22 2.4. Interaction entre les trois pôles ………………………………………………....................... 25 2.4.1 Quatre exemples………… …………………………………………………………… 26 2.4.2. Situation idéale : intégration des trois pôles………………………………………. 28

CONCLUSION…………………………………………………………………………………………….. 30

RÉFÉRENCE ……………………………………………………………………………………..……..... 31

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LISTE DES FIGURES

2.1 Trois grands objectifs de l’enseignement de la lecture et ses composantes…… 4 2.2 Trois systèmes d’indices : graphophonétique, sémantique et syntaxique ……... 5 2.3 Considérations à prendre pour la lecture autonome ……………………………… 7 2.4 Zone proximale de développement ……………………………………………........ 11 2.5 Quelques indications permettant de reconnaître l’utilisation de données pour

améliorer l’apprentissage ……………………………………………………………. 15

2.6 Quelques caractéristiques d’une équipe collaborative …………………………… 22 2.7 Trois pôles dissociés ……………………………………………………………....... 26 2.8 Intégration du pôle A et du pôle B ………………………………………………….. 27 2.9 Intégration du pôle A et du pôle C ………………………………………………….. 27 2.10 Intégration du pôle C et du pôle B ………………………………………………….. 28 2.11 Point de mire : intégration des trois pôles …………………………………………. 29

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LISTE DES TABLEAUX

2.1 Enseignement efficace de la lecture : école au stade d’initiation (niveau 1) ……… 8 2.2 Enseignement efficace de la lecture : école au stade d’implantation (niveau 2) .... 9 2.3 Enseignement efficace de la lecture : école au stade d’intégration (niveau 3) …… 10 2.4 Utilisation des données : école au stade d’initiation (niveau 1) ………………….… 16 2.5 Utilisation des données : école au stade d’implantation (niveau 2) …………….…. 16 2.6 Utilisation des données : école au stade d’intégration (niveau 3) ……………….… 17 2.7 Quelques distinctions entre les écoles traditionnelles et les communautés

d’apprentissage professionnelles ………………………………………………….….. 20

2.8 Communauté d’apprentissage professionnelle : école au stade d’initiation (niveau 1) …………………………………………………………………………...…….

23

2.9 Communauté d’apprentissage professionnelle : école au stade d’implantation (niveau 2) ……………………………………………………………………………...….

24

2.10 Communauté d’apprentissage professionnelle : école au stade d’intégration (niveau 3) ……………………………………………………………………………...….

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RÉSUMÉ Depuis plus de cinq ans, le ministère de l’Éducation de l’Ontario a fait de l’amélioration du rendement en littératie chez les élèves l’une de ses priorités, conscient du fait que les compétences des élèves dans ce domaine influencent considérablement leur qualité de vie et ont des retombées économiques et sociétales. Dans cette foulée, le Conseil scolaire de district catholique Centre-Sud a décidé de parrainer une recherche dont les objectifs sont de comprendre les changements vécus chez les enseignants et les directions de huit écoles à la suite des séances de formation et d’accompagnement et d’observer la progression du rendement des élèves en littératie. Cette recherche se déroule sur trois ans, c’est-à-dire de novembre 2007 à novembre 2010. Ce document présente le cadre théorique qui a servi d’assises pour situer l’évolution de chaque école.

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INTRODUCTION L’importance de la littératie dans le contexte de la société du XXIe siècle n’est plus à démontrer. De nos jours, il est reconnu que les compétences des élèves dans ce domaine influencent considérablement leur qualité de vie et ont des retombées économiques et sociétales. Il est donc compréhensible qu’une attention considérable soit dévolue à leur amélioration. C’est d’ailleurs pourquoi, depuis plus de cinq ans, le ministère de l’Éducation de l’Ontario a fait de l’amélioration du rendement en littératie chez les élèves l’une de ses priorités. On insiste sur l’urgence de passer à l’action afin de favoriser la réussite pour tous. La recherche parrainée par le Conseil scolaire de district catholique Centre-Sud s’inscrit dans cette foulée.

Cette recherche de trois ans vise à documenter l’enrichissement des compétences et le développement des capacités professorales à la suite des sessions de formation et d’accompagnement portant sur l’amélioration de la littératie. C’est grâce à un véritable partenariat entre le CSDCCS et l’Université du Québec en Outaouais que ce projet a vu le jour. Il tient compte à la fois des besoins du milieu scolaire et des exigences de la recherche. Celle-ci se distingue également par le fait que les résultats recueillis par l’équipe de recherche ont été soumis aux personnes participantes afin que leur interprétation fasse l’objet de discussions. Ainsi, ces personnes ont pu voir l’influence de la recherche sur la pratique et vice-versa.

La première étape a débuté au mois de novembre 2007 par une phase préparatoire et s’est terminée au mois de septembre 2008 par la remise du rapport intitulé Vers la réussite en littératie : Où en sommes-nous? Celui-ci fait état de la situation en ce qui a trait aux huit écoles participantes afin d’être en mesure de voir, au cours des prochaines années, les changements tant chez le personnel enseignant que chez les élèves. La section suivante décrit brièvement le contexte de la recherche et est suivi du cadre théorique servant à situer chaque école dans son évolution vers la réussite en littératie.

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1. CONTEXTE DE RECHERCHE Le Conseil scolaire de district catholique du Centre-Sud désire améliorer les compétences en littératie chez les élèves. Dans le but d’offrir un solide appui à ses écoles, plusieurs initiatives visant l’amélioration des interventions en littératie ont été mises sur pied par le Service de la programmation au palier élémentaire et de la petite enfance. Les écoles bénéficient entre autres d’enseignants accompagnateurs pour soutenir les interventions pédagogiques et disposent également d’appui au niveau de l’analyse et de l’interprétation des données. Enfin, les écoles peuvent également recevoir sur place un appui personnalisé afin de répondre à des besoins spécifiques de formation. De plus, pour visualiser la progression des élèves et afin de promouvoir le questionnement pédagogique lors des rencontres collaboratives, des données quant au rendement des élèves en littératie sont collectées à l’aide du logiciel Littératie Plus et un expert conseil assure la formation et l’accompagnement dans cette démarche. C’est dans ce contexte que s’inscrit cette recherche. Se situant sur un continuum d’activités de trois ans, ce projet a débuté en novembre 2007 par une phase préparatoire. La première étape s’est terminée en septembre 2008 par la remise du rapport final. L’équipe de recherche est impliquée directement dans les écoles ciblées depuis janvier 2008 afin de documenter les changements vécus chez les enseignants et les directions d’école ainsi que d’apprécier les impacts chez les élèves.

1.1 Objectif de recherche L’objectif général de cette recherche peut se résumer ainsi :

Comprendre les changements vécus chez les enseignants et les directions d’école à la suite des séances de formation et d’accompagnement et observer la progression des élèves en lecture.

1.2 Questions de recherche Ce projet permettra de répondre aux questions suivantes :

• Quels sont les changements observés chez les enseignants et les directions d’école au regard des séances de formation et d’accompagnement?

• Quelle est la progression du rendement en littératie observée chez les élèves dans le contexte d’implantation ou d’amélioration de stratégies d’enseignement en littératie?

Cette étude présente un état des lieux qui se veut le plus fidèle possible à la réalité des milieux scolaires impliqués. Les concepts présentés dans la prochaine section décrivent les fondements pédagogiques et organisationnels qui ont guidé l’équipe de recherche.

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2. TROIS PÔLES ESSENTIELS À L’AMÉLIORATION DU

RENDEMENT EN LECTURE Pour mieux saisir la situation de chaque école, l’équipe de recherche s’est basée sur une série d’informations qui font référence à trois pôles considérés essentiels pour l’amélioration des pratiques des enseignants et du rendement de l’élève en littératie. Nous définissons ces trois pôles dans les prochains paragraphes.

Le premier des trois pôles qui vise l’amélioration des pratiques des enseignants en littératie fait référence à ce qui se fait en salle de classe, plus précisément à la façon dont les stratégies recommandées dans le Guide d’enseignement efficace de la lecture (GEEL) sont appliquées. Le deuxième pôle renvoie à la collecte de données précises reliées au rendement de l’élève en lecture. Le troisième pôle réfère au travail collaboratif des enseignants et au fonctionnement de l’école en communauté d’apprentissage professionnelle.

2.1 Premier pôle : un enseignement efficace de la lecture L’apprentissage de la lecture est un facteur clé de la réussite scolaire et la période critique pour le développement de cette compétence se situe entre quatre et sept ans. Parmi les élèves qui ont des difficultés en lecture en troisième année, rares sont ceux qui réussissent à les surmonter par la suite. Par conséquent, la mise en place d’un programme d’intervention précoce en lecture s’avère indispensable (Lyon, 2003; MÉO, 2003; Willows, 2002), d’autant plus que de nombreux rapports provenant de différents pays ont pu démontrer que la mise en place d’un tel programme est une des clés de la réussite à l’école et dans la vie. Les conclusions les plus récentes qui se dégagent de la recherche en éducation permettent d’établir un consensus en ce qui concerne les connaissances et les compétences nécessaires pour apprendre à lire. Le Guide d’enseignement efficace de la lecture publié par le ministère de l’Éducation de l’Ontario en 2003 fournit aux enseignants des stratégies concrètes et expérimentées, fondées sur les études récentes et les pratiques exemplaires. Il offre également une démarche d’enseignement de la lecture qui tient compte des besoins de tous les élèves ainsi que des conseils précis pour l’organisation et la gestion des activités en salle de classe, pour l’évaluation de la lecture et pour l’élaboration du plan d’amélioration du rendement des élèves. Il s’appuie sur les principes directeurs établis par un groupe d’experts dont la publication du rapport a permis de jeter des bases solides.

2.1.1 Principes directeurs Quatre principes ont guidé le travail des experts en lecture au primaire (Table ronde des experts en lecture, 2003) et sous-tendent le Guide d’enseignement efficace de la lecture :

• L’enseignement de la lecture doit se fonder sur les résultats de solides recherches dont la validité a été vérifiée dans la salle de classe. Il est clairement établi que la qualité de l’enseignement de la lecture permet d’atténuer les facteurs qui risqueraient d’empêcher certains enfants d’apprendre à lire avec succès.

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• La réussite des enfants au début de l’apprentissage de la lecture est essentielle d’autant plus que la période critique pour l’apprentissage de la lecture se situe entre quatre et sept ans.

• Le personnel enseignant joue un rôle fondamental dans l’acquisition de la lecture par l’enfant. Cette affirmation découle du fait que la recherche met en évidence l’aptitude des enseignants comme le facteur qui exerce la plus grande influence sur l’aisance avec laquelle les enfants maîtrisent la lecture.

• La coopération et l’appui des leaders de l’école et du conseil sont des facteurs clés de la réussite de l’enseignement de la lecture au primaire.

2.1.2 Contenu du Guide efficace de l’enseignement de la lecture Le cadre d’action présenté dans le rapport de la Table ronde des experts en lecture (2003) cible trois objectifs de l’enseignement de la lecture : la fluidité, la compréhension et la motivation. La fluidité est l’habileté à reconnaître les mots et à lire le texte avec rapidité, précision et expression, favorisant ainsi la compréhension. La compréhension est l’habileté à extraire le message d’un texte, à y réfléchir et à en tirer des conclusions. La motivation à lire est associée à un ensemble d’attitudes reposant sur l’engagement de l’élève à accomplir des activités de lecture. La figure 2.1 permet de visualiser ces trois grands objectifs et les composantes qu’ils sous-tendent.

Figure 2.1 Trois grands objectifs de l’enseignement de la lecture et ses composantes

Étant donné que la lecture alphabétique associe une composante auditive phonémique à une composante visuelle graphique nécessitant la prise en compte de la structure phonémique du langage et qu’il existe des liens très forts entre les performances des enfants dans des tâches portant sur les phonèmes et leurs progrès dans l’apprentissage de la lecture (Escalle et Magnan, 2002), le Guide d’enseignement efficace de la lecture (MÉO, 2003) insiste sur le continuum conscience phonémique, système graphophonétique et étude de mots. Par conséquent, de nombreuses stratégies s’y rapportant sont expliquées

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concrètement et abondamment illustrées. Précisons que la résolution de problème en lecture occupe une place centrale et que l’élève doit en arriver à utiliser conjointement les trois systèmes d’indices : graphophonétique, sémantique et syntaxique. La figure 2.2 illustre ces trois systèmes.

Figure 2.2 Trois systèmes d’indices : graphophonétique, sémantique et syntaxique

Quatre situations de lecture permettent l’enseignement méthodique et intégré des structures de la langue écrite et favorisent l’apprentissage continu. Ces quatre situations sont la lecture aux élèves, la lecture partagée, la lecture guidée et la lecture autonome.

Lors de la lecture aux élèves, l’enseignant lit un texte à haute voix, à toute la classe, à un petit groupe ou à une ou un élève. Le but est de donner le goût de la lecture et d’offrir aux élèves un exemple de lecteur compétent tout en modélisant des stratégies de compréhension. Pour cette situation de lecture, l’enseignant choisit un texte dont le niveau correspond au niveau de compréhension orale des élèves, donc à un niveau plus difficile que celui que l’élève peut lire de façon autonome, soit à un niveau élevé de difficulté (moins de 90 % de précision).

Lors de la lecture partagée, l’enseignant exploite avec les élèves un texte que tous peuvent voir (p.ex., un grand livre, un transparent ou une affiche). Le but est de faire de l’enseignement explicite des stratégies de lecture. Pour la lecture partagée, l’enseignant choisit un texte qui est soit à un niveau élevé de difficulté (moins de 90 % de précision) ou à un niveau d’apprentissage (entre 90 et 94 % de précision).

Lors de la lecture guidée, il utilise un texte avec un petit groupe d’élèves rassemblés en fonction de leurs besoins en lecture. Le but est de mettre en pratique et de consolider les stratégies efficaces de lecture (Fountas et Pinnel, 1996, 2001; Hornsby, 2000). Pour la lecture guidée, l’enseignant choisit plusieurs copies du même texte, soit une copie par élève qui se situe à un même niveau d’apprentissage (entre 90 et 94 % de précision). La lecture guidée ne devrait pas servir à enseigner de nouvelles stratégies; celles-ci devraient être

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modélisées lors de la lecture aux élèves, puis mises en pratique et enseignées explicitement durant la lecture partagée.

Lors de la lecture autonome, l’élève lit seul ou avec un partenaire. L’objectif est de lire pour le plaisir et de consolider les stratégies de lecture. Pour la lecture autonome, l’enseignant met à la disposition des élèves un éventail de matériel de lecture identifié selon un système de classification qui permet de déterminer la gradation des difficultés des livres. L’élève les choisit en fonction de son niveau d’autonomie (95 % et plus de précision).

2.1.3 Quelques considérations à prendre Il apparaît utile, à ce stade-ci, de faire une mise au point. Pour saisir les changements instaurés dans les huit écoles participantes quant à l’enseignement de la lecture, il est nécessaire de situer celles-ci entre autres dans l’implantation des quatre situations de lecture, soit la lecture aux élèves, la lecture partagée, la lecture guidée et la lecture autonome. Il pourrait être facile, si on ne prend pas le soin de se référer au Guide d’enseignement efficace de la lecture, de confondre ces quatre situations de lecture avec des approches plus traditionnelles. À titre d’exemple, un enseignant pourrait croire qu’il fait chaque jour de la lecture autonome avec ses élèves puisqu’il fait lire silencieusement ceux-ci tous les matins. Or, comment pourrait-il faire cette activité sans livres nivelés et sans avoir récemment identifié le niveau de lecture de l’élève? Dans un tel contexte, il s’agit plutôt d’une période de lecture silencieuse telle qu’on la retrouve traditionnellement dans les salles de classe. La lecture silencieuse ininterrompue pratiquée traditionnellement dans les classes incite peu à la discussion et au partage entre élèves tandis que la lecture autonome, telle que préconisée dans le document Stratégie de lecture au primaire - Rapport de la Table ronde des experts en lecture (2003), encadre davantage l’élève et exige que l’enseignant planifie judicieusement cette période.

Plusieurs considérations doivent être prises en compte pour que de nouvelles pratiques, telle la lecture autonome, puissent véritablement s’implanter dans l’école. D’abord, il est nécessaire que l’enseignant connaisse le niveau de lecture de chaque élève, établi non pas de façon intuitive, mais à l’aide d’outils normalisés, afin d’assurer une continuité dans l’apprentissage (considérations d’ordre pédagogique). De plus, la classe doit disposer de livres nivelés en quantité suffisante (considérations d’ordre matériel). Ces livres doivent être organisés par niveaux et un système doit permettre aux élèves de les échanger facilement et régulièrement (considérations de l’ordre de l’organisation et de la gestion). La figure 2.3 décrit quelques éléments à considérer dans le cas de la lecture autonome.

Ces énoncés suggèrent qu’il est nécessaire de bien saisir les nuances entre les nouvelles approches décrites dans le Guide d’enseignement efficace de la lecture et celles qui sont traditionnellement utilisées et avec lesquelles, parfois, le personnel se sent plus à l’aise. Le même exercice peut être fait avec les trois autres situations de lecture, car elles ont également des particularités et des exigences dont il faut tenir compte si on veut véritablement implanter un programme équilibré en lecture. La direction d’école et le personnel enseignant peuvent se référer à la section 6 du Guide d’enseignement efficace de la lecture ainsi qu’aux pages 1.18 et 1.19 de celui-ci pour être en mesure de saisir les nuances liées aux quatre situations de lecture.

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2.1.4 Évolution des écoles dans l’implantation d’un programme efficace en lecture

Tel qu’il a été mentionné précédemment, l’équipe de recherche s’est basée sur le Guide d’enseignement efficace de la lecture pour juger de l’évolution des pratiques d’enseignement. Les composantes suivantes ont fait l’objet d’une attention particulière : l’environnement et la gestion de la salle de classe, la connaissance et la maîtrise des situations de lecture, l’utilisation des données de la Trousse d’évaluation en lecture GB+ (Nelley et Smith, 2003) pour regrouper les élèves et pour cibler les interventions ainsi que les occasions de communication orale. Trois stades permettent de situer chacune des écoles dans leur évolution, soit l’initiation, l’implantation et l’intégration.

Figure 2.3 Considérations à prendre pour la lecture autonome

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Une école qui se situe au stade d’initiation est celle qui en est à ses débuts dans l’implantation d’un programme équilibré en lecture et qui a fait quelques tentatives en ce sens. Les caractéristiques plus spécifiques d’une école se situant à ce stade sont décrites au tableau 2.1.

Tableau 2.1 Enseignement efficace de la lecture : école au stade d’initiation (niveau 1)

Environnement et gestion de la salle de classe

• La salle de littératie est absente ou est en préparation et n’est pas encore fonctionnelle.

• Les ressources pour un programme équilibré en lecture sont peu nombreuses, par exemple il existe peu de livres nivelés pour la lecture autonome, de séries de livres pour la lecture guidée ou du matériel pour les centres de littératie.

• Les classes possèdent un système plus ou moins efficace pour répertorier les différents niveaux de livres et faciliter les échanges.

• Les élèves changent peu souvent de livres de littérature jeunesse (p.ex. une fois par semaine).

• Un temps de classe est accordé régulièrement à l’enseignement de la littératie, mais il n’y a pas de bloc de littératie comme tel.

• Les regroupements d’élèves sont plutôt statiques.

Situations de lecture • Le processus de lecture est parfois connu, mais peu ou pas appliqué. Peu d’éléments du processus de lecture ont été mis en place.

• Le matériel pédagogique est surtout de type commercial (référentiels, manuels de base, cahier d’exercices).

• Les enseignants ont fait quelques tentatives avec au moins deux situations de lecture. Ils ont peu de maîtrise des situations de lecture.

Observations Évaluations

• Il existe peu ou pas de traces de l’impact des évaluations en lecture (outils de la Trousse d’évaluation en lecture GB+ ou Littératie Plus) pour planifier les stratégies d’enseignement et pour favoriser les apprentissages différenciés.

• Les enseignants se basent surtout sur leur intuition pour établir les niveaux de lecture des élèves, pour faire les regroupements et cibler les interventions à privilégier.

• L’évolution des élèves est peu documentée par des données provenant d’outils normalisés (p. ex., les fiches d’observation individualisées).

Communication orale • Il existe peu d’interactions entre les élèves ainsi qu’entre l’enseignant et les élèves.

• L’enseignant occupe la plupart du temps de parole. • Le questionnement est peu efficace.

Une école rendue au stade d’implantation en est une où l’on note plusieurs indications d’un tel changement. Elle progresse dans la mise en œuvre d’un programme équilibré en lecture. Les caractéristiques plus spécifiques d’une école se situant à ce stade sont décrites au tableau 2.2.

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Tableau 2.2 Enseignement efficace de la lecture : école au stade d’implantation (niveau 2)

Environnement et gestion de la salle de classe

• La salle de littératie est bien organisée, pourvue de plusieurs ressources, mais est peu utilisée.

• Les ressources en salle de classe pour un programme équilibré en lecture sont assez nombreuses, par exemple il existe une bonne quantité de livres nivelés pour la lecture autonome ou des séries de livres pour la lecture guidée ainsi que du matériel pour les centres de littératie. Cependant, ces ressources sont peu utilisées.

• Les classes possèdent un système assez efficace pour répertorier les différents niveaux de livres (p. ex., les bacs de livres) et faciliter les échanges (comme les sacs de livres). Toutefois, ce système est peu utilisé.

• Les échanges de livres sont assez fréquents (p. ex., cinq livres par semaine).

• Un bloc de littératie existe, mais il y a plusieurs interruptions pendant celui-ci. Le temps d’enseignement en littératie est géré plus ou moins efficacement.

• Les regroupements des élèves montrent une certaine flexibilité. Situations de lecture • Quelques éléments du processus de lecture ont été mis en application.

• Le matériel pédagogique est parfois de type commercial et parfois développé avec les élèves en situation authentique (référentiels, mur de mots, utilisation de livres de littérature jeunesse).

• Les enseignants ont implanté les quatre situations de lecture, mais confondent plusieurs termes. Ils comprennent en partie les situations de lecture et appliquent certains éléments s’y rapportant.

Observations

Évaluations

• Il existe quelques traces de l’impact des évaluations en lecture (Trousse d’évaluation en lecture GB+, Littératie Plus) pour planifier les stratégies d’enseignement et pour favoriser les apprentissages différenciés.

• Les enseignants utilisent parfois les données d’évaluation en lecture pour établir les niveaux de lecture des élèves, pour faire les regroupements et pour cibler les interventions à privilégier.

• L’évolution des élèves est documentée par certaines données provenant d’outils normalisés (p. ex., les fiches d’observation individualisées) prises de façon peu fréquente et irrégulière.

Communication orale • Il existe plusieurs occasions de communication orale, mais l’enseignant occupe encore la plupart du temps de parole.

• Plusieurs échanges informels sont intégrés à quelques situations d’enseignement.

• Le questionnement est parfois efficace.

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Une école rendue au stade d’intégration est une école qui est très avancée dans l’implantation du programme équilibré en lecture. Les caractéristiques plus spécifiques d’une école se situant à ce stade sont décrites au tableau 2.3.

Tableau 2.3 Enseignement efficace de la lecture : école au stade d’intégration (niveau 3)

Environnement et gestion de la salle de classe

• La salle de littératie est bien organisée et il y a une forte utilisation de ses ressources.

• Chaque classe dispose en quantité suffisante de livres nivelés pour la lecture autonome, de séries de livres pour la lecture guidée et de matériel pour les centres de littératie. Les ressources sont très utilisées.

• Les classes possèdent un système très efficace pour répertorier les différents niveaux de livres (p. ex., les, bacs de livres) et faciliter les échanges (comme les sacs de livres). Ce système est très utilisé.

• Les échanges de livres sont très fréquents (10 livres par semaine) • Le bloc de littératie est planifié et géré très efficacement : horaire, contexte

d’apprentissage, temps de transition, intégration des matières. • Les regroupements sont flexibles en fonction de l’évolution constante des

élèves.

Situations de lecture • Le processus de lecture est maîtrisé et appliqué adéquatement. • Les enseignants utilisent des situations authentiques pour l’apprentissage de

la lecture (p. ex., les livres de littérature jeunesse, le mur de mots en constante évolution, les référentiels fabriqués en présence des élèves).

• Les enseignants comprennent et appliquent adéquatement les quatre situations de lecture.

Observations

Évaluations

• Il existe des traces évidentes de l’impact des évaluations en lecture (Trousse d’évaluation en lecture GB+, Littératie Plus) pour planifier les stratégies d’enseignement et pour favoriser les apprentissages différenciés.

• Les enseignants utilisent efficacement et de façon régulière les données d’évaluation en lecture pour établir les niveaux de lecture des élèves, pour faire les regroupements et pour cibler les interventions à privilégier.

• L’évolution des élèves est bien documentée par les données provenant d’outils normalisés (p. ex., les fiches d’observation individualisées) prises de façon fréquente et régulière.

Communication orale • Il existe plusieurs occasions de communication orale qui permettent aux élèves de s’exprimer et de travailler les habiletés supérieures de la pensée.

• Plusieurs activités favorisent les interactions entre les élèves. • Le questionnement est très efficace.

C’est donc à partir des informations présentées dans cette section que l’équipe de recherche s’est basée pour saisir la situation de chaque école en ce qui concerne le premier des trois pôles, soit l’amélioration des pratiques des enseignants en littératie. Les lignes qui suivent permettront d’expliquer le deuxième pôle, soit la collecte de données précises reliées au rendement de l’élève en lecture.

2.2 Deuxième pôle : données pour améliorer l’apprentissage Le Secrétariat de la littératie et de la numératie, dans le Cadre pour l’efficacité des écoles (2007), reconnaît un rôle de premier plan à la collecte de données pour favoriser l’apprentissage des élèves. Les données doivent être vues comme des moyens pour susciter le questionnement et prendre des décisions éclairées. Dans cette optique, l’école met en place un mécanisme transparent de suivi portant sur le rendement des élèves qui illustre la progression de ceux-ci et offre des bases solides aux discussions pédagogiques.

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Ainsi, les tableaux de données mis à jour régulièrement constituent des moyens puissants pour nourrir le questionnement, pour illustrer l’effet des interventions et pour faciliter les prises de décision. Vue sous cet angle, l’évaluation est utilisée pour appuyer l’enseignement et pour améliorer l’apprentissage.

2.2.1 Respect de la zone proximale de développement La progression en lecture s’exprime par la capacité à lire de façon satisfaisante des textes d’un niveau de difficulté croissant. Le lecteur élabore au fur et à mesure de nouvelles activités stratégiques pour faire face à l’augmentation de la difficulté du texte (Clay, 2003). Par activités stratégiques, il faut comprendre les activités mentales que l’élève utilise lorsqu’il tente de décoder un texte donné. Pour qu’il y ait apprentissage, il est indispensable de s’assurer que le niveau des textes proposés aux élèves représente un défi qui les stimulera à vouloir lire davantage. Ce niveau de difficulté doit être bien ciblé, car s’il constitue un obstacle difficile à surmonter, il risque de décourager l’élève face à l’apprentissage de la lecture. Plus on laisse l’élève en situation d’échec, plus difficile est le problème à régler.

Figure 2.4

Zone proximale de développement

De nos jours, les enseignants doivent comprendre et tenir compte du concept de « zone proximale de développement » qui joue un rôle clé dans l’apprentissage de la lecture (Vygotzky, 1980). Il s’agit de la zone dans laquelle l’élève peut résoudre avec de l’aide un problème qu’il n’aurait pu résoudre seul. L’intervention réalisée dans cette zone se nomme étayage (voir figure 2.4). Pour être en mesure de travailler dans cette zone proximale de développement, l’enseignant doit choisir judicieusement le niveau de difficulté des textes qu’il présente à l’élève. Le niveau de difficulté du texte ne doit pas être basé sur l’intuition, mais sur des outils permettant de faire des mesures fiables.

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2.2.2 Outils normalisés pour alimenter les discussions pédagogiques Le Secrétariat de la littératie et de la numératie, dans le Cadre pour l’efficacité des écoles (2007), recommande la mise en place d’un mécanisme transparent de suivi et de discussion portant sur le rendement des élèves. Il est suggéré que les progrès des élèves soient évalués et examinés fréquemment pour déterminer les interventions à privilégier.

Quand l’école ne se dote pas d’outils normalisés ou que le mécanisme qui sous-tend ces outils est mal maîtrisé, et que par conséquent l’enseignant détermine lui-même, par intuition, la valeur des niveaux de lecture de l’élève, trois choses ont tendance à se produire :

• La culture de l’école en ce qui concerne l’évaluation des niveaux de lecture de l’élève n’est pas uniforme parce qu’il n’y a pas de point de repère commun qui soutient la démarche;

• Si chacun agit selon ses propres critères individuels, il risque d’y avoir peu de cohérence entre les pratiques pour juger des niveaux de lecture;

• Porter un jugement pour situer le niveau de lecture d’un élève devient alors très subjectif.

Par conséquent, les outils normalisés tels que la Fiche d’observation individualisée (Clay, 2003) et les outils de la Trousse d’évaluation en lecture GB+ constituent des atouts majeurs pour une démarche d’analyse et de questionnement face aux apprentissages en lecture. Ces outils font ressortir les points de convergence et de divergence entre les élèves. Ils aident à repérer les écarts et incitent à dégager des moyens concrets pour que tous les élèves puissent progresser.

2.2.3 Technologie comme soutien au jugement professionnel Un autre instrument soutient ces deux outils, soit le logiciel Littératie Plus. Il permet une gestion informatisée des données et facilite, entre autres, le traitement de celles-ci et la visualisation des progrès de l’élève, de la classe, du cycle ou de l’école. Cette base de données met également en évidence des éléments prioritaires sur lesquels il est pressant de travailler. Bien utilisé, ce logiciel favorise le questionnement face aux résultats obtenus, par exemple :

• Quelles preuves avons-nous que les élèves ont progressé en lecture?

• Sait-on repérer les élèves qui sont à risque?

• Qu’est-ce que ces élèves sont présentement capables de faire en lecture?

• Quelles habiletés de lecture sont nécessaires pour atteindre le prochain niveau de lecture?

• Y a-t-il des tendances dans le type d’erreurs produites par un groupe d’élèves?

• Y a-t-il des indices qui semblent négligés chez certains élèves?

• Quelles interventions sont nécessaires pour permettre à l’élève d’utiliser davantage un système d’indices?

• Y a-t-il des élèves qui restent au même niveau de lecture?

• Que pourrait-on faire différemment pour permettre à ces élèves de progresser?

• Que devons-nous apprendre pour y arriver?

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• Qui peut nous aider?

• A-t-on l’expertise à notre école pour répondre à ce type de besoin? Sinon, où peut-on trouver cette expertise?

2.2.4 Données pour illustrer la progression vers le changement Toute initiative de changement risque d’être moins motivante si l’école s’abstient de se donner des objectifs à court terme qu’elle pourra atteindre (Dufour et Eaker, 2004). Il convient d’établir ce qui constitue un seuil de réussite, soit ce qui est communément appelé des « normes » de performance en lecture que l’on cible pour une année d’études (p. ex., le niveau de lecture 11, de la Trousse d’évaluation en lecture GB+ pour les élèves de première année). Pour que cet objectif soit réaliste, il faut qu’en plus on ajoute une certaine précision de façon quantitative (p. ex., 80 % des élèves de première année atteindront la norme à la fin de l’année). Les enseignants ont besoin de preuves confirmant qu’ils sont sur la bonne voie et que les efforts fournis produisent les résultats voulus. Il est donc nécessaire pour visualiser les gains que l’école établisse des objectifs réalistes et qu’elle se dote d’outils pour mesurer si elle s’approche de ces objectifs ou non. Pour encourager le changement, l’école doit se poser deux questions fondamentales : « Comment saurons-nous que nous avons atteint l’objectif que nous nous sommes fixé? À quelle fréquence allons-nous vérifier les progrès? ». Après avoir maîtrisé l’aspect technologique de l’utilisation de Littératie Plus, il devient plus facile de visualiser le progrès des élèves par des graphiques évocateurs et de consacrer son énergie au jugement professionnel et à la pédagogie.

2.2.5 Quelques défis à surmonter Cette culture de l’évaluation pour améliorer l’apprentissage n’est pas sans obstacles. Trois défis doivent être relevés dans plusieurs écoles.

• Premier défi : l’apprentissage et la maîtrise, par tous les enseignants, des conventions utilisées dans les fiches d’observation individualisées.

Pour que les résultats des fiches d’observation individualisées soient crédibles, ils doivent s’appuyer sur le respect des conventions. Or, au début de l’expérimentation, les enseignants éprouvent généralement de la difficulté à maîtriser ces conventions. Il est essentiel que ceux-ci soient bien formés en ce sens. Six enseignants différents, qui prennent des notes et qui évaluent les élèves avec le même outil, doivent en arriver aux mêmes résultats. De plus, lorsqu’un enseignant lit les notes d’un autre enseignant, il doit être capable de comprendre ce que l’élève a réellement fait (Clay, 2003). Dans le cas où les données sont incomplètes, comme lorsqu’un enseignant n’utilise les fiches d’observation que pour situer le niveau de lecture de l’élève sans vérifier la compréhension, ou parce que les intervenants ne s’entendent pas sur les conventions, les résultats ne sont alors que des approximations. Celles-ci peuvent donner une fausse idée de la progression de l’élève. De plus, de tels résultats sont alors dépourvus de l’information recherchée pour concevoir un enseignement solide, par exemple, le système d’indices que l’élève priorise et celui qu’il néglige. Il convient donc d’offrir le soutien d’une personne experte aux enseignants qui manquent de confiance ou d’expérience et d’instaurer dans l’école une culture d’apprentissage collectif et de diffusion de l’expertise. Des moyens permettant de développer collectivement des compétences face à l’utilisation des conventions doivent être établis, comme lors des rencontres collaboratives.

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• Deuxième défi : l’analyse critique et l’interprétation fiable des résultats

Le personnel enseignant d’une école, qui possède des données mais ne les utilise pas, perd les avantages rattachés à cette collecte. Les données doivent être utilisées pour se questionner, par exemple, sur les activités stratégiques que les élèves maîtrisent lors de la lecture de textes et celles qui sont problématiques. Ainsi, l’enseignant ne perd pas son temps à enseigner des notions que l’élève maîtrise déjà. Ces données permettent également de repérer des éléments qui semblent déficitaires, principalement chez les élèves à risque.

• Troisième défi : Le réinvestissement dans l’enseignement

Faire un bilan des résultats du sondage d’observation ou des fiches d’observation individuelles constitue une démarche incomplète si l’enseignant n’utilise pas les informations pour guider le choix de ses interventions afin de répondre aux besoins de ses élèves. C’est en équipe collaborative qu’on trouve les meilleures solutions à ce type de questionnement. Les actions portent fruit lorsque les enseignants créent un solide niveau de concertation, démontre une persévérance dans les efforts et une continuité dans les interventions d’une année d’études à l’autre.

En somme, il faut disposer d’outils d’évaluation pour que systématiquement les interventions répondent aux besoins des élèves. Toutefois, il faut savoir les utiliser efficacement afin d’améliorer l’apprentissage.

La figure 2.5 illustre quelques indications permettant de reconnaître l’utilisation des données pour améliorer l’apprentissage. L’utilisation de données à des fins pédagogiques jumelée à l’emploi de la technologie pour faire la collecte de données constitue en soi une innovation. Comme toute innovation dans le système scolaire, il faut se donner du temps et se doter de moyens efficaces pour surmonter les défis. Le travail en communauté d’apprentissage professionnelle constitue l’un d’entre eux. Il en sera question à la section 2.3.

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Figure 2.5

Quelques indications permettant de reconnaître l’utilisation de données pour améliorer l’apprentissage

2.2.6 Évolution des écoles dans l’utilisation des données d'apprentissage En s’inspirant du modèle de Hall et Hord (1987) et de Leclerc (2005) concernant l’implantation d’une innovation, l’équipe de recherche a jugé de l’évolution des démarches de collecte de données de chaque école. Les critères qui ont permis de situer chaque école sont les connaissances que les participants avaient de Littératie Plus, l’utilisation qu’ils en font, les sentiments et les attitudes qu’ils montrent à l’égard de ce logiciel et, enfin, le niveau de réinvestissement qu’ils font de son utilisation. Les trois stades de développement permettent de situer chaque école, soit les stades d’initiation, d’implantation et d’intégration. L’équipe de recherche considère que dans une école au stade de l’initiation (niveau 1), les enseignants commencent à se familiariser avec Littératie Plus et son emploi. Les caractéristiques plus spécifiques d’une école se situant à ce stade sont décrites dans le tableau 2.4.

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Tableau 2.4

Utilisation des données : école au stade d’initiation (niveau 1) Indicateurs Les enseignants

Connaissances • Démontrent une faible connaissance de Littératie Plus ou de la Trousse d’évaluation en lecture GB+;

Utilisation • N’ont pas utilisé Littératie Plus ou l’utilise très peu;

Sentiment et attitude • Démontrent peu d’intérêt ; • Se perçoivent particulièrement incompétents face à son utilisation; • Ne voient aucunement l’apport pédagogique de Littératie Plus; • Se trouvent dépassés devant les exigences et le travail demandé pour son

utilisation; • Démontrent peu de confiance en eux;

Réinvestissement • Les données servent davantage à répondre à une demande de l’administration plutôt qu’à améliorer les interventions pédagogiques en salle de classe.

Dans une école qui est au stade d’implantation (niveau 2), les enseignants connaissent davantage Littératie Plus mais l’utilisent de façon irrégulière. Ils y voient maintenant certains avantages pédagogiques. Toutefois, ils trouvent que cela surcharge leur travail. Les caractéristiques d’une école au stade d’implantation sont résumées au tableau 2.5.

Tableau 2.5

Utilisation des données : école au stade d’implantation (niveau 2)

Indicateurs Les enseignants Connaissances • Démontrent certaines connaissances de Littératie Plus;

Utilisation • Font un usage rudimentaire, irrégulier et parfois mécanique de Littératie Plus; • Ont besoin d’une personne plus compétente dans l’utilisation du logiciel;

Sentiment et attitude

• Démontrent un certain intérêt pour son utilisation et ont surmonté certaines craintes;

• Reconnaissent l’apport pédagogique de Littératie Plus, mais considèrent que son utilisation occasionne une surcharge de travail;

• Se perçoivent plus ou moins compétents face à son utilisation; • Consacrent leurs efforts à résoudre des problèmes techniques, d’horaire, de

gestion du temps et du groupe;

Réinvestissement • Utilisent les données pour définir le profil de la classe et faire le regroupement d’élèves;

• Se questionnent parfois sur les interventions à privilégier compte tenu des analyses effectuées.

Dans les écoles qui sont au stade d’intégration (niveau 3), les enseignants emploient Littératie Plus de façon régulière et sont capables de l’adapter à leurs besoins pédagogiques. Ils font des analyses complexes des données recueillies. Les enseignants y voient un moyen pour améliorer l’apprentissage chez leurs élèves. Les caractéristiques plus spécifiques d’une école se situant à ce stade sont décrites au tableau 2.6.

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Tableau 2.6

Utilisation des données : école au stade d’intégration (niveau 3)

Indicateurs Les enseignants Connaissances • Démontrent un haut niveau de connaissances de Littératie Plus;

Utilisation • Emploient Littératie Plus de façon régulière et approfondie; • Utilisent Littératie Plus non seulement pour établir le profil de la classe et

faire les regroupements d’élèves, mais également pour cerner les priorités d’apprentissage et cibler les interventions à privilégier;

• Ont adapté Littératie Plus à leurs besoins pédagogiques, entre autres pour favoriser l’enseignement différencié;

Sentiment et attitude • Démontrent de l’enthousiasme et un haut niveau de confiance face à l’emploi de Littératie Plus;

• Portent leur attention sur ses effets positifs, comme l’impact sur leur enseignement ainsi que sur l’apprentissage de l’élève et sa motivation;

• Constatent un changement dans leur rôle; • Ont surmonté les difficultés techniques, d’horaire, de gestion du temps ou

du groupe;

Réinvestissement • Font des analyses complexes des données recueillies; • Se questionnent sur les interventions à privilégier compte tenu des

analyses effectuées.

C’est donc à partir des informations présentées dans cette section que l’équipe de recherche s’est basée pour saisir la situation de chaque école en ce qui concerne le deuxième pôle, soit la collecte des données pour améliorer l’apprentissage. La section qui suit explique le troisième pôle, soit le fonctionnement de l’école en communauté d’apprentissage professionnelle.

2.3 Troisième pôle : fonctionnement de l’école en communauté d’apprentissage professionnel (CAP)

L’expression « communauté d’apprentissage professionnelle » tire son origine de la littérature portant sur les théories organisationnelles. En effet, depuis une quinzaine d’années, le monde du travail souligne l’importance de s’arrêter au mode de fonctionnement des travailleurs pour en comprendre l’influence sur le rendement de l’entreprise. On reconnaît désormais que la connaissance construite par un individu ou un groupe d’individus constitue un avantage indéniable dans le monde du travail. Ceux-ci représentent dès lors la ressource la plus importante d’une organisation (Wenger, 1998).

L’expression « organisation apprenante » découle de l’importance accordée aux individus d’une entreprise et exprime le fait que les gens, dans un esprit de collaboration, sont en constante situation d’apprentissage (Senge, 1990). C’est pourquoi de nombreuses études s’intéressant aux structures organisationnelles efficaces ont insisté sur la notion de communauté de pratique, où les gens développent et partagent leurs connaissances et leur créativité. Le monde de l’éducation n’a pas échappé à cette évolution.

2.3.1 Qu’est-ce qu’une communauté d’apprentissage professionnelle? Hord (1997) décrit cinq caractéristiques d’une communauté d’apprentissage professionnelle : (1) un leadership partagé où la direction de l’école démontre un esprit de collégialité, partage son pouvoir et facilite la participation du personnel aux prises de décision; (2) une vision et des valeurs partagées qui se manifestent par un engagement du

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personnel envers la réussite des élèves; (3) un apprentissage collectif du personnel en réponse aux besoins des élèves, qui se traduit en actions concrètes; (4) l’évaluation par les pairs des stratégies utilisées, leur rétroaction ainsi que leur soutien en vue d’une amélioration des résultats des élèves de toute la communauté scolaire (école) et (5) les conditions physiques et humaines qui permettent aux enseignants de collaborer, d’apprendre et de partager ensemble. Miller (2005) complète ce tableau en énumérant des étapes incontournables pour établir une culture scolaire qui appuie les communautés d’apprentissage professionnelles au sein de l’école :

• Définir la mission, la vision, les valeurs et les objectifs

Il doit y avoir un engagement collectif envers des lignes directrices qui illustrent clairement ce en quoi les membres du personnel croient, et qui dirigent leurs actions et leurs comportements.

• S’engager dans une recherche collective et questionner continuellement ce qu’on fait

Des éducateurs professionnels recherchent des méthodes pédagogiques novatrices et s’appuient mutuellement à mesure qu’ils les essaient en classe. Ils coordonnent leurs activités et s’assurent que leur travail vise des objectifs communs que le personnel a identifiés.

• Poursuivre un même but

Les enseignants apprennent les uns des autres et créent un dynamisme qui favorise l’amélioration. La structure scolaire soutient l’amélioration et appuie leur travail grâce à des horaires souples qui permettent d’avoir du temps pour les rencontres pendant la journée (temps de qualité).

• Expérimenter et faire un retour sur les expérimentations

Les stratégies d’enseignement et les théories sur l’apprentissage sont testées avec soin dans les classes, les résultats sont évalués et les conclusions sont communiquées aux collègues.

• Valoriser l’amélioration continue

Les enseignants ne sont jamais satisfaits du statu quo et cherchent continuellement des façons de progresser. L’innovation et l’expérimentation sont la norme.

• Exiger des résultats

Même si les efforts sont empreints de bonnes intentions, seuls les résultats comptent. Ils doivent être observables et mesurables. L’évaluation ainsi que la collecte de données doivent être constantes et rigoureuses.

En somme, dans le contexte d’une communauté d’apprentissage professionnelle, les enseignants assument une responsabilité partagée face aux résultats visés des élèves et s’engagent collectivement dans la poursuite de buts communs. Ils considèrent qu’ils sont collectivement responsables de tous les élèves (Fullan, 1999; Sparks, 1999).

2.3.2 Changement organisationnel dans les écoles de l’Ontario Plusieurs tables rondes d’experts ainsi que le Secrétariat de la littératie et de la numératie insistent pour que l’école développe sa communauté d’apprentissage professionnelle afin de favoriser l’accroissement continu des capacités au sein de la salle de classe, du cycle d’enseignement et de l’école (Table ronde des experts, 2003, 2004, 2005; Secrétariat de la littératie et de la numératie, 2007). Or, les écoles de l’Ontario vivent un changement majeur

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d’ordre organisationnel occasionné par une transformation des modes de fonctionnement des enseignants au sein de l’école.

En effet, en Ontario, comme dans la plupart des écoles nord-américaines, les enseignants, du fait de posséder une certaine autonomie dans plusieurs secteurs de leurs activités, travaillent de façon isolée depuis des décennies. Les nouvelles pratiques encouragent plutôt une structure de l’école qui met à profit l’interdépendance et l’interaction professionnelles des enseignants. La recherche souligne d’ailleurs que ces changements créent un impact bénéfique tant sur la culture organisationnelle que sur la performance scolaire des élèves. Le tableau 2.7 illustre certaines distinctions entre l’école traditionnelle et celle qui fonctionne comme une communauté d’apprentissage professionnelle.

2.3.3 Équipes collaboratives comme fondement à l’apprentissage collectif Les écoles doivent mettre en place une structure qui soutient le travail d’équipe, qui facilite les échanges entre les enseignants et qui encourage l’interdépendance face aux résultats des élèves. Les rencontres d’équipes collaboratives constituent la base d’un tel mode de fonctionnement pour amener les enseignants à travailler en étroite collaboration et pour permettre de résoudre des problèmes complexes visant l’amélioration du rendement des élèves. La direction a la responsabilité, très tôt dans le processus, d’énoncer clairement son désir de voir tous les élèves réussir. Certains enseignants vont spontanément adhérer à cette vision et d’autres seront sceptiques ouvertement ou silencieusement. Des discussions fréquentes sur les données d’apprentissage, des études de cas, des débats sur les interventions pédagogiques mises en œuvre dans les classes, le partage des lectures scientifiques vont finir par convaincre tout le monde du bien-fondé de cette vision. Voici quelques pistes permettant d’orienter le travail des équipes collaboratives :

• Établir un calendrier des rencontres le plus rapidement possible, par exemple dès la fin juin pour l’année scolaire suivante. Une rencontre d’une demi-journée par mois est habituellement suffisante, mais la fréquence et la durée peuvent varier en fonction des besoins et du stade où est rendue l’école;

• S’approprier et partager des nouvelles façons de faire. Les lectures professionnelles ou scientifiques sont sélectionnées en fonction des besoins pédagogiques de l’équipe. Ces lectures sont suggérées par la direction ou un membre du personnel. Elles peuvent être faites par l’équipe ou par un seul membre qui en fera le partage lors de la prochaine rencontre. Ce sont des documents du ministère de l’Éducation, des articles, des chapitres ou quelques pages d’un livre;

• Préparer judicieusement les discussions et les études de cas. Pour les discussions, il faut déterminer avant la rencontre les thèmes qui seront abordés. Pour les études de cas, il est préférable de ne choisir qu’un seul élève à la fois en illustrant, à l’aide de ses productions, le défi rencontré avec cet élève sur le plan de l’enseignement et de l’apprentissage. Les enseignants vont alors nommer des interventions possibles. La responsabilité de l’enseignant titulaire est de noter ces interventions, de les mettre en œuvre et de faire un bref suivi lors de la prochaine rencontre.

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Tableau 2.7

Quelques distinctions entre les écoles traditionnelles et les communautés d’apprentissage professionnelles

Écoles traditionnelles Communautés d’apprentissage professionnelles

• L’accent est mis sur l’enseignement.

• L’accent est mis sur l’apprentissage. Questionnement constant : Comment l’école répond-elle aux besoins de tous les élèves? Quels sont ceux qui nous préoccupent? Que faisons-nous pour ces élèves?

Rencontres

• Souvent informelles (corridor, récréation) et peu structurées.

• Formelles (temps dans l’horaire) et très structurées : calendrier de rencontres, ordre du jour, suivi…

• L’enseignant se sent souvent seul face aux élèves qui le préoccupent.

• Les préoccupations sont partagées au sein de l’équipe. Ce n’est plus ton élève, c’est notre élève.

• L’enseignant utilise des méthodes qu’il juge adéquates.

• L’équipe décide d’utiliser les méthodes jugées les plus appropriées compte tenu des dernières découvertes dans ce domaine et du profil de leurs élèves.

• Les décisions concernant l’élève sont prises en fonction de l’opinion de la majorité (intuition).

• Les décisions sont basées sur ce que la recherche dit comme étant efficace compte tenu de la situation où est placé l’élève. Des données précises sont utilisées pour appuyer les prises de décision (preuves).

• Les approches et méthodes sont choisies en fonction de ce que l’enseignant aime ou n’aime pas.

• Les approches sont choisies en fonction de leur impact sur l’apprentissage de l’élève.

• La validation des méthodes pédagogiques se fait principalement à l’externe: forte composante commerciale (maison d’édition).

• La validation des approches se fait principalement à l’interne : des enseignants font des essais, observent (journal de bord, traces), collectent des données et comparent les effets observés sur l’apprentissage de leurs élèves.

Interventions pédagogiques

• La planification est plutôt statique. • La planification est en changement continuel compte tenu du profil des élèves en pleine mutation.

• Les personnes à la direction sont perçues comme les décideurs (position hiérarchique): pouvoir formel.

• Les personnes à la direction favorisent l’expression du leadership des enseignants (superleadership).

• Les enseignants ont un rôle d’exécutants.

• Les enseignants sont considérés comme des experts, s’influencent mutuellement et influencent les personnes à la direction de leur école.

Leadership de la direction d’école

• Les personnes à la direction sont peu au courant des interventions et approches à valoriser chez le personnel enseignant, car leur temps est surtout consacré à la gestion scolaire.

• Les personnes à la direction d’école exercent activement un leadership pédagogique et sont au courant des interventions et approches à valoriser chez leur personnel.

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Voici quelques questions à se poser pour rendre efficaces les rencontres d’équipes collaboratives et pour s’assurer que les discussions soient centrées sur l’amélioration de l’apprentissage :

• Avons-nous un défi à relever?

• Quelles actions devons-nous entreprendre pour que la situation s’améliore?

• Pourquoi ces faits ou ces données constituent-elles une situation qui ne peut plus perdurer?

• Est-ce que nos données d’apprentissage sont suffisantes? Sinon, lesquelles seraient nécessaires?

• Avons-nous des besoins en ce qui concerne la formation professionnelle afin de mieux encadrer le changement que nous voulons effectuer?

• Avons-nous ciblé une lecture pédagogique collective?

• Sommes-nous en mesure de fixer les points à l’ordre du jour de la prochaine rencontre?

Les premières discussions de l’équipe s’orientent souvent vers des facteurs externes pouvant expliquer les données d’apprentissage des élèves : milieu défavorisé, famille monoparentale, pauvreté, manque de stimulation sociale et culturelle, etc. Par contre, plus les données d’apprentissage sont précises, plus les propos des enseignants suggèrent des stratégies d’enseignement spécifiques pour l’amélioration du rendement. De manière spontanée, les enseignants en arrivent à se poser la question suivante : que puis-je faire pour aider cet élève à maîtriser ce contenu d’apprentissage? Cette question oriente l’équipe vers la recherche de réponses et de stratégies d’intervention et, indirectement, favorise l’amélioration du rendement de l’élève et l’apprentissage collectif du personnel enseignant. La figure 2.6 permet de visualiser quelques caractéristiques d’une équipe collaborative.

En somme, il ne saurait y avoir de communauté d'apprentissage sans une volonté commune, sans cesse réaffirmée, de tous ses membres de travailler ensemble dans le sens de la finalité et de la vision que l’école s'est données. Soulignons que ce changement ne sera durable que si les enseignants accordent une signification à celui-ci (Fullan, 2001), comme lorsqu’ils en voient les répercussions positives sur le rendement scolaire des élèves et sur leur propre sentiment d’efficacité en tant que professionnels. Cette volonté sera d'autant plus ferme et durable que tous les membres de la communauté seront associés aux décisions qui les concernent et seront considérés comme des participants à la fois différents et égaux. Enfin, la formation d'une communauté d'apprentissage exige du temps. Ainsi, pour qu'une école puisse fonctionner efficacement et harmonieusement comme communauté, ses membres doivent parvenir à une certaine connaissance les uns des autres, acquérir la volonté d'œuvrer ensemble, pouvoir dégager, à la lumière d'une certaine expérimentation, les illustrations concrètes de cette vision commune, et convenir de méthodes de travail et de règles de fonctionnement.

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Figure 2.6

Quelques caractéristiques d’une équipe collaborative

La mise en œuvre d’une CAP n’est pas chose facile et les écoles observées lors de la présente recherche se situent à différents stades de développement.

2.3.4 Évolution des écoles dans l’implantation d’une CAP En se basant sur la littérature portant sur les communautés d’apprentissage professionnelles, le travail collaboratif, l’organisation apprenante, les écrits de Dibbon (2000), Eaker, Dufour et Dufour (2004), Gather-Thurler (2000), Hipp et Huffan (2003), Hord (1997) et Miller (2005) ainsi que sur ses observations dans de nombreuses écoles, l’équipe de recherche a répertorié plusieurs indicateurs permettant de situer l’évolution de l’école en communauté d’apprentissage professionnelle. Ces indicateurs concernent (a) la vision de l’école, (b) les conditions physiques et humaines qui permettent aux enseignants de collaborer, d’apprendre et de partager ensemble, (c) la culture au sein de l’école, (d) la manifestation du leadership de la direction et des enseignants, (e) la diffusion de l’expertise et l’apprentissage collectif, (f) les thèmes abordés ainsi que (g) la prise de décision basée sur l’utilisation de données précises. Comme précédemment, trois stades permettent de situer chaque école, soit l’initiation, l’implantation et l’intégration.

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Dans l’école qui se trouve au stade d’initiation (niveau1), les priorités sont multiples. La vision et les priorités sont peu perceptibles dans la pratique. Les conditions humaines et physiques font en sorte qu’il devient difficile pour les enseignants de collaborer et de partager. La culture collaborative laisse à désirer, par exemple à cause de certains conflits interpersonnels. La direction d’école prend les principales décisions et la diffusion de l’expertise est très limitée. L’équipe utilise des données imprécises pour voir l’impact de leurs interventions sur la progression des élèves. Ces caractéristiques sont précisées au tableau 2.8.

Tableau 2.8

Communauté d’apprentissage professionnelle : école au stade d’initiation (niveau 1) Vision • La vision de l’école n’est pas claire face à la réussite pour tous en littératie ou n’est

pas partagée par l’ensemble du personnel. • Les priorités sont multiples et diffuses. • Les liens directs entre les priorités et la vision ne sont pas perceptibles dans la

pratique.

Conditions physiques et humaines

• Les discussions pédagogiques se font surtout lors d’échanges informels (récréation ou temps après les heures de classe) et il existe peu de temps de rencontres formelles pendant le temps de classe.

• Les rencontres collaboratives sont inefficaces : les enseignants ont souvent l’impression qu’il y a beaucoup de perte de temps, ou bien le temps de rencontre est principalement consacré à remplir des formulaires demandés par l’administration.

Culture collaborative

• Le groupe manifeste peu d’habiletés interpersonnelles favorables au travail collaboratif. Les conflits entre les membres du personnel sont apparents.

• Les discussions sont dominées par certains membres du groupe. • Le climat est peu favorable à la collaboration et au partage des expériences. • L’enseignant se sent seul face aux élèves qui le préoccupent.

Leadership • Les personnes à la direction sont perçues comme des décideurs (position hiérarchique). Les enseignants ont un rôle d’exécutants.

Diffusion de l’expertise et apprentissage collectif

• Les enseignants travaillent en silo : il y a peu ou pas de diffusion de l’expertise aux autres collègues.

• Les rencontres favorisent peu l’apprentissage collectif et la diffusion de l’expertise. • Dans l’ensemble, il existe peu de soutien entre les collègues.

Thèmes abordés

• Les thèmes abordés sont multiples et il n’y a pas de fil conducteur d’une rencontre à l’autre.

• Les thèmes sont déterminés longtemps à l’avance (planification statique). • La rencontre sert principalement à donner de l’information ou de la formation.

Prises de décisions et utilisation des données

• Les décisions concernant les élèves sont prises en fonction de l’opinion de la majorité et basées principalement sur l’intuition.

• Il y a peu de données précises liées aux apprentissages des élèves permettant de voir les preuves de la progression de ceux-ci et de se questionner face à l’impact des interventions.

L’école au stade d’implantation (niveau 2) montre une vision claire et partagée et les liens directs entre les priorités choisies et la vision de l’école sont parfois perceptibles dans la pratique. Les conditions humaines et physiques font en sorte qu’il devient plus facile pour les enseignants de collaborer et de partager. La culture collaborative est assez favorable, car le groupe manifeste plusieurs habiletés interpersonnelles encourageant les échanges. La direction d’école partage un certain pouvoir avec les enseignants et l’équipe utilise parfois certaines données précises permettant de voir des preuves de l’impact de leurs interventions sur la progression des élèves. Les caractéristiques d’une école au stade d’implantation sont précisées dans le tableau 2.9.

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Tableau 2.9

Communauté d’apprentissage professionnelle : école au stade d’implantation (niveau 2) Vision • La vision de l’école est claire et partagée face à l’amélioration de la littératie chez les

élèves, mais les priorités sont multiples et diffuses. • Les liens directs entre les priorités et la vision sont parfois perceptibles dans la

pratique.

Conditions physiques et humaines

• Les discussions pédagogiques se font parfois lors d’échanges informels (récréation, temps après les heures de classe) et parfois lors des rencontres collaboratives prévues pendant le temps de classe.

• Les enseignants font des efforts pour collaborer et pour partager, mais la structure des rencontres ne permet pas d’avoir des échanges efficaces.

• Ceux-ci consacrent encore beaucoup d’efforts à la gestion d’horaire et à la gestion du temps et du groupe.

Culture collaborative

• La structure des rencontres favorise l’apprentissage personnel et le soutien entre certains collègues de façon parfois unidirectionnelle ou sélective (p. ex., formation de l’accompagnatrice, de la conseillère pédagogique).

• Le groupe manifeste certaines habiletés interpersonnelles propices au travail collaboratif.

• Le climat est assez favorable à la collaboration et au partage des expériences.

Leadership • Les échanges permettent aux enseignants de donner leur opinion, mais c’est la direction qui prend la décision finale.

Diffusion de l’expertise et apprentissage collectif

• L’expertise semble être diffusée chez les enseignants de même niveau, du même cycle ou dans certains groupes.

• Ce n’est plus seulement des apprentissages individuels, mais on perçoit un certain apprentissage collectif.

• Il y a parfois une évaluation par les pairs des stratégies utilisées, une rétroaction et un soutien collectif en vue d’une amélioration des résultats des élèves.

Thèmes abordés

• Lors des temps de rencontres, les discussions portent principalement sur l’enseignement (planification, ressources, organisation de projets) plutôt que sur l’apprentissage.

• Les thèmes abordés sont sélectionnés pour permettre une plus grande efficacité de l’équipe au regard des apprentissages en littératie (harmonisation des pratiques et des référentiels, apprentissages essentiels).

• Les thèmes sont parfois déterminés à l’avance, mais peuvent changer compte tenu de l’évolution de l’équipe.

• Il y a un certain suivi d’une rencontre à l’autre.

Prises de décisions et utilisation des données

• Les décisions concernant les élèves sont prises, parfois, en fonction de l’opinion de la majorité et basées principalement sur l’intuition et, à d’autres moments, à partir de ce que dit la recherche ou de l’impact observé sur les élèves par des données précises.

• Il existe certaines données précises face à la progression des élèves en lecture et celles-ci font parfois l’objet d’une analyse et d’un questionnement lors des rencontres en vue de cibler les interventions efficaces.

L’école au stade d’intégration (niveau 3) montre une vision claire et partagée qui est reflétée dans la pratique pédagogique. Les conditions humaines et physiques sont favorables à la collaboration et au partage. La culture collaborative est très solide et s’appuie sur la manifestation évidente d’habiletés interpersonnelles encourageant les échanges et les remises en question. La direction d’école partage son pouvoir avec les enseignants et incite au développement du leadership de ces derniers. Les données précises permettent de voir des preuves de l’impact des interventions sur la progression des élèves et de se questionner sur les changements pédagogiques à apporter. Le tableau 2.10 synthétise les caractéristiques d’une école au stade d’intégration.

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Tableau 2.10

Communauté d’apprentissage professionnelle : école au stade d’intégration (niveau 3) Vison • La vision de l’école face à l’amélioration de l’apprentissage en lecture est claire

et partagée et les priorités sont ciblées. • Les liens directs entre les priorités et la vision sont perceptibles dans la

pratique. Conditions physiques et humaines

• Les enseignants disposent de temps de qualité pour les rencontres collaboratives. Celles-ci sont principalement prévues pendant le temps de classe.

• La structure des rencontres est très efficace et le groupe est capable de s’autogérer.

Culture collaborative

• La culture de collaboration au sein de l’équipe invite au dialogue honnête, à l’ouverture d’esprit, à une saine communication et à un esprit critique constructif.

• Les préoccupations sont partagées au sein de l’équipe. Ce n’est plus ton élève, c’est notre élève.

Leadership • Le leadership est partagé en ce sens que la direction laisse de l’autonomie aux enseignants en matière de prise de décision concernant les besoins des élèves, mais veille à ce que les discussions soient centrées sur ceux-ci.

• Les enseignants sont considérés comme des experts, s’influencent mutuellement et influencent la direction de leur école.

Diffusion de l’expertise et apprentissage collectif

• Les enseignants voient dans les rencontres collaboratives un moyen d’améliorer l’apprentissage des élèves et, pour eux, un moyen de développement professionnel.

• Les apprentissages individuels se transforment en apprentissage collectif. • Les temps de rencontres permettent d’échanger sur des situations

préoccupantes face à l’apprentissage de la littératie, de résoudre collectivement des problèmes et de partager l’expertise.

• Les apprentissages de l’équipe rayonnent au niveau de l’organisation toute entière.

Thèmes abordés et questionnement

• Les thèmes abordés sont choisis en fonction des préoccupations liées à l’apprentissage de l’élève et permettent un retour sur les expériences effectuées entre les rencontres.

• La planification des rencontres tient compte du profil des élèves en évolution et de la progression de l’équipe.

Prises de décisions et utilisation des données

• Les décisions sont basées sur des preuves (données précises) pour connaître l’efficacité des interventions.

• L’école emploie les données de façon régulière pour situer la progression des élèves, pour faire des analyses complexes et pour questionner l’impact des interventions pédagogiques.

C’est donc à partir des informations présentées dans cette section que l’équipe de recherche s’est basée pour saisir la situation de chaque école en ce qui concerne le troisième des trois pôles, soit le fonctionnement de l’école en communauté d’apprentissage professionnelle. Les lignes qui suivent permettront d’établir les interactions existantes entre les trois pôles.

2.4 Interaction entre les trois pôles Les trois pôles soutenant l’apprentissage en lecture que l’on vient de décrire, soit un enseignement efficace de la lecture, l’utilisation des données précises et le fonctionnement de l’école en communauté d’apprentissage professionnelle, sont en constante transformation. Les écoles gèrent de façon différente cette complexité et n’ont pas le même succès. La synergie entre les trois pôles peut être plus ou moins forte selon les contextes, comme l’illustrent les quatre exemples suivants.

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2.4.1 Quatre exemples • Exemple 1 : Trois pôles dissociés

Dans cet exemple, les membres du personnel de l’école ont entrepris l’implantation des stratégies du Guide d’enseignement efficace de la lecture (GEEL). Les enseignants ont également évalué le niveau de lecture de chaque élève avec les outils de la Trousse d’évaluation en lecture GB+ et ces données ont été mises dans la base de données Littératie Plus. Toutefois, c’est davantage l’intuition qui guide l’enseignant lors du choix de livres de l’élève ou pour effectuer ses regroupements d’élèves.

Enfin, dans cette école, même s’il y a des rencontres collaboratives pour favoriser le travail en CAP, les discussions ne portent pas sur les données issues de Littératie Plus ou de la Trousse d’évaluation en lecture GB+. Les enseignants ne remettent pas en question les interventions pédagogiques en salle de classe. En somme, le travail en salle de classe se fait indépendamment des données recueillies. Les discussions lors des rencontres d’équipes collaboratives ne portent pas sur les données et le questionnement pédagogique qui pourrait en découler, comme l’illustre la figure 2.7.

Figure 2.7

Trois pôles dissociés

PÔLE AEnseignement

efficace de la lecture (GEEL)

PÔLE BDonnées d’apprentissages

(Littératie Plus, Trousse GB+)

PÔLE CFonctionnement en communauté d’apprentissage professionnelle

(CAP)

• Exemple 2 : Intégration du pôle A et du pôle B

Les enseignants utilisent les données de Littératie Plus pour créer les profils d’élèves et les profils de classe. Ils sont en mesure de faire des regroupements flexibles des élèves lors de la lecture guidée en fonction du niveau précis de lecture et des stratégies de lecture à développer. Ils offrent des textes correspondant au niveau de chaque élève. Dans cette école, les données sont utilisées pour améliorer l’enseignement. Toutefois, lors des rencontres collaboratives, les données recueillies avec Littératie Plus et les interventions pédagogiques à privilégier compte tenu des profils sont absentes des discussions.

Dans cette école, les enseignants, même s’ils se rencontrent régulièrement, continuent à travailler seuls. Par exemple, un enseignant maîtrise bien la lecture guidée, mais hésite à faire connaître ses expériences au groupe. Ainsi, lors des rencontres collaboratives, il y a peu d’apprentissages collectifs chez les intervenants parce que le partage d’expertise est pratiquement absent (voir figure 2.8).

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Figure 2.8

Intégration du pôle A et du pôle B

• Exemple 3 : Intégration du pôle A et du pôle C

Les enseignants ont modifié leurs approches pédagogiques en tenant compte du Guide d’enseignement efficace de la lecture. L’école a mis sur pied des rencontres d’équipes collaboratives dans le but d’améliorer l’apprentissage des élèves en littératie. Les enseignants se rencontrent régulièrement pour définir les apprentissages essentiels, s’entendre sur un langage commun, sur des tâches d’évaluation, etc. Ils ont bien rempli des fiches d’observation individualisées, mais cela a davantage servi à répondre à une exigence administrative qu’à un questionnement pédagogique. Ils classent les élèves en se servant davantage de leur intuition qu’en utilisant les données recueillies.

Figure 2.9

Intégration du pôle A et du pôle C

Les évaluations récentes du niveau de lecture sont absentes. Aucun échange formel n’est fait entre les enseignants en vue d’améliorer leur compréhension à l’égard de l’analyse de méprises et de l’interprétation des données malgré le fait qu’ils expriment leur lacune à ce sujet (voir la figure 2.9).

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• Exemple 4 : Intégration du pôle C et du pôle B

Cette situation représente, par exemple, le cas où le personnel enseignant se rencontre régulièrement en équipe collaborative pour discuter des données recueillies, mais où il n’y a pas de réinvestissement en salle de classe et, par conséquent, peu d’impact sur les interventions à privilégier. La figure 2.10 représente cette situation.

Figure 2.10

Intégration du pôle C et du pôle B

Dans ces quatre cas où la synergie entre les trois pôles est inévitablement affaiblie, il y a des risques que l’enthousiasme et la motivation des intervenants face aux innovations que l’école veut mettre de l’avant diminuent avec le temps. Lorsque les écoles prennent le virage novateur, c’est-à-dire lorsque les nouvelles pratiques en littératie, l’analyse de données et le partage lors des rencontres collaboratives sont intégrés, ces écoles entrent dans un processus de rapprochement des trois pôles.

2.4.2 Situation idéale : intégration des trois pôles Ces trois pôles doivent être en constante interaction. Ainsi, le développement professionnel qui découle de l’apprentissage en équipe collaborative aura une influence sur les pratiques d’enseignement. Celles-ci influenceront à leur tour le rendement des élèves. Le deuxième pôle, qui renvoie à la collecte de données est un pôle charnière en ce sens qu’il permet de préciser le rendement de l’élève et offre la possibilité d’alimenter à la fois le questionnement et les discussions lors des rencontres d’équipes collaboratives (pôle trois) et de mieux cibler les interventions pédagogiques (pôle 1). Le fonctionnement d’une école efficace repose sur une dynamique équilibrée entre ces trois pôles et, par conséquent, le point de mire, c'est-à-dire la situation recherchée, se situe à l’intersection de ces trois pôles. Dans un tel cas, les membres du personnel d’une école auraient intégré les pratiques pédagogiques recommandées dans le Guide d’enseignement efficace de la lecture, se serviraient des données issues de l’utilisation de la Trousse d’évaluation en lecture GB+ et de Littératie Plus pour se questionner face aux élèves et aux interventions à privilégier et fonctionneraient selon les caractéristiques d’une CAP, comme l’illustre la figure 2.11.

Chaque école doit donc se questionner face au développement de ces trois pôles et à leur intégration :

• Quel est le pôle le plus faible de notre école?

• Comment pouvons-nous assurer son développement?

• Quels sont les pôles qui sont intégrés?

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• Quels sont ceux qui ne le sont pas? Pour quelles raisons?

• Comment pouvons-nous contourner les obstacles limitant l’intégration de ces trois pôles?

Figure 2.11

Point de mire : intégration des trois pôles

Ce rapprochement provoque une rupture avec le cloisonnement des élèves et avec les approches traditionnelles, modifiant du même coup la culture au sein de l’école. Dans cette façon de fonctionner, les enseignants apprennent les uns des autres par le partage des pratiques, le questionnement par rapport à la lecture des observations, l’analyse des données et les réflexions quant aux interventions à cibler.

S’inscrivant dans une dimension socioconstructiviste, ce fonctionnement donne une signification au changement amorcé dans les pratiques et accorde aux enseignants un rôle de leader de plus en plus mis en évidence. Les enseignants ne sont plus des exécutants assujettis à un curriculum ou à un manuel scolaire, mais ont l’intention commune d’avoir un impact réel sur tous les élèves par des actions qu’ils savent efficaces puisqu’ils ont des données qui le prouvent.

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CONCLUSION

Les trois pôles présentés synthétisent les éléments théoriques suscitant la réflexion chez les directions d’école et le personnel enseignant impliqués dans la démarche. Ce cadre théorique a permis de situer chaque école à la fin de cette première phase de la recherche et tient compte de la complexité du processus d’implantation d’un changement.

Il va de soi qu’un changement aussi important qui touche les pratiques pédagogiques et le fonctionnement de l’école ne peut être étudié que sur plusieurs années. La phase II et la phase III permettront de poursuivre la démarche entreprise.

L’équipe de recherche tient à souligner son appréciation quant au fait de réaliser une recherche dans le milieu scolaire qui allie théorie et pratique ainsi que recherche et intervention. Cette démarche alimente une réflexion plus que ne sauraient le faire uniquement les écrits théoriques.

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