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SERIES DE DOCUMENTS DE TRAVAIL DE BOTH ENDS JANVIER 2012 Vers une approche viable visant à intégrer le genre dans la gestion des ressources naturelles

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SERIES DE DOCUMENTS DE TRAVAIL DE BOTH ENDS JANVIER 2012

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Les séries de Documents de Travail de Both ENDS présentent les résultats préliminaires des analyses qui sont diffusées pour favoriser les discussions et les commentaires. L’emploi des citations et tout autre usage des Documents de Travail de Both ENDS devraient tenir compte de leur caractère original. Les séries proposent un aperçu du travail en cours et les recherches effectuées par le personnel de Both ENDS, souvent en collaboration avec des organisations partenaires. Les résultats, les interprétations et les conclusions que contient ce document sont celles de(s) l'auteur(s) et ne devraient pas être attribués en aucune façon à des partenaires et/ou bailleurs de fonds ou à leurs organisations affiliées. Both ENDS Nieuwe Keizersgracht 45 1018 VC Amsterdam The Netherlands Telephone: +31 20 530 6600 Fax: +31 20 620 8049 E-mail: [email protected] Les lecteurs sont invités à citer ou à utiliser le matériel provenant des documents de travail pour leurs propres publications ou articles, mais nous souhaiterions être informés et recevoir une copie de la publication. Première édition : Janvier 2012 Texte: Annelieke Douma, Both ENDS

Avec la participation de Yurani Monsalve (AMICHOCÓ), Marieke Heemskerk (expert des questions de genre), Ebeh Kodjo (ANCE), Perpetue Koami (experte des questions de genre), Kazi Sufia Akhter, Ferdousi Akhter, Sen Sukanta (BARCIK), Rekha Saha (expert des questions de genre) Jorieke Kloek, Tamara Mohr, Remi Kempers and Martien Hoogland (Both ENDS)

Séries de Documents de travail de Both ENDS – Décembre 2011 Vers une approche viable visant à intégrer le genre dans la gestion des ressources naturelles Ce document décrit les principaux résultats et les leçons tirées d'un projet financé par PSO dans lequel Both ENDS et les organisations partenaires AMICHOCÓ en Colombie, l'ANCE au Togo et BARCIK au Bangladesh ont conjointement mis en œuvre une approche pratique afin d’intégrer le genre dans leur travail sur la gestion des ressources naturelles. Ce document vise à partager leurs idées et expériences faites dans leur travail avec l'approche jusqu’à ce jour.

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Introduction Ce document décrit les principaux résultats et les leçons apprises du projet financé par PSO : Vers une Approche Viable visant à Intégrer le Genre dans la Gestion des Ressources Naturelles. Au cours de ce projet d’un an et demi (2010-2011) Both ENDS et les organisations partenaires AMICHOCÓ en Colombie, l'ANCE au Togo et BARCIK au Bangladesh ont conjointement mis en œuvre une approche pratique afin d’intégrer le genre dans leur travail sur la gestion des ressources naturelles, chacune dans son contexte spécifique et sur la base de ses ambitions spécifiques. Cette approche sur mesure permet une analyse approfondie des relations de genre dans le domaine d'intervention, une coopération étroite avec les experts des questions de genre et les organisations féminines, et l'apprentissage par la pratique. Nous croyons que l'approche et nos résultats peuvent aussi être appropriés à d'autres OSC travaillant dans le domaine de la gestion des ressources naturelles dans les pays du Nord et ceux du Sud, qui ont de l’intérêt à aborder et à intégrer (davantage) les questions de genre dans leurs activités. Ce document vise à partager nos idées et expériences dans notre travail avec l'approche jusqu’à ce jour. Le premier chapitre décrit le contexte de l'initiative. Le deuxième chapitre explique les raisons, et les étapes de la démarche elle-même. Les principaux résultats des projets pilotes en Colombie, au Togo et au Bangladesh peuvent être lus au chapitre 3. Aux chapitres 4 et 5, se trouvent nos principales conclusions et les leçons apprises, ainsi que nos idées pour le suivi. Les concepts sur le genre, les définitions et les informations détaillées sur les outils d'analyse du genre, et quelques récits personnels de personnes impliquées dans le projet sont inclus dans les annexes. Nous invitons tous les lecteurs à fournir leurs commentaires sur ce document et sur l'approche testée, ainsi que leurs suggestions et idées afin que nous puissions continuer à travailler (ensemble) sur le renforcement de l'égalité des sexes dans l'accès et le contrôle des ressources naturelles.

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Table des matières 1. Contexte de l’initiative ..................................................................... 8

1.1 Le rôle de l'équité de genre dans la gestion des ressources naturelles Erreur ! Signet non défini. 1.2 La nécessité d'une approche viable pour l’intégration du genre ............ 10

1.3 Le rôle de PSO, Both ENDS et les partenaires .................................... 11 2. Une approche viable visant à intégrer le genre ............................ 122

2.1 La raison qui motive l'approche ................... Erreur ! Signet non défini. 2.2 La méthodologie étape par étape ............... Erreur ! Signet non défini.3

3. L’approche essayée dans la pratique ............................................. 15

3.1 Le cas d’AMICHOCÓ .................................. Erreur ! Signet non défini. 3.2 Le cas de BARCIK .......................................................................... 21

3.3 Le cas de l'ANCE ....................................... Erreur ! Signet non défini. 4. L’évaluation et les leçons apprises ................................................. 30 5 Conclusion et suivi ......................................................................... 37 Annexe 1 : Concepts de genre et définitions .......................................... 41

Annexe 2 : Outils d'analyse du genre et méthodes utilisées ................... 43

Annexe 3 : Histoires personnelles des personnes impliquées Erreur ! Signet non défini.

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1. Contexte de l’initiative

1.1 Le rôle de l'équité de genre dans la gestion des ressources naturelles L'équité de genre est un droit humain fondamental et une question de justice sociale. Elle est également essentielle pour l'utilisation et la gestion durables des ressources naturelles. Les femmes sont les gardiennes de la biodiversité dans le monde entier. Elles constituent la majorité des petits agriculteurs et sont largement responsables de la sécurité alimentaire et de l'approvisionnement en eau pour leurs familles et leurs communautés. Par conséquent, et de façon générale, elles sont plus intensivement impliquées et informées sur les ressources naturelles dont elles dépendent. Les femmes sont également connues de réinvestir 90% de leurs revenus dans leurs familles comparativement aux hommes qui réinvestissent environ 30-40%. Vice versa, l'utilisation et la valeur des ressources naturelles dans une région affectent les relations de genre. Par exemple, lorsque les cultures de rente sont introduites, les hommes ont tendance à y bénéficier tandis que les femmes qui sont principalement responsables de l'agriculture de subsistance sont écartées. De même, les impacts de grands barrages ou de plantations obligeant les communautés à quitter leurs terres sont disproportionnellement ressentis par les femmes qui peuvent maintenant avoir besoin de travailler sur de plus grandes terres mais à faibles rendements pour récolter la même quantité de produits afin de nourrir leurs familles. Elles doivent parcourir de plus longues distances à pied à la cherche de l'eau et de combustibles. Pendant que les femmes ont des connaissances spécifiques sur la conservation et l'utilisation des ressources naturelles locales, le contrôle formel de ces ressources est principalement dans les mains des hommes ou des institutions à dominance masculines. Dans le domaine politique et institutionnel, les femmes sont faiblement représentées à tous les niveaux. Dans d'autres cas, elles peuvent participer à des réunions et à des discussions sur la façon dont les ressources sont gérées, mais leur réel pouvoir de décision est limité en raison du contexte social et culturel. De manière générale, les femmes contrôlent ces ressources qui sont disponibles gratuitement tandis que les hommes dominent sur les ressources ayant une valeur monétaire plus élevée et qui sont rares. Les pressions faites sur les ressources en raison de la croissance démographique, le changement climatique, la pollution, et une tendance d’interventions à grande échelle peuvent accentuer et aggraver les inégalités actuelles entre les sexes. La réalisation du contrôle égal des femmes dans la gestion des ressources naturelles garantit que leurs besoins et leurs connaissances sont pris en compte et utilisés de façon efficace. Cela peut aussi conduire à des changements dans les priorités. Par exemple en Inde, le fait de donner le pouvoir aux femmes au niveau local a conduit à l'augmentation de la fourniture de biens publics tels que l'eau et l'assainissement qui sont les préoccupations prioritaires des femmes (Rapport sur le Développement dans le Monde 2012, Egalité des Genres, Banque Mondiale). Par ailleurs, dans toutes les sociétés, les femmes sont souvent de puissantes actrices dans la promotion du développement durable et de la justice sociale.

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Selon les Nations Unies : � Plus des deux-tiers de la population mondiale vivant dans la grande

pauvreté sont des femmes. � Les femmes exécutent 67% des travaux dans le monde, mais sont les

plus mal payées, ne gagnant que 10% du revenu mondial. � Les femmes possèdent moins de 1% de tous les biens du monde. � 66% des analphabètes sont des femmes. � Les femmes occupent 10% des sièges parlementaires.

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1.2 La nécessité d'une approche viable pour l’intégration du genre De nombreuses organisations de la société civile dans les pays du Sud et du Nord reconnaissent le rôle important que joue l'inégalité des sexes dans leur travail sur les questions environnementales et de développement. Dans le même temps, les questions sur le genre et les droits des femmes ne font pas parti de leurs compétences clés et elles luttent pour trouver des moyens pratiques afin de commencer à aborder les questions liées aux inégalités dans le genre dans leur domaine spécifique de travail. Les principaux défis auxquels beaucoup d’organisations environnementales et de développement sont confrontées comprennent : 1. Le manque de temps suffisant et de ressources pour une véritable analyse

des relations existantes entre le genre et les inégalités dans les domaines où elles œuvrent, et les causes sous-jacentes. Il n'est pas possible de commencer par intégrer le genre sans d'abord mettre un accent spécifique et disposer de ressources supplémentaires dans la compréhension des enjeux spécifiques auxquels il est confronté.

2. La difficulté de remettre en question les relations de pouvoir dans les communautés avec lesquelles elles travaillent, car elles sont profondément impliquées dans les structures sociale, politique et culturelle. Pour s’occuper de ces structures, cela nécessite un processus à long terme et une approche approfondie.

3. Le fait que de nombreux outils et directives existants sur l'intégration du genre soient souvent d’ordre général et pas faciles à appliquer à des domaines spécifiques dans lesquels les organisations travaillent1. En réalité, les questions liées au genre sont complexes et d’ordre très spécifiques au contexte. De façon générale, Both ENDS et les partenaires estiment qu'il est important de s'éloigner des généralisations et de tirer des leçons à partir des expériences pratiques.

4. Le manque de compréhension du rôle du genre dans la gestion des ressources naturelles en particulier. Bien que pas mal de documentation et des exemples de réussite soient disponibles sur le rôle du genre dans des secteurs comme la santé et l'éducation, le lien entre la gestion des ressources naturelles et l'équité du genre ne semble pas être largement exploré.

5. Les barrières linguistiques entre les spécialistes des questions de genre et les praticiens. Bien que les experts des questions de genre aient une expertise cruciale sur les façons d'intégrer le genre dans la gestion des ressources naturelles, ils semblent parfois tenir un langage différent de celui des praticiens du domaine2. Il est donc important de travailler ensemble pour une plus longue période, se comprendre mutuellement et trouver un langage commun (au lieu qu'un expert des questions de genre offre une seule et générique formation sur les questions de genre en tant que moyen de renforcer la capacité d'une organisation pour l'intégration du genre).

Both ENDS et les organisations partenaires AMICHOCÓ (Colombie), l'ANCE (Togo) et BARCIK (Bangladesh) sont tous conscients du rôle importance de l'inégalité entre le genre dans leur travail sur les questions environnementales et de développement. Elles se sont conjointement données comme tâche d’aborder les questions ci-dessus et parvenir à une approche pratique et viable des

1 L'une des conclusions d'un projet conjoint de Both ENDS, l'Alliance du Genre et Eau, et l'Evaluation Complète en 2006, Intégration efficace du genre dans la gestion de l'eau pour les moyens de subsistance durables : des directives à la pratique. 2 Une autre conclusion du projet par BE/GWA/CA

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organisations environnementales et de développement afin d’intégrer l’équité du genre dans leur travail.

1.3 Le rôle de PSO, Both ENDS et les partenaires Le Fonds d'innovation de PSO permettant aux membres et aux organisations partenaires d’expérimenter de nouveaux moyens de renforcement des capacités a fourni une unique occasion à Both ENDS et ses partenaires d’apprendre en tant que partenaires égaux. Avec le projet, Both ENDS et les trois organisations partenaires visaient à accroître leur compréhension du rôle du genre dans la gestion des ressources naturelles et la réduction de la pauvreté, elles visaient aussi à renforcer leurs capacités sur les questions liées à l’inégalité entre les sexes de façon pratique, et accroître la coopération entre les ONG environnementales et celles œuvrant dans le domaine du développement, les experts des questions de genre et les organisations féminines. AMICHOCÓ, l’ANCE et BARCIK ont testé l'approche proposée par Both ENDS dans leurs domaines d’interventions spécifiques. AMICHOCÓ et BARCIK se sont respectivement concentrées sur les relations de pouvoir et la participation des femmes aux projets environnementaux qu’elles mettent en œuvre avec les communautés de base dans la région de Chocó en Colombie et les Sundarbans au Bangladesh. L’ANCE s’est concentrée sur la promotion de la participation égale des hommes et des femmes à la prise de décision sur l'utilisation et la gestion de l'eau dans sa campagne de lobbying sur le droit humain à l'eau au Togo. Both ENDS a joué le rôle de coordination en assurant le progrès, en fournissant un appui, et en prenant la responsabilité de suivi et évaluation. Elle a également œuvré en tant que fournisseur d'informations aux personnes, et facilitateur de l'apprentissage partagé entre les partenaires. En Septembre 2011, un atelier international s'est tenu à Amsterdam dans le but d’évaluer le processus et l'approche selon les pays, et partager les résultats avec le plus grand groupe d'organisations qui y sont intéressées.

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2. Une approche viable visant à intégrer le genre

2.1 La raison qui motive l'approche L'approche viable pour intégrer le genre dans la Gestion des Ressources Naturelles (GRN) vise à lutter contre les problèmes décrits dans le chapitre précédent. Elle est basée sur le raisonnement suivant :

1. L’intégration n'est pas possible, sans d'abord des efforts spécifiques et un

temps précis permettant d’évaluer les relations de genre dans un processus inclusif. Il est donc important de s'engager dans un processus étape par étape et à long terme ; processus dans lequel un expert des questions de genre en collaboration avec les communautés et les organisations travaillant dans le secteur étudient la puissance spécifique et les relations de genre, de même que les moyens pour les aborder. Seulement, lorsqu’une bonne analyse est faite, les réponses appropriées peuvent être trouvées. Le processus étape par étape proposé dans l'approche est décrit dans la Section 2.2.

2. Un expert des questions de genre devrait faciliter le processus sur une base à long terme (au lieu de donner une formation générique sur le genre). L'expert des questions de genre devrait venir de la région ou avoir de très bonnes connaissances sur la région. Les outils sur le genre et les directives (tels que les listes de contrôle, les ressources liées au genre, les matrices de politiques directionnelles, etc.) doivent être adaptés au contexte spécifique.

3. Les discussions sur les relations de genre seront spécifiquement liées à l'accès et au contrôle des ressources naturelles desquelles dépendent les communautés pour leur subsistance.

4. La coopération entre les organisations féminines et d'autres parties prenantes compétentes devrait être recherchée. Malheureusement, les organisations environnementales et celles (des droits) des femmes ne semblent pas bien travailler ensemble, même si elles peuvent avoir des objectifs clairs et qui sont souvent semblables, et des compétences et connaissances complémentaires. Les organisations féminines locales ou nationales sont bien informées des besoins et la vision des femmes, et les façons de leur donner les moyens nécessaires pouvant permettre de les impliquer dans une tentative d'intégrer les questions de genre. Par exemple d’autres parties prenantes compétentes, y compris les autorités locales ou nationales, les juristes, les étudiants et les médias.

5. La documentation et le suivi et évaluation continus du processus d’intégration du genre à travers les reportages, les interviews, les films et les questionnaires va augmenter l'appropriation et la transparence et permettre l'apprentissage et le partage avec les autres.

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2.2 La méthodologie étape par étape L'approche proposée et testée et qui est réalisable comprend un certain nombre de mesures spécifiques qui peuvent guider un processus dans lequel une organisation commence à travailler sur l'intégration de l'égalité des sexes dans son travail. Dans une première phase, un expert (de préférence local ou national) est recherché ; il s’agira d’un expert des questions de genre qui est prêt et intéressé à faciliter la trajectoire du renforcement des capacités basées sur la question spécifique et l'ambition de l’organisation environnementale et de développement. Ce qui signifie qu'il ou elle va diriger la réalisation d'une analyse approfondie du genre et l’élaboration d'un plan de travail pour résoudre les problèmes identifiés. Il ou elle œuvre en tant que personne ressource tout au long du processus. Un atelier initial de renforcement des capacités est organisé pour commencer à analyser les questions spécifiques liées au genre dans le domaine du travail de l'organisation. L’expert des questions de genre et le personnel participent, de même que d'autres personnes et les organisations concernées avec une expertise spécifique, notamment les organisations féminines locales ou nationales et les membres des communautés, mais aussi d'autres OSC, juristes, anthropologues, ou scientifiques. Au cours de l'atelier, l'expert des questions de genre présente les outils nécessaires pour entreprendre une analyse. Les outils sont directement appliqués au groupe cible/lieu spécifique concerné. Les questions importantes qu’il faut considérer dans l'analyse sont les suivantes : � Les relations de pouvoir dans les ménages, les communautés et entre les

régions. � L’accès différencié et le contrôle des ressources. � Les structures décisionnelles. � Les structures culturelles et sociales. � Les lois juridiques/institutionnelles/coutumières et les réglementations au

niveau local et national. � Les politiques, les investissements et les interventions qui ont un effet négatif

sur l'équité du genre sur le terrain. Sur la base de la première analyse et du partage, les écarts sont identifiés et un plan est élaboré pour approfondir l'analyse des relations de genre et les enjeux. De difficiles questions, telles que les sensibilités culturelles sont également abordées. Dans la deuxième phase, l'analyse du genre est élaborée. Cela peut impliquer le fait de trouver plus de données, d'informations et de contacts, la réalisation de questionnaires, des discussions de groupe, ou des enquêtes sur le terrain avec le groupe cible; l’élaboration de matériel ou l’approfondissement du partage des objectifs et des stratégies avec les organisations féminines, etc. L'analyse sera documentée, et par la suite discutée et validée lors d'un atelier à mi-parcours avec le même groupe de personnes participant à l'atelier initial. Sur la base de l'analyse et des défis rencontrés, un plan de travail approprié est élaboré pour tenter de résoudre les problèmes et répondre à la question initiale, et atteindre l'ambition de l’organisation environnementale et de développement. Dans une troisième phase, l'organisation et les acteurs concernés commencent à mettre en œuvre le plan de travail proposé pour permettre l'apprentissage par la pratique. L’organisation d’un atelier d'évaluation final sera importante pour discuter des résultats de la mise en œuvre du plan de travail et évaluer le

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processus, revenir à l'ambition initiale et les principaux défis et les leçons apprises. Tableau 1 : Les étapes de l'approche viable pour intégrer le genre dans la GRN

Etape Objectif

0) Préparation Définir la question et l'ambition spécifiques, rechercher l’expert des questions de genre et les acteurs concernés à impliquer

1) Atelier initial de renforcement des capacités

Compétences, compréhension commune, formation, outils, coopération avec d'autres, base.

2) Analyse détaillée du genre Elaborer une documentation sur l'analyse, le travail de terrain

3) Atelier de validation et de planification Valider l'analyse, planifier des activités concrètes

4) Elaboration d’un plan de travail Apprentissage par la pratique

5) Atelier d’évaluation et voie à suivre Evaluer le plan de travail, les résultats et les processus, planifier le suivi

6) Atelier international de partage Partager les résultats des pays pilotes les uns avec les autres. Evaluer et renforcer l'approche. Partager avec un plus grand groupe d'organisations intéressées.

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3. L’approche essayée dans la pratique Les organisations AMICHOCÓ, ANCE et BARCIK sont désignées en début 2010 pour essayer l’approche visant à intégrer le genre, sur la base de leurs ambitions spécifiques par rapport à l’intégration du genre. Un résumé du processus suivi et les résultats obtenus dans chacun des pays est décrit ci-dessous. Les comptes rendus élaborés suivant leurs cas figurent dans les rapports de pays sont disponibles sur le site web de Both ENDS, AMICHOCÓ, ANCE et BARCIK.

3.1 Le cas d’AMICHOCÓ Introduction La biorégion de Chocó comprend la côte nord-ouest de l'Amérique du Sud ; elle est d'environ 71000 kilomètres carrés et a l'un des plus hauts niveaux d'endémisme de la région néotropicale. En Colombie, la biorégion de Chocó englobe tous le territoire des contreforts de la cordillère occidentale à la côte du Pacifique et comprend les municipalités des départements d'Antioquia, Nariño, Cauca, Valle del Cauca, Córdoba, Risaralda et l'ensemble du département de Chocó. C'est l'une des régions les plus riches en biodiversité dans le monde, et aussi en Colombie, l'une des plus diversifiées sur le plan culturel ; près de 98% de sa population ont des descendants africains et les 2% restants sont constitués de différents groupes autochtones. Malheureusement, cette région immensément riche est également l'une des plus vulnérables du pays. Les habitants de la biorégion de Chocó ont les plus hauts niveaux d'insatisfaction des besoins de première nécessité (plus de 80% en moyenne) dans le pays et sont confrontés à des menaces graves de santé et de bien-être. Le manque de présence de l'Etat et les conflits territoriaux avec des groupes armés illégaux sont la principale source d'instabilité dans la région, et la sérieuse limitation dans les infrastructures locales ont isolé ses populations du reste du pays. Les questions de genre dans l'Etat Pacifique de Chocó, Colombie Dans une initiative d'exploitation minière durable que l’AMICHOCÓ favorise dans le programme Oro Verde (Or Vert), les femmes sont activement impliquées dans l'extraction des métaux dans les mines. Cependant, la plupart du temps, les activités de prise de décision et de commercialisation sont menées par les hommes qui représentent les Unités de Production Familiales3. Bien que certaines femmes leaders existent, dans l'ensemble, elles sont limitées dans la participation à la production minière. C'est surtout les hommes qui ont des contacts avec les 3 En 2011, la représentation des Unités de Familles de Production dans le programme Oro Verde a fait la répartition suivante : à Tadó il y a 24 UFP au total, qui sont principalement représentées par 7 femmes et 14 hommes ; à Condoto il y a 90 UFP au total, qui sont représentées par 25 femmes et 65 hommes. Ces représentants prennent des décisions, par exemple sur l'utilisation des ressources primaires qu'ils obtiennent de la vente des métaux de Oro Verde et d'autres affaires relatives à la participation au programme.

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Consejos Mayores (Conseils Communautaires) à Tadó et Condoto pour la vente de l'or, et les hommes prennent part et décident de tout ce qui concerne le programme. AMICHOCÓ a donc senti la nécessité d'inclure dans les travaux de Oro Verde, et de façon générale, dans tous les projets qu’elle a menés, l'accent sur le genre qui pourrait garantir une participation égale et l'accès aux prestations destinées aux hommes et aux femmes. Par conséquent, pour AMICHOCÓ, le point de départ de ce projet était la question:

Comment pouvons-nous renforcer la participation des femmes aux projets environnementaux avec les communautés rurales en Colombie et notre travail avec leurs dirigeants sans remettre en cause leur culture ou menacer leur autonomie ?

Les étapes clés et outils utilisés Afin de renforcer la participation des femmes dans des projets environnementaux, l'approche proposée par Both ENDS a été appliquée. Le projet comportait cinq phases, qui ont ensemble établi une base solide pouvant permettre l'intégration du genre. Ces phases sont : 1) construire un cadre conceptuel sur le genre et la mise en œuvre des outils d'analyse du genre, 2) mener une analyse détaillée sur le genre à travers le travail de terrain, 3) valider l'analyse, 4) élaborer et mettre en œuvre un plan de travail pour intégrer le genre dans le travail d’AMICHOCÓ et 5) un atelier d'évaluation finale. Le projet a été officiellement lancé en Juin 2010 par l'atelier Le Genre dans les Projets de Développement et de Conservation dans les Communautés Rurales. Dix organisations environnementales, sociales et universitaires qui travaillent dans les régions de Chocó et Antioquia ont participé à cet atelier. Au cours de l'atelier, des outils participatifs permettant de mener une analyse liée au genre dans les communautés rurales ont été présentés et testés, de même qu’un arbre à problèmes, la cartographie des ressources selon le genre, l'analyse des parties prenantes, les profils d'activité et le calendrier des activités (pour plus d'informations sur ces outils, veuillez vous référer à l'annexe 2). D'Août à Novembre 2010, AMICHOCÓ a effectué une analyse liée au genre, en utilisant la cartographie des ressources selon le genre et les arbres à problèmes comme outils d'analyse. Ces instruments de recherche ont été combinés aux observations et entretiens lors d'une étude ethnographique dans les communautés qui ont participé au programme Oro Verde dans la municipalité de Condoto, Chocó. Les plus importantes conclusions de l'analyse étaient : � La place de la femme par

excellence est la maison et le jardin de la maison ou azotea4, qui sont étroitement liés aux principaux rôles de la femme dans la gestion du ménage, la garde d'enfants et l’approvisionnement en nourriture.

� Les hommes et les femmes utilisent et bénéficient des

4 Azotea est un jardin pour la culture des plantes aromatiques, médicinales, et des condiments. Ces jardins sont généralement situés derrière la maison, dans les restes de pirogues en bois ou sur une table spécialement construite à cet effet, qui est placée sur des poteaux pour être protégé contre les animaux.

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ressources naturelles que l’on retrouve dans les communautés de Chocó et tout autour, comme les rivières, les forêts, les parcelles agricoles, les jardins et les minéraux (or et platine). Une exception est la chasse qui a lieu dans la forêt et qui est uniquement pratiquée par les hommes.

� La parcelle agricole, le jardin de la maison, et la rivière sont les principaux lieux où les femmes exercent leurs activités productives. Sur la parcelle agricole et au jardin de la maison, les femmes sèment et récoltent des cultures vivrières pour la consommation quotidienne ; dans les rivières, elles cherchent de l'or et du platine en utilisant des méthodes minières traditionnelles localement appelées zambullidero5.

� Les femmes sont confrontées à une participation limitée aux projets et aux structures décisionnelles de la communauté pour diverses raisons, notamment : (1) la présence d'hommes - les femmes participent plus activement lorsqu’elles sont dans un cadre exclusivement féminin ; (2) la garde d'enfants, et (3) leurs doubles jours de travail - elles travaillent dans les mines et/ou pratiquent l'agriculture, en plus de l'exécution de leurs tâches ménagères.

En Janvier 2011, les résultats de l'analyse ont été présentés et validés lors d'un atelier à mi-parcours dénommé Un Regard dans le Miroir. Cet atelier s'était tenu dans la municipalité de Tadó. Les participants étaient des personnes de sexe masculin et féminin et dirigeant des communautés dans les régions générales de Tadó et Condoto. Les participants se sont entendus sur les résultats de l'analyse du genre et il a été convenu qu'il est nécessaire d'impliquer à la fois les hommes et les femmes dans les processus visant à promouvoir l'égalité des sexes tout en respectant les caractéristiques socioculturelles des communautés et les populations de la région de Chocó. Sur la base de l'analyse du genre et en collaboration avec toute l'équipe d’AMICHOCÓ6, un plan de travail avec les Bonnes Pratiques pour l'Intégration du Genre dans le Travail d’AMICHOCÓ a été élaboré. La mise en œuvre des bonnes pratiques a commencé avec le projet para sentir al Chocó (Film pour être en contact avec Chocó). Ce projet émane d'une collaboration avec une maison de production de films colombiens, Antorcha Films ; il a conduit à la production d'une série de documentaires sur les femmes dans la région de Chocó (Novembre-Janvier 2011). Le matériel cinématographique a offert un excellent point de départ permettant d’impliquer les hommes et les femmes dans les discussions sur leurs territoires et le rôle que jouent les femmes. AMICHOCÓ utilise désormais les documentaires comme matériel de sensibilisation dans ses travaux avec les communautés. La plus importante contribution des courts métrages est que les hommes et les femmes de Chocó voient et entendent leur propre gens à travers les médias audiovisuels. Le public s’exprime plus librement dans les discussions sur des sujets souvent sensibles parce qu’il se reconnaît dans la voix et sur les visages des autres. Enfin, en Juillet 2011, quatre ateliers ont été organisés en vue de présenter les résultats et évaluer le processus. Tous les participants étaient les parties qui avaient été impliquées : l'équipe d’AMICHOCÓ, les Conseils Communautaires de Tadó et de Condoto, les membres des communautés qui travaillent sur le Programme de Oro Verde et l'équipe d’Antorcha Films. 5 Zambullidero est une technique minière traditionnelle composée à plonger dans les rivières pour recueillir les matériaux du lit du fleuve, où l'or alluvial est extrait. 6 Direction, planification et développement, administration et finances, coordination de projet et communications/relations publiques

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Les résultats clés Comme résultat du projet, AMICHOCÓ a pu commencer à intégrer le genre dans son travail. Les résultat les plus spécifiques du projet sur le genre comprennent 1) de nouveaux outils théoriques et pratiques pour mener une analyse sur le genre, 2) une analyse du genre à Tadó et Condoto, 3) une série de documentaires (matériel de sensibilisation sur le genre), 4) un plan de travail avec les Bonnes Pratiques à intégrer dans toutes les étapes d'un projet, 5) une politique liée au genre pour AMICHOCÓ (voir page suivante) et 6) un rapport d'évaluation. Les leçons apprises Les changements des systèmes liés au genre et les changements de conduite qui favorisent une plus grande équité du genre, qui prennent du temps et qui ont besoin d'être réalisés à peu à peu. Comme partout ailleurs, les changements qui menacent les relations de pouvoir existantes ne sont pas facilement et inconditionnellement acceptés. Dans le contexte culturel des communautés cibles, les hommes ont tendance à dominer le processus décisionnel et les ressources en général. Pour entamer une discussion sur le genre, on doit faire attention pour ne pas directement commencer par parler de genre, mais introduire ce sujet avec attention et d’une façon créative. On a besoin de convaincre les hommes et les femmes à la fois, que plus d'égalité des sexes profite à tous en se servant des possibilités dont l’on dispose. Grâce au projet, et particulièrement à ce documentaire, il est devenu possible de parler du genre et d'initier une discussion sur les réalités de la vie quotidienne des hommes et des femmes. On a constaté que les documentaires peuvent être utilisés comme un instrument de sensibilisation. Par ailleurs, les barrières locales pour s’impliquer dans une conversation doivent être prises en compte. Par exemple en proposant des services de garde d’enfant pendant les réunions, en convoquant des réunions séparées pour les femmes, puisqu’elles ont peur de prendre la parole en public et en impliquant les hommes dès le début. Pour AMICHOCÓ, ce projet sur le genre a été couronné de succès. Toutefois, AMICHOCÓ s’est également confrontées à des défis au cours de ce projet. Les principaux défis ont été : • Le manque de participation continue des organisations au processus, en

raison d'un manque de temps et de ressources. • La rotation des représentants des Conseils de Communauté. • Le manque d'intérêt initial entre les organisations locales. • La diffusion d’information et des activités du projet dans les communautés de

Tadó et Condoto, où l'analyse du genre a été réalisée dans la région de Condoto, mais le plan de travail a été testé et exécuté à Tadó.

Pour faire face à ces défis, le plan de travail a été adapté au cours du projet. Par exemple, le travail d’AMICHOCÓ s'est reposé sur la structure interne de l'organisation et la sensibilisation parmi les partenaires qui font parti du projet et les Conseils Communautaires. Par ailleurs, au cours du processus, des organisations locales se sont davantage intéressées à travailler sur le genre et un moment après, elles ont commencé à parler du genre.

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La politique d’équité du Genre d’AMICHOCÓ

Follow-up

Le suivi Le processus qui a été lancé à travers ce projet sera poursuivi afin d'avoir un impact durable. Le plan de travail doit être révisé une fois de plus pour intégrer les difficultés qui ont été rencontrées lors de la mise en œuvre des points d'action. Certaines actions proposées pour poursuivre et renforcer le projet dans cette phase sont :

Eléments

Bonnes pratiques

Indicateurs

• Identification des possibilités et limites des hommes et des femmes dans la participation aux projets.

• Orientation de l'approche genre par AMICHOCÓ sur l'intégration du genre dans l'élaboration des documents de programmes et de planification de projets.

• Promotion de la participation des hommes et des femmes à travers des stratégies qui ont été définies par des organisations locales.

• Evaluation de l'intégration du genre.

• Nombre de projets élaborés sur la dimension de genre, contre le nombre total de projets.

• Stratégies élaborées pour améliorer les possibilités de participation féminine.

• Plus d'égalité des sexes dans la participation au projet.

• Ateliers de sensibilisation sur le genre avec les équipes du projet, les organisations locales, les communautés et/ou les bénéficiaires à travers des stratégies créatives et interactives (les documentaires de Cine para Sentir al Chocó sont une première tentative de produire le matériel à utiliser dans ces ateliers).

• Nombre d'activités de sensibilisation sur le genre par projet.

• Sensibilisation accrue sur la signification de l'égalité des sexes.

• Ateliers de renforcement des capacités visant à améliorer la compréhension de l'égalité des sexes pour les groupes de travail du projet, les organisations locales et/ou les collectivités bénéficiaires.

• Appuyer les organisations locales dans l'élaboration des stratégies et/ou une politique sur le genre.

• Représentation accrue des femmes dans les structures décisionnelles.

• Nombre d'organisations ayant pris part aux ateliers de renforcement des capacités sur l'égalité des sexes.

• Inclure les informations différenciées selon le genre dans les documents de projet internes.

• Garantir la participation des hommes et des femmes aux activités et projets à travers l'invitation active des deux groupes.

• Participation à des événements avec un thème sur le genre

• Articles et présentations.

• Renforcer l'intégration d'une perspective liée au genre au sein d'AMICHOCÓ.

• Augmentation du nombre de publications et de présentations qui mettent un accent sur le genre.

OBJECTIF : Promouvoir une participation égale, et l'accès à des avantages

générés par les projets de développement mis en œuvre par la Fondation

Amigos del Chocó

Initiation et

élaboration de

projets en

mettant un

accent sur le

genre

Sensibilisation

Communication

Renforcement

des capacités

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� Mettre en œuvre la politique du genre d’AMICHOCÓ et aider les organisations intéressées à faire de même.

� Distribution de films documentaires dans les diverses communautés et d'autres lieux.

� Ateliers de sensibilisation sur le genre avec les hommes, les femmes et les familles dans les communautés et organisations.

� Nouveaux projets audiovisuels qui exposent les réalités de la vie (des femmes) à Chocó.

� Rencontres entre les communautés pour échanger les expériences (Tadó et Condoto).

� Complément de l'analyse sur le genre avec des informations plus détaillées, et prise en compte de la différence d’âge, du statut social, de la richesse, et d'autres caractéristiques.

� Intégration des femmes dans les structures organisationnelles des Conseils de Communauté.

� Sensibilisation et formation avec l'équipe d’AMICHOCÓ. � Campagnes axées sur les femmes travaillant dans les mines aux clients

(acheteurs d'or) d’Oro Verde.

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3.2 Le cas de BARCIK

Introduction La région des Sundarbans comprend une partie de l’Indien (ouest) et du Bangladesh (partie orientale, environ 6000 km2). La partie bangladaise est située dans la zone côtière du sud-ouest, et est un site du Patrimoine Mondial de l’UNESCO depuis 1997. L'écorégion de mangroves des Sundarbans est le plus grand écosystème des mangroves sur le plan mondial. Du nom de l'espèce de mangroves dominantes Heritiera fomes, connu dans la région sous le nom de sundri, c'est la seule écorégion de mangroves qui abrite le tigre, le plus grand prédateur de la région Indo-Pacifique. Contrairement à d'autres habitats, ici, les tigres vivent et nagent dans les îles de mangroves, où ils chassent des proies rares telles que le cerf chital, le cerf aboyeur, le cochon sauvage, et même les macaques. Ceux qui se hasardent de s'aventurer dans ces forêts impénétrables afin de recueillir du miel, pêcher et couper des mangroves pour faire du charbon deviennent souvent victimes des attaques de tigres. La zone de forêts proprement dite n'est pas habitée, à l'exception de certaines stations forestières. La région est classée parmi les plus pauvres et les plus reculées du Bangladesh, et le développement de cette région accuse un retard dans le développement global du Bangladesh. Elle constitue également la région la plus vulnérable aux catastrophes naturelles, telles que les cyclones, les inondations et la montée du niveau de la mer. Les questions du genre dans les Sundarbans, Bangladesh Bangladesh Resource Centre for Indigenous Knowledge (BARCIK) s’est engagé depuis 1997 dans la conservation de la biodiversité et des droits des utilisateurs des ressources primaires dans de différentes parties du Bangladesh. Depuis 2007, dans le sud-ouest du pays, BARCIK vise à contribuer à établir les droits des hommes et des femmes qui dépendent des forêts et des ressources naturelles en particulier les Produits Forestiers Non-Ligneux (PFNL) et leur contribution à la sécurité alimentaire. En tant qu’une partie de ce processus, BARCIK, avec l’appui du Fonds d'Innovation de PSO et Both ENDS, a initié un projet pilote de recherche-action pour habiliter les femmes membres qui dépendent de la famille des PFNL à travers un processus d'intégration du genre. Pour BARCIK le point de départ de ce projet était la question :

Comment assurer aux femmes une participation égale à celle des hommes à la production, la commercialisation et la prise de décision sur les produits forestiers non-ligneux dans les Sundarbans au Bangladesh ?

Dans la communauté bonojibi, les femmes travaillent à la fois dans le ménage que dans la pratique des activités génératrices de revenus. Mais leur contribution aux activités génératrices de revenus n'est pas socialement et

économiquement valorisée. Les hommes vont à la mer pour pêcher et pénètrent dans la forêt

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profonde des Sundarbans pour recueillir le miel et la cire d'abeille face au risque d'attaques de tigre. Les femmes prennent part à la transformation du miel et la cire d'abeille. Elles pénètrent également dans la forêt à la recherche du bois et des œufs. Il ne leur est pas cependant permis de pénétrer dans la forêt. Si un accident survient au moment de la collecte des ressources, personne ne va au secours des femmes. Les femmes ont également moins accès au marché et elles n’obtiennent pas toujours leurs produits à leur juste prix. A cause de la culture patriarcale, les hommes jouent un rôle dominant dans le processus décisionnel à tous les niveaux. Les principales ressources des Bonojibi telles que la terre, les barques et les filets de pêche sont détenues par les hommes. Les hommes sont aussi prioritaires dans l'éducation, les services de santé et la nutrition. Les femmes qui dépendent des ressources forestières ont moins de possibilités d'obtenir des prêts du gouvernement, et ne sont souvent pas au courant des services gouvernementaux pour les femmes pauvres ou des possibilités de microcrédits. Les tabous sociaux, une façon traditionnelle de voir les choses et une culture patriarcale dans la famille et la société, ainsi que d'un manque de connaissances et de compétences parmi les femmes sont identifiés comme principales causes de l'inégalité entre les sexes. Certaines inégalités entre les sexes sont profondément enracinées dans la culture. Par exemple, dans une perspective sociale et religieuse, l'entrée des femmes dans la forêt est interdite. La société estime que Bonojibi (la déesse de la forêt) sera en colère si les femmes entrent dans la forêt car elles sont impures. Traditionnellement, les hommes considèrent les femmes comme des subordonnées. Les femmes aussi pensent souvent qu'elles sont responsables des tâches, pas des droits. Les femmes qui souffrent plus sont celles dont le mari meurt d'une attaque de tigre ; elles sont connues sous le nom de veuves de tigre. La responsabilité de la mort du mari de la veuve de tigre est rejetée sur la veuve qui est socialement négligée, stigmatisée et privée de la propriété de son mari. Les étapes clés et les outils utilisés BARCIK a initié un processus permettant de répondre aux besoins et intérêts des hommes et des femmes qui dépendent des ressources forestières, aussi appelé bonojibi dans un processus étape par étape, auquel la communauté bonojibi a participé activement. BARCIK s’est penchée sur les utilisateurs des ressources forestières non-ligneuses dans le Shyamnagar Upazila (sous-district) dans le district de Satkhira. Les actions suivantes ont été entreprises : � Premier atelier de formation en Avril 2010 au niveau communautaire pour

établir une base commune de compréhension du genre à des hommes et des femmes choisis parmi ceux qui dépendent des ressources forestières ainsi que les membres du personnel de BARCIK, y compris d'autres acteurs et universitaires œuvrant dans le domaine de l'environnement et la conservation des ressources naturelles et la promotion de l'égalité des droits des femmes.

� Enquête sur les hommes et les femmes qui dépendent des ressources forestières en Juin 2010 pour évaluer leurs connaissances acquises sur l'égalité des sexes et faire une comparaison entre les participants du premier atelier et d'autres personnes qui n'avaient pas participé à l'atelier et identifier les besoins de la communauté de Bonojibi auxquels il faut répondre au cours du deuxième atelier.

� Rencontre de partage avec la communauté de Bonojibi en Juillet 2010 pour évaluer les compétences des participants à l’atelier et l'engagement de transférer leurs connaissances sur le genre à une plus grande communauté et motiver cette communauté à travailler en tant qu’une force.

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� Deuxième atelier en Août 2010 au niveau communautaire pour renforcer les capacités du groupe spécifique à Bonojibi et faire face aux questions de genre, renforcer sa confiance à agir en tant qu’un groupe organisé pour élever la voix et établir des liens entre les personnes qui dépendent des ressources forestières et les fournisseurs de services compétents dans la localité tels que le Ministère des Forêts, le Ministère des Femmes et des Enfants et le Ministère des Affaires Sociales.

� Troisième atelier en Novembre 2010 au niveau national afin de partager la situation socioéconomique et politique, et celle liée au genre dans les Sundarbans sur la base des expériences tirées des ateliers et réunions de partage au niveau local avec la communauté de Bonojibi et rendre le groupe de Bonojibi capable de défendre ses problèmes.

� Quatrième atelier en Mai 2011 au niveau local avec la participation du groupe spécifique de Bonojibi dans le cadre de l’étape prévue pour réviser ses connaissances sur le genre, les compétences et les actions pour travailler en tant que groupe organisé afin d’intégrer le genre dans la gestion des ressources naturelles ; suite à la discussion sur les initiatives de suivi et la mise en place d’un plan d'accès pour les étapes suivantes.

� Cinquième atelier en Mai 2011 au niveau national pour élever la voix des Bonojibi et influencer les médias, les femmes activistes des droits humains, les universitaires et les représentants du gouvernement par rapport à l'établissement des droits égaux des hommes et des femmes dans la gestion des ressources naturelles.

Parmi les différentes mesures prises par BARCIK dans le projet pilote de recherche-action, divers outils d'analyse sur le genre ont été utilisés, y compris le profil d'activité, la cartographie des ressources selon le genre, les rôles joués, l’analyse des parties prenantes et l'analyse sur l’autonomisation de la femme afin de : � Analyser la situation liée au genre dans le contexte spécifique de la

communauté qui dépend des ressources forestières dans les Sundarbans, en utilisant les profils d'activité des hommes et des femmes.

� Sensibiliser un groupe spécifique d’hommes et de femmes qui dépendent des ressources forestières sur leur rôle selon le genre à travers des exercices de groupe au cours des ateliers au niveau local.

� Publier une photo sur les besoins spécifiques au genre et les intérêts stratégiques des femmes à travers des discussions et de petits travaux de groupes au cours des ateliers au niveau local pour bâtir les connaissances et les compétences d'un groupe d’hommes et de femmes qui dépendent des ressources forestières dans le but de les rendre capables de résoudre ces problèmes liés au genre.

� Créer des liens avec les acteurs concernés à des fins de plaidoyer. � Mettre l’accent sur l’autonomisation de la femme pour qu’elle élève sa voix et

réclame l'égalité des droits des femmes dans la gestion des ressources naturelles.

Plus d'informations sur certains de ces outils peuvent être trouvées dans l'annexe 2. Un compte rendu sur l'utilisation des outils et les méthodes dans les différentes étapes peuvent être trouvés dans le rapport national du Bangladesh. Les résultats clés BARCIK projetait impliquer la communauté qui dépend des ressources forestières dans l’attente d’organiser une sensibilisation sur le genre et de former un groupe de soutien pour attirer l'attention des groupes des droits des femmes et les planificateurs des politiques sur les questions relatives à leurs droits égaux. Cette attente a été traduite dans la réalité. Tout d'abord, la prise de conscience

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du groupe de la communauté de Bonojibi qui était impliqué a considérablement augmenté, notamment en ce qui concerne l'accès différencié aux ressources selon le genre et le contrôle des ressources, et la nature des violences faites selon le genre. Aussi, les capacités des femmes ont été renforcées et elles sont devenues confiantes. Auparavant, lorsque les femmes participaient à des ateliers, elles ne pouvaient pas parler en présence de leurs maris. Maintenant, elles osent parler pour revendiquer leurs droits et parler avec les dirigeants et le président local. Un autre résultat clé durable est la formation d'associations de développement des femmes dans la communauté de Bonojibi. Les deux organisations féminines qui ont été formées suite au processus et qui sont constituées de plus de 200 femmes économisent de l'argent, s'engagent dans de petites affaires telles que la fabrication de bougie et la production de cornichon, et elles ont de bonnes relations avec le gouvernement local. En outre, un groupe de solidarité estudiantine a été formé pour travailler avec la jeune génération sur la question de l'égalité des droits dans la gestion des ressources naturelles ; de même qu’un groupe de facilitateurs formé d’hommes et de femmes qui dépendent des ressources forestières pour faire avancer la question de l'intégration du genre dans la gestion des ressources naturelles dans les Sundarbans. Par ailleurs, pour la première fois, une femme originaire de Bonojibi a été élue membre du conseil du gouvernement local (Union Parishad). Elle avait remporté le plus grand nombre de voix. Enfin, la participation des autorités locales et nationales aux ateliers a abouti à des résultats concrets. Leur niveau de connaissance et d'intérêt pour les défis rencontrés par les populations qui dépendent des ressources forestières, et celui des femmes en particulier a augmenté. Cela a également conduit à des engagements spécifiques ; par exemple le Président de Burigoalini Union (premier responsable du gouvernement local) qui a promis de donner la priorité aux femmes qui dépendent des ressources forestières dans le pays à travers des programmes dénommés VGF (Alimentation des Groupes Vulnérables) et VGD (Développement des Groupes Vulnérables). En outre, les femmes de la Direction des Affaires Sociales et le Ministère des Affaires Infantiles d’Upazila (sous-district) ont accepté de mieux divulguer l'information dans les différents services de leurs Ministères auxquels la communauté est rattachée. Au niveau national, la communauté qui dépend des ressources forestières est maintenant reconnue comme étant celle de Bonojibi par le Ministère des Affaires Sociales et la création d'une allocation spéciale pour les veuves de tigre a été annoncée. Les leçons apprises � Les ateliers qui ont eu lieu au niveau local ont permis au groupe spécifique

aux hommes et femmes de Bonojibi d’acquérir des connaissances sur les services compétents des différents ministères du gouvernement qui leur viendront en aide afin de tisser des relations avec ces ministères pour demander leurs services (par exemple, allocation de veuve, formations sur les activités génératrices de revenus et allocation de maternité pour les femmes pauvres). Les participants des ateliers ont été informés sur la Loi sur le Droit à l'Information qu’ils ont utilisé pour s’adresser au gouvernement local. Les participants avaient été capables d'identifier les responsabilités des acteurs spécifiques et avaient réalisé la nécessité d'influencer les parties prenantes concernées. Cependant, les services existants ne sont pas encore assez sensibilisés sur les problèmes de la communauté de Bonojibi. En outre, le sujet sur le droit égal des femmes à la propriété au niveau national doit être abordé, et les politiques et programmes sont nécessaires pour accroître la création d'emplois pour les femmes et accroître leur participation aux processus de prise de décisions.

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� Grâce au processus de partage de connaissances et d’informations lors des ateliers, un groupe d’hommes et de femmes de Bonojibi était arrivé à un consensus sur l’inégalité des relations de genre dans leur communauté, et la nécessité d'y remédier. Pourtant, pour apporter des changements à grande échelle dans les pratiques culturelles profondément enracinées, il faut un processus à long terme.

� Les hommes et les femmes de Bonojibi ont exprimé leur certitude de changer la situation d’inégalité entre les sexes et jouer un rôle égal à tous les niveaux de la gestion des ressources s’ils ont des opportunités et s’ils disposent d’un environnement favorable. Récemment, certaines femmes ont été impliquées dans le développement et le marketing sur l’entrepreneuriat basé sur les PFNL (Produits Forestiers Non-Ligneux) avec le concours des ONG comme BARCIK.

� Au cours des discussions dans les ateliers, les hommes et les femmes se sont convenus qu’ils devraient tous avoir un permis de conduire de barque, un permis d’entrer dans la forêt. Bien que cela soit un résultat positif, assurer la sécurité des femmes lorsqu’elles pénètrent dans la forêt profonde restera un défi. Cela dépend aussi de la possible restructuration et du renforcement du Ministère des Forêts.

� Grâce au processus étape par étape, les groupes de femmes leaders ont été créés. Ce que ces femmes leaders attendent de BARCIK est maintenant grand et cela peut constituer un défi potentiel pour BARCIK.

Le suivi Les femmes de Bonojibi ont créé leurs propres associations. Un certain nombre de femmes leaders potentielles se sont levées pour plaidoyer. Certains hommes de Bonojibi sont aussi organisés en groupe. Maintenant, ils peuvent conjointement régler certains problèmes spécifiques au genre, mais pour des raisons de durabilité, le suivi et les relations sont encore nécessaires, notamment: � Les capacités du groupe particulier des hommes et des femmes de Bonojibi

sur la gestion de l'organisation sont renforcées. � Renforcer les capacités de négociation et de communication des

communautés afin de développer une étroite relation de travail avec les acteurs concernés.

� Engager un processus pour transformer l'attitude militante des membres de la communauté de Bonojibi en celle de facilitation et porter vers l’avant le mécanisme d’intégration du genre dans le long terme.

� Reproduction du processus d’intégration du genre dans d'autres communautés.

� Développement de capacité entrepreneuriale de petits groupes de femmes. � Plaidoyer pour établir et renforcer le réseau de sécurité sociale des femmes

conjointement par BARCIK et la communauté de Bonojibi. � Renforcer les capacités des hommes et des femmes de Bonojibi pour

développer des liens avec les projets gouvernementaux et multilatéraux afin d’assurer la sécurité des moyens d'existence.

� Engager un processus d’assistance sociale pour réduire la mentalité de dépendance d’aide sociale dans les communautés de Bonojibi (ce qui conduit souvent à l'apathie et au manque d'initiatives et de responsabilités), car elles vivent dans la région sujette aux catastrophes naturelles.

� Plaider pour un environnement favorable au niveau national, par exemple, la révision de la Loi Forestière de 1972 pour protéger les droits des populations qui dépendent des ressources forestières, l'inclusion des préoccupations des femmes autochtones dans la Politique Nationale de Développement de la Femme, et le soutien du gouvernement dans le développement de petites entreprises basées sur la forêt et la commercialisation des produits avec un accent particulier sur l'entreprenariat féminin.

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3.3 Le cas de l'ANCE

Les questions du genre au Togo Comme dans de nombreuses parties du monde, les femmes du Togo sont les gardiennes de l'eau. Elles sont responsables de l'approvisionnement en eau dans les familles et communautés et pour le soin des malades. Cependant, la plupart des décisions sur l'eau continuent par être prises par les hommes. Peu de femmes sont à table lorsque des décisions sont prises sur les stratégies d'assurer une eau potable, la façon de freiner le réchauffement climatique, la façon de maintenir l'eau comme ressource publique, ou comment s'assurer que l’approvisionnement en eau est une responsabilité du gouvernement plutôt que celle d’une entreprise à but lucratif. Les femmes doivent être en mesure de participer de façon significative au processus de prise de décision sur la gestion de l’eau, afin que leurs vastes connaissances, leurs compétences et leurs contributions soient prises en compte. En 2008, l'ANCE a lancé une campagne d'information sur le droit à l'eau. Seulement, environ 35% de la population togolaise a une source d'eau potable. Au Togo, le droit humain à l'eau est seulement reconnu de façon indirecte. L’équité du genre est reconnue sur papier, mais pas dans la pratique. Pour l'ANCE, le point de départ dans ce projet était la question :

Comment pouvons-nous intégrer le genre dans notre campagne de lobbying sur le Droit Humain à l'Eau au Togo pour promouvoir la participation égale des hommes et des femmes dans la prise de décision sur l'utilisation et la gestion de l'eau ?

Les étapes clés et les outils utilisés Pour résoudre le problème critique du manque de considération de l'égalité des sexes dans la gestion de l'eau au Togo, une approche étape par étape a été adoptée ; elle est composée des étapes suivantes :

� Un atelier de formation organisé le 25 Mai 2010 et qui a réuni une quarantaine de participants venant des Ministères, des ONG environnementales, les universitaires œuvrant dans le domaine de la gestion des ressources naturelles et environnementales, les organisations syndicales, les organisations féminines, les médias et quelques-uns de personnel de l'ANCE.

� L'analyse situationnelle sur le genre et l'eau au Togo (Juin à Décembre 2010) qui a permis la collecte de données nécessaires pour comprendre les obstacles et les opportunités pour promouvoir le droit à l'eau et le rôle de la femme au Togo. Des études ont été réalisées par quatre consultants nationaux.

� L’organisation d'un atelier de validation le 28 Février 2011 qui a réuni 40 participants qui avaient assisté au premier atelier de formation. Au cours de cet atelier, toutes les parties prenantes ont apporté leurs contributions et commentaires, et le rapport des études fut adopté.

� L’organisation d'une réunion des parties prenantes le 1er Mars 2011 pour élaborer et adopter un plan d'action visant à promouvoir l’égalité des Droits Humains à l'eau au Togo.

� L’organisation de l'atelier final d'évaluation des parties prenantes et le suivi le 2 Septembre 2011.

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L'approche adoptée a été d'abord de recueillir des données sectorielles sur l'accès aux services de l'eau, sur le budget relatif à l'eau, et sur le mécanisme de participation à la prise de décisions dans le secteur de l'eau. Ces études sectorielles ont été réalisées par trois consultants indépendants. Le rôle de l'expert des questions de genre était d'identifier les interactions entre ces études et la corrélation avec l'égalité des sexes. Le principal argument était que la disponibilité de l'eau dans les ménages détermine pour une grande partie la place des femmes, puisqu’elles sont responsables de l’approvisionnement en eau et des soins aux malades ; à cet effet, elles ont besoin d’une eau de bonne qualité. Les décisions de gestion et d'investissement sont toutefois prises par les institutions à dominance masculine. L'analyse du genre a par la suite permis d’identifier des lignes d'action à prendre par l'ANCE pour intégrer le genre dans son lobbying pour le Droit à l'Eau. Ces lignes d'action avaient changé au cours du processus en raison de certaines analyses supplémentaires. Au cours du premier atelier, il a été décidé de cibler le Gouvernement et l'Assemblée Nationale pour augmenter le budget national dans le secteur de l'eau afin d'assurer plus d'investissements dans ce secteur ; ce qui bénéficiera aux femmes en particulier. Toutefois, cette approche a fait preuve de limites ; car il est extrêmement difficile pour la société civile de changer les politiques au niveau national. Au cours du second atelier, il a donc été décidé de plaider pour le droit des citoyens togolais à l'eau. Cela semblait opportun car actuellement, la législation sur l'eau est en cours de révision. Dans la législation actuelle, le droit à l'eau est seulement reconnu implicitement. Cependant, la modification de la législation sur l'eau semble être une question technique qui nécessite une grande contribution d'un spécialiste en Droit. Aussi, le fait de garantir le droit légal à l'eau ne sera qu'une première étape dans l'amélioration du niveau des services de l'eau au Togo, puisque les investissements pour assurer ce droit sont déterminés par la situation financière d'un pays qui, dans le cas du Togo, est limité en raison des dettes. Par conséquent, au cours du troisième atelier, l'ANCE a décidé de réorienter la vision de participation à la prise de décisions sur les investissements en eau au niveau local. A ce niveau, les résultats peuvent être atteints dans le court terme et ils sont visibles sur le terrain. L'objectif est de promouvoir la participation des femmes dans le processus de prise de décisions relatives à l'eau dans les comités de gestion locale de l'eau. L’ANCE vise maintenant à rejoindre d'autres organisations, y compris les organisations féminines, qui sont déjà actives dans le développement des services de l'eau, renforcer les capacités et promouvoir la création d'alliances et le partage d'informations au niveau local. Résultats clés Augmentation de la compréhension du droit à l'eau au Togo et le rôle du genre : ce projet a généré des données importantes sur la disponibilité des services de l'eau au Togo, l'état du droit à l'eau et le rôle que joue le genre par rapport aux services de l'eau. Ces données ne sont pas seulement utiles pour les ONG mais aussi pour de nombreux acteurs et décideurs au Togo. Un bref résumé de l'étude peut être trouvé dans la case ci-dessous. De fructueuses alliances établies avec plus de 40 groupes d’hommes et de femmes : le projet a permis à l'ANCE d’établir des relations fructueuses avec plus de 20 chercheurs des Universités de Lomé et Kara, 10 groupes de femmes, tels que WILDAF Togo, le « Groupement des Femmes pour la Démocratie et le Progrès (GF2D) » et le Centre National pour la Promotion du Genre (CNPG), 1

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Disponibilité des services de l'eau au Togo et le rôle que jouent les femmes Les études ont montré qu'il n'ya pas de reconnaissance explicite du droit à l'eau au Togo, bien que le Togo ait signé et ratifié toutes les conventions et instruments internationaux sur le droit à l'eau. La Loi N° 2010-004 sur le Code de l'Eau, la Loi N ° 2009/007 du 15 Mai 2009 réglementant le Code de la Santé au Togo reconnaissent tous le droit à l'eau implicitement mais pas de façon explicite. La nécessité d'intégrer le genre dans la gestion des ressources en eau est explicitement reconnue, mais cette reconnaissance n'est que sur papier, pas dans la pratique, puisque la possibilité de participer à la prise de décision sur l'eau et l'assainissement par les femmes au niveau national et local est encore problématique. En outre, les études ont révélé que le budget annuel de l'eau est insuffisant et ne permet pas de satisfaire les besoins en eau ; ce qui aggrave les conditions de vie des populations, particulièrement celles des femmes (10% seulement ont accès à l'eau). Par exemple, au cours de la dernière décennie, les investissements publics dans le secteur de l'eau étaient seulement de 21,5 milliards de F CFA (soit 32 824 428 Euros) et sont distribués comme suit : 12 milliards de F CFA (soit 18 320 611 Euros) pour l'approvisionnement en eau potable dans les zones rurales, 60 millions de dollars pour l'approvisionnement en eau potable en milieu semi-urbaines, 4 milliards pour l'approvisionnement en eau en milieu urbain, 5,5 milliards pour l'assainissement. L'investissement dans l'eau pour l'agriculture est insignifiant. La répartition des investissements dans les services de l'eau au Togo n'est pas équitable. Les faibles niveaux de service sont respectivement pour les milieux semi-urbains et ruraux dans la Région Centrale (52%, 41%), tandis que les plus bas sont respectivement pour les milieux semi-urbains et ruraux dans la Région Maritime (10%, 15%). La répartition du budget annuel du Ministère de l'Eau et Assainissement et le Ministère de la Plan n'est pas transparente. Au niveau local, dans le cadre de la décentralisation, un comité de gestion de l'eau devrait être mis en place dans chaque village. La plupart des membres de ce comité sont des hommes. L'adhésion est volontaire, mais de nombreuses femmes ont peur ou ne se font pas assez confiance pour y adhérer. Ainsi, alors que les femmes sont en charge de l'approvisionnement en eau, les hommes prennent les décisions. Les femmes, en tant que gardiennes de leurs familles, sont supposées mieux entretenir leurs ressources en eau et avoir de différentes priorités, et prendre de différentes décisions sur les investissements et l'utilisation de l'eau, lorsqu’elles rejoignent les comités de gestion de l'eau. Par la loi, les municipalités sont tenues de consulter la société civile lors de l'investissement dans les services de l'eau.

cercle de juristes, 4 syndicats, et 8 ministères concernés par les questions du genre (Ministère des Affaires Sociales, Ministère de l'Environnement, Ministère de l’Eau et Assainissement, Ministère de l’Agriculture, Ministère des Finances, Ministère de l'Education, Ministère en charge des Collectivités Locales). Il a également construit un partenariat fructueux et une coopération avec 3 réseaux des journalistes, et plus de 50 étudiants.

Les capacités de 40 acteurs sont renforcées sur les questions de genre et eau : Le projet a permis le renforcement des capacités des parties prenantes sur le rôle du genre dans les services de l'eau et dans sa gestion. Les capacités d’environ 45 personnes venant de huit ministères, 10 ONG, 2 réseaux de journalistes, et 2 syndicats ont été renforcées sur les questions d'égalité des sexes et le droit à l'eau. Aussi, les capacités de 8 personnes du staff de l’ANCE sont renforcées. La participation active des différents ministères donne l'espoir que les autorités peuvent sérieusement, dans l’avenir, envisager la réalisation de l'égalité des sexes dans le cadre de leur processus de prise de décisions politiques. La mise en réseau et le partage d’informations sur les leçons apprises avec d'autres groupes à travers le site web de l'ANCE et les médias : Le projet a suscité beaucoup d'attention de la part des médias et a abouti à de nombreuses

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publications sur la question de l'égalité des sexes et le droit à l'eau dans les journaux privés et publics. Au total 12 articles ont paru dans les journaux nationaux. En outre, plusieurs interviews ont été accordées à 5 radios et 2 chaînes de télévision, y compris la télévision nationale TVT et TV7. Une coupure de presse est annexée au présent rapport. Un comité a été créé au cours de la dernière réunion pour un suivi avec l'Assemblée Nationale qui va faire pression pour augmenter le budget de l'eau : Un comité représentant 5 organisations a été mis en place par l'ANCE dans le but de faire pression sur le parlement national pour l'inclusion juridique de l'eau dans la constitution du Togo. Ce comité a déjà rencontré le Président de la commission parlementaire sur les changements législatifs et 2 groupes parlementaires. Deux autres réunions sont prévues pour la fin de l'année. Les leçons apprises Il a été difficile d'avoir les mêmes participants au cours des trois ateliers. Pour gérer cette situation, l'équipe du projet a toujours fait un bref résumé des activités antérieures dans le but de permettre aux nouveaux participants d’avoir une idée de ce qui a déjà été fait. Un autre défi était que le budget disponible pour les activités était insuffisant pour les actions sur l'intégration du genre dans la gestion de l'eau au Togo sur le plan national. Pour atteindre ses objectifs, l'équipe du projet a accordé une grande importance à l'implication des agents de l’Etats et des médias. Le suivi Comme résultat direct du projet PSO, l'ANCE met en œuvre actuellement un projet sur le genre et l'assainissement avec l’appui financier de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), bureau du Togo. Deux autres ONG, GF2D et WILDAF Togo ont lancé deux différents projets suite aux discussions ; l'un qui porte sur le renforcement des capacités des parlementaires dans la gestion durable de l'eau liée au genre, et l'autre sur le renforcement des capacités des femmes rurales sur la promotion de l'égalité des sexes. Par ailleurs, en ce qui concerne le droit à l'eau, un comité composé de 5 personnes provenant de 5 organisations continuera à promouvoir le Droit à l'Eau, de même que l’égalité des droits des hommes et des femmes. L'ANCE compte également développer une politique sur le genre afin d’inclure les considérations du genre dans tous ses programmes et activités, dans la biodiversité, l'eau et assainissement, l'agriculture, les pesticides et la santé.

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4. L’évaluation et les leçons apprises En Septembre 2011, un atelier international a été organisé pour partager les expériences dans les trois pays et tirer les leçons sur la trajectoire du renforcement des capacités : l'approche était-elle effectivement viable? Quelles ont été les étapes cruciales? Quels étaient les éléments qui manquaient? Quelles sont les nouvelles leçons apprises et les compétences qui ont été acquises avec le concours des experts des questions de genre et les organisations féminines? Quelles expériences les autres ONG ont-elles de l'intégration du genre dans leur travail? Sur la base des discussions, un certain nombre de leçons clés peuvent être tirées par rapport aux 5 éléments clés de l'approche. 1. S'engager dans une méthodologie étape par étape � Le fait d’aborder l'inégalité entre les sexes étant un processus complexe et à

long terme, il est important de l’aborder étape par étape et de permettre l'apprentissage par la pratique. Les organisations de la mise en œuvre ont remarqué que toutes les étapes proposées étaient pertinentes. Dans le même temps, elles ont utilisé l'approche de façon souple et ont ajouté des éléments jugés utiles et appropriés. Les méthodologies, y compris cette approche, doivent toujours et uniquement servir de guide. Dans la pratique, on ne peut pas tout préparer ; de même, les besoins et les opportunités doivent être abordés lorsqu’ils surviennent.

1a. Mener une analyse sur le genre

L’un des résultats clés pour les partenaires a été l'introduction d'un certain nombre d'outils viables pour effectuer une analyse sur le genre. Il s'agit notamment de la cartographie des ressources selon le genre, le profil des activités, et les calendriers, l'analyse des parties prenantes, et l’élaboration de l’arbre à problèmes. Un certain nombre de ces outils peut être trouvé dans l'annexe 2. Ces outils sont faciles à appliquer. Les profils d'activités et les calendriers sont importants pour entamer des discussions sur les besoins et tâches exécutées en fonction du sexe puisqu’ils se rapportent directement à la vie des gens. L'analyse des parties prenantes est importante pour identifier les acteurs concernés, ou les impliquer dans le processus. La cartographie des ressources selon le genre relie directement les relations de genre à l’utilisation des ressources, qui est le point clé de l'approche.

� La leçon claire qui a émané des pilotes est l'importance d'impliquer les communautés dans l’élaboration et la validation de l'analyse du genre. Ce ne fut pas aussi fortement inclus dans la démarche originale de la mise en place de l’approche. Dans tout le processus, BARCIK a été la plus forte dans l'implication des communautés de Bonojibi. Cela s'est avéré comme étant un facteur clé de succès dans le cas du Bangladesh en termes de propriété et de responsabilisation : lorsque les communautés sont activement impliquées et que leurs droits leur sont expliqués, les hommes et surtout les femmes deviennent plus autonomes et s’expriment librement. Cela renforce leur confiance et leur mise en réseaux, et crée également une entente commune entre les hommes et les femmes. Aussi, les personnes concernées devraient être impliquées dans la validation de l’analyse du genre et l’élaboration du plan de travail. Lorsque les membres de la communauté acquièrent des connaissances sur les outils d'analyse, ils peuvent aussi identifier leurs propres problèmes et trouver les solutions à l'avenir. Dans le

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même temps, l’on doit être conscient que la participation augmente les attentes. En outre, il faut être conscient que le contexte, les besoins, les attentes et les problèmes peuvent être différents d'un village à l'autre, ainsi qu'entre les femmes de différents âges, différent niveau d’éducation et de différentes classes.

� En dehors d'une analyse de l'accès différenciés et le contrôle des ressources au niveau communautaire selon le genre, une analyse de l'environnement favorable au niveau de la politique est importante pour voir où se trouvent les opportunités afin de revendiquer des droits ou identifier les lacunes et obstacles. BARCIK par exemple, a réalisé une étude pour analyser les engagements juridiques qu’il faut soutenir et les politiques du gouvernement bangladais en faveur du droit égal des hommes et des femmes. L’ANCE a dirigé son analyse sur le plan national, mais a estimé que l’analyse au niveau communautaire était manquante. D'autre part, AMICHOCÓ a effectué une analyse avec seulement un certain nombre d'organisations locales, et a manqué de faire une analyse au niveau national.

1b. Organiser une série d’ateliers inclusifs � Les relations de genre reposent sur les relations de pouvoir ; et donc, elles

constituent toujours une question sensible. Dans tous les cas, les experts des questions de genre et les organisations partenaires n'ont pas commencé à discuter des questions de genre dès le départ. Plutôt, le sujet a été lentement introduit dans une discussion sur les questions courantes ou plus neutres. La meilleure option est de commencer par une analyse des problèmes communs en évitant l'utilisation du jargon lié au sexe. L'analyse du problème engage plus le peuple que la façon dont les différences entre les problèmes des hommes et des femmes sont abordées. Une autre option est de travailler sur des profils d'activité en énumérant toutes les activités quotidiennes des hommes et des femmes. C'est une manière neutre de commencer à discuter des différences dans les tâches, les rôles et les besoins des hommes et des femmes, et de sensibiliser au sujet de ces différences. Par exemple en Colombie et au Bangladesh, en notant les différentes activités, on pourrait tous distinguer le travail que font les femmes par rapport aux hommes. Il est important de créer un environnement d'apprentissage convivial parmi les participants.

� De toute évidence, il est important d'inclure à la fois les hommes et les femmes dans les ateliers dès le début. Cependant, il peut s’avérer important d'avoir des réunions séparées pour les femmes uniquement à côté des réunions mixtes, puisque les femmes n'osent souvent pas ou ne sont pas habituées ou autorisées à parler en public lorsque les hommes sont présents.

� En invitant les femmes à des ateliers, les organisateurs doivent se rendre compte qu'elles peuvent avoir besoin de quelqu'un pour prendre soin de leurs enfants, et ils devraient soit avoir une garderie ou essayer de rendre possible le fait qu’elles emmènent leurs enfants à l'atelier. Dans la politique liée au genre d’AMICHOCÓ, la suggestion a été l’organisation des activités éducatives et créatives pour les enfants pendant toute la durée de la réunion (par exemple, des activités portant sur des sujets environnementaux) afin que les femmes puissent être accompagnées de leurs enfants. Une autre option est celle de payer une somme modique à une personne de la communauté pour qu’elle prenne soin des enfants pendant que les femmes participent à l'atelier.

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� Les organisations, ANCE et BARCIK ont toutes deux invité un groupe de parties prenantes beaucoup plus grand à leurs ateliers. Ce point est discuté ci-dessous.

1c. Développer un plan de travail concret pour commencer à intégrer les questions de genre

� L'intégration du genre doit mieux se faire tant au niveau communautaire

qu’au plus haut niveau politique. En d'autres termes, le fait de viser les hautes autorités est nécessaire pour des changements durables. BARCIK a commencé ses discussions avec la communauté. Elle a demandé à la communauté de décrire ses propres problèmes. Puis, elle a invité les autres parties prenantes qui ont été identifiées comme étant compétentes par les communautés (entre autres, Ministère des Forêts, Ministère des Affaires Sociales, Ministère des Enfants et des Affaires Féminines, Ministère de l'Administration Locale), et est ensuite passée au niveau national. Cela a conduit à l'intérêt manifesté et à l’engagement des autorités nationales de faire face aux injustices et autres questions urgentes soulevées par les communautés dans les Sundarbans. D'autre part, l’ANCE a commencé par se concentrer sur l'environnement favorable au niveau national, à savoir le niveau du budget ministériel de l'Eau et la législation liée au Droit à l'Eau. Les changements dans ce budget et la législation auront un effet important sur le niveau et la qualité des services de l'eau et donc sur la vie des femmes qui sont responsables des besoins de leurs familles en eau. Les ministères ne voulaient pas assister aux réunions organisées par l'ANCE car la société civile n'est pas sensée traiter des affaires budgétaires nationaux. Toutefois, des représentants de 8 ministères avaient participé aux réunions et ont apprécié et soutenu les objectifs de l'ANCE d’améliorer les services de l'eau et le rôle des femmes dans la gestion de l'eau. En fin de compte, les deux questions sont importantes et ne doivent pas être nécessairement abordées par une organisation ou un réseau, mais en collaboration avec d’autres. Une question clé peut donc être liée aux organisations travaillant sur d'autres plans pour obtenir des résultats plus efficaces et plus durables.

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Trouvez des moyens créatifs � Pour renforcer la sensibilisation sur le genre, AMICHOCÓ a développé un

documentaire sur la vie des femmes dans le Chocó en collaboration avec Antorcha Films. Ces films constituent un outil important pour initier des discussions sur les réalités quotidiennes des hommes et des femmes. Ils peuvent voir par eux-mêmes, réfléchir et valider leur culture.

� Les participants à un atelier organisé par BARCIK ont tous exprimé leur engagement à lutter contre les inégalités entre les sexes sur un large tissu et

ont présenté ce tissu au gouvernement local (voir l'image à gauche).

� Les exercices de

groupes originaux et les jeux de rôles

(hommes-femmes, communauté-

gouvernement) sortent les gens de leur milieu de confort et créent un

environnement d'apprentissage

ouvert.

� Dans tous les cas, le premier besoin identifié était la sensibilisation à la fois

des hommes et des femmes. La sensibilisation sur l'inégalité des sexes inclut la compréhension des normes culturelles et sociales, une idée sur l'utilisation des ressources liées au genre et le contrôle, et les connaissances sur les cadres institutionnels, les droits et les services. Il y a plusieurs façons de commencer la sensibilisation. Automatiquement, la sensibilisation est faite au début des discussions, au cours des ateliers et pendant l'analyse conjointe du genre. Dans le cas où l'accent a également été mis sur la recherche de moyens créatifs pour commencer à discuter ou à aborder les questions liées aux inégalités entre les sexes (voir l'encadré). Il est utile d’ouvrir des discussions avec les communautés, mais aussi d’aller vers les autres. En accord avec le point précédent, la sensibilisation est importante tant au niveau local que national, par exemple en organisant des formations sur le genre et un atelier pour les ministères et les parlementaires.

� Grâce au processus et aux activités de sensibilisation, les femmes ont acquis de la confiance. Auparavant, dans le cas du Bangladesh, lorsque les femmes participaient aux ateliers, elles ne pouvaient pas parler en présence de leurs maris. Maintenant, elles osent parler et réclamer leurs droits. Elles ont également formé des associations féminines. En somme, l'autonomisation de la femme est une question cruciale, entre autres pour la création des groupes d'entraide, l'ouverture des marchés, la mise en réseau, la formation et le perfectionnement des compétences.

� Une importante leçon du point de vue de la durabilité est de trouver des «

agents du changement », ou des hommes ou femmes leaders qui peuvent informer d’autres hommes et femmes sur les questions de genre, plaider pour des changements au sein du gouvernement ou agir comme modèles (voir par exemple l’histoire personnelle de Sajida Begum, une femme originaire de Bonojibi élue dans le « Union Parishad » (gouvernement local) et Boruna Munda, une jeune fille étudiante qui a été inspiré par les

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Combler les lacunes dans la communication et l’information Grâce aux ateliers organisés par BARCIK, les membres de la communauté et du Ministère des forêts du Bangladesh ont été mis en contact. De nos jours, lorsque les membres de la communauté, les hommes et les femmes rencontrent un problème, ils ont le numéro de téléphone de la garde forestière et appellent au secours. En outre, les membres de la communauté sont maintenant conscients des services existants auxquels ils sont confiés et vers lesquels ils peuvent aller.

ateliers sur le genre (voir annexe 3). BARCIK a délibérément donné un rôle de leadership à un certain nombre de femmes, de sorte qu'elles puissent transmettre leurs connaissances à leurs communautés. Lors de l'atelier, les organisateurs ont convaincu les femmes de prendre la parole et de s’exprimer ou de faciliter les séances par le renforcement de leur confiance.

� AMICHOCÓ a élaboré une politique de genre prometteuse. Pourtant, pour

être en mesure de mettre en œuvre une telle politique, tous les membres du personnel d’AMICHOCÓ devront être mis au courant de cette politique et équipés de la puissance analytique et des outils pour inclure le genre dans leurs projets. Une leçon est d'assurer l’implication de tous ou d’au moins un groupe important des membres du personnel dans le processus pour commencer à travailler sur les questions de genre dans une organisation ; ou trouver de bons moyens pour diffuser la connaissance au sein de l'organisation elle-même.

� Ce qui manquait à l’origine, mais qui est pris en compte dans tous les cas

était la participation active d'un groupe de parties prenantes beaucoup plus grand dans le processus : jeunes, étudiants, juristes, médias, agents de l’Etat et d'autres ont été impliqués dans une étape. Les processus de l'ANCE et BARCIK ont été largement couverts par les médias. Les médias sont utiles pour informer un grand public, sensibiliser et accroître la pression sur les agents de l’Etat afin de remédier aux inégalités liées au genre. Les étudiants et les jeunes jouent un rôle important dans l’implication de la génération future qui est plus ouverte aux changements et prête à agir. Il est intéressant dans le cas du Togo et du Bangladesh que non seulement l’ANCE et BARCIK se sont engagées dans des actions concrètes, mais aussi d’autres acteurs se sont impliqués. De cette façon, les hautes autorités ont déjà commencé par être informées.

2. Impliquer un expert local des questions de genre L’implication à long terme d'un expert des questions de genre qui connaît bien la région s'est avérée importante. Normalement, il y a une collaboration continue entre l’expert des questions de genre et l'organisation environnementale. L'expert des questions de genre a appris aux organisations comment collecter les données et comment mettre en place et analyser les relations de genre. 3. Associer explicitement l'égalité des sexes à la gestion des ressources naturelles � Pour lier de façon particulière les discussions sur les relations de genre

et l'accès et le contrôle des ressources naturelles dont dépendent les communautés pour assurer leur subsistance, il s'est avéré qu’il faut un point d'entrée efficace pour aborder cette question sensible sur le genre.

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� Lors du dernier atelier à Amsterdam en Septembre 2011, la question de savoir pourquoi en dehors de la justice sociale, il est important d'inclure les femmes dans la prise de décision sur les ressources naturelles a été soulevée: comment l'implication des femmes change la façon dont les ressources sont utilisées. Le groupe a conclu qu'il est important d'inclure les femmes dans la gestion des ressources naturelles ; car les femmes identifient les différents besoins et les solutions et cela conduit à l’amélioration de la façon dont les ressources sont gérées. Les femmes connaissent les principaux défis lorsqu’il s'agit des ressources en eau ; car elles sont les seules responsables de la fourniture d'eau à leurs communautés. Elles considèrent leurs capacités physiques dans le choix et les mécanismes des systèmes d'approvisionnement en eau. Les femmes savent quelles semences sont les mieux adaptées, à quelle saison et la superficie à exploiter, parce qu’elles collectent et sèchent les graines. En outre, les femmes réinvestissent le plus souvent leur argent dans leurs familles et communautés tandis que les hommes ont tendance à dépenser sur eux-mêmes. Evidemment, les femmes ne peuvent prouver leur potentiel que lorsqu’elles ont la possibilité et les compétences. Plus généralement, le travail sur le genre ouvre les yeux à la différenciation sociale, également, en termes d'âge, de milieu socioculturel et de classe sociale, etc. Des preuves plus documentées sont encore nécessaires pour montrer comment une approche basée sur le genre dans la gestion des ressources naturelles contribue à une efficacité accrue, à un impact visible et à la durabilité.

� Dans un pays, les relations de genre peuvent considérablement varier d'une région à l'autre, entre autres, selon la quantité et la qualité des ressources disponibles. L'analyse nationale sur le genre faite par l'ANCE, a montré de fortes variations en termes d’accès différencié aux services de l'eau dans les villes et les campagnes selon le genre. D’une part, le système d'eau dans les villes est géré par les services techniques qui font partie de l'administration de la ville. D'autre part, les puits communautaires mis en place dans les campagnes avec un financement des bailleurs de fonds étrangers sont généralement participatifs. Des différences existent également entre les zones écologiques. Dans les régions montagneuses, la pluviosité est relativement forte et les ressources naturelles sont bien gérées. Dans les régions de savane, la pluviosité est faible, et dans la culture du coton, un conflit peut survenir entre l'agriculture et les besoins en eau dans les ménages.

� L’accès aux ressources se rapporte directement à d'autres éléments clés tels que l'accès à l'information et aux droits, l'accès aux capitaux, au savoir-faire, à la technologie et à l'influence (politique).

� Les cadres institutionnels de gestion des ressources reflètent souvent les valeurs dominantes (patriarcales et religieuses), et les normes traditionnelles sont ainsi profondément enracinées et ne sont pas faciles à changer.

4. Solliciter la coopération avec les groupes de femmes et d'autres acteurs

� La coopération envisagée avec les organisations féminines n’avait pas

toujours eu lieu. En Colombie, les organisations féminines et d'autres organisations n'ont pas continué à s’impliquer dans le processus en raison d'un manque de temps et de ressources. BARCIK et l'ANCE ont renforcé la coopération entre les organisations locales et nationales (des droits) des femmes. Le défi est de voir clairement les objectifs communs et mettre

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ensemble l'expertise et les champs de travail. Par exemple, les groupes de femmes au Togo se concentrent essentiellement sur le plan local, en soutenant leurs membres à avoir accès à de petites pompes à eau et à la formation sur le comportement à adopter dans l'assainissement. Beaucoup d'entre elles ne sont pas conscientes du processus de prise de décision sur le plan national où l'ANCE peut jouer un rôle.

� Comme nous l’avons fait remarquer précédemment, les organismes ont inclus de nombreux autres acteurs concernés, tels que les agents de l’Etat, les étudiants et les médias et les réseaux qui apportent leurs propres connaissances. Le partage de connaissances, la sensibilisation, le travail de proximité et l'appropriation ont été maximisés. L'organisation de la société civile est plus en mesure de communiquer avec les communautés. Les organisations féminines savent mieux comment donner plus de pouvoir aux femmes. Les experts des questions de genre savent comment aborder les questions de relations de pouvoir et travailler sur ces questions. Un juriste peut tout savoir sur les droits des femmes et les droits humains, et comment mettre en pratique ces droits. Un anthropologue a un aperçu sur les structures socio-historiques d’une communauté ou une région. Et une OSC œuvrant dans un autre domaine peut avoir des expériences utiles pour aborder des questions similaires. Le fait de mettre ensemble cette expertise dans un processus à long terme permet de partager les connaissances et la mise en réseau, et peut atteindre de meilleurs résultats.

5. Mettre l’accent sur la documentation et le suivi & évaluation

� L'accent mis sur la documentation continue, et le suivi et évaluation à

travers les ateliers, les interviews et les questionnaires, l’appropriation et la transparence accrues ont permis le partage avec les autres. La documentation sur le processus est importante. Non seulement sur papier mais aussi sur film. La documentation visuelle est très efficace pour les communautés ainsi que pour les autres, afin voir comment les outils ont été utilisés, comment les gens parlent des relations de genre, etc.

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5 Conclusion et suivi

Ce projet relativement court a donné des résultats considérables. Au Bangladesh, la question de la sensibilisation sur les inégalités entre les sexes dans l'utilisation et la gestion des ressources dans la région des Sundarbans a été soulevée et l'autonomisation de la femme a conduit à la création d'organisations féminines et à l’apparition de femmes leaders. Les liens avec des agents de l’Etat et les fournisseurs de services ont aidé la communauté, les hommes et femmes, à faire valoir leurs droits. En Colombie, AMICHOCÓ a mis en place une politique de genre prometteuse pour son organisation, de même qu’un matériel de film à utiliser comme matériel de sensibilisation pour lancer le débat sur les relations de genre à Chocó. Il était déjà devenu possible de parler de genre aux leaders communautaires qui avaient exprimé beaucoup de résistance au début du processus. Au Togo, l'analyse du genre a conduit à l'élaboration de la stratégie de l'ANCE dans la promotion du Droit à l'Eau. Le processus a conduit à une vision accrue du niveau des services de l'eau au Togo, au rôle que jouent les femmes et à une prise de conscience généralisée de ces questions dans les médias, et parmi les autorités nationales et d’autres organisations. En collaboration avec les organisations féminines et d'autres organisations, les principales lignes d’actions identifiées sont maintenant mises en œuvre. Les essais montrent que l'approche est pertinente et viable. Ils ont également fourni d’importantes informations sur la façon d'améliorer l’approche et les expériences pratiques qui peuvent être instructives et inspiratrices pour les autres qui sont intéressés à commencer l’intégration d’une perspective liée au genre dans leur travail sur les ressources naturelles tant au niveau local qu’au niveau national. AMICHOCÓ, l’ANCE et BARCIK vont poursuivre leur précieux travail dans leurs propres domaines. Both ENDS cherche à soutenir davantage ses efforts ainsi que ceux des autres organisations environnementales et de développement qui ont un intérêt à intégrer les considérations sur les questions du genre dans leurs activités. Plus de coopération sera recherchée auprès des organisations (des droits) des femmes, d'autres OSC, les chercheurs et les décideurs politiques à s'unir dans la lutte contre ce problème complexe. Comme cela a été proposé par les participants à la réunion d'échange public en Septembre 2011, un objectif clé du suivi sera sur l'identification et le partage à la fois des outils et des méthodes pratiques et les résultats positifs, le renforcement de nos arguments pour souligner l'importance de l’intégration du genre, et le partage avec un plus grand public.

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Annexes

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Annexe 1 : Concepts de genre et définitions Genre Le genre renvoie aux rôles et responsabilités des hommes et

des femmes qui sont créés dans nos familles, sociétés et cultures. Les rôles et les attentes du genre sont appris ; ils peuvent changer au fil du temps et varier au sein des cultures. Il n'est pas biologiquement prédéterminé ni fixe pour toujours. Le concept de genre comprend les attentes au sujet des caractéristiques, des comportements et des aptitudes des hommes et femmes, garçons et filles (féminité et masculinité). Les systèmes de différenciation sociale tels que le statut politique, la classe, l'ethnie, la richesse, l'âge, la capacité physique et mentale, etc. modifient les rôles du genre. Lorsqu'il est appliqué à l'analyse sociale, le concept du genre révèle les habitudes de subordination et de domination entre les hommes et les femmes.

Sexe Le sexe se rapporte aux différences biologiques entre les hommes et les femmes.

Répartition des tâches

La répartition des tâches selon le genre se réfère aux milieux de travail dans le ménage, la communauté et la société attribuée ou jugée appropriée aux hommes et aux femmes, garçons et filles. La répartition des tâches selon le genre est spécifique à certaines communautés, aux groupes sociaux et aux périodes.

Rôles productifs et reproductifs du genre

Le rôle productif est associé aux activités génératrices de revenus et contribue à l'économie familiale et nationale. Rôle de reproduction : biologique (procréer, soins de bébé) et ménage : travaux liés aux soins quotidiens de la famille.

Rôle de la Communauté

Le rôle de la communauté nécessite une contribution à (l’organisation et à la participation) aux évènements sociaux/ culturels, de la société civile et aux événements et processus politiques.

Accès aux Ressources

L'accès aux ressources se réfère à la différenciation fondée sur le genre dans l'accès aux ressources productives/sociales telles que la terre, les intrants de production, la technologie, le crédit, les marchés, les revenus, l’information, la formation, l’éducation, les services de santé.

Contrôle des Ressources

Le contrôle des ressources renvoie à la capacité différentielle de prendre des décisions indépendantes à l'utilisation et la gestion des ressources.

Condition La condition se réfère à la différence journalière de la situation physique/sociale des femmes et des hommes.

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Rang Le rang renvoie au statut différentiel au niveau

d'influence/pouvoir des hommes et des femmes et des différents groupes économiques.

Besoins pratiques

Les besoins pratiques sont les besoins immédiats, matériels liés aux rôles du genre et des individus qui sont nécessaires pour la vie quotidienne et qui peuvent être satisfaits à travers des solutions concrètes à court terme

Intérêts stratégiques

Les intérêts stratégiques se rapportent à l'amélioration du rang et l'égalité des groupes défavorisés de la société, en impliquant les processus à long terme, qui changent les lois, les politiques, les structures et les attitudes restrictives.

Egalité des Sexes

L'égalité des sexes est le fait d'être juste envers les hommes et les femmes. Pour assurer l'équité, des mesures doivent être mises en place pour compenser les désavantages historiques et sociaux qui empêchent les hommes et les femmes d’agir sur un pied d'égalité. Une approche équité de genre reconnaît les désavantages des femmes et comprend les mesures plus actives centrées sur les femmes pour accroître la capacité, l'expérience et la possibilité des femmes – et créer des conditions égales pour tous. L'équité est un moyen d'atteindre l'égalité.

Egalité des Sexes

Les hommes et les femmes ont des conditions égales pour réaliser pleinement leurs droits humains, contribuer et bénéficier du développement économique, social, culturel et politique. L'égalité des sexes se réfère à l'égalité des valeurs dans la société, des similarités et des différences entre les hommes et les femmes, et les rôles qu'ils jouent. L'égalité des sexes est basée sur le fait que les hommes et les femmes soient des partenaires à part entière dans leur foyer, dans la communauté et la société.

Autonomisation L'autonomisation est un processus de renforcement des capacités, la confiance et l'expérience nécessaires pour exercer un plus grand contrôle sur les aspects sociaux, économiques et politiques dans sa vie (ou dans un groupe).

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Annexe 2 : Outils d'analyse du genre et méthodes utilisées Lorsqu'on analyse l'équité du genre par rapport à la Gestion des Ressources Naturelles, quatre éléments sont importants : 1. Rôles et besoins : Les hommes et les femmes accomplissent des tâches et

des rôles différents dans des sociétés différentes ; ce qui les conduit à avoir des expériences, des connaissances, des talents et des besoins différents. L'analyse du genre explore ces différences afin que les politiques, les programmes et les projets puissent identifier et satisfaire les différents besoins des hommes et des femmes. L’analyse du genre facilite également l'utilisation stratégique des connaissances et des compétences acquises par les hommes et les femmes.

2. L’accès égal et le contrôle des hommes et des femmes sur les ressources

disponibles dans une communauté, un village ou une région particulière sont essentiels dans la réalisation de la GRN. Souvent, l'accès et le contrôle des ressources sont inégalement répartis, ou l'accès peut être égal, mais pas le contrôle, c’est-à-dire que les hommes et les femmes peuvent être en mesure d'avoir accès à des pompes d'irrigation, seuls les hommes peuvent décider du moment et des types de cultures pour lesquels l'eau d'irrigation est utilisée.

3. Souvent, la voix et le pouvoir dans la prise de décision viennent avec le

contrôle et la propriété. Les femmes sont souvent faiblement représentées dans la politique et dans les institutions à tous les niveaux. Dans d'autres cas, les femmes peuvent participer à des réunions et à des discussions sur la façon dont les ressources sont gérées, mais leur véritable pouvoir de décision est limité en raison du cadre social et culturel dans lequel elles se trouvent. Par exemple, dans les associations des utilisateurs de l'eau dans les sociétés patriarcales, les femmes ont peur ou ne sont pas autorisées à s’exprimer.

4. Enfin, la gestion des ressources naturelles peut avoir de très différents

impacts sur les avantages des hommes et des femmes. Les politiques sur la gestion des ressources naturelles sont souvent dites neutres dans les questions de genre : description en termes généraux, sans prendre en compte les différents impacts et les avantages des hommes et des femmes. Dans la pratique, ces politiques peuvent être bénéfiques pour certains, mais nuisibles à d'autres. Par exemple, la transformation des forêts naturelles en plantations à grande échelle offre des profits aux grandes entreprises, mais menace l'accès des communautés qui dépendent produits forestiers aux Produits Forestiers Non-Ligneux (PFNL), à la nourriture et à l'eau potable. La culture du soja et de l'huile de palme est en concurrence avec la production

alimentaire locale, et les grands barrages menacent l'approvisionnement local en poissons et en eau. Ces interventions extérieures ont un effet nocif sur les moyens d’existence des personnes. Puisque que les femmes jouent un rôle important dans l'agriculture de subsistance et dans la gestion de l'eau, les interventions ont un impact direct sur les moyens de subsistance des

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femmes et donc sur leur famille et leur classe sociale dans la communauté.

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Cadre Analytique de Harvard Le Cadre Analytique de Harvard est un outil pour recueillir les données au niveau des communautés et des ménages. Il a trois principales composantes : 1. Un profil d'activité qui détermine « qui fait quoi? » avec des données selon le

genre qui incluent le sexe, l'âge, le temps passé et le lieu des activités. 2. Un profil d'accès et de contrôle (« qui a accès à quoi et qui contrôle quoi? »),

qui identifie les ressources et les bénéfices utilisés pour effectuer le travail dans le profil d'activité et l'accès et le contrôle sur leur utilisation selon le sexe.

3. Une analyse des facteurs qui influencent (« comment le genre influencent-il les profils? ») les facteurs passés, présents et futurs qui influencent les différences de genre dans les deux profils ci-dessus. Ces facteurs peuvent inclure des facteurs de changement ou de contraintes ou d’opportunités qui ont un impact sur la participation et les avantages égaux des femmes.

Voir aussi : - Un recueil : Gender roles in Development Projects, edited by Overholt, Anderson, Cloud, and Austin (1985, Kumarian Press, West Hartfold, Connecticut), ou allez sur le lien suivant : http://www.ilo.org/public/english/region/asro/mdtmanila/training/unit1/harvrdfw.htm Cartographie des ressources selon le sexe La cartographie des ressources selon le sexe est une méthode de présenter visuellement qui utilise, et qui a accès et le contrôle des différentes ressources naturelles. Ces ressources peuvent être des terres pastorales, l’eau, les arbres, les minéraux, les plantes, etc. Lorsqu’on travaille avec la communauté, la production d’une cartographie de ressource participative peut prendre plusieurs jours ou plusieurs semaines. La première étape de cartographie des ressources liées au genre est de lister les différentes ressources qui sont présentes dans la communauté et autour de la communauté et qui sont utilisées par la population. Ensuite, il faut identifier chaque ressource sur lequel il y a des droits d'accès ou de propriété. Il faut noter que de différentes personnes peuvent revendiquer de différents droits sur une seule ressource. Au Kenya par exemple, un seul arbre peut avoir un « propriétaire » de sexe masculin, une femme qui va s’en occuper en empruntant la terre sur laquelle l'arbre se trouve ; l’arbre va lui produire des fruits et aussi à une autre femme qui a vécu sur cette parcelle lorsque l'arbre a été planté, et fournir de petits bouts de bois et d'autres combustibles à tous dans la communauté. Le cartographe aura besoin de trouver une façon de représenter l'ensemble de ces différents usages et les droits sur la cartographie. Sur le terrain, les entretiens avec les informateurs clés, les groupes de discussion, les promenades d’études avec les hommes et les femmes locaux, et l'observation des participantes peuvent tous être utilisés pour recueillir des données sur le paysage et les droits d'utilisation et de contrôle. Une fois que les informations sont recueillies, il y a plusieurs options pour les convertir en images utiles et représentatives. Les chercheurs peuvent essayer de le faire à leur manière en produisant des schémas, des sketches et des cartographies sur la base des données recueillies à partir des sources narratives et des observations. L'avantage de cette démarche est qu'elle peut représenter le meilleur match des médias et les compétences des informateurs et des chercheurs. Particulièrement, lorsque les informateurs sont des personnes âgées ou n'ont pas d'expérience scolaire formelle, ils peuvent être beaucoup plus éloquent, et se sentir plus à l'aise, et exprimer leurs idées de façon verbale, plutôt que visuelle. Cela peut être

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vrai si on leur demande d'utiliser du papier et un stylo pour créer des images de leurs paysages, ou « trouver » du matériel tel que des feuilles et des cailloux. Beaucoup de chercheurs travaillant dans les milieux ruraux ont toutefois préféré encourager les représentants des différents groupes d'utilisateurs des ressources pour créer des images eux-mêmes. Encore une fois, il y a des décisions à prendre s’il faut que le chercheur dirige les exercices de sketch et de cartographie basés sur ses intérêts particuliers ou non ; si les femmes devraient être invitées à faire des représentations séparément aux hommes et quand elles devraient les faire ; et à quelles échelles les images locales devraient être créés. Peu importe qui est en train de faire le dessin, le processus peut être plus ou moins interactif en fonction du temps disponible pour la collecte des données et la patience des chercheurs et des informateurs locaux. Les dessins faits par les chercheurs sur la base d'interviews et d'observations locales, par exemple, peuvent être ramenés aux informateurs pour un commentaire, une modification et une amélioration. Les images produites par de différents groupes d'utilisateurs peuvent également servir de base à d'autres interviews. Une méthode proposée pour obtenir et résumer l'information sur l'accès et le contrôle des aspects du paysage est des symboles de plantes, d’animaux, de bâtiments, et d'autres caractéristiques de paysages, à la fois artificiels et naturels. En utilisant ces tableaux, de petits groupes d'hommes et/ou de femmes peuvent à nouveau représenter le passé, expliquer le présent, ou créer de nouveaux paysages. En faisant les cartes, nous devons garder à l'esprit qu'aucune carte n’est « correcte » ou « définitive ». Puisque les conditions sociales et écologiques changent, les conditions d'utilisation des ressources et la gestion peuvent être renégociées, ce qui nécessite la redéfinition de nos cartes. Profils d'activité et calendriers L'élaboration des profils d'activité et de calendriers est étroitement liée à la cartographie des ressources et peut être faite en séquence. Dans l'élaboration des profils d'activité, un premier dresse la liste de toutes les activités et les tâches que les femmes (épouses, filles, grands-mères) et les hommes de ces familles effectuent sur une journée typique. Ces activités seraient suscitées par les hommes et les femmes au cours de séances de groupe ; en pensant à des rôles dans le ménage et la communauté, et à des tâches sur la reproduction (liée à l'accouchement et aux soins), la production (travail pour produire des aliments, obtenir des marchandises, ou gagner de l'argent), et la communauté (politiques, travail social, organisation). Ensuite, l’on pourrait faire la liste de “qui est responsable de quelle activité”. Bien que l’un des deux sexes puisse avoir la responsabilité finale dans un certain secteur (de production), une autre personne peut prendre part à un travail manuel ou à la prise de décision. A l'intérieur du Suriname, par exemple, les femmes sont les principaux responsables de l’agriculture de subsistance, mais les hommes peuvent les aider à décider de l’endroit où un nouveau champ sera fait, brûler le terrain, et peuvent occasionnellement ou régulièrement leur donner un

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Le profil d'activité des hommes et des femmes dans les Sundarbans a énuméré les activités suivantes sur les travaux quotidiens des hommes et des femmes. Les femmes : Nettoyer la maison, faire la lessive, faire le repas, prendre soin des enfants, du mari et des autres membres de la famille (ex: beau-père, belle-mère, belle-sœur, beau-frère), soin des invités, élevage de volailles, jardin potager, collecte du combustibles, recherche d’eau potable, protection des semences, capture de crabe, capture de petites crevettes, remontée à la rame, tissage de filets, faire le cornichon, aider le mari dans ses travaux. Les hommes : Pêche, plantation, coupe et battage du riz, collecte du miel, vente du poisson et du miel, faire les achats, remontée à la rame, participation à l'arbitrage du village, visite des représentants du gouvernement local et ceux du Ministère des Forêts si nécessaire, amener les membres de la famille chez le médecin, regarder les films.

coup de main. Le fait d’établir les profils permet de comprendre qui fait quoi, qui est responsable de quoi et, si nécessaire, quelles sont les alternatives. Les profils d'activité peuvent être transformés en calendriers en demandant quand une certaine activité est réalisée. Pour les gens qui ne sont pas habitués à penser en termes de mois, on peut aussi se servir des saisons sèches et pluvieuses, ou des phrases descriptives telles que « au moment des premières pluies ». Les calendriers peuvent être faits avec la communauté, et prendre de différentes formes, comme une ligne, un cercle, quelque chose avec de différentes épaisseurs, de différentes couleurs pour les activités exercées par les hommes et les femmes, etc.

Sur la cartographie des ressources liées au genre, des profils d'activité et d'autres outils, voir aussi : - Slocum, L., L. Wichart, D. Rocheleau and B. Thomas-Slayter. Eds., 1995. Power,

Process and Participation: Tools for Change. Intermediate Technology Publishers. London, http://140.232.1.5/~rslocum

Analyse des acteurs Le but d'une analyse des acteurs est d'acquérir une meilleure compréhension des rangs, et les relations entre toutes les personnes et institutions qui peuvent être directement ou indirectement touchées par un projet ou avoir le pouvoir de l'affecter. La première étape dans une analyse des acteurs serait d'énumérer tous les acteurs ou les personnes ayant certains intérêts dans le projet. Cela peut se produire à travers des interviews d'informateurs clés et des interviews de groupe. L’étape suivante serait de tenter à établir des connexions entre ces personnes et de définir leur niveau d'intérêt. Ceci peut être fait de différentes manières. On pourrait utiliser des matrices, des diagrammes, des graphiques, ou des descriptions (voir les exemples ci-dessous). Dans le classement ou la mise en ordre des acteurs dans une sorte de modèle, il est utile d'utiliser des fiches ou des bouts de papier qui peuvent être physiquement déplacés.

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Tableau des acteurs Pouvoir

d'influer les décisions

Effets positifs attendus du projet

Effets négatifs attendus du projet

Conflits d'intérêts avec...

Femmes âgées dans la communauté

Agents du gouvernement local

Dirigeants de la communauté

Etc. etc.….

Mise au point d’un arbre à problèmes L’arbre à problèmes est un outil pour guider un groupe de personnes dans l’identification et la discussion sur les causes et les effets d'un certain problème majeur. La première étape de ce processus consiste à identifier le problème. Beaucoup de questions que les gens peuvent considérer comme problèmes peuvent en effet être causées par un problème majeur. Par exemple, de mauvaises récoltes pour les agriculteurs de subsistance, parcourir de trop longues distances à pieds pour une parcelle destinée à la culture de subsistance, et de fréquentes inondations des champs peuvent être des résultats d'un problème majeur : accès limité aux terres propres à l'agriculture de subsistance. Une fois que le problème et les effets immédiats ont été énumérés, nous pouvons « grimper l'arbre » pour chercher les effets indirects de ce problème. Si les agricultrices passent plus de temps à marcher, par exemple, elles peuvent avoir

Pouvo

ir d

'influer

sur

les

pro

jets

Concernés par le projet

Jeunes femmes

Jeunes hommes

Agents du gouvernement

local

Graphique des acteurs Matrice des acteurs

Femmes locales

Dirigeants communautaires

Gouvernement de l’Etat

Enfants locaux

Chasseurs

Gra

nde

puis

sance

Fa

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puis

sance

High benefit Low benefit

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moins de temps pour chercher de l'eau ou elles ont besoin d’autres qui doivent être à la maison lorsque leurs enfants reviennent de l'école. Le problème majeur peut avoir de différentes causes ou sources telles que -dans l’exemple mentionné- l'augmentation des activités minières exercées sur des terres agricoles constituant une violation, l'absence de droits fonciers pour les femmes, et la plus grande importance attribuée aux activités commerciales. Les sources, à leur tour, peuvent avoir des bases bien plus profondes. Il est utile de travailler sur un arbre collé au mur lorsqu’on fait cet exercice, mais on peut également opter pour le dessin d'un schéma plus abstrait.

Annexe 3 : Histoires personnelles des personnes impliquées Commentaires des participants en Colombie Dans le documentaire réalisé par AMICHOCÓ, l'histoire personnelle de plusieurs hommes et femmes peut être suivie. AMICHOCÓ a reçu quelques commentaires de plusieurs personnes qui étaient impliquées dans le projet sur ce documentaire: « Ceci pour reconnaître ce que nous avons et ce que nous devons changer » Manuel, Dirigeant communautaire, Tadó « A travers ce projet, nous montrons à nous-mêmes et au monde qui nous sommes réellement » Omar, mineur d'or Oro Verde, Condoto « Bénéficier de la visibilité est un moyen de communication pour obtenir un soutien » Américo, mineur d'or Oro Verde et Dirigeant de la communauté, Tadó « Raconter l'histoire de Belarmina c’est raconter l'histoire de toute la région de Chocó » Jhony Hendrix, Directeur d’Antorcha Films

CORE PROBLEM

cause cause

cause

Root cause Root cause

indirect effect

direct effect

direct effect

indirect effect

Root cause

direct effect

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Sazida Begum facilitant une session

Histoires personnelles de deux femmes du Bangladesh Sajida Begum : une femme leader de Bonojibi. Lorsqu’elle parle, elle parle avec confiance et courage. Elle avait premièrement dit à l'atelier local, « Nous, les femmes, nous pouvons tout faire. Si les hommes peuvent faire 100 travaux, nous pouvons faire 101. » Elle s’appelle Sajida Begum, une femme leader de Bonojibi. Elle habite le village de Datinakhali de Burigoalini Union à Shyamnagar Upazila (sous-district). Lorsqu’elle a réussi la classe de viii à 15 ans, elle s'est mariée à un homme de Bonojibi. Son nom est Shahabuddin Morol. Il est collecteur de miel. Sajida Begum a maintenant 44-45 ans (estimation). En 2006, Sajida a disputé le siège réservé aux femmes de Union Parishad (gouvernement local) mais elle n'avait pas gagné. Elle a réalisé que l'acceptation dans la communauté est un facteur important pour gagner l'élection. 14 ans après, en 2010, Sajida s’était à nouveau présentée à l'élection du gouvernement local en tant que membre du siège réservé aux femmes et l’a largement remporté. Elle est la première femme musulmane de la communauté de Bonojibi qui a pris part au processus politique. Quelle est la raison derrière l'inspiration de Sajida? Au cours d’une discussion, Sajida Begum dit : « A partir d’un processus étape par étape, BARCIK a créé un espace pour acquérir des connaissances sur l'égalité des sexes et j’ai senti la nécessité de rendre ma communauté consciente de ses droits, en particulier ceux des femmes. Peu à peu, je suis devenue compétente et confiante pour unir les femmes pour leurs propres droits en matière de gestion des ressources naturelles. J'ai été reconnue en tant qu’une femme forte de Bonojibi dans ma communauté. Je me suis sentie habilitée et cela m'a poussé à relever le défi de la concurrence à l'élection. » Maintenant Sajida Begum est un modèle de leadership pour les femmes. Elle est maintenant nommée Présidente de la Commission et est choisie comme Présidente du comité de projet de Union Parishad. Outre ses tâches spécifiques, elle continue par discuter de la question de l'égalité des droits. Elle s’est jointe à d'autres femmes pour prendre des initiatives de lutte contre les incidences de la violence faite aux femmes. Elle inspire d'autres femmes à se faire entendre et à augmenter la demande pour la justice. Sajida avait mené une longue lutte pour occuper ce poste. BARCIK a joué un rôle de catalyseur pour apporter un changement progressif dans les connaissances, compétences et le niveau de confiance de Sajida.

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Boruna Munda (à gauche) facilitant une session

Boruna Munda : leader potentiel des jeunes. Appartenant à la Communauté de Bonojibi Munda (autochtones), Boruna est une fille du collège. Elle vit à Burigoalini Union du sous-district de Shyamnagar. En avril 2010, comme les autres participants de la communauté Bonojibi, Boruna a participé à l'atelier sur l’égalité des droits des hommes et des femmes sur les ressources naturelles au niveau local. Pour la première fois dans sa vie, elle a réalisé la nature patriarcale de l'inégalité qui existe entre les hommes et les femmes. Elle a compris les causes de cette inégalité et ses effets sur les individus, la famille et la communauté. Elle s’est posé beaucoup de questions. Pourquoi les femmes sont-elles discriminées, pourquoi les femmes sont-elles violées, pourquoi n’ont-elles pas un accès égal à l'éducation, pourquoi n'ont-elles pas de droits égaux dans la gestion des ressources naturelles? Elle s'est concentrée sur les questions de genre et elle est enthousiasmée que cette discrimination est créée par la société et qu’elle peut être changée. Au cours du deuxième atelier, elle était devenue une participante très active et se faisait bien entendre. Elle a entamé des discussions sur les questions de genre dans sa communauté. Puis, dans les étapes d'élaboration d'une approche viable pour établir l'égalité des droits des hommes et des femmes sur les ressources naturelles, Boruna avait joué le rôle de facilitatrice. Elle était devenue leader potentiel des jeunes dans sa communauté et dans le processus initié par BARCIK. Maintenant, elle suit son cours pour l'obtention de son diplôme dans un collège du district de Satkhira. Elle est très confiante de diffuser les connaissances et l'information sur les questions de genre à une plus grande communauté et leur faire prendre conscience pour aborder ces questions. Lorsqu’elle a été interrogée sur son propre changement, elle disait « Ma pensée traditionnelle sur le rôle des hommes et les femmes, ma pensée sur les questions d'égalité a changé. Maintenant, je suis une personne qui a changé. Régulièrement, je discute de ces questions avec mes amis et les gens de ma communauté. » Son rêve est de devenir juriste, parce qu’il n’existe pas de justice dans sa communauté, dans toute incidence de violation des droits, en particulier ceux des femmes. Elle veut travailler pour la justice des femmes. Boruna est la première fille qui sera bientôt diplômée dans la communauté de Munda. Chaque jour, elle brise de différents types de barrières traditionnelles sur la voie de la promotion de la femme en élevant la voix, en soulevant des questions et en prenant des initiatives avec les autres. Elle constitue l’exemple d'encouragement et de bravoure. Cet exemple peut inspirer sa communauté pour établir l'égalité des droits sur les ressources naturelles.

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Article dans « The Financial Express », journal national du Bangladesh, Décembre 2010 Plusieurs sortes de connaissances, plusieurs sortes d'ignorance Nerun Yakub Il existe plusieurs sortes de connaissances et il y a plusieurs sortes d'ignorance, a dit un philosophe en développement dans le courant des années 1980. Un atelier national mené par BARCIK (Bangladesh Resource Centre for Indigenous Knowledge), dimanche dernier (28 Novembre 2010) a une fois encore ramené cette profonde vérité -- à ceux qui voulaient bien l’écouter et y réfléchir. BARCIK, une organisation à but non lucratif basée sur la recherche qui était en train de travailler tranquillement parmi les populations rurales, essayant de sensibiliser tout le monde, y compris les femmes autochtones et même les hommes (dans les Sundarbans, les plus grandes forêts de mangroves dans le monde) sur leur droit sur les ressources forestières. Ils ont vécu selon leurs propres connaissances et leur sagesse, acquises au fil des générations d'interaction avec la nature. L’atelier du dimanche dernier a été essentiellement un suivi de deux autres qui avaient eu lieu précédemment et qui ont examiné les obstacles socioculturels, sans oublier les obstacles politiques, ceux de la vraie protection, qui sont, l'exploitation des richesses forestières de façon à laisser la place à la régénération écologique plutôt qu’à l'épuisement des ressources. Contrairement aux pillards et pirates insensibles et ignorants, les chercheurs de bois traditionnelles n’abattent généralement pas les arbres entiers pour les bois de chauffage, ni ne tuent les abeilles lors de la collecte du miel pour leur subsistance. Il y a beaucoup d'autres choses à faire et à ne pas faire que les peuples de la forêt respectent religieusement dans leur monde unique qu’ils partagent avec la faune et la flore, notamment le tigre Royal du Bengale. Bonbibi, (la Dame de la Forêt), qu'on croit être leur gardienne, vient sur le dos de cette belle bête et tous les indigènes de la forêt, sans discrimination de religion, adorent sa vie culturelle axée sur l’apaisement de la divinité à travers divers rituels, par exemple, en suivant les règles comme le fait d’entrer dans la zone de forêt avec le pied droit et sortir avec le pied gauche. L'émotion permanente est celle qui consiste à avoir du respect pour la mère-nature, le soutien, symbolisé par le personnage de Bonbibi. Un certain nombre d’hommes et de femmes autochtones avaient avec une vigueur surprenante au cours de l'atelier, témoigné de la conclusion des chercheurs sur leurs moyens de subsistance, des problèmes auxquels ils font face et comment ils ont gagné la confiance des populations avec la sensibilisation croissante sur les lois et les règles nationales et internationales, les traités et chartes et leurs propres droits et responsabilités. Toute cette confiance retrouvée était due à l'appui de BARCIK, et les intervenants n'ont pas manqué de le mentionner. Pendant que de nombreuses ONG et d'autres groupes d'intérêt sont actifs dans la région, il semble que les populations autochtones ont plus à perdre de leur part plutôt que le contraire. Un intervenant a affirmé que BARCIK, d'autre part, avait réussi à libérer au moins une centaine de collecteurs de miel de l'emprise des usuriers qui profitent des peuples de la forêt sous le couvert des ONG bienfaitrices. BARCIK aurait aidé les populations locales à devenir autonomes et confiantes, et à gagner le respect de leurs familles ainsi que celui de la communauté. Ce centre orienté vers la recherche semble avoir pris une position active contre les groupes d’auto-recherche et les organisations qui prennent en otage les peuples des forêts sous prétexte de les aider. Depuis 2008, BARCIK a été constant dans ses efforts de garantir les droits des peuples des forêts sur leurs propres ressources naturelles, d'opter pour une exploitation durable de ces ressources, de jouer le rôle de coordination entre le Ministère des Forêts et les moyens de subsistance des populations forestières, et plus important encore, de diffuser « l'étude scientifique » des connaissances et la sagesse des autochtones. Les Sundarbans sont une niche écologique unique d'une variété de richesses biologiques -- au moins 334 espèces végétales, 395 espèces animales, 35 espèces de reptiles, 41 différentes espèces de mammifères, 210 espèces de poissons, 28 espèces de crevettes, 14 différentes variétés de crabes, 43 espèces de mollusques et d'innombrables insectes et autres formes de vie. Quelques 600 000 personnes réparties dans la région sud-ouest, dépendent de la richesse forestière. Bien que les gouvernements, depuis la période britannique, aient été adeptes de la collecte des recettes provenant de ces forêts, les droits des peuples indigènes n'ont guère été pris en considération. Il y a toutefois de bonnes nouvelles. Un (Amendement de) projet de Loi sur la Forêt 2010 serait actuellement en cours, bien que les peuples de la forêt, comme d'habitude, ne savent rien de cela. Interrogées par le président de BELA (Bangladesh Environmental Lawyers Association), si elles ont la moindre idée dudit projet, les populations ont unanimement déclaré qu'elles n'avaient pas la moindre idée et qu'elles n'ont pas été « consultées »! En effet, le projet de loi n'a jamais été publié sur le site web approprié pour information et contribution du public jusqu'à ce jour (mercredi 01/12/10). C'est le type de manière hiérarchisée de

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l'équation entre les gouvernants et les gouvernés qui aurait dû être abandonné depuis longtemps sous un véritable régime démocratique en faveur du peuple. Toutefois, le gouvernement semble être disposé à apprendre, et nous espérons que les lacunes seront immédiatement comblées pour la mise en place d’une Loi sur les Forêts qui est véritablement inclusive et qui ne laisse pas les populations autochtones dans l’abandon, ni ne dévalorise leur base de connaissances autochtones. L'exclusion est particulièrement aigüe chez les femmes des régions des forêts qui finissent par devenir opprimées des opprimés sous les conventions socioculturelles qui prévalent, comme dans le reste du pays, elle continue à donner la priorité aux besoins des hommes et à élever leur statut de façon préjudiciable au bien-être et la sécurité de la femme. Ainsi, lorsque le mari tombe dans la gueule du tigre, les pauvres veuves sont frappées d'ostracisme de la superstition selon laquelle, la femme doit en quelque sorte avoir été responsable de la malchance de l'époux! Les veuves de tigre sont donc obligées de parcourir la forêt en tant que des parias, abandonnées à elles-mêmes sans soutien ni reconnaissance de nulle part. Puis à nouveau, les résultats des recherches montrent que si les deux sexes sont marginalisés dans le contexte national, les femmes sont plus touchées, pour ainsi dire. Les femmes font le gros du travail, près des trois-quarts, mais leur contribution dans la famille ou dans la communauté n'est pas reconnue. Elle reste invisible tout simplement parce que le travail des femmes n'est pas encore monétisé. Sur la base de ces constatations et d'autres importantes conclusions, l'atelier de BARCIK a fait sortir une liste de propositions et de recommandations qui méritent des considérations. Telles que : - Reconnaissance par l'Etat des travaux faisant parti des moyens de subsistance provenant de la forêt

comme professions - Inclusion des préoccupations des femmes autochtones dans les politiques de développement

national des femmes - Indemnisation et réinsertion des veuves ou blessés de Tigres (ou tout autre animal sauvage) - Suppression des obstacles juridiques (s’il y en a) pour un droit égal des femmes à l’exploitation des

ressources forestières - Appui du gouvernement dans le développement de petites entreprises basées sur les produits des

forêts et leur commercialisation avec une attention particulière sur les femmes entrepreneurs - Garantir la sécurité globale pour tous les peuples de la forêt, spécialement la protection des femmes

et des filles contre l'oppression, la violence et la discrimination - L'Etat doit garantir l'appropriation équitable des peuples des ressources forestières comme stipulée

dans la Convention des Nations unies sur la biodiversité de 1992 - L'accès des populations forestières aux lois et aux règles doit être facilité, etc. La liste est longue et devrait servir à ouvrir les yeux du public qui ne vit pas dans les zones forestières pour légitimer les préoccupations des peuples des forêts de mangroves. En fait, cela devrait concerner tous les citoyens de ce pays tropical, agricole et deltaïque ; car nous sommes dans un milieu géographique extrêmement vulnérable. Les implications écologiques qui amènent à ignorer les préoccupations peuvent se révéler désastreuses pour notre habitat tout entier. Nous espérons que le gouvernement aussi sera motivé pour faire face à ces préoccupations.

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Réactions de l’ANCE, Togo Ebeh Kodjo (ANCE) : Ce que j'ai aimé pendant la mise en œuvre de ce projet est l'engagement des participants. L’ambiance était très spéciale en présence des hommes ou des femmes, les représentants des ministères ou du secteur privé. Les participants ont exprimé leur gratitude à l'ANCE pour leur avoir donné les outils pour plaider en faveur de l'intégration du genre dans son ensemble et particulièrement pour l'intégration du genre dans la gestion durable de l'eau au Togo. Plusieurs articles dans la presse parlent [...d’un projet novateur], d'autres parlent [...d’un projet novateur et ambitieux ....], ainsi de suite. Grande est notre joie pour avoir mis en œuvre un tel projet et nos remerciement vont à Both ENDS et PSO pour leur appui technique et financier pour ce projet. Article de L'Humanité, journal national togolais, Septembre 2011

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