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Vers une nouvelle approche des interventions ... · de la notion d’entreprise qu’elle a apportée et finalement, ... GRH) de leur entité. Une approche systémique aux problèmes

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InfoPME est publié par le Laboratoire de recherche sur la

performance des entreprises (LaRePE) Institut de recherche sur les PME –

Université du Québec à Trois-Rivières

VVeerrss uunnee nnoouuvveellllee aapppprroocchhee ddeess iinntteerrvveennttiioonnss ggoouuvveerrnneemmeennttaalleess aauupprrèèss ddeess PPMMEE??

ÉÉddiittoorriiaall Les PME ont-elles besoin de l’intervention des pouvoirs publics pour faciliter leur développement dans l’environnement actuel? Une enquête* réalisée auprès de 1 200 dirigeants de PME manufacturière et de service industriel québécois permet de répondre « oui » à la question. On justifie ce besoin parce que les conditions actuelles du marché changent à une telle vitesse et présentent tant de contraintes que plusieurs PME n’ont ni les ressources ni les compétences pour y retrouver la même efficacité que ce qu’elles connaissaient dans un marché moins turbulent. Sans vouloir prôner une politique interventionniste qui pourrait créer des inefficiences dans les marchés comme cela a été constaté à maintes reprises par le passé, une intervention publique visant à réduire les pressions excessives de l’environnement sur bon nombre de PME qui n’arrivent plus à être compétitives, pourrait être souhaitable, mais à certaines conditions. Cette intervention exige d’être adaptée à la réalité et au contexte des PME, soit un contexte où les décisions doivent se prendre rapidement; un contexte où la prise de risque est essentielle pour se développer et s’intégrer au marché mondial; un contexte où les ressources ne peuvent plus être éparpillées dans un ensemble infini de programmes et d’actions de soutien qui n’arrivent pas à rejoindre les dirigeants de PME; et finalement, un contexte où le travail en concertation entre l’ensemble des acteurs de l’environnement des PME est indispensable pour favoriser la rapidité des décisions, la prise de risque profitable et aussi, la réduction des tensions vécues par les dirigeants de PME. Cette intervention doit toutefois être revue dans sa forme et dans ses objectifs. Ce ne sont pas toutes les PME qui ont besoin d’aide et ce ne sont pas toutes les PME qui ont les mêmes besoins également. Dans ce numéro, l’auteure rappelle le contexte historique de la mise en place de certaines politiques économiques de quelques pays afin de voir comment elles peuvent ou non convenir au contexte actuel. Elle soumet finalement sa proposition aux pouvoirs publics qu’il est désormais temps de passer d’une vision macro à une vision micro pour rendre leurs interventions plus pertinentes pour les PME. Josée St-Pierre, Ph.D. Directrice Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises * ST-PIERRE, J. et C. MATHIEU (2006, Février), Enquête sur les attentes et préoccupation des

dirigeants d’entreprises du Québec, Rapport de recherche pour Développement économique Canada, Montréal, 233 p. Rapport complet disponible à l’adresse <http://www.uqtr.ca/inrpme> sous l’onglet Résultats de recherche, Rapports de recherche.

InfoPME volume 8 numéro 3 Octobre 2008

BBuulllleettiinn IInnffooPPMMEE Le bulletin InfoPME a pour objectif de présenter des statistiques fidèles et « à jour » sur l’état des PME au Québec, des chroniques sur des thèmes d’actualité importants et des notes sur divers phénomènes touchant les PME afin de fournir des informations pertinentes aux entrepreneurs, aux conseillers économiques, aux consultants, aux banquiers et aux chercheurs intéressés au développement de ces entreprises. Il est publié trimestriellement et disponible sur le site <www.uqtr.ca/larepe>.

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CLAIRE V. DE LA DURANTAYE, PH. D SC. ÉCO. Références pertinentes : Directrice * MARCHESNAY, M. (1997), « Les moyennes entreprises existent-

elles encore? », Revue française de gestion, p. 85-94; et Torrès, O. (1999), Les PME, Dominos-Flammarion.

Institut de recherche sur les PME Université du Québec à Trois-Rivières

** Stevensson, L. et A. Lundström (2001), Patterns and Trends in Entrepreneurship/PME Policy and Practice in Ten Economies, Swedish Foundation for Small Business Research.

IInnttrroodduuccttiioonn Un dirigeant de PME québécoise déclarait récemment, face à la conjoncture actuelle, que « Les Québécois, c’est-à-dire les patrons, le gouvernement et les syndicats, devront travailler ensemble et autrement ». Un autre dirigeant ajoutait : « Reste à savoir si les remue-méninges qu’entraînent les défis actuels permettront de mettre en place un véritable mécanisme de concertation […] » (Les Affaires, juin 2008). Ces propos illustrent bien les défis qui confrontent les gouvernements dans leurs interventions auprès des PME : les défis de bien les connaître, de répondre rapidement à leurs besoins, de simplifier et de faciliter leurs relations avec celles-ci et de constituer pour elles de véritables « facilitateurs ». En fait, nous pourrions les résumer, ces défis, en parlant d’un véritable « partenaire de proximité » pour des PME différenciées. Or, les gouvernements interviennent généralement à un niveau global ou sectoriel, à l’aide de politiques générales et de programmes standardisés. Ils peinent à adapter leurs interventions au niveau du terrain, celui des entreprises, et à plus forte raison à les particulariser au cas par cas. Pourtant, les recherches

menées sur les PME, depuis maintenant 30 ans (voir www.uqtr.ca/inrpme), confirment l’importance de cette action publique à un niveau davantage microéconomique, tout en apportant quelques pistes d’actions. Les PME ne sont pas de « petites » grandes entreprises, aux processus et stratégies standardisées et il est essentiel, pour une aide efficace, de pouvoir les interpeller chacune à leur niveau. Dans le contexte actuel, marqué par une forte concurrence mondialisée, les PME ont plus que jamais besoin d’une intervention publique les supportant et les accompagnant. Aussi, une question se pose, comment mieux faire en matière d’intervention publique auprès des PME? Pour répondre à cette question, nous allons, dans un premier temps, rappeler quelques résultats issus des recherches portant sur les PME. Puis, nous présenterons très brièvement l’évolution des interventions des gouvernements auprès des entreprises au cours des dernières décennies. Enfin, une présentation de ce qui pourrait constituer les éléments essentiels d’une intervention publique novatrice, davantage adaptée aux besoins des PME et à leur environnement, viendra conclure le présent article.

DDeess eennsseeiiggnneemmeennttss àà ttiirreerr ddeess rreecchheerrcchheess ssuurr lleess PPMMEE Les apports de la recherche sur les PME à l’amélioration des interventions publiques sont multiples, à plus forte raison si ces recherches englobent celles portant sur l’entrepreneuriat, sans lequel il ne peut exister d’entreprise. Le taux de création d’entreprises dans une

économie, tout comme le degré des attentes des nouveaux entrepreneurs, pour ne donner que ces deux exemples, constituent désormais des indicateurs reconnus de performance économique (Global Entrepreneur Monitor, 2005 Report on High Expectation

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Entrepreneurship) et plusieurs pays, tel la Finlande, les ont déjà intégrés à leur tableau de bord national. Dans le présent texte cependant, nous nous en tiendrons à la présentation de trois résultats majeurs dont l’impact, nous semble-t-il, est encore sous-estimé. Il s’agit de la définition même de la PME, de la transformation radicale de la notion d’entreprise qu’elle a apportée et finalement, de l’importance de l’environnement de cette « nouvelle entreprise » comme réseau de réseaux et dont l’influence se révèle primordiale pour la PME. • Sur la définition d’une PME. Julien (2005), dans son

plus récent livre intitulé Entrepreneuriat régional et économie de la connaissance, présente les PME comme des entreprises spécifiques et diversifiées pour lesquelles une définition qualitative et systémique rend davantage compte. Selon lui, ce n’est pas tant l’aspect quantitatif (nombre d’employés ou chiffre d’affaires) qui permet de distinguer les PME des grandes entreprises, mais bien la présence de différentes caractéristiques simultanément, bien qu’à des degrés variables. Ces caractéristiques sont : une taille à échelle « humaine » avec une structure de gestion simple, peu développée où l’influence de l’entrepreneur est prédominante; une gestion et un processus de prise de décision centralisés, caractérisant, ici encore, la présence de l’entrepreneur, véritable leader de l’entreprise; les ressources humaines, et au premier chef le dirigeant, malgré leur possible « spécialisation » possèdent une polyvalence dans les tâches et responsabilités; la «s tratégie de l’entreprise est peu formelle et s’accompagne d’un système d’information interne peu organisé, le dirigeant étant le point de convergence de ces informations, en général ; et finalement, ces entreprises se caractérisent souvent par des réseaux externes peu développés. Ces caractéristiques obligent à une approche globale des PME et rendent difficiles la compréhension de celles-ci par le biais d’un seul aspect (finance, production ou GRH) de leur entité. Une approche systémique aux problèmes ou difficultés des PME a donc davantage de chance de succès que celle ne s’adressant qu’à un seul volet de son fonctionnement.

• De l’entreprise château à l’entreprise réseau. Les entreprises ont, jusqu’au tournant des années 1970-1980, été des entreprises aux marchés spécifiques, souvent locaux ou nationaux et avec une localisation déterminante. L’abaissement des barrières tarifaires, la rapidité des progrès technologiques, particulièrement des technologies de communication et l’arrivée des pays émergents ont transformé cet environnement, obligeant les entreprises à abaisser leurs murs et à se situer désormais dans un espace mondialisé dont l’enjeu consiste à se positionner dans la chaîne des valeurs elle aussi mondialisée. Devant une telle évolution, les PME peuvent tirer profit de leurs caractéristiques, favorisées par la souplesse de leur organisation et leur plus grande capacité d’adaptation, à la condition cependant d’innover et de se déplacer vers des marchés de niche internationaux. Mais sans « zone confort », elles voient leurs risques de défaillance se décupler. Leur environnement immédiat, local, leurs réseaux, deviennent désormais « stratégiques » pour leur réussite. Mais comment?

• D’un environnement « passif » à un environnement

« stratégique ». Ce que les recherches récentes sur les PME permettent d’affirmer bouleversent en fait la conception traditionnelle des entreprises. Celles-ci ne sont plus ces « boîtes » à production, ces « châteaux » fermés, dont le succès tient à une combinaison de facteurs internes particuliers mais davantage des systèmes ouverts sur leur environnement, où leurs chances de survie passent par leur capacité à s’approprier l’information stratégique de cet environnement, local ou international, à en interpréter les signaux et à savoir interagir avec lui de manière à en exploiter au maximum les leçons dans l’organisation interne de l’entreprise. Alors que l’entreprise multinationale utilise « son » réseau pour avancer et minimiser ses risques, les PME doivent s’insérer dans des réseaux, voire créer leurs propres réseaux afin de diminuer, elles aussi, leurs risques. Une telle diminution des risques est possible grâce à la quête d’informations stratégiques favorisant l’appréhension des situations nouvelles et grâce à des collaborations facilitant le partage des expertises et des ressources permettant de mieux répondre aux différentes situations. Aussi,

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s’avère-t-il crucial pour les PME d’apprendre à développer ces réseaux et à puiser dans leur environnement interne et externe toutes les ressources, les connaissances et les compétences possibles. On parle aujourd’hui de « glocalisation »* pour expliquer ce phénomène de dépendance de la PME face à son milieu local pour réussir au niveau international.

Ces quelques résultats, brièvement présentés ici, montrent un changement important concernant les PME. Désormais, les PME doivent être considérées comme des organisations ouvertes, sans frontière physique, en équilibre entre un projet « managérial » (organisation interne intelligente et orientée, mobilisée) et un projet

« environnemental », c’est-à-dire la « capacité environnementale » de la PME à exploiter les ressources de son milieu. Le défi actuel pour les PME est donc de s’approprier cet environnement mondialisé de manière à l’utiliser le plus stratégiquement possible et en exploiter toutes les possibilités. Pour être relevé, ce défi des PME exige une organisation performante dans un milieu mondial « apprivoisé ». C’est ce changement de perspective qui rend les politiques traditionnelles inadaptées et inefficaces. Elle déplace leur objet d’intervention en les plaçant à la charnière des deux univers (managérial et environnemental) pour aider l’entreprise à trouver son chemin d’expansion.

LLeess ppoolliittiiqquueess dd’’aaiiddee aauuxx eennttrreepprriisseess L’étude des politiques d’aide aux entreprises, appelées également politiques industrielles, a donné lieu à une littérature abondante. Aussi, nous disposons aujourd’hui de synthèses fort utiles qui nous permettront d’en faire un bref rappel historique et de confronter ces différents modèles avec les besoins actuels des PME identifiés dans la section précédente, à savoir : souplesse, proximité, adaptabilité et facilitation. Or, il appert qu’après des décennies de pratique en cette matière, deux constats se dégagent : le premier est à l’effet que les politiques tendent à se ressembler d’un pays à l’autre, comme quoi l’environnement économique mondial constitue l’élément déterminant dans toute action gouvernementale. Et le deuxième constat est à l’effet que ces politiques se renouvellent et se diversifient de plus en plus rapidement, semblant indiquer, d’une part, la grande variabilité des conjonctures économiques et, d’autre part, les difficultés des gouvernements à trouver le « ton juste » ou la bonne orientation d’action. Les politiques d’aide aux entreprises des gouvernements révèlent donc, aujourd’hui encore, une certaine « incompréhension » du fonctionnement et des défis des PME et leur tendance à adopter des interventions qui satisfont les besoins d’un plus vaste ensemble d’acteurs au détriment d’actions plus ciblées vers moins d’entreprises. • Des tendances similaires dans les politiques d’aide

aux entreprises en Occident. La période d’après-

guerre à aujourd’hui peut être découpée en trois grandes périodes, soient les années 1945-1973; les années 1974-1982 où ont sévi les crises pétrolières et celle des finances publiques; et enfin, celle des années 1983 à aujourd’hui, période marquée par un questionnement important du rôle de l’État dans l’économie. Trois régions serviront à illustrer cette convergence soient : la France (voir Documentation française), le Québec et le Canada. Le gouvernement français, par exemple, au lendemain de la guerre, s’engagera dans la reconstruction de son économie. C’est la phase de l’État entrepreneur où l’État, par la création d’un Commissariat au plan et par de nombreuses nationalisations, se conduit en véritable entrepreneur tenant d’une main ses sociétés d’État et de l’autre, le pouvoir de légiférer afin de construire l’économie désirée. Le Québec, à cette même période, aura lui aussi son État entrepreneur avec la création d’un Office de planification et de développement du Québec (OPDQ), des nationalisations et où l’objectif de l’État est clairement celui de construire une structure économique davantage conforme aux aspirations des citoyens. Le Canada qui connaît une vague sans précédent d’investissements étrangers, tentera, par une stratégie de réduction progressive de ses tarifs douaniers, de constituer une classe d’entrepreneurs canadiens capables de concurrencer sur les marchés

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étrangers. La période suivante (1973-1984) marquera d’une part, l’apogée de l’État entrepreneur puis une remise en question de l’efficacité de telles politiques. Un mouvement important de désengagement des gouvernements dans l’économie s’amorcera. On parlera de crise de l’État providence. En effet, les gouvernements auront réalisé que leurs interventions répétées menaçaient même leur stabilité en accélérant la crise des finances publiques. Aussi on assiste, tant en France, au Québec qu’au Canada, d’abord à une accélération des nationalisations et des interventions dans l’économie (Agence de tamisage des Investissements étrangers pour le Canada, à titre d’exemple) puis à un désengagement rapide. C’est l’État adaptateur, en cela qu’il ne cherche plus à diriger les forces de l’économie en y détenant des facteurs clés, mais plutôt à appuyer, par des programmes variés, les entreprises afin qu’elles puissent accéder aux critères de performance requis par le marché, qu’elles puissent s’adapter à ceux-ci. Quant à la troisième période (1984 à aujourd’hui), elle

ouvre une nouvelle ère d’interventionnisme. Une première tendance de cette période sera la découverte de l’importance des PME dans la création d’emplois. Les gouvernements élaboreront des programmes pour les PME. Mais la tendance la plus représentative en matière de politique d’aide aux entreprises est certes celle des « Pôles de compétitivité » (France) ou des « créneaux d’excellence » (Québec), ou le plan de « diversification des régions » (Canada) qui, toutes, reprennent un interventionnisme spatial, régional mais encore macro. En effet, les gouvernements parlent désormais des régions en termes de systèmes régionaux d’innovation (SRI). Dans un tel modèle, les PME constituent l’une des catégories d’acteurs à qui il revient de trouver le bon code ou la bonne manière d’utiliser les autres composantes de ce système. Le tableau suivant résume ces tendances en établissant la concordance avec les conditions prévalant au niveau de l’économie mondiale.

Tableau 1

Les trois grandes périodes des politiques industrielles Période 1945-1973 1974-1982 1983-2000

Économie internationale

Ouverture des marchés Reconstruction

Crises pétrolières Fin de la consommation

de masse

Mondialisation Pays émergents

Type de politique

Nationalisations Aménagement

territorial

Appui aux entreprises performantes

Pôles de compétitivité Soutien aux PME

Rôle de l’État État entrepreneur

Soutien à la restructuration

État adaptateur Désengagement de

l’État

État facilitateur?

• Des interventions « génériques » à des interventions davantage spécifiques? De manière générale, les politiques de soutien aux entreprises ont été crées dans la philosophie de « soutenir le malade ». C’est-à-dire qu’elles ont été établies afin de compenser les défaillances des entreprises face aux marchés et tenter de renforcer leur performance et leur compétitivité sur ces mêmes marchés**. La faiblesse d’un tel modèle d’intervention provient du fait que c’est le marché qui détermine le type d’intervention (catégories, types de programmes, formes d’aide) et non l’entreprise elle-même par rapport à ses capacités

de développement ou de croissance. Qui plus est, le marché aujourd’hui étant mondial, il établit un écart de productivité sans précédent. Les gouvernements éprouvent ainsi une incapacité à adapter leurs interventions au niveau micro, à du « sur mesure », d’où leurs difficultés à passer d’un modèle entrepreneur à un modèle « facilitateur » et « accompagnateur ».

À cette méconnaissance des réalités des PME s’ajoute également la trop grande dispersion dans les interventions publiques, multipliant les structures ainsi que les objectifs. On évalue actuellement au Québec à

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près de 3 000 les différents programmes et mesures susceptibles de s’adresser aux PME. La complexité administrative, doublée de normes formelles en fonction « du marché » sans prise en compte de la situation particulière de l’entreprise ont tôt fait de transformer des

mesures « d’aide » en « concours » administratifs. Il s’en suit une perte de confiance des milieux d’affaires face à l’utilité de l’intervention des pouvoirs publics et un mécontentement grandissant dans ces périodes de « surtension ».

VVeerrss ddeess pprraattiiqquueess nnoovvaattrriicceess eenn mmaattiièèrree dd’’iinntteerrvveennttiioonn ppuubblliiqquuee Comme le signalait ce dirigeant de PME québécoise, cité en début de cet article, il devient urgent pour les gouvernements d’ajuster leur tir et d’apprendre à mobiliser les différents acteurs. La mondialisation des économies et la nécessaire adaptation à la révolution « verte » exigeront une mobilisation de tous les acteurs privés et publics autour d’objectifs clairs et consensuels de croissance. Notre niveau de vie en dépend. Aussi, ces conditions imposent-elles que les gouvernements se mettent davantage au diapason des entreprises, les soutiennent, les accompagnent et facilitent leurs transitions. Conséquemment, les défis de l’action gouvernementale aujourd’hui sont-ils de deux ordres. D’une part, le gouvernement doit se repositionner auprès des PME comme un acteur stratégique de leur environnement. Il parviendra à ce résultat en redéfinissant ses interventions de manière à tenir davantage compte de la réalité des PME (tension, délais de réaction, révision stratégique, risques accrus etc.) et en maintenant une présence active et stable dans l’environnement des PME par la diffusion d’informations stratégiques visant à réduire les risques de celles-ci. Également, le gouvernement devra réactiver son approche par le système d’innovation québécois (CSTQ, Rapport de conjoncture 2008) et en accélérer la mise en marche en instaurant une véritable coordination entre les différents partenaires. De petits pays, comme la Finlande, sont parvenus à instaurer un tel système de gouvernance réunissant le palier national, prospectif et les paliers régionaux et locaux en appui aux entreprises. D’autre part, le gouvernement devra soutenir davantage l’entrepreneuriat et l’innovation sous une forme « globale » et continue : deux variables de type « micro ». L’entrepreneuriat et l’innovation sont les deux sources du dynamisme économique. Pour les stimuler, il faut donc introduire dans la culture et l’environnement des futurs

entrepreneurs des valorisations et des encouragements à adopter ces valeurs et ces comportements. L’initiative individuelle est le pivot de la croissance d’une économie. Comme telle, elle doit être valorisée. L’urgence consiste donc dans le développement d’une réelle expertise dédiée à mieux comprendre les particularités des PME, de leur fonctionnement, des pressions qui s’exercent sur elles, de leurs défis, etc. L’urgence consiste également à créer un seul lieu (« guichet ») pour les entreprises en évitant de définir des programmes trop cloisonnés et en laissant place à l’autonomie d’action et de décision pour ces « centres de services aux entreprises ». Ces centres pourraient également faire le lien entre les laboratoires de recherche, les centres de transferts, les universités et les collèges. Le gouvernement pourra ainsi jouer pleinement son rôle « majeur » d’intégrateur de tous les intervenants dans l’environnement des PME et de régulateur des tensions. Deux autres urgences méritent d’être mentionnées : celle rattachée à la « promotion de l’importance de la prise de risque »; le risque n’est pas une fatalité et quiconque veut continuellement l’éviter est condamné à disparaître. Aussi, est-il important de former les acteurs de l’environnement des entrepreneurs à la nécessité de prendre des risques mais en sachant comment gérer ceux-ci. La crise actuelle des marchés financiers ajoute une tension supplémentaire sur les dirigeants de PME qui, pour plusieurs, avaient déjà des difficultés à accéder à un financement convenable, notamment pour leurs projets d’innovation et d’expansion. Un tel engagement favoriserait certainement un rapprochement entre la réalité des entrepreneurs et une meilleure compréhension de leurs besoins par les acteurs. Et enfin, favoriser une véritable internationalisation des PME et non une simple

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politique d’exportation sans prise en compte des enjeux réels et de la capacité des PME d’être compétitives dans

un environnement mondialisé.

CCoonncclluussiioonn La prise en compte des plus récentes connaissances portant sur les PME nous amène à revoir les bases sur lesquelles, traditionnellement, les gouvernements ont fondé leurs interventions auprès des entreprises. Le constat est à l’effet que les interventions publiques demeurent encore trop souvent de type macro, prenant la situation des marchés comme base de leurs interventions. Ils peinent à se déplacer au niveau « micro », celui des entreprises, entraînant ainsi la création de programmes et de mesures trop standardisés et sans complémentarité véritable par rapport aux besoins spécifiques des entreprises, avec comme résultat un succès limité. Par ailleurs, les interventions gouvernementales de type macro

négligent la « qualité » de l’environnement des entreprises, facteur clé dans la compétitivité de celles-ci. Pour accroître l’efficacité de leurs interventions auprès des entreprises, les gouvernements devraient donc partir de la situation globale de l’entreprise elle-même et de ses capacités à innover et à croître. Il devrait travailler à créer un environnement stimulant et « informatif » en accélérant l’animation de son système d’innovation et en renforçant les interrelations avec chacun des acteurs de système. Finalement, est-il nécessaire de rappeler que c’est l’entrepreneur qui entreprend et les actions des pouvoirs publics ne doivent viser qu’à faciliter son travail.

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