victimisation-pairs-adolescence.pdf

Embed Size (px)

Citation preview

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    1/208

    JULIE BEAULIEU

    VICTIMISATION PAR LES PAIRS LCOLE ETDPRESSION LADOLESCENCE : UNE TUDE

    FRANCO-QUBCOISE

    Thse prsente la Facult des tudes suprieures de lUniversit Laval

    dans le cadre du programme de doctorat enpsychopdagogiepour lobtention du grade de Philosophiae Doctor (Ph.D.)

    DPARTEMENT DTUDES SUR LENSEIGNEMENT ET LAPPRENTISSAGEFACULT DES SCIENCES DE LDUCATION

    UNIVERSIT LAVALQUBEC

    2007

    Julie Beaulieu, 2007

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    2/208

    Rsum

    La victimisation vcue en milieu scolaire engendre des consquences ngatives sur le

    cheminement scolaire, la vie sociale et surtout, sur la sant psychologique des jeunes. Les

    objectifs principaux de cette recherche ralise en France et au Qubec sont : (a) dvaluerla prvalence, la frquence et la nature de la victimisation par les pairs; (b) dvaluer la

    prvalence et lintensit de la dpression chez les adolescents; et (c) de dterminer

    limportance de la relation entre la victimisation par les pairs et la dpression chez les

    adolescents. Lchantillon est compos de 356 lves (12-15 ans) de collges franais et de

    360 lves (13-15 ans) dcoles secondaires qubcoises. Les participants ont rempli

    lInventaire de dpression de Beck ainsi que les chelles Victimisation de gravit mineure

    et Victimisation de gravit majeure du Questionnaire sur lenvironnement socioducatif.

    Lanalyse des donnes montre que la victimisation par les pairs et la dpression sont

    prsentes divers degrs chez les adolescents franais et qubcois et varient selon lge et

    le sexe des lves. De plus, des analyses corrlationnelles indiquent que les lves victimes

    de violence de la part de pairs lcole prsentent des niveaux plus levs de dpression

    que les lves non victimes. Cette relation diffre selon le sexe et lge des lves, le

    contexte culturel et le type de victimisation subi. De faon gnrale, la victimisation de type

    verbal sest avre la plus fortement lie la dpression chez les adolescents. Ces rsultats

    soulignent ainsi limportance de prter attention la violence manifeste entre lves,

    particulirement aux actes de victimisation de gravit mineure.

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    3/208

    ii

    Abstract

    Peer victimization in school has important negative impact on the mental health and the

    academic achievement of many adolescents. The main objectives of this doctoral research

    project are to: (a) evaluate the prevalence, frequency and type of peer victimization amongadolescents, (b) assess the prevalence and severity of depression among secondary school

    students and (c) determine the importance of the relationship between victimization and

    depression. Participants were 356 college students (age 12-15) from France and 360

    secondary school students (age 13-15) from Quebec. They completed the Beck Depression

    Inventory and two victimization scales from the Questionnaire sur l'environnement

    socioducatif. Results show that both peer victimization and depression are important

    realities in the life of French and Quebec students and that victims of peer violence are

    more depressed than non-victims. Gender, age and type of victimization affect this

    relationship. Verbal victimization appears to be more related to depression among

    adolescents. Results support the importance of timely and preventive interventions

    regarding violence in school and peer victimization in particular.

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    4/208

    Avant-Propos

    Cette thse de doctorat marque la fin de mon cheminement universitaire. Neuf ans se sont

    couls entre mes dbuts dans le monde de lenseignement suprieur et la fin de mon

    cursus au troisime cycle. Lobtention de mon diplme de doctorat constitue une tape fortimportante menant la vie professionnelle. La ralisation de cette thse de doctorat est

    profondment marque de collaborations prcieuses. Tout dabord, je tiens remercier

    chaleureusement monsieur gide Royer, mon directeur de recherche. Dot dune grande

    coute, monsieur Royer sest engag avec coeur dans mon projet de recherche en respectant

    mes intrts professionnels et en moffrant des opportunits uniques lchelle nationale et

    internationale. Il ma galement offert une chance inoue dacqurir une riche exprience

    dans le domaine de lenseignement et de la recherche universitaires. Ds les premiers

    instants, il a su maccorder son entire confiance contribuant ainsi une relation galitaire

    base sur la communication et la coopration. Son humanisme, sa disponibilit et ses

    comptences exceptionnelles tant sur le plan pdagogique que scientifique ont su me guider

    de faon judicieuse travers mon projet dtudes doctorales et ma future carrire de

    professeure-chercheuse. Mon parcours au doctorat demeurera une exprience et un

    souvenir inoubliables. Mille mercis monsieur Royer, mille mercis gide!

    Joffre galement de sincres remerciements madame Catherine Blaya, ma codirectrice dethse pour son professionnalisme et sa rigueur qui mont accompagne dans la ralisation

    des tapes de cette recherche ainsi qu madame Claire Beaumont, membre du comit de

    thse, qui, par ses judicieux conseils, sa riche exprience et son implication, a grandement

    contribu ma russite. Je tiens aussi souligner lapport essentiel de monsieur ric

    Frenette, membre du comit de thse et prlecteur. Son expertise dans le domaine de la

    statistique, de la mesure et de lvaluation a su grandement me guider travers toutes les

    subtilits que peuvent prsenter des analyses de donnes. Je prsente galement des

    remerciements monsieur Pierre Potvin davoir accept dtre examinateur externe de la

    thse.

    Plusieurs personnes de mon entourage mont encourage, supporte et aide tout au long de

    ce projet doctoral. Je remercie particulirement Nathalie Chabot, Marie-Hlne Hbert,

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    5/208

    iv

    Caroline Gault, Caroline Couture, Claire Kingston, Catherine Bourget, Genevive

    Lamonde ainsi que toute lquipe dassistants de recherche de lObservatoire Europen de

    la Violence Scolaire (Benjamin, Maxime, Alain, Benot, Louise, Anas, Laurence et

    Vincent). Je tiens tmoigner toute mon affection et ma reconnaissance ma famille,

    Jocelyn, Danielle, Sylvie, Donald, Lucina et Jeanne-DArc pour leurs encouragements, leur

    soutien moral, leur patience et leur amour ainsi qu mon copain Dominic pour sa

    tendresse, son rconfort, sa comprhension et sa prcieuse contribution.

    Je tiens galement remercier tous les lves et les directions des collges franais et des

    coles secondaires qubcoises pour leur participation au projet de recherche. La ralisation

    de cette thse de doctorat a t rendue possible grce limportant support de mon

    directeur de recherche monsieur gide Royer et de madame Catherine Blaya, ma

    codirectrice de thse, du Centre de recherche et dintervention sur la russite scolaire

    (CRIRES), du Centre de coopration interuniversitaire franco-qubcoise, du Fonds

    Imasco, du Fond de soutien au doctorat de la Facult des sciences de lducation de

    lUniversit Laval, du Fonds qubcois sur la socit et la culture (FQRSC), du Bureau

    International de lUniversit Laval et de lhritage offert par mes parents de leur vivant.

    La prsente thse de doctorat est constitue de trois articles scientifiques pour lesquels je

    suis la premire auteure. Le premier article est intitul La victimisation par les pairs et ladpression ladolescence , le second, Relation entre la victimisation par les pairs

    lcole et la dpression chez des adolescents franais et le troisime, Relation entre la

    victimisation par les pairs lcole et la dpression chez des adolescents qubcois . Selon

    la pratique habituelle, les membres du comit de thse apparaissent comme coauteurs des

    trois articles scientifiques : monsieur gide Royer, directeur de recherche et professeur

    lUniversit Laval, madame Catherine Blaya, codirectrice de thse et directrice de

    lObservatoire Europen de la Violence Scolaire, madame Claire Beaumont, professeur

    lUniversit de Sherbrooke et ric Frenette, professeur lUniversit Laval.

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    6/208

    mes parents et tous ces anges qui meregardent

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    7/208

    Table des matires

    La victimisation par les pairs lcole et la dpression ladolescence : tat de la question6

    1.1. La violence en milieu scolaire .........................................................................................6

    1.1.1. Une notion difficile dfinir ................................................................................61.1.2. Prvalence.............................................................................................................81.1.3. Incivilits, indiscipline, harclement ou violence?.............................................15

    1.2. La victimisation par les pairs : la violence telle que vcue par les victimes .................241.2.1. Dfinition............................................................................................................241.2.2. Les formes de victimisation lcole .................................................................251.2.3. Prvalence...........................................................................................................271.2.4. Les victimes ........................................................................................................341.2.5. La victimisation et le modle thorique de Bandura ..........................................37

    1.3. La dpression ladolescence........................................................................................411.3.1. Dfinition............................................................................................................411.3.2. Prvalence...........................................................................................................461.3.3. La dpression ladolescence : une question dge et de genre?.......................491.3.4. Le modle cognitif de la dpression dAaron Beck............................................501.3.5. Les jeunes dpressifs lcole............................................................................53

    1.4. La victimisation par les pairs lcole et la dpression ladolescence : tat desconnaissances............................................................................................................56

    1.5. Objectifs de ltude........................................................................................................65

    CHAPITRE 2 : PREMIER ARTICLE..................................................................................67La victimisation par les pairs et la dpression ladolescence.............................................67Rsum..................................................................................................................................67

    CHAPITRE 3 : DEUXIME ARTICLE..............................................................................86Relation entre la victimisation par les pairs lcole et la dpression chez des adolescentsfranais..................................................................................................................................86Rsum..................................................................................................................................86

    Mthodologie................................................................................................................94Rsultats........................................................................................................................97Discussion...................................................................................................................111Conclusion ..................................................................................................................117

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    8/208

    vii

    CHAPITRE 4 : TROISIME ARTICLE............................................................................119Relation entre la victimisation par les pairs lcole et la dpression chez des adolescentsqubcois ............................................................................................................................119Rsum................................................................................................................................119

    Mthodologie..............................................................................................................128

    Rsultats......................................................................................................................130Discussion...................................................................................................................147Conclusion ..................................................................................................................151

    Objectifs de recherche et synthse des rsultats .................................................................152Limites de ltude ...............................................................................................................152Perspectives de recherche ...................................................................................................155Pistes dintervention ...........................................................................................................156

    Annexe A : Formulaire de consentement parental France...............................................179Annexe B : Formulaire de consentement parental - Qubec ..............................................181Annexe C : Formulaire dassentiment des lves...............................................................184Annexe D : Cahier de questionnaires .................................................................................187

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    9/208

    Liste des tableaux

    Tableau 1 : Incidents violents graves les plus frquemment signals par les lves dans lestablissements scolaires du dpartement de la Seine-Saint-Denis (1993-1994).............9

    Tableau 2 : Incidents de violence recenss dans les tablissements scolaires de lAcadmiede Paris (1993-1994).....................................................................................................10

    Tableau 3 : Lieux concerns par les incidents de violence recenss dans les tablissementsscolaires de lAcadmie de Paris (1993-1994) .............................................................10

    Tableau 4: Les six degrs de la violence scolaire.................................................................16

    Tableau 5 : Manifestations comportementales de la violence psychologique......................20

    Tableau 6 : volution de la perception de la violence par les collgiens victimes de racket

    ......................................................................................................................................29

    Tableau 7 : Nature des expriences de victimisation lcole.............................................32

    Tableau 8 : Caractristiques des victimes de violence lcole...........................................35

    Tableau 9 : Signes primaires dans lidentification des lves victimes de violence lcole......................................................................................................................................36

    Tableau 10 : Signes secondaires dans lidentification des lves victimes de violence lcole............................................................................................................................36

    Tableau 11 : Critres diagnostiques de lpisode dpressif majeur......................................43

    Tableau 12 : tudes transversales portant sur la victimisation par les pairs et la dpressionchez les adolescents ......................................................................................................57

    Tableau 13 : tudes portant sur la relation entre la victimisation par les pairs lcole et ladpression ladolescence............................................................................................59

    Tableau 14 : tudes transversales portant sur la victimisation par les pairs et la dpressionchez les adolescents ......................................................................................................76

    Tableau 15 : tudes portant sur la relation entre la victimisation par les pairs lcole et ladpression ladolescence............................................................................................78

    Tableau 16 : Description des participants.............................................................................95

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    10/208

    ix

    Tableau 17 : Prvalence de la victimisation par les pairs selon la frquence des actes deviolence subis................................................................................................................98

    Tableau 18 : Prvalence de la victimisation par les pairs selon la frquence des actes deviolence subis et le sexe..............................................................................................100

    Tableau 19 : Prvalence de la victimisation par les pairs selon la frquence des actes deviolence subis et l'ge (%) ..........................................................................................102

    Tableau 20 : Prvalence de la dpression selon les degrs dintensit des symptmesdpressifs et le sexe.....................................................................................................104

    Tableau 21 : Prvalence de la dpression selon les degrs dintensit des symptmesdpressifs et lge........................................................................................................105

    Tableau 22 : Corrlations entre les actes de violence subis et la dpression......................107

    Tableau 23 : Corrlations entre les actes de violence subis et la dpression selon le sexe 108

    Tableau 24 : Corrlations entre les actes de violence subis et la dpression selon lge ...110

    Tableau 25 : Description des participants de ltude..........................................................128

    Tableau 26 : Prvalence de la victimisation par les pairs selon la frquence et la gravit desactes de violence subis (%).........................................................................................131

    Tableau 27 : Prvalence de la victimisation par les pairs selon la frquence et la gravit desactes de violence subis et selon le genre (%)..............................................................132

    Tableau 28 : Prvalence de la victimisation par les pairs selon la frquence et la gravit desactes de violence subis et selon lge (%)...................................................................134

    Tableau 29 : Prvalence de la dpression selon le degr dintensit des symptmesdpressifs et le sexe.....................................................................................................138

    Tableau 30 : Prvalence de la dpression selon les degrs dintensit des symptmesdpressifs et lge........................................................................................................139

    Tableau 31: Corrlations entre les actes de victimisation et la dpression .......................140

    Tableau 32 : Corrlations entre les actes de victimisation et la dpression selon le sexe(garons : G; filles : F)................................................................................................141

    Tableau 33 : Corrlations entre les actes de victimisation et la dpression selon lge .....143

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    11/208

    1

    Introduction

    Dawson pourquoi? (2006). Vers 12h40, le 13 septembre 2006, une fusillade sest

    produite dans un collge du centre-ville de Montral faisant une victime innocente et

    plusieurs blesss graves. Un tireur fou vient de semer la terreur dans un tablissementscolaire montralais. Lorsquun incident dune telle violence survient, tous se posent la

    question incontournable pour laquelle les rponses se font rarissimes : pourquoi? Afin

    dapaiser leur douleur, leur dsolation et leur dsarroi devant une tragdie aussi terrifiante,

    les gens cherchent comprendre, expliquer la situation et saisir toute la souffrance

    dissimule derrire un personnage qui, pendant une courte priode de sa vie, semble avoir

    perdu le contact avec la ralit. Les consquences sont dramatiques, voire irrparables.

    Dcrit dans les journaux comme un tre solitaire, renferm et repli dans son monde, ce

    dsquilibr sest rfugi dans la violence pour tenter de donner un sens son existence.

    Souffrant dun mal-tre viscral, il disait ne pas aimer la vie, les gens normaux ainsi que les

    sportifs. Adoptant des attitudes de dgot et de haine envers la socit, il tenait les

    enseignants responsables des nombreux actes de taxage et dintimidation dont il a t

    victime au cours de son passage au secondaire. Il leur reprochait davoir ferm les yeux sur

    ces gestes violents perptrs son endroit et de ne pas tre intervenus aux moments

    opportuns. tant la cible de rejets rpts et dexclusion lcole secondaire, cet individuplutt sombre prouvait un profond malaise et se sentait un presque rien. En mal de

    reconnaissance, il recherchait peut-tre dsesprment une forme de contrle sur son

    environnement, pouvoir que certains de ses pairs et autres membres de la socit lui avaient

    soutir petit petit depuis toutes ces annes. Il a cherch devenir puissant travers cette

    action sanglante et poignante. Il a mme dclar dans son journal personnel que tuer

    constituerait un soulagement sa souffrance. De part ses paroles Vous ne pourrez jamais

    me comprendre. , nous pouvons constater que cet homme vivait un sentiment intense de

    dsespoir et dincomprhension tant de la part de ses proches que de la socit en gnral.

    Il a eu recours, en cette journe de septembre, la violence pour tenter dpancher sa

    douleur en tirant bout portant en direction de personnes innocentes de la socit quil

    considrait comme ses ennemis. Voyant ses victimes souffrir, il a probablement vcu,

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    12/208

    2

    pendant un quelconque moment, une sensation dallgement et dapaisement. Cette priode

    de rconfort ne fut que de courte dure puisquil sest inflig la mort quelques instants plus

    tard. Le titre dun article publi la suite des vnements La mort pour avoir accs une

    vie meilleure (Gravel, 2006) rsume bien la dtresse de cet homme et le moyen utilis

    pour sen dlivrer.

    Lampleur de ce drame nous force rflchir, en tant que socit et praticiens dans le

    secteur de lducation, limpact de toutes les violences manifestes au quotidien dans les

    coles primaires et secondaires sur la sant physique et psychologique de ceux qui en sont

    victimes. Souvent laisss pour compte, ces enfants et adolescents victimiss se doivent de

    recevoir tout lencadrement et le soutien ncessaires de la part des intervenants scolaires

    pour traverser le plus sainement possible ces pisodes violents considrs comme des

    preuves troublantes et bouleversantes. Les adultes qualifient trop souvent ces gestes

    dagression comme de simples chicanes denfants, une forme de jeu. Pourtant, banaliser la

    violence perptre entre lves dans les tablissements scolaires revient ne pas porter

    assistance aux victimes qui souffrent en silence et octroyer, par le fait mme, un certain

    pouvoir aux agresseurs. Lignorance des stratgies mettre en application dans de telles

    situations, le manque de support financier et humain de la part des autorits scolaires et

    politiques ainsi que la peur de sengager dans une srie de rencontres et dinterventions

    quils croient davance peu efficaces, amnent ces adultes manifester de limmobilisme et

    de lindiffrence envers cesjeux denfants. Souvent vcue rptition, la violence lcole

    devient un srieux obstacle au dveloppement physique et psychologique de plusieurs

    jeunes les empchant de jouir pleinement de lducation qui leur est offerte. Bien plus, elle

    risque de compromettre leur adaptation personnelle et sociale. Lvnement de Dawson

    rappelle ainsi limportance de la problmatique de la victimisation ladolescence.

    La victimisation par les pairs suscite un intrt grandissant de la part des chercheurs et

    praticiens dans le domaine de lducation. Frquemment observe dans les coles

    secondaires, la victimisation par les pairs constitue une ralit laquelle les lves sont

    confronts quotidiennement (Bowen et Desbiens, 2004). Au cours des dernires annes, le

    nombre de victimes de violence lcole a diminu tandis que lintensit de la violence

    perptre en milieu scolaire a augment, affectant ainsi plus durement les victimes

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    13/208

    3

    (Debarbieux, Montoya, Blaya, Dagorn et Rubi, 2003; Lebailly, 2001; LeBlanc, 1999;

    Solliciteur gnral du Canada, 1994). Les insultes, les menaces verbales et les agressions

    physiques ne reprsentent que quelques exemples de gestes violents subis par les lves.

    Les adolescents qui en sont victimes prouvent souvent des problmes dordre scolaire

    (baisse du rendement scolaire, difficults dapprentissage, dcrochage), social (difficult

    entrer en relation avec les autres, difficult tablir et maintenir des relations sociales

    positives avec autrui, rejet par les pairs) et psychologique (solitude, faible estime de soi,

    anxit, dpression, penses suicidaires). La victimisation par les pairs reprsente une

    vritable menace pour la scurit motionnelle de plusieurs jeunes.

    Plac devant ce constat, il est primordial de porter une attention particulire au lien entre la

    victimisation par les pairs et les problmes dadaptation psychosociale ladolescence pour

    tenter de mieux comprendre linfluence de ces situations victimaires sur le dveloppement

    psychologique des jeunes. La relation entre la victimisation par les pairs et la dpression

    nous est apparue, dans cette perspective, comme un objet de recherche particulirement

    intressant. Le nombre dadolescents victimes de violence lcole et dlves prsentant

    des symptmes dpressifs diffre grandement dun pays lautre en raison notamment de la

    diversit des approches utilises pour valuer ces problmatiques. Les carts entre le

    Qubec et la France cet gard sont considrables. Sur le plan de la victimisation vcue

    depuis le dbut de lanne scolaire, Cara et Sicot (1997) rapportent que 70 % de leur

    chantillon dadolescents franais (11-15 ans) se disent victimes dau moins un acte de

    violence de la part de pairs lcole tandis quau Qubec, Fortin (2002) rvle que 46,2 %

    des lves de 13 ans et 25 % des lves de 16 ans ont vcu la mme situation. Sur le plan

    de la dpression, Fahs, Chabaud, Dupla et Marcelli (1998) indiquent que 7 % des jeunes

    franais gs de 12 20 ans participant ltude souffrent dun pisode dpressif majeur

    tandis que Bergeron, Valla et Breton (1992) montrent que seulement 4,2% de leur

    chantillon dlves qubcois gs de 6 14 ans prsentent une dpression majeure. Lesdiffrences observes ncessitent ainsi dexplorer davantage ces phnomnes et leur

    interaction. Aucune recherche franaise ni qubcoise na dailleurs utilis les mmes

    mesures auto-rvles dans les deux contextes pour valuer ces problmatiques

    ladolescence.

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    14/208

    4

    Cette tude franco-qubcoise poursuit trois objectifs : (a) valuer la prvalence, la

    frquence et la nature de la victimisation par les pairs chez les adolescents; (b) valuer la

    prvalence et lintensit de la dpression chez les adolescents; et (c) dterminer

    limportance de la relation entre la victimisation par les pairs et la dpression chez les

    adolescents. Dans un premier temps, la partie franaise de ltude a t mene dans le cadre

    dune vaste enqute comparative internationale sur le dcrochage scolaire, les modes de vie

    et les comportements des adolescents. Lchantillon retenu pour cette recherche comprend

    356 adolescents et adolescentes gs entre 12 et 15 ans provenant de six collges publics de

    la rgion du Sud-Ouest de la France. La partie qubcoise de ltude a, quant elle, t

    ralise auprs de 360 adolescents et adolescentes gs entre 13 et 15 ans frquentant

    quatre coles secondaires publiques. Des instruments de mesure ont t utiliss auprs des

    adolescents franais et qubcois pour valuer la prvalence, la frquence et la nature de lavictimisation par les pairs (les chelles Victimisation de gravit mineureet Victimisation de

    gravit majeure du Questionnaire sur lenvironnement socioducatif (QES; Janosz,

    Georges et Parent, 1998) ainsi que la prvalence et lintensit des symptmes dpressifs

    chez les adolescents (Inventaire de dpression de Beck, IDB; Beck, 1978, version

    francophone de Bourque et Beaudette, 1982). Cette recherche propose donc dinnover en

    valuant ces ralits dans des contextes culturels diffrents et en utilisant les mmes

    mesures auto-rvles dans les deux pays.

    Cette thse de doctorat est ralise selon une formule mixte incluant des chapitres rdigs

    de manire classique et dautres sous forme darticles scientifiques qui seront soumis des

    revues avec comit de lecture. tant donn que chacun des articles constitue un texte

    indpendant qui sera soumis pour publication, le lecteur comprendra que certaines

    rptitions sont invitables. La premire partie prsente une recension des crits portant sur

    les connaissances actuelles de la victimisation par les pairs, la dpression ladolescence et

    lassociation entre ces problmatiques. Une attention particulire est galement porte lasituation de ces phnomnes en France et au Qubec. La seconde partie comprend les trois

    articles formant le corps de la thse. Le premier article se veut une synthse de ltat de la

    question sur la victimisation par les pairs et la dpression ladolescence aborde en

    premire partie. Il sera soumis laRevue des sciences de lducation. Le second article, qui

    sera soumis auJournal International sur la Violence et lcole, prsente les rsultats dune

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    15/208

    5

    tude corrlationnelle portant sur la relation entre la victimisation par les pairs et la

    dpression auprs dadolescents franais. Le troisime article prsente les rsultats du volet

    qubcois de cette recherche corrlationnelle. Bien que des redondances soient prsentes

    dans cet article, ce dernier sera traduit en anglais pour fins de publication dans une revue

    anglophone, soit Journal of School Violence. Les rsultats confirment lexistence des

    problmes de victimisation par les pairs et de dpression chez les adolescents franais et

    qubcois. Ils indiquent galement une relation positive entre la victimisation par les pairs

    et la dpression chez lensemble des jeunes de ltude. Les corrlations obtenues dans les

    deux pays sont relativement comparables aux quelques donnes cites dans des recherches

    antrieures sur la question. Nanmoins, les rsultats de cette enqute montrent que la

    victimisation par les pairs et la dpression ladolescence ne se dveloppent pas de la

    mme manire selon le sexe des lves, leur ge et le contexte dans lequel ces jeunesvoluent. La troisime partie de la thse prsente une brve discussion de lensemble des

    rsultats obtenus, une conclusion gnrale, des perspectives pour des recherches futures

    ainsi que des pistes dintervention. Enfin, la quatrime partie comporte toutes les rfrences

    consultes dans le cadre de cette thse ainsi que les annexes comprenant les questionnaires

    et formulaires utiliss pour cette enqute.

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    16/208

    6

    CHAPITRE 1

    La victimisation par les pairs lcole et la dpression

    ladolescence : tat de la question1.1. La violence en milieu scolaire

    1.1.1. Une notion difficile dfinir

    La violence en milieu scolaire demeure une problmatique difficile dfinir. La plupart des

    individus associent la violence scolaire aux rares gestes dagression souvent qualifis de

    spectaculaires. Largement diffuss travers les mdias, ces actes rfrent majoritairement

    des crimes et des dlits commis contre la personne et/ou contre la proprit. Mais quen est-il vraiment du phnomne de la violence lcole? Doit-on se limiter ce qui est rapport

    dans les mdias ou doit-on aller au-del du sensationnalisme?

    Violence lcole, violence scolaire, violence entre lves, violence en milieu scolaire et

    victimisation sont autant dexpressions employes indiffremment pour nommer le

    problme de la violence dans les coles primaires et secondaires. Les termes utiliss dans

    les crits scientifiques diffrent galement de manire importante : troubles du

    comportement, brutalit, incivilits, harclement, dlinquance, agressivit, comportementantisocial, criminalit (Blaya, 2006; Bowen et Desbiens, 2004; Debarbieux, 2006;

    Flannery, 1997).

    Force est de constater quil nexiste actuellement aucune dfinition commune de la violence

    lcole. Selon Vettenburg (1998), la difficult dfinir prcisment la violence en milieu

    scolaire a incit la communaut scientifique opter pour une dfinition large de la violence.

    De nature multidimensionnelle, la notion de violence scolairea historiquement t utilise

    pour dcrire des comportements agressifs et violents observs lcole (Furlong et

    Morrison, 2000). Plus rcemment, les concepts de victimisation, dagression, de

    comportement antisocial, de perptration de la violence et dactivits criminelles ont t

    intgrs la dfinition de la violence scolaire (American Psychological Association (APA),

    1993; Flannery, 1997). La dfinition du comportement antisocial propose par Melero

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    17/208

    7

    (n.d., cit dans Vettenburg, 1998) ainsi que la conceptualisation de la violence lcole

    suggre par Martin (1994, cit dans Vettenburg, 1998, 1.2 Vers une dfinition de travail,

    12) en sont des exemples. Les crits proposent dailleurs dutiliser la notion de

    comportement antisocial comme dnominateur commun de certains comportements de

    violence, tels que le chahut, lintimidation sexuelle et la violence. Le comportement

    antisocial rfre ainsi, selon Melero (n.d., cit dans Vettenburg, 1998, 1.2 Vers une

    dfinition de travail, 11), toute situation dbordant les limites dune discussion ou

    dune confrontation dopinions et engendre une confrontation verbale ou physique entre

    lves, professeur(s) et lve(s), professeur(s) et parents et mme entre professeurs. Cette

    dfinition reprend par ailleurs le vol et la dgradation prmdits de la proprit

    personnelle, de matriel scolaire ou dinfrastructures . Cette caractrisation du

    comportement antisocial renvoie donc des situations au cours desquelles interagissentdiffrents acteurs du milieu scolaire selon un rapport de force.

    Selon Martin (1994, cit dans Vettenburg, 1998, 1.2 Vers une dfinition de travail, 12),

    La violence dans les coles est prsente dans toute situation o un membrede la communaut scolaire (professeur, tudiant, membre du personnelducatif, parent ou visiteur) fait lobjet dintimidations, de menaces oudune agression, ou lorsque ses biens personnels sont dlibrmentendommags par un autre membre de cette communaut ou le public dansles circonstances dcoulant de ses activits dans une cole.

    Cet auteur aborde davantage la notion de violence scolaire du point de vue de la victime en

    prcisant que les actions de violence sont diriges de manire intentionnelle envers autrui.

    Par ailleurs, le Center for the Prevention of School Violence(2002, 2) dfinit la violence

    scolaire comme tout comportement qui viole la mission ducative ou le climat de respect

    d'une cole ou qui compromet l'intention de l'cole dtre exempte d'agression contre les

    personnes ou la proprit, de drogues, darmes, de perturbations, et de dsordre . La

    violence lcole rfre alors au non-respect des rgles scolaires et sociales rgulant lesinteractions entre les membres dune communaut et pouvant affecter le climat

    dapprentissage dans lequel les lves voluent.

    Debarbieux (1996), lun des chefs de file europens sur la question de la violence lcole

    conoit la violence scolaire comme une dsorganisation brutale ou continue dun systme

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    18/208

    8

    personnel, collectif ou social se traduisant par une perte dintgrit qui peut tre physique,

    psychique ou matrielle (p. 45). Il prcise que la violence est dpendante de lpoque, des

    valeurs, des codes sociaux, juridiques et politiques ainsi que des fragilits personnelles des

    victimes, ce qui explique la difficult den laborer une dfinition unique. Cet auteur utilise

    plusieurs expressions pour la dsigner : incivilits, brutalit, brimades rptes et

    harclements.

    Au Qubec, la dfinition de la violence lcole propose par le Centre des services

    sociaux de Qubec (1981) a t adopte par le Conseil suprieur de lducation (1984) et

    par le ministre de lducation du Qubec (1988) et sera retenue dans le cadre de cette

    thse titre de rfrence :

    La violence se prsente comme lusage abusif dun pouvoir (physique,hirarchique, psychologique, moral, social) de faon ouverte ou camoufle,spontane ou dlibre, motive ou non, par un individu, un groupe ou unecollectivit, par des moyens (physiques, verbaux, psychologiques, moraux,sociaux) servant assurer la rponse un besoin ou un dsir et qui porteprjudice la personne dautrui (Roy et Boivin, 1988, p. 8).

    Enfin, la violence scolaire renvoie de multiples conceptualisations labores selon le

    contexte culturel, les normes sociales ainsi que les valeurs des individus, ce qui complexifie

    lvaluation de sa prvalence, de sa frquence et de sa nature.

    1.1.2. Prvalence

    Les sources officielles sur la prvalence de la violence en milieu scolaire demeurent

    relativement rares dans la majorit des pays francophones (Debarbieux, 2006; Funk, 2001;

    Hbert, 2001). Gnralement ponctuels, non rpts et lacunaires, les recensements ne

    permettent pas aux autorits scolaires de suivre lvolution du phnomne. Parmi les pays

    de la Francophonie, un certain nombre de chercheurs se sont intresss au dveloppement

    du problme de la violence dans les coles secondaires, plus particulirement dans lestablissements scolaires franais et qubcois.

    La violence dans les tablissements scolaires franais : un portrait national

    Depuis le dbut des annes 1990, la violence lcole constitue un thme central de

    lactualit franaise. Bien que la violence dans les tablissements scolaires franais ne soit

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    19/208

    9

    pas un phnomne rcent, lvolution de son intensit et de sa nature au cours des dernires

    annes a incit la communaut scientifique explorer davantage cette problmatique

    (Debarbieux, 2006). Pour llaboration dune politique de prvention et de remdiation, les

    responsables des acadmies ont considr ncessaire de crer un recensement systmatique

    des faits violents en milieu scolaire (Fotinos, 1995).

    Le premier recensement officiel des incidents de violence dans les tablissements scolaires

    franais a t effectu en 1993-1994. Il repose sur un tableau de bord acadmique, soit un

    systme de comptage comprenant diverses informations sur les incidents violents perptrs

    dans les milieux scolaires. Ces renseignements proviennent de fiches de liaison compltes,

    de manire mensuelle ou trimestrielle, par les tablissements, lacadmie ou le dpartement.

    titre dexemple, Fotinos (1995) rapporte des statistiques transmises par un dpartement

    ainsi que par une acadmie.

    La premire enqute a t ralise dans le dpartement de la Seine-Saint-Denis auprs de

    293 000 lves (119 000 de lenseignement secondaire) frquentant 170 coles publiques

    (103 collges). Les donnes recueillies lors de cette recherche rvlent que 241 incidents

    graves ont t dnombrs. Les incidents violents graves qui ont t les plus frquemment

    signals par les lves sont prsents au Tableau 1.

    Tableau 1 : Incidents violents graves les plus frquemment signals par les lves dans lestablissements scolaires du dpartement de la Seine-Saint-Denis (1993-1994)

    Incidents violents graves(N = 241)

    Pourcentage des lves ayant signal desincidents violents graves

    Agressions physiques 20%Dgradations 15,3%

    Incendies 13,7%Menaces graves 12,9%

    Agressions entre lves 12%

    Vols 10,8%Agressions avec armes 8,3%Incursions dlments extrieurs 5,4%

    Violences sexuelles 1,6%(Source : Fotinos, 1995, p. 10)

    Le rapport Fotinos (1995) rapporte galement des donnes de lAcadmie de Paris

    concernant 273 000 lves de lenseignement public dont 136 000 lves du secondaire.

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    20/208

    10

    Quelque 215 incidents scolaires ont t recenss laide de fiches de liaison dont 75,5%

    dans les collges, 15,5% dans les lyces professionnels et 9% dans les lyces

    denseignement gnral et technique. La proportion des divers incidents de violence

    enregistrs dans les tablissements scolaires de lAcadmie de Paris est prsente au

    Tableau 2. Il est important de noter que certains incidents violents se cumulent dans plus

    dune catgorie.

    Tableau 2 : Incidents de violence recenss dans les tablissements scolaires de lAcadmiede Paris (1993-1994)

    Incidents scolaires Pourcentage des incidents scolairesrecenss

    Violence physique 58% (42,5% dans les collges)Violence verbale 35% (26% dans les collges)

    Dgradations 16% (10,5% dans les collges)Vols 12% (6% dans les collges)

    Racket 6% (4% dans les collges)(Source : Fotinos, 1995, p. 9)

    Les personnes touches par ces faits violents taient majoritairement des lves (90,5%)

    (Fotinos, 1995). De plus, ces incidents de violence ont t commis dans diffrents endroits

    des milieux scolaires. Les principaux lieux concerns par ces incidents sont prsents au

    Tableau 3.

    Tableau 3 : Lieux concerns par les incidents de violence recenss dans les tablissementsscolaires de lAcadmie de Paris (1993-1994)

    Lieux Pourcentage des lieux concerns par lesincidents scolaires

    Salles de classe 30%Cours de rcration 20%

    Devant ltablissement 14%Dans les couloirs 10%

    Autres (toilettes, caftria, escaliers, etc.) 26%(Source : Fotinos, 1995, p. 9)

    Ces deux enqutes furent les premires vritables tentatives de quantification du

    phnomne de la violence dans les coles franaises. Il sagit de lune des rares sources de

    donnes continues depuis 1993.

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    21/208

    11

    Par ailleurs, afin de suivre de manire plus prcise lvolution de la situation dans les

    tablissements scolaires, la France a introduit un recensement administratif obligatoire des

    actes de violence. Lors de la rentre scolaire franaise en 2001-2002, le ministre de

    l'ducation Nationale, de lEnseignement suprieur et de la Recherche a mis en place le

    logiciel spcialis SIGNA visant le dnombrement exhaustif des faits graves de violence

    survenant lcole et ses abords. Le recensement seffectue durant toute lanne scolaire,

    par priode de deux mois, dans l'ensemble des collges et lyces publics ainsi que des

    circonscriptions du premier degr. Ce logiciel enregistre les incidents graves, soit (1) ceux

    dont la qualification pnale est vidente, (2) ceux qui font lobjet dun signalement, et (c)

    ceux qui ont un retentissement important dans la communaut ducative (Houll et

    Rondeau, 2002). Il dtermine quatre grandes catgories de faits violents : (a) les atteintes

    la personne dautrui, (b) les atteintes aux biens, (c) les atteintes la scurit, et (d) lesautres atteintes (trafic et consommation de stupfiants). Il permet galement de recenser les

    actes racistes et antismites (Blaya, 2006). Toutefois, Blaya (2006) qualifie ces donnes

    dimparfaites, car elles se limitent aux faits graves ainsi quaux actes rapports par les

    enseignants. Ainsi, les gestes de violence perptrs au quotidien dans les coles qui ne sont

    pas officiellement dnoncs demeurent inconnus, sous-estimant par consquent, selon cette

    chercheuse, la problmatique de la violence dans les milieux scolaires. Malgr quelles

    soient incompltes, ces donnes transmettent des informations pertinentes sur la situation

    des coles en France, voire sur la nature des faits, les lieux des infractions ainsi que les

    auteurs et les victimes impliqus dans les dlits.

    Lors de la premire anne de recensement des actes de violence dans les collges et lyces

    franais laide du logiciel SIGNA (2001-2002), prs de 36 000 incidents ont t

    enregistrs. Dans 80% des cas, les lves en taient les auteurs. Les atteintes autrui

    reprsentaient, quant elles, le type dincidents le plus souvent rapport (58%). Selon les

    donnes les plus rcentes du recensement de SIGNA (2004-2005), le nombre dinfractionsslve 80 000. Les lves en sont encore le plus souvent les auteurs (80%) et les atteintes

    autrui les actes les plus frquemment dnombrs (61%) (Houll, 2002, 2005). Bien que

    des statistiques officielles sur la violence dans les tablissements scolaires franais soient

    disponibles, le portrait de ce phnomne a t jug, entre autres par Blaya (2006) et

    Debarbieux (2006), comme incomplet. Ce dernier considre quil est plus profitable de

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    22/208

    12

    croiser les donnes officielles aux autres types denqutes telles les enqutes de victimation

    (Debarbieux, 2004).

    Les tudes de Debarbieux et son quipe ont dailleurs permis de suivre lvolution des faits

    de violence dans les milieux scolaires en France. Ces enqutes visent essentiellement recueillir les perceptions des lves et des membres du personnel des coles lmentaires,

    des collges et des lyces des diffrentes dimensions de la violence repre dans leur

    tablissement scolaire (Debarbieux, 1996; Debarbieux et al., 2003). Le Questionnaire sur

    la vie scolaire(Debarbieux, 1998) constitue linstrument de mesure utilis dans le cadre de

    ces recherches pour tudier les principaux indicateurs de la violence scolaire, soit ceux

    associs la victimation et aux dlits (menaces, vols, coups, racisme, insultes), au climat

    scolaire (relations entre lves et entre lves et adultes de lcole, relations entre adultes,

    clart, frquence et justice des punitions, lieux frquents, aims et dtests) ainsi quau

    sentiment dinscurit (violence et agressivit perues, perception du quartier environnant).

    Cet outil permet galement de mesurer le climat global de lcole. Deux recherches menes

    par Debarbieux et son quipe ont t retenues dans cette recension pour expliquer la

    situation des coles franaises en regard de la violence.

    Au cours de lanne scolaire 1994-1995, Debarbieux a effectu une premire tude portant

    sur la perception de la violence scolaire auprs de 14 316 lves de 89 tablissements detous types sociaux du primaire, du collge et du lyce (Debarbieux et al., 2003). Il constate

    que 88% des lves de lchantillon rvlent la prsence de violence dans leur

    tablissement scolaire. Plus prcisment, 18% des lves estiment que la violence est trs

    prsente (normment et beaucoup) dans leur cole. Les rsultats de cette enqute montrent

    galement que 63% des lves de collges considrent les bagarres comme tant la forme

    de violence la plus frquente dans leur cole, 9% la violence verbale et 6% le racket

    (Debarbieux, 1996; Debarbieux, Garnier, Montoya et Tichit, 1999). Cette recherche fournit

    ainsi des donnes sur la prvalence et la nature de la violence dans les coles franaises et

    vient suppler aux carences des statistiques dites officielles.

    Dans le cadre dune seconde tude sur la perception de la violence scolaire ralise en 2003

    auprs de 6 615 lves (3 871 lves de collges), lauteur observe que 92,3% des

    collgiens rapportent la prsence de violence dans leur cole. Plus spcifiquement, 21,2%

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    23/208

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    24/208

    14

    socio-ducatif des jeunes. Ces derniers devaient remplir le Questionnaire sur

    lenvironnement socio-ducatif (QES) permettant dvaluer plusieurs aspects du vcu des

    jeunes dont la violence manifeste entre pairs. Les rsultats de cette recherche rvlent que

    les actes de violence de gravit mineure (insultes et menaces verbales, les petits vols, les

    mdisances, etc.) reprsentent le type de violence le plus frquemment rpandu dans les

    tablissements denseignement secondaire. Les problmes de violence de gravit majeure

    (agressions physiques ou armes, menaces physiques, taxage/extorsion) demeurent

    toutefois relativement rares tant au primaire quau secondaire. Plus prcisment, une

    proportion de 59% des adolescents peroivent des insultes entre les lves presqu tous les

    jours ou plusieurs fois par semaine. Quant aux menaces formules envers des lves, 12%

    de lchantillon les peroivent presque chaque jour et 14% plusieurs fois par semaine.

    Enfin, environ 12% des lves considrent que les bagarres lcole sont presquequotidiennes ou surviennent plusieurs fois par semaine (Janosz, Bouthillier, Blanger,

    Bowen et Archambault, 2003). Cette tude a ainsi permis, au cours des dernires annes, de

    recueillir des donnes sur les perceptions des lves de la violence dans leur cole et de

    tracer un portrait gnral de lampleur de ce phnomne dans les tablissements scolaires

    qubcois.

    De plus, le ministre de la Scurit publique du Qubec a men une tude spcifique sur le

    taxage (voir dfinition p. 22-23) auprs de 16 660 adolescents qubcois gs de 12 17

    ans. Les rsultats montrent que 61,9% des lves sont affects1 par le taxage et que la

    moiti de lensemble des participants tmoignent de leur crainte den tre victimes. Prs du

    quart des lves a, pour sa part, t tmoin de gestes de taxage (14% ont t tmoins dactes

    de taxage une fois, 6,5% de deux cinq fois et 2,5% six fois ou plus) tandis que 6% ont

    dj tent de faire ou ont fait du taxage. Cette recherche ne fournit nanmoins que peu

    dinformations sur les autres formes de violence perptres entre les lves (Cousineau,

    Gagnon et Bouchard, 2002).

    Finalement, les quelques tudes qubcoises disponibles ont souvent t ralises dans le

    cadre de recherches gouvernementales ciblant des objectifs plus larges (Fortin, 2002;

    1Ce taux comprend les jeunes qui, sans avoir t directement impliqus dans des expriences de taxage entant que victimes, tmoins ou auteurs, ont tout de mme dclar avoir peur d'tre taxs.

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    25/208

    15

    Ministre de la Sant et des Services Sociaux, 1991). Par exemple, lEnqute sociale et de

    sant auprs des enfants et des adolescents qubcois (Fortin, 2002) a permis, entre autres,

    dexaminer les expriences de victimisation des jeunes en milieu scolaire sans pour autant

    fournir des informations globales sur le problme de la violence dans les coles

    qubcoises.

    1.1.3. Incivilits, indiscipline, harclement ou violence?

    Les lves manifestent des comportements de violence de nature diffrente et dintensit

    plus leve quauparavant (Debarbieux et al., 1999; Lebailly, 2001; LeBlanc, 1999;

    Solliciteur gnral du Canada, 1994). La violence entre lves prend ainsi plusieurs formes.

    Incivilits, incidents mineurs, violences verbales, agressions physiques, harclements et

    menaces sont autant de comportements auxquels la notion de violence scolaire peut tre

    attribue (Blaya, 2006). Ce champ de recherche ne possde actuellement aucun consensus

    conceptuel prcis concernant les divers types de violence scolaire. Il nest donc pas

    surprenant de constater quil existe une confusion des termes pour la dcrire.

    Selon Dupquier (1999, p. 8), la violence ne se confond pas avec lagressivit, mais avec

    ses manifestations . Il identifie quatre principales formes de violence scolaire : (a) les

    violences contre les biens individuels (vol, racket), (b) les violences contre la proprit

    collective (vandalisme, incendies volontaires), (c) les violences verbales ou morales contre

    les individus (lves, membres du personnel), et (d) les violences physiques ayant entran

    ou non une incapacit du travail. Cet auteur prcise que la violence en milieu scolaire

    volue en intensit, sans expliquer clairement le rationnel de cette gradation. Il distingue

    ainsi diffrents degrs de violence prsents lcole (voir Tableau 4).

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    26/208

    16

    Tableau 4: Les six degrs de la violence scolaire

    Degrs Comportements de violence1 Trouble en classe : faire rire, saper lautorit de lenseignant.2 Bagarres entre lves.

    3 Absentisme systmatique, racket.4 Insolence, provocation.5 Vandalisme (allant des graffitis lincendie volontaire)6 Violence physique contre les biens et les personnes des enseignants et

    du personnel dencadrement.(Source : Dupquier, 1999, p. 9)

    Lorrain (2003) propose, quant lui, une typologie des comportements de violence

    manifests dans le monde scolaire : (a) les violences morales (incivilit, indiscipline,

    harclement, violence psychologique), (b) physiques (vol, racket, bizutage, suicide,

    maltraitance), et (c) sociales (violence dans les transports scolaires, vandalisme,conduites risque, comportements suicidaires).

    Les typologies dveloppes par ces auteurs rendent compte de la multiplicit des formes

    que peut prendre la violence dans les milieux scolaires. Dans le cadre de cette thse de

    doctorat, nous avons retenu certaines manifestations de la violence lcole qui, bien

    quelles ne constituent pas des catgories mutuellement exclusives, seront dcrites de

    manire plus dtaille : les incivilits, les microviolences, lindiscipline, le harclement, la

    violence psychologique, la violence verbale, la violence physique et le taxage/racket.

    Incivilits

    Bien que les mdias mettent davantage laccent sur les violences scolaires les plus dures et

    les plus brutales, lcole est plus souvent le cadre de petites infractions que dactions

    pnalement qualifiables (Blaya, 2006). Difficilement quantifiables, les incivilits

    reprsentent la forme de violence dominante en milieu scolaire (Debarbieux, 1996). Selon

    Roch (1993), les incivilits sexpriment sous forme anodine sans blesser physiquementautrui, telles limpolitesse et la violence verbale. Il rvle quelles ne peuvent tre

    considres ni comme des dlits, ni comme des crimes. La plupart des spcialistes

    sentendent pour dfinir les incivilits par des atteintes quotidiennes au droit de chacun de

    voir sa personne respecte : paroles blessantes, grossirets diverses, bousculades,

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    27/208

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    28/208

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    29/208

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    30/208

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    31/208

    21

    mentale, ltat de personne gracie) (Commission canadienne des droits de la personne,

    2004, 1). La discrimination constitue ainsi une atteinte aux droits de llve qui en est

    victime.

    Violence verbale

    Qui plus est, la violence verbale consiste menacer, blesser ou dire des mchancets

    quelquun (Gendarmerie royale du Canada, 2003a). Ce type de violence sexprime

    spcifiquement par des bavardages, des cris, des injures ainsi que des propos impolis et

    vexatoires (Casanova, 2000). Elle peut galement se manifester sous forme doutrages,

    dharclement, de menaces, de calomnies, de taquineries et de mdisances (Pain, 1997).

    Lune des formes de violence verbale les plus populaires auprs des jeunes est linjure. Elle

    se dfinit comme toute expression outrageante, terme de mpris ou invective qui ne

    renferme limputation daucun fait (Ministre de lducation Nationale, de la Recherche

    et de la Technologie, 1998, p. 16). Les insultes sont frquentes et considres, selon Moser

    (1987), comme un lment dclencheur de la violence plus brutale. Une insulte appelle en

    effet souvent lagression ractionnelle de la part de la victime. Pour la majorit des

    jeunes, les propos injurieux dun pair font rarement partie de leur propre dfinition de la

    violence. tant donn le ct ludique que possdent les injures pour les jeunes, ces derniers

    valueraient leur gravit de manire plus nuance (Debarbieux, 1996). Le ton avec lequelsont prononcs les mots serait dailleurs davantage significatif pour la victime de ces

    injures que linsulte elle-mme.

    Violence physique

    En ce qui concerne la violence physique, elle regroupe toutes les infractions qui portent

    atteinte directement lintgrit physique dune personne (Service de police de la Ville

    de Montral, 2005, 1). La Gendarmerie royale du Canada (2003a) dfinit, quant elle, les

    agressions physiques comme tant des blessures infliges une personne en utilisant la

    force physique. Elles se prsentent sous la forme de svices corporels ou dune contrainte

    physique dans le but de contrler lautre (Association fminine dducation et daction

    sociale, 2003). Le fait de pousser, dempoigner, de bousculer, dtrangler ou de gifler un

    autre jeune, de le frapper coups de poing, coups de pied ou avec un objet, dutiliser une

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    32/208

    22

    arme contre lui ou de len menacer reprsentent quelques-unes des manifestations de

    violence physique (Totten, 1997).

    Considr comme une forme de violence physique, le bizutage constitue un acte pouvant

    tre perptr en milieu scolaire. En France, le bizutage reprsente un dlit clairement punipar la loi. Le Code pnal franais dcrit le bizutage par un ensemble dactes humiliants ou

    dgradants en milieu scolaire (Livre II, titre II, Chapitre V, Section 3 bis, Article 225-16-

    1, Ministre de lducation Nationale, de la Recherche et de la Technologie, 1998). Dans

    larticle 14 de la loi adopte le 17 juin 1988 par le ministre de lducation Nationale

    (Ministre de lducation Nationale, de la Recherche et de la Technologie, 1998, p. 17), le

    bizutage se dfinit comme tant hors les cas de violences, de menaces ou datteintes

    sexuelles, le fait pour une personne, damener autrui, contre son gr ou non, subir ou

    commettre des actes humiliants ou dgradants lors de manifestations ou de runions lies

    aux milieux scolaires ou socio-ducatifs .

    Taxage/racket

    Le termetaxagereprsente un mot propre la langue parle qubcoise (Cousineau et al.,

    2002). Apparu dans les annes 1990, ce qubcisme constitue la francisation du mot racket

    qui signifie dans la culture franaise extorsion de fonds, de valeurs ou dun bien

    quelconque, ou bien de vol avec violence (Ministre de lducation Nationale, de la

    Recherche et de la Technologie, 1998, p. 23). Lextorsion est le fait dobtenir par

    violence, menace de violences ou contraintes, soit une signature, un engagement ou une

    renonciation, soit la rvlation dun secret, la remise de fonds, de valeurs ou dun bien

    quelconque (art. 312-1, Dufour-Gompers, 1992). Concrtement, le racket correspond

    une rcupration rapide de biens de consommation. Il consiste en une succession dactions

    plus ou moins brutales et de menaces. Lorrain (2003) considre le racket dans une relation

    agresseur-victime se manifestant par la dvalorisation dautrui, la domination de lautre,par des menaces sourdes, sur des plus faibles (p. 30). Le racketteur teste dabord la

    rsistance de la victime en la forant effectuer un prt. Il influence sa victime en

    prtextant quil lui rendra lemprunt une prochaine fois. Ensuite, le racket se transforme

    sous forme de jeu collectif ayant pour but de provoquer lautre. Les menaces verbales

    entrent rapidement dans cette suite de squences. la suite de quelques changes verbaux,

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    33/208

    23

    le racketteur passe lacte en procdant la dpouille organise. La dernire squence

    consiste choisir un lve qui deviendra le bouc missaire, cest--dire quil sera rejet,

    frapp et vol rptition. Le racket consiste en une lente pression psychologique exerce

    sur llve, lenfermant dans un engrenage.

    Au Qubec, le taxage est considr comme un acte criminel. En vertu du Code criminel

    canadien (Gouvernement du Canada, 1985), le taxage consiste en un vol qualifi avec

    menace dextorsion ou dintimidation. Il en propose la dfinition suivante :

    Commet un vol qualifi quiconque, selon le cas : (a) vole et, pour extorquerla chose vole ou empcher ou matriser toute rsistance au vol, emploie laviolence ou des menaces de violence contre une personne ou des biens; (b)vole quelquun et, au moment o il vole, ou immdiatement avant ou aprs,blesse, bat ou frappe cette personne ou se porte des actes de violence

    contre elle; (c) se livre des voies de fait sur une personne avec lintentionde la voler; (d) vole une personne alors qu'il est muni d'une arme offensiveou d'une imitation d'une telle arme (art. 343, Code criminel canadien,Gouvernement du Canada, 1985).

    De plus, le Code criminel canadien (Gouvernement du Canada, 1985) dfinit lextorsion

    comme suit : commet une extorsion quiconque, sans justification ou excuse raisonnable et

    avec l'intention d'obtenir quelque chose, par menaces, accusations ou violence, induit ou

    tente d'induire une personne, que ce soit ou non la personne menace ou accuse, ou celle

    contre qui la violence est exerce, accomplir ou faire accomplir quelque chose (art.346, Code criminel canadien, Gouvernement du Canada, 1985).

    Il sagit de prendre quelque chose un lve contre sa volont en utilisant la menace,

    lintimidation ou la force physique (Cousineau et al., 2002). En regard des dfinitions

    proposes, Frchette et Leblanc (1987) identifient deux formes de vol qui sapparentent au

    taxage. Le but premier de ces comportements dlictueux consiste sapproprier des biens

    au moyen dactions coercitives diriges directement vers la victime. La premire forme de

    vol se caractrise par le recours des moyens physiques par ladolescent pour atteindre sonobjectif. La seconde forme est marque, quant elle, par une pression psychologique

    (menaces et intimidation) exerce par ladolescent sur sa victime. Il y a taxage lorsquun

    jeune ou une bande de jeunes vole les biens ou largent dun autre jeune, linsulte ou le

    mprise, le menace ou le frappe, ou loblige poser des gestes quil ne veut pas faire

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    34/208

    24

    (Gendarmerie royale du Canada, 2003b). Forme grave dintimidation, le taxage est un

    phnomne complexe produisant ainsi des impacts rels sur les victimes (Cousineau et al.,

    2002).

    Les conceptualisations de la violence scolaire diffrent considrablement, caractrisantainsi les intrts, les domaines dexpertise et la discipline des auteurs. Aucune dfinition

    universelle de la violence lcole na jusqu prsent t formule. Toutefois, les

    statistiques sur la prvalence montrent limportance du phnomne dans les coles

    secondaires et la ncessit dexaminer plus prcisment certaines facettes, particulirement

    le vcu des victimes.

    1.2. La victimisation par les pairs : la violence telle que vcuepar les victimes

    1.2.1. Dfinition

    La victimisation constitue une exprience relativement frquente chez les enfants et les

    adolescents dge scolaire (Lagerspetz, Bjorkqvist et Peltonen, 1988; Rigby et Slee, 1991;

    Slee, 1995; Withney et Smith, 1993). Le concept de victimisation par les pairs rfre tout

    comportement manifest par une personne envers autrui risquant de causer du tort physique

    ou psychologique (Curtis et OHagan, 2003). Vernberg, Jacobs et Hershberger (1999)dfinissent, pour leur part, cette notion comme tant des actions perptres par un ou

    plusieurs jeunes (auteurs) dans lintention dinfliger des blessures ou souffrances physiques

    ou psychologiques un autre jeune (victime). De manire encore plus prcise, Rigby

    (1997) caractrise la victimisation par un patron de comportements agressifs dirigs, de

    faon discrte et rpte, envers une autre personne au statut plus faible.

    Chercheur renomm sur la relation entre agresseur et victime, Olweus conduit des tudes

    depuis plus de 20 ans dans ce domaine. Spcialiste incontest des problmes de

    harclements et de victimisation, il propose une dfinition gnrale de la victimisation par

    les pairs largement utilise dans les crits. Il suggre quun lve est victime de violences

    ou de victimisation lorsquil est expos, [de manire rptitive], des actions ngatives de

    la part de lun ou plusieurs autres lves (Olweus, 1999a, p. 20). Les comportements sont

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    35/208

    25

    considrs comme tant des actes ngatifs lorsquune personne tente ou parvient porter

    prjudice ou infliger une souffrance autrui avec intention (Olweus, 1999a, p. 20). Ils

    renvoient toute tentative intentionnelle de blesser ou dinfliger un malaise une autre

    personne en recourant la violence physique ou des mots blessants, en la rejetant

    volontairement ou en rpandant de fausses rumeurs son sujet. Il ne sagit pas de gestes

    bnins commis isolment envers lun ou lautre des lves. Le harclement est

    dlibrment dirig vers la victime.

    Par ailleurs, plusieurs termes sont employs indiffremment dans la littrature pour

    signifier toute exprience vcue par des enfants et des adolescents tant la cible dactions

    agressives de la part dautres jeunes. Ainsi, les enfants et adolescents victimes dagressions

    de la part de pairs sont dcrits comme tant harcels (bullied) (Olweus, 1993; Withney et

    Smith, 1993), victimiss (Crick et Grotpeter, 1996; Perry, Kusel et Perry, 1988) ou rejets

    (Vernberg, 1990). La variabilit des concepts utiliss pour dcrire la problmatique de la

    victimisation par les pairs complexifie ainsi la comparaison des enqutes.

    En somme, la victimisation par les pairs rfre essentiellement un comportement :

    (a) agressif ou intentionnel dans le but de blesser autrui, (b) manifest de manire rpte et

    long terme, et (c) survenant lors de relations interpersonnelles o rgne un dsquilibre du

    pouvoir entre agresseur et victime (Olweus, 1993; Olweus, 1999b; Perry, Willard et Perry,1990). Cependant, la comprhension conceptuelle de la victimisation par les pairs ne peut

    tre complte sans une description plus prcise de ses formes.

    1.2.2. Les formes de victimisation lcole

    La victimisation par les pairs prend diverses formes selon le degr de svrit ou le

    caractre direct de lagression pour la victime (Kochenderfer et Ladd, 1996). Dans le cadre

    dune mta-analyse portant sur la victimisation et ladaptation psychosociale, Hawker et

    Boulton (2000) ont identifi cinq principaux types de victimisation : (a) indirecte, (b)

    relationnelle, (c) physique, (d) verbale et (e) non spcifie.

    Tout dabord, la victimisation indirecte renvoie des actions subies par la victime ayant

    pour but de lisoler, de lexclure ou de la rejeter (Olweus, 1994), et ce, par lentremise

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    36/208

    26

    dune tierce personne (Hawker et Boulton, 2000). Elle rfre des gestes de violence subis

    dans le but de causer du tort en manipulant ou en contrlant les relations sociales dautrui

    (Lagerspetz et al., 1988; Olweus, 1994). La propagation de remarques dsobligeantes sur

    une personne, lexclusion sociale et lentretien de liens damiti avec une autre personne

    comme forme de vengeance reprsentent quelques exemples concrets de situations de

    victimisation indirecte (Bjorkqvist, Lagerspetz et Kaukiainen, 1992; Bjorkqvist, Osterman

    et Kaukiainen, 1992; Crick et Grotpeter, 1996). Cette forme de victimisation peut

    galement tre appele victimisation rputationnelle lorsque des torts sont causs

    spcifiquement la rputation dautrui (Prinstein, Boergers et Vernberg, 2001).

    La victimisation relationnelle apparat, quant elle, lorsquune victime subit directement

    des torts de la part dun agresseur via des prjudices (ou menace de prjudices) sur le plan

    des relations sociales (Crick et Nelson, 2002). Plus prcisment, le fait dexclure

    intentionnellement un individu du groupe, de lui mentionner que les autres le dtesteront

    moins quil ne fasse ce que lagresseur lui ordonne et duser de reprsailles dans le but de

    lisoler du groupe social constituent des circonstances impliquant la victimisation

    relationnelle (Crick, Casas et Ku, 1999; Crick et Grotpeter, 1996). Certains auteurs

    ntablissent aucune distinction entre la victimisation indirecte et la victimisation

    relationnelle (Kennedy, 2006). Toutefois, Crick, Nelson, Morales, Cullerton-Sen, Casas et

    Hickman (2001) prcisent que contrairement la victimisation indirecte, la victimisation

    relationnelle implique tant des agressions perptres directement quindirectement envers la

    victime.

    La troisime forme de victimisation, la victimisation physique, rfre des attaques

    physiques ou dintimidation diriges ouvertement envers la victime, telles gifler, donner

    des coups de poing ou des coups de pied, lancer des objets, pousser, bousculer, pincer,

    voler ou prendre sans permission des objets appartenant autrui (Crick et Nelson, 2002;

    Olweus, 1994; Paquette et Underwood, 1999). Effrayer ou menacer physiquement un pair

    constituent galement des comportements lis la victimisation physique (Prinstein et al.,

    2001).

    La victimisation verbale se caractrise, pour sa part, par des agressions verbales directes se

    produisant lors de situations de face--face (Rivers et Smith, 1994). Les menaces, les

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    37/208

    27

    railleries verbales, les moqueries, les taquineries, les sobriquets et le fait de traiter la

    victime de toutes sortes de noms sont considrs comme tant des situations de

    victimisation verbale (Olweus, 1994; Perry et al., 1988).

    Quant la victimisation non spcifie propose par Hawker et Boulton (2000), elle renvoie la notion utilise dans les tudes pour valuer la problmatique de la victimisation dans

    son ensemble. Elle ne dsigne aucune exprience particulire de victimisation et rfre

    toutes formes de victimisation subie.

    Enfin, dautres chercheurs ont suggr leur propre typologie des formes de victimisation en

    distinguant seulement la victimisation physique et verbale (Perry et al., 1988), la

    victimisation directe et indirecte (Olweus, 1994), la victimisation physique et sociale

    (Paquette et Underwood, 1999) ou la victimisation physique et relationnelle (Crick et al.,

    1999). Encore ici, lutilisation de systmes diffrents de classification des types de

    victimisation par les pairs rend les comparaisons entre les tudes difficiles.

    1.2.3. Prvalence

    Les donnes sur la prvalence de la victimisation par les pairs sont trs variables, et ce, en

    raison de lhtrognit des chantillons (lenfance, le dbut de ladolescence et la fin de

    ladolescence), de la diversit des rpondants (les enseignants, les lves, les pairs), du typede violence subie ainsi que de la pluralit des significations et des mthodes dvaluation

    du concept de victimisation utilises dans les crits. Cette situation complique la

    comparabilit des rsultats ainsi que lvaluation de lampleur de la problmatique auprs

    des adolescents.

    Globalement, les recherches portant sur la victimisation par les pairs en milieu scolaire

    rapportent des taux variant entre 10% et 20% dlves identifis comme tant des victimes

    rptition de violence lcole (Batsche et Knoff, 1994; Harachi, Catalano et Hawkins,

    1999; Karatzias, Power et Swanson, 2002; Kochenderfer et Ladd, 1996; Nolin, Davies et

    Chandler, 1996; Olweus, 1993; Perry et al., 1988; Rigby, 1997; Smith et al., 1999; Smith,

    Shu et Madsen, 2001). Nanmoins, la prvalence relative la victimisation occasionnelle

    (victime au moins une reprise, victime quelques fois) est significativement plus leve

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    38/208

    28

    (Coleman et Byrd, 2003; Juvonen et Graham, 2001; Lecocq et al., 2003; Sullivan, Farrell et

    Kliewer, 2006). Des recherches portant sur la victimisation par les pairs ont t menes

    spcifiquement dans des coles qubcoises et franaises. Les principales enqutes

    ralises dans ces deux systmes ducatifs sont prsentes dans les sections suivantes.

    La victimisation par les pairs dans les tablissements scolaires franais

    Tel que dj soulign, Debarbieux et toute son quipe ont men, depuis les dix dernires

    annes, des recherches portant sur la victimisation par les pairs dans maints tablissements

    scolaires franais, soit les coles primaires, les collges ainsi que les lyces. La majorit des

    donnes recueillies auprs de ces milliers dlves sont dcrites dans un rapport rsumant

    les principaux rsultats et conclusions des tudes de 1994-1995, 1998-1999, 2000 et 2003

    (Debarbieux et al., 2003). Il est important de prciser que ces tudes ont t effectues en

    utilisant le mme instrument de mesure, permettant ainsi dtablir certaines comparaisons

    entre les rsultats.

    Cette srie denqutes a dbut au milieu des annes 1990 auprs dun chantillon de

    14 000 lves provenant dtablissements scolaires de tous types sociaux. Les collgiens de

    cet chantillon rapportent avoir t racketts dans 9,2% des cas (Debarbieux et al., 2003).

    Une seconde enqute a t effectue au cours de lanne 1998-1999 auprs de 7 282 lves

    de collges et de lyces professionnels frquentant uniquement des tablissements

    catgoriss sensibles2. Le nombre de victimes de racket dans ces collges dits sensibles est

    demeur quasi identique la premire anne denqute (1994-1995), soit environ 9%. Sur

    le plan de la violence physique, ltude de 1998-1999 rvle quun lve sur quatre

    mentionne avoir t frapp lcole. De plus, 75% des lves disent avoir t insults, 25%

    avoir subi des insultes racistes et 50% avoir t vols (Debarbieux, et al., 1999). Toutefois,

    il est difficile dtablir des comparaisons avec les autres annes denqute en raison de la

    composition de lchantillon, soit des tablissements scolaires considrs comme sensibles.Cette recherche est dailleurs plutt utilise pour analyser le dveloppement de la violence

    spcifique dans ce type dtablissement. Lintrt de suivre lvolution du phnomne de la

    2Les zones urbaines sensibles sont dfinies par lINSEE (n.d.., 1) comme des territoires infra-urbains dfinispar les pouvoirs publics pour tre la cible prioritaire de la politique de la ville, en fonction desconsidrations locales lies aux difficults que connaissent les habitants de ces territoires.

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    39/208

    29

    violence scolaire travers le temps a pouss ce chercheur raliser, durant lanne scolaire

    1999-2000, une troisime enqute de victimation. Debarbieux et ses collaborateurs (2003)

    prcisent que 6,1% des 1098 lves de collges interviews dclarent avoir t victimes de

    racket, soit une baisse significative par rapport la premire recherche en 1994-1995.

    Cependant, les auteurs ne fournissent aucune explication cette baisse significative.

    Enfin, un peu plus de 3 800 collgiens ont particip ltude de 2003. Plus de 72% des

    collgiens se disent victimes dinsultes lcole, 45,1% de vol, 23,9% de coups, 16,1% de

    racisme et 6,1% de racket. Selon Debarbieux et al. (2003), le nombre de victimes a

    tendance diminuer de manire trs sensible selon lge des rpondants. En effet, la

    proportion dlves se disant victimes de racket lcole a diminu entre 1995 et 2003 de

    manire statistiquement significative passant de 9,2% 6,1%. De plus, les rsultats

    montrent une diffrence de genre dans lexprience victimaire. Au collge, les garons sont

    considrablement plus nombreux mentionner avoir t frapps lcole que les filles

    (30% versus 19%). Un nombre galement plus lev de garons que de filles subissent

    plusieurs types de victimisations (18% contre 10%). Cependant, cette diffrence de genre

    ne se dessine pas au niveau du racket savoir quune proportion semblable de filles et de

    garons dclarent avoir t racketts (Debarbieux, et al., 2003).

    la lumire des rsultats obtenus travers ces enqutes, Debarbieux et al. (2003)mentionnent que la victimisation semble avoir chang de nature et dintensit avec les

    annes. Ils affirment que lon peut trs bien avoir moins de victimes mais plus de

    violence car les victimes sont plus durement touches . Les lves de lchantillon de

    2003 vivent une violence perue comme tant plus forte quen 1995, surtout pour les

    victimes de racket (voir Tableau 6).

    Tableau 6 : volution de la perception de la violence par les collgiens victimes de racket

    normment Beaucoup Moyennement Un peu Pas du toutRacketts

    19957,8% 20,3% 23,9% 39,7% 8,4%

    Racketts2003

    19,8% 23,7% 25,9% 27,6% 3,0%

    (Source : Debarbieux et al., 2003, p. 55)

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    40/208

    30

    Ces rsultats indiquent que 28,1% des victimes de racket en 1995 percevaient la violence

    comme tant trs prsente (normment et beaucoup) dans leur tablissement scolaire en

    comparaison 43,5% en 2003. Les perceptions des lves de la violence dans leur cole

    tendent tre plus ngatives ces dernires annes quen 1995.

    Cara et Sicot (1997) ont effectu, pour leur part, une enqute de victimation visant

    valuer la violence en milieu scolaire du point de vue privilgi quest celui de la victime.

    Mene auprs de 2 855 lves de collges de Doubs, cette recherche rapporte que prs de

    70% des collgiens ont t victimes dau moins un acte de violence depuis le dbut de

    lanne scolaire. Plus de la moiti des lves se disent victimes dun manque de respect de

    la part de leurs camarades. Les rsultats obtenus indiquent galement que 27,7% des lves

    se dclarent victimes de dommage envers leurs biens, 23,7% de vols, 15,8% de chantage,

    15,6% de coups, 9,7% de racisme et 4,3% de racket. De plus, cette tude montre que la

    victimisation varie selon lge et le sexe. La victimisation rptition serait vcue plus

    frquemment par les garons ainsi que par les adolescents plus jeunes, soit ceux gs de 12

    et 13 ans. Ainsi, le dbut du secondaire semble tre une priode plus propice la

    victimisation lcole. Enfin, les lves prcisent que les situations de victimisation se

    produisent majoritairement sur la cour de rcration, dans les escaliers et les corridors.

    Cependant, le racket seffectue dans 69% des cas lextrieur de ltablissement, soit dans

    lentre du collge ou sur le chemin de lcole.

    Finalement, Blaya (2001) a ralis une recherche portant sur le climat scolaire, le sentiment

    dinscurit et la victimisation auprs de 3 000 lves franais gs entre 11 et 18 ans. Les

    rsultats rvlent que la violence verbale reprsente la forme de victimisation la plus

    souvent rapporte par les lves. De fait, une proportion de 76,1% des lves dclare avoir

    t victimes dinsultes durant lanne scolaire. Le vol est galement mentionn dans une

    large proportion, soit dans 50,7% des cas. Du ct de la violence physique, 25,6% des

    lves rapportent avoir t frapps. Concernant le racket, les rsultats obtenus sont plus

    faibles que ceux mentionns prcdemment, atteignant 7,6%. La victimisation par les pairs

    dans les collges franais est donc une problmatique importante selon cette chercheuse.

    Un lve sur deux soutient en effet avoir subi une forme ou lautre de violence dans son

    cole au cours de la dernire anne scolaire.

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    41/208

    31

    La victimisation par les pairs dans les tablissements scolaires qubcois

    Au Qubec, lEnqute sociale et de sant auprs des enfants et des adolescents qubcois

    mene par lInstitut de la statistique du Qubec en 1999 a permis, entre autres, dexaminer

    les expriences de victimisation par les pairs en milieu scolaire (Fortin, 2002). Les lves

    devaient indiquer sur une chelle en trois points la frquence des situations de victimisation

    vcues depuis le mois de septembre. Les rsultats de cette recherche dmontrent que la

    victimisation par les pairs (tre victime dun acte de violence verbale ou physique) lcole

    varie selon lge et le sexe. Ainsi, 46,2% des lves gs de 13 ans et 25% de ceux gs de

    16 ans dclarent avoir t victimes dau moins un acte de violence lcole. Les jeunes de

    13 ans se disent victimes dun acte de violence dans 27% des cas et de trois actes de

    violence et plus dans 7,8% des cas. Ces proportions diminuent chez les lves de 16 ans

    pour atteindre respectivement 18% et 2,5%. De plus, des diffrences de genre ont tobserves relativement au phnomne de victimisation tant auprs des jeunes gs de 13

    ans que de 16 ans. En effet, 53,3% des garons et 38,9% des filles de 13 ans ont t

    victimes dau moins un incident de violence depuis le dbut de lanne scolaire en

    comparaison 30,9% des garons et 19,1% des filles de 16 ans. La nature des expriences

    de victimisation lcole varie galement selon le sexe et lge des lves (voir Tableau 7).

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    42/208

    32

    Tableau7:Naturedesexpriencesdevictimisationl

    cole

    13ans

    16ans

    Exprie

    ncesdevictimisation

    Garons

    Filles

    Sexes

    runis

    Garons

    Filles

    Sexes

    runis

    Sefairecrierdesnomsoudesinjures

    Souvent

    9,2%

    4,7%*

    7,0%

    2,2%**

    1,9%**

    2,1%*

    Quelquefois

    39,5%

    30,8%

    35,2%

    22,5%

    14,8%

    18,6%

    Jamais

    51,3%

    64,6%

    57,8%

    75,2%

    83,3%

    79,3%

    Sefairemenacerdesefairefrapperoudefairedtruire

    cequiluiappartient

    Souvent

    2,9%**

    0,8%**

    1,9%**

    0,8%**

    0,5%**

    0,7%**

    Quelquefois

    12,7%

    6,3%*

    9,6%

    5,5%*

    2,7%**

    4,1%*

    Jamais

    84,3%

    93,0%

    88,6%

    93,6%

    96,8%

    95,2%

    Sefairefrapperoupousserviolemment

    Souvent

    3,4%**

    0,9%**

    2,2%*

    0,4%**

    0,3%**

    0,3%**

    Quelquefois

    18,5%

    7,9%

    13,0%

    5,1%*

    2,9%**

    4,0%*

    Jamais

    78,1%

    91,2%

    85,0%

    94,6%

    96,8%

    95,7%

    Sefaireoffrirdelarg

    entpourfairedeschosesdfendues

    (voler,menaceroubattrequelquun)

    Souvent

    0,9%**

    0,0%

    0,5%**

    1,2%**

    0,0%

    0,6%**

    Quelquefois

    2,9%**

    0,9%**

    1,9%*

    4,0%*

    1,0%**

    2,5%*

    Jamais

    96,2%

    99,1%

    98,0%

    94,8%

    99,0%

    96,9%

    Subirdesattouchementssexuelsnonvoulus

    Souvent

    0,2%**

    0,0%

    0,1%**

    0,5%**

    0,3%**

    0,4%**

    Quelquefois

    1,6%**

    1,8%**

    1,7%**

    0,8%**

    2,6%**

    1,7%*

    Jamais

    98,2%

    98,2%

    98,3%

    98,7%

    97,1%

    97,9%

    *

    Coefficientdevariationentre15%et25%;interprteravecprudence.

    **Coefficientdevariationsuprieur25%;estimationimprcisefournietitreindicatifseulement.

    (Source:Fortin,2002,p.459)

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    43/208

    33

    Les expriences de victimisation les plus souvent mentionnes par les victimes dans le

    cadre de cette tude sont : (a)se faire crier des noms ou des injures, (b)se faire menacer de

    se faire frapper ou de se faire dtruire ses biens, et (c) se faire frapper ou pousser

    violemment. Se faire crier des noms ou des injuresressort comme tant lacte de violence le

    plus souvent cit de manire gnrale par les lves. Les noncs Se faire offrir de largent

    pour faire des choses dfendues (voler, menacer ou battre quelquun) et Subir des

    attouchements sexuels non voulus ne sont que trs peu dclars par les lves. Selon les

    rsultats de cette enqute, les garons se disent plus souvent victimes de violence lcole

    que les filles, et ce, peu importe lacte de violence commis leur gard. De plus, les

    adolescents plus jeunes (13 ans) semblent galement plus souvent victimiss lcole que

    leurs camarades de 16 ans, indpendamment du type de comportement de violence.

    Cette tude a galement permis de recueillir des donnes relatives au taxage. Ainsi, les

    adolescents de 13 ans se disent victimes de taxage dans 2,3% des cas comparativement

    1,3% chez les jeunes de 16 ans. Encore une fois, les adolescents (13 ans : 3,6%; 16 ans :

    2,3%) affirment tre plus souvent victimes de taxage que les adolescentes (13 ans : 0,9%;

    16 ans : 0,3%).

    Le ministre de la Scurit publique du Qubec a pour sa part ralis une recherche sur le

    taxage en milieu scolaire auprs de 16 660 lves dcoles primaires et secondaires duQubec (Cousineau et al., 2002). Les rsultats indiquent que 11% dentre eux sont victimes

    de taxage et que parmi eux, 75% ont t la cible dun taxeur une seule fois et 0,9% six fois

    et plus. Le fait dtre victime de taxage semble tre une problmatique davantage

    masculine. En effet, 6 victimes de taxage sur 10 sont des garons. Chez les filles, le taxage

    diminue avec lge. Prs de 8% des filles de secondaire 1 3 ont t victimes de taxage

    lcole comparativement 4,6% pour les filles de secondaire 4 et 5. Du ct des garons,

    cette tendance na pas t observe; le fait dtre victime de taxage tend demeurer

    relativement stable travers les cycles scolaires pour les adolescents. Environ 10,7% des

    garons de secondaire 1 3 et 11,8% de secondaire 4 et 5 auront t victimes.

    Finalement, selon la plus rcente recherche qubcoise denvergure sur la violence scolaire,

    soit lEnqute sur la violence dans les coles publiques qubcoises (VEQ/tude sur

  • 7/23/2019 victimisation-pairs-adolescence.pdf

    44/208

    34

    lenvironnement socio-ducatif des coles qubcoises), la victimisation par les pairs

    reprsente une ralit bien relle laquelle les milieux scolaires doivent faire face. Il est

    inquitant de constater que la prvalence de la victimisation par les pairs au secondaire

    (victime au moins une fois dun acte de violence lcole) slve 50% p