3
Victor Hugo par David d’Angers (1788 - 1856) et Auguste Rodin (1840 - 1917) David d'Angers a réalisé plusieurs portraits sculptés de Victor Hugo (1802-1885)au cours de sa carrière, exploitant son image et entretenant une relation de respect et d'admiration mutuelle avec l'écrivain. Il exis- te dans la collection de la galerie David d'Angers quatre représentations témoignant de ces échanges. Les funérailles du général Foy bas-relief en plâtre, monument funéraire commandé pour le cimetière du Père Lachaise à Paris, h : 123x285 cm, 1825-1829 à droite, détail avec Victor Hugo Ce serait la première apparition de l'écrivain, représenté parmi les amis et personnalités portant le cercueil, de profil comme sur une monnaie. Il s'agit d'un des trois grands bas-reliefs en pierre illustrant les actions du grand homme tels trois grands tableaux héroïques. Dans celui-ci, le convoi mortuaire est vu en plan rapproché et parfaitement de profil. C'est l'occasion pour David de réaliser une belle galerie de portraits, précis et réalistes, y compris le sien (un peu plus loin dans l'assemblée). Outre la famille, le cortège laisse une bonne place aux sympathisants poli- tiques plus qu'aux réels proches. Ainsi le poète est-il judicieusement installé au centre, attestant des bon- nes grâces de David à son égard. Le sculpteur représente donc plus le ralliement métaphorique à une pen- sée libérale que l'événement historique en temps que tel. Tandis que la statue du général trône, représentée à l'antique sur le monument, les concitoyens sont au contraire habillés en costume moderne. Cette configuration tend à confirmer par son aspect novateur l'at- tachement du sculpteur à la vie intellectuelle contemporaine et sa volonté d'afficher ses convictions politi- ques. Il rend hommage au député et présente l'immense convoi populaire lors de ses obsèques. David se révèle reconnaissant envers Hugo également en se montrant d'ailleurs à côté de son égérie. Le bas-relief reprend une composition extrêmement classique, tandis que les personnages, représentés dans leur contexte contemporain, sont savamment mis en scène. Victor Hugo est reconnaissable à son profil : front dégagé, mèche de cheveux en bataille revenant sur la tempe, traits fins et long nez droit, ce qui lui confère une bonne ressemblance. Par contre, son corps est vu dans une posture stéréotypée, calquée sur les deux autres porteurs qui le jouxtent. MUSÉES D’ANGERS - service culturel pour les publics - 1/3 Artiste -Thème

Victor Hugo - Angersmusees.angers.fr/.../DavidAngers_Rodin_Hugo_02.pdf · 2014-07-30 · Victor Hugo par David d’Angers (1788 - 1856) et Auguste Rodin (1840 - 1917) David d'Angers

  • Upload
    others

  • View
    5

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Victor Hugo - Angersmusees.angers.fr/.../DavidAngers_Rodin_Hugo_02.pdf · 2014-07-30 · Victor Hugo par David d’Angers (1788 - 1856) et Auguste Rodin (1840 - 1917) David d'Angers

Victor Hugo

par David d’Angers (1788 - 1856)

et Auguste Rodin(1840 - 1917)

David d'Angers a réalisé plusieurs portraits sculptés de Victor Hugo (1802-1885)au cours de sa carrière,exploitant son image et entretenant une relation de respect et d'admiration mutuelle avec l'écrivain. Il exis-te dans la collection de la galerie David d'Angers quatre représentations témoignant de ces échanges.

Les funérailles du général Foybas-relief en plâtre, monument funéraire commandé pour le cimetière du Père Lachaise à Paris, h : 123x285 cm, 1825-1829

à droite, détail avec Victor Hugo

Ce serait la première apparition de l'écrivain, représenté parmi les amis et personnalités portant le cercueil,de profil comme sur une monnaie.Il s'agit d'un des trois grands bas-reliefs en pierre illustrant les actions du grand homme tels trois grandstableaux héroïques. Dans celui-ci, le convoi mortuaire est vu en plan rapproché et parfaitement de profil.C'est l'occasion pour David de réaliser une belle galerie de portraits, précis et réalistes, y compris le sien (unpeu plus loin dans l'assemblée). Outre la famille, le cortège laisse une bonne place aux sympathisants poli-tiques plus qu'aux réels proches. Ainsi le poète est-il judicieusement installé au centre, attestant des bon-nes grâces de David à son égard. Le sculpteur représente donc plus le ralliement métaphorique à une pen-sée libérale que l'événement historique en temps que tel. Tandis que la statue du général trône, représentée à l'antique sur le monument, les concitoyens sont aucontraire habillés en costume moderne. Cette configuration tend à confirmer par son aspect novateur l'at-tachement du sculpteur à la vie intellectuelle contemporaine et sa volonté d'afficher ses convictions politi-ques. Il rend hommage au député et présente l'immense convoi populaire lors de ses obsèques.David se révèle reconnaissant envers Hugo également en se montrant d'ailleurs à côté de son égérie. Le bas-relief reprend une composition extrêmement classique, tandis que les personnages, représentésdans leur contexte contemporain, sont savamment mis en scène.Victor Hugo est reconnaissable à son profil : front dégagé, mèche de cheveux en bataille revenant sur latempe, traits fins et long nez droit, ce qui lui confère une bonne ressemblance. Par contre, son corps est vudans une posture stéréotypée, calquée sur les deux autres porteurs qui le jouxtent.

MUSÉES D’ANGERS - service culturel pour les publics - 1/3

Œuvre - Artiste -Thème

Page 2: Victor Hugo - Angersmusees.angers.fr/.../DavidAngers_Rodin_Hugo_02.pdf · 2014-07-30 · Victor Hugo par David d’Angers (1788 - 1856) et Auguste Rodin (1840 - 1917) David d'Angers

Témoignage des échanges féconds entre les deux génies romantiques, cet homma-ge sculpté du "poète du marbre" montre Hugo sous un faciès figé et doté d'unechevelure mouvementée ménageant un vaste front bosselé. L'assise du buste sem-ble très stable sous le large col de sa redingote. La tête est plus engoncée, le cousolidement calfeutré par une lavallière serrée mais vite nouée. Le regard de la figu-re paraît presque absent, tant la ciselure de l'iris est discrète. Du coup, le modèletrône de manière imposante, mais semble perdu dans des pensées intérieures.Victor Hugo en apprécia la majesté et ne tarit pas d'éloge à son égard : "Sous cette

forme magnifique, mon ami c'est l'immortalité que vous m'envoyez... Vous êtes un

homme admirable et je vous aime ". David dissociait bien dans son art, aussi bien dans ses œuvres que dans ses écrits,le portrait sculpté et la statue. Il estimait dans une claire hiérarchisation que seulela statue pouvait glorifier les vertus dont était digne le grand homme. Il ne fit pasde statue d'Hugo, mais toutes les recherches préparatoires pouvaient égalementaccéder au niveau ultime par la gravure du nom du modèle figurant sur l'épreuvesculptée, dernier élément visible de la glorification.

Dans cette version, le poète est affiché à l'antique, le cou nu, la chevelure arran-gée. Le visage plus détendu porte une couronne de laurier inclinée en arrière, cequi dégage de nouveau le vaste front. Dans cette épreuve, les traits paraissent beaucoup plus épurés, comme stylisés. Levisage est davantage idéalisé et mis en scène. David transcende par là la simpleimage d'un homme en un portrait réservé aux grands hommes. L'image spontanéede l'écrivain est transformée en celle d'un empereur ou d'un monarque.L'usage d'un autre code plastique permet cette nouvelle lecture : coiffure, couron-ne, nudité, inclinaison de la tête, cadrage du buste lauré en Hermès.Le portrait sculpté n'est plus dans cetteœuvre une question de ressemblance auréférent, mais bien une interprétationlibre et personnelle de l'artiste.

MUSÉES D’ANGERS - service culturel pour les publics - 2/3

Médaillon, dédicacé

A mon célèbre ami Victor Hugo,

diam. 20 cm, 1828

Ce médaillon fut imaginé lors d'un retour à Paris à l'occasion duquel Davidse montre en tant qu'historiographe des grands romantiques. Le caractéris-tique grand front dégagé, la coiffure divisée en deux mèches et le col duvêtement aux reliefs évidents confèreraient presque, à Victor Hugo, uneressemblance avec Bonaparte... Les contours du médaillon sont imprécis etaléatoires, comme extraits d'un bas-relief. En remerciement, Hugo lui dédieune ode, A David statuaire, qu'il intègre dans Les feuilles d'automne (28 juil-let 1828), et qu'il dédicace en ces termes : "Du papier pour du bronze".On admirait dans le visage d'Hugo : "Ce front de dieu et de César qui appel-

le les couronnes d'or et ces deux yeux fauves pareils à des prunelles d'aigle".David montre son admiration et son respect du poète dans plusieurs ver-sions de la tête d'Hugo. Ici, l'effigie prend place aux côtés de tous les autresgrands hommes contemporains dans le panthéon personnel de l'artiste.Pour le sculpteur, le profil montre le caractère alliant physique et moral : "…La face vous regarde. Le profil est en relation avec d'autres êtres ; il va vous

fuir, il ne vous regarde même pas. La face vous montre plusieurs traits et

c'est plus difficile à analyser. Le profil c'est l'unité. "

Buste de Victor Hugo (à 35 ans),

terre cuite, H:66xL34xP30 cm, 1837

buste à la française, taillé en Hermès

Buste de Victor Hugo couronné

(à 40 ans), terre cuite, H:68, 1842

Dans ses diverses interprétations de l'image de Victor Hugo,David s'intéresse surtout au caractère moral de son modèle,comme dans les autres grandes figures romantiques qu'étaientChateaubriand, Lamartine ou Goethe.

Page 3: Victor Hugo - Angersmusees.angers.fr/.../DavidAngers_Rodin_Hugo_02.pdf · 2014-07-30 · Victor Hugo par David d’Angers (1788 - 1856) et Auguste Rodin (1840 - 1917) David d'Angers

Les vertus de ces grands hommes sont exacerbées en exagérant le front et le crâne, tandis que la chevelu-re encadre noblement le visage. Néanmoins, les bustes témoignent aussi d'une grande ressemblance aumodèle, dans un souci de simplicité et une recherche de naturel. L'effet rendu témoigne des séances de poses souvent longues et nécessaires.

Pour résumer, toutes les effigies de Victor Hugo sont bien reconnaissables, mais l'artiste a essayé des modesplus fantaisistes que d'autres en s'autorisant quelques libertés, sans toutefois nuire à l'image du modèle.La vogue du portrait sculpté ne connaît aucun équivalent aujourd'hui, si ce n'est peut-être par le biais del'image photographique ou bien même de la vidéo.

Victor Hugo par Auguste Rodin

Le sculpteur ne reçoit commande officielle qu'à partir de 1889. Il avait auparavant envisagé de faire poser sonmodèle, mais ce ne fut jamais possible… L'Etat lui commande un monument pour le Panthéon redevenu mauso-lée le 16 septembre 1889. Sa production chaotique et mouvementée l'occupera près de vingt ans !Rodin imagine dans un premier temps un groupe montrant le poète exilé, en costume d'époque, assis surun rocher au milieu des muses. Puis il penche pour la sculpture héroïque classique : Hugo est représenté nualors que la mode, en rupture au néo-classicisme, préconise le costume moderne ! C'est un choc dont l'artiste se dépêtrera en proposant finalement un monument- habillé- adopté pour le jardin du Luxembourg. Mais alors qu'on lui reprochait l'absence de position debout du héros, il se voit confier une nouvelle commande d'un sujet assis, sans les muses, en marbre, et tardivement installé dans le jardin du Palais Royalen 1909. Costumes, poses, accessoires, muses, ou allégorie, lui causèrent bien des tracas et il finit pourtant par aban-donner. C'est alors que le Penseur est installé devant le Panthéon (1906), et on lui commande une versiondes Bourgeois de Calais pour l'édifice.De très nombreuses versions de masques, de bustes, de torses ou portraits en pied jalonnent les deuxdécennies de cette genèse. Chaque nouvelle version a exploré un aspect différent du modèle, tantôt dansune approche réaliste, tantôt dans des interprétations singulières.

De nombreux dessins d'études de la tête de Victor Hugo montrent comment Rodin envisageait la tête entant qu' architecture, un modèle à observer en plongée et une figure à ausculter sous tous les angles, afinde dégager d'innombrables vues. La tête livrait alors tous ses secrets au génial découvreur de profils. Rodin disait se servir des profils comme d'armatures, d'ossatures pour bâtir ses portraits.

MUSÉES D’ANGERS - service culturel pour les publics - 3/3

1. Etude, plâtre, vers 1890, musée Rodin

La recherche de spontanéité et le geste rapide

sont évidents dans cette esquisse d'attitude.

Le visage est coupé dans sa partie inférieure,

comme enchâssé dans le sol. Le modelé de la

tête est très vif et on ressent les aspérités et les

excavations du modelage brut. Le faciès est rude

et tourmenté.

2. Etude de tête pour V. Hugo,

réduction en terre cuite, après 1893, musée Rodin

Le masque est traité à l'antique, le regard vide et l'expression figée.

3. Victor Hugo debout, plâtre, 1909,

musée Rodin

Le portrait sculpté devient statuemonumentale. Le corps du poète esttransposé en athlète au pas décidé,robuste et volontaire.