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La vie humaine a-t-elle une valeur économique ?
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La vie humaine a-t-elle une valeur conomique ?
Fernand Martin Department of Economics Universit de Montral P.O. Box 6128 Succursale Centre-ville Montral (Qubec) Phone : (514) 343-7216 Fax : (514) 343-7221 E-Mail : [email protected]
15 fvrier 2003
2
Nous sommes dj six milliards dhumains prsents sur la terre, est-il rentable de subventionner
les soins mdicaux ncessaires pour prolonger de quelques jours, mois ou annes, la vie dun
septuagnaire cardiaque ? La rponse est oui sil sagit dun clone de Mozart encore productif,
mais la rponse est non sil sagit dune personne ordinaire1 (comme moi et probablement
comme vous). Il en est de mme des mesures favorisant la natalit et limmigration.
ventuellement, il faudra aussi dterminer sil est rentable de cloner certains humains.
Pour comprendre cette position amorale, il faut se rfrer la notion du bien-tre collectif
dveloppe par des conomistes en vue dassurer lefficacit du fonctionnement du systme
conomique. Pour eux, un projet est efficace sil amliore le bien-tre collectif i.e., sil
procure un surplus certaines personnes (sous forme de surplus du consommateur ou du
producteur) sans rduire celui des autres ou si les gagnants suite au projet peuvent compenser les
perdants ou sil augmente (conomise) le stock de ressources. Comme lanalyse dun tel projet se
fait laide de la demande pour les biens et que la demande correspond sous contrainte
budgtaire la disposition payer pour les biens, la thorie conomique se trouve dire quune
chose a de la valeur seulement sil y a des gens disposs payer pour elle. Cela vaut tant pour les
biens et services que pour la vie humaine. Si la disposition payer est nulle, la chose na pas de
valeur (quoiquen disent les experts). Dun autre ct, sil est impossible de dcouvrir la
disposition payer par des mthodes relevant de la science conomique2, les conomistes sont
inaptes valuer la chose.
Ce raisonnement, en apparence trivial, a les implications suivantes :
1. La vie humaine ne peut pas avoir une valeur conomique infinie ;
2. La vie humaine a des substituts ;
3. La multiplication des tres humains ordinaires augmente le revenu national mais pas le
bien-tre collectif.
1 Il est possible toutefois que cette personne soit soigne si elle a pralablement accumul, en contribuant une assurance maladie, les ressources ncessaires son traitement car les gens ordinaires tiennent la vie et ils lvaluent en dpensant sur des biens et services utiles au maintien de la vie et en payant des taxes pour financer un systme public de sant (nous compltons ce raisonnement notre section F). La subvention nintervient que si la personne na pas dassurance ou bien que le cot du traitement excde sa capacit de payer ou celle de son assureur. 2 Cest le recours la disposition payer qui rend conomique un modle danalyse, et non pas la technique statistique utilise qui elle, peut servir dautres disciplines.
3
4. Comme la vie des gens ordinaires ne modifie pas le bien-tre de la collectivit, la
dimension de la population dun pays est immatrielle. Toutes choses tant gales, un
pays na pas intrt augmenter sa population except laide dindividus
exceptionnels3, car seuls ces individus produisent des externalits positives ou laissent
des hritages qui augmentent le bien-tre collectif.
5. Paradoxalement, dans les domaines du transport, de lenvironnement et parfois dans la
sant, le gouvernement utilise lanalyse avantages-cots (conomique) pour justifier des
projets qui sauvent ? des vies4, e.g. on justifie la reconstruction de routes qui, sans
modifications, causent des accidents mortels, alors que lapplication de la thorie
conomique pour valuer les vies sauves est tellement seme dembches quelle
offre des valeurs incertaines, exagres ou arbitraires.
Justification brve de ces noncs.
A) Limpossibilit de mettre un prix infini sur la vie
Comme on la dit auparavant, dans une problmatique defficacit, la disposition payer
sexprime sous la forme dune demande. Or la demande est un dsir exprim sous une contrainte
budgtaire. Comme le budget des gens et mme celui de la socit est fini, la demande ne peut
pas tre infinie. Cest la position inconfortable de la condition humaine : nos dsirs sont infinis,
mais nos moyens de les raliser sont limits. On ne peut donc pas, par exemple, demander aux
mdecins de mettre tout en uvre pour prolonger la vie de tout le monde puisque la socit nen
a pas les moyens5, dautant plus que la vie a des substituts.
Bien entendu, il est ici question dune vie statistique envisage ex ante qui seule est
susceptible dtre considre dans un calcul defficacit (conomique) des projets, cest--dire
une valeur de vie utilisable pour prendre des dcisions pour la collectivit en matire de sant,
3 Cest ce que reconnat en partie la politique dimmigration des tats-Unis. 4 Il sagit ici dun abus de langage car tout le monde finit par mourir. Ce que lon fait est simplement de retarder la mort. 5 Ce sont les nouvelles technologies qui vont empcher les gouvernements de remplir leur promesse de fournir des soins de sant adquats tout le monde. Par exemple, le recours au cur mcanique, utilis aux tats-Unis mais non disponible au Qubec (except sur une base exprimentale) cote 80 000 $ lachat et 70 000 $/an pour lentretien. Il pourrait lui seul accaparer ventuellement un dixime du budget de la sant du Qubec tout en maintenant en vie une infime portion de la population. Comme il sagit dune situation politiquement inacceptable, la solution sera de rationner le traitement en question. La consquence sera soit de permettre au secteur priv de fournir ce soin mdical, soit de fermer les yeux sur une prfrence donne aux patients influents ou qui achteront un cur mcanique aux tats-Unis.
4
dinfrastructures et denvironnement. Notons que cette valeur nest pas approprie pour les
poursuites judiciaires ayant pour but de compenser des gens lses, puisque la base de la
compensation est alors lquit6.
Dans le cas de la vie dun individu identifiable priori, les ressources utilises pour prserver
cette vie dpendent de sa capacit de payer et des dispositions motives des personnes
intresses. La rationalit conomique ne joue pas de rle ici7.
La mthode dvaluation base sur le capital humain nest pas utilise dans les analyses
avantages-cots car elle est peu compatible avec lefficacit parce que comme on va le montrer
plus bas, une augmentation de revenu national nest pas ncessairement une augmentation de
bien-tre et de plus lapproche du capital humain ne couvre pas toutes les dimensions dune vie
humaine, e.g. elle nglige la valeur du loisir (Zerbe et Dively, 1994, p. 431).
B) La vie humaine a des substituts
Comme les conomistes se fient sur le comportement des gens sur les marchs des biens et
services pour tablir la valeur des choses, ils en dduisent que la vie humaine a des substituts. En
effet, ils constatent que les gens consacrent dautres biens des ressources et/ou des efforts qui
pourraient tre utiliss pour maintenir la vie. Par exemple, ils notent quen Amrique du Nord, 40
pour cent de la population (e.g. les obses, les fumeurs, les alcooliques, les drogus et les
individus qui ont dautres comportements risque, comme les cascadeurs, motocyclistes, etc.,
ainsi que ceux qui se suicident) a un comportement autodestructeur qui value la vie zro ou
presque.8
6 La valeur dune vie humaine est dans ce cas base sur lapproche du capital humain o la valeur dune vie est variable puisquelle correspond la valeur du flux des productions supplmentaires de biens obtenue sur la prolongation de la vie de lindividu, moins les cots de maintenir la vie durant cette priode, y compris celui des maladies; le tout en dollars actualiss. Les cours de justice acceptent parfois dajouter des montants arbitraires correspondant aux souffrances morales des proches de la personne disparue. Par exemple, le congrs des tats-Unis a adopt une mthodologie semblable pour compenser les victimes de lattentat du 11 septembre 2001, qui a dtruit le World Trade Center de New-York. Dans cette mthodologie, la compensation des gens ordinaires est en fonction de lge de la victime, de son revenu (aprs impt) et de ses responsabilits matrimoniales. Pour une victime de 35 ans, marie sans enfant, dont le revenu est de 10 000 $/an, la compensation avant les dductions pour le montant dune assurances vie et bnfices similaires payables au dcs est de 573 402 $. La compensation dune victime du mme ge marie sans enfant ayant un revenu de 225 000 $/an est de 4 179 534$. (Source : www.usdoj.gov/victimcompensation) 7 Il est entendu que si lauteur de ces lignes tait avis par les mdecins que sa mort est imminente moins de dpenser un million de dollars en soins mdicaux spciaux, il ferait des pieds et des mains pour amasser cette somme. 8 Cest pour cela que dans un systme de soins de sant rationns par le gouvernement comme au Canada et en Grande-Bretagne, certains mdecins refusent de soigner les fumeurs. Bientt on cessera de soigner les obses, ceux qui ne bouclent pas leur ceinture
5
Pour les autres, i.e. la population dont le comportement est cohrent avec une valeur positive de
la vie9, on a utilis, en labsence de marchs transigeant directement la vie10, deux sortes de
mthodes pour dcouvrir le prix (la disposition payer) que les gens mettent implicitement sur
leur vie. Il sagit :
1) de lvaluation conditionnelle o laide dun questionnaire, on essaie damener un
individu reprsentatif rvler sa vraie disposition payer pour conserver sa vie
(un cas de prfrences dclares)
2) des mthodes hdonistiques o par lobservation de certaines transactions (ou
comportements) faites par lindividu sur un march rel ou hypothtique, on value la
vie, i.e. on infre le prix que les gens mettent implicitement sur leur vie, (un cas de
prfrences rvles).
La littrature est norme des deux cts, utile, mais non dcisive cause des problmes
dinfrence statistique lis ces mthodes.
Lvaluation conditionnelle (EC)
Lvaluation conditionnelle (EC), une mthode denqute, a acquis sa lgitimit lorsquen 1992-
1993, un comit dminents experts a, sous plusieurs conditions restrictives, habilit la mthode
dEC valuer les dommages environnementaux (et non spcifiquement la vie humaine) surtout
dans les cas de poursuites judiciaires. Du point de vue thorique, elle traite directement des biens
publics et des externalits, et a lavantage dincorporer la valeur dexistence (une valeur de non-
usage)11 en sus des valeurs dusage des biens publics ou des externalits. Mais cela n'a pas ralli
de scurit et ainsi de suite. Ce qui est logique dans une approche de promouvoir lefficacit, car si lindividu value sa vie zro, pourquoi la socit le ferait-elle autrement? Bien entendu, la socit peut dcider de soigner quand mme un voleur de banque qui a t perdant dans un change de coups avec la police, mais ce sera en vertu dun motif de compassion et non pour tre efficace. Techniquement, soigner ce voleur est du gaspillage. 9 Cela comprend aussi ceux qui tiennent la compagnie de dautres humains et/ou veulent aider mme ceux qui ne tiennent plus vivre. Ces gens attachent srement une valeur la vie, mme si ce nest pas toujours pour des motifs conomiques, voil pourquoi, comme on la vu, en cas de dcs ils sont compenss en vertu de lquit. 10 titre exceptionnel, il y aurait le march des esclaves qui fournit la valeur conomique la plus exacte de la vie de certains individus. Il en est de mme de la traite des blanches, des prisonniers de guerre ou des victimes de ravisseurs, dont la vie a une valeur dchange. Au Mexique et en Colombie, lindustrie du kidnapping est florissante. La vie humaine peut mme servir la spculation financire. cet effet, il y a de grandes entreprises amricaines qui assurent la vie de leurs employs ordinaires tout en demeurant les seuls bnficiaires au cas de dcs. Mais cela ne rvle pas la valeur conomique, i.e. la disposition payer pour une vie humaine de la part des individus dont la vie est en cause. 11 La valeur dexistence dune chose est la valeur attache cette chose par ceux qui, mme sils ne consomment pas la chose prsentement ou mme dans lavenir, sont prts payer des taxes pour subventionner lexistence de la chose Par exemple, des
6
certains irrductibles comme Diamond et Hausmann (1994). Ces derniers maintiennent que la EC
souffre de lembedding effect, i.e. la confusion entre les valeurs partielles dun projet et la
valeur de lensemble du projet12, quelle pratique lautocensure, i.e. on limine arbitrairement les
valeurs nulles ou trs fortes, et quenfin les valeurs produites sont exagres par leffet du warm
glow i.e. les individus tablissent leur disposition payer en se rfrant leurs sentiments
charitables au lieu de sen tenir lefficacit. Labsence de contrainte budgtaire effective
explique en partie ces problmes puisquil est difficile, en labsence de transactions, de rendre les
rpondants conscients des limites budgtaires. ventuellement, on rduit lEC un poll
dopinions o le taux de fiabilit est variable. De plus, les ennemis de la mthode rappliquent en
insistant sur la cohrence complte dans son application. Ce qui implique que si dun ct, on
augmente la valeur des avantages du projet par leur valeur dexistence, on devrait aussi
augmenter les cots du projet de leur valeur dexistence ressentie par les gens lss par le projet.
Par exemple, le protocole de Kyoto naurait pas seulement une valeur dexistence positive lie
la conservation de certaines ressources, e.g. lair, mais il aurait une contrepartie ngative
consistant dans la valeur dexistence du chmage de certaines ressources comme la dtresse13 des
travailleurs mis pied dans lindustrie du ptrole. Enfin, il y a toujours les faiblesses inhrentes
toute enqute de prfrences dclares (Boiteux, 2001, p. 95), soit le biais des rpondants et
des intervieweurs, le manque de familiarit et de proximit et de reprsentativit des rpondants
(voir Mitchell et Carson, 1989, et Cropper et Oates, 1992).
Cependant, tout nest pas rejeter dans les rsultats de la mthode. Quelques points de dtails
sont corrigs. Par exemple, Alberini et al. (2002) montrent que la disposition payer pour
conserver la vie ne diminue pas avec lge alors que dautres mthodes, e.g. lapproche du capital
humain, disent le contraire14.
rsidants dune ville qui ne vont pas au baseball, mais qui sont prts subventionner un club cause de lamlioration de limage de leur ville due la prsence du club. 12 Par exemple, on a trouv que les gens fournissent une certaine valeur pour un lac menac par la pollution; cependant ils fournissent peu prs la mme valeur pour un groupe de lacs comprenant celui dont il a t question. 13 Cette dtresse se mesure sous forme de psychic losses qui fait que les pertes dues au chmage comprennent non seulement les pertes financires mais aussi la diminution de satisfactions sous forme de la perte dun milieu de travail stimulant, de pouvoir sur dautres, de la reconnaissance des patients (si on est mdecin soignant), du prestige, etc. Sur ce point, Clark et Oswald (2002, p. 13-15) ont trouv un quivalent montaire cet vnement. 14 En effet, la valeur de la vie pour les gens gs tablie par lapproche du capital humain diminue avec lge et les maladies. Selon les calculs du Victim Compensation Fund, 50 ans, la valeur de la vie nest que le tiers ou le quart de ce quelle tait 25 ans.
7
Mais comme la justification des experts la t seulement pour lvaluation des biens publics et
externalits, son utilit pour valuer la vie humaine reste dmontrer puisque la vie humaine
nest ni un bien public ni une externalit15.
Il existe une autre mthode, elle aussi base sur lexploitation dun questionnaire qui, sous
certaines hypothses, peut mener tablir la valeur de la vie16. Elle part de la compensation
requise pour ramener un individu sur sa courbe dindiffrence originale (ou niveau dutilit
original) suite un choc ngatif comme sa mise au chmage, la dtrioration de sa sant, etc.
La compensation montaire est alors tablie en analysant dans un cadre de rgressions les
rponses des gens un questionnaire sur leur niveau de bonheur (happiness) eu gard certaines
situations de richesse, de sant, demploi, etc. (voir Clarke et Oswald, 2002). Ces auteurs ont
trouv, par exemple que le passage dun tat de sant excellent un tat de sant mdiocre (mais
sans perte de vie), exige une compensation de 48 000 $US / mois pour ramener lindividu au
niveau dutilit o il se trouvait avant ce choc (ibid., p.15). En extrapolant cette valeur, on obtient
finalement une valeur implicite de vie17. Tout dabord, sur une base annuelle, la compensation se
monte 576 000 $US / an. Ensuite, si cette diminution de sant est permanente et se produit
lge de 40 ans pour un individu qui a encore 30 ans vivre, la valeur actualise de la
compensation se monte 576 000 x (P/A, 5,30)18, soit 8,85 millions $, un montant considrable.
Comme la perte de la vie est un vnement encore plus dommageable que la simple diminution
de ltat de sant, la compensation pour la perte de la vie doit logiquement tre plus grande que la
valeur de lune de ses composantes, e.g. la sant. Selon les rsultats de Clark et Oswald (2002), la
vie elle-mme a donc une valeur plus grande que 8,85 millions $ (montant rclam pour une
simple diminution de ltat de la sant). Mais bien y penser, part lnormit de la valeur de la
vie obtenue, il ny a pas dopposition entre lapproche de Clark et Oswald ainsi que toute la
littrature qui les accompagne et celle mentionne plus haut parce que ce que Clark et Oswald
valuent est une vie particulire (celle du rpondant au questionnaire) et non une vie statistique
qui seule, peut servir lanalyse avantages-cots. Or, comme on la dit prcdemment, la vie
dun individu a pour lui une valeur infinie, de sorte que comme la source des donnes de Clark et
15 La scurit est cependant, dans certains cas, un bien public. 16 Nous la mentionnons car elle a une base empirique norme et elle est populaire dans les priodiques scientifiques. 17 Ce que ne font pas Clark et Oswald (2002). 18 Coeffiocient qui fournit la valeur prsente dune annuit de 30 ans au taux dintrt de 5%.
8
Oswald est dans les rponses obtenues sans contrainte budgtaire19 dindividus sur la valeur des
composantes de leur propre vie, il sensuit des valeurs qui tendent vers linfini, ce qui disqualifie
la mthode pour lanalyse A/C.
Mthodes hdonistiques
Thoriquement, cest en comparant deux situations relles ou hypothtiques en tout point
semblables, except en ce qui a trait au risque de mort support volontairement20, que le
tmoignage sur la disposition payer pour la vie serait selon Mishan (1976), le meilleur. Le gain
supplmentaire alors exig pour supporter le risque additionnel mesurerait la disposition payer
ou accepter un montant comme compensation pour la perte de la vie. Dans cette veine, de
nombreuses tudes ont :
1) compar des emplois dangereux des emplois scuritaires21;
2) compar des routes semblables except en ce qui a trait aux probabilits daccidents22;
3) dans une situation de risque gnral de maladies et daccidents, valu les dpenses de
consommation faites pour conserver ou prolonger la vie23.
Comme on le verra plus bas, ces mesures ont une certaine utilit mais leur emploi gnralis est
limit par certains dfauts quelles partagent parfois avec la mthode dEC :
i) La littrature base sur les mthodes hdonistiques rapporte des valeurs de la vie tires de
situations risques et concernant des adultes en sant. Or, plusieurs de ces gens occupent
des emplois trs risqus dmontrant ainsi quils ont peu daversion pour le risque et donc,
quils sont peu reprsentatifs de la population (Alberini et al., 2002).
19 Dans Clark et Oswald (2002), labsence de contrainte budgtaire est dmontre par le fait que lindividu moyen qui constitue lchantillon de la recherche ne gagne que 36 000 $US / an alors quil se dit prt payer ou du moins exige comme compensation 576 000 $US/ an pour viter une dtrioration de sa sant. Manifestement, il na pas les moyens de ses dsirs. 20 Le risque support involontairement est un cot conomique qui peut tre diminu par une dcision collective, e.g. la construction dune infrastructure. loptimum, le cot de linfrastructure pourrait reprsenter la valeur de la vie dans la collectivit en question lorsque la valeur de la vie est tablie selon la procdure propose notre section F. Bien entendu, pour toutes sortes de raisons, cette valeur varie dune collectivit une autre. 21 Voir Viscusi (1993). Ici, il y a une plthore dtudes qui aboutissent des valeurs trs variables dune vie humaine. 22 Voir Gaudry (2000). Ici, la valeur dune vie humaine se monte 1,2 millions $ (US, 1999). 23 Voir Johansson (2001). Ici, la valeur de la vie est variable car en partie fonction de la productivit de la personne comme dans lapproche du capital humain. Le modle de Johansson est cependant plus sophistiqu parce quil optimise simultanment la consommation et la qualit de vie dans une situation de rduction de risque de mort par des dpenses de nature augmenter la probabilit de survie.
9
ii) Linverse est aussi vrai. Dans dautres tudes, les changements marginaux du niveau des
risques entre occupations risques utilises pour tablir la valeur de la vie sont
ordinairement mesurs de bas niveaux de risque, de sorte que le niveau des risques
levs nest pas couvert, do la sous-estimation de la disposition payer pour conserver
la vie (Gramlich, 1990, p. 69). De plus, si on infre la valeur de la vie en extrapolant de
hauts niveaux de risque les valeurs trouves de bas niveaux de risque, on obtient des
valeurs incohrentes24.
iii) Largument bas sur les dpenses de consommation faites pour prolonger la vie fournit
une valeur utile en autant que les consommateurs ont atteint lquilibre, i.e. quils ont
dpens des montants de nature augmenter la probabilit de survie qui correspondent
la valeur actualise des consommations futures supplmentaires attendues de la
prolongation de la vie (Johansson, 2001). Cependant, les montants dpenss sous-
estiment la valeur de la vie puisque la demande pour la vie a une pente ngative (on a vu
plus haut quelle a des substituts, de sorte quil y a un surplus de consommateur). Le
problme est de mesurer ce surplus25. Lavantage de cette approche est tout de mme de
ne pas faire directement appel des tmoignages.
iv) Les mthodes statistiques pour maintenir les situations relles comparables entre elles,
sont imparfaites.
v) Dans les situations risque, on note quil y a parfois une diffrence entre les valeurs
dclares et les valeurs observes. Ainsi, si dune part les valeurs dclares peuvent tre
sujettes lembedding effect (voir le renvoi no 11 ci haut), dautre part on saperoit
que les dpenses de consommation ou les comportements dans les situations risque dun
mme individu dmontrent quil entretient simultanment plusieurs valeurs de vie. Ainsi,
un sexagnaire peut attacher sa ceinture de scurit lorsquil conduit lautomobile, mais il
peut aussi persister demeurer obse l o son risque de dcs par maladie cardiaque est
beaucoup plus lev.
24 Alberini et al. (2002, p.14) ont trouv que lors dun gros changement de risque, le prix dune vie humaine stablit 700 milles dollars. Par contre, lorsquon atteint le mme gros risque par extrapolation de petits changements risques, le prix dune vie humaine se monte 4 millions $. Ce qui veut dire que ces gens nont quune valeur de risque peu importe sa dimension. Lincohrence vient du fait quune petite variation de la pente de la droite dcrivant la relation entre la compensation requise et le risque de mort de bas niveaux de risque, produit par extrapolation (vers de hauts niveaux de risque) soit de trs grandes valeurs de la vie ou soit de trs petites valeurs de vie. (Cette remarque ma t suggre par mon collgue F. Vaillancourt). Il y a aussi le fait quil y a asymtrie entre la variation compensatoire et la variation quivalente lorsquil est question de compenser la perte de quelque chose. Lexistence simultane des tudes des types (i) et (ii) montre linstabilit de la mthode. La variance des rsultats excde la tolrance des utilisateurs potentiels, do le peu dutilisation de ces valeurs. 25 Cest ce que nous faisons la section F de cet article.
10
vi) De mme des mtiers ou groupes de personnes ont des valeurs de vie statistique
diffrentes ou bien nont pas la mme valuation du risque lui-mme parce quil y a deux
mesures du risque : une mesure subjective et une mesure objective26. Ce qui ouvre la
possibilit de faire porter une partie de la responsabilit dun accident mortel sur
lindividu qui ne prend pas toutes les prcautions (Boiteux, 2001, p. 66). Il peut aussi
sagir dun trait culturel ou religieux. La valeur dune vie statistique est donc ponctuelle,
particulire, ce qui mne plusieurs valeurs de vie statistique27. De l, on tire quil ny a
pas de valeur moyenne utilisable par les analyses avantages-cots (Erlich 2000)28.
Au total la variabilit de la valeur de la vie, tant pour un mme individu que pour les diffrents
groupes qui composent la socit pose un problme lorsque lusage de cette valeur nest pas
destine un cas particulier, e.g. lamlioration dune route dangereuse dans un milieu donn.
Dun autre ct, la variabilit des valeurs de vie, si elle est considrable, pose un problme dans
ltablissement de programmes ayant des incidences sur la vie humaine car pour atteindre un
optimum conomique travers les diffrents ministres qui traitent de la vie humaine, e.g. les
transports, lenvironnement, la sant, on devrait utiliser un seul prix pour la vie, tout comme pour
les diffrents inputs que ces ministres utilisent (Morales et Cazole, 1999, p. 16). ce
moment-l, peut-tre que some number is better than no number ? i.e. est-ce que les chiffres
des conomistes obtenus soit par valuation conditionnelle ou par mthodes hdonistiques sont
utiles ? Il se peut que, pour certains usages, ce soit le cas, mais pour les tudes avantages-cots
conomiques faites pour tablir des programmes gnraux, il en est autrement. Beaucoup
dconomistes e.g. Diamond et Hausmann, (1999), p. 58, rpondent alors non. Pour eux et pour
26 Depuis le 11 septembre 2001, beaucoup damricains substituent lautomobile lavion pour leurs dplacements. Ils se croient plus en scurit en auto, alors quobjectivement lautomobile demeure un mode de transport beaucoup plus dangereux que lavion. 27 Dans ce sens, les tudes empiriques montrent une extrme variabilit des valeurs de vie qui vont de 700,000$ 16,2 millions $ (Viscusi, 1993, p. 1926-27). Ce qui amne une grande varit de valeurs officielles adoptes par les diffrents gouvernements notamment en Europe o les valeurs vont de 0,11 millions Euros 1,64 millions Euros (Boiteux, 2001, p. 97-98). Pour sa part, le Conseil du trsor du Canada (1998) propose 2,5 millions $ en ajoutant le caveat suivant Les valeurs de ces paramtres sont toutefois incertaines (paragraphe 4.6.2 de leur publication). De ces temps-ci, le chiffre de 700,000 $ US, est la mode (Alberini et al., 2002, p. 14). 28 Les conomistes ont vcu la mme exprience lorsquils ont voulu utiliser le taux d'intrt des pargnants pour mesurer leur prfrence pour le temps. L aussi on a constat des comportements contradictoires. La population accumule dans son fonds de retraite des obligations gouvernementales ( faible rendement) tout en gardant des hypothques (coteuses) Certaines gens vont parfois jusqu emprunter sur leurs cartes de crdit (Lind, 1990). Or dans ces cas, mme en allouant une prime pour le risque, il y a incohrence. Un autre cas aberrant selon la thorie bhavioriste des marchs financiers est celui o une personne divise son avoir en diffrents fonds quelle investit des taux nets de risque diffrents, parce quune partie de son avoir est considre pin money .
11
dautres, lconomiste a lobligation de baser ses calculs sur des critres purement conomiques
(Mishan, 1976, p. 407), ce qui semble difficile pour le moment.
C) Une augmentation de revenu national n'est pas ncessairement une augmentation de bien-
tre collectif
Il y a plusieurs raisons cette inadquation. Premirement, plusieurs composantes du PNB sont
des mals plutt que des biens.
Par exemple, il est connu que la construction dune autoroute en tranche en milieu urbain rduit
les cots doprations des vhicules et du temps des utilisateurs et par consquent, rduit les
cots de production des entreprises productrices de biens. tant plus concurrentielles, elles
augmentent leur output qui se traduit par une augmentation du PNB29. Mais ce nest quun dbut,
car la nouvelle infrastructure va augmenter la pollution atmosphrique et le bruit, ce qui aura
pour effet de dtruire le tissu urbain environnant (Marsan, 2002). La consquence sera la perte de
valeur des proprits et finalement le dpart des habitants de la classe moyenne qui seront
remplacs par une population aux prises avec la criminalit et autres problmes sociaux. Cette
dgradation va dclencher de nouvelles dpenses publiques pour la scurit, la sant, etc. Toutes
des dpenses qui augmentent le PNB. Mais ces items ne sont pas des biens, mais des mals
puisquils reprsentent la perte de surplus du consommateur des habitants affects par
lautoroute. Ce sont ces pertes de jouissance que lon tente de compenser par les nouvelles
dpenses. Mais il reste que les augmentations du PNB correspondantes ne sont pas considres
comme des augmentations du bien-tre collectif, loin de l. En fait, cette incohrence de la
comptabilit nationale existe parce que certains lments fondamentaux du bien-tre social,
comme le surplus du consommateur, ne sont pas comptabiliss dans le PNB (voir Griliches,
1979, p. 93). Par contre, lusage de ressources causant et luttant contre la pollution et la
congestion est considr comme une addition au revenu national, ce qui st en contradiction avec
les provisions qui devraient tre prises pour tenir compte de la diminution ou de la dgradation du
capital social (ressources physiques et humaines)30.
29 condition que laugmentation de leur output ne soit pas aux dpends de dautres outputs et plus grand que la rduction de leurs dpenses. 30 Pour corriger la surestimation du PNB, la Banque Mondiale, depuis plus de 20 ans, fait la promotion du produit national domestique ajust pour la dgradation environnementale (voir Ahmad et Lutz, 1989). Voir aussi Hueting et Bosch (1991). Depuis ce temps, une norme littrature a surgi pour convaincre les gouvernements dincorporer leurs comptes nationaux, malgr les
12
Deuximement, avec le libre-change31, augmenter la population par la natalit ou limmigration
peut augmenter le PNB, mais pas ncessairement le bien-tre collectif. En effet, comme on le
dmontre plus bas, la vie des gens ordinaires na pas deffet sur le bien-tre de la collectivit.
Cest en augmentant la productivit des gens, par lducation ou par dautres moyens que lon
augmente le bien-tre de la socit et non simplement en multipliant le nombre dindividus.
D) La vie des gens ordinaires ne modifie pas le bien-tre de la collectivit.32
La contribution des individus ordinaires la richesse nationale est, en longue priode un leurre,
car la plupart des individus consomment durant leur vie, en biens privs et publics (y compris les
services de sant auxquels ils ont contribu au financement), tout ce quils produisent
matriellement et intellectuellement (Schofield, 1987, p. 119)33. Il y a deux raisons cela :
dabord les gens vivent de plus en plus longtemps aprs avoir cess de travailler et ensuite, aprs
65 ans leurs frais mdicaux sont cinq fois plus levs que ceux du reste de la population.
(Merette, 2002, p.13). La contribution nette de ces individus est donc nulle. Ces individus sont
alors remplaables34 ou inutiles (voir Mishan, 1976, P. 319). Leur vie najoute rien au bien-tre
de la socit sous forme de surplus et donc leur vie na pas de valeur conomique. ce moment-
l, la socit na pas intrt, du point de vue de lefficacit, cest--dire de lallocation optimale
des ressources, maintenir ou augmenter la population des gens ordinaires, des retraits
inactifs, des chmeurs permanents, des criminels, etc35.
Dun autre ct, on peut identifier les contributeurs comme tant ceux qui engendrent le progrs
et/ou la croissance conomique. Dans lesprit de Schumpeter, il sagit de certains entrepreneurs, grandes difficults de mesure, une valuation de leur dette cologique. Dans ce sens, le gouvernement canadien, pour la premire fois, va ajouter, pour lanne 2003, 2,5 milliards $ de dette cologique sa dette montaire. 31 Le libre-change est ncessaire aux petits pays puisque certaines productions ne peuvent tre rentabilises qu grande chelle. 32 Les paragraphes qui suivent concernent surtout la politique dimmigration et de natalit du point de vue de lefficacit du fonctionnement de lconomie. 33 Il est vrai que certaines personnes ordinaires laissent des hritages (dautres, des dettes). Cela implique que, durant leur vie, elles ont accapar plus de biens publics et de revenus de proprit physique et intellectuelle que leur auraient fourni leurs impts et leurs propres dpenses de consommation. En dautres termes, les hritages quelles laissent viennent des hritages quelles ont reus durant leur vie et de transferts venant dindividus (exceptionnels) qui consomment moins durant leur vie que loutput quils produisent. Les hritages (positifs ou ngatifs) des gens ordinaires, sont alors le produit de lincapacit de prdire le moment de la mort, de sorte quils sont involontaires (Erlich, 2000, p.346) et sannulent au niveau de la socit toute entire. Cest dailleurs la base du Life-Cycle Model o les individus ne peuvent pas tre des net borowers (Alberini et al, 2002, p.3). 34 la limite, la valeur dun rsident ne peut pas excder le cot dadmettre un immigrant de mme calibre. 35 Ce qui veut dire que dans la plupart des catastrophes naturelles comme les tremblements de terre, le cot conomique de lvnement consiste surtout dans le montant des dommages matriels; laide aux victimes devant alors tre justifie par des principes moraux.
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savants et artistes exceptionnels dont loutput consiste en externalits. Il sagit dindividus, qui
par suite de limpossibilit de collecter compltement leur rente, e.g. de breveter et dexploiter
leurs dcouvertes, laissent un hritage. Ces individus se trouvent produire des biens qui
deviennent publics sans quils puissent sapproprier le surplus. Par exemple, lInternet est le
rsultat dune exprience dans le monde universitaire amricain des annes 60 (Cringely (1996),
sans que les participants aient t rmunrs en proportion de limportance du rsultat de leur
travail.
E) Le paradoxe de lanalyse avantages-cots applique aux transports, lenvironnement, la
sant, etc., et qui incorpore une valeur de la vie.
Un lecteur attentif pourrait rpondre que si les conomistes sont incapables de fournir des valeurs
de vie fiables, on na qu se rfrer dautres sources comme les valeurs entrines par les cours
de justice, la morale ou des organismes comme la Socit de lassurance automobile du Qubec
(SAAQ) qui dj compensent des gens dans le cas de perte de la vie. Cest faisable mais il sagit
dune opration qui rduit la porte scientifique dune tude avantages-cots conomiques,
puisque ce moment-l la conclusion peut dpendre de la valeur arbitraire, du point de vue de la
science conomique, que lon donne la vie humaine ou bien est issue de lapproche du capital
humain qui est approprie traiter des cas dquit. En dautres termes, un calcul en vue
dassurer lefficacit devient incohrent en se basant sur des valeurs qui ont un sens seulement
dans un calcul en vue dassurer lquit. En dautres termes, si le projet a surtout pour but de
sauver des vies humaines, et que la valeur de la vie est tire dune source exogne au modle
conomique, e.g. une source se basant sur linfrence statistique, lquit, la morale, etc., la
conclusion de ltude na plus comme on la dit plus haut, le support de la thorie conomique36.
La chose est particulirement drangeante dans le domaine des transports puisque dans ce
domaine on ne peut pas viter lvaluation en vertu de lefficacit car la justification des
infrastructures de transport est justement lefficacit. De sorte que dans le cas o la valeur de
linfrastructure vient principalement des vies sauves , il faut, dans une analyse A/C, prsenter
part lestimation de la valeur de la vie37 en prcisant quelle est exogne au modle
36 Il sagit dun cas semblable celui du salaire minimum; on ne peut pas le justifier par la thorie conomique de lefficacit, mais certains gouvernements limposent. 37 part celle obtenue par la disposition payer tablie par la section F.
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conomique. la limite, il est inutile de faire une analyse avantages-cots, puisque dans ce cas,
la solution est ailleurs.
Par contre, dans le domaine de la sant, les tudes conomiques contournent astucieusement la
difficult dutiliser une valeur de vie en se contentant soit de comparer les ressources utilises par
un traitement par rapport un autre, sans envisager la possibilit de mort, ou en comparant les
ressources conomises, e.g. jours dhospitalisation vits, ou bien, en comparant le rsultat de
traitements concurrents en termes de annes de vie de qualit (QALY) sans affronter la
possibilit de mort38.
Dans le domaine du droit, comme on la vu plus haut, on recourt aux conomistes (selon
lapproche du capital humain) et aux comptables pour mesurer les dommages faits aux tiers lors
dun vnement, mais cela na rien voir avec lefficacit sociale puisquon a montr quune
augmentation du PNB nest pas ncessairement une augmentation du bien-tre collectif, de sorte
que cest en vertu de lquit que lon value les compensations aux tiers lss.
F) Une mthode dvaluation de la valeur implicite dune vie humaine
Devant limpuissance actuelle des diffrentes mthodes produire partir de la thorie
conomique une valeur fiable de vie humaine, il est utile dexplorer dautres approches. Celle qui
est propose ci-aprs, base sur la disposition payer, produit un montant qui reflte la valeur
implicite de la vie partir de ce que les dcideurs publics et privs se trouvent produire par leur
participation la production de biens et services sociaux dont lobjectif est le maintien de la
sant. Elle a donc une base objective qui ne fait pas appel aux opinions des gens rvles par des
rponses des questionnaires et linfrence statistique. Elle constate la prfrence dune socit
particulire pour le maintien de la vie. En pratique, elle part de ce que les gens y compris ltat
dpensent effectivement en achats de services sociaux incluant la sant, en efforts fournis et en
taxes, tout cela pour le maintien de la vie. Elle reprsente donc une valeur de la vie non pas en
vertu de sa contribution marginale au bien-tre de la collectivit, mais parce quelle est une
valeur au mme titre que les valeurs des autres biens et services qui font partie du panier de
consommation des individus et dont la valeur vient dune DAP. Voil pourquoi dans une analyse
38 Noter que lapproche QALY ne reflte pas la disposition payer ou accepter de la part du patient ce qui droge au principe de lvaluation conomique.
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A/C de la scurit des routes par exemple, cette valeur de vie doit tre utilise. En effet, comme
le design des routes tient compte de la possibilit de dommages matriels, il doit aussi tenir
compte de la possibilit de pertes de vie lorsque les dommages matriels et les pertes de vie sont
tous deux valus par leur DAP.
Ainsi, en supposant que tout le monde tient galement la vie mais que les gens ne sont pas
homognes quant leur hrdit et quant leur acceptation de suivre les enseignements de la
mdecine (en ce qui a trait au style de vie, alimentation, pratique de lexercice physique, de
lhygine, etc.) et par voie de consquence quant leurs besoins de services mdicaux et sociaux,
on peut diviser la population en classes de gens qui dpensent39 des montants diffrents pour se
maintenir en vie. On note que les classes dfavorises par lhrdit, le style de vie, etc., doivent
(eux-mmes ou ltat) dpenser plus que la moyenne pour conserver la vie.
La modlisation du phnomne assimile les montants dpenss par (ou pour) chacune des classes
aux frais de transport de la mthode Clawson-Knestch (1966, p. 78-80). Selon cette mthode,
plus une classe est dfavorise, plus elle doit dpenser, i.e. plus elle doit encourir des frais de
transport pour atteindre le parc mythique , cest--dire demeurer en sant et en vie. Dans
cette approche, la valeur totale de la vie est la somme de ce que lon dpense pour la conserver,
plus le surplus de consommateur40. La littrature (Johansson, 2001) montre comment tenir
compte des dpenses dj faites. Ce que nous ajoutons ici, cest le surplus de consommateurs qui
se calcule comme suit.
Supposons que lon peut satisfaire les besoins de chaque classe (supposons quil y en a trois) en
participant un programme daccs la vie dont les tarifs (cots) sont (pour fin dillustration)
respectivement de 100 $/an, 300 $/an et 500 $/an selon les besoins de chacune des classes.
Comme la participation un programme est libre et que la perception des gens quant la
39 Les montants dpenss peuvent tre fournis par eux-mmes ou par ltat. Ils consistent en paiements montaires, mais aussi en efforts ou privations de la part des individus. Dans la simulation qui suit, seul laspect montaire est pris en compte mais idalement devrait tre enrichi des cots non montaires. Dj les dmographes, les sociologues, les compagnies dassurance et la Rgie de lAssurance-maladie (Qubec) disposent et recourent des donnes statistiques permettant de distinguer les classes en question. Ici, la littrature suggre quil y a une relation entre le milieu de vie dune part et, dautre part, les caractristiques biologiques, psychologiques et le revenu des gens. Cest ainsi que lon distingue les banlieues cossues des quartiers dfavoriss dans les mtropoles; le rural de lurbain, etc. Tout cela en termes de cots pour maintenir la sant et la survivance. 40 Comme on le verra, ce surplus de consommateur est important surtout pour la classe de gens qui possdent les bonnes caractristiques .
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ncessit de joindre le programme est variable, il arrive quune part seulement de la population
participe. Malheureusement, ce sont ceux qui en ont le plus besoin qui sont les moins enclin le
joindre. Par exemple, cest un fait que les pauvres sont plus rticents cesser de fumer et donc,
ventuellement deviennent plus malades. On peut schmatiser les diffrentes situations et
comportements par le tableau suivant :
Tableau 1
Participation hypothtique un programme de maintien de la sant41 (I) (II) (III) (IV) (V) (VI)
Classe Population de la classe
Pourcent de la population
susceptible de participer au
Programme de sant42
Cot annuel du programme de sant selon la
classe43
Nombre dadhrents au programme de
sant44
Nombre dadhrents par
1 000 de population45
lite 100 000 50 % 100 $/an 50 000 500 Moyenne 400 000 30 % 300 $/an 120 000 300
Dfavorise 1 000 000 10 % 500 $/an 100 000 100 La participation est annuelle durant toute la vie de lindividu. Source : Chiffres fictifs correspondants lhypothse de la structure sociale dans une grande mtropole.
Les chiffres du tableau 1 sont fictifs, mais plausibles ; ils montrent que mme si tout le monde
veut vivre, tout le monde ne prend pas les bons moyens pour se maintenir en bonne sant par
manque de motivation en partie cause par un bas revenu, lhrdit et dautres facteurs qui
influencent le style de vie. Dun autre ct, dans un systme de sant tatique comme au Canada,
les carences des individus sont en partie compenses par ltat. Cette compensation est dautant
plus importante que les individus sont non participants et/ou manquent de ressources. Dans cet
exemple, cest la classe des dfavoriss qui cote le plus cher par participant pour maintenir la
vie par des services mdicaux et sociaux46.
41 Mme si la garantie nest pas absolue, le programme de sant est une condition de maintien de la sant et de la survivance. 42 Dpend de la motivation et de la capacit de payer pour le programme. Partant de la motivation, on dtermine dans chaque classe la proportion des participants (adultes) en se basant sur les habitudes des gens. Prenons par exemple lhabitude de ne pas fumer, on classe comme participant tout individu qui ne fume pas. Dans lexemple ci haut, on suppose que plus on est dfavoris, plus on a tendance fumer. De sorte que plus on slve dans la socit, plus on devient participant; ici 50 % de la population de la classe lite ne fume pas alors que lon suppose que cette proportion tombe 10% dans la classe des dfavoriss. Or, plus on fume, plus on est malade, i.e. plus on engendre des cots de sant et de services communautaires, sans compter la propensit avoir dautres faiblesses : embonpoint, drogue, alcoolisme, etc. 43 Cot priv + cot public (fourniture ou assistance de ltat), par individu participant. 44 Colonne II multiplie par colonne III. 45 Colonne V / (colonne II / 1000) 46 Les dfavoriss ont plus besoin de laide de ltat pour deux raisons : (i) ils ne peuvent pas soffrir tous les services de maintien de sant et (ii) leur style de vie (quelquen soit la cause, y compris le milieu dfavorable) engendre plus de besoins pour maintenir la sant. Cest pour cela que lon dpense plus pour eux.
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Dans le cas des dfavoriss, les dpenses du maintien de la sant comprennent non seulement les
dpenses mdicales mais aussi les services sociaux et communautaires ayant un effet sur le
maintien de la vie47. Pour la population dfavorise, malgr le dsir de demeurer en vie, la
demande (comme on la vu) pour la vie nest pas infinie, elle des substituts. Cest vrai pour tout
le monde, mais cest encore plus vrai pour la population dfavorise. Do le nombre
proportionnellement rduit de participants au programme de maintien de la sant. Le graphique 1
construit partir de la colonne IV et de la colonne VI du tableau 1 donne la relation entre les
dpenses de maintien de la vie et le nombre de participants.
Figure 1
Relation entre dpenses de maintien de la vie et nombre de participants
au programme de maintien de la sant (par 1000 de population)
100 200 300 400 500 Nombre de participants par 1000 de population
Source : Calculs partir du tableau 1
47 La mthode pourrait tre adapte des problmatiques o les classes consisteraient en diffrents styles de vie, statut matrimonial, ethnies, niveau durbanisation, etc.
Dpenses annuelles
$
$ 500
$ 400
$ 300
$ 200
$ 100
0
R
T
18
Note : La droite RT nest pas la demande pour le maintien de la vie.
Pour estimer le surplus des consommateurs dans lactivit de maintenir la vie laide dun
programme de maintien de sant, il faut tablir pour lensemble de la population la disposition
payer pour la vie elle-mme. Tous les individus tiennent la vie au mme degr, seulement les
circonstances ne les forcent pas tous faire les mmes efforts et dpenser les mmes montants
pour rester en vie. Par exemple, dans le cas de llite, elle na pas rvler le montant maximum
quelle serait prte payer pour demeurer en vie. Son style de vie la rend un peu moins sujette
certaines maladies, surtout en ce qui a trait aux enfants, de sorte que pour connatre le montant
maximum que ses membres seraient prts payer, il faut se baser sur ceux qui sont forcs de le
faire, i.e. les dfavoriss. Leur hrdit et/ou les autres caractristiques les forcent dpenser le
montant maximum. Pour llite, ce montant moins ce quils ont effectivement pay donne leur
surplus de consommateur. La construction de la courbe de demande pour la vie qui engendre le
surplus des consommateurs se base sur leffet, sur une classe particulire, dune augmentation
(fictive) des frais de participation un programme de maintien de la sant en sus de ce quils
paient dj et que lon peut infrer partir de la figure 1. On suppose que laugmentation fictive
de cot a le mme effet quune augmentation de frais de participation au programme quon a not
travers les classes, i.e. rduire le nombre de participants.
Le rsultat de lopration se trouve au tableau II :
Tableau II
Participation des gens au programme de maintien de la sant
diffrents cots fictifs supplmentaires (Nombre)
Cot fictif
$ Classe
0 100 200 300 400 500
lite 50 000 40 000 30 000 20 000 10 000 0
Moyenne 120 000 80 000 40 000 0 0 0
Dfavorise 100 000 0 0 0 0 0
Total 270 000 120 000 70 000 20 000 10 000 0 (Source : Calculs sur les chiffres du tableau 1 laide la figure 1).
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Au prix fictif de zro, i.e. on ne change rien la situation prsente, la participation est la mme
quau tableau 1. Si on impose un cot supplmentaire de 100 $ tout le monde, en se rfrant la
figure 1, on ralise que pour llite, le cot de participation devient 200 $, ce qui fait que la
participation pour cette classe diminue 400 personne/1 000 de population; ce prix, 40 000
personnes de llite participent, soit 100 000 / 1 000 x 400 = 40 000. Pour la classe moyenne, le
prix fictif se trouve maintenant 400 $/an, ce qui rduit la participation (selon la figure 1) 200
personnes par 1 000; comme il y a 400 000 personnes, dans la classe moyenne, cela produit une
participation de 80 000 personnes. Appliquant cette rgle tous les prix fictifs utilement
envisageables, on obtient le tableau II. Le surplus des consommateurs pour la rgion
mtropolitaine est tir du tableau II en mettant en relation la ligne total et le prix fictif
correspondant. Cela est reprsent par la figure II.
Figure II
Surplus de consommateur des participants au programme de maintien de sant
500 A
400
300
B
200
100
E
C
F
D
0 270 000 170 000 120 000 50 000 20 000
Nombre de participants
Comme en ralit il ny a pas de prix fictif, la courbe ABCD reprsente la demande qui engendre
le surplus de consommateurs de lensemble des participants en ce qui a trait la vie. Cela
Prix fictif $
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sadditionne aux montants dj dpenss selon le tableau 1. De sorte que pour un participant de
llite, lvaluation de la vie se monte 400 $/an, soit 100 $ de paiement direct et 300 $ de
surplus de consommateur, cest--dire la surface OABE / 50 000 (participants lite) ; puis la
surface EBCF / 120 000 (participants classe moyenne) = 131 $ surplus des participants de la
classe moyenne et 300 $ de paiement direct, ce qui tablit la valeur de la vie 431 $/an, et
finalement, FCD / 100 000 (les participants de la classe dfavorise) donne 33 $/an pour la classe
dfavorise. La valeur totale de la vie pour les diffrents participants est donc de 400 $/an pour
llite, 431 $/an pour la classe moyenne et 500 + 33 $ pour la classe dfavorise. La disparit de
lvaluation de la vie selon les classes nest pas exceptionnelle ; elle a dj t note par Erlich
(2000). Mais comme dans lexemple ci haut, les diffrences sont relativement petites, cela ne
prte pas consquence.
La valeur de la vie qui dcoule de cet exercice reflte le comportement dune collectivit
particulire un moment de son histoire, tant dans ses dpenses et efforts privs que dans ses
dpenses du secteur public en sant et services sociaux. Il sagit donc dune valeur implicite
utiliser lorsque lon tient agir efficacement. Cependant, le modle ne montre pas que les
dpenses sont optimales de sorte que la valeur de la vie est normative seulement pour la priode
et le territoire utiliss pour dterminer la valeur de la vie. Elle a tout de mme la qualit de
maintenir la cohrence dans les diffrentes dcisions collectives.
Dans une analyse dun projet particulier, le recours cette(ces) valeur(s) de vie48 se fait selon la
procdure suivante :
i) On dtermine le nombre de personnes de chacune des classes affectes par le projet.
ii) On multiplie ces nombres par les valeurs totales de vie (selon la classe) obtenues ci haut.
iii) La somme des montants de (ii) constitue lannuit imputer au projet en ce qui concerne les
vies humaines perdues ou prserves.
48 En faisant lhypothse que les valeurs des non-participants, dans chacune des classes, ne diffrent pas tellement de celles de ceux des participants. Lalternative (radicale) est dans chaque projet de diviser les usagers en classes et de ne retenir, dans les calculs, que les participants selon leurs valeurs respectives.
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