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Conférencières et conférenciers invités Jeudi 12 juin 2014, 9h à 10h, Salle Neil Michaud, 001B, Beaux- arts Michel FRANCARD, Université de Louvain-la-Neuve, Belgique Le français d’ici est-il du français ? La construction des jugements de normativité dans les communautés francophones périphériques européennes Les variétés géographiques du français – le « français d’ici », envisagé dans cette contribution en référence à ses variétés européennes – ont longtemps été délaissées dans les descriptions des linguistes, la grande majorité de ceux-ci préférant rendre compte d’un français « standard » non marqué par la variation ou, pour quelques-uns d’entre eux, de variétés sociales ou stylistiques. La progressive reconnaissance de la variation géolectale dans les communautés francophones périphériques européennes sera évoquée en trois étapes, chacune illustrant des évolutions significatives tant dans le champ disciplinaire que dans les représentations des locuteurs. 1. L’émergence des français régionaux : un déplacement épistémologique et méthodologique Cette marginalité de la variation topolectale est due à plusieurs facteurs, parmi lesquels on peut sans doute mettre en bonne place la difficulté, pour les descripteurs du français contemporain, à saisir le français régional comme un objet à part entière et à le distinguer notamment des langues régionales (« dialectes ») qui ont longtemps occupé le terrain de la géographie linguistique. L’émergence d’un « français d’ici » n’a gagné l’Europe qu’à la faveur de l’étiolement des langues régionales, privant progressivement d’objet la dialectologie classique héritée du 19 e siècle et obligeant les chercheurs à reconsidérer leur champ d’investigation. Ce déplacement épistémologique et

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Conférencières et conférenciers invités

Jeudi 12 juin 2014, 9h à 10h, Salle Neil Michaud, 001B, Beaux-arts

Michel FRANCARD, Université de Louvain-la-Neuve, Belgique

Le français d’ici est-il du français ?La construction des jugements de normativité

dans les communautés francophones périphériques européennes

Les variétés géographiques du français – le « français d’ici », envisagé dans cette contribution en référence à ses variétés européennes – ont longtemps été délaissées dans les descriptions des linguistes, la grande majorité de ceux-ci préférant rendre compte d’un français « standard » non marqué par la variation ou, pour quelques-uns d’entre eux, de variétés sociales ou stylistiques. La progressive reconnaissance de la variation géolectale dans les communautés francophones périphériques européennes sera évoquée en trois étapes, chacune illustrant des évolutions significatives tant dans le champ disciplinaire que dans les représentations des locuteurs.

1. L’émergence des français régionaux : un déplacement épistémologique et méthodologiqueCette marginalité de la variation topolectale est due à plusieurs facteurs, parmi lesquels on peut sans doute mettre en bonne place la difficulté, pour les descripteurs du français contemporain, à saisir le français régional comme un objet à part entière et à le distinguer notamment des langues régionales (« dialectes ») qui ont longtemps occupé le terrain de la géographie linguistique.

L’émergence d’un « français d’ici » n’a gagné l’Europe qu’à la faveur de l’étiolement des langues régionales, privant progressivement d’objet la dialectologie classique héritée du 19e

siècle et obligeant les chercheurs à reconsidérer leur champ d’investigation. Ce déplacement épistémologique et méthodologique est à la base de l’intérêt des linguistes pour la variation topolectale en français.

2. Des discours récurrents sur les particularités géographiques du français :le purisme sans fardDélaissées initialement par les linguistes, les variétés géographiques du français trouveront quelque consistance dans des études normatives, quelquefois même puristes, qui en stigmatiseront la plupart des traits comme des déviances par rapport au « bon français ». Le « français d’ici » sera souvent considéré comme une accumulation de barbarismes de tous ordres, à éliminer à tout prix pour permettre aux locuteurs de s’approprier le français de France.

La mise en place de cette idéologie linguistique reposant sur le primat exclusif d’une norme exogène se fonde sur des discours normatifs aux racines séculaires, discours largement répercutés dans l’ensemble des communautés francophones périphériques et influençant jusqu’à aujourd’hui les attitudes et les représentations des locuteurs francophones.

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3. Le français d’ici : une légitimation scientifique et socialeDepuis deux décennies, la variation géographique du français a bénéficié d’un intérêt croissant, en particulier dans le domaine des études lexicales. Son intégration dans le champ d’étude des linguistes, favorisée par le développement de la sociolinguistique, a requis la mise au point d’une méthodologie spécifique, celle de la description différentielle prenant le français de référence comme « corpus d’exclusion ».

Les travaux produits dans ce cadre, qu’ils soient destinés aux spécialistes ou au grand public, ont non seulement accrédité la pertinence de la démarche différentielle, mais ont contribué à faire évoluer les représentations des locuteurs francophones périphériques vis-à-vis des variétés géographiques du français. La reconnaissance de normes endogènes – à l’œuvre dans une communauté donnée – constitue un levier pour la progressive légitimation du « français d’ici ». Avec cette troisième étape se construit une nouvelle dynamique francophone, qui ouvre la voie à une réelle appropriation du français par chacune des communautés qui constituent la francophonie.

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Vendredi 13 juin 2014, 9h à 10h, Salle Neil Michaud, 001B, Beaux-arts

Alexandra JAFFE, California State University, Long Beach, Californie, États-Unis

Qui est un locuteur? Qu'est-ce qu'un « locuteur nouveau » d'une langue minorisée? Questions de légitimité, d'authenticité et d'autorité linguistiques et culturelles soulevées

dans une recherche sur des cours de Corse pour adultes

Depuis quelques années, le concept du "nouveau locuteur" pose la question de la légitimité, l'autorité et l'authenticité sociale et culturelle de ceux qui apprennent une langue minorisée, soit comme L2, soit comme langue d'héritage. Cette problématique prend comme point de départ le statut particulier des langues minorisées comme marqueurs identitaires. Dans cette optique, l'authenticité linguistique est souvent liée à des modèles de locuteurs "natifs" (d'une langue "maternelle") et à des usages vernaculaires ou des variétés locaux différenciés de la langue scolaire. Dans un premier temps, cette présentation propose un cadre théorique et descriptif pour l'identification des critères en jeu dans l'identification des "locuteurs nouveaux," et comment ces catégorisations sont liées à des concepts d'authenticité et à des manières de concevoir ce que c'est qu'une langue. On interroge dans quelle mesure l'introduction du terme "nouveau locuteur" change ele champs discursif des catégorisations identitaires, ou les compétences/critères linguistiques prises comme légitimes. Dans un deuxième temps, on passe à une analyse de données ethnographiques tirées de l'observation/participation dans des cours de corse pour adultes en 2011-2012. Ces données sont traités à partir de deux axes analytiques: celui de l'idéologie langagière et celui de "stance".  Par rapport au premier, l'analyse porte sur la notion de la "polynomie," une idéologie devenue normative dans la représentation du corse comme. En tant qu'idéologie, la polynomie préconise une norme multiple, et une orthographe fidèle aux prononciations régionales, voire personelles. Pour des apprenants du corse, cette idéologie est à la fois libératrice mais se révèle une source de tension pour ceux qui ne peuvent pas assumer avec confiance leur "propre parler." D'ailleurs, l'idéologie polynomique coexiste avec des idéologies plus "traditionnelles" par rapport à un "bon" et "moins bon" usage en corse. L'optique de "stance" permet une analyse des positionnements offerts par des pratiques pédagogiques (polynomiques et autres) et assumés par les apprenants. On conclut par une réflexion sur la notion du nouveau locuteur en tant qu'élément des projets et d'imaginaires sociaux, et les retombées de tels projets pour l'aménagement et la pratique des langues minoritaires. 

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Samedi 14 juin 2014, 9h à 10h, Salle Neil Michaud, 001B, Beaux-arts

Marie-Ève PERROT, Université d’Orléans, France

Comparer les emprunts à l’anglais dans les variétés de français acadien : méthodes, enjeux

La comparaison des emprunts dans différentes variétés de français acadien des Provinces Maritimes, en contact plus ou moins intensif avec l'anglais, révèle qu'il est tout aussi pertinent de s’interroger sur les différences que sur les ressemblances entre ces variétés, dans la mesure où elles présentent de la variabilité à l’intérieur de catégories linguistiques identiques. La comparaison soulève ainsi la question du poids respectif de la pression systémique et des normes communautaires/régionales dans la dynamique des vernaculaires acadiens, ou en d'autres termes des motivations (internes) de l'emprunt et des facteurs sociaux (externes) favorisant ce processus. Cette réflexion peut être élargie aux français d'Amérique du Nord, et plus généralement au français en situation de contact.

Au plan méthodologique, se pose le problème de la représentativité et de la comparabilité de corpus de nature très différente (que peut-on "comparer", et avec quels objectifs?), ainsi que celui de la comparabilité de résultats de recherches menées selon des approches différentes (voir par exemple la distinction entre emprunts et alternances codiques).

À partir d'exemples précis, je montrerai que par-delà les difficultés méthodologiques inhérentes à la démarche comparative, la mise en relation de corpus diversifiés, le recours à d'autres types de données (orales et écrites, comme les forums de discussion sur internet ou différents types de mises en scènes des vernaculaires) ainsi que le recueil de commentaires métalinguistiques des locuteurs, constituent des apports indispensables à l'analyse de la dynamique des variétés acadiennes.

Samedi 14 juin 2014,16h à 17h, Salle Neil Michaud, 001B, Beaux-arts

Chantal BOUCHARD, Université McGill

Décrire sa langue, se décrire

Même si on trouve des chroniques linguistiques dans les journaux du Québec dès le début du XIXe siècle, la pratique deviendra vraiment courante après 1867. De politique qu’il était jusque-là, le discours sur la langue passe progressivement au métalinguistique. À cause du mythe du French Canadian Patois, il devient nécessaire de démontrer que c’est bien le français qu’on parle au Québec. Dans un premier temps, les chroniqueurs cherchent à rapprocher le français québécois de la norme de France, mais la menace que représente le mythe du patois les poussera à entreprendre une vaste opération idéologique : légitimer le français du Canada aux yeux des étrangers d’abord, puis des Canadiens français eux-mêmes.

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Séances plénières

Vincent Arnaud et Josiane Riverin-CoutleeUniversité du Québec à Chicoutimi

« Une barre d’or sur le bord du bar… » Étude acoustique des voyelles /ɑ/ et /ɔ/ en syllabe fermée par /ʁ/

La littérature mentionne que le contraste entre les voyelles postérieures /ɑ/ et /ɔ/ produites en syllabe finale fermée par la consonne allongeante /ʁ/ est souvent faible et instable (Dumas, 1972, 1978, 1987; Cote, 2012). Martin (1998) note que dans ce contexte, l’opposition entre /ɑ/ et /ɔ/ se neutralise en un archiphonème transcrit /ɒ/ majoritairement prononcé [ɑɒ]. En contexte formel ou lors de taches expérimentales (lecture de liste de mots), la confusion auditive entre ces voyelles peut conduire à des cas d’hypercorrection visant à marquer ce contraste, laissant ainsi émerger la présence résiduelle de [a] (Dumas, 1987 : 132; Martin, 1998 : 72; Côté, 2012 : 247-248). Ces analyses reposent essentiellement sur des transcriptions résultant de jugements auditifs avec ou sans accord interjuges. Or, Martin (1998 : 72) souligne que même par accord interjuges, il est difficile d’aboutir à un étiquetage homogène des segments [ɒ], [ɑɒ] et [ɔ].

Notre objectif est donc de proposer une analyse dynamique de la structure acoustique des voyelles /ɑ/ et /ɔ/ en prenant en compte la durée et la fréquence centrale des trois premiers formants (F1, F2, F3) à 25, 50 et 75% de la durée vocalique. Les quelque 280 occurrences analysées ont été produites par 20 locuteurs masculins, tous étudiants universitaires, âges de 20 à 29 ans, originaires à parité des villes de Québec et de Saguenay. Elles sont extraites de 14 mots monosyllabiques constituant 7 paires minimales. Issus d’un plus large corpus, ces mots cibles étaient intégrés en position finale de phrases porteuses sémantiquement significatives et aléatoirement reparties. Lors de la lecture de ces phrases, les enquêtrices simulaient une incompréhension et le locuteur répétait le mot final isolement. Seules ces répétitions ont été analysées.

Les résultats préliminaires indiquent un chevauchement partiel des occurrences classées sous les étiquettes traditionnelles /ɑ/ et /ɔ/ dans un espace de dispersion F1 x F2 à 25, 50 et 75% de la durée vocalique.

Ces tendances obtenues à partir des seules valeurs de F1 et F2 sont cohérentes avec celles proposées dans les études auditives antérieures. Néanmoins, afin d’évaluer l’impact des différents indices acoustiques susmentionnés et de leur dynamique temporelle respective (Leblanc, 2012 : 72) sur le degré de confusion acoustique observée, nous procèderons à une série d’analyses discriminantes. Outre le fait d’éventuellement appuyer empiriquement l’hypothèse d’une quasi-fusion de ces deux timbres, ces analyses pourraient également contribuer à mettre au jour des différences liées à l’origine géographique des locuteurs.

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Vincent Arnaud, Jean Dolbec et Josiane Riverin-CoutleeUniversité du Québec à Chicoutimi

Exploitation systématique de données sonores du passé. L’affrication des consonnes /t/ et /d/ à la lumière des enquêtes de Thomas Lavoie au Saguenay-Lac-Saint-Jean et dans Charlevoix

L’affrication des consonnes occlusives /t d/ devant /i y/ et dans une certaine mesure devant /j ɥ/ était déjà un phénomène bien atteste durant la seconde moitié du XIXe siècle (Dunn 1874) et est depuis considéré comme l’un des traits caractéristiques du français québécois (Dumas 1987; Morin 2002). Récemment, Poirier (2009) et Friesner (2010), même s’ils proposent des hypothèses très différentes sur l’origine dudit phénomène, convergent en ce qui a trait à son patron de diffusion, soit du sud-ouest (pôle de Montréal) vers le nord-est (pôle de Québec). Cette position s’appuie sur le caractère non catégorique de l’affrication dans des régions comme Charlevoix et le Saguenay-Lac-Saint-Jean, tel qu’il a pu être observé à travers l’écoute de 12 contes folkloriques ou l’interprétation d’un sous-échantillon des transcriptions proposées dans l’ALEC (Dulong et Bergeron, 1980) pour 12 mots courants.

Notre objectif est de proposer une analyse empirique et quantitative du phénomène d’affrication en nous appuyant sur des données sonores anciennes, jusqu’à ce jour inexploitées dans leur dimension phonétique.

Disposant des enregistrements recueillis dans le cadre des enquêtes de Thomas Lavoie (Lavoie et coll., 1985) dans 74 localités des régions concernées, nous avons procédé à leur numérisation et à leur nettoyage. Cet échantillon, représentatif d’un état de langue comparable à celui considéré par Poirier (2009) et Friesner (2010), témoigne des usages de locuteurs presque exclusivement masculins, dont près des deux tiers sont nés au XIXe siècle, et pour lesquels nous disposons - situation exceptionnelle - du profil détaille (âge, origine des parents et grands-parents, lieux de résidence, parcours personnel…). À ce jour, à partir d’extraits sonores d’une quinzaine de minutes, l’écoute et l’étiquetage des consonnes audibles apparaissant dans les contextes favorisant l’affrication ont été effectués à l’aide de Praat pour 25 locuteurs du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Les cas problématiques ont fait l’objet d’un examen minutieux du signal sonore et d’un accord interjuges.

Les résultats préliminaires portant sur 810 occurrences (en moyenne, 32,4 occurrences par locuteur) indiquent un taux moyen de non-affrication de 11,93 %. Deux locuteurs présentent un taux de non-affrication supérieur à 50 % tandis que 17 autres affichent moins de 10 % de variantes étiquetées non affriquées. Ces résultats doivent néanmoins être affinés pour tenir compte des contextes susceptibles de favoriser la non-affrication (surreprésentation des /d/ non affriqués, contexte nasal…). Cette variabilité est-elle inhérente au phénomène ou l’indice d’un changement en cours ? Peut-être l’analyse des données charlevoisiennes apportera-t-elle une réponse.

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Laurence Arrighi, Karine Gauvin et Isabelle VioletteUniversité de Moncton

Le Congrès mondial acadien 2014 comme site de débats idéologiques sur l’identité acadienne et la langue

La langue et l’identité font constamment l’objet de débats idéologiques qui se déploient dans les discours médiatiques et qui se réactualisent à la faveur d’événements catalyseurs. La tenue en août 2014 du 5e Congrès mondial acadien (CMA) fait resurgir, en écho aux congrès précédents, le débat entourant les critères de définition de l’acadianité et notamment, de la place du français dans la construction de l’identité collective. Rappelons à la suite de Gauvin (2004) et de McLaughlin et LeBlanc (2009) que deux conceptions opposées dominent : d’une part l’Acadie généalogique (on est acadien parce que l’on a un ancêtre acadien) et d’autre part, l’Acadie territoriale (on est acadien parce que francophone vivant dans les maritimes). La particularité du prochain congrès est toutefois de ne cadrer avec ni l’une ni l’autre de ces conceptions du fait qu’il réunit trois territoires aux profils sociolinguistiques très différents, parmi lesquels deux sont situés en dehors des maritimes (le Témiscouata en sol québécois et le Maine états-uniens). De plus, si la troisième région du Congrès, le Madawaska, est sise à l’intérieur du territoire des maritimes, y demeure centrale la question de son altérité : ses habitants peuvent par exemple se dire Brayons plutôt qu’Acadiens et, de plus, ils tiennent en général à marquer qu’ils ne parlent pas chiac alors même que cette étiquette devient de plus en plus le glossonyme subsumant le français acadien. Ce tableau peut détoner dans le cadre d’un événement qui se veut pourtant rassembleur et consensuel et peut mener à des prises de position conflictuelles. Nous nous pencherons pour les fins de cette communication sur un corpus de discours médiatiques produits autour de l’organisation et de la promotion du CMA de manière à analyser non seulement les points de tension, mais également les stratégies argumentatives qui permettent d’aménager un discours identitaire unifiant.

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Luc BaronianUniversité du Québec à Chicoutimi

L'harmonie vocalique en français québécois : coarticulation, réduction et diffusion lexicale

L'harmonie vocalique (HV) en français québécois est documentée depuis les études pionnières de Hull (1956), Dumas (1976, 1981), Dumas & Boulanger (1982), Walker (1984) et Dumas (1987). Des HV d'aperture (beaucoup prononcé [buku]) et d'ATR/tension (musique prononcé [mYzIk]), c'est la seconde qui fut le plus discuté à cause de son interaction avec le relâchement en syllabe fermée. L'HV d'ATR/tension est même l'objet de la thèse de doctorat de Poliquin (2006).

L'HV d'ATR/tension est intéressante, car des systèmes d'HV automatiques sont rares, sinon inexistants (Rhodes 1972). L'HV d'aperture est ainsi plus typique, car elle connaît des exceptions : beaucoup [buku], mais égout *[igu]. Les deux HV vont à l'encontre de la thèse de Bakovic´ (2000), qui prétend que l'HV n'est jamais directionnelle, précisant qu'elle procède de la racine vers les extrémités du mot, plutôt que (strictement) de gauche à droite ou de droite à gauche.

Dans cette communication, nous verrons que les phénomènes habituellement regroupés sous le vocable d'HV relèvent en fait de plusieurs phénomènes. À la base des deux types d'HV se trouve une coarticulation phonétique, plus évidente dans le cas de l'HV d'ATR/tension, puisque les valeurs F1/F2 des phones relâchés [I, Y, U] sont plus proches les uns des autres que leurs contreparties tensées [i, y, u]. Ensuite, un phénomène indépendant de réduction des voyelles hautes non accentuées vers le chva entre en jeu, ce qui donne parfois l'impression que des voyelles comme la première de musical sont relâchées : [mYzikal] (Poliquin 2006:146).

Finalement, nous faisons l'hypothèse que l'HV est un phénomène semblable à la métathèse, aux allongement et abrègement de voyelles, à la diphtongaison des voyelles non fermées, aux changements de lieu d'articulation des consonnes et à l'effacement des obstruantes. En effet, selon Labov (1994), ces changements procèdent par diffusion lexicale, c'est-à-dire qu'ils se répandent dans le lexique graduellement, plutôt qu'automatiquement. La diffusion lexicale s'oppose au changement phonologique régulier qui se répand automatiquement au lexique entier.

Ainsi, le caractère plus variable de l'HV d'aperture (d'un individu à l'autre et d'un mot à l'autre) serait attendu, rendant cette HV plus proches de celles observées dans les langues mieux connues pour leurs phénomènes d'HV (turc, finnois...). D'autre part, le caractère automatique et parfois surfait (dans des mots comme musical) relèverait plutôt d'une combinaison d'une coarticulation phonétique avec une réduction (ou centralisation) des voyelles fermées non accentuées.

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Louise Beaulieu et Wladyslaw CichockiUniversité de Moncton etUniversity of New Brunswick

Les formes quand/quand que en français acadien du nord-est du Nouveau-Brunswick : variation synchronique et variation diachronique

Cette communication présente une analyse de la variation synchronique et diachronique dans les expressions en tête des adverbiales tensées en quand dans la grammaire du français acadien. Il s’agit de modéliser le rôle des facteurs internes (linguistiques) et de facteurs externes (sociaux) dans l’emploi des formes quand / quand que dans deux corpus de français acadien du nord-est du Nouveau-Brunswick (FANENB).

En français de référence, la forme de la séquence en tête des propositions adverbiales tensées est catégorique. La plupart de ces séquences contiennent le morphème que, tel qu’illustré en (1a), si ce n'est de trois formes simples : comme, quand et si. En FANENB au contraire, la variation est la norme : toutes ces séquences ont une forme en que et une forme sans que (1b).

(1a) C'est [parce qu’on n'a pas voulu le faire].

(1b) Il est arrivé [quand / quand que je partais].

Dans les adverbiales en quand du FANENB, les formes quand, la variante standard, et quand que, la variante vernaculaire, sont utilisées en contexte formel et informel. Notons que la variante vernaculaire quand que n’est pas spécifique au FANENB ; on la retrouve dans la plupart des variétés informelles de français parlé (Bauche 1946, Gadet 1992, Holder et Starets 1982, King et Nadasdi 2006, Lefebvre 1982, Martineau 1988, Wiesmath 2006).

Les données analysées proviennent de deux corpus enregistrés dans la même communauté linguistique. Le premier a été recueilli en 1975 auprès de 20 locuteurs dont les années de naissance varient de 1882 à 1909 et le deuxième en 1990 auprès de 16 locuteurs nés entre 1936 et 1968. Ces deux corpus sont stratifiés selon l’âge, le sexe et le réseau social. Environ 4239 occurrences de propositions adverbiales en quand ont été analysées à l’aide de Goldvarb X (Sankoff et al. 2005), un logiciel de statistiques multivariées qui permet de faire des analyses de type règle variable [régression logistique ou modèle logit].

Les résultats montrent que plusieurs facteurs ont joué et jouent encore un rôle dans la modélisation de la variation de quand / quand que. Le contexte phonologique qui suit la variante est le facteur linguistique le plus significatif dans la variation. Les analyses révèlent aussi que le réseau social et le sexe ont influencé et influencent de façon significative la trajectoire de la variante quand que dans la communauté à l’étude.

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Sylvie Blain, Université de MonctonMartine Cavanagh, Campus de Saint-Jean à Université de l’AlbertaLamine Kamano, Université de MonctonLéopold Masumbuko Wa-Busungu K.G.,Université de Moncton

Évaluation de la cohérence textuelle dans le cadre d’une recherche en milieu scolaire : processus de validation d’une grille

Les élèves qui grandissent en milieu francophone minoritaire doivent relever des défis particuliers en ce qui a trait, entre autres, à l’apprentissage de la langue écrite. Les études standardisées menées à grande échelle montrent que les élèves issus des milieux minoritaires obtiennent des résultats inférieurs à ceux de leurs pairs tant en lecture (CMEC, 2012) qu’en écriture (CMEC, 2004). Selon une étude menée auprès de Franco-Albertains du primaire (Cavanagh, 2007), il semble que ces élèves éprouvent de sérieuses difficultés à rédiger des récits cohérents. Une autre, conduite auprès de francophones néobrunswickois (Blain et Lafontaine, 2010) a révélé leur difficulté à améliorer leurs écrits du point de vue de la cohérence.

Deux raisons expliquent en partie ces difficultés. D’une part, les enseignants tendent à privilégier la grammaire de la phrase au détriment de la grammaire du texte (Cormier 2005; Cazabon, 2005). D’autre part, il leur manque les outils et la formation nécessaire pour offrir à leurs élèves l’enseignement explicite de stratégies qui s’avère particulièrement important dans les milieux minoritaires fragilisés (Yeh, 1998 ; CMEC, 2004 ; Ball, 2006).

Devant ces constats, nous avons choisi d’étudier la mise en place d’une intervention ayant comme objectif principal l’apprentissage des stratégies cognitives pour une meilleure gestion du processus rédactionnelle. En plus de mesurer cet apprentissage, nous avons vérifié les répercussions de notre intervention sur la cohérence textuelle des compositions écrites par les élèves âgés de 9 ans et vivant en milieu francophone minoritaire canadien, plus précisément au Nouveau-Brunswick et en Alberta.

Dans le cadre de cette communication, nous présenterons le processus de validation de la grille d’évaluation de la cohérence textuelle de récits imaginaires. Trois dimensions ont été mesurées (Adam, 2005) : la cohérence macrostructurelle (organisation des idées de l’ensemble du texte); la cohérence microstructurelle (progression des informations du texte, tout en établissant des liens entre les phrases grâce à l’emploi de procédés de reprise d’information et de connecteurs logiques); et la cohérence situationnelle qui provient de la présentation de détails pertinents et intéressants du point de vue de la situation d’écriture, c’est-à-dire du thème, de l’intention d’écriture et du destinataire.

Ce processus de validation revêt d’un intérêt particulier non seulement pour la didactique, mais aussi pour la linguistique ainsi que le domaine de la mesure et de l’évaluation. En effet, d’un point de vue didactique, la mise au point de cette grille permettrait aux enseignantes et aux enseignants d’évaluer avec une plus grande précision et de façon plus objective la cohérence textuelle des récits imaginaires de leurs élèves. Cette validation ajoute aux connaissances en linguistique et permettrait aussi une mesure plus fidèle de cet aspect important de la qualité de l’écriture.

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Josée Blanchet et Sara KennedyUniversité de Québec à Montréal etConcordia University

L’enseignement explicite de la variation en classe FL2 et son effet sur la compréhension et sur l’expression des apprenants

Est-il souhaitable d’enseigner explicitement les variantes linguistiques courantes en classe de français langue seconde (FL2)? On suppose qu’un tel enseignement pourrait améliorer la compréhension orale des apprenants, or on constate que la variation est peu enseignée de façon explicite. Par exemple, les contractions du pronom personnel sujet et de l’auxiliaire (ex. Il est  [je]) sont omniprésentes dans la langue courante parlée au Québec, mais ne font pas l’objet d’un enseignement systématique, surtout aux niveaux élémentaires et intermédiaires de l’apprentissage. L’enseignement des variantes arrive souvent aux niveaux avancés, en partie parce que les préoccupations aux niveaux inférieurs sont centrées sur l’acquisition des bases (Thomas, 2001). La réticence à enseigner de telles variantes explicitement peut en effet venir de la crainte que l’apprenant ne confonde ces formes avec la norme qu’il n’a pas encore entièrement intégrée. Cette pudeur prive toutefois l’apprenant d’habiletés qui pourraient lui être fort utiles au stade intermédiaire de son apprentissage, soit celle d’identifier le sujet, ce qui permet de comprendre la direction d’une conversation, et celle d’identifier l’auxiliaire, ce qui permet de situer l’action dans le temps.

Une étude expérimentale longitudinale a vérifié l’effet d’un enseignement explicite de variantes courantes au Québec, notamment les contractions du pronom sujet avec l’auxiliaire, la chute du «ne» et l’utilisation du tu-particule, sur la capacité de compréhension orale d’apprenants FL2 de niveau intermédiaire. L’étude vérifiait également si les sujets ayant reçu cet enseignement utilisaient davantage les variantes étudiées en expression orale. Trente-deux apprenants FL2 suivant un cours de phonétique dans une université québécoise ont reçu un enseignement explicite centré sur le décodage et la compréhension des variantes nommées ci-haut. Un test vérifiant leur capacité de décodage et de compréhension d’un dialogue en français courant a été administré au début et à la fin du trimestre. Le groupe ayant reçu un enseignement explicite des variantes linguistiques a montré une meilleure capacité de décodage et de compréhension du dialogue que le groupe contrôle. Un pré-test et post-test d’expression spontanée administré au groupe expérimental révèle par ailleurs que les sujets n’ont pas intégré les variantes apprises à leur expression orale. La discussion met en relation les résultats et la pertinence d’intégrer un enseignement explicite de la variation en classe FL2.

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Beau BrockUniversity of Toronto

L’émergence de la voix canadienne : le rejet des stéréotypes du français canadien

Dans l’édition du 15 janvier 1874 du magazine hebdomadaire L’Opinion Publique, le journaliste québécois Oscar Dunn critique un journal parisien d’avoir prétendu que les Canadiens français parlent un patois normand. Dunn réfute cette notion, tout en admettant les défauts du français canadien : « Ce patois normand est absolument ignoré au Canada. Tous les Canadiens-Français parlent la même langue française, un peu gâtée par certains mots anglais écorchés ou traduits à moitié, mais sans mélange d’aucun des nombreux patois qui existent en France. » (Dunn 1874) Quoique des stéréotypes de ce genre soient très courants au 19ème siècle, les Canadiens français écrivaient peu à ce sujet jusqu’aux années 1870, où, tout à coup, la voix canadienne se fait entendre dans de nombreux milieux. Je propose une discussion de l’émergence de cette voix, en analysant des articles, des essais, et des monographies publiés au Québec de 1870 à 1900.

Les premiers stéréotypes du français canadien apparaissent au début du 19ème siècle dans les récits de voyages, écrits principalement par des Britanniques et des Français. Ces stéréotypes se propageaient rapidement, et étaient adoptés par les voyageurs ultérieurs, souvent sans poser de questions. La notion qu’on parlait un patois ou un jargon au Canada, le « mythe du French Canadian patois » (Bouchard 1990), ne plaisait aucunement aux Canadiens français, qui s’occupaient déjà du problème des anglicismes et de la légitimité du français canadien vis-à-vis le français standard. A partir de la Confédération en 1867, des écrivains et journalistes québécois tels que LaRue, Dunn, Sulte et Legendre, entre autres, s’engageaient à réfuter ce stéréotype en s’appuyant sur les évidences offertes par la philologie et la linguistique. Petit à petit, les Canadiens français commençaient à dominer le discours sur leur propre langue, et on constate un mouvement vers l’établissement d’une norme linguistique endogène.

L’analyse du développement tardif mais rapide de cette voix canadienne vers la fin du 19ème

siècle me permettra d’examiner des divers facteurs qui menaient le discours dans cette direction, dont notamment l’influence considérable des commentaires des étrangers sur la langue, les bouleversements politiques, et le rétablissement des liens entre le Québec et la France. Une discussion de ces facteurs est importante pour mieux comprendre les origines des débats actuels sur la langue française au Canada.

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Heather Burnett, Mireille Tremblay et Hélène BlondeauUniversité de Montréal etUniversity of Florida

Mots-N, concorde négative et variation en français montréalais

1. Introduction Les recherches des dernières années ont montré que les différences qualitatives entre le FQ et les autres variétés de français sont particulièrement marquées dans le système de la négation (Labelle 2010, Martineau 2005, Tellier 1987). Pourtant, les études quantitatives sur la négation en français nord-américain sont plutôt limitées : on retrouve soit des études diachroniques sur la concorde négative qui mentionnent en passant le phénomène en français québécois (Labelle 2010), soit des études variationnistes se limitant à des variables bien précises comme la présence/absence de « ne » (Martineau et al. 2003) ou l’alternance « pas/point » (Comeau 2007). De nombreuses questions demeurent sans réponse. Quelle est l’ampleur de la variation ? Que nous dit-elle sur les propriétés formelles du système? Notre communication vise à documenter l’alternance entre la présence et l’absence du marqueur négatif pas avec les mots-N comme personne, rien, aucun, jamais, nulle part et le terme à polarité négative pantoute.

2. Problématique Dans la plupart des langues romanes, la cooccurrence d’un marqueur de négation (comme pas) avec un mot-N donne lieu à une seule négation logique, alors qu’en français standard, la cooccurrence d’un marqueur de négation et d’un mot-N donne lieu à une double négation (1a) et la concordance négative est restreinte aux mots-N (1b).

(1) a. Pierre n’a pas vu personne. “Pierre a vu quelqu’un”b. Personne n’a rien vu. “Personne n’a vu quelque chose”

Le FQ semble se situer à mi-chemin entre ces deux systèmes puisque le marqueur de négation y est facultatif (2-3)

(2) a. (Pas) personne est venu.b. J’ai (pas) vu personne.c. J’ai (pas) parlé à personne.

(3) a. (Pas) rien la dérange.b. J’ai (pas) rien vu.c. Je leur ai (pas) parlé de rien.

Malheureusement, comme il n’existe à notre connaissance aucune étude quantitative décrivant cette variation, on connaît mal les facteurs qui contraignent l’expression de la négation en FQ.

3. Résultats Notre étude, qui s’appuie sur 2790 occurrences tirées d’un corpus de français montréalais, vise à combler ce vide. Nous montrons l’existence d’une variation sociolinguistique productive. Sur le plan linguistique, la variation s’avère principalement influencée par le type de mot-N, puis par d’autres facteurs comme la position, la présence d’un complément et l’enchâssement. Par ailleurs, l’analyse des contraintes extra-linguistiques montre un agencement complexe de facteurs sociaux comme la scolarité et la profession alors que la différence entre les hommes et les femmes ne joue pas un rôle déterminant.

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Wladyslaw Cichocki et Yves PerreaultUniversity of New Brunswick etUniversité de Moncton

L’assibilation des occlusives /t/ et /d/ en français parlé au Nouveau-Brunswick : nouveau regard sur la question

Dans les études traditionnelles en dialectologie, l’assibilation est l’un des traits qui délimitent le domaine du français acadien versus celui du français laurentien (québécois) (Haden 1973, Morgan 1978). L’assibilation est le processus par lequel les consonnes occlusives /t/ et /d/ acquièrent une prononciation assibilée, [ʦ, ʣ], quand elles sont suivies des voyelles [i, y] ou des semi-voyelles [j, ɥ] ; petit [pəti] devient [pəʦi] et Acadie [akadi], [akaʣi]. Le patron mis à jour dans les études sur ce phénomène montre que l’assibilation se retrouve dans presque tout le domaine québécois (Poirier 2009), mais qu’elle est inexistante dans le domaine acadien et ce à quelques exceptions près : la région d’Edmundston, dans le nord-ouest du Nouveau-Brunswick (McKillop et Cichocki 1989), et quelques villages de l’Île-du-Prince-Édouard (King et Ryan 1989). Cette communication présente un nouveau regard sur la distribution géographique de l’assibilation de /t/ et /d/ dans une partie du domaine acadien. Selon des observations phonétiques récentes faites au Nouveau-Brunswick, les frontières géographiques de l’assibilation sont en voie de se déplacer, voire même de disparaître. Les données utilisées proviennent du Corpus RACAD, un corpus de phrases lues colligées pour les fins de la recherche en reconnaissance automatique de la parole (Cichocki et al. 2008). Ce corpus a été recueilli auprès de 140 locuteurs de cinq régions du Nouveau-Brunswick et est stratifié selon le sexe et l’âge des locuteurs. Les analyses phonétiques acoustiques présentées ont été réalisées à l’aide du logiciel Praat.

Les résultats mettent en évidence trois variantes principales : les occlusives dentales : [t], comme dans petite [pətit], parfois réalisées avec une aspiration importante [pəthit], et [d], vendu [vãdy] ; les affriquées alvéolaires [ʦ, ʣ], parfois accompagnées d’une chute de la voyelle /i, y/, comme dans Acadie Nouvelle [akaʣinuvԑl, akaʣnuvԑl] ; et une affriquée post-alvéolaire [ʤ], comme dans vendu [vaʤy]. En ce qui a trait à la distribution géographique de ces variantes, il semble que les fréquences des occlusives [t, d] – qui, selon les études précédentes, étaient les formes utilisées dans la plupart des régions du Nouveau-Brunswick – diminuent au profit des deux variantes affriquées. Le Nord-Ouest montre le taux d’assibilation le plus élevé, alors que le Sud-Est a le taux le plus bas. L’analyse de l’effet de deux facteurs sociaux – âge et sexe – suggère que l’augmentation de la fréquence des variantes assibilées est un changement en cours et que ce changement est mené par les femmes.

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Philip Comeau et Marie-Ève PerrotUniversité d’Ottawa et Université d’Orléans

Analyse comparative des emprunts dans le français acadien: le cas de but et so

Cette communication s’inscrit dans le cadre d’un projet d’analyses comparatives des emprunts dans différentes variétés de français acadien en situation de contact plus ou moins intensif avec l’anglais.

Nous nous concentrerons ici sur les connecteurs, catégorie particulièrement perméable à l’emprunt dans les situations de contact (Matras, 2009). À titre d’illustration, nous examinerons en détail la distribution et les valeurs des connecteurs but (1) et so (2) dans le français de Moncton (sud-est du Nouveau-Brunswick) et de la Baie Sainte-Marie (sud-ouest de la Nouvelle-Écosse). Dans ces variétés, but alterne avec les variantes françaises ben et mais, et so alterne avec la variante française ça fait que.

(1) Elle a pris des leçons de piano but ça a jamais, comme, panné out. (Benoit, CL-340)(2) Il s’a marié tard. Il avait vingt-sept so après ça il était pas mal settlé. (Benoit, CL-340)

Prenant appui sur les travaux existants sur ces deux connecteurs très répandus dans ces régions (Roy 1979, Giancarli 2003, Chevalier 2007) comme dans d’autres (Mougeon et Beniak 1991), nous chercherons à combiner les approches quantitative et qualitative pour montrer que la nature et la diversité de nos données permettent d’appréhender la variation du point de vue diatopique, mais aussi diachronique (temps réel et temps apparent) et diaphasique, contribuant ainsi à une meilleure compréhension des emplois des emprunts et de leur évolution.

Nos résultats préliminaires révèlent deux tendances distinctes pour chacune des communautés. À la Baie Sainte-Marie, si pour les deux emprunts les variantes françaises restent majoritaires par rapports aux variantes anglaises, ces dernières sont en augmentation dans le parler des locuteurs les plus jeunes et semblent ainsi gagner du terrain au sein de la communauté. À Moncton, après une première phase confirmant l’hypothèse formulée par Roy (1979) d’un changement allant dans le sens de l’introduction accélérée des connecteurs anglais au détriment de leurs équivalents français, les corpus les plus récents laissent apparaître le mouvement inverse: si les variantes anglaises restent majoritaires, les variantes françaises sont désormais en augmentation dans le discours des jeunes locuteurs.

La comparaison nous permettra ainsi de montrer qu'il est tout aussi pertinent de s’interroger sur les différences que sur les ressemblances entre les

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variétés acadiennes, dans la mesure où elles présentent des dynamiques distinctes dans l'emploi d'emprunts identiques.

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Marie-Hélène CôtéUniversité Laval/Université d’Ottawa

Contribution de la phonologie à la définition d’une norme laurentienne de prononciation

La question d’une norme de prononciation spécifiquement canadienne du français fait régulièrement débat. Si l’idée de l’existence d’une telle norme semble avoir progressé, souvent sous le qualificatif de norme « radio-canadienne », sa définition pose des défis considérables: quelles particularités du français canadien devraient être légitimées et sur la base de quels critères? L’établissement d’une norme doit reposer sur une description adéquate des usages et la fréquence de nombreuses variantes de prononciation dans la parole médiatisée formelle a ainsi été assez bien décrite (Cox 1998; Reinke 2005; Bigot 2008). Certains phénomènes se trouvent ainsi légitimés par cet usage (ex. certaines oppositions vocaliques, l’assibilation de /t d/), d’autres sont clairement exclus de la norme (ex. diphtongaison des voyelles longues, réalisations marquées de la diphtongue <oi>). Plusieurs zones d’incertitude demeurent pourtant, par exemple le relâchement des voyelles fermées ou le timbre des voyelles nasales.

Les progrès vers la définition d’une norme sont limités par une compréhension incomplète du système phonologique qui sous-tend ces usages et par des conventions de transcription inappropriées pour le français laurentien, deux handicaps hérités d’une tradition mal adaptée, en particulier en ce qui concerne le système vocalique (là où se concentre l’essentiel de la variation de nature segmentale en français). Nous reprenons ici le problème d’une norme laurentienne à la lumière des progrès accomplis récemment dans l’étude du système phonologique de cette variété de français, notamment dans le cadre du projet « Phonologie du français contemporain » (PFC; Durand et al. 2009). D’une part, la norme de prononciation doit être envisagée du point de vue du système phonologique, et non simplement comme une collection de phénomènes distincts. Cela implique de distinguer nettement les faits relevant des oppositions vocaliques de ceux relevant de la réalisation des voyelles, en acceptant l’idée que le système d’oppositions doit être respecté. Les données PFC recueillies auprès de plus de 120 locuteurs du français laurentien permettent de clarifier le système d’oppositions partagé par l’ensemble des locuteurs laurentiens, éclairant du même coup plusieurs des zones incertaines laissées par les débats précédents (voyelles fermées relâchées, voyelles basses). D’autre part, il faut remettre en question certaines conventions de transcription du français, reprises par exemple dans les dictionnaires (ex. Multidictionnaire, Usito) et grammaires scolaires au Québec, ces conventions étant incompatibles avec le système à décrire et donc avec la norme qui lui serait associée (ex. transcription de la voyelle de fête, statut du [ə]). Un système cohérent se dégage, qui clarifie considérablement le débat sur la norme de prononciation et la façon de la représenter.

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Tina DesabraisUniversité d’Ottawa

Les mots pour le dire… L’influence de l’(in)sécurité linguistique sur l’expérience d’étudiantes de milieux francophones minoritaires canadiens inscrites aux études supérieures

Cette communication propose de présenter un survol de l’analyse du discours de femmes de milieux francophones minoritaires canadiens inscrites aux études supérieures à l’Université d’Ottawa. L’objectif de notre recherche était de voir si et comment les éléments linguistiques, les variétés de français, l’identité et, plus spécifiquement, la sécurité et l’insécurité linguistique (Labov, 1976; Trudgill, 1978; Bourdieu, 1982; Francard, 1993; Swiggers, 1993; Calvet, 1999; Klinkenberg, 2001; Robillard, 2001; Bretegnier, 2002; Blanchet et Robillard, 2003; Singy, 2004), dans le contexte francophone minoritaire canadien, a une influence sur l’expérience des études supérieures.

L’aboutissement s’est avéré fructueux, car cette recherche est venue combler une lacune au chapitre des connaissances en ce sens qu’aucune autre étude ne porte sur les études supérieures en milieu minoritaire canadien et, plus particulièrement, sur les types de français employés par les étudiants et les professeurs, de même que le français privilégié en contexte universitaire. L’on reconnaît effectivement un vide en ce qui a trait aux études supérieures, comme s’il n’y avait plus lieu de se questionner, comme si plus nous avancions dans les années d’études, moins la spécificité culturelle et linguistique avait une influence sur l’expérience scolaire. Or, d’aucuns l’admettra, elle continue de nous habiter et d’influencer notre quotidien. En effet, les données issues d’entretiens avec ces étudiantes ont bien concrétisé l’expérience de la double minorisation, de même que les rapports de force, de domination et de minorisation. Elles ont également permis de comprendre que les étudiantes ne sont pas que des victimes : elles sont également des actrices, au sens de Giddens (1987), capables d’utiliser des stratégies d’évitement et de canalisation. De par leur discours, les participantes ont donc partagé leurs idéologies linguistiques sur les français d’ici, tant dans le contexte de la vie personnelle/ quotidienne que dans le contexte universitaire, de même que les pratiques auxquelles elles adhèrent et celles qu’elles contestent.

Ainsi, alors que l’on peut croire que les étudiants inscrits au niveau des études supérieures ont intégré à la fois les compétences et la confiance habituellement acquises rendu à ce stade et, surtout, maîtrisé une façon d’être, de se comporter, d’interagir, voire de se représenter le monde (en un autre mot, l’habitus), force est de reconnaître que cela ne va pas de soi et que les sentiments linguistiques relatifs aux variétés de français influencent toujours cette expérience.

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Robert Fournier et Annamaria CoppolaCarleton University etMinistero dell'Istruzione, dell'Università e della Ricerca, Napoli, Italia

Le subjonctif en Péninsule acadienne, une disparition annoncée

Plusieurs historiens de la langue, les plus classiques (Brunot & Bruneau) comme de plus récents (Harris, 1974; Winters 2006) ont prédit à divers degrés l'érosion inévitable du mode subjonctif en français.

Contrairement aux grammairiens traditionnels pour qui le subjonctif est le mode par excellence pour marquer un large spectre de fonctions sémantiques (doute, souhait, volition, incertitude, etc.), et qui ont toujours eu beaucoup de mal à en démêler les usages (Cohen, 1965; Soutet, 2000), il se pourrait bien que les locuteurs, au plan communicationnel, ne ressentent pas les mêmes nécessités.

L'érosion progressive du subjonctif en français contemporain, au profit des modes indicatif et conditionnel, a été noté par plusieurs chercheurs dans différentes zones de la francophonie canadienne ((Davies (1979) pour Montréal; Laurier (1989) pour le franco-ontarien; Auger (1988) pour le français parlé de la ville de Québec; Poplack (1992) pour la région d'Ottawa-Hull), mais aussi dans des variétés européennes ((Sand (1981) pour la région de Caen; Bourcelot (1972) pour les Ardennes; Gougenheim (1964), Nerio (1978) pour la France)).

Quiconque a fréquenté la Péninsule acadienne a pu être frappé par la disparition totale du mode subjonctif dans le français acadien basilectal des locuteurs de cette région, un fait passé inaperçu jusqu'ici dans les descriptions des variétés de français acadien. Qui plus est, cette disparition n'est compensée par aucune autre stratégie linguistique apparente et identifiable, signe que la langue peut assez bien se passer de ce mode.

Nos données et nos observations sont fondées sur la fréquentation assidue au cours des 10 dernières années de plusieurs membres des communautés de pêcheurs de la région de Shippagan, Lamèque et Miscou. Il s'agit majoritairement d'hommes dans la cinquantaine et plus, peu ou pas scolarisés, plusieurs illettrés, et qui n'ont jamais quitté la région, sauf pour de courtes visites aux membres de leurs familles au Québec.

Nous essayons de comprendre les raisons de cette disparition. Diverses hypothèses historiques, avec prises en compte de facteurs morphophonologiques et sémantiques, seront examinées pour montrer que ce mode est en voie de disparition latente dans l'évolution du français, et que les locuteurs du français basilectal de la Péninsule acadienne n'ont fait que pousser à leurs limites les régularisations attendues et annoncées depuis fort longtemps dans l'histoire du français.

Nous observerons que cette variable a franchi toutes les étapes du changement linguistique pour atteindre le point de non retour de la dégrammaticalisation (Ramat, 1992; Van der Auwera, 2002; Prévost, 2006).

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Jessica GaudetteUniversité d’Ottawa

Imaginaire francophone en bande dessinée : discours et idéologie linguistiques dans Les passagers du vent de François Bourgeon

Dans cette communication, nous examinons la représentation des variétés linguistiques dans les deux derniers albums de la bande dessinée Les passagers du vent (7 vol, 1979-2010) de François Bourgeon. Reconnue pour sa rigueur historique, le récit se déroule à l’époque de la colonisation des Amériques, plus précisément entre Saint-Domingue et la Louisiane des 17e et 18e siècles. Faire « entendre » les voix de l’Amérique française dans un contexte historique de rencontres multiculturelles et multilinguistiques, voilà à quoi s’est livré François Bourgeon dans son diptyque. En effet, le français colonial, ou de plantation (Valdman), le créole haïtien, le créole louisianais ainsi que le cadien louisianais se partagent l’espace textuel du récit. Souvent analysée du point de vue récit/image, la bande dessinée a été peu examinée sous l’angle linguistique. Dans une perspective sociolinguistique et discursive, nous chercherons à démontrer de quelle façon l’hétérolinguisme (Grutman) mis en scène intervient dans la construction historique (De Certeau) de ce passé colonial. Nous mettrons en parallèle l’idéologie discursive de la représentation de l’histoire aux idéologies sociolinguistiques derrière la mise en scène des « effets de langue » (Gauvin). De plus, compte tenu de l’absence de traduction, nous nous pencherons sur la complémentarité de sens entre texte et image.

En procédant par comparaison linguistique (vocabulaire, grammaire, prononciation), nous exposerons d’abord les stratégies de différenciation entre les groupes ethnolinguistiques et sociolinguistiques, mais également celles face au standard hexagonal du français écrit. Ensuite, nous nous pencherons sur des considérations littéraires : dans quels contextes les effets de langue sont-ils mis en scène? Comment la manifestation du parler en vient à « décrire » les personnages ? À quel moment le désir de réalisme laisse-t-il place à la caricature et au stéréotype? De plus, étant donné le point de vue nettement idéologisé de l’Histoire, nous chercherons à positionner l’imaginaire linguistique (Gauvin) face au discours historique. Cet imaginaire est-il porteur du discours postcolonial mis en place ou témoigne-t-il, à l’insu de l’auteur, de l’idéologie du standard (Lodge)? Enfin, en traitant d’une forme artistique en périphérie des genres classiques, notre projet propose un nouvel angle à l’analyse des rapports entre langue et littérature.

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Karine GauvinUniversité de Moncton

Que reste-il des traits du français acadien traditionnel dans le chiac de Moncton?

Les travaux plus récents portant sur le chiac de Moncton ont révélé des « indices d’une stagnation de l’anglicisation, voire d’un réel recul dans certains domaines », et cela, au profit d’« un français standardisé le plus souvent fluide et spontané » (Perrot, 2005 : 320). L’influence grandissante du français standard s’explique par le rôle prépondérant des écoles et par la présence accrue de médias francophones. Si les linguistes avaient déjà noté une tendance vers la standardisation dans les année 1980, ils avaient surtout mis de l’avant la nette progression de l’anglais sur le français, phénomène maintenant bien documenté et qui est devenu l’une des caractéristiques les plus saillantes du chiac. Mais qu’en est-il du maintien de traits du français acadien traditionnel? Pour Péronnet, ce dernier constitue le « point de comparaison pour étudier les nouvelles variétés de français » (1996 : 123), et elle conclut que le français acadien traditionnel perd du terrain au profit des deux tendances déjà énumérées, soit l’anglicisation et la standardisation, et, dans une moindre mesure, par la présence de nouveaux régionalismes, en provenance notamment du français québécois. Ces changements complexes ont toujours cours aujourd’hui et les pratiques linguistiques actuelles peuvent encore être décrites comme étant très instables. Je propose ainsi, dans cette communication, d’examiner la part qui est réservée au français acadien traditionnel à partir de la description lexicale, phonétique et morphosyntaxique d’un entretien accordé par Timothée Richard à Luc LeBlanc dans le cadre de l’émission Luc et Luc, diffusée sur les ondes de Radio-Canada Atlantique le 17 janvier 2013. Si on ne peut étendre les conclusions résultant de cette analyse à l’ensemble des pratiques linguistiques de toute une communauté, il est néanmoins parfois utile de se pencher sur les pratiques afin d’observer les changements en cours.

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Ana GiaufretUniversità di Genova

Pratiques langagières et représentations linguistiques des jeunes bédéistes montréalais francophones et anglophone

Dans le cadre de notre communication, nous allons nous concentrer sur les pratiques langagières et les représentations linguistiques de jeunes auteurs québécois francophones et anglophones (nés après 1970) dans leurs œuvres, à savoir des publications papier mais aussi des blogues. La situation particulière de la ville de Montréal et de sa région urbaine au sein de l’espace linguistique francophone rend cette analyse d’autant plus passionnante. Nous allons donc tenter de vérifier un ensemble d’hypothèses, notamment une atténuation de la ségrégation linguistique qui affecte depuis longtemps les communautés montréalaises, ce qui entraine une plus grande porosité de ces mêmes communautés, une difficulté accrue de la part des individus à se situer par rapport à la frontière linguistique français/anglais et (peut-être) une diminution de l’efficacité des mesures de protection et promotion de la langue française. En particulier, nous nous pencherons sur les représentations du français et de l’anglais dans les BD québécoises aussi bien francophones qu’anglophones.

Notre étude se situera dans le cadre théorique de la sociolinguistique urbaine, telle que définie par Bulot (2002), et s’appuiera sur la notion de représentation langagière (Petitjean 2009). Car les sociolinguistes sont désormais d’accord sur le fait que les dynamiques linguistiques ne peuvent s’analyser seulement par les pratiques mais qu’il faut aussi prendre en compte les représentations. Or, qu’est-ce que le texte contenu dans les bulles de la bande dessinée sinon une représentation de la langue parlée, qui plus est contextualisée grâce au support iconique ?

Notre enquête se déroulera en trois temps : 1) analyse des pratiques linguistiques des jeunes bédéistes Montréalais dans le cadre de leur travail (notamment lors de moments tels que les 24h de la BD de Montréal où les auteurs travaillent parfois en tandem anglophone/francophone) ; 2) analyse des représentations langagières qui se dégagent des bandes dessinées ; 3) comparaison des pratiques et des discours épilinguistiques.

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Sandrine Hallion et Isabelle C. MonninUniversité de Saint-Boniface etUniversité Paris-Sorbonne (Paris IV)

« Il fait beau hein, Gordie Howe » : la question de l'aspiration du h dans un corpus manitobain

La prononciation du h dit « aspiré » est un phénomène que la plupart des études portant sur le français parlé dans l’Ouest canadien répertorient (voir notamment Jackson, 1974 pour la Saskatchewan ; Thogmartin, 1974 pour le Manitoba ; Rochet, 1994 pour l’Alberta). Selon ces études, ce phénomène semble se limiter à un certain nombre de contextes : on le retrouve à l’initiale dans des mots comme honte, haut, hache, parmi d’autres, ou encore à l’intervocalique dans l’adverbe dehors. Cette prononciation archaïque d’origine laurentienne (Léon, 1967), qui représentait la norme en France jusqu’au 17e siècle (Bourciez, 1955 ; Walter, 1976), s’est également maintenue dans certains français régionaux européens jusqu’au 20e siècle (Fouché, 1959; Martinet, 1971 [1945]). Comme le suggère Thogmartin (1974), son usage actuel au Manitoba pourrait résulter de la conservation d’un trait du français laurentien vernaculaire, renforcée, dans certains cas, par sa présence dans des variétés régionales de français introduites à date plus récente par des colons venus directement de l’Europe francophone.

Nous proposons de nous intéresser à cette variable (prononciation vs non prononciation du h « aspiré ») à partir du dépouillement et de l’analyse d’une partie du corpus Hallion-Bédard, un corpus de français parlé recueilli dans quatre régions rurales du Manitoba entre 2008 et 2010. Ce corpus rassemble plusieurs heures d’entrevues semi-dirigées et comprend la lecture quasi systématique d’une liste de mots. L’origine diversifiée des francophones de ce large corpus, qui est à l’image de celle des francophones de la province manitobaine (Papen et Marchand, 2006), laisse présager qu’il pourrait exister des différences significatives dans l’emploi de cette variable selon la communauté d’appartenance et l’origine ancestrale des participants. Une recherche récente menée sur ce même corpus (Cenerini, 2012) a effectivement mis en relief des différences intercommunautaires quant à l’usage de plusieurs variantes désignant le concept d’automobile : les locuteurs d’une des communautés d’enquête n’emploient jamais, en situation d’entrevue, la variante vernaculaire char. Nous présenterons l’étendue du phénomène d’aspiration dans le corpus tout en analysant les divergences intercommunautaires potentielles.

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Hélène LabelleUniversité d’Ottawa

Le traitement lexicographique du français québécois dans Usito, dictionnaire québécoisinformatisé

Ma communication visera une réflexion sur la norme écrite franco-canadienne en proposant une étude métalexicographique du nouveau dictionnaire québécois informatisé, Usito. Ce dernier, connu d’abord sous le nom du projet Franqus, a été créé par une équipe de l’Université de Sherbrooke, sous la direction d’Hélène Cajolet-Laganière, de Pierre Martel et de Chantal-Édith Masson, et a finalement été commercialisé en 2013 sous le nom d’Usito. Il propose une « description générale et ouverte de la langue française », tout en intégrant à sa nomenclature un lexique à l’usage et au contexte québécois, mais également canadien et nordaméricain1. Sachant que la langue n’est jamais distincte des institutions qui la produisent2, il est intéressant de se pencher sur les articulations de son discours métalinguistique. Cependant, d’autres dictionnaires non différentiels de langue française au projet lexicographique semblable et réalisés au Québec l’ont précédé : le Dictionnaire québécois d’aujourd’hui (Boulanger 1992), le Dictionnaire du français plus à l’usage des francophones d’Amérique (Poirier 1988), le Dictionnaire québécois-français (Meney 1999). Rappelons que ces trois dictionnaires ont reçu un accueil mitigé de la critique québécoise et internationale3. De quelle manière Usito s’inscrit-il donc dans cette lignée d’ouvrages dictionnairiques?

Cette communication, qui découle de mes recherches de maîtrise, résulte d’une méthodologie alliant métalexicographie et analyse du discours. Je ferai le point à la fois sur la macrostructure (les entrées, les réseaux structurants) et la microstructure (les définitions, les marques d’usage, les remarques) des régionalismes, des archaïsmes, des anglicismes et des francismes d’Usito. Je montrerai en quoi les entrées de ce nouvel outil ressemblent aux trois autres dictionnaires nommés précédemment, pour ensuite m’attarder plus longuement aux innovations de celui-ci. Bien que mes données soient en cours d’analyse, les nouveautés sur le plan de la microstructure se montrent nombreuses et variées. Mon propos tournera donc principalement autour de deux questions. D’abord, quelle sont les similarités et différences des choix lexicographiques d’Usito par rapport aux dictionnaires qui l’ont précédé? Ensuite, de quelle manière le discours métalinguistique d’Usito s’articule-t-il autour de sa nomenclature?

De plus, Usito étant sur une plateforme électronique uniquement en ligne, j’aborderai pour terminer les innovations qu’il apporte au niveau de l’encodage et du système de rédaction des dictionnaires. Comment se démarque-t-il d’un dictionnaire papier au niveau de ses fonctionnalités supplémentaires?______________________________1 USITO, « Un nouveau dictionnaire du français ». [En ligne] < http://www.usito.com/un-nouveaudictionnaire-du-francais/> [12 janvier 2014].2 Jean-Marie KLINKENBERG, La langue et le citoyen. Pour une autre politique de la langue française, Paris, Presses universitaires de France, 2001, p.21-22.3 Elmar SCHAFROTH, « Aspects de la normativité dans les dictionnaires du français québécois », dans Monique C. Cormier et Jean-Claude Boulanger (dir.) Les dictionnaires de la langue française au Québec. De la Nouvelle-France à aujourd’hui, coll. « Paramètres », Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2008, p.199-238.

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Sara LafranceUniversité de Moncton

L'enseignant et l'espace discursif en éducation: une réflexion

En raison de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés et de sa jurisprudence, le système d’éducation minoritaire francophone au Canada a le double mandat d’enseigner aux élèves, et aussi de contribuer au développement des communautés minoritaires. Pour cette raison, un réseau éducatif de 29 conseils scolaires et de plus de 600 écoles a été établi en contexte minoritaire.

Ces écoles sont le reflet de leurs milieux et, en raison des changements qu’ont amenés l’individualisation de la société, la mobilité des individus, l’exogamie et une nouvelle diversité en raison de l’immigration au Canada, le portrait des élèves démontre une hétérogénéité qui était présente dès leur mise en place. Les enseignants sont, au même titre, le reflet de leur milieu et sont souvent aux prises avec le double mandat de l’école et ne savent pas comment se positionner : comment enseigner une langue et une culture avec laquelle ceux-ci ont des expériences et un vécu qui peuvent être si différents de celui des élèves qu’il peut leur être difficile de comprendre le monde culturel des élèves; ou encore si près qu’il peut leur être difficile de consolider le monde culturel des élèves avec le monde culturel où la langue standardisée est de mise.

Lors de cette présentation, nous réfléchirons sur les dilemmes que peuvent vivre certains enseignants en raison des choix qui doivent être faits en salle de classe lors des interactions avec les élèves à l’oral :

La façon dont les enseignants perçoivent les habiletés langagières des élèves met-elle un biais sur le type de vocabulaire employé en salle de classe?

Est-ce que le contact avec la langue standardisée fait ressortir les insécurités linguistiques de l’enseignant?

Ces questions méritent d’être mises sur la table puisque, comme le démontrent certains auteurs, les enseignants sont les passeurs culturels en milieu minoritaire. Ils sont ceux qui sont en première ligne et qui font face aux défis de l’enseignement et au développement des communautés, rôle qui peut peser plus ou moins lourdement sur leurs épaules s’ils sont conscients de leur tâche. Ce rôle peut aussi être tout à fait inconnu des enseignants en raison de leur habitus et, dans ce cas, le double mandant des écoles en milieu minoritaire ne peut être rempli.

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Carmen L. LeBlancCarleton University

Les interrogatives partielles en Madelinot

L’article de Foulet, publié en 1921, a ouvert la voie aux études sur l’interrogation, tout d’abord en français européen puis nord-américain. Plus récemment, les analyses ont porté presque exclusivement sur la langue parlée; on note deux courants principaux, l’un variationniste et l’autre générativiste et il est question des interrogatives totales (ex. Fox 1991), partielles (ex. Lefebvre 1982) ou encore des deux (ex. Elsig 2009). Cette présentation traitera de l’interrogation partielle dans le français parlé aux Iles de la Madeleine au tournant du XXe siècle, notre perspective se situe à la rencontre des analyses qualitative et quantitative. Il existe à ce jour une description détaillée de la prononciation (Falkert 2007) et du lexique (Naud 2011) madelinot ; notre travail aborde les questions de morphosyntaxe.

Le madelinot est une variété acadienne ayant comme base la koiné qui s’était formée dans l’ancienne Acadie. L’errance, qui se prolongea jusqu’au milieu du XIXe siècle pour certaines familles, fut marquée par le contact interdialectal. On s’attendrait à trouver une profusion de formes pour une même fonction, mais on trouve aussi l’inverse. La stabilité du peuplement de la terre d’accueil, atteinte vers 1850, et la longue période d’isolement qui dura jusqu’aux années 1960 a permis dans bien des cas le nivèlement des variantes dialectales en présence par l’élimination de certaines et le renforcement d’autres. À titre d’exemple, LeBlanc (2013) dans son étude sur les interrogatives totales avait trouvé cinq variantes productives. Pour les mêmes données, à l’exception de quelques formes rares ou lexicalisées, nous avons trois variantes pour l’interrogation partielle.

a) Mot-QU ce que SVO (Où ce que je vas bien aller? MA-1-2-25)b) Mot-QU c’est que SVO (Quoi c’est que vous devenez ? MA-6-1-30)c) Mot-QU ce que c’est que SVO (Quoi ce que c’est qui vient ? MA-7-2-142)

On notera à l’abord que les mots-QU sont toujours placés en tête de phrase, la variante SVQ, si répandue dans certaines variétés, est ici absente. L’ordre canonique SVO est aussi respecté partout. Notre analyse rendra compte du contexte d’emploi pour chaque variante, de l’alternance des formes simples (a) et allongées (b et c) et des contraintes linguistiques (ex. fonction de l’argument remplacé) et sociolinguistiques (ex. âge des locuteurs) qui régissent la variation. Il sera ensuite question du statut de ce que et de sa forme sous-jacente. Puis, nous traiterons des constructions interrogatives lexicalisées et les emplois catégoriques en madelinot.

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Isabelle LeBlancUniversité de Moncton

Le discours de femmes sur la transmission de la langue en Acadie

Le maintien des femmes dans l’espace privé a longtemps été motivé par l’idée que ces dernières devaient assumer différentes tâches éducatives auprès des enfants, dont celle de leur apprendre le français et de veiller à son développement. Cette négociation entre les rôles masculin/ féminin et privé/ public rappelle les propos de Erving Goffman (1959) qui considère que la performance sociale des personnes peut se comparer à une mise en scène où le devant et l’arrière de la scène deviennent des métaphores pour tout le reste de la vie. Le devant de la scène est un espace plus formel où les rites et les normes sont différents de l’arrière-scène, espace où l’interaction se fait de manière informelle. Les valeurs symboliques associées aux personnes à travers ces différentes sphères sont aussi une révélation de la subtilité des relations de pouvoir.

En milieu francophone minoritaire comme l’Acadie du Nouveau-Brunswick, le rapport entre la langue et le genre n’a pas été beaucoup examiné. Dans un effort de combler cette lacune, je m’intéresserai aux discours sur les pratiques linguistiques de femmes qui ont étudié en France avant de revenir s’installer en Acadie du Nouveau-Brunswick. Alors que les femmes ont cherché à rompre avec l’idée que leur place était au foyer, est-ce qu’elles ont réussi à rompre avec l’idée qu’elles sont « tenues, idéologiquement, de transmettre la langue […] aux enfants » (McLaughlin et Heller, 2011 : 255) ? Et si cette rupture n’a pas été opérée, quelle langue ces femmes souhaitent-t-elles transmettre? Le français standard? Le chiac? Les deux?

France Daigle capture bien cette difficulté que peut avoir une femme dans le choix de la langue à transmettre en milieu minoritaire en écrivant: « C’est pas beau un enfant qui parle chiac », affirme Carmen, qui entend léguer à sa progéniture sa langue maternelle, le français, et non le parler populaire de l’Acadie » (Daigle, 2002)1. Cette idée de laideur associée au chiac existe bel et bien dans le milieu, mais est-ce qu’il existe aussi des revendications en faveur de transmettre les pratiques linguistiques associées au chiac? Quelles représentations sur la langue circulent dans le discours des femmes acadiennes qui ont vécu en France et qui reviennent faire leur vie en Acadie?

À partir d’un corpus d’entretiens réalisé auprès de femmes acadiennes ayant circulé en France pour des séjours d’études, j’examinerai les idéologies linguistiques en lien avec la transmission de pratiques linguistiques en Acadie.

_________________1L’extrait fut tiré du site web amazone : http://www.amazon.ca/Petites-difficultés-dexistence-France- Daigle/dp/2764601948

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Mélanie LeBlancUniversité de Moncton

Idéologies linguistiques en concurrence dans la construction de l’acadianité

Les communautés acadiennes ont subi des transformations importantes sur le plan socioéconomique, notamment depuis les années 1990 alors qu’elles ont été forcées à repenser leurs stratégies de développement économique et culturel. Par le fait même, elles ont dû repenser leur façon de se construire comme communauté acadienne et/ou francophone. La création de programmes d’appui aux communautés minoritaires francophones par les gouvernements a permis aux communautés acadiennes de se réorganiser en développant, entre autres, le tourisme culturel, l’immigration francophone ou encore des partenariats d’affaires dans des marchés de plus en plus diversifiés.

Alors qu’une idéologie du standard et du monolinguisme a été/est dominante dans l’espace acadien et dans la construction de l’acadianité, ces nouvelles réalités mettent au jour des discours idéologiques qui y font parfois concurrence.

À partir d’un corpus d’entretiens réalisé auprès d’acteurs sociaux francophones, je me pencherai sur les idéologies linguistiques qui se manifestent dans deux communautés acadiennes, soit la région du Grand Moncton (Nouveau-Brunswick) et la Baie Sainte-Marie (Nouvelle-Écosse). Il s’agira de voir comment les nouvelles stratégies de développement socioéconomique adoptées par ces communautés viennent renforcer ou encore déstabiliser l’idéologie linguistique dominante.

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Catherine LégerUniversity of Victoria

L’utilisation discursive de voir en français acadien

En français acadien, dans le discours familier (ainsi que dans d’autres variétés de français), voir, prononcé le plus souvent comme [wɛ:r], peut apparaître dans des énoncés impératifs, tels ceux en (1).

(1) a. Ferme voir la porte!b. Arrête voir tes niaiseries!

Dans ce type d’énoncés, il est clair que voir n’a pas les propriétés syntactico-sémantiques du verbe de perception dont il provient. Comme le démontre (2), dans ces contextes à l’impératif, voir peut être accolé à un verbe de perception, ce qui démontre que cette utilisation de voir est accompagnée d’une désémantisation, soit la perte des traits de perception.

(2) a. Écoute voir une minute!b. Regarde voir le calendrier pour faire sûr que tu as marqué la bonne date!

Par ailleurs, voir dans ces contextes a une distribution bien particulière : ce morphème doit suivre immédiatement le verbe à l’impératif, tel qu’illustré en (3).

(3) a. Marche voir moins vite!/*Marche moins vite voir!b. Dis voir back ça!/*Dis back voir ça!

Je montrerai que, dans l’une des fonctions discursives que rêvet voir, il a un rôle emphatique : il sert à renforcer la valeur de l’impératif en attirant l’attention de l’interlocuteur spécifiquement sur le contexte extralinguistique.

Ainsi, alors que (4a), où voir n’est pas exprimé, est utilisé simplement pour faire une demande, (4b), qui implique voir, rend saillant le fait que l’interlocuteur devrait inférer du contexte extralinguistique qu’il devrait fermer la porte (par exemple : parce qu’il y a trop de bruit, parce que les circonstances nécessitent une conversation privée, etc.). Ainsi, l’énoncé en (4b), quoiqu’une requête également, met l’accent sur le fait que la situation exige que l’interlocuteur respecte une règle de bon sens : vu les circonstances, il devrait être amené à entreprendre l’action à l’impératif. Le rôle de voir est donc de rendre explicite que l’interlocuteur devrait adopter un certain comportement étant donné la nature évidente du contexte.

(4) a. Ferme la porte!b. Ferme voir la porte!

Voir a donc dans ces contextes une valeur similaire à celle qu’a donc dans certains de ses usages (voir entre autres Dostie 2004; Vincent, 1993; Vlemings 2003). Les données examinées vont dans le sens de l’observation selon laquelle de nombreux marqueurs discursifs sont dérivés de verbes de perception (Dostie 2009).

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Isabelle LemeeLakehead University

La variation langagière comme facteur identitaire dans un espace non francophone : la compétence sociolinguistique et la construction identitaire dans le discours d’apprenants du francais L2 du nord-ouest de l’Ontario

Les recherches sur le développement de la compétence sociolinguistique dans la L2 se concentrent sur les variantes sociolinguistiques qui diffèrent en termes de marquage social et stylistique.

Dans le contexte de la variation sociolinguistique et l’acquisition de la langue seconde, l’emphase porte sur l’acquisition des schémas de variation native par les apprenants L2. Si le processus d’acquisition de la compétence sociolinguistique est graduelle chez l’individu dans la communauté native, en revanche l’apprenant L2 manque souvent de temps et d’occasions pour acquérir « naturellement » les règles sociolinguistiques. La maîtrise des règles du « parler correct » reste difficile pour les apprenants L2, car les normes de la classe sont souvent inappropriées pour les conversations externes (Wilkinson, 2002: 168).

Cette étude porte sur un nouveau corpus de français L1 et L2 collecté dans le Nord-Ouest de l’Ontario. Nous souhaitons comparer l’utilisation variable des pronoms génériques ON-TU/VOUS dans le discours d’apprenants Anglophones de français L2 de niveau avancé, mais aussi dans le discours de locuteurs natifs du français du Nord-Ouest de l’Ontario.

Le second but de cette étude est de montrer dans quelle mesure la construction identitaire joue un rôle important dans l’acquisition de la compétence sociolinguistique par les apprenants Anglophones de français L2 dans la région du Nord-Ouest de l’Ontario.

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Isabelle C. MonninUniversité Paris-Sorbonne (Paris IV)

Être francophone et laïque au Manitoba au tournant des années 1970 ? Une analyse du discours sur le maintien de la langue tenu dans deux journaux communautaires

La fin des années 1960 fut une époque charnière en ce qui concerne la fragmentation identitaire au Canada français (Hébert 1994; Martel 1997; Frenette 1998). À partir des années 1960, un bouleversement intellectuel pan-canadien (Martel 1997, Frenette 1998, Guindon 1999) mena à la laïcisation des infrastructures canadiennes françaises (Thériault 1999) ainsi qu’à une séparation idéologique de la langue et de la religion catholique – deux instances jusqu’à cette époque intimement fusionnées dans une idéologie collective qui assurait le maintien de la langue française tant au Québec (Milot 2004) que dans les communautés francophones du Canada (Martel 1997; Frenette 2003). La communauté francophone du Manitoba ne fut guère exemptée des conflits surgissant à cette époque autour des questions idéologiques sur le maintien de la langue française (Hébert 2012).

Nous nous proposons de présenter un état du discours qui se tenait dans les journaux communautaires de Saint-Boniface (Manitoba) au tournant des années 1970 autour du maintien de la langue française dans la province. Le débat qui eut lieu à partir de 1964 dans La Liberté et le Patriote et dans Le Courrier de Saint-Boniface opposait deux groupes : d’une part, la vieille garde, intimement liée au clergé catholique, tenante de l’idéologie « la langue gardienne de la foi » et incarnée par les institutions mises sur pied dès 1916 lorsque des lois furent passées limitant l’accès à une éducation en français pour les francophones du Manitoba; d’autre part, certains étudiants universitaires du Collège de Saint-Boniface et une élite constituée de journalistes et autres professionnels, qui défendaient des idées plus libérales, en ligne avec les idées progressistes qui menèrent à la Révolution tranquille au Québec (Hébert 2012).

Afin de rendre compte de cette scission intra-communautaire, nous envisageons de présenter une image de la situation grâce à des extraits illustratifs provenant des deux sources mentionnées ci-haut. Nous aimerions ainsi mettre en lumière le lien entre la fragmentation de l’identité canadienne française et la redéfinition de la francophonité au Manitoba en posant certaines questions, notamment : pouvons-nous parler d’une Révolution tranquille au Manitoba français? Ces idées progressistes sont-elles arrivées simultanément au Québec et au Manitoba ou avec un certain décalage?

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Jean MorencyUniversité de Moncton

Une langue et un continent en héritage : le Cycle de Jack Waterman et la Diaspora des Desrosiers

Cette communication, qui s’inscrit dans le sillage d’un projet recherche consacré aux fictions de la Franco-Amérique, vise à explorer l’importance symbolique du français dans le contexte nord-américain, à la lumière de romans dont les thèmes gravitent autour de la survivance de l’identité canadienne-française. Même si cette identité a volé en éclats dans les années qui ont suivi la Révolution tranquille, elle a subsisté sous d’autres formes et elle semble effectuer un retour en force depuis plusieurs années. Ce retour du refoulé canadien-français se manifeste de plusieurs façons, comme dans la fascination éprouvée par de nombreux écrivains pour les figures de Gabrielle Roy et de Jack Kerouac, ou encore dans l’accueil enthousiaste qui est réservé au Québec à des artistes issus de la francophonie canadienne, comme la chanteuse Lisa LeBlanc ou le groupe Radio Radio, qui réinventent la langue française en la situant justement dans le contact quotidien qu’elle entretient avec l’anglais. On trouve des exemples frappants de ce retour du refoulé canadien-français dans de nombreux romans, et notamment dans ceux de Jacques Poulin et de Michel Tremblay, que je me propose d’étudier dans ma communication. Ces deux romanciers, qui sont pourtant emblématiques du Québec et de la condition québécoise, sont en voie de parachever deux grands cycles romanesques, le Cycle de Jack Waterman et la Diaspora des Desrosiers, visant justement à prendre la mesure du français à l’échelle du continent. Ces deux cycles méritent par ailleurs d’être mis en relation avec des romans écrits en anglais, comme ceux de Russel Banks et d’Edna Annie Proulx, qui traitent en un sens des mêmes thématiques.

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Robyn NovakUniversity of Florida

Youth language meets political discourse : Usage of French discourse markers in Quebec’s Printemps érable

This study analyzes discourse marker usage by three young student group spokespeople during Quebec’s Printemps érable of 2012, a social movement that was initiated by students protesting university tuition hikes. The speakers whose speech was studied were Gabriel Nadeau-Dubois (age 21; co-spokesperson of CLASSE), Martine Desjardins (age 30; spokesperson of FEUQ), and Léo Bureau-Blouin (age 20; spokesperson of FECQ). The corpus used was gathered by the author from Internet sources of interviews or conference lectures involving one or more of the three speakers studied. The main goal of the study was to examine how the usually more formal register of political discourse manifests itself in young speakers, whose language is generally analyzed in a more informal context (see Gadet 2007, Fagyal 2010, and Thibault 1997, among others).

The discussion focuses on discourse marker forms and functions attested in the corpus and how they relate to each other, as well as observations on inter-individual variation seen in the speaker’s discourse marker usage. Six discourse marker functions were attested in the corpus: agreement marker, filler, progression marker, causation marker, contradiction marker, and softener. Of these functions, the most prominent in the corpus were the progression marker and the filler. The discourse marker forms attested in the corpus were alors, ben, bon, donc, en fait, là, OK, and puis. The most common of these were donc, en fait, là, and puis. The analysis also showed that, of the three speakers, Gabriel Nadeau-Dubois displayed the most diverse usage of discourse markers in terms of form and function, while Léo Bureau-Blouin demonstrated a relatively restricted usage. The absence of the markers comme, genre, and (ça) fait que, which tend to be used in less formal contexts, suggests that in the context of these interviews, the young speakers used a more formal register. The observations made based on the results of this study therefore show a more formal register that is used by young speakers in leadership roles in the context of public political discourse, in contrast with previous studies, which have noted that youth speech is considered a more informal vernacular and, in some cases, is even stigmatized by older speakers (see Gadet 2007, Fagyal 2010).

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Robert PapenUniversité du Québec à Montréal

Nomination des langues et idéologies linguistiques : une comparaison du chiac et du mitchif

Papen (sous presse) compare entre elles les structures linguistiques fondamentales du chiac et du mitchif afin de démontrer à quel point ces deux variétés de langue peuvent être distinctes, mettant ainsi en doute leur rapprochement qu'avaient établi Valdman et al. (2005). Par contre, une comparaison partielle de la situation sociolinguistique de ces deux variétés de langue démontre qu'elles affichent de nombreuses ressemblances intéressantes. Ainsi, elles ont toutes les deux été créées par des locuteurs désirant se distinguer des deux communautés parlant l’une ou l’autre langue à partir desquelles elles sont constituées (le français et l’anglais pour le chiac, le français et le cri pour le mitchif). Aussi, du moins jusqu’à récemment, autant le chiac que le mitchif ont été l’objet d’attitudes negatives, du genre « ce n’est pas une langue, c’est du charabia »; « c’est un jargon mi-français, mi-anglais » (pour le chiac) ou « c’est du cri cassé » (pour le mitchif), etc.

Notre intention est de poursuivre cette comparaison en prenant comme point de départ les travaux de Boudreau et de ses collaborateurs (Boudreau et Dubois 1993, 2008; Boudreau et Leblanc 2000; Boudreau et Perrot2010 ; Boudreau2008 ,2009 ,2011 ,2012 ¿sur les représentations linguistiques et la nomination des langues ou des variétés de langue.

En effet, la situation du chiac et du mitchif se ressemblent énormément lorsqu'on les compare au point de vue des idéologies qu'ils véhiculent, de la nomination (ou plutôt DES nominations) qu'ils subissent, etc. Ainsi, les termes 'chiac' et 'mitchif' eux-mêmes demeurent relativement ambigus: parler traditionnel de l'Acadie tout entière, parler de la région de Moncton, parler des jeunes du sud-est du Nouveau-Brunswick, etc., pour le chiac; langue mixte franco-crie, variété de cri des Métis du Nord de la Saskatchewan, variété de français parlée par les Métis du Canada, etc., pour le mitchif.

Aussi, les raisons d’être des nominations (ambigues ou non) que ces deux variétés ont reçues se ressemblent beaucoup: désir d’afficher ses differences; désir de résistance auprès de la ou des langues dominantes; complexe d’infériorité ou, au contraire, valorisation, par rapport à sa propre variété de langue; enjeu de pouvoir rattaché à la nomination (par exemple, le ‘mitchif’ considéré comme étant langue ‘nationale’ et ‘traditionnelle’ de tous les Métis du Canada, entre autres).

Voilà quelques-uns des thèmes que cette communication abordera.

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Amélie-Hélène Rheault etAlexandra Tremblay-DesrochersUniversité de Sherbrooke

« Un lecteur m’écrit... »Analyse du discours autre dans une chronique de langage de Pierre Beaudry

Les chroniques de langage au Québec représentent un lieu privilégié de circulation des idéologies linguistiques. La chronique « Les maux de la langue », publiée dans La Presse entre 1972 et 1979, en constitue un bel exemple. Son auteur Pierre Beaudry, prolifique chroniqueur et homme très engagé dans la défense du français au Québec, y présente de manière vindicative ses conceptions quant à la qualité et au statut de la langue.

À la lecture de ses articles, on observe que le chroniqueur intègre fréquemment des questions ou des commentaires provenant de lecteurs, comme dans l’exemple suivant :

M. Éric C. ROY du 183, rue Cartier à Longueuil, m’écrit que j’ai tort de m’opposer à deux canadianismes : fin de semaine (pour WEEK-END) et faire sa part (pour Y METTRE DU SIEN). […] Je me propose donc de répondre à mon lecteur point par point. Et en toute justice pour lui, je commence par citer les trois premiers paragraphes de sa lettre. (Beaudry, 1973 : C7)

Inclure un discours extérieur n’est pas un geste anodin, a fortiori lorsque ce discours va à l’encontre de ses propres positions. Pourquoi le chroniqueur choisit-il de donner la parole à ses lecteurs? Dans le cadre de cette communication, nous proposons d’analyser comment Pierre Beaudry intègre le discours de ses correspondants dans sa chronique et quel rôle il leur accorde dans la construction de son discours sur la langue.

Pour ce faire, la théorie de la représentation du discours autre d’Authier (2004) nous permettra de catégoriser les différentes formes que Beaudry donne à la parole de ses lecteurs. Par exemple, le discours direct représentant une distanciation vis-à-vis du discours de l’autre, le chroniqueur pourra choisir cette forme pour ajouter de la force aux éloges du lecteur ou à sa réplique.

Nous croyons que le chroniqueur qui invite les propos d’un lecteur pour présenter une idée conforme à la sienne ou s’en dissocier opte pour cette stratégie sciemment et sert de ce fait son argumentation. Ainsi, il nous apparaît pertinent de voir quelles formes sont privilégiées dans son discours et s’il y a un lien entre forme du discours autre, orientation et force argumentatives.

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Nicole Rosen et Christian GuilbaultUniversity of Manitoba etSimon Fraser University

Caractéristiques rythmiques du français mitchif : observations préliminaires

Le français mitchif, résultat d’une morphosyntaxe et d’une phonologie influencées par la langue des tribus cries et ojibwas et d’un lexique tiré du français laurentien, possède des caractéristiques phonologiques tout à fait uniques. Bien que certaines études se soient penchées sur son système phonologique (Rosen 2012, Rosen & Lacasse à paraître 2014), il reste encore beaucoup à faire pour cerner l’ensemble des propriétés phonologiques de ce parler très distinctif à l’oral, surtout en ce qui concerne sa prosodie.

Cette étude examinera les caractéristiques rythmiques du français mitchif parlé à St Laurent au Manitoba afin de déterminer si ce parler est plus proche des langues à chronométrage accentuel, comme l’anglais, ou des langues à chronométrage syllabique, comme le français. La présence de voyelles longues distinctives et de syllabes inaccentuées (Auer 1993) nous permet de formuler l’hypothèse qui stipule que le français mitchif aura un indice de variabilité syllabique plus élevé que celui du français de référence, révélant ainsi une plus grande variabilité dans la durée des syllabes.

Pour vérifier cette hypothèse, un indice de variabilité des durées syllabiques (Deterding 2001, Guilbault 2002) rendra compte des caractéristiques temporelles rythmiques de 100 énoncés tirés d’entrevues semi-dirigées avec cinq locuteurs mitchif du Manitoba âgés entre 56 et 71 ans. Cet indice de variabilité syllabique permettra de situer sur un continu chiffré cette variété relativement au français standardisé, au français laurentien et à l’anglais notamment. Les valeurs obtenues nous mèneront ensuite à l’examen des facteurs phonologiques responsables de ces différences dans la dernière portion de la présentation.

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Caroline SigouinUniversité du Québec à Chicoutimi

Sur le rapport de durée entre les variantes tendues et relâchées des voyelles fermées du français québécois

Les voyelles fermées /i y u/ peuvent être réalisées de multiples façons en français québécois. En syllabe finale accentuée, trois types de variantes se distribuent de manière complémentaire (McLaughlin, 1986 : 21). En syllabe ouverte, les voyelles fermées sont brèves et tendues, en syllabe fermée par une consonne non allongeante, relâchées, tandis qu’en syllabe fermée par une consonne allongeante, elles sont allongées (et éventuellement diphtonguées). S’il ne fait aucun doute que les variantes allongées présentent des durées plus importantes que les tendues et les relâchées, le rapport de durée entre ces deux derniers types de réalisations, lui, ne fait pas l’unanimité. En effet, dans certains travaux ayant abordé la question du relâchement, aucune différence de durée n’a été relevée entre les variantes tendues et relâchées (Dumas, 1974; Prairie, 1976; Walker, 1984). Dans d’autres, les variantes tendues sont rapportées comme étant plus longues que les relâchées (Gendron, 1966; Martin, 2002; Poliquin, 2006). Arnaud et coll. (2011) relèvent quant à eux le rapport de durée inverse. Les méthodologies employées dans ces différentes études variant considérablement, il est difficile d’attribuer à une variable en particulier la cause de ces disparités (type d’analyse – impressionniste ou acoustique –, origine géographique des locuteurs, modalité de production, environnement consonantique, position syntaxique des mots cibles, etc.).

Nous avons donc entrepris de déterminer le rapport de durée entre les voyelles fermées tendues et relâchées en faisant varier l’environnement consonantique et l’origine géographique des locuteurs. Pour ce faire, 900 occurrences produites lors d’une tâche de lecture oralisée par 30 locuteurs ont été analysées acoustiquement. Les locuteurs, autant d’hommes que de femmes provenant à parts égales de Rouyn-Noranda, de Saguenay et de Québec, étaient âgés de 20 à 31 ans et étaient étudiants ou diplômés universitaires. La durée des voyelles a ensuite été relevée. Les résultats de nos analyses statistiques indiquent que le rapport de durée entre les voyelles fermées tendues et relâchées varie en fonction du voisement des consonnes adjacentes (en particulier de la consonne postposée, conformément aux tendances observées en français par Di Cristo, 1985; Ouellet, 1992 et Morasse, 1995) et non du timbre des voyelles. Ce rapport variable est le même dans toutes les villes où nous avons enquêté, mais les variantes relâchées suivies d’une consonne voisée seraient plus longues à Saguenay qu’à Québec et Rouyn-Noranda.

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Hugo St-Amant LamyUniversité Laval

Réorganisations pré-rhotiques

La syllabe finale entravée par /r/ a été, au cours du XXe siècle, le théâtre de nombreux phénomènes phonologiques et phonétiques dont les modalités restent en grande partie à éclaircir. Parmi ces changements, on note la neutralisation et l'abaissement des deux séries de voyelles moyennes, la neutralisation des voyelles basses, la neutralisation de [ɔ] et [ɒ], ainsi que l'abaissement des voyelles hautes. Cette présentation propose une analyse de la diffusion et de la motivation de ces changements au système vocalique pré-rhotique.

L'évolution récente des phénomènes est analysée à la lumière des données du projet Français langue orale (FLORAL; anciennement Phonologie du français contemporain; Durand et al., 2002, 2009; Côté, 2012). Les données utilisées, extraites de conversations spontanées, représentent trois générations de locuteurs provenant de neuf communautés laurentiennes (Hawkesbury, Chelsea, Montréal, Trois-Rivières, Wickham, Québec, La Pocatière, Chicoutimi et Grande-Rivière). Cet échantillon de 108 locuteurs permet d'observer en temps apparent la propagation géographique des changements et de nous éclairer sur leur mode de diffusion (vague, cascade, hybride). Le rôle joué par les zones dialectales traditionnellement reconnues dans l'espace laurentien est également étudié. Enfin, la diffusion des phénomènes à l'intérieur du lexique est analysée à partir des effets de fréquence observés.

La question de la motivation des changements est également abordée. Puisque les phénomènes ne se produisent pas devant d'autres consonnes que /r/, les caractéristiques phonétiques des différentes variantes de la rhotique sont étudiées. Une comparaison avec les voyelles en syllabes non-finales et les voyelles des variétés européennes (où la réorganisation du système vocalique pré-rhotique n'a pas lieu) permet toutefois de mettre à l'épreuve l'hypothèse du simple cas de coarticulation. L'hypothèse que la généralisation du /r/ dorsal dans l'espace laurentien pourrait être responsable de la phonologisation de tendances phonétiques est avancée.

L'objectif général de cette présentation est de démontrer qu'un ensemble limité de phénomènes (ceux participant à la réorganisation du système vocalique pré-rhotique) peut apporter des éléments de réponse riches et variés aux questions de variation et de changement linguistique.

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Sandrine Tailleur et Maude MartineauUniversité du Québec à Chicoutimi

L’usage du subordonnant quand dans le passé du Saguenay-Lac-Saint-Jean : exploitation morphologique des enquêtes de Thomas Lavoie

Le but de ce travail est d’explorer, grâce à l’étude d’un corpus oral ancien, la variation présente dans l’utilisation du subordonnant quand en français du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Les subordonnants interrogatifs ont été peu étudiés sous l’angle de la sociolinguistique (Lefebvre 1982, King 1991), mais quelques études émettent tout de même l’hypothèse que ces pronoms interrogatifs sont utilisés de manière différente en contexte subordonné (avec le complémenteur que (Tailleur 2013) et la prononciation d’un [t] final devant consonne – quand[t] (Morin 1990)), par rapport à leur utilisation en contexte d’interrogation directe (Elsig 2009).

Nous nous attendons à beaucoup de variation, puisque la création de conjonctions de subordination à partir de pronoms interrogatifs est un processus productif du français, et ce, dès l’ancien français (Kuntsmann 1990). Morin (1990 : 185) affirme d’ailleurs que : la forme quand[t] « résulte très probablement d’une réanalyse de la locution quand que […] », et, notamment, que les deux locutions se trouvent en distribution complémentaire chez certains conteurs québécois (Morin 1990 : 184).

Grâce aux entrevues recueillies par Thomas Lavoie et son équipe dans les années 70 au Saguenay-Lac-Saint‐Jean et Charlevoix (Lavoie et coll. 1985) – données numérisées et nettoyées par Jean Dolbec et Vincent Arnaud (Laboratoire de phonétique, UQAC) – nous proposons d’étudier les variantes morphologiques de quand subordonnant chez 25 locuteurs du Saguenay-Lac‐Saint‐Jean nés au tournant du 20e siècle, et pour lesquels nous possédons tous les détails sociaux (âge, profession, endroit de résidence, etc.). Nous avons la chance d’éviter le problème de manque de données auquel est habituellement confrontée l’étude de phénomènes morphologiques à partir de corpus : les entrevues utilisées durent en moyenne entre 40 et 60 minutes et la plupart des locuteurs adoptent un style narratif, propice à l’utilisation de subordonnants (l’étude préliminaire nous assure que nous aurons au moins 20 occurrences de quand par locuteur).

Les résultats préliminaires (5 locuteurs) démontrent que, bien qu’ils utilisent un registre informel (utilisation du yousque à la place de où, fermeture de la diphtongue [wa] en [we], etc.), la plupart des locuteurs n’utilisent pas la locution quand que (2 locuteurs sur 5 en ont quelques exemples). Quand[t] est par ailleurs utilisé de façon quasi-catégorique par 3 de nos locuteurs (sur 5). Cette étude nous permettra i) de mieux connaitre la grammaire de locuteurs de la première moitié du 20e siècle du Saguenay-Lac‐Saint-Jean; ii) de faire la lumière sur l’usage bien méconnu du système des subordonnants‐interrogatifs.

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Marie-Laure TendingUniversité de Moncton Université François-Rabelais de Tours, France

Un autre regard sur le « fait français » en Acadie : de l’éclairage des expériences langagières et identitaires de migrants « autrement » francophones

Les communautés francophones hors Québec en situation minoritaire voient depuis quelques années leur constitution socioculturelle et linguistique se diversifier avec l’arrivée importante de migrants d’origines diverses et issus notamment d’autres sphères de la francophonie. S’interroger sur « les français d’ici » et évoquer au travers de cette large thématique les idéologies linguistiques qui y sont rattachées, suppose donc, en prenant en compte cet arrière plan spécifique constituant une donnée sociale qui va aller croissant, s’interroger également sur l’impact qualitativement signifiant des expériences et représentations linguistiques des migrants sur les contours idéologiques mouvants du « fait français » en Acadie ; le fait français étant entendu ici comme l’ensemble des phénomènes à la fois linguistiques et représentationnels liés au statut du français dans la configuration sociolinguistique et sociohistorique particulière que représente l’Acadie.

Cette contribution s’attachera ainsi aux expériences identitaires et langagières de migrants africains dont les histoires de vie sont inscrites, à travers leurs trajectoires migratoires, dans des espaces socio-historiques et socio-identitaires pluriels et diversitaires mais convergents sous certains aspects. Ceux de leurs sociétés d’origines marquées par une histoire de domination et de minorisation : celle des rapports issus de la colonisation en Afrique noire ; et celui de la communauté acadienne traversée elle aussi par une autre histoire de domination et de minorisation : celle des rapports complexes et parfois conflictuels – l’histoire l’a montré – entre Anglophones et Francophones. Dans cette tension inhérente à la dimension spatiotemporelle inscrivant les parcours de vie des migrants entre des « ici » et des « là-bas » ; un « avant » et un « maintenant » empreints de part et d’autre de différents enjeux idéologiques, comment redéfinissent-ils leurs rapports au français ?

Partant de leurs autoreprésentations discursives, nous interrogerons les expériences linguistiques et identitaires vécues au travers de leurs rapports aux langues et à la langue française affleurant dans ces expressions de soi : dans quelle mesure elles sont tributaires des différents ancrages anthropo-socio-historiques formant le socle des imaginaires et idéologies dont ces migrants africains plurilingues ont hérité ? Quelle place donnent-ils au français dans les différentes étapes de leurs parcours de vie et quelle nouvelle géographie du « fait français » leurs expériences acadiennes dessinent-t-elles éventuellement ?

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André ThibaultUniversité Paris-Sorbonne (Paris-IV)

Que nous apprennent les témoignages métalinguistiques sur l’émergence d’un français régional antillais ? Les cas du Père Labat (1693-1705) et de Pierre Dessalles (1835-1856)

Le français est parlé dans les Antilles de façon ininterrompue depuis le 17e siècle. Toutefois, l’attention des linguistes a surtout porté jusqu’à présent sur les différentes variétés de créole antillais, le français régional n’étant considéré comme intéressant que lorsqu’il permet d’expliquer certaines caractéristiques des créoles isotopes. Or, le français régional antillais mérite d’être constitué comme objet d’étude à part entière (cf. les contributions réunies dans Thibault éd. 2012 pour une première tentative dans cette direction). Dans une perspective diachronique, cet objet peut être soumis à un double éclairage : interne (étude des caractéristiques de la langue, par le biais des approches philologique et comparative) et externe (étude du discours sur la langue). C’est cette dernière approche que nous aimerions illustrer dans cette communication. Le dépouillement exhaustif de l’ouvrage Voyages aux Isles de l’Amérique (Antilles) 1693-1705 du R. P. Jean-Baptiste Labat et du journal La vie d’un colon à La Martinique au XIXe Siècle de Pierre Dessalles (1808-1856) nous a permis de réunir, non seulement une grande richesse de matériaux de première main sur la langue française pratiquée dans les îles à l’époque, mais aussi de nombreux témoignages de nature métalinguistique qui permettent de mieux reconstituer la situation linguistique dans cette partie de l’ancien empire colonial français. La distance temporelle entre les deux textes permet en outre d’évaluer d’éventuels changements d’une période à l’autre. Il s’agit donc d’apporter une petite pierre à ce qui pourrait devenir, un jour, l’équivalent antillais de la fameuse thèse de Marie-France Caron-Leclerc (1998) sur le français du Canada. On ne manquera d’ailleurs pas d’établir un parallèle avec la situation canadienne de l’époque.

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Mireille TremblayUniversité de Montréal

Pluralité, individuation et variation dans le système des pronoms en français : Une analyse comparative du français de référence et du français québécois

Les études sur la distinction masse/comptable se sont limitées au domaine empirique des noms communs et une classe lexicale importante a été négligée : celle des pronoms du pluriel. Comme le paradigme s’inscrit dans la logique des noms comptables et que les pronoms étant marqués pour le nombre (singulier ou pluriel), on présuppose souvent que les pronoms du pluriel sont marqués pour l’individuation. Les pronoms du pluriel de l’anglais semblent confirmer cette analyse puisqu’ils se comportent comme des noms comptables et peuvent être individués.(1) a. two of us

b. many of usc. how many of usd. none of us

En revanche, les pronoms forts du pluriel du français semblent s’inscrire dans une logique différente, puisqu’ils permettent très difficilement les constructions en (2) ((Franckel & Paillard 2007). Les mêmes exemples deviennent toutefois parfaitement grammaticaux lorsque la préposition entre est insérée devant le pronom (3).(2) a. #deux de nous

b. #plusieurs de nousc. #combien de nousd. #personne de nous

(3) a. deux d’entre nousb. plusieurs d’entre nousc. combien d’entre nousd. personne d’entre nous

L’étude du français québécois nous montre que l’utilisation de la préposition entre n’est pas la seule stratégie disponible en français permettant la partition de l’ensemble dénoté par le pronom. Dans cette variété, les pronoms forts non clitiques du paradigme du pluriel apparaissent très souvent avec le morphème post-pronominal autres (Morin 1982, Auger 1994, Blondeau 2011) et la présence de ce morphème permet d’obtenir un ensemble partitionné.(4) a. deux de nous-autres

b. plusieurs de nous-autresc. combien de nous-autresd. personne de nous-autres

Afin de rendre compte de différences distributionnelles entre l’anglais, le français de référence et le français québécois, nous proposons l’analyse suivante. Les pronoms pluriels de l’anglais et du français ont la même dénotation : les deux types de pronoms renvoient à des ensembles d’objets dénombrables. En revanche, les deux types de pronoms différents au niveau de la discrétion : alors que les pronoms de l’anglais se comportent comme des noms communs pluriels et réfèrent à des objets comptables individués, les pronoms du français se comportent comme des noms communs collectifs et renvoient à des ensembles d’objets comptables non individués. L’individuation des pronoms pluriels du français peut s’obtenir de deux façons : soit avec l’insertion de la

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préposition entre (en français de référence), soit avec l’ajout du suffixe –autres (en français québécois) Cette analyse appuie l’hypothèse selon laquelle la distinction comptable/masse serait grammaticale plutôt qu’ontologique.

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Samuel VernetUniversité de GrenobleUniversité de Moncton

Discours et idéologies linguistiques dans les cours de français à l’Université de Moncton

Cette communication s’inscrit dans un projet de recherche qui étudie la circulation des idéologies linguistiques chez les jeunes dans un milieu minoritaire, et cherche à comprendre d’où elles viennent et comment elles se diffusent.

En prenant l’Université de Moncton pour terrain, je chercherai à savoir quels discours sont tenus sur le français et quelles idéologies sont diffusées dans l’enseignement. Dans une optique ethnographique, j’ai pu intégrer les deux cours obligatoires de français donnés à l’Université, l’un de communication écrite, l’autre, de communication orale.

On sait que les idéologies linguistiques attachées au français l’ont souvent envisagé dans une forme d’homogénéité, ou l’ont construit de concert avec une vision moderne de la société dans un triptyque « langue-culture-nation ». Cette conception est à la base de l’institutionnalisation du français, et nous verrons qu’elle n’est pas absente du terrain présenté ici. Toutefois, la vision qui s’y développe pourrait plutôt être qualifiée de « post-moderne ». D’abord parce que la mise en discours du français dans les cours à l’Université, relève souvent d’un discours mondialisant, où le français enseigné doit donner accès à des profits matériels pour les étudiants (accès à des diplômes de niveau élevé, accès au travail et à des postes à responsabilités, internationalisation, etc…). Ensuite, parce qu’est tenu un discours d’ouverture à la diversité linguistique, un discours de respect de la variation linguistique et de la différence.

Pourtant dans les cours de français présentés ici, cette vision post-moderne n’est pas incompatible avec une certaine idéologie du standard, dans le sens où nous allons observer les deux parallèlement. Dans cette communication, je souhaite exposer concrètement comment ces idéologies et ces discours se co-construisent sur ce terrain.

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Panel

Discours, idéologies et pratiques linguistiques au Canada français à la fin du 19e et au début du 20e siècle

Ce panel organisé par le GTRC Le français à la mesure du continent : un patrimoine en partage (dirigé par France Martineau) propose d’examiner les idéologies linguistiques dans la presse francophone à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle en Acadie, en Ontario, au Québec et dans l’Ouest canadien. La presse écrite a joué un rôle fondamental dans la construction et la circulation des idéologies linguistiques au Canada. L’objectif du panel est d’une part, de présenter les discours sur la langue dans les journaux sélectionnés et de voir si ces discours sont partagés dans l’espace canadien et, d’autre part d’examiner comment le discours métalinguistique contribue à la légitimation ou à la déligitimation de pratiques linguistiques précises. Les discours métalinguistiques sont révélateurs des valeurs attribuées aux différentes «variétés» de français, surtout le français parlé en France et au Canada. Le panel aura aussi pour but de réfléchir au rôle qu’a joué la presse écrite dans l’émergence du mouvement de rectification de la langue qui se développera à partir du milieu du 19e siècle, entre autres à travers la publication de nombreuses chroniques de langage. On examinera aussi les pratiques en usage dans certains journaux et on pourra tenter un rapprochement entre ces pratiques et le discours métalinguistique qui s’y trouve.

Le panel réunira des participantes et des participants qui présenteront les principales idéologies linguistiques qui ont circulé dans 9 journaux francophones du Canada (Le Droit, Le Canada français et le Franco-canadien, Le Métis, La Liberté et Le Devoir, Le Pays, Le Moniteur Acadien, L’Évangéline). Les années 1871, 1880, 1881 et 1913 ont été privilégiées parce qu’elles correspondent à des événements politiques et sociaux qui ont marqué les communautés francophones.

Chantal Bouchard, auteure de La langue et le nombril. Une histoire sociolinguistique du Québec et de Méchante langue, prononcera une conférence en ouverture au panel intitulée : Décrire sa langue, se décrire.

Participants:

Mourad Ali-Khodja, Annette Boudreau et Bianca Boudreau : « Revendications et idéologies linguistiques : le cas du Courrier des Provinces Maritimes (1885-1903) » 

France Martineau, Jean-Philippe Croteau et Yves Frenette : « Des idéologies aux pratiques linguistiques dans la presse canadienne-française et la correspondance du 19e siècle »

Wim Remysen : « Les idéologies linguistiques dans le journal montréalais Le Pays (1852-1871) »

Samuel Vernet : « Idéologies et pratiques linguistiques» dans Le Moniteur acadien et l’Évangéline (1871-1913) »