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Autonomie et expérience Mémoire de Hatha Yoga écrit par Marie Saurat juin 2011 Mémoire de Hatha-yoga Autonomie et expérimentation « Trace ton chemin car il n’existe que parce que tu le suis. » 1

©moire-de-yoga-im.docx · Web viewLe yoga selon le Sâmkhya dans la Bagavad Gita « Celui qui a atteint l’état de sagesse » Chapitre II des versets 55 à 72 Parce que le but

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Autonomie et expérience Mémoire de Hatha Yoga  écrit par Marie Saurat juin 2011

Mémoire de Hatha-yoga

Autonomie et expérimentation

« Trace ton chemin car il n’existe que parce que tu le suis. »

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Autonomie et expérience Mémoire de Hatha Yoga  écrit par Marie Saurat juin 2011

Sommaire

Introduction p.4

I- Définition de l’autonomie, la liberté et Moksha p.6

II- « Constat, notre nature de départ » p.10

a) L’Âyurveda comme compréhension globale de la vie

b) Les doshas

c) Les âges de la vie, Kapha, Pitta, Vatta

d) Kochas ou couches, écorces

III- Domaine d’étude : les philosophies de l’Inde et de l’occident p.14

a) Yoga= union

Ashtanga yoga (les huit niveaux du yoga)1. Yama2. Nyama3. Asanas4. Prânayama5. Pratyâhârâ6. Dharana7. Dhyana8. Samâdhi

b) Sâmkhya, philosophie du tout

c) Bagavad Gita; « Celui qui a atteint l’état de sagesse » 

d) L’Etre et l’étant chez Heidegger

e) La poésie comme forme de ce qui est

f) La théorie et l’écrit ne permettent pas de relater la réalité, la vie est plus forte, elle est expérience

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IV- Ce qui est un frein à notre libérationp.31

V- Ce qui nous amène à la pratique du hatha-yogap.35

VI- La posture du professeur p.42

VII- Expérimentations, revenir à soi, à sa nature, à l’harmonie avec soi p.46

VIII- Effets d’autonomisation p.50

a) Processus de transformation

b) Expérimentions / applications dans les cours / cas concrets

c) Mon expérience personnelle

d) Puis en tans qu’art thérapeute

Conclusion p.56

Bibliographie p.59

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Introduction

Nous, contemporains, sommes de plus en plus sollicités, avons de plus en plus de mal à nous extraire, même lors d’une séance de yoga, des contingences matérielles. Nous avons le sentiment, l’impression d’être emprisonnés, contraints, de perdre de notre libre arbitre, de ne plus être maîtres de nous-mêmes, de nos vies, de nos décisions, de nos destins, de perdre notre liberté. La privation de liberté ne vient plus de la contrainte du corps, manu militari, elle vient de la censure que nous nous faisons, des désirs suscités par une multitude d’objets proposés et dont on sait nous présenter les attraits, de la modification permanente de notre mental, qui change en permanence, est la proie de la réalité concrète et triviale ou quotidienne. Dans la société française, occidentale, cette réalité est aujourd’hui la cause et la solution de nos maux. C’est ce qui nous est proposée (plaisirs, possessions, pratiques engageant le corps de façon violente….).

Le yoga est une pratique, un chemin, une possibilité, pour qui le pratique ardemment, de se trouver lui-même et de trouver l’absolu, le tout, le divin Satchithananda. Quelle que soit notre quête, le yoga n’est pas une solution, ni un problème. C’est une pratique, à caractère initiatique, qui se transmet de façon ininterrompue depuis les origines jusqu’à nous.

La philosophie hindoue reconnaît trois types de voies (les trois Mârgas), dont chacune est en rapport avec la qualité dominante chez l’être qui s’éveille :

- Celle du Karma ou de l’Action- Celle du Bhakti ou de l’Amour- Celle de Jnâna ou de la Sagesse

Le but unique du yoga, quelque soit le type yoga est la Libération, Moksha. C’est la libération finale du cycle des roues des vies. Des vies successives. Le Hatha-Yoga peut-être considéré comme le Yoga « de base », car il faudra s’y entraîner plus ou moins, même pour entreprendre les autres méthodes d’union. Hatha signifie : Soleil (Ha), Lune

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(Tha), union des deux pour régulariser les fonctions vitales et diriger la circulation énergétique harmonieuse dans tout le corps et en connexion avec le cosmos.

Cette pratique ancestrale, utilisée depuis des millénaires n’a pas évolué. Ce qui se présentait à nos ancêtres, comme ce qui se présente à nous, même s’il n’a pas la même forme, et qu’importe, a les mêmes causes et les mêmes effets. Par l’expérimentation, on peut donner sens et corps au savoir (allusion au texte II-1 des Yoga-sutras). La séance de Hatha yoga peut-être un laboratoire du monde, un champ d’expérimentation (II-8) Cet endroit privilégié, en harmonie et en équanimité, nous permet de faire des expériences de la connaissance de soi et de la Connaissance. Cette connaissance nous permet d’existe, de devenir, et elle nous met sur le chemin qui est le nôtre. Nous devenons autonomes, libres de nos liens, la vie peut habiter cette existence.

La posture du professeur, la qualité de qui il est, la compréhension qu’il a de son rôle est primordiale pour l’avancée et le chemin que l’élève fera. Le but de la pratique du yoga n’est pas forcement la Libération pour celui qui l’exerce. Elle a plusieurs buts possibles, anti douleur, anti stress, se rencontrer, apprendre à se connaître, bouger autrement,… La posture du professeur de yoga est à mon sens d’accompagner toutes ces demandes en rappelant bien le cadre du cours et de ce qui est abordé, d’accompagner aussi vers l’autonomie, du faire, de pensée, de ressentir, …qui sont les bases de la culture de qui je suis vraiment et non qui je veux être d’après une image de référence extérieure.

Le monde qui nous entoure aujourd’hui voudrait nous proposer des moyens d’exister, des attaches, des béquilles, des palliatifs (publicité, sport, médication…), mais la pratique du yoga telle qu’elle nous est proposée par Patanjali dans une pureté de la pratique, ou célébration dans les upanishads, comme une communion du corps, de l’esprit et de l’âme dans l’enseignement de Shri Mahesh ou comme un moyen de libération dans l’enseignement de swamis tels que Shri Suddhananda ou Shri Siddersvarananda, ou Shri Veetamohananda, cette pratique est une expérience vivante du divin, de la spiritualité qui nous éloigne de ces besoins que nous fait miroiter le monde dans lequel nous vivons. Nous grandissons, nous nous élevons et c’est sans aucune difficulté que les deux premiers niveaux de la pratique du yoga, que sont les Yamas et Niyamas, se mettent en place dans nos vies. Dans ma vie, j’en ai fait l’expérience, pour moi-même et au long de mes cours dans ce que j’appelle mon « laboratoire ». C’est cette expérience de la théorie à la pratique et ce va-et-vient que je vais développer ici.

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I-Définition de l’autonomie, la liberté, moksha

« Il voyage plus vite celui qui voyage seul. » R. Kipling, Les vainqueurs.

Vue depuis la péninsule de Dakar, Sénégal

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L’autonomie, « 'Autonomos' : En philosophie morale, l’autonomie est la faculté d'agir par soi-même en se donnant ses propres règles de conduite ou en quelque sorte sa propre loi ; l'autonomie permet une liberté intérieure, dépend d'une capacité à choisir de son propre chef sans se laisser dominer par certaines tendances naturelles ou collectives, ni se laisser dominer de façon servile par une autorité extérieure. » Wikipédia

Cette liberté intérieure fait référence à la liberté morale vis-à-vis des lois et de la vie sociale, de la liberté d’évoluer et d’agir suivant son sens des responsabilités et de décisions intérieures en opposition au comportement contraint par les lois qui ne demande pas à l’individu de se forger un sens de l’éthique mais de se conformer à des règles. Ainsi au XVIIIe siècle, Jean-Jacques Rousseau défendait un paradigme du bon sauvage, considérant l'éducation comme une domestication de l'homme, et la société comme un carcan. Ce sens de l’éthique est acquis au cours de l’éducation pendant l’enfance ou plus tard par la personne elle-même qui, tout au long de sa vie, va chercher à trouver de nouvelles références et à actualiser ses marqueurs, ses limites et la définition de sa propre éthique. D’où découlera sa morale applicable dans la vie de tous les jours.

L'autonomie permet une liberté intérieure, non dépendante des émotions, des sentiments et des pensées. Schéma de notre psyché : les pensées limitantes ou étendantes qui sont chacune la résultante de nos expériences, des émotions vécues et inscrites dans notre inconscient et dans notre corps. Cette expérience de la vie passée conditionne nos émotions présentes et nos réactions actuelles. Cette structure de notre psyché est influencée par les expériences pour 60% alors que notre patrimoine génétique y est pour 40%, d’après la recherche en neurobiologie et en éthologie humaine récente (Gilles Pentecôtes, Médecin généraliste et psychothérapeute. Explicité lors de la formation « Psychologie et psychopathologie », janvier 2011). Les différents comportements sont liés au caractère de la personne. Lorsque un déséquilibre se créé dans la perception des émotions par le sujet (peur, honte, angoisse,…), celui-ci peut développer une pathologie psychologique, voire une maladie somatique. Sans en arriver à cet extrême, nous sommes tous, tous les jours la proie de nos émotions, les victimes de réactions qui ne sont pas maitrisées dans les situations de stress. La réduction de ces réactions permet un chemin vers la liberté individuelle.

«  La liberté est la faculté d'agir selon sa volonté en fonction des moyens dont on dispose sans être entravé par le pouvoir d'autrui. Elle est la capacité de se déterminer soi-même à des choix contingents. Elle est définie, et est perçue différemment selon la psychologie du sujet :

négativement : absence de soumission, de servitude, de contrainte. positivement : autonomie et spontanéité du sujet rationnel ; les comportements

humains volontaires se fondent sur la liberté et sont qualifiés de libres. » Wikipédia

Il existe plusieurs types de liberté, j’ai choisi de traiter la « liberté naturelle : l'homme a le droit naturel d'employer ses facultés comme il l'entend.» Wikipédia

Alors qu’en sociologie, le terme libération tend à acquérir le sens d'émancipation. Les yogis voient la libération comme le fait de se détacher de ses réactions conditionnées

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« Selon les enseignements du Bouddha, la condition essentielle du bonheur est la liberté, non pas sur le plan politique mais sur celui de l’être profond. Il s’agit de se libérer de ces constructions mentales que sont la colère, le désespoir, la jalousie et l’illusion. Le Bouddha les considérait comme des poisons qui, lorsqu’ils subsistent dans les cœurs, rendent le bonheur impossible. … Il existe des instructions précises sur le moyen de transformer l’avidité, la colère et la confusion qui nous affectent. En suivant ces instructions et en apprenant à maitriser notre souffrance, nous pourrons aider les autres à faire de même. » Thich Nhat Hanh, « La colère transformer son énergie en sagesse », Pocket spiritualité

Dans l'hindouisme et le jaïnisme, la moksha est un terme sanskrit qui se rapporte à la libération finale de l'âme individuelle ou jīva du cycle des renaissances, le saṃsāra. La moksha est en quelque sorte l'équivalent hindou du nirvāna bouddhique.La croyance quant à la manière dont la moksha peut être atteinte diffère d'une tradition à l'autre. De façon générale, trois voies ou mārga (sanskrit : « chemin ») sont identifiées:

karma mārga ou « voie de l'action » : cette voie est explicitée par les Veda et les enseignements des brahmanes. Elle suppose que l'on se plie aux obligations que la vie - autrement dit sa caste - impose, les actions et les pensées dans cette vie déterminant sa future incarnation.

jñāna mārga ou « voie de la connaissance » : cette voie implique méditation et pratique ascétique pour comprendre la réalité et rejeter l'illusion, la Māyā. C'est celle par exemple de l'Advaita Vedānta et du Rāja Yoga (développé dans le chapitre 2)d) Sâmkhya).

bhakti mārga ou « voie de la dévotion » : considérée comme plus facile que la jñāna mārga, cette voie est plus populaire. Elle implique l'identification du dévot avec une divinité particulière, habituellement Rāma ou Krishna. Le premier grand texte de la bhakti est la Bhagavad-Gītā où Krishna affirme : « Seulement avec amour, vous pouvez venir à moi ».

Le Hatha-yoga est inscrit traditionnellement dans la voie du karma mârga mais il n’est pas nécessaire à celui qui emprunte cette voie de pratiquer le Hatha-yoga. Ce dernier est un moyen possible d’y parvenir.

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La libération spirituelle est un abolissement de tous les freins, les attachements, à des croyances ou à des objets matériels, toutes les peurs. En cela, cette évolution nous amène à l’activation naturelle de la créativité. Plus limitée ni inhibée, l’intelligence s’ouvre à son potentiel de créativité.

La créativité comme voie de libération, création d’une voie, d’un regard qui n’existait pas encore. La créativité est inhérente à la vie. La vie est mouvement, naissance et mort, par là elle permet la transformation et la réactualisation du vivant dans le but de l’adapter toujours mieux au réel, présent. On peut constater ce mouvement dans l’infiniment petit, au niveau des cellules des organismes vivants, qui se régénèrent à un rythme très rapide pour permettre le meilleur entretien des organismes vivants, et dans une dimension plus grande, les organismes eux-mêmes ou les espèces meurent ou disparaissent pour permettre une régénération de l’espèce ou meilleure adaptation du vivant à l’environnement. Les chercheurs en biologie cellulaire permettent de vérifier aujourd’hui ce que Darwin avait mis en avant dans sa théorie de l’évolution (Jacques Cochard).

A l’échelle de l’infiniment grand et de l’univers, les théories actuelles de la recherche en astrophysique et en cosmologie font état de mouvement de naissance et de mort de galaxies, d’étoiles de la même façon qu’à notre niveau (source Wikipédia, naissance et mort des étoiles).

Les yogis avaient, depuis longtemps, appréhendé cette spécificité de la nature par les deux énergies prana, celle qui nous nourrit, le moteur de nos actions et apana, celle qui nous permettent de nous débarrasser des matières inutiles à notre organisme et encombrantes pour notre vie (Cyrus Fay).

Si nous nous basons sur les principes qui régissent ce monde, de la plus petite particule d’atome, aux grands ensembles du cosmos, nous pouvons trouver, retrouver une harmonie. Cette harmonie et en même temps fidélité à notre nature première, mammifère (Pierre Rabhi) et libération possible de nos croyances limitantes, de nos entraves à une vie autonome et heureuse.

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II-Constat… Notre nature de départ

« La nature, pour être commandée, doit être obéie. »Bacon, Novum Organum

Nébuleuse de la Lyre

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a) l’Âyurveda comme compréhension globale de la vieL’Âyurveda un des védas, connaissance, science de la vie. De Âyur, vie et Veda, connaissance.L’Âyurveda est la science qui englobe toute la durée de la vie, y compris les moyens d’existence bénéfiques et nuisibles, la manière d’obtenir le bonheur et de connaître la source du malheur. « Le but de l’Âyurveda est de maintenir la santé chez l’être sain et de guérir les maladies chez l’être malade. » (Charaka Samhitha Sutra Sthana)Les buts sont de préserver et rétablir la bonne santé de chacun des constituants c’est-à-dire le corps, les organes des sens, le mental et l’âme (le soi), qui sont une unité selon cette thérapie.L’Âyurveda reconnait trois types, avec lesquels par combinaison, on peut trouver la nature de naissance de chaque être humain. Ces trois types de personnalité font résonnance avec les trois qualités que l’on trouve dans l’univers : Tamas, l’obscur, l’inerte ; Rajas, le lumineux, l’activité même ; Sattva, l’équilibre, l’équanimité.

b) Les Doshas, au nombre de trois, ou constitution physico-psychologique, et leur correspondance pour les qualités (gunas qui seront explicitées dans le chapitre 2) b) sur le Sâmkhya) sont :

Kapha TamasPitta RajasVata Sattva

L'Âyurvéda se concentre sur l'établissement et le maintien de l'équilibre des forces vitales qui sont en nous plutôt que sur les symptômes individuels des maladies. 

Relations entre les 5 Eléments (Panchmahabhutas) et les doshasDosha Eléments constitutifs Augmente le dosha Diminue le dosha

Vata Ether (Akasha) + Air (Vayu) Ether - Air Terre - Eau - Feu

Pitta Feu (Tejas) + Eau (Apa) Feu Terre - Eau - Air

Kapha Eau (Apa) + Terre (Prithvi) Terre - Eau Ether - Air - Feu

Tableau extrait d’un document de Marcel Arquimbau

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C) les trois âges de la vie, Kapha, Pitta, Vatta

Toute personne, même si elle a une constitution de départ qui est sa nature d’équilibre et de santé tout au long de sa vie, répond aussi à l’avancée dans la vie et aux particularités de chaque période. Cette avancée est à mettre en parallèle avec les trois espaces qui sont chacun déterminé par un gunas(ou qualité). Plus on avance dans les hauteurs et plus on atteint le détachement des objets et du matériel ici-bas. De la même façon et par métaphore que l’on avance de la naissance vers la mort :

Kapha, la matière du corps est en formation, le corps est prépondérant, c’est la période de la croissance avec les éléments eau et terre

Pitta, c’est la période d’activité de l’être humain, les fonctions vitales et reproductives sont à leur maximum, c’est la période d’activité liée au feu et à l’eau

Vatta, c’est la troisième période de la vie, la dernière, celle qui voit décroître les fonctions vitales et la prépondérance des activités intellectuelles, créatives et spirituelles. L’allègement de la vie lié à l’air et à l’espace.

Selon la Charaka Samhitha (texte fondateur pour les pratiques de l’Âyurvéda), le Hatha-yoga est une des pratiques possibles de la prévention, avec les massages, l’alimentation, le traitement par les plantes… pour retrouver la voie de la santé et retrouver sa nature d’origine.En effet, toujours selon la Charaka Samhitha, on naît avec une constitution, qui, si elle est amenée à changer par un dérèglement dû à des facteurs intérieurs (alimentation, hygiène de vie, alcool, drogues, médicaments…) ou à des facteurs extérieur (stress, environnements agressif et nocif…) amène la maladie. Cette maladie, comme dans l’hygiènisme, n’est pas un mal indépendant de nous, elle est ce que le corps produit pour nous alerter d’un dérèglement et pour évacuer le mal : « c’est plutôt « la maladie » qui rétablit le malade, comme par exemple, la diarrhée qui nettoie les intestins, la fièvre qui desintoxique les tissus, les furoncles qui purifient le sang etc… » (Herbert M. Shelton, les combinaisons alimentaires et votre santé). Pour suivre ce type de remède, il va de soi qu’il faut être accompagné par un spécialiste et ne pas s’aventurer seul. Mais la prévention est possible.Pour retrouver la pleine santé, voici en substance, ce que préconise la médecine Âyurvédique en cas de dérèglement de notre docha.

La cure ayurvédique

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alimentation satvique,

hygiène corporelle et vestimentaire

promenades, visites, baignade, etc.

hatha-yoga, yoga-nidra, pranayama, dhyana

massages

sudations

actions de nettoyage ou de purification

Tableau extrait d’un document de Marcel Arquimbau

d) Les Koshas, ou couches ou écorces ou gaines :

L’individualité humaine se compose de cinq gaines :

¡ Annamayakocha : l’enveloppe charnelle qui constitue le corps grossier ;

¡ Pranamayakocha : l’enveloppe d’énergie¡ Manomayakocha : l’enveloppe mentale constituent ¡ Vijnamayakocha : l’enveloppe d’intellect le corps subtil¡ Anandamayakocha : l’enveloppe de félicité, qui

constitue le corps causal.

Ces cinq gaines s’encastrent l’une dans l’autre, pour ainsi dire, dans un sens allant de la plus grossière à la plus subtile.

Ces éléments sont une partie de ce qui constitue notre nature de départ, il y en a évidemment d’autres. Pour la suite, cette approche suffit.

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III- Domaine d’étude : philosophies de l’Inde et de

l’occident

«  Au moment même où je le contemplais le monde était devenu et sans ce moment il n’aurait pas été. Toute

nature tend à cette fin ; elle la trouve remplie en l’homme, et toujours uniquement dans l’être humain le

plus conscient et le plus évolué. » C.G. Jung, L’âme et la vie

Vue du centre védantique Ramakrishna à Gretz, les vaches sacrées

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En guise d’introduction à ce chapitre je souhaite, encore, citer C.G. Jung : « L’avènement de la conscience est peut-être l’expérience vécue la plus puissante des époques originelles, car par lui le monde, dont personne ne savait rien auparavant, est entré dans l’existence. »

Les philosophies plurimillénaires de l’Inde et celles plus récemment, du XXème siècle en Occident, reconnaissent un point de vue sur le monde comprenant le spectateur et non plus un rationalisme froid et distancié comme les courants rationalistes qui excluent l’observateur pour plus d’objectivité (Descartes). Que ce soit par l’étude approfondie de la nature, avec le Sâmkhya, par l’expérimentation avec le yoga, par la littérature ou par l’approche empirique de la phénoménologie, toutes ont réussi à nous faire prendre conscience de la Présence de façon plus juste. Chacune nous amenant à affiner notre perception et à expérimenter cet « être là » dans nos vies.C’est aussi dans cette optique que je propose de partager la poésie comme moyen d’être présent et simultanément, immédiatement dans l’émotion ou proche du ressenti décrit par l’auteur. « Ne vois pas la mer, vois avec les yeux de la mer » nous dit Roumi (poète persan du XIIème s.). Enfin, je vous fais part d’une expérience personnelle qui m’a permis de placer cette façon de voir la vie, le monde, comme ma préoccupation principale. En cela, il est primordial, si je me comprends dans la lecture de l’expérience du yoga en tant que pratiquante et que professeur, que je la partage.

PHILOSOPHIES DE L’INDE

Le Sâmkhya et le yoga Ces deux philosophies hindoues appartiennent au même darçana, point de vue sur le monde ; perception philosophique. (les autres courants étant nyâya, Vaiçesika, mîmâmsâ, et vedanta).ce point de vue est l’advaita, le non-dualisme, système qui nie toute dualité, c'est-à-dire qui n’exclut pas le mal au profit du bien, le noir au profit du blanc…

Ces deux courants, que sont le yoga et le Sâmkhya, pour approcher la vérité, tendent au même but : la libération, Moksha. Seuls les moyens divergent. « ainsi, d’après le Sâmkhya, celui qui veut obtenir l’affranchissement doit commencer par connaître à fond l’essence et les formes de la Nature (prakritti) et les lois qui régissent son évolution. Le Yoga, de son côté, accepte lui aussi cette analyse de la Substance, mais n’accorde de valeur qu’à la pratique contemplative, seule capable de révéler expérimentalement l’autonomie de la toute puissance de l’esprit. » (Mircéa Eliade, Patanjali et le yoga).

Nous allons voir, par l’analyse des deux, les convergences et divergences. Les deux se sont inspirés mutuellement et existent en parallèle avec une certaine proximité. Le sujet de mon mémoire étant l’autonomie par l’expérience, je me situe bien dans la pratique du yoga, et plus particulièrement Hatha yoga, et c’est pour appuyer une vision du monde, une posture, le darçana, que j’aborde ici le Sâmkhya. Les deux ne sont pas opposés.

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Comme le yoga il exprime et permet de vivre l’Advaita, non dualité. Les contraires ne se repoussent pas, ne s’anéantissent pas.

a) Yoga = union« Ce terme signifie « union », mais il désigne aussi, tout ensemble, un des grands systèmes de la philosophie hindoue et la méthode qui permet de réaliser la vérité. » DRG-DRÇYA-VIVEKA, Comment discriminer le spectateur du spectacle, (traduit de l’anglais par Marcel Sauton).

« Au-delà d’une apparente diversité, l’essence du yoga est l’Unité. Les divisions ne sont que le fait de l’ignorance. La vie est une grande chance dont l’homme seul peut faire jaillir les bienfaits. » Allama Prahbu revue yoga et vie n°147

Le yoga, dans l’ensemble des philosophies indiennes, appartient à l’Advaita, non-dualité du Darçana, point de vue philosophique sur le monde. Ici, je vais vous développer les différentes étapes du yoga qui sont en même temps une technique pratique d’évolution personnelle et une philosophie de l’Advaita, non-dualité, qui permet la vie en harmonie avec soi et son environnement dans le cheminement spirituel vers la Libération, la fusion avec l’absolu, qui est le but ultime du yoga.

Ashtanga yoga (les huit niveaux du yoga)1. Yama

Ahimsa : non violence, abstention du mal, respect de la vie Satya : réalité, vérité, exactitude Asteya : fait de ne pas voler Bramacharya : état de l’étudiant brahmanique, célibat, chasteté, sagesse,

modération Aparigraha : refus de possessions inutiles

2. Yama Shaucha

Pureté, propreté, purification, honnêteté, correction Samtosha

C’est un état d’esprit, une attitude dans la vie. Pourquoi acheter cette voiture plus grosse, plus gourmande, plus cher si ce n’est

pour l’apparat, alors que la mienne roule très bien, répond à mes besoins. Me satisfaire de ce que je suis à l’intérieur de moi, de la relation que j’ai avec mes proches, les gens que j’aime plutôt que valoriser l’image que je donne. Comme si j’étais aimé et apprécié en fonction de ce que j’ai et non en fonction de ce que je suis.

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Cet état d’esprit oriente nos pensées, nos actes, nos réactions et nos relations. Développer le vivre au présent et au jour le jour dans un contentement de ce qui arrive, de ce qui se présente. C’est un moyen plus sûr et plus immédiat, ne reposant sur aucune condition extérieure, de trouver le bonheur au quotidien.

Tapah (tapas) : « Ascèse, pratique intense » Y-S II-32, « […] régulière et sérieuse, racine Tap- : brûler, chauffer; le feu de notre ardeur à pratiquer va brûler tout ce qui nous encombre »Y-S II-1

Le corps est un des niveaux de la réalisation du soi. La maladie, comme le dit Patanjali, est un obstacle à la réalisation de soi. Un corps en bonne santé est la base du cheminement. Pour ce qui peu arriver de mieux à notre corps, une alimentation équilibrée, telle que le préconise l’Âyurveda, sattvique, l’attention à ce que notre corps soit dans un environnement sain, non agressif pour nos sens, notre rythme biologique et nos limites vitales ou note confort. Pour ce que nous pouvons apporter comme soin à note corps, une activité physique non violente mais intense et régulière telle que la marche à pied, la piscine et le hatha yoga, accompagnée de nettoyages tels que les kriyas yoga ou ShankPrakshalana (purification intérieure combinant plusieurs kriyas interdits à la pratique en France).

L’intensité, l’effort dont il est question n’est pas un effort physique mais de concentration, qui avec sérieux et régularité, devient un état d’attention, de présence à soi.

Svadhyaya : « Connaissance de soi, des textes » Y-S II-32 ; « Etude des textes qui conduit à la connaissance de soi par la référence constante à son expérience dans la pratique » Y-S II-1

« L’état d’intériorisation permet l’union totale avec la divinité d’élection » Y-S II-44

Ishvarapranidhana

« par l’abandon à la divinité, s’accomplit la réalisation du Samadhi » Y-S II-45 L’état d’unité par cette voie de fusion avec la l’absolue réalité. On est alors sorti de

l’illusion des mayas et on accède à ce que l’on appelle la purusha dans le Samkhya ou pur esprit non encore réalisé.

« La pratique est donc notre moyen d’action. Mais quel type de pratique ? Faire des exercices physiques et respiratoires, et laisser à nouveau le mental entraîner dans le tourbillon de ses modifications incessantes ? (Vritti) le mot Tapas exprime que notre vigilance, notre intérêt pour cette connaissance de la réalité, doit être constante, ininterrompue, qu’elle doit s’exercer dans les gestes simples

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du quotidien afin de développer l’intuition de soi que Patanjali appelle SvadhyayaQue ce mot signifie à la fois l’étude de soi et l’étude des textes sacrés est révélateur. C’est l’êtreté qui donne un sens au savoir. La connaissance des textes est inutile si elle ne recoupe pas la connaissance de soi dans l’expérience de la pratique. » Françoise Mazet commentant Y-S II-1

La connaissance de soi peut se réaliser de façon plus privilégiée dans une séance de yoga, sans les stimuli extérieurs, sans les habitudes, on s’en remet au niveau du rythme, de la durée, du déroulement, de la pratique, au guide, professeur… et de cette façon, on rompt avec les habitudes de la vie quotidienne et l’on peut à cette occasion s’observer. C’est mettre en place, en action ce témoin, Draschtar, celui qui observe, cette part de nous immuable constante qui est notre point de référence. « L’ego, contrairement à ce que l’on croit, est ce qui nous permet de prendre conscience de notre conscience qui est le visage de Satchitananda, la part pensée de la conscience félicité, l’absolu total. » (Swami Veetamohananda Alenya le 12/02/2011 lors d’une présentation). C’est pour cette raison qu’il est bon de renforcer l’ego en nous, notre personnalité et non de l’éliminer comme on l’entend si souvent dire en occident ! L’égoïsme, lui, qui fait le mouvement inverse de retourner l’attention vers soi est la tendance dont il faut se séparer pour accéder au détachement. Cette observation, dans des conditions privilégiées nous permet d’avancer de façon avantageuse. Cette pratique peut-être réinvestie dans la vie de tous les jours. Nous pouvons avancer dans le respect de notre personne, le soin, le respect, le contentement et le lâcher-prise et aussi dans la vie sociale en étant respectueux des autres, du vivant, de la satisfaction du peu et la justesse dans les situations.

3. AsanaAsana traduit par postures. La pratique posturale, au total dit Gheranda, « elles sont aussi nombreuses que les espèces vivantes. Shiva en décrit 84 centaines de mille. Parmi elles on distingue 84 principales » (le yoga du corps, La gheranda samita de Jean Papin). Seulement 32 sont retenues pour la réalisation dans le monde des humains. La posture doit être stable et agréable comme le décrit Patanjali. Elle doit se faire en harmonie, en conscience du corps et du souffle, elle ne doit pas faire souffrir. Si le pratiquant respecte toutes ces conditions, ce qui s’apparente à de la gymnastique s’y oppose parce que la recherche n’est ni la performance, ni le défi, ni la rapidité… Les effets sont aussi bien physiques, qu’énergétiques, que de l’attention, mais aussi complets pour la musculature et la souplesse ne tardent pas à se faire ressentir. Mais en fait, la quête est déjà là : le chemin de la conscience

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4. PrânayamaDiscipline (âyama) du souffle (prâna) : c’est une discipline qui a pour objectif la suspension du souffle (kumbhaka), qu’il faut amener de la façon la plus naturelle. Tout d’abord en régularisant le rythme respiratoire et en l’allongeant, puis en introduisant des pauses respiratoires. On atteint l’objectif par différents exercices que l’on mène très progressivement et toujours sans forcer. Il ne faut pas confondre le prânayama avec certains Kriyas (nettoyages) qui concernent aussi le souffle mais qui n’ont pas le même objectif.

5. PratyâhâraOu retrait des sens est aussi traduit par abstraction. Mircéa Eliade le traduit par « faculté de délivrer l’activité sensorielle de l’emprise des objets extérieurs ». C’est la tortue qui rentre ses membres décrite par Krishna dans la Bhâgavadgita, (chap.2, verset 58). Cette émancipation de l’activité sensorielle envers son environnement est l’étape ultime avant l’intériorisation, puis la méditation.

6. Dharana Fixation de la pensée, ou concentration. La racine Sanscrit Dhr. signifie « tenir serré ». C’est d’une fixation dont il s’agit. La fixation du mental sur un point très précis ou sur tout le corps ou sur une image permet la discipline du mental et sa fixation pour l’éduquer à ne plus se dissiper et à rester attentif longtemps. C’est l’image du cocher du char de Krishna qui tient serré ses chevaux par les rênes pour éviter qu’ils ne se dispersent.

7. Dhyana Dans le Yoga-sutra, Patanjali nous décrit cet état méditatif qui nous amène (ou peut nous amener) au Samâdhi: « un courant de pensée unifié », fixer son mental suffisamment longtemps pour qu’aucune autre fonction n’entre dans le champ du mental, alors on peut parler de méditation. Et l’effet que l’on peut rencontrer :

8. SamâdhiL’état de méditation mène naturellement au samâdhi, pour cela il faut une méditation régulière et ardente. Aucune nouvelle technique n’est requise. Le Samâdhi est le résultat final, le couronnement de tous les efforts de l’ascète.

Le samâdhi signifie lui une absorption complète de l’esprit dans le Tout, c’est l’état d’unité totale.

Kaivalya pada, le quatrième et dernier chapitre des Yoga-sutra est composé de 34

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sûtra. La traduction littérale de Kaivalya : « isolation, solitude », est à prendre dans son contexte, comme la plupart des mots sanscrits. Dans son acception technique, il signifie ici "émancipation, libération", il est interchangeable avec moksha (« libération »), qui est le but du yoga.

Le Hatha-Yoga s’attache à enseigner les niveaux Asana, Pranayama, Pratyâhârâ, Dharana et parfois Dhyana. Même si les deux premiers niveaux, Yama et Nyama sont abordés.

b) SâmkhyaSâmkhya, développement et philosophie Vedanta de l’Advaita, le non-dualisme, système qui nie toute dualité, Gaudapada et Çamkara en sont les fondateurs (XIème siècle).

La conception de l’univers est décrite par des niveaux du plus subtil au plus grossier comme suit :En premier le Purusha, Esprit pur non réalisé, réel et éternelEnsuite la Prakritti, aussi réelle et éternelle mais active et dynamique, c’est une potentialité dont la manifestation est possible (mais pas obligatoire). Quoique parfaitement homogène et inerte, cette substance primordiale possède, pour ainsi dire, « trois modes d’être », ce sont les guna : tamas, rajas, Sattva par lesquelles le monde se manifeste de trois manières :Tamas, pour l’inertie statique et l’obscuritéRajas, pour l’énergie motrice et l’activité mentaleSattva, pour la luminosité et l’intelligence Ces guna ne sont pas différents de la Prakritti ou également de Prâdhana, le préétabli existant de toute éternité.« L’âtman (part de divin en nous) s’identifie avec la buddhi (intelligence) – la buddhi avec le mental (manas) – le mental avec le sens du moi (Aham-kâra), et l’organe interne (antah-karana), dans l’élan qui l’entraîne vers le dehors, finit par s’identifier avec le corps grossier (deha) » (extrait de Comment discriminer le spectateur du spectacle de DRG-DRÇYA-VIVEKA).L’Aham-kara prend conscience de soi-même, par la conscience d’individu, et répercute suivant les onze principes psychiques.Le corps grossier qui s’identifie suivant les onze principes physiques : sensoriels et moteurs associés au mental, présent également à ce niveau et qui fait le lien entre le niveau physique, le niveau psychique et l’intelligence (buddhi).Corps grossier, qui est l’objet du Hatha-yoga, et ses dix principes (et le mental) que sont :

Les Indriyas :

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- les cinq sens de perception, (jnânendriyas) amènent l’information de l’extérieur vers l’intérieur : le toucher, le goût, l’odorat, l’ouïe et la vue

- les cinq sens d’action, permettent au corps d’agir sur le monde dans un mouvement de l’intérieur vers l’extérieur (karmendriyas) : la locomotion, l’appréhension, l’expression, l’excrétion, et la génération. Le mental, l’organe intérieur dont la fonction est de s’associer aux organes sensoriels, porte le nom de manas. Le mental est le chef des Indriyas (organes des sens et moteurs), il présente aussi l’élément conscient de l’individualité.

Pour expliquer cette conception philosophique, je me suis inspirée de différents écrits (Philosophies de l’Inde par Jean Filliozat, Mircéa Eliade, Patanjali et le yoga et extrait de Comment discriminer le spectateur du spectacle de DRG-DRÇYA-VIVEKA). J’en ai extrait l’explication la plus simple, mais non réductrice, car certaines descriptions étaient plus complexes, mais non utiles pour ce mémoire et le sujet traité présentement.

c) Le yoga selon le Sâmkhya dans la Bagavad Gita

« Celui qui a atteint l’état de sagesse »

Chapitre II des versets 55 à 72

Parce que le but de ce chemin, que proposent le yoga et le Sâmkhya, est la libération, on trouve dans la Bagavad Gita, dernier chapitre du Mahabaratha, épopée fondatrice de l’Inde, une description de l’état de sagesse qui en est l’aboutissement. Voici Chapitre II des versets 55 à 72, comment le Bienheureux le décrit à Arjuna :

« Quand il s’est libéré de tous les désirs forgés par son esprit, et qu’il se satisfait entièrement d’être soi, alors on dit qu’il atteint l’état de sagesse. [55] »

Et de continuer à décrire le processus qui l’a amené à cet état

« Celui qui ne s’attache plus à rien ni à personne, qui n’éprouve ni joie, ni horreur devant le bien et le mal qu’il rencontre, celui-là atteint la plénitude de la sagesse. »

« Celui qui dégage ses sens du monde sensible, telle la tortue rentre ses membres, retire ses sens, et gagne la pleine sagesse. [58] Dès qu’elle cesse de s’en nourrir, les objets disparaissent de la conscience humaine.

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Reste leur goûtce goût même, elle le perd en voyant l’absolu. [59]  »

« L’homme se prend à penser aux objets ; et il s’y attache.De l’attachement naît le désir, du désir naît la colère, de la colère l’erreur, puis les divagations de la mémoire; il perd Buddhi, la raison ; et sans la raison, l’homme périt. » [62-63]

Heureusement pour tous ceux qui sont en chemin, il existe un moyen de faire l’expérience du monde en conscience totale. Il n’est pas besoin d’être arrivé au bout du chemin pour se sentir bouleversé par cette nouvelle appréhension du monde, de nous même, pour changer notre conscience et diminuer les souffrances, nous sentir libéré de cette amarre que représente l’attirance des choses matérielles.

« Mais quand il avance dans le monde des objets, et que ses sens, disciplinés, n’éprouvent ni désir ni dégoût, il se maitrise alors et atteint la sérénité. [64] Avec la sérénité, arrive la fin de tous les tourments.Avec l’apaisement de l’esprit, son intelligence ne tarde pas à prendre sa pleine mesure. [65] »

« Quand il fait nuit pour tous les êtres, l’homme du silence s’efforce d’y voir.Les êtres croient être éveillés. Lui seul n’y voit que la nuit. [69] »

La philosophie tente depuis la nuit des temps de donner des explications, des représentations du monde dans le but de proposer des moyens de vivre qui aient du sens. A l’image de ces êtres dans la nuit, nous tâtonnons dans nos vies à la recherche de sens, trouvant des objets, nous les prenons pour sens. L’existence est facilitée lorsqu’elle permet de comprendre le sens de la vie. Ce sens étant individuel, la philosophie doit tenir compte de ce paramètre pour établir une règle commune.

PHILOSOPHIES DE L’OCCIDENT

d) L’être et l’étant chez Heidegger

Les philosophes du courant de la phénoménologie, Lévinas, Bachelard, Merleau-Ponty, Hannah Arendt, ont essayés de décrire un rapport au monde de « l’être là ». Une description du monde du point de vue de la perception et du phénomène

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de : qu’est-ce qu’être là, en présence au monde? Qu’est-ce que la coprésence de deux êtres ? Qu’est-ce que la présence, la conscience de soi-même ?

Nous attribuons l’existence aux choses, mais, en réalité elles n’existent pas sans nous. Le monde existe parce qu’il est vu, perçu par une conscience qui le fait exister. «  Penser une chose comme existante, c’est se penser soi-même comme la percevant, c’est étendre son expérience de telle façon qu’elle vienne à comprendre cela même qu’elle laisse hors de soi… : on ne peut parler d’existence qu’à propos d’objets donnés dans un rapport immédiat à une conscience » (G. Marcel, Journal métaphysique, l’existentialisme par Paul Foulquié, PUF).

Pour décrire et tenter d’expliquer la présence à soi-même, et par là au monde, Martin Heiddeger s’appuie sur les concepts de l’être et de l’étant. L’étant, l’existant, est le fait d’être, d’exister comme un fait avéré, constaté scientifiquement mesurable par l’action sur le monde, c’est un état que l’on peut vivre sans conscience. Alors que l’être implique une conscience, le Dasein, (littéralement en allemand, "Être-là" c'est-à-dire l'existence humaine pensée comme présence au monde ou "Être au monde"). L’être est un état de présence, de conscience de l’étant. Il ne faudrait pas croire que tout homme jouisse de ce privilège et existe véritablement. Car beaucoup, mus par le « on » (man), comme dit Heidegger, ne font pas le choix véritable. Ceux là n’ont pas d’existence authentique. Existe véritablement celui qui seul se choisit librement, qui se fait lui-même, qui est sa propre œuvre.

Le rapport de l’être et de l’étant chez Martin Heiddeger est à rapprocher du rapport que Sri Aurobindo (dans le guide du yoga) fait entre l’homme d’aujourd’hui et le supra-mental ou homme d’une époque nouvelle : « Seulement on peut dire qu’avec le supra-mental la création s’engage dans un ordre différent d’existence. Avant lui, c’était le domaine de l’ignorance, après viendra le règne de la Lumière et de la Connaissance […] Et l’homme est déjà vieux de plus d’un ou deux millions d’années ; il est pleinement temps pour lui de se laisser transformer en un être d’ordre supérieur. »Il est question chez Sri Aurobindo, comme dans la philosophie de courant phénoménologique, d’une évolution sensible et En la nature de l’homme, en harmonie spirituelle et non dans un mouvement qui serait extérieur à celle-ci ou supérieur. Dans ces deux pensées du monde, l’être humain au cœur de la nature, le spectateur fait partie du décor étudié, l’environnement ou le sujet est vu à partir du point de vue de celui qui étudie et qui est au niveau de nous tous et non au dessus. «  Ceci est dû à une conscience et une sensibilité très vive de l’être physique, spécialement du vital physique. Il est bon pour le physique d’être de plus en plus conscient ; […] Il doit venir dans les nerfs et le corps aussi bien que dans le mental, une vigoureuse égalité, une maitrise et un détachement

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qui permettent au physique de connaître ces réactions et d’avoir un contact avec elles sans en éprouver aucun trouble. » Sri Aurobindo.

L’expérience de l’être est à faire dans notre corps même qui est une manifestation de l’univers, une parcelle de terre, d’étoile, une alliance, une relation est maintenue par la conscience.

« La transcendance, en tant que position du monde et de soi, est donc la liberté même. Le Dasein (l’être là) est libre parce que capable de se fonder et de se constituer lui-même en tant que ipse » (principe d’individu ou aham-kara) […] « La liberté n’est pas un pouvoir de rompre le déterminisme ; elle est une propriété « métaphysique » qui n’a rien à voir avec l’ordre de la décision. Elle n’est ni une option, ni un choix, mais la propriété d’être à soi-même son propre fondement. » A de Waelhens,  La philosophie de Martin Heidegger. 

Pour éprouver et décrire de façon plus fine à la fois du point de vue de la perception et de la conscience élargie, Sri Aurobindo parle de ce « « quelque chose de plus vrai » dans lequel vous devez apprendre à vivre, et c’est cela que vous devez sentir être en vous-même ». Une conscience, une densité de la présence, qui peut devenir palpable et qui se fait de plus en plus présente, avec la pratique et la discipline régulière de la conscience totale -par la méditation, le Hatha Yoga par exemple- et s’étend progressivement à tous les moments de la vie.

Cette façon de voir le monde qui confond l’observateur comme sujet d’observation avec le spectateur comme objet d’observation n’est pas un moyen d’observation scientifique, distancié et rationnel. La relation qui lie le sujet et l’objet trouble l’observation qui n’est plus possible de qualifier comme scientifique.« L’individu est toujours le lieu de la médiation entre les différents : par exemple notre corps est la médiation entre des éléments cosmiques et microscopiques. » Christian Fauré, philosophe.

Le corps, l’intellect, la rationalité même, ce que Heidegger qualifie d’étant comme manifestation, lien, relation cosmique : L’individu n’existe pas en tant que tel. Sa confusion est possible, communément avec son environnement, de par sa biologie (cellule constituante du corps et plus largement de l’autre, de ce qui nous entoure), sa psychologie (processus d’assimilation, de mimétisme, en sociologie, ces processus sont étudiés en étiologie [observation de la vie des groupements d’animaux] comme indépendamment de l’individu) et son psychisme (origine de la pensée qui aura germé de l’intérieur par la sensation du corps puis le sentiment ou de l’extérieur par le cours de pensées échangées, lues…).

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L’individuation, et avec elle les notions de choix, de volonté propre, de personnalité, d’autonomie, est un processus par lequel l’individu advient au niveau biologique, psychologique et psychique.Prendre soin de l’individuation c’est prendre soin de la relationLa relation que le sujet entretien avec son corps, avec son mental, son psychisme, avec son environnement par la psychologie et par les liens à autrui. Tout est relation. Le bien être et l’équilibre de l’existence dépend de l’élégance de toutes ces relations en tout domaine. C’est une posture, une attitude.Ces relations son entretenues en premier par le regard que l’on y porte en tant qu’observateur. Dans un second temps et sans qu’on l’ait voulu, les changements se font, se mettent en place naturellement.Les « phénoménologues », contrairement aux autres philosophies qui ont recours à l’essai, ont eu recours à la littérature, comme moyen privilégié, pour rendre compte de ce lien entre perception du monde et existence. Prenant ainsi le lecteur dans le champ de leur expérience et ne s’arrêtant pas au texte ou à l’objet livre. Le lecteur est convoqué dans ses émotions, ce que l’essai ne permet qu’au niveau intellectuel. Pour exemple, Jean-Paul Sartre décrit comment Roquetin, le héros de La nausée, qui jusque là s’était contenté d’observer comment les choses sont ou peuvent lui servir, prit soudain conscience de l’existence : «Donc j’étais assis tout à l’heure, au Jardin public. Le marronnier s’enfonçait dans la terre, juste au-dessous de mon banc. Je ne me rappelais plus que c’était une racine. Les mots s’étaient évanouis et, avec eux, la signification des choses, leurs modes d’emploi, les faibles repères que les hommes ont tracés à leur surface. J’étais assis, un peu voûté, la tête basse, seul en face de cette masse noire et noueuse, entièrement brute et qui me faisait peur. Et puis j’ai eu cette illumination. […]Si l’on m’avait demandé ce que c’était l’existence, j’aurais répondu de bonne foi que ça n’était rien, tout juste une forme vide qui venait s’ajouter aux choses du dehors, sans rien changer à leur nature. Et puis voilà : tout à coup, c’était là, c’était clair comme le jour ; l’existence s’était soudain dévoilée. Elle avait perdu son allure inoffensive de catégorie abstraite, c’était la pâte même des choses, cette racine était pétrie de l’existence. »

Saisir ce moment immédiatement et en rendre compte à l’instant de la lecture, loin de la description froide des manifestations. L’essence même des choses et l’émotion nous meut, nous émeut : ce premier regard, pour moi, c’est la poésie qui en rend le mieux compte.

e) La poésie comme forme de ce qui est

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Citons ici Frédéric Mistral :

«Donne-nous la poésie qu’elle nous donne tout ce qui vit. Donne nous la L’Ambroisie  car c’est la langue des forts. Celle qui donne à ceux qui ont la force l’effort d’aller plus loin. Donne-nous la connaissance du vrai et du beau car c’est elle la réjouissance du vrai du beau qui nous fait sortir du tombeau. »

La poésie, ne décrit pas, n’analyse pas, elle essaye de rendre compte de ce qui est là, le visible et l’invisible. Ce qui est de l’ordre de la surface des choses mais aussi ce qui est En les choses, ce qui les anime, ce qui les rapproche, les oppose… La part non visible mais néanmoins présente et perceptible. Ce qui est de l’ordre intime et personnel, cette expérience que nous pouvons chacun faire et ne pas forcement partager, C’est ce que j’appelle en cours de yoga l’expérience du germe de vie en chacun de nous, cet élan vital que l’on ressent. C’est au niveau du microcosme de nos cellules et molécules même, comme le dit Swami Veetamohananda.

« A quoi aspirons-nous ?

Qu’est-ce qui pousse ce désir ardent ? » Pina Bausch (danseuse, chorégraphe 1940-2009).

Car la poésie, l’expression artistique, on peut en faire une expérience universelle. Ce qui peut se dire avec des mots, des sonorités, des signes qui peut se partager avec autrui. C’est certainement au niveau du partage de quelque chose de beaucoup plus « humain » et d’en même temps beaucoup plus vaste et universel. C’est à ce niveau là une expérience du macrocosme. C’est cette force là qui est comprise dans l’art, dans tous les arts, et qui fait que l’on est touché par delà les cultures, les clés de compréhensions n’ont pas besoin d’être livrées avec le véhicule. L’expression même et la réception du spectateur par le simple canal de nos sens est suffisante au transport. Pour comprendre l’art, il vaut mieux désapprendre tout ce que nous avons appris jusqu’alors et être en présence d’une œuvre.

« De toutes nos machines réunies, de toutes nos routes kilométrées, de tous nos tonnages accumulés, de tous nos avions juxtaposés, de nos règlements, de nos conditionnements, on ne saurait réussir le moindre sentiment. Cela est d’un autre ordre, et réel, infiniment plus élevé. De toutes vos pensées fabriquées, de tous vos concepts triés, de toutes vos

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démarches concertées, ne saurait résulter le moindre frisson de civilisation vraie. Cela est d’un autre ordre, et réel, et infiniment plus élevé et sur-rationnel.

Les vraies civilisations sont des saisissements poétiques : saisissement des étoiles, du soleil, de la plante, de l’animal, saisissement du globe rond, de la pluie, de la lumière, des nombres, saisissement de la vie, saisissement de la mort.La vraie manifestation de la civilisation est le mythe.Dans l’état actuel des choses, le seul refuge avoué de l’esprit mythique

est la poésie.Et la poésie est insurrection contre la société parce que dévotion au mythe déserté ou éloigné ou oblitéré…Seul l’esprit poétique corrode et bâtit, retranche et vivifie. »

Aimé Césaire, Appel au magicien. Mai 44 en Haïti

Toutes ces pratiques de tradition orale, ces transmissions plurimillénaires qui fondent nos civilisations. La mythologie est la base de notre culture, qu’elle soit indienne, française ou de tout autre pays : le conte, la poésie, le yoga sont sacrés. D’un conteur, je tiens cette belle définition du sacré que je fais mienne : « Le sacré c’est ce à quoi on ne peut rien retirer et rien ajouter ». C’est bien la définition de l’art de l’instant de tradition et de transmission orale, chant, toute forme d’art qui s’offre et se reçoit dans un même instant de communion.

En cela le Mahabaratha, et particulièrement les Upanishads de la Bagavadgita, font appel à la poésie pour nous frapper de leurs images. Dans le XIème chapitre versets 1 à 55, le Béni Krishna montre à Arjuna sa forme suprême, ce dernier décrit ce qu’il voit :

Je te vois,Auréolé d’une immense lumière,Resplendir de tous le feux du soleil,Impénétrable au regard ordinaire et incommensurable :Tu es coiffé d’un diadème, tu brandis la massue et le disque.[17]

C’est toi l’objet de tous les savoirs,l’absolu, toi aussi. […18]

Toi qui n’as ni origine ni durée ni fin, je te contemple,déployant ton inépuisable vigueur :tes bras sont en nombre infini,tes yeux resplendissent comme la lune et le soleil ;

Ta bouche est un feu flamboyant ;Ton ardeur naturelle donne au monde toute sa chaleur.[19]

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Car tu le déploies dans toutes les directions de l’espace, entre le ciel et la terreDevant ce spectacle de ta forme merveilleuse et terrible, ô dieu immense, les trois mondes sont remplis de frayeur. [20]

Je finirai ce passage sur la poésie par un poème que je vous livre humblement avec beaucoup de plaisir…

A Aimé Césaire

Ce palanquin de l’aube, sombre et vicié, flottant, flanqué de mille et une constellations tournoyantes dérive sur les flots impeccablement calmes.Ce pilori abyssal des agonies de phasmes, écartèlement de chairs, rougeoiements des embrasements sauvages s’éloigne de ce continent femme.Cette salope sensuelle, géante opulente génitrice et matrice de son peuple repose telle Vénus abasourdie de charmes.Caverne d’une culture, orpheline de son âme, témoin de ses petits déchirés de torpeur et d’effroi.Elle regarde déchue, cet enfant qui s’éloigne

Celui qui, enfin calme, résonne de tous ces cris, toutes ces images, ces danses d’un effroyable tableau immaculé de sang. Irriguant les sillons des oasis stellaires.La terre brûle et elle pleure cette divine apparition, ce souvenir, cette trace cet ami ce père cet amant.Doucement glisse inexorablementIl nous quitte et nous empli l’espace tout entier, le monde réuni de l’eau et de l’éther.Il ne se dissipe pas, il ne coulera pas, il ne perdra pas une once de son espritIl nous envahit et nous empli d’une forceCelle de nous leverDe combattre et de vaincreNos propres peursNos fantômesNos spectresEt de devenir soide trouver cette force

f) La théorie et l’écrit ne permettent pas de relater la réalité, la vie est plus forte, elle est expérience.

Au cours de mon apprentissage de ces dernières années avec Tony Dabau, du Hatha-Yoga à l’école de Perpignan, Marcel Arquimbau à Montpellier, de l’Âyurvéda comme art et connaissance de la vie, au cours de mes nombreuses lectures en vue de ce mémoire, où comme je le fais toujours, curieuse de

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savoirs. Comme au cours de ma vie d’enseignante et de fervente chercheuse de Ma Vérité, il m’a été donné une opportunité de comprendre ce que Tony nous disait par « Vous pourrez lire tous les livres de toutes les bibliothèques sans trouver la vérité. Celle-ci est en vous, à l’intérieur de chacun d’entre vous. » Et il citait lui-même une référence à Sri Aurobindo. 30 avril 2009, j’ai trois enfants, un mari, un métier, je fais envie à mes copines par ma vie si parfaite.Le diagnostic tombe, le médecin me donne les résultats de mon examens : cancer du côlon, plus que 3 mois à vivre ! Je n’entends pas ses mots et lui dit que je m’en occuperai plus tard quand mon agenda me le permettra. Il insiste et je prends rendez-vous chez le chirurgien. Un mois plus tard, ablation de 30 cm du côlon. Puis chimiothérapie programmée, « en prévention » d’une récidive. Je n’accepte toujours pas l’idée mais cède pour apaiser ma famille, mes proches, puisque c’est inoffensif.Je me présente à la première séance très guillerette avec une amie nous rions et mettons une bonne ambiance dans le service. Trois jours plus tard, je suis admise en urgence pour insuffisances cardiaque ! Et je fais le lendemain « une mort subite récupérée » (d’après l’interne). Là plus le choix, j’entends, je sens, j’ai peur à postériori. Je suis ramenée à moi, à la conscience de l’instant, à la préciosité de la vie.Si par une suite d’enchaînements de faits, dus à mes amis -et non au corps médical qui ne pensait pas à mal puisque 2 jours avant je sautais de joie dans le service en clamant, à qui veut l’entendre que tout allait bien !- je n’étais pas bien entourée, aimée, je serais morte avec deux de mes enfants à la maison sans l’aide de la médecine.C’est l’union entre ce qui m’arrivait dans mon corps, maladie grave, dans ma tête, grande fatigue et frayeur, dans mes liens à mon entourage, que j’ai touché du doigt l’union. Et c’est ce qui m’a sauvée ! J’ai appris à vivre, reconnaître, ne pas juger, être totalement présente à l’instant dans ce moment particulier de ma vie qui m’a imposé l’union comme moyen de vivre et non de survivre (quand quelque chose est en décalage entre le vécu et l’expression de soi).Après cet évènement peu probable et extraordinaire, la vie se présentait comme le seul but à poursuivre qui en vaille la peine pour moi et sans rupture avec ceux que j’aime et tous mes contemporains, la nature, l’univers. Je faisais par cette expérience celle de l’amour universel.J’ai rencontré aussi à l’hôpital des personnes extraordinaires de conscience de présence et d’écoute dense. Comme le dit souvent Tony Dabau.La vie avec le sens de l’amour s’est ouverte à moi comme une évidence.

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« Nous serions, selon le langage de la science poétique, des poussières d’étoiles, des œuvres vivantes réalisées avec des matériaux originels… Nous ne serions pas étrangers dans le vaste pays appelé univers, mais peut-être les semences de conscience dont il a besoin pour être conscient de lui-même (si cette hypothèse invérifiable est juste, gardons nous toutefois, comme nous sommes trop souvent prompts à le faire, d’en tirer une quelconque suffisance absurde).Avoir conscience, ne serait-ce pas avant tout aimer, prendre soin, s’émerveiller ? Et être dans l’inconscience, détruire et profaner tout ce qui est à portée de main et à distance de nos cœurs ? » Pierre Rabhi, Manifeste pour la terre et l’humanisme.

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IV- Ce qui est un frein à notre libération

« On rencontre beaucoup d’hommes parlant de liberté, mais on en voit très peu dont la vie n’ait pas été principalement consacrée à se forger des chaînes. » G. le Bon, Hier et demain.

Henri Matisse, Fenêtre avec vue et poissons

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Ce qui nous dérive de notre Etre, le monde autour de nous, la satisfaction immédiate, l’accumulation est une des causes de notre malheur. L’enferment, la contrainte, l’illusion de cheminer vers la libération. Erik Sablé, dans la philosophie orientale du Tao, différente de l’Inde mais répondant à des règles de vie proches et constantes en Asie, rapporte Lao Tseu « le plus grand crime [est] d’exciter l’envie »,  «  le plus grand malheur est [d’être] insatiable », « le plus grand fléau [est] l’esprit d’appétit ». Or notre société exalte le désir par tous les moyens, suscite l’envie à tel point que désirer et consommer sont devenus synonymes de vivre dans notre société matérialiste. Et notre espace mental est constamment occupé par les publicités et autres artifices qui suscitent une multitude de désirs artificiels.  « La nature de l’homme est mise à mal par ces modèles et ces incitations à sortir de soi et à se lancer corps et âme dans la consommation, la production, l’ambition, le dénie de l’autre et du collectif. Bien loin du « souverain taoïste des temps anciens, trop profond pour être sondé, hésitant, effacé, timide, prudent, simple « comme un bloc vierge ». Il « parle peu », ne cherche jamais à paraître. Il « enseigne par le silence » et « gouverne par le non-faire » (Erik Sablé). Ce souverain taoïste se rapproche du sage yogi en de multiples points, par son silence, son détachement, sa simplicité.

« Ainsi, à cause de son idéologie, qui n’est qu’une exaltation de tous les aspects les plus sombres et les plus superficiels de la nature humaine, l’Occident s’éloigne de l’harmonie naturelle, tourne le dos à la vraie Sagesse et s’enfonce toujours plus loin dans cette nuit particulière de la modernité. » (Erik Sablé).

Cette idée de l’aliénation n’est pas récente et n’est pas due qu’à la modernité, même si celle si n’arrange rien, Etienne de la Boétie, au 16ème siècle, pensait déjà que la liberté est inhérente à la nature humaine : « Premièrement, il est je crois hors de doute que nous vivons avec les droits que la nature nous a donnés, et avec les enseignements qu’elle nous apprend, nous serions naturellement obéissants (pouvant nous passer des lois) aux parents, sujets à la raison et esclaves de personne. » Souvenez-vous du premier chapitre sur la nature primordiale de l’humain : L’Âyurveda préconise de ne pas s’éloigner de cette nature, qui est la nôtre à la naissance et qui est notre environnement, pour éviter d’être manipulé et de diverger de sa voie, d’être attaché, dépendant, sous le joug d’autrui, de tomber malade. Pour le corps comme pour l’esprit, la pratique de Panchakarma : le hatha-yoga permet une activité physique complète et préventive accompagnée des massages, alimentation sattvique… D’autant que pour « Les sages du Védanta […]: « Le corps est véritablement l’instrument de base pour acquérir le Dharma », (la vie juste). Ou encore  « Vous serez plus près du ciel par le pied que par l’étude» (Swami Vivekananda cité par Swami Veetamohananda).

Pour se rapprocher de sa nature primordiale humaine, Erik Sablé préconise la « Sainte Paresse », qui n’est autre que la contemplation de la nature, de ces phénomènes, sans autre but que l’harmonie et la connaissance. « C’est devenir oiseau ou un peu taoïste », une pratique proche et qui peut être équivalente à la contemplation du silence, à la concentration et au chemin méditatif dans le yoga, ou encore à la contemplation des

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éléments et phénomènes naturels dans un cadre de nature privilégié : Shramadam. Pour Tchouang Tseu, « le tao, pour l’atteindre, il faut rester dans le rien, le non-être, ne suivre aucune voie, ne rien chercher… Il est nécessaire de s’installer dans la quiétude, de connaître la parfaite tranquillité. »

Pour atteindre cet état méditatif et accéder à l’intériorisation, ce n’est pas aisé. Se tourner vers soi, vers son intériorité, ne signifie pas toujours trouver la paix. De plus ce leitmotiv peut amener à un doute, une angoisse, une culpabilité de ne pas y parvenir. Et nous écarter encore plus de la quiétude. La servitude vient de nous même, de nos peurs, nos freins, nos appréhensions, notre fatigue… S’affranchir de nos limites psychologiques et de nos limitations dans nos vies, c’est commencer à trouver un peu de liberté.

L’autonomie commence par celle de ressentir, de penser, d’agir, d’évoluer. Et ce qui souvent conditionne cet enfermement dans des réponses qui ne nous paraissent pas adaptées, ce sont nos freins intérieurs. Faire évoluer ce rapport intérieur que l’on entretien avec le monde, c’est modifier en fait son environnement, et les conditions d’attachement à celui-ci. Etienne de la Boétie de continuer : « Ce sont ceux qui, ayant la tête, d’eux-mêmes, bien faite, l’ont encore polie par l’étude et le savoir : ceux-là, quand bien même la liberté serait entièrement perdue et toute hors du monde, l’imaginent et la sentent en leur esprit, et même la savourent ; et la servitude n’est pas à leur goût, si adroitement qu’on la déguise. » (16ème siècle, discours de la servitude volontaire).

Enfin, comment faire pratiquement pour reprendre le contrôle de nos vies ? Nous ne voyons pas bien comment faire pour créer cette union. Swami Veetamohananda citant Swami Vivekananda commence à nous donner une réponse : « Toute la force et l’aide dont vous avez besoin, se trouvent en vous. Donc prenez en main votre propre avenir ».

Les grands Maître du yoga nous enseignent pourtant des voies, des exercices. Shri Mahesh, qui fût mon enseignant, ainsi que Tony Dabau, qui continue à l’être, m’ont transmis, des savoir-faire autant que des savoir-être, que je m’applique à suivre dans ma pratique personnelle et dans mes cours de yoga. Je me suis fixée d’accompagner mes élèves vers un mieux être. Celui-ci peut durer le temps d’une séance ou perdurer plus tard, suivant les choix et l’investissement de la personne.

Le dharma, la vie, la voie juste, étant l’affaire personnelle de chacun, qui naît de sa volonté et peut se matérialiser dans sa vie, de façon spirituelle. Suivant l’explication que nous donne swamiji, la spiritualité n’est pas un état éthéré et déconnecté de la réalité, mais bien au contraire un moyen très concret de se réaliser avec force : «« Entrer dans la spiritualité » ne signifie pas se laisser aller à la tristesse et aux lamentations, ni ramper et s’abaisser devant les forces du monde. Cela signifie : décider d’affirmer son pouvoir face aux situations intérieures et extérieures. C’est prendre la ferme décision de remporter la victoire sans faille. Nous sommes tous confrontés à des problèmes. Quelqu’un nous étouffe ou nous opprime et alors nous nous sentons malheureux. Ne nous considérons pas comme des êtres faibles. » (Swami Veetamohananda. Ces citations sont issues de l’article « la force et le courage » de yoga et vie n°147).

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Etre autonome et enfin libre ne se situe pas à l’extérieur de nous même mais dans une forme d’esprit qui tend à la liberté individuelle, mais aussi collective. Ce qui en ressort, c’est que c’est un combat, dont on peut sortir victorieux par la ferveur et l’assiduité. Pour conclure sur ce qui fait obstacle à notre développement personnel et bien au delà à notre émancipation collective, base du bonheur partagé, cette phrase de Stendhal semble parfaitement opportune : « les peuples n’ont jamais que le degré de liberté que leur peur leur permet. »

Ce constat réalisé, un certain nombre de personnes cherchent des moyens de trouver des espaces, des moyens, des techniques, une aide, pour se défaire un peu de leurs chaînes encombrantes. C’est ce qui pousse certains à essayer le hatha-yoga la première fois.

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V- Ce qui nous amène à commencer la pratique du Hatha-Yoga

« L’expérience immédiate de la vie résout les problèmes qui déconcertent l’intelligence pure. » W. James, La volonté de croire.

Posture de l’arc, le Yoga du Corps, la Gheranda Samhitâ

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Problème à un moment, envie de se détendre, mal de dos, stress, examen, problèmes de sommeil, mauvaise respiration, souplesse… voici ce qui amène mes élèves à venir la première fois à une séance de yoga. Mon expérience et celle de mes élèves.

Intérêts de la séance et du « laboratoire »« Dans la pratique, il est souvent plus facile que dans la vie, de prendre conscience de notre propension à ce déséquilibre dans un sens ou dans l’autre [tourné vers l’activité extérieur, super actif (Rajas), fuyant le monde extérieur, apathique (tamas)]. Aller aussi loin que possible dans la prise d’une posture, sans pour autant créer des tensions, négocier dans le calme, paisiblement avec un ligament récalcitrant, sans renoncer, atteindre ses limites, les reconnaître, s’installer à leur frontières, et de pratique en pratique, le corps devient un outil mieux adapté.De même, dans la relation, une observation vigilante permet de faire du mental un outil plus transparent, plus adapté à se maintenir sur le fil du rasoir de la juste attitude. » Françoise Mazet, Yoga-sutras traduction et commentaire. Pour illustrer cette motivation première, ce raz le bol, cette envie forte, ce désespoir dans certains cas, qui amène la première fois dans une salle de yoga, j’ai questionné mes élèves à leur arrivée.« Comment puis-je me mettre hors de moi à des moments, sans pouvoir contrôler mes émotions, mes réactions ? Comment faire autrement et cultiver le calme et le recul ? » Myriam

« Comment ne pas paniquer devant une opération des dents de sagesse ? Par la respiration complète, j’y suis arrivé. » Nans

« Comment allier la concentration, la détente et la pratique physique tonique ? Le pranayama m’aide à rester éveillée et disponible aux apprentissages. » Julie

« Comment puis-je développer mon énergie, ma force à l’effort dans la course en général tout en respectant au maximum mon corps et en en tirant le meilleur ? » Mathieu

« Des amis m’ont parlé du yoga et de ses bienfaits, moi je ne crois trop à tout ça mais j’en peu plus de cette tension nerveuse !…Je ne sais pas comment je vais tenir le coup, stress, fatigue physique et nerveuse, sans le yoga pendant deux semaines ? » Sacha (cadre supérieur, reprends les cours après un an et demi d’interruption et un changement de travail).

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«Je suis raide, je suis très active et parfois je ne peux plus rien faire tellement je suis débordée et épuisée. Le yoga m’a permis de poser mes idées, de m’organiser et de trouver souplesse dans mon corps et dans mon esprit. Quand je pratique, c’est plus facile. » Célina 

«  J’ai 16 ans et je ne peux plus dormir ni me concentrer. En cours je ne suis plus et tout ce que les profs disent se mélange. Je ne retiens rien. C’est l’horreur !Séance de respiration et de yoga nidra, sommeil retrouvé et attention meilleure en cours, idées plus claires sur les le contenu et résultats en progrès. La progression s’est faite sur l’année. » Victoria

 « J’ai perdu pas mal de mes amies. J’ai une bonne souplesse. Je suis arrivée pour entretenir mon corps, garder un exercice en plus de la marche. Si l’amour n’est pas dans nos vies, celles-ci perdent leur sens même. Les autres participants à un cours, le regard du professeur, une personne croisée dans la rue, et avec qui on discute, peuvent en faire partie de l’amour que l’on reçoit et qui permet de vivre. C’est qui lui donne envie de se lever le matin et de faire des rencontres, d’être regardée. C’est comme ça que la première fois que j’ai pratiqué le yoga, j’ai pu sortir de la dépression, mais je suis devenue dépendante à la méditation et au silence. Je suis venue chercher un cours ou je suis accompagnée pendant la méditation pour éviter ces égarements. Tout ça, c’est en fait le sens du cours de yoga. »  Carmen

Les demandes sont très différentes et pourtant toutes sont légitimes pour une séance de yoga. On s’aperçoit qu’il n’y a pas un type de demande mais autant que d’individus. Néanmoins, la pratique est la même pour tous, même si elle est adaptée en fonctions de problèmes physiques. Dans une séance de yoga comme dans toute situation nouvelle de la vie, nous faisons avec nos acquis, quels qu’ils soient. Le conditionnement est ce qui est notre structure mentale qui nous permet de réagir à une situation nouvelle donnée. Nous ne pourrions pas survivre si chaque nouvelle situation devait être entièrement comprise théoriquement pour amener une action. Hors ce qui, au départ, est là pour nous aider, finit par nous emprisonner. Nos schémas mentaux réduisent nos chances de comprendre et d’analyser une situation avec un regard frais et distancié comme il se doit. Il faut comprendre qu’il y a le monde extérieur objectif et une représentation du monde intérieur qui est un équivalent, un modèle, qui se crée et se défait en permanence d’après des imprégnations passées et révolues. Nos réactions ne se font pas en fonction de la situation présente mais en fonction d’une réaction passée à une situation passée et enregistrée : exemple : je dis « je ne suis pas souple, je vais faire du yoga pour m’assouplir » 

1- Mes muscles me limitent dans mes mouvements et en pratiquant, je vais obtenir plus de souplesse.

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2- Mon mental me dit ce message mais mon corps est relativement souple. Mon corps va réussir à déjouer le conditionnement du mental, à dépasser les carcans par la concentration sur les sensations du corps et par le symbolisme qui nous amène au-delà de notre condition et nous permet de nous dépasser. Il s’agit en fait de déjouer le mental saboteur qui nous limite ici.

3- Mon mental me dit que je ne peux pas, mon corps est raide depuis le temps que je n’y crois pas. Tant que je n’ai pas dépassé la barrière mental, je peux faire tous les étirements possibles, je ne gagnerai pas en souplesse (exemple de la position du crocodile où le schéma mental entrave souvent la progression du corps). Dépasser cette limite est dans ce cas parfois impossible. « de toute façon cette posture, je ne l’ai jamais prise et puis je n’ai aucune souplesse pour la réussir ». Il est possible de déjouer le rôle censeur du mental en travaillant par visualisation, projection, concentration lors de respiration. Une fois passée la barrière, le mental peut accepter de « lâcher », de permettre au corps une progression, il reconnaît que le corps peut avancer en souplesse et d’autres progrès sont envisageables et possibles. Et le tout se fait en douceur, respect, harmonie entre le corps, le mental et le ressenti intérieur de ce qui se joue.

Voici l’exemple typique de ce qui fait venir une personne la première fois ou au début à un cours de yoga. Voici le processus que le cours lui permet d’envisager et qui va faire que l’élève va devenir demandeur de ces séances de yoga, actif par rapport à lui-même et autonome petit à petit sur différentes approches vis-à-vis de lui-même, dans la salle par rapport à la demande du professeur (lever les bras alors que la personne souffre des épaules), puis dans la vie avec des propositions ou des demandes qui ne paraissent pas convenir. Chaque expérience lui permet de comprendre des mécanismes, de faire des choix et de se positionner, au sens de prendre un point de vue sur le monde : le sien. Ces petits gestes accumulés lui permettent de s’ouvrir des chemins. En cela, « le yoga ouvre des chemins » (Shri Mahesh).

Dans une posture comme le cobra, il est proposé à l’élève de prendre l’asana de trois façons différentes au cours de la séance, sans que celles-ci soient à la suite ou expliquées comme une expérimentation. Toutefois, il est demandé à chaque fois à l’élève d’observer ce qui se passe en lui, voir de comparer avec une ou deux autres façons de prendre la posture :

1- De façon technique en décrivant précisément la position des mains, talons et genoux joints, omoplates rapprochés… en harmonisant le mouvement avec la respiration

2- De façon énergétique et dans l’intention, d’après les 5 sens, pieds enracinés, élément terre, plaquer les cuisses au sol, contacter l’eau, puis inspirer poussez le ventre et réveillez le feu, ré-inspirez et remplissez vous d’air en faisant monter le thorax, enfin, dressez le haut, la tête dans l’espace.

3- De façon symbolique en expliquant le serpent cobra, ses caractéristiques, sa puissance, sa force, sa rapidité, sa souplesse, son symbolisme dans l’hindouisme.

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Demander aux élèves d’être habités par le serpent, de le vivre de l’intérieur et de sentir l’intention du dedans vers le dehors.

Dans chacune de ces prises de postures, l’intention est différente et l’élève peut sentir successivement son corps obéir à sa volonté et à un guide extérieur, son corps prendre la posture du dedans mais sur une décision intérieure et enfin, son corps trouver le geste juste en contactant en lui l’image symbolique qui va l’animer. L’élève passe par les différents stades de la docilité à l’enseignant, à l’autonomie et en même temps, il sent en lui la force vitale qui est son moteur.

Ce qui est particulièrement intéressant, c’est que l’élève passe du statut de passif dans une séance de yoga, celui qui écoute les consignes et fait bouger son corps en essayant de se rapprocher le plus possible des consignes, au statut d’acteur et d’auteur, de demandeur, de celui qui trouve et connecte à chaque posture ou proposition avec son être intérieur, sa part vivante. De cette façon, il cesse de prendre son corps pour un pantin articulé et il envisage aussi son corps comme un partenaire, une source d’énergie, le lieu de la réponse à certaines questions sur la voie à suivre.

Ce travail a été proposé dans l’esprit du yoga et en réponse à des élèves qui venaient de plus en plus nombreux avec des grosses difficultés à harmoniser le corps devenu sédentaire. Le corps, lui-même est souvent victime du mental qui force, brutalise, contraint. Il en résulte un corps qui ne trouve plus de plaisir dans ce qu’il fait, voire exécute. Naissent des douleurs, des frustrations, des inaptitudes…. La roue du désastre se met en route et la chaîne de cause à effet fait des ravages. Il ne s’agit pas pour ces personnes de répondre à la demande au pied de la lettre en donnant une solution pratique et ponctuelle qui les rendrait dépendant du cours de yoga et de leur professeur. Bien au contraire, il faut comprendre derrière les mots et les maux et leur proposer des expériences où relier tout leur être pour une pleine conscience de ce qui est à vivre et à mettre en place lorsque la difficulté se manifeste.Le plaisir d’écouter son corps, dans le silence, dans les mouvements, son corps respirant… c’est redécouvrir une mine d’énergie et la Force vitale, l’espace intérieur et la lumière qui est présente en chacun de nous, mais juste recouverte de différentes couches (kochas chapitre 2) qui la cachent et l’ensevelissent.

Le travail menant vers l’autonomie et le retour à la joie et à la part vitale est un travail en harmonie et complicité entre le corps, le mental et l’énergie qui est un épluchage…comme un oignon.

Deux intériorisations et yoga nidra que je propose amènent, la première à éclaircir le monde intérieur, l’autre, par le souffle à trouver l’origine en son propre corps du germe de vie, de volonté qui est à l’œuvre dans chaque situation de la vie et qu’il est important, à mon sens, de cultiver :

Dharana

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- 1) Vous êtes allongé et voyez vos points de contact avec le sol. Vous voyez votre corps comme un bocal et à l’intérieur une eau troublée, agitée de courants qui soulèvent des particules. Vous voyez des quantités de choses, des paillettes brillantes, de l’opacité, du trouble, du flou, un manque de visibilité… Vous laissez décanter jusqu’à voir l’eau claire, le dépôt dans les parties en contact avec le sol. Vous voyez clairement l’eau transparente laisser traverser la lumière. Puis l’eau devient lumineuse, vous voyez des rais de lumière qui traverse votre corps….

- 2) Concentrez-vous sur votre diaphragme à l’inspiration, à l’expiration, visualisez ses mouvements, les muscles en jeu, la forme du diaphragme, ses attaches physiologiques, à la cage thoracique, à la zone sacrée. Respirez et plongez toute votre attention dans cette zone précise. Puis visualisez les deux colonnes du diaphragme, qui l’attache au sacrum. Toujours à l’inspire, à l’expire.Avant le début de chaque inspire, à vide, faites un petit temps de pause pour observer dans cette localité ce qui se passe. Ressentez le besoin d’inspirer, la force qui se dégage à cet endroit. Respirez sans effort, sans contrainte, simplement observez avec densité.Puis allongez le temps de rétention et ressentez la naissance d’une inspire dans votre ventre. Respirez bien.Poursuivez et densifiez votre attention jusqu‘à percevoir l’emplacement dans votre corps d’une certaine forme de volonté qui vient d’au-delà du corps, de vous-même mais se matérialise là. Précisément.Ressentez, prenez le temps, ce germe de vitalité, ce sursaut en puissance. C’est le même qui se met en place quand vous marchez, avancez, quand vous voulez réaliser quelque chose. C’est une force qui vous traverse et vous met en mouvement. Observez bien et localisez bien pour pouvoir y avoir accès lorsque vous en aurez besoin dans votre vie…

La place étant donnée à cette vie intérieure, l’espace étant ouvert dans des situations nouvelles, la mobilité d’esprit et la liberté de penser par soi-même et de faire des choix. Tout ceci en place, un incommensurable monde de possibles est à vivre, rempli de vie et d’énergie cosmique. Il suffit amplement sans avoir besoin de se tourner vers l’extérieur pour combler une vacuité intérieur qui est enfouie.

La plus grande douleur viendrait du fait de rajouter des couches par-dessus ce leurre (décrit ci-dessus), l’envie, le profit, la possession, l’accumulation. La frontière est parfois très ténue entre ce qui est à faire et ce qui est à éviter dans un cours. Cette appréciation reste à l’enseignant qui par sa présence, son écoute, doit répondre de la façon la plus adaptée à Ce moment précis : discipline et non contrainte, ardeur et non dureté, collaboration et non force, douceur et non endormissement, accompagnement et non ordre… Pour se faire, l’enseignant doit être et paraître totalement déterminé. Ce qu’il dit

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et propose doit sembler naturel aux élèves. Il ne doit absolument pas douter. Pour ceci, il doit lui-même avoir pratiqué ce qu’il propose. Il se doit d’avoir une pratique régulière et disciplinée. S’il peut douter c’est en dehors des séances, au moment de prévoir la séance et de pouvoir aller vérifier sa proposition. L’enseignant qui exige la qualité pour lui, amènera naturellement la qualité dans la pratique de ses élèves.

On voit bien ici qu’il s’agit d’un chemin subtil et escarpé, un chemin où de nombreuses tentations se présentent, où l’illusion est bien tentante parfois sur le cheminement qui nous amène vers notre vraie nature : s’en remettre à un objet extérieur, à une technique, à « un cataplasme sur une jambe de bois ». Le chemin est difficile et long, la lumière ne se fait pas tous les jours, aussi, il est important d’être guidé dans cette voie. La personne qui nous guide, le professeur, le guide, le Maître, appelez-le comme vous voulez, doit être dépourvu d’intérêt à votre réussite et de tout autre intérêt personnel. Dans le cas contraire, il risque de ramener l’élève vers une voie de facilité qui sera aussi une fausse voie où illusion (maya). Le choix de la personne que l’on suit, enseignant, maître, est primordial tant par sa qualité propre que par le lien qui se créé avec lui. Ce choix, important, va déterminer le bon déroulement du cheminement où le contrarier.

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VI- La posture du professeur

« Je n’enseigne que deux choses : voir la souffrance, et s’en libérer. »Bouddha

Roberto Matta , la leçon

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Tout d’abord, je vais vous décrire une expérience personnelle qui m’est arrivée : la plus belle leçon qui m’ait été donnée de vivre ne se passe pas dans l’un des univers professionnels et privés que j’ai décrits précédemment. Je suis enseignante de l’Education nationale en arts plastiques depuis des années. Mes valeurs à transmettre sont déjà assez différentes de celles de mon institution : l’élégance, la grâce et la beauté de ce qui est enseigné. Je croyais que là résidait la force et la légitimité de mon enseignement et que mon but était atteint lorsque je choisissais de beaux objets d’étude. J’étais un peu en train de comprendre que les élèves vivent des situations de grâce, d’élégance et de beauté tous les jours, dans leur environnement, en dehors de l’école, et sans le savoir. C’est un ancien élève, issu d’une banlieue où tout est plus compliqué pour les élèves qui veulent croire, qu’ils pourront prendre l’ascenseur social et qu’ils feront ce qui leur plaît dans la vie.Je rencontre cet élève, quelques années après avoir été son professeur, dans les locaux d’une TV associative :

- « C’est grâce à vous que je suis là.- Non, tu te trompes, lui répondis-je, je n’ai rien fait pour toi- Si, vous nous avez fait faire tel exercice et j’ai compris que je pouvais en faire

mon métier - Merci alors si tu le dis. »

Je n’ai pas trop compris sur le coup mais des mois plus tard, j’ai admis que je lui avais permis de filmer, et d’être alternativement acteur, dialoguiste et metteur en scène, le tout dans mes cours lors d’un exercice. Aujourd’hui, tous les élèves filment avec un téléphone portable et ne deviennent pas réalisateurs pour autant. Il n’y avait, dans ce qui avait été fait en classe, ni élégance, ni beauté, ni apport technique. Non ce dont il me parlait en me regardant dans les yeux (lui si timide), c’est du regard que j’avais porté sur lui avec bienveillance et j’ose le dire avec amour. Et ce regard permet la conscience du geste, de l’acte, de la parole, de la pensée qui lui donne parfois son sens. La relation que j’avais instaurée lui avait permis d’exister dans ce qui comptait pour lui et qui par la même occasion lui a été révélé ! Et bien, suite à cet épisode, j’ai réfléchi, pour moi la transmission c’est très complexe mais ça se résume très simplement comme ceci :

- Accompagner une personne qui a une demande précise à laquelle je peux répondre.

- Lui apporter une technique, une pratique qui va lui permettre d’évoluer (dans le sens se mouvoir) et peut-être de trouver son chemin. Il n’y a pas d’obligation.

- La voir faire avec bienveillance et lui signifier ma présence avec « amour ».C’est juste ça et justement exactement ça et pas plus.

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D’où l’on comprend bien que la posture l’intention du guide, du Maître sont primordiales pour permettre ou conditionner le développement de l’élève. Nous allons tenter de définir la posture de ce maître, qu’on l’appelle guide, transmetteur, enseignant, … par la comparaison dans différentes cultures. Tant pour prendre ce qui est commun que pour donner les limites de son exercice.Dans certaines traditions comme le soufisme, l’élève chemine accompagné de son Maître : « La relation entre le disciple et le Maître est une relation d’éveil et de fraternité, pas une relation de maître à esclave.Les soufis disent souvent que « la voie c’est le Maître ». Une voie spirituelle n’a donc de sens que par rapport au Maître spirituel, qui tel une source d’eau vive, l’irrigue et la nourrit toute entière. » (Abd Al Malik, La guerre des banlieues n’aura pas lieu).Et de continuer : « n’est-il pas surprenant de s’apercevoir que nous pouvons partager beaucoup de choses profondes et subtiles avec quelqu’un qui à priori semblait très différent de nous, alors que des personnes qui nous étaient très proches sur le plan affectif, social, intellectuel ou culturel peuvent sembler ne plus nous comprendre dès lors que l’on aborde les aspects de ce cheminement intérieur ? » « Ton Maître […] est celui qui soulève le voile qui te sépare de Dieu.[…] Il est celui qui te délivre de la prison de tes passions pour t’introduire chez Dieu, le Maître des mondes. » « La subtilité de la relation qui unit le Maître et son disciple n’a d’égal que son caractère extrêmement précieux. »« [Le Maître] est celui qui, de polir le miroir de ton cœu,r jusqu’à ce que s’y irradient les lumières de ton seigneur » (Abd Al Malik).Plus précieuse que toute relation, cette relation est d’amour pur et désintéressé. Cet amour est la condition du « transfert » (comme on pourrait dire en psychanalyse) de l’esprit divin.La confusion n’est pas à faire entre Guru, Maître, et psychothérapeute. Jacques Vigne, dans un article traitant de la « psychologie transpersonnelle d’orient et d’occident » (revue Yoga et vie n° 108) nous explique bien cette différence et met en avant le fait que la psychothérapie occidentale, fondée sur une théorie, fonctionne par les qualités du psychothérapeute et non de la théorie. Puisque d’un thérapeute à l’autre, les résultats sont bien différents pour les patients. Et à ce sujet, il cite Sri Aurobindo (Everything talk) : « La théorie n’a jamais soigné personne, Croyez-vous encore qu’une théorie guérisse ? Guérir une personne ou obtenir un résultat, ne dépend pas du tout de la théorie en cause. Qu’une théorie soit vraie ou fausse, il est possible qu’elle vous donne des résultats. Une théorie vous met simplement dans un état tel que quelque chose derrière puisse agir à travers vous. C’est toute la position de Bergson, la théorie ne fait que vous convaincre vous, et par là, vous obtenez un certain état intérieur. C’est tout. Elle peut-être vraie ou fausse. Il est bien possible que Freud ait guéri des gens, comme Coué les guérit maintenant. Mais les guérit-il par sa théorie ? Pas du tout. C’est parce qu’il a du pouvoir qu’il

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guérit ces gens. Vous pouvez essayer d’appliquer les résultats de la psychanalyse de retirer les obstacles et complexes de la nature humaine : vous verrez que vous n’y arriverez pas. »

Mais dans le cheminement du yoga, il ne s’agit pas de transférer ses maux, ni de régler une maladie, qu’elle soit mentale ou physique. Les notions de gourou, de psychothérapeute, de médecin, de chaman, d’aidant sont bonnes à visiter pour trouver ce que l’enseignant n’est pas, ou les limites qui le définissent. Mais, il ne s’agit pas de soigner, même si la demande de l’élève est parfois celle-ci, et s’il peut y avoir confusion des genres. Comme dans la relation d’aide (article de la revue Gestalt sur le désir d’aider), Pierre Janin nous propose de nous questionner sur les motivations que nous avons à aider autrui, dans la relation que nous avons à nos clients, qu’est-ce qui vient de nous ? Qu’est-ce qui vient du client ? « Sinon on risque de faire de la surprotection, du gavage ou du « gouroutage » c'est-à-dire le contraire de l’aide si le but poursuivi est de permettre à nos clients de recouvrer un jour leur autonomie et leur créativité. »

« Le maitre est bon quand, un jour, le disciple le quitte et le dépasse » : cette relation décrite par Swami Suddhananda représente bien plus vaste et désintéressé du rapport maitre élève.

Pour finir sur la tentative de définir la place de l’enseignant, celle qui est la mienne quand j’enseigne le yoga, je dirais : ouvrir à quelque chose qui est là, présent en chacun de nous et dont le chemin le plus évident passe par le cœur. Ensuite, pour ce qui est du contenu de l’enseignement lui-même, je citerai le Bouddha lui-même car sa définition me semble des plus juste : « Je n’enseigne que deux choses : voir la souffrance, et s’en libérer. »

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VII-Expérimentations, revenir à soi, vers sa nature et

l’harmonie avec soi.

« Alors se révèle notre Centre, établi en soi-même […] » Y-S I-3 Patanjali

Aïgua Blava, Bégur, Espagne

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« Alors se révèle notre Centre, établi en lui-même […] » Y-S I-3Patanjali« Et il nous dit d’entrée de jeu quelle est l’extraordinaire conséquence de cet acte apparemment si simple. En nous libérant des automatismes, le Yoga nous révèle notre capacité d’être. Cette conscience profonde que Patanjali appelle Drashtar, celui qui voit, c’est le Témoin immobile, permanent qui nous fait participer à l’énergie cosmique, au-delà de notre incarnation matérielle. Qu’on le nomme Drashtar, l’Atman, le Soi, le Centre, c’est une richesse commune à tous les hommes, source d’amour, de vie, de créativité, que, pour la plupart, nous cherchons à l’extérieur, alors qu’elle est en nous.» (Commenté par Françoise Mazet).

La séance de yoga comme un laboratoire d’expériences où les élèves viennent vivre des situations qui peuvent, peut-être, les faire avancer dans la vie. Mais cette avancée n’est pas une obligation, ni pour moi professeur, il n’ya pas d’injonction autoritaire du type  « ressentez, faites vous plaisir ou souffrez » ou « venez faire votre marché » de la part des élèves, ce qui serait décalé et non propice au développement du yogi. Ni pour l’élève qui vient avec son propre projet en cours. Il peut juste y avoir un temps de plaisir avec soi-même que l’on s’accorde une fois par semaine.

Pour ce chapitre, je vous propose de reprendre les personnes en exemple au chapitre 5 : Myriam, Nans, Julie, Mathieu et Victoria

Comment puis-je me mettre hors de moi à des moments, sans pouvoir contrôler mes émotions, mes réactions ? Comment faire autrement et cultiver le calme et le recul ? Myriam

Et bien j’ai accueilli, avec bienveillance, ce que Myriam disait. Puis je lui ai montré qu’elle parlait de cultiver le calme, le recul. Elle s’est appliquée à observer cette part en elle, la colère aussi. Elle a petit à petit accepté cette colère sans la refreiner. Elle chemine avec ceci, et son corps comme allié, dans la pratique du yoga. Elle pratique tous les jours et s’est imposée une régularité qui paye en retour par des résultats. Elle est très fervente et régulière aux cours.

Comment ne pas paniquer devant une opération des dents de sagesse ? Par la respiration complète, j’y suis arrivé. Nans Pranayama

Nans attendait peut-être une solution rapide, Après que je lui ai répondu que c’était une bonne solution mais qu’il ne fallait pas croire en un remède miracle et ne pas hésiter à consulter en cas de stresse et de douleur. Je ne l’ai plus revu.

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Comment allier la concentration, la détente et la pratique physique tonique ? Le pranayama m’aide à rester éveillée et disponible aux apprentissages. JuliePranayama

Julie a « tenu le coup longtemps », elle venait toutes les semaines et elle révisait beaucoup. Je sais qu’elle a été admissible à l’Ecole Normale, rue d’Ulm à Paris. J’étais très fière pour elle et en même temps, cela a été trop dur je pense de cumuler toutes ces contraintes puisque je ne l’ai pas revue.

Comment puis-je développer mon énergie, ma force à l’effort dans la course en général tout en respectant au maximum mon corps et en en tirant le meilleur ? Mathieu

Mathieu s’entraine au marathon et à la nage, en même temps il pratique le yoga et la concentration. Petit à petit, le yoga lui a permis de gérer ses entrainements et de respecter davantage son corps dans ses entrainements. De plus, révolté et en colère dans beaucoup de situations, il a exprimé le fait que sa course puisse être une échappatoire. Il a pu maîtriser cette tendance et trouver dans la course un plaisir et non un défouloir. Les entrainements sont plus souples et la régularité dans la pratique lui a permis souplesse et écoute de son corps utiles pour le sport, plus harmonieuses aussi.

« J’ai 16 ans et je ne peux plus dormir ni me concentrer. En cours je ne suis plus et tout ce que les profs disent se mélange. Je ne retiens rien. C’est l’horreur !Séance de respiration et de yoga nidra, sommeil retrouvé et attention meilleure en cours, idées plus claires sur les le contenu et résultats en progrès. La progression s’est faite sur l’année. » Victoria

Victoria a suivi des séances individuelles sur une année, elle m’a dit avoir évolué au niveau personnel, moins s’emporter, avoir appris à observer ses réactions pour les relativiser du fait de l’adolescence qui exacerbe tout. En prenant un peu de recul, elle a aussi mieux géré ses échecs à l’école et plus valorisé ses réussites. Si bien que le moral a été meilleur, le sommeil plus réparateur et l’tat général bien meilleur. Au début de nos séances, elle était accablée de sa situation et de la charge de travail. Alors qu’en fin d’année, objectivement, les conditions n’avaient pas vraiment changées, au contraire, mais elle était plus joyeuse. C’est l’exemple de la personne qui voit les choses avec un autre regard et qui arrive à mieux appréhender sa vie pour prendre les bonnes décisions.

Sacha et les autres continuent, chacun à son rythme, à progresser et à harmoniser les avancées des séances et la vie de tous les jours.

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D’autre part, j’avais mené une expérience pendant un temps, hors cours, au collège, avec des volontaires, tous niveaux confondus. Les élèves venaient de plus en plus nombreux pour pratiquer quelques exercices d’étirements, d’asanas simples et de respiration. Non seulement je les voyais revenir le lendemain me trouver dans la cour pour obtenir d’autres exercices, enseignés pour mieux dormir, être attentifs, se réveiller ou calmer leur mental, mais en plus, ils venaient me dire ensuite que pour la prise de décisions en ce qui concerne les études (orientation, rythme de révisions…) ; ils avaient eu l’esprit plus lucide et étaient satisfait d’avoir pu faire ces choix, parfois importants pour leur avenir en pleine possessions de moyens et conscience.

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VIII- Effets d’autonomisation

« Brûler, chauffer; le feu de notre ardeur à pratiquer va brûler tout ce qui nous encombre » Y.S. II-1 Patanjali.

Rudolf Stingler, sans titre

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a) Processus de transformation

Par l’expérience arrive une transformation qui nous amène, celle-ci nous conduira, pas à pas, à l’autonomisation :

« Comme le paysan rompt la digue qui empêche l’eau de s’écouler sur ses terres, l’élimination des obstacles est à l’origine de toute transformation.  » Patanjali, Yoga-Sutras IV-3

Les élèves du cours de yoga, viennent souvent avec des problèmes, des demandes et pensent que le yoga va pouvoir les soigner, résoudre leur problèmes, dissiper leur mal-être. Le Hatha-yoga, n’est pas une médecine et je le dis bien souvent « allez consulter un spécialiste, n’attendez pas de vous soigner par la pratique.  ». Dans le cadre de l’accompagnement ou de la recherche d’un mieux être ou tout simplement de la prévention, ce qu’ils demandent au yoga, bien souvent, ce qu’ils en attendent, c’est des résultats ! Mais ils ne se posent pas la question de ce qu’ils sont prêts à donner, à consacrer comme temps, discipline, régularité, volonté, ardeur et effort. Sont-ils suffisamment prêts pour que les résultats arrivent ?Cette pratique du yoga, comme elle nous est enseignée à l’école de la fédération française de Hatha-yoga, comme elle l’est en Inde depuis des millénaires, n’est bénéfique que si elle est régulière et ardente. Mais aller au-delà de l’apparence, accéder au monde intérieur  est un effort (tapas) personnel. Le mot tapas est dérivé de la racine « ta » qui veut dire s’échauffer, devenir brûlant. Nous trouvons l’idée d’un dégagement de chaleur après l’effort, souvent assimilé à l’acte d’allumer le feu, acte central dans beaucoup de rituels, car symbole de toute initiation : « Ô Agni tu as échauffé [les êtres] par [ta] chaleur, [nous aussi], nous pratiquons l’austérité » ( Atharva Veda, VII, 61,1). Le feu chauffe dans le sens de dégagement d’une force purificatrice et illumine dans le sens de lumière éclairant l’esprit . « Par Tapas produisant la destruction des impuretés, on la perfection du corps et des facultés […] Sans Tapas un homme ne peut atteindre la perfection en yoga. » Shri Mahesh dans Yoga et Symbolisme.

Effort, oui, certains sont prêts à un moment à le fournir pour dépasser les appréhensions de départ et évoluer un peu. Mais pour accéder à la libération telle que le but du yoga ou Moksha, il ne suffit souvent pas d’une seule vie ! Alors à quelle autonomie accédons-nous à ce moment là ?

« Selon les enseignements du Bouddha, la condition essentielle du bonheur est la liberté, non pas sur le plan politique mais sur celui de l’être profond. Il s’agit de se libérer de ces constructions mentales que sont la colère, le désespoir, la jalousie et l’illusion. Le Bouddha les considérait comme des poisons qui, lorsqu’ils subsistent dans les cœurs, rendent le bonheur impossible. …Il existe des instructions précises sur le moyen de transformer l’avidité, la colère et la confusion qui nous affectent. En suivant ces instructions et en apprenant à maitriser notre souffrance, nous pourrons aider les autres à faire de même. » (Thich Nhat Hanh, La colère transformer son énergie en sagesse).

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« … en apprenant à maitriser notre souffrance,… » Je reprends ici cette citation, que j’avais prise pour définir la liberté,  pour aussi en dire les limites. Les sentiments négatifs sont ici exposés comme ceux dont il faut se débarrasser. Hors la personne qui souffre est habitée par ces sentiments, parfois ceux-ci l’habitent depuis des décennies. Il n’est pas aisé, même si on souffre, de se débarrasser de ses habitudes, de ses sentiments et de son « tortionnaire intérieur», celui-là même qui est notre censeur, notre culpabilisateur propre. Une sorte d’accoutumance s’est créé. Il faut voir le mal, le localiser, ne pas le juger. Puis vient le moment pour la personne de faire le deuil dans un premier temps pour ensuite, s’en débarrasser. De plus, suivant le darshana (point de vue, philosophie) de l’Âdvaita (non-dualité), philosophie commune du yoga et du Sâmkhya, ne prône pas le rejet d’une chose au profit d’une autre. La non dualité nous dit que toutes les facettes, toutes les polarités sont en nous et que nous pouvons les faire cohabiter. Comme quand nous voulons nous débarrasser de la raideur de nos jambes par exemple, nous n’allons pas du jour au lendemain poser la tête sur nos genoux dans la pince ! Nous allons, séance après séance, allonger les muscles, accepter que nous quittions certains plis du corps, que nous devenions souples et que nous changions. Le processus est lent. Et bien pour les émotions perçues, il en va de même, le temps fait son ouvrage et la colère qui était notre première émotion à venir dans certaines situations, nous handicapant, va pouvoir laisser la place à la compréhension, au détachement. « Patanjali, le grand yogi et psychologue, indique comment se débarrasser de ces impuretés du mental qui épuisent notre énergie et causent toutes sortes de problèmes :1/ En donnant notre préférence aux évènements heureux2/ En éprouvant de la compassion pour les malheureux3/ En nous réjouissant du bien4/ En restant indifférent au mal. »(cité par Swami Veetamohananda dans Yoga et vie n°147)

Comme par dilution une goutte de compréhension dans un verre de colère puis deux, puis…progressivement, le verre devient compréhension et la colère ne prend plus qu’une petite part, non disparue mais atténuée, diluée, non impulsive. Voilà comment se détacher de nos désirs et nos sentiments négatifs qui sont en fait nos liens et nous emprisonnent dans un cercle vicieux.

b) Expérimentations / applications dans les cours / cas concrets

1- Prathyara Allongés au sol, détendus

Entendez et éloignez-vous du son, Voyez la lueur au travers des paupières et retirez-vous de cette lumièreSentez l’odeur puis orientez votre attention au frôlement de l’air sur le bord des narinesGoût…

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Toucher… sentez le frôlement des vêtements, les appuis du tapis… puis plonge à 1 ou 2 cm sous la peau pour percevoir toute son épaisseur et son intériorité.D’un sens à l’autre, étendez l’attention à tout le corps, à sa vie propre, à ses rythmes et sentez comme il est autre que les sollicitations extérieures.

2- VisualisationVoyez une situation pas très agréable, voyez les couleurs ; luminosité, sons… Laissez monter les sentiments qui y sont associés. Ne jugez pas, laissez venir les pensées, n’élaborez pas de pensées, restez sur l’observation sans jugement.Puis entendez un son agréable qui petit à petit prend la place, de beaux paysages, plage, prairie, chemin, l’odeur de fleurs que vous aimez, le toucher de la brise, le goût de quelque chose d’agréable qui ramène de bons souvenirs…Est-ce que votre moment désagréable est encore là ? Est-ce que son souvenir est encore très fort ? Voyez ce moment désagréable comme une image Placez cette image accroché à un arbre dans le paysage agréable. Puis représentez vous le très bien et éloignez-vous progressivement en ayant bien toutes les sensations du paysage à l’esprit. Voyez toujours cette image mais jusqu’à la rendre aussi petite qu’une tête d’épingle dans votre paysage.

c) Mon expérience personnelleVous vous souvenez certainement que chapitre 2 je vous ai parlé de ma maladie. Et bien celle-ci, je la vois non comme quelque chose de négatif mais comme le moyen de me poser les bonnes questions :- Qu’est-ce qui me fait vivre chaque journée ?- Ai-je fait le bon choix ?- Tout ce que je vis, j’entreprends, est-ce que je suis en harmonie avec ?- Est-ce que tout ceci a un sens ?- Si ma vie s’arrête demain, est-ce que je choisirai de faire tout ce que je fais aujourd’hui ?C’est un peu comme dans le paysage de mon quotidien, la petite pointe de l’épingle qui donne du sens au reste, au choses plus anodines et plus quotidiennes et aussi qui donne tout son relief et sa saveur aux moments de joie, de bonheur qui peuvent être courts mais intenses.Les questions que j’ai à l’esprit sont complétées aussi par les deux questions de Pina Bausch plus comme introspection :

« A quoi aspirons-nous ?

Qu’est-ce qui pousse ce désir ardent ? » Toutes ces questions de choix, de libre arbitre et de placement dans la dynamique qui permet que les choses adviennent sans avoir à les forcer, les attendre. Cette posture ; bien centrée dans mon corps, mes appuis, dans mon équilibre mental, dans ma dimension spirituelle, profonde et en même temps ouverte et sensible au monde ; m’a été donnée par le yoga dans toutes ses dimensions. Mais le yoga non

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comme dogme mais comme technique qui permet de percevoir le monde par soi-même. En ce sens, je crois qu’il n’est pas possible d’enseigner le yoga, si soi-même on n’a pas fait l’expérience de cette union (par quelque moyen que ce soit) et si l’on ne réactualise pas en permanence la pratique comme une discipline de vie et de vérité. Voilà pourquoi peut-être, j’ai attendu 18 ans, la majorité, de pratique de yoga avant d’enseigner.J’ai après cette expérience peu courante, forte et riche d’enseignements que fût ma maladie, fait beaucoup de choix dans ma vie et j’ai aussi à cette occasion celui d’enseigner le yoga.

Pensant que le yoga ne se limite pas à la pratique dans la salle mais se poursuit en dehors. Bien trop souvent, les niveaux Yama et Nyama ne sont pas respectés en dehors de la salle de yoga, et parfois même pas dedans ! Contrairement à l’Inde, où il est indispensable d’avoir acquis les premiers niveaux pour commencer les asanas, en Occident, nous commençons par les asanas. Il faut composer avec cette donnée.J’ai aussi beaucoup d’égard pour le groupe, je prends du temps avec les élèves en fin de séance, je suis attentive à ce que leurs questions ne restent pas en suspend. Je tiens à leur permettre un temps de retour sur leur expérience s’ils le souhaitent. J’organise aussi d’autres activités comme des séances à la plage l’été, des invitations de groupe de musique pour des kirtan de manière à ouvrir le groupe à d’autres personnes et d’autres activités du yoga du son, à créer des moments de convivialité. J’organise aussi une rencontre une fois par an avec la communauté de l’Arche créée par Lanza del Vasto derrière Lodève. Ces moments festifs et de partage ouvrent les élèves à d’autres dimensions du yoga, ils contribuent à apporter des moments de plaisirs associés au yoga et au groupe et à se laisser aller dans des dimensions non abordées dans les cours hebdomadaires. Enfin, je rend hommage par un geste de dévotion auquel j’associe tout le groupe en fin de séance, à la salle qui a eu une transformation d’embellissement, à telle personne absente et malade, à tel fait, le tsunami du Japon pour deux élèves japonaises, à l’ensemble des élèves, à la terre, à l’univers, à Ishvara (dieu)… à leur propre corps qui leur a permis cette séance, à cette belle journée, à ce moment de grâce que nous avons partagé aujourd’hui. Pour familiariser mes élèves à la reconnaissance de notre chance à vivre chaque jour, chaque instant dans la conscience de ce qui est là ici et maintenant et non à ressasser le passé révolu ou à se projeter dans un avenir incertain et distant contrairement à ce moment qui nous est offert.« Une autre fois pour la première fois » François Chang

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d) Puis en tant qu’art-thérapeute

J’ai aussi oublié de vous dire que depuis vingt ans, je suis artiste. Ça a commencé bien avant mais à vingt ans j’en ai eu le statut. Ma quête depuis petite fille a été de comprendre la source de la vie et de la création. Le lien entre la création et la vie. De trouver une logique à tout ça. J’ai trouvé une voie dans l’art et dans le yoga pratiquement en même temps et j’y ai trouvé des réponses… de plus en plus personnelles et intérieures et en même temps de plus en plus universelles… à partager. Je dessine, je peins, je danse, j’écris de la poésie, et depuis un an, je conte ! C’est là la plus belle merveille qui nous met en même temps en lien avec toute la filiation de l’humanité et avec ce que chacun de nous a de plus profond et ceci dans un temps présent de partage avec les personnes qui écoutent et vivent réellement le processus. J’y trouve beaucoup de choses communes avec la pratique du yoga.« L’art sacré, c’est ce à quoi on ne peut rien retirer. » C’est la définition aussi de tout art oral évidemment.

Si j’ai voulu devenir art thérapeute, c’est parce que le processus de création est tout à fait propice à la thérapie. Dans mon approche thérapeutique, je pars du postulat qu’il n’y a pas deux vies, deux expériences, deux problèmes, deux personnes pareilles. Le travail, et c’est là un point crucial qui me tient à cœur, doit être mené par la personne elle-même. Accompagnée, sécurisée par le thérapeute mais c’est un travail de création de sa vie. Comme dans le yoga, par la conscience, il est permis de proposer les instants de joie, d’amour, de créer des situations de vie que l’on pourra progressivement sortir de la salle de pratique pour envahir les différents moment de la journée.

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Conclusion

L’époque dans laquelle nous vivons n’est pas propice à la spiritualité, à l’intériorisation et au calme. Cependant, les chemins qui mènent à la réalisation sont nombreux. Si nous sommes attentifs en même temps à tous les niveaux de notre être, nous pouvons arriver à une libération qui nous permet un peu plus de joie. Celle-ci est due à ce que nous touchons plus exactement notre vraie nature et non que nous plaquons des artifices ou des réponses sur des envies. Si nous nous occupons de notre rapport aux autres, en étant bienveillants, non violents, respectueux, dans la vérité, la modération… si nous sommes attentifs à nous même par une bonne hygiène, une alimentation saine, le fait de respirer, d’évoluer dans des endroits sains, beaux, agréables, d’être réguliers dans nos vies et de tendre à l’intériorisation, de ne pas se dissiper ou gaspiller de l’énergie. Le fait d’avoir un bon exercice physique non violent, harmonieux et tout de même développant tous les aspects physiques, comme l’est la pratique des asanas accompagné d’un bon souffle et d’une intériorisation de qualité. Toutes ces pratiques déjà amènent leurs effets s’ils sont pratiqués avec régularité et avec le plus de logique dans leur intégration à la vie quotidienne. Tout ce que je décris ci-dessus n’est autre que la description des niveaux de l’ashtanga yoga. La vie n’est pas un long fleuve tranquille qui coule de la source à la mer, soit, mais les difficultés, les épreuves si nous les prenons pour pur source de souffrance n’ont aucun sens, et je dirais que c’est la vie toute entière qui perd son sens quand la souffrance traversée n’a pas de sens. Si chaque désagrément de la vie, chaque épreuve, voire, chaque coup sur la tête pouvait nous faire avancer et nous faire comprendre que tout est transitoire et que la vie étant finie, elle vaut d’être vécue dans le moindre de ses moments. Même les plus difficiles. Si ces moments ne nous apportent pas chacun un peu de philosophie sur notre propre vie, alors à quoi bon ! La séance de yoga, comme laboratoire de la vie toute entière lieu, moment protégé et privilégié, peut aussi à un moment s’ouvrir sur l’extérieur, c’est le sujet des Yamas et Nyamas, pour ne pas pratiquer des choses merveilleuses dans la salle et que l’on soit totalement en désaccord avec les préceptes du yoga une fois sorti de la salle. C’est comme cette personne qui

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pratiquait spécialement dans une séance que je dédiais tout particulièrement au pranayama et qui, juste le pied en dehors de la salle avait comme premier geste de s’allumer une cigarette !

Nous naissons tous avec une constitution de base qui nous est donnée, c’est la vision de la pleine santé qui nous vient de l’Âyurveda : si nous nous en éloignons, nous nous éloignons de la santé qu’elle soit mentale, psychique ou physique. Pour nous approcher toujours de cette nature initiale tout en évoluant avec les années, en restant en mouvement, dans la vie, il y a des moyens d’hygiène, d’exercice physique, de diététique, des choix de vie, d’orientation, un environnement, de relations, des pensées qui sont le résultat des émotions et sentiments vécus au quotidien et de ce qui est donné à penser au travail, à la maison, durant ses loisirs (en relation avec les collègues, le mari, le partenaire..)… Le yoga, s’il permet de visiter plusieurs de ces domaines, est un moyen excellent, reconnu par le corps médical pour ce qui est de l’hygiène physique, mentale, psychologique, de la pratique physique harmonieuse, c’est aussi un endroit où « méditer sur sa vie » devenir le témoin de ses propres actions. En ces points, c’est une voie vers l’autonomie de pensée, d’agir, et vers la libération. Ceci dans la mesure où l’élève le décide ainsi ! Point d’autonomie pour la personne qui reste emprisonnée dans ses habitudes, son envie de rester prisonnière. Et l’envie du professeur dans l’affaire n’y pourrait rien et n’y a pas sa place. Puisque pour que le professeur réponde, il faut bien au départ qu’il y ait demande ! Hors dans le cas de la servitude, il y a une demande, celle de rester servile ! Au professeur de juger s’il souhaite répondre lui à cette demande ou s’il souhaite décliner la demande et dire pourquoi. Au professeur de juger si ce n’est pas lui-même qui y trouve son compte !

Enfin, le yoga, s’il est un puissant vecteur de conscientisation des pensées, des actes, des paroles, devient également une technique de conscience de soi et de soi par rapport aux autres et au monde. C’est plus qu’une technique, nous l’avons vu, c’est un moyen de vivre pleinement ce qui est là et même un processus d’individuation qui va nous donner force et pouvoir de devenir qui nous sommes en germe. C’est l’aspect spirituel. Il n’est pas le seul moyen d’y arriver. La personne qui vient au cours de yoga est peut-être dans un processus de libération et d’autonomie vis-à-vis de ses choix, par une toute autre voie. Il convient aussi en tant que professeur, de ne pas juger, apprécier, qualifier, réconforter une personne qui vient avec ce qu’elle est. Il convient de rester bienveillant et accueillant à la différence. Dans une « acceptation inconditionnelle ». Parce-que le vivant est mouvement, parce que le rôle de maitre et d’élève, comme tout dans ce monde est transitoire, on ne doit pas s’accrocher, quel que soit sa place dans la relation à son rôle initial. On doit accepter le cas échéant, de se faire dépasser par nos propres élèves, on doit accepter d’être ce tremplin et rien que ce tremplin. La vie sa face cachée comme sa face visible, est pleine de secrets, nous ne pouvons pas baser nos actions que sur la part visible de notre vie, ou nous ne laisserions aucune possibilité à l’invraisemblable et l’invisible d’advenir. Nous fermerions définitivement la porte à toute évolution possible. Nous couperions court à la révolution qui est en œuvre.

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Enfin, la pratique de professeur de yoga est le plus beau métier qui m’ait été donné de faire. On voit des personnes se révéler, s’épanouir, quitter le cours, venir avec régularité et opiniâtreté… quelles que soient les réactions, j’ai vraiment le sentiment en cours de voir, de palper, de toucher du doigt la vérité de la vie, son secret intimement ancré en chacun des êtres qui viennent à ma rencontre. Quel plus beau cadeau de la vie que de travailler au quotidien avec cette matière au centre de la pratique ?

Je suis arrivée au Hatha-Yoga avec une lombalgie tenace, due à une croissance bien trop rapide en 1992, je n’en ai plus jamais eu. Je continue le yoga et le chemin mais n’ai absolument plus les mêmes motivations qu’au départ. D’élève, je suis devenue enseignante, ai changé toute ma vie. Le yoga, pour qui sait être attentif, entre dans la vie par une toute petite porte de la vie et se fait la place belle petit à petit, il change notre conception toute entière. Toutes les recherches que j’ai effectuées pour l’écriture de ce mémoire m’ont permises d’aborder des domaines divers et variés : philosophie, sagesse, psychologie, poésie, art, physiologie, Âyurveda, textes sacrés de l’Inde… Le yoga peut mener à tout. Et j’ai Sri Mahesh en souvenir en disant cela, la seule différence avec une approche scientiste, c’est que ce n’est pas la raison, mais la voie du cœur qui nous y mène.

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Bibliographie

Livres :

- Shri Mahesh Yoga et Symbolisme, ed. du Rocher

- La Bhagavadgîtâ, traduction et présentation de Marc Ballanfat, ed. Flammarion

- Françoise Mazet, traduction et commentaire des yoga-sutras ed. Albin Michel*l’abréviation Y-S est utilisée dans le texte pour Yoga-sutras.

- Sri Aurobindo le guide du yoga Albin Michel

- H.-M. de Campigny, Théorie et pratique des yogas Selon l’enseignement des Maîtres de l’Inde et du Tibet Librairie Astra-Paris

- Philosophies de l’Inde par Jean Filliozat Que sais-je ?, PUF

- Erik Sablé, Sagesse libertaire taoïste, introduction à la Sainte Paresse, ed. Dervy

- Mircéa Eliade, Patanjali et le yoga, maitres spirituels

- Upanishad du yoga, traduites du sanscrit et annotées par Jean Varenne, Gallimard

- le Yoga du Corps, la Gheranda Samhitâ, traductions et commentaires de Jean Papin, ed. Dervy

- L’essentiel du yoga, M. V. Raj, Nauwelaerts, Louvain

- Thich Nhat Hanh « La colère, transformer son énergie en sagesse » Pocket spiritualité

- Herbert M. Shelton, les combinaisons alimentaires et votre santé. Ed. Courrier du livre, Paris

- Abd Al Malik  la guerre des banlieues n’aura pas lieu  ed. le cherche midi

- C.G. Jung , L’Âme et la Vie, éd. Le livre de poche, Références

- La philosophie de Martin Heidegger par A. de Waelhens ed. La bibliothèque philosophique de Louvain

- L’existentialisme par paul Foulquié PUF, Que sais-je ?

- Comment discriminer le spectateur du spectacle de DRG-DRÇYA-VIVEKA (traduit de l’anglais par Marcel Sauton)

- Aimé Césaire, Ferrements et autres poèmes.

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- Pierre Rabhi, Manifeste pour la terre et l’humanisme, Babel.

- Etienne de la Boétie, 16ème siècle, discours de la servitude volontaire, Folioplus philosophie.

Revues :

- Dans la revue Gestalt n°11 de la société française de Gestalt : Pierre Janin : Le désir d’aider

- Yoga et vie n°108 et n°147

Emissions de radio :

- Raphaël Enthoven, France Culture, les nouveaux chemins de la connaissance : une sur Heiddeger Martin d’où j’ai extrait ce développement philosophique.

Sites Internet :

- Wikipédia pour les définitions de : autonomie, liberté, moksha- Arsindustrialis.org , site de philosophes tels que Bernard Stiegler (a écrit entre

autre Réenchanter le monde - La valeur esprit contre le populisme industriel (avec Ars Industrialis), éd. Flammarion 2006 ) où j’ai entendu cette conférence sur relation et soin de Christian Fauré.

Merci à mes enseignants  de yoga, de philosophie et de spiritualité :Vera Boeglin, Jacques Morin, Marcel Arquimbau, Tony Dabau, Lalita (à Pondycherry), Cyrus Fay, Jacques Cochard, Claude Icart, Simone Audisio, Swami Suddhananda, Swami Siddersvarananda, Swami Veetamohananada et bien sûr Sri Mahesh. Aucune expérience, aucune avancée, aucun chemin, n’aurait été possible sans eux… Merci à mes amis, mes proches qui m’ont supportée alors que j’étudiais et que je leur volais du temps et de l’attention. Merci pour leur soutien précieux à tous.

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