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CROC BLANC JACK LONDON
Adapté par Cécile PÉGUIN
BLOG ACCESS’INFOS
CHAPITRE IV
Chez les Indiens
1/
Le louveteau avait quitté la caverne. Il avait chassé toute la nuit. Il se sentait tout joyeux. En trottinant, il descendit au bord de la rivière pour boire.
Soudain il aperçut, et en même temps, sentit des hommes. Il n’avait jamais vu d’êtres humains. Ce fut sa première rencontre.
Les cinq hommes ne bougèrent pas quand ils le virent. Aucun cri ne sortit de leur bouche, ils ne bondirent pas sur leurs pattes. Ils le regardaient, immobiles, ils n’avaient pas peur. C’était des Indiens.
CROC BLANC chapitre IV - adapté ACCESS’INFOS
1
Le louveteau resta aussi là sans bouger. Il était très étonné. Il sentait que ces êtres étaient beaucoup plus puissants que le faucon ou le lynx. Il se sentait très faible, malgré ses muscles et ses crocs blancs.
Le louveteau n’avait jamais vu l’homme et pourtant il le reconnut. Il sentait qu’il était plus fort que tous les ennemis du Grand Nord. Il s’aplatit contre le sol.
Un homme se leva et se dirigea vers le petit loup. Il s’arrêta près de lui. Le louveteau s’aplatit encore plus en signe d’obéissance, au lieu de fuir, comme le ferait un loup adulte.
Il entendit une voix dire en riant :
« Regardez les beaux crocs blancs ! »
Il entendit les hommes rire. Une main s’abaissa vers lui. Il ne savait pas s’il devait mordre ou se laisser caresser. Finalement il mordit la main quand elle fut tout près. Alors il reçut un violent coup de poing sur le museau et il hurla de douleur.
Il comprit que cet adversaire était beaucoup plus fort que lui et se traîna à ses pieds. Puis il s’assit et le regarda comme pour demander pardon. Mais l’Indien était furieux d’avoir été mordu, il continua de le frapper. Le louveteau gémit, les autres Indiens s’approchaient et se moquaient de lui.
Soudain, les hommes dressèrent l’oreille. Le petit loup sentit et entendit sa mère arriver. La louve avait entendu ses cris et arrivait en bondissant et en grondant.
Elle sauta au milieu des hommes effrayés. Elle se précipita vers son fils et se mit à grogner férocement.
Un homme cria « Kiche ! »CROC BLANC chapitre IV - adapté ACCESS’INFOS
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A cette voix, la louve s’immobilisa.
« Kiche ! »
Le louveteau vit avec étonnement sa mère mettre son museau dans la poussière et s’aplatir sur le sol. Elle agitait la queue en signe d’obéissance ! Le louveteau comprit que l’homme était vraiment le plus fort des animaux du Grand Nord.
2/
L’Indien qui avait crié « Kiche » approcha et posa la main sur la tête de la louve.
Les autres Indiens aussi la caressaient. Les cinq hommes étaient très contents et leurs bouches faisaient beaucoup de bruit. Le louveteau se décida à venir se coucher près de sa mère.
« Je la reconnais, disait l’Indien, c’est Kiche. Son père était un loup et sa mère une chienne.
– Elle s’est échappée l’année dernière !
– Tu as raison Castor-Gris. Elle est allée vivre avec les loups. »
L’Indien qui s’appelait Castor-Gris toucha le louveteau.
« Celui-là sera mon chien, je l’appellerai Croc Blanc. »
Les hommes continuèrent à parler pendant un moment. Le louveteau qui venait de recevoir un nom, restait tranquille. Puis Castor-Gris attacha sa mère à un arbre.
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Un autre Indien s’approcha de lui, le coucha sur le dos et se mit à lui frotter le ventre. Croc Blanc commença à grogner mais il trouvait ces caresses très agréables. Alors il cessa de gronder.
Croc Blanc entendit des bruits bizarres.
Toute la tribu indienne arrivait. Il y avait beaucoup d’hommes, de femmes et d’enfants, quarante personnes, portant toutes des bagages, provisions et outils.
Il y avait aussi beaucoup de chiens qui portaient des sacs attachés sur leur dos. Croc Blanc n’avait jamais vu de chiens. Il comprit qu’ils lui ressemblaient beaucoup avec quelque chose de différent.
Mais les chiens se jetèrent sur le louveteau et sa mère. Les hommes se précipitèrent sur les chiens et leur donnèrent des coups de bâton. Le louveteau comprit que les hommes le défendaient. Mais il était triste : il ne comprenait pas pourquoi ses frères les chiens l’avaient attaqué. Il était aussi triste de voir sa mère attachée.
Le lendemain, la tribu d’Indiens repartit.
Castor-Gris attacha le louveteau avec sa mère et ils marchèrent avec les hommes.
Ils avancèrent toute la journée. Le soir, ils s’arrêtèrent au bord du fleuve Mackenzie.
Il y avait déjà des pirogues et du poisson qui séchait. Les Indiens installaient leur campement. Ils plantèrent des perches et les recouvrirent de peaux et de tissus pour former les tentes. Croc Blanc regardait avec admiration. Puis il vit que les femmes et les enfants entraient et sortaient des tentes, et que les chiens essayaient d’y entrer mais qu’on les chassait par des cris ou des pierres. Il rampa lui aussi vers une tente.CROC BLANC chapitre IV - adapté ACCESS’INFOS
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Il se trouva nez à nez avec un jeune chien. Celui-ci était un peu plus grand que le louveteau et il commença à montrer les crocs. Il s’appelait Liplip.
Croc Blanc aurait voulu être son ami. Mais Liplip lui montrait qu’il voulait se battre. Alors Croc Blanc se mit en colère et grogna. Les deux adversaires se regardèrent et tournèrent en rond l’un autour de l’autre. Les poils dressés sur leur dos, ils grondaient férocement. Croc Blanc avait un peu l’impression de jouer.
Mais soudain Liplip lui sauta dessus, rapide et méchant comme la foudre. Il le mordit à l’épaule. Le louveteau poussa un cri de surprise et de douleur. Puis il enfonça de toutes ses forces ses crocs dans la poitrine de Liplip. Mais celui-ci lui donna de violents coups de dents sur le dos. Finalement, Croc Blanc courra se réfugier près de sa mère.
Ce fut le premier combat avec Liplip, ce ne serait pas le dernier. Chaque fois qu’ils se rencontraient, ils se battaient sauvagement.
Pourtant le louveteau était chaque jour plus curieux de ce monde étrange qui l’entourait. Un jour, il s’approcha de Castor-Gris qui était en train de fabriquer un arc. Castor-Gris siffla avec sa bouche pour lui dire de s’approcher encore plus.
Croc Blanc avança si près qu’il le toucha de son museau.
Pour la première fois, il n’eut pas peur de l’homme.
3/
Des enfants arrivèrent et donnèrent des morceaux de bois à Castor-Gris. Il en fit un petit tas et se mit à souffler. Croc Blanc vit alors de la fumée s’élever dans les airs : l’Indien faisait du feu.CROC BLANC chapitre IV - adapté ACCESS’INFOS
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Croc Blanc n’avait jamais vu de feu auparavant. Il se mit à avancer vers cette lumière étrange, il ne savait pas que c’était une flamme. Il voulut la toucher avec la langue.
Au même moment, il entendit Castor Gris rire et il sentit une douleur très forte dans la bouche. Il fit un bond en arrière en hurlant.
Kiche, en entendant les cris de son petit blessé, tira de toutes se forces sur sa corde. Elle était furieuse de ne pouvoir aller au secours de son fils. Surtout qu’elle entendait les Indiens rire autour de lui.
Croc Blanc était malheureux parmi tous ces êtres humains qui se moquaient de lui. Il avait très mal. Il se mit à courir vers sa mère et comprit qu’elle était la seule à ne jamais se moquer de lui.
La nuit tombait. Le louveteau restait couché près de sa mère. Il avait encore mal à sa langue et à son museau. Il était triste. Il regrettait la grotte où il était né, la vie sauvage, la tranquillité.
Ici, il y avait trop d’hommes, femmes et enfants, qui faisaient beaucoup de bruit. Il y avait des chiens toujours aboyant et mordant. Il était inquiet et très fatigué.
Il observait les hommes sans comprendre pourquoi ils étaient si forts. Il apprit à connaître leurs habitudes.
Plus il les connaissait, plus il détestait leur pouvoir mystérieux. Il comprenait qu’il devait leur obéir tout le temps, qu’il était inutile d’essayer de lutter contre eux.
Il se mit à suivre leurs pas. Il accourait dès qu’on le sifflait. Il se traînait à leurs pieds quand ils le grondaient. Il s’éloignait si les hommes lui commandaient de s’en aller. Il savait que s’il n’obéissait pas, il recevrait des coups ou des pierres.
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Il devenait comme un chien. Il les aimait et les détestait à la fois. La vie était quand même plus facile : il n’avait plus à chasser pendant des heures pour trouver à manger.
Pourtant, il n’oubliait pas la vie sauvage du Grand Nord. Parfois, il regardait vers la forêt, écoutant les voix de la nature.
Mais sa mère était attachée dans le camp et il ne voulait pas partir sans elle. Il se sentait malheureux pour elle.
Croc Blanc apprit tout sur la vie du camp. Il savait qu’il y avait de gros chiens peureux qui mangeaient toute la journée. Il connaissait la brutalité des hommes et apprit à éviter les enfants.
Il connut les coups de dents des mères chiennes qui défendaient leurs petits et les laissa tranquilles.
Mais son véritable ennemi, c’était Liplip. Plus grand et plus fort que lui, le chien lui sautait toujours dessus dès qu’il le voyait. Liplip l’attaquait toujours quand il n’y avait pas d’homme à côté qui aurait pu défendre Croc Blanc.
Croc Blanc devint vite adulte. Son caractère changea. Il devint plus rusé.
Comme Liplip l’empêchait de manger tranquillement au moment de la distribution des repas, il devint un voleur. Il attrapait un morceau de viande ou de poisson dès que les femmes avaient le dos tourné.
Grâce à son odorat, il savait quand elles préparaient de la nourriture. Il arrivait, silencieux, et volait un morceau.
4/
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7
Un jour enfin, il eut sa revanche contre son ennemi Liplip.
Il essaya de se débarrasser de lui par la ruse. Il s’arrangea pour attirer le chien vers sa mère. Tout en se bagarrant avec lui, il s’approchait lentement de la tente où elle était attachée.
Chaque fois que Liplip sautait sur lui, il reculait d’un pas et son adversaire était obligé de le suivre.
Quand Liplip comprit qu’il était tombé dans un piège, il était trop tard.
La louve bondit sur lui et lui enfonça les crocs dans le cou. Kiche renversa le grand chien sur le dos et lui déchira le ventre furieusement. Le chien roula en hurlant et s’enfuit honteusement.
Croc Blanc le poursuivit en le mordant au derrière. Il était tellement content de se venger qu’il ne laissa le chien que lorsque les femmes lui donnèrent des coups de bâtons.
Un jour, enfin, Castor Gris décida de détacher Kiche et de la laisser en liberté dans le camp. Croc Blanc fut très heureux. Ils se promenèrent dans tout le camp. Ils rencontrèrent Liplip qui les évita.
Ce même jour, les deux loups allèrent vers la forêt. Le jeune loup essayait de décider sa mère à fuir. Mais Kiche refusait d’avancer plus loin. Il courait quelques pas, puis s’arrêtait et regardait en arrière.
La louve ne bougeait pas. Il gémit et gronda en courant dans tous les sens. Puis il revint vers elle, lui lécha le museau et se remit à courir. Elle ne bougeait toujours pas. Alors il revint et la regarda dans les yeux.
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La nature appelait Croc Blanc et sa mère. Mais Kiche sentait un autre appel encore plus fort. C’était celui de l’homme.
Kiche ne pouvait plus partir. Elle se mit à trotter lentement vers le camp. Le petit loup se coucha sous un arbre et pleura. L’odeur de la forêt lui rappelait sa vie heureuse et libre d’avant.
Dans le Grand Nord, les petits ne restent jamais avec leur mère.
Croc Blanc et Kiche se séparèrent tristement.
5/
Castor Gris donna Kiche, la louve, à un autre Indien, Trois Aigles.
Celui-ci partit le lendemain pour un long voyage. Le louveteau vit sa mère emmenée sur la pirogue de Trois Aigles. Il se jeta à l’eau et essaya de la rejoindre.
Mais l’Indien lui donna un violent coup de rame qui l’assomma à moitié. La pirogue s’éloigna rapidement.
Castor Gris avait vu Croc Blanc et l’attrapa par la peau du cou. Il lui donna une bonne raclée pour le punir de s’être échappé. Le louveteau essaya de se défendre mais les coups furent encore plus forts.
Croc Blanc eut très peur. C’était la première fois qu’un homme le frappait ainsi. Il se mit à hurler.
Castor Gris vit qu’il avait compris la punition alors il arrêta de le frapper. Puis il jeta Croc Blanc au fond d’une pirogue et s’élança sur le fleuve.
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Il donna un coup de pied à Croc Blanc qui le gênait pour prendre la rame. Croc Blanc eut alors un mouvement de récolte : il mordit l’Indien au pied !
Castor Gris se mit à nouveau très en colère. Il saisit la rame et se mit à le frapper encore. Le louveteau fut rejeté au fond de la pirogue. Il n’avait plus la force de bouger. Maintenant il savait qu’il ne fallait jamais mordre son maître.
Croc Banc resta toute la journée au fond de la pirogue pendant que l’Indien pêchait.
Le soir, son maître le jeta sur la berge et il dut le suivre en rampant tant il avait mal.
Quand Liplip le vit arriver sans sa mère, il se jeta sur lui. Il l’aurait tué si Castor Gris ne l’avait pas défendu.
Le louveteau comprit alors que son maître était sévère mais juste. Il passa la nuit dans la tente de son maître. Il ne dormit pas car il pensait à sa mère et il était triste de son absence.
Les jours suivants, il alla encore se promener vers la forêt.
Il avait toujours envie de s’enfuir, mais il avait peur de la punition et il espérait que Trois Aigles reviendrait avec sa mère.
La vie au camp était quand même agréable.
Croc Blanc apprenait peu à peu la bonne manière de se conduire avec son maître. Il était très obéissant.
En récompense, Castor Gris lui apportait nourriture et protection. Parfois il lui donnait un bon morceau de viande, empêchant les autres chiens d’approcher.
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Il ne le caressait jamais mais Croc Blanc commençait à l’aimer en même temps qu’il le redoutait.
Le louveteau espérait toujours revoir sa mère. Il continuait souvent à se battre avec Liplip. Les autres chiens aussi le poursuivaient car il était différent d’eux.
Croc Blanc acceptait les combats. Il était fort et courageux. Ses adversaires reçurent de féroces morsures. Quand un seul chien l’attaquait, il était souvent le meilleur.
Mais les chiens l’attaquaient souvent en groupe. Le loup se défendait, souple comme un chat et rapide comme un serpent.
Un jour, il tua un chien en lui plantant ses crocs dans la gorge. Tout le monde voulut punir Croc Blanc, mais Castor Gris, qui avait compris que les chiens étaient toujours méchants avec lui, refusa de le battre.
Mais les autres Indiens devinrent aussi méchants, lui lançant des pierres dès qu’ils le voyaient. Croc Blanc devin t de plus en plus féroce pour se défendre.
Il finit par ressembler plus à un loup sauvage qu’à un compagnon de l’homme. Les chiens n’osaient même plus l’attaquer. Ils étaient même obligés de se déplacer en groupe car dès que Croc Blanc en voyait un tout seul, il lui sautait dessus.
Il devenait de plus en plus sauvage, comme ses parents. Il était devenu un loup presque adulte, robuste et rapide. Il n’y avait plus de place pour la bonté et l’amour dans son cœur.
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Il obéissait à Castor Gris parce que c’était le plus fort mais écrasait les plus faibles. Il devint plus méchant, plus puissant et plus rapide que tous les autres chiens car il avait été obligé de se défendre contre leurs attaques. Il était nécessaire qu’il devînt plus intelligent et plus meurtrier pour survivre.
Fin du chapitre IV
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