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WWW.GENERATIONDIDEES.CA VOL-1-N O 5 AUTOMNE-2009-–-5,95-$

Villes et villages

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Pour cette cinquième édition de Génération d’idées, il nous a semblé fort indiqué d’adopter le thème des villes et villages, puisque nous sommes à l’aube des élections municipales qui auront simultanément lieu partout au Québec. Une réflexion par rapport à notre implication citoyenne, à notre vision de nos milieux de vie immédiats, qu’ils soient urbains, ruraux ou banlieusards, s’imposait. Et si notre génération repensait nos villes et villages ? Et si notre génération se donnait le pouvoir de mettre de l’avant les idées créatrices et novatrices pouvant améliorer nos espaces de vie?

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www.GEnERATIonDIDEES.cA

vIllES­ET­vIllAGES­:­

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DES­lIEuX­coMMunS

vol­1­nO5AuToMnE­2009­–­5,95­$

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Génération d’idées est une organisation à but non lucratif, indépendante et non partisane dont la mission est d’offrir à la relève un espace dans lequel elle peut contribuer activement à l’avancement de notre société.

Conscient de l’apport de la diversité des opinions, cet espace encourage les regards nouveaux sur les enjeux politiques, sociaux, économiques et culturels propres à notre société. Il valorise l’expression des opinions divergentes et stimule l’innovation émergeant de la confrontation de celles-ci.

Animé par la conviction de l’importance pour la relève d’investir le débat public, Génération d’idées se veut donc un incubateur d’idées porteuses pour l’avenir de notre société et un porte-voix qui les exprime au nom de notre génération au sein du débat public.

Pour garantir ce rôle d’acteur public, Génération d’idées mise à la fois sur la mobilisation et l’activisme de ses membres, ainsi que sur un dialogue intergénérationnel.

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FonDATEuRS­: Mélanie  Joly  –  Stéphanie  Raymond-Bougie  –  Paul  St-Pierre  Plamondon  conSEIl­ D’ADMInISTRATIon­:­ Francine  Champoux  –  Bernard  DescôteauxUgo  Dionne  –  Jean  Leclair  –  Ronald  Monet  –  Lorraine  Pagé  –  Anik  Trudel  –  Mélanie  Joly  –  Stéphanie  Raymond-Bougie  –  Paul  St-Pierre  Plamondon  –  Jean-François  BernierNicholas  Cerminaro  –  Andréanne  Michon  –  Jean  David  Tremblay-Frenette conSEIl­ EXécuTIF­:­ Mélanie  Joly  –  Stéphanie  Raymond-BougiePaul  St-Pierre  Plamondon  –  Jean-François  Bernier  –  Nicholas  Cerminaro  –  Andréanne  Michon  –  Jean  David  Tremblay-Frenette  coMITé­ RéDAcTIon­:­Jean  David  Tremblay-Frenette,  président  –  Janelle  Desrochers,  rédactrice  en  chef  -  revue  –  Jean-François  Sylvestre,  rédacteur  en  chef  -  InternetMarc-André  Bodet  –  Mathieu  Bouchard  –  Hélène  Gagnon  coMITé­ ARTISTIQuE­: Andréanne  Michon,  présidente  –  Hélène  BrownNatalie  Chapdelaine  –  Elizabeth-Ann  Dionne  –  Olivier  Lefebvre  –  François  Létourneux  –  Simon  Léveillé  –  Benoit  Martin  –  Mélissa  MontagneMarie-Pier  Veilleux  coMITé­ TEchnoloGIE­:­ Louis  Côté  –  Nicolas  Deault  –  Maya  Rioux  coMITé­ coMMunIcATIon­:­ Nathalie  Angibeau, présidente  –  Claudja  Joseph  –  Vanessa  Cupidon  –  Elisabeth  Moreau  –  Mélissa  Pierre  coMITé­ FInAncEMEnT­:­ Nicholas  Cerminaro,  présidentPaul  A.  Fournier  –  Louis  Côté  –  Hilal  El  Ayoubi  –  Marc-Nicolas  Kobrynsky  –  Martin  Letendre  –  Marc-André  Ouellette  –  François  Paquette  –  Maria  Reit  –  François  RousseauAnne-Valérie Tremblay coMITé­MISE­En­MARché­: Jean-François Bernier, président – Benoit Lord – Marie-Paule Giguère 

collABoRATEuRS­:­ TEXTES­:  Rami  Bebawi  –  Audrey  Boisvert  –  Mathieu  Bouchard  –  Jonathan  Charlebois  –  Daniel  Côté  –  Patrick  Forest  –  Félix  Gauthier  –  Mélanie  JolyCaroline Morin – Tudor Radulescu – Joël Thibert – Michel Thisdel – Jean David Tremblay-Frenette MEnToRS­: Rebecca Aldworth – Gérard Beaudet – Manuel J. Rodriguez – Lucie K. Morisset Christian  Lacasse  –  Nathalie  Rochefort  –  Geneviève  Vachon  ARTISTES­:­ Mathieu  Baril  –  Marianne  Bousquet  –  Karine  Léger  –  Simon  Léveillé  –  Krystel  Marois  –  Tara  NicholsonAndreas  Rutkauskas  –  Elohim  Sanchez  –  El  Seed  –  Leah  Selk  coRREcTIon­:­ Caroline  Nantel  GRAPhISME­:  Marianne  Bousquet  –  Simon  LéveilléIMPRESSIon­:­Impart-Litho DISTRIBuTIon­: LMPI

Génération d’idées tient à remercier spécialement La ville de Montréal, le Centre historique de Montréal, Molson ainsi que Marc-André Ouellette

IlluSTRATIon­DE­lA­couvERTuRE­: MARIAnnE­BouSQuET

01­Rebecca Aldworth – 02­Mathieu Baril – 03 Gérard Beaudet – 04 Rami Bebawi – 05 Audrey Boisvert – 06 Mathieu Bouchard – 07 Marianne Bousquet – 08 Jonathan Charlebois – 09 Daniel Côté – 10 Janelle Desrochers – 11­Patrick Forest12­ Félix  Gauthier  –  13  Manuel  J.  Rodriguez  –  14  Mélanie  Joly  –  15  Lucie  K.  Morisset  –  16  Christian  Lacasse  –  17  Karine  Léger  –  18  Simon  Léveillé  –  19  Krystel  Marois  –  20  Andréanne  Michon  –  21  Caroline  Morin22 Tara Nicholson – 23 Marc-André Ouellette– 24 Tudor Radulescu – 25 Stéphanie Raymond-Bougie – 26 Nathalie Rochefort – 27 Andreas Rutkauskas – 28 Paul St-Pierre Plamondon – 29 Elohim Sanchez – 30 El Seed – 31  Leah Selk32 Joël Thibert – 33 Michel Thisdel – 34 Jean David Tremblay-Frenette – 35 Geneviève Vachon

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Pour cette cinquième édition de Génération d’idées, il nous a semblé fort indiqué d’adopter le thème des villes et villages, puisque nous sommes à l’aube des élections municipales qui auront simultanément lieu partout au Québec. Une réflexion par rapport à notre implication citoyenne, à notre vision de nos milieux de vie immédiats, qu’ils soient urbains, ruraux ou banlieusards, s’imposait. Et si notre génération repensait nos villes et villages ? Et si notre génération se donnait le pouvoir de mettre de l’avant les idées créatrices et novatrices pouvant améliorer nos espaces de vie ?

Vous avez été nombreux, partout au Québec, à répondre à notre invi-tation. Les articles qui suivent abordent donc des phénomènes tantôt à caractère rural, tantôt à saveur plus urbaine. Dans tous les cas, il semble qu’aucun enjeu ne puisse être considéré tout à fait isolément. L’interdépendance des villes et villages semble en effet indéniable.

Dans les textes présentés, les auteurs prennent position et mettent de l’avant des pistes de solutions. Souhaitons que leurs propos alimentent de nombreux débats d’idées. Souhaitons surtout qu’ils fassent suf fisamment écho pour mener à des actions concrètes.

Dans cet esprit de discussion, nous sollicitons de nouveau la participa-tion de tous en vue d’organiser le sommet GEDI qui aura lieu en avril 2010. À l’issue de cet événement, un mémoire sera rédigé afin de reflé-ter le contenu et les résultats des idées débattues.

Déjà, les préparatifs sont lancés. Nous vous invitons, d’une part, à soumettre vos idées quant aux thèmes qui pourraient être abordés lors de ce sommet. D’autre part, nous vous invitons à vous impliquer au sein du comité qui sera chargé de la rédaction du mémoire. N’hésitez pas à communiquer avec nous à [email protected]. De plus, nous vous annonçons dès maintenant que le thème de notre prochain numéro portera sur la culture. Auteurs potentiels, à vos plumes !

En tout temps, vous pouvez également continuer à consulter notre site web afin de connaître les plus récents développements de votre organisation.

Soyez nombreux à vous impliquer afin de continuer à générer des idées !

ARTISTE­­:­­TARA­nIcholSon,­UntitledSérie : Further North – C-print – 30” x 40” – 2008

MoT­DE­lA­RéDAcTIon

PARTIcIPonS­À­noTRE­GénéRATIon­D’IDéES­En­RouTE­vERS­lE­SoMMET­GEDI­–­2010

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ARTISTE­­:­­AnDREAS­RuTKAuSKAS­Photographie – 15” x 10” – 2008 – www.karineleger.ca 

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03­MoT­DE­lA­RéDAcTIon­[Tara Nicholson]­04­[Andreas Rutkauskas]­06­cRéATIvITé­ET­BRAnDInG­uRBAIn­:­unE­ SAucE­ DIFFéREnTE­ –­ Jean  David  Tremblay-Frenette­ 07­ noS­ vIllES­ PARlEnT­ DE­ nouS­ –­ Mélanie  Joly08­nouRRIR­lE­QuéBEc­–­Jonathan Charlebois – Christian Lacasse [Mathieu Baril]­10­lE­RÊvE­AMéRIcAIn,­À­QuEl­PRIX­?­ –­ Mathieu  Bouchard  –  Geneviève  Vachon­ [Elohim  Sanchez]­ 12­ lA­ BEAuTé­:­ MoTEuR­ DE­ RéGénéRATIon­SocIAlE­–­ Félix Gauthier – Nathalie Rochefort­ [El Seed]­14­écho,­DEuX­TEXTES­SE­RéPonDEnT­–­EnTRE­lE­PARc­DES­lAuREnTIDES­ET­lE­PonT­JAcQuES-cARTIER­/­lE­PRIncIPE­Du­PoISSon­–­Caroline MorinMichel Thisdel­ [Karine Léger]  [Leah Selk]­18­DES­RéSEAuX­IMPRoBABlES­PouR­MIEuX­IMAGInER­lA­vIllE­Joël  Thibert  –  Gérard  Beaudet­ [Simon  Léveillé]­ 20­ lA­ chASSE­ Au­ PhoQuE­ ,­ ThéÂTRE­ D’ÂPRES­ FAuSSETéSDaniel  Côté  –  Rebecca  Aldworth­ [Krystel  Marois]­ 22­ SPonTAnéITé­ uRBAInE­ –­ Rami  Bebawi  et  Tudor  RadulescuLucie K. Morisset­ [Mathieu Baril]­24­TRAnSFERTS­D’EAu­En­vRAc­–­Patrick Forest – Manuel J. Rodriguez­ [Tara Nicholson]26­vIllE­SAnS­oPPoSITIon,­lE­cAS­DE­lAvAl,­EnTREvuE­AvEc­AuDREy­BoISvERT­[Karen Lacroix]

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cRéATIvITé­ET­BRAnDInG­uRBAIn­unE­SAucE­DIFFéREnTE

Le phénomène de la globalisation sur tous les fronts est le motto du Nouvel Ordre Mondial à venir et plusieurs observateurs sont d’avis que le développement économique des diverses nations sera condi-tionné en majeure partie par une adaptation au concept de l’économie du savoir. Il est fort probable dans ce contexte que le tissu urbain sera appelé à se modeler en fonction de cette caractéristique. Ce faisant, certaines villes à l’échelle mondiale deviendront des chefs de file quant à l’attrait qu’elles représentent comme foyers de créativité et d’idées.

Ces mêmes berceaux de savoir et créativité sauront attirer les meilleurs talents grâce à la concentration d’individus faisant montre de ces attributs. On peut donc s’interroger à savoir si nous possédons des villes où les entreprises voudront s’établir pour y fleurir sur ces critères. Sommes-nous de taille face à la compétition internationale actuelle ainsi que celle qui se dessine en ce sens ? Nous croyons que la zone métropolitaine de Montréal, à tout le moins, possède véritablement une réputation fort enviable sur le plan de la créativité aux quatre coins du monde. Du côté des sciences et de la haute technologie, Montréal se classe dans le top 20 des technopôles en Amérique du Nord1. Les créateurs culturels québécois dans divers domaines basés à Montréal, mais aussi ailleurs au Québec rayonnent, et ce, depuis plusieurs années. Cependant, a-t-on suffisamment su tabler sur cette belle perception afin d’attirer du capital humain ? Le branding de Montréal repose, nous semble-t-il, sur une version édulcorée de ce concept. Des recherches du professeur Richard Florida de l’Université de Toronto ont démontré que la qualité du capital humain et la croissance du revenu disponible des habitants des villes tiennent fortement tout autant à la présence des « bohémiens » (artistes, musiciens, designers, etc.) qu’à la présence importante d’une communauté gaie et lesbienne. Pourrions-nous posi-tionner le Québec, et Montréal tout particulièrement, non seulement comme terre d’origine de quelques exemples de grands créateurs culturels globaux, mais aussi et, surtout, comme centre urbain où la

tolérance, l’ouverture d’esprit et la libre expression sont des valeurs qui nous habitent ? Mettre de l’avant davantage ces deux types de popula-tions composant notre tissu urbain permettrait de véhiculer l’image de villes où l’innovation et l’entrepreneuriat comportent plusieurs facettes, parfois non traditionnelles, pour une clientèle internationale à la recher-che de ce genre d’environnement. Des idées pour l’organisme de promotion Montréal International ?

Dans le même ordre d’idées, il importe aussi d’inculquer le plus tôt possible cette notion de créativité à nos jeunes par des actions concrètes la valorisant. Certains diront que le Renouveau pédagogique dans nos écoles s’y concentre déjà amplement. Notons qu’une initiative intéressante est le fait qu’une institution privée secondaire de Montréal ait modifié la teneur de ses examens d’admission afin d’y inclure un test de créativité à l’automne 2009. Il s’agit là d’un exemple d’un pas dans la bonne direction afin que nos jeunes croient en la pertinence de développer cet aspect qui les aidera à se distinguer ainsi que nos communautés urbaines au sein de l’économie du 21e siècle.

1 Montréal se classe au 19e rang du top 50 des technopôles en 2007 tel que publié par le Milken Institute. Elle est passée du 27e à son rang actuel de 2003 à 2007 dans le même classement (source : « North America’s High-Tech Economy », The Milken Institute, 2009).

JEAn­DAvID­TREMBlAy-FREnETTE­

lE­PuPITRE

Jean David Tremblay-Frenette est né en Haïti et fut élevé à Saint-Bruno-de-Montarville en banlieue de Montréal.Il détient un baccalauréat en administration de l’UQÀM ainsi qu’une maîtrise en finance de l’ICMA Centre de l’Université de Reading au Royaume-Uni. Il a oeuvré pour la banque d’investissement Credit Suisse en fusions et acquisitionsainsi qu’à la Caisse de dépôt et placement du Québec enmacroéconomie et marchés boursiers internationaux.

Les créateurs cuLtureLs québécois dans divers domaines basés à montréaL, mais aussi aiLLeurs au québec rayonnent, et ce, depuis pLusieurs années.

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noS­vIllES­PARlEnT­DE­nouSQuElQuES­IDéES­AFIn­Qu’EllES­REFlèTEnT­cE­QuE­l’on­vEuT.

Nos villes sont de nous, parlent de nous. Elles reflètent ce que nous sommes, ce que nous privilégions, nos interactions avec nos proches, notre communauté et l’État. De ce fait, elles sont malléables. Elles dépendent des gens qui les habitent, tout autant de ceux qui les administrent.

Or, nos villes québécoises sont dépassées. Leur organisation ne tient compte ni du défi environnemental que nous devons surmonter, ni des défis associés à l’insertion de nos nouveaux arrivants. Peu de jeunes rêvent de faire carrière en politique municipale et le taux de partici-pation aux élections municipales est alarmant. Certains maires restent au pouvoir quelques décennies, ce qui ne favorise ni la démocratie municipale, ni son financement. Nos municipalités ne sont pas très bien financées non plus. Tout dépend de leur assiette fiscale : plus on développe son territoire, plus c’est rentable. Vivement les promo-teurs qui nous construisent des quartiers résidentiels et commerciaux à la pièce et tant pis pour l’étalement urbain au détriment des terres agricoles. Enfin, les chevauchements gouvernementaux et la complexité de notre appareil étatique incitent au désengagement des citoyens.

Voilà pourquoi nos villes ont besoin d’être dynamisées. Elles ont besoin de nous. Nous avons un véritable impact sur notre environnement. Nous pouvons modifier nos cités, rendre leur développement plus censé et adapter leur organisation à notre quotidien. Dans un souci de pragma-tisme affirmé et de créativité, nous nous sommes efforcés d’imaginer ce à quoi nous voulons que nos villes ressemblent. Dans ce contexte, nous avons tenté de trouver des solutions pratiques à des problèmes tangibles. Voici donc quelques idées concrètes (non exhaustives !) qui pourraient contribuer à mieux organiser nos milieux de vie :

AccèS­À­l’InFoRMATIon­ET­cRéATIvITé

• Créer des centres de services citoyens dans chacune des munici-palités donnant accès à l’information concernant chacun des services (électricité, eau, écoles, cours de français, taxes, collecte des ordures, matières recyclables, etc.). Chaque citoyen aurait également accès à son profil web des services qu’il utilise, facilitant ainsi son accès à l’information personnalisée.

• Créer une adresse courriel pour chaque citoyen à sa majorité (tout comme une adresse domiciliaire obligatoire) afin que chacun puisse obtenir de l’information pertinente de nos municipalités (et de tout autre organisme du gouvernement, à la manière de clicSÉQUR).

• Offrir à tous l’accès à un réseau Internet sans fil dans toutes les municipalités (tout comme l’eau et l’électricité, il s’agit d’un service essentiel).

• Encourager nos créateurs via la présence de l’art public dans toutes les municipalités.

EnvIRonnEMEnT­ET­uRBAnISME

• Développer des programmes incitatifs pour calculer la quantité d’énergie et d’eau consommée par chacun des résidents des munici-palités et permettre le remboursement / déduction de la valeur économisée.

• Encourager la création de stations d’énergie solaire au sein des développements immobiliers dont les coûts seraient partagés par les utilisateurs locaux.

• Créer un réseau de compostage des matières organiques auprès des épiceries et dépanneurs et payer aux citoyens une ristourne calculée au poids (telles les cannettes d’aluminium). Le compost pourrait alors être vendu à un prix modique aux municipalités pour l’entretien des espaces publics.

• Obliger la répartition et encourager la construction des immeubles à loyers modiques afin de permettre une meilleure cohésion sociale et éviter la ghettoïsation.

TRAnSPoRTS­ET­InFRASTRucTuRES

• Développer des programmes de disponibilités de vélos (inspiré de l’expérience du Bixi) et d’embarcations aquatiques à travers les municipalités québécoises.

• Obliger chaque ville d’au moins 50 000 habitants à mettre sur pied des transports collectifs fréquents (moins de 20 minutes de délai aux heures de pointe) entre les principales destinations des usagers (centres commerciaux, épiceries, parcs, etc.). Afin que la municipalité et ses promoteurs immobiliers n’encouragent pas les nouveaux développements basés seulement sur l’utilisation de la voiture, chaque promoteur immobilier doit intégrer un plan de transport afin d’expliquer comment et à quelle fréquence les zones immobilières seront desservies par les transports publics. À défaut de répondre à une telle obligation, la municipalité n’aura d’autre choix que de rejeter ce projet afin de limiter son expansion territoriale.

• Obliger la coordination entre fournisseurs au moment de la réalisa-tion de travaux d’infrastructures et pénaliser les atteintes aux biens publics par les fournisseurs délinquants. À titre d’exemple, empêcher qu’un fournisseur oblige la démolition de routes alors que celles-ci viennent d’être réparées.

• Développer un plan paysager afin de verdir nos infrastructures urbaines.

Enfin, il est évident que nous devons donner à nos municipalités plus de pouvoirs. Les individus veulent avoir un impact direct sur leur commu-nauté. Ce sera notre lien le plus rapproché de l’État et ce dernier pourra répondre de façon plus adaptée aux réalités de ses concitoyens. Les pouvoirs des villes devront être reconnus au sein de notre Constitution et leurs possibilités de financement, augmentées. En rapprochant le niveau des décisions des citoyens, nous verrons une augmentation de leur implication au sein de nos villes.

Nous espérons sincèrement que nos idées en inspireront plus d’un (surtout ceux qui décident). De plus, plusieurs organismes proposent des solutions qui gagnent à être concrétisées1. C’est à nous d’y réfléchir et de passer à l’action en mettant en œuvre nos idées. Repenser nos villes peut certainement constituer une occasion de réfléchir sur qui nous sommes, sur ce que nous voulons vivre ensemble et comment nous voulons le vivre. Il importe que, via notre génération d’idées, nous en arrivions à penser de façon plus durable et collective, et ce, pour notre bien à tous.

1 À titre d’exemple, http://fjim.org/v3/publications_spéciales/plate-forme_FJIM_09.pdf; http://pdf.cyberpresse.ca/lesoleil/25idees120309.pdf; http://www.quebecenmouvement.com/nos-positions/carte-reseau/; http://www.cyberpresse.ca/dossiers/revez-montreal/

MélAnIE­Joly

Mélanie Joly a été élevée à Laval et vit depuis plusieurs années à Montréal. Elle dirige le bureau de Montréal de l’agence internationale de com-munication Cohn & Wolfe. Avocate de formation, elle détient une maîtrise en droit européen et 

comparé de la University of Oxford. Elle est im-pliquée dans diverses causes de natures sociale et philanthropique. Mélanie est cofondatrice de Génération d’idées.

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TREnTE­ET­un­AnS­APRèS­Son­EnTRéE­En­vIGuEuR,­lA­loI­SuR­lA­PRoTEc-TIon­Du­TERRIToIRE­ET­DES­AcTIvITéS­AGRIcolES­(lPTAA)­nécESSITE­unE­MISE­À­JouR­MAJEuRE.­l’AuTEuR­DIScuTE­DES­FAIBlESSES­oBSERvéES­ET­InSISTE­SuR­l’IMPoRTAncE­D’AGIR­AvAnT­Qu’Il­nE­SoIT­TRoP­TARD.­En dépit de la Loi sur la Protection du Territoire et des Activités Agri-coles (LPTAA) en vigueur depuis 1978, l’étau urbain continue de se resserrer sur les meilleures terres du Québec. Il suffit d’observer le rythme de réalisation des chantiers en périphérie des principales agglomérations de la province pour le constater.

Il est ici essentiel de prendre conscience que cette ressource qu’est la terre cultivable est limitée, non renouvelable et, en d’autres mots, d’une rareté croissante. Ainsi, on ne peut pas urbaniser les meilleurs sols agricoles de la province, lesquels sont concentrés dans la vallée du Saint-Laurent autour de Montréal, en s’imaginant qu’il sera possible de cultiver d’autres terres ailleurs au Québec avec les mêmes résultats.

La protection du territoire agricole dépasse donc largement l’accès et l’utilisation de ce territoire et touche autant d’aspects de la vie rurale et urbaine. L’efficacité de la loi, visant la protection de notre potentiel agri-cole, suppose l’encadrement des libertés individuelles des propriétaires fonciers afin de favoriser un projet de société : nourrir le Québec.

unE­loI­cRITIQuéE…

La LPTAA comporte cependant d’importants effets pervers sur le milieu rural, et ce, dans la vaste majorité des régions du Québec. Ce constat, réalisé par le géographe Clermont Dugas de l’Université du Québec à Rimouski, faisant suite à une enquête menée auprès des municipalités pourvues d’une zone agricole, met en relief que la majorité de celles-ci considèrent cette loi néfaste à la vie socio-économique de leur localité.

Ces municipalités déplorent que la loi contribue au dépeuplement de leur territoire et empêche le retour d’anciens résidents, ce qui influence négativement la dynamique sociale. Observant que plus de la moitié des municipalités situées en milieu rural considèrent que la LPTAA leur fait perdre des résidences et des habitants, le géographe susmentionné conclut que « la loi semble être un facteur d’exode »1 rural. Simultanément, elle occasionne la perte de recettes fiscales et nuit au développement de l’activité économique, tant pour l’implantation d’entreprises nouvelles que pour le développement d’entreprises existantes.

TRAnSGRESSéE…

Lorsque cette loi fait face à des pressions politiques provenant des plus hauts paliers gouvernementaux, elle fait preuve d’une souplesse

excessive. Le parachèvement de l’autoroute 30 en est un cas exem-plaire. Sans rappeler le long historique ayant mené à son chantier, il faut noter que le gouvernement provincial est allé dans ce dossier à l’encontre de trois avis de la Commission de la Protection du Territoire Agricole du Québec (CPTAQ), organisme responsable d’appliquer la LPTAA. En 2006, la Commission écrivait pour une troisième fois que la construction de ce tronçon de l’autoroute 30 « est incompatible, selon les critères de la loi, avec les objectifs de protection du terri-toire agricole et de ses activités »2. Les 55 kilomètres d’autoroute qui seront construits d’ici 2011 utiliseront donc près de 600 hectares de sols comptant parmi les meilleures terres agricoles du Québec. En plus de la perte de terres arables, cette autoroute déstructurera l’espace agricole, car une fois cette nouvelle voie créée, l’étalement urbain ne pourra que poursuivre son cours.

MAIS­nécESSAIRE

Il faut néanmoins reconnaître que cette loi sur la protection du territoire agricole a imposé dès sa création un cadre physique au développe-ment spatial des villes et des villages en limitant les tendances à l’étalement. Malgré les nombreux changements qui s’imposent, cette loi est jugée nécessaire, comme le rappelle le récent rapport Ouimet produit dans les suites de la Commission sur l’Avenir de l’Agriculture et l’Agroalimentaire Québécois (CAAAQ).

Nous observons également que le problème de la protection du terri-toire agricole est un problème urbain, car il s’agit d’encadrer et de planifier simultanément la croissance urbaine et les besoins agricoles. Tout zonage agricole est, dans cette perspective, lié au zonage urbain et vice versa.

Il n’est donc pas seulement question ici de protéger notre territoire agri-cole, mais d’assurer notre autonomie d’approvisionnement en denrées alimentaires. L’usage agricole du territoire diminuant, il est à prévoir que la population québécoise accroîtra sa dépendance envers les marchés internationaux. Il en résultera invariablement l’augmentation des dégâts environnementaux liés aux transports de nos aliments.

Après une Carte Air Miles réclamée avec monotonie après chaque transaction à l’épicerie, à quand une Carte Aliments Québec que nous présenterons fièrement pour soutenir l’agriculture québécoise ?

1 UQAR Info, « Enquête effectuée auprès des municipalités – La Loi sur la Protection du Territoire et des Activités Agricoles cause des problèmes dans les régions rurales ». En ligne : http://www.uqar.uquebec.ca/uqarinfo/01juin%202006/Loiprotectionagricole.asp.

2 CPTAQ, « Numéro de dossier 343835 », 3 février 2006.En ligne : http://www.cptaq.gouv.qc.ca/

nouRRIR­lE­QuéBEcJonAThAn­chARlEBoIS

Jonathan Charlebois est titulaire d’une maîtrise en aménagement du territoire et développement régional. Il est également le cofondateur de la Coop Roue-Libre, l’Atelier vélo de l’Université Laval.

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M.­chRISTIAn­lAcASSE­Président général de l’Union des producteurs agricoles

coMMEn

TAIREOn ne peut dissocier la question du territoire et des activités agricoles des grands enjeux sociétaux, le développement durable notamment, et Jonathan a raison de souligner que la Loi nous renvoie à un projet de société : nourrir le Québec.

Et davantage, car il faudra presque doubler la production alimentaire mondiale pour nourrir neuf milliards d’humains en 2050 ! L’agriculture a donc non seulement besoin d’un espace suffisant pour se pratiquer, mais aussi pour se développer. Rappelons qu’à peine 2 % du territoire québécois est propice à cette activité.

Qui s’en préoccupe vraiment ? Le gouvernement ? Les municipalités... Jonathan aurait notamment gagné à creuser les raisons pour lesquelles ces dernières en ont contre la LPTAA et entretiennent l’idée d’une soi-disant nécessaire révision majeure de la Loi.

Ce discours est bien davantage guidé par la voracité des appétits locaux sur le territoire agricole que par une réelle connaissance des possibilités qu’offre la LPTAA en matière de cohabitation des usages du territoire.

La Loi prévoit notamment qu’une MRC peut formuler une demande à portée collective permettant l’installation de résidences en zone agricole dans des espaces déstructurés pour l’agriculture. Malheureuse-ment, à peine trente MRC jusqu’à maintenant se sont engagées dans un tel processus.

Une politique agricole québécoise, toujours attendue, mettant à l’avant-plan le développement durable de l’agriculture, pourrait pallier le souhait de Jonathan et empêcher le rétrécissement de la zone agri-cole d’une superficie équivalente à l’île de Montréal tous les dix ans ! Si on veut continuer à nourrir le Québec…

ARTISTE­­:­­MAThIEu­BARIl,­Sans titreSérie : Serres – Photographie – 44” x 60” – 2008 – www.mathieubaril.com

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Les incitatifs économiques et sociaux font en sorte que Les banLieues québécoises s’agrandissent et s’éLoignent de pLus en pLus. L’auteur suggère une série de mesures qui permettraient de contrer ce phénomène et Limiter Les coûts qui y sont associés.

Avec ses promesses d’une maison à prix abordable située dans un milieu calme et sécuritaire, la banlieue paraît souvent irrésistible. Ainsi, année après année, autour des grandes villes, l’asphalte, la brique grise ou rose et les piscines hors terre remplacent le maïs et les vaches. Comme le titrait un éditorial récent, nous assistons au « triomphe de la banlieue »1. Les dernières projections démographiques publiées par l’Institut de la statistique du Québec appuient ce constat : la popula-tion des régions limitrophes de Montréal explosera entre 2006 et 2031 : Laval (+28,6 %), Lanaudière (+37,9 %), Laurentides (+34,0 %) et Monté-régie (+21,5 %)2.

Ce phénomène a des répercussions sur l’ensemble de la collectivité. La nouvelle banlieue s’installe par-delà les territoires urbanisés et empiète chaque année davantage sur d’excellentes terres agricoles, selon un urbanisme qui dicte la séparation des usages et une faible densité des surfaces bâties. Quartiers résidentiels de « MacManoirs », « Power centres » ceinturés de stationnements et parcs industriels se côtoient tout en s’ignorant, sillonnés par un réseau routier conçu pour des voitures qui se déversent dans des autoroutes déjà congestion-nées. En effet, la dispersion des gens et des usages est incompatible avec la création d’un système de transport collectif efficace, dont la rentabilité est tributaire de la densification.

En plus de la ségrégation des usages, la banlieue favorise celle des groupes sociaux. Ainsi, les familles de la classe moyenne choisissent en grand nombre de quitter la ville et de s’installer dans un milieu socio-économique homogène, laissant derrière elles les moins nantis. L’effet sur les secteurs délaissés est brutal : à la CSDM, en 2008-2009 seulement, trois écoles primaires ont rejoint les trente-sept qui se trou-vaient déjà sur la liste des établissements scolaires les plus pauvres de la province, et cinq écoles secondaires se sont ajoutées aux treize déjà incluses3. Même les banlieues plus anciennes, à la population vieillis-sante, sont affectées : des écoles du Vieux-Longueuil et de St-Hubert ferment, alors qu’il y a un manque criant d’écoles à Brossard, où les jeunes familles débarquent en masse dans cette course effrénée à l’éloignement4.

La racine du problème est économique : pour 250 000 dollars, on met la main sur une maison neuve avec garage et jardin à Terrebonne ; pour la même somme dans le quartier Petite Patrie à Montréal, on achète un duplex à rénover, avec ruelle à l’arrière et stationnement dans la rue.

Or, le prix de la maison banlieusarde est relativement bas parce qu’il ne reflète pas son véritable coût social et environnemental.

Pour freiner l’élan de la banlieue, il faut donc que le véritable coût de son développement soit intégré au prix des immeubles qui y sont construits. Dès lors, au prix des rues et égouts assumé par le promoteur, il faudrait ajouter celui des infrastructures additionnelles requises (routes, trains, hôpitaux, écoles, etc.). D’autre part, après 31 ans d’usage, il faut remédier aux lacunes de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles. Il est encore trop facile d’obtenir un « dézonage » afin de bâtir sur de grasses terres un Quartier DIX30 à l’intersection de deux autoroutes5.

Finalement, la fiscalité municipale ploie sous le joug du rôle d’évaluation, de sorte que les municipalités favorisent le dévelop pement des terrains de faible valeur foncière, incluant les terres agricoles, afin d’augmenter leur capacité de générer des revenus. D’où la chasse aux promoteurs et la création de conditions propices au développement résidentiel et commercial à l’horizontale. Il est par conséquent urgent de diversifier les sources de revenus disponibles afin de cesser d’offrir une prime à l’étalement urbain.

Un nouveau pacte fiscal qui récompense le développement durable et donne une valeur ajoutée aux terres agricoles s’impose. Ainsi, en milieux urbains, semi-urbains et ruraux périphériques, 1 % de la TVQ pourrait être redistribué aux municipalités selon une formule qui favorise les zones à haute densité et usages mixtes de même que les terres à vocation agricole tout en pénalisant les zones à faible densité et usage unique, de façon à atteindre un nouvel équilibre qui tienne compte des intérêts de la collectivité dans son entier.

Le temps presse : la banlieue, inéluctablement, étend son emprise…

1 André Pratte, « Le triomphe de la banlieue », La Presse, 22 juillet 2009, p. A14.

2 Institut de la statistique du Québec, « Perspectives démographiques du Québec et des régions, 2006-2056 », Éd. 2009 (http://www.stat.gouv.qc.ca/publications/demograp/perspectives2006_2056.htm). Au cours de la même période, la population de l’île de Montréal croîtra de 12,1%.

3 Ariane Lacoursière, « Une clientèle de plus en plus pauvre », La Presse, 30 juillet 2009, p. A5.

4 Marie Allard, « Fermeture de trois écoles primaires à Longueuil », Cyberpresse, 25 février 2009 (http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/education/200902/25/01-830858-fermeture-de-trois-ecoles-primaires-a-longueuil.php).

5 Voir à cet effet le rapport de Bernard Ouimet, mandataire du ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, paru en avril 2009 : « Protection du territoire agri-cole et développement régional – une nouvelle dynamique mobilisatrice pour nos communautés » (http://www.mapaq.gouv.qc.ca/NR/rdonlyres/F03532AD-09A6-403E-9467-432FCD6B0503/0/rapportOuimet_WEB.pdf).

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lE­RÊvE­AMéRIcAIn

À­QuEl­PRIX­?­MAThIEu­BouchARD

Mathieu Bouchard est avocat. Il est né et a grandi à Charlesbourg, en banlieue de Québec. Il vit à Montréal depuis 12 ans. Les champs de maïs au bout de la rue où il a grandi ont depuis longtemps disparu.

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ARTISTE­­:­­ElohIM­SAnchEz,­Construction IIISérie : Construction – Acrylique sur toile – 36” x 48” – 2009 – www.elohimsanchez.com

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lE­RÊvE­AMéRIcAIn

À­QuEl­PRIX­?­

coMMEn

TAIREOn s’entend tous sur l’irresponsabilité de l’étalement urbain. Pour-quoi se poursuit-il avec autant de voracité ? L’attrait de la maison neuve n’y est pas étranger. « Se construire » près d’un boisé ou d’une autoroute fait aussi l’affaire de promoteurs avides de solutions faciles. Depuis 10 ans, le GIRB (Groupe Interdisciplinaire de Recherche sur les Banlieues) a élaboré les bases d’un projet collectif de régénération des banlieues d’après-guerre, ignorées des promoteurs, mais auxquelles nombre de banlieusards sont attachés. Avec raison : on y trouve commerces, emplois, transport collectif, arbres matures et un parc résidentiel adaptable aux nouveaux besoins, le tout à proximité des centres. Mais encore doivent-elles contribuer au maintien des « boom-ers » qui veulent y vieillir, tout en y attirant les jeunes. Aussi, que faire des boulevards commerciaux sans fin qui banalisent les paysages ? Quelles vocations trouver aux écoles qui se vident, aux petits centres commerciaux qui peinent face aux Power centers ? Plusieurs pistes sont envisageables : des noyaux de services diversifiés, des écoles recyclées en centres d’entraide aux aînés, des rues écologiques qui encouragent les transports actifs, la densification douce par l’ajout de logements supplémentaires aux bungalows, etc.

Comme le remarque Bouchard, l’unique recours à la taxation foncière pour faire face à ces défis restreint l’élaboration d’un projet collectif de ville durable. Comme les quartiers centraux, les banlieues méritent des politiques de revitalisation, des incitatifs à la rénovation suburbaine et des encouragements fiscaux pour y attirer promoteurs et résidants. De notre côté, nous sensibilisons les futurs architectes à l’urgence de concevoir des projets stimulants pour les banlieues dans l’idée de fièrement léguer un patrimoine urbain durable.

GEnEvIèvE­vAchonArchitecte et professeure, Geneviève Vachon travaille au Groupe Interdisciplinaire de Recherche sur les Banlieues (GIRB) à l’École d’architecture de l’Université Laval.

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L’esthétisme urbain a un impact direct sur La réaLité socio-économique des viLLes ainsi que sur Les comportements de ses citoyens. L’auteur met en Lumière L’importance du patrimoine bâti et ses conséquences sur nos vies.

Emmanuel Kant disait que « le beau est le symbole du bien moral ». Justement, parmi les façons d’améliorer la ville et son milieu de vie, la beauté peut être au service d’une noble cause.

L’exclusion sociale a des conséquences bien connues : pauvreté, problèmes de santé publique, criminalité, etc. Pour une ville, combattre l’exclusion est gage de succès – ou d’échec. Le délabrement social est un facteur désastreux de dépérissement du tissu urbain, c’est-à-dire tous les aspects physiques qui composent la ville. En effet, les problèmes socio-économiques liés à l’exclusion s’accompagnent, entre autres, d’une dégradation physique du milieu urbain.

Or, ce lien de causalité entre la santé socio-économique d’un milieu urbain et son apparence physique peut également s’interpréter dans le sens inverse. L’apparence physique de la ville contribue d’une manière subtile mais certaine à son profil socio-économique.

C’est là où la notion de beauté devient importante. L’esthétisme urbain, au-delà de contribuer au simple bonheur des citoyens, a un puissant rôle social. Il est possible de lutter contre l’exclusion et même, la prévenir, en rendant la ville plus agréable.

Cette vision se base sur la « théorie de la vitre brisée », laquelle est notamment abordée par George L. Kelling et Catherine Coles, deux universitaires spécialisés en criminologie et en sociologie urbaine, dans un livre intitulé Fixing Broken Windows : Restoring Order and Reducing Crime in Our Communities.

Les auteurs proposent l’exemple d’un immeuble d’habitation dont quelques vitres ont été brisées. Si elles ne sont pas remplacées, il est fort prévisible que d’autres vitres seront vandalisées. Cela ouvre éventuellement la porte à une dégradation accélérée de l’immeuble. Les individus qui l’habitent cessent d’en prendre soin et contribuent, souvent de manière inconsciente, à sa détérioration. Autour, des rebuts et des graffitis s’accumulent.

C’est là le début d’un cercle vicieux. L’immeuble devient désagréable et amène chez ses habitants – et même chez les pouvoirs publics – une lassitude quant au délabrement ambiant. Une impression de laisser-

faire se combine à un sentiment d’insécurité. Ceux qui le peuvent – qui en ont les moyens – quittent l’immeuble. À partir de ce moment-là, la détérioration n’est plus seulement physique; elle a des conséquences sociales. La composition socio-économique de l’immeuble s’appauvrit et génère des dynamiques associées à l’exclusion sociale.

Cette théorie peut s’appliquer à un immeuble, mais aussi à un quartier ou une ville en entier. Les grandes lignes demeurent : si le dépérissement physique d’un endroit n’est pas contrôlé et amélioré, il s’accélérera. À terme, certains habitants du milieu urbain le quittent. Ceux qui restent s’en sentent « dépossédés ». Les rues sont moins fréquentées, les interactions entre citoyens sont plus rares et la logique de l’exclusion s’amplifie.

Selon Kelling et Coles, la meilleure façon de prévenir ces détériorations physiques – puis socio-économiques – de l’espace urbain est d’agir en amont, avant que les problèmes liés au délabrement ne deviennent plus graves. En réparant les fenêtres, en effaçant les graffitis, en ramas-sant les déchets au fur et à mesure, les problèmes liés à l’exclusion ne s’amplifient pas aussi rapidement.

Ce constat peut paraître simpliste, voire trompeur. Pourtant, nous n’échappons pas à une règle biologique classique : le comportement des êtres vivants est grandement façonné par l’environnement dans lequel ils évoluent. C’est là le principe général de la théorie de la vitre brisée : les altérations que subit l’espace public, aussi petites soient-elles, génèrent inévitablement un dépérissement des cadres de vie et des situations humaines au sein du milieu urbain.

En ce sens, l’embellissement de la ville est un formidable moteur de régénération sociale. De petites améliorations esthétiques – comme nettoyer et réparer l’espace public et privé, installer des pots à fleurs, embellir les rues, planter des arbres ou prévoir des bancs publics – peuvent contribuer à de formidables transformations sociales.

Cela dit, ces mesures à elles seules ne réussiront jamais à enrayer un problème aussi profond que l’exclusion. La régénération sociale passe inévitablement par de grands chantiers sociaux, notamment en éduca-tion, en santé et en infrastructures.

Toutefois, les améliorations physiques à petite échelle, simples et peu coûteuses, ont un rôle complémentaire tout aussi important à jouer. En ce sens, il est sage de toujours garder en tête l’impact puissant que peut avoir l’environnement urbain sur le destin de ses citoyens.

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lA­BEAuTé­:­MoTEuR­DE­RéGénéRATIon­SocIAlE­

FélIX­GAuThIER

Félix Gauthier est titulaire d’un diplôme d’études supérieures spécialisées en Affaires publiques et représentation des intérêts de l’Université Laval et de l’Institut d’Études politiques de Bordeaux ainsi que d’un baccalauréat avec majeure en science politique et mineure en communication publique de l’Université Laval. Il habite Montréal et y travaille à titre d’analyste politique depuis 2007. 

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ARTISTE­­:­­El­SEED,­Back to my rootsAérosol sur murale – 20’ x 9’ – 2008 – www.elseed-art.com 

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lA­BEAuTé­:­MoTEuR­DE­RéGénéRATIon­SocIAlE­

nAThAlIE­RochEFoRTÉlue députée libérale de Mercier de 2001 à 2003, elle œuvre maintenant, en plus de poursuivre son engagement social, à titre de consultante dans diverses associations de type communautaire. Depuis toujours, Mme Rochefort s’affaire à favoriser la création de liens durables entre les entreprises et les organismes communautaires dans le but d’accroître la cohésion sociale, tout en favorisant l’atteinte de leurs objectifs respectifs. 

Candidate à Vision Montréal comme conseillère de Ville dans le district Jeanne-Mance du Plateau Mont-Royal.

coMMEn

TAIRE

J’abonde entièrement dans le sens des propos de M. Gauthier. L’an dernier, j’ai vu la fierté dans les yeux d’enfants dont la cour d’école avait été nettoyée de ses graffitis, reverdie et embellie par un groupe de bénévoles. Récemment, je suis retournée dans cette même cour et j’ai eu le bonheur de constater qu’elle était toujours aussi belle. Les enfants montraient avec fierté l’évolution de leurs arbres, de leurs plantes dont ils prennent grand soin. Mais cette fierté et cette beauté ont eu d’autres répercussions : les ruelles près de l’école sont propres ; des adultes qui ne se seraient jamais parlé normalement échangent des commentaires empreints d’admiration. Tout cela grâce à la beauté.

Pour moi, l’implication dans ma communauté est naturelle et œuvrer à l’inclusion des gens l’est tout autant. Les années – et l’expérience qui vient avec – m’ont appris plusieurs choses, entre autres que l’intégration économique n’est pas tout et que nous avons tous la possibilité de faire une différence. En contribuant à l’embellissement de notre quartier, notre milieu de vie, nous améliorons la qualité de vie de tous. Pour moi, c’est d’abord une affaire de cœur, un petit geste posé qui peut changer le cours d’une existence. Mais c’est aussi le sentiment que quelque chose doit être fait et la conviction de pouvoir contribuer à ce changement.

Enfin, choisir d’inclure la notion de beauté dans le développement social et économique de notre ville, c’est permettre à tous les citoyens de contribuer à son développement. Mais c’est d’abord et avant tout leur permettre d’en être fiers.

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DEuX­TEXTES­SE­RéPonDEnT

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ARTISTE­­:­­KARInE­léGER­Photographie – 15” x 10” – 2008 – www.karineleger.ca 

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cARolInE­MoRIn

entre Les grands espaces et Le fjord de son pateLin saguenéen, entre L’effervescence et La vie cuLtureLLe bouiLLonnante de La rue st-denis à montréaL, son cœur a penché pour La viLLe. L’auteure nous raconte son choix de vivre dans La métropoLe, sans pour autant oubLier d’où eLLe vient.

Du plus loin que je me souvienne, j’ai rêvé de Montréal et des grandes villes, des gratte-ciels et des néons qui scintillent éternellement. Sans pouvoir l’expliquer, Montréal m’a toujours attirée et j’ai vécu, de dix à dix-huit ans, dans le seul but de m’y installer. Originaire du Saguenay, à peine sortie de l’enfance, je mémorisais la carte des rues et le plan du métro de Montréal. C’était, j’en étais sûre, du temps gagné pour l’avenir ! Mon histoire ressemble à celle de plusieurs jeunes : un auto-bus Voyageur par semaine, semble-t-il, déserte la région… créant ainsi un déséquilibre démographique.

Pourtant, les voyages familiaux me menaient, au plus loin, à Québec. Si Jos Montferrand avait « le cul su’l’bord du Cap Diamant, les pieds dans l’eau du St-Laurent », j’ai grandi le cul su’l’bord du Cap Trinité, les pieds dans l’eau du Saguenay. J’ai passé mon adolescence à noyer mes peines dans le fjord, avec Leonard Cohen dans les oreilles, et à dévorer les romans de Michel Tremblay ou d’Alice Parizeau qui nourris-saient mon fantasme montréalais. Je m’imaginais les deux pieds dans le bassin de l’Esplanade de la Place-des-Arts, à écouter du jazz…

À 18 ans, je suis partie dans le Nord de l’Ontario, à 300 km au nord de Thunder Bay, dans un village de 2000 habitants. Le programme des moniteurs de langues officielles avait choisi ma destination, se disant, j’imagine, que j’étais déjà habituée aux mouches noires. Après un an à respirer l’air plus que pur de ce bled perdu et un été passé dans le Bas-St-Laurent à enseigner le français aux anglophones, je suis finale-ment arrivée à Montréal. Parachutée sur le Plateau Mont-Royal, ma vie se déroulait à bicyclette sur la rue St-Denis, entre l’UQÀM et la rue Laurier. Quel choc ! Les premiers mois furent difficiles. Je manquais d’oxygène. Je craignais ne jamais m’habituer aux odeurs du métro, aux mendiants, à la rapidité de la circulation. La ville ne ferait pas de cadeau à la fille de la campagne, habituée aux ciels étoilés ; je devrais m’y adapter, m’y fondre, ou repartir…

J’ai maintenant vécu aussi longtemps à Montréal qu’au Saguenay. Le choc, je l’ai quand je retourne voir ma famille à La Baie. Depuis

la fermeture de l’usine de pâtes et papiers, la ville a été désertée. La population, vieillissante, se couche très tôt. Heureusement, il y a les bateaux de croisières qui y font escale, débarquant une horde de touristes sur le quai bâti spécialement pour eux.

J’ai toujours un sentiment de culpabilité vis-à-vis du lieu où j’ai grandi. En quittant ainsi, je ne participe pas à l’économie locale, je ne rends pas à la région ce qu’elle m’a apporté. J’y ai eu, par exemple, des professeurs formidables sans qui je ne serais pas qui je suis.

Le Québec, pour survivre, doit être habité, partout. Cette conviction ne me suffit pas. J’admire les jeunes qui restent en région et encore plus ceux qui ont choisi d’y retourner. Même si les rues de mon enfance sont accueillantes, même si j’aime les montagnes et le fjord, il me serait encore plus difficile de quitter la rue St-Denis, le boulevard René-Lévesque, l’Ex-Centris, le parc Lafontaine, le Byblos... Ce sont eux que j’ai choisis. Encore plus, c’est de baigner au cœur d’une ville qui stimule la créativité. C’est à Montréal que je peux me déplacer en un rien de temps du Plateau au Centre-ville, à vélo ou en métro, acheter bio au coin de la rue, prendre un vol direct pour New York ou Paris, voir danser Marie Chouinard au petit matin, entendre de l’opéra sous les étoiles, rencontrer une chamane ou, encore, m’inscrire à un atelier de clown… tout en entendant le chant des grillons, de mon balcon !

Enfin, même si Montréal, c’est toi ma ville, c’est le Saguenay qui m’a façonnée ; naître devant un paysage si pur ne peut faire autrement que sensibiliser à la beauté et à l’authenticité. Je suis urbaine, indé-niablement, mais avec un fond de campagne. Le frisson existe, en traversant le Parc des Laurentides, mais encore plus en franchissant le pont Jacques-Cartier. Un jour, peut-être, lorsque j’aurai été assez nourrie culturellement, seulement, je pourrai reprendre l’autobus et faire le chemin inverse…

EnTRE­lE­PARc­DES­lAuREnTIDES­ET­lE­PonT­JAcQuES-cARTIER…

Caroline Morin est née à Chicoutimi en 1975. Elle a une formation en enseignement du français et de l’histoire. Depuis dix ans, elle travaille comme recherchiste et journaliste à Radio-Canada.

Le québec, pour survivre, doit être habité, partout. cette conviction ne me suffit pas.

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MIchEl­ThISDEl

L’auteur veut nous convaincre que La vie en région permet aux jeunes québécois de se réaLiser pLeinement. grâce à des initia-tives simpLes, mais efficaces, L’avenir pourrait être pLus rose que L’on pense Loin des centres urbains.

Selon l’Observatoire Jeunes et Sociétés, les jeunes migrent vers les régions dites métropolitaines, entre autres, pour la poursuite de leurs études. 67 % de ces jeunes reviendraient s’installer dans leur région rurale d’origine si les circonstances s’y prêtaient. Quelles sont ces circonstances et comment les favoriser ?

Au gouvernail de leur jeune carrière, certains apprentis décident de dériver vers l’océan : la grande ville où ils trouveront cégep, université ou travail rémunéré. Ils découvrent les grandes joies de la vie en appar-tement, des loisirs urbains, flottent entre deux disciplines d’études pour finalement s’accrocher à de grandes entreprises. Ils y connaîtront probablement le succès. Il y a après tout de nombreux avantages à suivre le courant. Mais, telle une corne de brume, le désir de s’établir et de fonder une famille en ayant une qualité de vie et surtout un emploi pourrait ramener les jeunes vers leurs régions natales.

SE­«­MouIllER­»­En­RéGIon

Nos municipalités et villages ruraux ont beaucoup à offrir. On y retrouve de nombreux avantages étrangers au monde urbain. Il faut collectivement améliorer la capacité de rétention de ces collectivi-tés, et ce, malgré un bassin d’emplois réduit dans certains secteurs. Il appartient au milieu de repêcher cette fraîche jeunesse remplie de créativité, de nouvelles idées, de solutions novatrices, de connais-sances et d’habiletés à la fine pointe de la technologie et du savoir. Misons sur le potentiel énorme des petites entreprises. Combattons cette tendance à croire que ces populations n’auront d’autre choix que de devenir des pêcheurs de morue pour survivre. Leur diversité, leur polyvalence et leur autonomie font des jeunes des perles rares dans nos régions. Ils auront peut-être à sortir de leur zone de confort et même accepter une diminution de salaire… afin de voguer vers ces nouvelles eaux prometteuses.

Il est du ressort des jeunes de se frayer une place, d’y jeter l’ancre en s’engageant dans l’aventure. Ils obtiendront un pouvoir d’influence plus grand en mettant au service de leur milieu les compétences et exper-tises acquises lors d’études supérieures ou techniques. Ils ont la liberté de contribuer concrètement au développement de leur communauté par leur implication, par exemple, dans les organismes communautaires ou dans les chambres de commerce. Leurs impacts peuvent se traduire par le démarrage d’un journal local coopératif, d’une école secondaire dans un village de 530 habitants, de l’organisation de colloques ou de formations à la communauté et même de la création de leur propre entreprise. En réalité, plusieurs jeunes ont déjà fait ce choix et en sont très heureux. Les raisons de leur bonheur sont multiples. Notons l’accessibilité à la propriété et à des ressources, telles que l’aide au démarrage d’entreprise et à l’insertion en emploi. La proximité des élus et des membres influents de leur communauté est aussi un atout. Parions qu’au cours des prochaines années, nos villes et villages seront inondés de jeunes citoyens bardés de diplômes. À eux maintenant de relever le défi de remuer l’eau de la grande rivière de nos localités qui, à première vue, peut paraître stagnante.

D’unE­RIvIèRE­À­l’AuTRE

Personnellement, j’ai choisi de quitter la métropole après y avoir vécu six années merveilleuses pour vivre sur les rives du Bas-Saint-Laurent. Grâce au soutien de Place aux jeunes du Québec, un organisme favori-sant la migration, l’établissement et le maintien des jeunes âgés de 18 à 35 ans en région, j’ai découvert qu’habiter une nouvelle région représente une importante opportunité et tout un apprentissage. Je sais maintenant que le poisson du fleuve n’a rien à envier à celui de l’océan. Oui, il y a les doutes et les questionnements suivis des efforts pour s’établir en région. Nous devrons intégrer ce réseau empreint d’une grande solidarité en serrant les coudes. Tout ça pour être en vacances tous les soirs de semaine au retour à la maison en profitant quotidiennement des couchers de soleil sur le Saint-Laurent. La vie en région, c’est surtout embarquer sur le bateau de l’occupation active du territoire avec le sentiment, la conviction et la détermination de contribuer à son développement au gré des vents et des marées.

lE­PRIncIPE­Du­PoISSon

Bachelier en communication sociale de l’Université du Québec à Trois-Rivières depuis 2000, Michel Thisdel a travaillé en communication tant au plan local qu’à l’international. Originaire de Louiseville en Mauricie, il fut Directeur des affaires publiques par intérim pour Héma-Québec. M. Thisdel est aujourd’hui agent à la vie associative chez Desjardins à Rivière-du-Loup. 

ARTISTE­­:­­lEAh­SElK,­Homeward Bound (Fraser River)Impression jet d’encre – 33” x 28” – 2007 – www.leahselk.com

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DES­RéSEAuX­IMPRoBABlES­

PouR­MIEuX­IMAGInER­lA­vIllE

on constate généraLement que de mêmes groupes ou personnes agissent comme intervenants concernant Les débats ayant trait à L’aménagement des espaces pubLics et civiques de nos viLLes. comment susciter La participation du simpLe citoyen qui ne se sent pLus concerné par Les décisions qui ont un impact direct sur sa vie de citadin? L’auteur propose La constitution de nouveaux types de réseaux de natures pLus écLectiques, impromptues et imprévisibLes.

Joël Thibert détient une maîtrise en urbanisme de l’Université McGill et travaille comme conseiller en aménagement au Quartier international de Montréal. Il est un des cofondateurs du groupe Avenue 8. 

Joël­ThIBERT

ARTISTE­­:­­SIMon­lévEIllé­

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Où que l’on habite, quoi que l’on fasse et quel que soit notre mode de vie, le débat sur la ville nous concerne tous, directement ou indi-rectement. C’est là que se définissent et se redéfinissent constamment « l’espace public » et « l’espace civique », ces espaces d’échange qui permettent aux individus de s’identifier à une collectivité. C’est là aussi que se définit et se redéfinit constamment la culture d’un peuple et que se joue son identité. Peu importe qu’on se définisse comme citadin, donc, puisque la ville fait partie intégrante de ce que nous sommes.

Pourtant, le discours public sur l’aménagement des espaces publics et civiques de nos villes est à l’heure actuelle à la fois simpliste, lorsqu’il émane de groupes opposés « par principe » à tout projet, et hermétique, lorsqu’il est l’apanage des architectes, urbanistes et universitaires. Le cas du projet Griffintown à Montréal est éloquent : de nombreux groupes et de nombreuses voix se sont fait entendre, pour ou contre, soit dans les médias, soit dans la blogosphère ou lors des consultations publiques officieuses et officielles sur le projet.

Malheureusement, nous ne sommes pas sortis collectivement enrichis de ce débat puisque nous avons entendu les mêmes choses venant des mêmes personnes : d’une part, les activistes du logement social et certains universitaires bien pensants ont condamné le projet d’emblée ; d’autre part, les ténors du « développement à tout prix » ont sonné le clairon de l’immobilisme. Dans cette arène où se disputent les faiseurs d’opinions, lobbies « communautaires » et autres groupes d’intérêts variés, le simple Montréalais n’a pas voix au chapitre et ne se sent malheureusement pas concerné.

C’est dans ce contexte que plusieurs initiatives visant à rendre le débat sur la ville plus accessible ont vu le jour. L’organisation d’une soirée « Pecha Kucha » pour et par les élus municipaux de l’île de Montréal le 30 septembre 2008 en est un bon exemple : pour la première fois à

Montréal, on a demandé aux élus de présenter live au public montréalais leur propre vision de la ville avec un petit « v ». Cela dit, pour élever le niveau de discussion et interpeller les non-professionnels de l’aménagement ayant un intérêt pour la ville, il faut aussi créer de nouveaux lieux de discussion. La proposition de base est simple : il faut sortir les participants de leur contexte si l’on veut éloigner la discussion des lieux communs et des prises de position habituelles.

L’expérience montréalaise des dernières années démontre que la recherche de consensus dans le climat sociopolitique actuel est vouée à l’échec. Il faut donc réorienter le débat vers la recherche des meil-leures idées et non vers celles qui font l’unanimité. Cela ne signifie pas qu’il faille créer une autre cellule de réflexion ou un autre groupe de pression s’intéressant à un enjeu en particulier. Pour réinventer la ville, il faut réinventer la manière de se l’imaginer.

Pour cela, il est impératif de provoquer intentionnellement la rencontre de « réseaux improbables », qu’ils soient formels, informels, jeunes, vieux, professionnels ou virtuels, dans un contexte convivial où il est possible de discuter librement de ce qui nous concerne tous : la ville et ses espaces. Ces rencontres pourraient prendre la forme de salons ou de séminaires qui réuniraient entre 10 et 20 personnes acceptant de participer non pas à titre de représentants d’un quelconque organ-isme, mais à titre de Montréalais. L’objectif étant de déstabiliser les participants pour qu’ils sortent de leurs positions et arrivent plutôt à des solutions.

Pour mieux penser notre ville, il nous faut donc plus que des réseaux : il nous faut des réseaux de réseaux qui ne se ressemblent pas, mais qui ont en commun leur intérêt pour la ville et ses espaces. C’est ce que propose, par exemple, le groupe néerlandais Inspiring Cities, qui cherche à « provoquer l’interaction » de philosophes, d’architectes, de poètes, de politiciens, d’urbanistes et de pilotes d’hélicoptères (!) dans le but de transformer l’espace et l’imaginaire urbains. C’est aussi l’objectif d’un groupe montréalais du nom d’Avenue 8, qui rassemble lors de salons informels différents « acteurs » de l’aménagement et autres citoyens-experts autour d’enjeux urbanistiques locaux. Deux initiatives, deux continents, deux méthodes, mais un seul objectif : décloisonner le débat sur l’espace public et libérer des énergies nouvelles et transformatrices pour mieux réinventer la ville.

GéRARD­BEAuDETUrbanisteDirecteur de l’Institut d’urbanisme de l’Université de Montréal.

coMMEn

TAIRE

Nombreux sont ceux qui conviennent que la gouvernance dans le monde municipal ne peut que tirer profit d’initiatives qui favorisent la participation citoyenne et la situent en amont du débat public et des projets qui la suscitent, là où se définissent les grands enjeux urbains et où s’amorce l’invention continue de la ville.

Le débat public n’en est pas moins indispensable à l’exercice de l’implication citoyenne puisqu’il éclaire cette dernière et la cristallise autour de certains dossiers et de certains projets dont l’incidence sur la ville et ses habitants est parfois considérable. S’il est vrai en ce domaine que les positions trop campées sont contre-performantes, il est pour le moins excessif de suggérer que tous les débats se résument à des prises de positions d’activistes et d’universitaires bien pensants (sic) qui condamnent d’emblée et de tenants du développement à tout prix qui soutiennent sans nuance. Le dossier Griffintown a incidemment montré la pertinence d’analyses fouillées qui permettent de lancer un véritable débat, notamment en soulevant des questions qui concernent moins les dimensions matérielles d’un projet que les modalités de son élabo-ration, de son examen, de son approbation et de sa mise en œuvre, voire la légitimité des mécanismes de consultation retenus. De ce point de vue, l’objectif d’un décloisonnement du débat public est certes louable, mais un tel décloisonnement n’est véritablement pertinent que s’il contribue à mieux l’alimenter.

Quant aux meilleures idées que la formule proposée par l’auteur permettrait de susciter, elles finiront tôt ou tard par se traduire en projets qui seront immanquablement l’objet de débats puisque la grande ville ne sera jamais le terrain d’une unanimité citoyenne.

­

DES­RéSEAuX­IMPRoBABlES­

PouR­MIEuX­IMAGInER­lA­vIllE

L’expérience montréaLaise des dernières années démontre que La recherche de consensus dans Le cLimat sociopoLitique actueL est vouée à L’échec.

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à chaque fois que La neige commence à fondre au sud, un dé-bat reprend : ceLui de La chasse au phoque. en mai dernier, Le parLement européen interdisait L’importation de tout produit provenant de La chasse commerciaLe du phoque dans L’union européenne. L’auteur répond ici aux détracteurs de cette chasse et invite pLus particuLièrement Les citadins à examiner Leurs per-spectives quant à La vie à L’extérieur des grands centres et à La provenance de ce qu’iLs mettent sur Leur tabLe.

« Mmm… un bon steak ! », s’exclame le citadin, derrière son barbecue sur son balcon du centre-ville. Comme son vis-à-vis de la campagne, il doit se nourrir. Mais il oublie plus facilement que ce steak dont il se régale provient d’un animal bien vivant, qu’il a fallu engraisser, tuer, dépecer et mettre à l’étal…

Quand on parle d’abattage d’animaux, s’il est un sujet controversé et dont la vérité peine à se rendre de la campagne à la ville, c’est bien celui de la chasse au phoque. Or, s’il n’était de la beauté du visage de cet animal, jamais il n’y aurait eu de controverse à ce sujet.

De fait, les abolitionnistes, membres d’organisations internationales multimillionnaires, se servent dans leurs campagnes de l’image du charmant blanchon (qu’ils appellent « bébé phoque » – est-ce qu’on appelle un veau « bébé vache » ?), pourtant interdit de chasse depuis 1987 au Canada. Ce sont ces images-chocs qui engraissent leurs poches et leur permettent de pousser leur propagande. Est-ce normal que le président de la Humane Society of the United States (HSUS), un groupe animaliste américain, empoche quelques centaines de milliers de dollars par an1, alors qu’en 2007, un chasseur de phoque québécois en tirait 25 % de son revenu, soit 7000 dollars ?2

Or la population de phoques communs dans l’Atlantique Nord-Ouest a triplé entre 1970 et 2004, créant un cheptel de 5,8 millions d’individus. Ce troupeau grandissant bouffe environ 6,5 millions de tonnes de poissons par année. Évidemment, le loup-marin à lui seul n’est pas responsable de l’épuisement des stocks dans le Golfe, mais il n’aide certes pas à les rétablir. Depuis quelques années, le fédéral y autorise la chasse de 300 000 phoques par année. Mais ce nombre est rarement atteint pour diverses raisons : déplacement et épaisseur de la banquise, température trop ou pas assez clémente, etc. C’est loin de mettre en péril l’espèce qui, au contraire, pullule et prolifère.

Au-delà de ces données, la chasse est-elle pratiquée humainement ? Selon des vétérinaires indépendants, la réponse est oui. Compara-tivement à l’abattage du bétail et des volailles, ou même au gavage des oies, la chasse au loup-marin n’est vraiment pas cruelle… sauf

qu’elle est faite à ciel ouvert. Laissant des traînées de sang rouge sur une banquise blanche, elle offre des images saisissantes que vendent à gros prix les abolitionnistes. À croire que les porcs ne saignent pas quand ils sont abattus derrière des portes closes !

Quant à la méthode d’abattage, il est prouvé scientifiquement que le coup d’hakapik tue l’animal sur le coup, sans souffrance. Au contraire, un coup de fusil peut rater sa cible et le phoque ira agoniser dans la mer… Fait à noter, l’hakapik a deux bouts, comme un marteau : on frappe l’animal avec la tête, comme si on frappait un clou, et, une fois décédé, on l’attrape et le traîne avec le crochet, non l’inverse, comme le rabâchent trop d’abolitionnistes.

Que fait-on du phoque ? De sa peau, on fabrique des chapeaux, bottes et manteaux très chauds. Sa viande, fumée ou autrement apprê-tée, constitue un produit du terroir dont sont fiers les Madelinots, notamment. Sa graisse, riche en oméga-3, trouve plusieurs usages scientifiques, cosmétiques et pharmaceutiques, comme son collagène, de très haute qualité. Finalement, divers organes, telles les valves du cœur, similaires à celles des humains, sont utilisés dans le but d’améliorer notre santé.

Qui pratique cette chasse ? Aux Îles-de-la-Madeleine, comme en Basse-Côte-Nord ou à Terre-Neuve, les chasseurs de loup-marin sont avant tout des pêcheurs, qui s’assurent ainsi un revenu d’appoint. Ceci est d’autant plus important compte tenu de l’effondrement de certains stocks de poissons, de la chute des prix et du débarquement d’autres espèces. Sont-ils des tueurs cruels et assoiffés de sang ? Il suffit de visiter les Madelinots pour comprendre que, s’il y a des gens sympathiques et accueillants, c’est bien eux.3

S’il est dans la nature humaine de se nourrir, de se vêtir et de se soigner, l’être humain, citadin ou campagnard, doit avoir accès à une ressource qui lui permet d’arriver à combler ces besoins fondamentaux. Et cette ressource, qu’on le veuille ou non, qu’on le voie (comme les gens de la campagne) ou non (comme les gens de la ville), est vivante, avant d’arriver dans notre pharmacie, dans notre garde-robe ou dans notre assiette…

1 215 000$US selon le site web http://www.charitynavigator.org/index.cfm?bay=search.summary&orgid=3848.

2 Selon le film « Phoques – le film » de Raoul Jomphe.

3 C’est d’ailleurs ce constat que posait le cinéaste Raoul Jomphe, végétarien et militant écologiste, lorsqu’il a décidé de produire un documentaire sur la chasse au loup-marin, qu’il a intitulé « Phoques – le film ». Il se demandait : comment se fait-il qu’un peuple reconnu pour son hospitalité et sa gentillesse légendaires en saison estivale puisse se transformer en monstre sanguinaire durant l’hiver ? Raoul Jomphe a eu réponse à sa question et a compris les manipulations des groupes abolitionnistes…

lA­chASSE­Au­PhoQuE

théâtre d’âpres faussetés DAnIEl­côTé

Avocat de formation et actuellement coordon-nateur municipal à la Ville de Gaspé, l’auteur a également été pendant 5 ans adjoint politique du député de Gaspésie – Îles-de-la-Madeleine au fédéral, d’où sa sensibilité sur ce dossier. 

À 29 ans, père de jumeaux, il est un fier Gaspésien s’étant exilé pendant 6 ans en région urbaine pour les études, avant de se réinstaller définitivement dans sa région.

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REBEccA­AlDwoRThDirectrice, Humane Society International/Canada

Observatrice de la chasse au phoque commerciale depuis 11 ans au Canada, elle a guidé plus de 100 scientifiques, parlementaires et journalistes sur les banquises afin de documenter la chasse. Elle a témoigné devant la Chambre des communes du Canada et les gouvernements étrangers au sujet du bien-être des animaux et des impacts économiques et environnementaux de la chasse au phoque canadienne. Elle a fondé deux groupes de protection des animaux au Canada. En 2004, elle a reçu le prix Jean Taymans, pour le bien-être des animaux, et elle a été reconnue en 2006 par Alternet comme l’un des neuf « Éco-héros ».

coMMEnTAIRE

ARTISTE­­:­­KRySTEl­MARoIS,­Sans titre­Photographie digitale (impression jet d’encre) – 107 x 163 cm – 2009 – www.krystelmarois.com 

lA­chASSE­Au­PhoQuE

théâtre d’âpres faussetés

Plus d’un million de phoques ayant été tués au cours des dernières années ; la chasse au phoque commerciale canadienne est le plus grand massacre de mammifères marins de la planète. Il peut égale-ment être soutenu qu’il s’agit du plus cruel – en 50 ans d’études, aucun vétérinaire n’a conclu que cette chasse était humaine1. Au contraire, de récentes études indiquent que le carnage est par inhérence inhumain, et que matraquer et abattre les phoques devrait être interdit2. Les chasseurs de phoques sont des pêcheurs commerciaux qui gagnent en moyenne moins de 5 % de leurs revenus annuels en tuant des phoques – soit quelques centaines de dollars ces dernières années, après leurs dépenses, le reste de leurs revenus provenant de la pêche3. Les sond-ages démontrent de façon constante que la majorité des Canadiens s’oppose à la chasse aux phoques4. Pourtant, notre gouvernement continue de fournir à ce secteur des millions de dollars en subventions chaque année5. Les groupes de protection des animaux et même des chasseurs sont pour le rachat fédéral du secteur de la chasse au phoque – un programme selon lequel les chasseurs de phoques recevraient une indemnité pour leurs licences6. Ce plan mettrait probablement plus d’argent dans les poches des chasseurs de phoques que la chasse elle-même ne le pourra jamais7. Pour les phoques, les chasseurs et le Canada, il est temps que le gouvernement mette définitivement fin à ce massacre sanglant.

1 Richardson DMV, M., « Inherently Inhumane », 2007; http://www.hsus.org/web-files/PDF/seals/inherentlyinhumane_richardson.pdf.

2 Butterworth et. al., « Welfare Aspects of the Canadian Seal Hunt », 2007; http://www.hsus.org/web-files/PDF/seals/welfareaspectsofcanadiansealhunt_butterworth.pdf.

3 Livernois, J., « The Economics of Ending Canada’s Commercial Harp Seal Hunt », University of Guelph Discussion Paper, 2009.

4 Angus Reid, 1997; Environics Research, 2000; Environics Research, 2005; Pollara, 2007; Environics Research, 2007; Environics Research, 2008.

5 Southy, C., « The Newfoundland Commercial Seal Hunt: An economic analysis of costs and benefits », 1997.

Gallon, G., « The Economics of the Canadian Sealing Industry », Canadian Institute for Business and the Environment, 2001.

6 Presse canadienne, « We can be bought out, P.E.I. seal hunters say », Montreal Gazette, 15 avril 2006, p.10.

7 Livernois, J., « The Economics of Ending Canada’s Commercial Harp Seal Hunt »,

University of Guelph Discussion Paper, 2009.

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SPonTAnéITé­uRBAInERAMI­BEBAwI­ET­TuDoR­RADulEScu

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Les viLLes font dorénavant Les frais d’un accroissement démographique sans précédent dans L’histoire de L’humanité. Les auteurs proposent différentes pistes afin de mieux inté-grer La participation des citoyens, d’une part, et Le dynamisme et L’évoLution constante de nos quartiers, d’autre part, dans La définition des pLans d’urbanisme, outiL impératif pour Le déveL-oppement de nos viLLes.

L’urbanisme actuel provient d’un règlement de zonage prescrit en 1916 par la ville de New York en réaction à la construction de l’ Equitable Building qui projetait une ombre importante sur le quartier avoisinant. Au Québec, la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme fut sanctionnée par le lieutenant-gouverneur en 1979 pour permettre « d’élaborer et d’adopter un schéma d’aménagement de son territoire »12.

Étant donné l’accroissement démographique dans la métropole, il a été essentiel pour Montréal d’établir un plan d’urbanisme pour assurer une certaine harmonie et une logique urbaine. Depuis, la conserva-tion du patrimoine et son intégration au sein du tissu urbain ont aussi été règlementées pour éviter de répéter les erreurs commises dans un passé relativement proche.

Le plan d’urbanisme de Montréal est un système de règlements qui permet d’organiser la Ville et ses habitants. L’outil principal est la régle-mentation de zonage, qui définit, prescrit et réglemente l’aménagement du territoire urbain : le type d’usage (activités), les densités, les limites d’occupation au sol et la typologie des bâtiments.

Dans les faits, l’application des principes d’urbanisme a une influence concrète sur la vie quotidienne des citoyens. Le plan d’urbanisme définit les limites entre les espaces privés et les espaces publics. Il établit les liens entre la circulation routière, les transports publics, les vélos et les piétons. Les règlements influencent notre mode de vie et le développement de nos arrondissements. Par conséquent, il est néces-saire de conserver un regard critique sur ce qui est fait dans ce domaine pour assurer une évolution sensée et équilibrée de notre ville.

Malgré les bénéfices d’une telle règlementation, la rigidité du plan d’urbanisme (partiellement atténuée par les demandes de dérogation) peut limiter l’évolution dynamique d’un quartier. Il impose davan-tage qu’il encadre, dans la mesure où un quartier se développe par couches, de manière progressive, et que ces couches s’influencent les unes les autres. Lorsqu’un coin de rue devient naturellement un lieu de rencontre, le plan d’urbanisme devrait permettre l’intégration et

l’exploitation de cette évolution spontanée. La transformation ou la rénovation, produite par les habitants d’un quartier, développe chez eux un sentiment d’appartenance qui définit l’« identité publique » d’une communauté. Cette identité engendre une responsabilisation des citoyens et devient alors un outil précieux pour assurer la sécurité, la propreté et la reconnaissance d’un lieu.

Selon cette optique, les recettes de développement immobilier qui offrent des quartiers clé en main sont risquées. Malgré la bonne volonté de nos autorités, les mécanismes formels mis en place pour soutenir le développement d’un quartier doivent être appuyés par la présence sous-jacente d’une vie communautaire informelle. Sans cette vie communautaire, les programmes sociaux profiteront à quelques individus, mais n’amélioreront pas le sentiment d’appartenance des habitants d’un quartier. L’évolution d’un quartier doit être progressive, dynamique et perméable aux interventions de ses habitants.

Bien qu’introduire une certaine flexibilité dans un plan d’urbanisme soit une tâche difficile, certains comités municipaux, jumelés à des processus de consultation publique, permettent déjà d’impliquer les habitants dans les décisions relatives au développement de leur quart-ier. Toutefois, cette forme de participation n’est pas suffisante. Serait-il possible d’imaginer des règlements de zonage qui réagissent aux conditions changeantes d’un arrondissement ? Pourrait-on définir les types d’usages permis selon la croissance démographique d’un quart-ier ? Comment laisser une évolution spontanée s’introduire au sein des règlements d’aménagement du territoire ?

Il est certain que les décisions sur l’évolution urbaine de la ville doivent être prises par des professionnels. Les autorités sont responsables du bien collectif qu’est une communauté. Mais il faudrait déjà s’assurer que chaque municipalité emploie des professionnels qualifiés et que leurs liens avec le quartier sont étroits. En effet, la proximité entre la ville, ses professionnels et les citoyens pourrait mener vers l’élaboration d’un plan d’urbanisme plus dynamique et plus spontané.

Il faudra encore beaucoup réfléchir pour atteindre un tel idéal, mais, étant donné la mondialisation croissante, le sentiment d’appartenance communautaire est essentiel à une saine évolution de nos villes. ­

12 Gouvernement du Québec, Répertoire des municipalités du Québec : 1980, Québec, ministère des Affaires municipales, 1981, p.12.

Rami Bebawi et Tudor Radulescu sont membres de l’Ordre des architectes du Québec et cofondateurs de Kanva Architecture.

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RAMI­BEBAwI­ET­TuDoR­RADulEScu

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lucIE­K.­MoRISSETProfesseure titulaireDépartement d’études urbaines et touristiques, UQÀM

coMMEn

TAIRE

L’idée selon laquelle les outils d’urbanisme dont nous disposons ne parviennent pas à épauler un développement harmonieux et dynamique du territoire est importante, originale et mérite d’être explorée. Le texte offre plusieurs bonnes pistes à cet égard et une réflexion fort intéressante. En revanche, il conviendrait de recentrer celui-ci autour de cette idée et d’en élaguer un certain nombre de notions plus ou moins périphériques, trop larges ou inexactement présentées. La data-tion précise de « l’urbanisme actuel » qui ouvre l’article est discutable, tandis que les finalités de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme gagneraient, en introduction, à être présentées plus précisément, dans le sens de la réflexion proposée. Il importe aussi d’éviter une confu-sion apparente entre l’urbanisme et le zonage (le zonage n’est pas tout l’urbanisme, seulement un de ses outils) et de mieux situer cet outil par rapport à ceux dont l’efficacité est contestée. Par ailleurs, la proposition selon laquelle les décisions « doivent être prises par des profession-nels » tient d’une simplification un peu excessive qui tend à contredire le propos de l’article sans apporter une piste de solution véritable ; on gagnerait selon moi à aller justement au-delà du corporatisme actuel (des professionnels) pour tenter d’esquisser des pistes de solutions ou des voies d’émancipation d’un urbanisme plus créatif ou approprié de façon plus dynamique (ou réactive ?) par les citoyens et le bien collectif auxquels, en principe, cet urbanisme se voue.

ARTISTE­­:­­MAThIEu­BARIl,­Siège du CAASérie : Concrete Architecture – Photographie – 44” x 59” – 2008 – www.mathieubaril.com

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À­l’hEuRE­où­lES­MunIcIPAlITéS­SE­chERchEnT­DE­nouvEllES­SouRcES­DE­FInAncEMEnT,­ET­AloRS­QuE­lA­DEMAnDE­PouR­cERTAInES­RESSouRcES­S’AccRoîT,­unE­SoluTIon­SE­TRouvE-T-EllE­Du­côTé­DE­lA­cooPéRATIon­DIREcTE­EnTRE­locAlITéS­?­l’AuTEuR­PREnD­PouREXEMPlE­lES­EnTEnTES­DE­ TRAnSFERTS­ D’EAu­ EnTRE­ coMMunAuTéS­ SITuéES­ lE­ lonG­ DE­ lA­FRonTIèRE­cAnADo-AMéRIcAInE.­

Selon la Fédération canadienne des municipalités, les finances des municipalités seraient sérieusement éreintées par l’existence d’un déséquilibre fiscal qui ne leur laisse que huit sous pour chaque dollar des recettes fiscales prélevées. Avec ces deniers, les municipalités doivent gérer d’importants défis en matière de fourniture de services publics et d’investissements dans les infrastructures locales. Ces activi-tés se révèlent fort coûteuses, particulièrement dans les régions rurales caractérisées par une faible densité de population et un revenu par personne moindre qu’en milieu urbain.

La nécessité de fournir des services publics à un coût abordable a mené plusieurs gouvernements locaux à favoriser un type de collaboration unique en matière de fourniture d’eau potable. Plutôt que de miser sur un développement indépendant de leur système d’approvisionnement en eau, certaines collectivités frontalières se sont engagées sur le terrain d’une diplomatie « interlocale ». Ces ententes avec des commu-nautés américaines voisines participent d’un partage ou d’une mise en commun des ressources humaines, financières ou des systèmes d’approvisionnement selon un dessein commun : fournir une eau pota-ble sûre en quantité suffisante. La crainte appréhendée d’une pénurie d’eau, l’inadéquation des ressources hydriques locales, leur qualité décroissante et les coûts élevés liés aux investissements requis pour la mise en place des infrastructures ont impulsé ces rapprochements.

De cette collaboration résulte un archipel méconnu d’approvision-nements transfrontaliers locaux en eau potable le long de la frontière canado-américaine qui se traduit par la circulation, vers l’un ou l’autre pays, d’eau en vrac à des fins de consommation locale. Ces trans-ferts, les seuls à l’heure actuelle entre les deux pays, ne constituent pas une pratique largement répandue puisqu’ils impliquent douze communautés jumelles en sus de certains postes frontaliers. Toutes les provinces sont concernées à l’exception de l’Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-Labrador. Dans la plupart des cas, ces transferts sont unilatéraux vers l’un ou l’autre pays. À titre d’exemple, Vancouver (Colombie-Britannique) fournit 3 182 m3 d’eau potable par jour à la communauté américaine de Point Roberts (Wash-

ington), et ce, depuis 1987. En d’autres lieux, l’eau circule dans les deux sens. Tel est le cas de Stanstead (Québec), qui fournit en eau Derby Line (Vermont). L’eau provient de puits situés sur le territoire de la municipalité québécoise, avant d’être acheminée du côté américain où se trouve le réservoir, pour ensuite s’écouler des deux côtés de la frontière à travers le réseau de distribution (de 1906 à 1996, l’eau prove-nait du côté américain).

QuEl­STATuT­PouR­cES­TRAnSFERTS­?

Pour le Canada, ces transferts d’eau en vrac soulèvent la question de leurs implications juridiques dans le cadre de l’ALÉNA. En effet, dans la mesure où ces transferts seraient considérés comme une exportation d’eau, et que cette eau devenait un produit, une telle situation enga-gerait juridiquement le Canada vis-à-vis ses partenaires de l’ALÉNA. Qu’en est-il ?

Il semble peu probable que ces transferts soient couverts par le traité. En effet, la plupart de ces ententes précèdent de quelques décennies l’ALÉNA. En plus, elles ne s’inscrivent pas dans un contexte de libre marché où le jeu de l’offre et la demande fixerait les prix. L’eau ne se trouve pas assimilée à un produit, mais plutôt à un bien commun ; elle circule à travers des aqueducs et son volume est limité et destiné à une consommation locale. Elle ne fait pas l’objet d’un commerce, mais plutôt de la prestation d’un service public dans le cadre d’accords entre gouvernements locaux, lesquels ne sont pas assujettis à l’ALÉNA.

Ces transferts d’eau en vrac témoignent ainsi d’une recherche de solutions locales à des problématiques qui le sont tout autant ; la disponibilité de cette eau se restreint aux besoins des seules commu-nautés, étroitement liées par des décennies de pratiques collaboratives endogènes. De plus, leur projection à des niveaux plus élevés (régional ou entre grandes villes) rencontrerait nécessairement des difficultés en matière de coût, de gestion des systèmes normatifs relevants de jurid-ictions territoriales distinctes, d’imputabilité des pouvoirs publics et soulèverait certainement la question de l’intérêt national du Canada.

Enfin, ces exemples d’ententes créatives et pragmatiques illustrent le potentiel qu’offre la collaboration transfrontalière dans le domaine de l’eau entre les collectivités canadiennes et américaines. Il pourrait s’agir d’une piste intéressante à explorer dans d’autres domaines afin de développer des solutions pragmatiques au sous-financement des municipalités, particulièrement celles situées en zone frontalière.

TRAnSFERTS­D’EAu­En­vRAc­PATRIcK­FoREST

Patrick Forest est chercheur postdoctoral au sein du département de géographie de l’Université McGill et boursier CRSH. Sa thèse, défendue en juin 2009 à l’Institut québécois des hautes études internationales, porte sur les approvisionnements transfrontaliers locaux entre communautés situées le long de la frontière canado-américaine.

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ARTISTE­­:­­TARA­nIcholSon,­UntitledSérie : Further North – C-print – 30” x 30” – 2008

TRAnSFERTS­D’EAu­En­vRAc­

MAnuEl­J.­RoDRIGuEzProfesseur, École supérieure d’aménagement du territoire et de développement régional et membre du Groupe de recherche en eau potable, Université Laval

coMMEn

TAIRE

Patrick aborde un sujet d’intérêt et certainement de grande actualité, tout en se penchant sur un aspect de la question relativement méconnu. En effet, pour plusieurs lecteurs, la coopération entre municipalités fron-talières en matière d’eau potable peut sembler une toute nouvelle façon de faire. Mais comme l’auteur le mentionne bien, ce sont des collabora-tions et ententes qui existent depuis des années. À une autre échelle, ce modèle de collaboration entre municipalités est déjà très répandu en Amérique du Nord, où la gestion des services en eau potable est généralement de responsabilité municipale. Par exemple au Québec, depuis longtemps, de petites municipalités sont desservies en eau potable par des municipalités voisines, généralement de plus grande taille, à la suite d’ententes spécifi ques (une municipalité « vend » un service à sa voisine). Dans d’autres cas, des municipalités se sont mises ensemble pour créer des « régies de l’eau » qui favorisent des écono-mies d’échelle en frais d’exploitation. Lorsque ces ententes se font dans un territoire régi par une autorité unique (dans le cas du Québec, le gouvernement provincial), cela ne pose pas de problème. Même, dans le cas où une municipalité éprouve des diffi cultés d’approvisionnement en eau, le gouvernement provincial peut obliger la municipalité voisine à l’approvisionner. Pour des raisons évidentes, ce type de scénario ne peut pas se produire dans le cas de municipalités frontalières. Les communautés alimentées en eau potable à partir d’une municipalité située de l’autre côté de la frontière sont donc plus vulnérables à cet égard. Mais le nombre de cas de coopération frontalière en matière d’eau potable demeure limité et les volumes en jeu très faibles. Il faudra toutefois rester vigilants !

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GEDI­–­Qu’en est-il de la démocratie municipale à Laval ?

A­–­Il me semble que les moyens qu’ont les citoyens et citoyennes pour intervenir dans la démocratie lavalloise se restreignent année après année. La démocratie municipale, celle qui devrait être la démocratie la plus directe, la plus en contact avec les citoyens et citoyennes, se trouve bafouée dans un contexte sans opposition.

GEDI­–­Comment les citoyens peuvent-ils participer à cette démocratie ?

A­–­Dans le cas de Laval, les citoyens et citoyennes peuvent participer de deux manières. La première est de voter une fois tous les quatre ans. En 2005, moins de 35 % de la population lavalloise a exercé ce pouvoir. Le deuxième moyen pour participer aux décisions est de se présenter au conseil municipal une fois par mois et de poser une ou plusieurs questions au maire. Ce moyen, qui est beaucoup plus direct, attire tout au plus une centaine de personnes par mois. Même si ces personnes font acte de présence, elles semblent plutôt y faire figure de spectatrices. Après deux heures d’adoption de lois et de règles difficilement compréhensibles, les citoyens et les citoyennes ont moins d’une heure pour poser des questions qui sont souvent traitées avec peu de considération.

GEDI­ –­ Comment expliquer les causes d’un aussi faible taux de participation aux élections municipales ?

A­–­À Laval, une des causes est le très faible sentiment d’appartenance des citoyens et citoyennes à la Ville. Ils ne sentent pas le devoir de participer à la vie politique. En fait, toute la ville semble conçue pour que les citoyens se sentent le moins possible concernés par ce qui les entoure. Les voisins se gardent éloignés les uns les autres par des clôtures, sont séparés par des rues conçues uniquement pour les voitures, par des services de proximité qui, paradoxalement, sont souvent trop loin. Les installations n’ont jamais été adaptées pour que les gens aient une vie de quartier, un sentiment d’appartenance à leur communauté et rien n’est fait pour que cela change. Dans cette situ-ation, ce n’est pas étonnant que les gens ne se sentent pas non plus concernés par le gouvernement municipal et ses décisions.

vIllE­SAnS­oPPoSITIon­­lE­cAS­DE­lAvAl­

LavaL est La troisième pLus grande viLLe du québec, pLus de 365 000 personnes y vivent. LavaL, c’est aussi une viLLe-dortoir, communément appeLée banLieue. depuis pLus de vingt ans, Le même maire gouverne. pour Les huit dernières années de ce règne, ceLui de giLLes vaiLLancourt, aucune opposition ne se manifesta devant Lui et son équipe

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Audrey Boisvert est étudiante en service social à l’Université de Montréal. Depuis 2006, elle siège à l’opposition officielle de la ville de Laval. 

entrevue avec audrey boisvert

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GEDI­–­À ton avis, ce constat peut-il être fait pour d’autres villes au Québec ?

A­ –­ Oui. La démocratie doit être plus accessible. Quand aura-t-on une influence sur les décisions prises, celles qui ont un impact direct sur notre quotidien ? Pourquoi n’avons-nous pas une influence sur l’urbanisme de notre ville, sur les sommes accordées pour différents projets ? De plus, je me demande quelle est la pertinence de n’élire qu’une seule personne pour tout diriger dans la Ville. Pourquoi ne pas inclure les personnes qui habitent, vivent et connaissent leur quartier pour décider ce qu’il y a de mieux pour celui-ci ?

GEDI­–­Quelles sont les solutions pour que la population lavalloise puisse se réapproprier sa ville ?

A­–­En tant que citoyens et citoyennes, plusieurs moyens pour regagner du pouvoir sur les décisions politiques locales ont été mis sur pied, soit au Québec, soit ailleurs dans le monde. On n’a pas besoin de réin-venter la roue. Par exemple, la création d’un forum social annuel pour chaque quartier ou la création d’un budget participatif peut être un début à la réappropriation de l’espace politique local. La complexité de la tâche ne devrait pas nous arrêter. C’est le temps de se respons-abiliser par rapport à notre environnement, à notre quartier. De jardins en espaces collectifs, nous pouvons reconstruire une nouvelle façon de vivre nos villes.

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ARTISTE­­:­­KAREn­lAcRoIX,­Duchamp no.01­Série : Duchamp – Collage – 16,5” x 21,4” – 2009 – www.karenlacroix.com  

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REBEccA­AlDwoRThMAThIEu­BARIl

GéRARD­BEAuDETRAMI­BEBAwI

AuDREy­BoISvERTMAThIEu­BouchARD

MARIAnnE­BouSQuETJonAThAn­chARlEBoIS

DAnIEl­côTéJAnEllE­DESRochERS

PATRIcK­FoRESTFélIX­GAuThIER

MAnuEl­J.­RoDRIGuEzMélAnIE­Joly

lucIE­K.­MoRISSETchRISTIAn­lAcASSE

KARInE­léGERSIMon­lévEIllé

KRySTEl­MARoIScARolInE­MoRInTARA­nIcholSon

TuDoR­RADulEScunAThAlIE­RochEFoRT

AnDREAS­RuTKAuSKASElohIM­SAnchEz

El­SEEDlEAh­SElK

Joël­ThIBERTMIchEl­ThISDEl

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