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Violences Conjugales

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  • 36 Mars 2014 La Gazette Sant-Social

    pratiques

    La Gazette Sant-Social Mars 2014 37

    pratiques

    >>

    violences conjugales

    Les soignants au cur dune prise en charge globale

    En moyenne, une femme meurt tous les deux jours et demi des coups de son compagnon ou de son ex-compagnon, et un homme tous les quatorze jours, du fait de sa partenaire, selon le ministre de lInt-rieur. La plupart du temps, les soignants en particulier les mdecins gnralistes et les sages-femmes constituent le premier recours pour dceler ces comportements. Dans 40 % des cas, [les violences physiques envers les femmes commencent] lors dune premire grossesse, daprs une tude canadienne , indique le docteur Gilles Lazimi (lire son t-moignage page suivante), mdecin gnraliste au centre municipal de sant de Romainville (Seine-Saint-Denis). Mais combattre les vio-lences conjugales ncessite den comprendre les mcanismes ; il importe galement de

    connatre larticulation des soins et du social avec le champ judiciaire. La violence au sein du couple peut tre psy-chologique, physique ou sexuelle. Souvent, elle est galement conomique : la victime, par exemple, est prive de tout moyen per-sonnel de paiement. La pertinence de la prise en charge dcoule de lvaluation initiale du fonctionnement du couple. Il est utile de dis-tinguer le conflit conjugal, qui peut aboutir une violence momentane, du terrorisme conjugal, qui relve dune relation de domi-nation, sous forme de terreur permanente, mme sans passage lacte. Ces cas sont les moins nombreux, explique Laurent Puech, assistant de service social en gendarmerie dans lHrault. Nous sommes trop souvent sidrs par lvocation dun acte violent. Il faut dpasser ce stade et analyser la situation, avec une grande distance ; entrer dans lhis-toire du couple, pour disposer dlments sur le contexte dapparition de la violence .Mais les professionnels se sentent souvent dmunis. Et, comme lindique le 4e Plan inter-ministriel de prvention et de lutte contre les violences faites aux femmes (2014-2016), 60 % des mdecins gnralistes considrent man-quer dune formation suffisante. Localement, les centres dinformation sur les droits des femmes et des familles offrent nanmoins des ressources pour obtenir une aide ou des for-mations. Quant la Mission interministrielle

    le contexte les rponses les cueils

    La ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-

    Belkacem, a prsent, le 22 novembre, le 4e Plan

    interministriel de prvention et de lutte contre les violences faites aux femmes (2014-2016).

    Sur le terrain, les professionnels de sant restent en premire ligne pour reprer ces vio-lences. Des rseaux locaux prennent le relais pour

    une prise en charge pluri-disciplinaire de la personne.

    Faute de formation, les profes-sionnels se sentent dmunis. Par ailleurs, le nombre de

    personnes ges ou dhommes galement victimes

    de violences conjugales serait sous-estim.

    pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des tres humains (Miprof), elle a ralis des supports de formation et un film mettant en scne un mdecin gnraliste (*).

    CollgialitLes victimes de violences conjugales doivent tre prises en charge de manire globale, len-jeu tant de restaurer leur autonomie psycho-logique, sociale et financire. La collgialit savre indispensable. Les personnes ont be-soin de soins mdicaux. Lassistant de service social apporte une rponse pour lhberge-ment, le psychologue aide la personne envi-sager une sparation, etc., dtaille Franoise Benani, cadre suprieure de sant au ple mdicojudiciaire du CHU de Bordeaux. Si chacun travaille de son ct, cela mne dem-ble lchec. Il peut tre utile de mettre en relation les professionnels qui interviennent sur un espace commun, que ce soit un terri-toire ou un cas , renchrit Laurent Puech. Un rseau local, compos dassociations, de soignants et de travailleurs sociaux, peut

    prendre le relais pour un accompagnement, notamment psychologique, plus long terme. Mais les consultations avec un psychologue ne sont pas rembourses par lassurance ma-ladie et les dlais de rendez-vous sont souvent longs dans les centres mdicopsychologiques. Or, gnralement, le budget de la victime est trs contrl par le conjoint violent , souligne Sylvianne Spitzer, prsidente fondatrice de lassociation SOS hommes battus. Un loignement du domicile conjugal peut galement tre envisag. Aussi le 4e Plan in-terministriel prvoit-il, dici 2017, la cration de 1 650 solutions dhbergement durgence. Mais lorsque les personnes sont ges se pose le problme de la dpendance. En outre, elles sont souvent trs isoles, du fait de la stratgie de leur conjoint violent , constate Franoise Benani. Ces situations sont plus complexes. Cest un champ nou-veau , ajoute Laurent Puech. Dautant que le nombre de victimes ges serait sous-valu, lenqute nationale sur les violences envers les femmes en France, publie en 2001, portant sur les 20-59 ans.

    Dr Gilles Lazimi, mdecin gnraliste au centre municipal de sant de Romainville (Seine-Saint-Denis)

    Ccile Sarafis, conseillre conjugale et familiale au planning familial Montreuil (Seine-Saint-Denis)

    Un problme de sant publiqueUne femme victime de violences sur quatre tente den parler son mdecin. Certaines rvlent leur situation au bout de quarante ans. Reprer la victime permet de faire en sorte quelle aille mieux. Il faut donc poser la question systmatiquement. Souvent, les dames nattendent que a. Les violences conju-gales reprsentent un problme majeur de sant publique. Elles gnrent des troubles massifs et du-rables, comme des colopathies ou des handicaps. La moiti des victimes souffrent de dpression, et nous constatons des dcompensations de maladies chro-niques. Toutes prennent beaucoup de mdicaments, parfois de manire inutile. Le cot mdical atteint 483 millions deuros par an [*]. Comme pour dautres pathologies, nous devons mettre en place des rseaux. Cela relve dune volont politique.

    (*) Daphn II, anne 2006, Estimation du cot des violences conjugales en Europe, IPV EU_Cost, Psytel, juin 2009.

    Enrayer la chane de la violenceAu planning familial, nous dpistons les victimes de violences conjugales pendant lentretien sur la contra-ception ou celui prcdant linterruption volontaire de grossesse. Si celles-ci sont dordre psychologique le conjoint isole sa femme ou la prive de son t-lphone portable par exemple , nous amenons la personne prendre conscience de la violence quelle subit. Un homme contrlant peut, par la suite, devenir violent physiquement. Cest une forme de prvention. Sil y a des enfants, nous les orientons vers une consultation spcialise en psychotrauma-tologie. Outre la thrapie, il sagit denrayer la chane de la violence, dviter quils ne reproduisent plus tard les mmes comportements. Enfin, nous formons les travailleurs sociaux et les fonctionnaires de police. Nous nous rendons galement dans les coles, afin de prvenir les comportements sexistes qui pourraient mener ces violences.

    66millions deuros sont affects la lutte contre les violences faites aux femmes, pour les trois prochaines annes.

    1650solutions dhbergement durgence seront cres dici 2017.

    350intervenants sociaux sont prvus en commissariats et gendarmeries dici 2017.Source: 4e Plan de lutte contre les violences faites aux femmes (2014-2016).

    Des observatoires territoriaux pour faciliter les rseauxDans le 4e Plan interministriel de prvention et de lutte contre les violences faites aux femmes (2014-2016), le gouvernement prvoit de multiplier les observatoires territoriaux des violences envers les femmes. A ce jour, dix ont t crs, lchelle communale, dpartementale ou rgionale. Ces structures mettent en synergie les services de proximit des collectivits locales, les services de lEtat implants sur les terri-toires et les associations. Il en rsulte un rseau de professionnels qui se forment et sinforment sur les dispositifs nouveaux, souligne Ernestine Ronai, responsable du premier observatoire de ce type, cr en 2002 en Seine-Saint-Denis. Ces partenariats troits sont sources dinnovation.

    VIllE

    DE RoMaInVIllE

    ; P. MaRaIS

  • 38 Mars 2014 La Gazette Sant-Social

    pratiques

    >> Enfin, un pas supplmentaire peut tre franchi. Si la personne est en pril, cest--dire dans une phase extrme du danger , poursuit Laurent Puech, un signalement au procureur de la Rpublique est possible. Le Code pnal prvoit la leve du secret profes-sionnel et un signalement, lorsque la victime est mineure ou quelle nest pas en mesure de se protger, en raison de son ge ou de son incapacit physique ou psychique. Son accord nest pas ncessaire (art. 226-14).

    Information proccupanteAlors que le gouvernement dfend un signale-ment systmatique des violences conjugales, Laurent Puech avertit : Cela risquerait de conduire les victimes se taire. Souvent, bien plus que la violence de leur mari, les femmes craignent que leurs enfants ne soient placs. Le professionnel doit donc rappeler au parent la ncessit de les protger. Et quand ces der-niers courent un grand danger, l information proccupante , transmise au conseil gnral ou au procureur, devient invitable. Mme quand ils nen sont que les tmoins, les enfants ptissent de ces violences. Soixante pour cent dentre eux souffrent de stress post-traumatique. Et la violence quils subissent ne sarrte pas avec la sparation du couple , relate Karen Sadlier, directrice du dpartement enfants-adolescents au centre du psychotrauma de lInstitut de victi-mologie (Paris).Enfin, en tant que maltraitance intrafamiliale, la violence conjugale devrait entrer dans le droit de la famille, juge Dominique Druais, juriste qui enseigne la facult de mdecine de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. La dnomination droit des femmes spcialise le sujet, alors quune vision densemble est ncessaire. De plus, cela laisse de ct une partie de la population . Cette approche em-pche de voir les violences dans les couples homosexuels ou envers les hommes , estime Laurent Puech. Une enqute sur la violence et les rapports de genre sera mene, en 2015, par lInstitut national dtudes dmogra-phiques. Elle inclura les deux sexes. Alors, nous pourrons travailler sur la violence qui traverse le couple , conclut le travailleur social. Emilie Lay

    (*) Support disponible sur simple demande: [email protected]; stop-violences-femmes.gouv.fr

    InStItUt En Sant GnSIqUE

    Un diagnostic et une prise en charge pluridisciplinairesLInstitut en sant gnsique a ouvert ses portes, le 6 jan-vier, Saint-Germain-en-laye (Yvelines). la structure accueille, en ambulatoire, des femmes victimes de tous types de violences, dont les violences conjugales. Son principe? Proposer une porte dentre unique et ras-sembler dans un mme lieu diffrents professionnels, afin de fluidifier et prenniser une prise en charge globale des per-sonnes. les victimes de violences sont silencieuses. on ignore quels sont leurs besoins et tout est trait dans

    le dsordre, explique le docteur Pierre Folds, cofondateur de linstitut. Pour sen sortir, elles doivent traverser un vritable parcours du combattant. au final, moins de 1% dentre elles parvient dposer plainte.a leur arrive, les femmes bnficient dun diagnostic global de leur situation. Elles sont accueillies par une infirmire, ou une assistante de service social, qui value leurs besoins, avant de les orienter vers les autres professionnels: juriste, mdecin, psycholo-

    gue. la prise en charge est anonyme et gratuite.linstitut dirige ensuite les victimes vers un rseau daval en ville. Parmi les diffrents partenaires, des psychologues libraux se sont engags sur un tarif raisonnable, par le biais dune convention, prcise Pierre Folds. Il faudrait que les sances de psychothrapie soient rembourses et que les victimes en bnficient systmatiquement, plaide Dany Hamon, infirmire. afin de sassurer de la continuit de la prise en charge, un rfrent suit chaque usagre. Il la rap-pelle rgulirement, prcise Frdrique Martz, cofondatrice et directrice de linstitut. Enfin, des professionnels locaux en contact rgulier avec les femmes (mdecin gnraliste, es-thticienne, etc.), sensibiliss la problmatique par lquipe, constituent un rseau de vigilance. notre projet est pilote, conclut Pierre Folds. Sil est valid, il sera dupliqu dans plusieurs villes du dpartement, mais aussi du pays.

    COntaCtS Tl.: 01 39 10 85 35 ou [email protected] www.institutensantegenesique.org www.facebook.com/InstitutenSanteGenesique

    26femmes ont t accueillies dans la structure, depuis son ouverture, le 6 janvier.

    7 professionnels composent lquipe

    450000 euros de budget de

    fonctionnement annuel

    Fondation reconnue

    dutilit publique