physique et géologique de la Thrace. T1 / par A.
Viquesnel...
Viquesnel, Auguste (1803-1867). Voyage dans la Turquie d'Europe :
description physique et géologique de la Thrace. T1 / par A.
Viquesnel.... 1868.
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|^ '^f ~l TOME PREMIER
DANS LA
VOYAGE DANS LA TURQUIE. ToiBE I.
«
Par une décision du 18 mars
dernier, la Société a prescrit que des
notices
biographiques seraient écrites sur ceux de
ses membres qui, décédés dans l'année, avaient
rendu des services à la science elle
consacrait ainsi un principe dont
l'application avait été jusque-là facultative.
En décidant en outre que ces notices
seraient lues dans une réunion générale, elle
a voulu donner plus de solennité à
l'expression de ses regrets par la
présence d'un plus grand nombre de ses
mem-
bres pour les partager. L'exécution
de ces mesures, dictées par un
sentiment si louable de justice et
d'affection, ne pouvait être inaugurée
dans une circonstance plus propre à
en
démontrer la parfaite convenance et l 'utilité. La
Société m'ayant chargé de rem-
plir ce pieux devoir
envers Auguste Viquesnel, je la remercie de
m'avoir fourni
l'occasion d'être une seconde fois l'interprète de son
estime pour celui qui, sur-
veillant toujours ses intérêts avec un zèle
si éclairé, montra, pour la
science comme
pour ses amis, un dévouement
et une abnégation sans bornes.
Auguste Viquesnel naquit à Cii'es-lès-Mello
(Oise), le 5 mars 1800. Son père
avait été appelé à l'Assemblée législative par
le district de Senlis. Mis en
prison
sous la Convention, il en sortit pour
remplir dans son arrondissement des
fonc-
tions administratives jusqu'à sa mort,
arrivée en 1804. L'éducation du
jeune
LA VIE ET LES TRAVAUX
D'AUGUSTE VIQUESNEL
Lue à la séatce générale annuelle de
la Société géologique de France
NOTICE
NOTICE SUR I.Y VIE El tliS TRAVAUX
Viquesnel, dirigée par une mère
a ttentive et d 'un esprit distingué, ne se
res-
sentit pas de cette triste circonstance,
et il termilla ses études au collége
de
Sainte-Barbe, d'où il sortit en 1818.
Dès son entrée dans le monde, à un âge où l'on n'a
pas d'ordinaire occasion de
prouver son désintéressement, il se s
ignala par un procédé d'une délicatesse
et
d'une générosité dont ses contemporains ont conservé
le souvenir, quoi que fit sa
modestie pour qu'on l'oubliât*, à cet
égard, la suite a tenu tout ce que
promettait
cet heureux commencement. La première période de sa v
ie fut consacrée aux
affaires qui lui réussirent, et l'union qu'il
contracta dans le même temps semblait
devoir compléter une existence où
l 'ambition n'avait aucune part.
Mais l'activité naturelle de son esprit et le
besoin d'une occupation sérieuse et
continue poussèrent bientôt Viquesnel dans une
autre voie. C'est celle où nous
allons le suivre et où se révéleront toutes
ses aptitudes et toute son énergie au
travail.
Reçu membre de la Société, le 6 mai
1833, il accompagnait l 'été suivant ses
nouveaux confrères en Auvergne et recevait, au pied
des volcalls anciens de
la France centrale, le baptême de la science
entouré des géologues de cette
époque dont il se fit bientôt autant
d 'amis. Il comprit alors que les nouvelles
études
auxquelles il allait se livrer exigeaient
quelques connaissances qui lui manquaient,
entre autres la chimie, à laquelle il s'adonna dans
un laboratoire particulier, et
qu'il cultiva pendant plusieurs années
avec cette ténacité que nous retrouverons
dans toute sa carrière scientifique.
Dans l'exposition des travaux de notre
confrère, nous ne suivrons pas un ordre
absolument chronologique, les sujets qui l
'ont surtout occupé ayant été traités
par lui à diverses reprises.
Nous grouperons ceux-ci d'après leur
nature, de
manière à faire ressortir la valeur des
résultats obtenus. Ainsi nous examinerons
successivement ceux de ses travaux qui ont trait
à diverses parties de la France,
ceux qui se rapportent à l'administration de la
Société, enfin ceux, de
beaucoup
les plus importants, qui résultent de
ses voyages en Turquie.
§ I. Travaux géologiques relatifs à la
France.
L'étude des dépôts tertiaires du bassin de
la Seine, sur leur limite
orientale,
avait été fort négligée, lorsque Viquesnel
donna en 1838 une note sur les envi-
D'AUGUSTE viquesnel.
remplis de moules et d'empreintes de coquilles
marines qui pouvaient être alors
regardées comme tertiaires. En décrivant le
plateau de la Madeleine, qui
domine
le bourg de Vertus, il en compare
la constitution avec celle du Mont-Aimé,
établit
la relation de l'assise principale celle qu'on
exploite sous le nom de pierre de
Faloise, et fait remarquer que le tout s'est
déposé dans des dépressions préexis-
tantes de la craie, dont la surface était fort
inégale. Il s'occupe ensuite
des
dépôts lacustres situés entre ce point et
Épernay, montre les calcaires et
les
marnes recouvrant les lignites avec leurs
sables et leurs argiles remplies de
coquilles les plus caractéristiques de cet
étage. Parmi ces calcaires, celui de
Grauves, sorte de brèche exploitée comme marbre dans
les carrières du moulin
Darcy, fixe particulièrement son
attention.
Pendant les voyages qu'il fit de 1840 à 1845,
Viquesnel observa, dans les Pyré-
nées, des veines saillantes de granite à
formes prismatiques, dans le massif du
Cantal, la dépression des crêtes et la
position particulière qu'y affectent les
cal-
caires lacustres, aux environs de Clermont,
les fi lons de basalte, injectés
dans
les pépérinos du Puy de Montaudou. Dans
le voisinage de Vichy, il a décrit
les
roches de transition avec les produits ignés
qui les ont traversées (fraidronite
pétrosilex, porphyre, basalte). Il s'est également
occupé des couches tertiaires
avec poissons, Cypris et tubes de Phryganes
de cette localité, au sud et au nord
de Cusset, au Vernet, le long
du Sichon, ainsi que des travertins
anciens exploités
àl'ouest de la sourcedes Célestins. Cesderniers renferment
des coquilles lacustres,
des ossements de mammifères et des pisolithes
recouvertes de dendrites, mais
que les sources actuelles ne produisent
plus.
Le t ravail le plus complet que l'on
doive à Viquesnel est celui qu'il donna
sur le terrain à combustible exploité à Mouzeil et il
Montrelais (Loire-Inférieure),
à la suite d'études faites en commun avec MM.
Audibert et Durocher, pendant
l'automne de 1842. Ce mémoire,
intéressant à plus d'un titre,
est peut-être celui
qui, dans un cadre restreint, représente
le mieux les aptitudes particulières de
notre confrère, sa manière d'observer et
de décrire les faits géologiques, enfin son
extrême sobriété de déduction à
l'égard de toute hypothèse qui n'est pas
suffi-
samment justifiée. « Si l'on parcourt » dit-il,
(des collines qui dominent la rive
gauche de la Loire,
» entre le Mesnil et Saint-Florent (Maine-et-Loire),
on rencontre le gneiss et le
» micaschiste, dont les couches suivent
généralement la direction N. 55° à
» 65" 0. magn. La grauwacke et les
schistes argileux reposent sur ces roches
en
» stratification concordante, et prennent
à leur approche un aspect de plus
en
» stratification semblent indiquer que
ces couches, de nature différente, font
» partie d'une même formation et que les caractères
minéralogiques des schistes
» cristallins doivent être le résultat du métamorphisme. » A
partir du point où l'action
modifiante a perdu toute influence, si
l'on
» s'avance du S. vers le N., de manière
à couper la direction des couches,
on
» voit la grauwacke alterner avec
des schistes argileux de diverses couleurs. On
» retrouve le même système sur la rive droite
de la Loire, entre Varade et An-
» cenis. En continuant de marcher vers le N., on
peut voir la zone à combustible,
» qui s'étend d'Ingrande à Mouzeil, se lier
intimement à ce système et s'y intercaler
» de la manière la plus claire. L'alternance
des couches à combustible avec celles
» de la grauwacke, le développement plus ou
moins prononcé de leurs diffé-
» rentes parties, la constance de l a
direction N. 55° à 65° 0. magn., celle
du
a plongement au N. 55° à 65° E.,
nous engagent à considérer les couches à com-
» bustible de la basse Loire comme un accident
du dépôt de la grauwacke dont
» la partie inférieure est passée à
l'état de schiste cristallin. »
Cela posé, Viquesnel examine
successivement l°ce qu'il nomme le système de
la grauwacke, inférieur aux couches à combustible
2° l 'intercalation de ces mêmes
couches à combustible dans ce système, démontrée
par l'étude détaillée,
minéra-
logique et stratigraphique, d'une suite de coupes
tracées du S . au N., perpendi-
culairement à la direction; 3° les caractères propres
et la disposition des couches
de charbon de Mouzeil et de Montrelais, où
existent des accidents particuliers et
certains amas, entre autres celui désigné
sous le nom de plateur, objet
d'un second
travail publié en 1848.
Après avoir aussi traité des porphyres
quartzifères qui ont pénétré à travers
les roches stratifiées, notre confrère
conclut, de l 'ensemble de ses recherches,
que
le grand système de la grauwacke des bords de la
Loire passe vers le bas aux
schistes cristallins, qu'il renferme,
comme couches subordonnées et affectant la
forme de lentilles, des quartzites, des
calcaires et des roches accompagnées de
combustible, le tout l ié de manière à ne
pouvoir constituer qu'une seule et
même
formation.
De plus, les couches à combustible ont
subi d'énergiques dislocations alors que la matière
charbonneuse était encore assez molle pour être
comme injectée par la
pression dans les fissures des roches
encaissantes déjà solidifiées. Quant aux
caractères du charbon, ils constituent
généralement une houille maigre, quel-
quefois seulement grasse et collante.
Il est peu probable, continue Viquesnel,
que ces dépôts aient été redressés
en forme de bassin, et en effet les
observations ultérieures ne sont point
parve-
D'AUGUSTE VIQUESNEL.
Quoiqu'il soit probable, ajoute-t-il, que la
grande zone à combustible se
trouve
à la partie supérieure du système de la
grauwacke, le fait n'est pas
encore
démontré, et, aujourd'hui même, ces
questions stratigraphiques et théoriques
res-
tent à résoudre, quoique l 'âge des
bancs calcaires ait pu être déterminé
à l'aide
des fossiles qu'on y a rencontrés.
Enfin les roches porphyriqucs, enclavées
dans ce même système, soit au nord,
soit au sud de la zone à combustible, sont
sorties par des fentes sans
redresser
les couches. Dans leur voisinage, celles-ci
ont conservé leur inclinaison normale
et sont plus ou moins modifiées dans leurs
caractères pétrographiques. Les roches
ignées ne paraissent pas d'ailleurs être
toutes contemporaines.
Pendant son séjour à Bagnères-de-Bigorre, en
1850 et 1851, Viquesnel fit des
recherches intéressantes aux environs de cette ville.
Des notes prises avec beau-
coup de soin, accompagnées de
profils et d'une carte géologique coloriée,
avaient été
rédigées, mais n'ont pas été publiées.
Ce fut seulement par la
communication
qu'il nous en fit que nous pûmes
insérer leur principaux résultats
dans le tome VI
de l' Histoire des progrès de la géologie (1).
Ces études portaient principalement
sur les roches fossilifères avec Bélemnites et
Pecten, de la période jurassique
qu'il avait suivies, depuis quelques
lieues à l'ouest de Bagnères jusqu'à la
vallée
d'Aure à l 'est et aux carrières de Sarrancolin.
§ II . – Travau x administratif s.
Si, quittant un instant le domaine de la
science, nous pénétrons dans celui
de
notre administration intérieure, nous
rappellerons qu'en 1843 la Société choisit
Viquesnel pour gérer ses
finances, et que l'aptitude singulière qu'i l montra
dans
les fonctions de trésorier nous le fit
connaître sous un nouveau jour
et apprécier
encore davantage. Il ne se borna pas, en
effet, à un sage emploi de nos
res-
sources, à établir l'équilibre des recettes
et des dépenses, à la tenue régulière
des registres, à accélérer les rentrées;
mais, après un r elevé de tout ce que
con-
tenaient les livres ouverts depuis quinze ans,
il dressa la statistique complète
administrative de la Société, à partir
de sa fondation. Lorsqu'on cherche à
se
rendre compte des combinaisons de chiffres fournies
par l'entrée et la sortie des
membres, par leur extinction,
et des conséquences qui en résultent
pour les
intérêts de la Société, puis par la
comparaison des recettes et des dépenses
des
budgets successifs et des éléments divers qui
les composent, et lorsqu'enfin on
arrive aux conséquences que l'auteur en
déduit pour l'avenir de notre
Associa-
(1) P. 538-541, 1856.
KOTICB SUR LA VIE ET LES TRAVAUX
tion, on reste frappé de la quantité prodigieuse
de calculs qu'il a fallu faire
pour construire ces tableaux qui
constituent un ensemble de documents complets fort
curieux, même indépendamment de toute
application. Ce travail, qui
forme
un manuscrit considérable, a été présenté à la
Société le 6 mai 1844 et déposé dans ses archives.
Un résumé assez étendu avec des tableaux
généraux a été
publié dans le Bulletin, à la fin
du XIVe volume, ou du dernier de la première
série, qu'il termine ainsi de la manière la
plus heureuse. Un complément pré- senté
le 15 décembre 1845, a été déposé
également dans nos archives pour y
être
consulté.
Par suite de cette connaissance profonde de
nos intérêts et de la bonne direc-
tion qu'il avait imprimée à toutes les
parties du service, Viquesnel dut
être
fréquemment chargé par la commission des
finances, dont il fit partie
jusqu'en
1853, du rapport annuel sur la gestion des
trésoriers qui lui succédèrent, et son
utile influence sur la marche de nos affaires a survécu
à l'exercice de ces diverses
fonctions et subsiste même encore aujourd'hui
que vingt-cinq ans se sont
écoulés.
§ III. – Travaux ëcicilOuqucii sua- la
Turq uie d'Iïn rope.
Après avoir rappelé les travaux de diverses
sortes qui assuraient à Viquesnel,
d'une part l 'estime et de l'autre la
reconnaissance de ses confrères, j'ai
hâte d'ar-
river à des titres plus sérieux encore
plus durables surtout, acquis au
prix de
plus grands efforts et de plus
longs sacrifices. C'est à la partie
orientale de l 'Eu-
rope que Viquesnel est allé les
demander, et ce n'a pas été en vain,
car aujour-
d'hui son nom est irrévocablement attaché à
toutes les connaissances géogra-
phiques, géologiques, météorologiques et
statistiques concernant la partie conti-
nentale de la Turquie située à l'ouest
du Bosphore. Dès 1836 il fait avec MM.
Boué et d e M ontalembert un voyage dans la
Servie, la haute Mœsie et la Macédoine. Deux
ans après, il en entreprend un
second avec M. Boué, dans l'Albanie,
l'Épire, la Thessalie, et com'plète
les ren-
seignements recueillis dans le premier.
Par suite, Viquesnel publia, en 1 842
et
1846, sous le titre de Journal d'un
voyage dans la Turquie d'Europe, accom-
pagné de deux cartes géologiques et
géographiques dressées avec ses documents
par le colonel Lapie, les i tinéraires
très-détaillés de toutes les routes parcourues,
complétant ainsi de la manière la plus
utile l'ouvrage qu'avait donné M. Boué
en 1840.
La première partie du Journal de
Viquesnel est divisée en quatre chapitres,
D'AUGUSTE VIQUESNELi
l'espace compris entre Belgrade, Uskiup
et Skoutari, appartiennent à des
allu-
vions récentes, au terrain tertiaire inférieur
et moyen, à la formation
crétacée,
au terrain de transition et au gneiss qui,
avec quelques roches ignées,
constituent
tous les accidents orographiques du pays.
Quant aux roches non stratifiées,
ce
sont la syénite qui atteint en Servie
le sommet du mont Kopaonik et
forme
plusieurs des parties élevées de la
chaîne, la diorite, seule ou
accompagnée de
serpentine et de roches diallagiques, la serpentine
traversant, sur beaucoup de
points, le gneiss et les couches
crétacées, des porphyres quartzifères
avec amphi-
bole, enfin des éruptions trachytiques qui
se sont fait jour aussi sur une
multi-
tude de points. Dans cette région, les couches
présentent un grand nombre de directions
qui
se coupent sous différents angles, montrant
que le sol a été accidenté et disloqué
à
plusieurs reprises. Viquesnel, qui notait
toujours avec un grand soin les
directions
et les inclinaisons, a pu, en les
combinant, mettre en évidence les systèmes
de
soulèvement qui ont donné à la contrée son relief actuel et
en distinguer en même
temps les dislocations partielles, résultats
d'accidents locaux. Il en a formé deux
tableaux dont l 'un comprend les directions qui
ont affecté les couches crétacées,
l'autre celles qui se sont manifestées dans les
roches de transition et le gneiss.
En les disposant ensuite graphiquement en rose
de directions, d'après la méthode
de M. Elle de Beaumont, il en déduit que les
six groupes ou faisceaux coïncident
dans tous deux, d'où il résulte que le terrain
secondaire, tel qu'il le comprend,
a subi les mêmes plissements que les roches
anciennes, et que tous les accidents
du sol, compris dans les limites de sa
carte, sont plus récents que l'étage
inférieur
de la craie; enfin, en terminant, il les
rattache à ceux que MM. Boblaye et
Virlet
avaient cru pouvoir établir en
Morée.
La deuxième partie du journal est
divisée en deux chapitres l'un, consacré
à la Macédoine et à la Mœsie supérieure,
conduit le lecteur d'Uskiup à Salonik,
en lui faisant traverser plusieurs fois
les chaînes de montagnes qui séparent
ces deux points; l 'autre donne la description
de l'Albanie méridionale. Les prin-
cipaux résultats de ce mémoire peuvent
se résumer ainsi, relativement aux
schistes cristallins, au terrain de
transition, aux dépôts crétacés et tertiaires
et
aux roches supposées d'origine ignée. Les schistes cristallins et
le terrain de transition occupent le
tiers environ de
la contrée comprise dans les limites de la
carte. Ce sont des calcaires grenus, des
dolomies saccharoïdes, des grès et des
schistes argileux sans traces de corps
organisés, alternant avec destalcschistes et d'autres
schistes cristallins auxquels ces
roches passent insensiblement. Souvent le gneiss
le mieux caractérisé renferme
NOTICE SUR LA VIE E T L ES T RAVA UX
aussi l'auteur pense-t-il que le
gneiss de la Macédoine doit ses caractères
cristallins à des actions métamorphiques. Les couches que Viquesnel
rapporte à la formation crétacée occuperaient
une
moitié de cette même surface, ou la totalité du
pays compris entre la côte de
l'Adriatique et les terrains précédents.
Les calcaires à Hippurites, prolongement
de
ceux du Pinde, sont, en Macédoine, compactes, subgrenus,
quelquefois dolo-
mitiques, avec des couches subordonnées de schistes
argileux et de grès.
On sait, comme nous l'avons rappelé ailleurs
(1), qu'à l'époque où Viquesnel écrivait ce
mémoire, tous les géologues associaient
à la formation crétacée les
couches nummulitiques des Carpathes, des
Apennins, des Alpes, des Pyrénées
et
même le macigno et le flyschqui les
surmontent. Il en était ainsi pour ce que
l'on avait
dit jusque-là du Caucase, de la
Crimée, de la Turquie d'Europe et de la
Grèce.
Ce n'était donc pas avec des observations
faites dans un pays encore aussi
peu
exploré que notre confrère pouvait se
rallier à l'opinion soutenue depuis long-
temps par quelques paléontologistes
français, mais qui ne devait
triompher
définitivement qu'en 1.849 par la
publication du mémoire de sir R.
Murchison.
A l'ouest de la. bande crétacée précédente,
les assises caractérisées par des
Nummulites constituent une partie
de l'Albanie et de l 'Epire. Quoiqu'au pied
méridional du Gabar-Balkan, les couches
nummulitiques reposent en stratification
discordante sur les calcaires à rudistes,
Viquesnel en conclut seulement la posté-
riorité des premières aux seconds et
pense que, dans la Servie,
l'Albanie et le
massif du Pinde, les Nummulites sont
elles-mêmes associées aux Hippurites, opi-
nion due sans doute, comme toutes les
assertions analogues, à une confusion de
genres ou à des relations stratigraphiques mal
comprises encore ou mal inter-
prétées. Les dépôts tertiaires moyens
constituent des bassins dans les dépressions du
sol
secondaire. Ils ont été parfois redressés
jusqu'à des altitudes d'environ
1000 mètres, et sont caractérisés
par les fossiles marins propres à
cette période.
Quant à ceux de la formation
supérieure, ce sont, le plus
ordinairement, des sédi-
ments lacustres, des conglomérats et des
travertins dus à des sources thermales
ayant surgi non loin des éruptions trachytiques. Les roches
non stratifiées du même pays sont des
granités à gros grains, for-
mant deux protubérances principales recouvertes
de gneiss qui passe aune diorite
schistoïde. Dans leur voisinage se montrent de
nombreux filons de granite à
petits grains, de pegmatite, de
pétrosilex et d'hyalomicte. La
syénite forme une
crête peu élevée à l'est de Doubnitza et sur
d'antres points. La diorite, que dans
(1) Paléontologie de l'Asie Mineure,
Introduction, p. vi, 1806.
Voyage «ahs LA TURQUIE, – Tome I.
S
la première partie de son Journal
Viquesnel regardait comme un produit
des
mêmes éruptions que la serpentine et
l'euphotide, avec lesquelles elle est
associée,
ne se présente point ici dans les mêmes
circonstances et y est moins fréquente.
La protogine constitue un massif
depuis le défilé de Vlaka jusqu'à
la vallée du
Partzélista et atteindrait plus de 2000 mètres
d'altitude aux environs de Monastir.
La serpentine et l'euphotide se
montrent rarement dans cette région, et les
roches
trachytiques de la Servie, de la Bosnie
et de la Haute-Moesie n'occupent que
des
espaces très -limités comparativement à
leur développement dans la Macé-
doine.
Les rapports observés par Viquesnel
entre les roches d'origine ignée et
les
roches stratifiées lui font admettre que
le granite, la syénite et la diorite
qui les
accompagne n'ont redressé par
leur apparition que les schistes cristallins.
La
protogine, la serpentine, l'euphotide et
les diorites associées à ces dernières
auraient soulevé les couches crétacées,
et nous ajouterons les couches tertiaires infé-
rieures. Enfin les trachytes, dont les
premières éruptions sont antérieures aux dépôts
tertiaires moyens, ont continué à s'épancher après
la formation de ceux-ci.
Comme précédemment, notre confrère s'est
appliqué à coordonner les systèmes
de dislocations dont il avait observé les
directions; il en a dressé des tableaux
et
a déduit de l a comparaison de ceux-ci,
que le sol ancien du pays a
conservé les
traces de sept phénomènes dynamiques distincts,
mais dont une partie seulement
se retrouve dans les roches secondaires et
tertiaires. Les directions N. 37° 0. et
N. 15° à 23° 0., si profondément
gravées sur les couches crétacées avant les
dépôts tertiaires, se sont reproduites dans
ses derniers, de manière à prouver
la
récurrence de phénomènes dus à la
persistance des causes internes sur les
mêmes
points ou suivant les mêmes lignes. De
même, les trachytes sont arrivés au
jour
dans des parties du sol déjà fendillées
par des commotions antérieures et
acci-
dentées par les injections de diverses
roches. Enfin comme la première partie
encore, Viquesnel termine celle-ci par
la comparaison et le rapprochement des
directions qu'il a déterminées dans ces provinces
avec celles qu'ont signalées les
auteurs de la géologie de la Morée.
Tels sont les principaux résultats, déjà
fort importants, comme on en peut
juger, que notre confrère obtint de ses deux
premiers voyages dans le sud-est
de l'Europe. Bien d'autres à sa place s'en
fussent trouvés satisfaits; heureux
même d'avoir posé de tels jalons
pour guider leurs successeurs. Mais,
comme
tous les vrais hommes de science, il se
préoccupait bien moins d e ce qu'il
avait
fait que de ce qui restait à faire; aussi,
loin de se laisser rebuter par
les fatigues et les sacrifices de
toutes sortes, inséparables de telles excursions
dans des contrées
KOTICE SUK LA VIE ET LES TRAVAUX
précédentes par une étude spéciale
de l a presclu'ile de Thrace. Dans ce
but, il
sollicita une mission particulière de M. le
ministre de l'Instruction publique,
l 'obtint, et, armé de sa boussole, de son
baromètre et de son marteau, il reprit, au
commencement de 1847, la route de
Constantinople, où il arriva très-
souffrant.
Par un singulier hasard, il y avait
alors dans cette ville quatre voyageurs
étrangers, attirés par leur zèle et
leur dévouement à la science, et
tous quatre aussi retenus par les
fièvres, suite de la fatigue et de
l'influence du climat.
C'étaient deux Français, un Anglais et un
Russe. Ils étaient impatients de se
mettre en voyage, malgré les prudents
conseils de leur médecin commun. Le
premier qui transgressa les
prescriptions de la Faculté, quoique le
plus malade, fut un des Français. Il traversa
l'Asie Mineure, l'Arménie, visita le nord
de la
Perse et vint succomber à Ispahan, le 28 août 1848.
C'était Hommaire de Hell,
que beaucoup d'entre nous ont connu et dont nous
avons déploré la fin préma-
turée, qu'un excès de travail préparait
depuis longtemps. Le voyageur anglais
partit aussi, dans les mêmes conditions,
et ne revint pas non plus. Le
voyageur russe fut plus heureux; il
était au début d'une exploration de l'Asie
Mineure,
qu'il poursuivit jusqu'en 1863, et qui
fut couronnée d'un plein succès; c'était
notre savant ami et confrère, M. Pierre de
Tchihatcheff. Enfin le quatrième,
que son énergie soutint également,
était celui à qui la Société me permet en
ce
moment de consacrer un dernier souvenir.
Auguste Viquesnel accomplit son projet d'exploration
de la Roumélie ou de
l'ancienne Thrace, du 20 mai 1 847 au 2
janvier suivant. Il parcourut la
chaîne
côtière de la mer Noire, le plateau
situé entre cette chaîne, la mer de
Marmara,
la mer Egée e t le cours inférieur de la Maritza
puis le massif du Rhodope tout
entier, de manière à rattacher ses anciennes
observations aux nouvelles, et à
embrasser dans ses études une large zone allongée
de l'O. à l'E., et comprise
entre l'Adriatique et le Bosphore. De retour au
printemps de 1848, notre confrère
s'occupa de la mise en œuvre
des nombreux matériaux qu'il avait rapportés,
et qui furent tous donnés au
Muséum d'histoire naturelle pour la
collection de géologie. Il se mit ensuite à
rédiger son grand ouvrage intitulé Voyage
dans la Turquie d'Europe ou des-
cription physique et géologique de la Thrace,
puis à dresser les cartes de l 'atlas
qui devaient accompagner le texte. Mais
les lenteurs inséparables d'une aussi
vaste publication, dont il ne devait
malheureusement pas voir la fin,
l'engagè-
rent à donner successivement plusieurs
notes où il exposait certains résultats
particuliers de ses recherches et quelques
vues générales. Nous devons
d'autant
D'AUGUSTE VIQUESNEL.
important, que ce sont les seules données géologiques
qu'il ait publiées lui- A
même.
L'une des plus intéressantes se rapporte à
un sujet qui a souvent occupé les
naturalistes et les géographes, depuis Tournefort
et Pallas jusqu'à MM. de
Ver-
neuil, Virlet, Boué et Dubois de Montpéreux, savoir
l'ancienne relation des
eaux de la mer, situées au nord et au sud de
la Thrace. Dans sa note sur l'empla- cement
du Bosphore, pendant l'ère nummulitique, Viquesnel,
s'appuyant sur
les observations d'Hommaire de Hell et sur
celles qu'il fit lui-même le long de la
mer Noire, des îles Cyanées au cap
Karabournou, puis autour du lac d e
Derkos,
conclut que, lors de la formation des dépôts
tertiaires inférieurs, dans le bassin
de la mer Noire et celui de la Thrace, le
Bosphore actuel n'existait pas, et
les
communications entre les deux mers se trouvaient à l'ouest
du canal. La rive asia-
tique du Bosphore de cette époque était
formée par des roches de
transition (dévo-
niennes) et l a rive européenne par les
schistes cristallins. Quant aux roches
pyroxéniques du pays, les plus
anciennes sont antérieures aux dépôts
nummu-
litiques. Le détroit dut être fermé après la
formation de ceux-ci, et l'ouverture
de celui que nous voyons aujourd'hui aurait eu
lieu après l'époque quaternaire,
au commencement de la période actuelle.
On trouvera ci-après l'indication de plusieurs
autres notes que Viquesnel
rédigea sur les collections qu'avait recueillies
Hommaire de Hell dans la Roumélie,
puis en Asie jusqu'au Démavend. Ces notes
font connaître ce que la science doit
à ce courageux et infortuné voyageur;
mais nous devons insister ici sur le résumé
que Viquesnel donna en 1853 des observations
géographiques et géologiques faites pendant ce
même voyage de 1847, parce que c'est
ce qu'il a écrit lui-
même de plus général sur ce sujet.
Après avoir indiqué les sources où il a
puisé les documents qui lui ont servi
à
construire sa carte de la Thrace il
décrit rapidement les principaux carac-
tères orographiques de la chaîne côtière de la mer
Noire, ceux du bassin
hydrographique de l 'Erghénée, rempli de
dépôts tertiaires et quaternaires et
occupant les trois quarts de l'espace qui sépare
la chaîne précédente et le Rho-
dope. Il esquisse à grands traits la
chaîne côtière méridionale ou du golfe
de
Saros, le massif du Rhodope lui-même, d'où
descendent la Maritza et le Strymon; il
distingue la vallée transverse du Nestus et la
vallée longitudinale de l'Arda.
Il signale également les bassins moins
importants des affluents de ces rivières et
des cours d'eau qui se jettent
directement dans la mer Égée.
Passant à ses études géologiques, Viquesnel
mentionne, entre cette mer et le
Pont-Euxin, les roches stratifiées,
comprenant des schistes cristallins, le
terrain
NOTICE SUR LA VIE E T LE S
TRAVAUX
koup à Philippopoli, dirigé du S. 0.
au N. E., sur une longueur de 27
lieues,
montre bien la constitution géologique d'un
puissant massif de schistes cristal-
lins, interrompus çà et là par des
éruptions trachytiques. Les roches de
transition,
tertiaires et les produits ignés des rives du
Bosphore et des environs de Constan-
tinople ayant été l'objet d'une note antérieure,
l'auteur s'occupe ici des couches
crétacées qui ne se montrent que sur trois
points aux environs de Kostendil,
gisement qui se rattache aux dépôts contemporains de
la Bulgarie, décrits pré-
cédemment dans son Journal, puis les deux
lambeaux de Kila et d'Inada sur
le
littoral de la mer Noire.
Les dépôts nummulitiques entourent, d'une ceinture
souvent interrompue, les
parties sud, est et nord du mont Rhodope.
Ils existent sur les deux versants de la
chaîne côtière de la mer Noire,
et constituent une partie des collines
qui dominent
le li ttoral de l 'ancienne Propontide. Pendant leur
formation, les plaines actuelles
de la Maritza et de l'Erghénée avaient
l'aspect d'un golfe bordé de
schistes cristallins. La mer Égée et
celle dé Marmara étaient comprises dans
un
même bassin qui communiquait avec le Pont-Euxin
par le détroit dont nous
venons de parler, ouvert à l 'ouest de
Constantinople. La coupe de Nébil-Keui, dans
la vallée de F Arda, à 15 lieues
à l'ouest d'An-
drinople, montre les dépôts de cette période
avec une épaisseur de 100 mètres
seulement et reposant sur les trachytes, tandis que
celle du mont Saint-Élie, sur
le lit toral de la mer de Marmara, les fait voir à
une altitude de 700 mètres recou-
verts de dépôts lacustres avec gypse, parallèles à
ceux de l'Asie Mineure. Dans
le massif du Sérian-Tépé, au S. O., les
couches très-redressées, reposent
sur
les quartzites et les talcschistes et,
le long de la base méridionale de la chaîne
côtière, elles sont tantôt horizontales,
tantôt relevées. Au sud du lac de Derkos,
elles forment le sommet de collines basses,
constituant le prolongement de la
chaîne côtière de la mer Noire, pour
recouvrir à l'O. les schistes
cristallins,
comme à l'E. ceux de transition.
Les sédiments tertiaires moyens se sont ensuite
formés dans des lacs ou des
lagunes situées entre cette même chaîne côtière
au N. et le massif du Rho-
dope au S. Ce sont des grès,
des maeignos des mollasses, des marnes
ou
argiles, des calcaires marneux peu épais
avec des conglomérats arénacés et tra-
chytiques. Entre la mer de
Marmara et la v allée de la Maritza, ces
dépôts sont
plus ou moins inclinés, et ils
atteignent 900 mètres d 'alti tude dans les montagnes
d'Achiklar; partout ailleurs ils se
maintiennent entre 200 et 300 mètres.
Dans la vallée de la Maritza, dans
celle de l'Erghénée et jusqu'aux
portes de
D'AUGUSTE VIQUESNEL.
cédents. Quant à ceux de l'époque
quaternaire, on les observe dans les
parties
sud du Rhodope, à 200 mètres au-dessus du f ond de la
vallée et sur beaucoup
de plateaux entre cette chaîne et la mer
de Marmara. Ils existent sur les
collines
de transition des environs de Constantinople,
sans pénétrer pour c ela dans
la
dépression même ou sur les rives immédiates du
Bosphore, ce qui confirme l'opi-
nion émise relativement à l'ouverture très-récente de
ce canal.
Jusqu'à présent, nous ne sachions pas que
des traces d'anciens glaciers
aient
encore été constatées dans ces contrées montagneuses
de la Turquie d'Europe, pas
plus que dans l'Asie Mineure, et
i l est remarquable également qu'aucun débris
des grands mammifères quaternaires n'y a été
non plus authentiquement annoncé.
Parmi les roches non stratifiées, ignées ou
cristallines que signale Viquesnel, nous mentionnerons le
granite dans le Rhodope et l a c haîne
côtière de l a mer
Noire, mais y occupant des surfaces
peu étendues. Dans le Rilo-Dagh il
atteint
2500 à 3000 mètres d'altitude. Vers la source
du Nestus, il est très-développé.
Cette roche a d'ailleurs surgi à diverses époques.
La syénite affecte des gisements
analogues. On l'observe à Samakov, au
pied du Rilo-Dagh, et un autre gisement,
situé à 6 lieues de la mer Noire, est
remarquable par la présence d'une
grande
quantité de fer oxydulé titanifère.
Le porphyre quartzifère se montre assez
rarement en dykes et en filons dans
les schistes cristallins la serpentine
également. Les trachytes abondent dans
le
Rhodope et sont rares au contraire dans la chaîne
côtière de la mer Noire. La
variété la plus remarquable, par
sa fréquence et la diversité de ses gisements, est un
porphyre trachytique quartzifère. La plus
grande alti tude de ces roches
est au sud de Philippopoli, où elles
atteignent 2161 mètres. Leur éruption,
qui
a précédé les dépôts tertiaires
inférieurs, s'est continuée après. Les
mélaphyres
sont dans le même cas, et les basaltes sont
très-rares dans la Turquie d'Europe;
Viquesnel n'en ayant observé qu'en un seul
point, aux environs de Tchorlou et
fort loin des éruptions trachytiques.
Des faits que nous venons de rappeler, notre
confrère a pu conclure que le
Rhodope et la portion de la chaîne côtière de
la mer Noire qu'il a parcourue ont
formé des îles jusqu'à l'époque tertiaire.
Aucun sédiment de transition ni secon-
daire ancien ne l es a recouverts mais des
affaissements partiels ont permis
aux
roches crétacées de se déposer au nord-ouest et
peut-être au sud-est du Rhodope, comme sur
quelques points du littoral de la mer
Noire. Après la période
crétacée,
des dislocations ont préparé le golfe nummulitique
et la mer tertiaire a pu
péné-
trer jusqu'au cœur du
massif montagneux précédent. Les rivages de
la mer Égée
NOTICE SUR LA VIE E T L ES T I5A VAU X
Rhodope continuait à dominer au-dessus
des eaux. De nouveaux mouvements
du sol ont mis fin à cette première série de
dépôts tertiaires le relèvement du
fond a diminué l'étendue du golfe, et,
à en juger par les
fossiles, l'aurait trans-
formé en un ou plusieurs lacs d'eau
saumâtre. Enfin des dislocations subséquentes ont
également réagi sur la
distribution et les caractères des sédiments tertiaires
supérieurs et quaternaires. Nous arrivons maintenant à
l'œuvre capitale de notre confrère mais
quoique
beaucoup plus étendue que tout ce qui
précède, son examen ne nous tiendra pas
longtemps, car ce qui en a été publié par
lui ne se rapporte pas précisément aux sciences dont
s'occupe la Société, et ce qu'il y
a de véritablement important dans les résultats géologiques
de ses recherches se trouve compris dans ce que nous
venons de dire.
A partir de 1855, la
publication du Voyage dans la Turquie
d'Europe ou des-
cription physique et géologique de l a
Thrace a marché sans interruption, et un
volume complet grand in-4° de 636 pages,'
accompagné d'un atlas in-folio de
34 planches, a pu être exécuté
complétement sous les yeux de l'auteur. Ce
volume n'est à proprement parler que
l'introduction du vaste travail auquel il
s'était v oué avec une ardeur et une persévérance
sans égales. On n'y trouve,
en effet, que des sujets accessoires
qui ne devaient pas entrer dans le plan
pri- mitif de ses études ni de ses recherches locales.
Mais Viquesnel les a traités avec
un tel soin, avec un tel désir de compléter
son œuvre, en y introduisant tout
ce
qu'il croyait devoir en éclaircir les diverses
parties, qu'on ne sait si l 'on doit
regretter cette extension de travail,
bien qu'elle l'ait évidemment détourné du
sujet principal que le temps ne lui a pas
permis de publier lui-même.
Dans cette première partie de son livre,
Viquesnel consacre vingt -trois chapitres à l
'histoire de l'empire ottoman, à l'ethnographie
de ses diverses races en Europe, à tout
ce qui concerne la population, la statistique,
l'administration, la religion, la propriété,
l'instruction, les finances,
l'agriculture, l'industrie et le commerce.
Dans un Appendice divisé en cinq chapitres,
il jette un coup d'œil sur
quelques
points de l'histoire générale des peuples
slaves et de leurs voisins les Turcs et
les
Finnois. °
La lecture de ce volume fait naître à la fois
un étonnement profond et une
véritable admiration par l 'immensité des
recherches de toutes sortes auxquelles l'auteur a
dû se livrer, comme par l'énergique
persévérance qu'elles ont exigée dans des voies
si diverses. La bonne disposition des
matières, la clarté et la
fermeté du style qui a tous les caractères qui
conviennent à l'histoire ne sont
pas non plus ses moindres mérites.
D'AUGUSTE VIQUESNEL.
du grand atlas que Viquesnel a pu
amener à bonne fin. Ces vingt
itinéraires
détaillés, reproduits graphiquement sur autant
de feuilles à l'échelle de 1BO>0oo%
réunis ensuite dans un tableau
d'assemblage au ^535-, puis la carte
géographique
générale de la Thrace et des provinces
voisines au gôpôô,- synthèse complète de
toutes ses recherches dans cette
direction, les planches de profils
orographiques
et géologiques, la carte particulière du
Rhodope, les cartes ethnographiques et
politico-historiques sont autant de témoignages
de ses études profondes et variées.
Mais à cette impression d'une
juste estime pour d'aussi rares mérites
vint
bientôt se mêler une pensée
douloureuse, celle que de tels
résultats n'avaient été
obtenus qu'au prix d'un travail
excessif, d'une tension trop continue de la
pensée
sur le même sujet, qui, altérant
peu à peu la santé de
notre confrère, avaient
préparé et avancé sa fin. Nous le
perdîmes, en effet, après une
courte maladie,
le 8 février 1867 (1).
Viquesnel, qui avait été nommé
plusieurs fois l 'un de nos vice-présidents,
fut
appelé en 1858 au fauteuil de la
présidence. Il était depuis 1853 membre de
la
Société philomathique, et avait été en 1
852 l 'un des fondateurs les plus zélés
de
la Société météorologique de France dont il
fut président en 1862.
Au milieu des regrets de toutes sortes dont
nous sommes ici l'interprète, il en
est encore un qui fut vivement senti
par ceux d'entre nous qui accompagnèrent
notre ami à sa dernière demeure, c'est
qu'après tant de travaux, de
sacrifices,
de dévouement, de services rendus à
son pays et à l 'étranger, après une
exis-
tence entière si honorable à tous égards,
sa tombe ne fût pas ornée du plus
simple
ruban. Sans doute Viquesnel s'était toujours
montré plus jaloux de mériter
les
récompenses que de les obtenir; mais
n'était-il pas de ceux que le
Pouvoir s'ho-
norerait d'aller chercher au milieu de
leurs travaux, lorsque, par un
excès de
modestie, qui n'est qu'un mérite de
plus, ils ne vont pas au-devant de
lui?
Quoi qu'il en soit, notre
confrère, par sa volonté toujours
dirigée vers le même
but, par sa pensée
constamment occupée à approfondir les
sujets d'étude qu'il
avait choisis, a su se créer des titres
solides et vrais, qu'il ne doit qu'à
lui seul
et qui lui survivront dans la
science comme lui survivront dans le cœur
de ceux
qui l'ont connu les sentiments qu'il y
a fait naître.
Rappellerai-je actuellement les qualités de
l'homme après avoir parlé de celles
du savant? Ce serait peut-être courir
le risque de demeurer au-dessous
des im-
pressions et des souvenirs de ceux qui
ont pu les apprécier, et je
ne me flatterais
pas d'en donner une idée complète à ceux
qui n'ont pas eu cet avantage.
Son
KOTICH SUR LA VIE ET LES TRAVAUX
D'AUGUSTE VIQUESNEL.
caractère si égal, ses relations si sûres,
son obligeance si parfaite, ses
manières
simples et franches, l'absence de toute
préoccupation personnelle, donnaient
à
son commerce un agrément particulier qu'on ne
saurait oublier.
Enfin, en retraçant ici quelques-unes des
phases de cette carrière si bien
remplie, quoique brisée avant le temps, quelques-uns
des résultats de ces recher-
ches qui assurent à notre regretté
confrère un rang bien honorable dans l'histoire
de la science, nous ne devons pas
omettre non plus de rappeler ce
calme et cette
fermeté qu'il conserva jusqu'à ses derniers
moments avec toute la lucidité de son
intelligence. Aussi cette sérénité si parfaite,
témoignage de la force dont il avait
donné tant de preuves, fut pour
ceux qui l 'entouraient de leurs soins
affectueux,
et surtout pour la compagne de sa
vie, une consolation qu'il semblait leur avoir
réservée pour adoucir encore,
autant qu'il dépendait de lui, la
douleur de l a
séparation (1).
(1) Madame Viquesnel a voulu que
l'œuvre à laquelle son mari avait
consacré un temps si considérable
ne restât point inachevée, et e lle cont inue la
publication du deuxième volume du
Voyage dans la Turquie
d'Europe. Les manuscrits laissés par
Viquesnel et confiés aux soins de quelques amis,
heureux de lui
donner cette dernière preuve d'attachement,
sont exactement reproduits et
comprennent la météo-
rologie, le nivellement barométrique de la
Thrace (calculé par M. Parfis),
les itinéraires géographiques, la
géologie descriptive et la paléontologie
(par M. d'Archiac).
LISTE BIBLIOGRAPHIQUE
DES PUBLICATIONS D'AUGUSTE VIQUESNEL
Nota. A l'exception de sou Voyage dans la
Turquie d'Europe, les publications de
Viquesnel ont été insérées dans
des recueils scientifiques, et nous
préférons, à un ordre chronologique absolu,
un ordre chronologique relatif
pour
chacun de ces recueils.
Bul le tin de la Socié té géologique de
Franee, in-S°.
1" SÉRIE.
Tome IX, p. 296, 21 mai 1838. Mention
d'une communication sur la
géologie de la Turquie
d'Europe. – Ibid., ibid. Note sur les environs
de Vertus (Marne). – XIII, p. 15,
8 novembre 1841. Sur le marbre tertiaire
de Grauves.
XIV, p. 53, 7 novembre 1842.
Mention de veines saillantes prismatiques
de granite dans les
Pyrénées. C a 1 et sur la
– Ibid., p. 132, 19 décembre. Remarques
sur la dépression des crêtes dans
le Cantal et sur la
position des calcaires lacustres.
LISTE BIBLIOGRAPHIQUE DES PUBLICATIONS
D'AUGUSTE VIQUESNEL.
VOYAGE D AN S L A T l TE Qt lE . ToMK I.
C
2" SÉRIE.
Tome I, p. 70, 4 d écembre 1813. Note
sur l e terrain, à combustible exploité à
Mouzeil et à Montrelais
(Loire-Inférieure), rédigée par M. A.
Viquesnel, d'après les observations qu'il
a faites avec
MM. Audibert et Duroeher. Une planche de
coupes.
– Ibid., p. 272, 19 février
1844. Réponse à des observations de M.
Rivière.
– Ibid., p. 410, 6 mai.
Communication de la statistique administrative
de la Société.
– Statistique administrative de la Société géologique
de France, depuis l'époque de
sa fondation, en 1830, jusqu'au 31
décembre 1843 (Résumé par l
'auteur du texte manuscrit déposé dans
les archives de la Société; 1844, 54 pages
imprimé à part pour être joint
au dernier
volume de la première série du
Bulletin). Tome 11, p. 327, 17 mars IS'
iS. Notesur une géode de glace remplie
de liquide, et sur quelques-unsdes
phénomènes que présentent la congélation
de l'eau et la fusion de la
glace dans des vases de
petite dimension par MM. Danger
et Viquesnel.
III, p. 15, 3 novembre 1845. Description des
filons de basalte injectés entre les coziches de
pépé- rino du Puy de Montaiidou, en
Auvergne.
– Ibid., p. 145. Rectification à la note
précédente.
– IV, p. 426, 18 janvier
1847. Remarques relatives aux roches crétacées
de Gonzinié (Haute- Albanie).
– VI, p. 12, 6 novembre 1848. Nouvelles
preuves dit déplacement de la matière
charbonneuse, pos- térieurement au dépôt
des terrains et combustible.
VII, p. 250, 18 février 1850. Rapport
sur la gestion du trésorier pendant l'année
1849.
– Ibid., p. 491, 6 mai 1 850. Notice sur
la collection de roches recueillies en Asie
par feu Ilom-
mairc le Hell, et sur les divers travaux
exécutés pendant le cours de son voyage. Ce
travail
est un juste hommage rendu à la mémoire d'un
courageux pionnier de la science, et
qui donne une idée sat isfaisante des résultats de
recherches restées probablement inconnues
sans ce travail de Viquesnel.
– Ibid., p. 514. Note sur
l'emplacement du Bosphore à l'époque du dépôt
du terrain nummuli-
tique. – VIII, p. 220,17 février
1851. Rapport sur la gestion du trésorier
pendant l'année 1850.
– Ibid., p. 482, 2 juin
1851. Observations sur les alluvions aurifères des
cours d'eau de l a
Turquie d'Europe, et sur les exploitations auxquelles
elles ont donné lieu.
Ibid., p. 508, 16 juin. Extrai t
d 'une lettre sur les environs de
Constant inople adressée à
M. Degousée. L'auteur indique les
caractères et la distribution du t errain de
transition,
du terrain tertiaire, des dépôts quaternaires
et des roches ignées autour de cette
capitale.
Ibid., p. 515. Note sur la collection
de roches recueillies en 1846 par feu Hommaire
de ilell,
sur le littoral européen de la mer Noire. C'est le
complément du travail précédent.
IX, p. 208, 16 juin 1S52.
Rapport sur la gestion du trésorier pendant
l'année 1851.
X, p. 279, 7 février 1853. Rapport sur
la gestion du trésorier pendant l'année
1852.
Ibid. p. 4-54, 16 mai 1833.
Résumé des observations géographiques et géologiques
faites en 18477
dans la Turquie d' E urope accompagné d'une planche
de coupes.
XI, p.*17, 7 novembre 1853. Remarques
sur les dépôts de lignite
tertiaire supérieur d'Agat-
chili, sur le littoral de la mer Noire.
Ibid., p. 297, 6 mai 1854.
Rapport sur la gestion du trésorier
pendant l'année 1853.
XII, p. 11, 6 novembre 1854.
Présentation de la Carte de la Thruce,
d'une partie de la Macé-
doine et de la Mœsie, 1 f. 1 854.
– Ibid. p. 36, 20 novembre 1854. Pré