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Théodore Gudin, « Débarquement à Sidi-Ferruch », Archives d'Algérie. L'aventure des peintres de l'Expédition d'Alger en juin 1830 Marion Vidal-Bué L orsque les Français prennent pied sur la terre d'Afrique, en juin 1830, ils ouvrent certes une page de l'his- toire de France, mais aussi, accessoire- ment, une page de l'histoire de la peintu- re. Cette conquête qui se terminera bien douloureusement aura eu au moins une conséquence bénéfique dans le domaine artistique : elle aura contribué à donner un nouveau souffle à un nombre très important de peintres français et même étrangers dont l'oeuvre s'enrichit d'un exotisme et d'une lumière incompa- rables; elle aura de plus permis l'éclo- sion, sur le sol de cette contrée qui deviendra l'Algérie, de multiples talents voués à en célébrer toutes les beautés. Enfin, les fruits de cette période sont encore manifestes aujourd'hui dans un pays où, auparavant, la tradition isla- mique prohibait le développement d'un art pictural qui s'y exprime désormais avec force. En cette première moitié du xixe siècle, en pleine époque romantique, le désir de l'Orient était plus que jamais présent dans les esprits français, amplement

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  • Théodore Gudin, « Débarquement à Sidi-Ferruch », Archives d'Algérie.

    L'aventure des peintresde l'Expédition d'Algeren juin 1830

    Marion Vidal-Bué

    L orsque les Français prennent piedsur la terre d'Afrique, en juin 1830,ils ouvrent certes une page de l'his-toire de France, mais aussi, accessoire-ment, une page de l'histoire de la peintu-re. Cette conquête qui se terminera biendouloureusement aura eu au moins uneconséquence bénéfique dans le domaineartistique : elle aura contribué à donnerun nouveau souffle à un nombre trèsimportant de peintres français et mêmeétrangers dont l'oeuvre s'enrichit d'unexotisme et d'une lumière incompa-rables; elle aura de plus permis l'éclo-

    sion, sur le sol de cette contrée quideviendra l'Algérie, de multiples talentsvoués à en célébrer toutes les beautés.Enfin, les fruits de cette période sontencore manifestes aujourd'hui dans unpays où, auparavant, la tradition isla-mique prohibait le développement d'unart pictural qui s'y exprime désormaisavec force.

    En cette première moitié du xixe siècle,en pleine époque romantique, le désir del'Orient était plus que jamais présentdans les esprits français, amplement

  • motivés depuis les fastueuses réceptionsd'ambassadeurs orientaux par LouisXIV, par le goût des turqueries dévelop-pé sous Louis XV et, surtout, par la cam-pagne d'Égypte de Bonaparte et la guer-re d'indépendance de la Grèce.

    Le nom d'Alger ne quittait guère ledevant de la scène depuis des lustres, leshistoires de corsaires et de bataillesnavales en répression de leurs méfaits serépétaient sans arrêt, provoquant desrêves de rivages mystérieux et de palaisenfermant des harems voluptueux.

    Aussi, lorsque fut décidée l'Expéditiond'Alger, les candidats artistes pourl'aventure ne manquèrent-ils pas, et cer-tains durent-ils intriguer pour en fairepartie. Désireux d'immortaliser cet évé-nement important de son règne, dans lapleine tradition française qui conservaitpar la peinture le souvenir des grandesbatailles, Charles X avait fait engagerplusieurs professionnels dans les naviresde l'expédition, dont le commandementen chef était, comme on le sait, assurépar le général comte de Bourmont, futurmaréchal de France et alors ministre dela Guerre, le commandement de la flotterevenant au vice-amiral Duperré.

    Pierre-Julien Gilbert (1783 -1860), unBrestois spécialiste de marines qui étaitprofesseur de dessin à l'École de laMarine royale, avait été nommé peintreofficiel de l'expédition. Il avait pris placetout naturellement à bord du vaisseauamiral, la « Provence » et avait commen-cé ses travaux par un « reportage extra-ordinaire et précis des préparatifs de laflotte dans le port de Toulon »Ainsi que le rappelait récemment leconservateur-adjoint du musée national

    de la Marine de Toulon, il y avait vrai-ment de quoi s'enflammer, à la vue des600 navires qui couvraient littéralementla rade de Toulon, et devant l'embarque-ment des 17000 hommes et 3800 che-vaux qui devait durer une semaineentière, du 11 au 25 mai, date de l'appa-reillage sous « les regards émerveillésdes Toulonnais venus assister au spec-tacle » (2) .Gilbert devait exposer, dès son retour, auSalon de 1831 à Paris, deux sépiasacquises par l'amiralDuperré: « Débarquement de l'Arméefrançaise à Sidi-Ferruch » et « Attaquedes forts et batteries d'Alger par l'annéenavale ». Le musée de Brest reçut endépôt une « Attaque du môle d'Alger » etune « Vue du port et du môle pendant lebombardement », tableaux appréciéspour « leur exactitude et leur exécutionconsciencieuse », tandis que le musée deNancy accueillait un « Débarquement ».

    Un autre artiste, beaucoup plus jeunemais déjà bien en vue depuis une pre-mière exposition remarquée au Salon de1822, Théodore Gudin (1802-1879),avait été nommé « Peintre attaché audépartement de la Marine » pour la cir-constance. Il rapportera d'Alger de quoienthousiasmer ses contemporains etconquérir une réputation qui fera delui « l'ami des princes et des rois », l'undes artistes préférés de Louis-Philippe:celui-ci le nommera baron et le chargerade commémorer les épisodes glorieux del'histoire navale française pour sonmusée historique de Versailles. Égale-ment dans ses bagages,des « Souvenirs », dont l'un des plusmarquants sera, le jour de l'aborda-ge, « l'épouvantable tempête qui avaitéclaté tout d'un coup » (3) .

    1- BARON (Cristina), L'Algérie et les peintres de la Marine, in catalogue du 38' Salon de la Marine, Musée natio-nal de la Marine, Paris, mai - septembre 2003.2 - BARON (Cristina), op. cit. p. 8.3 Souvenirs du baron Gudin, peintre de la Marine (1820-1870), publiés par Edmond Béraud, Paris, 1921.

  • En parfait artiste romantique attaché auculte des passions, Gudin aima par-des-sus tout représenter les tempêtes et lesnaufrages; ainsi parmi ses tableaux lesplus remarqués de cette campagned'Afrique venait en bonne placele « Coup de vent du 16 juin à Sidi El-Ferruch » (Musée national de laMarine), « poétique et réel, un vraitableau d'histoire » selon le critique Jaldans son compte-rendu du Salon de

    argentée. Il devait récidiver dans cetteveine dramatique avec notammentun « Coup de vent du 7 janvier 1831 dansla rade d'Alger » (musée de l'Armée,Hôtel national des Invalides, Paris),un « Naufrage d'un brick français sur lacôte d'Afrique », 1830, et l'« Explosion duFort-l'Empereur (4 juillet 1830) ».Les spectateurs de son fameuxtableau, « Camp de Staouéli le jour dudébarquement de l'Armée française,

    Théodore Gudin,

  • Fils d'un miniaturiste et peintre de por-traits, fort apprécié et bien en cour,Eugène Isabey (1803-1886) encore à sesdébuts, dut sans doute à la célébrité deson père sa nomination de « dessinateurde l'Expédition d'Alger ». Il y réaliserades dessins panoramiques et des aqua-relles d'une grande finesse techniquequ'il développera par la suite excellem-ment et avec grand succès d'estime.Dans son irremplaçable Iconographie his-torique de l'Algérie, Gabriel Esquer, quieut accès à un maximum de documentsde par ses fonctions d'archiviste biblio-thécaire du Gouvernement général etd'administrateur de la Bibliothèquenationale d'Alger, rapportaitqu'Isabey, « servi par l'influence pater-nelle I... I s'efforça de tirer le plus rapide-ment possible parti de ses croquis decampagne », offrant au Dauphinune « Vue générale de la ville de Toulonet de la flotte française », qui fut aussitôtlithographiée, puis exposant dès la finde juillet au Musée Colbert d'autres des-sins sous le titre général de « Panoramad'Afrique » ( 6) .Toujours selon Esquer, Isabey avait réali-sé un autre panorama de la campagnecomprise entre Torre Chica à Sidi-Ferruch et Sidi Khalef. Ses dessinsd'Alger conservés en collections privéesprivilégient les aspects extérieurs de laville depuis la mer, ses remparts, ses bas-tions et ses faubourgs, nous léguant destémoignages aussi précis qu'artistiquessur les lieux qu'il explorait avec l'armée.Gudin et Isabey furent compagnons devoyage sur le « Duquesne ».

    Leur confrère Antoine-Léon Morel-Fatio, (1810-1871), un Havrais quideviendra le représentant le plus connu

    de l'école de peintres de marines deGudin, sera nommé peintre officiel de laMarine en 1854, et à la fin de sa carrière,premier conservateur du musée de mari-ne installé au Louvre. Il n'avait que vingtans en 1830: se trouvait-il à bord de l'undes navires de la flotte, ou bien se rendit-il à Alger par la suite? Plusieurs de sesoeuvres de chevalet appartenant à descollections particulières sont datées de1833, une « Rue de la Casbah », toile degrandes dimensions passée en ventepublique en 1997, entre autres. En toutcas, après une toile de factureclassique, « Bourmont et Duperré sur levaisseau amiral en vue d'Alger, 1830 », ilpeignit de façon magistrale et exposa auSalon de 1837: « Vue d'Alger pendantl'attaque de l'amiral Duperré le3 juillet 1830 » (Musée historique deVersailles).Comme Gudin, son maître, Morel-Fatios'illustrera particulièrement dans legenre dramatique, avec des oeuvrescomme « Naufrage des bricks « leSilène » et « l'Aventure » (1830)ou « Tempête dans le port d'Alger », unetoile importante acquise par l'État auSalon de 1856 et offerte par Napoléon IIIau musée municipal d'Alger à l'occasionde son deuxième voyage en 1865. Elle ydemeura jusqu'en 1927, selon FernandArnaudiès, avant d'aller orner le cabinetdu gouverneur général de l'Algérie (7).

    Mais de cet artiste comme des autres, lessensibles aquarelles nous renseignent etnous touchent aujourd'hui bien davanta-ge que les tableaux officiels. En effet, cesgrandes toiles peintes en atelier, auretour, restaient conventionnelles malgréleurs effets dramatiques, tandis que lescroquis pris dans la fièvre de la décou-

    6 - ESQUER (Gabriel), Iconographie historique de l'Algérie depuis le xvi' siècle jusqu'en 1871, Plon, Paris, 1929 (troisvolumes, planches noir et couleur), p. 10 - Réédition en fac-similé sous le titre L'Algérie en images, Bibliothèquedes Introuvables, Paris, 2002.7 - ARNAUDIÈS (Fernand), Esquisses anecdotiques et historiques du Vieil Alger, éd. A. Barthélémy, Avignon, 1990,p. 163.

  • verte ou dans le tumulte de l'action, lesaquarelles qui conservent la fraîcheur del'impression immédiate, constituentpour nous des témoignages autrementpassionnants.Ainsi, pour Morel-Fatio, la gouachereprésentant « Le Marché Bab-Azoun »datée 1833, ou bien la « Mosquée desKoulougli à Alger » et la « RueBabazoun » qu'il exposa au Salon de1834, ou encore pour Gudin, la précieuseaquarelle immortalisant l'aspect de laville des corsaires vue de la mer en 1830,posée « comme une aile de mouette » surla colline et dominée par le Fort-l'Empereur 0 ).

    Ils étaient jeunes, ils se dépensaient sanscompter, enthousiasmés par l'exotismed'une contrée qui hantait depuis long-temps leur imagination et qui ne lesdéçut pas.« Bien que des caricatures malicieusesles représentent en ancêtres de Tartarin,affolés par les lions et les serpents, cesjeunes gens, « favoris de tous lesbivouacs, bienvenus de toutes lestentes », se faisaient remarquer, aucontraire, par leur intrépidité insoucian-te: « Partout où il y avait un paysage àsaisir, une scène militaire à retracer, uneffet de lumière à surprendre, on étaitsûr de les rencontrer », racontaitNettement, l'un des premiers historiensde cette aventure (9) .

    Gabriel Esquer mentionnait les rivalitéspersonnelles qui ne tardèrent pas àmettre la discorde dans le petit groupe,mais rappelait-il : « Ces artistes s'adaptè-rent fort bien à leur existence nouvelle.

    Ils ajoutèrent même parfois au pitto-resque de la vie des camps, celui descharges d'atelier. Un témoin nousmontre Gudin parcourant le plateau deStaouéli après le combat du 17 juin,juché sur un gros et lourd cheval, arméd'un sabre, d'un pistolet d'arçon et d'unelance de dix pieds. Quoique privés de cestimulant que la bataille procure au sol-dat, ils firent bonne contenance On lesvit partager les fatigues et la soupe dutroupier, accompagner les colonnes enquête d'un effet, d'une pose, d'un sujetde tableau à saisir » ( 10). Esquer rappor-tait aussi ces phrases d'un témoin desévénements, J.-T. Merle, secrétaire dugénéral de Bourmont: « Que de peines etde soins a coûté à Isabey son panoramade la presqu'île de Sidi-Ferruch! J'ai vuGudin, sous des torrents de pluie,prendre l'esquisse de la tempête » (11).

    Tournié de Belville et FerdinandWachsmuth (1802-1869) se joignirent augroupe. Le second, peintre et graveurformé auprès du baron Gros, âgé de 28ans à son arrivée, demeura plusieursmois ou années en Algérie, et y continuases études si l'on en croit la notice duComité du Vieil Alger à l'occasion del'importante « Exposition iconogra-phique rétrospective du Vieil Alger » quieut lieu en 1942 et où l'une de ses litho-graphies en couleurs, « Le Jardin duSérail », appartenant au grand collec-tionneur algérois Eugène Robe, étaitexposée (12) . Esquer confirmait d'ailleursdans son Iconographie queWachsmuth « était resté bien après sescamarades ».Wachsmuth, que Merle décrivit comme

    8 - Voir reproduction in Alger et ses peintres, 1830-1960, Marion Vidal-Bué, éd. Paris-Méditerranée, 2000, p. 91.9 - NETTEMENT (Alfred-François), Histoire de la conquête d'Alger, écrite sur des documents inédits et authentiques,Lecoffre, Paris, 1856 - Réédition en 1867 et en 1870.10 - ESQUER (Gabriel), op. cit., p. 9.11 - MERLE (1.-T.), Anecdotes pour servir à l'histoire de la conquête d'Alger, Paris, 1831, p. 161.12 - Exposition organisée à Alger à l'occasion du Congrès des maires de France. La rubrique « chercheurs » del'algérianiste nous a transmis une copie manuscrite du catalogue par Amaudiès.

  • Ferdinand Wachsmuth, « Le camp français devant Alger », lithographie.

    esquissant avec passion ses croquis « àl'ardeur du soleil et souvent sous lesballes des Arabes aux avant-postes » (13),exposa deux tableaux au Salon de 1833:une « Vue prise à Staouéli, Arabes prèsd'une fontaine », et un « Épisode de l'ex-pédition d'Alger ». Le catalogue duSalon que cite Esquer décrit ainsi cettedernière toile: « Le 4 juillet 1830, jour dela prise du Fort-l'Empereur, un officierfrançais s'étant écarté fut pris par lesBédouins qui se disposaient à lui tran-cher la tête, lorsque l'explosion du Fortles mit en fuite. Le moment représentéest celui où les Arabes, avant de lui por-ter le coup mortel, frappés de sa conte-nance impassible, lui adressent les der-nières insultes » (14).Cette description pourrait semble-t-il

    s'appliquer au tableau daté 1833 nousreproduit page 86, intitulé sur le cata-logue de la vente publique où il fut pro-posé: « Militaire français interrogé parun dignitaire algérien ».Sur place, Wachsmuth s'attacha àpeindre la vie des camps militaires pen-dant les campagnes d'Afrique: ainsi pré-senta-t-il au Salon de Paris en 1841 « Lavivandière en Afrique », « Une cantiniè-re », ou « Le Camp français ». Il fut éga-lement l'auteur de scènes plus typique-ment algériennes qui témoignaient de savision du pays avec, par exemple « Uncaravansérail » proposé en 1844, ouencore de lithographies bien diffuséespar les journaux de l'époque, commecette « Famille arabe » assez pittoresque:dans une scène destinée à toucher, le

    13 - Merle, cité par Jean Adhémar in La France romantique: les lithographies de paysages au xix' siècle, Somogy Édi-tions d'Art, 1997 (réédition illustrée du texte de 1937), p. 42-43.14 - ESQUER (Gabriel), op. cit., p. 11.

  • père assis devant un rocher surmonté depalmiers nains s'entretient avec sonjeune fils et la mère de celui-ci jolimenthabillée, une corbeille de fleurs poséedevant eux. L'artiste alsacien fut nommépar la suite professeur de dessin à l'Éco-le de Saint-Cyr.

    Mais là ne s'arrête pas la liste, plusieursautres artistes professionnels ayant éga-lement pu vivre l'aventure. Leur doyenétait sans doute Louis-Philippe Crépin,(1772-1851), considéré comme l'un desmeilleurs spécialistes de marines en sontemps, qui s'était formé auprès deJoseph Vernet, et avait à son tour été lemaître, entre autres, de Pierre-JulienGilbert. Crépin, dont plusieurs oeuvresfigurent dans les collections du muséehistorique de Versailles, se joignit à titreprivé au convoi et revint en France avecles sujets de cinq toiles illustrant ledébarquement à Sidi-Ferruch et les com-

    bats navals qu'il exposa au Salon de1834.Le peintre de marines et lithographemarseillais Philippe Tanneur (1796-1873), un élève d'Horace Vernet qui avaittravaillé auprès d'Isabey, obtint l'autori-sation de s'embarquer avec ce dernier (15) .On constate avec ces exemples à quelpoint ces artistes spécialisés formaientune confrérie dont les éléments évo-luaient dans un même circuit, au fil desgénérations.S'était en outre joint au convoi, selonCristina Baron, Louis Garneray, (1783-1857) titulaire du titre de « Peintre pourles marines du Grand amiral de France »depuis 1817 (16) : « Sa présence au sein ducorps expéditionnaire d'Algérie semblepourtant avoir été officieuse, et due à desintrigues », remarquait François Bellecdans une récente étude sur les Carnets devoyages des Peintres de la Marine (17). Lacuriosité de Garneray, auteur renommé

    FerdinandWachsmuth,

    « Militaire fran-çais interrogé par

    un dignitairealgérien »,

    huile sur toiledatée de 1833,70,5 x 98 cm.

    15 - ADHÉmAR (Jean), op. cit., p. 42-43 et GUIRAL (Pierre), Marseille et l'Algérie, 1848 à 1870, in Revue Africaine,tome C, année 1956, p. 450.16 - BARON (Cristina), Les peintres officiels et l'Algérie, in catalogue de l'exposition « Lumineuse Algérie sous leregard des peintres de marines », Musée national de la Marine, Toulon, juin - décembre 2003, p. 7.17 - BELLEC (F.), Carnets de voyages des Peintres de la Marine, éd. Marine Nationale - Sirpa Marine/Ouest-France,Rennes, 2002, p. 37.

  • Alexandre Genet, « Faubourg Bab-Azoun, 1830 », Bibliothèque nationale d'Alger.

    mier débarquement, il sollicita la per-mission de revenir deux ans plus tard,pour un séjour prolongé qui lui permitde mettre au point unspectaculaire « Panorama d'Alger ». Iln'en reste malheureusement que peud'éléments, mais l'ensemble dut vérita-blement créer un événement frappantlorsqu'il l'ouvrit au public, le 17 février1833. « D'une façon à laquelle personne,jusque-là, n'avait pensé », Langlois avaitjuxtaposé circulairement dans une vasterotonde aménagée à cet effet, une sériede toiles représentant tous les aspectscaractéristiques de la ville, à l'intérieurcomme à l'extérieur, afin de reconstitueravec le maximum de fidélité à l'intentionde ses contemporains la cité telle que latrouvèrent les conquérants de

    21 - Ibid.22 - ESQIJER (Gabriel), op. cit., p. 14.

    1830. « L'écran panoramique du cinémade nos jours n'est que la redécouverte deLanglois, dont les « Panoramas » d'il y aplus de cent cinquante ans eurent unsuccès mondial », écrivait à ce sujet leconservateur des Archives de la ville deCaen où sont conservées ses oeuvres (21) .

    Les oeuvres d'Alexandre Genet deBelloc (1799-1850) constituent de nosjours la mine la plus féconde de rensei-gnements artistiques sur le pays dont ilparcourut différentes régions. Attachécomme peintre-dessinateur au cabinetdu ministre de la Guerre, adjoint à la bri-gade topographique, il était notammentchargé de préparer les actions destroupes en dessinant les vues des princi-paux points à occuper. Genet prit part à

  • la campagne d'Alger comme lieutenantau 30e de ligne, et livra un nombre consi-dérable de dessins et d'aquarelles, dontbeaucoup furent lithographiés, sur lessites de la ville et des environs. L'intérêtde son art vient de ce qu'il ne se limitaitpas aux seuls besoins militaires et à lasèche description des lieux: aussi sen-sible par nature que précis par nécessité,il animait ses lavis et ses aquarelles depersonnages fort bien campés, faisantapprécier une vision personnelle origi-nale, attachante, d'une civilisation arabequ'il observait avec bienveillance.Capitaine à la Légion étrangère, puis au51e de ligne, il a séjourné en Algérie du14 juin 1830 au 30 octobre 1831, et refaitdeux autres campagnes de 1833 àjuin 1835 et de novembre 1835 àmai 1837, se déplaçant à Bône, Mascara,Tlemcen et Constantine, exécutant par-

    tout ses petits tableaux irremplaçables.Durant l'expédition de Mascara, nous ditGabriel Esquer en citant les lignes dufutur maréchal Canrobert, on vitGenet « par n'importe quel temps,accroupi sur une pierre et prenant desnotes sur un grand album. Il était tou-jours accompagné d'un affreux mori-caud monté sur un mulet et dont leslongues jambes, maigres et velues, pen-daient négligemment à terre. Il tenait lecheval du capitaine lors de ses arrêts etlui servait de guide » (22) .Très apprécié pour son talent par le res-ponsable du Dépôt de la Guerre, le géné-ral Pelet, Genet fut chargé en août 1839de composer pour le Roi un certainnombre d'aquarelles des batailles de1814 et de quelques-unes des campagnesde la République.

    En conclusion, nous regretterons avecGabriel Esquer que les oeuvres de tantd'artistes professionnels n'aient pasconnu une fortune plus importante.Celles qui ont subsisté sont fort peuaccessibles au public. « On est frappé deleur petit nombre. Il semble bien que lamoindre partie des croquis pris entre le25 mai, date du départ, et la fin juillet, aitété utilisée par leurs auteurs. D'autrepart, des projets formés ne furent pasréalisés. Le tableau sur la prise d'Algerque Charles X avait demandé au baronGérard ne vit jamais le jour, de même, larelation de la campagne que Jal se pro-posait de publier avec des dessins deGudin. La révolution de Juillet, enouvrant un champ nouveau aux préoc-cupations et à la curiosité du public,détourna les artistes de tirer de leursétudes d'Afrique des œuvres quiauraient paru être la glorification d'unrégime dont ils n'avaient plus rien àattendre » (23) .

    •23 - ESQUER (Gabriel), op. cit., p. 11.

  • Bibliographie:

    Nous signalons que dans son n° 10 de mai 1980, l'algérianiste a publié une bonne partie de la bibliographie éta-blie par Charles Taillard sur les ouvrages se rapportant à la conquête de l'Algérie.Lire également L'Algérie romantique des officiers de l'armée française, 1830 -1837, d'Isabelle Bruller, dessins de lacollection du ministre de la Défense, SHAT, 1994, et les ouvrages de Marion Vidal -Bué comportant de nom-breuses reproductions de tableaux: Alger et ses Peintres, 1830 -1960, et L'Algérie des Peintres, 1830-1960, éd. Paris-Méditerranée.

    Liste des oeuvres reproduites dans L'iconographie historique de l'Algérie, deGabriel Esquer:

    - Alexandre Genet: très nombreuses planches, à Alger, Bône, Mascara, etc...

    - Pierre-Julien Gilbert:- « Débarquement de l'Armée française devant la baie de Sidi-Ferruch, côted'Alger, 14 juin 1830 » (pl. LXXXVII). La lithographie comporte en légen-de: « Le 14 juin 1830, le vice-amiral Duperré ordonne le débarquement de l'Arméeexpéditionnaire sur la plage de Sidi-Ferruch. L'opération commencée à quatre heureset demie est complètement terminée à midi ».- « Attaque des forts et des batteries d'Alger (3 juillet 1830) » et « Attaque dumôle d'Alger (3 juillet 1830) », huiles, (pl. CV).- « Le môle d'Alger pendant le bombardement », (pl. CVII).- « Le port d'Alger » (un navire en construction devant les bâtiments del'Amirauté), (pl. CXXXIX).

    - Théodore Gudin:- « Naufrage d'un brick français sur la côte d'Afrique, 1830 », (pl. LXX).- « Attaque d'Alger par mer », (pl. CX).- « Explosion du Fort-l'Empereur » (pl. CXII).

    - Eugène Isabey:- « Vue de la rade de Toulon » et « Panorama du camp de Sidi-Ferruch » (sixfeuilles mises bout à bout), (pl. LXXII).- « Camp des Arabes à Staouéli » (pl. XCVIII).

    - Antoine-Léon Morel-Fatio:- « Bourmont et Duperré sur le vaisseau amiral en vue d'Alger » (pl. LXXXV1).- « Naufrage des bricks le « Silène » et « l'Aventure » (1830) » (pl. LXX).- « Oran, route du Figuier » (pl. CLXX).

    - Ferdinand Wachsmuth:- « Défense d'une batterie turque à Sidi Kalef le 24 juin » (pl. XCV).- « Le camp français devant Alger » et « Scène du camp français » représen-tant un officier français recevant un chef arabe (pl. XCIX).- « La famille arabe » (pl. CXXXIX).- « Porte Bab-el-Oued, 1830 » (pl. CXLII).

  • d'innombrables tableaux d'histoire et demarine inspirés par des voyages surtoutes les mers du globe, montre à quelpoint cette Expédition d'Alger mobilisaitles esprits, toutes générations confon-dues.

    Enfin, venaient dans les rangs de l'arméeet de la flotte les artistes militaires, lesuns dûment mandatés par le ministèrede la Guerre, comme le lieutenantAlexandre Genet, les autres partis à titrepersonnel, comme le colonel d'état-major Jean-Charles Langlois, deux per-sonnalités dont l'oeuvre en Algériecompte à coup sûr parmi les plus pas-sionnantes de l'époque.Gabriel Esquer avait également recenséles peintres militaire. Officier d'état-major également, et peintre profession-nel, Antoine de Gazeau dit Tancrède deLabouère (né en 1801), qui envoya auSalon différentes « Études » et untableau, « Alger, vue prise de la route deBlida », avec cette légende: « Après unsiège meurtrier, le dey ayant capitulé etle drapeau blanc ayant été arboré sur laville et les forts, les troupes des princi-pautés se retirent. Celles du bey d'Oransuivent la route de Blida, emportant leneveu de ce chef, blessé grièvement dansun des combats que la division Des Carseut à soutenir pendant cinq jours contrela presque totalité de l'Armée algérien-ne, avant l'investissement de la ville » (18).Le Musée d'Angers conservait cinq deses toiles sur l'Algérie, l'Égypte etl'Espagne.Artistes amateurs : « le lieutenantLetouzé de Longuemar, du 1" régimentde marche; le lieutenant Dumoulin, dugénie; le capitaine de vaisseau deVilleneuve-Bargemont, commandantla « Didon » et vraisemblablement

    d'autres que nous ignorons ». Letouzé deLonguemar fit comme volontaire la cam-pagne d'Afrique et, blessé au combat,resta sur place jusqu'au 12 août 1831,date de sa nomination comme capitai-ne. « Il dessinait vite, avec beaucoupd'adresse et de sincérité, ses nombreuxcroquis nous ont conservé l'aspect del'Alger turc en 1830 et celui de monu-ments qui ont pour la plupart disparu ».Du lieutenant Dumoulin, il existait dansla collection du D' Lucien Raynaud, rap-porte encore Esquer, « sept carnets cou-verts de croquis lestement enlevés, faitspendant la traversée et la campagne ».Le capitaine de vaisseau de Villeneuve-Bargemont avait appris quant à lui lapeinture avec le Toulonnais VincentCourdouan, « Ses deux vues de Sidi-Ferruch, son croquis d'Alger constituentpar leur fidélité et les dates auxquelles ilsfurent exécutés (juin-juillet 1830) de pré-cieux documents » (19) .

    Le colonel Langlois, (1789-1870) pourrevenir à lui, était devenu peintre debatailles par passion et par expérience:ayant fréquenté les ateliers de Girodet,Gros et Horace Vernet, il s'était d'abordconsacré à la glorification des bataillesde Napoléon dont il avait brossé devastes panoramas après y avoir partici-pé, puis avait exposé avec grand succèsun « Panorama de Navarin », résultat desa présence à la campagne de Grèce en1828. Il se fit mettre hors solde pourvenir à ses frais « se joindre à ses jeunescamarades de la campagne d'Afriqueet « apprécier dans toute sa valeur l'ex-pédition », ayant déjà dans l'idée sonprojet sur Alger, de « faire revivre, defaire sentir, de restituer l'ambiance, decréer l'émotion » ( 25). Ayant pris quantitéde croquis et d'études lors de son pre-

    18 - ESQUER (Gabriel), op. cit., p. 10 et 11.19 - ESQUER (Gabriel), op. cit., p. 12.20 - B. d'Ymouville, conservateur des Archives de la ville de Caen, « Le musée Langlois, Jean-Charles Langlois,colonel et peintre d'histoire militaire du Premier et du Second Empire e.

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