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archives.vosges.fr LIVRET D’EXPOSITION

archives.vosges · Voler est un rêve très ancien pour l’humanité . Toutes les civilisations anciennes ont fait de ce qui vole un mythe : dans le panthéon égyptien, Isis est

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archives.vosges.fr

L I V R E T D ’ E X P O S I T I O N

S o m m a i r e

Le mot du Président . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

Introduction, par Delphine Souvay . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .4

les lieuxL’aérostation avant guerre, par Nicole Roux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6

Les airs mis en scène, par Alexandre Laumond . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .8

Des terres pour le ciel, par Alexandre Laumond . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .10

La saga de Juvaincourt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

Le développement industriel, par Delphine Souvay . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

les hommesLe colonel Renard, scientifique visionnaire, par Delphine Souvay . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

L’homme à la cigogne blanche : René Fonck, par Alexandre Laumond . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

Les pionniers, par François Petrazoller . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

les conflitsPremière Guerre mondiale : la fascination pour l’aviation, par Anne Fouray . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .22

Première Guerre mondiale : la menace du ciel, par Anne Fouray . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .24

L’aviation et la Seconde Guerre mondiale, par Anne Fouray . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .26

La grande vague des OVNI, par Alexandre Laumond . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .28

Commissariat et remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

r ien ne prédestinait les Vosges à devenir

une terre d’élection pour l’aviation .

Certes, les ressources en bois et autres richesses ont attiré

les industries aéronautiques, et de nombreux Vosgiens ont apporté des progrès

décisifs à l’art de voler (le colonel Renard, né il y a 170 ans,

mais aussi Hubert Curien, parmi bien d’autres) . Mais ce sont les guerres des XIXe

et XXe siècles et la rivalité avec les voisins allemands puis soviétiques

qui ont transformé le territoire en une terre d’expérimentation, et sillonné le ciel

vosgien de centaines d’aéronefs de tous genres, des ballons primitifs

jusqu’aux appareils les plus récents et performants .

L’exposition des Archives départementales rassemble de très nombreux Vosgiens

(associations, institutions, particuliers, enseignants) autour de la riche

et turbulente histoire de l’aéronautique, mais vous invite aussi, par le biais

des très nombreuses animations associées, à construire une fusée,

monter vous-même un aéroplane en réalité virtuelle,

ou encore piloter un drone .

Belle découverte à tous !

François Vannson

Ancien Député des Vosges,

Président du Conseil départemental

Découvrez le programme completdes animations en demandant

le Carnet de bord de l’expositionou en vous rendant

sur www.archives.vosges.fr

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PrésidentL E M O T D U

Voler est un rêve très ancien pour l’humanité . Toutes les civilisations anciennes ont fait de ce qui vole un mythe : dans le panthéon égyptien, Isis est une divi-nité ailée . Les Chinois, inventeurs des cerfs-volants, racontent l’histoire des habitants de Ki Kouang et de leurs chars volants . Les premières montgolfières auraient, quant à elles, été créées au Cambodge . Plus proche de nous, dans la civilisation occidentale, Dédale et Icare, s’envolant vers le ciel pour quitter le Labyrinthe, ont inspiré de nombreux artistes et scien-tifiques . Les premières études connues sont celles de Léonard de Vinci, mettant à profit l’observation du vol des oiseaux pour élaborer des transpositions méca-niques au service de l’homme .

Tout au long du XVIIIe siècle, des hommes vont défier le ciel : vers 1742, le marquis de Bacqueville se serait lancé au-dessus de la Seine et aurait atterri sur un bateau-lavoir . En septembre 1757, John Childs se jette du haut d’une église de Boston . Mais ce sont les frères Joseph et Étienne Montgolfier qui vont marquer les esprits . La première démonstration d’un aérostat à air chaud a lieu le 4 juin 1783 à Annonay (Ardèche) . Le vol suivant a lieu à Versailles devant Louis XVI . Le bal-lon, auquel on avait suspendu une cage renfermant un coq, un canard et un mouton pour vérifier que l’air était respirable en altitude, tombe à Vaucresson (Hauts-de-Seine), où Jean-François Pilâtre de Rozier le retrouve le premier .

Ce dernier, accompagné du marquis d’Arlandes, effectue le premier vol habité le 21 novembre 1783 . Pendant 20 à 25 minutes, ils parcourent une dizaine de kilomètres, le feu étant alimenté par des bottes de foin . D’autres techniques sont expérimentées comme le gaz hydrogène, par le physicien Jacques Charles pour le vol du 27 août 1783 . Le ballon finit sa course à Gonesse (Val-d’Oise), où la population, effrayée, le réduit en morceaux . Le vol du 1er décembre 1783 dure, quant à lui, deux heures et cinq minutes .

L’Armée s’intéresse à ces nouvelles techniques . La pre-mière compagnie d’aérostiers est créée le 2 avril 1794 et installée au petit château de Meudon . C’est là que sont élaborés les premiers aérostats d’observation, et que sont formés leurs utilisateurs .

Tout au long du XIXe siècle, des expérimentations conduisent à la création de ballons dirigeables munis d’hélices et de moteurs . Il faut toutefois attendre la fin de la guerre de 1870-1871 pour qu’une vraie volon-té politique mène à la création de la commission des aérostats militaires, qui réactive l’établissement de Chalais-Meudon . Sa gestion sera confiée au colonel Charles Renard (1847-1905) en 1877 .

Si l’aérostation prend son envol, l’aviation n’en est qu’à ses balbutiements . Le 9 octobre 1890, Clément Ader (1841-1925) est le premier homme à voler à bord d’un aéroplane dénommé l’Éole . 13 ans plus tard, les frères Wright effectuent, les premiers, un vol sur appareils à moteur le 17 décembre 1903 en Caroline du Nord, donnant le coup d’envoi d’une véritable épopée…

introduction

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Le Patriote illustré (5 juin 1910) Arch. dép. Vosges, JPL 1119/1

Vol d’une montgolfièreà Versailles (1783),Histoire de l’aéronautique, édit. L’Illustration, p. 12 Collection Patrice Guyot

Ballons captifs français à la prise de Hong-Hoa au Tonkin (1884)(représentation d’une peinture annamite du Musée de l’armée)Histoire de l’aéronautique, édit. L’Illustration, p. 124Collection Patrice Guyot

Expérience de vol par M. Démeryà Plombières-les-Bains [1900-1914]Collection André Georges

Qui ne connaît les frères Montgolfier et leur première expérience aérostationnaire de 1783 ? Pourtant ces ballons, se déplaçant au gré des vents, n’avaient qu’un usage d’agrément .

Il faudra attendre un siècle pour qu’ils se perfec-tionnent en ballons captifs à des fins militaires, sous l’impulsion notamment du capitaine Charles Renard . Ce Vosgien met en place, dès 1877, à Chalais-Meu-don, un centre d’études et d’instruction . C’est ainsi qu’en 1885, un ballon captif est accueilli à La Gosse, à Golbey, où se crée un parc à ballons . Avec l’arri-vée des dirigeables, développés à la fin du XIXe siècle, plus volumineux encore, mais qui utilisent des hélices pour ne plus dépendre des vents dans leurs déplacements, le parc déménage sur le plateau de La Louvroie après promulgation d’un décret d’utilité publique du 1er juin 1909 . Construit entre 1910 et 1912, ce parc est composé d’un casernement, d’un château d’eau et d’un premier hangar, puis d’un second .

Il répond à un développement important de l’aérosta-tion militaire : en 1900, quatre compagnies d’aéros-tiers sont créées dans les quatre premiers régiments de génie à Versailles, ainsi que huit compagnies de campagne et quatre de place (Verdun, Toul, Épinal et Belfort) . Chaque place-forte est dotée de six ballons captifs . Cependant, dès 1911, les compagnies de cam-pagne sont supprimées et vers 1913 celles des places n’étaient plus alimentées en matériel .

C’est à la même époque, en 1909, que naît l’aviation militaire française, création officialisée par la loi du 29 mars 1912, faisant de la France le premier pays à s’équiper d’avions de combat . Dès lors, les dirigeables sont logiquement associés à l’Armée de l’Air .

Le capitaine Saconney poursuit néanmoins son tra-vail d’observation en ballon captif, secondé par le sous-lieutenant Tourtay . Grâce à son acharnement, la section spinalienne est la première à s’éloigner de son port d’attache le 28 août 1914 à 40 kilomètres sur la Mortagne, faisant binôme avec l’artillerie lourde . Elle poursuit sa mission de développement et de promo-tion de l’usage militaire du ballon captif : repérage des batteries ennemies, réglage et contrôle des tirs amis, surveillance du secteur .

Selon les journaux de marche, la 30e compagnie d’aé-rostiers provenant d’Épinal ascensionne 3 468 heures entre le 28 septembre 1914 et le 11 novembre 1918, et effectue dans le même temps 1 369 observations de tir .

Telle est la part prise par l’aérostation militaire dans la Première Guerre mondiale, décrite en 1922 par le gé-néral Hischauer dans sa préface de l’Historique des 1er et 2e Régiments d’aérostation d’observation pendant la campagne 1914-1918 .

Si l’aérostation française joue un rôle précurseur à la fin du XIXe siècle et rend de notables services pen-dant la Première Guerre mondiale, elle ne survit pas à l’après-guerre, dépassée par la technologie des avions .

L’aérostation avant-guerre

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Le Domaine de l’air, ballons, cerfs-volant et dirigeables[début XXe siècle] Arch. dép. Vosges, 106 Fi 7

Construction des hangars de La Louvroie [1912]. Arch. dép. Vosges, 148 Fi 718

Le Capitaine Ferber en manœuvre, dirigeable stationné sur la place-forte d’Épinal [1912-1914], Arch. dép. Vosges, 148 Fi 727

Les hangars de La Louvroie [1913-1945]Collection particulièreAssociation Fortiff’Séré

Travaux à Dogneville,4 hangars

pour aéroplanes (1912)Arch. municipales

Épinal, 1 J 25

Juillet 1922, terrain de Dogneville : près de 50 000 personnes se pressent pour assister au premier grand meeting aérien en France de l’après-guerre . On a peine à imaginer l’engouement du grand public pour l’aviation à ses débuts, attraction popularisée par la presse et les exhibitions organisées dans tout le dé-partement .

Cette passion se manifeste depuis l’extrême fin du XIXe siècle lors des grandes fêtes aérostatiques ci-viles . Sortant de leur domaine militaire, des ballons libres gonflés au gaz de ville, souvent sponsorisés par des journaux, sont alors mis en scène devant une foule rassemblée, par exemple, à l’occasion de l’anni-versaire du « baptême de l’Amérique », à Saint-Dié, ou bien du 32e congrès de la Ligue de l’Enseignement à Gérardmer . Bien qu’évoluant dans un cadre purement militaire, les dirigeables suscitent la même curiosité, ainsi celle des Vittellois happés en 1913 lors de l’atter-rissage du Capitaine Ferber sur l’hippodrome .

L’aviation exerce une fascination identique . Dès 1909, la presse se fait l’écho avec enthousiasme des vols réalisés lors de l’exposition aéronautique de l’Est, à Nancy et, lorsque les cinq premiers biplans arrivent sur le terrain de la place-forte d’Épinal, on s’y amasse pour les admirer . On exalte alors le côté aventurier des aviateurs, ces « hommes-oiseaux » qui font le spec-tacle, comme en témoigne ce lieutenant qui atterrit avec son Blériot sur le lac gelé de Gérardmer en 1914 .

Les meetings de l’entre-deux-guerres tentent de mo-difier cette image de sport dangereux en promouvant l’aviation civile, sans jamais oublier, néanmoins, ses potentialités militaires . Relayant l’Armée, l’Aéro-Club des Vosges joue un rôle clef . Plongeant ses racines à Saint-Dié, véritable berceau de l’aviation dans le département, il se reconstitue en 1922 à Épinal sous la présidence du capitaine Fonck et multiplie les exhi-bitions . On convie désormais parachutistes et pilotes, civils et militaires, français et étrangers, afin d’offrir au public une palette variée d’activités : pilotage de diri-geables et de ballons sphériques, circuits des Vosges et courses entre aérodromes — Strasbourg-Épinal, Épinal-Vittel . . . —, combats aériens et concours d’acro-baties, sauts en parachute et baptêmes de l’air, et même démonstrations de bombardement et vol en

formation d’unités militaires, en particulier par l’esca-drille des Cigognes qui s’est illustrée durant la Grande Guerre .

Certaines de ces manifestations permettent de pré-senter les nouveautés aéronautiques . En 1937, à Dogneville, on vient ainsi voir un autogire, l’ancêtre de l’hélicoptère . Une fascination illustrée de nouveau dans les années 1980 lorsque la foule vient observer le Concorde sur la piste de Juvaincourt . Aujourd’hui, loin du bruit des moteurs et des performances tech-niques, on assiste à un retour au calme et à la quié-tude des ballons comme en témoignent les Montgol-fiades, rassemblement national aérostatique organisé tous les ans, depuis 1990, par les élèves de l’ENSTIB, l’école d’ingénieurs du bois d’Épinal, et qui accueille désormais une trentaine de montgolfières .

Les airs mis en scène

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Ballon Ville de Remiremont, place Maxonrupt (14 juillet 1897) Arch. municipales Remiremont, 3 D 5

Meeting à Dogneville (9 juillet 1922)

CollectionAndré Georges

Meeting d’aviationd’Épinalà Dogneville(15 août 1923) CollectionJean Monvoisin

D’une manière générale, l’existence des terrains d’aviation a longtemps été liée à l’histoire militaire . Cependant, dans les Vosges, le premier aérodrome est né d’une initiative civile, en l’occurrence celle de Charles Roux . Ingénieur parisien, il fonde à Saint-Dié, en 1909, la société des Ateliers Vosgiens d’Industrie Aéronautique et s’agrège le concours de personnali-tés déodatiennes pour constituer, la même année, un aéro-club, et aménager un aérodrome à Sainte-Mar-guerite .

L’État-major est loin de rester inactif . Il entend se do-ter d’aéroplanes et disposer de terrains sur l’ensemble du territoire . Département frontalier, les Vosges sont concernées au premier chef . Dès 1912, un décret pré-sidentiel déclare d’utilité publique l’organisation d’un centre d’aviation attaché à la place-forte d’Épinal et déclare d’urgence la prise de possession de 29 hec-tares non bâtis sur la commune limitrophe de Dogne-ville, soit 227 parcelles appartenant à pas moins de 146 propriétaires ! Sans être aménagés, d’autres ter-rains sont signalés comme de potentielles zones d’at-terrissage, à l’instar du champ de manœuvres de la garnison de Neufchâteau .

Sans surprise, la Grande Guerre s’accompagne de la multiplication d’aérodromes créés ad hoc, à Corcieux, par exemple, où évolue la première escadrille de René Fonck, mais aussi à Sandaucourt, Juvaincourt ou Bazoilles-sur-Meuse . Un camp d’aviation est aussi envisagé à Igney à l’été 1918, le Génie ordonnant de commencer des travaux à nivellement et de drainage aussitôt la moisson effectuée, et de laisser en prairie les terres concernées .

L’après conflit signifie pour nombre de ces terrains un retour à leur vocation agricole ou forestière anté-rieure . Toutefois, la remise en état est parfois longue comme en témoignent les déboires de la municipalité de Bazoilles-sur-Meuse déplorant, en 1922, l’ineffica-cité de la Société commerciale des Stocks de l’avia-tion, une entreprise chargée par l’État d’enlever et de vendre tout le matériel aéronautique à liquider . Pour la commune, la présence des débris des dix hangars d’aviation l’empêche tout simplement de reboiser le site et la prive d’une partie substantielle de ses reve-nus . Par contre, à Dogneville, un second décret d’uti-

lité publique, daté de 1921, autorise l’agrandissement de l’aérodrome par l’acquisition des parcelles voisines occupées durant le conflit .

Pour autant, Dogneville perd progressivement son caractère de base militaire en devenant le port d’at-tache de l’Aéro-Club des Vosges . De même, quelques aérodromes privés sont fondés, comme à Vittel par un garagiste . Parallèlement, les décrets-lois d’octobre 1935 remodèlent le paysage aéronautique des Vos-ges et quatre nouveaux terrains militaires — en réalité des prairies drainées — sont désignés par l’Armée de l’Air qui y affecte des escadrilles de combat en 1939 : Auzainvilliers, Damblain, Martigny-les-Gerbonvaux et Xaffévillers .

Pour beaucoup, comme en 1918, le retour à la paix sanctionne leur fermeture ou leur changement de fi-nalité en les faisant désormais entrer dans le champ de l’aviation civile . Seule la plate-forme de Damblain reste sous l’emprise de l’Armée à la suite du désen-gagement de la France du commandement intégré de l’OTAN en 1966-1967, l’aérodrome de Juvaincourt passant sous administration civile .

Des terres pour le ciel

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Terrain d’aviation de Corcieux(Vosges) : hangars des escadrilles N 73, MF 14 et MF 59 (1914-1918). Arch. dép. Aude, 105 Dv 006 Collection Jean Amigues

Meeting à Vittel [1938]Collection Bernard Villeminot

Acquisition d’immeubles à Auzainvillers (1937)Arch. dép. Vosges, 2 R 233

Le lieutenant aviateur Des Prez de La Morlais (XXXX-XXXX)et son Blériot, Arch. dép. Vosges

Plan du centre d’aviationde Dogneville (1932)

Arch. municipales Épinal, 1 M 289

L’histoire aéronautique de Juvaincourt débute, comme pour nombre de terrains, avec la Grande Guerre, même si elle semble limitée à l’installation de quelques unités aériennes anglaises et américaines qui furent démantelées dès 1919 .

C’est dans le contexte de la Guerre froide qu’une nouvelle page s’ouvre . Avec Damblain, le site de Ju-vaincourt fait partie d’un programme de 53 nouveaux aérodromes militaires de l’OTAN . Placé sous la tutelle des Ponts et Chaussées, financé par l’État français — propriétaire — et la coalition interalliée, son amé-nagement est réalisé en grande partie en 1953-1954 .

Initialement, l’aérodrome devait être une base aé-rienne opérationnelle et abriter une unité de combat permanente . Cependant, dès 1954, le site est requalifié en base de secours et ne reçoit que des équipements de base : une piste de 2 400 m (allongée ensuite à 2 940 m), une aire de roulement, des aires de station-

nement — les « marguerites » —, des aires d’alerte ainsi que des installations de stockage de munitions et de carburant . Hormis des bâtiments métalliques pour l’entretien de l’aérodrome, ce dernier ne dispose d’au-cune installation permettant d’accueillir une unité et d’entretenir des aéronefs (tour de contrôle, hangars et ateliers, casernements, infirmerie . . .) .

Comme toutes les plates-formes de secours, Juvain-court est de fait inoccupé puisque ne devant entrer en usage qu’en cas de conflit . Concrètement, jusqu’à la décision du président de la République de quitter le commandement intégré de l’OTAN, l’aérodrome ne sert de support qu’à des exercices programmés et ac-cueille temporairement des Sabre canadiens en 1958 .

Fin 1967, l’État décide de transformer l’ancien site de l’OTAN en aéroport départemental après l’abandon du projet de Charmes-Chamagne . Le défi est im-mense, car tout est à bâtir : acheter un avion, recru-ter du personnel, construire un hangar, aménager un salon d’accueil . L’aéroport est ouvert à la circulation aérienne civile en 1969 et son exploitation est confiée à la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Épinal .

Des lignes régulières vers Paris-Le Bourget sont assu-rées par des compagnies privées — Air Vosges (1966) ou Air Service Vosges (1975) — largement détenues par la compagnie consulaire . Le capital de ces so-ciétés est augmenté et leurs activités se diversifient : charters, vols à la demande, maintenance, meetings aériens, fret… Les acteurs publics favorisent le dé-veloppement des activités industrielles et commer-ciales . L’évolution récente de l’aéroport passe par la concession des lignes régulières à d’autres sociétés, permettant aux Vosgiens de bénéficier des services d’un aéroport de proximité grâce à un éventail de destinations commerciales grand public . La société gestionnaire de l’aéroport accueille de nouveaux ca-pitaux étrangers . L’activité sur le site de Juvaincourt est aujourd’hui liée à une stratégie globale prenant en compte tous les acteurs du transport en Lorraine et dans le Grand Est .

La saga de Juvaincourt

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Juvaincourt. - Départ des athlètes français pour les championnats d’Europe d’athlétisme à Helsinki : l’équipe féminine (8 août 1971)Arch. dép. Vosges, 115 Fi 4840

Plan de la base aériennede Mirecourt-Juvaincourt (août 1955)

Arch. dép. Vosges, 1000 S 847

Plan du terrain d’aviation entre Juvaincourt et Baudricourt (1919)Arch. dép. Vosges, Edpt 262/2H2

Descente de passagers d’avion civil [1950-1960]

CollectionDominique Pernot

En décembre 1903, les frères Wright réussissent le premier vol motorisé . Dès lors, l’aviation devient un rêve réalisable qui n’appartient plus seulement qu’à quelques illuminés et hommes fortunés . En France, le colonel Renard, un Vosgien, développe ses expérimen-tations sur les aéroplanes et propose un concours de moteurs d’avion, tout en poursuivant ses recherches sur des modèles d’hélicoptères . À Chalais-Meudon, le capitaine Ferber peut perfectionner ses aéroplanes mais les militaires ne voient pas encore l’intérêt de l’aviation et ne sont pas favorables à son développe-ment au sein de l’aéronautique militaire . Ce sont donc les civils qui vont soutenir la recherche . Les premières entreprises industrielles voient le jour avec Blériot, Voisin, Farman et Breguet, et prennent leur essor à partir des années 1906-1909 .

Les frères Bonnet-Labranche, fondateurs de l’Avia-tion illustrée, et Charles Roux, ingénieur, décident d’installer un atelier dans les Vosges, à Saint-Dié, à proximité des forêts nécessaires à la construction de leurs aéroplanes . L’entreprise est nommée Ateliers Vosgiens de Locomotion Aérienne puis Ateliers Vos-giens d’Industrie Aéronautique, que tous connaîtront sous le sigle AVIA . Le premier aéro-club du Nord-Est de la France est créé le 7 avril 1909 sous l’impulsion de ces industriels et de passionnés locaux . Il devient rapidement l’Aéro-Club des Vosges . La construction des avions et le développement de l’aérodrome de Sainte-Marguerite sont intimement liés .

L’entreprise AVIA compte 20 employés et les premiers essais s’effectuent dans le courant de l’année 1909 à

Saint-Dié et à Nancy lors de l’Exposition Internatio-nale de l’Est de la France consacrée à l’énergie et à l’industrie françaises, où les ressources vosgiennes en ce domaine sont présentées . Les essais ne sont pas fructueux . Bien que passionnés, les entrepreneurs ne peuvent faire évoluer leurs aéroplanes . Ils se diversi-fient donc dans les pièces détachées (pièces de fuse-lage, ailes, hélices . . .), dans les moteurs ainsi que dans le matériel lié à l’aéronautique (ballons dirigeables, hangars, pylônes, rails . . .) . Ils se lient avec Maurice Farman et produisent des pièces pour son compte, ce dernier se spécialisant dans le montage et les finitions . Pourtant l’entreprise périclite rapidement et le maté-riel est racheté en 1910 par les frères Lecomte, qui ne parviendront pas à la faire redémarrer . La guerre achève de la faire disparaître . L’aviation militaire, qui est alors en plein développement, va s’équiper auprès de Farman, Blériot et Breguet .

Le sigle AVIA (Association pour la valorisation aé-ronautique) renaîtra dans la mémoire collective des Déodatiens quelques années plus tard, mais il s’agira alors d’initiation au vol à voile, loisir très en vogue au-près des jeunes en Allemagne et en France, qui fait naître de nombreuses vocations . Tout au long du XXe siècle, des passionnés suivront des cours du soir pour découvrir l’aéronautique et la mécanique, dans le but soit d’intégrer l’Armée de l’Air lors de leur service mili-taire, soit de trouver un emploi dans ce secteur d’acti-vité ou même de construire leur propre avion !

Le développementindustriel

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Planeur individuelCollection Philippe Gerosa

Les ingénieurs dans leur atelier (1909-1913)

Collection André Georges

Test d’un avion dans les hangars de la société AVIA (1909-1910)

Collection André Georges

Plan de la base aériennede Mirecourt-Juvaincourt, août 1955

Arch. dép. Vosges, 1000 S 847

Biplan des frères Bonnet devant les hangars

de l’entreprise (1909-1910) Collection André Georges

Le colonel Renard est un visionnaire de l’aviation . En 1908, son frère Paul Renard rapporte les propos qu’il lui avait tenus dans les années 1880 : « Nous allons travailler à faire un ballon dirigeable ; aux yeux de tout le monde cela passe pour une utopie, mais j’ai la conviction de réussir d’ici à quelques années. Mais le dirigeable n’est pas pour moi le dernier mot de la navi-gation aérienne ; à mon avis, l’avenir est aux aéropla-nes. Garde-toi seulement d’en parler : on te prendrait pour un fou » .

Charles Renard naît le 23 novembre 1847 à Damblain (Vosges) d’Athanase Renard, maire de la commune, et de Charlotte Joséphine Burel .

Il grandit à Clefmont (Haute-Marne) où son père a été nommé juge de paix, effectue sa scolarité à Lamarche et à Nancy, avant de se présenter aux examens d’en-trée à l’École polytechnique en 1866 . Il termine sa for-mation par l’École d’application d’artillerie et du génie de Metz, où il développe ses premières théories sur la navigation aérienne . Il est affecté au 3e régiment du génie en 1868 . Il participe à la guerre de 1870 sur le front de la Loire puis dans les combats d’Héricourt et de Belfort avec l’Armée de l’Est .

Mathématicien, ingénieur et inventeur dans l’âme, il se fait remarquer à la suite de ses expériences autour d’un aéroplane à plans parallèles qu’il fait voler en 1873 du haut des tours de l’abbaye de Saint-Éloi, à Arras, et qu’il fait atterrir sans dégât .

En 1875, il est gravement blessé dans la catastrophe du ballon l’Univers de l’aérostier Eugène Godard . Cet accident est causé par un problème de construction de la soupape que Charles Renard, encore sur son lit d’hôpital, va chercher à résoudre . Il en ressortira une théorie sur les mouvements verticaux des ballons .

En 1877, il est nommé à la direction du site de Cha-lais-Meudon, berceau de l’aérostation militaire sous la Révolution, et qui avait progressivement été dé-laissé . 28 ans durant, disposant de faibles moyens, et délaissant ses recherches sur l’aviation, il mène des recherches en vue d’améliorer les ballons captifs et les dirigeables… Il étudie notamment la résistance à l’air, les matériaux dont les étoffes imperméables, les pièces mécaniques, les combustibles et particulière-ment l’hydrogène .

Deux moments phares de sa carrière sont à relever :

• En 1877, Renard veut rationaliser le nombre de câbles d’amarrage de ballons . Il en existe alors 425 de dimensions différentes . Ayant constaté que le plus important dans le câble était sa masse par unité de longueur, il réduit leur nombre à 17 . Il crée ainsi ce que l’on appelle communément les « séries Renard » ou nombres normaux, qui ont fait l’objet d’une norme en 1952 sous la référence ISO3 . Ces nombres sont, aujourd’hui encore, utilisés lors de la conception d’un produit notamment dans l’in-dustrie .

• Le 9 août 1884, à bord de son ballon La France, Charles Renard, accompagné d’Arthur Krebs, réussit pour la première fois au monde à faire re-venir à son point de départ un ballon dirigeable .

Charles Renard s’éteint le 5 avril 1905 à Meudon .

Le colonel renard,scientifique visionnaire

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Ballon « La France »,premier ballon

dirigeablemotorisé à l’électricité

ayant effectuéun circuit fermé [1884]

Arch. municipalesLamarche, PH5_1

Portraitde Charles

Renarden uniforme

de l’Écolepolytechnique

[1868]Arch. municipales

Lamarche, PH8_5_17

Portrait du Colonel Charles Renard,

commandeurde la légion d’honneur

[1898]Arch. municipales

Lamarche, PH8_5_2

Ateliers de Chalais-Meudon, travaux sur les nacelles[1877-1905]Arch. municipales Lamarche, PH29_08

Manœuvres à Puzieux, suivies depuis un ballon d’observation (1895)Arch. municipales Lamarche, PH29_26

Né en 1894 à Saulcy-sur-Meurthe, René Fonck, issu d’une famille ouvrière, est dès sa jeunesse passionné tant par la mécanique que par les exploits de l’avia-tion naissante . Incorporé en août 1914, il intègre les écoles de pilotage de l’Armée dont il sort breveté au printemps 1915 . Il est affecté à l’escadrille C 47, à Cor-cieux, et c’est sur un Caudron G 3 qu’il effectue des missions de reconnaissance permettant le réglage des tirs d’artillerie et des bombardements . Dès juillet 1915, il engage son premier combat aérien . Au vu de ses résultats, il est versé en avril 1917 dans l’escadrille SPA 103, l’une des quatre composantes du Groupe des Cigognes qui rassemble l’élite des chasseurs dont l’As des As Georges Guynemer . Après la mort de ce dernier, la presse lui cherche un successeur et, la pro-pagande aidant, Fonck devient la nouvelle figure de proue de l’aviation française, une place légitime au regard de ses 75 victoires homologuées à la fin de la guerre .

À l’issue du conflit, il est rapidement happé par la politique, les partis cherchant à obtenir le concours de héros de guerre . Le capitaine Fonck est de ceux-là . Aux législatives de 1919, il est élu dans les Vosges et participe au Bloc national, une coalition de partis de droite et centre droit . Durant cette législature, il s’investit dans les commissions de la Défense et de l’Aéronautique . Son regard est critique, déplorant le manque d’investissements dans les constructions mé-talliques ou les retards dans la mise en place de lignes commerciales . Dans L’Aviation et la sécurité française (1924), le député livre ses réflexions sur la situation aé-ronautique allemande, demande l’organisation d’une armée de l’Air autonome et défend le développement d’une aviation civile .

Après son échec aux élections suivantes, Fonck tente, en 1926, la traversée de l’Atlantique au départ de New-York . C’est un échec et il sera coiffé au poteau quelques mois plus tard par Lindbergh . Il reprend alors progressivement pied au sein de l’aviation mi-litaire . Missionné en 1935 par le gouvernement sur l’état de l’aviation de chasse, il en dresse un constat sans appel . Également préoccupé par les dangers des bombardements massifs sur les villes, il déploie des efforts pour éduquer la population à la défense passive . Lorsque le conflit éclate, il est nommé inspec-

teur général de la chasse et c’est à ce poste qu’il as-siste à l’effondrement militaire du pays .

De juillet 1940 à avril 1942, Fonck sera un proche du maréchal Pétain qu’il admire . Favorable à la Révolu-tion nationale et membre du Conseil national, il est hostile à la politique de collaboration étroite avec l’Allemagne défendue par Laval . Persona non grata à Vichy après le retour au pouvoir de ce dernier, il réside à Paris . Son engagement dans la Résistance semble limité aux services rendus au réseau Rafale spéciali-sé dans le renseignement aéronautique . À l’automne 1944, il est incarcéré trois mois durant pour des motifs qui demeurent incertains . Libéré sans procès, il n’en demeurera pas moins fidèle à Pétain . Désormais évin-cé des cérémonies officielles, c’est dans l’ombre de son domicile parisien que le colonel Fonck décède en 1953 .

L’homme à la Cigogne blanche : rené Fonck

18 19

Hommage du Journal de Tintin à René Fonck (7 janvier 1954)Collection Association Mémoire de René Fonck

René Fonckavec un copilote

Arch. dép. Vosges, 22 Fi 3

Inéligibilité de Fonck (1945)Arch. dép. Vosges, 2315 W 5

Brevet d’aviateur militairede René Fonck (1917)Musée Pierre-Noëlde Saint-Dié-des-Vosges,4 O 19

Fonck à la une du Miroir (2 juin 1918)Musée Pierre-Noël de Saint-Dié-des-Vosges

Ils sont méconnus voire inconnus, Vosgiens, généra-lement issus de milieux modestes : ce sont des « As » et des pionniers de la conquête aérienne et spatiale .

Marcel Goulette, le « trompe-la-mort »Né à Charmes en 1883, Marcel Goulette, ingénieur, se comporte en héros au front . Plusieurs fois blessé et asphyxié, il refuse encore la réforme, et se tourne pour cela vers l’aviation . Après la guerre, il devient in-dustriel, mais le démon de l’air le reprend : il finance le prototype d’ « Arc-en-ciel », premier avion non hau-bané à ailes épaisses . En 1929, rêvant d’établir une ligne postale entre la France et sa colonie Madagas-car, il entreprend à ses frais cette traversée périlleuse et atterrit le premier sur l’île de La Réunion . Au retour, Marcel Goulette frôle une nouvelle fois la mort dans une tempête de sable . Il enchaîne les records de vi-tesse et de distance sur les lignes Paris-Téhéran, Pa-ris-Saïgon et Paris-Le Cap . Souhaitant doter son pays d’une véritable aviation de guerre, il envisage une car-rière politique quand, en 1932, son avion s’écrase dans les Alpes, alors qu’il porte secours à des naufragés .

Del Antoine Gaston Vial, le pilote intrépideNé en 1891 au Val-d’Ajol, où il décède 99 ans plus tard, Gaston Vial commence en 1915 une longue série d’exploits en remportant 8 victoires aériennes homo-loguées . Il effectue également de nombreux bombar-dements en territoire ennemi .

Albert Littolff, aviateur de la France libreNé en 1911 à Cornimont, second de huit enfants, Albert Littolff doit élever ses frères et sœurs après la mort de ses parents . Boursier, il apprend le pilotage . Ses qualités extraordinaires, reconnues dès avant la guerre, lui permettent d’abattre 7 avions allemands avant de s’envoler vers l’Angleterre auprès des forces françaises libres . Il prend victorieusement part aux combats en Afrique puis sur le front de l’Est en soutien de l’aviation soviétique . Il est porté disparu en juillet 1943 lors d’un combat aérien, son corps n’est retrouvé qu’en 1960 .

Yvan Littolff, pilote d’essai de statoréacteurPetit frère d’Albert, Yvan Littolff est né en 1915 à Corni-mont . Dans les années 1950, en 7000 heures de vol,

il teste le statoréacteur René-Leduc, ancêtre des ré-acteurs des actuels missiles et avions supersoniques .

Hubert Curien, le « papa d’Ariane »Né à Cornimont en 1924 d’un receveur municipal et d’une institutrice, Hubert Curien révèle très tôt des capacités exceptionnelles . À vingt ans, il s’engage dans la Résistance au maquis de la Piquante-Pierre, puis devient Normalien, professeur puis directeur de recherches au CNRS . Président du Centre national d’études spatiales (1976-1984), il contribue aux réus-sites du premier tir de la fusée Ariane et de la mission de Jean-Loup Chrétien, premier Européen occidental dans l’espace . Premier président de l’Agence spatiale européenne, il est également ministre de la Recherche et de la technologie de 1984 à 1986 et de 1988 à 1993 . Reconnu pour ses qualités pédagogiques et son ou-verture d’esprit, il fonde en 1991 ce qui deviendra la Fête de la Science .

Les pionniers

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Portrait de Marcelle GouletteArch. dép. Vosges, In_8_3020

Portrait de Gaston VialArch dép. Vosges, JPL 1700/265

En 1991 Hubert Curien décide d’ouvrirles jardins du ministère de la Recherche au public.

Photo prise en prélude à la fête d’ouverture.Collection Ministère de la Recherche

et de l’Enseignement supérieur

Portrait d’Albert Littolff[1939-1943]Collection fandavion.free.fr

En ce début de XXe siècle, l’aviation balbutie mais fascine les foules : des souscriptions sont lancées en sa faveur, notamment à des fins militaires . Plusieurs communes vos-giennes y participent, telles que Gerbamont, Attignéville ou Provenchères-sur-Fave . Dans le même esprit, une ker-messe est organisée à Épinal en 1912 au profit de l’avia-tion . Parallèlement, de nombreux terrains d’aviation sont créés .

Quand l’occasion se présente, les familles prennent la pose devant un avion, les meetings aériens sont très fré-quentés .

L’État-major est dubitatif quant à l’utilité de l’aviation au début de la guerre, rares sont ceux qui croient en son potentiel . Cependant, très vite, elle devient indispensable et les commandes d’avions se multiplient . Mais l’aviation française manque d’unité : elle utilise des modèles diffé-rents, plus ou moins adaptés à ses nouvelles fonctions mili-taires . Malgré tout, les quantités d’explosifs largués durant le conflit atteignent très vite plusieurs centaines de tonnes .

Des manuels à l’usage des pilotes sont rédigés : les moyens de repérage sont limités, l’observation de l’envi-ronnement est indispensable pour atteindre les objectifs . Les pilotes doivent être capables de sang-froid, de réac-tivité . Les connaissances nécessaires pour piloter sont déjà colossales, l’apprentissage est long et se fait au sol pendant plusieurs mois avant de pouvoir décoller . L’équi-pement est soigné car les conditions en altitude sont dif-ficiles et les aviateurs ne bénéficient d’aucune protection hormis leur uniforme .

Les pilotes sont célébrés par la presse, des cartes pos-tales diffusent leurs photographies devant leur appareil, les enfants colorient et construisent des avions à leur gloire . Leurs exploits soulèvent la liesse .

Cependant, piloter demeure une activité dangereuse : hormis les batailles aériennes et les tirs de défense anti-aé-rienne, beaucoup perdent la vie durant les manœuvres de décollage et d’atterrissage .

En cas de malheur, les pilotes deviennent des icônes de la lutte patriotique : Funck Brentano enterré à Pair-et-Gran-drupt, Pégoud, Guynemer, Roland Garros…

Pendant la guerre, le passage d’un avion suscite la cu-riosité et les maires doivent prendre des dispositions pour convaincre leurs administrés de rester chez eux à l’approche d’un aéronef afin de demeurer en sécurité . Les alertes sont fréquentes . Des affiches officielles sont placardées et indiquent les consignes à observer en cas d’intrusion aérienne . Malgré ces précautions, le 21 février 1916, la population d’Épinal afflue rue François-de-Neuf-château : en effet, à 10 h 30, les canonniers de la ville ont abattu un avion allemand qui avait lâché une bombe rue de la Faïencerie (aujourd’hui rue du Maréchal-Lyautey) avant de s’écraser rue François-de-Neufchâteau : le pilote et quatre civils décèdent . Le bilan aurait pu se limiter à ces 5 victimes mais la foule de badauds, attirée sur le site, su-bit de plein fouet l’explosion des bombes encore présentes dans l’appareil . Épinal connait alors un épisode parmi les plus tragiques de la Première Guerre mondiale : 19 morts (11 militaires et 8 civils tués), 71 blessés .

Par contre, un avion ennemi abattu est un trophée qui sus-cite la curiosité et fait la fierté des habitants .

Première Guerre mondiale : la fascination pour l’aviation

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Aéroplane français atteri au Feu-du-Bré. Vue de l’aéroplane tiré par les hommes (septembre 1914)Arch. dép. Vosges, 166 J 7/7

Avion allemand abattu à Granges-sur-Vologne [1915-1918]Collection Jacques André

Général Mauger, gouverneur de la place forte d’Épinal,système de protection aérienneArch. dép. Vosges, 18 Fi 1

Dès 1913, le déplacement d’aéronefs allemands au-dessus du territoire français est soumis à une étroite surveillance, l’éventualité d’un l’atterrissage est envisagée dans les cir-culaires du gouvernement . Si cet atterrissage est volon-taire, de nombreuses vérifications sont indispensables afin d’assurer la sécurité de l’État : le ciel constitue bien une menace .

Au début de la guerre, des précautions sont prises pour s’assurer de la nationalité de toute personne victime d’un atterrissage forcé sur le territoire français : des accords sont signés avec l’aviation britannique pour éviter toute méprise .

La menace prend des formes diverses car même les co-lombophiles sont l’objet d’une surveillance particulière : ils sont recensés, le transport de pigeons via la frontière est réglementé .

Le ciel est étroitement surveillé . Parfois, les avions enne-mis qui décollent d’Alsace pour survoler les Vosges ne sont pas seulement en observation, ils facilitent aussi le réglage des tirs d’artillerie mais surtout bombardent : Épinal, Gérardmer, Remiremont, Rambervillers, Mirecourt par exemple en font les frais . Les bombes sont jetées à partir des avions et leur précision est très aléatoire . Les dégâts, humains et matériels, sont précisément notifiés . Les alertes sont fréquentes . Sur les champs de bataille, les avions larguent des fléchettes sur l’infanterie adverse . À Raon-l’Étape, un avion jette des dragées empoisonnées en avril 1916 .

Ce sont aussi les premiers combats aériens : les pilotes tirent parfois simplement au revolver sur l’avion ennemi . Une défense anti-aérienne s’organise et des aéronefs sont abattus . Quand les pilotes allemands survivent, ils sont faits prisonniers et interrogés, comme près d’Étival en août 1917 .

Tout devient suspect : le moindre signal lumineux est dénoncé comme susceptible de renseigner l’aviation ad-verse . Souvent, l’enquête conclut à un simple concours de circonstance .

Les ballons jouent aussi un rôle important : captifs, ils sont utilisés pour l’observation (qualifiés de « périscopes de l’artillerie ») ; libres, ils répandent des journaux de propa-

gande . Un ballon est ainsi retrouvé à Harol et fait l’objet d’une étude approfondie pour déterminer ses capacités et son système de largage des imprimés . Abattus, les bal-lons sont réparés très rapidement, preuve de leur intérêt stratégique . Ils sont l’objet de nombreux fascicules pour expliquer tout leur potentiel .

Avec la déclaration de guerre, des terrains agricoles sont réquisitionnés pour être aménagés et accueillir des champs d’aviation . Les propriétaires bénéficient d’une indemnisation pour compenser les pertes de production : ces paiements sont assurés par le gouvernement qui uti-lise ces terrains . Ainsi, les Britanniques ont loué des terres à Vomécourt mais la remise en état du terrain en 1919 incombe au Génie français . À la fin de la guerre, ces ter-rains sont rapidement restitués aux propriétaires et remis en culture . C’est le cas, par exemple, du terrain d’aviation de Corcieux .

Première Guerre mondiale : la menace du ciel

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Bombe torpilled’avion allemandCollectionJean Monvoisin

Cahier expliquantles combats aériens,

Musée Pierre-Noëlde Saint-Dié-des-Vosges

4 O 22

Moyens de reconnaîtreles aéroplanes,

Première Guerre mondialeCollection

Jean-Claude Fombaron

Carte patriotiqueCollection

Jacques André

Mesures de sécurité prévues par le préfet contre les incursions d’aéronef Arch. dép. Vosges, 8 R 129/9

L’aviation a nettement progressé depuis 1914-1918 : la toile tendue sur des supports en bois a laissé la place à l’alu-minium .

Cependant, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, l’État-major français, notamment le général de Gaulle, alors sous-secrétaire d’État à la guerre, déplore l’insuffi-sance numérique de son aviation militaire . En novembre 1939, le ministère de l’Air ordonne l’accélération du paie-ment des dépenses d’armement et mentionne à propos des retards de paiement : « Il en résulte une perte de temps considérable… ralentissement particulièrement fâ-cheux dans les circonstances actuelles » .

L’aviation française comme la défense anti-aérienne ne peuvent faire face à la Luftwaffe . Durant l’offensive alle-mande, en mai 1940, des infrastructures vosgiennes su-bissent quelques raids : l’aéroport de Dogneville, le viaduc de Bertraménil entre autres .

Dans la France occupée, le ciel est encore menaçant . En novembre 1940, un avion allemand s’écrase au Phény : parti de Reims pour bombarder Liverpool, il a dépassé son lieu d’atterrissage à son retour . Les Géromois en-terrent les 4 occupants .

Si des terrains d’aviation tels que celui de Marti-gny-les-Gerbonvaux sont administrés par les autorités al-lemandes, des terrains clandestins s’improvisent, destinés au ravitaillement des maquis par les Alliés, par exemple à proximité de Corcieux ou de Vioménil .

En 1943, l’usine de filature-tissage Georges Perrin de Charmes est réquisitionnée et devient un site de rénova-tion pour les moteurs Jumo des avions Stuka . Les moteurs réparés subissent un banc d’essai et sont envoyés vers l’Allemagne par la voie ferrée . En août 1944, le maquis dynamite le déversoir du Canal de l’est qui permettait le refroidissement des moteurs passés au banc d’essai : en septembre 1944, les Allemands abandonnent le site de Charmes, laissant derrière eux des moteurs d’avion en caisse .

Le ciel, durant la libération des Vosges, est synonyme de malheur pour de nombreuses communes : celles qui, comme Ventron, ne subissent pas de bombardements di-rects mais les rétorsions de la Wehrmacht défaite par la

Royal Air Force . D’autres, telle Épinal, sont partiellement détruites par des bombardements alliés : le plan Vert, élaboré à Londres en 1942, ordonne à la Résistance de détruire les voies ferrées pour faciliter la libération du terri-toire . Mais le maquis vosgien manque d’explosifs, les Alliés assument donc les opérations . Ainsi, le jeudi 11 mai 1944, des avions anglo-américains larguent leurs bombes sur le quartier de la gare : le bilan est lourd, 150 morts, plus de 200 blessés graves, des dizaines de maisons anéanties . Cependant, ce bombardement n’interrompt que 24 h le trafic ferroviaire . Un deuxième bombardement a lieu le 23 mai 1944, avec des bombes incendiaires : les dégâts matériels sont plus importants et les pertes humaines moindres : 5 morts .

Le 27 mai 1944, 1067 bombardiers et 700 chasseurs de l’armée américaine subissent une attaque aérienne allemande : une vingtaine s’écrase entre Gérardmer et Saint-Dié . Parmi eux, une Super Forteresse B17 s’abat à Ban-sur-Meurthe, à Boslimpré : sur dix occupants, huit sont morts, un est fait prisonnier et un s’enfuit en Suisse . Près de Fraize, trois aviateurs américains sont secourus par les maquisards .

L’aviation et la Seconde Guerre mondiale

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Brochure, Protection familialecontre les bombardements aériens [1930-1940]Arch. municipales Remiremont, 5 H 155/3

Campagne de France.Groupe de combatde la Wehrmachtpassant à proximitéd’une épavede Junker 87 Stuka [1940]Arch. dép. Vosges, 11 Fi 179

Brochure« Y a-t-il un danger aérien ? »

[1932]Arch. municipales Remiremont,

5 H 155/25

Photographie aériennemontrant les destructions d’ÉpinalArch. dép. Vosges, 1 Ph 10/3

Le 26 juin 1947, un pilote américain raconte sur les ondes que, lors d’un vol réalisé deux jours plus tôt, il a vu neuf ob-jets en forme de galets plats, très brillants et très rapides, volant dans le ciel des Rocheuses . Ce récit médiatisé va avoir un impact considérable bien au-delà des États-Unis . Dans les jours qui suivent, de semblables observations ont lieu en France et, dès le début des années 1950, toute une littérature anglo-saxonne sur la question est traduite . Des groupes de « soucoupistes » s’organisent, forment des réseaux d’enquêteurs et de correspondants, diffusent des bulletins — comme Ouranos — et l’un d’eux, l’écrivain de science-fiction Jimmy Guieu, anime une rubrique régulière sur RMC . C’est d’ailleurs lui qui publie en 1954, aux éditions Fleuve noir, le premier ouvrage en français consacré aux OVNI : Les Soucoupes volantes viennent d’un autre monde .

C’est dans ce contexte qu’à l’automne 1954, une vague d’observations d’engins inconnus envahit les colonnes des journaux . À Épinal, le 19 septembre, un commis boucher de 14 ans voit en pleine ville une boule jaune foncé d’un mètre de diamètre et entourée d’une cercle d’un jaune plus pâle, traverser rapidement le ciel entre la gare et le château . Dans la région de Raon-l’Étape, le 21 octobre suivant, un homme de 40 ans tombe nez à nez avec un individu armé d’un revolver alors qu’il va prendre son ser-vice de nuit . Haut d’un 1,65 m, de forte corpulence, vêtu d’un pantalon de toile et d’un blouson, l’« homme » lui parle dans une langue incompréhensible . D’origine slovaque, le témoin tente d’engager la conversation en russe . . . et réus-sit à nouer le contact . Après quelques échanges, l’indivi-du monte dans un engin circulaire, d’un diamètre de 3 m et haut de 1,60 m . Après un décollage à la verticale, la soucoupe file en direction de l’est, ne laissant aucune em-preinte sur le sol .

Évidemment, ces déclarations laissent songeur et on s’en moque volontiers . À propos de cette dernière af-faire, un journaliste écrit : « Le mystère des « soucoupes » enfin éclairci ? Les occupants des engins ne seraient ni des Martiens ni des Uraniens mais tout simplement des Russes » . Ironiquement, certains rebaptisent les engins vo-lants, souvent en forme de cigare, du nom d’Havane-Fu-sée . Au Salon de l’Auto, une charmante jeune femme en maillot de bain pose sur le capot avant d’une voiture, en-tourée de deux Martiens . Quant au directeur de La Liber-té de l’Est, il pointe le caractère fantaisiste de nombre de témoignages sur ces Martiens, Vénusiens ou autres Ura-

nides, « surtout lorsque ces derniers demandent du gaz-oil en français ou qu’ils s’expriment en dialecte vietnamien » .

Pour autant, les autorités ne prennent pas les choses à la légère . À Saint-Rémy, deux enquêtes sont ouvertes par la gendarmerie et les renseignements généraux . Les journa-listes eux-mêmes s’interrogent sur les capacités technolo-giques des engins décrits et relaient des hypothèses sur l’existence de lois fondamentales de la physique encore inconnues ou sur la possibilité d’une propulsion nucléaire . Alors que l’actualité bruisse des opérations militaires de l’OTAN et de la menace atomique, la sortie sur les écrans en 1953 de l’adaptation du roman de H .G . Wells, La Guerre des Mondes, n’a guère calmé l’ambiance anxiogène de ces premières années de Guerre froide .

La grande vaguedes oVNi

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Lumières dans la nuit, Carte de répartition des cas de signalement d’OVNI en 1954 en France (1976)

Salon de l’automobile, La Liberté de l’Est(9-10 octobre 1954)Arch. dép. Vosges, JPL 1106/23

Les engins de l’avenir,Encyclopédie de la vitesse,

Librairie Hachette (1961), p. 96Collection Gérald Guéry

Le cigare-soucoupe, La Liberté de l’Est (9-10 octobre 1954)Arch. dép. Vosges, JPL 1106/23

Une soucoupe-volante russe,La Liberté de l’Est (23-24 octobre 1954)Arch. dép. Vosges, JPL 1106/23

Pour avoir rendu possible cette exposition,les organisateurs tiennent à remercier

Monsieur François VannsonAncien Député des Vosges, Président du Conseil départemental

Institutions :• MuséemilitairedeVincey• MuséePierre-Noël,Saint-Dié-des-Vosges• MuséeLorrain,Nancy• AssociationMémoiredeRenéFonck, Saulcy-sur-Meurthe• Écolenationalesupérieuredestechnologies et industries du bois, Épinal• Archivesmunicipales,Remiremont• Archivesmunicipales,Épinal• VilledeLamarche• Archivesdépartementalesdel’Aude• Institutnationaldelapropriétéindustrielle• AssociationFortiff’Séré,Golbey• MinistèredelaRechercheetdel’Enseignement supérieur• AVSEA,dispositifCèdres,Saint-Dié-des-Vosges• ODCVLL’eaud’ici• Associationfrançaisedesfemmespilotes

Entreprises : • CFAD,Centredeformationetd’apprentissage du drone• France5• PitetAirService• 2P2Lprogrammes

Particuliers :• JacquesAndré• MarineAntoine• Jean-HuguesBlondel• PhilippeCremel• ThérèseDelfourd• Jean-ClaudeFombaron• AndréGeorges• PhilippeGérosa• LucGérard• GéraldGuéry• PatriceGuyot• JonathanLemarquis

• ThierryMoglia• JeanMonvoisin• ÉlianeMougel• LaurentPascal• DominiquePernot• EvelyneetFrancisRelion• BernardVilleminot• Jean-YvesVincent• PhilippeVolf• RégineZimmermann

Ne pouvant tous les citer, les organisateurs tiennent à re-mercier tous les particuliers qui ont bien voulu alimenter de leurs fonds la recherche documentaire.

Une exposition du Conseil départemental des Vosges, service des Archives départementales

Commissariat• FrançoisPetrazoller

Commissaire délégué, chef de projet• DelphineSouvay

Réalisation et suivi • Anne-ClaireAubert• ClaudeBraux• PatriceGuyot• NicoleRoux• ÉlianeMougel• Marie-FranceMarchal• AmandineMoreno• JacquelineKislig• MartineMathieu• VirginieRoos• AnneFourayetAlexandreLaumond,serviceéducatif des Archives départementales• JoëlleLaurençon,photographeduConseil départemental

Commissariatet remerciements

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archives.vosges.fr

4 avenue Pierre-Blanck88000 Épinal

Téléphone :03 29 81 80 70

E-mail :[email protected]

Ouverture :du lundi au vendredide 8 h 30 à 17 h 30

Ligne de bus n° 4 :arrêt Cendrillon

isbn 978-2-86088-105-0

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