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44 45 nous mettons à profit les dimanches, du moins ceux qui sont libres d’obligations offi- cielles, pour faire systématiquement de longues promenades en forêt, à la campagne ou à la mer. Ces dimanches se terminent toujours par une soirée crêpes. De même nous conserverons la bonne habitude des enseignants de prendre de petites vacances à Noël, Pâques ou la Toussaint et Jean-Marc s’arrange pour se ménager au moins trois semaines de vacances en été. Il prend vite des responsabilités nationales et, au retour de Paris, il rapporte à ses filles un Schtroumpf pour se faire pardonner ses absences : elles en ont une belle collection. C’est de là que naît l’envie du camping-car qui fera tant couler d’encre quand Jean-Marc sera appelé aux hautes fonctions. Pour nous, le Volkswagen répond à ce désir de liberté, de vacances vagabondes. Nous achetons notre premier en 1979 et depuis nous sommes fidèles au camping-car puisqu’aujourd’hui, en 2019, nous en sommes à notre troisième. Nous ne connaîtrons qu’une période d’interruption for- cée quand Jean-Marc sera Premier ministre (difficile de demander aux gardes du corps de nous suivre en camping-car). Nous aimons cette vie de bohème qui nous fait découvrir des paysages si extraordinaires et ce, vraiment sans aucune contrainte, au gré de notre humeur du moment. Nous pouvons nous arrêter dîner devant un coucher de soleil sans cesse renouvelé, avoir une vue imprenable sur un pic enneigé ou sur un port, bercés par le cliquetis des bateaux. Que d’échappées belles ! C’est à chaque fois une expérience unique. Nous aimons n’emporter que le strict nécessaire, retrouver l’art de la simplicité et vivre la famille en grande proximité dans un cocon intimiste. Ce nomadisme rompt avec notre régime contraint d’apparitions publiques toujours sous contrôle, il nous allège et nous rend à nous-mêmes. Et si ce côté baba cool, vu de Paris, suscite plus tard quelque ironie, nous n’en avons cure ! « votre femme vient de perdre les eaux ». Les conseillers s’amusent à l’annonce de « ce dégât des eaux » par le pompier et c’est le premier adjoint qui va assurer la suite du conseil… Avec cette seconde naissance, l’appartement du Sillon de Bretagne va se révéler trop petit, nous allons acheter une maison au « Village Expo » de Saint-Herblain, juste à côté de leur école et de mon collège. Du fait de cette proximité, je peux être toujours présente quand les filles rentrent de l’école pour écouter, au goûter, les pe- tites histoires de la journée, leurs joies ou malheurs d’enfants. Je repars plus tard à une réunion mais au moins nous avons eu ce temps de partage inestimé.. Ce Vil- lage Expo est habité de jeunes couples avec enfants : l’intégration est très facile. Mes enfants peuvent jouer avec ceux des voisins en toute sécurité sur la petite place. La vie de quartier est riche et intense, on s’y sent bien, il y règne une belle solidarité de voisinage. Aucun jugement sur le maire : on se sait protégés par la bienveillance de nos voisins. Nous allons chercher un nouveau rythme à quatre. Heureusement, dans le quartier du Village Expo, nous trouvons une nounou adorable qui va bien me seconder. Le démon de la politique ne m’a ja- mais vraiment quittée : je milite au parti socialiste, je vais en réunion de section, le couffin du bébé souvent sous le bras. Je participe aux campagnes électorales : nous tirons les tracts nous-mêmes et, comme je l’ai déjà mentionné, je confec- tionne même à domicile des banderoles pour les manifestations avec couture et pinceaux. J’aime cette vie militante que je ne suis pas prête à sacrifier. J’ai coutume de dire que je mets trois journées dans une : vie familiale (c’est à moi de gérer l’intendance), vie professionnelle et vie politique – ce sera d’autant plus vrai quand en 1982, je serai élue Conseillère générale. Ysabelle n’a que 8 ans et Élise 5. Je dois jongler avec toutes ces obligations, j’assume. C’est la dure réalité de beaucoup de femmes dans ces années-là : la répartition stéréotypée des tâches fait que ce sont elles qui trinquent le plus dans cette polyvalence. Le mari ou le compagnon est « mono- tâche ». Il ne se soucie pas de savoir ce qu’il y aura à manger le soir ni de vérifier si le frigo est plein, si la lessive est faite… Quelque fois cela m’excède et je maugrée car je trouve que Jean-Marc a le beau rôle : quand il rentre, c’est pour les câlins alors que moi j’ai endossé le rôle de fée carabosse pour faire respecter un minimum de discipline. Nous sommes d’accord pour considérer que la vie de famille doit être notre pôle de ressourcement et que nous devons tout faire pour en assurer l’équilibre. Alors, Avec Elise et Ysa, aux 4 Moulins © B Ayrault Le Wolkswagen© B Ayrault

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nous mettons à profit les dimanches, du moins ceux qui sont libres d’obligations offi-cielles, pour faire systématiquement de longues promenades en forêt, à la campagne ou à la mer. Ces dimanches se terminent toujours par une soirée crêpes. De même nous conserverons la bonne habitude des enseignants de prendre de petites vacances à Noël, Pâques ou la Toussaint et Jean-Marc s’arrange pour se ménager au moins trois semaines de vacances en été.

Il prend vite des responsabilités nationales et, au retour de Paris, il rapporte à ses filles un Schtroumpf pour se faire pardonner ses absences : elles en ont une belle collection.

C’est de là que naît l’envie du camping-car qui fera tant couler d’encre quand Jean-Marc sera appelé aux hautes fonctions. Pour nous, le Volkswagen répond à ce désir de liberté, de vacances vagabondes. Nous achetons notre premier en 1979 et depuis nous sommes fidèles au camping-car puisqu’aujourd’hui, en 2019, nous en sommes à notre troisième. Nous ne connaîtrons qu’une période d’interruption for-cée quand Jean-Marc sera Premier ministre (difficile de demander aux gardes du corps de nous suivre en camping-car). Nous aimons cette vie de bohème qui nous fait découvrir des paysages si extraordinaires et ce, vraiment sans aucune contrainte, au gré de notre humeur du moment. Nous pouvons nous arrêter dîner devant un coucher de soleil sans cesse renouvelé, avoir une vue imprenable sur un pic enneigé ou sur un port, bercés par le cliquetis des bateaux. Que d’échappées belles ! C’est à chaque fois une expérience unique. Nous aimons n’emporter que le strict nécessaire, retrouver l’art de la simplicité et vivre la famille en grande proximité dans un cocon intimiste. Ce nomadisme rompt avec notre régime contraint d’apparitions publiques toujours sous contrôle, il nous allège et nous rend à nous-mêmes. Et si ce côté baba cool, vu de Paris, suscite plus tard quelque ironie, nous n’en avons cure !

« votre femme vient de perdre les eaux ». Les conseillers s’amusent à l’annonce de « ce dégât des eaux » par le pompier et c’est le premier adjoint qui va assurer la suite du conseil…

Avec cette seconde naissance, l’appartement du Sillon de Bretagne va se révéler trop petit, nous allons acheter une maison au « Village Expo » de Saint-Herblain, juste à côté de leur école et de mon collège. Du fait de cette proximité, je peux être toujours présente quand les filles rentrent de l’école pour écouter, au goûter, les pe-tites histoires de la journée, leurs joies ou malheurs d’enfants. Je repars plus tard à une réunion mais au moins nous avons eu ce temps de partage inestimé.. Ce Vil-lage Expo est habité de jeunes couples avec enfants : l’intégration est très facile. Mes enfants peuvent jouer avec ceux des voisins en toute sécurité sur la petite place. La vie de quartier est riche et intense, on s’y sent bien, il y règne une belle solidarité de voisinage. Aucun jugement sur le maire : on se sait protégés par la bienveillance de nos voisins. Nous allons chercher un nouveau rythme à quatre. Heureusement, dans le quartier du Village Expo, nous trouvons une nounou adorable qui va bien me seconder.

Le démon de la politique ne m’a ja-mais vraiment quittée : je milite au parti socialiste, je vais en réunion de section, le couffin du bébé souvent sous le bras. Je participe aux campagnes électorales : nous tirons les tracts nous-mêmes et, comme je l’ai déjà mentionné, je confec-tionne même à domicile des banderoles pour les manifestations avec couture et pinceaux. J’aime cette vie militante que je ne suis pas prête à sacrifier.

J’ai coutume de dire que je mets trois journées dans une : vie familiale (c’est à moi de gérer l’intendance), vie professionnelle et vie politique – ce sera d’autant plus vrai quand en 1982, je serai élue Conseillère générale. Ysabelle n’a que 8 ans et Élise 5. Je dois jongler avec toutes ces obligations, j’assume. C’est la dure réalité de beaucoup de femmes dans ces années-là : la répartition stéréotypée des tâches fait que ce sont elles qui trinquent le plus dans cette polyvalence. Le mari ou le compagnon est « mono- tâche ». Il ne se soucie pas de savoir ce qu’il y aura à manger le soir ni de vérifier si le frigo est plein, si la lessive est faite… Quelque fois cela m’excède et je maugrée car je trouve que Jean-Marc a le beau rôle  : quand il rentre, c’est pour les câlins alors que moi j’ai endossé le rôle de fée carabosse pour faire respecter un minimum de discipline.

Nous sommes d’accord pour considérer que la vie de famille doit être notre pôle de ressourcement et que nous devons tout faire pour en assurer l’équilibre. Alors,

Avec Elise et Ysa, aux 4 Moulins © B Ayrault

Le Wolkswagen© B Ayrault

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dont elles sont l’objet. Nous sommes allés les voir en ce fameux noël 1981 qu’elles ont passé à l’usine et depuis, nous restons en contact. Nous irons même en bus avec elles à Paris, chantant en chœur « Le chiffon rouge », quand elles voudront plus tard, ren-contrer la Direction parisienne qui ne voulait pas les recevoir. Elles brandissent haut leur féminisme, elles ont la force et l’audace des gens qui n’ont plus rien à perdre, et elles n’ont pas froid aux yeux, ça tombe bien, moi non plus…

Mes débuts au Conseil général ne sont pas une sinécure. Dès le départ, je veux frapper fort. En tant que membre de la Commission Culture et Sports, je prends la pa-role dans une des premières sessions pour contester le projet de la majorité de droite de casser la Maison de la Culture de Nantes et du Département. La majorité de droite veut créer une nouvelle structure « Espace 44 », sous son unique tutelle, je dirais sous sa coupe. Je construis un discours très argumenté, en m’appuyant notamment sur Gramsci, ce penseur italien qui fait du « Front culturel », une arme pour combattre la société capitaliste. Bref, je travaille à la préparation de mon intervention que je peau-fine pendant des heures et ce, pour m’entendre rabrouer par le vice-président RPR de l’Assemblée départementale, en termes peu amènes, à l’issue de ce discours : « Mais faites taire cette langue de vipère ! D’ailleurs, c’est sûrement son mari qui lui a écrit son discours… ». Voilà, je suis vite mise au parfum de la misogynie ambiante et du sexisme qui règnent alors dans ces travées… Mais je ne vais pas m’en laisser comp-ter et il ne me le dira pas deux fois. Mes opposants comprennent vite de quel bois je

Conseillère générale © Georges Dumout

Article d’Ouest-France.

Remise de médailles au sportifs © B Ayrault

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Ce qui me passionne le plus, ce sont tous les dossiers relatifs à une meilleure accessibilité à la culture et au sport pour tous. Ils font partie de mon ADN. Mettre la culture et le sport à la portée de tous, quel que soit l’éloignement sociologique ou géographique, arrêter de se mettre des freins parce qu’on considère que ce n’est pas pour soi, pouvoir s’ouvrir au monde même si on n’a pas d’argent, même si l’on est handicapé, faire tomber les barrières. Mettre en circulation partout dans la cam-pagne des bibliobus, construire des médiathèques. Accroître le nombre d’anima-teurs sportifs. Développer la pratique musicale et celle de la danse... Évidemment, je trouve la majorité départementale de droite beaucoup trop frileuse sur ces sujets et je ferraille à chaque fois pour tenter d’obtenir gain de cause.

Je monte aussi au créneau lorsqu’il s’agit de défendre les collèges qui sont de com-pétence départementale. Je voudrais tellement qu’on fasse plus pour les personnes atteintes de troubles « dys » - dyslexie, dyspraxie, dysphasie - dont je connais la souf-france. Le Conseil général a aussi compétence en matière de prévention et c’est un sujet qui me passionne. À Saint Herblain, je suis administratrice d’un CAPS (Club Action Prévention Spécialisée) qui a pour mission la lutte contre la marginalisation. Il aide à l’insertion des jeunes et de leurs familles dans les lieux où se manifestent les risques d’inadaptation sociale, dans les quartiers populaires. On y parle beaucoup de la prévention des conduites à risques, de l’aide à l’insertion sociale et professionnelle, du partenariat avec l’ensemble des acteurs concernés, de la lutte contre les violences urbaines ou contre le décrochage scolaire : autant de sujets d’une actualité trop sou-vent brûlante.

Je passe beaucoup de temps à éplucher les dossiers de demande d’attribution du RMI (revenu minimum d’insertion), dossiers qui sont autant de fenêtres sur les problèmes de chômage, d’alcoolisme, de violence conjugale, d’exclusion liés au handicap. Comment dormir tranquille devant tant de misère sociale  ? Pompier d’une société pyromane, je suis agitée très souvent par la mauvaise conscience et le remords de ne pouvoir en faire plus. Dans notre commission lo-cale, nous nous occupons aussi des dossiers des gens

du voyage. Je dois parfois contrer des arguments racistes et je prêche beaucoup pour aider à la sédentarisation de ces populations. Mon but est de favoriser la scolarisation des enfants mais bien sûr, je me heurte souvent de leur côté, au conflit de loyauté face à une culture ancestrale qu’ils ne souhaitent pas trahir.

En parallèle, je garde mon mi-temps d’enseignante et je sais gré à mes collègues de ne pas changer leur regard sur moi depuis que je suis élue. Je trouve vraiment que garder les pieds dans la glaise (je ferais mieux de parler de bitume pour la ZUP Bellevue) nourrit mon engagement politique d’élue. À l’inverse, je pense que mes

Au Sillon de Bretagne avec le maire de St Herblain © Georges Dumout

engagements extérieurs me permettent de relativiser les petits ennuis vécus au quo-tidien dans mon rapport aux élèves et de leur apporter, comme à mes enfants, une ouverture que j’espère non négligeable.

Je ferai trois mandats en tant que Conseillère générale et je serai à chaque fois réélue au premier tour. J’aurais pu, forte de ce soutien de mes électeurs, poursuivre plus loin dans le temps mais j’avais décidé, dès le début, de ne faire que trois mandats et je m’y suis tenue. Je quitte donc la scène départementale en 2001, après 19 ans de bons et loyaux services qui me valent le titre de « Conseillère générale honoraire ».

MES BLEUS À L’ÂME

« Un bon ami m’a dit que les problèmes sont comme les cafards : dès qu’on les fait sortir à la lumière, ils prennent peur et s’en vont. »

Carlos Ruis Zafón

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M. et Mme Alain Mustière, le Président de la Chambre de Commerce Internationale, M. et Mme Charles Henri de Cossé Brissac, le président du Conseil général, le préfet Alain Ohrel et Isabelle, sa charmante épouse, et même avec l’Évêque, Monseigneur Marcus. À chaque fois, j’y passe la journée, entre le marché du matin et la cuisine de l’après-midi mais les liens se nouent et la discussion est ainsi plus aisée.

J’assume un rôle important de « go-between »  : les Nantais peuvent m’aborder facilement et me faire passer des messages que je retransmets fidèlement. J’aime être à leur écoute dans tous les lieux de rencontre. Je suis assez intuitive et je capte faci-lement l’air du temps. C’est sans doute pour cela que Jean-Marc aime m’avoir à ses côtés dans ces diverses occasions. Nous échangeons en permanence sur nos ressentis politiques. Je suis passionnée par les multiples problématiques qui émaillent la vie municipale. Les centres d’intérêt sont si diversifiés ! C’est la vie citoyenne que nous croquons à pleines dents…

Nous sommes de tous les évènements festifs nantais, qu’ils soient culturels ou sportifs, aux côtés des associations.

Coupe du monde © Stephane Ménoret

Fêtes de l’Erdre (Hélène et jean-François, Jossic, Gilles Servat...) © Régis Routier

Bal du 3ème âge © Regis Routier

Concert dans les douves du château©Regis Routier

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Le défilé des personnalités

À partir de mes albums photos que je feuillette pour l’occasion, je vais faire une liste à la Prévert des évènements auxquels j’ai participé et que j’ai trouvés marquants mais sans en reprendre le fil… Durant ces quatre mandats, nous rencontrons beau-coup de grandes personnalités politiques, culturelles ou sportives qui viennent ho-norer Nantes ou participer à telle ou telle inauguration. C’est à chaque fois l’occasion pour nous de découvrir leur passion…

D’abord des rencontres sur un thème qui nous est cher, celui qui concerne les droits humains. Nous nous rendons en 1989 au Sénégal, à Gorée plus précisément, endroit d’où partaient les esclaves, pour assister au départ du bateau qui, sous l’égide de Médecins du Monde, emmènera des enfants venus du monde entier vers New York où sera signée la Convention internationale des droits de l’enfant. Beau temps de partage. Quelle émotion que celle de voir ces enfants s’embarquer pour défendre leurs droits ! En 54 articles, ce texte sera adopté à l’unanimité par l’Assemblée géné-rale des Nations Unies, il proclame les droits civils, économiques, sociaux et culturels de l’enfant. Il a fallu plus de 10 ans pour l’élaborer. Nous ferons ensuite le déplace-ment à New York pour montrer combien cette cause nous importe. C’est une avancée majeure mais il y a encore tant à faire pour que ces droits soient mis en application partout comme le préconise la Convention. Pour nous, c’est un long combat puisque déjà, à Saint Herblain, nous avions lancé un colloque national « Citoyenneté et Droits des enfants » en présence de Jean-Pierre Rosenczveig, célèbre juge des enfants  ; à l’époque je suis à la tribune comme Conseillère générale.

Nous allons recevoir beaucoup de grandes figures porteuses d’un combat qui les honore. Taslima Nasreen, si forte et si courageuse, qui prône l’émancipa-tion des femmes et la lutte contre l’inté-grisme islamiste dans son pays natal le Bengladesh. Léa Rabin, après la mort de son mari Yitzhak Rabin, femme écarte-lée de douleur rentrée, impressionnante de dignité. L’abbé Pierre, personnage

physiquement très fragile mais dont émane une force extraordinaire prêchant contre les diverses formes d’exclusion, dont celle du logement. Sœur Emmanuelle, petit bout de bonne femme, lumineuse, irradiant de générosité et de bonté, armée de passion, de colère, de révolte, à l’enthousiasme si communicatif et au langage fleuri et sans entraves au service des plus démunis. Lucie Aubrac nous parlant en toute humilité de sa vie héroïque de grande résistante. Ou encore le Dalaï Lama, personnage érudit et attachant, qui semble rire tout le temps et enseigner le bouddhisme (j’assiste à une de ses conférences) avec beaucoup de décontraction et de modestie.

Avec Taslima Nasreen © B Ayrault

Avec le Dalaï Lama et Matthieu Ricard © Regis Routier

Avec Agnes Varda et Piccoli © B Ayrault

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Royal de Luxe

Le maire de Toulouse vient de refuser une subvention à la compagnie Royal de Luxe qui sollicite Nantes en 1989. Jean-Luc Courcoult, son génial créateur, va faire des miracles avec ses marionnettes géantes qu’il peut construire dans l’ancienne rizerie que la ville met à sa disposition en bord de Loire. Il me faudrait carrément écrire un livre pour retranscrire la magie de cette saga des géants que la compagnie crée à Nantes, qui vont émerveiller le monde entier. Elle nous donne tour à tour un éléphant, des girafes, un grand géant qui parfois se transforme en scaphandrier, une petite géante, un enfant noir, une grand-mère, un chien et ce n’est pas fini ! Ces géants nous font vivre un paradoxe : bien que surdimensionnés, ils nous sont telle-ment proches qu’on a l’impression qu’ils parlent à chacun de nous en particulier. Ils posent sur nous un regard tendre et humain à faire pleurer petits et grands. Dans cette belle aventure, Jean-Luc est merveilleusement secondé par la Directrice de sa compagnie, Gwen Raux qui, sans en avoir l’air, d’une sérénité à toute épreuve, imper-turbable devant le tempétueux, veille au grain et à la mise en musique de cette formi-dable aventure. Courcoult est un grand conteur, un créateur de génie dont l’imagi-nation n’a pas de limite. Il nous entraîne dans son univers déjanté, plein d’humour, d’émotion et de poésie. Avec lui, tout est possible, il ouvre grand les portes de notre imaginaire. Son univers est celui d’une poésie absolue : sous ce qui peut paraître parfois d’un humour caustique et provocateur, il y a toujours un regard tendre et plein d’humanité. Il touche à l’universel et, dans les quartiers populaires ou dans les cœurs de ville, les millions de spectateurs sont sous le charme : c’est un moment du vivre ensemble extraordinaire, les gens qui s’ignoraient se parlent, s’interrogent pour savoir où est passé le géant ou ce qu’il a fait la veille, la rumeur bienveillante s’empare de la ville comme une traînée de poudre. Jean-Luc est un homme à la sensibilité à fleur de peau, au tempérament éruptif, capable de colères homériques mais aussi de rires tonitruants et surtout doué d’une hyper-sensibilité et d’un talent visionnaire. Nous le connaissons bien parce que nous nous fréquentons en dehors des spectacles : autour d’un excellent chou farci ou d’un « gigot de 7 heures » de sa confection, il peut nous expliquer comment naît son inspiration, comment se construit un spectacle, ce qui l’anime et le fait rêver. Quand il est pris d’un coup de blues, il nous envoie un SOS par sms et nous répondons présents.

Je retiens un exemple précis pour illustrer cette proximité, celui du déplacement à Berlin. La célèbre troupe nantaise y est invitée pour célébrer les 20 ans de la chute du mur, en octobre 2009. Nous sommes du voyage. Pour l’occasion, la petite géante va retrouver son oncle, le grand géant, dont elle a été séparée par un « cataclysme incompréhensible » raconte Courcoult. Les géants errent devant les lieux embléma-tiques comme l’esplanade du Reichstag (les autorités allemandes ne veulent pas que la compagnie s’arrête devant mais rien à faire, c’est le projet artistique de Jean-Luc et donc il ne cède pas : il va simuler une panne juste devant !) et l’ancien point de passage entre l’est et l’ouest le Check point Charlie. La « petite géante » venue de l’Est

et le « grand géant » venu de l’Ouest, vont se retrouver symboliquement à la Porte de Brandebourg, dans le quartier de Tiergarten. Là encore, heurt la veille du spectacle avec les autorités car Jean-Luc veut faire passer la petite géante au-dessus de cette porte mais les autorités s’y opposent : le vent souffle et ils ont très peur pour leur fameux quadrige, sculpture d’un char antique à deux roues, attelé à quatre chevaux de front, conduit par la déesse de la victoire, œuvre classée monument historique. La Porte de Brandebourg est symbolique de la division de la ville lors de l’édification du mur de Berlin en 1961 puis de sa réu-nification à la chute du mur en 1989. On est samedi soir, les retrouvailles des géants doivent avoir lieu le lendemain et chacun campe sur ses positions. Nous allons pas-ser des heures à essayer de raisonner Jean-Luc qui veut tout abandonner et repartir à Nantes aux aurores. Le nombre de bières bues n’y fait rien, il reste intraitable : il a son image en tête, c’est lui l’artiste, il sait comment créer la poésie et la magie de ce moment des retrouvailles… Jean-Marc le prend à part, en tête à tête, pour jouer la

Royal, la girafe © Régis Routier

Royalde luxe © B Ayrault et R Delaroque

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Passation de pouvoirs avec Laurent Fabius, 12 fev 2016 © MAE Le nouveau gouvernement, fev 2016 © MAE

Dans le bureau du ministre @ B Ayrault Quai d’Orsay, bureau du ministre @ B Ayrault

Journee du patrimoine © MAE Le salon de l’horloge @ B Ayrault

John Kerry, légion d’honneur © MAE John Kerry, Léo, Ysabelle, au déjeuner qui suivit la remise de légion d’honneur © MAE

Avec Thierry Bouron, derniers préparatifs du déjeuner de Bien-venue en France © MAE

Diner de levée de fonds pour Souffle de violette avec Ch Salaün @ B Ayrault

Discours d’accueil des membres de Bienvenue en France © MAE Avec l’AFCA, 2016 @ MAE