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Voyage en Inde Regard anthropologique sur la médecine tibétaine West Bengale Sikkim Kolkata – Darjeeling – Gangtok 16 au 30 octobre 2005 SFTG – Luc Beaumadier Kanchenjunga - Darjeeling Page 1

Voyage en Inde - SFTG · couleurs des sièges (décoration de feuilles rouges et jaunes) et costumes bengalis des hôtesses. Puis, lors du transit à Dhaka (Dacca : capitale du Bangladesh),

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Voyage en IndeRegard anthropologique sur la médecine tibétaine

West BengaleSikkim

Kolkata – Darjeeling – Gangtok

16 au 30 octobre 2005

SFTG – Luc Beaumadier

Kanchenjunga - Darjeeling

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Le Bangladesh

Dimanche 16 octobre 2005

Prise de contact avec l'Asie dès que l'on monte dans l'avion de Biman (Compagnie du Bangladesh) :couleurs des sièges (décoration de feuilles rouges et jaunes) et costumes bengalis des hôtesses. Puis,lors du transit à Dhaka (Dacca : capitale du Bangladesh), petit-déjeuner asiatique, avant de prendrela correspondance pour Calcutta.

Là, premier choc : le car qui conduit à l'avion est d'un style très ancien, plus ou moins rouillé voirebrinquebalant. Les sièges sont en position longitudinale. Ce pays ne doit pas avoir beaucoupd'argent. Des femmes réparent le tarmac, oui des femmes, outils de terrassiers en mains.

Arrivée à Kolkata (Calcutta)

Lundi 17 octobre 2005

Première vision : l'incroyable vétusté des bus, bleus, sans vitres aux fenêtres. Ils roulent à fond, et sefaufilent partout à grand coups de klaxon, les voyageurs montent et descendent en marche. Combiend'accidents par jour ?D'ailleurs les taxis jaunes (au moins la moitié des véhicules en circulation) roulent à l'identique.Plus tard, devenus piétons pour explorer le quartier autour du Middleton Inn (notre hôtel), nousdévelopperons d'étranges réflexes de survie pour traverser les rues sans finir dans une ambulance...d'autant que la conduite à gauche provoque l'irruption des véhicules à l'inverse de ce que l'on attend,nous qui venons d'un pays où l'on roule à droite.

Sur la chaussée, en fait, roulent les bus (grands et petits), les camions benne Tata assez courts, lestaxis jaunes de type Ambassador, les taxis-scooter à 3 roues, les rickshaws à traction humaine, descyclistes, et enfin quelques voitures individuelles.

Autre vision : des immeubles en construction de 10 étages et plus, soutenus par des échafaudages enbambou. Le bambou, bien moins cher, et aussi solide que le tube d'acier. Les ondulations de cestiges de bambou créent une impression d'à peu près dans la géométrie de la construction. Mais cen'est qu'une impression, tout est droit.

Malgré la fatigue d'une nuit en avion, nous sommes sortis dans les rues autour de l'hôtel. La foule, lebruit, la chaleur, des gens qui vivent et dorment dans la rue. L'infinie variété des petits métiers etcommerces le long des rues. Des enfants qui mendient, des estropiés aussi.

Nous sommes passés devant la caserne des pompiers. Je me demande bien comment font ces groscamions pour atteindre (et donc éteindre) un incendie au fond des ces multiples ruelles étroites etencombrées.

Cette ville m'a fait penser, en 100 fois plus intense, à l'aspect qu'avaient certains quartiers deRoubaix il y a 30 ans, au moment de l'effondrement de l'industrie textile.

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Mass Education

Mardi 18 octobre.

Nous partons à la campagne avec notre petit car blanc. Celui qui nous a conduit hier de l'aéroport àl'hôtel. Toujours la même folie routière.Rendez-vous d'abord à l'hôpital de l'O.N.G. Mass Education. Sri Sukumar Singh, secrétaire de cetteorganisation nous accueille puis explique le travail et les projets de cette organisation. Ils utilisenttous les moyens à leur disposition pour soigner les gens. La médecine scientifique occidentale,malheureusement chère, l'homéopathie d'importation récente et moins chère. Les gens utilisent aussila médecine ancienne indienne (ayurvédique). Tout ceci dans une tolérance parfaite, sans querellesd'école.Il nous parlera des problèmes de santé de cette région, diarrhées, tuberculose, alcoolisme, et aussi lamort chaque année de 200 personnes tuées par les tigres dans les forêts du sud de Calcutta. Les gensvont en forêt pour le bois.Puis nous visiterons l'hôpital, en cours de rénovation.

Il nous a parlé aussi du travail d'éducation et de prévention en direction de la population rurale.Ensuite ils nous emmènera plein sud vers les villages où cette O.N.G. intervient. Il expose commentils installent des latrines autour des habitations villageoises; il dit que dans ces zones, 98 % deshabitants n'ont aucune latrine, ce qui est catastrophique sur le plan sanitaire.

Remise en route. Rizières immenses, mais qui sont en fait parcellisées entre petits propriétaires. Desbananiers aussi. Nous croiserons plusieurs briqueteries sur environ une heure de route. Il fautalimenter les nombreux chantiers. J'interprète qu'il faut bien loger la population qui croîtrapidement.

Enfin nous arrivons à l'école de Mass Education. Nous sommes attendus. Plusieurs dizainesd'enfants en uniforme impeccablement rangés nous font une émouvante haie d'honneur. Nousn'osions pas entrer... Puis ils nous disposent en cercle dans une sorte de kiosque, et forment unsecond cercle autour de nous, ils nous offrent, à chacune et chacun, des fleurs, et enfin chantent. Jen'ai pas osé prendre la moindre photo !

A distance, sous un autre kiosque, un groupe de personnes âgées nous observaient. Beaucoup devieux en difficulté trouvent ici un soutien.

A cet endroit, nous aurons une présentation détaillée du travail éducatif de cet établissement, àdestination des petits et des adolescents, formation générale, comme professionnelle. M. Singh nousreprécisera que cette ONG est « non-political and non-religious ».

Vient l'heure du repas, dans la cantine de l'école, poulet et riz à déguster avec la main droite, unefeuille de bananier en guise d'assiette. Immersion directe dans la façon de vivre locale. Avant lerepas, séance de lavage des mains, ils nous aident avec seaux, savons et serviettes.

L'après-midi se poursuit avec la rencontre des paysans du secteur. Ces paysans cultivent leurspropres terres, il s'agit d'une zone de petits propriétaires. Mass Education joue un rôle dansl'amélioration de l'agriculture locale, comme les aider à obtenir plusieurs récoltes de riz par an.

Certains de ces paysans sont aussi guérisseurs, l'un d'entre eux qui connaît les plantes et lesincantations qui agissent contre les morsures de serpent nous expliquera comment il procède; en

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effet dans ces villages à la saison des pluies, une personne est mordue chaque jour par un serpenttrès venimeux. Un autre paysan thérapeute nous exposera sa méthode pour soulager deshémorroïdes. Puis on nous présentera 2 femmes actrices d'éducation préventive dans cette zone.Nous partagerons aussi le thé avec tous, comme déjà le matin.Je constate à cette occasion que la population locale a une grande confiance dans les pratiques desoins ancestrales. Et que la médecine scientifique d'origine occidentale est d'accès très difficile dansces villages, à cause de son coût et de l'éloignement des praticiens, qui préfèrent rester en ville nousdira-t-on.

Le soir, retour du restaurant à l'hôtel sous une pluie battante, avec 20 cm d'eau sur les trottoirs.Aucun taxi disponible. Nous arrivâmes au Middleton Inn trempés de la tête aux pieds. Avec cedilemme : soit se mouiller les chaussures, soir les tenir à la main pour leur éviter de tremper dansl'eau, mais marcher sans protection sur ces trottoirs et chaussées pleins de détritus, de trous, et... riende grave n'arrivât, mais les portiers de l'hôtel ont bien ri !

De Kolkata à Darjeeling

Mercredi 19 octobre

Vol d'une heure vers le nord par la compagnie aérienne indienne Jet Airways de Kolkata àBagdogra, près de Siliguri, très haute qualité de service à bord.A l'aéroport de départ, contrôle des billets, mais pas de contrôle d'identité, nous sommes sur un volintérieur nous dira-t-on lorsque certains voudront montrer leur passeport.Puis poursuite du voyage jusqu'à Darjeeling en petit autocar bleu Tata de 24 places. Or noussommes 25, à tour de rôle, certains contempleront la route assis (assises) sur le moteur. Ce trajetprendra toute l'après-midi, nous arriverons la nuit tombée. Nous comprendrons vite pourquoi ilfallait un aussi petit car. Le parcours est superbe, mais on ne peut pas en dire autant de la route,tortueuse, étroite, souvent à pic, et parfois défoncée. Quand la pluie ne la rend pas glissante. Lesvalises sont installées sur le toit du car, malgré la bâche quelques chemises arriveront mouillées.Cette route est aussi très chargée, et parfois bloquée un bon moment à la traversée de certainsvillages. Le chauffeur doit avoir des nerfs d'acier, et une précision de diamantaire pour passer aubord du ravin, aidé il est vrai de son co-pilote qui reste en permanence à la portière du car côtéopposé au volant. Il surveille si ça passe à chaque rétrécissement ou courbe. Il guide le pilote encognant sur le métal de la paroi du car.Nous descendrons en cours de route prendre un thé dans une auberge, le bois sur les murs,l'ambiance chalet nous confirment que nous sommes en montagne. Nous avons quitté la grandeville, il n'y a pas de doute.

Enfin l'arrivée à l'hôtel tibétain Dekeling, perché en haut d'un très long escalier, au centre deDarjeeling. Les porteurs, et les porteuses, montent nos valises, 3, 4 parfois 5 bagages encordés ettirés par le front, les porteuses aussi.

Accueil et repas du soir très sympathiques dans cet hôtel, tout décoré de bois, comme un chaletalpin, même les chambres. On se sent en famille.

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Les monastères de Ghoom

Jeudi 20 octobre

Visite de monastères bouddhistes tibétains autour de Ghoom près de Darjeeling. Nous voulions yaller à pied, mais il pleuvait. Il pleuvra d'ailleurs beaucoup trop pendant ce voyage. Quant au ToyTrain, il était déjà plein lorsque nous nous sommes présentés en gare. Route vers Ghoom donc entaxi 4x4 Tata.

En fait nous visiterons 3 monastères.Le Yiga Choeling Monastery, ancien dans la région, construit au 19e siècle, qui est entretenu, maisn'est plus actif, il n'héberge plus de moines.Le Sakya Guru Monastery, auquel on accède par une longue rampe après avoir franchi la rivière parun pont métallique orange. Cette rivière est malheureusement pleine d'immondices, en contrastetotal avec le pont parfaitement peint. Un travail de construction était en cours, des porteursmontaient des sacs de pierre évalués à 100 kg par certains d'entre nous.Le Thupten Sanag Choling Monastery. Avec une salle de cérémonie plus grande. Nous verronsaussi des salles de prières plus petites, des enfants en classe, la bibliothèque, avec les livres« emmitouflés » dans des tissus colorés, et disposés sur les rayons de bibliothèques vitrées, et trèsdécorées. Concession à la modernité, quelques ordinateurs sur les tables de travail.

Yiga Choeling Monastery

Ces monastères sont extraordinairement colorés, rouge, jaune, bleu, bien flashants. Avec beaucoupd'offrandes. Au fait, le Bouddha Médecine est tout bleu. Nous aurons de longues explications sur lebouddhisme au Sakya Guru Monastery, sur ses principes de respect de la vie, qui conduisentsouvent au régime végétarien. Il ne faut pas tuer. Nous découvrirons le long parcours de formationdes moines. On nous y expliquera aussi en détails ce que l'on y voit : les statues, les lampes àbeurre, les offrandes des fidèles (fruits, statuettes rituelles, argent, et ce que j'oublie).

L'après-midi, longue rencontre avec un médecin tibétain, en tenue de moine, le Dr LabsangThondup. Accompagné d'un enseignant de culture tibétaine, M. Gyurmay Tsundo, qui traduira dutibétain à l'anglais. Cette médecine est complètement intriquée à la religion (au bouddhisme).Difficile, même en 3 heures, de vraiment comprendre, ce qu'il a appris en 5 années d'études. La

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prise du pouls paraît être une méthode de diagnostic cardinale. Il prépare aussi lui-même beaucoupde médicaments avec les plantes qu'il connaît.

Les Tibétains

Vendredi 21 octobre 2005

Visite le matin aux réfugiés Tibétains. Toujours en taxi à cause de la pluie... même si la distancen'est pas très importante.

En 1959, la Chine envahit et annexe le Tibet. Certains réfugiés s'installent à Darjeeling et créentThe Tibetan Refugee Self Help Centre; self-help montre bien le désir de se prendre en charge.

Nous visiterons d'abord leur dispensaire. Où l'on trouve l'essentiel : cabinet médical, pharmacie.L'infirmière responsable nous explique cependant son manque de moyen. Un vieux médecinconsultant qui ne travaille plus qu'à temps partiel. Un bâtiment en bois (construit avec l'aideinternationale) qui vieillit. Le manque de médicaments. Elle a besoin d'argent. Pas de médicaments.Elle préfère les acheter sur place en Inde, qui produit des médicaments, que de trier des produitsétrangers. Elle dit que diabète, tuberculose, alcoolisme sont des problèmes fréquents dans lapopulation qui consulte au centre de soins.L'infirmière a indiqué aussi qu'il n'y avait pas de médecin tibétain dans leur équipe.Taïwan a offert un car qui permet de faire des radios, des ECG, et quelques examens de laboratoire.

Puis nous irons voir le centre où ces réfugiés vivent, réalisent leur travail artisanal, et le vendent.Beaucoup sont très vieux. On sent qu'ils veulent toujours continuer à tenir. Nous verrons le travailtotalement artisanal du bois. La réalisation des magnifiques tapis tibétains aux métiers à tisser. Nousverrons aussi comment la laine brute devient fil coloré.

Nous irons dans leur magasin, d'où il sera difficile de sortir, tant nous aurions pu acheter. Ce qu'ilsfabriquent est si beau, et si attachant après les avoir vu faire.

Le matin détour par le Centre Himalayen, qui nous a permis de beaucoup mieux comprendre lagéographie de ce massif le plus haut de la planète, et de nous rendre compte qu'à Darjeeling nous nesommes pas si loin des sommets, et en tous cas déjà bien dans le massif.D'autre part, des affiches de protestation collées sur certains murs du centre expliquaient que lepersonnel était opposé à la nomination de leur nouveau directeur. L'inde est une démocratie.

Notre guide nous a proposé un petit arrêt à la Batasia Loop, qui est une boucle complète que fait lavoie ferrée pour gagner de la hauteur. Au centre s'élève un Mémorial Militaire aux Ghurkas,combattants népalais qui ont laissé leur vie sur tous les champs de bataille britanniques et indiens.

L'après-midi s'est poursuivie par la rencontre avec un vieux professeur d'histoire et de philosophietibétaine. Il nous a conté les légendes des origines de la culture et de la civilisation tibétaine.Comment le bouddhisme est arrivé au Tibet. J'ai cru comprendre que c'est un système de penséetotalement intégré qui donne le sens à la vie. Il intègre la vie, la religion, la philosophie, la maladieet donc la médecine. Tout se tient. Tout a une explication. Le médecin tibétain nous avait dit : si unenouvelle maladie apparaît, il se peut que moi je ne la connaisse pas, mais dans les textes anciens, sion cherche, on la trouvera. C'est un système monoculturel.

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J'ose une comparaison. Chez nous, il y a des catholiques et des juifs depuis environ 2000 ans, desprotestants depuis 500 ans, des musulmans depuis environ un siècle et des athées depuis au moinsdeux siècles. Le médecin, par tolérance et respect, ne se hasardera pas souvent à discuter avec sonpatient de ses croyances, mais il risque alors de ne pas comprendre le sens que donnera un patient àsa maladie. Il ne répondra pas à ces 2 questions qu'on entend parfois, surtout lors d'une pathologiegrave : pourquoi moi et pourquoi maintenant ?On aboutit à ce paradoxe : la tolérance fait perdre une capacité à rassurer.

Ce vieux professeur était aussi un humoriste qui aime raconter des histoires drôles et se moquer unpeu des élèves occidentaux qu'il a eus. Il a surnommé l'un d'entre nous, homme d'expérience aucrâne dégarni : « the old monk ».

Darjeeling et le Kanchenjunga

Samedi 22 octobre

Troisième journée à Darjeeling. Le matin, chacun est allé où il voulait.Nous sommes allés à deux visiter la gare du Toy Train pour démarrer la journée. J'ai eu beaucoupde chance, puisque nous sommes arrivés quelques minutes avant le départ du train touristique àvapeur. Nous avons vu les derniers préparatifs de la locomotive, et le démarrage à grands coups desifflets, toujours la foule. Et ce train franchit la route dès la sortie de la gare, puis la longe.

A noter qu'il ne pleuvait plus, et qu'on apercevait enfin entre 2 nuages le Kanchenjunga, montagnela plus haute de l'Inde (8597 m) et troisième sommet de la planète.

J'avais très envie d'aller à la gare pour voir les locomotives à vapeur du Toy Train. Cette gare est undes derniers endroits du monde où l'on peut voir toute l'année des machines à vapeur.D'autre part, les gares sont des lieux d'observation privilégiée d'une société. Avec les gens quipartent, et les rites de séparation. Avec les gens qui arrivent et les attitudes d'accueil. Je n'ai pas vusur ce plan de comportements très différents d'autres contrées. L'humanité a des constantes partout.Les gares concentrent aussi souvent les gens en difficultés, ceux qui espèrent tirer un peu deressources du voyageur. Des vendeuses ambulantes, avec des étoffes multicolores, accrochent lesvoyageurs, et surtout les touristes occidentaux. Elles déploient une énergie redoutable pour nousconvaincre de leur acheter quelque chose.

J'ai observé là que rien ne se perd : un vieil homme accroupi, avec un sachet de plastique et uneboite en fer, triait les cendres abandonnées par la locomotive à vapeur : d'un côté les morceaux decharbon incomplètement brûlés, et de l'autre la cendre. Il a tout emmené.

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En remontant de la gare vers le centre ville, j'ai vu un homme qui utilisait un long bâton commebéquille, précarité du soin à nouveau.

Puis nous nous sommes perdus dans les ruelles. Partout des boutiques. Chaque mètre-carré setransforme en échoppe. Tissus, vêtements, nourriture, tabac, loteries, et souvenirs puisque cette villeest très touristique (Occidentaux comme Indiens). Infinie variété de couleurs.Chiens partout, assez pacifiques m'a-t-il semblé, il n'aboient pas comme le chien français au passagedes gens; mais un médecin nous a signalé que la morsure par chien est fréquente.Surprise des senteurs : celles des fleurs, des arômes alimentaires, mais aussi des poubelles et égouts.Cet aspect boutiques, couleurs, odeurs, est superposable à celui de Calcutta. Avec une différence declimat, ici il fait plus frais et personne ne semble coucher dehors.A intervalles réguliers, dans ces ruelles, de petits murets délimitent des espaces réservés auxordures. Les chiens y trouvent leur bonheur. A Kolkata, parfois des enfants fouillaient les détritus.

Plus tard, nous sommes allés sur la promenade touristique face au massif himalayen, celle qui partde la place Chowrastra. D'un seul coup, on bascule en Suisse ou en Autriche. Avec une large allée,des bancs, des petits kiosques pour se reposer et observer le paysage. Et vers 11h30, le voilenuageux s'est suffisamment levé pour voir la majesté du massif du Kanchenjunga.

Puis d'autres ruelles. Toujours des boutiques, des gens partout. En Inde, où que l'on soit, on voit dumonde. Très peu de personnes âgées, souvent abandonnées de leur famille nous a-t-on dit à Calcuttaà Mass Education. Mais beaucoup d'enfants, souvent en uniformes d'écoliers, uniformes plusélégants les uns que les autres, chaque école a le sien, garçonnets en cravate, filles en jupes plisséeset chaussettes, ou jupes longues, parfois même cravate pour les filles. Ces uniformes sont de couleurbleu ou marron, parfois verte, voire rouge. La région de Darjeeling est réputée pour la qualité de sonenseignement.

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Ecolières à la gare de Darjeeling

Dans les rues autant d'hommes que de femmes. Les hommes souvent en pantalon occidentalclassique, et anorak (il fait un peu frais). Le jean est rare, sauf pour quelques adolescents des 2sexes. Les femmes sont en saris très colorés, toujours l'élégance. Les Indiens, ici comme à Calcuttasont vêtus avec distinction. Près de Chowrastra, une mère et sa fillette (5 ans peut-être) avaientrevêtu une tenue de fête, très colorée, rehaussée de fleurs. Ce devait être très important puisqu'unhomme (le père ?) les photographiait.On croise aussi des porteurs lourdement chargés.Certains commerces, surtout les banques, sont gardés par des hommes armés (gourdins ou fusils).Sur la chaussée, des taxis partout, actionnant le klaxon sans arrêt, dès 5h du matin. Avec les agentsde la « traffic police » omniprésents, efficaces et bon enfant, en symbiose avec la population. Lesrues en pente, étroites et au tracé tourmenté, sont plus aisément praticables par le piéton qu'àKolkata. Où les larges avenues rectilignes favorisent la vitesse.Un peu plus loin, une maison en construction, le long de la pente, sur 3 ou 4 niveaux, presque unpetit immeuble. Les constructions sont faites d'une structure (poutres, planchers) en béton, que l'oncloisonne de briques ensuite. Beaucoup de femmes sur le chantier, elles cassent les pierres pour enfaire des graviers de différentes granularités (pour le béton ?), d'autres portent les matériaux vers lehaut de la construction, travail de bête de somme. Il n'y a aucune machine, ni aucun animal de trait.Puisqu'il ne pleuvait plus, tout le monde a mis son linge à sécher sur les toits, la grisaille des tôles asoudainement pris de la couleur.

Ce matin là, certains ont visité les maisons de thé. Les femmes qui travaillent à la cueillette desfeuilles, manuelle, vivent sur place, et sont très peu payées.

A 14h30, une délégation de notre groupe a rendez-vous au siège, en ville, de l'association desréfugiés tibétains. Toujours piloté par notre guide tibétain, Sonam Thompal. Qui sera d'une aideexceptionnelle lors de ce séjour à Darjeeeling. Veillant à tout sans en avoir l'air, il nous expliqueraénormément de choses, provoquera des rencontres passionnantes. Discret, efficace, affable, parlantun anglais clair pour nos oreilles françaises.

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Au siège de l'association, on nous exposera leur action : centre de gestion (ils sont autorisés parl'Inde à recevoir de l'argent de l'étranger), centre de presse, et centre de soins. Puis nous visiteronsles locaux, objets d'un important travail de rénovation. Leur gros problème est le manque depraticiens. Ils n'ont aucun moyen. Tout praticien occidental est le bienvenu s'il prend en charge sonvoyage et son séjour. Une association française envoie régulièrement des dentistes, qui sesuccèdent, avec donc un certaine continuité des soins. Mais pour la médecine générale ? Rien jecrois. Quelques médecins locaux accordent quelques heures si j'ai bien compris. Encore la grandeprécarité du soin pour ces réfugiés tibétains. A noter qu'il existe à Darjeeling un hôpital que nousn'avons pas visité, où le centre de soins envoie ses patients les plus graves.

Enfin le soir, repas dans un palace de grand style, ça fait du bien de se retrouver entre nantis, dansun cadre exceptionnel, avec serveurs en tenue indienne « de gala ». Et rencontre impromptue avecune Sud-Africaine venue travailler dans la région pour l'assainissement. Hasard des voyages.

Vers le Sikkim

Dimanche 23 octobre 2005

Départ vers Gangtok, la capitale du Sikkim (Darjeeling est comme Calcutta dans l'Etat du WestBengale).Madame Norbu, notre hôte de l'hôtel Dekeling, pour l'au-revoir, nous offre à chacun, une écharpetibétaine ornée d'un motif qui souhaite « health, happyness, prosperity ». Très émouvant, elle seraattentionnée jusqu'à la dernière minute, si tous les hôtels étaient tenus par des patronnes aussisympathiques !Les porteuses et les porteurs descendent nos bagages, nous retrouvons le petit car bleu et sonéquipage.Nous démarrons. Passages en lacets dans la forêt tropicale, puis descente vers les torrents, larges,des canots de rafting y naviguent. En fait c'est la Teesta river. Une fourmilière de gens dans le lit ducours d'eau ramassent des cailloux et des pierres, triées, calibrées, en monticules de différentestailles. La route qui parfois s'effondre a besoin de matériaux pour être réparée. A moins que ce nesoit pour les bâtiments en construction.Les paysages sont sublimes, surtout lorsque la route surplombe les vallées. Avec une luxuriance dela végétation, même sur les pentes les plus marquées, et pour agrémenter un peu plus le voyage, dessinges nous observent depuis le bord de la route.

Nous arrivons à Rangpo, ville d'entrée au Sikkim, où nos passeports sont ramassés pour appositiondu visa d'entrée dans ce petit état himalayen, ex protectorat britannique, rattaché à l'Inde depuis1975. L'accès au Sikkim, frontalier de la Chine, est réglementé. En 1962, une guerre a opposé l'Indeet la Chine. Nous allons au restaurant le temps de ces formalités administratives.Ensuite nous remontons vers Gangtok où nous arriverons à nouveau la nuit tombée.Nous avons roulé 7 heures pour faire une centaine de kilomètres. Les routes indiennes sont étroites,sinueuses dans ces montagnes, et parfois très mal revêtues. On a le temps de découvrir !

La première impression à Gangtok est très positive. Cette ville a plusieurs passerelles pour traverserles rues fréquentées. Ce qui est très rassurant, parce que la circulation est aussi folle qu'ailleurs. Enfin de journée, l'artère principale de la ville, la Mahatma Ghandi Road, est transformée en espace« pedestrian », ce qui permet de flâner d'une boutique à l'autre sans danger. Les boutiques sont icicomme à Darjeeling et Calcutta : petites, et incroyablement denses.Et comme Darjeeling, cette ville est construite à flanc de montagne, avec des rues en lacets, desescaliers, des ruelles en forte pente.

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La Tibétologie

Lundi 24 octobre 2005

Nous « explorons » les environs de l'hôtel Mount Jopuno, où la nuit fut relativement calme. Le bruits'arrête vers 22h, malgré un concert de chiens. Mais la vie, et le bruit reprennent avec le lever dusoleil vers 6h. Le soir, le soleil se couche assez brusquement vers 17h30.Près de l'hôtel donc, une musique attire notre attention : c'est le cours de sport, dans la cour del'école St Thomas. Cours de danse de type chinois, en uniforme, avec rubans d'étoffe colorée.Musique de fond enregistrée et coups de gongs d'une des enseignantes. Brusquement un petit se faitsortir du groupe. Pourquoi ?

Un peu plus tard notre groupe descend à pied pendant une bonne demi-heure vers l'institut deTibétologie. Sur l'autre versant de vallée, des rizières en terrasse, et beaucoup d'arbres.

Nous sommes passés en surplomb de l'hôpital, grandes salles communes visibles au travers desfenêtres, et file interminable sur le trottoir pour être reçu en consultation. Nous passerons souventdevant cet hôpital, qui se trouve à une centaine de mètres de notre hôtel, dans la direction du centreville. Franchement je n'aimerais pas y séjourner.

L'institut est très coloré, comme un temple. Nous sommes reçus par le Dr Anna Balicki.Quel plaisir de voir et entendre une excellente scientifique. Qui présente des faits, des observations,mais qui ne fait ni interprétation ni comparaison.Elle est d'origine québécoise, et nous parle en français. Ce qui facilite et accélère l'échange,puisqu'on gagne le temps de traduction anglais-français (par ailleurs indispensable dans les autrescas – merci Leila).Elle nous parle de la population du Sikkim. Les Népalais sont largement majoritaires, et dominentle gouvernement local. Pourtant ce sont des immigrants récents. Les 2 groupes les plus anciens sontles Lepchas, là depuis très longtemps, et les Bothias, présents depuis environ 3 siècles. Ils ontchacun leurs villages, leur langue propre. Mais ici au Sikkim, il est habituel de parler plusieurslangues, y compris l'anglais. Le Lepcha, le Bothia, le Népalais, le Hindi, voire de lire l'anciennelangue du bouddhisme pour accéder aux textes sacrés.Elle nous présente par un film, et un exposé oral, le mode de vie traditionnel dans les villages,agriculture, chasse, pêche en particulier.Elle a envoyé se former au cinéma un jeune issu des villages, il peut donc filmer en étant acceptépar la population. Il filme tout, une cérémonie en entier par exemple, avec les préparatifs, on monteseulement après.L'économie ancestrale de ces populations rurales et pauvres a été modifiée après l'introduction de laculture de la cardamome, épice prisé. Ils se sont enrichis. Quoique depuis un moment une maladiede l'arbuste est source de difficultés. Nous verrons cette plante pousser dans la nature, de façonquasi sauvage.

Elle nous explique les pratiques de soins, très liées à la religion. On a recours habituellement auchaman animiste avec ses transes, puis au religieux bouddhiste, ou même aux deux à la fois. Engénéral, ils se tolèrent l'un l'autre, et peuvent être présent ensemble à un mariage. Les bouddhistes,comme tout système bien structuré voudraient avoir l'exclusivité, mais restent très tolérants. Lemédecin à formation occidentale sera généralement consulté ensuite, s'il y a échec. Et si l'on aconfiance. Un hôpital en zone rurale a vu sa fréquentation baisser parce que le vieux médecin connuet apprécié est parti en retraite.

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Nous sommes rentrés à l'hôtel par le téléphérique, parfaitement moderne, l'Inde est bien un pays quise modernise. Ce petit voyage a permis un survol de la ville, avec vue sur les collines des alentours.

L'après-midi, nous expérimenterons un nouveau véhicule : le Suzuki-Maruti. Petit taxi étroit, bienadapté à la circulation en montagne. Sensations fortes pour ceux dont le chauffeur se croit en rallye.Ceci pour aller voir le monastère de Rumtek, à environ 1h sur l'autre versant de la vallée. Ce lieu esttrès bien gardé, nous devons remettre nos passeports à l'entrée, et plusieurs soldats en armespatrouillent.

La cour du Monastère de Rumtek

Première image : les enfants en tenue monacale qui annonent sous le couvert des cloîtres quientourent la cour principale.Et toujours la décoration multicolore. Nous entendrons la répétition de la musique religieuse, avecles instruments à vent et les percussions.Puis nous visiterons l'imprimerie où de vielles matrices réutilisées cent ou mille fois permettent dereproduire et diffuser les textes sacrés du bouddhisme. On peut même acheter des tirages, mais quisaura les lire ?

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Phodong et les 3 médecins tibétains

Mardi 25 octobre 2005

Notre excursion commence par la descente aux enfers. Dans la M.G. Road, nous prenons à droiteune venelle en escaliers, noirâtre, et glissante. Nous arrivons devant une sorte de grand parking enbéton à 2 étages où des centaines de jeep-taxi attendent le client. Suit un temps de négociation pouren louer le nombre suffisant pour notre groupe.En route pour Phodong, et son monastère, à environ 2 heures de voiture vers le Nord. Il a encore plutoute la nuit. La route est défoncée, avec parfois 100 m sans asphalte, et le 4x4 Tata doit« naviguer » dans la boue en pente et au bord du précipice. Les paysages sont toujours sublimes,sans nuages ce serait encore mieux...

Ce monastère ressemble aux autres. Mais je ne dois pas être capable de repérer les différences. Nousarrivons au moment où l'office commence. Nous entendrons psalmodier les prières, résonner lesgrands gongs, et verrons les jeunes moines faire chanter leurs instruments à vent. Assezimpressionnant. Et agréable.Ensuite nous monterons à pied au village en reconstruction. Un moine nous dira que l'on construitici une école pour 300 enfants. Il semble pourtant n'y avoir quasi personne dans cette montagne. Enfait, je crois avoir compris qu'en Inde, il y a une densité de population telle que tout l'espace estoccupé.Nous découvrirons des orchidées y compris sur les branches des arbres.Puis repas dans une auberge locale, dans un contexte très spécifique.

La route du retour sera très longue, à cause d'un blocage en bas d'une longue pente boueuse. Uncamion bloquait la route. Et les voitures n'arrivaient pas à monter. Nous avons du servir de contre-poids pour alourdir les roues arrière du véhicule en nous mettant à 4 tout en arrière, plus 2personnes montées sur le toit. Un peu inquiétant, j'aurais préféré descendre pour pousser, mais lesIndiens nous ont fait rester à l'intérieur. Pour « améliorer » la situation, notre chauffeur avait peuavant (sans nous faire descendre) changé la roue arrière-droite, par la roue de secours, totalementlisse...

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Donc nous arriverons un peu en retard au rendez-vous de 17h30 dans les salons de l'hôtel Tibet,avec 3 médecins tibétains. Deux hommes en tenue de ville (un en costume 3 pièces mais sanscravate, et l'autre en anorak), et une femme en tenue de nonne et cheveux très courts. Ils sontréfugiés tibétains. L'un est fils de médecin tibétain. Nous discuterons longuement, d'abord de façonformelle : questions-réponses entre notre groupe et eux trois, puis de façon de plus en plusindividualisée au cours du repas partagé ensemble.

Ils nous dirons ce que nous avons déjà entendu. La médecine tibétaine est intimement liée aubouddhisme, elle s'intéresse à 5 éléments, à 3 humeurs. Tout est écrit dans les livres anciens mêmeles nouvelles maladies. Il acceptent leurs limites. A une question sur le suivi de la grossesse, ilsrépondront que la médecine occidentale est meilleure pour ce domaine.

Nous vérifierons que la prise du pouls est très importante pour le diagnostic. Plusieurs d'entre nousse laisseront prendre le pouls. A partir de ce simple examen, il tireront quelques conclusions qu'ilprésenteront à la personne concernée, avec un certain discernement. Pour ce qui me concerne, leDocteur Ngawang SOEPA repérera la méralgie qui me dérange de temps à autre. Mais il me dira demanger moins de pommes de terre (potatoes), alors que j'en consomme peu ?Ils nous questionneront aussi sur notre travail, nos motivations à exercer la médecine.Son collègue exprimera à certains la difficulté de l'exil.

La communication s'est créée entre eux et nous, malgré les fortes différences de formation, deculture, de civilisation. La pratique du soin de premier recours, de l'humain pris en compte commeun tout, doit être une explication de ce contact qui s'est noué.

Le lac Changu

Mercredi 26 octobre 2005

Montée au lac Changu (Tsango), lac sacré.Ce lac est à 12.400 pieds d'altitude (à peu près 3700m), à environ 25 km de route de Gangtok vers leNord-Est, tout proche de la Chine.

Nous retrouvons les 4x4 Tata, et une route toujours étroite, sinueuse, raide, abrupte, construite lelong de parois inclinées parfois de plus de 60 %. De l'eau partout, puisqu'il a continué de pleuvoir.Des torrents qui traversent la route sur des zones cimentées (moins chères qu'un pont ?), un ou 2passages de boue (où est partie l'asphalte ?), à un endroit la moitié de la largeur de la route a glissédans le ravin, et toujours des femmes qui travaillent à la remettre en état. Elle est quand mêmemoins abîmée que la route de la veille. C'est une route stratégique, à cause de la proximité de laChine, nous croiserons beaucoup de casernes, et de nombreux camions militaires. Comment font-ilspour passer ?

Nous prendrons du thé chaud aux boutiques d'un village en cours de route.

Il est prévu que cette route devienne un couloir d'échanges commerciaux entre Chine et Inde. Nousverrons d'ailleurs passer un convoi officiel pour préparer l'inauguration.La montagne et les vallées doivent être très impressionnants, autant que nous pouvons le devinerlorsque le brouillard consent à se lever un peu.Nous réussirons à voir le lac dans sa totalité, mais toujours sous un couvert dense de nuages. Pasmoyen de se faire une idée de l'environnement montagneux. Nous marcherons un peu le long de

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l'eau, et aussi sous l'eau (merci la pluie... et les parapluies).Certains d'entre nous oserons monter sur les yaks, décorés comme des poneys de manège pourpromener les touristes. Ces yaks ont même des « chaussettes » multicolores sur les cornes.

Les yaks du lac Changu

Le midi, repas indien frugal, « momo vegetables » pour ma part, dans une des multiples petitesboutiques à touristes.

Un indien avec son fils d'environ 15 ans m'aborde avec son appareil photo. Je crois qu'il veut que jele photographie avec son fils devant le lac. Je n'y suis pas du tout. Il veut notre photo avec son« student ». Une image d'occidental est si importante que ça ? Il m'a expliqué ensuite qu'il venait duBengale, faire du tourisme comme nous.

Puis retour. Les nuages se lèveront un peu et dévoileront, de façon intermittente, la profondeur desvallées, la hauteur des cascades.

En arrivant en ville, notre taximan s'arrêtera à un garage, pour changer une roue (encore ! ça n'arrivequ'à nous), en laissant les 5 passagers dans la voiture, solide le cric. Nous reconnaîtrons le chauffeurde la veille, qui avait du laisser sa place à un plus jeune et faire contre-poids avec nous pour gravirla pente de boue.

Après ce dépannage, il nous conduit quelques rues au-dessus de l'hôtel, nous dit de descendre ici carc'est compliqué d'aller jusqu'à la porte. Nous nous sommes naturellement perdus. Une dametibétaine a proposé de nous guider. Elle porte la robe caractéristique des tibétaines mariées. Ellenous explique qu'elle travaille à l'hôtel Tibet, à côté du nôtre. Elle a reconnu que nous sommesfrançais à notre accent anglais.

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Derniers moments au Sikkim.

Jeudi 27 octobre 2005

Dernières visites aux boutiques de la M.G. Road (Mahatma Ghandi). Librairie tibétaine, joaillerie,et bien d'autres, selon le goût de chacun.J'ai remarqué assis sur un trottoir un monsieur âgé à côté d'un grand coffre rouge, avec cetteinscription « umbrella repair », dans le coffre des bouts de fils, de tissu, des baleines de parapluie detous types. Un artisan des rues bien utile.

Puis nous allons au marché couvert, installé dans un large bâtiment en béton de 3 niveaux. Aupremier niveau : l'alimentation et fleurs. Patchwork de couleurs sublime. Au deuxième niveau,accessible sans escalier en remontant un peu la rue (nous sommes dans une ville de montagne),l'habillement, les sacs, les chaussures. Tout aussi coloré. Le troisième niveau était fermé.

Marché de Gangtok

En face du marché une fête foraine, que nous avons vu vivre chaque soir.

Au moment de quitter l'hôtel Mount Jopuno, le personnel nous offrira à chacun, comme àDarjeeling, l'écharpe tibétaine, de couleur jaune clair cette fois-ci. C'est toujours émouvant.

A 11h, mise en route vers New Jalpaiguri, toujours le petit car bleu, garé en contre-bas à côté duterrain de sport, donc encore l'aide des porteurs. Très beau parcours en montagne. Avec enfin unpeu de soleil. Nous avons pu voir le Kanchenjunga de notre fenêtre vers 7h30 le matin. Puis nousarrivons en plaine, d'un seul coup. L'air est gris-rose, pollué. Circulation toujours très dense dans laville.

Nous descendons à la gare. Nous sommes entourés de mendiants (des petites filles) et de porteurs en2 minutes. Le train sera bientôt à quai, 1h30 avant le départ, nous aurons bien le temps de nousinstaller.

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Bonnes couchettes de confort européen, avec climatisation, 6 couchettes perpendiculaires à la voiepar compartiment, plus 2 autres longitudinales de l'autre côté du couloir. La largeur des voitures estgénéreuse, au-delà des standards européens. Mais aucune porte de compartiment. Heureusement, lesgens seront silencieux toute la nuit.

Un jeune couple indien occupera les 2 couchettes adjacentes aux nôtres, de l'autre côté du couloir.Ils cadenasseront solidement avec des chaînes leurs bagages. Pas nous, cela nous inquiétera un peu.Les voleurs nocturnes sont-ils fréquents ? Heureusement il ne se passera rien.Ils ont l'air très amoureux. Les « mieux placés » d'entre nous observeront avec délices les longsbaisers à l'indienne. Et je crois d'autres coutumes qu'ils ne nous ont pas révélées...

Le service à bord est de bonne qualité, repas du soir et petit-déjeuner proposés à la place. Mieux quela SNCF. Le voyage nocturne sera tranquille.

Il est objectif de dire que la majorité des voitures ont un confort plus basique. La plupart n'ont pasde vitres aux fenêtres et sont simplement « fermées » par des barres horizontales. Le bruit, lapoussière, le vent, la pluie et la chaleur entrent comme ils veulent.

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Kolkata

Vendredi 28 octobre 2005

Nous arrivons le matin à la gare Sealdah de Kolkata. Les porteurs, tous en tunique rouge, sont déjàdans les wagons avant même que le train ne soit arrêté. Cette gare est immense, la foule très dense,et les mendiants à nouveau là. Un groupe d'occidental les aimante.

Puis nous retournons au Middleton Inn dans le petit car blanc déjà connu. Avec les bagages ficeléssur le toit, mais sans bâche. Je ne comprends pas qu'aucun ne soit tombé en route, avec les virages,les coups de freins.

Pour ma part, ce retour à Calcutta, dans la poussière, les odeurs bizarres, la chaleur humide, la foule,le bruit constant des klaxons, n'a pas été un réel plaisir. Traverser la moindre avenue est toujours uncauchemar. Le tramway est antédiluvien, la plupart des taxis aussi. Nous avons marché un moment,jusqu'à la rivière.

Tramway et boutique à Kolkata

Dans l'avenue Nehru, nous avons été abordés par un commerçant, à la tchache incroyable; il aévidemment réussi à nous vendre quelque chose, après nous avoir entraîné dans son arrière-boutique. Les commerciaux français auraient des leçons à prendre ici. Dans cet endroit, la fouledevient une marée humaine.

Puis nous avons continué par de larges avenues vers le fleuve, et sommes passés devant le siège duparlement régional. Magnifique bâtiment de style colonial britannique dans un immense jardin. Pastrès loin, dans ce qui semble être un jardin public, un troupeau de mouton, en pleine ville. Nousavons aussi parfois croisé une chèvre dans une ruelle. Au bord du fleuve, pas de promenade pour lestouristes, mais à nouveau la foule, des boutiques, des gens qui se lavent et lessivent dans le fleuve.Des bacs pour traverser, des bateaux de pêche.

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En fait, à Calcutta, parmi tant de surprises, j'ai noté les gens qui se lavent dans la rue, des petitsmétiers à même le trottoir tels que barbier, cireur de chaussures, et d'autres quasi sur le trottoir, dansune échoppe minuscule : écrivain public avec une machine à écrire à l'ancienne, tailleur avecmachine à coudre mécanique à pédale.

On croise aussi de grands handicapés, avec des membres amputés, paralysés, ou avec des séquellesde lèpre. Ils mendient, que peuvent-ils faire d'autre ?

Le soir : rencontre avec les amis de la France.Voyage en taxi, en Ambassador jaune (comme tous les taxis de Kolkata). Nous aurons encore de lachance, puisque le nôtre se fera arrêter par la police, sans que nous sachions vraiment pourquoi.Nous croyons comprendre que son assurance n'était pas à jour. Pendant un moment, je me suisdemandé s'il allait nous falloir terminer à pied, alors que nous ne savions même pas où était lerendez-vous.

Nous entrons dans une maison patricienne, immense comme un hôtel. Nous montons au deuxièmeétage, où une grande salle est dressée à notre intention. Nous assisterons d'abord à un concert demusique indienne joué par un jeune duo masculin, cordes et percussion.Puis discussion avec plusieurs intellectuels indiens invités pour nous rencontrer. Une psychiatre, unphilosophe, un peintre, une anthropologue, un professeur de littérature anglaise, parfaitementfrancophone qui nous dit qu'il considère la littérature française plus intéressante que l'anglaise. Etd'autres encore.Soirée riche de rencontres. Chacun d'entre nous a pu discuter un bon moment avec plusieurs de cesinvités.

Retour en taxi. Là j'ai vraiment eu peur. Il grille les feux rouges et arrive à fond aux carrefours enklaxonnant. Le jour, avec la densité du trafic, les embouteillages, le risque est pour le piéton, ou lerickshaw, pas pour la voiture. Mais la nuit, avec un trafic fluide, et ce type de conduite, les« rencontres » aux carrefours ne doivent pas être exceptionnelles. Et il n'y a pas beaucoup deceintures de sécurité.

Départ

Samedi 29 octobre 2005

Nous débutons par un petit-déjeuner à l'hôtel Oberoi, palace de grand luxe. Petit-déjeuner de haut degamme très copieux, et pour toutes les cultures. Salle climatisée naturellement. Encore une fois, çafait du bien de se retrouver un moment entre nantis. Quelques viennoiseries et des fruits frais, ça faitdu bien, parce que la cuisine indienne est intéressante à découvrir, mais enfin, au bout de 15 jours,ne pas manger hyper-pimenté, c'est intéressant aussi.

De là Patrick, qui connaît tout ici, propose de nous emmener visiter le marché aux fleurs. Nousallons d'abord en taxi à la gare d'Howrah, la plus grande d'Asie dit-il. En Europe je ne vois que cellede Munich pour l'évoquer. Avec toujours cette foule dans tous les sens.Nous goûtons une noix de coco fraîche achetée sur le trottoir. Le lait et la pulpe. Ça aide à supporterla chaleur tropicale. Puis nous prenons à pied l'immense pont métallique d'Howrah long de plus de700m, jeté en une seule arche sur le fleuve Hooghly. Toujours la foule sur le pont. Certainsmarcheurs se protègent du soleil avec un parapluie. J'ai failli plusieurs fois tamponner un porteurlourdement chargé.

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Après l'avoir franchi, nous descendons sous le pont où est installé un petit lieu de culte hindou, avecquelques ascètes. On entend sa musique depuis le pont.

Marché aux fleurs

Puis le marché aux fleurs. Enchevêtrement infini de petites boutiques, avec des allées étroites ethumides. Contraste entre la beauté des fleurs, et l'odeur de végétation décomposée du lieu. Si onapproche le nez des fleurs, leurs parfums sont heureusement perceptibles. Dans ce marché, on nousdévisage. Intensité du regard des gens.Et nous terminons l'exploration par la visite de quelques rues commerçantes. Pas le moindre mètrecarré sans boutique.

A la mi-journée, départ en car pour l'aéroport international. Les bagages sont toujours ficelés d'unefaçon aussi peu rassurante. Est-ce pour cela que j'aurai l'impression que notre conducteur conduit defaçon beaucoup plus molle que les autres fois ?

Puis vol sans problèmes jusqu'à Dacca.

Ce n'était pas prévu, mais l'avion de Paris a presque une journée de retard. Nous voilà bloqués danscette ville. Heureusement la Biman nous loge à l'hôtel, loin de l'aéroport, donc en pleine ville.Elle nous sépare en 2 groupes. La circulation est aussi folle qu'à Kolkata.

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Journée imprévue à Dacca.

Dimanche 30 octobre 2005

Nous prenons le taxi pour aller à la rencontre de l'autre groupe.Il n' y a pratiquement pas de femmes dans les rues, au contraire de l'Inde. Et beaucoup moins deboutiques et petits métiers sur les trottoirs.

En arrivant à leur hôtel, on nous dit qu'ils sont au « Market ». Nous y allons.Contraste saisissant : un immense complexe commercial de luxe, bien gardé, est bâti au centre de laville, dans ce pays qui est un des plus pauvres du monde.

L'accueil dans notre hôtel sera sympathique, avec repas corrects, et même une petite cartemanuscrite remise à midi à notre groupe à l'occasion d'une fête musulmane. Les serveurs durestaurant seront constamment très agréables.Je nuance : certains garçons d'étage réclament des pourboires pour rien, ou cherchent à entrer dansla chambre en plein après-midi sans raison identifiée. Cela laisse planer un certain sentimentd'insécurité. D'autant que nous croiserons en ville un groupe de policiers anti-émeutes.

J'ai gardé un souvenir mitigé de Dacca, mais peut-on juger sur quelques heures ?

Conclusion

L'inde est un pays qui donne le sentiment d'être en développement très actif. L'activité est intense.Au milieu de la pauvreté, on voit une modernité évidente qui avance.

Les gens sont d'une gentillesse remarquable, très contents du contact avec l'étranger. On se sent trèsà l'aise avec eux.

Post-face.

Débarqués du DC-10 depuis 5 minutes, un agent de sécurité de l'aéroport et un représentant d'unecompagnie aérienne s'invectivaient copieusement au sujet de 90 passagers que le premier aurait faitattendre inutilement. Pas de doute, nous sommes à Paris...

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