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Tous droits réservés © 24 images, 1997 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 19 juil. 2020 10:51 24 images Vue panoramique Numéro 88-89, automne 1997 URI : https://id.erudit.org/iderudit/23442ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) 24/30 I/S ISSN 0707-9389 (imprimé) 1923-5097 (numérique) Découvrir la revue Citer ce compte rendu (1997). Compte rendu de [Vue panoramique]. 24 images, (88-89), 91–96.

Vue panoramique - Érudit...thew McConaughey, James Woods, John Hurt, Tom Skerritt, Angela Bassett.) 151min. Disc: Warner.— P.B. Sergio Castellitto et Marie Trintignant. LE CRI DE

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Page 1: Vue panoramique - Érudit...thew McConaughey, James Woods, John Hurt, Tom Skerritt, Angela Bassett.) 151min. Disc: Warner.— P.B. Sergio Castellitto et Marie Trintignant. LE CRI DE

Tous droits réservés © 24 images, 1997 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

Cet article est diffusé et préservé par Érudit.Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé del’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.https://www.erudit.org/fr/

Document généré le 19 juil. 2020 10:51

24 images

Vue panoramique

Numéro 88-89, automne 1997

URI : https://id.erudit.org/iderudit/23442ac

Aller au sommaire du numéro

Éditeur(s)24/30 I/S

ISSN0707-9389 (imprimé)1923-5097 (numérique)

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Citer ce compte rendu(1997). Compte rendu de [Vue panoramique]. 24 images, (88-89), 91–96.

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panoramique Une sé lec t ion des f i l m s se r t i s en sa l l e a u Quebec

O n t c o l l a b o r é : Pierre Barrette — P.B. Marco de Blois — M.D. Philippe Gajan — P.G. Marcel Jean — M.J. Yves Rousseau — Y.R. André Roy — A.R. Grégoire Sivan — G.S.

B A T M A N & R O B I N C'est à Joel Schumacher que revient l'honneur de réaliser le Batman numéro 4, son deuxième comme réalisateur, et, bien que le favoritisme déplaise, on s'ennuie beaucoup de Tim Burton... Le costumier devenu cinéaste n'a aucun sens de la poésie et le grandiose signifie pour lui sur­charge, ce qui nous vaut un film informe qui cherche son souffle à chaque plan, d'une laideur ahurissante, fluo jusqu'à vous rendre malade, qui s'égare en poursuites (patins à glace, planche à neige en plein ciel, automo­biles...) et en effets pyrotechniques répétitifs (saviez-vous que lorsqu'un télescope s'effondre, il explose?). Les malai­ses existentiels de Batman, qui faisaient l'intérêt de l'ap­proche de Burton, se trouvent ici évacués pour faire place à une promotion de l'unité familiale et de l'entrepreneur-ship. Homme d'affaires prospère, Bruce Wayne (Batman) vit toujours en célibataire, mais il songe à se marier. Son copain Robin (il l'appelle son partenaire), son domestique Alfred et lui vivent dans une grande maison, et à ce trio ambigu se joint en dernier recours la Batgirl, qui devien­dra la copine de Robin (avis aux esprits tordus: la chauve-souris et le rouge-gorge dorment dans des lits séparés,

alors, pas d'insinua­tions malveillantes). Arnold Schwarze­negger et Uma Thur­man composent une variation de plus sur le couple Pingouin-Catwoman, lui jouant Mister Freeze et elle, Poison Ivy (sorte de déesse malfaisante et tropicale), couple complémentaire parce que représen­tant respectivement le froid et le chaud. Voilà, il n'y a rien d'autre à apprendre. Interprété par le pâle George Clooney, ce Batman 1997 démontre qu'un film ne devrait pas être fait quand l'inspiration n'y est pas. (É.-U. 1997. Ré.: Joel Schumacher. Int.: Arnold Schwarzenegger, George Clooney, Chris O'Donnell, Uma Thurman, Alicia Silverstone.) 130 min. Disc: Warner. — M.D.

George Clooney et Chris O'Donnell.

CONTACT Robert Zemeckis, responsable entre autres de Back to the Future et Who Framed Roger Rabbit?, est surtout con­nu pour être l'auteur du très «honoré» Forrest Gump, sorte de fable sur l'Amérique des années soixante et soixante-dix, une œuvre assez remarquable par la qualité de son scé­nario et certains effets spéciaux, mais par ailleurs tout à fait stupéfiante de candeur idéologique. Son dernier effort, Contact (une adaptation du grand succès éponyme de feu Cari Sagan), joue sensiblement les mêmes cartes, mais malheureusement pour lui (et pour le spectateur), les mêmes défauts minent ce film, que des qualités indé­niables ne réussissent pas à faire oublier.

Ellie (Jodie Foster) est une jeune, belle et brillante scientifique, convaincue de l'existence d'autres formes de vie intelligente ailleurs dans l'univers; elle est la risée de ses confrères, incrédules et un peu machos, jusqu'au jour où elle réussit effectivement à entrer en contact avec la planète Vega. Sur ces entrefaites, elle rencontre Joss Palmer (Matthew McConaughey), un jeune, beau et brillant théologien, convaincu de l'existence de Dieu, «spécialiste des valeurs de la société américaine» (sic), et bientôt con­sultant auprès du Président lui-même. Elle en tombe amoureuse. Ellie ira éventuellement sur Vega mais, manque Jodie Foster.

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de pot, n'en rapportera aucune preuve tangible. Elle se trou­ve donc dans la situation du fidèle, seule avec son expé­rience intime d'une Vérité qu'elle ne peut partager, sinon avec d'autres croyants, comme Joss...

On ne pouvait pas, je crois, illustrer plus naïvement le conflit entre la science et la foi, et en proposer une réso­lution plus dégoulinante de bons sentiments. Comment le spectateur de 1997 pourrait-il sans sourciller accepter que l'extraterrestre prenne la forme du père de l'astronaute, mott quand elle avait neuf ans? Seul le miracle de l'idéolo­gie peut arriver à réconcilier de la sorte les antinomies his­

toriques de l'âme américaine, à couler les contradictions sociales et personnelles dans une même soupe psy­chologique. En ce sens, Zemeckis semble s'affirmer, depuis Forrest Gump, comme une sorte de maître es idéologie, dont l'utilisation du matériau historique (voir l'usage qu'il fait des conférences de presse du président Clinton, un sujet de débat aux USA) n'est que la partie la plus visible d'un travail de manipulation de la réalité pour le moins suspect. (É.-U. 1997. Ré.: Robert Zemeckis. Int.: Jodie Foster, Mat­thew McConaughey, James Woods, John Hurt, Tom Skerritt, Angela Bassett.) 151 min. Disc: Warner. — P.B.

Sergio Castellitto et Marie Trintignant.

LE CRI DE LA SOIE Ce qui fascine probablement dans Le cri de la soie, c'est la précision quasi maniaque de la mise en scène à engen­

drer une rime parfaite entre le matériau et l'objet film. En effet tout concourt, notamment l'interprétation lumineuse de Marie Trintignant, à créer l'impression d'une étrangère glacée au sens de lisse et sensuelle à la fois, qui est celle de la soie. Le déroulement même du récit tient plus à ce déli­cat tissage qu'à l'histoire, somme toute plutôt convenue, d'un psychanalyste et de sa patiente. Film sur les sens, plus particulièrement sur le moins cinématographique d'entre eux, c'est-à-dire le toucher, il nous entraîne vers un univers proche de celui de Huysmans (tout du moins celui d'une partie de son œuvre), dans lequel justement l'aventure des sens confinait à la folie, celle du duc Jean des Esseintes. Troublant par sa matière même, Le cri de la soie est un film qui démontre une belle unité entre son esthétique et son propos, en somme une invitation au voyage, même si celui-ci s'avère de facture plutôt classique. Un bel objet donc, sans plus de prétention, semble-t-il, que son enveloppe formelle. (Fr. 1996. Ré.: Yvon Marciano. Int.: Marie Trintignant, Sergio Castellitto, Anémone.) 110 min. Disc: CFP. — P.G.

Jean-Pierre Bacri et Alain Chabat.

D I D I E R Difficile de ne pas éprouver une légitime appréhension à la lecture du synopsis de ce premier film d'Alain Chabat. Pensez plutôt: l'histoire est celle d'un chien (Didier, donc)

qui, du jour au lendemain, se trouve métamorphosé en être humain. Allons bon! Sommes-nous là confrontés à l'ultime toquade d'un trublion roublard en mal d'idées farfelues? Que nenni! Didier est une remarquable comédie dont l'une des idées de génie est justement de ne pas se for­maliser de ses inventions saugrenues. Si le postulat de départ semble proprement invraisemblable, Chabat ne cherche paradoxalement jamais à justifier cette incon­gruité scénaristique: une fois la pilule avalée, le specta­teur se laisse délicieusement aller à cette farce, il faut l'avouer, assez irrésistible. Sans en rajouter dans un excès de zèle (notamment pour ce qui est des effets spéciaux ou des pitreries imputables à son jeu) qui lui ferait confon­dre «joyeuse trouvaille» avec «clownerie boursouflée jusqu'à saturation», Chabat s'offre malgré tout le luxe de mener ses (très) bonnes idées jusqu'à leur terme, et acces­soirement de propager un joyeux tohu-bohu partout où se balade son personnage de chien réincarné en homme. On pouvait également craindre qu'il ne joue le jeu de la private joke, ou de la comédie «style ZAZ», en se con­tentant de baser l'univers comique de son film unique­ment sur le vivier de références que représentaient ses émis­sions télévisées (lorsqu'il faisait encore partie du groupe des «Nuls»). L'entreprise se serait ainsi privée d'une au-

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dience dépassant les frontières françaises (audience forcé­ment imperméable à cet humour très codé). L'histoire est en définitive assez intemporelle et universelle pour tou­cher un large public. Les gags, lorgnant tantôt vers le fantastique, tantôt vers le burlesque, sont la plupart du

temps plutôt réjouissants (voire carrément désopilants), et le spectateur ne s'ennuie pas une minute. De la très belle ouvrage! (Fr. 1997. Ré.: Alain Chabat. Int.: Alain Chabat, Jean-Pierre Bacri, Isabelle Gélinas.) 105 min. Dist.: CFP. — G . S .

F A C E / O F F Changer de corps, de visage, transférer une per­

sonnalité, voire un cerveau d'un corps à l'autre: voilà un excellent sujet de cinéma, qui fut d'ailleurs souvent exploité avec bonheur par des films sentant bon la série B. Le truc est économique et repose sur la croyance à ce que l'on voit: un acteur devient l'autre, moi c'est lui et lui c'est moi. En général quand les acteurs sont bons (Travolta et Cage le sont) et la mise en scène efficace on achète, peu importe les invraisemblances scénaristiques.

Alors, qu'est-ce qui fait que le dernier John Woo ne décolle que très rarement? Peut-être est-ce la débauche de moyens mis à sa disposition et qui tirent le film vers le produit d'action standard qu'Hollywood nous photocopie en masse à chaque été. On objectera qu'il reste la patte de John Woo: ses ralentis, ses duels au pistolet, son montage lyrique et des héros très durs au cœur très tendre, d'un sen­timentalisme mélodramatique outré mais assumé (une petite larme entre deux boucheries) qui est d'ailleurs une des conventions du film d'action made in Hong-Kong. Car pour apprécier un film de John Woo, il faut accepter cer­taines conventions, toutes présentes dans FacelOff, qui est sinon son meilleur film américain, du moins le plus pro­che, nonobstant le budget, de ce qu'il produisait à Hong-Kong; production qui a été vue, analysée, disséquée puis clonée par tout ce que la Californie compte de faiseurs de films d'action en mal d'inspiration. Tarantino en tête, Hollywood s'est tellement entiché de John Woo qu'en plus de l'inviter à y travailler, on s'est affairé à piller joyeuse-

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ment sa palette en multipliant les emprunts. On ne comp­te plus les films ayant leur scène «à la John Woo», ce qui finit par édulcorer l'original, surtout quand l'original tombe de son côté dans les pires clichés de la surenchère d'explosions et la débauche technologique.

Victime de son influence esthétique, John Woo s'est ironiquement fait voler son visage par ses épigones. Au fond, c'est peut-être ce que raconte son film. (É.-U. 1997. Ré.: John Woo. Int.: John Travolta, Nicolas Cage, Joan Allen, Gina Gershon, Alessandro Nivola, Dominique Swain, Nick Cassavetes.) 119 min. Disc: Paramount. — Y. R.

Joan Allen et Nicolas Cage.

T H E L O S T W O R L D :

JURASSIC P A R K On peut reprocher tout ce que l'on veut à Steven Spielberg, mais il faut bien admet­tre qu'il n'est pas du genre à étirer une sauce pour la seule profitabilité de l'entreprise; ses sequels ont la réputation (méritée, je crois) d'être souvent meilleurs que les originaux, et The Lost World: Jurassic Park le confir­me une fois de plus. Cela dit, il faut voir à quoi on compare ce film, car le premier volet de ces histoires de dinosaures, extrêmement faible au point de vue scénaristique, n'était sauvé du naufrage que par deux ou trois séquences d'animation révolutionnaires.

Encore ici, le scénario n'est qu'un pré­texte. Le professeur Ian Malcolm (Jeff Goldblum), qui était de la première expédi­tion au Parc Jurassique, est invité à se ren­dre au «site B», une île sur laquelle les dinosaures vivent en liberté. Il doit y mener une sorte de safari écologique en compagnie de sa petite amie, de quelques spécialistes et... de sa fille, qui s'est glissée dans la soute à bagages! Mais la joyeuse bande est dérangée dans

ses plans par une armée de mercenaires, débarquée sur l'île avec la mission de ramener à terre, à des fins bien évidem­ment mercantiles, un méchant tyrannosaure rex: ils réus­siront, mais pas sans transformer San Francisco en un

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gigantesque plateau de tournage de la version high tech de Godzilla.

Dès les premières minutes du film, on prend bien soin d'annoncer, par la bouche du vieux savant, que l'expédi­tion écologique constitue la «dernière chance de rédemp­tion», mais le spectateut n'a pas besoin d'un tel indice pour comprendre le lourd message écologique sous-jacent au film, ni d'un discours pseudo-scientifique sur l'instinct

parental du dinosaure pour saisir que pour Spielberg, ce qui est perdu dans ce monde (le nôtre!), c'est la famille. Restent les effets spéciaux, plus nombreux et mieux réus­sis encore que dans le premier film, pour détourner notre attention de ce verbeux attendrissement. (É.-U. 1997. Ré.: Steven Spielberg. Int.: Jeff Goldblum, Julianne Moore, Pete Postlethwaite, Arliss Howard, Richard Attenbo­rough.) 134 min. Dist.: Universal. — P . B .

Tommy Lee

Jones et

Wi l l Smith.

M E N I N B L A C K De tous les gros canons de l'été, Men in Black est le seul film qui ait trouvé grâce auprès de l'ensemble de la presse quotidienne. En effet, tous ont vanté sa vigueur, son humour et son ingéniosité. Le film méritait-il un tel con­

cert d'éloges? Oui et non. Oui parce que Barry Sonnenfeld, déjà maître d'œuvre de The Addams Family, excelle à créer une imagerie forte et étonnante. Oui parce que les deux acteurs, Will Smith et Tommy Lee Jones, jouent les agents spéciaux avec un plaisir communicatif. Oui parce que le film n'est jamais pompeux, parce que sa légèreté n'est jamais menacée par les bonnes intentions ou l'ambition.

Cependant, malgré ces qualités bien réelles et non négligeables, Men in Black demeure un film bancal, dont l'intrigue peine à prendre forme. On reconnaît là la touche Sonnenfeld, cinéaste plus préoccupé par les possibilités pyrotechniques d'un scénario que par l'ensemble de son déroulement. Ainsi, par une curieuse contorsion de l'arith­métique cinématographique, la valeur globale du film n'est pas égale à la somme de ses parties. On aurait tort de bouder son plaisir de spectateur en déconseillant ce film, mais on ne peut s'empêcher d'être déçu à la pensée de ce qu'aurait pu être cette aventure parodique dans les mains d'un cinéaste de plus grande envergure (on imagine Tim Burton, bien sûr, mais songeons aussi à Frank Oz ou à Joe Dante, qui savent donner à leurs histoires une dimension supplémentaire). Parce que Men in Black repose sur un sous-texte ingénieux (la question de l'immigration vue sous l'angle extraterrestre; les États-Unis comme terre d'accueil; le melting-pot américain) que Sonnenfeld refuse d'exploi­ter. Visiblement, le réalisateur esquisse à peine ce sous-texte parce qu'il craint de forcer le trait et, de ce fait, d'alourdir son film. D'autres, cependant, ont réussi avant lui le tour de force de rester légers et grinçants, denses et divertissants. Devant Men in Black, on a l'impression d'observer un réa­lisateur qui a choisi son camp, qui n'a pas hésité à faire les sacrifices qu'il croyait devoir s'imposer. On peut cependant douter de la validité de ces choix, tant le film nous sem­blait plein de promesses. C'est que même le plaisir est une déception, lorsqu'il se pose en obstacle à un plus grand plaisir. Tous les hédonistes le savent. (É.-U. 1997. Ré: Barry Sonnenfeld. Int.: Tommy Lee Jones, Will Smith, Linda Flo­rentine) 100 min. Dist.: Columbia. — M . J .

M Y BEST F R I E N D ' S W E D D I N G Décidément P.J. Hogan est en passe de devenir le spé­cialiste mondial du mariage cinématographique. Après le sympathique Muriel's Wedding, le cinéaste australien débarque dans la haute bourgeoisie de Chicago; histoire semble-t-il, de faire une satire mordante des mœurs nup­tiales américaines. Erreur. Tout comme son précédent film, My Best Friend's Wedding n'est pas un «boy meets girl» mais un «girl against girl», c'est-à-dire comment des femmes sont capables de trésors d'imagination dans la vacherie, la manipulation, la cruauté, la traîtrise et l'hy­pocrisie lorsqu'il s'agit de se disputer un mâle.

Souvenons-nous des «copines» de Muriel dans Mu­riel's Wedding, qui mènent la vie dure à la douce et gen­tille héroïne, ne lui épargnant aucune humiliation. Les

deux films partagent d'autres points communs comme l'utilisation de chansons qui flirtent avec la comédie musi­cale, tout comme une direction artistique impeccable dans le sens du détail kitsch, ce qui fait d'ailleurs souvent penser à Pedro Almodovar et ce, dès le générique.

Dans cette application cinématographique des théo­ries de René Girard sur le désir triangulaire (l'objet n'est jamais si désirable que lorsqu'il est désiré par un tiers), c'est le personnage de Julia Roberts qui porte, outre sa délirante chevelure, le film sur ses épaules, démontrant un sens comique déjà évident dans Prêt-à-porter et, pourquoi pas, dans l'immonde Pretty Woman. Elle incarne la machiavélique Julianne, qui fera tout en son pouvoir pour faire avorter le mariage de son ex-flamme Michael avec

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Kim, une richissime oie blanche. Cette trame n'est en fait qu'un prétexte à montrer le travail de sape de Julianne, qui se démène sur tous les tableaux de la désinformation, ne lésinant pas sur les moyens de communication en vogue comme le cellulaire et le courrier électronique pour tisser une toile de manipulations dans laquelle elle finit par se prendre elle-même. Car My Best Friend's Wedding est un conte moral qui rappelle l'entêtement et le destin de cer­taines héroïnes rohmériennes dont le comportement est dic­té par un orgueil quelque peu infantile, mais combien humain. (É.-U. 1997. Ré.: P.J. Hogan. Int.: Julia Roberts, Dermot Mulroney, Cameron Diaz, Rupert Everett.) 105 min. Dist.: TriStar. — Y.R.

Julia Roberts

et Cameron

Diaz.

O P E R A T I O N C O N D O R Déçus de voir les films américains de Jackie Chan ne rem­porter qu'un succès mitigé, les distributeurs (en ce cas Miramax en collaboration avec la maison de production Dimension Films) sortent ses films réalisés à Hong-Kong, dont ce Operation Condor, produit et mis en scène par le cinéaste martial en 1991; on l'a remixé et on lui a ajouté une nouvelle musique signée Stephen Endelman. C'est espérer rentrer dans ses frais moyennant peu de déboursés pour un film qui a déjà coûté trois fois moins qu'une pro­duction hollywoodienne de même gabarit. Et parlant d'Hollywood, les petits et grands Yankees (c'est-à-dire les adolescents) ne seront pas dépaysés en regardant ce remake ironique ou, si on veut, cette réinterprétation faite les doigts dans le nez (retroussé de Jackie) de Raiders of the Lost Ark. Même intrigue, mêmes lieux, mêmes per­sonnages: un trésor nazi caché dans le désert avec espion cool et jolies demoiselles un peu niaises. Chan prend où il veut et ce qu'il veut, juste pour se permettre de s'amuser (voir le générique de fin avec ses gaffes de tournage) et d'amuser la galerie avec ses acrobaties répétitives et son défilé de gags si courts qu'on a l'impression d'en avoir raté la moitié. Operation Condor mise sur les gros effets et même sur de gros décors mais avec des moyens simples, voire cheap, et le film s'en ressent: incohérent même s'il se veut disjoncté, idiot même s'il croit au comique de se­cond degré, faible même s'il se pense modeste. C'est un pied de nez (arrondi de Jackie) au sérieux de Spielberg, à ses effets calculés au quart de tour, à ses complaisances pour montrer l'investissement dans les décors et les fins de plans qui laissent le temps aux spectateurs de rire ou de retenir leur souffle. Rien de ce fatras et de ce bluff

Jackie Chan.

spielbergiens chez Chan, c'est très speedé, plutôt ra­fraîchissant malgré une image moche et une postsynchro plaquée. Et c'est parfois bien habile en laissant deviner une science — impromptue, car laissée généralement sur le car­reau — de la mise en scène, comme cette poursuite et ces combats dans le noir avec des lampes de poche, dans la grotte où se trouve le trésor. Rien de neuf toutefois puisque le film recycle vieux combats énergiques et aventures hilarantes, mais les Américains, après s'être cassé les dents sur leur tentative d'américanisation de Chan, comptent sur l'incontestable culte du Jackie asiatique pour rentabiliser impertinemment le film. Il y avait foule à «Fant-Asia» pour son unique projection qui était en fait une avant-première. Les Américains avaient donc raison. (H.-K. 1991. Ré.: Jackie Chan. Int.: Jackie Chan, Carol Cheng Yu-ling, Eva Cobo De Garcia, Ikeda Shoko.) 100 min. Dist.: Alliance. — A . R .

S H A L L W E D A N C E ? Dans la comédie musicale américaine des années trente et quarante, les numéros dansés constituaient une puissante métaphore de la sexualité, ainsi qu'une sorte de prisme extrêmement révélateur de la nature des rapports entre les hommes et les femmes. Le réalisateur japonais Masayuki Suo semble l'avoir fort bien saisi, et entrevu par le fait même les similarités entre la société américaine d'alors et le Japon d'aujourd'hui. Dans son film Shall We Dance?, qui emprunte son titre à un célèbre musical réalisé par Sandrich en 1937, il sonde avec une grande finesse

l'âme du mâle japonais et se sert de la danse comme d'une lucarne privilégiée ouverte sur le couple et la sexualité.

Shoei est comptable dans une grande entreprise; il est assez prospère pour payer à sa femme et à sa fille le luxe d'une maison avec jardin, mais il s'ennuie dans ce monde étriqué et sans surprises. Un jour, il aperçoit, à la fenêtre d'une école de danse sociale, une jeune femme à l'air mélancolique; avec l'idée de la séduire, il s'inscrit à des cours, mais il se trouve vite conquis par la danse. Honteux,

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Hideko Hara et Koji Yakusho.

il n'en dit rien à sa femme, qui l'apprendra de la bouche d'un détective privé.

Le résumé du scénario ne dit rien de l'intelligence de ce petit film nuancé, dont toute la force réside justement dans le fait qu'il suggère plutôt qu'il ne montre. Le jeu pudique des acteurs, la mise en scène à la fois sobre et riche de détails, l'utilisation au second degré de vieilles chan­sons sans que cela ne tombe dans le manichéisme ou la pa­rodie, tout concourt à créer un climat un peu mélancolique, comme le regard de la belle Mai. Cela n'empêche pas que le film soit une comédie, mais l'humour y est comme la respiration d'un monde par ailleurs un peu figé, un anti­dote à la rigidité des convenances.

En ce sens, la danse n'est pas seulement une métaphore du couple ou de la sexualité; dans ce monde sans espace, surpeuplé, miniaturisé, elle agit véritablement comme un moyen d'évasion; pas au sens, banal, de l'expression cor­porelle, mais dans celui, thérapeutique, d'une rencontre véritable avec l'autre, d'une symbiose qui s'opère par et grâce à la fluidité des mouvements. Masayuki Suo a réussi ici quelque chose d'assez extraordinaire: utiliser dans un con­texte tout à fait neuf, mais très juste, le pouvoir évocateur de la danse, et renouveler en en respectant les règles, une des traditions cinématographiques les plus riches, celle de la comédie musicale. (Japon 1997. Ré.: Masayuki Suo. Int.: Koji Yakusho, Tamiyo Kusakari, Naoto Takenaka, Eriko Watanabe.) 118 min. Disc: Alliance. — P . B .

Bruno Solo,

Gilbert Melki, Roméo Sarfati,

José Garcia,

Vincent Elbaz.

L A VÉRITÉ S I JE M E N S S'il ne fallait parler que de chiffres à propos de La vérité si je mens (comme s'évertuent la plupart du temps à vouloir le faire les personnages du film), l'on retiendrait principalement les cinq millions de spectateurs français

ayant succombé à l'élan populaire qui a porté cette sym­pathique comédie. En général, à ce sujet, on a l'habitude de parler en France de «phénomène de société», terme générique et un rien réducteur qui définit toute entreprise cinématographique parvenant contre toute attente à trou­ver un large public. À croire que le succès d'un film ne peut plus, de ce côté-ci de l'Atlantique, qu'être affaire

d'accidents heureux. Disons simplement ici que Thomas Gilou, qui s'est fait une spécialité (oserait-on appeler cela un fonds de commerce?...) de situer ses comédies dans un milieu ethnique bien particulier (les Africains de Paris dans Black micmac, les beurs de banlieue dans Raï, et main­tenant les juifs du sentier avec La vérité si je mens), est parvenu à s'acquitter d'un travail plus qu'honorable. La stratégie du gag se base ici principalement sur deux ressorts comiques, axés d'une part sur le sempiternel «choc des cul­tures» (un goy qui essaie de se faire passer pour un juif), et d'autre part sur des références ponctuelles (qu'elles soient religieuses, sociales ou linguistiques) propres au milieu dépeint. Il arrive parfois que le tableau frise la ca­ricature: dans La vérité si je mens, tout le monde parle avec un fort accent pied-noir, porte la chemise largement ouverte, la Breitling plaquée or, et travaille forcément dans le milieu du textile. L'on joue également beaucoup sur la gouaille naturelle des acteurs du film: Vincent Elbaz, Bruno Solo, Elie Kakou, Richard Bohringer et Anthony Delon, entre autres, sont tous très investis dans leurs rôles de frimeurs m'as-tu-vu et passablement dragueurs. Les répliques fusent, et le rythme comique est presque essen­tiellement porté par des dialogues en général assez per­cutants. Si l'on peut émettre quelques réserves sur l'alibi scénaristique assez désuet (l'étranger égaré dans un monde dont il ne maîtrise ni les rites, ni les codes, mais qui fini­ra bien évidemment par se faire accepter par sa famille d'adoption), le film se laisse malgré tout agréablement regarder. (Fr. 1997. Ré.: Thomas Gilou. Int.: Richard Anconina, Amira Casar, Vincent Elbaz, Bruno Solo, Elie Kakou, Richard Bohringer, Anthony Delon.) 100 min. Dist.: CFP. — G . S .

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