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Institute of History, Research Centre for the Humanities, Hungarian Academy of Sciences Vulgarisation et discipline spécialisée Author(s): M. Incze and K. Vargyas Source: Acta Historica Academiae Scientiarum Hungaricae, T. 23, No. 1/2 (1977), pp. 119-132 Published by: Institute of History, Research Centre for the Humanities, Hungarian Academy of Sciences Stable URL: http://www.jstor.org/stable/42555155 . Accessed: 15/06/2014 10:56 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Institute of History, Research Centre for the Humanities, Hungarian Academy of Sciences is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Acta Historica Academiae Scientiarum Hungaricae. http://www.jstor.org This content downloaded from 91.229.229.162 on Sun, 15 Jun 2014 10:56:06 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Vulgarisation et discipline spécialisée

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Institute of History, Research Centre for the Humanities, Hungarian Academy ofSciences

Vulgarisation et discipline spécialiséeAuthor(s): M. Incze and K. VargyasSource: Acta Historica Academiae Scientiarum Hungaricae, T. 23, No. 1/2 (1977), pp. 119-132Published by: Institute of History, Research Centre for the Humanities, Hungarian Academy ofSciencesStable URL: http://www.jstor.org/stable/42555155 .

Accessed: 15/06/2014 10:56

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Vulgarisation et discipline spécialisée

Par

M. Incze

Le problème de la vulgarisation d'une discipline spécialisée, et en particulier notre thème concret, celui de la vulgarisation des acquis des sciences historiques , s'étend sur des questions extrêmement ramifiées, complexes. Par conséquent, il n'est pas facile de s'orienter dans cette problématique, de cerner les questions, les plus essen- tielles. Pourtant, à premier coup d'œil, à la première approche intellectuelle, cela paraît une chose toute simple : les nouveaux acquis des sciences historiques , qui pren- nent corps dans la littérature historique (monographies, études analytiques, publica- tions de sources documentaires, synthèses scientifiques de haut niveau etc.) doivent être communiqués sous une forme accessible à des masses larges de la population. Il va sans dire que cette forme peut être fort diverse : par écrit - livre, étude, article de journal etc., par conférence (y compris à la radio), mais aussi par l'ensemble d 'image et de voix (ou image et texte, film documentaire scientifique, diverses pos- sibilités offertes par la télévision etc.). Et dans le cadre de chaque forme s'offre une multitude de genres . Cela veut dire en d'autres termes, conformément à d'autres ap- proches, que là apparaît la problématique inhérente à la question de genre de la vulgarisation scientifique, où il faut encore bien faire la distinction selon le caractère du thème (thème relevant de l'histoire antique, médiévale, moderne, contemporaine; s'étendant à plusieurs époques, à plusieurs formations sociales, ou une synthèse de ce thème; synthèse d'histoire nationale ou d'histoire universelle; histoire économique ou sociale, politique, comprenant le mouvement ouvrier, ou histoire de la civilisation; histoire locale ou histoire d'entreprises etc.).

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Tout cela ne se fait évidemment pas dans un vase clos, au contraire dans une collectivité nationale , porteur de l'héritage, positif et négatif, du passé, travaillant sur son avenir, progressant vers l'unité sans l'avoir encore atteinte, composée de diffé- rentes couches sociales et de générations vivant ensemble et parallèlement et point fermées à des influences extérieures. Dans une collectivité nationale qui fait partie de la communauté économique et idéologique des nations qui entrent dans le système mondial socialiste, et aussi d'un univers plus large que caractérisent la coexistence pacifique et la lutte idéologique des deux systèmes mondiaux. Tout cela peut déjà suggérer le grand nombre de problèmes auxquels nous nous heurtons dans l'examen

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des conditions dont relève la vulgarisation vraiment efficace des acquis des sciences historiques.

La première question , à notre avis, est de savoir quel est le véhicule social par lequel se fait la vulgarisation scientifique, se transmet son effet. C'est toujours in- fluencé par l'état donné de la conscience sociale, plus particulièrement par celui de la conscience historique, par la conscience socio-historique qui est déterminée par les éléments qu'elle contient, par les interinfluences et leur enchevêtrement. La con- science historique, l'opinion que l'on se fait sur le passé, comprend des éléments fort hétérogènes par suite de Y interinfluence des générations qui vivent côte à côte dans le présent. Cela ne se rapporte évidemment pas exclusivement à la conscience de son époque, dans le sens strict du terme, donc à des choses subjectivement vécues, mais aussi à des traditions historiques, transmises par différentes générations, d'origines diverses, et survivant encore de nos jours. Ce problème est donc bien large, c'est le problème même de l'histoire. Pour illustrer par des exemples ce qui vient d'être dit je cite la préhistoire hongroise, les opinions sur laquelle engendrent des contradictions dans la conscience historique et politique de nos jours, à l'instar des problèmes con- temporains qui ont été vécus par les générations actuelles. Evidemment cela ne change rien au fait que, dans l'intérêt de la formation des consciences, il est extrêmement important de s'occuper, même dans la vulgarisation scientifique de l'histoire con- temporaine, du problème de la conscience historique qui, par suite de l'interinfluence des générations présentes, renferme des éléments hétérogènes aussi. Mais nous ne de- vons pas penser que le problème de la vulgarisation scientifique des conceptions histo- riques contemporaines puisse se réduire au problème de Г histoire des époques que les générations en présence ont vécues. En effet , il s'agit de faire comprendre les lois et nécessités communes à V ensemble des processus historiques , aussi bien à l'histoire na- tionale qu'à l'histoire de (toute) l'humanité.

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La condition sine qua non de la vulgarisation scientifique de l'histoire est évi- demment Y évolution saine de cette discipline , les acquis scientifiques fondamentaux, obtenus grâce à des conceptions scientifiques et à une méthode homogènes, des acquis qui présentent le passé des collectivités nationales, de l'humanité, exempts de sim- plifications, de partis pris, de déformations et de toutes sortes d'émotions nocives. Et à ce propos, il faut préciser qu'il est impossible de comprendre notre histoire na- tionale sans la connaissance de l'histoire des peuples voisins , de celle de cette région qui avait suivi une évolution historique plus ou moins analogue , et que l'on ne peut pas comprendre l'histoire de notre pays et de la région voisine sans connaître l'histoire européenne , et celle de l'Europe sans connaître l'histoire de Yhumanité entière. Ce n'est pas possible parce que cela le rendrait faux, donc antiscientifique, incompré- hensible et gratuit. Et de toute façon le caractère antiscientifique doit rester en dehors de la catégorie de la vulgarisation scientifique.

Mais est-il nécessaire d'avancer une constatation plus banale que tout lieu commun? Du point de vue de notre thème nous considérons qu'il en est besoin. C'est que nombreux sont ceux qui, souvent en toute bonne foi, pensent et suggèrent

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(parfois tout ouvertement, mais plutôt par leur approche) que les sciences historiques, plus exactement l'histoire nationale est une « discipline » absolument différente des autres. Sans le dire ouvertement, ils voient sa tâche dans la glorification, sans égard à quoi que ce soit, de la nation éternelle, existant pour elle-même, en tant que caté- gorie fondamentale, et en ce faisant ressortir les éléments qui s'y prêtent (en ignorant les côtés négatifs éventuels). Face aux arguments scientifiques, au besoin de la to- talité dans la réalité historique, aux exigences bien fondées des méthodes comparativ- es, à l'intégration dans l'évolution sociale universelle, au besoin d'appliquer les me- sures de l'évolution, ils ne cessent de souligner ce caractère « scientifique » spécial, et affirment que l'histoire nationale ne peut pas être examinée à partir de « la lune ». De telles vues rendent impossible de comprendre réellement l'histoire tant nationale qu'universelle, elles aboutissent à une étroitesse des conceptions, à un provincialisme* et de toute façon ne peuvent pas être efficaces vers « l'extérieur », vers d'autres nations.

Ce qui est enfin du caractère « spécifique » de l'histoire nationale sous un tel aspect, il est clair que l'acceptation de cet « argument » imposerait à l'historiographie de renoncer à son rang de science, à des acquis scientifiques qui dépassent les cadres d'une conception qui ne connaît que ses propres lois, qui est d'un nationalisme apo- logétique, donc en réalité anti-nationale, car elle exclut la vraie connaissance de soi, indispensable pour organiser efficacement l'avenir. Cette conception est pareille à celle selon laquelle un chirurgien opérerait autrement, mieux, ses proches ou ceux qui lui sont sympathiques que les autres malades (c'est une autre question que, heur- eusement, il ne peut pas le faire, mais que doit faire un historien qui écrit l'histoire de sa propre nation?). La déontologie scientifique, comme la déontologie médicale, est toujours une et la même: dégager tous les aspects des rapports essentiels, des lois de la réalité, dans notre cas de la réalité historique, présenter les processus historiques objectifs. (C'est déjà évidemment une autre question et qui ne touche pas simplement la discipline même, mais la vulgarisation scientifique, de savoir lesquels des nouveaux acquis de la science faut-il vulgariser en premier lieu, et quand compte tenu toujours du tableau d'ensemble qui doit répondre à la réalité.)

Quant à la question de savoir d'où il faut regarder l'histoire, ce n'est pas de « la lune », mais d'ici, de notre terre où elle se déroule. Elle se déroule dans des cadres nationaux, mais pas du tout indépendamment de l'histoire des autres nations et> surtout de nos jours, de l'humanité entière. Car en effet, de nos jours le monde semble s'engager dans la voie d'une unification accélérée. Mais de quel monde s'agit-il actuel- lement? D'un monde qui se divise en deux systèmes opposés, aux systèmes mondiaux socialiste et capitaliste, et à côté de ceux-ci à ce qu'il est admis d'appeler le tiers monde et qui, de loin, n'est indépendant de la lutte entre les deux systèmes. Il convient donc de regarder notre monde à la fois comme différent et comme tendant à l'unité. Il faut voir d'une manière différenciée les diversités fondamentales, mais aussi les éventuelles identités, les phénomènes mondiaux. Ce n'est donc pas un hasard si la méthode com- parative s'impose avec plus en plus d'exigences, et s'il ne s'agit pas d'une méthode comparative simple mais qualitative, et qui devient de plus en plus obligatoire. L'ap- plication, en tant que méthode, de la confrontation historique est d'autant plus pas- sionnante que les tendances de l'évolution sociale - les historiens sont les premiers à le savoir - ne se manifestent pas spontanément, mais dans des luttes acerbes. Et

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l'importante accélération, dont nous avons déjà parlé, n'est pas homogène et régu- lière, elle ne s'étend pas d'une manière égale à tous les domaines, à toutes les sphères d'activité - économique, technique, culturelle - de la société. Sous cet aspect-là, l'historien a l'avantage de voir les trames qui remontent dans le passé ce qui lui per- met de mieux juger quelles sont les tendances qui s'adaptent difficilement ou plus aisément aux nouvelles conditions de l'évolution.

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A côté de l'évolution saine, homogène dans sa substance, et conforme aux vues et méthodes modernes, de notre société (en général de la société en question) et des sciences historiques , le troisième problème est celui des facteurs qui influencent la con- science sociale et plus particulièrement la conscience historique, qui l'influencent à présent, historiquement mais non pas du côté de la discipline spécialisée ou du côté des éléments de la conscience qui prennent leur racine dans le passé. Les facteurs de ce genre exercent leur effet en premier lieu à travers les arts , avant tout à travers la litté- rature ', par la voie de l'édition, de la presse (périodiques, mensuels, hebdomadaires) de la radio et de la télévision. Sous cet aspect surgissent de très nombreuses questions qui touchent de près la vulgarisation scientifique en histoire, et ce d'autant plus que la littérature est en général un moyen de former les consciences bien plus efficace que la vulgarisation scientifique, et elle le reste évidemment aussi dans le cas où l'écrivain choisit comme sujet quelque thème historique.

Compte tenu de tout ce qui vient d'être dit, et analysant du côté des principes les problèmes qui se rattachent à la littérature historique et à la vulgarisation , c'est-à- dire au problème de communication des acquis des sciences historiques à des masses aussi larges que possible des lecteurs, je me permets d'exprimer ma conviction que l'on ne peut que saluer si un écrivain , un littérateur , qui possède le don de la vulgari- sation scientifique, de la bonne présentation, choisit le genre de l'essai, ou un autre genre, pour traiter un thème historique qui puisse intéresser le public, une période ou une époque de l'histoire nationale ou universelle. (Il va sans dire que pour un littéra- teur le plus naturel est de s'exprimer dans les genres et par les moyens de la littérature, et alors il ne s'agira évidemment plus de vulgarisation scientifique de l'histoire, mais d'une œuvre littéraire où l'écrivain se sert, pour son expression subjective, d'un thème historique.)

C'est surtout ainsi hic et nunc, dans notre pays et de nos jours, où la manière de communication pratiquée par les spécialistes, et les besoins des lecteurs, en nombre toujours augmentant, ne se rencontrent pas nécessairement. Il faut reconnaître le fait qu'entre l'historiographie hongroise et une couche point insignifiante de Y opinion publique hongroise il y actuellement sinon un large fossé, du moins une assez grande distance. Il va sans dire que ce sont les historiens qui en répondent avant tout, car, la curiosité de la part du public existant partiellement en fait, partiellement en puis- sance, la possibilité de former les conscience leur est donc offerte.

Il va de soi que l'on ne peut pas attendre du public ou lui imposer de lire et étudier des douzaines de monographies historiques volumineuses. On peut par contre s'attendre de la part des historiens qu'ils communiquent ce qu'ils ont à dire de façon

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à ce que tout lecteur ayant une culture générale, et s'intéressant à l'histoire, puisse le comprendre.

Avant tout, c'est donc à nos propres historiens que nous devons poser la ques- tion: pourquoi ils ne s'acquittent pas mieux de la tâche qui leur incombe dans le domaine de la vulgarisation scientifique. (Ici, nous ne rendons pas compte des résul- tats obtenus dans ce domaine par notre historiographie pendant la décennie suivant la libération, qui d'ailleurs n'étaient pas sans erreurs, et surtout pendant la dernière quinzaine d'années, non pas que nous ne les considérons pas très importants, mais nous les tenons pour insuffisants ! Les performances considérables de cette dernière période mériteraient et nécessiteraient une étude spéciale. Ce n'est qu'à cette con- dition, partant d'une telle attitude que nous pouvons demander des comptes aux auteurs de tout ouvrage de vulgarisation historique, que ce soit un chercheur ou un artiste, pour l'observation des règles scientifiques de l'historiographie. Mais nous devons bien demander ces comptes car là, les concessions de principe sont exclues. Il est absolument naturel que l'on ne peut pas en principe être d'accord avec l'affirmation que ce n'est pas écrire de l'histoire que d'écrire un ouvrage de vulga- risation sur un thème historique. Ici, ce n'est pas la profession (d'écrivain) de l'auteur qui détermine l'appartenance de l'ouvrage de vulgarisation scientifique. Ce n'est pas un argument à opposer qu'un sculpture, peintre, poète, auteur de roman historique, expriment également une conception historique, vont revivre, sous une forme ou une autre, de l'histoire. C'est que dans ces cas nous sommes loin du danger que le public ne puisse pas distinguer si c'est l'œuvre d'un sculpteur, peintre, poète ou écrivain. Tout évidemment on suppose un sculpteur derrière la statue, un poète der- rière le poème, mais qui pourrait-on supposer sinon un historien derrière un ouvrage de vulgarisation scientifique, documenté, qui n'est pas écrit sous une forme romanes- que?

Précisons bien, malgré l'évidence de ce qui suit: seules avec des méthodes scienti- fiques bien définies on peut dégager Vimmense et riche matière du passé historique , y opérer ime sélection scientifique , la systématiser , et faire la synthèse des acquis scienti- fiques qui en résultent . D'abord, ces acquis sont toujours publiés conformément aux plus rigoureuses exigences méthodiques, dans la langue technique, donc d'une ma- nière moins accessible. Ce n'est surtout pas quelque spécialité des historiens, car sous ce rapport les sciences historiques sont soumises aux mêmes règles que toutes les disciplines, à savoir que les rapports objectifs, dégagés avec les méthodes de l'exa- men scientifique, ne peuvent pas être remplacés par, ou mélangés à, des opinions subjectives (artistiques). La cognition scientifique est une chose, mais la cognition artistique en est une autre.

Mais il faut à la fois préciser aussi que ni la langue, ni notre fond intellectuel, ni l'historiographie en tant que discipline spécialisée n'excluent la possibilité, à sup- poser que nous nous rendons bien compte de ce que nous voulons diffuser de nos acquis scientifiques, de présenter simplement, d'une façon accessible, ce que nous avons à dire, afin que ce soit une véritable vulgarisation scientifique, c'est-à-dire que tout le monde le comprenne et y voie une cause qui est la sienne, puisque, en effet, c'est une cause qui est la sienne propre d'un chacun.

Avant tout, on ne peut et on ne doit vulgariser que des acquis déjà documentés , et cela se rapporte évidemment à toutes les disciplines et à toutes les vulgarisations

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scientifiques. Nous n'affirmons évidemment pas que l'auteur d'un ouvrage de vulga- risation ne puisse pas, sous une forme ou sous une autre, utiliser des données, des faits, des textes et documents, inconnus jusque là. (C'est important non seulement pour la science historique, mais aussi pour l'orientation correcte des lecteurs et pour former des éléments de conscience qui correspondent à la réalité historique.) Ce- pendant, dans ce cas, qu'il le veuille ou non, l'auteur de l'ouvrage de vulgarisation s'avère être un chercheur d'histoire et par conséquent les règles techniques de la recherche historique l'obligent lui aussi. C'est un problème crucial, car les acquis de l'historiographie ne peuvent être communiqués au public dans des ouvrages de vulgarisation qu'en se tenant aux règles scientifiques de l'historio- graphie.

Il est évident que les acquis des sciences historiques peuvent être représentés > communiqués , à divers niveaux . A un niveau primaire il s'agit de dates, données, faits corrects, si les événements en question ont eu lieu, à l'époque indiquée etc. On ne peut pas affirmer autre chose que ce qui a en effet eu lieu. Mais en dehors et à côté de cela, et c'est déjà un niveau plus élevé, les événements se passent dans un contexte objectif ' déterminé , donc les faits ne se passent pas isolément, mais dans un contexte fort déterminé. De plus, ce contexte, ces rapports conduisent à une conception scien- tifiquement déduite , fondée , (et ce même si quelqu'un ne traite qu'un détail, ce dont il a parfaitement le droit), qu'il faut toujours faire ressortir, même s'il s'agit d'un détail, placée dans l'ensemble de l'évolution générale de l'histoire universelle, y com- pris l'histoire nationale. En décrivant les détails, il faut, dans ces cas aussi, avoir toujours en vue l'ensemble, il faut faire ressortir les contours, les proportions, et, compte tenu de la conception générale du thème traité, il faut résoudre la vulgarisa- tion avec une rigueur de principe et d'historicité. Il se peut évidemment que l'auteur de l'ouvrage de vulgarisation ait d'autres opinions, d'autres conceptions concernant son thème que n'en a le chercheur spécialisé de ce thème. Dans ces cas-là pourtant il ne doit pas exposer sa conception comme une chose autonome, mais en la confron- tant en fait à la conception générale admise dans la discipline , et ce précisément pour respecter et correctement informer son public.

Une mise au point dans ce sens du genre de la vulgarisation scientifique est une condition préalable à ce que l'historiographie accueille avec un plaisir sans mé- lange les ouvrages de vulgarisation scientifique.

Après tout ce qui précède, il faut préciser catégoriquement que les sciences historiques ne constituent pas un but en soi, elles ont une fonction sociale, et c'est pour répondre à cette fonction sociale que les travaux scientifiques sont faits. Cette fonction sociale consiste en ce que les sciences historiques, en leur qualité de disci- pline spécialisée, doivent contribuer à «maintenir la pureté», conforme à notre temps, de la conscience sociale, plus particulièrement la part que nous appelons conscience historique. Nous entendons par là qu'elles doivent ajouter leur part à la totalité de la conscience sociale, en d'autres termes servir avec une efficacité au possible optimale la formation de la conscience sociale.

Il convient évidemment bien se rendre compte que ce n'est, et de loin, pas les seules sciences historiques qui influencent la conscience historique, c'est-à-dire l'image historique que nous nous faisons du passé d'où nous venons, de l'étape où nous nous trouvons et de la direction que nous suivons. Cette image est influencée par toute une

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série d'autres facteurs: la place occupée dans la société, les souvenirs d'enfance, l'éducation, voire des éléments émotionnels (par exemple musique etc.). En somme, cette image se forme sous l'effet de bien d'autres facteurs ce qui ne veut toutefois pas dire que la tâche est moindre qui incombe aux sciences historiques en tant que dis- cipline spécialisée. Au contraire, cette tâche n'en devient que plus grande. Cela ne veut pas dire non plus que l'élimination des sciences historiques de la somme des facteurs qui forment la conscience sociale produirait un vide, mais que dans un cas pareil, imaginaire, les différents facteurs qui gênent la formation de la conscience sociale , celle-ci étant avant tout fondée sur les acquis de la science, se dissémineraient sans obstacle et domineraient dans la conscience sociale .

Il ne faut point croire qu'un tournant radical dans le système social, l'année 1945, résout une fois pour toutes le problème de la formation et de la prédominance d'une conscience historico-sociale correcte. C'est que les choses les plus disparates vivent avec nous, en nous, les unes à côté des autres, uniquement parce que le passé et le présent ne sont jamais séparés par une ligne nette . C'est un fait, et ce fait a des côtés négatifs réels et potentiels.

Afin que les disciplines historiques puissent répondre à la fonction sociale dont nous venons de parler, « maintenir la pureté » de la conscience sociale et la former dans un sens correct, les historiens doivent, avec les moyens et selon les règles de leur discipline, faire des recherches, obtenir des acquis scientifiques, les formuler méthodiquement. Tout cela relève de la fonction sociale des sciences historiques, et aussi l'obligation de publier ces acquis, évidemment dans des formes adéquates, question à laquelle nous reviendrons encore.

Au XIXe siècle, et dans le premier tiers du nôtre, il suffisait en général que les historiens écrivent (ou relatent) les résultats obtenus. De nos jours, dans les dernières décennies, cette situation a changé dans le monde entier. Par suite surtout du dévelope- ment accéléré des mass media, le choix des moyens de communiquer les faits a extrêmement augmenté, le public qui attend et qui reçoit ces communications s'est extraordinairement élargi etc. En d'autres termes, dans la vulgarisation scientifique de l'histoire non plus il ne suffit pas de nous maintenir au niveau de l'époque pré- cédente, car les sciences historiques et la vulgarisation scientifique de l'histoire ont devant elles des tâches absolument neuves.

Sous cet aspect-là, nous ne pouvons ne pas tenir compte du fait que depuis le milieu du siècle dernier, par suite des conditions spécifiques de la Hongrie, l'histoire, tout comme la poésie aussi, remplissait dans la conscience sociale une fonction pro -

phétique. Il n'y a pas peut-être besoin de démontrer que la véritable fonction politique de l'historiographie et de la poésie n'est pas la prophétie politique, ce n'est qu'un supplément dans les sociétés qui n'ont pas évolué suivant les voies classiques de l'his- toire, qui marquent un retard et qui manquent d'homogénéité.

Les trente ans écoulés depuis 1945 devaient certainement faire disparaître dans notre pays cette fonction malencontreuse. Cette fonction mythique-démiurgique des sciences historiques n'existe plus, heureusement de toute façon. Il ne s'ensuit pour- tant point que leur fonction sociale a cessé d'être nécessaire, au contraire, cela signifie que Y historiographie, cette discipline aux vues et méthodes marxistes, pourrait déjà en principe accomplir sans obstacle sa véritable fonction qui est d'expliquer et de mettre en lumière le passé historique .

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A l'époque précédente, bourgeoise, l'historiographie était le privilège de la noblesse terrienne, survécue au féodalisme, y prenant ses origines et s'insérant ainsi dans le capitalisme, et avec elle de la nouvelle intelligentsia de caractère bourgeois, de la classe moyenne. Cet état des choses a facilité sous deux aspects le travail des historiens. C'est que ces classes et couches étaient bien d'accord dans certains partis- pris historiques fondamentaux, et aussi, ce qui était décisif, dans certains objectifs de base, comme dans la question de l'hégémonie dans la Hongrie de l'époque. Le but essentiel était donc identique, il n'y avait des divergences qu'en ce qui concerne les moyens. Il était facile d'exercer de l'influence quand la sphère dans laquelle les sciences historiques accomplissaient leur fonction était réduite à un secteur relative- ment étroit. Pour répondre à cette fonction il suffisait donc de lancer quelques livres, études ou conférences, ayant les mêmes vues et contenant les mêmes partis pris.

Après la libération du pays cette situation devait de toute évidence changer, et l'accord de ce genre a cessé de fonctionner. Un nouveau public est entré en scène, a grandi, ayant des idées des demandes tout à fait différentes. Pour aborder ce public, pour répondre à ces demandes, les moyens appliqués jusque là étaient déjà insuffisants.

Cependant, la fonction sociale qui découle de tout ce qui précède, à savoir la direction correcte dans la conscience sociale de la part qui relève de l'histoire, peut évidemment être réalisée dans les nouvelles conditions, puisque Г on dispose à cette fin des périodiques et publications spécialisés, et des moyens de télécommunication : presse, radio, télévision, écoles etc.

Malgré tout cela, force nous est de dire que Г historiographie n'accomplit pas encore de nos jours totalement la fonction dont la société actuelle a besoin , et ce par- tiellement de sa propre faute, partiellement pour des raisons extérieures. Elle manque à sa fonction de sa propre faute parce que, après la libération, malgré son grand élan idéel et révolutionnaire, malgré ses grandes possibilités potentielles et aussi ses ré- sultats sérieux, les historiens n'ont pas utilisé dans la mesure nécessaire , sous tous les aspects , les possibilités dont ils disposaient , y compris évidemment les possibilités toujours plus grandes qu'offrent les moyens de communication de masse, - ce qui est, comme tout le monde le sait, un phénomène mondial.

En effet, dans les années cinquante, le processus historique objectif lui-même devait être présenté de manière à concourir à la solution des tâches politiques du jour. Une des conséquences de cette exigence dogmatique était que des deux principaux courants bourgeois d'avant la libération du pays, l'un, le pro-Habsbourg, était con- damné sans nuance, tandis que l'autre, l'anti-Habsbourg, qui, malgré ses éléments historiques conformes à la réalité, servait de base « solide » aux vues nationalistes dans l'histoire, est resté à l'écart de toute critique adéquate. L'autre facteur négatif était la conception dogmatique selon laquelle la tâche des sciences historiques est de faire la propagande idéologique ce qui conduisait à son tour à l'illustration de cer- taines thèses, au maniement de l'histoire en guise de recueil d'exemples.

Tout cela a abouti, dans une certaine mesure inévitablement, à quelque discré- dit de la fonction sociale et scientifique de Г historiographie; dans une partie du public une sorte de méfiance s'est manifestée à l'égard des sciences historiques et de leurs acquis. De son côté cela a conduit une partie du public à chercher un dérivatif à ses griefs supposés (ou même fondés) où elle pouvait le trouver, notamment dans la sphère du nationalisme, car c'est là que l'historiographie, avec ses concessions faites

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au nationalisme, lui en a offert la possibilité. D'un autre côté, cette tendance paraly- sait les forces inhérentes à l'historiographie, puisqu'elle empêchait une bonne partie des historiens qui cherchaient à faire du travail scientifique progressiste de participer efficacement à la formation des consciences.

Dans les autres domaines par contre, les sciences naturelles , plus ou moins à l'écart des obstacles énumérés, prirent un essor grandiose et pouvaient par conséquent répondre, relativement moins gênées, à leur fonction scientifique et sociale et à leur rôle dans la formation des consciences. Ainsi, l'équilibre a été rompu entre les sciences humaines et les sciences naturelles. Il s'ensuivait que les rapports entre les sciences historiques et le public n'étaient pas, et ne le sont toujours pas, sans mélange.

Des troubles ont donc surgi dans la communication entre les sciences historiques et le public, un vide a surgi entre le grand public qui s'intéressait à l'histoire et les re- cherches spécialisées (paralysées en elles-mêmes dans une certaine mesure). Mais puisqu'il est naturel que la société ne supporte pas le vide , celui-ci devait absolument être comblé de quelque chose. A la place de l'historiographie, il est en partie comblé par la littérature , par les écrivains qui ne se présentent plus en tant que « démiurge », mais comme « historiens » .Tout ce que ceux-ci n'écrivent pas, les écrivains peuvent l'écrire, et dans bien des cas ils le font, le plus souvent sans contrôle méthodique, historique.

Des hommes de lettres, des écrivains écrivent et engagent des discussions à grande répercussion, dans la presse quotidienne, dans des périodiques à grand tirage, sous forme de scènes radiodiffusées et télévisées, sur des questions à propos desquelles aucune discussion n'aurait dû avoir lieu si l'on connaissait les résultats des recherches scientifiques. Pour eux, à la télévision, Zrinyi, Széchenyi ont été assassinés, ils attri- buent le même sort à Pài Teleki etc. N'ont pas de publicité des travaux de chercheurs qui élucident de tous les côtés, méthodiquement, le problème Görgey, mais l'homme de lettres écrit sur Görgey tout ce qu'il veut. Les exemples seraient encore longs à énumérer.

Les mauvaises émotions (surtout nationalistes) , le dilettantisme, sans être con- trebalancés, remplissent un certain rôle et trouvent nécessairement de Г écho. De cet aspect de notre problème, émotions indésirables et manque de critique, relève aussi l'influence qu'exercent les vues historiques d'une partie réactionnaire de l'émigration hongroise.

L'historiographie des émigrés n'est pas en elle-même et dans l'ensemble, une catégorie, les historiens hongrois établis à l'étranger écrivent des ouvrages aux idées modernes, excellents, mais aussi des ouvrages au niveau fort différent et aux vues les plus variées, dont malheureusement aussi des ouvrages antiscientifiques et de mauvaise foi. Mais des personnalités exposées de l'émigration politique d'après 1945 ont élaboré un tableau historique qui, contre toute méthode scientifique, prend son point de départ dans la question de Г origine sumérienne , plus exactement dans le refus de l'ori- gine finno-ougrienne contre laquelle, de leur avis, il faut lutter.

Dans la vie scientifique du pays tout cela se manifeste évidemment d'une autre façon. D'aucuns rejettent la place centrale qu'occupent les relations finno-ougriennes, en pensant pouvoir démontrer l'origine turcique (ou avare), ce qui veut dire qu'ils vulgarisent des hypothèses scientifiques.

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Comme nous voyons, les tâches qui se dressent devant la vulgarisation scienti- fique de l'histoire, qui doit servir la formation de la conscience historique, sont ex- trêmement grandes et exigent de la responsabilité. C'est sous cet aspect que nous de- vons toucher quelques problèmes relatifs au genre de cette activité et à son contenu principiei

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Quant aux problèmes de fond , du contenu , nous avons déjà évoqué la question de la préhistoire hongroise et de la conquête du pays actuel par les Hongrois. Ici, nous nous référons seulement à la nécessité d'établir une nette différence entre les hypothèses historiques (qui peuvent indiscutablement être bien fécondes pour la science) et les acquis solides des recherches, et d'autre part il faut différencier et dé- limiter rigoureusement les acquis vraiment scientifiques , obtenus chez nous et à l'étran- ger, et Y historiographie pratiquée par des éléments réactionnaires de V émigration. Cela doit être souligné encore davantage si tel ou tel résultat de ces deux historiographies semble coincider. Dans ces cas-là, il ne suffit pas de simplement publier et faire con- naître l'ensemble de la conception scientifique et les résultats partiels qui en relèvent, il faut les délimiter catégoriquement, confrontant les conceptions, l'histoire écrite dans une conception anti-scientifique de celle qui est née d'une vraie méthode scien- tifique.

En ce qui concerne l'histoire du moyen-âge hongrois , il faut tenir compte surtout de questions qui se rapportent au prétendu caractère alternatif de l'histoire hongroise. Précisons bien: une alternative qui suppose qu'à des étapes critiques l'histoire hon- groise aurait pu suivre une évolution substantiellement différente, n'a jamais eu lieu dans la réalité, elle n'existe pas. Dans l'histoire hongroise, comme en général en aucune histoire, des solutions historiques diagonalement opposées n'ont pas été pos- sibles . Il n'y a donc aucun sens d'affirmer, comme le fait István Nemeskürty, que la révolte paysanne de 1514 ne pouvait certes pas être victorieuse, mais que la situation aggravée de la paysannerie qui la suivit n'était pas nécessairement inévitable. Il est évident en effet que le système du deuxième servage en Europe Centrale-Orientale avait comme suite la situation extrêmement grave de l'ensemble de la paysannerie, ce qui devait avoir lieu en Hongrie aussi, évidemment en fonction des conditions locales, sans grandes différences.

C'est une question du même genre que celle des classes dirigeantes féodales de la Hongrie qui, en face d'une puissance géante, comme l'était à l'époque l'Empire Turc, ne pouvaient en effet pas défendre le pays. Cela ne rime donc à rien de les com- parer aux classes féodales des autres pays en déclarant que celles-ci n'étaient pas meilleures (bien sûr que non), pour excuser les membres des classes dirigeantes qui, au lieu de défendre le pays, menaient des luttes particulières et pillaient les domaines les uns des autres. En effet, c'est la caractéristique des seigneurs féodaux, et ici la seule question qui puisse se poser c'est que la perte du pays en face des Turcs aurait pu ou non survenir quelques années plus tard, dans une ou dans plusieurs batailles.

C'est déjà une autres question, et que nous tenons pour extrêmement impor- tante, que l'on ne peut pas comparer la défaite de Mohács , subie par la classe domi- nante hongroise en face d'un adversaire réel et inévitable, et qui était l'expression

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d'une catastrophe nationale totale , avec la catastrophe à Voronej dans la seconde guerre mondiale, celle-ci n'ayant pas eu lieu en face d'un vrai adversaire national, car l'Uni- on Soviétique n'avait pas attaqué la Hongrie.

Quant à l'histoire contemporaine de la Hongrie qui a réalisé le compromis de 1867 avec l'Autriche, on ne peut pas la traiter en partant de la question de savoir ce qui aurait pu arriver si l'évolution capitaliste de la Hongrie, et aussi l'écroulement de la Monarchie, s'étaient déroulés en coopération avec les nationalités. Poser la question ainsi est antihistorique. On ne peut pas davantage poser la question si la Hongrie d'après Trianon aurait pu suivre une voie substantiellement différente de celle qu'elle a suivie. Après la défaite de la République des Conseils, la Hongrie contre-révolu- tionnaire de l'entre deux guerres s'est insérée, évidemment d'une manière correspond- ante à la région historique, dans le processus de fascisation qui a en substance dé- terminé l'évolution entre les deux guerres mondiales, du système en Hongrie et de ceux qui lui étaient analogues. Après la défaite des révolutions, pendant la période entre les deux guerres mondiales, la Hongrie s'est trouvée dans une situation où elle est devenue un des avant-postes, une des préfigurations des régimes de type fasciste.

A l'opposé de la conception qui régit l'ouvrage intitulé « Requiem pour une armée », c'est sous cet aspect qu'il convient de traiter le rôle qu'avait joué l'armée hongroise dans la deuxième guerre mondiale. Il faut l'insérer dans l'ensemble de l'histoire de cette guerre, ce que György Ránki, dans son livre sur la deuxième guerre mondiale, armé d'une profonde connaissance des ouvrages étrangers sur ce sujet, élucide d'une manière large, qui satisfait amplement aux exigences de la vulgarisation scientifique.

C'est que, le caractère ďune armée est évidemment déterminé par le système social auquel elle sert. Quant à la composition sociale de la troupe , il est indiscutable que la structure de classe de la société en question dresse des limites très nettes aux possibilités de manipuler dans le domaine des appels. La composition de la troupe dans l'armée était autre en Hongrie, pays « des trois millions de, gueux », qu'en France, en Angleterre, aux USA, voire en Allemagne etc. (Ne pensons qu'à une seule chose: quelles étaient les couches sociales où les enfants pouvaient en grand nombre passer leur baccalauréat dans la Hongrie au régime contrerévolutionnaire. Rien que cela, par voie d'élimination, montrera la composition sociale, inévitable dans une certaine mesure, de la troupe dans l'armée hongroise de l'époque.)

On ne peut pas étudier en elle-même V armée hongroise dans la deuxième guerre mondiale, son caractère , son role et son sort. La méthode comparative impose de con- fronter la deuxième armée hongroise avec les armées d'autres pays alliés au fascisme allemand, qui combattaient aux côtés de l'armée de l'Allemagne nationale-socialiste. Dans ce cas, et malgré tous les facteurs divergents, nous trouverons des analogies par exemple entre les armées hongroise et italienne et, dans une certaine mesure, entre les armées hongroise et roumaine , et ici je ne veux pas entrer dans les détails des di- vergences. La situation est toute autre et ne se prête pas à la comparaison directe, s'il ne s'agit pas d'une armée composée de réservistes appelés, mais de groupes formés de volontaires (la division bleue du régime Franco au front soviétique).

Dans quel sens donc la deuxième armée hongroise était-elle condamnée à mort? Dans le même sens que toutes les armées des Etats alliés à l'Allemagne l'étaient dans la deuxième guerre mondiale, sans parler déjà de l'armée allemande qui, malgré sa

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bonne préparation et ses parfaits armements était, elle aussi, condamnée à mort. Il ne suffit pas de partir seulement de la question de fond, ce que fait István Nemeskürty aussi, mais il faut porter un jugement de fond sur les problèmes, quelques fatals qu'ils soient pour nous, du point de vue de tout le contexte. Dans la deuxième guerre mondiale la Hongrie s'est trouvée du mauvais côté, elle a affronté la coalition mon- diale antifasciste, par conséquent le destin de la deuxième armée hongroise ne pouvait pas être substantiellement différent de ce qui s'ensuivit de cette position fondamentale. Evidemment, István Nemeskürty a raison dans tout ce qu'il expose, que ce soit sur les vertus miltaires des soldats hongrois, sur le mauvais équipement de l'armée, sur les conditions excessivement dures, sur la mauvaise direction. Nous ne pouvons que plaindre sincèrement tous les simples soldats honnêtes de cette armée, tombés sur le champ de bataille ou survécus. Mais l'armée comme telle était l'armée du régime contre-révolutionnaire, elle combattait pour de mauvais buts, et si Clio est une muse, et elle le reste même si l'historien est aujourd'hui un chercheur spécialisé, elle inspire de paroles amères à l'historien ou à l'auteur d'ouvrages de vulgarisation scientifique, elle lui impose de tirer des enseignements qui agissent dans un sens positif, qui pré- parent l'avenir dans le bon sens.

Après tout ce qui précède, il faut préciser encore que les transformations fon- damentales, politiques, économiques, sociales et idéologiques, engagées en 1945, sont survenues dans de telles conditions qui n'ont pas facilité à la société hongroise de mettre en marche la nouvelle évolution démocratique et socialiste. Et pourtant, cette nouvelle étape de l'évolution était étayée, dans une mesure très importante, par les traditions démocratiques et socialistes du passé de la Hongrie, par des anté- cédents historiques progressistes. Tous ces antécédents, qui n'étaient pas exempts de contradictions, ont déterminé et tracé la voie à la période historique de l'évolution qui conduit déjà à l'histoire de nos jours. Ce sont ces rapports, cette transition, que nous étudions et analysons aujourd'hui afin que, écartant les côtés négatifs, et dé- veloppant les côtés positifs qui sont importants, nous puissions nous avancer.

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Après tout ce qui vient d'être exposé, il faut maintenant soumettre à une brève analyse la question du genre de la vulgarisation scientifique.

A ce propos, il convient de préciser que des monographies détaillées, basées sur des recherches de fond, armées de documentations (et de notes y relatives) com- plètes, et bien écrites, dans un style accessible autant que possible, peuvent également servir la vulgarisation scientifique, encore que ce ne soit pas dans de larges masses. Ces cas ne constituent évidemment que des exceptions. La vulgarisation scientifique signifie au fond que les acquis importants des recherches historiques - avant tout les résultats et non pas les preuves à leur appui - doivent être communiqués d'une manière à ce que la réalité historique soit bien vivante, dans un style plaisant qui facilite la lecture. Ce qui est décisif sous ce rapport ce n'est pas que l'auteur de l'ouvrage de vulgarisation soit (éventuellement) l'historien-chercheur lui-même ou une autre per- sonne (éventuellement écrivain « de profession ») (possédant les qualités nécessaires pour écrire, l'essentiel est si cet auteur est prêt à, et capable de, se tenir aux règles

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méthodiques de l'historiographie, et s'il possède les dons qui lui permettent de traiter, sous une forme accessible à tous, un thème historique dans la forme optimale exigée par le thème et par les qualités littéraires de l'auteur (qui peut être le chercheur spé- cialisé dans ce thème).

Quels sont les problèmes qui surgissent en premier lieu, dès maintenant, compte tenu avant tout de « l'élargissement » important de la sphère de vulgarisation scienti- fique par suite de la diffusion extraordinaire des mass media ? Outre le changement radical du système social, dont nous avons déjà analysé les effets dans le domaine de notre thème, les changements (l'extension) dans les moyens de communication de masse qui représentent déjà un phénomène mondial ont également des conséquences qu'il faut tirer en traitant la transformation des vues sur l'histoire et la demande relative à la vulgarisation scientifique. Le fait que l'histoire est devenu un moyen fort demandé de la vulgarisation scientifique et, dans une certaine mesure, de la récréation, a une importance décisive. Dans ce contexte « l'élargissement » de la communication de masse, la multiplication des moyens et canaux dont elle dispose, ainsi que les modifications dans les rapports intérieurs entre ces derniers, posent, dans un sens plus large, bien des questions relatives au genre. Sur la vulgarisation scientifique de l'his- toire les conséquences de tout cela sont multiples et ne doivent pas être sousestimées. Cette question d'ailleurs mériterait probablement une étude à part.

Ici, pour conclure, nous devons nous contenter de dire que dans la sphère de la vulgarisation scientifique de l'histoire les spécificités du genre sont avant tout déter- minées par le but que l'auteur se propose, à l'opposé de l'expression littéraire où le message impose à lui seul le genre qui corresponde à cette expression.

Il s'agitdonc pour pratiquer la vulgarisation scientifique de l'histoire de suppo- ser une « culture de base » qu'il faut prendre comme point de départ (en substance cela correspond au programme d'histoire du deuxième cycle des écoles dites générales, c'est-à-dire de huit classes qui forment le tronc commun, programme en général plus ou moins assimilé), et le thème historique que nous voulons traiter doit l'être sur cette base. Pour exposer ce thème il faut que l'auteur voie clairement ce qui entre dans les connaissances indispensables pour comprendre le thème et ce qui est, par rapport à cette base, le nouvel acquis scientifique que l'ouvrage se propose de rendre accessible à de larges masses. Il va sans dire que tout cela doit être exposé, par écrit, à la radio, à la télévision, non pas dans le langage et par les méthodes admis dans les publications scientifiques, mais d'une manière qui puisse servir la vraie vulgarisation scientifique, un peu dans le genre d'une conversation avec un spécialiste qui travaille dans un domaine proche mais pas identique, à qui on relate les nouveautés dans sa propre spécialité, et on le fait à un niveau élevé, d'une manière intéressante qui satis- fasse au maximum la curiosité et l'attente légitime de l'auditeur.

Trad, par K. Vargyas

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Популяризация и специальная наука

М. ИНЦЕ

Резюме

Автрр статьи занимается комплексным кругом проблем популяризации результатов исторической науки - вопросами общественной передачи новых научных результатов в раз- личных формах и жанрах. Во-первых, автор исследует общественную среду, в которой проис- ходит научная популяризация и где она оказывает влияние, и приходит к выводу, что настоящее историческое сознание - вследствие содействия сознания живущих сегодня рядом друг с другом поколений - содержит и неоднородные элементы.

Предварительное условие популяризации - это здоровое развитие специальной науки, такие научные результаты, которые раскрывают прошлое отдельных обществ, человечества в своей тотальности, свободно от упрощений, односторонности, искажений и плохих эмо- ций. Согласно автору нельзя понять национальную историю без знания истории региона подобного исторического развития, а историю региона без знания сути истории всей Европы, вернее всего человечества.

Параллельно со специальной наукой на общественно-историческое сознание оказывают влияние и другие факторы: в том числе искусство, в первую очередь художественная литера- тура, особенно если учитываем венгерское или вообще развитие Центральной и Восточной Европы.

Следует требовать от авторов популяризирующих работ . по истории, даже в том Случае, если автором такого произведения является художник (писатель), чтобы тот дер- жался профессиональных правил историографии.

Общественная функция историографии заключается в формировании исторического сознания. Автор статьи анализирует результаты и проблемы этого вопроса при своеобраз- ных венгерских условиях, особенно имея в виду проблемы научной популяризации.

>В конце своей статьи автор излагает несколько значительных проблем принципов, содержания и жанров популяризации.,

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