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Jean-Luc RATEL Stagiaire post-doctoral au Département d’éducation et formation spécialisée et chargé de cours au de l’UQÀM (2019) Du projet d’études au projet de vie. Une analyse des parcours universitaires chez les étudiants des Premières Nations du Québec. Thèse de doctorat en administration et politiques de l’éducation, Université Laval LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES CHICOUTIMI, QUÉBEC http://classiques.uqac.ca/

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Jean-Luc RATELStagiaire post-doctoral au Département d’éducation et formation spécialisée

et chargé de cours au de l’UQÀM

(2019)

Du projet d’études au projet de vie.Une analyse des parcours universitaireschez les étudiants des Premières Nations

du Québec.

Thèse de doctorat en administrationet politiques de l’éducation, Université Laval

LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALESCHICOUTIMI, QUÉBEChttp://classiques.uqac.ca/

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Les Classiques des sciences sociales est une bibliothèque numérique en libre accès, fondée au Cégep de Chicoutimi en 1993 et développée en partenariat avec l’Université du Québec à Chicoutimi (UQÀC) de-puis 2000.

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En 2018, Les Classiques des sciences sociales fêteront leur 25e anni-versaire de fondation. Une belle initiative citoyenne.

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Jean-Marie Tremblay, sociologueFondateur et Président-directeur général,LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES.

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Un document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay, bénévole, professeur associé, Université du Québec à ChicoutimiCourriel: [email protected] Site web pédagogique : http://jmt-sociologue.uqac.ca/à partir du texte de :

Jean-Luc RATEL

Du projet d’études au projet de vie.Une analyse des parcours universitaires chez les étudiants des

Premières Nations du Québec.

Thèse de doctorat en administration et politiques de l’éducation, Université Laval, 2019, 340 pp.

L’auteur nous a accordé, le 26 octobre 2020, l’autorisation de diffuser en libre accès à tous cette thèse de doctorat dans Les Classiques des sciences sociales.

Courriel : Jean-Luc Ratel : [email protected]

Police de caractères utilisés :

Pour le texte: Times New Roman, 14 points.Pour les notes de bas de page : Times New Roman, 12 points.

Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2008 pour Macintosh.

Mise en page sur papier format : LETTRE US, 8.5’’ x 11’’.

Édition numérique réalisée le 4 novembre 2020 à Chicoutimi, Québec.

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Jean-Luc RATELStagiaire post-doctoral au Département d’éducation et formation spécialisée

et chargé de cours au de l’UQÀM

Du projet d’études au projet de vie.Une analyse des parcours universitaires

chez les étudiants des Premières Nations du Québec.

Thèse de doctorat en administration et politiques de l’éducation, Université Laval, 2019, 340 pp.

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[1]

Du projet d’études au projet de vie.Une analyse des parcours universitaireschez les étudiants des Premières Nations

du Québec

Thèse

Jean-Luc Ratel

Sous la direction de :Annie Pilote, directrice de recherche

Doctorat en administration et politiques de l’éducationPhilosophiæ Doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

© Jean-Luc Ratel, 2019

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[ii]

Du projet d’études au projet de vie.

RÉSUMÉ

Retour à la table des matières

En lien avec le contexte historique de ségrégation sociale et la vi-sée assimilatrice de l’éducation formelle qui leur fut imposée, les Au-tochtones du Québec ont longtemps été exclus de l’enseignement su-périeur. De nos jours, ils connaissent des taux de diplomation en constante augmentation, mais maintiennent un écart persistant par rap-port à la population non autochtone. Les données recueillies auprès de 23 étudiants et diplômés universitaires des Premières Nations du Qué-bec et de 11 professionnels travaillant auprès d’eux nous ont permis de constater un motif commun aux différents parcours scolaires : étu-dier en vue de contribuer à l’amélioration du mieux-être chez les Au-tochtones, tant dans les communautés qu’à l’extérieur.

Nos objectifs généraux sont de contribuer à une meilleure connais-sance du phénomène des études universitaires chez les Premières Na-tions du Québec et comprendre le sens conféré par les étudiants des Premières Nations du Québec à leurs parcours universitaires. Plus spé-cifiquement, nos objectifs de recherche visent à : 1) Comprendre le rapport à l’identité et aux cultures autochtones chez les étudiants et diplômés des Premières Nations ; 2) Comprendre les principaux fac-teurs expliquant le passage à l’université des étudiants des Premières Nations et comment se déroulent leurs parcours ; 3) Connaître les pro-jets et réalisations des étudiants des Premières Nations en lien avec leurs études universitaires ; 4) Analyser l’environnement mis en place par les universités et les pouvoirs publics pour favoriser l’intégration des étudiants autochtones à la communauté universitaire.

Notre thèse explique comment les parcours scolaires des étudiants universitaires des Premières Nations du Québec sont nettement in-fluencés par leur rapport à l’identité et aux cultures autochtones et que

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cette influence donne lieu à des projets d’études qui prennent la forme de projets de vie en milieu autochtone (Blaser, 2004). Ces projets sont de nature collective et visent le mieux-être des Autochtones en général en plus des étudiants eux-mêmes, que ce soit dans les communautés ou à l’extérieur. Nous expliquons aussi comment les étudiants par-viennent à combiner les apports de l’éducation autochtone à ceux [iii] de l’éducation occidentale, en lien avec la conception de la décoloni-sation de l’éducation telle que définie par Battiste (2013). Leur rap-port à l’identité et aux cultures autochtones est analysé en tenant compte des rapports de pouvoir entre la culture majoritaire québé-coise, elle-même en situation de minorité dans le contexte canadien (McAndrew, 2005). C’est donc en relevant les éléments caractéris-tiques des faces externe et interne de leurs cultures (Juteau, 1999) que nous saisissons cette influence dans leurs parcours scolaires et, plus généralement, dans leurs vies.

Les étudiants et diplômés interviewés témoignent, chacun à sa fa-çon, de l’ancrage de leurs parcours scolaires dans le modèle de l’uni-versité comme sphère publique démocratique (Giroux, 2002) en vue de développer le mieux-être chez les Autochtones. La plupart ont connu des expériences de travail et d’implication en milieu autochtone à différents moments de leurs parcours. On constate aussi que certains ne cherchent pas à ancrer leurs études dans le modèle des projets de vie, mais qu’ils vivent alors leurs cultures dans d’autres sphères d’ac-tivités. La plupart des participants sont des étudiants dont les parents n’ont pas fréquenté l’université (de première génération) et c’est dans la transmission d’un rapport favorable à l’institution scolaire que se trouve une partie de l’explication de leur passage à l’université, en lien avec la sociologie de Lahire (1995). Notre discussion poursuit la réflexion sur l’institution universitaire elle-même et sa métamorphose ayant permis à un nombre accru d’Autochtones de la fréquenter, dans l’optique de la multiversité (Kerr, 1967). Nous défendons un modèle de campus interculturel (Tanaka, 2003) conçu comme sphère publique démocratique dans le but de mieux répondre aux défis contemporains de la diversité ethnoculturelle dans les universités québécoises.

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[iv]

Du projet d’études au projet de vie.

ABSTRACT

Retour à la table des matières

Quebec’s Indigenous peoples have long been excluded from higher education because of the historical context of social segregation and the assimilative aim of the formal education imposed on them. Today, that population is experiencing increasing graduation rates, but they are maintaining a persistent gap with the non-Indigenous population. The data collected from 23 Quebec First Nations university students and graduates, plus 11 professionals working with them, allowed us to see a common pattern in the different school pathways : study in order to improve the well-being of Aboriginal people within and outside the communities.

Research general objectives are, first, to contribute to a better knowledge of the phenomenon of university studies among the First Nations of Quebec and, second, to understand the meaning conferred by Quebec First Nations students on their university studies. Research specific objectives are to : 1) Understand the relationship to Indigen-ous identity and culture among First Nations students and graduates ; 2) Understand the main factors explaining the transition to university of First Nations students and how their pathways go ; 3) Understand the projects and achievements of First Nations students in connection with their university studies ; 4) Analyze the environment offer by universities and public authorities to help the integration of Indigen-ous students into the university community.

This thesis explains how the educational pathways of First Nations university students in Quebec are clearly influenced by their relation-ship to Indigenous identity and culture, and how that influence gives birth to study projects in the form of life projects in an Indigenous en-

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vironment (Blaser, 2004). These projects are of a collective nature and focus on the well-being of Indigenous peoples in general, in addition to the students themselves, whether in communities or outside. I also explain how students manage to combine the contributions of Indigen-ous education with those of Western education, in connection with the conception of the decolonization of education as defined by Battiste (2013). Their relationship to Indigenous identity and cultures is ana-lyzed in relation to the [v] power relationships between the majority culture in Quebec, which is, itself, a minority in the Canadian context (McAndrew, 2005). It is therefore by identifying the characteristic elements of the external and internal faces of their cultures (Juteau, 1999) that I capture this influence in their schooling and, more gener-ally, in their lives.

The students and graduates interviewed testify, each in their own way, the anchoring of their educational backgrounds in the university model as a democratic public sphere (Giroux, 2002) in order to de-velop the well-being of Indigenous peoples. Most have experienced work and involvement in Indigenous communities at different points in their lives. I also note that some do not seek to anchor their studies in the model of life projects, but they, then, live their cultures in other spheres of activity. Most of the participants are students whose par-ents have not attended university (so-called first generation) and it is in the transmission of a favourable relation to the school institution that is part of the explanation to their transition to university, in con-nection with the sociology of Lahire (1995). The discussion continues to reflect on the university institution itself and its metamorphosis, which has allowed an increasing number of Aboriginal people to at-tend it, in relation to the idea of multiversity (Kerr, 1967). I argue for an intercultural campus model (Tanaka, 2003) designed as a demo-cratic public sphere in order to better respond to the contemporary challenges of ethnocultural diversity in Quebec universities.

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[vi]

Du projet d’études au projet de vie.

Table des matières

Résumé [i]]Abstract [iii]Table des matières [v]Liste des tableaux et figures [xi]Liste des sigles et abréviations [xii]Remerciements [xiii]Introduction [1]

PREMIÈRE PARTIE.CADRE DE LA RECHERCHE [5]

Chapitre 1. Problématique [6]

1.1. Contexte social [7]1.1.1. Quelques définitions [7]

1.1.1.1. Autochtones [7]1.1.1.2. Premières Nations [9]1.1.1.3. Inuit [10]1.1.1.4. Métis [10]1.1.1.5. Allochtones [11]

1.1.2. Brève histoire des Autochtones au Canada [11]1.1.2.1. La période pré-confédérale [12]1.1.2.2. De nouvelles politiques d’assimilation [12]1.1.2.3. Vers l’autodétermination [15]

1.1.3. Situation contemporaine des Autochtones au Québec [17]1.1.3.1. Identités et cultures [17]1.1.3.2. Communautés [18]1.1.3.3. Gouvernance [22]1.1.3.4. Situation socioéconomique [23]1.1.3.5. Éducation [25]1.1.3.6. En milieu urbain [27]

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1.2. Recension des écrits [28]1.2.1. Profil des étudiants [30]1.2.2. Domaines d’études [32]1.2.3. Identité [33]1.2.4. Services offerts [34]1.2.5. Intégration de contenu autochtone [36]1.2.6. Relations avec les allochtones [37]1.2.7. Projets futurs [37]

Chapitre 2. Méthodologie [40]

2.1. Positionnement épistémologique [41]2.2. À propos de la recherche en milieu autochtone [45]2.3. Terrain [49]2.4. Analyse [53]

Chapitre 3. Présentation du corpus [58]

3.1. Profil sociodémographique [58]3.2. Milieu d’origine et mobilité géographique [60]

3.2.1. Milieu d’origine [61]3.2.1.1. Scolarité des parents [62]

3.2.2. Mobilité géographique [63]3.3. Les études antérieures [66]

3.3.1. Études primaires et secondaires [67]3.3.2. Études collégiales [68]3.3.3. Études universitaires [69]

3.3.3.1. Base d’admission universitaire [69]3.3.3.2. Retours aux études [70]3.3.3.3. Les domaines d’études [70]

3.4. Réalisations et aspirations futures [72]3.4.1. Réalisations professionnelles et implications [72]3.4.2. Aspirations futures [73]

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Chapitre 4. Cadre conceptuel [76]

4.1. Sociologie de l’éducation [76]4.1.1. Individualisme méthodologique [77]4.1.2. Sociologie de l’expérience [78]4.1.3. «   Nouvelle   » sociologie de l’éducation [80]4.1.4. Pédagogie critique [82]4.1.5. La reproduction [84]4.1.6. Lahire et le prolongement critique de la reproduction [87]

4.2. Diversité ethnoculturelle en éducation [89]4.2.1. Éducation interculturelle et multiculturelle [89]4.2.2. Éducation antiraciste et approches critiques et transformatives

[92]4.2.3. Éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits humains

[94]4.2.4. Éducation inclusive [94]

4.3. Notre cadre conceptuel [96]

SECONDE PARTIE.RÉSULTATS ET INTERPRÉTATIONS [103]

Chapitre 5. Rapport à l’identité et aux cultures autochtones [104]

5.1. Identité ethnique [104]5.1.1. Face externe [105]

5.1.1.1. Assimilation et colonisation [105]5.1.1.2. Racisme et discrimination [108]5.1.1.3. L’Autre [111]

5.1.2. Face interne [113]5.1.2.1. Diversité autochtone [113]5.1.2.2. Traditions et coutumes [115]5.1.2.3. Au-delà des apparences [118]

5.1.3. Critique des frontières [120]5.1.3.1. Diversité culturelle et mondialisation [120]5.1.3.2. Occasions de rencontre et d’échange [123]5.1.3.3. Généalogie [128]

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5.2. Rapport aux cultures autochtones [132]5.2.1. Dimension relationnelle [133]

5.2.1.1. Proximité sociale [133]5.2.1.2. Liens familiaux [134]5.2.1.3. Rôle des aînés [135]5.2.1.4. Bien-être personnel et identité autochtone [136]

5.2.2. Dimension linguistique [137]5.2.2.1. De la distinction entre l’oral et l’écrit [137]5.2.2.2. Langues autochtones [138]5.2.2.3. Langues allochtones [139]

5.2.3. Dimension artistique [140]5.2.3.1. Arts et artisanat [140]5.2.3.2. Diffusion culturelle [141]

5.2.4. Dimension spirituelle et philosophique [142]5.2.4.1. Valeurs [142]5.2.4.2. Vision holistique et temporalité [142]5.2.4.3. Spiritualités autochtones [143]5.2.4.4. Influence du christianisme [144]

5.2.5. Dimension géographique [145]5.2.5.1. Rapport à la terre [146]5.2.5.2. Activités et produits du terroir [147]5.2.5.3. Communauté [148]5.2.5.4. Présence autochtone en milieu urbain [150]

5.2.6. Dimension sociopolitique [152]5.2.6.1. Lois et règlements spécifiques [152]5.2.6.2. Mobilisations et revendications [154]5.2.6.3. Organisations autochtones [155]5.2.6.4. Contexte socioéconomique [156]

Chapitre 6. Sur les chemins de l’université   : une analyse des parcours scolaires [161]

6.1. Le rapport aux études universitaires précédant la fréquentation universitaire [161]6.1.1. Universitaires «   anticipés   » [162]6.1.2. Universitaires «   réorientés   » [162]

6.2. Le rapport aux études universitaires pendant la fréquentation universitaire [163]6.2.1. Variations intra-individuelles du rapport aux études

universitaires [164]6.2.2. Un rapport aux études souvent altruiste [165]

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6.3. L’intégration à l’université [166]6.3.1. Premier passage immédiat [167]6.3.2. Premier passage différé [168]6.3.3. Poursuite envisagée des études [169]

6.4. Parcours universitaires [170]6.4.1. Premier cycle [171]

6.4.1.1. Motifs et intérêts [171]6.4.1.2. Difficultés scolaires et réorientations [172]6.4.1.3. Conciliation études-travail-famille et difficultés extras-

colaires [175]6.4.2. Cycles supérieurs [176]

6.4.2.1. Motifs et intérêts [177]6.4.2.2. Difficultés scolaires et réorientations [178]6.4.2.3. Conciliation études-travail-famille et difficultés extras-

colaires [179]6.5. Quelques facteurs explicatifs du passage à l’université et quelques carac-

téristiques du milieu d’origine [181]6.5.1. Rapport à l’école des parents et de la famille élargie [181]

6.5.1.1. Faible scolarité parentale et contexte sociohistorique peu favorable [183]

6.5.1.2. À défaut de soutien scolaire, un encouragement aux études [183]

6.5.1.3. Ni laissés-pour-compte, ni héritiers [185]6.5.2. Parentalité [186]

6.5.2.1. L’influence des enfants sur le projet d’études [188]6.5.2.2. Les « familles étudiantes » [189]

6.5.3. Soutien financier [190]6.5.4. Mobilité géographique [194]6.5.5. Expériences professionnelles [195]

Chapitre 7. Des projets d’études aux projets de vie   : l’influence de l’identité et des cultures autochtones sur les parcours [199]

7.1. Motifs liés aux études [199]7.1.1. Dès l’inscription [200]7.1.2. Pendant les études [203]

7.2. Projets d’études comme projets de vie [205]7.2.1. Dans la communauté d’origine [206]7.2.2. Dans d’autres communautés [208]7.2.3. En milieu urbain [211]

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7.2.4. Sans ancrage local a priori [213]7.3. Projets et réalisations en lien avec les cultures autochtones [216]7.4. Des projets aussi individuels [217]7.5. Le point de vue institutionnel [219]

Chapitre 8. Discussion [223]

8.1. L’université et les autochtones   : vers le mieux-être [223]8.1.1. Le rapport à l’identité et aux cultures des Premières Nations

[223]8.1.2. Les parcours scolaires [228]8.1.3. Étudier pour le mieux-être chez les Autochtones [233]8.1.4. Le rôle de l’institution universitaire dans le développement du

mieux-être chez les Autochtones [236]8.2. Vers une multiversité interculturelle et démocratique [239]

8.2.1. Une perspective interculturelle et inclusive [240]8.2.2. L’université comme sphère publique démocratique [244]8.2.3. De l’université à la multiversité [246]

Conclusion [250]Bibliographie [255]

Annexes [287]Annexe 1. Guide d’entretien (participants principaux) [288]Annexe 2. Guide d’entretien en anglais (participants principaux) [293]Annexe 3. Guide d’entretien (participants complémentaires) [298]Annexe 4. Formulaire de consentement (participants principaux) [300]Annexe 5. Formulaire de consentement en anglais (participants principaux)

[305]Annexe 6. Formulaire de consentement (participants complémentaires)

[310]Annexe 7. Synthèse des principales caractéristiques concernant les partici-

pants principaux [315]Annexe 8. Exemple de fiche-synthèse d’un parcours (version anonymisée)

[318]

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[xi]

Du projet d’études au projet de vie.

Liste des tableaux et figures

Retour à la table des matières

Tableaux

Tableau 1.1. Répartition des membres des Premières Nations dans les communautés du Québec (2015)

19

Tableau 1.2. Répartition des Inuit dans les communautés du Qué-bec (2015)

21

Tableau 1.3. Données sociodémographiques relatives aux popula-tions autochtones du Canada (2011, 2016)

24

Tableau 1.4. Services d’enseignement offerts par les écoles de bande au Québec

26

Tableau 3.1. Profil sociodémographique 60

Tableau 3.2. Milieu d’origine 62

Tableau 3.3. Scolarité des parents 62

Tableau 3.4. Mobilité géographique 64

Tableau 3.5. Mobilité géographique liée aux études universitaires 65

Tableau 3.6. Lieu de résidence future envisagé 66

Tableau 3.7. Parcours préuniversitaires 67

Tableau 3.8. Type d’école fréquenté au primaire et au secondaire 68

Tableau 3.9. Plus haut diplôme obtenu lors de la 1re admission à l’université

70

Tableau 3.10. Cycles d’études fréquentés et programmes complétés (étudiants et diplômés confondus)

71

Tableau 3.11. Répartition des domaines d’études 72

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Tableau 6.1. Rapport aux études avant et après l’arrivée à l’univer-sité

165

Tableau 6.2. Scolarité des parents et type de premier passage à l’université

182

Tableau 7.1. Caractéristiques des projets d’études devenus projets de vie

216

Figures

Figure 2.1. Les 3 flux de l’analyse qualitative selon Miles et Hu-berman (2003)

54

Figure 4.1. Cadre conceptuel 96

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[xii]

Du projet d’études au projet de vie.

Liste des sigles et abréviations

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AADNC Affaires Autochtones et du Nord canadien

AÉC Attestation d’études collégiales

APN Assemblée des Premières Nations du Canada

APNQL Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador

CAA Centre d’amitié autochtone

CBJNQ Convention de la Baie-James et du Nord québécois

CÉPN Conseil en Éducation des Premières Nations

CÉRUL Comités d’éthique de la recherche avec des êtres humains de l’Univer-sité Laval

CNEQ Convention du Nord-Est québécois

CRSH Conseil de recherches en sciences humaines

CRSNG Conseil de recherches en sciences naturelles et génie

DÉC Diplôme d’études collégiales

DÉP Diplôme d’études professionnelles

DÉS Diplôme d’études secondaires

DÉSS Diplôme d’études supérieures spécialisées

ÉPG Étudiant de première génération

IRSC Instituts de recherche en santé du Canada

MÉES Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement Supérieur

UQAC Université du Québec à Chicoutimi

UQAM Université du Québec à Montréal

UQAT Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue

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[xiii]

Du projet d’études au projet de vie.

Remerciements

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Je tiens en premier lieu à remercier ma directrice de recherche, An-nie Pilote, pour son soutien indéfectible tout au long de mon parcours doctoral. Elle a su m’encourager à persévérer dans les moments diffi-ciles et à toujours garder en tête cet objectif ultime du dépôt de la thèse. Elle a aussi beaucoup contribué à ma formation de chercheur et d’enseignant en m’intégrant dans ses projets de recherche et en m’en-courageant dans mes premières expériences comme chargé de cours. C’est aussi grâce à elle que je me suis toujours accroché à mon projet de recherche et que j’ai cru en mes capacités de le mener à terme. Je la remercie donc pour sa patience, sa rigueur, ses commentaires perti-nents et ses encouragements répétés.

Ce projet de thèse me semblait une nécessité, non seulement pour satisfaire ma propre curiosité intellectuelle, mais aussi dans un esprit de démocratisation de l’enseignement supérieur. J’ai donc voulu illus-trer les avancées réalisées depuis les dernières décennies à ce sujet chez les étudiants autochtones du Québec, mais aussi les défis soule-vés par leur fréquentation scolaire en termes de prise en compte de la diversité ethnoculturelle et de la diversité sociale auprès des universi-tés et des autorités politiques. Je tiens particulièrement à remercier chacun des étudiants et diplômés qui ont accepté de participer à ce projet de recherche en m’accordant leur temps et surtout leur confiance. Je leur suis infiniment reconnaissant de m’avoir accueilli et d’avoir partagé leurs expériences pour m’aider à mieux comprendre le sens qu’ils accordent à leurs études. Bien que je ne puisse vous nom-mer, soyez assurés que vous êtes tous et toutes bien présents dans mon cœur et je vous souhaite le meilleur à venir dans vos projets. Je tiens aussi à remercier les professionnels impliqués dans le milieu de l’édu-

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cation autochtone interviewés de m’avoir apporté des éclairages sup-plémentaires par rapport aux parcours des étudiants et aux enjeux ad-ministratifs et politiques qui leur sont inhérents. Même si je ne peux non plus vous nommer, vous n’en êtes pas moins bien présents dans mes pensées et je vous remercie de votre confiance.

[xiv]Un parcours doctoral est aussi l’occasion de rencontrer des per-

sonnes marquantes dans notre développement intellectuel et person-nel. Tant de gens m’ont aidé à leur façon à me rendre jusqu’au bout, dans ce qui m’a parfois semblé cette quête vers l’inaccessible étoile dont parlait Jacques Brel. De ce nombre, je tiens à remercier Thierry Rodon de m’avoir offert l’occasion de découvrir de nouveaux hori-zons dans le sillage de mes intérêts de recherche, de m’avoir soutenu comme chercheur, comme étudiant et d’avoir cru en moi alors que j’en avais grandement besoin. Je tiens aussi à remercier mes collègues de la Chaire de recherche sur le développement durable du Nord et du Centre interuniversitaire d’études et de recherches autochtones (CIÉ-RA) de m’avoir soutenu dans les périodes de doute, de m’avoir aidé à surmonter les difficultés que la vie nous réserve parfois au moment où l’on s’y attend le moins et d’avoir partagé tant de repas sur l’heure du midi. Un merci particulier à Aude Therrien et Benoit Éthier pour leur amitié.

Un grand merci également aux collègues et amis étudiants Karine Vieux-Fort, Jo Anni Joncas, Sofia Arsenii, Amélie Groleau, Paul-An-toine Cardin, Corentin Faucher et Luba Markovskaia pour les discus-sions sur nos thèses respectives et les joies du métier d’étudiant. Je ne saurais passer sous silence l’appui de professeurs qui m’ont encouragé à persévérer et avec qui j’ai eu droit à de riches discussions qui ont alimenté mes réflexions. Merci à Jacques Kurtness, Renée Cloutier, Canisius Kamanzi, France Picard, Jean Bernatchez et Maryse Potvin pour les sages conseils et les échanges autour de la sociologie, de l’en-seignement supérieur et de l’éducation interculturelle. Merci aussi à tous ces collègues rencontrés durant les séminaires, colloques et congrès, avec qui j’ai pu partager mes travaux en progression afin de sans cesse les améliorer et merci aux étudiants de mes cours et sémi-naires de m’avoir aidé à devenir, osé-je l’espérer, un meilleur péda-gogue. Un merci spécial à Julie Delisle pour les discussions, parfois sérieuses, parfois moins, et pour son aide dans les moments difficiles.

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Produire une thèse, c’est aussi l’occasion de constater tout l’amour que nos proches nous apportent et qui nous aide non seulement à per-sévérer dans nos études, mais aussi à ne pas perdre de vue que nous sommes des êtres interreliés. Les contacts avec ma famille m’ont ainsi aidé à garder les pieds sur terre et à ne pas oublier d’où je viens. Merci surtout [xv] à mes parents, Yves Ratel et Danielle Lecompte ; mes frères, Yannick et Stéphane ; ma grand-mère, Fleurette Tourangeau ; ma tante, Carole-Lyne Ratel ; mes beaux-parents, Maryse Rhéaume et Yves Pageau ; mes belles-sœurs, Nathalie Lachance et Josée Hamel ; mon neveu, Arthur Ratel. Je vous remercie d’avoir toujours cru en moi et de votre aide sous toutes ses formes à tant de moments cru-ciaux durant mon parcours. Un merci spécial à Mélopée, fidèle com-pagne féline, pour ta présence discrète sur le coin de mon bureau quand je travaillais tard.

Enfin, un merci tout spécial à mon âme-sœur, Laurie Pageau, la femme de ma vie qui m’a redonné confiance en moi et en l’humanité, qui m’a donné le goût de me dépasser et m’a sans cesse appuyé pour y arriver. C’est beaucoup grâce à toi, Laurie, que tu peux aujourd’hui lire cette thèse et les présents remerciements, qui jamais ne pourront suffisamment témoigner de toute l’affection que j’ai pour toi et de tout le bonheur que tu me procures. Nous avons partagé tant de moments en tant qu’étudiants, l’une allant au congrès de l’un, l’un allant au congrès de l’une, et tous les deux se réunissant dans une passion com-mune pour l’éducation et la science. Ton écoute, ta générosité, ta pa-tience, ton empathie, ton humour et, bien sûr, ton amour, m’auront permis de compléter mon doctorat tout en me sentant chaque jour l’homme le plus chanceux au monde de t’avoir rencontrée. Il faudra désormais s’habituer à nous voir moins souvent à la Tour des sciences de l’éducation, mais tu seras toujours la femme de ma vie et j’espère toujours mériter d’être l’homme de la tienne. Je te promets aussi de continuer de te soutenir durant ton propre parcours doctoral autant que tu as pu me soutenir durant le mien. Que notre amour se poursuive à jamais et qu’il continue de nous rendre plus forts.

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[xvi]

Nous estimerions que nos recherches ne méritent pas une heure de peine si elles ne devaient avoir qu’un intérêt spéculatif. Si nous sépa-rons avec soin les problèmes théoriques des problèmes pratiques, ce n’est pas pour négliger ces derniers : c’est, au contraire, pour nous mettre en état de les mieux résoudre. C’est pourtant une habitude que de reprocher à tous ceux qui entreprennent d’étudier la morale scien-tifiquement leur impuissance à formuler un idéal. On dit que leur res-pect du fait ne leur permet pas de le dépasser ; qu’ils peuvent bien observer ce qui est, mais non pas nous fournir des règles de conduite pour l’avenir. Nous espérons que ce livre servira du moins à ébranler ce préjugé, car on y verra que la science peut nous aider à trouver le sens dans lequel nous devons orienter notre conduite, à déterminer l’idéal vers lequel nous tendons confusément. Seulement, nous ne nous élèverons à cet idéal qu’après avoir observé le réel, et nous l’en dégagerons ; mais est-il possible de procéder autrement ? Même les idéalistes les plus intempérants ne peuvent pas suivre une autre mé-thode, car l’idéal ne repose sur rien s’il ne tient pas par ses racines à la réalité.

Émile Durkheim(De la division du travail social, 1893)

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[xvii]

À Laurie, à la vie.

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[1]

Du projet d’études au projet de vie.

INTRODUCTION

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Dans la foulée de la Révolution tranquille, l’accessibilité à l’ensei-gnement supérieur s’est incontestablement accrue au Québec. Ainsi, le Rapport Parent a donné une véritable onde de choc en revoyant de fond en comble un système d’éducation qui réservait cet ordre d’en-seignement à une mince élite, issue des classes sociales supérieures et essentiellement masculine. Or, le chapitre consacré à l’éducation chez les Premières Nations et Inuit de ce rapport ne s’intéressait guère à l’enseignement supérieur, si ce n’est quelques mots sur la formation des maîtres appelés à enseigner aux élèves autochtones. Autrement, on se contentait surtout de déplorer le faible niveau de scolarité de ceux qui, selon la terminologie des années 1960, étaient désignés en tant qu’Indiens et Esquimaux. Tout au plus avançait-on la nécessité de développer l’éducation des adultes autochtones en vue d’accroître la diplomation chez ceux qui avaient quitté l’école sans diplôme, mais aucune mention n’était faite des enjeux les concernant en enseigne-ment supérieur.

On comprend dès lors que la création des cégeps et l’expansion des campus universitaires fut entreprise sans prendre en compte les be-soins et particularités des étudiants autochtones. Le mouvement de démocratisation scolaire qui s’en est suivi visait donc d’abord et avant tout celle de la population non autochtone, dont le retard en termes de diplomation était particulièrement marqué chez les francophones par rapport aux anglophones. En effet, la prise en compte de la diversité ethnoculturelle se fit essentiellement en termes de langues et de reli-gions, ce qui conduisit au développement d’un système d’éducation visant à répondre aux besoins des francophones et anglophones ainsi

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qu’à ceux des catholiques et protestants, à tout le moins jusqu’à la dé-confessionnalisation qui s’opérera progressivement à partir des années 1990.

Faut-il alors s’étonner qu’une population initialement exclue des réflexions ayant conduit à la création du système d’enseignement col-légial et universitaire tel que nous le connaissons aujourd’hui s’y sente encore souvent exclue ? En effet, il faudra attendre le dépôt du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones trois décennies plus tard pour qu’une première commission d’enquête gouvernemen-tale d’ampleur produise [2] une réflexion sur la place des Premières Nations et Inuit en enseignement supérieur. Une série de recomman-dations détaillées visait à leur assurer non seulement un meilleur accès aux études collégiales et universitaires, mais aussi une meilleure ré-tention jusqu’à leur diplomation, le tout dans le respect de leurs cultures. Deux décennies plus tard, on constate que ces recommanda-tions sont toujours d’actualité et qu’elles ont souvent été reprises par des établissements souhaitant mieux répondre aux besoins de leurs étudiants autochtones et en recruter de nouveaux.

On constate toutefois du même souffle que la poursuite d’études universitaires chez les Premières Nations et les Inuit s’est considéra-blement accrue depuis la publication des rapports Parent et Erasmus-Dussault, sans pour autant que l’écart historique ne soit dépassé. Il s’agit donc d’un cas flagrant de discrimination systémique à l’égard d’un groupe minoritaire et marginalisé en éducation qui s’inscrit dans le contexte québécois de démocratisation scolaire ségrégative (Merle, 2000), comme le soulevait un récent avis du Conseil supérieur de l’éducation (2016). Dans cette optique, l’analyse des parcours d’étu-diants universitaires des Premières Nations du Québec soulève forcé-ment la question de la justice sociale en éducation et met le doigt sur les inégales avancées en termes d’accessibilité aux études en fonction de l’origine ethnoculturelle. Dans un contexte où l’éducation auprès des Autochtones s’est longtemps limitée à l’imposition d’une culture dominante, dans la pure tradition évolutionniste ayant forgé le colo-nialisme en Amérique du Nord, la question de l’identité reste cruciale pour mieux répondre aux besoins des étudiants et favoriser leur réus-site éducative. Le défi est donc colossal en vue de mettre en place des mesures permettant aux cultures autochtones de s’épanouir sur les

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campus et ainsi assurer une meilleure sécurité culturelle des étudiants autochtones, gage de leur réussite éducative (Pidgeon, 2008a).

Notre thèse est donc l’occasion de s’intéresser à ceux-là mêmes qui parviennent à déjouer les pronostics et dont la seule présence à l’uni-versité nous force à dépasser le fatalisme des inégalités en éducation. Tout en tenant compte des structures sociales et de leur étonnante ca-pacité à reproduire l’ordre établi, nous avons donc voulu regarder de plus près ces cas de membres des Premières Nations qui ont choisi de poursuivre leur scolarité [3] bien au-delà de ce qui est généralement observé au sein de leur groupe d’appartenance. Nos objectifs généraux sont de contribuer à une meilleure connaissance du phénomène des études universitaires chez les Premières Nations du Québec et de mieux comprendre le sens conféré par les étudiants qui en sont membres à leurs parcours universitaires. Plus spécifiquement, nos ob-jectifs de recherche consistent à : 1) Comprendre le rapport à l’iden-tité et aux cultures autochtones chez les étudiants et diplômés des Pre-mières Nations ; 2) Comprendre les principaux facteurs expliquant le passage à l’université des étudiants des Premières Nations et comment se déroulent leurs parcours ; 3) Connaître les projets et réalisations des étudiants des Premières Nations en lien avec leurs études universi-taires ; 4) Analyser l’environnement mis en place par les universités et les pouvoirs publics pour favoriser l’intégration des étudiants autoch-tones à la communauté universitaire.

Après avoir présenté notre problématique (chapitre I) et ainsi expo-sé la pertinence scientifique et sociale de la présente recherche, nous présenterons notre méthodologie (chapitre II), qui repose sur des en-tretiens effectués auprès de 23 étudiants et diplômés universitaires des Premières Nations du Québec. La présentation de notre cadre concep-tuel (chapitre III) sera l’occasion de saisir l’articulation entre les théo-ries de Bernard Lahire, Danielle Juteau, Marie McAndrew, Marie Bat-tiste, Henry Giroux et Mario Blaser, qui nous ont permis de cerner notre objet de recherche aux lumières croisées de la sociologie, de l’anthropologie, des sciences de l’éducation et des études autochtones. La présentation du corpus (chapitre IV) permettra ensuite de prendre connaissance des cas étudiés en faisant ressortir les faits saillants de leurs profils. Nous verrons au chapitre V le rapport à l’identité et aux cultures autochtones des participants, qui sont, avant même d’être étu-diants, des membres appartenant à des communautés et nations qui

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partagent plusieurs traits en commun tout en ayant développé leurs spécificités. Le chapitre VI sera spécifiquement consacré à leurs par-cours scolaires et permettra au lecteur de comprendre ensuite l’in-fluence de l’identité et des cultures autochtones sur les parcours des participants, objet du chapitre VII, où nous illustrerons que la finalité des études universitaires chez les membres des Premières Nations est à saisir à l’aune du développement du mieux-être chez les Autoch-tones. Enfin, la discussion (chapitre VIII) ouvrira la réflexion sur l’institution universitaire elle-même, sur sa métamorphose ayant per-mis à un nombre accru [4] d’Autochtones de la fréquenter et sur notre défense d’un modèle de campus interculturel conçu comme sphère publique démocratique, en vue de répondre aux défis contemporains de la diversité ethnoculturelle dans les universités québécoises.

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[5]

Du projet d’études au projet de vie.

Première partieCADRE DE LA RECHERCHE

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[6]

Première partie : cadre de la recherche

Chapitre 1

PROBLÉMATIQUE

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L’étude des parcours d’étudiants universitaires des Premières Na-tions du Québec soulève inévitablement la question du contexte social propre aux Autochtones1 du Québec et les enjeux inhérents aux rela-tions entre Autochtones et allochtones. Nous débuterons donc par une définition des principales notions utilisées et poursuivrons par une brève présentation de l’histoire des Autochtones ainsi que de leur si-tuation contemporaine. Nous présenterons ensuite nos objectifs de recherche et analyserons l’état des connaissances accumulées à ce jour sur les étudiants autochtones au postsecondaire au Canada.

Alors que nous nous intéressions d’abord à la transition aux études universitaires chez les Premières Nations, nos premières entrevues en

1 Tout au long de ce document, nous écrirons « Autochtone », avec une majuscule, lorsqu’il s’agit d’un nom propre (par exemple : « On retrouve des Autochtones dans cette région. »). Nous écrirons plutôt « autochtone », avec une minuscule, lorsqu’il s’agit d’un nom commun (par exemple : « On retrouve des communautés au-tochtones dans cette région. »). À ce sujet, nous nous référons à l’Avis de l’Office de la langue française paru dans la Gazette offi-cielle du Québec du 24 avril 1993. Nous écrirons « non-Autoch-tone » et « non-autochtone » en suivant la règle précédente. En ce qui concerne le nom « allochtone », nous l’écrirons toujours avec une minuscule puisqu’il ne s’agit pas d’un groupe en soi : il n’existe qu’en tant que « ce qui n’est pas autochtone ». Nous di-rons par exemple : « On retrouve des allochtones dans cette région. C’est une région où il y a plusieurs communautés allochtones ».

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pré-test nous ont fait constater que c’était plutôt la question des pro-jets envisagés et réalisés après les études qui s’avérait particulière-ment riche dans les données recueillies, ce qui nous a décidé à nous orienter davantage vers le sens conféré aux études universitaires chez les étudiants autochtones en lien avec leur contribution au mieux-être chez les Autochtones, avec les objectifs suivants.

Objectifs généraux

1) Contribuer à une meilleure connaissance du phénomène des études universitaires chez les Premières Nations du Québec.

2) Comprendre le sens conféré par les étudiants des Premières Na-tions du Québec à leurs parcours universitaires.

Objectifs spécifiques

1) Comprendre le rapport à l’identité et aux cultures autochtones chez les étudiants et diplômés des Premières Nations.

[7]2) Comprendre les principaux facteurs expliquant le passage à

l’université des étudiants des Premières Nations et comment se déroulent leurs parcours.

3) Connaître les projets et réalisations des étudiants des Premières Nations en lien avec leurs études universitaires.

4) Analyser l’environnement mis en place par les universités et les pouvoirs publics pour favoriser l’intégration des étudiants au-tochtones à la communauté universitaire.

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1.1. CONTEXTE SOCIAL

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Il convient dans un premier temps de bien définir les principales notions utilisées pour définir les Autochtones au Canada et mieux comprendre leur histoire ainsi que leur situation contemporaine. Nous nous arrêterons plus précisément aux trois grands groupes que sont les Premières Nations, les Inuit et les Métis. Nous nous intéresserons en-suite à leur histoire, plus particulièrement depuis la Confédération ca-nadienne, et à leur situation contemporaine en termes de conditions de vie, de gouvernance, d’éducation et d’identité.

1.1.1. Quelques définitions

Les peuples autochtones ont longtemps été définis par leurs coloni-sateurs, et ce, depuis l’arrivée des premiers missionnaires, si bien que les termes utilisés pour les identifier ne reflètent pas forcément la ma-nière dont eux-mêmes s’identifient. Nous décrirons donc ici les princi-paux termes utilisés dans le contexte canadien, tout en précisant d’em-blée que les membres de chaque groupe autochtone (communauté, nation, confédération, etc.) se définissent d’abord eux-mêmes avant de l’être par la société majoritaire.

1.1.1.1. Autochtones

Si Morin (2009) souligne l’absence de définition formelle de l’au-tochtonie dans la Déclaration sur les droits des peuples autochtones de l’ONU de 2007, elle mentionne en revanche que les « représentants de plus de 5 000 cultures ont en partage des expériences identiques » (p. 68) qui les ont conduits à s’identifier en tant qu’Autochtones sur la base de valeurs communes (collectivité, développement durable, res-ponsabilités à l’égard des [8] générations futures), traçant une fron-tière symbolique avec les non-autochtones. Pour notre part, nous re-prendrons la définition du sociologue José Martínèz Cobo, chargé par

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 33

l’ONU de documenter la discrimination à l’égard des Autochtones dans les années 1970 et 1980 2.

[…] des peuples et nations qui présentent une continuité historique avec les sociétés précédant la conquête et la colonisation de leurs territoires, qui se considèrent comme distincts des autres secteurs de la société dominant intégralement ou partiellement ces territoires. Ils constituent aujourd’hui, [sic] des secteurs non dominants de la société et sont déterminés à préser-ver, développer et transmettre aux générations futures leurs territoires an-cestraux et leur identité ethnique, sur la base de leur existence continue en tant que peuple, en accord avec leurs propres systèmes culturels, leurs systèmes légaux et leurs institutions sociales. (traduction française citée dans Bellier, 2009, p. 76)

Dans le contexte canadien, « Autochtones » renvoie donc aux des-cendants des premiers occupants du territoire de ce qui est aujourd’hui le Canada, ce qui regroupe les Premières Nations, Inuit et Métis. Cela dit, l’autochtonie concerne d’abord l’identité et non les seuls traits phénotypiques, d’autant plus que le métissage entre populations au-tochtones existait avant même l’arrivée des Européens, par exemple chez les Iroquois qui adoptaient des prisonniers « étrangers » (Miller, 2000, p. 13). On relève aussi plusieurs mariages « mixtes » sous le régime français (De Souza Correa et Girard, 2009) et d’autres unions ont constitué la nation métisse (Miller, 2000, p. 85-87). Si l’Autoch-tone a d’abord été défini comme « l’envers du Blanc » (Simard, 2003), l’identité autochtone peut aujourd’hui être saisie selon trois dimensions : autochtonéité (culture propre à l’ensemble des Autoch-tones), nation (culture propre à chaque nation) et communauté (culture propre à une communauté donnée au sein d’une nation) (Gallant, 2002, p. 102-103). Cela dit, Statistique Canada recensait 1 673 780 personnes déclarant une identité autochtone 3 au pays en 2016, soit

2 Son rapport complet est disponible en ligne :https://www.un.org/development/desa/indigenouspeoples/publications/martinez-cobo-study.html.

3 Selon Statistique Canada : « “Identité autochtone” désigne les per-sonnes s’identifiant aux peuples autochtones du Canada. Il s’agit des personnes qui sont Premières Nations (Indiens de l’Amérique du Nord), Métis ou Inuk (Inuit) et/ou les personnes qui sont des Indiens inscrits ou des traités (aux termes de la Loi sur les Indiens

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 34

4,9% de la population, et plus précisément 182 890 au Québec, c’est-à-dire 2,3% de la population.

[9]

1.1.1.2. Premières Nations

Les membres des Premières Nations, aussi appelés Amérindiens ou parfois Indiens d’Amérique, regroupent la majorité des Autochtones au pays et englobent des centaines, voire des milliers de nations 4. La terminologie à cet égard soulève certains débats (Dickason, 1996, p. 15-17), mais nous entendons le terme « nation » tel qu’utilisé aujour-d’hui pour désigner le regroupement de membres au sein d’une de celles qui composent l’Assemblée des Premières Nations du Canada. Au Québec, cela inclut les Abénakis, Algonquins, Atikamekw, Cris, Hurons-Wendat, Innus, Malécites, Micmacs, Mohawks et Naskapis.

On distingue la population des Premières Nations selon qu’elle soit « inscrite » ou non au Registre des Indiens tenu par le ministère des Affaires Autochtones et du Nord canadien (AADNC), en vertu de la Loi sur les Indiens. Il s’agit d’une distinction légale qui comporte son lot de conséquences puisque seuls ceux inscrits sont soumis aux dis-positions de cette loi (Dickason, 1996, p. 18) 5. Une autre distinction

du Canada) et/ou les personnes membres d’une Première Nation ou d’une bande indienne. L’article 35 (2) de la Loi constitutionnelle de 1982 précise que les peuples autochtones du Canada s’entend notamment des Indiens, des Inuits et des Métis du Canada ». Source :http://www23.statcan.gc.ca/imdb/SBV_pSBV_f.pl   ? Function=bbDD&Id=246617

4 Il s’avère difficile de déterminer précisément les frontières entre ces nations, selon que l’on se base sur des critères d’ordre linguis-tique, culturel, sociologique ou ethnique. Nous pouvons nous réfé-rer au découpage en huit grandes familles linguistiques utilisé dans Magocsi (2002, p. 8) : algonquienne, iroquoïenne, siouïenne, ktu-naxa, salish, wakashan, tsimshian et dénée.

5 Dans son jugement du 14 avril 2016, la Cour Suprême stipulait cependant que « [l]es contextes historique, philosophique et lin-

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légale concerne le lieu de résidence, en communauté ou à l’extérieur : dans ce dernier cas, la personne conserve tout de même son statut lé-gal « indien » et le droit de vote au conseil de bande 6. Chez les Cris et Naskapis, on parle plutôt du Registre des bénéficiaires cris et naska-pis, tenu en vertu de la Convention de la Baie-James et du Nord qué-bécois (CBJNQ) et de la Convention du Nord-Est québécois (CNEQ), étant donné que ces deux nations ne sont plus couvertes par la Loi sur les Indiens depuis la signature de leurs conventions négociées dans les années 1970. Notre recherche s’intéresse donc aux membres des Pre-mières Nations « inscrits » 7 ou « bénéficiaires », peu importe qu’ils résident ou non dans leurs communautés. Le terme « communauté » sera utilisé pour désigner les membres regroupés dans une localité [10] légalement définie comme village (Cris et Naskapis) ou réserve (autres nations).

1.1.1.3. Inuit  8

Les Inuit constituent anthropologiquement et culturellement une population autochtone distincte de celle des Premières Nations. On les retrouve au Nunavik (Nord-du-Québec), Nunatsiavut (Labrador), In-uvialuit (Territoires du Nord-Ouest et Yukon) et au Nunavut. Ils ne

guistique établissent que les “Indiens” visés au par. 91(24) [de la Loi sur les Indiens] englobent tous les peuples autochtones, y com-pris les Indiens non inscrits et les Métis ».

6 Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, c. I-5, article 2.7 Chez les Cris et Naskapis, on parle plutôt de « bénéficiaires des

Conventions », comme nous le verrons un peu plus loin dans cette section.

8 À l’instar de Dorais (2004), et ce, afin de « respecter le génie de la langue dont il est tiré » (p. 155), nous avons choisi d’écrire « Inuit » (sans s) et « Inuk » dans sa forme singulière, lorsqu’il s’agit de noms propres, et de conserver « inuit » (invariable) pour les adjectifs. Nous écrirons donc, à titre d’exemples, un Inuk, des Inuit, un dialecte inuit, des chiens inuit. Ces choix linguistiques sont aussi ceux initialement approuvés par l’Office de la langue française en 1979, avant de se raviser en 1993 en privilégiant les règles propres à la langue française.

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sont pas légalement des « Indiens », malgré une courte période (de 1939 à 1951) où la Loi sur les Indiens s’appliquait à eux (Dickason, 1996, p. 381). La langue maternelle et d’usage de la très grande majo-rité des Inuit demeure l’Inuktut, qui regroupe différents dialectes selon les régions (Dorais, 2010), et la langue seconde est très largement l’anglais, même si le français a connu une nette progression au Nuna-vik depuis les années 1980 (Juteau, 2007). Au Québec, on retrouve 14 communautés inuit, regroupées sous la Société Makivik.

1.1.1.4. Métis

Certains considèrent que les Métis se limitent à ceux pouvant re-vendiquer des origines remontant aux communautés métisses de la Rivière rouge (Manitoba) ou encore, plus largement, à un territoire couvrant l’Ontario et le Manitoba (Chartrand et Giokas, 2002, p. 268-280). Par contre, du point de vue du Conseil national des Métis, toute personne qui s’auto-identifie en tant que Métis ou se reconnaît des ancêtres métis est considérée comme telle (Chartrand et Giokas, 2002, p. 289-294). Pour Statistique Canada, c’est cette seconde définition qui prévaut lors du recensement, à l’instar des autres populations au-tochtones. La plupart se trouvent dans les provinces de l’Ouest (65,8 %) et en Ontario (19,0%), mais 40 955 personnes se définissent comme Métis au Québec. Or, le gouvernement du Québec ne les re-connaît pas et il n’y a donc pas de « communautés » métisses offi-cielles au Québec, mais plutôt des collectivités locales où vivent des Métis.

[11]

1.1.1.5. Allochtones

Les allochtones sont ceux qui habitent le territoire canadien et ne sont ni membres des Premières Nations, ni Inuit, ni Métis. Ils incluent donc la grande majorité de la population, qui ne constitue toutefois pas un groupe qui se définit comme « allochtone ». On y trouve plutôt une kyrielle de groupes d’appartenance ethnoculturelle et nous distin-

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guerons plus précisément entre, d’une part, les Eurocanadiens (issus de l’immigration européenne historique) 9 et, d’autre part, les Cana-diens issus de l’immigration (arrivés plus récemment, qu’ils soient de première ou deuxième génération). Plus précisément, le terme « Euro-canadiens » désigne les Canadiens descendant des deux puissances colonisatrices (Royaume-Uni et France) et des autres pays européens avant 1968 10. On recourt aussi au terme « Euroquébécois » afin de tenir compte d’une identité distincte de celle de la majorité eurocana-dienne (Gélinas, 2002), dans le contexte où la population majoritaire allochtone du Québec peut être subdivisée entre francophones, anglo-phones et allophones 11.

Les allochtones du Québec ne se définissent donc pas comme tels, mais surtout en fonction de l’appartenance linguistique et nous utilise-rons le terme « allochtone » surtout pour distinguer cette population des Autochtones, lesquels peuvent se définir comme Autochtones, en plus bien sûr des groupes ci-haut mentionnés. Nous distinguerons aus-si au besoin les réalités propres aux Euroquébécois et aux Québécois issus de l’immigration.

9 N’oublions pas que l’immigration sous les régimes français et bri-tannique (1534-1867) a aussi inclus des immigrants non-Euro-péens, notamment des esclaves africains (Trudel, 2004). Sous le régime canadien, à l’exception de travailleurs chinois, au demeu-rant fortement victimes de discrimination, la politique d’immigra-tion ne laissait pratiquement aucune place à l’immigration non-eu-ropéenne jusqu’en 1962 (McAndrew et Audet, 2016).

10 Étant donné que la politique d’immigration n’a plus retenu le cri-tère du pays d’origine à partir de 1968, nous avons choisi cette date pour définir le groupe eurocanadien. Depuis, la sélection de l’im-migration se fait selon un système de points individuels et les pays d’origine se sont nettement diversifiés, à un point tel que l’immi-gration canadienne est aujourd’hui principalement non-européenne (McAndrew et Audet, 2016).

11 Nous nous sommes inspirés du découpage effectué par Juteau (1999) entre « Indiens », francophones, anglophones et « immi-grants ». Ce découpage nous semble le plus apte à refléter la diver-sité ethnoculturelle propre au Québec, où le clivage ethnique se fait surtout sentir par le biais de la langue.

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1.1.2. Brève histoire des Autochtones au Canada

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L’histoire des Autochtones a longtemps exclu le point de vue des principaux intéressés car elle s’est surtout écrite sous la plume d’au-teurs allochtones (Vahia, 2005, p. 15-45), étant donné que les peuples autochtones se transmettaient l’histoire oralement. [12] Nous propo-sons néanmoins de mettre en lumière quelques événements marquants qui ont contribué à forger les réalités autochtones contemporaines, en utilisant des sources à la fois autochtones et allochtones, sans pour autant prétendre à un examen exhaustif de cette histoire.

1.1.2.1. La période pré-confédérale

Ainsi, l’histoire des premiers habitants de l’Amérique débuterait à au moins 15 000 av. J-C, voire 50 000 av. J-C (Trigger, 1992). Dès 11 000 av. J-C, on retrouvait des populations du nord au sud du conti-nent, mais plus fortement sur la côte pacifique (Dickason, 1996, p. 35). Les premiers habitants de l’actuel territoire québécois se sont éta-blis au sud vers 6 500 av. J-C (Beaulieu, 1997, p. 28) et l’Arctique canadien a accueilli ses premiers arrivants vers 3 000 av J-C (Dicka-son, 2006, p. 3). Certaines nations ont pu côtoyer les Norois vers l’an 1 000 ainsi que les Portugais et les Basques quelques siècles plus tard (Dickason, 1996, p. 11-12). On estimait la population autochtone d’Amérique à 112 millions en 1492, dont 18 millions en Amérique du Nord (Sioui, 1989, p. 7), mais l’immense majorité sera par la suite décimée par les épidémies, guerres et famines issues de la colonisa-tion européenne.

Miller (2000) qualifie l’occupation française et britannique (XVIe

au XVIIIe siècles) comme une période de « coopération » car les puis-sances européennes avaient besoin de l’appui des Autochtones. Chaque puissance européenne avait forgé ses propres réseaux d’al-liances avec les nations autochtones, mais la situation a surtout changé au lendemain de la Conquête. L’arrivée des loyalistes étasuniens don-nera lieu à la confiscation de terres alors réservées aux Autochtones. Une période de « coercition » (XIXe siècle à 1960) arrivera avec la fin

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de la guerre avec les États-Unis (1814), ce qui conduira les autorités britanniques à se désintéresser de leurs anciens alliés autochtones et à développer des réserves visant à les assimiler à la majorité eurocana-dienne (Miller, 2000, p. 125).

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1.1.2.2. De nouvelles politiques d’assimilation

C’est donc au cœur de cette période de coercition que naît en 1867 le Canada. Dès 1869, le parlement vote l’Acte pourvoyant à l’émanci-pation graduelle des Sauvages, [13] poursuivant la politique entre-prise plus tôt en refondant quelques lois similaires et en définissant le statut d’Indien 12, dont la responsabilité fut confiée au gouvernement fédéral. Les « terres réservées aux Indiens » tombèrent sous l’adminis-tration fédérale 13 et les agents des affaires indiennes disposeront d’une grande autorité sur la conduite des affaires internes de chaque communauté. En 1876, la première Loi sur les Indiens renforcera ces dispositions et elle demeure toujours en vigueur, en dépit d’importants amendements intervenus depuis. Ce faisant, la bande indienne re-groupe « un ensemble d’Indiens à l’intention desquels le gouverne-ment a mis de côté des terres pour leur usage commun et à leur pro-fit » (Dickason, 1996, p. 283), alors que la réserve représente le terri-toire, propriété de la Couronne, composé de ces terres.

D’autres dispositions seront ajoutées au fil du temps en vue de ré-viser la gouvernance locale des conseils de bande et interdire certains rassemblements spirituels et culturels autochtones (Dickason, 1996, p. 285-287). On retiendra que le législateur poursuivra de différentes façons l’objectif de l’assimilation des Autochtones à la culture domi-nante. Cette insistance a aussi redéfini l’identité autochtone sur de nouvelles bases, avec les réserves comme territoire d’appartenance et le statut d’Indien comme élément unificateur (Gélinas, 2007). On note par ailleurs que la Loi sur les Indiens établit qu’aucune loi fédérale ou provinciale ne peut aller à l’encontre de ses dispositions. Responsable des services sociaux aux Autochtones, le gouvernement fédéral ne

12 Nous utilisons le terme « Indien » dans son sens légal, en lien avec les différentes lois qui en définissent le statut. Il ne s’agit donc pas des Premières Nations au sens large et on ne saurait le confondre avec le terme employé pour parler des habitants de l’Inde.

13 Le Ministère des Affaires Autochtones et du Nord canadien a connu plusieurs changements d’appellation au fil de l’histoire et les affaires autochtones ont parfois été rattachées à d’autres ministères, mais nous utiliserons AADNC dans le but de faciliter la compré-hension.

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voulait pas initialement consacrer des sommes importantes à son ob-jectif d’assimilation par crainte de favoriser ce qu’il qualifiait de pos-sible « paresse » (Shewell, 2004). Offrant des formations scolaires rudimentaires axées sur l’agriculture, il considérait les fonds alloués aux conseils de bande comme des versements temporaires aidant au développement économique en vue de transformer les réserves en mu-nicipalités.

Lavoie (2004, 2005) découpe l’histoire de la politique canadienne d’éducation des [14] Autochtones en trois grandes périodes, soit de 1867 à 1946, de 1946 à 1969 et de 1969 à aujourd’hui. La première période est caractérisée par la volonté acharnée du gouvernement fé-déral visant à « annihiler la distinction amérindienne pour passer à la forme extrême de l’idéologie d’intégration, c’est-à-dire l’assimila-tion » (Lavoie, 2004, p. 92). AADNC se lancera dans une vaste opéra-tion de construction d’écoles de bande, dispensant un enseignement de niveau primaire dans la plupart des réserves, auxquelles s’ajouteront des écoles de métiers et des pensionnats. Ces derniers, situés à l’exté-rieur des réserves, éloigneront les enfants d’âge scolaire des in-fluences de leurs parents et de leurs communautés dans la poursuite de l’objectif d’assimilation (Castellano, Archibald et De Gagné, 2008).

Enfin, l’éducation visait surtout à apprendre à cultiver la terre ou exercer un métier en industrie et l’enseignement supérieur était à toutes fins pratiques exclu. Dans l’ensemble, le système instauré du-rant ces quelque huit décennies sera qualifié d’échec par un comité mis sur pied par Ottawa, qui recommandera une éducation axée sur la formation citoyenne (dans le moule eurocanadien) plutôt que sur l’ef-facement radical des spécificités autochtones. Une nouvelle politique visant à intégrer les élèves aux différents systèmes d’éducation des provinces sera mise en place et, en 1951, la nouvelle Loi sur les In-diens facilitera la conclusion d’accords entre AADNC et les provinces allant dans ce sens, accroissant de près du double le nombre de jeunes Indiens inscrits à l’école, alors que la population des réserves augmen-tait de 21 % (Lavoie, 2005, p. 58).

Cela dit, on dénombrait en 1975 près de 500 traités signés avec les Autochtones (Dickason, 1996, p. 272), mais les gouvernements ont longtemps considéré que les droits de ceux qui occupaient l’ancien territoire de la Nouvelle-France avaient déjà été éteints avec le chan-gement de colonisateur, et ce, même si les Britanniques avaient conclu

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plusieurs traités avec des nations anciennement alliées des Français à la veille et au lendemain de la Conquête (Émond, 2005, p. 26). C’est pourquoi les Autochtones du Québec, des Maritimes et du sud de l’Ontario n’ont pour la plupart pas signé de traité avant la fin du 20e

siècle.[15]

1.1.2.3. Vers l’autodétermination

Après avoir cherché à définir le statut d’Indien et encadrer la plu-part des pratiques sociales sous le couvert étroit de la Loi sur les In-diens, le gouvernement canadien procéda à un virage en déposant le Livre blanc en 1969. Jean Chrétien, alors ministre des Affaires in-diennes, cherchait à abolir le statut d’Indien et les conséquences liées à plus d’un siècle de mise en réserve. En guise de réplique, l’Associa-tion des Indiens de l’Alberta déposa son Livre rouge défendant une philosophie dont s’inspireront ensuite les Autochtones de partout au pays, à la suite de la parution de La maîtrise indienne de l’éducation indienne (Fraternité des Indiens du Canada, 1972). Le dépôt du Livre blanc produisit donc un effet inverse à celui souhaité puisqu’il a servi d’élément déclencheur à un vaste mouvement associatif autochtone qualifié de « panindianisme » (Goyon, 2007, p. 12) et les Autochtones voudront se prendre en charge, développer eux-mêmes un système répondant à leurs besoins et reflétant leurs cultures. Ils rejetaient au-tant l’enclavement de l’école de bande sous tutelle fédérale que la dis-solution dans les écoles allochtones, ces dernières ne tenant pas compte de leurs spécificités et de leur rapport difficile développé avec l’école. Leur argumentation se base sur une certaine « dette symbo-lique » de l’État canadien à leur égard, l’éducation autochtone ne rele-vant donc pas de l’assistance publique (Lavoie, 2005, p. 62). De plus, la politique des pensionnats prit progressivement fin à partir des an-

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nées 1970 14, même si ses séquelles se font toujours sentir (Castellano, Archibald et De Gagné, 2008 ; Ottawa, 2010).

Après l’abandon du Livre blanc et l’adoption de la politique du multiculturalisme en 1971, le Canada reformulera son ambition d’as-similer les Premières Nations au moule eurocanadien et l’éducation offerte dans les écoles autochtones pourra davantage refléter les cultures locales. En 1971, AADNC proposait désormais « d’aider les populations indiennes et esquimaudes à adopter des programmes d’éducation et à se doter d’installations qui répondent à leurs be-soins » ainsi que, l’année suivante, à « fournir des installations et des services éducatifs destinés à promouvoir les aspirations culturelles des Indiens et des Esquimaux et à les aider à atteindre, comme individus, l’épanouissement [16] personnel et l’égalité de possibilités par rapport aux autres Canadiens » (cité dans Lavoie, 2005, p. 63). En 1976, 64 communautés autochtones contrôlaient complètement leurs écoles et 200 le faisaient partiellement, sans compter les 3 500 étudiants au-tochtones inscrits dans les collèges et universités. En 1981, ce seront 185 écoles que les bandes contrôleront et l’on retrouvera « trois conseils scolaires indiens et 58 centres culturels et éducatifs dirigés par des Amérindiens » (Lavoie, 2005, p. 63). L’éducation chez les Autochtones s’engagera vers une perte de contrôle des autorités fédé-rales vers les communautés, tout en s’arrimant aux systèmes provin-ciaux publics d’éducation. Au Québec, deux commissions scolaires (Kativik et Crie) seront créées à la suite de la signature de la CBJNQ et de la CNEQ.

Les peuples autochtones ont souvent eu recours aux tribunaux pour faire reconnaître leurs droits issus de traités et leurs droits ancestraux, les premiers étant plus faciles à identifier car ils se réfèrent à des do-cuments signés, alors que les droits ancestraux reposent essentielle-ment sur la tradition orale et les pratiques autochtones (L’Heureux-Dubé et Otis, 2004, p. 1-7). Si les questions autochtones canadiennes se sont surtout développées autour des « Indiens », cette situation changera progressivement à partir des années 1970 et surtout avec le rapatriement de la Constitution (1982), qui enchâssera la reconnais-14 Certains pensionnats ont maintenu leurs activités par la suite, mais

sous le contrôle des conseils de bande locaux. Les derniers pen-sionnats autochtones disparurent dans les années 1990 (Castellano, Archibald et De Gagné, 2008, p. 65).

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sance des Autochtones (Premières Nations, Inuit et Métis) et de leurs droits ancestraux et issus de traité. Au Québec, des « traités mo-dernes » seront alors conclus avec les Cris, Inuit et Naskapis (CBJNQ en 1975 et CNEQ en 1978) et d’autres exemples suivront chez les Inuit de l’Inuvialuit (1984) et du Nunavut (1999).

Enfin, soulignons l’influence marquante de la Crise d’Oka, qui s’est déroulée de juillet à septembre 1990 à propos des revendications territoriales mohawks et, bien au-delà, de l’autodétermination des Au-tochtones dans le contexte canadien. Il s’agit d’« un tournant dans la visibilité accordée aux nations autochtones » (Guilbeault-Cayer, 2013 : 119) et on a par la suite observé un changement dans les dis-cours gouvernementaux autour d’une amélioration des relations entre Autochtones et allochtones, bien qu’il s’agisse davantage d’un désir que d’un « changement radical » (Idem : 136). On retiendra néan-moins les travaux de la Commission royale sur les peuples autoch-tones (1991-1996), qui fut [17] précisément créée en réaction à la Crise d’Oka et dont le troisième volume consacre un chapitre à l’édu-cation. On y relève notamment la recommandation 3.5.1., à l’effet « [q]ue les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux recon-naissent sans délai l’éducation comme secteur de compétence central dans l’exercice de l’autonomie gouvernementale autochtone ». Les auteurs s’intéressent aussi grandement à l’enseignement postsecon-daire chez les Autochtones, notamment avec la recommandation 3.5.24. qui défend « [q]ue les établissements d’enseignement postse-condaire publics des provinces et des territoires prennent de nouvelles initiatives ou élargissent celles existantes afin d’accroître le taux de participation, de persévérance et de réussite des étudiants autoch-tones » 15.

1.1.3. Situation contemporaine des Autochtonesau Québec

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15 Les citations sont tirées du volume III du rapport, disponible en ligne en version non numérotée : http://data2.archives.ca/e/e448/e011188231-

03.pdf.

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Nous établirons dans cette section un portrait des communautés, de l’organisation sociale et politique, du système d’éducation, des cultures et de la présence autochtone en milieu urbain. Reprenant la posture de Lahire (1993, p. 3-7), nous considérons que ce n’est pas rendre justice à une population que d’esquiver ses conditions de vie peu favorables sous prétexte de ne pas la stigmatiser davantage et nous présenterons donc aussi la situation socioéconomique des Au-tochtones du Québec.

1.1.3.1. Identités et cultures

La plupart des nations (Algonquins, Atikamekw, Cris, Innus, Mic-macs, Naskapis et Inuit) ont recours à des langues maternelles autoch-tones, incluant différents dialectes selon les communautés et les ré-gions. Chez les Abénakis, Hurons-Wendats et Malécites, c’est princi-palement le français qui est utilisé comme langue maternelle, alors que l’anglais prédomine chez les Mohawks. L’anglais est plus répan-du comme langue seconde chez les Cris, Malécites, Naskapis et Inuit ; tandis que le français l’est davantage chez les Atikamekw et les Innus. Les Algonquins et les Micmacs se répartissent entre le français et l’anglais selon les communautés (Secrétariat aux affaires autochtones, 2011, p. 14).

La tradition orale revêt une place incontournable dans les cultures des nations [18] autochtones et les premiers récits de légendes furent d’abord écrits en français et en anglais (Boudreau, 1993). À la suite de la publication du Livre blanc, plusieurs nations ont connu une vive prise de conscience les conduisant à mieux faire connaître qui elles sont selon leurs propres points de vue, ce qui a donné lieu à la publi-cation de recueils des histoires jusqu’alors transmises oralement (Bou-dreau, 1993). Ce mouvement s’inscrit dans un processus de réappro-priation de la mémoire collective autochtone et on constate qu’après avoir constitué des collections entières exposées au public à partir d’objets ayant appartenu aux Autochtones, les musées se sont interro-gés sur l’aspect éthique de cette appropriation culturelle (Dubuc et Turgeon, 2004). Depuis les années 1990, on observe un virage impor-tant impliquant les principaux concernés dans le processus, que ce soit par le biais de la restitution d’objets ancestraux, l’implication des

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communautés autochtones dans la constitution des collections et la présentation des expositions ou encore l’ouverture de musées contrô-lés par les Autochtones. Chez les jeunes, Jérôme (2005) souligne qu’au lieu de ne connaître que les cultures traditionnelles de leurs peuples (comme c’était souvent le cas pour leurs grands-parents) ou encore celle plus contemporaine de la société québécoise (comme c’était souvent le cas pour leurs parents), ils ont désormais la possibi-lité de puiser dans l’une et l’autre, ce qui s’exprime dans une culture renouvelée.

1.1.3.2. Communautés

En s’arrêtant à la définition qu’en donne Akoun (1999, p. 88) dans le Dictionnaire de sociologie, on constate que la notion de com-munauté s’applique bien dans le cas des Autochtones car elle est « l’ensemble social dont les membres partagent des valeurs et se re-connaissent des liens forts d’appartenance de chacun avec chacun et avec le tout communautaire ». Sans adopter pour autant la dichotomie communauté / société à la manière de Tönnies (1944), nous en retien-drons néanmoins l’idée que la communauté définit davantage l’indivi-du dans ses liens avec les autres individus, qui se reconnaissent aussi en tant que membres de cette communauté. Au Québec, les commu-nautés cries, inuit et naskapi sont des villages en vertu de la Loi sur les villages cris et le village naskapi (L.R.Q., c. V-5.1) et de la Loi sur les villages nordiques et l’administration régionale Kativik (L.R.Q., c. V-6.1). Les communautés des autres nations autochtones sont consi-dérées comme des réserves (ou bandes) en vertu de la Loi sur les In-diens [19] (L.R.C. (1985), ch. I-5). À la création des réserves, l’État canadien cherchait à ce qu’elles devinssent des foyers d’assimilation à la culture majoritaire eurocanadienne (Salem-Wiseman, 1996 ; Ladner et Orsini, 2004) et plusieurs lois ont longtemps interdit ou restreint les manifestations culturelles autochtones (Moss et Gardner-O’Toole, 1991). Elles sont cependant devenues, au fil du temps, des foyers culturels où se déploient les cultures autochtones (Gélinas, 2007).

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La plupart des membres des Premières Nations (68,1%) vivent dans les communautés, soit 62 991 sur les 92 504 recensés en 2015 16. On constate que les populations propres à chacune des 41 communau-tés varient considérablement et que certaines n’ont pas de résidents.

Tableau 1.1. Répartition des membres des Premières Nationsdans les communautés du Québec (2015)

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Nations Communautés Résidents Non-rési-dents

Total

Abénaquis Odanak 337 2 099 2 436

Wôlinak 75 269 344

TOTAL 412 2 368 2 780

Algonquins Hunter’s Point * * 230

Kebaowek 284 702 986

Kitcisakik 407 76 483

Kitigan Zibi 1 601 1 588 3 189

Lac-Rapide 610 154 764

Lac Simon 1 754 351 2 105

Pikogan 590 448 1 038

Timiskaming 598 1 505 2 103

Winneway 474 376 850

TOTAL * * 11 748

Attikameks Manawan 2 420 397 2 817

Obedjiwan 2 397 504 2 901

Wemotaci 1 464 426 1 890

TOTAL 6 281 1 327 7 608

[20]

16 Source : Secrétariat aux Affaires autochtones du Québec. Repéré à : http   ://www.autochtones.gouv.qc.ca/nations/population.htm

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Nations Communautés Résidents Non-rési-dents

Total

Cris Chisasibi 4 493 67 4 560

Eastmain  * * 798

Mistissini 3 688 124 3 812

Nemiscau 784 59 843

Oujé-Bougoumou 811 79 890

Waskaganish 2 382 452 2 834

Waswanipi 1 866 424 2 290

Wemindji 1 471 56 1 527

Whapmagoostui * * 981

TOTAL 17 236 1 299 18 535

Hurons-Wendats Wendake 1 520 2 481 4 001

Innus-(Montagnais) Betsiamites 2 893 1 032 3 925

Essipit 215 514 729

La Romaine 1 116 45 1 161

Mashteuiatsh 2 085 4 447 6 562

Matimekosh–Lac-John 847 117 964

Mingan * * 622

Natashquan  1 003 94 1 097

Pakuashipi * * 363

Uashat-Maliotenam 3 506 1 026 4 532

TOTAL 12 616 7 339 19 955

Malécites Cacouna et Whitworth * * 1 171

Micmacs Gespeg * * 750

Gesgapegiag 696 791 1 487

Listuguj 2 093 1 896 3 989

TOTAL * * 6 226

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Nations Communautés Résidents Non-rési-dents

Total

Mohawks Akwesasne (Québec seulement)

5 602 114 5 716

Kahnawake 7 923 2 901 10 824

Kanesatake 1 388 1 098 2 486

TOTAL 14 913 4 113 19 026

Naskapis Kawawachikamach 897 424 1 321

Indiens inscrits et non associés à une nation

  * * 133

TOTAL   62 991 29 513 92 504

Sources : Ministère des Affaires autochtones et Développement du Nord Ca-nada, Registre des Indiens, 31 décembre 2015. Ministère de la Santé et des Ser-vices sociaux du Québec, Registres des bénéficiaires cris, inuit et naskapis de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois, 31 décembre 2015. Repéré à :

http://www.autochtones.gouv.qc.ca/nations/population.htm

[21]Pour leur part, les Inuit vivent très fortement dans une des 14 com-

munautés du Nunavik (94,1%), soit 11 408 parmi les 12 129 recensés. La plupart de leurs communautés regroupent moins de 1 000 résidents et toutes sont situées aux abords de la baie d’Hudson, du détroit d’Hudson ou de la baie d’Ungava.

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Tableau 1.2.Répartition des Inuit dans les communautés du Québec (2015)

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Nations Communautés Résidents Non-rési-dents

Total

Inuit Akulivik * * 639

Aupaluk * * 200

Inukjuak 1 632 83 1 715

Ivujivik * * 368

Kangiqsualujjuaq * * 878

Kangiqsujuaq 681 42 723

Kangirsuk 533 50 583

Kuujjuaq 1 854 201 2 055

Kuujjuarapik 624 41 665

Puvirnituq 1 552 89 1 641

Quaqtaq * * 403

Salluit 1 382 91 1 473

Tasiujaq * * 319

Umiujaq * * 467

TOTAL 11 408 721 12 129

Sources : Ministère des Affaires autochtones et Développement du Nord Ca-nada, Registre des Indiens, 31 décembre 2015. Ministère de la Santé et des Ser-vices sociaux du Québec, Registres des bénéficiaires cris, inuit et naskapis de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois, 31 décembre 2015. Repéré à :http://www.autochtones.gouv.qc.ca/nations/population.htm

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Enfin, la superficie des territoires réservés aux Autochtones varie considérablement d’une nation à l’autre et c’est surtout le fait d’être signataire d’une convention (CBJNQ et CNEQ) qui influence à la hausse la superficie allouée plutôt que le nombre de membres d’une nation : 746,4 km2 sont réservés aux huit nations « non convention-nées » et 14 040,1 km2 le sont aux trois nations « conventionnées » (Ministère des Ressources naturelles du Québec, 1998). On obtient donc, en incluant les membres non-résidents, une densité de 2,3 habi-tants par km2 chez ces dernières et de 97,3 habitants par km2 chez les nations non conventionnées.

[22]

1.1.3.3. Gouvernance

L’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL), rattachée à l’Assemblée des Premières Nations du Canada (APN), n’est pas un « gouvernement » en soi, mais plutôt un forum commun et un organe de représentation politique et de défense des intérêts communs 17. D’autres regroupements existent pour chacune des 10 nations présentes au Québec, qui peuvent inclure une seule communauté (e.g. Conseil de la Nation huronne-wendat) ou plusieurs (e.g. Grand Conseil des Cris), et les Inuit sont pour leur part regroupés au sein de l’Administration régionale Kativik. Différents organismes se sont aussi développés autour de dossiers spécifiques, avec par exemple Femmes autochtones du Québec et le Conseil en Éducation des Premières Nations (CÉPN). À l’échelle locale, chaque commu-nauté est gouvernée par un conseil élu en suivant les coutumes locales ou au suffrage universel. Chez les nations non conventionnées, les conseils exercent la plupart des mêmes responsabilités que les munici-palités allochtones, mais doivent aussi gérer des programmes qui re-lèvent des paliers provincial et fédéral, notamment l’éducation et la santé (Secrétariat aux Affaires autochtones, 2011). Chez les nations conventionnées, la situation est assez semblable, sauf que les commu-nautés ne relèvent pas de l’administration d’AADNC et ne sont donc pas soumises à la Loi sur les Indiens.

17 APNQL : http   ://www.apnql-afnql.com/fr/apropos/mission.php

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Le développement économique varie beaucoup selon l’emplace-ment géographique et le statut juridique 18, mais le gouvernement local reste généralement le principal employeur et l’activité économique est souvent associée de près au tourisme et à l’exploitation des ressources naturelles (Lajoie, Gélineau, et al., 2004). Dans l’Enquête sur les en-trepreneurs autochtones menée par Statistique Canada en 2004 19, on constatait qu’environ les trois quarts des entrepreneurs autochtones du Québec vivaient à l’extérieur des communautés. Dans ce contexte, le taux de chômage reste particulièrement élevé dans les communautés autochtones au pays, soit 23,6% en 2011 chez les 25 à 54 ans, par rap-port à 10,6% pour la population autochtone à l’extérieur (Moyser, 2017). On note un taux [23] d’emploi de 47,3% en communauté par rapport à 71,1% à l’extérieur. Les services dispensés varient aussi beaucoup selon la communauté (corps de police autochtone, services d’incendie, centre de santé, etc.) et ils sont parfois offerts par une mu-nicipalité allochtone voisine (Secrétariat aux Affaires autochtones, 2011).

1.1.3.4. Situation socioéconomique

Chez les Premières Nations, les hommes ont une espérance de vie de 73 ans (6 de moins qu’à l’échelle nationale) et les femmes, de 78 ans (5 de moins). Pour leur part, les Métis connaissent une situation assez semblable, avec 74 ans pour les hommes (5 de moins) et 80 ans pour les femmes (3 de moins) 20. Les Inuit ont une espérance de vie nettement moins élevée, avec 64 ans pour les hommes (15 de moins) et 73 ans pour les femmes (10 de moins). Cette situation n’est pas sans lien avec les conditions de vie généralement plus difficiles que

18 La Loi sur les Indiens stipule par exemple que les biens des In-diens en réserve ne sont pas saisissables, ce qui rend difficile l’ob-tention d’un prêt commercial ou même plus simplement d’un prêt personnel (Bherer, Gagnon et Roberge, 1989).

19 Repéré à : http   ://publications.gc.ca/collections/collection_2016/isde-ised/Iu4-195-2005- fra.pdf

20 Source : Statistique Canada, Projections des populations autoch-tones, Canada, provinces et territoires, 2001 à 2017 (no 91-547-XIF). Repéré à : http   ://www.statcan.gc.ca/pub/89-645-x/2010001/c-g/c-g013-fra.htm

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 53

connaissent les Autochtones, notamment en termes de scolarité, de revenu, d’emploi et de logement.

[24]Tableau 1.3. Données sociodémographiques relatives

aux populations autochtones du Canada (2011, 2016)Retour à la table des matières

Autochtones Allochtones

Premières Nations Inuit Métis

Logement surpeuplé 23,1% 40,6% 8,6% 8,5%

Logement nécessitant des réparations majeures

24,2% 26,2% 11,3% 6,0%

Taux d’emploi – 25 à 54 ans 57,1% 58,6% 71,2% 75,8%

Revenu médian – 15 ans et plus 17 621 $ 20 401 $ 24 551 $ 27 622 $

Scolarité  : plus haut diplôme obtenu (25 à 64 ans)

Aucun certificat, diplôme ou grade 33,3% 48,5% 20,8% 12,1%

Diplôme d’études secondaires ou l’équivalent

22,1% 15,9% 24,4% 23,2%

Certificat, diplôme ou grade de ni-veau postsecondaire

44,6% 35,6% 54,8% 64,7%

Certificat d’une école de métiers 13,1% 13,2% 16,3% 12,0%

Certificat ou diplôme d’études collé-giales

19,3% 15,6% 23,2% 21,3%

Certificat ou diplôme universitaire inférieur au baccalauréat

3,6% 1,7% 3,5% 4,9%

Certificat, diplôme ou grade universi-taire au niveau du baccalauréat ou supérieur

8,6% 5,1% 11,7% 26,5%

Sources : Statistique Canada, Enquête nationale sur les ménages de 2011 (emploi, revenu et scolarité) ; Statistique Canada, Recensement de 2016 (logement).

Rappelons que le contexte socioéconomique dans lequel se re-trouvent les Autochtones ne se réduit pas aux seuls problèmes so-ciaux, mais les statistiques persistent à démontrer qu’ils les affectent très durement (Reading, 2009). Cette situation n’est toutefois pas sans

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 54

lien avec les autres statistiques relatives au revenu, à la scolarité ou encore à l’état des logements. On ne saurait par conséquent réduire la plus forte prévalence des problèmes sociaux au facteur de l’identité autochtone, comme le rappelle Boyce (2016) à propos de la victimisa-tion avec violence. Ainsi, lorsqu’on tient compte des divers facteurs de risque, l’identité autochtone en soi ne demeure pas liée à l’augmen-tation du risque global de victimisation avec violence chez une per-sonne. En effet, les taux de victimisation plus [25] élevés observés chez les Autochtones sont plutôt liés à la présence accrue d’autres fac-teurs de risque au sein de cette population, comme les antécédents de mauvais traitements durant l’enfance, la perception de désordre social dans le voisinage, les antécédents d’itinérance, la consommation de drogues ou le fait d’avoir une santé mentale passable ou mauvaise.

1.1.3.5. Éducation

Chez les nations non conventionnées, les écoles de bande sont contrôlées localement, avec un financement d’AADNC, alors que l’administration des écoles cries relève de la Commission scolaire Crie, celle des écoles inuit de la Commission scolaire Kativik et celle des Naskapis est contrôlée par la communauté de Kawawachikamach, en lien avec la Commission scolaire Central Quebec, à qui sont al-louées les subventions du ministère de l’Éducation et de l’Enseigne-ment Supérieur du Québec 21.

Au postsecondaire, on note plusieurs similarités entre Cris, Inuit et Naskapis en lien avec leur statut de bénéficiaires, notamment avec les programmes d’aide financière administrés par leurs commissions sco-laires 22. De plus, toutes leurs communautés offrent l’enseignement complet de la prématernelle à la cinquième année du secondaire et certaines offrent même des formations postsecondaires. Chez les na-

21 Pour en savoir plus, on peut consulter les règles budgétaires des commissions scolaires Crie et Kativik puis de l’École des Naskapis à l’adresse suivante : http   ://www.education.gouv.qc.ca/etablissements-scolaires-

publics-et-prives/financement-et-infrastructures/regles-budgetaires/ 22 Les Naskapis confient toutefois la gestion de leur programme à la

Commission scolaire Central Quebec.

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tions non conventionnées, près de la moitié (15 sur 29) disposent d’une école offrant un enseignement complet, près du quart (7 sur 29) offrent un cheminement scolaire partiel et un autre quart (7 sur 29) ne disposent d’aucune école. Certains élèves doivent par conséquent fré-quenter une école à l’extérieur, mais il s’agit parfois du choix des pa-rents, surtout en milieu urbain.

[26]

Tableau 1.4. Services d’enseignementofferts par les écoles de bande au Québec

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Aucune école Enseignement pri-maire partiel

Enseignement pri-maire complet et secondaire partiel

Enseignement primaire et secondaire complets

7 communautés 3 communautés 4 communautés 15 communautés

Cacouna (MA)Essipit (MI)Gespeg (MI)Kebaowek (AL)Odanak (AB)Wolf Lake (AL)Wôlinak (AB)

Kitcisakik (AL)Pikogan (AL)Wendake (HU)

Gesgapegiag (MI)Listuguj (MI)Pakua Shipi (IN)Timiskaming (AL)

Akwesasne (MO)Ekuanitshit (IN)Kahnawake (MO)Kanesatake (MO)Kitigan Zibi (AL)Lac Simon (AL)Manawan (AT)Mashteuiatsh (IN)Matimekosh (IN)Natashquan (IN)Obedjiwan (AT)Pessamit (IN)Uashat mak Mani-Utenam (IN)Unamen Shipu (IN)Wemotaci (AT)

Source : MELS (2009) et sites Internet des écoles.

N.B. : Certaines écoles d’Akwesasne sont situées sur la partie ontarienne de la communauté. Les communautés de Wolf Lake et Cacouna n’ont pas de membres résidents.

En 2010, on recensait 22 649 élèves autochtones, dont 4 015 Inuit et 18 634 membres des Premières Nations, soit 1,7% de la population

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scolaire au Québec. Ils fréquentaient dans une très grande majorité (86,6%) les écoles de leurs communautés (Deschênes, 2013, p. 7-8). Depuis 1977, la majorité des élèves autochtones fréquentent une école de leur communauté, mais on remarque que la proportion actuelle d’élèves fréquentant une école allochtone s’accroît en avançant dans la scolarité, avec 4,8% au préscolaire, 10,4% au primaire et 19,9% au secondaire. Au postsecondaire, on recense plus difficilement les étu-diants autochtones car les données sont souvent autodéclarées (Rodon, 2007), mais le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement Supé-rieur (MÉES, 2013, p. 9) relevait malgré tout 474 étudiants « Indiens inscrits » au cégep en 2010-2011 et 175 dans les universités en 2009-2010. AADNC dénombrait pour sa part 915 étudiants autochtones [27] financés dans les universités québécoises en 2014-2015 (Lefevre-Radelli et Jérôme, 2017, p. 15).

En termes de réussite éducative, on constate des écarts selon les communautés, mais pour l’ensemble du Québec, selon le recensement de 2016 de Statistique Canada, chez les 25 à 64 ans, 33,3% des membres des Premières Nations ne détiennent aucun diplôme, par rap-port à 12,1% chez les allochtones. Le Conseil en Éducation des Pre-mières Nations (2009) déplore un manque de financement fédéral éva-lué à 24,5 millions $ au Québec et, en considérant la démographie des Autochtones, le système d’enseignement devra inévitablement trouver des moyens pour répondre à cette forte pression. Les données sont plus facilement disponibles pour les élèves des nations convention-nées 23 et font état d’une diplomation encore très modeste, avec un taux de décrochage de 90,1% pour la Commission scolaire Crie, 80,1% pour la Commission scolaire Kativik et 81,3% pour l’école naskapie, par rapport à une moyenne québécoise de 17,4%. Le taux de passage direct de la 5e année du secondaire au collégial n’était que de 5,3% à la Commission scolaire Crie et de 4,8% à la Commission sco-laire Kativik, par rapport à 66,9% pour l’ensemble du Québec, signe que même chez les élèves diplômés, la marche est encore haute pour poursuivre au postsecondaire (Deschênes, 2013, p. 19).

23 Les données sont généralement difficiles à obtenir dans les com-munautés régies par la Loi sur les Indiens, mais nous avons pu constater à la section 1.1.3.4. l’écart par rapport au reste de la po-pulation en ce qui concerne les taux de scolarité chez les membres des Premières Nations.

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1.1.3.6. En milieu urbain

En dépit des politiques de création des réserves, tous les Autoch-tones ne vivent pas dans les communautés. Depuis les années 1980, Montréal, Gatineau (en incluant Ottawa), Québec, Val d’Or, Chibou-gamau, Sept-Îles et La Tuque ont connu une forte augmentation de leur population autochtone (Statistique Canada, 2017, p. 9-10 ; Lé-vesque, 2003, p. 25). En plus du nombre plus élevé d’urbains ayant déclaré une identité autochtone, l’arrêt Corbière a facilité en 1999 le départ des membres des Premières Nations de leurs communautés en permettant aux non-résidents de voter au conseil de bande (Lévesque, 2003, p. 26). Notons que 90 % de la population autochtone urbaine québécoise est originaire des communautés autochtones (Lévesque, 2003, p. 29) et qu’on observe une [28] forte mobilité chez les Autoch-tones en milieu urbain, qui ont souvent vécu dans d’autres commu-nautés et villes auparavant (Lévesque, 2003, p. 28). Les contraintes liées à l’emploi sont clairement documentées, en lien avec une plus faible scolarité et un manque d’expérience jugée pertinente, et les or-ganismes autochtones représentent une importante source de travail (Lévesque, 2003, p. 29-31). Alors que la ville fut longtemps perçue comme l’endroit où se perdait l’identité autochtone, elle devient de nos jours « un nouvel espace public pour la population autochtone » (Lévesque, 2003, p. 31), avec davantage de lieux de rencontre et d’échange.

1.2. RECENSION DES ÉCRITS

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Notre recension vise à tirer les principaux enseignements des tra-vaux concernant les étudiants autochtones postsecondaires au Canada depuis les années 1970, là où remontent les premières publications recensées. Nous avons plus précisément ciblé les écrits scientifiques et les publications institutionnelles concernant : les parcours des étu-diants autochtones dans les établissements allochtones (conditions de vie et d’études, programmes fréquentés, projets futurs, etc.) ; les ser-

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vices et programmes des établissements allochtones ciblant plus spéci-fiquement les étudiants autochtones (programmes de transition, co-hortes autochtones, formation dans les communautés, etc.) ; les pro-grammes, cours et services offerts par les établissements collégiaux et universitaires autochtones ; la dimension interculturelle propre aux échanges entre Autochtones et allochtones dans les collèges et univer-sités allochtones. Nous souhaitons ainsi offrir au lecteur l’occasion de faire une lecture attentive de l’état des connaissances à propos des étu-diants autochtones canadiens au postsecondaire pour ensuite mieux situer l’originalité de la présente recherche. Nous avons identifié sept principaux thèmes ressortant des publications recensées : identité, pro-fil des étudiants, domaines d’études, services offerts aux étudiants au-tochtones, intégration de contenu autochtone, relations avec les al-lochtones, projets futurs.

Les années 1970 ont surtout donné lieu aux premiers rapports por-tant précisément sur les étudiants postsecondaires autochtones au Ca-nada, pour l’essentiel produits par les administrations fédérale et onta-rienne. Ils ont permis de dresser un état de la situation [29] concernant le nombre d’étudiants et quelques-unes de leurs caractéristiques, mais aussi de soulever quelques enjeux en termes d’accessibilité aux études. Il faut attendre les années 1980 avant que ne soient diffusés les premiers articles et livres scientifiques concernant les étudiants au-tochtones postsecondaires, en plus de nouveaux rapports de recherche gouvernementaux et des établissements d’enseignement. Après les premières publications scientifiques amorcées dans les années 1970 et surtout dans les années 1980, la décennie 1990 témoigne d’un grand engouement pour la question de l’enseignement supérieur chez les Autochtones canadiens et donne naissance aux premières études concernant plus spécifiquement le Québec 24, ce qui n’est pas sans lien avec la Crise d’Oka (1990), qui aura conduit à une prise de conscience de la situation contemporaine des Autochtones (Guilbeault-Cayer, 2013). En plus de la production scientifique, moult publications gou-vernementales et des établissements d’enseignement témoignent de l’importance politique qu’a su revêtir cette question devenue enjeu de société, notamment dans la foulée de la Commission Erasmus-Dus-sault (1991-1996). Les années 2000 et 2010 ont ensuite donné nais-

24 À l’exception notable du mémoire de maîtrise de Beaudoin (1977) sur le Collège Manitou. Voir section 1.2.1.

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sance à une riche production scientifique concernant les étudiants postsecondaires autochtones au Canada en termes de mémoires, thèses, articles et livres, en plus de publications institutionnelles, et on constate que le corpus de connaissances concernant le Québec s’est nettement élargi. Si les connaissances se raffinent, les enjeux sont néanmoins toujours restés assez similaires par rapport aux premiers écrits recensés en termes de besoins exprimés, auxquels les établisse-ments se montrent toutefois désormais plus enclins à répondre. Si les Autochtones ont dorénavant davantage accès à des services spéci-fiques dans les établissements allochtones, cela se fait de manière in-égale et dépend beaucoup de la présence ou non d’une masse critique d’étudiants autochtones dans les campus.

Dans l’ensemble, on constate que la situation des étudiants autoch-tones varie grandement d’une province ou territoire à l’autre, d’une région à l’autre, d’une nation à l’autre, d’une communauté à l’autre, d’un établissement à l’autre et qu’il devient par conséquent peu perti-nent d’établir un modèle qui serait proprement « canadien » ou [30] « québécois ». Les réalités autochtones étant elles-mêmes multiples, il n’est donc pas étonnant qu’il en soit de même pour celles des étu-diants et il convient de rappeler cet incontournable pour éviter d’es-sentialiser ce que serait « l’étudiant autochtone », à la manière de L’Homme unidimensionnel de Marcuse. Or, loin de nous l’intention d’ici répéter une simple litanie de particularismes locaux par nos soins juxtaposés. Nous chercherons plus précisément à relever les constats tirés à partir de notre recension en vue de mieux situer notre propre contribution, dans l’espoir que cette modeste brique posée au grand mur des connaissances saura solidifier l’édifice ainsi partagé avec la communauté scientifique.

1.2.1. Profil des étudiants

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L’arrivée des étudiants autochtones à l’université s’est historique-ment réalisée au compte-gouttes : d’abord tout simplement absents de l’enceinte universitaire, leur progression s’est ensuite opérée très len-tement. Par exemple, on ne comptait que 41 étudiants « Indiens ins-crits » dans les universités canadiennes en 1959, dont 12 au Québec,

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et la situation ne s’était que légèrement améliorée en 1970, avec 432 étudiants, dont 83 au Québec (Berry, Evans et Rawlinson, 1971, p. 142). Plus récemment, on recensait dans les universités québécoises en 2014-2015 un total de 915 étudiants financés par le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord Canada (Lefevre-Radelli et Jérôme, 2017, p. 15). Ces données excluent toutefois les étudiants Indiens non inscrits et Métis, qui ne bénéficient pas de ce financement, et plusieurs étudiants inuit et Indiens inscrits qui ne ré-pondent pas aux critères définis par leurs communautés.

On peut remonter à Beaudoin (1977) pour retrouver la première typologie des étudiants autochtones au postsecondaire dans un contexte québécois, concernant plus précisément ceux qui fréquen-taient le Collège Manitou, un établissement qui regroupait des étu-diants autochtones de partout au Canada, de 1973 à 1976. L’auteur distinguait trois types d’étudiants : 1) les décrocheurs du secondaire qui retrouvaient au Collège Manitou le goût de poursuivre leurs études ou, au contraire, y voyaient plutôt une occasion de remplacer le chèque d’assistance sociale par une allocation d’études ; 2) les tra-vailleurs qui souhaitaient développer leurs connaissances ou se ré-orienter professionnellement ; 3) ceux [31] qui étaient déjà aux études ou « sur-scolarisés » (Beaudoin, 1977, p. 87), attirés par l’aspect au-tochtone de la formation offerte à ce collège. Si cette typologie s’avère peu utile pour saisir le profil des étudiants autochtones fré-quentant les établissements allochtones, elle nous en apprend néan-moins davantage sur les motifs liés aux études chez les Autochtones à cette époque.

Or, notre recension nous a permis de constater que le profil de base des étudiants autochtones demeure, surtout dans les formations qui leur sont spécifiquement destinées, celui de mères de langue mater-nelle autochtone effectuant un retour aux études après avoir travaillé dans leurs communautés. Il s’est depuis élargi à d’autres étudiants, notamment plus jeunes, issus des milieux urbains et maîtrisant le fran-çais ou l’anglais. Rodon (2007) relève d’ailleurs l’influence de la maî-trise de la langue et de la proximité géographique avec le campus pour expliquer la persévérance et la réussite éducatives, mais on retiendra qu’en dépit d’un élargissement des profils des étudiants autochtones, ils correspondent encore très fortement au profil de base recensé il y a plusieurs décennies. Ainsi, Read (1983, p. 19-20) nous apprenait que

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l’étudiante typique d’un programme destiné aux étudiants autochtones au baccalauréat en enseignement à la University of Alberta était une femme de 26 ans provenant d’une communauté crie ou métisse du nord de l’Alberta, mère d’au moins 2 enfants et fréquemment mono-parentale, de langue maternelle autochtone et parlant un anglais jugé « non standard ». Smith et Pace (1987, p. 24-28) mentionnaient qu’un programme en travail social de la Dalhousie University destiné aux Autochtones regroupait surtout des étudiantes admises pour la plupart sans diplôme d’études secondaires, âgées en moyenne de 36 ans, ma-riées et avec plusieurs enfants.

Hurlburt, Gade et McLaughlin (1990) relevaient également une forte prépondérance des effectifs étudiants autochtones féminins dans un baccalauréat en enseignement offert par la Brandon University au Manitoba. Ryan (1992) soulignait aussi la forte composition féminine des étudiants autochtones en sciences infirmières, alors que Krause et Stephens (1992) mentionnaient qu’un programme de la University of Manitoba destiné à favoriser l’accès des Autochtones aux études mé-dicales regroupait majoritairement des femmes issues de communau-tés autochtones en milieu rural. Adebayo [32] (1995) note également que les diplômés autochtones en sciences de la santé du Alberta Voca-tional College étaient presque tous de sexe féminin (94%), âgés en moyenne de 39,3 ans, et provenaient de communautés autochtones en milieu rural. Archibald et Bowman (1995) soulignent que 70 % des répondants diplômés de la faculté d’éducation de la University of Bri-tish Columbia étaient des femmes.

Heimbecker, Minner et Prater (2000) relèvent également que la plupart des étudiants du Native Teacher Education Program offert par Lakehead University étaient des mères. Une étude menée par l’Uni-versité du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) (Cazin, 2005, p. 12) auprès d’étudiants autochtones anglophones nous apprend qu’ils sont âgés entre 30 et 45 ans, pour la plupart des mères qui tra-vaillent dans leurs communautés. Toujours à l’UQAT, Loiselle (2010, p. 14) rapporte que les Autochtones au campus de Val-d’Or repré-sentent près de 15% des étudiants, sont surtout des mères (et grand-mères) âgées entre 30 et 50 ans admises sans diplôme d’études collé-giales. À l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), les étudiants autochtones interviewés par Joncas (2013, p. 91) incluent une majorité de femmes âgées entre 23 et 30 ans, à l’instar de ceux interviewés par

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Lefevre-Radelli et Jérôme (2017, p. 17) à l’Université du Québec à Monbtréal (UQAM), qui connaissent aussi en plus forte proportion la parentalité.

1.2.2. Domaines d’études

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Martin (1979) constatait déjà une forte préférence chez les diplô-més universitaires autochtones pour les sciences de l’éducation (445 sur 700 25), suivies par les sciences infirmières (99), les services so-ciaux (35), les affaires (25), les études amérindiennes (22), la théolo-gie (16), le génie (13) et le droit (12). On note que les principaux do-maines d’études correspondent de près aux besoins en main-d’œuvre dans les communautés autochtones et que cette tendance se maintient encore.

Ainsi, Danziger (1998) rapportait que les 68 résidents de la com-munauté de Walpole Island (Ontario) inscrits au postsecondaire en 1993-1994 se retrouvaient surtout dans les domaines suivants : Hu-man services, counselling, health (18) ; Business (17) ; [33] Educa-tion (12) ; General arts and sciences (8) ; Law, law enforcement (5) ; Native studies (4) ; Theology (4). Rodon (2007, p. 22-23) relève qu’à l’Université Laval, les étudiants autochtones inscrits de 1986 à 2007 se concentraient surtout en sciences sociales (74, dont 17 en études autochtones), éducation (40) et administration (35). On recensait néanmoins des diplômés dans tous les domaines d’études offerts, no-tamment en droit (26) ; arts, aménagement et architecture (19) ; com-munication (18) ; lettres (18) ; sciences (16). À l’UQAT, les étudiants autochtones du campus de Val-d’Or interviewés par Loiselle (2010, p. 9) provenaient des sciences de l’éducation, de la gestion et du travail social.

Les programmes spécifiquement destinés aux étudiants autoch-tones sur les campus et dans les communautés correspondent surtout aux domaines les plus populaires mentionnés, avec par exemple le certificat en administration de l’UQAC (MAINC, 1994), le pro-

25 Nous avons fusionné « Éducation – enseignement » (394) et « Autres domaines pédagogiques » (45).

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gramme d’accès au baccalauréat en travail social de la University of Calgary (Montgomery et Kitchenham, 2000) et le baccalauréat en en-seignement de l’UQAT (Maheux et Simard, 2001). D’autres se sont développés plus spécifiquement pour soutenir les étudiants dans les domaines qui attirent moins les étudiants autochtones en vue de ren-verser cette tendance, notamment en droit (Ferguson et Foo, 2000) et en sciences de la santé (Krause et Stephens, 1992 ; Edgecombe et Ro-bertson, 2016).

1.2.3. Identité

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Le tout premier document que nous avons recensé (Berry, Evans et Rawlinson, 1971) se montre d’un grand intérêt puisqu’il se penche de manière très attentive sur le cheminement identitaire et culturel des étudiants autochtones au sein des établissements d’enseignement post-secondaire, en plus de donner un état de la situation d’un point de vue politique, économique et administratif. Développant une typologie des parcours en lien avec l’identité autochtone, le contrôle de l’institution (par les Autochtones) et la contribution à la société canadienne (au sens large), les auteurs considéraient que l’étudiant autochtone se re-trouve dans un modèle où il tient à son identité au sein d’une institu-tion dont le contrôle lui échappe, ce qui résulte d’une volonté du groupe dominant (allochtone) de ne pas tenir compte des cultures au-tochtones, mais n’empêche pas pour autant l’étudiant de choisir de travailler avec le reste de la société dans des objectifs communs (Commission [34] on Post-Secondary Education in Ontario, 1972, p. 28).

Ce constat demeure toujours d’actualité et l’état de la recherche souligne l’influence déterminante de l’identité autochtone dans les parcours postsecondaires et les questionnements qu’elle suscite auprès des étudiants dans les établissements allochtones. Ainsi, Pidgeon (2008a) remarque que l’université peut aider à forger des relations qui valorisent l’intégrité culturelle des étudiants autochtones, lesquels peuvent dès lors développer des stratégies d’empowerment au sein de la classe et plus largement dans la communauté universitaire. Côté (2009) souligne également l’importance pour les établissements d’en-

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seignement de mieux tenir compte des aspects identitaires propres aux Autochtones puisqu’ils affectent grandement les étudiants dans leur cheminement. Girard et Leblanc (2010) notent que les étudiants au-tochtones cherchent à concilier leur identité autochtone avec leur par-ticipation à la société allochtone et que leur mobilité les amène à maintenir forte leur identité « dans un contexte d’affirmation, de ten-sion et d’ambivalence qui leur est particulier » (p. 92).

Currie, Wild, et al. (2011) démontrent d’ailleurs un lien entre la « Aboriginal enculturation » (p. 736), soit le fait de s’identifier en tant qu’Autochtone, d’en ressentir un sentiment de fierté et d’intégrer des valeurs et normes associées à leur héritage culturel autochtone, et la réduction des problèmes reliés à la consommation d’alcool chez les étudiants autochtones. Les auteurs concluent à la nécessité de déve-lopper et renforcer les programmes et services qui permettent aux étu-diants autochtones de maintenir leur identité culturelle à l’université et en ville. Pour sa part, Joncas (2013) relève que les étudiants autoch-tones sont fiers de leur identité autochtone et qu’ils se valorisent d’être étudiants dans un système propre à la culture majoritaire tout en maintenant leur identité culturelle minoritaire. Elle souligne égale-ment l’éloignement culturel et géographique des étudiants par rapport à l’université.

1.2.4. Services offerts

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À l’extérieur des campus, les étudiants autochtones reçoivent sur-tout des services via leurs communautés ou certains regroupements tels que les commissions scolaires Crie [35] et Kativik, notamment en termes d’aide financière. De la part des collèges et universités, on re-lève surtout les formations offertes directement dans les communau-tés, mais la plupart des services sont offerts dans les campus mêmes. En plus des programmes d’études destinés spécifiquement aux étu-diants autochtones, les établissements peuvent détenir un centre d’aide aux étudiants autochtones, qui devient un guichet unique pour accéder aux différents services, comme c’est le cas dans près de 60% des éta-blissements (Holmes, 2006). Smith et Varghese (2016) identifient d’ailleurs trois rôles qu’accomplit le centre de ressources autochtones

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de la University of Guelph : créer un esprit de communauté, renforcer l’identité autochtone et fournir un espace sécuritaire pour les étudiants autochtones.

On retient que la Commission royale sur les peuples autochtones (Erasmus et Dussault, 1996) recommandait d’offrir des services ci-blant plus spécifiquement les étudiants autochtones afin de favoriser leur persévérance et que cette approche correspond davantage aux be-soins exprimés par les étudiants autochtones. C’est aussi ce que sou-ligne notamment Pidgeon (2008a), à propos du rôle des centres cultu-rels autochtones dans l’appui à l’intégrité culturelle des étudiants au-tochtones, Brant (2011), quant au rôle des services extrascolaires (no-tamment les garderies et l’aide au logement) pour le succès des étu-diantes autochtones et Currie, Wild, et al. (2011), concernant l’impor-tance de développer et renforcer les programmes et services permet-tant aux étudiants autochtones de maintenir leur identité culturelle à l’université et en ville.

Notons que les étudiants autochtones n’ont pas tendance à deman-der eux-mêmes de l’aide à l’université, comme le rapportent Shankar et al. (2013), et que le personnel doit par conséquent déployer davan-tage d’efforts pour les rejoindre. On relève aussi l’insuffisance des services offerts dans la plupart des établissements, notamment chez R.A. Malatest & Associates (2002, p. 3-4), qui identifient plusieurs lacunes à l’échelle canadienne :

Manque d’information et d’initiatives qui tiennent compte de facteurs tels le sexe et les responsabilités familiales des autochtones […] Manque d’initiatives en ce qui concerne la garde d’enfants, l’hébergement et le transport […] Manque de fonds […] Manque de personnel autochtone et de programmes [36] d’études élaborés par les autochtones […] Manque de diversification des matières étudiées par les autochtones au niveau postse-condaire […] Nécessité d’accroître le soutien communautaire aux étu-diantes et étudiants ainsi qu’aux étudiantes et étudiants potentiels.

Pour sa part, Holmes (2005, p. 59) recommandait d’« enrichir les programmes et les services spécialement conçus pour les étudiants autochtones afin de favoriser un sentiment d’appartenance à l’égard d’un environnement que ces étudiants perçoivent parfois comme leur étant étranger ». Dans la même veine, Pidgeon (2016) constate qu’en

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dépit de politiques institutionnelles allant dans ce sens, les Autoch-tones demeurent toujours largement exclus de l’enseignement supé-rieur au Canada. Elle conclut que les politiques institutionnelles visant à améliorer l’accessibilité aux études postsecondaires chez les Au-tochtones doivent faire l’objet d’évaluations internes et de suivis régu-liers pour s’assurer que les services offerts aux étudiants autochtones répondent réellement à leurs besoins et s’avèrent efficaces.

1.2.5. Intégration de contenu autochtone

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Force est de constater que les étudiants autochtones déplorent ré-gulièrement le manque de perspectives autochtones dans le contenu de leurs cours et de leurs programmes, comme le soulignent notamment Uncles (1996), Rodon (2007) et Pidgeon (2016), en continuité avec ce qui se fait précédemment au secondaire (Antone, 2003). Plusieurs ini-tiatives locales démontrent toutefois qu’il est possible d’inclure da-vantage de contenu autochtone au curriculum, comme on le constate avec le baccalauréat en enseignement offert par l’UQAT au Nunavik (Maheux, 2008, 2009), la maîtrise en orientation offerte par la Univer-sity of Victoria dans une communauté autochtone de Colombie-Bri-tannique (Guenette et Marshall, 2008) et, bien entendu, les pro-grammes en études autochtones (Oakes, 2001 ; Green, 2001 ; New-house, McCaskill et Milloy, 2002) – en dépit des critiques soulevées quant à la capacité de ces programmes de contrer la marginalisation des questions autochtones à l’université (Kuokkanen, 2004, 2007).

On retient toutefois de Pidgeon (2008b) que l’intégration de conte-nu autochtone doit être entendue au-delà du curriculum lui-même, étant donné l’importance de mieux [37] intégrer les épistémologies, cultures et langues autochtones à l’université pour favoriser le succès des étudiants autochtones. Dans cette optique, un modèle holistique visant à les soutenir doit tenir compte de l’interconnexion entre les différents aspects propres à l’individu, sa famille, sa communauté, sa nation, l’autochtonie, voire au-delà, comme le mentionnent aussi King (2008), Colomb (2012) et Ouellet (2013).

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1.2.6. Relations avec les allochtones

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Les étudiants autochtones dénoncent souvent le racisme à leur égard, de la part d’autres étudiants et du personnel, surtout en lien avec l’ignorance de leurs cultures et parfois même un certain mépris. Cette caractéristique était déjà pointée du doigt par le Conseil inter-tri-bal des étudiants aborigènes de McGill (cité dans Beaudoin, 1977) et s’est maintenue dans le temps (Archibald et Bowman, 1995 ; Lam, 1996 ; Winter, 1998 ; Rodon, 2007 ; Hutchison, Mushquash et Do-naldson, 2008 ; Shankar et al., 2013 ; Ferguson et Philipenko, 2016). S’il ne s’agit généralement pas de formes exacerbées de racisme, ces manifestations répétées de la marginalisation des cultures autochtones dans les établissements, et plus particulièrement dans le contenu des cours, conduisent néanmoins régulièrement les étudiants autochtones à se sentir exclus de l’université.

On retient de Clark et al. (2014) cinq types de manifestations ra-cistes soulevées par les étudiants autochtones : « encountering expec-tations of primitiveness […] enduring unconstrained voyeurism […] withstanding jealous accusations, experiencing curricular elimination or misrepresentation and living with day-to-day cultural and social isolation » (p. 116). Bailey (2016) nous apprend que les formes les plus ouvertes de racisme sont généralement assez subtiles et se mani-festent plus souvent en l’absence des Autochtones. On note aussi chez Cote-Meek (2014) que les étudiants autochtones recherchent des « es-paces sécuritaires » (safe spaces) sur les campus pour exprimer leurs sentiments et obtenir un soutien de la part d’autres Autochtones.

1.2.7. Projets futurs

En lien avec les domaines d’études ciblant les principaux besoins en main-d’œuvre de leurs communautés, les étudiants autochtones envisagent surtout de se former en vue de [38] travailler dans leurs propres communautés (Moore-Eyman, 1981a ; Krause et Stephens, 1992 ; Collier, 1993 ; Winter, 1998 ; Dufour, 2015a), ce qu’ils peuvent même parfois réussir sans obtenir de diplôme (Lavoie, 2013).

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Moore-Eyman (1981b) relève cependant que les diplômés de la Uni-versity of Calgary avaient dans les premiers temps tendance à rester en ville pour travailler dans des emplois sans lien direct avec les cultures autochtones. Cela dit, les étudiants souhaitent généralement devenir des « role models » pour leurs communautés (Krause et Ste-phens, 1992 ; Winter, 1998 ; Shankar et al., 2013), c’est-à-dire des gens qui pourront servir de modèles positifs à d’autres membres de leurs communautés et aux Autochtones en général.

En somme, les projets futurs s’inscrivent dans la continuité du pro-fil typique des étudiants autochtones postsecondaires canadiens précé-demment décrit, ce qui n’exclut pas pour autant la possibilité de tra-vailler à l’extérieur, surtout lorsque les opportunités d’emploi ne sont pas au rendez-vous chez soi. On note cependant l’absence de résultats concernant plus précisément les étudiants n’ayant pas grandi dans une communauté autochtone, mais on retient que ceux qui l’ont fait ont tendance à retourner dans leurs communautés.

* * *Notre thèse concerne donc un objet de recherche qui commence à

être davantage étudié en contexte québécois, mais pour lequel il reste encore beaucoup à connaître par rapport au sens accordé par les étu-diants universitaires des Premières Nations quant aux projets qu’ils souhaitent développer en lien avec leurs études. Elle soulève aussi plusieurs enjeux de nature sociale et politique, dans un contexte où les efforts déployés par les établissements québécois ne permettent tou-jours pas de creuser l’écart historique en termes de diplomation uni-versitaire chez les Autochtones par rapport à l’ensemble de la popula-tion. Nous retiendrons toutefois que ce n’est pas en calquant un cer-tain modèle euroquébécois, qui serait considéré comme une norme à atteindre, que nous parviendrons collectivement à répondre à cet ob-jectif. Si la conciliation entre l’atteinte de certains standards de qualité érigés dans la tradition occidentale en enseignement supérieur et la [39] réponse au besoin de sécurité culturelle exprimé par les étudiants autochtones relève parfois de la quadrature du cercle, nous verrons au chapitre suivant comment nous avons élaboré une méthodologie de recherche qui puisse aider à y parvenir en analysant les parcours uni-versitaires de 23 étudiants des Premières Nations au Québec.

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[40]

Première partie : cadre de la recherche

Chapitre 2

MÉTHODOLOGIE

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Après avoir décrit où s’inscrit notre recherche et comment s’est déroulé le travail de terrain, nous compléterons ce chapitre en soule-vant certaines considérations éthiques propres à la recherche en milieu autochtone et comment nous sommes parvenus à en tenir compte. Nous avons choisi de présenter notre chapitre méthodologique avant celui du cadre conceptuel puisque ce dernier fut profondément redéfi-ni durant le travail de terrain. Il nous semblait donc plus opportun d’expliquer, dans un premier temps, comment s’est effectuée la col-lecte de données pour ensuite expliquer, dans un second temps, com-ment ces données nous ont permis de redéfinir le cadre conceptuel.

Notre recherche concerne les parcours d’étudiants universitaires des Premières Nations au Québec et nous ancrons notre analyse dans une perspective sociologique. Nous nous intéressons à la sociologie de l’éducation, aux études autochtones, à l’éducation interculturelle ainsi qu’à l’analyse de l’université contemporaine, comme nous le présen-terons plus en détails au chapitre suivant. Rappelons également nos objectifs de recherche présentés au chapitre précédent.

Objectifs généraux1) Contribuer à une meilleure connaissance du phénomène des

études universitaires chez les Premières Nations du Québec.2) Comprendre le sens conféré par les étudiants des Premières Na-

tions du Québec à leurs parcours universitaires.

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Objectifs spécifiques1) Comprendre le rapport à l’identité et aux cultures autochtones

chez les étudiants et diplômés des Premières Nations.2) Comprendre les principaux facteurs expliquant le passage à

l’université des étudiants des Premières Nations et comment se déroulent leurs parcours.

3) Connaître les projets et réalisations des étudiants des Premières Nations en lien avec leurs études universitaires.

[41]4) Analyser l’environnement mis en place par les universités et les

pouvoirs publics pour favoriser l’intégration des étudiants au-tochtones à la communauté universitaire.

2.1. POSITIONNEMENTÉPISTÉMOLOGIQUE

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Dans ce que Berthelot (2001) désigne comme « sciences du so-cial », trois traditions épistémologiques se sont constituées : le pôle objectiviste, impliquant une rupture avec le sens commun et le traite-ment des faits sociaux « comme des choses » ; le pôle compréhensif, recherchant la signification des actions individuelles qui créent le fait social ; le pôle herméneutique, recherchant la validité de la sociologie dans la théorie elle-même. Puisque notre recherche se base sur chaque cas individuel et tient compte du sens conféré par l’acteur à son propre parcours, nous nous inscrivons dans le pôle compréhensif 26. De plus,

26 Le mur qui sépare les pôles objectiviste et compréhensif n’est pas complètement opaque, notamment parce que les épistémologies liées au pôle compréhensif recherchent fréquemment l’atteinte d’une certaine objectivité et qu’à l’inverse, celles liées au pôle ob-jectiviste tiennent souvent compte de l’influence du sens propre-ment subjectif sur les faits sociaux eux-mêmes (Berthelot, 2001, p. 257-260).

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notre démarche est inductive (Dépelteau, 2000), plutôt que déductive ou hypothético-déductive, ayant observé un phénomène particulier pour parvenir à le généraliser sous forme de lois, théories ou hypo-thèses générales. Suivant Berthelot (1990), on peut relever six dé-marches en sciences sociales et humaines : causale, fonctionnelle, structurale, herméneutique, actancielle et dialectique. Ainsi, nous nous inscrivons dans une démarche herméneutique puisque nous visons surtout à comprendre le sens conféré par les participants au phéno-mène des études universitaires.

Nous avons adopté une approche qualitative car nous nous sommes basé sur la collecte de données au moyen d’entrevues réalisées auprès de participants principaux et complémentaires. Comme l’explique Creswell (2003), le chercheur ayant recours à cette approche se base surtout sur des perspectives de nature constructiviste ou participative. Les données qualitatives peuvent donc difficilement être standardisées et le chercheur doit aller sur le terrain pour y puiser ses données et formuler de nouvelles questions. Deslauriers et Kérisit (1997) ajoutent qu’il recueille les données, effectue l’analyse et élabore sa question de recherche de manière plutôt simultanée. La recension des écrits ne s’arrête donc pas [42] avant le début de la recherche, mais tend plutôt à resurgir en cours de route, et il en est de même pour la définition de l’objet de recherche, qui s’effectue souvent après les premiers contacts avec le terrain. On tend aussi à formuler des propositions plutôt que des hypothèses formelles, mais elles pourront apparaître en cours de route et c’est dans cette optique que nous avons redéfini notre objet de recherche à la suite des premières entrevues.

Or, la recherche qualitative a su développer ses propres critères de scientificité (Laperrière, 1997) reflétant sa volonté de dépasser les perspectives positivistes. De ce point de vue, la fiabilité est définie de manière plus souple et on s’intéresse surtout aux « outils concep-tuels » (p. 384) qui ont permis d’appréhender une description empi-rique. Pour leur part, la validité interne donne au sens « sa place cen-trale dans l’analyse des phénomènes humains » (p. 384) et la validité externe est assurée soit en diversifiant les lieux de collecte et en spéci-fiant les « caractéristiques du contexte et de la population » (p. 384) étudiés, soit en assurant la « profondeur et l’exhaustivité socio-symbo-lique » (p. 384) de l’analyse. En somme, la recherche qualitative est parvenue à une certaine maturité apte à la différencier d’autres dé-

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marches non scientifiques. Nous nous sommes ainsi assuré de la vali-dité interne de nos données en réécoutant à plusieurs reprises les enre-gistrements et en transmettant aux participants leurs retranscriptions écrites pour qu’ils puissent nous signaler toute erreur. La validité ex-terne fut assurée en diversifiant les lieux de collecte des données, tant en termes de communautés d’origine que de lieux d’études. Quant à la fiabilité de nos données, nous considérons que d’autres chercheurs pourront s’inspirer de nos concepts et notions pour mener d’autres recherches auprès d’autres étudiants universitaires des Premières Na-tions.

Creswell (1998) distingue 5 traditions d’enquête (biographie, phé-noménologie, théorie ancrée, ethnographie, étude de cas), entendues au sens d’approches de la recherche qualitative ayant une histoire dis-tincte dans une des disciplines, et Flick (2006) distingue 7 méthodes qualitatives : 3 sont regroupées au sein des données verbales (entre-vue, récit, méthodes de groupe) et 4 au sein des données « multifo-cus » (observation et ethnographie, analyse de données visuelles, ana-lyse documentaire, recherche qualitative en ligne). L’entrevue, que nous utilisons dans cette recherche, aussi appelée entretien ou inter-view, [43] permet au chercheur de trouver les renseignements qu’il recherche en passant directement par les personnes-clefs jugées les plus pertinentes pour y parvenir, dans une relation « asymétrique jus-tement parce que la personne interrogée possède des informations que le chercheur ignore » (Mayer et Saint-Jacques, 2000, p. 115-116). On retrouve aussi différents types d’entrevue en fonction du degré de li-berté conféré aux participants et du niveau de profondeur de leurs ré-ponses : non structuré centré, structuré, semi-structuré (Grawitz, 1996). Située à mi-chemin, l’entrevue semi-structurée permet de re-cueillir des réponses assez élaborées sans pour autant trop s’éloigner du cadre initial de la recherche et se divise en entrevue centrée (avec tous les thèmes à traiter prédéterminés) et entrevue à questions ou-vertes (avec questions précisément formulées). Dans ce contexte, nous avons eu recours à l’entrevue semi-structurée centrée puisqu’elle per-met de répondre à des questions précises et prédéterminées tout en explorant un thème non familier du chercheur grâce à un participant l’éclairant des lumières de sa connaissance.

Par ailleurs, Lessard-Hébert, Goyette et Boutin (1990) distinguent cinq principaux devis auxquels ont recours les sciences sociales :

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« l’étude de cas, la comparaison multi-cas, l’expérimentation sur le terrain, l’expérimentation en laboratoire et la simulation par ordina-teur » (Deslauriers et Kérisit, 1997, p. 87). Le type de données traitées et l’analyse qui en sera faite influencent largement le devis, mais en recherche qualitative, on s’en tient généralement à un devis où les données et l’analyse sont qualitatives. Nous nous inscrivons donc dans un devis de recherche de comparaison multi-cas, ayant voulu étudier notre phénomène à partir de différents cas recueillis qui constituent un échantillon représentatif en termes de diversité des profils et des par-cours.

En résumé, le choix de la recherche qualitative s’explique par la volonté de produire une recherche exploratoire et de donner la parole aux principaux intéressés en vue de mieux saisir leurs propres pers-pectives par rapport au phénomène étudié. Si on ne pourra généraliser nos résultats à tous les étudiants universitaires des Premières Nations du Québec, la richesse des parcours étudiés pourra toutefois servir de base à d’autres recherches de nature quantitative. Par ailleurs, la diver-sité au sein même des Premières Nations rend à tout le moins ardue toute généralisation parmi cette population et le devis [44] de compa-raison multi-cas nous apparaît particulièrement approprié pour ré-pondre le plus adéquatement aux besoins de notre recherche. Le choix de certaines personnes particulièrement à même d’illustrer une des facettes de la réalité étudiée nous a permis de sans cesse garder à l’es-prit cette volonté de comparer différentes situations en fonction d’un contexte précis et c’est cette volonté qui nous a fait choisir un design de comparaison multi-cas plutôt que d’étude de cas, se limitant à un seul cas étudié en profondeur.

Nous nous inscrivons dans une démarche herméneutique puisque nous avons voulu, à partir des témoignages des étudiants et diplômés, « révéler » le sens accordé à un phénomène, une action, une situation, etc. chez ceux qui y prennent part. Or, le choix de l’entrevue s’expli-quait d’abord par la volonté de rencontrer individuellement chaque étudiant et diplômé en vue de recueillir ses témoignages, appréhen-sions, perceptions et tout autre renseignement pertinent nous éclairant sur son parcours universitaire. Nous nous inspirons également de la méthode des récits de vie (Bertaux, 2010), aux fonctions exploratoire, analytique et expressive, considérant que « les sujets prennent le statut

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d’informateurs sur leurs propres pratiques et sur les contextes sociaux au sein desquels elles se sont inscrites » (p. 119).

Enfin, il eût été tentant de procéder à une étude orientée sur la ré-solution d’un « problème » à améliorer, ce qui aurait pu renforcer l’empowerment d’une population qui, rappelons-le, se trouve encore largement marginalisée. Adhérant à la démarcation wébérienne entre le « savant » et le « politique » (Weber, 1963), nous avons pris conscience de nos valeurs, opinions, positions et intérêts nous ayant amené à nous intéresser aux étudiants des Premières Nations. Nous sommes aussi conscient de notre propre parcours d’étudiant universi-taire québécois allochtone francophone originaire de l’Est de Montréal qui souhaitait, dès son entrée à l’école secondaire, devenir un jour « un intellectuel », ce qu’il espère aujourd’hui avoir réussi tout en gar-dant les pieds sur terre pour mieux comprendre le monde qui l’en-toure. Or, nous souhaitons que les résultats de notre recherche soient évalués à la lumière des critères de scientificité propres aux sciences humaines et sociales, mais sommes cependant conscient des implica-tions de cette recherche en lien avec un enjeu aussi crucial que l’ac-cessibilité aux études postsecondaires [45] chez les Premières Na-tions. Nous considérons ainsi que les données recueillies auprès des participants pourront inspirer, dans un second temps, des pratiques qui favoriseront l’empowerment chez les Premières Nations. En tant qu’allochtone, nous ne souhaitons d’ailleurs pas parler au nom des Autochtones, préférant le rôle plus humble du chercheur qui donne la parole aux Autochtones, particulièrement reconnaissant des liens de confiance développés en milieu autochtone durant son parcours docto-ral.

2.2. À PROPOS DE LA RECHERCHEEN MILIEU AUTOCHTONE

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Les chercheurs en sciences humaines et sociales n’ont pas toujours bonne réputation en milieu autochtone. Après différentes formes d’abus dans un contexte colonial et néocolonial, les Autochtones ont réclamé une plus grande place au sein du processus de recherche lors-

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qu’ils sont concernés et nous considérions essentiel de conclure notre méthodologie en précisant comment nous avons voulu mener notre recherche dans le respect de nos participants issus des Premières Na-tions.

On peut affirmer avec Biolsi et Zimmerman (1997) que le moment décisif dans la recherche auprès des Autochtones fut la publication de Custer Died for Your Sins : An Indian Manifesto (Deloria, 1969), qui critiquait vivement l’anthropologie pratiquée auprès des Autochtones aux États-Unis. L’auteur reprochait aux chercheurs en sciences so-ciales de ne pas s’intéresser au sort des Autochtones qu’ils étudiaient et plutôt les réduire à un objet utile à leur carrière et qui, de surcroît, était défini d’une manière déformant la réalité du point de vue des principaux intéressés. La décennie 1970 initiera donc une nouvelle ère de relations entre chercheurs et Autochtones puis, plus largement, entre ces derniers et les autorités politiques allochtones. Sans pour autant adopter une approche engagée, plusieurs chercheurs ont com-mencé à considérer que l’apprentissage représentait un partage des connaissances entre eux et leurs « objets » d’étude, alors devenus « sujets » (Sillitoe, 2006, p. 3).

Ainsi, l’éthique de l’anthropologie appliquée – qu’on peut étendre à l’ensemble des sciences sociales – peut désormais se comparer à celle du journalisme, dans la mesure où le chercheur se rend à la source d’information et offre confidentialité et véracité (accuracy) [46] en échange de l’information et du consentement à l’utiliser (Price 1987, cité dans Hedican, 2008, p. 34). La relation doit donc se baser sur la confiance et le respect mutuel et se traduit notamment par l’ob-tention d’un consentement libre et éclairé tout au long des différentes phases du projet de recherche ainsi que par la préservation de l’anony-mat des participants. Il importe également de garantir l’accès aux ré-sultats à ces derniers, en plus de favoriser leur circulation chez les in-tervenants intéressés par la question, notamment dans les communau-tés autochtones. Ce faisant, nous considérons avec Champagne (1996) que tous les chercheurs, qu’ils soient ou non autochtones, peuvent par-ticiper à la recherche en milieu autochtone, pourvu qu’ils respectent certains principes de base. Plus précisément, cet auteur autochtone considère que vouloir exclure les allochtones de la recherche en mi-lieu autochtone reviendrait à exclure la culture et l’histoire autoch-tones de l’ensemble de la culture et de l’histoire de l’humanité. Or, les

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Autochtones faisant partie de l’humanité, il est alors tout à fait normal que l’humanité entière s’intéresse aux enjeux qui les concernent. Qui plus est, s’ils font preuve d’ouverture, de respect et d’une volonté sin-cère de comprendre les réalités autochtones, les chercheurs alloch-tones peuvent même devenir de puissants leviers de changement en faveur d’un meilleur vivre-ensemble.

C’est dans cette optique que nous nous sommes inspiré de l’Énon-cé de politique des trois Conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains 27 (CRSH, CRSNG et IRSC, 2010), plus précisément de son chapitre 9 intitulé « La recherche visant les Premières Nations, les Inuits ou les Métis du Canada ». Si la plupart des principes éthiques soulevés dans les documents concernent la recherche menée directe-ment dans les communautés, notre recherche implique des individus qui ne résident pas nécessairement dans leurs communautés d’origine et ne s’inscrit donc pas dans les aspects collectifs reliés par exemple à l’observation participante ou aux entrevues de groupe. Dans notre cas, les aspects éthiques relatifs aux communautés autochtones concernent donc surtout la prise de contact avec ces communautés et les rapports à entretenir avec elles lors de la présentation du projet de recherche et de la diffusion des connaissances.

[47]Or, l’Énoncé de politique des trois Conseils est devenu une réfé-

rence incontournable en matière de recherche auprès des Autochtones puisque tous les projets soumis aux grands organismes subvention-naires fédéraux doivent tenir compte de ses lignes directrices. Son in-troduction précise qu’il :

est présenté dans un esprit de respect et ne vise pas à remplacer ou à annu-ler les principes éthiques des Autochtones ou des peuples autochtones eux-mêmes. Il a pour but de faire en sorte que les projets de recherche visant des Autochtones reposent, dans la mesure du possible, sur des relations fondées sur le respect. Il vise aussi à encourager le dialogue et la collabo-ration entre les chercheurs et les participants. (CRSH, CRSNG, IRSC, 2010, p. 117).

27 Incluant le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH), le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et les Instituts de recherche en santé du Cana-da (IRSC).

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C’est dans cet esprit que nous avons entrepris cette recherche, étant particulièrement conscient des abus du passé ayant conduit plusieurs communautés autochtones à faire preuve de méfiance à l’égard des chercheurs. Plus précisément, l’article 9.1. prévoit que pour tout projet « susceptible d’avoir des répercussions sur le bien-être d’une ou de plusieurs communautés autochtones auxquelles appartiennent les par-ticipants éventuels, les chercheurs doivent susciter la participation de la communauté ou des communautés visées » (CRSH, CRSNG, IRSC, 2010, p. 123), ce qui impliquait dans notre cas de prendre contact avec les responsables de l’enseignement postsecondaire dans une commu-nauté avant de poursuivre notre recrutement auprès des étudiants et diplômés universitaires de cette communauté. On remarque aussi que l’article 9.10 oblige tout chercheur à communiquer avec son comité d’éthique de la recherche lorsqu’il souhaite faire appel à des partici-pants autochtones en précisant comment prendra forme la participa-tion de la ou des communautés, ce qui fut fait dans notre cas avec les Comités d’éthique de la recherche avec des êtres humains de l’Univer-sité Laval (CÉRUL), avant même tout contact avec les communautés d’où proviennent les participants. À l’article 9.16., on précise l’impor-tance de définir le degré de confidentialité des données à respecter avec les membres d’une communauté et nous avons d’emblée expli-qué aux responsables de l’enseignement postsecondaire que nous n’identifierions explicitement aucun de nos participants et que leurs récits seraient présentés de manière à ne pas trop facilement identifier eux-mêmes ou leur entourage.

[48]En définitive, nous avons mené une recherche en milieu autoch-

tone respectueuse des participants rencontrés et de leurs communau-tés, dans les limites et contraintes propres à la poursuite des études doctorales. Le contact fut facilité par le statut d’étudiant universitaire du chercheur, ce qui permettait aux participants de mieux se sentir compris : tous ont d’ailleurs à leur manière fait des liens entre leurs propres expériences et celles de l’auteur de ces lignes. En tant qu’al-lochtone, il nous fut souvent demandé ce qui nous avait conduit à me-ner une recherche en milieu autochtone et nous expliquions alors que c’est d’abord à partir d’une réflexion sur les inégalités sociales dans l’accessibilité aux études universitaires que nous avons initialement

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entrepris notre projet de thèse. Nos questionnements nous ont ensuite amené à nous intéresser plus précisément au cas des étudiants autoch-tones puisqu’il s’agissait d’un enjeu illustrant qu’en dépit d’avancées notoires en termes de diplomation depuis la Commission Parent, l’ac-cessibilité à l’enseignement supérieur reste un projet inachevé, comme le soulignent à juste titre Chenard et al. (2013).

Enfin, étant bien au fait des inégalités sociales entre Autochtones et allochtones, nous cherchions autant que possible à atténuer le rap-port colonial dans nos relations avec les participants, tout en demeu-rant très conscient des structures sociales qui reproduisent ces rapports de domination et sur lesquelles nous n’avons que bien peu de prise. En plus du respect de base à entretenir avec tout interviewé issu d’une autre culture, nous nous sommes préalablement renseigné sur les cultures des Premières Nations au Québec afin aussi de montrer aux participants que nous nous intéressions à leur monde social (Bertaux, 2010). Nous insistions aussi sur le fait que nous les rencontrions avant tout pour apprendre d’eux et que nous étions curieux d’en savoir da-vantage sur leurs parcours et leurs cultures. Nous avons également eu l’occasion de renverser à petite échelle la violence symbolique (Bour-dieu, 1970) durant certaines de nos entrevues qui se sont déroulées dans un local universitaire qui avait été mis à notre disposition. Nous invitions alors chaque participant à s’asseoir dans le fauteuil de direc-tion, situé derrière le bureau, alors que nous prenions place sur une chaise plus modeste à l’avant du bureau. Certains étudiants ont d’ailleurs mentionné être agréablement surpris de se retrouver dans cette position et nous les invitions à prendre leurs aises en leur rappe-lant qu’ils étaient importants puisque c’étaient d’eux que [49] nous souhaitions apprendre. C’est donc avant tout en étant à l’écoute des participants rencontrés que nous avons réussi à établir des liens de confiance qui nous ont permis de réaliser les entrevues au cœur de cette thèse.

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2.3. TERRAIN

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Nous avons d’abord identifié, pour assurer une bonne représentati-vité sociologique de notre échantillon (Hamel, 1997), 4 caractéris-tiques déterminantes dans la sélection des étudiants et diplômés : la communauté d’origine, la langue, le sexe, le statut d’étudiant ou de diplômé. Nous avons ainsi pu rejoindre des participants aux profils diversifiés, comme nous le présentons plus en détails au chapitre III qui puissent témoigner des multiples facettes des parcours universi-taires chez les Premières Nations du Québec. En résumé, nous avons interviewé 17 femmes et 6 hommes issus de 12 communautés diffé-rentes, qui se répartissent à peu près également entre le milieu urbain (12 participants sur 23) et le milieu rural (11 participants sur 23). Les 15 étudiants et 8 diplômés sont de langue maternelle française (13), anglaise (2) et autochtone (8) puis ont principalement étudié en fran-çais (16 sur 23) ou en anglais (7 sur 23).

Nous avons ensuite recouru à la technique du « carnet d’adresses » pour effectuer notre recrutement, c’est-à-dire en contactant d’abord les responsables de l’enseignement postsecondaire dans les conseils des communautés des Premières Nations, identifiées en fonction de leur emplacement géographique ainsi que de la langue maternelle et d’usage de leurs membres. Après avoir pris contact et expliqué notre projet de thèse auprès de 8 communautés, 7 d’entre elles ont finale-ment accepté de nous mettre en contact avec des étudiants ou diplô-més universitaires 28. Nous avons alors bénéficié de la collaboration des responsables de l’enseignement postsecondaire, qui ont fait circu-ler chez les étudiants et diplômés universitaires une invitation à nous contacter pour participer à une entrevue. Dans un second temps, les étudiants et diplômés nous ont contacté par courriel et nous avons convenu d’un rendez-vous.

28 Le refus essuyé nous fut expliqué par le fait que la communauté avait décidé de se donner un temps de réflexion avant de participer à tout nouveau projet de recherche mené par des chercheurs de l’extérieur. Dans un autre cas, nous avons obtenu l’approbation d’une communauté, mais le recrutement effectué par la suite n’a donné aucun résultat.

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[50]Nous n’avons donc pas eu accès aux listes d’étudiants inscrits ou

diplômés des communautés ni à quelque renseignement nominatif que ce soit. Cette procédure faisait partie des exigences formulées par le CÉRUL afin de s’assurer que le recrutement respecte les attentes et préoccupations des communautés. Le comité nous a toutefois permis d’obtenir une approbation éthique d’un centre de services aux étu-diants autochtones dans une université, au lieu de s’adresser directe-ment à chacune de leurs communautés d’origine, ce qui nous a permis de rejoindre des étudiants dans 6 autres communautés 29. Nous avons aussi obtenu un certificat du comité d’éthique de la recherche de cette université qui nous autorisait à entrer directement en contact avec le centre de services aux étudiants autochtones pour rejoindre ces der-niers. Le recrutement s’est alors fait en personne sur le campus et en partie par courriel lorsque des étudiants intéressés nous contactaient, à la suite d’une invitation lancée par le centre. Tous les participants étaient majeurs et il n’y a eu aucune rémunération. Nous offrions ce-pendant des breuvages, au goût des personnes rencontrées, et un rem-boursement des frais de transport, ce qui ne fut par contre jamais de-mandé.

Avant de commencer une entrevue, nous présentions verbalement les enjeux éthiques soulevés par la participation et nous nous assu-rions du consentement libre, éclairé et explicite de chaque personne rencontrée. Un formulaire de consentement (voir annexes IV et V) fut signé conjointement par chaque participant et l’interviewer, qui fut dans tous les cas l’auteur de ces lignes, et 23 entrevues furent réalisées avec des étudiants et diplômés universitaires provenant de 6 nations et 12 communautés. Elles ont eu lieu en français (16 sur 23) ou en an-glais (7 sur 23), au choix des participants, et chacune s’articulait au-tour des objectifs généraux et spécifiques précédemment définis. Elles duraient environ 1 heure et demie – d’un minimum de 35 minutes à un maximum de 3 heures – et ont toutes eu lieu en personne, en une seule séance, mais avec des pauses lorsqu’un participant en exprimait le besoin. Le lieu de l’entrevue était laissé à l’entière discrétion des par-29 Deux personnes proviennent de deux communautés situées à l’ex-

térieur du Québec, mais ont été amenées à déménager au Québec avant de poursuivre leurs études universitaires et résidaient tou-jours au Québec au moment de leurs études.

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ticipants et nous les avons rencontrés sur leurs lieux d’études (9), de travail (8), de résidence (5) ou dans un endroit public (1).

[51]Le guide d’entretien destiné aux étudiants et diplômés (voir an-

nexes I et II) était composé de dix questions, ou plus précisément onze au total, dont une était adressée seulement aux étudiants et une autre seulement aux diplômés. À chaque question, on retrouvait une courte liste d’éléments à aborder et nous nous y référions au besoin, en cours d’entrevue, afin de nous assurer qu’ils avaient tous été abordés. Nous avons généralement suivi l’ordre de présentation des questions, mais il arrivait parfois qu’un participant réponde en partie à des éléments d’une question qui n’avait pas été posée, auquel cas nous nous ajus-tions en tenant compte de cette partie de réponse au moment de poser cette question. Nous avons bâti le guide d’entretien en suivant une logique de parcours de vie, en commençant par le milieu d’origine, le parcours scolaire primaire et secondaire, le cheminement ayant conduit à la poursuite des études universitaires et le déroulement des études universitaires. Nous poursuivions ensuite avec des questions sur les représentations des cultures autochtones et euroquébécoise chez les participants, les projets futurs des étudiants (après les études) et les activités des diplômés depuis la fin de leurs études, pour finale-ment conclure avec la manière dont les participants envisageaient l’avenir de leurs communautés et nations. Suivait aussi un court ques-tionnaire pour compléter les informations personnelles des partici-pants que nous administrions verbalement et c’était surtout l’occasion de faire un retour sur les renseignements personnels déjà collectés du-rant les entrevues afin de nous assurer avec chaque participant qu’ils avaient été bien saisis.

Ces questions nous ont permis de comprendre les parcours des étu-diants et diplômés, tant par rapport à leurs études universitaires qu’aux autres grandes étapes de leurs biographies, en suivant la mé-thode du récit de vie (Bertaux, 2010) pour retrouver la structure dia-chronique de chaque histoire reconstituée. Elles nous ont aussi permis d’aller au-delà des cas individuels pour saisir la complexité des mondes sociaux dans lesquels s’inscrivent les étudiants et diplômés, en lien surtout avec l’institution universitaire, l’autochtonie (à diffé-rentes échelles), la société majoritaire (euroquébécoise) et le marché du travail. En somme, nos questions visaient à répondre à nos quatre

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premiers objectifs spécifiques concernant la place occupée à l’univer-sité par les cultures autochtones chez les étudiants des Premières Na-tions, leurs parcours universitaires, leurs projets et réalisations [52] ainsi que la place occupée par les cultures autochtones chez les étu-diants à l’extérieur de l’université.

En plus des entrevues avec les étudiants et diplômés, d’autres ont été réalisées avec 11 participants complémentaires œuvrant dans le domaine de l’éducation autochtone au Québec. Le recrutement s’est effectué à la fois en personne, simultanément à notre collecte de don-nées auprès d’étudiants sur les campus, et à la fois par courriel et télé-phone, avec certaines personnes ciblées pour leur expertise dans le domaine. Nous avons volontairement évité de recueillir des renseigne-ments personnels sur ces participants complémentaires car nous n’avions en aucun cas prévu effectuer une analyse de leurs discours en lien avec leurs propres situations, mais bien à titre de complément d’information nous permettant d’enrichir nos réflexions et mieux sai-sir les enjeux associés à la poursuite d’études universitaires chez les membres des Premières Nations. C’est aussi pour cette raison que nous ne les avons pas incluses dans la présentation du corpus (chapitre III). Les participants complémentaires occupaient, au moment de l’en-trevue, surtout des fonctions administratives et de soutien aux étu-diants à l’université (8 sur 11), en plus d’une personne membre du corps professoral universitaire, d’une personne retraitée du corps pro-fessoral universitaire et d’une personne occupant la fonction de conseiller auprès d’une organisation autochtone. On retrouvait parmi elles 5 membres des Premières Nations et 6 allochtones.

Elles nous ont permis d’apporter un éclairage supplémentaire aux parcours des étudiants des Premières Nations en général – et non à ceux des étudiants que nous avons rencontrés – en offrant un point de vue institutionnel. Elles se sont toutes déroulées sur les lieux de travail des personnes interviewées, à l’exception d’un cas au bureau de l’in-terviewer. Ces entrevues ont toutes eu lieu en français et ont duré en-viron 45 minutes, d’un minimum de 35 minutes à un maximum de 67 minutes. Comme pour les étudiants et diplômés, nous nous sommes assuré d’obtenir un consentement libre et éclairé et avons signé conjointement avec chaque personne un formulaire de consentement (voir annexe VI). Nettement plus succinct, le guide destiné aux parti-cipants complémentaires (voir annexe III) visait surtout à répondre au

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4e objectif spécifique : « Analyser l’environnement [53] mis en place par les universités et les pouvoirs publics pour favoriser l’intégration des étudiants autochtones à la communauté universitaire ». Nous nous intéressions donc moins aux parcours des participants qu’à leurs connaissances relatives aux étudiants universitaires autochtones et aux institutions concernées. Les deux premières questions visaient à obte-nir une brève description des fonctions occupées et de la manière dont l’employeur était interpellé par l’enseignement universitaire chez les Autochtones au Québec, alors que la situation de celui-ci faisait l’ob-jet de la troisième question. Les deux questions suivantes concernaient le lien entre l’accroissement de la fréquentation universitaire et le mieux-être chez les Autochtones ainsi que les améliorations à apporter pour y parvenir.

2.4. ANALYSE

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Notre analyse des données recueillies s’est opérée en s’inspirant de Miles et Huberman (2003) et de leur « réalisme transcendental », qui considère que « les phénomènes sociaux existent non seulement dans les esprits mais aussi dans le monde réel – et que des relations légi-times et raisonnablement stables peuvent y être découvertes […] [et que le] caractère légitime de ces relations vient des régularités et des séquences qui lient les phénomènes entre eux » (p. 16). L’analyse qualitative a donc suivi un plan général en trois « flux », suivant une logique d’aller et de retour entre les données collectées et leur analyse, plutôt qu’une suite d’étapes successives et linéaires dans le temps. Le premier flux, celui de la condensation des données, « renvoie à l’en-semble des processus de sélection, centralisation, simplification, abs-traction et transformation des données “brutes“ figurant dans les trans-criptions des notes de terrain » et « s’opère continuellement, dans toutes les phases d’un projet à orientation qualitative » (p. 29). Le se-cond flux, celui de la présentation des données, concerne « un assem-blage organisé d’informations qui permet de tirer des conclusions et de passer à l’action » puis les auteurs soulignent que « [l]a forme la plus fréquente de présentation pour des données qualitatives est tradi-tionnellement le texte narratif » (p. 29). Quant au troisième flux, celui

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de l’élaboration/vérification des conclusions, les auteurs nous rap-pellent que « [l]es conclusions sont également vérifiées au fur et à me-sure du travail de l’analyste » (p. 30), qu’elles ne sont donc pas défini-tives et peuvent être revues en cours de rédaction.

[54]

Figure 2.1. – Les 3 flux de l’analyse qualitativeselon Miles et Huberman (2003)

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Source : Miles et Huberman, 2003 : 28

Nous avons donc effectué notre analyse en suivant ces trois flux, au fur et à mesure de la collecte des données, plutôt que comme une étape temporellement distincte de cette dernière. Nous avons dans un premier temps produit une fiche-synthèse (voir annexe VIII 30) après

30 Afin de préserver la confidentialité des participants, il nous est impossible de présenter les fiches-synthèse des participants puis-qu’on y retrouve de manière détaillée les parcours de chacun. Nous

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chaque entrevue auprès des étudiants et diplômés, où nous résumions les principaux éléments d’information pertinents, ce qui a donné lieu après les quatre premières entrevues à l’élaboration d’un modèle de fiche synthèse qui fut ensuite systématiquement repris pour tous les autres cas. Chaque fiche comporte une première partie incluant des éléments concernant les données sociodémographiques, la scolarité autre qu’universitaire, les parcours universitaires, les expériences pro-fessionnelles et de bénévolat ainsi que les projets futurs. La seconde partie de la fiche reconstitue le parcours [55] détaillé de chaque parti-cipant en séparant les éléments d’information importants selon qu’ils concernent la sphère scolaire ou la sphère extrascolaire.

À partir des constats tirés de cette première analyse, nous avons alors pu mieux orienter notre collecte de données en termes de profils de participants et par rapport aux informations recueillies durant les entrevues. Après chaque entrevue, une retranscription (verbatim) a suivi, ce qui fut possible en raison de l’enregistrement (audio) de cha-cune des entrevues. Nous avons alors fait parvenir une copie de la re-transcription anonymisée à chaque participant, en vue de recueillir ses commentaires et nous assurer de l’exactitude des renseignements re-cueillis. Nous n’avons reçu aucune demande de correction et les parti-cipants nous ont surtout écrit pour nous remercier de leur avoir fait parvenir les retranscriptions de leurs entrevues.

Les 4 premiers cas analysés nous ont donc permis d’élaborer un modèle de fiche-synthèse qui retraçait les parcours des participants pour réorganiser la structure diachronique de chaque récit en parcours biographique. Nous avons ensuite procédé à l’analyse thématique des retranscriptions des entrevues menées auprès des 23 participants prin-cipaux, avec l’appui du logiciel NVivo, ce qui a facilité la codification à l’aide de « nœuds » à partir desquels nous avons identifié les concepts centraux de l’analyse – qui seront présentés au chapitre sui-vant. La codification s’est effectuée en suivant un codage mixte, c’est-à-dire qui « comporte un ensemble ouvert de rubriques et de catégo-ries ou un ensemble fermé de rubriques et un ensemble ouvert de caté-gories, en entendant par “ensemble ouvert” une liste initiale qui peut se modifier, se compléter ou se réduire en cours d’analyse » (Van der

avons toutefois reproduit à l’annexe VIII un exemple de fiche-syn-thèse en prenant soin de caviarder les éléments d’information concernant le participant ou la participante en question.

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Maren, 2004 : 436). Dans cette veine, nous avions préalablement identifié des codes de manière déductive, en fonction des questions présentes dans le guide d’entretien (voir annexes I et II). Nous en avons ensuite ajouté d’autres, de manière inductive, qui émergeaient à la relecture des retranscriptions et nous avons alors repassé systémati-quement en revue chacune des entrevues pour y repérer les nouveaux codes. Nous avons ainsi regroupé les différends nœuds libres (« free nodes ») nouvellement créés au sein de nœuds hiérarchisés (« tree nodes ») afin de faciliter leur identification. Par exemple, nous avons regroupé au sein du concept « cultures [56] autochtones » (nœud hié-rarchisé), des nœuds correspondant aux différentes dimensions identi-fiées (relationnelle, linguistique, artistique, spirituelle et philoso-phique, géographique, sociopolitique). Au sein de chacune de ces di-mensions, nous avons ensuite regroupé des nœuds correspondant aux indicateurs identifiés dans les retranscriptions (par exemple, au sein de la dimension géographique, on retrouve les nœuds « rapport à la terre », « activités et produits du terroir », « communauté » et « pré-sence autochtone en milieu urbain ».

Nous avons donc eu recours à l’analyse thématique, c’est-à-dire à « la transposition d’un corpus donné en un certain nombre de thèmes représentatifs du contenu analysé et ce, en rapport avec l’orientation de recherche (la problématique) », ayant ainsi « procéd[é] systémati-quement au repérage, au regroupement et, subsidiairement, à l’exa-men discursif des thèmes abordés dans un corpus » (Paillé et Muc-chielli, 2012, p. 232). Chez les participants complémentaires, l’ana-lyse thématique s’est effectuée sans recourir à des fiches-synthèses puisque nous n’analysions pas leurs parcours. Nous avons donc relevé les thèmes qui ressortaient dans l’ensemble du corpus plutôt que pour chaque cas en particulier 31, et ce, encore avec l’appui du logiciel NVi-vo. Nous n’avons cependant pas procédé à une analyse systématique de ces données puisqu’elles ont été collectées à titre de complément destiné à nous aider à mieux comprendre les réalités propres aux étu-diants universitaires autochtones.

31 Nous avons tenu compte des fonctions occupées par les partici-pants complémentaires en vue de mieux cerner leurs propos, mais nous n’avons pas cherché à reconstruire leurs propres parcours bio-graphiques.

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Une fois toutes les données recueillies, retranscrites et codées, nous avons dès lors pu entreprendre l’écriture des chapitres de cette thèse. En suivant l’esprit de Miles et Huberman (2003), cette écriture reflète aussi le processus d’analyse en différents flux puisque cer-taines interprétations sont rédigées directement dans les chapitres de la seconde partie « Résultats et interprétations », en plus bien sûr du retour dans le chapitre de discussion. Nous avons d’abord rédigé le chapitre de présentation du corpus (chapitre III) pour ensuite passer aux chapitres suivants, qui ciblent chacun un objectif spécifique. Du-rant ce processus, chaque cas parmi les participants principaux fut structuré de la même [57] manière en fonction des questions et objec-tifs précédemment définis. En somme, il ne s’agissait pas d’énumérer chacun des cas un à la suite de l’autre en insistant sur ses spécificités, mais plutôt de tous les examiner selon la même « loupe » pour ensuite dresser les constats ressortant de cette opération. Nous avons ainsi pu dégager certains concepts centraux et mettre en lumière comment ils prenaient individuellement forme en mettant en perspective les carac-téristiques propres à chacun. Tous les cas analysés de manière appro-fondie à la lumière des concepts centraux ont donné lieu à certaines conclusions à la fois générales, concernant plus d’un cas, et spéci-fiques, concernant un seul cas.

Enfin, l’analyse du corpus formé des entretiens réalisés auprès des participants complémentaires nous a permis d’obtenir un éclairage extérieur aux points de vue des étudiants et diplômés puis nous a aidé à enrichir nos réflexions quant à l’objet d’étude. Nous aurons l’occa-sion de revenir davantage sur leurs témoignages à la fin du chapitre VII et dans la discussion. Ils nous ont permis de nous renseigner tant du point de vue des pratiques sur le terrain que par rapport aux aspects administratifs, politiques et philosophiques.

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[58]

Première partie : cadre de la recherche

Chapitre 3

PRÉSENTATIONDU CORPUS

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Le présent chapitre est basé sur les données collectées auprès des 23 étudiants et diplômés des Premières Nations interviewés à titre de participants principaux. Afin de préserver leur confidentialité, aucun renseignement permettant de trop facilement les identifier ne sera fourni. Nous regrouperons donc dans des catégories les âges, commu-nautés d’origine, établissements d’enseignement, programmes d’études et emplois occupés 32. Rappelons également que l’objectif n’a jamais été de comparer les communautés entre elles et que nous nous intéressons avant tout aux parcours des étudiants et diplômés eux-mêmes.

3.1. PROFIL SOCIODÉMOGRAPHIQUE

Parmi les 23 personnes faisant partie de notre échantillon, on constate une très forte majorité féminine, avec 17 femmes et 6 hommes. Bien que notre échantillon ne prétende pas refléter statisti-quement la population étudiée, il reste que cette situation n’est pas étrangère au fait que les femmes sont davantage présentes dans la po-pulation étudiante universitaire en général, soit 57,7% à l’automne 2016 (Bureau de la coopération interuniversitaire, 2017), mais de fa-

32 Une synthèse des principales caractéristiques des participants prin-cipaux se trouve à l’annexe VII.

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çon encore plus prononcée chez les étudiants autochtones. On estime par exemple qu’il y a entre 72% et 81% de femmes parmi les étu-diants autochtones à Concordia (St-Laurent et Tremblay, 2010) et on sait que près de 90% des étudiants autochtones de l’UQAT sont des femmes âgées entre 30 et 50 ans (Loiselle, 2010).

Près des deux tiers (14 sur 23) des participants avaient au moins un enfant durant leurs études universitaires : 5 avant les études, 5 à la fois avant et pendant, 4 pendant. La parentalité est donc un phénomène beaucoup plus présent chez les étudiants autochtones, surtout chez les femmes, par rapport à l’ensemble de la population étudiante cana-dienne. À cet égard, on note que les Autochtones ont davantage ten-dance à connaître une situation de parents-étudiants en enseignement supérieur (Read, 1983 ; Archibald et Bowman, 1995 ; Smith et Pace, 1987 ; Hurlburt, Gade et McLaughlin, 1990 ; Krause et Stephens, 1992 ; [59] Ryan, 1992 ; Adebayo, 1995 ; Hesch, 1995 ; Heimbecker, Minner et Prater, 2000 ; Cazin, 2005 ; Bedon, 2008 ; Loiselle, 2010 ; Savard, 2010 ; Joncas 2018). Quant à l’âge, 4 participants sont dans la vingtaine (de 22 à 29 ans), 9 dans la trentaine (de 30 à 37 ans), 7 dans la quarantaine (de 40 à 49 ans) et 3 dans la cinquantaine (de 50 à 56 ans) 33. Ces résultats doivent toutefois être nuancés en fonction de l’âge d’admission à l’université et du cycle fréquenté puisque nous avons rencontré à la fois des diplômés et des étudiants dans des pro-grammes de cycles différents. De plus, les retours aux études après une ou des interruptions représentent une nette tendance chez les étu-diants autochtones 34 et il n’est donc pas étonnant qu’on en retrouve de tous âges.

La mixité ethnoculturelle des parents, soit lorsqu’un des deux pa-rents n’est pas autochtone, se retrouve chez près des deux tiers de l’échantillon (14 sur 23) et concerne autant la mère allochtone 35 (7 33 Pour déterminer l’âge des participants au moment de l’entrevue,

nous nous sommes basé sur l’année de naissance indiquée dans le questionnaire (administré oralement à la fin de la rencontre).

34 Par exemple à l’UQAT (Cazin, 2005). 35 Avant 1985, les femmes ayant le statut d’Indienne (en vertu de la

Loi sur les Indiens) perdaient ce statut en mariant un allochtone et, de facto, leurs enfants le perdaient aussi. À partir de 1985, ces femmes et leurs enfants ont pu récupérer ce statut, mais il n’était pas transmissible aux petits-enfants lorsque leurs deux parents

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cas) que le père allochtone (7 cas). Cela dit, la majorité des partici-pants issus de parents mixtes (8 sur 14) ont principalement grandi dans une communauté 36. On dénombre d’ailleurs au Québec plus de la moitié (51,5%) des familles autochtones dont un des deux conjoints est allochtone : 39,2% dans le cas des familles autochtones avec en-fants et 51,5% chez celles sans enfant (Ministère de la Famille et des Aînés, 2011). Enfin, 8 participants ont une langue maternelle 37 au-tochtone, 15 une langue allochtone (13 pour le français et 2 pour l’an-glais) et les entrevues se sont déroulées en français (16) ou en anglais (7), au choix des participants.

n’avaient pas le statut d’Indien. Cette situation a prévalu jusqu’en 2011 et depuis, il suffit qu’un des deux parents ait ce statut pour que leurs enfants soient considérés « Indiens ». L’appartenance légale à une communauté autochtone a donc longtemps été discri-minatoire à l’égard des femmes autochtones et de leurs descen-dants (Guénette, Rousseau et Sauriol-Nadeau, 2012).

36 Chez les 6 autres cas, 5 travaillent ou ont travaillé auprès des Au-tochtones (en milieu urbain ou dans les communautés), ce qui laisse 1 seule participante issue d’une union mixte qui n’a ni grandi dans une communauté ni travaillé en milieu autochtone.

37 La langue maternelle a été établie en fonction de l’information ré-coltée au cours de l’entrevue en considérant la première langue ap-prise et encore comprise, mais certains cas étaient plus difficiles à classer en raison de la présence de deux, voire plusieurs langues parlées au domicile familial durant l’enfance et l’adolescence. Nous avons repris la définition de la langue maternelle établie par Statistique Canada.

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[60]

Tableau 3.1.Profil sociodémographique

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Indicateur Fréquence

Sexe

Féminin 17

Masculin 6

Âge

20-29 ans 4

30-39 ans 9

40-49 ans 7

50-59 ans 3

Parentalité (à l’université)

Avec enfant(s) 14

Sans enfant 9

Profil ethnoculturel

1 des parents allochtones 14

2 parents autochtones 9

Langue maternelle

Autochtone 8

Français 13

Anglais 2

Total 23

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3.2. MILIEU D’ORIGINEET MOBILITÉ GÉOGRAPHIQUE

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Qu’ils résident dans les communautés38 ou dans les villes, les Au-tochtones connaissent différentes formes de mobilité géographique, que ce soit de la communauté vers la ville, de la ville vers la commu-nauté ou encore d’une communauté vers une autre. En lien ou non avec leurs études, tous nos participants ont en fait été amenés à habiter au moins en partie à l’extérieur de leurs communautés d’origine, alors que certains n’y ont jamais habité. Nous verrons dans un premier temps leur milieu d’origine, c’est-à-dire là où ils ont vécu durant leur enfance et leur adolescence, pour ensuite poursuivre avec une analyse détaillée de leurs déplacements ultérieurs.

[61]

3.2.1. Milieu d’origine

La plupart des participants (11 sur 23) ont surtout grandi, c’est-à-dire durant leur enfance et leur adolescence, dans une communauté autochtone, 8 autres ayant surtout grandi en ville et 4 autres à peu près autant dans les deux. Comme il s’agit de leur lieu de résidence avant l’âge adulte et non au moment de l’entrevue, on peut difficilement comparer ces données aux statistiques les plus récentes, mais on note tout de même que 68,1% des membres des Premières Nations rési-daient dans les communautés en 2015 39.

38 Il s’agit plus précisément de réserves au sens de la Loi sur les In-diens ou de villages, dans le cas des nations conventionnées (Cris, Inuit et Naskapis).

39 Voir section 1.1.3.2.

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En termes de communautés d’origine, les participants se répar-tissent à peu près également entre le milieu urbain (12 sur 23) et le milieu rural (11 sur 23). Afin d’assurer la confidentialité des partici-pants tout en tenant compte de leur milieu d’origine, nous avons ré-pertorié les 12 communautés autochtones auxquelles ils sont affiliés selon qu’elles se situaient dans le territoire inclus dans une région mé-tropolitaine de recensement ou RMR (type 1 : urbain), une aggloméra-tion de recensement ou AR 40 (type 2 : semi-urbain) ou dans un milieu rural (type 3 : rural), en suivant les définitions de Statistique Cana-da 41. En y regardant de plus près, nous obtenons 6 participants prove-nant d’une communauté urbaine, 6 d’une communauté semi-urbaine et 11 d’une communauté rurale. Plus précisément, une nette majorité des personnes provenant d’une communauté rurale y a principalement grandi (8 sur 11), alors que celles provenant d’une communauté semi-urbaine ont surtout grandi à l’extérieur (4 sur 6) et que celles prove-nant d’une communauté urbaine y ont presque tous surtout grandi (5 sur 6).

40 Nous avions initialement prévu deux sous-catégories, selon que la communauté était située ou non près d’un campus universitaire of-frant une certaine diversité de programmes de formation, mais au-cun participant ne provient d’une communauté située dans une AR à plus de 80 km d’un tel campus (distance choisie en se référant à Frenette, 2003).

41 La RMR « doit avoir une population d’au moins 100 000 habitants et le noyau urbain doit compter au moins 50 000 habitants », l’AR « doit avoir un noyau urbain d’au moins 10 000 habitants » et les autres localités sont en milieu rural.

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[62]

Tableau 3.2. Milieu d’origineRetour à la table des matières

Milieu d’origine Fréquence

Type 1 (RMR) – Communauté urbaine 6

A surtout grandi dans une communauté 5

A surtout grandi à l’extérieur 1

Type 2 (AR) – Communauté semi-urbaine 6

A surtout grandi dans une communauté 2

A surtout grandi à l’extérieur 4

Type 3 (Rural) – Communauté rurale 11

A surtout grandi dans une communauté 8

A surtout grandi à l’extérieur 3

3.2.1.1. Scolarité des parents

Les étudiants de première génération constituent donc plus des deux tiers de notre échantillon (16 sur 23). Sur les 7 participants qui ne sont pas étudiants de première génération (non-ÉPG), 1 seule n’a pas grandi principalement dans sa communauté et l’on retrouve à la fois des participants provenant d’une communauté urbaine (3 cas), semi-urbaine (2 cas) et rurale (2 cas). Il faut donc se garder d’établir un lien entre, d’une part, le type de communauté d’origine et le fait d’y avoir ou non grandi puis, d’autre part, le fait que les parents aient eux-mêmes fréquenté l’université. Il n’en demeure pas moins que la majorité des Autochtones qui résident en milieu rural doivent déména-ger en ville pour fréquenter l’université puisque peu de formations sont offertes directement dans les communautés. Fait à noter, bien que

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tous les participants n’aient pas terminé leurs études et qu’il faut donc se garder d’en dégager une tendance, on remarque néanmoins une forte présence de non-ÉPG ayant fréquenté les cycles supérieurs (4 cas sur 7, en plus de 1 qui s’apprêtait à commencer une maîtrise au moment de l’entrevue). Du côté des ÉPG, la fréquentation des cycles supérieurs reste tout de même importante avec 7 cas sur 16.

Tableau 3.3. Scolarité des parents

Scolarité Fréquence

Avec fréquentation universitaire 7

Sans fréquentation universitaire 16

Total 23

[63]

3.2.2. Mobilité géographique

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Les participants proviennent de 12 communautés, qu’ils y aient résidé ou non, et appartiennent à 6 différentes Premières Nations. Ils étaient tous résidents du Québec au moment de l’entrevue, mais 2 sont nés dans une communauté à l’extérieur et ont par la suite déménagé au Québec. Ainsi, que ce soit pour suivre la famille, pour étudier, tra-vailler ou encore pour des raisons personnelles, 22 participants sur 23 ont eu l’occasion de résider dans différents milieux en termes de ré-gion immédiate ou d’une autre région, voire en termes d’autres pro-vinces et pays 42. Il n’y a donc qu’un cas où on ne retrouve aucune

42 Si nous n’avons pas inclus les très courts déplacements tels que les voyages d’agrément, nous avons toutefois tenu compte des mobili-tés temporaires de quelques mois (par exemple lors de stages, de contrats professionnels ou d’études). Nous aurons l’occasion d’identifier davantage les événements biographiques en lien avec ces mobilités au chapitre VI.

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mobilité géographique et cette personne a toujours résidé en ville, dans la même région immédiate, à l’exception de quelques semaines durant l’enfance. Notons qu’une même personne peut avoir vécu dans différentes communautés ou villes et que nous avons rencontré les participants à différents moments de leurs parcours biographiques : la mobilité n’est par conséquent pas toujours aussi développée, mais on relève néanmoins plusieurs déménagements.

Dans l’ensemble, 1 participante n’a connu aucune mobilité géogra-phique, 2 participants n’ont connu qu’un seul déménagement 43 et 5 ont déménagé deux fois, ce qui donne un total de 8 participants à faible mobilité géographique (0 à 2 déménagements). Les 7 partici-pants ayant connu une mobilité moyenne (3 à 5 déménagements) se répartissent comme suit : 2 avec trois déménagements, 3 avec quatre déménagements et 2 avec cinq déménagements. Quant aux 8 partici-pants ayant connu une forte mobilité (6 déménagements et plus), ils sont 3 à avoir déménagé six fois, 3 autres sept fois et 2 autres ont connu une très forte mobilité (dix à douze déménagements). Ces mo-bilités sont souvent en partie composées de retours vers des lieux déjà habités, si bien qu’à l’exception de 1 participante ayant résidé dans 9 lieux différents et de 1 autre qui a résidé à un seul lieu, 21 [64] ont connu entre 2 et 6 lieux différents.

Plus des deux tiers des participants (16 sur 23) ont toujours résidé au Québec, alors que 5 ont aussi habité dans une autre province 44 et 2 dans un autre pays. Ceux qui ont toujours résidé au Québec l’ont fait dans 1 à 4 différentes régions administratives : 1 dans 1 région, 7 dans 2 régions, 5 dans 3 régions et 3 dans 4 régions. Ceux qui ont en partie vécu dans une autre province ont aussi habité dans 2 régions du Qué-bec (2 personnes), 3 régions (2 personnes) ou 4 régions (1 personne). 43 Le déménagement réfère à un déplacement d’un lieu à un autre

lieu qui n’est pas situé dans la même communauté ou ville (ou à proximité de la même ville). Par exemple, si une personne a démé-nagé d’une communauté à une ville située à proximité, nous en te-nons compte, mais pas si elle a déménagé d’une ville à une autre à proximité (à moins d’une heure de transport). Par contre, un démé-nagement d’une ville à une autre dans une même région est inclus lorsqu’il s’agit d’un lieu à plus d’une heure de transport.

44 À des fins de confidentialité, nous ne mentionnerons pas les ré-gions, provinces ou pays.

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Quant aux 2 cas qui ont en partie vécu dans un autre pays, ils ont aussi résidé respectivement dans 3 et 5 régions administratives du Québec.

Tableau 3.4. Mobilité géographiqueRetour à la table des matières

Lieux de résidence déclarés Fréquence

1 lieu 1

2 lieux 3

3 lieux 5

4 lieux 6

5 lieux 5

6 lieux 2

Plus de 6 lieux 1

Total 23

On ne peut regrouper tous les participants dans un modèle unique d’étudiant autochtone qui retournerait dans son milieu d’origine – ou, à l’inverse, irait à l’extérieur – puisqu’au moment de l’entrevue, parmi les 8 diplômés, 5 étaient retournés dans leurs milieux d’origine et 3 résidaient à l’extérieur. Chez les 2 ayant surtout grandi dans leurs communautés d’origine, 1 habitait en ville et 1 dans une autre commu-nauté, alors que la personne ayant surtout grandi en ville habitait dans une autre ville. On peut néanmoins affirmer que les participants connaissent une très forte mobilité géographique occasionnée par la poursuite d’études, avec 18 des 23 participants ayant déménagé (78,3%) pour cette raison et 5 qui ne l’ont jamais fait. Ces 5 derniers ont tous principalement grandi à l’extérieur d’une communauté au-tochtone et 3 d’entre eux ont poursuivi leurs études [65] universitaires dans la ville où ils sont nés (ou à proximité), alors que les 2 autres avaient déjà déménagé avant d’arriver à l’université.

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Tableau 3.5.Mobilité géographique liée aux études universitaires

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Mobilité Fréquence

Aucune mobilité 5

1re admission seulement 8

1re admission et ensuite durant les études 4

Pas pour 1re admission, mais ensuite durant les études 6

Total 23

Parmi les 15 participants encore aux études, 13 ont déménagé pour aller à l’université et 2 vivaient déjà dans la même ville auparavant – depuis plusieurs années (1 cas) ou depuis le cégep (1 cas). La ten-dance est légèrement moins marquée chez les diplômés : 5 ont démé-nagé au moins une fois pour aller à l’université et 3 ne l’ont jamais fait, dont 2 avaient déjà déménagé au cégep. On retrouve 12 partici-pants sur 23 qui ont déménagé dès le début de leur premier pro-gramme universitaire et 6 qui l’ont fait plus tard durant leurs études. Notons que tous les participants ayant déménagé de leurs communau-tés pour étudier maintiennent un lien avec elles (par téléphone, Inter-net ou en personne), en premier lieu avec les membres de leurs fa-milles. Parmi les 11 participants n’ayant pas connu de mobilité géo-graphique occasionnée par leur passage à l’université, 4 ont étudié à proximité de leur milieu d’origine (1 ayant grandi dans une commu-nauté et 3 à l’extérieur), 3 ont étudié directement dans leurs commu-nautés 45, 3 avaient déjà déménagé durant les études collégiales et 1 avait déjà déménagé pour le travail.

Enfin, 9 participants envisagent vivre dans une communauté au-tochtone (8 étudiants et 1 diplômé), 10 prévoient plutôt le faire en

45 Au Québec, certaines formations sont parfois offertes directement dans les communautés autochtones dans le cadre de partenariats entre une université (principalement McGill, l’UQAC et l’UQAT) et une ou plusieurs communautés.

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ville (4 étudiants et 6 diplômés), 1 étudiant ira là où son travail le conduira, 1 prévoit conserver un pied-à-terre dans sa communauté tout en connaissant une forte mobilité géographique occasionnée par le travail et 2 n’ont pas explicitement répondu à la question. Différents profils se dégagent : ceux [66] ayant grandi en communauté et qui souhaitent y rester ou parfois résider dans une autre communauté (9 cas) ; ceux qui n’y ont jamais grandi, mais aimeraient résider dans une communauté autochtone (1 cas) ; ceux qui y ont grandi, mais aime-raient résider en ville (5 cas) ; ceux qui ont toujours grandi en ville et envisagent continuer à y résider (5 cas) ; 3 autres cas difficilement classables en raison de projets résidentiels peu définis. Enfin, qu’ils y résident ou non, les contacts avec les membres de la communauté d’origine restent fréquents, à une exception près 46.

Tableau 3.6.Lieu de résidence future envisagé

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Lieu de résidence Fréquence

Communauté autochtone 9

Hors-communauté 10

Mixte (pied-à-terre dans la communauté) 1

Sans préférence 1

Pas de réponse 2

Total 23

46 Il s’agit d’une personne qui a grandi en ville, tout comme ses pa-rents, et qui n’a toujours entretenu qu’une relation administrative avec la communauté où elle est inscrite.

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3.3. LES ÉTUDES ANTÉRIEURES

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Une minorité de participants (10 sur 23) n’a connu aucune inter-ruption scolaire avant d’entrer à l’université, c’est-à-dire avec un par-cours que nous qualifions d’« universitaire continu ». Chez les 13 par-ticipants ayant connu au moins un retour aux études, nous avons dis-tingué 6 catégories de parcours : « collégial continu » (avec interrup-tion scolaire après le collégial), « collégial repris » (avec interruption scolaire entre le début et la fin du collégial), « collégial interrompu » (avec interruption scolaire après avoir interrompu le collégial), « se-condaire continu » (avec interruption après le secondaire), « secon-daire repris » (avec interruption scolaire entre le début et la fin du se-condaire ainsi qu’après le secondaire), « secondaire interrompu » (avec interruption scolaire avant la fin du secondaire).

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[67]

Tableau 3.7. Parcours pré-universitairesRetour à la table des matières

Parcours Description Fréquence

Universitaire continu Secondaire (DÉS) > Collégial (DÉC ou AÉC) > Uni-versité

10

Collégial continu Secondaire (DÉS) > Collégial (DÉC) > IS > Universi-té

2

Collégial repris Secondaire (DÉS) > Collégial > IS > Collégial (DÉC) > Université

3

Collégial interrompu Secondaire (DÉS) > Collégial > IS > Université 2

Secondaire continu Secondaire (DÉS) > [Plusieurs programmes au secon-daire et au collégial interrompus, avec obtention de DÉP et AÉC] > Université

1

Secondaire repris Secondaire > IS > Secondaire (DÉS) > Université 2

Secondaire interrompu Secondaire > IS > Université 3

Total 23

Légende : IS=Interruption scolaireNote : Les diplômes obtenus par les participants sont indiqués entre parenthèses après le type de scolarité (DÉS, DÉP, DÉC et AÉC). Dans les cas contraires, au-cun diplôme n’a été obtenu.

Comme le rappelle le Conseil supérieur de l’éducation (2013), les chemins pour parvenir à l’université sont désormais souvent loin du modèle linéaire, c’est-à-dire avec une fréquentation ininterrompue au secondaire et au collégial avant d’entreprendre un baccalauréat à temps plein. Chez les étudiants universitaires autochtones, cette varié-té de parcours pré-universitaires est encore davantage marquée puisque les taux de décrochage au secondaire restent particulièrement

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élevés 47 et, par conséquent, les retours aux études sont plus fréquents. De plus, la conciliation famille-études est davantage marquée en rai-son de la parentalité accrue.

3.3.1. Études primaires et secondaires

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La très grande majorité des participants ont donc poursuivi sans interruption leurs études primaires et secondaires jusqu’à l’obtention du DÉS (18 sur 23). Dans les 5 autres [68] cas, 2 ont ensuite obtenu ce diplôme à l’éducation des adultes et 3 ne l’ont jamais obtenu 48, dont 2 ont tenté de le faire. On remarque que la plupart ont toujours fréquen-té une école allochtone au primaire et au secondaire (12 sur 23), plu-sieurs ayant connu à la fois l’école autochtone et l’école allochtone (9 sur 23) et 2 ayant toujours fréquenté une école autochtone. Notons que 3 participants ont étudié au préscolaire dans leurs communautés puis ont ensuite poursuivi leurs études primaires et secondaires en milieu urbain, que 2 n’avaient pas accès à une école primaire dans leurs com-munautés et que 7 n’avaient pas accès à une école secondaire dans leurs communautés.

47 43,2% des Autochtones du Québec âgés de 20 à 24 ans ne déte-naient pas de DÉS en 2006 (Richards, 2011). Par exemple, 85,2% des élèves cris, inuit et naskapis avaient décroché en 2009-2010, ce qui exclut par contre la possibilité ultérieure de retour aux études, mais donne tout de même une nette idée de l’ampleur du phéno-mène par rapport aux 17,4% d’élèves dans cette situation pour l’ensemble du Québec (Deschênes, 2013). Dans l’ensemble des communautés autochtones, certains participants complémentaires ont d’ailleurs mentionné que les taux de décrochage dépassaient généralement les 80%.

48 Les universités exigent d’habitude un DÉS pour l’admission sur la base de l’expérience, mais un candidat peut parfois être jugé apte à poursuivre ses études même s’il n’a aucun diplôme.

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 103

Tableau 3.8. Type d’école fréquenté au primaire et au secondaireRetour à la table des matières

École Fréquence

École autochtone seulement 2

École allochtone seulement 12

Mixte (principalement école autochtone) 4

Mixte (principalement école allochtone) 5

Nous avons relevé 2 cas qui ont fréquenté un pensionnat autoch-tone et 4 cas qui ont fréquenté en partie l’école primaire dans leurs communautés à l’époque où des congrégations religieuses y prenaient en charge l’enseignement. Ces 6 personnes sont toutes nées avant 1972, alors que la prise en charge de l’éducation par les communautés autochtones a commencé la même année (Longboat, 1987). Chez ces cas, l’expérience de la fréquentation scolaire fut différente par rapport aux autres participants ayant fréquenté une école administrée par la communauté puisque la visée explicitement assimilatrice des pension-nats (et des écoles administrées par les communautés religieuses) a laissé de profondes cicatrices chez les élèves et leurs familles (Castel-lano, Archibald et DeGagné, 2008 ; Ottawa, 2010) 49.

3.3.2. Études collégiales

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Presque tous les participants (21 sur 23) ont fréquenté au moins en partie un [69] établissement d’enseignement collégial avant de fré-quenter l’université, mais sans nécessairement obtenir un diplôme. Parmi les 17 avec passage direct après avoir complété sans interrup-tion leurs études secondaires, 12 ont ensuite poursuivi leurs études

49 Comme il s’agit d’un sujet particulièrement délicat à aborder en entrevue (Corntassel, 2009), nous avons choisi de ne pas pour-suivre nos questions sur l’expérience scolaire primaire et secon-daire dans ces 6 cas, laissant par contre les participants le faire s’ils l’abordaient de leur propre initiative.

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collégiales sans interruption 50 jusqu’à l’obtention du DÉC (11 cas) ou de l’AÉC (1 cas). Dans 5 autres cas, les participants sont passés direc-tement au cégep, mais y ont interrompu leurs études au moins une ses-sion : 3 les ont ensuite reprises et complétées (DÉC) et 2 ne l’ont ja-mais fait.

Les 4 autres participants qui ont fréquenté le cégep nous font constater que les chemins pour accéder à l’université connaissent par-fois des ramifications étonnantes. Tous ont des parcours assez uniques, mais ont en commun de ne pas avoir obtenu de DÉC : 1 a complété son DÉS à l’éducation des adultes (après avoir interrompu ses études secondaires) et est ensuite allé directement entreprendre un DÉC (jamais complété) ; 1 a obtenu son DÉS sans interruption au se-condaire, a travaillé et a par la suite obtenu trois DÉP et une AÉC ; 1 a travaillé après avoir interrompu ses études secondaires et a ensuite entrepris un programme collégial (hors-Québec) qu’il a interrompu avant de s’inscrire à l’université (au Québec) ; 1 a interrompu ses études secondaires, a travaillé, a ensuite entrepris un DÉP (interrom-pu), a travaillé puis a suivi une courte formation dans un collège (hors-Québec) avant de s’inscrire au cégep (interrompu).

3.3.3. Études universitaires

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Nous avons retenu pour cette section les éléments les plus perti-nents des profils universitaires des participants, à savoir la base d’ad-mission, les retours aux études et les domaines d’études.

50 Ce qui n’exclut pas la possibilité de l’obtention du diplôme dans un délai plus long que celui officiellement prévu.

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3.3.3.1. Base d’admission universitaire

Si la majorité des participants (14 sur 23) est entrée à l’université sur la base du DÉC, une partie importante (9 sur 23) l’a plutôt fait sur une base d’expérience 51. Parmi ces [79] 9 derniers, 1 détenait déjà une AÉC et a d’abord fréquenté un programme de 1er cycle dans une autre province, n’ayant donc pas initialement besoin du DÉC. Quant aux 8 autres ayant entamé leur fréquentation universitaire au Québec, 6 ont entrepris un DÉC sans le compléter (dont 1 qui a en plus obtenu une AÉC) et 2 n’ont jamais fréquenté le cégep. On compte 3 partici-pants n’ayant jamais obtenu de DÉS, dont 1 a tout de même entrepris des études collégiales avant l’université (hors-Québec). On retrouve aussi 3 détenteurs de DÉP qui avaient aussi un DÉS et qui ont entre-pris un DÉC sans le compléter, dont 1 détient aussi deux AÉC.

Tableau 3.9. Plus haut diplôme obtenulors de la 1re admission à l’université

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Diplôme Fréquence

Diplôme d’études collégiales (DÉC) 14

Attestation d’études collégiales (AÉC) 2

Diplôme d’études secondaires (DÉS) 4

Aucun diplôme 3

Total 23

51 C’est-à-dire en faisant reconnaître différentes expériences profes-sionnelles en plus de leur formation. Notons que pour les candidats admis sans DÉC, les universités exigent souvent la réussite de cer-tains cours spécifiques, notamment au cégep, avant d’entreprendre le programme souhaité (Garon et Bélisle, 2009).

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3.3.3.2. Retours aux études

La conciliation études-travail étant devenue une réalité incontour-nable chez les étudiants universitaires, on ne s’étonne plus qu’ils consacrent une partie de leur temps à des activités rémunérées, sou-vent depuis le secondaire, ou encore qu’ils alternent les périodes d’études à temps plein et à temps partiel (Conseil Supérieur de l’Édu-cation, 2013). Ainsi, nous avons cherché à identifier les périodes où ils ne poursuivaient aucune formation avant leur première inscription à l’université, et ce, à partir du secondaire et en excluant les vacances scolaires. Nous avons ainsi pu dégager 13 cas de retour aux études.

3.3.3.3. Les domaines d’études  52

Tous les 23 participants ont bien sûr fréquenté le 1er cycle et 10 ont aussi poursuivi au 2e cycle, 3 au 3e cycle et 1 au postdoctorat. En ré-partissant les programmes d’études [71] complétés, en cours et inter-rompus, on compte 17 personnes ayant complété un programme de 1er

cycle (baccalauréat ou certificat) et 8 en poursuivant un (dont 2 qui ont déjà complété un autre programme de 1er cycle). Au 2e cycle, 4 ont complété un programme de maîtrise ou DÉSS (dont une personne qui a complété deux maîtrises), 4 en poursuivent un et 2 personnes ont interrompu un programme. Au 3e cycle, 1 personne a terminé un doc-torat et 2 autres en poursuivent un. Enfin, on retrouve 1 personne qui a complété des études postdoctorales et qui en poursuivait d’autres au moment de l’entrevue.

52 Nous aurons l’occasion de nous intéresser plus longuement aux parcours universitaires au chapitre VII, mais le lecteur trouvera ici un bref portrait d’ensemble des cas rencontrés.

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Tableau 3.10.Cycles d’études fréquentés et program

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Cycle Programme fréquenté Programme complété

Premier cycle 23 17

Deuxième cycle 10 4

Troisième cycle 3 1

Études postdoctorales 1 1

Quant aux domaines d’études 53, en ne considérant que les pro-grammes d’études complétés ou en cours (et non ceux interrompus), on constate que les plus populaires sont en sciences de la gestion (SG) (13), sciences humaines et sociales (SHS) (10) ainsi qu’en arts, lettres et communication (ALC) (8), en plus de 4 en sciences de l’éducation (SÉ). Par ailleurs, la majorité (13 sur 23) ont connu ou connaissent un parcours d’études qui touche un seul domaine : 6 en SHS, 4 en SG, 2 en SÉ et 1 en ALC. Chez les 9 autres participants, 9 ont étudié dans 2 domaines différents (5 en ALC et SG, 3 en SHS et SG, 1 en ALC et SÉ) et 1 l’a fait dans les 4 domaines identifiés. En fin de compte, on observe une forte tendance aux programmes qui touchent de près aux services à la population 54 ou à la recherche en sciences humaines et sociales, mais aucun en sciences de la santé ou en sciences pures et appliquées. Cette particularité des profils étudiants autochtones a d’ailleurs déjà été soulevée précédemment (Danziger, 1998 ; Rodon, 2007 ; Loiselle, 2010).

53 Nous avons procédé de manière inductive à des regroupements de programmes qui tiennent compte des particularités rencontrées dans le but de préserver la confidentialité des participants tout en considérant leurs intérêts disciplinaires. Le découpage est inspiré de celui utilisé pour les facultés de l’UQAM puisqu’il permettait le mieux de regrouper les programmes fréquentés par les participants.

54 Ce que les anglophones appellent le domaine du « care » (Per-reault, 2013).

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[72]

Tableau 3.11.Répartition des domaines d’études

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Domaine Fréquence

Sciences de la gestion (SG) 13

Sciences humaines et sociales (SHS) 10

Arts, lettres et communication (ALC) 8

Sciences de l’éducation (SÉ) 4

N.B. : Plus d’un domaine est possible chez un même participant.

3.4. RÉALISATIONSET ASPIRATIONS FUTURES

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Puisque l’identité autochtone est généralement présente au sein même du projet d’études, il n’est pas étonnant que les participants aient souvent eu l’occasion de travailler directement auprès des Au-tochtones et que leurs projets futurs soient aussi en phase avec cette idée de contribuer au mieux-être autochtone, entendu comme état de santé ou de suffisance dans tous les aspects de la vie (Australian Bu-reau of Statistics, 2010) 55.

55 Le Australian Bureau of Statistics définit le mieux-être en milieu autochtone comme étant de nature complexe et subjective, articulé autour de 9 dimensions : culture ; héritage et loisir ; famille, rela-tions et communauté ; santé ; éducation, apprentissage et compé-tences ; travail coutumier, bénévole et salarié ; revenu et ressources économiques ; logement, infrastructures et ressources ; loi et jus-tice ; citoyenneté et gouvernance.

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 110

3.4.1. Réalisations professionnelles et implications

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Bien que tous les participants aient eu l’occasion d’exercer une activité rémunérée à différents moments de leurs parcours biogra-phiques, nous nous arrêterons plus spécifiquement aux expériences professionnelles en milieu autochtone, c’est-à-dire ayant eu lieu dans des organisations autochtones ou concernant de façon plus ciblée les réalités autochtones. Ce choix s’explique par l’orientation générale de nos objectifs de recherche qui s’articule dans le rapport à l’identité et aux cultures autochtones chez les étudiants et diplômés, en lien avec leurs projets et réalisations 56. Nous ferons de même avec les activités bénévoles, mais la frontière est parfois mince entre l’expérience pro-fessionnelle et les autres formes d’implication. Nous considérerons donc l’ensemble des différentes façons de « redonner à la communau-té », dans les communautés elles-mêmes et à l’extérieur. Ainsi, presque tous les participants (21 sur 23) ont eu l’occasion de travailler dans une communauté autochtone ou dans un emploi à l’extérieur qui était relié de près aux réalités [73] autochtones, que ce soit avant, pen-dant ou après leurs études universitaires. Les deux tiers des partici-pants (16 sur 23) se sont aussi impliqués d’autres façons dans des or-ganisations autochtones, le plus souvent à l’extérieur des communau-tés. De plus, 15 participants combinent à la fois une expérience pro-fessionnelle et une implication en milieu autochtone.

En termes d’expériences professionnelles, nous avons relevé sept domaines d’activités : éducation dans les communautés (8 cas) ; santé et services sociaux dans les communautés (8 cas) ; services aux Au-tochtones en milieu urbain (6 cas) ; services aux étudiants autochtones et recherche concernant les Autochtones (5 cas) ; fonction publique allochtone en lien avec les Autochtones (4 cas) ; domaine artistique et culturel dans les communautés (4 cas) ; domaine artistique et culturel hors-communauté (3 cas) ; travail manuel dans les communautés ou à proximité (3 cas).

Nous avons aussi relevé sept formes d’implication bénévole : artis-tique, culturelle et spirituelle (7 cas) ; recherche et stage dans le cadre

56 En lien plus précisément avec les objectifs spécifiques 3 et 4.

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 111

des études universitaires (7 cas) ; services aux Autochtones en milieu urbain (4 cas) ; services aux étudiants autochtones et recherche auprès des Autochtones (4 cas) ; implication politique auprès d’une commu-nauté ou nation (3 cas) ; implication auprès des femmes autochtones spécifiquement (3 cas) ; implication auprès des jeunes autochtones spécifiquement (2 cas).

3.4.2. Aspirations futures

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Qu’ils soient ou non encore aux études, les participants ont tous des projets d’avenir personnels, professionnels ou scolaires diversi-fiés. Bien que ces projets soient parfois assez peu définis par les parti-cipants, nous nous sommes plus particulièrement intéressés à ceux concernant les études futures et l’avenir professionnel. Du point de vue professionnel, 18 personnes sur 23 envisageaient au moment de l’entrevue travailler en milieu autochtone (en communauté ou à l’ex-térieur), que ce soit en poursuivant leur emploi ou encore dans un em-ploi futur. Dans les 5 autres cas, cette possibilité n’était pas pour au-tant exclue, mais ne semblait pas une préoccupation professionnelle.

Cinq diplômés (sur 8) ont mentionné vouloir un jour poursuivre d’autres études. Un [74] cas a complété deux certificats et envisage éventuellement en suivre un troisième pour obtenir un baccalauréat par cumul, 1 autre a complété un baccalauréat et souhaiterait suivre un certificat supplémentaire, 2 ont complété un baccalauréat et interrom-pu un programme de maîtrise qu’ils aimeraient compléter et 1 autre a complété une maîtrise et souhaiterait plus tard réaliser un doctorat.

Six étudiants (sur 15) ont aussi mentionné vouloir poursuivre d’autres études. Deux d’entre eux sont inscrits dans un certificat et prévoient obtenir un baccalauréat par cumul, 1 autre poursuit un bac-calauréat par cumul et envisage obtenir une maîtrise, 1 poursuit un DÉSS et aimerait entreprendre une maîtrise puis 2 ont complété un baccalauréat et prévoient poursuivre à la maîtrise – dont 1 qui poursuit un certificat supplémentaire et 1 qui devait débuter sa maîtrise la ses-sion suivante au moment de l’entrevue.

* * *

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Nous avons pu constater que les 23 étudiants et diplômés universi-taires des Premières Nations composant notre échantillon témoignent d’une riche diversité en termes de parcours, tant en ce qui a trait à leur bagage à l’entrée à l’université que par rapport aux programmes fré-quentés et à leurs projets futurs. Plusieurs tendances générales ont pu être dégagées, mais nous avons aussi régulièrement identifié des contre-exemples nuançant notre propos. On en retient surtout que les participants proviennent à peu près autant de communautés en milieu urbain qu’en milieu rural, que leurs parents n’ont généralement pas fréquenté l’université, que la plupart ont dû déménager en raison de leurs études, qu’une minorité a suivi un parcours scolaire continu avant l’arrivée à l’université et qu’ils étudient dans les domaines ma-joritairement privilégiés par les Autochtones, généralement en vue d’ensuite travailler auprès des Autochtones.

En définitive, le corpus ainsi présenté permet d’établir plusieurs liens avec les données plus générales sur la population étudiée. Si l’échantillon de nature qualitative ne prétend pas à une représentativi-té statistique, mais bien sociologique (Hamel, 1997), le nôtre com-prend à bien des égards des données en phase avec ce que les portraits statistiques [75] nous apprennent. Quoi qu’il en soit, la richesse de l’échantillon se retrouve surtout dans la variété des parcours des parti-cipants qui, chacun à leur façon, poursuivent un objectif scolaire qui dépasse de loin celui de la diplomation individuelle, leurs parcours étant fortement ancrés dans leurs identités autochtones.

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Première partie : cadre de la recherche

Chapitre 4

CADRE CONCEPTUEL

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Notre thèse s’ancre dans la sociologie de l’éducation et nous pré-senterons donc en premier lieu son apport ainsi que les principales théories dans ce domaine. Suivra une brève présentation des princi-paux cadres théoriques dans le domaine de la diversité ethnoculturelle en éducation. Nous ajouterons au travers quelques perspectives théo-riques en études autochtones qui nous permettront de mieux situer notre cadre conceptuel, qui emprunte à différents auteurs dans le but d’analyser le phénomène des études universitaires chez les Premières Nations du Québec. Nous y intégrerons finalement les définitions de quelques concepts que nous utiliserons à propos des parcours étu-diants

4.1. SOCIOLOGIE DE L’ÉDUCATION

La sociologie de l’éducation concerne plus précisément les sys-tèmes d’enseignement, c’est-à-dire l’éducation formelle, du présco-laire à l’université (Cherkaoui, 2004, p. 3). Cette définition permet d’éviter la confusion qu’engendrerait l’inclusion de tout phénomène éducatif, mais le fait d’écarter l’éducation informelle soulève quelques limites en milieu autochtone puisque le contrôle effectif des systèmes d’enseignement s’avère très partiel (Paquette et Fallon, 2010 ; Kanu, 2011 ; Bellier et Hayes, 2016). Bien qu’il soit possible de se référer au découpage classique des approches théoriques en sociologie de l’édu-cation (fonctionnalisme, conflictualisme et interactionnisme), repris

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notamment par Bulle (2000) en France et Ballantine (2001) aux États-Unis, on assiste désormais à une diversification des approches (Duru-Bellat et Van Zanten, 2012) dépassant ce découpage. Nous avons donc choisi de présenter six approches théoriques davantage utilisées de manière contemporaine afin d’expliquer au lecteur ce que nous re-tenons de chacune d’elles pour notre propre recherche, qui s’insère davantage dans la sociologie de Bernard Lahire. Nous les avons re-groupées selon qu’elles s’intéressent à la perspective de l’individu (sociologie de l’expérience et individualisme méthodologique), du changement social (nouvelle sociologie de l’éducation et pédagogie critique) ou de la reproduction sociale (Bourdieu et Lahire).

[76]

4.1.1. Individualisme méthodologique

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L’individualisme méthodologique est un modèle, voire un para-digme, utilisé par différents auteurs, dont Raymond Boudon (1934-2013). Il s’inspire notamment de l’utilitarisme de l’économie clas-sique et des théories de Parsons et Pareto (Durand et Weil, 1990). Contrairement à la sociologie dite « holiste », s’intéressant à l’in-fluence de la société sur ses membres, cette approche théorique ex-plique les faits sociaux à partir de l’agrégation des comportements individuels. Elle se base sur le postulat que « les acteurs cherchent à optimiser leurs décisions eu égard aux contraintes définies par le sys-tème » (Boudon, 1979, p. 57) et les individus agiraient donc d’une façon rationnelle. Boudon reprend par conséquent le modèle de l’ho-mo œconomicus – individu rationnel cherchant à maximiser ses gains et minimiser ses coûts – en l’appliquant dans un contexte sociologique et en insistant sur l’utilitarisme individuel des comportements sociaux. Cet utilitarisme peut aussi s’appliquer à un groupe, par exemple avec une famille, quand un parent agit de telle sorte que son enfant puisse occuper une bonne position sociale.

L’accroissement de la fréquentation scolaire chez une génération par rapport aux précédentes s’expliquerait donc par l’action des ac-teurs eux-mêmes, les étudiants ainsi que leurs familles, et non par un

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phénomène social extérieur, par exemple l’héritage culturel, le taux de chômage, les politiques éducatives, etc. Les choix de chaque individu tiendraient donc compte des contraintes spécifiques à sa situation, dont notamment ses ressources et le « coût » de sa décision par rap-port aux bénéfices escomptés. Par définition, ces choix varient d’un individu à l’autre et c’est ce qui explique, selon Boudon, les différents parcours scolaires selon les individus. Les inégalités sociales et sco-laires observées s’expliqueraient donc par le fait que les individus ne disposent pas tous des mêmes ressources et que c’est en fonction de ces ressources qu’ils agissent. Or, l’investissement nécessaire pour parvenir à obtenir un diplôme élevé augmente considérablement les « coûts » pour un individu disposant de peu de ressources. Par ailleurs, l’appartenance à une famille peu scolarisée peut conduire un individu à considérer qu’il ne serait pas avantageux pour lui de « s’ex-clure » d’un groupe auquel il est attaché, c’est-à-dire sa famille. Bou-don (1985, p. 111) résume le tout en 3 points :

[78]

1. L’intérêt subjectif qui s’attache pour un individu à atteindre une position sociale de niveau donné […] dépend du statut social de la fa-mille ;

2. la même proposition est valable en ce qui concerne les niveaux sco-laires […] [puisque] les individus établissent une corrélation entre niveau scolaire et statut social ;

3. la position sociale donne une signification différente au bénéfice, au risque et au coût correspondant à l’acquisition d’un niveau d’études don-né.

Enfin, Boudon avance que la démocratisation scolaire produit un effet pervers avec plus d’individus qui décident en même temps de poursuivre de plus longues études que les générations précé-dentes puisque la hausse généralisée de la diplomation exerce un effet de dévaluation sur les diplômes obtenus par tous les individus. Cette « inflation scolaire » (Duru-Bellat, 2006) accentue par conséquent les inégalités scolaires et sociales en contraignant les individus à pour-suivre de plus longues formations pour obtenir des diplômes qui leur ouvriront moins de portes sur le marché du travail.

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Cette approche ne nous apparaît pas pertinente dans le cadre de notre thèse puisque nous n’adhérons pas à son postulat d’homo econo-micus, qui relève plutôt d’une conception bancaire de l’éducation, comme nous le verrons avec Freire à la section 4.2.2. À la lumière de la recension des écrits, on constate que les étudiants autochtones pour-suivent rarement des études en vertu d’un calcul utilitaire (coûts vs bénéfices). Ils s’éloignent aussi sur plusieurs points d’une conception individualiste de l’éducation, comme en fait foi leur vision holistique (Conseil canadien de l’apprentissage, 2007). Cette conception indivi-dualiste fait d’ailleurs partie des critiques adressées à l’égard de l’en-seignement supérieur au Canada (e.g. Cote-Meek, 2014 ; Pidgeon, 2008a).

4.1.2. Sociologie de l’expérience

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François Dubet (1994, p. 93) considère l’expérience comme « une manière de construire le réel et surtout de le “vérifier”, de l’expéri-menter » qui construit les phénomènes observés en se basant sur « les catégories de l’entendement et de la raison », qui sont des catégories sociales. Cette construction du réel implique de tenir compte de la subjectivité de l’individu (ou du groupe) dans l’analyse de son action car on ne peut le réduire aux structures sociales dans lesquelles il s’in-sère ou encore considérer qu’il agit de manière rationnelle. Dans une approche phénoménologique, on cherche donc à comprendre [79] le sens que l’acteur donne à son action et, si l’expérience sociale est construite, on y décèle aussi une influence sociale, notamment via le langage (en termes de catégories sociales de l’expérience). L’expé-rience individuelle ne prend alors sens chez un individu qu’en entrant en relation avec les autres et l’expérience sociale est aussi critique puisque les acteurs cherchent constamment à expliquer, voire justifier leurs actions, tenter de se les interpréter face à eux-mêmes et aux autres. Cette critique implique que le chercheur ne peut prédire l’ex-périence des acteurs puisque chaque individu est considéré « comme un “intellectuel”, comme un acteur capable de maîtriser consciem-ment, dans une certaine mesure en tout cas, son rapport au monde » (Dubet, 1994, p. 105).

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Dubet identifie trois principes d’une sociologie de l’expérience : l’action sociale n’a pas d’unité, l’action est définie par des relations sociales (et on ne peut par conséquent réduire l’action aux seules normes et valeurs invoquées par l’acteur), l’expérience sociale est « une combinatoire ». Cette dernière implique : 1) une analyse où l’on isole et décrit les logiques de l’action propres à l’expérience étudiée ; 2) une compréhension de « la façon dont [l’acteur] combine et articule ces diverses logiques » (Dubet, 1994, p. 109) ; 3) « “remonter” de l’expérience vers le système » pour « comprendre quelles sont les di-verses logiques du système social à travers la façon dont les acteurs les synthétisent et les catalysent tant au plan individuel que collectif » (Dubet, 1994, p. 110).

L’expérience scolaire est donc définie par Dubet et Martucelli (1996, p. 62) comme la « […] manière dont les acteurs, individuels ou collectifs, combinent les diverses logiques de l’action qui structurent le monde scolaire ». Ses logiques de l’action peuvent être associées aux trois fonctions essentielles du système scolaire identifiées : socia-lisation (logique d’intégration), distribution des compétences (logique de la stratégie), éducation (logique de la subjectivation). Selon la lo-gique d’intégration, « [ê]tre élève, c’est comprendre et intérioriser les attentes de l’organisation, se situer dans l’ordre des hiérarchies sco-laires […] [et] se socialiser à travers le jeu des groupes d’apparte-nance et des groupes de référence » (Dubet et Martucelli, 1996, p. 62). En fonction de la logique de la stratégie, l’école est vue comme un « marché » où s’exerce une compétition pour l’obtention des di-plômes, incitant les élèves à déployer différentes stratégies en vue d’y [80] arriver qui tiennent compte de leurs ressources et de leurs inté-rêts. Pour sa part, la logique de la subjectivation considère que l’élève se définit comme sujet en opérant une distance entre son « moi » et les différents modèles qui lui sont proposés, maîtrisant ainsi sa propre expérience. L’expérience scolaire se construit donc en suivant le mo-dèle de « l’épreuve », qui dépend de plusieurs « variables fondamen-tales », dont l’âge et la position scolaire et sociale.

Dans le contexte de notre thèse, nous constatons que cette ap-proche est intéressante pour comprendre le sens conféré par les étu-diants autochtones à leurs études, mais qu’elle ne pourrait nous per-mettre de suffisamment insister sur le poids de l’influence historique ayant façonné le système d’éducation en milieu autochtone. À cet

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égard, nous nous inscrivons plutôt dans la théorie de la reproduction (voir section 4.1.5.) qui, avec l’apport de Lahire en termes de multidé-termination des individus (voir section 4.1.6.), permet de mieux expli-quer comment s’est historiquement opérée une ségrégation scolaire chez les Autochtones au Canada et comment elle s’est reproduite de génération en génération pour aujourd’hui limiter sérieusement les probabilités des membres des Premières Nations d’entreprendre des études universitaires.

4.1.3. « Nouvelle » sociologie de l’éducation

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Combinant les paradigmes conflictualiste et interactionniste, les auteurs les plus connus de cette approche sont Michael Young (1915-2002) et Basil Bernstein (1924-2000). En plus de développer une nou-velle approche théorique dans l’analyse des phénomènes éducatifs, la nouvelle sociologie de l’éducation considère que les enseignants doivent agir comme agents de changement social pour favoriser l’émergence d’une société plus démocratique (Gorbutt, 1972). Le livre Knowledge and Control (Young, 1971) regroupait des auteurs de dif-férents horizons autour de l’organisation des connaissances ensei-gnées à l’école et de leur influence sur les inégalités sociales obser-vées dans la société. Deux principales directions sont observées, à sa-voir des analyses davantage structurelles sur le système scolaire et une critique antipositiviste de la sociologie des connaissances.

On distingue également deux orientations dans les analyses propo-sées, soit la [81] perspective du contrôle social et celle de la phénomé-nologie, soulignant la volonté de réconcilier les points de vue macro-sociologique et microsociologique dans un cadre général expliquant les phénomènes éducatifs sous plusieurs angles. La perspective du contrôle social s’inspire de Weber et de Mills : l’école est considérée comme une institution que les groupes dominants réussissent à définir, notamment par le biais du contenu enseigné, et les connaissances ju-gées valables seraient davantage maîtrisées par les élèves issus des milieux favorisés puisqu’elles reflètent leur culture dite « légitime ». La perspective phénoménologique s’inspire de l’interactionnisme symbolique (Blumer), de l’ethnométhodologie (Garfinkel) et plus par-

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ticulièrement de l’approche dite de la construction sociale de la réalité (Berger et Luckman). Les individus donneraient donc un sens à leur action et définiraient eux-mêmes ce qui est considéré comme « la réa-lité », dans une perspective anti-déterministe, mais la nouvelle socio-logie de l’éducation tient aussi compte de leurs positions sociales pour saisir leur capacité de construire cette réalité.

En intégrant les perspectives du contrôle social et de la phénomé-nologie, on analyse donc la sélection et l’organisation des connais-sances scolaires sous trois angles : « la “construction sociale” de ces connaissances » ; « le processus d’interaction des agents du système scolaire » ; « le contrôle que des groupes y exercent en réussissant à faire prédominer leurs propres orientations et intérêts » (Trottier, 1987, p. 8). Enfin, le virage néo-marxiste amorcé dans la « seconde phase » (Trottier, 1987) de la nouvelle sociologie de l’éducation s’est beaucoup intégré dans ce qui deviendra la pédagogie critique (voir section 4.1.4.), qui peut en quelque sorte être considérée comme une « troisième phase » de la nouvelle sociologie de l’éducation (Luke, 1992).

Dans notre thèse, nous nous référerons davantage à la pédagogie critique, qui se veut le prolongement de cette approche tout de même intéressante par rapport à la reproduction de la société via l’école tout en rejetant la fatalité du déterminisme. Nous nous appuierons aussi en partie sur la théorie de la reproduction de Bourdieu et Passeron (1970), dont le premier auteur a également participé aux écrits initiaux de la nouvelle sociologie de l’éducation dans Knowledge and Control avant de faire école.

[82]

4.1.4. Pédagogie critique

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Paulo Freire (1921-1997) est souvent considéré comme le fonda-teur de la pédagogie critique, avec Pédagogie des opprimés (1969), mais le terme fut inventé par Henry A. Giroux (1983). Cette approche théorique élargit son analyse des inégalités sociales au-delà du revenu et de la scolarité, en développant une analyse intégrée des inégalités

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en termes de classes sociales, d’ethnicité, de sexe, d’orientation sexuelle, de religion et de tout autre facteur pertinent, le tout dans une approche dite intersectionnelle qui combine les différentes formes d’oppression. Ses influences théoriques et pratiques s’inspirent notam-ment de la philosophie pragmatiste de Dewey, des travaux de DuBois sur les communautés noires états-uniennes ou encore des théories de Bowles et Gintis au sujet de la correspondance entre le système d’édu-cation et le capitalisme. On remarque aussi l’influence de Freire (al-phabétisation) et de Boal (théâtre) sur la conscientisation des oppri-més et sur leur prise de conscience en vue de transformer la société. Enfin, on emprunte à Gramsci (hégémonie), Foucault (pouvoir) et à l’École de Francfort (capitalisme post-industriel) en considérant que l’école est une institution contrôlée par la classe dominante via l’État. La pédagogie critique considère que ce dernier apprend aux élèves à respecter et à reproduire les relations de pouvoir dans la société, mais que les enseignants et élèves bénéficient d’une certaine marge de ma-nœuvre pour transformer l’école et la société.

Freire rejette le modèle de l’« éducation-domination » au profit de l’« éducation-libération », une démarche d’apprentissage collaborative où « [é]ducateur et éduqués (leaders et masses), orientés ensemble vers la réalité, se rencontrent dans une tâche dans laquelle les deux sont sujets, agissant non seulement pour déchiffrer cette réalité et donc la connaître avec un esprit critique, mais aussi pour la re-créer » (Freire, 1974, p. 48-49). Il s’inspire notamment de Hegel et Marx dans l’intégration d’une perspective dialectique qui combine l’objectivité, avec l’analyse de la situation objective, et la subjectivité, avec l’ana-lyse des possibilités de modifier cette situation objective en tenant compte des contraintes objectives. Freire dénonce la conception dite « bancaire » de l’éducation, celle qui consiste à déposer des connais-sances chez les apprenants qui en accumulent le plus possible pour ensuite bien les répéter. Selon cette vision, « le “savoir” est une dona-tion de [83] ceux qui jugent qu’ils savent, à ceux qu’ils jugent igno-rants » (Freire, 1974, p. 51). Freire lui oppose une conception dite « conscientisante » et « libératrice » de l’éducation : le savoir doit plu-tôt être créé, questionné et intégré à la transformation de la réalité.

Selon la théorie de la résistance (Giroux, 1983), les acteurs peuvent prendre conscience des structures sociales qui limitent leur marge de manœuvre et de l’orientation hégémonique des connaissances sco-

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laires pour ensuite développer des stratégies visant à modifier les si-tuations d’apprentissage. Giroux (1981) développe donc sa théorie de la reproduction et de la transformation en considérant que l’école ne fait pas que reproduire l’ordre établi ou la culture légitime : elle contribue aussi à les remettre en question. S’opère ainsi une relation dialectique où l’école reproduit une situation existante tout en la trans-formant. Les acteurs scolaires ne sont par conséquent pas des « ma-rionnettes » sans volonté propre, bien que des structures sociales (qui ne sont pas immuables) déterminent les situations d’apprentissage. La pédagogie critique reprend par ailleurs plusieurs éléments de la nou-velle sociologie de l’éducation, notamment l’idée de s’intéresser aux curricula et aux pratiques pédagogiques en classe pour mieux com-prendre le contrôle du système scolaire par les groupes dominants. Elle combine aussi une analyse macrosociologique et une analyse mi-crosociologique puis s’intéresse particulièrement aux inégalités so-ciales, mais en élargissant son champ à toutes les formes d’oppres-sion. Enfin, elle considère que les enseignants peuvent contribuer à changer l’école et la société.

Par rapport à notre thèse, la pédagogie critique nous permet de mieux comprendre comment les inégalités sociales en termes de sco-larisation chez les Autochtones peuvent s’expliquer par la nature hé-gémonique de l’institution scolaire en milieu autochtone. On le constate en premier lieu avec la définition des curricula utilisés dans les écoles autochtones du Québec, qui correspondent avant tout à la culture de la majorité euro-québécoise. Nous ne nous référerons toute-fois pas à l’aspect appliqué de la pédagogie critique puisque, bien que notre recherche pourra contribuer dans un second temps à développer l’empowerment chez les Premières Nations, nous n’avons pas cherché à développer une pédagogie des opprimés où nous aurions travaillé à conscientiser les participants par rapport à leurs conditions de vie ob-jectives. Nous avons plutôt opté pour la position du chercheur [84] allochtone qui donne la parole aux Autochtones, tel qu’expliqué à la section 2.2.

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4.1.5. La reproduction

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Pierre Bourdieu (1930-2002) puise aux trois grands « classiques » de la sociologie que sont Durkheim, Weber et Marx, mais on peut tou-tefois le considérer comme néo-wébérien en ce qui concerne plus pré-cisément la sociologie de l’éducation. En effet, Petitat (1982) souligne que Bourdieu insiste à ce sujet davantage sur l’aspect culturel que sur l’aspect économique. Cela dit, son concept d’agent social vise à dé-passer l’opposition entre objectivisme et subjectivisme en considérant que les individus sont à la fois agis de l’intérieur (contrainte) et qu’ils agissent vers l’extérieur (action). Les structures sociales précèdent donc l’existence même des individus, nés dans un contexte social et historique donné, mais ces structures sociales ne sont pas « natu-relles » ou « omniscientes », reflétant plutôt le travail de construction opéré par les individus. Elles sont donc, dans une lutte permanente, constamment remises en question et redéfinies, ce que Bourdieu défi-nit comme un « constructivisme structuraliste » ou un « structuralisme constructiviste » :

Par structuralisme […], je veux dire qu’il existe, dans le monde social lui-même […] des structures objectives, indépendantes de la conscience et de la volonté des agents, qui sont capables d’orienter ou de contraindre leurs pratiques ou leurs représentations. […] Par constructivisme, je veux dire qu’il y a une genèse sociale d’une part des schèmes de perception, de pensée et d’action qui sont constitutifs de ce que j’appelle habitus, et d’autre part des structures sociales, et en particulier de ce que j’appelle des champs et des groupes, notamment de ce qu’on nomme d’ordinaire les classes sociales. (Bourdieu, 1987, p. 147)

Le sociologue du Béarn cherche ainsi à cartographier la société en analysant les relations entre ses différentes composantes dans ce qu’il appelle « espace social », qu’il compare à « un espace géographique à l’intérieur duquel on découpe des régions [...] construit de telle ma-nière que les agents, les groupes ou les institutions qui s’y trouvent ont d’autant plus de propriétés en commun qu’ils sont plus proches dans cet espace ; d’autant moins qu’ils sont plus éloignés » (Bourdieu, 1987, p. 151). Pour définir les différentes positions occupées dans

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l’espace social, on utilise principalement le critère de la possession du capital économique et culturel. Le concept de capital s’inscrit dans une analogie avec le marché, décliné en quatre types : le capital éco-nomique implique « différents facteurs de [85] production (terres, usines, travail) et l’ensemble des biens économiques : revenu, patri-moine, biens matériels » (Bonnewitz, 2002, p. 43-44) ; le capital culturel inclut l’« ensemble des qualifications intellectuelles, soit pro-duites par le système scolaire, soit transmises par la famille » (Bonne-witz, 2002, p. 43), à l’état incorporé, objectif et institutionnalisé ; le capital social se compose de l’« ensemble des relations sociales dont dispose un individu ou groupe » (Bonnewitz, 2002, p. 44), que l’on peut donc mobiliser et qu’il faut entretenir ; le capital symbolique est associé à l’« ensemble des rituels […] liés à l’honneur et à la recon-naissance. Il n’est finalement que le crédit et l’autorité que confèrent à un agent la reconnaissance et la possession des trois autres formes de capital » (Bonnewitz, 2002, p. 44). Une fois considérée la possession du capital économique et culturel, on peut alors regrouper les indivi-dus selon leurs caractéristiques communes en termes de volume glo-bal de capital économique et culturel dans l’espace social. On peut donc identifier les groupes sociaux (comme les catégories sociopro-fessionnelles) selon la quantité de capital qu’ils détiennent, mais on distingue la structure du capital, autrement dit les places respectives occupées par le capital économique et le capital culturel dans un groupe.

Les individus et groupes prennent aussi part à différentes activités s’inscrivant au sein de champs sociaux, chacun faisant l’objet d’une lutte pour un enjeu spécifique : il s’agit d’« espaces structurés de posi-tions (ou de postes) dont les propriétés dépendent de leur position dans ces espaces et qui peuvent être analysées indépendamment des caractéristiques de leurs occupants » (Bourdieu, 1980a, p. 113). De plus, certains champs dominants parviennent à imposer leurs règles du jeu au sein d’autres champs dominés, si bien que les règles du jeu de ces derniers doivent composer avec celles des premiers, comme c’est souvent le cas avec le champ économique. Enfin, l’habitus – « sys-tèm[e] de dispositions durables et transposables, structures structurées prédisposées à fonctionner comme structures structurantes » (Bour-dieu, 1980b, p. 88) – peut être défini comme ce qui lie l’individu au collectif. Ainsi, durant son apprentissage, l’agent incorpore sa sociali-

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sation et développe une « marge de manœuvre » représentant une va-riation par rapport à la norme définie selon sa position sociale.

[86]Au chapitre de l’éducation, Bourdieu et Passeron (1970) déve-

loppent la thèse néo-wébérienne voulant que l’école soit une institu-tion définie par les groupes dominants et qui reproduit les inégalités sociales. L’action pédagogique est celle par laquelle la violence sym-bolique – qui dissimule les rapports de force la rendant légitime – s’impose à l’école, surtout via les enseignants. Le système d’éduca-tion produit donc non seulement des connaissances, mais aussi des valeurs propres aux groupes dominants qui excluent les groupes domi-nés, dans le cadre d’une « double mission [...] : fonction propre d’in-culcation d’abord, fonction de reproduction d’un arbitraire culturel dont il n’est pas producteur ensuite » (Van Haecht, 2006, p. 33). En-fin, il « produit et reproduit, par les moyens propres de l’institution, les conditions nécessaires de l’exercice de sa fonction interne d’incul-cation […] [,] il implique les conditions institutionnelles de la mécon-naissance de la violence symbolique qu’il exerce […] [et sert] sous l’apparence de la neutralité, les groupes ou classes dont il reproduit l’arbitraire culturel » (Bourdieu et Passeron, 1970, p. 83-84).

En somme, même s’il s’adresse à tous, le système d’éducation est défini par les groupes dominants et favorise ceux qui en sont issus tout en prétendant « évaluer de la même manière chez tous les étudiants une compétence qu’il ne leur offre pas » puisqu’il offre « une infor-mation et une formation qui ne peuvent être assimilées pleinement » (Van Haecht, 2006, p. 35) que par ceux qui détiennent le capital cultu-rel nécessaire. Pour dépasser le rôle de reproduction conféré à l’école, Bourdieu et Passeron (1970, p. 112) proposent une « pédagogie ra-tionnelle » qui refléterait mieux les cultures des groupes dominés et « devrait prendre en compte le contenu de l’enseignement ou les fins professionnelles de la formation et, envisageant les divers types de rapports pédagogiques, elle ne devrait pas oublier leur rendement dif-férentiel selon l’origine sociale des étudiants ».

Dans le cadre de notre thèse, cette approche théorique nous permet de mieux comprendre le rôle de reproduction de l’école en milieu au-tochtone, dans un contexte où la très grande majorité en est encore largement exclue, au premier titre en termes d’obtention du diplôme

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d’études secondaires. Il nous offre aussi des outils conceptuels pour définir les inégalités au-delà de celles économiques, en ayant recours aux différents [87] types de capitaux pour expliquer le positionnement des Autochtones dans l’espace social. Nous pourrons aussi utiliser le concept de violence symbolique pour illustrer les rapports de pouvoir prenant forme au sein du système d’éducation par rapport à la faible considération pour les cultures autochtones. Bourdieu ne nous permet toutefois pas de saisir comment certains membres des Premières Na-tions réussissent à poursuivre des études universitaires puisque, comme nous l’apprend la recension des écrits, ils sont pour la plupart des étudiants de première génération, c’est-à-dire dont les parents n’ont pas fréquenté l’université 57. C’est plutôt chez Lahire, dans son prolongement critique de l’œuvre de Bourdieu, que nous avons trouvé les outils conceptuels permettant de saisir les facteurs explicatifs de la poursuite d’études universitaires chez les étudiants des Premières Na-tions.

4.1.6. Lahire et le prolongement critiquede la reproduction

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Dans L’homme pluriel (1998), Bernard Lahire reprend le concept d’habitus développé par Bourdieu en lui retirant sa dimension « globa-lisante », selon laquelle on retrouverait des habitus chez des groupes tels que la famille, la classe sociale ou la profession. On ne pourrait donc prédire les comportements d’un individu à partir de son habitus et il faudrait plutôt tenir compte de la multiplicité des contextes dans lesquels il évolue. L’auteur insiste davantage sur la nécessité d’analy-

57 Comme le mentionnent Kamanzi et al. (2010), le concept d’étu-diant de première génération (ÉPG) au postsecondaire peut être définie principalement de deux façons, selon que l’on insiste, d’une part, sur le fait qu’au moins un des deux parents a fréquenté le postsecondaire ou, d’autre part, sur le fait qu’au moins un des deux parents est diplômé du postsecondaire. Dans le cadre de cette thèse, nous avons choisi de nous référer à la première définition et, plus précisément, nous avons retenu la fréquentation universitaire puisque notre objet d’études concerne cet ordre d’enseignement.

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ser l’individu dans sa multidimensionnalité en tenant compte de sa psychologie, mais sans pour autant le considérer comme un acteur libre de toute contrainte extérieure, qui serait exclu de toute historici-té : « l’action est donc toujours le point de rencontre des expériences passées individuelles qui ont été incorporées sous forme de schèmes d’action (schèmes sensori-moteurs, schèmes de perception, d’évalua-tion, d’appréciation, etc.), d’habitudes, de manières (de voir, de sentir, de dire et de faire) et d’une situation sociale présente » (Lahire, 1998, p. 82). Pour analyser ces schèmes d’action propres à des situations spécifiques, on dépasse alors l’objectivisme et le subjectivisme, à la manière de Bourdieu, mais en [88] considérant que les facteurs so-ciaux ne sont pas les seuls expliquant les phénomènes étudiés en so-ciologie.

En somme, Lahire reprend plusieurs notions et concepts dévelop-pés par Bourdieu, dont l’habitus et le capital, tout en les utilisant dans un contexte davantage microsociologique, sans pour autant considérer l’individu comme un être « libre ». On étudie donc sociologiquement l’individu dans toute sa complexité, mais sans se baser sur le para-digme interactionniste, l’auteur insistant sur le fait que les individus sont déterminés socialement sous de multiples angles. Il ne s’agit pas non plus d’une sociologie purement déterministe puisqu’une même personne occupe différentes fonctions, différents rôles, différentes po-sitions dans une même société. En éducation, Lahire reprend l’essen-tiel de l’analyse développée par Bourdieu et Passeron (1970), en considérant que l’école transmet surtout le capital culturel à ceux qui en sont déjà bien dotés. Il veut toutefois comprendre comment cette transmission s’effectue en analysant plus finement les familles d’où sont issus les étudiants au moyen d’enquêtes de terrain, complétant de facto les conclusions tirées des statistiques sur la fréquentation et l’origine sociale analysées par Bourdieu et Passeron. Ce faisant, on constate que les enfants des familles au fort capital culturel réussissent généralement mieux à l’école, mais qu’il existe plusieurs exceptions, ce que Lahire souhaite comprendre au-delà d’une simple « déroga-tion » à la « loi » générale de la reproduction.

Or, la seule possession d’un capital culturel ne signifie pas qu’il se transmettra des parents aux enfants et c’est l’illusion qu’on peut déve-lopper en se limitant à la seule analyse statistique. Derrière la trans-mission ou l’héritage, se trouve tout un « travail d’appropriation et de

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construction » (Lahire, 1995, p. 277) que l’élève doit réaliser pour ac-quérir ce capital culturel. Qui plus est, les éléments constituant le ca-pital culturel des parents peuvent ne pas être utilisés (capital culturel dit « mort ») ou n’avoir que peu d’influence sur la réussite scolaire. À l’inverse, des familles faiblement dotées en capital culturel peuvent créer des contextes favorables à la réussite scolaire en accordant une grande place aux activités scolaires. Enfin, d’autres facteurs sont à considérer, dont le rapport à l’école au sein de la [89] famille, les identités sexuelles différenciées, les contradictions et instabilités 58.

Pour notre thèse, cette approche théorique nous permet donc d’ex-pliquer comment certains membres des Premières Nations du Québec ont pu poursuivre des études universitaires alors qu’ils font partie d’un groupe qui demeure encore largement exclu de l’enseignement supé-rieur. On comprend que ce n’est pas tant la possession d’un fort capi-tal culturel de la part de leurs parents qui devient un facteur explicatif central, mais bien les modalités de transmission du capital culturel de la part des parents et, plus particulièrement en milieu autochtone, de la famille élargie. À cet égard, on peut établir plusieurs liens avec les participants interviewés par Lahire, dont plusieurs provenaient de cultures minoritaires accordant une grande importance aux relations étendues de la famille élargie.

58 Par exemple, une famille analphabète peut valoriser l’école, alors qu’une autre moyennement éduquée peut transmettre un rapport négatif à l’école du fait de ses mauvaises expériences. Un garçon peut se définir davantage en lien avec son père et une fille avec sa mère, si bien que la transmission du capital culturel de l’autre pa-rent peut être atténuée. Au sein d’une même famille, il peut y avoir deux enfants aux résultats scolaires très différents, en plus de re-configurations de relations qui affecteront les pratiques éducatives.

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4.2. DIVERSITÉ ETHNOCULTURELLEEN ÉDUCATION

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Soulever la question des parcours universitaires des étudiants des Premières Nations du Québec conduit inévitablement à soulever celle de la diversité ethnoculturelle en éducation, ne serait-ce que parce que ces étudiants sont amenés à fréquenter des établissements où ils se retrouvent en situation minoritaire par rapport aux étudiants alloch-tones. Cet enjeu demeure toutefois omniprésent durant toute la scola-risation des élèves et étudiants autochtones car ces derniers s’insèrent dans un système scolaire encore largement défini par et pour la majo-rité allochtone, et ce, même lorsqu’ils fréquentent des écoles autoch-tones. Nous verrons donc dans cette section comment peut se théoriser la diversité ethnoculturelle en éducation afin de mieux nous position-ner dans notre cadre conceptuel.

4.2.1. Éducation interculturelle et multiculturelle

Malgré certaines divergences, les deux modèles de cette approche théorique ont en commun la reconnaissance et la célébration du plura-lisme, la construction de rapports [90] interculturels harmonieux, la lutte contre les préjugés et la valorisation de l’héritage culturel des élèves et étudiants des minorités. Le modèle interculturel se distingue du multiculturel avec la notion de culture commune et on observe une approche plus critique depuis les années 1980, avec un intérêt pour les relations de pouvoir et les structures à la source des inégalités en édu-cation, notamment sous l’influence de l’éducation antiraciste (Potvin et Larochelle-Audet, 2016, p. 111). L’interculturalisme est davantage présent au Québec, en Europe continentale et en Amérique latine, alors que le multiculturalisme l’est plutôt au Canada (hors-Québec), aux États-Unis et au Royaume-Uni.

L’UNESCO (2006, p. 18) distingue les deux modèles en considé-rant que l’ « éducation multiculturelle recourt à un enseignement sur d’autres cultures afin d’obtenir l’acceptation ou, du moins, la tolé-

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rance de ces cultures » et que l’éducation interculturelle « vise à aller au-delà d’une coexistence passive […] grâce à l’instauration d’une compréhension, d’un respect et d’un dialogue entre les différents groupes culturels ». L’idée centrale de l’intégration des minorités à la culture dominante est désormais davantage critiquée en raison de l’oc-cultation des rapports de pouvoir entre les groupes ethniques qu’elle dissimule (Henry et Tator, 2005). Cette critique a par exemple conduit Banks (2008) à considérer l’éducation multiculturelle comme un mou-vement de réforme éducative qui combat le racisme et les inégalités sociales à partir d’un questionnement des rapports de pouvoir et des structures qui les rendent possibles. Par contre, l’approche dite « tradi-tionnelle » du multiculturalisme consiste surtout à combattre les préju-gés et le racisme à l’échelle individuelle en promouvant la tolérance. Dès lors, l’éducation interculturelle et multiculturelle a beaucoup em-prunté à l’éducation antiraciste et aux approches critiques et transfor-matives que nous aborderons à la prochaine section.

L’approche théorique de l’éducation interculturelle et multicultu-relle vise donc surtout l’intégration des immigrants à la société d’ac-cueil, mais le cas des Autochtones au Québec se distingue, dans la mesure où il s’agit de nations qui ne peuvent être réduites à leur statut de minorités démographiques. Dans cette optique, Bouchard (2012) refuse même d’inclure les Autochtones dans sa définition du modèle interculturel québécois puisque ces derniers négocient de nation à na-tion avec le gouvernement québécois et rejettent le statut [91] de mi-norités. L’auteur avance que « la question du rapport entre les Autoch-tones et l’interculturalisme doit être mise de côté pour le moment, bien qu’une disposition importante soit d’ores et déjà acquise, soit la reconnaissance du Québec comme État plurinational » (p. 17). Nous pouvons cependant considérer que l’interculturalisme en contexte québécois cherche à favoriser l’intégration des immigrants à la culture francophone (allochtone) majoritaire, tout en reconnaissant une rela-tive autodétermination des nations autochtones, sans pour autant que ces dernières ne remettent fondamentalement en question le modèle dominant des institutions provinciales. Or, l’interculturalisme québé-cois prend un sens particulier puisqu’on y retrouve une majorité dite « fragile », c’est-à-dire à la fois minoritaire au pays (Canada) et majo-ritaire à l’échelle provinciale (Québec), à l’instar des Catalans en Es-pagne et des catholiques en Irlande du Nord (McAndrew, 2010). Nous

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considérerons donc avec Marie McAndrew que « les francophones constituent la majorité fragile au Québec, bien que ce degré de fragili-té varie selon que l’on aborde ses rapports avec les groupes anglo-phone, immigrant ou autochtone » (p. 14).

Dans notre thèse, nous analyserons la diversité ethnoculturelle en éducation soulevée par le cas des étudiants des Premières Nations dans les universités québécoises à l’aide d’un cadre théorique intercul-turaliste critique, où les rapports de pouvoir s’opèrent non seulement entre la société d’accueil et les nouveaux arrivants, mais aussi entre le groupe majoritaire (francophone allochtone) et les nations autochtones qui, plutôt que d’être reléguées au statut de minorités, sont considé-rées comme des nations au sein d’un État plurinational québécois, lui-même intégré à un État plurinational canadien. Plus précisément, nous nous inspirerons de la théorie de Danielle Juteau (1999) pour analyser les rapports intergroupes entre Autochtones, francophones, anglo-phones et immigrants, en considérant les rapports de pouvoir ayant constitué les faces externes de ces quatre groupes ethniques.

Ainsi, l’ethnicité n’est pas seulement un ensemble de traits parta-gés par un groupe d’individus : elle se produit à travers une frontière à double face plus ou moins rigide qui relève d’une logique à la fois externe et interne. La face externe concerne la différenciation [92] « nous – eux » et se construit à travers les relations sociales marquées par des rapports de pouvoir, alors que la face interne socialise chaque individu au sein d’un groupe ethnique comme être historique et membre d’un groupe d’appartenance (le « nous »). C’est donc la face externe qui « commande la construction d’une face interne spécifique-ment ethnique et qui convertit la culture en ethnicité » (Juteau, 1999, p. 166). Dans ce contexte, les groupes minoritaires ont un fondement relationnel car ils sont définis par des rapports de pouvoirs entre les groupes dominants et dominés, comme l’illustre très bien le cas des Premières Nations, longtemps réduites à n’être que « l’envers du Blanc » (Simard, 2003).

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4.2.2. Éducation antiracisteet approches critiques et transformatives

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Cette approche théorique est née de la critique de l’éducation mul-ticulturelle dans les pays anglo-saxons et regroupe la « pédagogie cri-tique de la race », la théorie postcoloniale et l’afrocentricité (Potvin et Larochelle-Audet, 2016). Elle critique les rapports de pouvoir à la source des inégalités en éducation, attendu que les préjugés et la dis-crimination sont produits par ces rapports inégaux, et considère l’in-tersectionnalité des marqueurs ethniques avec d’autres formes d’op-pression (Taylor, Gillborn et Ladson-Bilings, 2009). Dans cette op-tique, elle s’intéresse aux différentes formes d’oppression vécues par les groupes marginalisés et ségrégués, en insistant aussi sur les capaci-tés de transformation que le système d’éducation peut offrir en termes d’empowerment, à la manière de ce que proposait Freire (1974) avec la pédagogie de la libération. Ainsi, la diversité ethnoculturelle de-vient un des facteurs explicatifs des inégalités entre les groupes so-ciaux et une analyse systémique de ces facteurs permet de mieux com-prendre comment le système d’enseignement peut participer à la re-production de ces inégalités, notamment en termes de réussite scolaire (Cochran-Smith, 2004). Si cette approche a nettement influencé la précédente, elle a toutefois été très peu adoptée par les systèmes d’éducation en raison d’une certaine résistance au sein des écoles, no-tamment « les enseignants [qui] sont généralement d’accord en prin-cipe avec les objectifs de l’éducation antiraciste mais très peu la sou-tiennent en pratique » (Potvin et Carr, 2008, p. 203).

Nous considérons qu’il s’agit d’une approche théorique très riche pour analyser les rapports intergroupes dans le contexte colonial cana-dien ayant donné lieu à une redéfinition [93] des rapports entre les groupes ethniques autochtones, redéfinition opérée par l’imposition de normes et valeurs dominantes de la société allochtone majoritaire, ce qui s’est particulièrement fait sentir en éducation. Elle nous permet également de mieux comprendre que l’université est aujourd’hui sou-mise à des pressions pour l’amener à un modèle de corporation (Gi-roux, 2002) en vue d’adopter les règles du jeu propres au champ éco-nomique (Ratel, 2006). Elle peut cependant accomplir sa mission de

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démocratisation du savoir en adoptant le modèle de la sphère publique démocratique (Giroux, 2002), qui consiste à améliorer la qualité de vie de ses membres et de la société en général, et ce, plus particulière-ment auprès des groupes marginalisés, comme c’est le cas chez les Autochtones. On comprend dès lors que la « décolonisation » de l’uni-versité (Battiste, 2013 ; Battiste, Bell et Findlay, 2002) vise à conduire cette dernière à mieux tenir compte des cultures autochtones et à s’in-terroger sur ses propres a priori culturels ayant historiquement contri-bué à marginaliser les apports des Autochtones à la science (Smith, 2012).

The interrelated strands of scholarship and experience intersect to weave solutions not only to decolonize education, but also to sustain the Indigenous renaissance and to empower intercultural diplomacy. Renais-sance and empowerment are two essential features of the postcolonial mo-vement. Postcolonialism is not about rejecting all theory or research of Western knowledge. It is about creating a new space where Indigenous peoples’ knowledge, identity, and future is calculated into the global and contemporary equation. (Battiste, 2013, p. 185)

Ce faisant, la recension des écrits nous a permis de constater que les étudiants autochtones poursuivent généralement des études univer-sitaires en vue d’améliorer les conditions de vie dans leurs propres communautés et plus largement en milieu autochtone (Moore-Eyman, 1981a ; Krause et Stephens, 1992 ; Collier, 1993 ; Winter, 1998 ; Du-four, 2015a). Dans cette optique, nous nous inspirerons du concept de projet de vie (life project) de l’anthropologue Mario Blaser (2004) pour nous aider à comprendre comment des étudiants autochtones peuvent ancrer leurs projets scolaires dans la réalisation de projets col-lectifs qui impliquent les collectivités autochtones.

Life projects are embedded in local histories ; they encompass visions of the world and the future that are distinct from those embodied by pro-jects promoted by state and markets. Life projects diverge from develop-ment in their attention to the uniqueness of people’s experiences of place and self and their [94] rejection of visions that claim to be universal. Thus, life projects are premissed [sic] on densely and uniquely woven “threads” of landscapes, memories, expectations and desires. (Blaser, 2004, p. 26)

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4.2.3. Éducation à la citoyenneté démocratiqueet aux droits humains

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Cette approche théorique fait la promotion des droits humains et des valeurs démocratiques pour former les futurs citoyens d’une même nation. La diversité ethnoculturelle en éducation est alors conçue en termes de conditions de la cohésion sociale et de modalités de la négociation d’espaces communs dans une société pluraliste. Au-trefois associée à une assimilation des individus au groupe majoritaire, cette approche s’est profondément modifiée à la suite des critiques qui lui furent adressées concernant la négation des différences culturelles défendue antérieurement par l’éducation civique (Audigier, 2006). Elle repose désormais sur une « citoyenneté transformative, axée sur le principe de réciprocité des droits humains et sur l’interrelation ac-crue entre des individus mobilisant plusieurs identités à la fois » (Pot-vin et Larochelle-Audet, 2016, p. 116).

En somme, elle s’intéresse aux conditions de création d’une ci-toyenneté où le vivre-ensemble se comprend aussi à l’échelle interna-tionale, en lien avec la notion de droits humains universels, et cherche à définir « les conditions de la cohésion sociale et les modalités de la négociation d’espaces communs dans une société caractérisée par un pluralisme multiforme (Tessier et Mc Andrew, 2001) » (Potvin et La-rochelle-Audet, 2016, p. 116). Nous considérons donc que l’éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits humains s’avère peu perti-nente dans le cadre de notre recherche puisque nous n’abordons pas le thème de la citoyenneté. En effet, nous nous intéressons davantage, dans une perspective interculturelle critique, au dépassement du rap-port colonial qui a redéfini les identités autochtones selon les fron-tières des États qui se sont appropriés leurs territoires, empruntant par conséquent aux deux approches théoriques précédentes.

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4.2.4. Éducation inclusive

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Cette dernière approche théorique se veut systémique et vise à transformer le système d’éducation pour éliminer l’exclusion scolaire et sociale, axée autour de l’équité, de la diversité et de la justice so-ciale. Elle dépasse les divergences des trois approches [94] précé-dentes en les réunissant autour de l’équité et en promouvant des pra-tiques équitables, une vision globale et systémique, une responsabilité et une imputabilité de tous les acteurs, ainsi que des attentes éduca-tives élevées. Elle adopte aussi la perspective des droits de l’enfant, à l’instar de l’approche précédente, en reposant sur la prise en compte des réalités, expériences et besoins de l’enfant (Potvin et Larochelle-Audet, 2016). Enfin, l’éducation inclusive se fonde sur quatre prin-cipes d’action :

1. Des pratiques équitables qui reposent sur les besoins différenciés des élèves, leurs « capabilités » et leurs droits.

2. Une vision globale et systémique faisant de l’équité et du respect des droits un projet institutionnel continu.

3. La (co)responsabilité et l’imputabilité de tous les acteurs envers la réussite éducative et l’actualisation du potentiel des élèves.

4. Des attentes éducatives élevées envers les écoles et les élèves, pre-nant appui sur le développement d’indicateurs de performance. (Potvin et Larochelle-Audet, 2016, p. 117)

L’éducation inclusive emprunte donc plusieurs éléments issus de l’éducation antiraciste ainsi que des approches critiques et transforma-tives, dont la prise en compte des rapports de pouvoir à la source des inégalités entre les groupes ethniques (Potvin, 2015) et le développe-ment d’un système d’éducation qui combat ces inégalités en favori-sant l’empowerment des minorités marginalisées. À l’instar de l’édu-cation à la citoyenneté démocratique et aux droits humains, elle cherche aussi à assurer que le droit à l’éducation pour tous soit respec-té, et ce, en tenant compte des différences de tous et chacun. Nous avons toutefois choisi de ne pas l’intégrer à notre analyse puisque

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l’éducation inclusive se veut nettement plus appliquée que ne le sont nos objectifs de recherche. Ces derniers visent avant tout à contribuer à une meilleure connaissance du phénomène des études universitaires chez les Premières Nations du Québec et mieux comprendre le sens conféré à leurs parcours universitaires par les étudiants de ces Pre-mières Nations. Nous pourrions toutefois y recourir en vue de déve-lopper des programmes d’évaluation des pratiques des établissements postsecondaires accueillant des étudiants autochtones, à l’instar de ce que propose Pidgeon (2016).

[96]

4.3. NOTRE CADRE CONCEPTUEL

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Nous nous appuyons sur les approches théoriques de Bernard La-hire et Danielle Juteau puis nous mobilisons principalement certains concepts développés par Marie Battiste, Henry Giroux, Mario Blaser et Marie McAndrew.

2010)A

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 136

Figure 4.1. Cadre conceptuelDécolonia-

tion de l’éducation (Battiste, 2013)s

2010)A

Modalités de tras-mission du capital culturel (Lahire,

1995)n

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Dans un premier temps, Lahire (1995) nous permet d’analyser ce qui explique que des membres des Premières Nations parviennent à l’université alors qu’ils proviennent d’une population pour laquelle ce passage est encore plutôt exceptionnel. La recension des écrits nous a appris que les étudiants autochtones étaient très fortement de première génération et nous en retiendrons que ce n’est pas la forte détention du capital culturel des [97] parents qui explique la poursuite d’études uni-versitaires chez cette population. Ainsi, tout en reconnaissant l’apport de la théorie de la reproduction (Bourdieu et Passeron, 1970), qui dé-montre que les élèves de familles à fort capital culturel privilégient la poursuite d’études supérieures, Lahire analyse plus précisément les exceptions à cette règle à l’aune des modalités de transmission du ca-pital culturel. Le cas des étudiants universitaires des Premières Na-tions s’inscrit donc très bien dans cette approche puisqu’il s’agit d’in-dividus provenant de milieux où la culture scolaire est encore assez peu présente, et ce, sans parler des expériences négatives héritées des pensionnats.

D’un point de vue macrosociologique, force est cependant de constater que les taux de diplomation secondaire et collégiale créent des conditions défavorables à la poursuite d’études universitaires chez les Premières Nations. Dans ce contexte, nous considérons que la théorie de la reproduction (Bourdieu et Passeron, 1970) explique pourquoi si peu de membres des Premières Nations fréquentent au-jourd’hui l’université, mais que la théorie de Lahire explique com-ment certains parmi ceux-ci parviennent à le faire. Ce faisant, nous retiendrons que les étudiants universitaires des Premières Nations connaissent des modalités de transmission du capital culturel (plus précisément scolaire) favorables de la part de leurs parents et/ou de leur famille élargie, sans pour autant que ces derniers ne possèdent eux-mêmes un fort capital culturel. Plus précisément, c’est le rapport positif de la famille à l’institution scolaire qui devient un facteur dé-terminant, et ce, indépendamment de leur scolarité.

Pour sa part, la théorie de Juteau (1999) nous permet d’analyser l’identité autochtone chez les participants en considérant qu’elle est construite à travers des rapports d’ethnicité. Ce faisant, c’est en identi-fiant les frontières ethniques au sein d’une société qu’un groupe eth-nique est défini, son statut majoritaire ou minoritaire exerçant alors une influence considérable sur la manière dont il se définit et l’est par

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les autres groupes. Dans le cas de la société québécoise, nous pouvons identifier différents groupes en fonction des faces internes et externes sur un critère à la fois linguistique (francophone, anglophone, allo-phone) et colonial (autochtone, allochtone). On retrouve alors un groupe majoritaire constitué des allochtones, qui eux-mêmes re-groupent les groupes francophone, anglophone [98] et allophone puis permet, par un effet miroir (face externe), de définir le groupe minori-taire autochtone, lui-même composé d’une grande diversité en termes de nations, groupes, langues, régions, histoires, etc. Le groupe « au-tochtone » est ainsi dénommé parce qu’il se réfère au groupe qui oc-cupait le territoire avant l’arrivée des Européens et son unité se com-prend d’abord en référence aux rapports de pouvoir issus de la coloni-sation. Or, l’identité autochtone des étudiants universitaires des Pre-mières Nations inclut une diversité de pratiques et de représentations que nous analyserons de manière à tenir compte de l’autochtonie à différentes échelles (internationale, nationale, régionale, locale et fa-miliale). On retrouve ainsi des frontières externes et internes à l’inté-rieur du groupe autochtone et l’identité autochtone ne se vit pas de la même façon chez tous les étudiants 59, ni non plus de manière linéaire dans leurs parcours universitaires 60.

59 Suivant Alfred et Corntassel (2005), nous considérons que l’iden-tité autochtone découle du colonialisme puisque c’est la colonisa-tion qui distingue les Autochtones (peuples colonisés) des alloch-tones (peuples colonisateurs) : « The communities, clans, nations and tribes we call Indigenous peoples are just that : Indigenous to the lands they inhabit, in contrast to and in contention with the co-lonial societies and states that have spread out from Europe and other centres of empire. » (p. 1). Cette thèse rejoint celle de la ré-duction de l’Autochtone par Simard (2003) ainsi que celle de Ju-teau (1999) concernant la constitution de la face interne du groupe ethnique par l’influence des relations de pouvoir qui ont façonné sa face externe.

60 Ce qui se réfère aussi à la notion de variations intra-individuelles et inter-individuelles du rapport à la culture développé par Lahire (2006). Dans la société contemporaine, où les individus connaissent des déterminations multiples influençant ce rapport à la culture, l’auteur souligne d’ailleurs « la prédominance de la dis-sonance culturelle dans tous les milieux sociaux » (p. 205).

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Ensuite, le concept de majorité fragile (McAndrew, 2010) en édu-cation nous permet d’expliquer le statut particulier de l’identité au-tochtone dans le contexte québécois puisque les francophones sont minoritaires au Canada, mais majoritaires dans une province où ils ont par conséquent pu développer des institutions correspondant davan-tage à leurs aspirations que dans les autres provinces et territoires ca-nadiens. C’est pourquoi le système d’éducation québécois s’est sur-tout développé à partir des années 1960, dans une période où les fran-cophones du Québec ont commencé à s’identifier comme Québécois plutôt que Canadiens français. Dès lors, le statut de « majorité fra-gile » des allochtones francophones a conduit à une relation différente avec les Autochtones que ce qui se voit ailleurs au Canada, où les Au-tochtones se retrouvent face à une majorité allochtone anglophone qui est aussi majoritaire à l’échelle du pays. Par ailleurs, le célèbre « maîtres chez nous » prononcé par Jean Lesage en 1962 ne s’appli-quait qu’au groupe majoritaire francophone [99] et le développement de la Baie-James qui s’ensuivit ne tenait à l’origine aucunement compte des revendications territoriales des Cris, ceux-ci n’ayant obte-nu voix au chapitre qu’après de longs combats juridiques et politiques (Simard, 2003).

Ce faisant, la langue allochtone dans laquelle les Autochtones sont scolarisés (français ou anglais) influence nettement leurs relations avec les allochtones francophones et anglophones. On comprend aussi que le système d’éducation est lui-même divisé entre secteurs franco-phone et anglophone et que, dans celui francophone, c’est « l’idéolo-gie du rattrapage » (Fournier et Houle, 1980) qui a conduit au déve-loppement tous azimuts du réseau universitaire dans les années 1960, en vue d’accroître la diplomation chez les francophones. Pour sa part, le réseau universitaire anglophone reste limité à la région montréalaise et, dans une moindre mesure, à l’Estrie, si bien que les Autochtones scolarisés en anglais connaissent des défis supplémentaires en termes d’accessibilité régionale aux études universitaires 61. Dès lors, les ef-forts déployés pour diplômer davantage d’étudiants autochtones ont été assez limités jusqu’à une époque plutôt récente, à l’exception des initiatives de l’UQAC amorcées dans les années 1970. Nous considé-rons par conséquent que le statut de majorité fragile des francophones

61 Bien que certaines formations en anglais soient offertes aux Au-tochtones par l’UQAT à son campus de Val-d’Or.

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a conduit ce groupe à s’intéresser d’abord à sa propre scolarisation universitaire, dans la foulée de l’idéologie du rattrapage. Ce n’est qu’au lendemain de la Crise d’Oka (1990), notamment avec le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones (Erasmus et Dussault, 1996), que les Québécois ont commencé à prendre conscience de la présence autochtone au Québec. C’est aussi dans ce contexte que les universités québécoises ont revu leur offre de ser-vices aux Autochtones, non seulement aux étudiants, mais aussi aux communautés et aux organisations.

Dans cette optique, nous reprenons chez Battiste (2013) le concept de décolonisation de l’éducation. Si l’université québécoise, à l’instar de ce qui se fait ailleurs en Occident, est avant tout définie par et pour la majorité allochtone, on comprend qu’elle puisse néanmoins offrir aux étudiants des Premières Nations l’occasion d’améliorer leurs propres conditions de vie et celles de leur groupe d’appartenance, dans la mesure où leurs [100] cultures y sont valorisées. Ainsi, les étu-diants peuvent eux-mêmes participer à une certaine décolonisation de l’université en y faisant entendre leurs propres voix en classe ou dans leurs recherches. Cette décolonisation de l’université s’inscrit dès lors dans la continuité du concept de sphère publique démocratique appli-qué à l’université par Giroux (2002). Étant donné la pression exercée sur l’institution universitaire en vue de répondre aux besoins du mar-ché du travail (enseignement) et du marché lui-même (recherche), nous avançons avec Giroux que l’université peut résister à cette « culture corporative » en valorisant une culture démocratique desti-née à améliorer la qualité de vie des étudiants et de son personnel, mais aussi de la société dans son ensemble, et ce, plus particulière-ment chez les groupes marginalisés.

En l’occurrence, la participation accrue des Autochtones aux éta-blissements universitaires peut s’inscrire dans cette logique démocra-tique où les étudiants ne font pas qu’étudier en vue d’obtenir un em-ploi pour eux-mêmes. Dès lors, pour analyser la finalité des parcours universitaires des étudiants des Premières Nations, nous reprenons chez Blaser (2004) le concept de « projet de vie », mais avec une in-terprétation plus large qui considère que l’implication auprès des Au-tochtones peut prendre forme au-delà de la communauté d’origine de l’étudiant. Nous considérons donc que les étudiants universitaires des Premières Nations se montrent critiques par rapport au développement

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économique comme moteur de changement et cherchent à améliorer le mieux-être chez les Autochtones dans le respect des cultures lo-cales. Leurs projets d’études impliquent donc les collectivités autoch-tones dans leurs finalités et dépassent la stricte sphère individuelle. Ainsi, leur passage à l’université ne s’explique pas par une négation de leurs cultures 62, bien au contraire. En somme, même si les Autoch-tones restent conscients de la position précaire de leurs cultures dans le système d’éducation québécois, certains peuvent [101] néanmoins y développer un rapport positif à l’institution scolaire et le transmettre à leurs enfants en vue de favoriser le mieux-être chez les Autochtones et ainsi améliorer une situation socioéconomique défavorable.

Pour mener à bien notre analyse des parcours étudiants, nous au-rons aussi recours au concept de rapport aux études tel que défini par Doré, Hamel et Méthot (2008). Nous cherchons donc à comprendre si les étudiants universitaires des Premières Nations s’inscrivent davan-tage dans un rapport instrumental aux études – reposant sur les valeurs d’application au travail, de conformité aux règles et d’esprit de réus-site – ou de rapport expressif – reposant plutôt sur des valeurs d’indi-vidualité, d’esprit d’indépendance et de capacité d’initiative (p. 8). Nous aurons aussi recours, pour mieux comprendre par où passent les étudiants universitaires des Premières Nations, au concept de métier d’étudiant (Coulon, 1997). Le métier d’étudiant insiste sur le passage du temps de l’étrangeté (où l’étudiant manque de repères), au temps de l’apprentissage (où il cherche à s’adapter) puis, finalement, au

62 En ce qui concerne le concept de culture lui-même, nous nous ré-férerons à la définition de Merrill (1961, p. 131-132), qui offre une intéressante synthèse de ses différentes dimensions : « le résultat caractéristique de l’action humaine, le produit de l’interaction so-ciale ; elle fournit les modèles socialement acceptés pour satisfaire les besoins biologiques et sociaux ; elle est cumulative en tant que transmise de génération en génération dans une société donnée ; elle permet la production du sens par son caractère symbolique ; elle est apprise par chaque personne au cours de son apprentissage dans une société particulière ; elle est une composante de base de la personnalité ; son existence dépend du fonctionnement continuel de la société mais est indépendante des individus ou des groupes ». (traduction de Jean-Guy Lacroix, dans son recueil de textes du cours Sociologie de la culture, offert à l’UQAM à l’hiver 2002).

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temps de l’affiliation (où il maîtrise les règles). Le concept de turning point 63 (Abbott, 2010), consistant en « des changements courts entraî-nant des conséquences, qui opèrent la réorientation d’un processus » (p. 307), sera utilisé pour saisir les événements marquants dans les parcours des étudiants qui les ont conduits à redéfinir leurs projets. Pour sa part, la notion de bifurcation (Grossetti, 2006) s’inscrit dans la même veine que ce concept, mais « elle met plus l’accent sur l’impré-visibilité des situations » (p. 15), ce qui nous aidera à analyser les pos-sibles réorientations en tenant compte d’influences extérieures que les étudiants n’ont pas forcément envisager.

Enfin, le concept d’étudiant de première génération (ÉPG) au post-secondaire peut être défini principalement de deux façons, selon que l’on insiste, d’une part, sur le fait qu’au moins un des deux parents a fréquenté le postsecondaire ou, d’autre part, sur le fait qu’au moins un des deux parents est diplômé du postsecondaire (Kamanzi et al., 2010). Nous avons choisi de nous référer à la première définition et, plus précisément, nous avons retenu la fréquentation universitaire puisque notre objet d’études concerne cet ordre d’enseignement. Ce choix du critère de fréquentation plutôt que de diplomation est surtout [102] basé sur le fait que la proportion de détenteurs d’un grade uni-versitaire chez les Premières Nations reste encore très faible (voir sec-tion 1.1.3.4.). Dans ce contexte, le simple fait d’avoir intégré l’univer-sité indique déjà la valeur accordée par les parents à la poursuite de telles études, les enfants ayant alors connu un modèle universitaire proche d’eux.

63 Que l’on peut traduire par « moment décisif ».

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Du projet d’études au projet de vie.

Deuxième partieRÉSULTATS ET

INTERPRÉTATIONS

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[104]

Deuxième partie : Résultats et interprétations

Chapitre 5

RAPPORT À L’IDENTITÉET AUX CULTURES

AUTOCHTONES

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Ce premier chapitre d’analyse des résultats concerne plus spécifi-quement notre objectif de recherche visant à comprendre le rapport à l’identité et aux cultures autochtones chez les étudiants et diplômés des Premières Nations. Pour y parvenir, nous aurons recours à la théo-rie de Juteau (1999) afin d’analyser comment la face externe de l’identité ethnique autochtone contribue à définir sa face interne. Nous aborderons ensuite les limites soulevées chez les participants par ce découpage, dans la mesure où ils parviennent à franchir la frontière séparant l’une et l’autre faces.

Nous verrons également que ce qui compose le groupe autochtone s’avère très hétérogène chez les participants, son homogénéité résul-tant avant tout de sa réduction à un dénominateur commun, par le groupe majoritaire, issu du processus de colonisation. Le lecteur constatera enfin comment les participants définissent leurs cultures respectives et comment ils les intègrent dans leurs propres pratiques et représentations. Nous souhaitons donc ici comprendre comment se déploie le rapport à l’identité et aux cultures autochtones chez les étu-diants et diplômés des Premières Nations. Le chapitre VI sera l’occa-sion de nous intéresser plus précisément à leurs parcours scolaires et nous analyserons au chapitre VII comment leur appartenance cultu-relle influence leurs études universitaires et leurs projets ultérieurs.

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5.1. IDENTITÉ ETHNIQUE

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L’identité autochtone a cette particularité d’avoir d’abord été défi-nie comme « l’envers du Blanc », pour reprendre l’expression de Si-mard (2003). C’est donc le colonialisme qui a réduit les identités eth-niques de l’ensemble de ces groupes, dont l’arrivée a précédé celle des Européens en Amérique, à cette catégorie dite « autochtone ». Dans cette optique, Juteau (1999) nous permet de mieux saisir la manière dont les étudiants et diplômés universitaires rencontrés définissent leur identité en tant que membres de ce grand groupe autochtone.

[105]

5.1.1. Face externe

La face externe résulte du « premier processus d’établissement des frontières [qui] est celui qui différencie le "eux" du "nous". Cette face externe de la frontière se construit dans le cadre des relations sociales [...] » (Juteau, 1999, p. 163). C’est donc elle « qui commande la construction d’une face interne spécifiquement ethnique et qui conver-tit la culture en ethnicité » (Juteau, 1999, p. 166) et nous commence-rons par conséquent la présentation de ce chapitre par les thèmes qui ressortent de l’analyse du corpus en lien avec cette face.

5.1.1.1. Assimilation et colonisation

Le rapport à l’identité autochtone chez les participants demeure étroitement ancré dans l’histoire commune des peuples autochtones associée à la colonisation et aux pressions à l’assimilation exercées par l’État, notamment via le système d’éducation. Le fait qu’il soit évoqué par 15 des 23 participants traduit non seulement son influence dans l’histoire des Autochtones, mais aussi ses effets contemporains. C’est aussi d’abord à partir de la colonisation que la face externe de

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l’ethnicité autochtone s’est construite, réduisant les identités propres ayant émergé avant l’arrivée des premiers colons européens à un dé-nominateur commun : le fait d’avoir habité le territoire en premier. Cet élément central peut donc être considéré comme la pierre d’assise sur laquelle repose l’identité autochtone, ce qui se reflète dans le dis-cours des participants. Ainsi, ces derniers reviennent fréquemment sur leur statut de membres de nations placées sous la tutelle de l’État ca-nadien et plus largement sous celle de la société majoritaire alloch-tone.

Si l’on peut par exemple avancer que le colonialisme a engendré les « Indiens », on ne peut affirmer que les « visages pâles » ont généré les rites, les formes organisationnelles et les identités qui sont antérieures à leur domination. Les frontières ethniques comportent ainsi deux faces qui s’établissent de façon simultanée : la première, externe, se construit dans le rapport inégalitaire constitutif du « nous » et du « eux ». L’émergence des « Indiens » en représente un exemple. La seconde, interne, renvoie au rapport que le groupe ainsi reconfiguré établit avec sa spécificité histo-rique et culturelle. (Juteau, 1999, p. 186)

[106]À ce sujet, Hélène 64 avance par exemple que la culture québécoise

est devenue davantage multiculturelle, mais conserve néanmoins son « côté colonisateur » qui lui déplaît. On retrouverait donc dans la culture dominante une ouverture sur le monde jumelée à un manque de reconnaissance des cultures autochtones au Québec. Martine in-dique également que plusieurs Autochtones développent une faible estime de soi en raison d’une dévalorisation de leurs cultures occa-sionnée par le colonialisme : ce ne sont donc pas seulement les terres qui furent colonisées, mais aussi les esprits des Autochtones. Cela oc-casionne chez plusieurs un complexe d’infériorité qui n’est pas sans rappeler cette mentalité de colonisé décrite et décriée par Fanon (1978).

64 Tout au long de cette thèse, nous nous référerons aux participants en utilisant des pseudonymes et nous ne mentionnerons aucun ren-seignement permettant trop facilement de les identifier. Ces pré-cautions sont nécessaires afin de garantir leur anonymat, comme nous nous y sommes engagé auprès de chacun d’eux.

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Avec le colonialisme, les gens qui disent : « Ah ! Elle, elle a du sang blanc, c’est pour ça qu’elle réussit ! ». Ça, c’est niaiseux, mais il y a une pensée comme ça qui se perpétue. [...] Mais je trouve ça tellement poche, de dire ça, à la place de juste dire : « On est fiers ». C’est comme un peu se rabaisser, tu sais. C’est un sentiment d’infériorité qui est encore très présent. (Martine)

Dans un contexte scolaire, on aborde également la colonisation en lien avec le peu de place accordée en classe à l’histoire des Autoch-tones, comme l’illustre Isabelle : « J’avais un prof [...] d’histoire qui était beaucoup axé sur la colonisation, sur l’histoire [de la municipa-lité], [de la région], mais la nôtre... […] [On] nous disait rien de ce qui s’était passé avant ». Dans le même ordre d’idées, en suivant des cours universitaires spécifiquement axés sur des thématiques autoch-tones, elle aurait grandement apprécié entendre davantage les points de vue autochtones, étant déçue de ce que « c’était encore la même routine : c’étaient des Blancs qui nous expliquaient des affaires. […] C’est ça qui m’a fait décrocher aussi beaucoup... ». Or, c’est précisé-ment pour renverser cette tendance à l’effacement des Autochtones dans l’histoire que Monique aimerait « décoloniser » son domaine d’études, c’est-à-dire y apporter son point de vue de chercheuse au-tochtone.

Le rapport à la langue est souvent invoqué en lien avec l’assimila-tion 65. Ainsi, [107] Emily avance que sa langue est en train de dispa-raître lentement en étant progressivement remplacée par un « slang » moins formel, fortement influencé par l’anglais. Alors que les cultures autochtones cherchent non seulement à survivre, mais aussi se déve-lopper, on comprend que le mouvement de revitalisation amorcé au cours des dernières décennies (Desaulniers-Turgeon, 2010) fait face à des obstacles découlant directement de la colonisation et de son corol-laire assimilationniste. Si certains participants soulignent le retour des

65 Notons qu’il peut s’agir à la fois de communautés où la langue autochtone n’est plus parlée ou très peu tout en étant plus forte à l’extérieur, mais aussi de communautés dont la langue autochtone est très peu ou pas du tout parlée à la fois sur place et à l’extérieur. Dans le premier cas, l’assimilation est donc surtout marquée loca-lement, alors qu’elle l’est de façon générale dans le second.

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cérémonies traditionnelles dans leurs communautés, alors qu’elles étaient auparavant tombées dans l’oubli, et d’autres un certain essor des cours de langues autochtones, il n’en demeure pas moins que, comme le dit Martine, « on peut pas effacer 500 ans de colonisation en 10 ans ». On retrouve ainsi plusieurs mentions relatives à ce que Dominique qualifie de « perte identitaire » et la crainte de l’assimila-tion se fait régulièrement sentir chez les participants, qu’il s’agisse de leurs propres perceptions ou de celles constatées chez d’autres. Cette crainte motive d’ailleurs Olivia dans ses projets d’écriture : « My goal, I said : “I will write. I will write about my people.” ‘Cause I wanted to help myself and help my people too. In a way, it’s that they don’t lose their culture. »

Dans les communautés elles-mêmes, l’enseignement de la langue autochtone locale est aussi valorisé en bonne partie pour s’assurer que les jeunes ne la perdent pas. La fréquentation d’une école autochtone peut même devenir pour certains parents un facteur motivant le retour dans la communauté, comme l’explique Isabelle : « Surtout depuis que ma plus vieille va commencer l’école bientôt puis j’ai pas envie qu’elle aille en ville avec... Tu sais, déconnectée puis qu’elle soit ac-culturée. Ça, c’est quelque chose qui me fait vraiment peur, dans le fond. Puis c’est depuis que j’ai ce genre de peur-là que je commence à me dire que ce serait le fun de retourner vivre là-bas ». De plus, lorsque Monique parle de sa communauté qui est « bien intégrée » dans son environnement urbain, elle ajoute immédiatement après, et ce, à trois reprises, qu’elle n’est toutefois « pas assimilée ». Il y a donc à la fois une ouverture sur l’extérieur qui contribue à enrichir la culture de sa communauté à laquelle se combine un souci de devoir s’affirmer en tant que culture distincte de celle qui l’entoure et l’a in-évitablement influencée. On comprend alors mieux pourquoi Domi-nique parle du besoin de « travailler sur l’identité, la perte identi-taire » : parce que « c’est ça qui est majeur [dans sa communauté] ».

[108]Enfin, l’influence du christianisme est spécifiquement invoquée

par quelques participants pour expliquer pourquoi les membres de leurs communautés ont cessé plusieurs des pratiques culturelles qui leur étaient propres. Christine parle par exemple des aînés de sa com-munauté qui « ont été imprégnés là-dedans [la religion catholique] »

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et qui « ont été assimilés là-dedans », ayant par conséquent abandon-né plusieurs pratiques spirituelles qu’elle-même adopte par ailleurs.

5.1.1.2. Racisme et discrimination

Découlant directement de la colonisation et de l’assimilation, le racisme et la discrimination à l’endroit des Autochtones demeure un aspect central dans le travail de construction de la face interne effec-tué par la face externe, étant donné que « seules les cultures minori-taires se trouvent dans l’obligation d’épouser des formes qui leur sont étrangères, ce qui est perçu comme discriminatoire et comme les relé-guant à une citoyenneté de deuxième zone » (Juteau, 1999, p. 147). Presque tous les participants (21 sur 23) nous ont fait part de ce phé-nomène en relatant leurs propres expériences ou celles de leurs proches. À l’université même, ils parlent assez peu des actes de discri-mination qu’eux ou d’autres Autochtones subissent, établissant sou-vent une nette distinction entre ce qui se passe à ce sujet sur le campus et à l’extérieur, comme l’évoque Monique : « Il y a une certaine ou-verture d’esprit parmi les étudiants universitaires qu’on retrouve peut-être pas dans la population en général ».

On relève toutefois plusieurs cas de micro-agressions à caractère raciste (Clark et al., 2014) liés à la méconnaissance des cultures au-tochtones, comme quoi la plus grande ouverture d’esprit affichée par les étudiants universitaires allochtones ne doit pas être confondue avec le fait d’avoir une bonne connaissance des cultures autochtones. Hélène relate même que certains de ses enseignants ont encore du mal à concevoir qu’il puisse y avoir des Autochtones dans leur classe, voire qui prétendent qu’il n’y en a aucun à l’université... jusqu’à ce qu’elle lève sa main pour témoigner du contraire. On relève aussi un cas de commentaires racistes de la part d’un professeur qui a profon-dément blessé Annabelle : « Il s’est mis à parler des communautés autochtones puis à quel point c’était fucké puis... Il utilisait pas ces mots-là, mais c’est ce que ça voulait dire. […] En tout cas, [109] des grossièretés, vraiment épouvantables ! Là, j’ai levé ma main, j’ai dit  : “Monsieur, vous pouvez pas parler comme ça !” ». Pour sa part, Valérie s’est même empêchée d’exposer à ses camarades de classe allochtones certaines difficultés rencontrées dans ses stages en milieu

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autochtone : « Je pense que je voulais pas trop en dire parce que ça me tentait pas de commencer à justifier pourquoi il y a des problèmes puis [...] je les entendais parler, les étudiantes [en lien avec un conflit local] […] : “On sait comment c’est, les Indiens... Ils cherchent tout le temps à attirer le trouble” ». Dans le même ordre d’idées, Isabelle témoigne de sa rencontre avec une étudiante autochtone d’une autre nation qui ne voulait pas afficher son identité autochtone sur le cam-pus à cause d’un conflit qui opposait alors les membres de sa nation avec les allochtones de la région.

La situation s’avère toutefois autrement plus difficile aux ordres primaire et secondaire et les cas les plus flagrants de racisme et de discrimination sont relevés par les participants ayant fréquenté le pen-sionnat ou une école gérée par une congrégation religieuse dans leurs communautés. En plus de l’interdiction de parler sa langue à l’école et des mauvais traitements largement documentés (Castellano, Archibald et DeGagné, 2008 ; Ottawa, 2010), Monique fait part des « remarques désobligeantes » des religieuses qui lui enseignaient tout en insultant quotidiennement la mémoire de sa nation, exigeant même que les élèves priassent pour « expier les péchés » de leurs ancêtres. De ma-nière plus contemporaine, plusieurs participants mentionnent avoir fait l’objet de comportements inappropriés de la part d’autres élèves, al-lant de la blague de mauvais goût au passage à tabac, en passant par l’intimidation et le harcèlement psychologique. Certains participants indiquent par exemple avoir été l’objet de railleries et de mauvaises plaisanteries à cause de leurs noms typiquement autochtones et plu-sieurs mentionnent avoir fait régulièrement l’objet de discrimination et de racisme de la part d’élèves allochtones ou en avoir été témoins.

Certains participants reprochent aussi aux enseignants de ne pas être intervenus lorsqu’ils étaient victimes de discrimination ou, pis encore, d’être eux-mêmes intervenus de manière discriminatoire. Par exemple, Annabelle n’a pu bénéficier de soutien du personnel scolaire quand elle se faisait intimider et s’est aussi souvent heurtée aux préju-gés [110] de certains enseignants sur les Autochtones, dont une en particulier qui lui a donné de moins bonnes notes lorsqu’elle a appris qu’elle était autochtone… 66 Malgré tout, les enseignants ont parfois 66 Cet exemple illustre aussi l’effet Pygmalion, cette tendance des

enseignants à évaluer les élèves en fonction de leurs aptitudes anti-cipées plutôt que réelles (Rosenthal et Jacobson, 1968).

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pu s’avérer d’un grand soutien pour protéger les élèves victimes de discrimination, comme le relate Daniel : « It was hard ! They used to pick on me. ‘Cause I was the only Native in class, so... That’s the only problem I had with the class and teachers tried to protect me as much as they could, but outside the walls of school, it was totally different ».

À l’âge adulte, les participants subissent le racisme et la discrimi-nation surtout à l’extérieur de l’université, principalement en lien avec l’emploi et le logement. Les préjugés, l’incompréhension et la mécon-naissance des réalités autochtones s’avèrent les formes de racisme et de discrimination les plus fréquemment citées. Comme l’avance Valé-rie, cette ignorance est aussi à la source du racisme et de la discrimi-nation : « Quand tu connais pas une culture, souvent, on va émettre des hypothèses qui sont pas nécessairement vraies ». Il n’est donc pas étonnant que la sensibilisation des allochtones aux réalités autoch-tones soit évoquée à maintes reprises comme un élément essentiel pour stopper ou à tout le moins réduire considérablement le racisme et la discrimination. Chez Martine, c’est même « une mission, de repla-cer les choses comme elles se doivent puis que les autres disent ça à leur monde ».

Cela dit, les participants possédant moins les marqueurs physiques et nominaux jugés « typiques » 67 soulignent à quelques reprises que leur apparence explique beaucoup pourquoi ils ont peu été victimes de discrimination et de racisme. C’est par contre aussi leur apparence qui est parfois évoquée comme facteur de discrimination par d’autres Au-tochtones aux traits plus prononcés. Cette forme de discrimination « inversée », bien que rarement soulevée dans les entrevues, s’avère néanmoins lourde de conséquences puisqu’elle vise à exclure l’indivi-du du groupe dont il se revendique 68. Enfin, on comprend [111] que 67 Nous aborderons ce point plus en détails dans la face interne, à la

section 5.1.2.3.68 La discrimination et le racisme ne revêtent cependant pas le même

sens selon la position sociale occupée par un groupe ethnique don-né (Juteau-Lee, 1981). Or, la quasi-totalité des situations rappor-tées au cours des entrevues concernaient le racisme et la discrimi-nation de la part d’allochtones qui visaient des Autochtones, ce qui reste le schéma classique « dominant vs dominé ». Ainsi, certains Autochtones eux-mêmes peuvent faire les frais de cette « discrimi-nation inversée » lorsqu’ils sont jugés par d’autres comme « moins

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les mesures d’équité en emploi, parfois appelées « discrimination po-sitive », soulèvent un dilemme chez certains participants puisque, tout en insistant sur l’utilité de telles mesures pour améliorer la situation de groupes défavorisés, ils préfèrent avant tout être embauchés en rai-son de leurs compétences, comme l’illustre Jérôme : « [Son em-ployeur lui a dit :] “Hé ! On cherche des Autochtones. T’en connais-tu ?” [rires] Je pense que là, ça m’a fait comprendre que oui, je pense qu’ils cherchent des quotas. […] J’avais tout le temps l’impression, tu sais, de décrocher des emplois parce que j’étais Autochtone ».

Enfin, le racisme et la discrimination sont ancrés dans une histoire coloniale et les relations entre les conseils de bande et le gouverne-ment canadien se déroulent toujours sous les auspices de la Loi sur les Indiens, précisément promulguée pour assimiler les Premières Nations à la culture dominante tout en réduisant leur occupation du territoire aux réserves. Les cas relevés par les participants nous rappellent donc qu’au-delà de la sensibilisation à la diversité ethnoculturelle, c’est toute la question des relations inégalitaires entre Autochtones et al-lochtones dans la société québécoise qui est ici soulevée (Salée, 1995a).

5.1.1.3. L’Autre

Les termes utilisés les plus fréquemment pour parler des alloch-tones ne sont pas les mêmes chez les participants ayant été inter-viewés en français et en anglais. Chez les premiers, « Québécois 69 »

authentiques », participant bien malgré eux à cette compétition symbolique (Schwimmer, 1972).

69 Nous avons pris soin de distinguer entre le sens strictement géo-graphique (non retenu) et celui propre à la société québécoise (rete-nu), tout en ne retenant précisément que les mentions qui faisaient explicitement référence à la majorité québécoise allochtone. Nous avons aussi distingué l’usage que les participants faisaient du terme « Québécois » selon qu’ils y incluaient ou non les Autochtones et avons facilement pu constater qu’il ne s’agit que d’une minorité de passages (38 sur 137) où l’on se réfère « inclusivement » aux Qué-

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revient le plus souvent (137 passages 70), suivi de « Blanc » (67 pas-sages) et de « Non-Autochtone 71 » (39 passages). D’autres termes sont utilisés dans une [112] moindre mesure : « Allochtone » (12 pas-sages), « Non-Amérindien » (5 passages), « Canadien 72 » (8 passages) et « Canadien français » (3 passages). Ainsi, lorsqu’ils parlent des « Québécois », les participants désignent généralement les allochtones du Québec et plus précisément ceux qui sont francophones. Du côté anglophone, les termes utilisés qui ont été mentionnés le plus souvent sont « Non Native » (11 passages), « White » (7 passages), « French » (6 passages), « Caucasian » (3 passages) et « Non Aboriginal » (2 passages). De plus, un participant distingue à l’occasion les « French people » et les allochtones « bilingual », selon qu’ils maîtrisent ou non l’anglais suffisamment pour pouvoir socialiser avec des Autoch-tones plus familiers avec cette langue. Il devient donc intéressant de mieux cerner les liens entre identité autochtone et appartenance lin-guistique dans le contexte bien particulier de la société québécoise.

En somme, si les participants rencontrés se définissent d’abord se-lon la communauté ou nation d’appartenance 73, ils prennent aussi part à la société québécoise sans pour autant adopter la culture du groupe

bécois, c’est-à-dire en y incluant les Autochtones du Québec.70 Il ne s’agit pas de la fréquence du mot, mais bien du nombre de

passages (courts extraits) où il est présent. Par exemple, si on ré-pète le même mot deux fois dans une même phrase, nous ne l’avons compté qu’une seule fois. Nous avons à la fois inclus les mots au singulier ou pluriel, à la forme féminine ou masculine.

71 Nous avons inclus dans « Non-Autochtone » à la fois les passages où l’on utilisait ce terme, mais aussi ceux où l’on parlait des « gens qui ne sont pas autochtones », c’est-à-dire avec la mention « pas » et « Autochtone » (e.g. : « Il n’est pas Autochtone. », « C’est un Non-Autochtone. »).

72 Pour les termes « Canadien » et « Canadien français », nous avons procédé de la même manière que pour le terme « Québécois » (voir note 66).

73 Rappelons que, reprenant Alfred et Corntassel (2005), nous consi-dérons que l’identité autochtone découle du colonialisme puisque c’est la colonisation qui distingue les Autochtones (peuples coloni-sés) des allochtones (peuples colonisateurs).

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francophone majoritaire 74. Cette association des Québécois à l’Autre s’observe même dans les cas où un des deux parents est allochtone, par exemple dans le discours d’Hélène, qui exprime son besoin de s’identifier comme Autochtone en mentionnant ne pas vouloir que « la partie québécoise prenne le dessus » chez elle. Pour sa part, An-nabelle parle « des Québécois » en tant qu’allochtones à maintes re-prises, mais s’y inclut aussi : « Je suis 100% Québécoise, je suis 100% Autochtone puis les deux, ça fonctionne. […] Ça fait partie de qui je suis ». Malgré tout, la frontière entre Autochtones et allochtones se reflète nettement dans le choix des mots utilisés par les premiers pour parler des seconds et on constate chez les Autochtones plus fami-liers avec l’anglais que la frontière linguistique accentue cette démar-cation.

[113]

5.1.2. Face interne

Retour à la table des matières

Les frontières externe et interne « se construisent simultanément, dans le rapport aux autres (dimension externe) et dans le rapport à l’histoire et à la culture (dimension interne) » (Juteau, 1999, p. 21-22). Nous avons jusqu’ici pu constater que c’est la face externe de la fron-tière ethnique qui définit la frontière interne, mais celle-ci inclut éga-lement une kyrielle de frontières entre les différents groupes faisant partie de l’autochtonie. Après avoir analysé comment se déploie cette diversité, nous aborderons dans cette section les thèmes des traditions et coutumes ainsi que de la généalogie tels que les participants les ex-priment.

5.1.2.1. Diversité autochtone

74 On observe d’ailleurs une certaine réticence à se définir comme « Québécois » chez plusieurs anglophones et membres de minori-tés ethnoculturelles autres qu’autochtones (Rocher et al., 2007, p. 56-59), si bien qu’on peut parfois confondre les termes « Québé-cois » et « Québécois d’origine canadienne-française ».

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À une exception près, tous les participants en sont arrivés à parler de la diversité qui existe chez les Autochtones. D’emblée, le choix des mots n’étant jamais neutre, le terme « nation » prend parfois un sens local puisque certaines communautés se désignent en tant que na-tions 75. Or, l’APNQL indique regrouper 10 Premières Nations et le gouvernement québécois reconnaît l’existence de 11 nations autoch-tones au Québec, soit les 10 dernières et la nation inuit. Nous avons donc choisi d’utiliser le terme « nation » en reprenant ce dernier usage qui a fini par s’imposer, tout en étant parfaitement conscient du côté quelque peu arbitraire de ce découpage. Qui plus est, la définition de la nation ne peut se limiter au seul tracé d’une frontière ni à un regrou-pement strictement ethnique : elle s’ancre davantage dans une concep-tion renanienne qui en fait avant tout « une âme, un principe spiri-tuel » (Salée, 1995b).

Alors que la société québécoise a historiquement tendance à s’identifier fortement au terme « Québécois » depuis la Révolution tranquille, à tout le moins pour sa majorité francophone (Rioux, 1980, p. 149-160), la plupart des nations autochtones présentes sur le terri-toire québécois regroupent aussi des membres situés dans d’autres provinces et territoires. Dans cette veine, les participants mentionnent à différentes occasions cette diversité autochtone sans pour autant adopter un découpage territorial spécifiquement [114] « québécois », par exemple lorsqu’ils se réfèrent au territoire ancestral. Certains re-prennent, bien que très rarement, les divisions provinciales et territo-riales entre Autochtones, telle Isabelle, qui a « regardé le bottin étu-diant, voir s’il y avait d’autres étudiants autochtones du Québec » en allant étudier dans une autre province.

Tous les 22 participants qui traitent de la diversité ethnique autoch-tone mentionnent au moins une fois une autre communauté que la leur. Par exemple, certains ont quitté leurs communautés d’origine

75 La communauté de Lac Simon se donne par exemple comme nom « La Nation Anishnabe du Lac Simon » et celle de Pikogan « Pre-mière Nation Abitibiwinni ». Source : AADNC

http://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1100100019337/1100100019343

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pour finalement élire domicile dans une autre en raison de leur union avec une personne de cette communauté, que ce soit au sein de la même nation ou d’une autre. Cette situation illustre bien la mobilité géographique qui existe entre les communautés elles-mêmes, rappel essentiel pour éviter de réduire la mobilité géographique autochtone à un mouvement à sens unique de la communauté vers la ville (Norris et Clatworthy, 2007, p. 214). Certains participants ont aussi eu l’occa-sion de séjourner dans une autre communauté que la leur pour leurs études ou leur emploi, telle Diana, qui a travaillé dans plusieurs com-munautés de sa nation. De plus, après ses études et quelques expé-riences de travail en milieu autochtone, Mathieu est allé travailler dans une communauté d’une autre nation et cet emploi lui a permis de vivre une forme de dépaysement illustrant une autre facette du senti-ment d’appartenance autochtone.

Les mentions relatives à une autre nation autochtone que celles des participants reviennent fréquemment, que ce soit en lien avec leurs propres expériences ou encore de façon plus abstraite. Par exemple, Jérôme a rencontré une étudiante d’une autre nation à l’université et souligne qu’ils avaient plusieurs similarités dans leurs parcours res-pectifs, mais ce n’est qu’au cégep qu’il est entré en contact avec d’autres étudiants de sa propre nation. Pour sa part, Marie a étudié dans un programme conçu spécifiquement pour répondre aux besoins exprimés par les communautés autochtones en éducation, ce qui lui a permis de se retrouver avec des étudiants issus de plusieurs nations. Stéphanie et Monique évoquent aussi la proximité linguistique entre les langues de leurs nations respectives et celles d’autres nations, alors que Valérie souligne que les membres d’une même nation tendent à valoriser leurs particularités pour se différencier entre eux et face aux autres : « Dans la vraie vie, tu le vois, la différence. Tu sais, tu vois qu’il y a des différences entre [115] les [membres d’une nation] puis les [membres d’une autre nation] puis qu’eux, ils vont entretenir ces différences-là plutôt que de les mettre de côté ».

Au-delà de ces différences et ressemblances, les participants men-tionnent plusieurs occasions d’échange et de rencontre entre les Au-tochtones au Québec, dans le cadre de leurs instances officielles de représentation, mais on déplore parfois le peu d’occasions de le faire de manière informelle. Malgré tout, on comprend le défi, chez une population minoritaire incluant elle-même une telle diversité, de par-

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venir à définir une identité qui tienne compte à la fois du regard de « l’Autre autochtone » et de « l’Autre allochtone », lui-même au de-meurant divisé principalement en trois groupes linguistiques (franco-phone, anglophone et allophone).

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5.1.2.2. Traditions et coutumes

Cet indicateur est mentionné par 20 participants sur 23, signe de la place importante au sein de la face interne des références à l’histoire, aux ancêtres et plus largement à une certaine perpétuation de cultures qui, tout en se modifiant dans le temps, rappellent leurs origines.

La relation entre le contenu et la frontière n’est pas arbitraire puisque la face externe de la frontière est construite à partir de sa face interne. Ce qui mobilise le processus de communalisation ethnique se trouve à l’inté-rieur de la frontière. C’est l’histoire, les aspects matériels et non matériels de la culture, les souvenirs et les mythes qui se construisent au fil des an-nées, c’est-à-dire des éléments qui préexistent aux nouveaux rapports so-ciaux. (Juteau, 1999, p. 164)

Si les cultures autochtones puisent comme toute autre dans leur passé pour se définir, leur statut minoritaire amène cependant ceux qui s’en revendiquent à être définis davantage par l’Autre en fonction de leur passé collectif plutôt que de leur contemporanéité. De plus, « [d]e nos jours, être autochtone veut dire être dépossédé et se définir en fonction de ses ancêtres qui, eux aussi, ont été dépossédés » (Juteau, 1999, p. 162). Le groupe majoritaire (allochtone) tend ainsi à réduire le groupe minoritaire (autochtone) à son mode de vie traditionnel pré-cédant la colonisation, considéré [116] « authentique » 76. C’est préci-sément ce que déplore Christine au sujet d’allochtones vivant à proxi-mité de sa communauté qui « pensent qu’on est des faux Indiens puis […] [qui] pensent qu’on n’a plus de traditions », ce qui, comme l’ex-plique Juteau, peut être utilisé pour justifier les inégalités de traite-ment.

Tout en n’accordant pas aux groupes dominés la liberté de définir leur propre vie en fonction de leur rapport à l’histoire, on les définit selon des

76 Cette mentalité se traduit aussi dans la jurisprudence, alors que les Autochtones doivent souvent, pour obtenir gain de cause en cour, démontrer qu’ils adoptaient une pratique (notamment la chasse, la pêche et le commerce) avant les premiers contacts développés avec les Européens (Dionne, 2004, p. 74).

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attributs qu’on présente comme naturels. Ces attributs sont ensuite utilisés par le groupe dominant pour justifier une fermeture monopolistique qui renforce l’état de subordination économique, politique et culturelle. Ils servent également à expliquer les inégalités. (Juteau, 1999, p. 167)

Cette vision reléguant les Autochtones à leur passé peut aussi être reprise par les Autochtones eux-mêmes, comme on le voit chez Domi-nique, qui rapporte que les jeunes de sa communauté parviennent dif-ficilement à s’identifier à la culture de leur nation parce qu’ils l’asso-cient au passé : « C’est comme ancestral, dans le sens que c’est vieux. Pas vieux jeu, mais : “C’était avant. À c’t’heure, c’est plus de même.” ». En lien avec ce constat, 8 participants soulignent à leur ma-nière que les cultures autochtones ne doivent pas être limitées à leur passé, Mathieu avançant qu’« une nation a intérêt à revisiter son identité puis la réévaluer pour avancer puis s’adapter parce que, tu vois, le Québécois d’il y a 100 ans, c’est pas le même Québécois d’aujourd’hui. Fait que je pense que c’est la même chose pour une nation [autochtone] [...] ».

La connaissance de sa culture passe cependant aussi par la connais-sance de son histoire et Isabelle ajoute qu’elle ne se limite pas à celle de sa nation : « […] parce que mon histoire familiale diffère, étant donné qu’on était nomades, du voisin. Fait que pour moi, ça, ça fait partie de ma culture ». Histoire et culture deviennent dès lors indisso-ciables pour les participants, qui réussissent aussi à actualiser la ma-nière dont ils se définissent comme Autochtones. Ainsi, Emily revient régulièrement sur le maintien de l’équilibre entre tradition et moderni-té : « The culture itself, the [nation] culture itself is going away. The-re’s minimum percentage [...] in my community that are holding on to the [nation] culture. Whether we like it or not, it’s happening. […] If we wanna maintain our [nation] [117] culture, we have to modify it in some way but still without having the original culture at extinct ». Cette recherche du compromis reflète le dilemme accentué chez les groupes minoritaires, entre maintien des traditions et ancrage dans la contemporanéité.

Pour Monique, dont l’identification en tant qu’Autochtone « bran-lai[t] dans le manche » à l’adolescence, sa rencontre marquante avec une aînée de sa communauté lui en a appris beaucoup sur l’histoire de sa nation. Cela l’a conduite à mieux se définir en lien avec ce passé et

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« découvrir une grande fierté à être [membre de sa nation] ». Quant à Jérôme, ce moment décisif (« turning point ») (Abbott, 2010) s’est présenté durant ses études collégiales, en raison d’un emploi associé aux cultures autochtones : « […] dans mes visites guidées. “Toi, parles-tu la langue ?” […] “Non, je parle pas la langue !” Tu sais, puis ça me faisait chier ! J’avais le goût, je pense, de me réappro-prier cette culture-là ». L’histoire n’est donc jamais bien loin lorsqu’il s’agit de culture et sa découverte plus ou moins tardive peut provo-quer une véritable métamorphose identitaire. Dans ce contexte, on comprend mieux pourquoi Martine aimerait que l’on enseigne davan-tage l’histoire des Autochtones à l’école en y intégrant les points de vue d’auteurs autochtones.

Par ailleurs, la transmission des coutumes et traditions peut aussi se faire dans un environnement traditionnel sans recourir à une institu-tion formelle, comme chez Christine, qui se regroupe à cette fin avec d’autres membres de sa communauté. En lien avec le passé, on note également dans les discours des participants des références aux an-cêtres, par exemple chez Mathieu, qui regrette de ne pas avoir pu ap-prendre la langue « de [s]es ancêtres », ou chez Hélène, qui se réfère à « [s]es ancêtres [qui] étaient là il y a 10 000 ans ». D’autres y font référence d’un point de vue spirituel, telle Nicole : « On marche en tant qu’êtres humains, mais on marche aussi […] dans le monde invi-sible où tu as tes ancêtres qui sont là puis tu as comme une autre per-ception des choses de la vie que dans le monde non-autochtone ».

Au sujet des traditions elles-mêmes, la plupart des participants en nomment au moins une de manière précise, notamment les danses tra-ditionnelles, les cérémonies traditionnelles, l’artisanat traditionnel, les mets traditionnels ou encore les vêtements [118] traditionnels. L’ad-jectif « traditionnel » sert alors à insister sur un aspect de la culture encore présent à plus ou moins grande échelle, mais qui remonte à beaucoup plus loin et s’est perpétué de génération en génération, en dépit des influences culturelles extérieures. Dans le même ordre d’idées, Julia rappelle l’importance de préparer de la nourriture tradi-tionnelle pour ses enfants depuis qu’elle est déménagée pour qu’ils n’oublient pas leur culture. On remarque aussi quelques mentions du « territoire traditionnel » (ou « ancestral ») qui illustrent surtout la di-mension géographique que nous aborderons à la section 5.2.5. Diana explique notamment que le savoir traditionnel s’acquiert encore de

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nos jours beaucoup par la pratique, en allant vivre dans la forêt, et que ceux qui en savent le plus permettent aussi la transmission des cultures autochtones.

Enfin, certaines traditions évoquées sont apparues au contact d’in-fluences extérieures, telle la banique 77 (Roy, Labarthe et Petitpas, 2013, p. 237-238), sans parler des emprunts entre les différentes na-tions autochtones depuis des temps immémoriaux. L’authenticité ne doit donc pas être confondue avec un vain essentialisme qui tenterait de réduire les traditions aux seules influences autochtones et c’est plu-tôt la fonction remplie par ces traditions qui demeure intéressante dans le processus de transmission et de reproduction de l’identité autoch-tone.

5.1.2.3. Au-delà des apparences

Sans pour autant basculer vers une définition « génétique » de l’ethnicité autochtone, force est de constater que la mention des traits phénotypiques communément associés aux Autochtones 78 revient souvent chez les participants, mais presque toujours pour dénoncer cette vision stéréotypée, comme nous le verrons aussi à la section sui-vante.

Les participants sont donc souvent confrontés à des définitions es-sentialistes des cultures autochtones qui ne tiennent compte ni de la diversité des phénotypes autochtones, ni de l’apport des populations d’autres origines et du phénomène de métissage. Qu’il [119] s’agisse des traits physiques ou d’un nom « typiquement » autochtone, ces marqueurs identitaires conduisent l’individu qui les porte à être facile-ment identifié à une culture autochtone. Aussi n’est-il pas étonnant que ce soient les participants dont un des deux parents n’est pas Au-tochtone qui aient davantage tendance à mentionner ces traits phéno-

77 Annabelle en parle comme du « pain autochtone » et Hélène in-dique que c’est « la seule chose autochtone » qu’elle fait dans son logement.

78 Nous avons également inclus dans la même catégorie les passages où l’on mentionne un nom ou un prénom autochtone, c’est-à-dire issu d’une langue autochtone et qui indique à l’Autre son origine.

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typiques (11 sur 14). On constate malgré tout dans les discours des participants l’influence des « traits typiques » sur la conception de l’identité autochtone, comme lorsqu’on demande à une participante si elle a rencontré des étudiants autochtones à son université et qu’elle répond n’en avoir « jamais vu même qui avaient des traits ». Ces traits peuvent aussi devenir une manière pour les Autochtones de se recon-naître en ville, comme l’illustre une autre participante : « […] on marche puis là quand c’est apparent, tu sais, juste faire un petit ho-chement de tête pour dire genre “Je t’ai reconnu !” Puis c’est... 99% du temps, ça m’est retourné ».

Toutes les personnes ayant un nom dans une langue autochtone soulignent d’ailleurs l’influence de ce marqueur sur leur identité. Ain-si, à l’adolescence, un prénom autochtone peut même exacerber une certaine crise identitaire, comme chez une participante 79 qui souhai-tait faire profil bas sur son identité autochtone pour échapper aux commentaires désobligeants d’élèves allochtones, mais dont le « nom [la] faisait toujours revenir à ça ». Par rapport au nom de famille, la seule mention provient d’une personne qui indique qu’elle doit sou-vent le répéter et l’épeler et deux personnes ont indiqué avoir cherché à identifier d’autres étudiants autochtones à l’université en repérant les noms de famille dans le bottin étudiant, signe qu’il s’agit d’un marqueur qui intervient non seulement dans le rapport à l’Autre, mais aussi dans les relations entre les Autochtones eux-mêmes lorsqu’ils se retrouvent dans un nouvel environnement. En fait, les mentions les plus fréquentes relatives au nom de famille concernent des gens issus d’unions mixtes qui affirment passer davantage « inaperçus » dans la société majoritaire à cause de leur nom de famille « allochtone ».

[120]Enfin, aucun des 7 participants interviewés en anglais n’a parlé

explicitement des marqueurs identitaires associés aux traits physiques ou aux noms autochtones. En revanche, ils ont davantage parlé de l’influence de la langue dans leurs relations avec les allochtones, ce qui nous laisse penser que le fait d’être plus à l’aise en anglais qu’en français pour un Autochtone crée en soi un marqueur identitaire qui

79 Dans le but d’assurer la confidentialité des participants, nous ne relierons pas les citations aux personnes concernées par les mar-queurs nominaux et les traits phénotypiques.

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affiche à la majorité francophone une identité « autre ». On comprend donc qu’il y a une perception différente des Autochtones, selon qu’ils parlent anglais ou français, de la part des allochtones québécois fran-cophones. Dans le domaine littéraire, on constate d’ailleurs des angles d’approche différents selon qu’il s’agisse du point de vue allochtone anglophone ou francophone (Jacob, 1996, p. 215-232 ; St-Amand, 2010).

5.1.3. Critique des frontières

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Nous avons jusqu’ici pu constater que la face interne de l’identité ethnique autochtone est bien présente dans le discours des participants rencontrés, mais sans se limiter à un groupe homogène qui serait ré-duit à n’être que l’envers du groupe majoritaire. Il n’y a donc pas qu’une façon d’être Autochtone, mais la réduction des membres des différentes nations au statut « autochtone » par la majorité allochtone se fait si forte que ceux qui composent ce groupe en sont venus à dé-velopper un sentiment d’appartenance commun qui dépasse de loin les clivages entre communautés et nations. La présente section vise toute-fois à aller au-delà de ce constat en développant une critique des fron-tières ayant pour point de départ la diversité culturelle et la mondiali-sation. Nous verrons également que les occasions d’échange et de ren-contre entre Autochtones et allochtones donnent lieu à un chevauche-ment des frontières entre groupes ethniques, dans la mesure où la sé-paration historique entre les premiers et les seconds est fortement cri-tiquée par les participants.

5.1.3.1. Diversité culturelle et mondialisation

L’ouverture à l’Autre ne se limite pas au groupe que l’on pourrait désigner comme francophone eurodescendant au sein de la majorité allochtone, surtout dans un contexte où cette dernière cherche elle-même à intégrer en son sein des gens issus d’autres cultures en vue de mieux s’affirmer comme minorité francophone au sein d’une société canadienne majoritairement anglophone. Ainsi, on relève que 13 parti-

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cipants sur 23 font ressortir cette [121] diversité ou encore témoignent de leurs propres expériences d’ouverture sur le monde lors de voyages à l’étranger.

Dans un premier temps, Alice considère que la société québécoise est « relativement ouverte sur son monde et sur le monde », mais sou-ligne qu’« il reste malgré tout quand même pas mal d’efforts à faire. Ne serait-ce que dans [...] la transmission des manières d’être ou de faire avec l’Autre, qu’il soit Autochtone ou encore immigrant ou Ca-nadien-anglais ». Pour sa part, Hélène s’est dite agréablement surprise de constater que « dans les dernières années [la culture québécoise], c’est une culture qui est très multiculturelle […], ça donne une autre couleur à la culture ». Cette remarque témoigne de l’influence qu’exerce aussi chez les Autochtones le fait que le groupe allochtone tienne lui-même compte d’autres influences culturelles. Or, c’est sou-vent lors des études collégiales que les participants font état de leur « découverte » des autres cultures, la plupart ayant grandi dans un mi-lieu où la diversité ethnoculturelle impliquait surtout les relations entre Autochtones et Euroquébécois. En effet, cette diversité dans cer-taines régions concerne essentiellement les Autochtones, surtout lors-qu’ils y sont majoritaires, comme au Nunavik (65,0%), ou y repré-sentent une part considérable de la population, comme sur la Côte-Nord (15,8%) 80.

À l’école primaire et secondaire, une seule mention concerne la rencontre d’autres cultures et on y observe une attitude d’ouverture, comme l’illustre Paul : « Mais du fait qu’il [un enseignant] était Noir, du fait qu’il parlait avec un accent, les autres dans la classe le lâ-chaient pas puis moi, je me suis dit  : “J’embarque pas dans cette game-là !” ». Dans un autre ordre d’idées, Mathieu indique par ailleurs que ce qui a motivé un membre de sa famille à envoyer ses enfants dans une école allochtone était que le programme offert lui semblait « plus ouvert sur le monde » que celui dans sa communauté. Ce témoignage illustre au passage un dilemme auquel font face toutes les écoles autochtones : comment assurer la transmission d’une culture minoritaire tout en offrant un contenu scolaire qui permette aux élèves de s’ouvrir à la diversité ethnoculturelle ? À l’université même, certains participants comparent la situation des étudiants [122] 80 Selon les données de l’Enquête nationale sur les ménages de 2011

de Statistique Canada.

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étrangers à celle des étudiants autochtones, mais surtout pour distin-guer l’une de l’autre. Or, elles peuvent tout de même se rejoindre, voire donner lieu à des liens plus soutenus entre les étudiants autoch-tones et étrangers, comme l’indique Christine : « Je me suis rendu compte que tous mes amis que j’avais [sur le campus], c’étaient tous des amis qui étaient pas Québécois. C’étaient tous des... un peu, tu sais, Roumains, Italiens, tout... ». Cette proximité entre étudiants au-tochtones et allochtones minoritaires donne ainsi lieu à une reconfigu-ration de la frontière interne dans la mesure où la face externe repré-sentée par le groupe allochtone euroquébécois renvoie côte-à-côte na-tions autochtones et groupes ethniques d’immigration récente.

Quelques participants ont aussi eu l’occasion d’expérimenter la diversité ethnoculturelle à l’extérieur du Québec, telle Monique, dont l’emploi l’a conduite sur plusieurs continents, influençant aussi le rap-port entretenu avec sa propre culture autochtone. Pour sa part, Anna-belle a eu l’occasion de travailler quelques années à l’étranger et men-tionne que c’était comme si toute sa communauté découvrait d’autres pays à travers elle, notamment via Facebook. L’éloignement occasion-né par le voyage est d’ailleurs souvent compensé par un rapproche-ment avec les Autochtones de l’étranger, occasionnant à la fois « ou-verture sur l’Autre » et « ouverture sur soi », en tant que membre de cette grande autochtonie. Ce faisant, pas moins de 7 participants ont mentionné avoir visité des Autochtones dans un autre pays ou encore avoir rencontré des Autochtones provenant d’un autre pays dans leurs communautés ou ailleurs au Canada 81. Par exemple, que ce soit en lien avec ses études, un emploi ou une implication, Alice a pu nouer très tôt des liens avec des Autochtones dont elle ne parlait pas la langue ni ne connaissait les coutumes. Il est d’ailleurs intéressant de constater qu’elle a eu l’occasion de faire découvrir sa propre commu-nauté à ses amis autochtones rencontrés à l’étranger. Cette réciprocité des contacts, où les statuts de visiteur et d’hôte s’échangent mutuelle-ment, n’est pas sans lien avec la situation mondiale contemporaine, où les relations entre cultures et pays auparavant peu liés se sont nette-ment accrues. Elle revêt toutefois une signification bien particulière en

81 Dans certains cas, il peut s’agir de membres de sa propre famille élargie qui vivent aux États-Unis, en raison du découpage territo-rial avec le Canada, qui sépare parfois les nations et leurs territoires ancestraux.

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milieu autochtone, étant donné l’histoire commune associée à la colo-nisation et la [123] dépossession, comme l’indique Alice.

Je me souviens de m’être demandée : « Bien oui, comment ça se fait que par réflexe, je me pose même pas la question ? » Moi, je m’en vais dans une communauté [autochtone] puis c’est pas parce que la ville à côté m’intéresse pas, je vais forcément y passer ou... Mais dans ma tête, c’est vers là que je m’en vais. […] Je vais me sentir en sécurité et mieux dans un contexte autochtone ailleurs qu’en contexte pas autochtone.

Si leurs traditions culturelles et leur histoire préservent leurs spéci-ficités, les Autochtones à l’échelle internationale partagent néanmoins beaucoup d’éléments communs et Annabelle évoque même un « in-conscient collectif », soit un sentiment d’appartenance par-delà les frontières territoriales.

C’est vraiment, je pense au niveau quasiment comme de l’inconscient collectif. Il y a quelque chose, on a une histoire qui est semblable. On a des choses qu’on est pas obligés de s’expliquer entre Autochtones parce qu’il y a une réalité commune. Peu importe tu es de quelle nation, il y a une réalité commune. Il y a des marqueurs communs, il y a des éléments communs. Puis, je veux dire, je vais parler à des [Autochtones d’un autre continent] puis ils vont me raconter la même chose : cette espèce de connexion-là, qui est là... On peut ne rien dire puis se sentir connectés.

Tout compte fait, la diversité culturelle se retrouve dans la société majoritaire elle-même, mais les participants peuvent aussi la découvrir à l’étranger et revenir chez eux doublement transformés. Étant issus de cultures autochtones minoritaires au Québec, ils peuvent aussi re-trouver certaines similitudes avec des gens issus de cultures alloch-tones minoritaires durant leurs études collégiales et universitaires, dé-couvrant alors avec satisfaction qu’ils ne sont pas les seuls « diffé-rents » de l’Autre majoritaire.

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5.1.3.2. Occasions de rencontre et d’échange

Toutes les 23 personnes rencontrées nous ont fait part d’occasions de rencontre et d’échange entre Autochtones et allochtones. En plus des rencontres à proprement parler, nous avons aussi inclus dans cet indicateur celles qui s’observent sur le plan intellectuel, via les médias et le système d’enseignement. À ce titre, les participants insistent sur-tout sur le peu d’espace accordé aux Autochtones et aux enjeux les concernant, tant dans les médias qu’en classe, contribuant à la mécon-naissance assez répandue de ces questions chez les allochtones, tel qu’abordé à la section 5.1.1.2. Par exemple, Monique et Alice dé-plorent le [124] traitement de l’information fait par les journalistes, qui prennent rarement le temps d’expliquer les enjeux soulevés.

Les rencontres en personne diffèrent selon qu’il s’agisse d’Autoch-tones qui se retrouvent dans un milieu majoritairement allochtone (cas les plus fréquents) ou vice versa. On relève également chez 16 partici-pants plusieurs passages au sujet des relations de voisinage entre une communauté autochtone et la ville ou le village voisin. Certains sou-lignent que les résidents d’une communauté doivent par nécessité ef-fectuer leurs emplettes à l’extérieur. Mathieu élabore longuement sur les liens étroits qu’ont développé les résidents de sa communauté avec leurs voisins allochtones depuis plusieurs générations. Malgré tout, Alice et Marie constatent que plusieurs allochtones considèrent les communautés autochtones comme un territoire interdit. Cette percep-tion d’une frontière n’est en fait que le reflet de la réduction de l’iden-tité autochtone au territoire délimité par la réserve. On comprend chez Alice qu’il semble surtout s’agir d’une peur de l’inconnu, voire d’une volonté de ne pas « déranger » en visitant les Autochtones sur leur territoire, symboliquement délimité par les frontières de la réserve dans l’imaginaire collectif de la société majoritaire (Nadeau-Lavigne, 2012, p. 35).

Ils [des amis allochtones] m’ont dit : « Hé ! Attends un peu ! Peux-tu nous amener ? » Je dis : « Bien oui ! Voyons ! Il y a pas de barrière qui interdise aux non-résidents non-autochtones d’aller là ! Pourquoi ? » Ils ont dit : « Bien non, mais c’est parce qu’on les connaît pas ! Puis ils nous connaissent pas puis on peut rentrer là de même ? Comme si de rien

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n’était ? » J’ai dit : « Bien ! » Tu sais, là, tu te dis… Encore une fois, il faut que tu réexpliques à quelqu’un... Il y a jamais eu de réserve indienne avec des barrières qui empêchaient des Blancs de rentrer là !

Une autre manière d’entrer en contact avec les Autochtones sur leur territoire passe par le tourisme, mais toutes les communautés ne sont alors pas affectées au même degré par ce type de rencontre. Du résident du village voisin qui profite d’une exposition au musée de la communauté à celui d’un autre continent qui y séjourne un mois pour s’adonner à des activités de plein-air, les motivations et situations va-rient grandement (Iankova, 2005). Ainsi, Alice distingue les touristes selon qu’ils visitent une communauté principalement pour le territoire et les activités qui peuvent s’y pratiquer ou plutôt pour la culture et les occasions de rencontrer des Autochtones, cette seconde possibilité [125] s’appliquant davantage à sa propre communauté. Cela dit, Hé-lène critique la représentation « pour les touristes » des membres de sa communauté lors de certaines cérémonies destinées au grand public à l’extérieur de sa communauté 82.

Les contacts se créent également lorsque des allochtones travaillent ou s’impliquent au sein d’organisations autochtones dans les commu-nautés, en plus de ceux qui le font à l’extérieur ou sont appelés à inter-venir auprès d’Autochtones en travaillant dans une organisation al-lochtone. Quand il s’agit de professionnels allochtones qui travaillent dans une communauté autochtone, ce phénomène s’explique générale-ment par le manque de diplômés autochtones qu’on y retrouve, ce qui peut parfois provoquer certaines tensions. Leur arrivée implique aussi certains ajustements de part et d’autre pour que ces travailleurs prennent connaissance de la culture locale, d’autant plus que les com-munautés refusent le paternalisme des autorités gouvernementales, comme l’explique Christine.

On est pas self-sufficient, mais on pourrait dire : « Pourquoi qu’on le fait pas nous-mêmes, ça ? Pourquoi qu’on irait pas prendre un consultant autochtone ? ». […] C’est le côté « c’est du gouvernement », ça revient à toute cette histoire-là. On veut plus se faire dire quoi faire, quoi implanter

82 Cette même critique a d’ailleurs été faite à propos des Jeux Olym-piques de Vancouver de 2010 (Ellis, 2012).

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dans notre communauté. Fait que c’est normal qu’ils [les membres de la communauté] réagissent un peu plus fort qu’en milieu urbain.

À l’université et au cégep, certains enseignants invitent d’ailleurs à l’occasion des conférenciers pour sensibiliser leurs étudiants à diffé-rents sujets concernant les Autochtones, surtout dans des domaines d’activités où ils auront davantage l’occasion d’intervenir auprès d’eux, comme le rapportent Paul, Nicole et Martine. Dans le domaine de l’enseignement primaire et secondaire, les communautés souhaite-raient particulièrement disposer de plus d’enseignants autochtones puisqu’on observe beaucoup de roulement de personnel occasionné par le choc culturel et l’éloignement (Presseau, Martineau et Berge-vin, 2006). Emily précise d’ailleurs que s’il y a des enseignants au-tochtones à l’école primaire de sa communauté, on n’en retrouve au-cun au secondaire. Marie souligne cependant la richesse issue de la diversité ethnoculturelle qu’on retrouve au sein du personnel scolaire dans sa communauté. Quoi qu’il en soit, les apports issus des [126] contacts avec l’Autre allochtone sont souvent évoqués par les partici-pants en lien avec la manière dont ils conçoivent leurs propres cultures, par exemple chez Monique, qui a « [s]a façon de concevoir la culture autochtone, mais qui est largement influencée du fait qu[‘elle a] vu autre chose ». Mathieu n’aime justement pas l’idée de rejeter « des affaires de Blanc », considérant pouvoir vivre pleinement sa culture en y intégrant des éléments extérieurs. Dans ce contexte, Olivia explique que ses études lui ont permis de prendre connaissance d’autres manières de penser qui l’ont amenée à développer de nou-veaux intérêts en lien avec sa propre culture.

Du point de vue des étudiants rencontrés, leurs parcours universi-taires ne pourraient donc aucunement se réduire à une forme d’assimi-lation à la culture majoritaire, même si cette perception est parfois vé-hiculée dans leurs communautés, comme l’explique Christine : « C’est un complément, mais le monde dit  : “C’est le côté blanc”. C’est comme, pour eux-autres, la culture blanche, ce côté-là, l’éduca-tion. Fait que plus tu vas loin dans la culture blanche, plus tu oublies ta culture autochtone. Mais ça, c’était le discours d’avant […]. Ça change ». C’est aussi un discours semblable qu’adopte Annabelle en constatant lors de ses passages dans sa communauté que ses études l’ont transformée sans pour autant qu’elle ne perde ses racines : « J’ai

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acquis des expériences différentes, j’ai acquis des connaissances, des habiletés, mais je suis encore moi puis je sais d’où je viens ». C’est même au contact de l’Autre allochtone que trois participants ex-pliquent avoir pris davantage conscience de leur identité autochtone. Le cas d’Hélène s’avère particulièrement intéressant pour illustrer cet « effet miroir » puisqu’il a coïncidé avec son arrivée à l’université : « On dirait qu’en côtoyant les Québécois, j’ai comme retrouvé ma culture. […] On dirait qu’en habitant ici [sa communauté], je m’en rendais pas tellement compte. C’est plus en allant habiter dans une autre ville où il y a pas d’Autochtones que vraiment, j’essayais de prendre ma place ». Dans la même veine, avant de sortir de sa com-munauté pour fréquenter l’école primaire allochtone, Mathieu « pen-sai[t] que tout le monde était comme ça » et Alexander a pris conscience de la situation de sa communauté en voyageant à l’exté-rieur : « It was normal for me, growing up like that. So, obviously, I adapted to it. I thought that’s the way everybody lived life, you know, until I actually left reserve and seen how much that we don’t have ».

[127]L’environnement éducatif peut donc s’avérer très propice aux ren-

contres entre Autochtones et allochtones, mais la situation diffère se-lon l’ordre d’enseignement fréquenté. À l’université plus précisément, tous les participants témoignent des bonnes relations interculturelles qui s’y développent, malgré les difficultés associées à la méconnais-sance de leurs cultures par les allochtones, tel qu’abordé à la section 5.1.1.2. Ils y soulignent aussi la présence d’une diversité ethnocultu-relle plus grande que celle à laquelle ils étaient auparavant familiers, en lien avec les étudiants internationaux. Si Emily observe que les étu-diants allochtones de son campus n’ont pas tendance à fréquenter le local dédié aux étudiants autochtones, elle a en revanche régulière-ment l’occasion de socialiser avec eux en classe.

Ensuite, la ville représente un lieu de convergence où se retrouvent des Autochtones de toutes origines, un environnement donnant lieu à toutes sortes de rencontres qui varient beaucoup selon la taille de la ville et son emplacement, mais l’intégration ne se fait pas toujours facilement. Emily a ainsi trouvé difficile de quitter sa communauté une partie de son adolescence et souligne le défi que représentait son intégration à un nouvel environnement urbain et au « non aboriginal world ». Elle rencontre aujourd’hui plusieurs autres parents autoch-

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tones arrivés en ville pour étudier à l’université, mais qui abandonnent pour retourner dans leurs communautés parce que leurs enfants sup-portent mal leur nouvel environnement. On note cependant que Chris-tine, déménagée en ville dès ses études collégiales, s’y sent très bien intégrée et, tout en restant très attachée à sa propre communauté, ap-précie davantage résider en ville, à proximité. La grande majorité des participants parlent aussi de leurs amis et collègues allochtones ren-contrés en ville. Nicole et Isabelle évoquent de plus certains « Indian lovers » 83 rencontrés, mais on retient de leurs propos qu’il y a dans ce contexte une réduction de leur identité par l’Autre allochtone à sa seule dimension autochtone qu’elles n’apprécient guère, les renvoyant à un statut d’objet de curiosité.

[128]Enfin, les activités sportives et culturelles sont à quelques reprises

évoquées comme occasions de rencontre entre Autochtones et alloch-tones en milieu urbain, par exemple lors de parties de hockey ou de soccer chez les jeunes ou lors de spectacles impliquant des artistes autochtones. Les occasions ne manquent donc pas pour créer des rap-prochements entre Autochtones et allochtones, en dépit des frontières (Juteau, 1999) bien présentes entre les uns et les autres. Dans ce contexte, s’ouvrir à l’Autre tout en valorisant sa propre culture de-meure un défi particulier pour les membres de cultures minoritaires.

5.1.3.3. Généalogie

Nous insisterons ici sur le fait que les cultures autochtones ont, en plus d’intégrer des influences culturelles extérieures – un phénomène en outre universel (Amselle, 2001) – aussi intégré des gens issus de ces cultures extérieures. Ces derniers ont par conséquent participé au développement des cultures autochtones et établi une descendance qui se perpétue encore de nos jours, comme en font foi les 39,2% de couples autochtones avec enfants ayant un des deux conjoints alloch-

83 Isabelle nous en donne sa propre définition : « Indian lovers, c’est des gens qui aiment les Autochtones ! […] C’est des Blancs qui se tiennent avec des Indiens puis qui aimeraient ça, être Indiens [...]. C’est très, très péjoratif ! [rires] ».

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tones (Ministère de la Famille et des Aînés, 2011, p. 180). Le métis-sage n’est d’ailleurs pas apparu avec l’arrivée des premiers Européens en Amérique, compte tenu des échanges de population via les ma-riages et les adoptions qui existaient bien avant l’arrivée de Chris-tophe Colomb (Trigger, 1992, p. 73-155) 84. De plus, les Iroquois et les Hurons s’organisaient en confédérations regroupant plusieurs na-tions (Trigger, 1992, p. 359-385). Aujourd’hui, comme l’explique Monique, le métissage fait donc partie de la culture de sa nation : « On a pris ce qu’il y a de la culture environnante puis on l’a intégré à nous-autres, ce qui fait qu’on est encore là aujourd’hui […] Moi, je dirais que je suis [membre de sa nation], mais ça prend en compte l’intégration de la culture environnante, plus la culture [de sa nation]. C’est un plus ». Il n’est donc pas étonnant que 18 des 23 participants abordent la place de la généalogie dans l’ethnicité autochtone, dont bien entendu les 14 issus d’une union mixte. Parmi ces 18 partici-pants, 6 le font aussi dans un contexte impliquant des unions entre deux nations autochtones différentes, qu’il s’agisse de leur propre si-tuation ou de celle de leur entourage.

[129]Ainsi, 3 personnes ont un des deux parents issu d’une union entre

deux nations autochtones et une personne 85 a des origines dans 2 na-tions autochtones et une nation allochtone puis se sent tout à fait à l’aise dans chacun des trois univers culturels d’appartenance, ayant « comme développé [s]a propre culture, [s]a propre philosophie » en puisant à plus d’une source. Parmi les personnes ayant formé un couple avec un membre d’une autre nation autochtone, trois d’entre elles ont fondé une famille en donnant naissance à au moins un enfant (issu de deux nations). Nous avons aussi un cas d’une personne qui fait part de plusieurs mariages impliquant différentes Premières Na-tions au sein de sa famille élargie, signe qu’il s’agit d’un phénomène qui ne concerne pas uniquement les participants eux-mêmes. Quoi-qu’il en soit, on retrouve dans un seul échantillon de 23 cas plusieurs 84 Une coutume iroquoise voulait notamment que les femmes et en-

fants faits prisonniers durant une guerre soient intégrés au sein du groupe vainqueur, dont ils devenaient par la suite membres à part entière (Trigger, 1992, p. 376-385).

85 Afin de préserver la confidentialité, nous ne mentionnons pas les pseudonymes dans ce paragraphe.

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exemples d’unions conjugales entre les membres de différentes na-tions autochtones.

En ce qui concerne les unions entre Autochtones et allochtones, les 14 cas qui concernent directement les parents relèvent autant du père que de la mère allochtone (7 cas chacun). Qu’il s’agisse du père ou de la mère, lorsqu’un des deux parents n’est pas Autochtone, les partici-pants précisent régulièrement ne pas se sentir pour autant « moins au-tochtones ». Comme nous avons pu le constater, l’identité autochtone ne se réduit aucunement à ce que l’on désigne parfois comme « blood quantum » (Forte, 2013, p. 25). C’est bien davantage l’esprit de la Loi sur les Indiens et d’autres lois coloniales du même acabit qui se tra-duit dans de telles conceptions, plutôt que celle qui prévaut chez les principaux intéressés (Forte, 2013, p. 22). Dans un contexte où les unions impliquant deux personnes d’origines ethnoculturelles diffé-rentes sont de plus en plus répandues dans la société québécoise, il deviendrait d’ailleurs réducteur de définir la majorité francophone al-lochtone comme étant uniquement constituée de « Québécois d’ori-gine canadienne-française », comme le veut l’expression consacrée dans le rapport Bouchard-Taylor (2008). Si une « majorité fragile » (McAndrew, 2010) comme celle que composent les Québécois fait déjà face à de grands défis pour assurer sa place au sein d’un pays où elle se trouve minoritaire, on comprendra facilement que ce même défi s’impose avec encore [130] plus d’acuité lorsqu’il s’agit de 11 nations autochtones elles-mêmes minoritaires au sein de cette majorité fragile.

Cela dit, n’oublions pas que jusqu’en 1985, les femmes allochtones devenaient « Indiennes » en vertu de la Loi sur les Indiens en épou-sant un « Indien » et que le statut indien précédemment accordé est toujours maintenu pour celles qui se sont mariées avant le changement législatif (Grammond, 2009, p. 106-119). À l’opposé, toutes les femmes « indiennes » perdaient leur statut indien en épousant un « non-Indien » jusqu’en 1985 et ce n’est qu’après l’entrée en vigueur de l’amendement C-31 qu’elles ont pu le retrouver 86. Ainsi, toutes les 86 Cette discrimination sexuelle trouvait ses racines dans le statut

juridique inférieur de la femme, peu importe son groupe ethnique, qui impliquait notamment qu’elle ne pouvait avoir de personnalité juridique à part entière, étant sauf exception soumise à l’autorité de son père (non mariée) ou de son mari (mariée). C’est d’ailleurs à la

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mères allochtones des 7 participants issus d’une union mixte ont ac-quis le statut « indien », mais toutes les mères autochtones des 7 parti-cipants issus d’une union mixte avec un « Indien » ont perdu ce statut. Il n’en demeure pas moins que les femmes allochtones devenues « In-diennes » ont à leur façon contribué aux cultures de leurs communau-tés d’adoption, comme l’explique Monique : « C’était en perte de vi-tesse [une technique artisanale] puis ces femmes-là, qui venaient de l’extérieur, regardaient ça et disaient : “Ç’a pas de bon sens ! Il faut qu’on le réapprenne !”. […] L’artisanat de la communauté était pro-pagé. Fait qu’elles ont aidé, elles ont contribué à ça ». Quant aux femmes autochtones ayant perdu leur statut indien à la suite du ma-riage, ne plus résider sur le territoire de la réserve ne les empêchait pas de maintenir des liens avec leur famille et les autres membres de cette communauté. Néanmoins, certains participants soulignent l’éloi-gnement ressenti par le déménagement de leur mère à l’extérieur de la communauté puisqu’ils n’ont pu y résider durant leur enfance, à l’ins-tar de Stéphanie : « Dans ce temps-là, je me sentais moins à l’aise vu que j’étais comme une Blanche qui était dans la réserve. [...] Je sen-tais pas que j’avais ma place, c’est pour ça que je me faisais très dis-crète ».

Plusieurs situations relatées par les participants nous font d’ailleurs conclure que ce [131] n’est pas parce qu’une personne du groupe ma-joritaire s’unit à une autre du groupe minoritaire que leurs enfants ne pourront pas s’identifier eux-mêmes à la culture minoritaire tout en faisant partie de la culture majoritaire, comme l’explique Annabelle : « Je marche dans deux mondes. […] J’ai une identité duelle, si on veut […]. Je suis 100% Québécoise, je suis 100% Autochtone puis les deux, ça fonctionne ! ». Même si plusieurs participants dans cette si-tuation nous ont fait part de la crise identitaire qu’ils ont vécue en lien avec cette double appartenance, nous avons pu constater que leur identité suscite davantage de questions auprès des allochtones qu’ils

demande de certains chefs autochtones que le gouvernement fédé-ral avait introduit cette disposition de perte de statut des femmes « indiennes » mariées à des « non-Indiens », en vue d’éviter que les citoyens allochtones ne s’emparassent des territoires autochtones via les mariages (Grammond, 2009, p. 86-87).

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rencontrent que d’eux-mêmes, ce qui « traduit plus une curiosité puis une ignorance des gens », comme l’affirme Annabelle 87.

Nous avons vu à la section 5.1.2.3. que les marqueurs physiques et nominaux reviennent fréquemment dans les discours des participants pour décrire l’identité autochtone. Si ces derniers demeurent critiques face à la réduction de l’ethnicité à ces « traits », ceux-ci façonnent malgré tout la perception qu’a le groupe allochtone des membres du groupe autochtone et influence par conséquent la perception qu’ont les Autochtones de leur propre identité ethnique. Tous les participants qui abordent ce sujet affirment d’ailleurs ne pas vouloir réduire l’iden-tité autochtone à l’apparence physique, tout en étant conscients que cette vision stéréotypée est très répandue et affecte aussi leurs propres interactions. Cette vision est si répandue que Christine rapporte que certains membres de sa communauté « qui ont moins de traits » se font parfois accuser d’être de « faux Indiens » par d’autres membres qui les considèrent moins « authentiques ». Ainsi, les participants qui affichent moins ces traits évoquent parfois la possibilité de passer in-aperçus dans un milieu majoritairement « blanc », mais plusieurs in-diquent aussi devoir régulièrement expliquer qu’ils sont Autochtones à des interlocuteurs allochtones et même autochtones 88. Une personne explique aussi qu’en visitant d’autres communautés [132] autoch-tones, elle doit généralement préciser d’où elle vient, n’ayant « pas

87 Lors des premières entrevues, nous avions tendance à demander aux personnes dans cette situation si elles sentaient un certain conflit identitaire. Nous avons rapidement compris qu’il pouvait s’agir d’un sujet sensible dans la mesure où les participants se sen-taient en quelque sorte obligés de répondre comme s’ils devaient choisir entre l’identité autochtone ou allochtone. Par la suite, nous n’avons donc pas posé de question spécifique sur cette apparte-nance à deux cultures, mais avons constaté que les participants dans cette situation avaient souvent en commun d’avoir vécu beau-coup de questionnements relatifs à cette situation à l’adolescence et avaient fini par « trouver leur voie » en termes d’identité.

88 Une personne, que nous n’identifierons pas, pour préserver son anonymat, a même fait la remarque suivante à l’auteur de ces lignes : « Tu sais, tu me regardes… Tu as l’air plus autochtone que moi ! ». Il en eût été tout autrement si cet auteur n’avait pas les cheveux bruns et les yeux bruns…

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tout à fait le look “régulier” ! ». L’influence des traits physiques as-sociés à l’ethnicité autochtone intervient donc dans la manière dont les Autochtones eux-mêmes entrent en relation avec d’autres Autoch-tones, ce qui conduit une autre personne ayant davantage ces traits à constater que le besoin de s’afficher peut devenir très fort chez les Au-tochtones qui en ont moins.

C’est une chose que j’avais remarquée avec un [autre membre de sa nation] comme quoi qu’on dirait que par le fait qu’ils sont… Ils ont moins des traits comme typiques autochtones (des yeux bleus, des cheveux blonds…), ils vont comme compenser ça par… Ils vont chanter, ils vont mettre des vêtements traditionnels, ils vont vraiment s’exposer, tu sais. Puis ça, c’est quelque chose que nous, on fait pas. Peut-être parce qu’on n’a pas besoin de le faire parce que ça paraît, tu sais.

En définitive, la critique des frontières se fait donc sentir dans le discours des participants, qui témoignent de leur sentiment d’apparte-nance à l’autochtonie, une identité qui dépasse la seule réduction à « l’envers du Blanc ». Sans pour autant vouloir être associés aux cultures allochtones minoritaires, les participants ayant eu l’occasion de côtoyer des étudiants de ces cultures ont néanmoins soulevé des similitudes concernant leur statut par rapport au groupe majoritaire (face externe). Ainsi, la frontière entre allochtones et Autochtones peut être traversée non seulement en entrant en contact avec les membres de la culture majoritaire, mais aussi avec ceux des cultures minoritaires faisant partie du groupe allochtone.

5.2. RAPPORTAUX CULTURES AUTOCHTONES

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Après avoir vu comment l’identité autochtone prend forme chez les participants, nous abordons ici plus spécifiquement le rapport aux cultures autochtones tel qu’il se vit chez eux à l’extérieur de l’univer-sité, dans le but d’illustrer qu’ils sont tous amenés à connaître une « hétérogénéité des expériences socialisatrices » (Lahire, 1998, p. 36)

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qui influencera inévitablement la manière dont ils se définissent en tant qu’Autochtones. Nous verrons ensuite au chapitre VII comment leur rapport à l’identité et aux cultures autochtones influence leurs parcours universitaires. Nous débuterons donc par ce qui caractérise les liens sociaux entre les Autochtones, soit la dimension relationnelle des cultures autochtones, et poursuivront en analysant comment ces cultures prennent forme [133] chez les participants d’un point de vue linguistique, artistique, spirituel et philosophique. Nous constaterons ensuite le très fort lien entre cultures autochtones et territoire ainsi que la dimension sociopolitique qui y est associée.

5.2.1. Dimension relationnelle

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Les relations interpersonnelles constituent le fondement de toute culture et on les retrouve par conséquent à la base de chacune des di-mensions des cultures autochtones. Or, nous avons voulu dégager une dimension proprement relationnelle où nous insistons sur la nature des relations entre les Autochtones ainsi qu’entre l’identité autochtone et le bien-être personnel 89. Les indicateurs relevés sont la proximité so-ciale, les liens familiaux, l’identification à des modèles et le rôle des aînés.

5.2.1.1. Proximité sociale

Nous avons ici retenu les mentions explicites de la proximité so-ciale faites par 19 des 23 participants. Nous entendons par proximité sociale le fait que les liens sociaux entre les Autochtones aient été dé-crits comme très forts par les participants, particulièrement à l’échelle de la communauté. Il s’agit d’une forme de solidarité qui peut aussi se

89 Ce bien-être représente l’indicateur associé à la part psycholo-gique de cette dimension. Or, la frontière entre psychologie et rela-tions sociales demeure poreuse, l’une étant directement associée à l’autre et inversement (Lahire, 1998, p. 223-239).

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manifester à d’autres échelles 90, mais qui n’exclut pas pour autant les rivalités ou la compétition au sein d’un même groupe d’appartenance. Ainsi, pour Benjamin, la solidarité et les liens sociaux forts font partie intégrante de la définition qu’il donne de sa culture : « […] we’re like really family oriented too, we’re not distant. […] So, [nom de sa na-tion] culture, that’s what it means to us. It’s to help one and other [...] ».

C’est dans la communauté que la proximité sociale apparaît la plus forte dans les discours des participants et cette force ne se limite d’ailleurs pas aux interactions sur le territoire de la communauté, étant donné les liens qui continuent à être entretenus avec des [134] membres partis au loin. Annabelle résume bien cette connexion forte qu’elle retrouve au sein d’une communauté autochtone, même lors-qu’il ne s’agit pas de la sienne, la face interne de la culture autochtone se caractérisant alors par les relations de proximité entre tous les membres de ce groupe : « C’est sûr que je vais dans les communautés puis je retrouve quelque chose que j’ai pas ici [en ville]. Peut-être ce niveau-là de frontière. [...] On dirait qu’il y a comme un sentiment, une connexion qui est plus forte, qui est moins gardée, si on veut. On dirait que c’est comme plus ouvert, c’est plus spontané. C’est plus sécuritaire : comme quand tu es avec ton meilleur ami ! ». On note dans son discours qu’elle maintient tout de même une certaine dis-tance sociale en allant dans une communauté dont elle n’est pas membre. Par exemple, elle prend la peine de cogner avant d’entrer dans une maison, contrairement aux coutumes locales 91, ce qu’elle explique ainsi : « Parce que j’étais étrangère. Ouais. C’est plus à ce

90 Daniel étend même cette proximité sociale au-delà des Autoch-tones, ce qui en fait un cas plutôt unique d’éclatement de la fron-tière entre faces externe et interne du groupe autochtone (voir sec-tion 5.1.3.), illustrant bien l’étendue possible du champ d’applica-tion de cette proximité sociale : « My society is planet Earth ! [rires] My family is planet Earth ! I don’t have clans. I don’t have groups, I have family. [...] It’s the people that are around me, that surrounds me that becomes family ».

91 Le fait de ne pas cogner à la porte avant d’entrer dans une maison autre que la sienne est évoqué par 3 participants de communautés différentes comme quelque chose allant de soi dans une commu-nauté.

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niveau-là. […] Comme je vais souvent dans une communauté, j’ai des amis là-bas, c’est sûr que je cognerais. […] J’étais pas chez nous : j’étais une étrangère quand même ».

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5.2.1.2. Liens familiaux

La notion de famille revêt des sens bien différents selon les cultures et les époques et, dans le contexte québécois, le sens et la va-leur accordés à la famille ont considérablement changé au cours des dernières décennies (Dandurand, 1990). Pour bien cerner ce « groupe d’appartenance flexible » (De Singly, 1999, p. 217), nous nous limite-rons à considérer globalement la famille nucléaire, soit les parents biologiques ou adoptifs ainsi que leurs enfants, et la famille élargie, soit les membres qui leur sont apparentés à différents degrés (cousins, cousines, oncles, tantes, grands-parents, etc.). Ainsi, l’analyse du cor-pus souligne la très grande valeur accordée par les participants à leurs familles, qu’ils conçoivent d’abord de manière élargie. Par exemple, Benjamin mentionne à plusieurs reprises que sa nation est « family oriented » et Valérie cite spontanément « la famille » lorsqu’on lui demande ce que représente pour elle sa culture autochtone. Christine souligne d’ailleurs la valeur forte accordée à la famille chez les Au-tochtones en se comparant à ses amis allochtones : « On est très proches. Oui, ça fait [135] un peu clan. […] Il y en a de mes amis [al-lochtones] […] souvent, ils disent : “Moi, je vois mes parents à Noël puis je les connais pas, mes parents” ».

Dans un tel contexte, il n’est pas étonnant que la transmission de la culture se fasse particulièrement au sein de la famille, comme pour Isabelle, qui insiste sur l’importance de connaître « [s]on histoire fa-miliale » pour connaître sa culture, surtout dans un contexte où les familles étaient nomades et ont par conséquent façonné des histoires qui diffèrent au sein d’une même communauté 92. Or, même les parti-cipants dont les parents leur ont peu transmis leurs cultures durant l’enfance s’impliquent dans cette transmission auprès de leurs propres enfants, à l’instar de Paul et Nicole. La famille se voit donc confier la tâche de transmettre la culture davantage que s’il s’agissait de membres d’une culture majoritaire contrôlant pleinement son système d’enseignement, phénomène qui s’observe également chez des

92 Elle souligne que son histoire familiale lui a été enseignée par dif-férents membres de sa famille et qu’au moment de l’entrevue, sa tante avait entrepris de retranscrire les mémoires que son grand-père avait enregistrés en lien avec l’histoire de sa famille.

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cultures minoritaires issues de l’immigration (Mchitarjan et Reisen-zein, 2014).

5.2.1.3. Rôle des aînés

Christine et Isabelle précisent que les aînés sont avant tout les sages de la communauté et nous avons donc relevé les passages concernant les aînés en lien avec cette idée de sagesse, ce qui nous a permis d’identifier 11 participants sur 23 qui en parlaient explicite-ment. Par exemple, Isabelle mentionne qu’il ne reste plus beaucoup de sages dans sa communauté, mais que leur rôle est indispensable en tant que « gardiens » de son histoire, surtout dans un contexte de transmission orale. C’est aussi en interviewant des aînés que les membres de la communauté de Marie ont mis par écrit les contes et légendes issus de la tradition orale et que son école a ensuite pu déve-lopper des méthodes pédagogiques mieux ancrées dans la culture lo-cale.

À l’université, Monique a eu l’occasion de recevoir les enseigne-ments d’aînés dans l’apprentissage de langues et cultures autochtones et, dans un cadre moins formel, Emily parle des jeunes qui ressortent transformés de leurs apprentissages auprès des aînés en trouvant un meilleur équilibre. Ces « enseignements des aînés » sont aussi évo-qués par une [136] participante en lien avec le processus de guérison que traversent bon nombre d’Autochtones. On comprend donc que les aînés conservent aux yeux des participants un rôle fondamental de gardiens des cultures des Premières Nations et canaux de transmission pour les nouvelles générations.

5.2.1.4. Bien-être personnel et identité autochtone

Pour conclure cette dimension relationnelle, nous nous arrêterons à la base individuelle de ces relations en vue de mieux comprendre comment le rapport aux cultures autochtones peut influencer le bien-être personnel. Les entrevues nous ont effectivement permis de constater que la question de l’identité revenait très fréquemment chez

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les participants et qu’elle demeurait étroitement liée à leurs cultures. Si tous les individus peuvent avoir des interrogations existentielles à différentes étapes de leurs vies et dans différentes sphères de celles-ci, les Autochtones le font davantage en lien avec leur appartenance culturelle (Collin, 1994 ; Berry, 1999) 93. Nous avons ainsi relevé des passages concernant le bien-être personnel en lien avec l’identité au-tochtone chez presque tous les participants (21 sur 23). Plusieurs dé-crivent un sentiment de bien-être retrouvé en se rendant dans une communauté, telle Annabelle : « Je suis allée dans une communauté la semaine passée. Même si c’était pas ma communauté, c’était comme : “Ah ! Ça fait du bien d’être ici !” ».

Par ailleurs, la fierté autochtone – c’est-à-dire le fait de non seule-ment se sentir appartenir à une culture autochtone, mais aussi d’en retirer un sentiment de fierté – est fréquemment évoquée par les parti-cipants, comme chez Christine : « Parce que je connais mon histoire puis que ça vient avec la fierté : je suis fière de ce que je suis ». Cette découverte (ou redécouverte) culturelle s’applique aussi au-delà de l’individu, comme le souligne Annabelle : « Il y a de plus en plus de mouvements, de plus en plus de personnes des communautés qui sont dégourdies, qui veulent redonner. […] La fierté d’être Autochtone aussi, elle revient en force. Parce que moi, je m’en rappelle : c’était une honte, [137] être un Indien [...] ». Paul associe d’ailleurs fierté autochtone et autonomie : « C’est développer l’autonomie puis le sens des responsabilités. On peut s’assumer comme personne, tu sais, tout en étant un Indien fier de qui on est ». Enfin, plusieurs participants rapportent avoir vécu dans leur jeunesse une crise identitaire en lien avec leur sentiment d’appartenance à une culture autochtone 94. Dès lors, le bien-être personnel en lien avec l’identité autochtone ne se li-

93 Un des participants complémentaires, Thomas (pseudonyme), qui travaille dans le milieu de l’éducation autochtone, nous a d’ailleurs mentionné à sujet : « La question identitaire, pour les Premières Nations... C’est rare, les individus qui sont pas affectés émotion-nellement par ça, qui ont pas une relation émotionnelle forte avec leurs questions identitaires puis une préoccupation forte ».

94 Cela peut aussi être associé à un questionnement identitaire propre à l’entrée dans l’âge adulte (Galland, 2011 ; Bidart et Lavenu, 2006), mais il prend ici une signification culturelle particulière.

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mite pas à la dimension individuelle, étant bien ancré dans le contexte sociohistorique et les réseaux de relations.

5.2.2. Dimension linguistique

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La langue est non seulement un ensemble de codes partagés par les mêmes locuteurs pour s’exprimer, mais aussi une manière d’organiser sa pensée qui reflète le mode de vie de ses locuteurs : c’est donc en grande partie par elle qu’une culture se transmet95. Lorsqu’il s’agit en plus d’une langue utilisée dans un contexte minoritaire, le défi s’avère de taille pour qu’elle se maintienne face à la concurrence linguistique exercée par une langue majoritaire d’envergure internationale, comme c’est le cas aussi dans plusieurs pays africains (Rwantabagu, 2011). Chez les Autochtones du Québec, les langues sont souvent subdivi-sées en plusieurs dialectes (Collis, 1992), si bien que le défi du main-tien de la langue repose sur une faible quantité de locuteurs dispersés sur un grand territoire. Ajoutons à cela la concurrence linguistique entre le français et l’anglais chez la majorité allochtone, qui s’est transposée à la minorité autochtone (Drapeau, 1993), et l’on saisit mieux la nature hétérogène de la dimension linguistique des cultures autochtones.

5.2.2.1. De la distinction entre l’oral et l’écrit

Sur le territoire québécois actuel, les langues autochtones se sont transmises oralement depuis des temps immémoriaux et ce n’est qu’après l’arrivée des missionnaires qu’elles ont commencé à se trans-mettre aussi par écrit, d’abord à des fins d’évangélisation (Hot, 2010, p. 7-8). Dans ce contexte, la transmission orale des cultures des Pre-

95 Une langue est avant tout « un instrument de communication, un système de signes vocaux spécifiques aux membres d’une même communauté » (Dubois et al., 2013, p. 266), si bien que la culture de cette communauté se reflète dans la langue qu’elle parle, et ce, même si on trouve des particularités régionales et des niveaux de langue (e.g. « soutenue, technique, savante, populaire [...] » (Dubois et al., 2013, p. 267).

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mières [138] Nations exerce un rôle déterminant, et ce, encore aujour-d’hui, comme l’explique Christine : « Mon histoire, c’est une histoire orale : ça vient de mes grands-parents, ça vient de mon père, ça vient du monde de la communauté ». C’est aussi beaucoup grâce à la trans-mission orale que les familles définissent leur rapport au territoire, ce qui sera plus précisément abordé à la section 5.2.5.

L’écriture des contes, légendes et de l’histoire issue de la tradition orale peut bien sûr se faire dans une langue autochtone, mais aussi allochtone, que ce soit pour élargir l’audience ou parce que les locu-teurs autochtones ne maîtrisent plus la langue 96. Par exemple, le père de Dominique lui prépare un recueil où il écrit, en français, l’histoire de sa famille, de sa communauté et de sa nation. Marie a aussi partici-pé au travail d’écriture, en français, des contes et légendes de sa com-munauté, grâce à l’enregistrement de la parole des aînés. Cela dit, trois participants indiquent que les Autochtones sont moins volubiles que les allochtones, notamment Benjamin : « But the [sa nation] culture is more like a silent kind of people. They don’t verbalize... I mean, they don’t verbal too much, there’s no... But we know our culture, with amongst us, we speak our language. We’re not, as I guess, fluent as the White people, will we say. We tend to listen more, so I guess the Quebecers are more talkative ».

5.2.2.2. Langues autochtones

Presque tous les participants (21 sur 23) mentionnent explicitement le thème des langues autochtones, à l’instar de Monique, qui considère que « la langue, c’est une façon de voir le monde ». Benjamin ajoute que la langue est au cœur de la culture de sa nation et qu’elle reste très forte dans sa communauté puis Christine précise que, même si la langue de sa nation n’est pratiquement plus parlée dans sa communau-

96 Comme nous avons pu le constater chez les participants (voir sec-tion 3.2.1.), tous les Autochtones ne parlent pas forcément une langue autochtone. Par conséquent, la tradition orale autochtone inclut aussi des contes et légendes transmis directement en français et en anglais par des Autochtones dont il s’agit des langues mater-nelles.

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té, ses membres y accordent encore une grande importance « pour l’héritage culturel ». D’autres participants abordent plus précisément l’importance de la transmission des langues autochtones en-dehors de l’école, surtout au sein de la famille, comme chez Christine, dont les parents et grands-parents [139] lui ont transmis une partie de la langue de sa nation. Elle considère aujourd’hui en avoir « une base [, ce qui est] déjà beaucoup plus que la plupart dans la communauté ». On voit aussi qu’Alexander parle sa langue le plus souvent possible avec sa femme et ses enfants, même s’il l’a lui-même peu apprise dans sa jeu-nesse, et que Julia, qui maîtrise sa langue, accorde encore plus d’im-portance à ce que ses enfants la parlent à la maison depuis qu’elle vit en ville.

Cela dit, la diversité parmi les langues autochtones du Québec est fréquemment évoquée, plus particulièrement chez 7 participants. Or, la transmission de ces langues conduit souvent à devoir choisir entre une uniformisation des règles pour faciliter cette transmission ou, au contraire, leur multiplication afin de mieux refléter les parlers lo-caux 97. Par exemple, Marie mentionne que sa communauté a dévelop-pé un cours d’enseignement de sa langue et que d’autres communau-tés de la même nation ont poursuivi la même tâche, en parallèle, en dépit de la proximité linguistique.

5.2.2.3. Langues allochtones

Une écrasante majorité des participants (18 sur 23) mentionne di-rectement ou indirectement l’influence des langues allochtones (fran-çais et anglais) sur les cultures autochtones. La situation varie beau-coup en fonction des langues maternelles et de scolarisation de cha-cun. Certains se sont aussi retrouvés dans des situations où plus d’une langue était parlée à la maison, offrant par conséquent une multiplica-tion des usages linguistiques possibles entre les langues autochtones,

97 On note la sortie d’une Grammaire de la langue innue (Drapeau, 2014), qui a nécessité un long travail de collaboration des membres de plusieurs communautés, signe d’une possible uniformisation écrite des pratiques linguistiques régionales diversifiées chez les locuteurs d’une même langue.

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le français et l’anglais. On comprend alors mieux le contexte particu-lier de diversité linguistique chez les Autochtones, qui s’insère lui-même dans la diversité linguistique chez les allochtones au Canada, mais avec encore plus d’acuité au Québec 98. Certains participants mentionnent aussi l’existence d’une barrière linguistique au sein même de leur nation entre les membres davantage familiers avec le français et l’anglais.

[140]Enfin, Hélène aurait nettement préféré être élevée dans la langue

de sa nation, mais observe que sa maîtrise du français a facilité son intégration scolaire et sociale dans la société allochtone majoritaire : « Je trouve ça triste un peu, mais en même temps, c’est peut-être aussi ce qui a facilité mon intégration, parce que je parle français couram-ment, c’est ma langue maternelle ». On note ici le dilemme auquel font face les étudiants autochtones de langue maternelle allochtone, s’insérant plus facilement dans un système éducatif défini par la culture majoritaire sans pour autant s’identifier à cette culture. Enfin, l’influence des langues allochtones se manifeste différemment chez les étudiants qui déménagent en ville lorsqu’ils sont plus à l’aise en anglais qu’en français, ce qui peut, dans le contexte québécois, conduire à un certain isolement social.

5.2.3. Dimension artistique

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Nous avons relevé deux indicateurs relatifs à cette dimension : les arts et l’artisanat ainsi que différentes formes de diffusion des cultures autochtones. Cette dimension est évoquée par 16 participants sur 23, qu’il s’agisse ou non de leurs propres pratiques.

98 On pense aussi aux Métis du Manitoba, qui se subdivisent entre francophones et anglophones, ce qui se répercute en partie sur la fréquentation scolaire (Gagnon, 2010). En général, les Autochtones hors-Québec connaissent cependant assez peu la concurrence lin-guistique entre le français et l’anglais.

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5.2.3.1. Arts et artisanat

Chez les 13 participants qui ont mentionné cet indicateur, la majo-rité de ceux qui parlent d’artisanat évoquent les pratiques de leur en-tourage, comme chez Monique, dont le père fabriquait des raquettes et Emily, dont la fille coud des mitaines. À l’opposé, la majorité des par-ticipants qui parlent des arts évoquent surtout leurs propres pratiques artistiques : 3 parlent des cours axés sur les cultures autochtones of-ferts à l’école primaire et 3 autres indiquent avoir intégré une dimen-sion artistique autochtone significative à leurs études universitaires. D’autres participants s’impliquent aussi au sein de regroupements ar-tistiques autochtones et Christine insiste sur l’importance de connaître « d’autres sphères de [s]a culture », dont les arts. Elle ajoute d’em-blée que sa connaissance des chants traditionnels de sa nation ne l’em-pêche pas d’apprécier d’autres types de musique, comme quoi la pré-sence d’un profil culturel dissonant 99 (Lahire, 2006) n’empêche aucu-nement le [141] sentiment d’appartenance à une culture autochtone : « J’écoute aussi du Arcade Fire, tu sais, j’ai le côté moderne, là ! On dirait qu’ils [certains allochtones] me retournent en arrière. Je fais plein de traditions, mais je suis Québécoise aussi ! ».

99 Lahire (2006) traite des profils dissonants par rapport à une culture dite « légitime » en termes de classes sociales, mais nous avons repris cette terminologie dans le contexte autochtone en vue de dé-construire une certaine essentialisation de ce que devraient être les pratiques culturelles chez les Autochtones. À l’ère de la mondiali-sation des échanges culturels, il serait d’ailleurs illusoire de conce-voir une culture sans influences extérieures (Amselle, 2001) et nous considérons que le cas de Christine illustre à merveille cette possibilité d’être au fait des pratiques artistiques associées à sa propre culture tout en adoptant certaines pratiques associées à d’autres cultures.

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5.2.3.2. Diffusion culturelle

Les moyens de diffusion des cultures autochtones regroupent une variété de médias 100, contextes et protagonistes. Aussi, avons-nous ciblé les lieux physiques, les événements culturels et les moyens de communication visant le public, qu’il soit ou non autochtone. Dans cette optique, le moyen de diffusion le plus fréquemment mentionné reste le musée et 5 des 7 participants qui en parlent (sur 23) ont d’ailleurs eux-mêmes eu l’occasion de travailler dans un musée au-tochtone ou un musée allochtone avec une exposition à thématique autochtone. Une telle expérience a d’ailleurs amené Jérôme à vouloir connaître davantage sa propre culture, comme nous l’avons vu à la section 5.1.2.2. Le pow-wow, rassemblement culturel qui se tient chaque année dans la plupart des communautés des Premières Na-tions 101, est aussi souvent cité par les participants, offrant aux membres d’une communauté l’occasion de se rassembler et diffuser leurs cultures, en plus de permettre aux visiteurs de mieux les connaître. Ainsi, 4 participants ont indiqué assister régulièrement aux pow-wows de leurs propres communautés et 3 soulignent avoir déjà assisté à un festival ou un événement culturel à thématique autochtone en ville.

Au chapitre de la diffusion audiovisuelle des cultures autochtones, les participants mentionnent le documentaire, la télévision et la radio, un cas ayant aussi eu l’occasion d’étudier dans ce domaine au collé-gial. Notons que la radio revêt une importance cruciale dans les com-munautés car il s’agit pour celles-ci d’une source d’information locale essentielle qui assure aussi la vitalité des langues autochtones (Aubin, 2012). Diana soulève [142] également le rôle d’Internet dans la diffu-

100 Nous avons toutefois pris soin d’exclure la diffusion sous forme écrite puisque cette facette a été intégrée à la dimension linguis-tique déjà abordée précédemment.

101 Par exemple, Tourisme Autochtone Québec faisait part de 26 dif-férents pow-wows organisés en 2018 dans différentes communau-tés, entre juin et septembre.Source : http://www.tourismeautochtone.com/edito-vivez-les-pow-wow/

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sion des cultures autochtones, cette vitrine pouvant aider ceux loin de leurs communautés à maintenir un contact avec leurs cultures.

5.2.4. Dimension spirituelle et philosophique

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Nous avons relevé 5 indicateurs associés à cette dimension, à sa-voir les valeurs, les spiritualités autochtones, la vision holistique, la temporalité et l’influence du christianisme. Bien que tous les 23 parti-cipants ne mentionnent pas forcément chacun de ces éléments, ils en soulèvent tous au moins un dans leur rapport aux cultures autoch-tones.

5.2.4.1. Valeurs

Cet indicateur pourrait sembler mal défini, mais le terme reste ce-lui qui exprime le mieux ce que rapportent les 12 participants qui parlent « des manières d’être, des façons de voir les choses » (Jérôme) propres aux cultures autochtones. Alice ajoute qu’une culture autoch-tone n’est « pas un objet externe » et Stéphanie précise que sa culture autochtone est au cœur de son identité : « Aujourd’hui, c’est tout. Pour moi, c’est tout. C’est ma raison d’être, ma raison de vivre ». On mentionne aussi que les cultures autochtones sont une manière de pen-ser et de réfléchir différente de ce qui prévaut dans les cultures occi-dentales. Isabelle indique d’ailleurs ne pas vouloir travailler dans un domaine sans lien avec les Autochtones à cause des valeurs qu’elle juge trop éloignées : « Je me vois pas travailler dans un autre do-maine que dans le monde autochtone. […] Sinon, je vois pas... Je me sens pas bien, je suis pas à l’aise. […] Je me sens trop différente, je pense. C’est des façons de penser différentes [...] ».

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5.2.4.2. Vision holistique et temporalité

On peut définir la vision holistique comme une approche qui envi-sage les choses dans leur ensemble et dans les interrelations entre les différents éléments qui composent un tout, mais Colomb (2012, p. 4) nous rappelle que ce mot est d’origine occidentale.

Le terme holistique est toutefois un emprunt au monde européen qui n’est pas employé dans les langues traditionnelles des Premières Nations du Québec. […] Les membres des Premières Nations préfèrent utiliser actuellement les termes vision intégrée ou approche globale de l’individu, dont la finalité est le mieux-être et la recherche d’un équilibre entre les différentes dimensions de la personne (spirituelle, physique, intellectuelle, émotionnelle).

[143]Ainsi, Valérie explique que l’approche holistique ne peut être défi-

nie de manière univoque : « C’est pas un modèle théorique : c’est une façon d’être. Tu sais, l’approche holistique, tu travailles pas en silo. Fait que tu peux l’appliquer de plein de façons ». Christine ajoute que « c’est typiquement autochtone » de considérer qu’une même per-sonne « peut faire tout » et dit avoir observé une certaine réticence à un découpage des tâches formel dans ses expériences de travail en milieu autochtone 102. La vision holistique peut aussi s’appliquer d’un point de vue intellectuel et analytique, comme lorsqu’Alice indique éprouver de la difficulté à définir « la » culture autochtone puisqu’elle représente à ses yeux un tout, une entité qu’on ne peut décortiquer sans en lier les éléments à leur ensemble.

Enfin, 8 participants sur 23 mentionnent une relation au temps dif-férente chez les Autochtones, que ce soit en se référant à eux-mêmes ou de manière plus générale. Cet indicateur concerne plus précisément

102 Benjamin constate aussi que les activités sportives et culturelles en ville respectent davantage une structure préétablie que dans sa communauté, où il faut parfois annuler ou déplacer la tenue d’une activité parce qu’une autre a finalement pris sa place sans préavis.

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ce qu’Annabelle qualifie d’« Indian time », expression maintes fois reprise pour souligner le rapport au temps propre aux cultures autoch-tones, même si elle peut aussi donner lieu à des généralisations hâtives (Bousquet, 2012). Ce faisant, Valérie explique que vivre sa culture autochtone implique de « prendre le temps » et Jérôme ajoute que « c’est une autre façon, c’est un autre rythme ».

5.2.4.3. Spiritualités autochtones

Si tous les participants ne pratiquent pas nécessairement eux-mêmes une forme de spiritualité autochtone, 15 parmi eux ont associé cet aspect aux cultures autochtones. Or, la spiritualité pouvant être de nature philosophique ou religieuse (Vieillard-Baron, 2013), on ne sau-rait la confondre avec la religion. C’est aussi ce qu’indique Christine en décrivant son propre rapport à la spiritualité : « Ils [les allochtones] disent souvent ça, que c’est une religion. C’est pas une religion ! C’est une autre façon... […] Ça fait partie des valeurs que tu as aus-si ». Elle souligne aussi l’importance du respect de la nature qui s’ex-prime notamment en offrant du tabac à une fleur cueillie en guise de remerciement, s’inscrivant [144] dans la relation particulière à la terre que nous aborderons à la section 5.2.5.1.

Certains participants prennent part à l’occasion à des cérémonies et rites, comme le fait Monique, ou le font plus régulièrement, comme Christine. De son côté, Paul a appris plus tardivement certains rites auprès de collègues de travail autochtones et il s’efforce de trans-mettre ces connaissances à ses enfants. Annabelle vit toutefois sa spi-ritualité plus intérieurement, précisant ne pas vouloir « faire tout croche » les rites, qu’elle n’a pas appris. Autrement, on parle davan-tage de la spiritualité telle qu’elle se vit dans un environnement moins associé à des lieux chargés de sens, comme le fait Martine : « […] chaque fois qu’on mange [en famille] [...] on fait toujours une prière, on se tient tous la main puis on remercie le Créateur pour tout ce qu’on a ». L’influence des ancêtres peut aussi se manifester dans la spiritualité des participants, selon l’idée que les morts exercent une influence sur les vivants. Par exemple, Martine demande « de la force » à sa grand-mère décédée pour la soutenir dans ses études.

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5.2.4.4. Influence du christianisme

L’influence de la religion chrétienne (principalement catholique et anglicane) au sein des cultures autochtones remonte aussi loin qu’à l’arrivée des premiers missionnaires, qui a suivi de peu celle des pre-miers explorateurs (Trigger, 1992, p. 280-283). Ces contacts ont par la suite connu des fréquences et des intensités variables selon les régions et les populations concernées, dans un laps de temps très large allant du XVIe siècle à la première moitié du siècle précédent (Groulx, 1962, p. 13-57). Cette influence s’est fait sentir avec l’assimilation marquée en termes de croyances et pratiques spirituelles depuis la Nouvelle-France. C’est cependant plus souvent aux pensionnats 103 que l’on se réfère pour illustrer ce phénomène puisque leur influence reste encore bien ancrée dans les souvenirs des survivants et de leurs descendants (Castellano, Archibald et DeGagné, 2008 ; Ottawa, 2010). Nous re-trouvons donc 11 participants qui parlent du pensionnat et plus spéci-fiquement 2 qui l’ont fréquenté, mais en raison des traumatismes vé-cus par ces survivants, nous n’avons pas cherché à explorer davantage ce sujet lorsqu’il était abordé, comme nous l’avons expliqué à la sec-tion 5.1.1.2. Étant donné la cessation de ses activités [145] au Québec à la fin des années 1970, ces 2 personnes sont nées avant le début des années 1970.

Dans un cadre plus contemporain, l’influence du christianisme semble surtout présente chez les Autochtones plus âgés, alors que les jeunes seraient, selon Isabelle, davantage « mêlés » dans leurs croyances : « […] nous-autres aujourd’hui, les jeunes, on sait plus trop... Bien, tu sais, on est-tu catholiques ? Qu’est-ce qu’il faut qu’on croie ? Puis c’est super présent, dans les communautés, la religion... Mais, on apprend rien en même temps ». C’est aussi pour mieux com-prendre cette influence chrétienne dans la culture de sa propre com-munauté qu’elle a choisi, durant son baccalauréat, de suivre certains cours optionnels reliés au christianisme. Pour sa part, Christine ex-

103 Rappelons que cette institution avait pour objectif avoué d’ame-ner les enfants autochtones à renier dès le plus jeune âge leurs cultures autochtones et qu’elle impliquait une coupure totale d’avec la famille et le milieu d’origine durant l’année scolaire.

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prime l’influence encore très présente de la religion catholique dans sa communauté, surtout chez les aînés : « […] le côté religion catho-lique, c’est encore fort ça, ici. C’est à cause de ça aussi parce que nous, nos aînés... Hé ! La religion catholique, tu touches pas à ça ! […] Nos aînés sont fiers d’être catholiques, ils... Tu sais, c’est parce qu’ils ont été imprégnés là-dedans puis ils ont été assimilés là-de-dans ». L’influence du christianisme peut cependant se manifester dif-féremment au sein d’une même famille, comme chez Daniel : lui-même et son père sont axés sur les pratiques spirituelles autochtones, alors que sa mère et sa fille vont régulièrement à la messe.

5.2.5. Dimension géographique

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On peut difficilement traiter des cultures autochtones sans aborder la dimension géographique, l’autochtonie se référant d’abord au terri-toire et à son occupation antérieure (Charest, 2009). La réduction de l’Autochtone (Simard, 2003) comporte précisément une dimension géographique qui s’exprime par le confinement des Autochtones aux réserves, l’État considérant ceux qui n’acceptent pas le statut de ré-serve comme de simples squatteurs 104. Toutes les communautés et nations ont néanmoins défini leurs territoires ancestraux correspon-dant à une zone d’occupation et d’usage qui n’est reconnue comme territoire autochtone qu’en partie par l’Autre (Poirier, 2000). Dans cette optique, il n’est pas étonnant que tous les 23 participants fassent référence à la dimension géographique des [146] cultures autochtones, que nous avons relevée au moyen de quatre indicateurs : le rapport à la terre ; les activités et produits du terroir ; la communauté autoch-tone ; la présence autochtone en milieu urbain.

104 C’est par exemple le cas des Algonquins de Kitcisakik (Loiselle, Bousquet et al., 2008, p. 11).

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5.2.5.1. Rapport à la terre

Si l’on oppose parfois nature et culture, l’une et l’autre tendent à se réconcilier chez les Autochtones, dans la mesure où la nature se trouve bien au cœur de la culture. Nous ne souhaitons cependant pas succomber à une vision idyllique empruntée à la tradition rousseauiste du « bon sauvage » qui, au demeurant, teinte encore les perceptions occidentales des cultures autochtones (Franks, 2002). En somme, sans pour autant être réduites à l’environnement physique où elles se sont développées, ces cultures sont fortement ancrées dans ce qu’Alice nomme une « relation particulière, privilégiée [...] des Autochtones avec la terre : la terre au sens philosophique, mais la terre aussi sur laquelle on vit ». Par exemple, Emily explique qu’elle ne vit pleine-ment sa culture autochtone que lorsqu’elle se retrouve sur le territoire de sa communauté et Jérôme insiste sur le lien entre la langue de sa nation et le territoire qu’elle décrit. Plusieurs mentionnent également le respect de l’environnement, étant donné que, comme le décrit Ma-rie, « c’est pas d’exploiter la terre », mais plutôt « la terre [qui] te donne des choses ». Ainsi, nous avons déjà souligné que le rapport à la terre est souvent associé à la spiritualité et la forêt y occupe une place de choix. Par exemple, la possibilité de se ressourcer en allant en forêt revient à plusieurs occasions, comme chez Olivia, pour qui cette activité manque beaucoup depuis qu’elle est déménagée en ville. Diana ajoute que ses diplômes ne lui permettront jamais d’en connaître autant que certains membres de sa communauté qui vont régulièrement en forêt et qu’elle a beaucoup à apprendre d’eux.

Étant donné le rapport au territoire qui va bien au-delà de la com-munauté, plusieurs participants séjournent à l’occasion en forêt sans pour autant y vivre. Ils évoquent aussi le territoire traditionnel de leurs nations ou de leurs familles et certains de ces lieux revêtent une signi-fication importante d’un point de vue culturel et historique. C’est ce qui explique qu’Alexander juge essentiel de concilier développement économique et respect de l’environnement dans l’atteinte du bien-être de sa communauté : « It’s all about [147] possession, like that’s not about [sa nation] culture. That has nothing to do with [sa nation] culture actually. […] You got to plan for it, to be efficient, both for the environment and […] economically for the communities ». Enfin,

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le rapport à la terre peut aussi revêtir une signification toute person-nelle, comme pour Christine, qui affirme qu’elle n’irait pas étudier ou travailler dans une ville en particulier parce que « c’est pas [s]on ter-ritoire », alors qu’elle a étudié dans une autre ville sur ce qu’elle dé-crit comme son territoire, qui épouse de près les contours du territoire traditionnel de sa nation.

5.2.5.2. Activités et produits du terroir

Que ce soit pour pratiquer les activités de chasse, de pêche et de trappe ou simplement en mangeant des mets de leurs cultures, 19 par-ticipants sur 23 traitent de cet indicateur. Le rapport à la nourriture et aux activités qui y sont associées ne se limite d’ailleurs ni au besoin physiologique de manger, ni même à la socialisation autour d’un repas ou encore à la pratique d’une activité récréative. Il s’agit d’abord d’un contact avec la nature et, pour ceux qui font davantage part de leur spiritualité, avec le Créateur. Les activités de trappe sont surtout men-tionnées à propos de parents ou grands-parents, comme chez Mo-nique, dont le père vendait autrefois ses prises. Annabelle a pu, pour sa part, apprendre de telles techniques avec ses oncles et son grand-père quand elle était petite, mais précise les avoir oubliées depuis. Alexander et Isabelle soulignent qu’il y a encore des trappeurs actifs dans leurs communautés, le premier ajoutant qu’ils ont aussi leur mot à dire dans le développement du territoire.

Pour leur part, la chasse et la pêche sont tellement associées aux cultures autochtones chez les participants que certains précisent d’em-blée que la culture ne doit pas s’y réduire, comme lorsque Dominique cherche des manières d’inciter les jeunes de sa communauté à s’inté-resser davantage à leur culture : « […] peut-être l’amener d’autres façons, pas nécessairement aller à la chasse pendant une semaine... ». Jérôme ajoute que ce sont des activités « peut-être “cliché” » pour illustrer sa culture, mais que ça reste quelque chose qui l’« habite ». Alexander démontre d’ailleurs très bien l’influence déterminante de ces activités : « For me, my culture, my [sa nation] culture, is all about hunting and fishing ». Plusieurs écoles des communautés au-

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tochtones conçoivent d’ailleurs [148] leur calendrier scolaire en pré-voyant une ou deux semaines de congé de chasse 105.

Enfin, les passages qui font référence à la nourriture restent liés de près au gibier et au poisson, à l’exception notable de la banique et, dans une moindre mesure, du maïs 106. Ainsi, Olivia affirme que la nourriture est sacrée et Annabelle ajoute avoir appris que « quand tu tues quelque chose, d’utiliser le plus possible parce que [c’est] le res-pect de la nature : la bête [t’a] donné sa vie pour te nourrir ». L’im-portance de pouvoir manger un repas traditionnel est d’ailleurs maintes fois évoquée, et ce, plus particulièrement chez les participants qui, comme Diana, proviennent d’une communauté en milieu rural : « The only thing missing me sometimes [en ville] is eating the tradi-tional food that you’re used to it. Sometimes I’m craving ! I don’t know where to get it  ! ».

5.2.5.3. Communauté

Nous utilisons le terme « communauté » au sens du territoire défini légalement comme réserve ou village 107. Nous insistons donc sur le lieu physique de la communauté indépendamment du lieu de rési-

105 C’est le cas dans les deux commissions scolaires autochtones (Crie et Kativik) et dans d’autres communautés, dont Pikogan et Obedwijan (Prince, 2014). D’ailleurs, 67% des écoles autochtones membres du CÉPN ont modifié leur calendrier scolaire « pour per-mettre aux élèves de participer aux activités culturelles et sociales de la communauté » (Conseil en Éducation des Premières Nations, 2002, p. 99).

106 Cette céréale cultivée depuis des millénaires est étroitement asso-ciée aux premiers habitants du continent.

107 Au Québec, les communautés cries, inuit et naskapi sont des vil-lages en vertu de la Loi sur les villages cris et le village naskapi (L.R.Q., c. V-5.1) et de la Loi sur les villages nordiques et l’admi-nistration régionale Kativik (L.R.Q., c. V-6.1). Toutes les autres communautés autochtones reconnues comme bandes en vertu de la Loi sur les Indiens (L.R.C. (1985), ch. I-5) ont donc le statut de réserve.

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dence de ses membres puisque les liens peuvent se maintenir sans pour autant qu’un membre ne réside sur le territoire de la communau-té, d’autant plus à une époque où la mobilité géographique a pris une telle ampleur (Baptista, 2012, p. 15-24). En somme, le terme de com-munauté exprime à la fois le territoire délimité comme réserve ou vil-lage ainsi que le sentiment d’appartenance qui unit ses membres au-delà des limites territoriales. De plus, le rapport avec sa propre com-munauté, de même qu’avec les communautés autochtones en général, varie forcément en fonction de la fréquence et de la durée des contacts que chacun des participants y a développés. Le simple fait qu’un indi-vidu se définisse comme Autochtone ne signifie donc pas qu’il ait adopté ce [149] qu’on pourrait qualifier de « culture de la communau-té » 108. La notion de communauté reste néanmoins omniprésente dans les discours des participants quand ils parlent de leurs cultures autoch-tones, ce qui n’est pas sans lien avec le rôle de foyers culturels qu’ont été amenés à jouer les communautés autochtones (Gélinas, 2007) 109. Sans pour autant négliger ce qui se fait à l’extérieur, la communauté représente par conséquent un foyer où les cultures autochtones trouvent encore le terrain le plus propice à leur éclosion, si bien que tous les 23 participants en parlent.

La communauté doit donc d’abord être entendue, comme l’ex-plique Annabelle, en tant que « communauté dans les liens », en dépit du contexte sociohistorique d’assimilation qui leur a donné naissance (Salem-Wiseman, 1996). Toutes les communautés autochtones men-tionnées par les participants ont en commun les relations de proximité et de solidarité développées entre les membres qui les composent, comme nous l’avons vu à la section 5.2.1.1. Il s’agit d’un milieu, comme l’affirme Isabelle, « pas mal familial », où « tout est proche » et Annabelle ajoute qu’« il y a quelqu’un qui s’occupe de toi tout le temps ». Chez les participants anglophones, c’est surtout l’expression « family-oriented » qui revient régulièrement pour décrire cette culture locale de proximité et de solidarité, comme chez Alexander :

108 D’autant plus quand on tient compte de la « pluralité de l’offre culturelle et, d’autre part, de la pluralité des groupes sociaux » (La-hire, 2006, p. 61) à laquelle s’expose tout individu dans le monde contemporain.

109 Rappelons que les réserves furent d’abord créées par le gouverne-ment canadien dans un but d’assimilation.

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« Everybody knows everybody, the kind of like look after each other. Kids are allowed to wander the street, they don’t just hang around their yard : they can go down the street without the... I guess the pa-rents haven’t a problem with it because it’s like a big family-oriented place ».

Plusieurs participants affirment entretenir un rapport à leurs cultures différent en se retrouvant à l’extérieur de leurs communautés, comme Emily, qui doit se limiter dans ses pratiques culturelles pour, précise-t-elle, s’adapter à son environnement. Pour sa part, Manon parle même de l’oubli qui s’installe en s’éloignant du territoire de la communauté : « Puis même, il y a comme le fait de plus être dans la réserve. Il y a comme, à un moment donné, tu oublies ça que tu es [membre de sa nation] ». À l’opposé, Christine ne se sent aucunement influencée par son lieu de résidence dans son rapport à sa culture au-tochtone : [150] « Ça m’importe peu d’habiter ou non sur la commu-nauté plus tard. Moi, je les ai, mes racines, je les sais mes connais-sances. J’ai ma culture, je peux habiter [une ville] pareil puis être [membre de sa nation] pareil, tu sais. J’ai pas besoin d’être sur le lieu en tant que tel ». En somme, si la communauté représente toujours un lieu culturel central chez les participants, ceux qui se retrouvent à l’extérieur évaluent à différents degrés la possibilité d’y vivre leurs cultures.

5.2.5.4. Présence autochtone en milieu urbain

Tous les 23 participants ont abordé le thème de la présence autoch-tone en milieu urbain. Or, bien que toutes les villes québécoises se soient développées sur des territoires d’abord habités par les Pre-mières Nations, cette influence y a longtemps été passée sous silence et ce n’est qu’assez récemment que les Autochtones ont pu davantage y revendiquer leur place, notamment en lien avec le développement des centres d’amitié autochtone (Comat, 2014). Leur présence varie toutefois d’une ville et d’une région à l’autre, tant en termes d’effec-tifs que d’origines géographiques (Kermoal et Lévesque, 2010), et peut être passagère ou au contraire implantée de longue date. La fron-

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tière entre communauté et ville 110 apparaît souvent de manière assez floue dans les parcours des participants et tous ceux qui ont grandi dans leurs communautés ont aussi eu l’occasion de fréquenter la ville. La fréquence et l’intensité de ces contacts varient surtout selon deux facteurs, à savoir la position géographique de la communauté et l’offre scolaire que l’on y retrouve. À l’âge adulte, ces deux facteurs exercent encore une grande influence sur la mobilité des participants, mais s’y ajoute davantage celui de la situation socioéconomique de la communauté, en lien avec les offres d’emploi et la qualité de vie.

En termes de services offerts aux Autochtones en milieu urbain, on pense bien sûr aux centres d’amitié autochtone (CAA). Neuf partici-pants ont mentionné y avoir reçu des services ou s’y être impliqués, en plus de 4 autres qui en parlent en-dehors de leurs propres expé-riences. On retrouve donc des participants qui n’ont pas besoin des services du CAA [151] et ne le fréquentent pas, certains qui s’y im-pliquent sans avoir besoin de ses services puis d’autres qui le fré-quentent pour socialiser avec des Autochtones sans s’y impliquer ni recourir aux services offerts. Certains ont par exemple l’occasion de fréquenter à des fins de socialisation le CAA de la ville où ils étudient, donc sans vraiment y rechercher de services spécifiques, telle Mo-nique durant une partie de ses études. Pour sa part, Valérie n’est en-trée en contact avec un CAA qu’une seule fois durant ses études et n’a « pas senti le besoin » d’y retourner, s’étant toutefois impliquée dans un autre centre par la suite. Pour sa part, Annabelle n’a jamais fré-quenté un CAA et explique vouloir « laisser les ressources à ceux qui peuvent pas se les procurer », précisant que ce n’est « pas par arro-gance, c’est vraiment peut-être plus par conscience sociale ». Cette représentation du CAA comme un organisme offrant des services aux Autochtones défavorisés revient aussi dans le discours de Mathieu, qui s’y est déjà impliqué sans jamais avoir eu besoin de ses services. Dans la même veine, Martine ne veut pas y aller car elle considère que

110 L’extérieur de la communauté ne se réduit pas à la ville (suivant une logique binaire « ville / communauté ») et il existe aussi des municipalités rurales. Nous insistons cependant sur la ville dans cette section car c’est surtout là que se concentrent les Autochtones à l’extérieur des communautés, mais précisons que les Autochtones ne se dirigent pas seulement vers les grandes villes (Kermoal et Lévesque, 2010).

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« le centre d’amitié, c’est pour les gens qui ont des difficultés » et Christine fait part de ses propres préjugés à son arrivée en ville.

J’ai tellement eu de préjugés puis d’idées là-dedans ! Ah oui ! J’en ai entendu parler : […] « Ils [les usagers] se ramassent [en ville] puis ils sont un peu déboussolés puis ils se sentent pas bien puis c’est pas du monde qui ont beaucoup d’études. […] Ceux même qui ont des problèmes de dépen-dance, ils vont là, mais pour se faire aider. » Tu sais, j’ai dit : « Moi, je veux pas aller là ! Je suis pas comme ça ».

Les cas de participants ayant eu recours aux services offerts par le CAA sont cependant très loin de l’image que s’en était faite Christine. Par exemple, Julia le fréquente à l’occasion avec ses enfants pour des activités à caractère familial, tout en y allant parfois simplement pour rencontrer d’autres Autochtones. Quant à Emily, sa famille apprécie grandement les services offerts pour l’aider à assurer une meilleure transition vers la vie urbaine, notamment avec l’aide aux devoirs pour ses enfants d’âge scolaire.

Il existe aussi certains services destinés aux Autochtones en milieu urbain qui ne relèvent pas des CAA, comme les services de santé of-ferts directement par certaines communautés et nations, sans compter les événements culturels impliquant des artistes autochtones, tel le festival Présence Autochtone à Montréal. La ville est donc aussi deve-nue [152] cet espace où les cultures autochtones se manifestent, mais tous les participants rencontrés ne cherchent pas forcément à prendre part à des activités spécifiquement autochtones en ville et leurs be-soins en services ne correspondent pas à un modèle unique. S’il s’avère par conséquent hasardeux d’établir un portrait-type de l’étu-diant autochtone en milieu urbain, notons que la frontière géogra-phique et symbolique entre la ville et la communauté exerce toujours une grande influence sur les cultures autochtones, et ce, tant dans les pratiques que les représentations.

5.2.6. Dimension sociopolitique

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Nous adoptons une définition de la culture (Merrill, 1961) qui tient aussi compte de ce que Marx (1972, p. 17-20) nommait infrastructure ou « mode de production de la vie matérielle », sans pour autant considérer que la culture ne serait que le reflet de l’infrastructure (thèse matérialiste) ou, à l’opposé, que cette superstructure détermine-rait la base matérielle de la société (thèse idéaliste). Nous retiendrons, dans la dimension sociopolitique, que les conditions de vie matérielles des Autochtones influencent forcément la manière dont ils définissent leurs cultures. Nous y avons inclus les aspects économiques, poli-tiques et juridiques, les trois étant étroitement reliés. Quatre indica-teurs y sont associés : lois et règlements spécifiques ; mobilisations et revendications ; organisations et regroupements ; contexte socioéco-nomique. On notera que tous les 23 participants ont abordé au moins un de ces indicateurs.

5.2.6.1. Lois et règlements spécifiques

Dès les premiers contacts entre Autochtones et allochtones, l’as-pect juridique a donné lieu à un traitement différencié des premiers par les seconds, qui culminera sous le régime canadien avec le phéno-mène de réduction juridique, excluant légalement les Autochtones du reste de la population (Simard, 2003, p. 34-36). Ces lois et règlements visaient explicitement à les tenir à l’écart pour ensuite les assimiler à une population allochtone devenue majoritaire 111. Dès lors, l’État ca-nadien ouvrait grand la porte à [153] l’arrivée massive de nouveaux immigrants qui coloniseront d’un océan à l’autre les territoires aupara-vant occupés par les Autochtones. C’est dans ce contexte sociohisto-rique d’expansion territoriale que la Loi sur les Indiens fut adoptée en

111 Ce mouvement suivait une période initiale d’alliances sous les régimes français (contre les Britanniques) et britannique (contre les Étatsuniens). Au lendemain de la victoire britannique de 1812 et de l’effacement de la menace d’invasion venue du sud, les colonies britanniques de ce qui allait devenir le Canada cherchèrent alors à régler définitivement ce qui devenait à leurs yeux « le problème indien », en imposant la sédentarisation aux Autochtones (Miller, 2000, p. 103-124).

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1876 112, loi qui, malgré les modifications qui y furent apportées par la suite, reste au cœur de l’aspect proprement juridique des cultures au-tochtones. Rappelons que tous les Autochtones ne sont pas légalement « Indiens » 113 et qu’au Québec, cette loi ne s’applique pas aux nations crie et naskapie 114.

Il n’est donc pas étonnant que ce soit la Loi sur les Indiens qui res-sorte le plus fréquemment dans les discours des participants, parmi les 21 (sur 23) qui parlent des lois et règlements spécifiques aux Autoch-tones. Certains évoquent parfois des situations révolues, particulière-ment à propos de la situation des femmes, qui perdaient jusqu’en 1985 leur statut indien lorsqu’elles se mariaient avec un « non-Indien » (voir section 5.1.3.3.). Par exemple, Manon aborde l’influence qu’a exercé sur son identité autochtone l’octroi du statut indien via celui retrouvé par sa mère : « Quand j’ai eu ma carte, là, j’ai vraiment réa-lisé que j’avais ce statut-là. Puis on dirait que c’est comme… Je me suis intéressée un peu plus ». Pour sa part, Mathieu élabore assez lon-guement au sujet des problèmes juridiques occasionnés par les clauses qui distinguaient jusqu’en 2010 les « Indiens » dont la mère avait re-trouvé son statut selon qu’ils pouvaient ou non transmettre ce statut à leurs propres enfants 115. Cette ancienne distinction a d’ailleurs long-

112 Il s’agissait plus précisément de l’Acte pour amender et refondre les lois concernant les Sauvages.

113 On pense bien sûr aux Inuit et Métis, mais aussi aux membres des Premières Nations qui n’ont pas été reconnus légalement comme Indiens (désignés comme « Indiens non inscrits »).

114 Un certain équivalent québécois de la Loi sur les Indiens est la Loi sur les autochtones cris, inuit et naskapis (L.R.Q., c. A-33.1), mais il y a aussi des lois spécifiques telles que la Loi sur l’instruc-tion publique pour les autochtones cris, inuit et naskapis (L.R.Q., c. I-14) et la Loi sur les services de santé et les services sociaux des autochtones cris (L.R.Q., c. S-5).

115 En résumé, une personne dite « 6-1 » (en lien avec l’article 6, pa-ragraphe 1 du projet de loi C-31 ayant modifié la Loi sur les In-diens en 1985) pouvait transmettre son statut à ses enfants. Si l’autre parent était « non-indien » (homme ou femme), l’enfant de-venait « 6-2 » (article 6, paragraphe 2). Il ne pouvait alors trans-mettre son statut qu’en ayant un enfant avec une personne détenant le statut indien (« 6-1 » ou « 6-2 »). Dans le cas contraire, l’enfant

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temps produit des divisions au sein d’une même communauté sur la base d’une quantification de l’identité « indienne », [154] comme le souligne Christine : « Tu sais, il y a du monde [qui dit] : “Toi, tu es juste une 12 % !”. Des fois, on se parle comme ça, dans la commu-nauté ». Paul déplore aussi, à cause de la Loi sur les Indiens, une cer-taine dépendance entretenue à l’égard du conseil de bande 116. Enfin, certains abordent l’absence de taxes et impôts dans les communau-tés 117, l’impossibilité d’y être propriétaire d’un terrain ou encore les droits associés au statut indien (ou de bénéficiaire des Conventions 118) par rapport à la chasse et la pêche, en plus de l’aide financière aux études spécifique (voir section 6.5.3.).

5.2.6.2. Mobilisations et revendications

Sur le plan politique, 11 participants font référence à des exemples de revendications et de mobilisations autochtones, que ce soit pour

devenait « non-Indien ». Depuis 2010, cette clause a toutefois été abrogée et il suffit qu’un des deux parents ait un statut indien re-connu légalement pour qu’il soit transmis aux enfants.

116 Cette forme de dépendance décrite par Paul découle directement de l’ancien modèle de gouvernance imposé par le gouvernement fédéral, alors que l’agent des affaires indiennes jouissait de pou-voirs étendus non seulement sur la communauté, mais aussi sur chacun de ses membres (Mason, 1983, p. 429), par exemple en contrôlant les entrées et sorties sur le territoire avec des « passe-ports indiens » (Barron, 1988).

117 Cette disposition ne s’applique qu’aux Autochtones reconnus comme Indiens inscrits qui effectuent des achats ou travaillent sur le territoire de la communauté. S’il existe des dispositions ou en-tentes à travers le pays pour permettre l’exemption fiscale de cer-tains achats effectués à l’extérieur d’une communauté, tous les re-venus obtenus à l’extérieur sont imposables (Lepage, 2009, p. 37).

118 Les « bénéficiaires » sont les Autochtones reconnus comme membres des nations visées par les Conventions de la Baie-James et du Nord-Est québécois, c’est-à-dire les Cris, Inuit et Naskapis. Il s’agit d’un statut semblable à celui « d’inscrit » en vertu de la Loi sur les Indiens.

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réclamer des modifications législatives, protéger un territoire, intenter un recours judiciaire ou plus généralement défendre de meilleures conditions de vie. Par exemple, plusieurs se sont engagés politique-ment et Mathieu établit un lien entre fierté autochtone et engagement politique : « En m’affirmant plus, en étant fier de mes origines, main-tenant, tu sais, je me voue… [...] Je suis allé à Ottawa manifester puis, tu sais, il y avait une marche puis tout. Bien, il y a 10 ans, peut-être que je l’aurais pas fait parce que j’étais pas assez sûr de moi [...] ». Certains parlent aussi des arts qui peuvent servir à « dénoncer des choses » et « faire des changements sociaux » (Nicole). D’autres participants mentionnent des événements politiques ayant eu une grande portée dans une région donnée, voire partout au Québec et même plus, notamment dans le cas de la Crise d’Oka de 1990. Cet événement a même incité Alice à s’orienter dans le domaine des sciences humaines et sociales à l’université pour contribuer à une meilleure connaissance des réalités autochtones grâce à son travail de recherche. Comme nous l’avons vu à la section 1.1.2.3., cette crise a marqué un tournant [155] dans les relations entre Autochtones et al-lochtones puis les travaux de la Commission royale sur les peuples autochtones (1991-1996) en sont une conséquence directe. Ainsi, lorsque nous avons demandé à Alice s’il y avait eu « d’autres événe-ments entre la fin du secondaire et l’entrée au cégep », elle a immédia-tement évoqué la Crise d’Oka, même si la question visait surtout à déterminer si elle avait ou non interrompu ses études. Elle précise de plus : « Mais ç’a été dans ma vie personnelle d’aplomb ! De tous les Autochtones au Québec de cette époque-là d’ailleurs. Ç’a tout chan-gé ! ».

5.2.6.3. Organisations autochtones

On retrouve une kyrielle de raisons pour lesquelles les Autoch-tones se regroupent au sein d’organisations 119, qu’elles soient de na-ture politique, culturelle, économique, en santé, etc. Nous nous limite-rons donc aux organisations relevant des gouvernements des commu-

119 À Montréal seulement, on retrouve 29 organismes répertoriés dans le Bottin des ressources offertes aux personnes autochtones de Montréal (Ville de Montréal, 2010).

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nautés et nations puisque ce sont elles qui sont le plus souvent men-tionnées dans les discours des 17 participants qui abordent cet indica-teur, en plus des CAA, tel que vu précédemment. C’est dans ces orga-nisations que l’implication des participants se fait le plus sentir, que ce soit avec ou sans rémunération. Dans les communautés, on mentionne surtout les expériences de travail dans les organisations reliées aux conseils 120, ces derniers demeurant de loin les principaux employeurs locaux (Commission de développement économique des Premières Nations du Québec et du Labrador, 2013, p. 4-5). Par exemple, lors-qu’elle décrit le marché du travail dans sa communauté, Christine confirme que l’essentiel des emplois relève du conseil et Benjamin a eu l’occasion d’occuper des emplois très variés pour le compte du conseil de sa communauté ou d’un regroupement de services impli-quant plusieurs communautés de sa nation. Les contacts des partici-pants avec les conseils ne se limitent toutefois pas au marché du tra-vail et d’autres parlent de leurs recherches universitaires qui les ont conduits à contacter des conseils, telle Valérie avec son projet de thèse. Certains évoquent aussi les liens développés avec d’autres com-munautés dans le cadre d’un emploi occupé dans leurs propres com-munautés, grâce au réseautage et aux ressources offertes par ces orga-nisations.

[156]Les références aux instances propres à une nation parmi les partici-

pants concernent presque exclusivement des expériences de travail ou de bénévolat réalisées au sein de leurs propres nations, dans le do-maine de la santé et des services sociaux. Certains participants men-tionnent aussi leurs expériences de travail dans des instances regrou-pant plusieurs nations au sein de l’APNQL 121. En somme, les Pre-mières Nations se regroupent dans une kyrielle d’organisations sur une base locale, régionale, nationale ou internationale et les récits re-120 Les nations conventionnées ont des « conseils de municipalité »

et les autres ont des « conseils de bande ». 121 L’APNQL, en plus de représenter politiquement les communautés

qui en sont membres, inclut des commissions sur certains thèmes particuliers, dont le CÉPN (éducation), le CSSSPNQL (santé et services sociaux) et l’IDDPNQL (développement durable). Des liens vers les sites de ces commissions se retrouvent sur le site de l’APNQL : http   ://www.apnql-afnql.com/fr/accueil/index.php .

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cueillis témoignent de l’influence manifeste de ces organisations sur les parcours des participants.

5.2.6.4. Contexte socioéconomique

Presque tous les participants (21 sur 23) ont abordé le contexte so-cioéconomique de leurs propres communautés, mais aussi, dans une moindre mesure, d’autres communautés ou encore des Autochtones en général. Nous ne chercherons pas à enjoliver le portrait décrit par les participants puisque, comme l’explique Lahire (1993, p. 3-7), ce n’est pas rendre justice à une population que d’esquiver ses conditions de vie objectivement peu favorables sous prétexte de ne pas la stigmati-ser davantage. Une telle attitude équivaudrait à évacuer un facteur ex-plicatif incontournable dans les parcours scolaires des étudiants des Premières Nations 122. Ainsi, en dépit de certaines améliorations mani-festes depuis les dernières décennies, le socle sur lequel ces améliora-tions reposent reste profondément ancré dans des rapports inégali-taires façonnant les relations entre Autochtones et allochtones en Amérique depuis plus de cinq siècles. Nous avons toutefois décidé de ne pas nous limiter à décrire ce côté obscur et avons aussi inclus dans cet indicateur les mentions d’initiatives visant à assurer de meilleures conditions de vie aux Autochtones, non seulement d’un point de vue matériel, mais bien dans tous les aspects de l’existence des individus et des collectivités.

[157]À l’instar de l’arbre qui cache la forêt, on ne saurait confondre la

population visée par cette thèse avec celle incluant l’ensemble des membres des Premières Nations au Québec. Ce faisant, Alice nous rappelle que les étudiants universitaires ne représentent qu’une frac-

122 Les statistiques nous rappellent régulièrement les conditions de vie moins enviables des Autochtones (Statistique Canada, 2015), ce qui influence aussi les étudiants au postsecondaire (Shankar et al., 2013). Cette situation est loin d’être spécifique au Québec ou au Canada car l’histoire des Autochtones en est une de déposses-sion, de colonisation et de ségrégation par la société dominante (Bellier, 2009).

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tion de cette population, comme nous avons pu le constater à la sec-tion 1.1.3.5. : « Je considère que j’ai quand même été pas mal choyée... Tu sais, comparativement à la vie d’autres Autochtones de mon âge, je m’en suis relativement très bien sortie. J’ai pas eu le pas-sé difficile de plusieurs de mes proches, disons, puis ça fait peut-être en sorte que j’ai étudié comme j’ai pu ». Ainsi, en termes de dévelop-pement économique, plusieurs participants abordent le manque d’em-plois disponibles dans les communautés, encore plus lorsqu’il s’agit d’emplois spécialisés nécessitant une formation collégiale ou universi-taire 123. On évoque aussi les taux de chômage élevés et l’état de pau-vreté dans lequel se retrouvent plusieurs familles qui doivent se contenter de revenus saisonniers, comme le constate Christine : « C’est des petits projets qu’on part souvent, par le conseil de bande, puis pendant l’été, 4-5 mois, puis après, oups ! Ils vivent du chômage, de l’aide sociale… ». Paul relate aussi des exemples du quotidien qui illustrent cette idée d’attendre l’intervention du conseil : « Tu sais, sur une réserve, ta poignée de porte brise, tu appelles le conseil de bande puis tu mets une guenille dans le trou puis tu attends qu’ils viennent... ». Julia fait aussi part du manque de logements disponibles dans la communauté qui en limite le développement.

On aborde aussi des initiatives des conseils en vue de favoriser le développement économique local, comme Mathieu l’observe dans sa propre communauté avec la construction de nouveaux bâtiments. Se-lon Alexander, l’exploitation des ressources naturelles a d’ailleurs permis d’améliorer les conditions de vie des membres de sa commu-nauté, mais il souhaite que ce développement économique ne se fasse pas au détriment de l’environnement et des générations futures : « Be-cause it is gonna be the youths’ world after, you know. What are the youths gonna look back at and say ? “Our fathers, our grand-fathers left us this big mess. We gotta fix it.” ». Cette préoccupation est d’ailleurs partagée par Alice, qui s’intéresse précisément au dévelop-pement du territoire [158] dans le cadre de ses recherches. Au-delà du développement économique, c’est donc aussi de développement social

123 Certains soulignent aussi les problèmes qui surviennent en lien avec la plus grande proximité de certaines personnes ou familles avec le pouvoir local lorsque vient le temps d’obtenir un emploi, ce qui donne alors lieu à des formes plus ou moins flagrantes de favo-ritisme.

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qu’il est question, comme quoi l’amélioration des conditions de vie des Autochtones ne se limite pas à leurs seuls revenus. D’autres font aussi référence à des entreprises détenues par des conseils ou des or-ganisations publiques autochtones dont les activités contribuent à l’économie locale au-delà de la communauté 124. Dans cette veine, Jé-rôme partage son optimisme : « De plus en plus, les [membres de sa nation] deviennent un acteur important dans le paysage de [la région] au niveau économique. […] Les [résidents allochtones de la ville à proximité] quittent peut-être pour aller dans la grande région ur-baine, mais l’apport des Autochtones devient incontournable ». Dans ce contexte, l’éducation devient aussi importante pour assurer une re-lève autochtone apte à combler les postes disponibles à proximité des communautés.

Une nette majorité des participants (17 sur 23) aborde cependant différents problèmes sociaux concernant les communautés, les centres urbains ou de manière plus générale. Si certains parlent des « pro-blèmes sociaux » sans plus de précision, d’autres en nomment plus particulièrement trois : les dépendances (alcool et drogues), les vio-lences (physiques et sexuelles) et le suicide. On relève aussi la surre-présentation des Autochtones parmi la population défavorisée, ce qui se traduit inévitablement par une espérance de vie moins élevée (Tjep-kema et Wilkins, 2011). Dès lors, il devenait inévitable qu’un grand nombre de participants témoignent de cette réalité les affectant direc-tement ou indirectement. Par exemple, lorsqu’elle explique qu’elle était la seule Autochtone de sa cohorte scolaire issue de sa commu-nauté à avoir obtenu son DÉS, Alice mentionne « la consommation » et «  toutes sortes d’autres problèmes, tu sais, dans la vie » qui expli-quaient cette situation. Quant à Emily, lorsque nous lui avons deman-dé de décrire brièvement l’environnement dans lequel elle a grandi, elle a d’emblée répondu : « I grew up in a [nation] community, where... […] Well, for me, my family was stable. There’s no violence or alcohol or drugs involved in my upbringing ». Par contre, Christine

124 Les Autochtones des communautés contribuent au développement économique de leur région environnante en raison de la fréquence des achats effectués à l’extérieur des communautés, ne serait-ce que pour leur consommation courante, mais aussi pour toutes sortes de biens et services qui ne sont pas disponibles sur place (Loxley et Wien, 2003).

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souligne certaines difficultés vécues par les membres de sa commu-nauté qui sont aussi partagées [159] par leurs voisins allochtones : « Souvent, on en parlait, quand ils viennent au pow-wow par exemple. […] “Ah ok, vous êtes comme ça ! Ah bien, finalement, votre situa-tion – au niveau des dépendances puis tout – nous-autres aussi, on a autant de problèmes que vous.” Dans le sens : “Ah, c’est pas si pire. On pensait que c’était pire chez vous...” ».

En lien avec les enjeux soulevés, Dominique insiste surtout sur le besoin d’intervenir à la source plutôt qu’attendre qu’un problème se manifeste. Si les causes ne sont jamais limitées à un seul facteur, elle en pointe tout de même un incontournable : « Travailler sur l’identité, la perte identitaire. C’est ça qui est majeur […] Il en reste tellement à faire encore sur ça ». Les difficultés présentes remontent donc loin dans l’histoire de la colonisation et d’autres participants décrivent un certain « mal de vivre » (Jérôme) auquel sont confrontés bon nombre d’Autochtones en lien avec leur identité (voir section 5.2.1.4.). On comprend donc que si le contexte socioéconomique est loin de leur être favorable, les membres des Premières Nations cherchent active-ment des solutions pour favoriser leur mieux-être. De plus, l’histoire coloniale exerce encore une forte influence sur leurs conditions de vie, mais nous avons aussi pu observer la revalorisation des cultures au-tochtones et l’implication des participants à cet égard. Nous laisserons donc le mot de la fin à Martine, à la fois optimiste et consciente du chemin qu’il reste à parcourir.

En faisant les projets dans les communautés que j’ai faites, je me rends compte qu’il y a plein de beaux projets partout puis pas juste des petits projets qui partent puis qui tombent à l’eau. Mais il y a beaucoup de choses qui se font partout puis il y a un mouvement, je trouve, de revitali-sation de nos cultures, de notre identité puis je pense qu’on est en train tranquillement... Parce qu’on peut pas effacer 500 ans de colonisation en 10 ans. […] Des fois, quand je suis là-dedans, je suis... Je trouve ça épou-vantable, mais je reviens toujours. On dirait que ça me revient toujours que : « Hé ! Wow ! On est forts ! » [...] Je trouve que les communautés, les nations, nos peuples, on est hyper forts ! [...] On est pas morts puis on est encore plus... On est en train de, tu sais, comme une fleur… Je le vois comme ça. [...] Ça donne un espoir aussi, des gens qui veulent autant que ça.

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* * *

En définitive, les représentations culturelles des étudiants autoch-tones influencent fortement leurs parcours personnels et nous avons pu constater que leur définition des [160] cultures autochtones ne se limite pas à quelques clichés folklorisants puis se vivent au présent avec leur entourage. Notons que le découpage dimensionnel ainsi ef-fectué peut sembler contradictoire avec la vision holistique de ces cultures, mais il s’agit avant tout des résultats d’une analyse théma-tique qui nous a permis de cerner ce qui ressort des discours des parti-cipants lorsqu’ils parlent de leur identité et de leurs cultures. Nous avons donc voulu éviter de définir ces cultures de manière érudite pour plutôt donner la parole à ceux qui s’y identifient. Ils nous auront en définitive éclairés davantage que ne l’aurait fait une définition for-melle. Nous pourrons constater au chapitre VII qu’il est essentiel de comprendre ce rapport à l’identité et aux cultures autochtones pour analyser les parcours scolaires des participants, objet du chapitre sui-vant.

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[161]

Deuxième partie : Résultats et interprétations

Chapitre 6

SUR LES CHEMINSDE L’UNIVERSITÉ :

UNE ANALYSEDES PARCOURS SCOLAIRES

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Ce chapitre est l’occasion de nous arrêter aux facteurs explicatifs et aux influences déterminantes dans les parcours universitaires des étu-diants et diplômés rencontrés. Dans un premier temps, nous nous inté-resserons au rapport aux études entretenu avant et après l’intégration à l’université et à la manière dont s’est produite cette intégration. Nous poursuivrons avec l’analyse des parcours à proprement parler, où nous nous intéresserons plus particulièrement aux motifs et intérêts, diffi-cultés et réorientations ainsi qu’à la conciliation études-travail-famille. Nous aborderons par la suite l’influence du rapport à l’école des pa-rents et de la famille élargie des participants, de la parentalité, du sou-tien financier, de la mobilité géographique et des collègues de travail. Nous invitons donc le lecteur à prendre connaissance des conditions ayant rendu possible la poursuite d’études universitaires chez les par-ticipants et des faits saillants ayant ponctué leurs parcours. Le chapitre VII, concernant l’influence de l’identité et des cultures autochtones sur les parcours, complétera la présentation des résultats de la thèse en intégrant la dimension identitaire et culturelle précédemment abordée (chapitre V) à celle scolaire, qui fait l’objet des lignes qui suivent.

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6.1. LE RAPPORTAUX ÉTUDES UNIVERSITAIRES PRÉCÉDANT

LA FRÉQUENTATION UNIVERSITAIRE

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En délimitant, d’une part, le rapport aux études universitaires pré-cédant l’intégration à l’université et, d’autre part, celui développé du-rant les études universitaires, nous avons cherché à comprendre si le projet d’études universitaires a pu prendre un sens différent selon que les participants l’aient envisagé tôt ou qu’il s’est au contraire dévelop-pé plus tard, à l’âge adulte. On peut, d’une part, distinguer 14 cas de participants que nous qualifierons d’« universitaires anticipés », c’est-à-dire dont les études universitaires ont été envisagées dès l’enfance, l’adolescence ou pendant la poursuite d’études collégiales entamées immédiatement après la fin du secondaire. Nous qualifierons les 9 autres cas d’« universitaires réorientés », soit ceux pour qui le projet d’études universitaires a été envisagé plus tard, après une période d’interruption scolaire. Nous verrons que cette [162] distinction per-met de mieux comprendre l’état d’esprit à l’intégration à l’université.

6.1.1. Universitaires « anticipés »

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Quand on y regarde de plus près, on voit que tous les universitaires anticipés n’ont pas forcément connu un passage immédiat ayant suivi la trajectoire typique secondaire-cégep-université. Bien que la très nette majorité (12 sur 14) se trouvent dans cette situation, on constate que dans 2 cas, malgré des circonstances qui ont provoqué au moins une période d’interruption scolaire au collégial, le fait que le projet d’études universitaires ait été envisagé très jeune a joué un effet pro-tecteur contre l’abandon définitif des études durant cette période char-nière de la scolarité. Quelles que furent les raisons de cet allongement et/ou de cette interruption, elles ne sont donc pas parvenues pour au-tant à supplanter chez ces 2 cas la motivation initiale à la poursuite

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d’études universitaires. Ainsi, dans la plupart des cas d’universitaires anticipés, on observe un parcours scolaire continu jusqu’à l’université et les quelques exceptions n’ont connu que de brèves interruptions.

Par exemple, Valérie a connu une sérieuse perte d’intérêt à la fin de ses études secondaires et ses absences répétées l’ont conduite à un cheveu du décrochage. Or, le fait de s’investir au minimum à la fin de ses études secondaires plutôt que de tout simplement les abandonner s’explique par le projet universitaire déjà envisagé : « Même à l’ado-lescence, je disais que j’allais faire une maîtrise, mais je savais pas c’était quoi, une maîtrise ! Mais c’est juste que je savais que ça, c’était la coche ! ». Arrivée au cégep, la perte d’intérêt pour ses études est revenue la hanter et ce n’est qu’après avoir connu une inter-ruption d’un peu plus d’un an qu’elle a décidé de revenir compléter son DÉC et a ensuite poursuivi directement à l’université. Cet exemple illustre donc que, même lors de périodes creuses en termes d’engagement dans ses études, le fait de s’être fixé tôt un objectif de poursuite d’études universitaires tend à prendre le dessus.

6.1.2. Universitaires « réorientés »

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Du côté des 9 universitaires réorientés, leurs projets d’études uni-versitaires sont parfois apparus au milieu de la vingtaine, mais plus fréquemment dans la trentaine, voire encore plus tard. Si 5 d’entre eux ont décroché dès le secondaire, 4 ont obtenu leur DÉS [163] sans in-terruption scolaire et ont immédiatement poursuivi au collégial ou au DÉP. Dans l’ensemble, les universitaires réorientés n’ont donc jamais envisagé la poursuite d’études universitaires, mais différents facteurs les ont conduits à revoir leurs projets initiaux et se réorienter, tant d’un point de vue scolaire que professionnel. Ce sont aussi les étu-diants qui illustrent le mieux qu’une certaine flexibilité est offerte par le système scolaire québécois (Charbonneau, 2006), élément on ne peut plus pertinent à rappeler dans le cas d’une population qui s’éloigne nettement d’une scolarité linéaire.

On ne saurait cependant confondre universitaire réorienté et décro-cheur du secondaire, comme l’illustre le cas de Manon, entrée à l’uni-

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versité après avoir obtenu un DÉC et avoir connu plusieurs expé-riences professionnelles. Pour sa part, Nicole a poursuivi des études secondaires professionnelles et collégiales dans différents domaines et a connu de multiples expériences de travail avant de fréquenter l’uni-versité. C’est à la suite d’une longue période d’hésitation et de remise en question sur les plans professionnel et identitaire qu’elle en est d’ailleurs arrivée à entreprendre ce projet. Dans d’autres cas, le projet de retour aux études a par contre été initié après un décrochage sco-laire dès le secondaire et une longue période passée principalement sur le marché du travail. Si c’est essentiellement pour des raisons d’avancement professionnel que le projet d’études universitaires prend alors forme, il faut entendre ce dernier en considérant aussi les responsabilités parentales conduisant à vouloir offrir une meilleure qualité de vie à ses enfants, comme l’explique Alexander : « I didn’t like the job that I was doing. They didn’t pay enough and I was also thinking about my family, you know. I was thinking : “I can’t live like this. I can’t live paycheck to paycheck.” It’s something I was just ti-red of. So I took it upon myself  : “I’m going back into school. I’m gonna find a good job. I’m gonna support my family.” ».

6.2. LE RAPPORTAUX ÉTUDES UNIVERSITAIRES PENDANT

LA FRÉQUENTATION UNIVERSITAIRE

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Le rapport instrumental aux études repose sur les valeurs d’appli-cation au travail, de conformité aux règles et d’esprit de réussite ; tan-dis que le rapport expressif repose plutôt sur des valeurs d’individuali-té, d’esprit d’indépendance et de capacité d’initiative (Doré, [164] Ha-mel et Méthot, 2008, p. 8) 125. Il est alors intéressant de constater que

125 Les auteurs précisent également ceci : « En sociologie, l’analyse des valeurs s’établit de nos jours sur une distinction entre valeurs "instrumentales" et "expressives". Les valeurs acquièrent une quali-té instrumentale lorsqu’elles relèvent d’une conception fondée sur la relation d’un moyen par rapport à une fin, tandis qu’elles sont qualifiées d’"expressives" quand cette conception intègre des "sen-

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les parcours universitaires où le rapport instrumental aux études pré-domine ont tous en commun d’être des cas d’universitaires réorientés (3 sur 3), alors que ceux où c’est plutôt le rapport expressif aux études qui prédomine sont surtout le fait d’universitaires anticipés (14 sur 20). Si on ne peut établir de lien de causalité entre le fait d’avoir ou non envisagé tôt un projet d’études universitaires et le type de rapport aux études effectivement développé durant son parcours universitaire, nous pouvons à tout le moins souligner le fait que les universitaires anticipés ont davantage tendance à poursuivre leurs études dans un esprit d’accomplissement personnel.

6.2.1. Variations intra-individuellesdu rapport aux études universitaires

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On constate que la plupart des participants (14 sur 23) ont dévelop-pé un rapport aux études universitaires exclusivement expressif et que seuls 3 ont développé un rapport exclusivement instrumental. Chez les 6 autres cas, on observe au moins un changement du type de rapport aux études durant le parcours universitaire, mais ils sont tous principa-lement de type expressif. À cet égard, le profil typique de l’étudiant qui connaît un changement de rapport aux études implique le passage du rapport expressif au rapport instrumental. Il s’agit alors essentielle-ment d’individus qui adoptent une attitude stratégique pour se posi-tionner sur le marché du travail, après avoir initialement poursuivi leurs études dans un esprit d’accomplissement personnel. En somme, les étudiants autochtones entrent rarement à l’université avec un rap-port aux études instrumental, mais cette expérience peut par la suite prendre un sens différent.

On constate d’ailleurs que les changements de type de rapport aux études se sont toujours faits lors d’un changement de programme, d’un retour dans un programme déjà entamé ou dans un nouveau pro-gramme, aucun cas n’ayant connu de moment décisif allant du rapport expressif vers un instrumental dans un même programme. Ce faisant,

timents", voire des symboles d’accomplissement personnel et d’identité » (Doré, Hamel et Méthot, 2008, p. 3).

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le rapport [165] aux études n’est donc pas forcément le même à l’en-trée et à la sortie de l’université. S’il change rarement plus d’une fois (1 cas), il arrive par contre plus souvent qu’il ne soit modifié qu’une seule fois en cours d’études ou encore à la suite d’une interruption (5 cas) 126.

Tableau 6.1. Rapport aux études avant et après l’arrivée à l’universitéRetour à la table des matières

Type de rapport aux études prédominant

Expressif Instrumental

Se retrouve surtoutchez les universitaires anticipés.

Se retrouve surtoutchez les universitaires réorientés.

6.2.2. Un rapport aux études souvent altruiste

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En comparant les définitions de rapports aux études instrumental et expressif (Doré, Hamel et Méthot, 2008) avec ce qui ressortait à ce titre auprès de notre propre échantillon, nous avons pu constater que plusieurs étudiants autochtones ont développé un rapport aux études universitaires que nous pourrions qualifier d’ « altruiste ». Sans pour autant prétendre à la rencontre d’un troisième type de rapport aux études, nous considérons que cet aspect altruiste permet d’expliquer la motivation aux études chez la plupart des étudiants et diplômés au-tochtones rencontrés. C’est-à-dire que le rapport aux études est géné-ralement ancré dans une perspective de contribution au mieux-être de son groupe d’appartenance, que ce soit à petite échelle (sa famille) ou

126 Il faudrait bien sûr pouvoir suivre les parcours universitaires des étudiants de l’échantillon pour mieux cerner la tendance, mais il appert que l’individu qui poursuit ses études universitaires se re-trouve dans différentes configurations sociales, tant à l’échelle mi-crosociologique que macrosociologique, qui exercent une influence sur le sens qu’il donnera à son projet en cours ou à venir.

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à grande échelle (sa communauté, sa nation, l’autochtonie), ce que nous développerons davantage au chapitre suivant. Contentons-nous pour l’instant de mieux cerner la dimension altruiste du rapport aux études.

Dans cette optique, les étudiants autochtones ayant développé un rapport aux études de nature altruiste empruntent souvent en partie aux rapports expressif et instrumental, cherchant à combiner leur inté-rêt personnel pour un champ de connaissances aux besoins du groupe d’appartenance impliqué dans leurs projets d’études. Cet ancrage col-lectif du [166] projet d’études ne signifie pas que la décision d’étudier soit imposée à l’étudiant par sa collectivité, mais bien qu’il en soit lui-même parvenu à donner un sens à ses études qui dépasse sa seule per-sonne. Il ne s’agit dès lors pas d’un rapport résultant d’une forme de négation de soi au profit des autres, mais bien d’une action indivi-duelle explicitement définie par l’étudiant comme s’insérant dans un réseau de relations, que ces dernières soient proches ou éloignées, voire qu’elles prennent la forme d’une communauté « imaginée » (Anderson, 1983).

Néanmoins, le rapport aux études de nature altruiste ne saurait être le fait des seuls étudiants autochtones, comme dans le cas d’un alloch-tone qui aurait comme projet d’étudier la médecine pour améliorer la santé des habitants de son village. Or, le fait de se trouver en situation minoritaire et marginalisée peut contribuer au besoin de donner un sens qui serait davantage « conforme » à cette appartenance culturelle. On peut aussi établir un parallèle avec des étudiants francophones en situation minoritaire à la carrière « articulée », telle que définie par Pilote et Garneau (2011), qui développent un parcours scolaire forte-ment ancré dans leur sentiment d’appartenance à cette francophonie minoritaire.

6.3. L’INTÉGRATION À L’UNIVERSITÉ

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Si la plupart des étudiants ont d’abord entrepris un baccalauréat, certains ont plutôt entamé leurs parcours par un certificat, ce qui peut parfois faciliter le retour aux études chez ceux pour qui un horizon de

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3 ou 4 ans d’études freinerait la motivation. Cette voie d’accès à l’uni-versité est d’ailleurs uniquement le fait de participants ayant aupara-vant interrompu leurs études (3 sur 3). Dans deux cas, les études au certificat ont été amorcées dans la communauté même et il s’agit d’un avantage non négligeable facilitant la transition, comme l’explique Emily : « It was less stressful because I didn’t have to worry about anything, they had brought it to us. […] Because I didn’t want to move […] ». Ainsi, la voie d’accès à l’université se fait surtout par le baccalauréat 127 (20 cas sur 23), [167] indépendamment du type de parcours préuniversitaire et de la scolarité des parents.

De prime abord, le facteur qui apparaît de loin le plus déterminant dans l’analyse des parcours des étudiants universitaires autochtones demeure celui du type de premier passage à l’université, c’est-à-dire selon quelle séquence antérieure les étudiants y sont arrivés. À cet égard, les 11 cas que nous qualifions de « passage immédiat » – dont les études universitaires furent entreprises immédiatement après avoir complété sans interruption les études collégiales – ont à bien des égards un profil qui se démarque des 12 autres participants au « pas-sage différé », c’est-à-dire ayant intégré l’université après une ou plu-sieurs périodes d’interruption scolaire. Ainsi, le passage immédiat à l’université tend à favoriser la poursuite d’études aux cycles supé-rieurs ainsi que des durées d’études plus proches des délais prescrits. Cette situation n’est pas sans lien avec le plus jeune âge à l’entrée et donne lieu à une issue plus prévisible (Grossetti, 2006) que dans les cas de retour aux études. Bien qu’il faudrait suivre ultérieurement les participants encore aux études pour pouvoir tirer des conclusions sur la persévérance de ce groupe au 1er cycle, force est de constater que sur les 11 cas de passage immédiat, 1 seul n’a pas poursuivi aux cycles supérieurs. De plus, dans 8 cas sur 10 128, le passage au 2e cycle s’est fait directement après l’obtention du baccalauréat. À l’inverse,

127 Dans certains cas, les programmes de baccalauréat n’étaient of-ferts que par cumul de certificats. Nous avons alors considéré que ces étudiants avaient entamé leurs études par un baccalauréat lors-qu’ils avaient initialement prévu compléter les trois certificats en vue d’obtenir leurs diplômes de baccalauréat. On note aussi un cas qui avait prévu décrocher un baccalauréat en complétant ensuite une majeure dans un autre programme, mais qui a choisi le certifi-cat en vue d’en faire une mineure.

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chez les 2 seuls cas au passage différé qui ont par la suite poursuivi au 2e cycle, ce passage s’est effectué après une période d’interruption scolaire d’au moins 1 an.

6.3.1. Premier passage immédiat

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Dans les 11 cas de premier passage immédiat à l’université, l’âge à l’entrée se situait entre 18 et 21 ans. Si un cas a pu y parvenir dès 18 ans, c’est parce qu’il a poursuivi ses études dans une autre province, après un an d’études collégiales et l’obtention d’une AÉC. Tous les 10 autres cas ont décroché leur DÉC avant de passer à l’université et la plupart n’ont d’ailleurs connu aucune interruption ou allongement d’études collégiales. Derrière les parcours « typiques » et apparem-ment sans embûches, peuvent cependant se cacher des [168] difficul-tés scolaires ou extrascolaires qui suivront parfois l’étudiant jusqu’à l’université, mais les 3 cas dans cette situation ont quand même décidé de s’accrocher à leurs études, même chez Paul, qui a toutefois eu be-soin d’une interruption d’environ un an : « Je savais que j’y retourne-rais [à l’université]. […] Mais je savais qu’il fallait que j’arrête, que ça servait à rien de continuer puis j’avais aucun intérêt [...] ».

128 Nous ne fournissons les fréquences que pour donner une idée de la composition de l’échantillon, mais sommes conscient que notre analyse ne repose pas sur un échantillon statistiquement représenta-tif, tel qu’expliqué au chapitre III. La diversité des cas rencontrés donne toutefois lieu à une composition à même de produire des typologies pertinentes à notre analyse qualitative.

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6.3.2. Premier passage différé

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À l’exception de Valérie et Stéphanie, entrées respectivement à l’université dès l’âge de 20 et 22 ans 129, les 10 autres participants ayant reporté leur entrée ont connu une période d’interruption scolaire de quelques années. Dans les deux cas, on constate un allongement des études collégiales accompagné d’au moins une période d’interrup-tion et une fréquentation universitaire entamée dès l’obtention du DÉC. Par contre, dans ces deux cas également, les études universi-taires de 1er cycle ont été marquées par au moins une période d’inter-ruption et un changement de programme. Dans les 10 autres cas, seules Manon et Nicole sont entrées plus tard à l’université (respecti-vement âgées de 24 et 36 ans) parce qu’elles détenaient déjà un ou plus d’un diplôme leur permettant d’accéder directement à un emploi spécialisé, les 8 autres ayant quitté sans diplôme le secondaire (5 cas) ou le collégial (3 cas).

Les décrocheurs du secondaire quittent principalement par manque d’intérêt ou de motivation, mais aussi à cause de la naissance d’un enfant, comme chez Julia, qui a interrompu ses études à 16 ans. Ben-jamin a aussi interrompu ses études pour des raisons familiales, à l’âge de 17 ans, mais parce qu’il devait soutenir sa famille à la suite de la maladie d’un parent. Après un an, il a complété son DÉS et un DÉP puis a poursuivi un DÉC technique, qu’il a cependant interrompu à la suite des difficultés personnelles, mais dans tous les autres cas, plusieurs années se sont déroulées avant le retour aux études. Quant aux trois personnes ayant interrompu leurs études collégiales, Marie l’a fait en raison de [169] difficultés personnelles une première fois puis une seconde fois pour donner naissance à son enfant, mais elle a

129 Les âges d’arrivée à l’université sont les meilleures estimations effectuées selon les renseignements disponibles. Nous avons ainsi soustrait l’année de naissance de l’année d’arrivée, si bien qu’il peut y avoir un écart de plus ou moins 1 an par rapport à l’âge réel au jour précis de l’arrivée. Dans quelques cas, les participants ne se souvenaient plus de l’année exacte ou ne l’ont pas expressément mentionnée et nous avons alors pu la déduire selon d’autres élé-ments de contexte mentionnés.

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tout de même obtenu son DÉC sans changer de programme et est en-suite immédiatement entrée à l’université. Dans les deux autres cas, Emily et Diana ont entrepris une première année d’études collégiales, qu’elles ont ensuite abandonnées par manque d’intérêt.

6.3.3. Poursuite envisagée des études

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Parmi les 20 cas ayant entrepris leurs études par le baccalauréat, on peut distinguer trois types de poursuite 130 : « classique » (continue à temps plein), « conciliante » (continue à temps partiel) et « alternée » (avec interruptions ou modifications en termes de régime d’études ou de programme fréquenté). Pour leur part, les 11 cas ayant connu une poursuite classique sont donc ceux qui ont entrepris un baccalauréat à temps plein et l’ont poursuivi jusqu’à l’obtention du diplôme, sans poursuivre d’autres études de premier cycle ultérieurement. Il s’agit donc d’une entrée à l’université qui se fait dans la continuité de ce qui était envisagé et s’insère parfaitement dans le modèle institutionnel prévu, mais on constatera à la section suivante qu’il ne convient pas forcément à une population étudiante qui se démarque par sa parenta-lité et son entrée tardive. Bien que l’on ne puisse savoir si les étu-diants en cours d’études au moment de l’entrevue connaîtront effecti-vement une telle poursuite « classique », on remarque que les partici-pants ayant complété un baccalauréat avec ce type de poursuite ont en commun d’être tous arrivés immédiatement après l’obtention du DÉC (avant 20 ans) et d’avoir poursuivi leurs études aux cycles supérieurs. Sans pour autant en conclure que le passage aux cycles supérieurs se-rait impossible en cas de bifurcation, force est de constater que la poursuite classique au baccalauréat tend à le favoriser, tout comme

130 Nous verrons à la section suivante que les parcours envisagés ne sont pas forcément ceux qui se vivent réellement, en raison de fré-quentes bifurcations (Grossetti, 2006). Retenons que les entrevues se sont déroulées à la fois pendant et après les études et que nous ne pouvons donc pas avoir eu connaissance des bifurcations ulté-rieures, et ce, tant auprès d’étudiants qui auraient pu changer de programme que de diplômés qui auraient pu retourner aux études, ce qui n’enlève néanmoins rien à la pertinence de notre typologie.

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elle tend à attirer des étudiants ayant complété leurs études collégiales dans les délais prescrits avant d’entreprendre immédiatement leur en-trée à l’université.

[170]Pour sa part, la poursuite conciliante concerne les cas d’étudiants

souhaitant poursuivre leurs études à temps partiel tout en travaillant à temps plein et l’échéance est envisagée dans le moyen terme, soit au moins 5 ans. Les 2 cas que nous avons rencontrés ont en commun d’être du domaine des sciences de l’éducation et souhaitaient conti-nuer à travailler et résider dans leurs communautés tout en poursui-vant un programme qui s’y offrait ou était offert à proximité. Il s’agit donc d’une entrée à l’université qui se veut un complément aux activi-tés professionnelles et personnelles déjà entreprises. À cet égard, le choix d’études à temps partiel devient une opportunité pour faciliter la conciliation études-travail-famille de personnes qui souhaitent faire un retour aux études et s’offrir des conditions optimales pour y parve-nir 131.

Enfin, chez les 7 cas de poursuite alternée, l’entrée s’est d’abord faite par des études à temps plein et s’en sont suivies différentes bifur-cations en termes de passage à temps partiel, de changement de pro-gramme et d’interruption des études. Ils ont en commun d’avoir connu au moins un de ces trois types de bifurcation et démontrent que le pro-jet universitaire initial peut se redéfinir en cours de route. Cette redéfi-nition peut se faire d’un point de vue proprement scolaire, tel que le manque d’intérêt pour le programme initial, ou plutôt extrascolaire, par exemple à cause d’événements significatifs relevant de la santé, de responsabilités familiales ou d’obligations professionnelles.

131 On note dans les deux cas rencontrés que le programme d’études fréquenté était offert uniquement à temps partiel et qu’il y a donc aussi une part de contrainte institutionnelle qui a occasionné cette situation.

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6.4. PARCOURS UNIVERSITAIRES

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Nous avons jusqu’ici examiné le chemin ayant conduit à l’univer-sité et le rapport aux études universitaires envisagé par les étudiants avant même de poursuivre leurs études ou encore de les reprendre ul-térieurement. Nous verrons dans les lignes qui suivent comment se forment les parcours scolaires une fois franchies les portes de l’uni-versité, c’est-à-dire comment les étudiants passent d’une anticipation à un projet réel d’études.

[171]

6.4.1. Premier cycle

Nous verrons dans cette section les motifs 132 et intérêts ayant conduit à l’inscription ou au retour aux études de premier cycle, les réorientations et difficultés scolaires survenues en cours de route ainsi que, plus précisément, les enjeux reliés à la conciliation études-fa-mille-travail et aux difficultés extrascolaires.

6.4.1.1. Motifs et intérêts

On peut distinguer les motifs et intérêts aux études selon qu’il s’agisse d’un passage immédiat suivant les études collégiales ou plu-tôt d’un passage différé suivant une interruption scolaire plus ou moins longue. Dans le premier cas, l’aspect intellectuel ressort davan-tage en raison de l’ancrage clairement établi du projet d’études univer-sitaires dans le parcours scolaire pris dans son ensemble. Dans le se-cond cas, cet aspect peut aussi ressortir, mais on constate un certain recul par rapport à l’institution scolaire qui conduit les participants à

132 Notons que le chapitre suivant est précisément consacré au motif de « redonner à la communauté » inhérent aux études universitaires et centrale aux parcours. Nous n’aborderons par conséquent pas ce point dans cette section.

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définir un projet aussi influencé par leurs autres expériences anté-rieures, notamment celles acquises sur le marché du travail et en tant que parents.

Autrement, le passage à l’université chez les 11 participants ayant poursuivi leurs études à la suite de leur diplomation collégiale reflète un état d’esprit propre à de jeunes étudiants ayant bien intégré les structures scolaires à leurs projets personnels. Notons d’ailleurs que même Jérôme, qui connaît un parcours semé d’embûches depuis le secondaire, fait preuve d’une bonne intégration des structures sco-laires à la définition de son projet d’études puisqu’il est conscient de s’éloigner du « parcours prescrit » à l’université. En somme, les étu-diants au passage immédiat tendent à y entrer surtout par intérêt pour le programme, car celui-ci semble à leurs yeux correspondre le mieux à leur curiosité intellectuelle, mais des changements ultérieurs peuvent les conduire à revoir ce motif pour davantage tenir compte des possi-bilités de placement.

C’est donc auprès des 12 participants au passage différé à l’univer-sité que l’on observe surtout les motifs autres que proprement sco-laires, notamment ceux associés à un [172] rapport utilitaire aux études. On observe donc le cheminement-type du « raccrocheur » qui, après plusieurs années loin des bancs d’école, décide d’y revenir pour améliorer son sort et celui de sa famille. Par exemple, Alexander, dé-crocheur au secondaire, en a eu assez de devoir se contenter d’emplois manuels qui ne l’intéressaient pas, le rémunéraient plutôt mal et étaient très exigeants physiquement. Grâce au soutien de son entou-rage, il a trouvé la motivation nécessaire à reprendre ses études : « I’ve been through a lot of labor work, so I’m kind of tired of labor work now. I just wanna move on, get an education and try something new. And working in an office would be a new thing for me. So I’d like to get up there with my education and get find myself, you know, a good job for my family and all that ».

Si ce « cheminement-type » du raccrocheur ne s’applique pas à tous les cas rencontrés 133, tous ont en commun d’avoir entamé leurs études universitaires avec une motivation essentiellement définie en

133 Les autres cas de passage différé à l’université concernent des étudiants qui ont interrompu leurs études après avoir diplômé du secondaire ou du collégial.

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 225

termes d’avancement professionnel. Ils ont donc entrepris leurs études universitaires dans un rapport instrumental.

6.4.1.2. Difficultés scolaires et réorientations

Comme nous avons pu le constater précédemment, les motifs pour fréquenter l’université peuvent changer durant le parcours universi-taire ou encore à la suite d’une interruption scolaire. Nous traiterons ici plus précisément des changements d’ordre scolaire qu’ont connus les participants, à savoir les réorientations (changements de pro-gramme) et les difficultés associées aux études elles-mêmes. Les diffi-cultés les plus souvent mentionnées concernent le métier d’étudiant (Coulon, 1997), plus particulièrement la gestion du temps. Autrement, il s’agit surtout du manque d’intérêt ou de la déception occasionnée par un cours ou un programme choisi, mais on remarque assez peu de commentaires concernant la difficulté à comprendre le contenu ensei-gné.

Ainsi, même chez les étudiants ayant été admis sans DÉC, les as-pects proprement scolaires de l’université semblent bien maîtrisés ou à tout le moins le sont-ils rapidement [173] lors des premières se-maines, mais il ne faudrait pas pour autant perdre de vue que plusieurs étudiants ont besoin de soutien continu pour y parvenir. C’est par exemple le cas de Nicole, qui a obtenu une AÉC et a été admise sous condition de réussir certains cours supplémentaires pour l’aider dans ses apprentissages. Pour leur part, les étudiants pour qui l’intégration à l’université se fait dans la continuité des études antérieures n’ont par contre, à l’exception notable de Mathieu 134, pas mentionné de diffi-cultés scolaires marquées, si ce n’est le fait que la charge de travail puisse être très exigeante, plus particulièrement en fin de session. Plu-sieurs mentionnent plus particulièrement la difficulté à s’adapter à la

134 Il ne parvient guère à expliquer sa « session catastrophique » à son arrivée à l’université, alors qu’il avait auparavant toujours bien réussi ses études. Malgré ce faux départ, il a tout de même réussi à poursuivre son parcours dans un autre programme. Il semble que ce soient davantage des facteurs extrascolaires qui expliquent ce premier échec.

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culture universitaire après plusieurs années à l’extérieur du système scolaire.

Dans tous les cas, on constate que l’intégration s’est toutefois bien faite grâce à l’aide des pairs et le soutien institutionnel ciblant plus spécifiquement les étudiants autochtones, dans les campus où celui-ci est offert. Dans cette veine, les services offerts sur le campus in-fluencent nettement le parcours et la réussite éducative dans les cas de nécessaire adaptation à la culture universitaire, comme l’explique Da-niel : « The resources are pretty strong here. Everybody helps each other. There’s like offices here that are, I mean, not just for Native students : they are even for other people too ». En fait, en termes d’adaptation au métier d’étudiant et à la culture universitaire, les diffi-cultés scolaires les plus souvent mentionnées sont celles associées à la gestion du temps, plus particulièrement chez ceux qui effectuent un retour aux études. Bien qu’il ne faille pas négliger l’aspect culturel propre aux Autochtones dans le rapport au temps (voir section 5.2.4.2.), n’oublions pas pour autant que la procrastination reste un problème auquel font face les étudiants de toutes origines (Nadeau, Sénécal et Guay, 2003).

Au chapitre des difficultés associées à la maîtrise de la langue, cer-tains en parlent en lien avec le fait d’étudier en français alors qu’ils maîtrisent davantage l’anglais ou vice-versa, ce qui illustre au passage le découpage colonial au sein même des Premières Nations. Par exemple, Monique a dû mettre les bouchées doubles pour étudier en anglais et Nicole [174] n’a pas voulu s’inscrire à un programme qui l’intéressait et qui était destiné aux étudiants autochtones car elle considérait ne pas suffisamment maîtriser l’anglais pour y parvenir. Peu insistent cependant sur les difficultés engendrées par la faible maîtrise d’une langue allochtone en tant que locuteurs autochtones. Ce n’est donc pas tant le passage d’une langue autochtone à une langue allochtone qui cause ici problème, à tout le moins aux yeux des parti-cipants eux-mêmes. Notons que leur maîtrise de la langue allochtone d’enseignement n’est toutefois pas toujours suffisante à l’écrit et que certains doivent obtenir de l’aide dans la rédaction de leurs travaux 135, 135 Il s’agit d’une difficulté à laquelle font souvent face les étudiants

autochtones qui proviennent de familles où on ne lit que depuis une ou deux générations (Crépeau, 2011). Nous n’avions toutefois pas de question explicite prévue à ce sujet et les participants qui nous

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plus particulièrement lorsqu’il s’agit d’un retour suivant une longue interruption.

Les réorientations avant l’obtention du diplôme sont presque tou-jours occasionnées par un manque d’intérêt pour le programme initia-lement choisi ou encore des difficultés extrascolaires, notamment en termes de conciliation études-travail-famille, et ce n’est qu’exception-nellement que des difficultés scolaires conduisent un étudiant à revoir son parcours. Le cas de figure rencontré est plutôt celui de l’étudiant qui constate que le choix initial ne s’avérait pas le bon et décide de poursuivre ses études sans interruption, à l’instar d’Alice, qui n’a pas du tout apprécié le contenu des cours de son premier baccalauréat et ne s’y sentait pas à sa place. On note cependant aussi le cas d’Isabelle, qui a entrepris et interrompu deux autres baccalauréats après l’obten-tion d’un premier : il s’agissait pour elle d’une manière d’explorer d’autres avenues avant de trouver sa voie aux cycles supérieurs.

Autrement, quelques étudiants ont connu une réorientation après l’obtention d’un certificat qui leur aura ultérieurement permis l’obten-tion du baccalauréat par cumul, à l’instar de Stéphanie, qui a appris durant ses études qu’une telle option était possible : « C’était vrai-ment au compte-gouttes : je visais pas le bac quand je me suis ins-crite ». Dans d’autres cas, on peut assister à de multiples réorienta-tions qui témoignent de la [175] diversité des intérêts et d’une logique étudiante très loin de l’idée de « progression » vers les cycles supé-rieurs, tel que le prévoit le système universitaire. En effet, plusieurs étudiants s’éloignent de ce modèle « typique » de poursuite des études, privilégiant davantage leur soif de connaissances via une di-versité de programmes de premier cycle, ce qui donne lieu à des par-cours parfois exceptionnels 136.

ont dit devoir consulter pour obtenir de l’aide dans la rédaction de leurs travaux l’ont fait quand nous abordions le thème de l’aide reçue pour faciliter la poursuite des études (voir Annexe I).

136 Par exemple, Diana a non seulement poursuivi ses études au-delà du baccalauréat en obtenant un second baccalauréat, mais a de plus complété 2 certificats et en a entamé 2 autres. Le fil conducteur demeure la poursuite de sa passion qui l’a conduite à étudier dans des domaines diversifiés (sciences de l’éducation, sciences hu-maines et sociales, sciences de l’administration, arts lettres et com-munication). Elle a cependant développé un rapport instrumental

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6.4.1.3. Conciliation études-travail-familleet difficultés extrascolaires

Les difficultés associées à la conciliation études-travail-famille concernent surtout les étudiants plus âgés qui effectuent un retour aux études, ceux ayant étudié sans interruption jusqu’à l’université étant tous sans enfant à leur entrée et bénéficiant généralement d’une aide financière leur permettant de ne pas travailler durant les sessions d’études. C’est donc surtout chez les étudiants ayant effectué un re-tour aux études après plusieurs années que les enjeux inhérents à la conciliation études-travail-famille se posent avec acuité 137. Cette par-ticularité influence nettement les parcours, voire peut même l’initier lorsqu’il s’agit de trouver la motivation nécessaire à la poursuite de ses études. Par exemple, Benjamin, Emily et Julia ont en commun d’avoir entrepris un nouveau programme d’études en bonne partie pour permettre à leurs enfants d’avoir accès à une éducation jugée de meilleure qualité en ville que dans leurs communautés. On peut alors parler de « familles étudiantes » (voir section 6.5.2.2.), où parents et enfants s’appuient mutuellement dans leurs études respectives, surtout lorsqu’elles impliquent un déménagement. Les parents souhaitent alors servir de modèle à leurs enfants en valorisant l’éducation et en servant eux-mêmes de modèles immédiats.

Fait intéressant, tous les cas de conciliation impliquant à la fois les études, le travail et la famille sont le fait d’étudiantes ayant suivi des études à temps partiel et, sauf un cas, [176] leurs études avaient lieu dans leurs communautés 138. Le cadre propre aux études à temps plein

dans le cas des sciences de l’administration puisqu’elle souhaitait alors se perfectionner pour son emploi.

137 Ceux qui ont cessé leurs études pour une courte période ne sont toutefois pas à l’abri, mais on constate avec le cas de Valérie qu’il s’agit surtout d’une conciliation rendue difficile en raison d’une aide financière aux études insuffisante.

138 Seule Manon, qui n’a pas grandi dans une communauté, a connu cette situation en ville lors de son second certificat et c’est surtout cette conciliation avec le travail et la famille qui lui occasionnait des difficultés plutôt que les études en soi.

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ne semble donc pas favorable à la conciliation études-travail-famille, ce qui n’est pas très étonnant lorsque l’on considère la charge démesu-rée qui y serait associée en termes d’heures. On observe donc une stratégie de poursuite des études à temps partiel tout en restant dans la communauté pour réussir cette triple conciliation. Même si d’aucuns soulignent les efforts nécessaires pour y parvenir, ils mentionnent du même coup l’avantage de ne pas devoir quitter la communauté qui compense les horaires chargés, comme le décrit Emily : « It was hard because […] Wednesday, Thursday, Friday evenings, from 5 to 10, I was away from my children, from my family. Saturdays and Sundays, I was away and this was every other week. So, it was an adjustment but I was there, I was in my home. I didn’t have to go outside ».

On remarque d’ailleurs que la plupart des étudiants qui effectuent un retour aux études doivent s’occuper simultanément d’enfants d’âge scolaire ou préscolaire, contrairement à ceux qui ont connu un passage immédiat. Chez ces derniers, on note tout de même qu’Annabelle a dû mettre les bouchées doubles une fois enceinte pour parvenir à complé-ter son baccalauréat tout en travaillant à temps partiel. Pour leur part, Mathieu et Monique ont tous deux interrompu leurs études car leur travail devenait à leurs yeux plus intéressant, mais ont fini par se dé-gager du temps en cessant de travailler pour compléter leur dernière année d’études. On remarque que le travail n’était alors pas simple-ment une source de revenu permettant de financer leurs études, mais bien une activité qui était devenue leur priorité.

6.4.2. Cycles supérieurs

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Parmi les 23 participants, 11 ont entamé ou complété des études aux cycles supérieurs, en plus de 1 qui s’apprêtait à le faire à la suite d’une inscription réussie et 1 qui était sur le point de s’y inscrire. On peut distinguer les parcours entamés immédiatement après l’obtention du baccalauréat de ceux suivis ultérieurement, mais dans les deux cas, on constate généralement une plus grande préoccupation en termes d’avenir professionnel par [177] rapport au premier cycle, ainsi qu’une individualisation plus marquée du projet scolaire, plus particu-lièrement dans les mémoires et les thèses.

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6.4.2.1. Motifs et intérêts

Au second cycle, on observe d’abord une grande distinction selon le type de diplôme visé. Si la plupart (7 sur 11) ont effectué leur en-trée via la maîtrise, 2 ont plutôt entamé par le DÉSS et 2 autres direc-tement par le doctorat 139. Chez les 7 étudiants ayant entamé leurs études de second cycle à la maîtrise, 3 l’ont fait immédiatement après l’obtention du baccalauréat. Il s’agit toujours dans ces cas de la pour-suite d’un intérêt initial développé au premier cycle et il n’y a donc pas eu de changement de programme 140. L’influence du directeur de maîtrise peut aussi être marquante, comme on le constate chez Jé-rôme, qui a choisi de changer d’université pour être dirigé par un pro-fesseur en particulier. Pour Alice, c’est aussi durant ses expériences de travail qu’elle a trouvé un sujet intéressant à explorer à la maîtrise.

Du côté des 4 étudiants ayant entamé leurs études de maîtrise après une interruption scolaire plus ou moins longue, le motif et l’intérêt se trouvent surtout dans la poursuite du programme complété au premier cycle, à l’exception d’Isabelle, ayant poursuivi d’autres programmes de premier cycle. Dans tous les cas, c’est durant leurs expériences de travail que la volonté de poursuivre des études de maîtrise s’est da-vantage développée, comme chez Monique, qui a surtout voulu amé-liorer sa position sur le marché du travail « parce qu’un bac, ça veut plus rien dire aujourd’hui ». De son côté, Valérie s’est beaucoup ins-pirée de son expérience de travail pour trouver son sujet de mémoire et il s’agissait d’ailleurs d’un emploi occupé dès ses études de premier cycle, ayant choisi de travailler à temps plein avant d’entreprendre une maîtrise.

Les 2 cas d’intégration à l’université par le DÉSS ont en commun d’être le lot de deux étudiantes qui ont poursuivi leurs études parce qu’elles ne parvenaient pas à obtenir [178] d’emploi satisfaisant avec un diplôme de baccalauréat. Elles auraient en fait souhaité entre-

139 Il s’agit d’un passage du baccalauréat au doctorat rendu possible par les particularités de leurs programmes.

140 Ce qui n’exclut pas pour autant les réorientations futures, comme nous le verrons à la section 6.4.2.2.

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prendre une maîtrise, mais se sont réorientées vers un diplôme plus court par choix (Christine) ou par contrainte (Dominique) 141. Elles ont tout de même choisi un programme en lien avec leurs intérêts et pro-jets futurs. Le projet de maîtrise demeure d’ailleurs présent chez Do-minique, mais on constate qu’elle a su tirer son épingle du jeu en trou-vant une issue à un refus d’admission qui fut pour elle un premier in-succès scolaire déstabilisant.

En ce qui a trait à l’entrée par le doctorat, les 2 cas dans cette situa-tion ont d’abord complété un programme de baccalauréat en sciences humaines et sociales pour ensuite changer d’université et poursuivre directement au doctorat, en vertu des particularités de la structure de leurs programmes. Leur motif est surtout lié à leur intérêt pour un pro-gramme qu’elles voient comme une manière de répondre à leur soif de connaissances tout en poursuivant l’objectif de s’impliquer auprès des Autochtones dans leur future profession. Annabelle ajoute aussi qu’elle avait la motivation de prouver qu’une Autochtone était ca-pable de se rendre au doctorat, souhaitant du même coup pouvoir ins-pirer d’autres jeunes Autochtones à s’accrocher à leurs rêves : « Pour dire : “Je suis une Indienne, je suis capable.” Ma mère, c’est une In-dienne puis elle est capable d’élever des enfants qui ont du bon sens. Puis ils ont encore tellement de bon sens qu’ils font partie du 1% de la population québécoise qui ont un doctorat et du 0,6% des Autoch-tones au Canada qui ont un doctorat ». Enfin, la troisième partici-pante s’étant rendue au doctorat, Alice, a connu un passage suivant sa maîtrise et plusieurs années sur le marché du travail. Son sujet de thèse s’est précisément développé en lien avec ses expériences profes-sionnelles et ses champs d’intérêt concernant les Autochtones.

6.4.2.2. Difficultés scolaires et réorientations

141 Christine a appris l’existence du DÉSS à la fin de son baccalau-réat et a voulu raccourcir la durée de ses études de second cycle par rapport à son projet initial de maîtrise, alors que Dominique a dû se résoudre à opter pour le DÉSS en raison d’un refus d’admission à la maîtrise.

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Contrairement au premier cycle, on observe assez peu de cas de changement de programme en cours d’études aux cycles supérieurs, seule Isabelle ayant d’abord entamé une maîtrise dans le domaine des sciences humaines et sociales pour ensuite passer immédiatement à une autre maîtrise dans le domaine des sciences de la gestion. Cette [179] réorientation s’est d’ailleurs faite en raison d’une « ”écoeurite” de recherche », comme l’explique Isabelle, ce qui l’a conduite vers un programme offrant de meilleures possibilités d’avancement profes-sionnel. C’est donc davantage après une interruption scolaire que le changement de programme se fait. Par exemple, la réorientation de Mathieu s’est produite après avoir d’abord abandonné son programme de maîtrise en arts, lettres et communication parce qu’il s’intéressait davantage à l’emploi qu’il occupait simultanément. Sa nouvelle maî-trise dans le domaine des sciences de la gestion n’a toutefois pas abouti et il a préféré occuper un poste intéressant qui s’offrait à lui. Pour Jérôme, sa réorientation représentait une poursuite d’un second diplôme de maîtrise dans un domaine différent, passant des arts, lettres et communication aux sciences humaines et sociales : son choix initial s’était fait d’abord par intérêt pour le programme et la poursuite de sa passion, alors que le second était plutôt à visée professionnelle.

On ne retrouve aucun cas de difficulté de lecture, comme au pre-mier cycle 142, et les difficultés rencontrées concernent surtout la perte momentanée d’intérêt pour le programme poursuivi. On note aussi deux cas de refus d’admission qui ont forcé Dominique et Martine à revoir leurs plans, la seconde mentionnant cependant qu’après coup, elle était très heureuse de son choix, ayant trouvé un programme qui répondait mieux à ses attentes 143. En somme, les études de cycles su-périeurs s’avèrent moins propices à des réorientations et les difficultés scolaires auxquelles font face les étudiants se révèlent assez limitées, comparativement au premier cycle.

142 Si ce n’est une certaine adaptation nécessaire mentionnée par Jé-rôme lors de sa seconde maîtrise puisqu’il passait alors à un tout autre domaine d’études.

143 En cours de rédaction au moment de l’entrevue, Martine fait ce-pendant part des difficultés reliées à l’isolement occasionné par cette partie du travail de thèse et de la durée des études, mais sans pour autant que ces aspects ne lui fassent perdre la motivation né-cessaire à l’atteinte de son objectif.

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6.4.2.3. Conciliation études-travail-familleet difficultés extrascolaires

On constate qu’une plus grande flexibilité offerte par les études de cycles supérieurs en termes de gestion du temps s’avère favorable aux étudiants-parents par rapport au premier cycle. En effet, chez les 3 cas d’étudiantes aux cycles supérieurs ayant des responsabilités paren-tales, aucune ne mentionne des difficultés majeures reliées à cet [180] aspect, ce qui n’empêche pas d’importantes contraintes qui y sont par-fois associées. Par exemple, Annabelle a dû tenir compte des limites occasionnées par sa grossesse durant son travail de terrain et Alice doit mettre les bouchées doubles pour réussir à avancer son projet de doctorat simultanément à ses autres engagements professionnels et personnels. Pour Isabelle, la conciliation se passe bien puisque son horaire de travail n’est pas contraignant, alors que pour Marie, ses en-fants étaient déjà grands au moment où elle a entamé sa maîtrise. On note au passage qu’aucun des 2 hommes rencontrés aux cycles supé-rieurs n’était père durant ses études, situation qui se retrouvait plus fréquemment chez les pères au premier cycle dans les cas de retour aux études.

Si la conciliation études-travail se déroule généralement assez bien, certains font part de leurs horaires très chargés, mais l’intérêt de mener à terme le projet de mémoire ou de thèse semble apporter un baume qui leur permet de ne pas pour autant affecter leur motivation. Seul Mathieu a dû interrompre ses études en raison de son travail trop accaparant, mais sans que ça ne soit occasionné par une contrainte associée au besoin de financer ses études. Son cas illustre que le prin-cipal défi en termes de conciliation études-travail consiste surtout à ne pas trop se consacrer à un emploi jugé intéressant.

Enfin, les mentions relatives aux difficultés extrascolaires concernent surtout l’aide financière accordée par la communauté et les risques associés à l’épuisement professionnel. Dans le cas d’Anna-belle, on note aussi une crise identitaire reliée à son statut d’Autoch-tone provoquée par son intégration au doctorat : « J’étais l’Autoch-tone qui s’en venait travailler sur des questions autochtones, fait qu’on dirait que j’avais vraiment ce tag-là. Donc, c’est là que c’est

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devenu comme plus un enjeu ». Au sujet de l’épuisement profession-nel, Martine mentionne qu’elle doit faire attention à ne pas se brûler durant ses études car elle veut en faire trop en même temps, à l’instar de Marie, qui a connu un épuisement professionnel l’ayant conduite à trouver un meilleur équilibre entre son propre bien-être et celui de sa communauté : « Je me suis comme beaucoup, beaucoup oubliée. Mais en même temps aussi […] mon objectif est toujours là, de redonner à ma communauté ce qu’on m’a donné ».

[181]Quant à l’aide financière accordée par la communauté, les critères

sont souvent loin de répondre aux besoins des étudiants autochtones, comme nous le verrons à la section 6.5.3. Par exemple, Dominique a appris que les études à temps partiel ne donnaient pas droit à une allo-cation de subsistance 144 et que toute aide ultérieure lui serait refusée puisque les critères de sa communauté prévoient qu’une personne ayant interrompu ses études à temps plein est exclue à vie du pro-gramme. Dans le cas de Jérôme, l’aide financière ne lui a pas été ver-sée lors de la première année de sa maîtrise, mais elle le fut à la deuxième année, alors que sa situation n’avait pourtant pas changé, ce qui s’explique probablement par la disponibilité des fonds de la part de sa communauté.

En définitive, les participants aux cycles supérieurs ne sont pas à l’abri de difficultés de nature extrascolaire ou impliquant la concilia-tion études-travail-famille, mais ils témoignent généralement de situa-tions davantage favorables à la poursuite du projet scolaire qu’au pre-mier cycle. Leur perception assez positive de situations où cette conci-liation s’avère plus difficile en raison du manque de temps libre s’ex-plique aussi largement par la motivation qu’ils ont à mener à terme un projet individuel fortement ancré dans leur identité et leurs cultures, comme nous le verrons plus en détail au chapitre suivant.

144 Cette situation lui fut d’autant plus difficile à accepter qu’elle au-rait voulu étudier à temps plein, mais que sa demande d’admission à la maîtrise lui a été refusée et qu’elle a dû se contenter d’un pro-gramme offert uniquement à temps partiel.

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6.5. QUELQUES FACTEURS EXPLICATIFSDU PASSAGE À L’UNIVERSITÉ

ET QUELQUES CARACTÉRISTIQUESDU MILIEU D’ORIGINE

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Après avoir décrit le rapport aux études universitaires et la manière dont se sont déroulés les parcours universitaires des participants, la section suivante s’attarde plus précisément à certains facteurs détermi-nants dans l’intégration à l’université et certaines caractéristiques de leur milieu d’origine qui ont influencé leurs parcours.

6.5.1. Rapport à l’école des parents et de la famille élargie

Bien qu’un peu plus des deux tiers des participants (16 cas) soient des étudiants de première génération (ÉPG), il est intéressant d’obser-ver le lien entre ce statut et le type de [182] premier passage à l’uni-versité. En effet, 10 des 12 cas de passage différé n’ont aucun parent ayant fréquenté l’université 145, alors qu’il s’agit plutôt de 6 cas sur 11 chez les étudiants au premier passage immédiat. Si le simple fait d’avoir des parents ayant fréquenté l’université ne garantit pas que les enfants suivront cet exemple, la littérature scientifique a abondam-ment démontré le fort lien de causalité à ce chapitre (Auclair, Bélan-ger et al., 2008). Il est par contre intéressant de voir au-delà du portrait statistique pour mieux comprendre les modalités de transmission et d’acquisition du capital culturel (Lahire, 1995).

En somme, des enfants peuvent se trouver dans des configurations familiales avec des parents universitaires qui n’ont pas pu leur trans-mettre un rapport positif à l’école ou, à l’inverse, avec des parents peu

145 Dans le cas d’Emily, sa mère a effectué un retour aux études qui l’a conduite d’abord au cégep et, quelques années plus tard, à l’uni-versité. Si Emily n’était plus aux études quand sa mère est allée à l’université, elle mentionne qu’elle a plus tard voulu suivre son exemple.

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 236

scolarisés qui ont beaucoup valorisé les activités scolaires de leurs enfants. De plus, d’autres personnes que les parents immédiats ont pu avoir une influence significative sur la scolarité des participants, no-tamment dans la famille élargie et au sein de la communauté. Pour toutes ces raisons, plutôt que de parler strictement de la scolarité des parents, nous insisterons plutôt sur le rapport à l’école des parents et de la famille élargie. En fait, si l’on s’arrêtait au seul indicateur de la scolarité des parents, il faudrait alors conclure que notre échantillon est composé d’environ un tiers de cas « probables » de fréquentation universitaire 146. Or, le fait qu’une majorité d’entre eux proviennent de familles faiblement scolarisées ne peut être simplement attribué au hasard et s’explique plutôt d’un point de vue sociohistorique, comme nous l’avons souligné à la section 3.2.1.

Tableau 6.2.Scolarité des parents et type de premier passage à l’université

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Étudiants de première génération

Oui Non

Se retrouve surtout lorsd’un premier passage différé

Surtout surtout lorsd’un premier passage immédiat

146 Bien que le recrutement ne se soit pas fait de façon probabiliste, puisqu’il ne s’agit pas d’une recherche de nature quantitative, nous avons expressément cherché à diversifier au mieux possible le bas-sin de volontaires potentiellement intéressés à participer à un entre-tien (voir chapitre III).

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[183]

6.5.1.1. Faible scolarité parentaleet contexte sociohistorique peu favorable

En lien avec l’histoire particulière de l’éducation chez les Pre-mières Nations, qui était sous le contrôle exclusif du gouvernement fédéral jusqu’à la prise en charge par les communautés dans les an-nées 1970 et n’avait donné lieu qu’à une famélique diplomation uni-versitaire 147, les probabilités de retrouver dans notre échantillon des cas dont au moins un parent avait fréquenté l’université s’avéraient particulièrement faibles. En effet, les participants sont nés entre 1956 et 1988 et leurs parents ont donc connu une époque où, encore plus qu’aujourd’hui, les Autochtones étaient largement exclus de l’institu-tion universitaire. Cette situation s’explique par une ségrégation histo-rique au sein du système d’enseignement qui se perpétue et a comme résultat que les parents de cette population détiennent encore généra-lement peu de capital culturel, plus précisément en termes de di-plômes scolaires.

Qui plus est, presque tous les étudiants non-ÉPG sont nés dans les années 1980, signe tangible d’un net changement dans la scolarisation universitaire chez les Premières Nations. Plus précisément, parmi les 6 participants nés dans les années 1980, un seul est ÉPG alors qu’à l’inverse, parmi les 17 participants nés plus tôt, 2 seuls ne sont pas ÉPG. En termes de scolarité des parents, on dénote donc un effet de génération en fonction de l’ancrage sociohistorique des parcours de vie des participants qui, plus ils sont nés tôt, moins ont eu l’occasion de connaître des parents ayant fréquenté l’université. Il est par ailleurs intéressant de constater qu’à l’exception de Diana et Isabelle, les étu-diants non-ÉPG ont tous un des deux parents qui est allochtone, mais

147 De 1934 à 1976, seulement 143 diplômes ont été décernés à des membres des Premières Nations (Indiens inscrits) et Inuit du Qué-bec. Dans l’ensemble du Canada, sur un total de 750 diplômes dé-cernés durant cette même période, seulement 33 l’ont été avant la décennie 1960 (Stonechild, 2006, p. 42).

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le parent allochtone n’est pas forcément celui qui a fréquenté l’univer-sité 148.

6.5.1.2. À défaut de soutien scolaire,un encouragement aux études

C’est donc le rapport aux études des parents et de la famille élargie qui apparaît [184] déterminant dans le fait que leurs enfants aient poursuivi leurs propres études, plus précisément la forte valorisation de l’institution scolaire. Cette valorisation n’exclut toutefois pas les critiques de la part des parents, si bien que le fait de valoriser le rôle d’élève de l’enfant au sein de la configuration familiale ne provoque pas de rupture trop marquée entre les univers familial et scolaire (La-hire, 1995), et ce, en dépit du contexte culturel différent. Qu’ils soient ou non allés eux-mêmes à l’université, la très grande majorité des pa-rents veillaient donc à ce que leurs enfants non seulement fréquen-tassent l’école, mais également s’y investissent. Sans forcément qu’ils ne pussent les aider dans leurs apprentissages, soit par manque de connaissances ou tout simplement d’opportunités, ils encourageaient tout de même leurs enfants à poursuivre leur scolarité.

Ainsi, aucun participant n’a mentionné que ses parents l’incitaient à quitter l’école, même si quelques-uns ont indiqué que leurs parents n’effectuaient pas de suivi scolaire rigoureux. C’est notamment le cas de Valérie, qui a connu une fin de secondaire difficile avec des taux élevés d’absentéisme et une perte d’intérêt pour ses études. Ses pa-rents ne sont pas pour autant intervenus, mais elle n’a jamais décroché et envisageait tôt de compléter une maîtrise. Pour sa part, Stéphanie a aussi peu reçu de soutien scolaire de ses parents et c’est à l’école qu’elle a pu combler ce besoin en s’entourant d’amies fortement enga-gées dans leurs études, lesquelles lui ont procuré un écran protecteur au décrochage.

148 Christine semble d’ailleurs habituée à ce que l’on pense que sa mère allochtone aurait fait davantage d’études que son père autoch-tone, alors que c’est l’inverse. Aucun commentaire n’avait cepen-dant été fait à cet égard de la part de l’interviewer.

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J’ai été chanceuse d’être entourée de gens comme ça parce que sinon, je le sais pas, peut-être que j’aurais eu le goût de lâcher à un moment don-né ou que la motivation aurait diminué. […] On faisait nos devoirs sur l’heure du midi au lieu d’aller traîner en ville, au lieu d’aller jaser. On faisait nos devoirs puis on étudiait. [Rires] Ouais ! C’est plutôt rare au-jourd’hui ! Mais c’est ce qui m’a permis de réussir mon secondaire.

Dans la majorité des cas, on remarque que les parents n’avaient pas vraiment le capital culturel nécessaire (en termes de diplômes) pour aider leurs enfants dans leurs études, mais qu’ils insistaient régulière-ment pour que ces derniers les poursuivissent dans le but explicite d’une mobilité intergénérationnelle. Ce faisant, ils voulaient permettre à leurs enfants d’avoir davantage de choix pour mener la vie profes-sionnelle et personnelle qui les intéresserait, comme l’explique Mo-nique : « Les générations avant avaient vécu les préjudices parce qu’ils étaient pas instruits. Mon père a toujours poussé cette philoso-phie-là [185] dans la famille : “Étudie, ma fille, puis instruis-toi ! Va chercher des diplômes universitaires pour être en mesure de savoir ce qui se passe puis c’est ça qui compte” ». Marie ajoute que si sa mère a peu fréquenté l’école, elle demeure une grande pédagogue : « Même si elle a pas d’études, elle comprend beaucoup de choses puis elle nous a inculqué beaucoup de valeurs, de connaissances ».

6.5.1.3. Ni laissés-pour-compte, ni héritiers

Ce rapport à l’école positif des parents et de la famille élargie est important dans un contexte où, en raison de l’histoire de l’éducation chez les Autochtones et notamment de l’héritage des pensionnats, l’éducation formelle peut encore de nos jours être associée à une forme d’assimilation chez certains parents qui n’encouragent pas leurs enfants à poursuivre leurs études (Vinette, 1996 ; Friedel, 1999 ; Pu-shor et Murphy, 2004). Néanmoins, les parents des participants n’ef-fectuaient pas pour autant un travail systématique de soutien et d’ac-compagnement scolaire lors de la scolarité primaire et secondaire de leurs enfants. Il s’agit au contraire de l’exception plutôt que de la règle. Même Hélène, dont les deux parents sont diplômés universi-taires, indique que ces derniers l’ont toujours laissée libre de s’orien-

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ter à l’école et dans la vie. En fait, seule Martine correspond à ce mo-dèle d’« héritière » (Bourdieu et Passeron, 1964), dans la mesure où ses deux parents diplômés universitaires avaient des attentes très éle-vées à son égard.

Mes parents valorisaient vraiment beaucoup les études, même supé-rieures : tu sais, pas juste d’aller au secondaire ! Finir mon secondaire, c’est loser dans la tête de mes parents, tu sais ! […] C’était très élevé, les attentes de mes parents. [...] Tout le monde a étudié partout [dans sa fa-mille élargie]. C’était comme normal : c’est pas hot pour notre famille !

En définitive, le fait d’avoir grandi dans une famille qui valorisait l’éducation et entretenait un rapport positif à l’école demeure sans conteste un facteur déterminant dans la poursuite d’études universi-taires chez les étudiants autochtones, même si le fait d’avoir au moins un des deux parents qui a poursuivi des études universitaires tend à accélérer le passage à l’université en favorisant une scolarité ininter-rompue du primaire à l’université, comme nous l’avons constaté à la section 6.5.1.1.

[186]

6.5.2. Parentalité

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Le fait d’avoir ou non des responsabilités parentales au moment de la première inscription universitaire ressort nettement comme un fac-teur explicatif déterminant dans l’analyse des parcours des étudiants. Dans l’ensemble, on peut regrouper les participants en trois groupes selon l’âge d’entrée à l’université et le statut parental : entre 18 et 21 ans (12 cas, aucun parent), entre 22 et 25 ans (4 cas, 2 parents), entre 30 et 51 ans (7 cas, tous parents). On ne compte donc aucun cas de passage immédiat à l’université d’étudiant-parent, les cas de passage immédiat étant tous le fait de participants ayant entrepris leurs études entre 18 et 21 ans. Par contre, sur les 12 cas de passage différé, 9 concernaient des parents et on retrouve même une grand-mère.

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Ce qui ressort particulièrement des cas de parents-étudiants, ce sont les relations d’interdépendance (Lahire, 1995, p. 283-289) dans lesquelles s’insère le projet d’études. On doit donc chercher à com-prendre ce qui les a conduits à entreprendre des études universitaires au-delà de leurs seules aspirations ou contraintes individuelles, surtout lorsque les deux parents entreprennent en même temps un retour aux études. En effet, contrairement à la scolarité des enfants, devenue rite de passage dans les sociétés contemporaines, la poursuite d’études universitaires chez les parents n’est pas une obligation et peut être sui-vie avec un calendrier scolaire plus flexible. Dans cette optique, les deux membres du couple doivent se concerter pour entreprendre en même temps leurs études et tenir compte de la scolarité de leurs en-fants. Le projet peut aussi avoir été longuement réfléchi et « mis en veilleuse » avant d’être réalisé, les parents attendant le moment qui conviendra le mieux dans l’économie des relations familiales, par exemple quand les enfants sont plus vieux.

Les logiques d’action des parents-étudiants s’inscrivent donc au cœur de la configuration des relations d’interdépendance au sein de la famille, d’abord immédiate, mais fréquemment au sein de la famille élargie. S’il est vrai que les étudiants sans enfant doivent eux aussi composer avec leur lot de contraintes, leurs relations d’interdépen-dance pèsent cependant moins lourd dans la balance lorsque vient le temps de se décider à entrer à l’université. Il n’est d’ailleurs pas éton-nant de constater que tous les 8 cas de participants [187] sans enfant ont en commun d’être entrés très jeunes à l’université (18 à 21 ans) et que seule Valérie a connu de courtes périodes sans études avant d’en-treprendre un baccalauréat. Cela dit, tout comme les étudiants-parents, ceux sans responsabilités parentales ont aussi des parents, amis ou collègues avec qui ils ont développé des relations et ces gens in-fluencent aussi leurs parcours universitaires. À titre d’exemples, Mar-tine a beaucoup été influencée par sa grande sœur et a connu un par-cours semblable puis Monique a déménagé loin de chez elle pour en-treprendre ses études universitaires avec son conjoint.

Si le fait d’avoir des responsabilités parentales tend nettement à repousser l’intégration à l’université de quelques années, les étudiants peuvent aussi devenir parents en cours d’études ou par la suite (6 cas). Seule Annabelle a toutefois donné naissance pendant ses études et on peut donc distinguer, chez les 15 étudiants-parents, un premier groupe

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ayant intégré l’université en étant déjà parents (9 cas), un second com-posé d’étudiants devenus parents après avoir complété au moins un programme d’études universitaires (5 cas) et un troisième, avec le cas d’Annabelle, dont la parentalité est apparue durant les études. Or, si la parentalité influence nettement les parcours universitaires des étu-diants du premier groupe, ceux du second ont plusieurs similitudes dans leurs parcours de premier cycle avec les 8 participants sans en-fant. En effet, ces derniers ont soit attendu une période où ils ne fré-quentaient plus l’université pour devenir parents (5 cas 149), ou encore la durée des études s’est tout de même faite selon les normes prévues (1 cas).

En somme, les naissances pendant ou après les études universi-taires influencent très peu les parcours universitaires en termes d’al-longement des études, mais celles ayant précédé les études tendent à repousser l’âge d’entrée à l’université. Soulignons néanmoins que les contraintes financières exercent à cet égard une influence détermi-nante puisque, comme le souligne le Conseil Supérieur de l’Éducation (2013), les étudiants-parents ont difficilement accès aux congés paren-taux, leur nombre d’heures de travail rémunérées étant généralement insuffisant selon les critères du Régime québécois d’assurance paren-tale [188] (RQAP). En l’absence de revenus, la période d’interruption demeure limitée, voire quelque peu « dissimulée » sous une inscrip-tion à des cours à distance, comme dans le cas d’Annabelle : «  Juste quelques mois, ouais. Je pouvais pas me permettre... J’ai suivi des cours par correspondance pour avoir comme des crédits sans être obligée... Tu sais, je pouvais être là avec ma fille ».

149 Un cas a toutefois poursuivi des études au secondaire profession-nel tout en étant enceinte et ne les a arrêtées que quelques semaines avant de les reprendre.

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6.5.2.1. L’influence des enfantssur le projet d’études

Le sens accordé au projet d’études peut être profondément modifié chez une même personne entre la période précédant la parentalité et celle qui la suit. C’est par exemple le cas d’Isabelle, qui a effectué toutes ses études de 1er cycle sans enfant et était davantage dans une quête identitaire (rapport aux études expressif). Après quelques an-nées sur le marché du travail durant lesquelles elle a eu deux enfants, elle développe au contraire à la maîtrise un rapport aux études instru-mental (Doré, Hamel et Méthot, 2008) et recherche d’abord des com-pétences qui pourront lui servir sur le marché du travail : « Parce que sérieusement, quand tu arrives puis tu présentes ton cv puis tu dis que tu as fait un bac en arts, le monde fait comme : “Ok !”. Tu vas servir à quoi dans leur organisation ? Fait que je me cherchais quelque chose qui pourrait aussi être plus accrocheur, dans mon cv ». Le tout n’est donc pas sans lien avec la parentalité car Isabelle mentionne à quelques reprises l’importance d’obtenir un emploi bien rémunéré pour assurer une qualité de vie à ses enfants.

On constate aussi dans le groupe des étudiants qui étaient parents dès l’intégration à l’université que le projet d’études est inévitable-ment influencé par les responsabilités familiales. Dans au moins un cas, il s’agit même de la raison principale ayant conduit à entreprendre des études universitaires. C’est ainsi qu’Emily, après avoir interrompu ses études collégiales et donné naissance à deux enfants, a voulu pour-suivre ses études pour pouvoir aider ses enfants dans leurs devoirs 150. Elle a ainsi saisi l’occasion qui lui était offerte de suivre un certificat directement dans sa communauté, à temps partiel, tout en travaillant et en continuant d’élever ses enfants : « So, I took it and I said to my-self  : “Don’t stop ! Go get your certificate. This is your chance !” So, I continued, I had fun with my [189] children. I was doing my home-

150 Ses enfants fréquentaient une école autochtone où, comme c’est souvent le cas, les premières années de scolarité se faisaient dans une langue autochtone. Elle a donc voulu améliorer ses propres connaissances dans cette langue qu’elle maîtrisait déjà, mais qu’elle voulait perfectionner.

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work, they were doing their homework […] and I was able to read to them what it said ».

Certains parents ont aussi choisi de poursuivre leurs études univer-sitaires en partie pour que leurs enfants puissent fréquenter une école en ville, là où ils considéraient retrouver une meilleure qualité de l’en-seignement. C’est par exemple ce qui est arrivé à Julia, qui avait déjà complété à temps partiel un certificat offert dans sa communauté et a plus tard décidé d’obtenir un baccalauréat (par cumul de certificats) : « His grades over there and the way they taught him [son fils], it made me think of coming back to school because of my kids. And be-cause of their curriculum in back home, it’s not really... So, and to show them that they could do it like they could finish school, I decided to come back to school ». Puisque le décrochage scolaire et l’allonge-ment des études dans les communautés autochtones sont des phéno-mènes particulièrement marqués et maintes fois documentés, l’état de l’éducation dans les communautés peut donc conduire certains parents à souhaiter scolariser leurs enfants à l’extérieur. On pense notamment à la difficulté de retenir des enseignants qui proviennent majoritaire-ment de l’extérieur (Deschênes, 2013) ou encore du sous-financement récurrent des écoles des communautés par rapport aux écoles alloch-tones (Paquette et Fallon, 2010).

6.5.2.2. Les «  familles étudiantes »

Que ce soit ou non dans le but de fréquenter l’école à l’extérieur de la communauté, le projet d’études universitaires qui se fait alors qu’on élève des enfants d’âge scolaire devient nécessairement l’occasion d’un nouveau départ, tant pour les parents que les enfants, et toute la famille se retrouve dans un mode de vie « étudiant ». Par exemple, Benjamin et sa conjointe ont tous deux décidé de poursuivre leurs études universitaires en même temps et déménager avec leurs 3 jeunes enfants, qui ont alors commencé à fréquenter l’école de la ville. Pour leur part, Alexander et sa conjointe se retrouvent sensiblement dans la même situation, à l’exception près que leurs enfants ne fréquentent pas encore l’école. L’idée de montrer un modèle studieux à leurs propres enfants revient souvent, comme le mentionnait précédemment Julia. Ce nouveau départ est bien sûr accentué lorsqu’il implique en

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plus un déménagement dans un nouvel environnement, mais peu im-porte le [190] lieu de résidence, il exige de grandes habiletés pour réussir la conciliation études-famille, à laquelle s’ajoute fréquemment celle du travail.

On remarque néanmoins que ce qui pourrait de prime abord sem-bler une contrainte supplémentaire – avoir à s’engager soi-même dans des études tout en assurant un suivi dans celles de ses enfants – appa-raît plutôt, aux yeux des participants rencontrés, comme un facteur facilitant leur propre persévérance et réussite éducatives ainsi que celle de leurs enfants. Ces « familles étudiantes » sont en effet dans une situation où l’institution scolaire se voit extrêmement valorisée, si bien que les enfants et leurs parents en viennent à se soutenir mutuel-lement. En somme, le rapport à l’école positif des parents et de la fa-mille élargie ne se traduit pas seulement en encouragements ou encore en aide aux devoirs. Il implique a fortiori les parents, qui doivent eux-mêmes apprendre le « métier d’étudiant » (Coulon, 1997), comme l’explique Benjamin.

I wanna be a role model for my kids and whatever I do, I know my kids are gonna follow their... Watching me closely… Like when I go to school and everything I do, it’s... I’m hoping that they’ll do it earlier. Be-cause me, I had some complications during my path when I was younger and I want them to... I wanna make them know that I fully support whate-ver path they’re gonna take but they both know that we [lui et sa conjointe] really want education to be first and that the key and goal to success is education. And that’s what do we want to teach our kids.

6.5.3. Soutien financier

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Tous les étudiants autochtones reconnus légalement comme « In-diens inscrits » en vertu de la Loi sur les Indiens peuvent recevoir un soutien financier offert par le conseil de bande de la communauté à laquelle ils sont affiliés. Ils doivent alors soumettre une demande di-rectement au conseil et les critères d’admissibilité ainsi que les moda-

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lités de versement varient grandement d’une communauté à l’autre 151 (Paquette et Fallon, 2010). Pour leur part, les étudiants bénéficiaires des Conventions de la Baie-James et du Nord-Est québécois (cris, inuit et naskapis) ont accès à des programmes d’aide financière gérés par les commissions scolaires propres à ces nations et les règles sont les mêmes pour toutes les [191] communautés d’une même nation 152.

Si tous les 23 participants rencontrés ont bénéficié de cette forme d’aide durant leurs études collégiales et universitaires, sa distribution ne s’est pas faite de manière uniforme pour chacun d’eux. Ainsi, dans 3 cas, l’aide n’a pas été obtenue durant l’ensemble du parcours univer-sitaire parce que la durée des études au même cycle dépassait celle prévue en vertu des critères établis. On retrouve aussi 2 cas qui n’ont pas reçu ce soutien financier durant au moins une partie de leurs études collégiales parce qu’ils n’avaient pas encore obtenu leur « sta-tut indien » nécessaire, mais tous les autres étudiants ayant fréquenté le cégep ont reçu une aide du conseil de bande ou de la commission scolaire à cet ordre d’enseignement, plusieurs ayant d’ailleurs été in-formés très tôt par leurs parents de cette aide offerte.

Les témoignages recueillis démontrent qu’aucun projet d’études universitaires ne visait expressément à obtenir une telle forme de reve-nu, même si ce facteur a pu agir comme élément facilitateur de la poursuite d’études collégiales et/ou universitaires, surtout lorsque les étudiants ont des responsabilités parentales. Soulignons cependant que, lors de périodes plus difficiles en termes de motivation, cet as-151 Il s’agit de fonds prévus dans le cadre du Programme d’aide aux

étudiants de niveau postsecondaire (PAENP), versés directement par Ottawa à chaque conseil de bande. Source : Site Internet du AADNC : https://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1100100033682/1100100033683

152 Les Naskapis n’ont au Québec qu’une seule communauté et ont choisi de faire affaire avec la Commission scolaire Central Quebec pour la gestion de leur aide financière aux étudiants postsecon-daires. Par contre, les Cris et les Inuit ont leurs propres commis-sions scolaires (Crie et Kativik). Voir les règles budgétaires des commissions scolaires Crie, Kativik et de l’école des Naskapis : http://www.education.gouv.qc.ca/commissions-scolaires/financement-et-infrastructures/regles-budgetaires/#c18242

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pect a pu inciter certains à ne pas interrompre leurs études puisqu’ils auraient alors perdu une source de revenu. C’est ainsi que Jérôme a poursuivi ses études collégiales et une partie de son baccalauréat en parvenant difficilement à trouver la motivation nécessaire à s’engager dans ses études, expliquant que le soutien financier reçu de sa commu-nauté devenait par moments la raison l’empêchant d’abandonner.

À un moment donné, je trouvais pas ça vraiment… J’étudiais pas, tu sais, pour… C’était un peu pour survivre, pour gagner ma vie, tu sais. […] Bien oui, parce que j’aime [son domaine d’études], mais j’avais pas comme d’ambition en tant que telle, tu sais. Je suivais un chemin qui m’avait été comme proposé, tu sais : « Voilà, [Jérôme], si tu veux, on va prendre soin de toi, on va te donner des allocations, tu vas avoir de l’ar-gent, mais tu vas faire des études puis si tu [192] arrêtes, tu as plus d’études. ».

Ne nous imaginons toutefois pas pour autant que les étudiants des Premières Nations mèneraient « la belle vie » grâce à leurs alloca-tions, le cas de Jérôme illustrant avant tout que l’aide financière peut aussi devenir une raison temporaire – et nous insistons sur ce terme – de ne pas cesser ses études. Qui plus est, les critères d’admissibilité ne sont souvent pas particulièrement adéquats pour une population connaissant davantage des parcours scolaires atypiques, comme l’in-dique Christine : « Ils mettent des limites : bac, c’est 3 ans. On était là : “Bien, il y a des bacs que c’est 4 ans...”. En tout cas. Maîtrise : 2 ans. J’étais là : “Ok !”. Doc : 2 ans ! J’étais là : “Euh !” ». Les sommes versées ne correspondent par ailleurs pas forcément aux be-soins des étudiants, plus particulièrement dans le cas des Autochtones non conventionnés 153, qui dépendent de fonds du ministère des Af-faires Autochtones et du Nord Canada (AADNC), lesquels n’ont ja-mais été ajustés en fonction de l’inflation et ont fait l’objet de diffé-rentes compressions au fil des années (Stonechild, 2006).

Ainsi, les conseils de bande versent souvent des sommes jugées insuffisantes par les étudiants et n’en versent pas à tous ceux qui leur présentent une demande (Paquette et Fallon, 2010). Le manque de

153 Il s’agit de ceux qui ne sont pas bénéficiaires des Conventions de la Baie-James et du Nord-Est québécois, autrement dit qui n’appar-tiennent pas aux nations crie, inuit et naskapie.

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fonds a par exemple obligé Isabelle à travailler d’arrache-pied pour compléter son baccalauréat : « […] quand je revenais l’été, il a fallu que je me trouve deux jobs. […] Je travaillais de nuit, dans un bar, je travaillais de jour dans un casse-croûte, dans un restaurant. Parce que justement, ils [la communauté] me payaient pas assez pour que je puisse payer mes études ». Valérie a aussi été contrainte à travailler de longues heures en même temps qu’elle étudiait, ce qui l’a finalement conduite à interrompre ses études.

Je m’étais engueulée avec eux-autres parce que justement, je trouvais ça plat parce que c’était toujours le même classique à chaque mois puis, tu sais, quand ton loyer y passe puis que tu as déjà [un faible montant] par mois puis que tu as peine à payer ton loyer puis que le vendredi, tu l’at-tends puis tu as faim puis tu sais que tu as rien puis tu sais que tu peux pas compter sur tes parents pour t’aider, bien là...

Or, le fait de recevoir du soutien du conseil de bande ou de la com-mission scolaire est parfois invoqué comme élément influençant le besoin de « redonner à la communauté » une fois ses études termi-nées, voire en cours d’études, mais ce ne sont pas tous les étudiants qui l’incluent dans l’équation. Il s’agit d’abord d’un programme d’aide destiné à soutenir une population faiblement scolarisée et au contexte socioéconomique statistiquement peu favorable à la pour-suite d’études postsecondaires. Du point de vue des Premières Na-tions, il s’agit aussi d’un droit issu des traités conclus avec le gouver-nement fédéral en termes d’accès à l’éducation, bien que ce dernier considère plutôt cette aide comme un programme social (Stonechild, 2006) 154. Si certains participants peuvent déclarer se considérer « chanceux » par rapport à leurs collègues allochtones qui n’ont pas accès à ces fonds, ils gardent toutefois tous à l’esprit cette interpréta-tion des Premières Nations, comme l’explique Christine : « On [des étudiants allochtones] me disait tout le temps : “C’est un privilège !” [Christine leur répondait :] C’est un droit ! ». Monique ajoute d’ailleurs qu’il s’agit aussi d’une forme de réparation « parce que les

154 Dans les faits, le gouvernement canadien se fait régulièrement reprocher de ne pas respecter ses engagements à l’endroit des Au-tochtones, et ce, non seulement en termes d’éducation, notamment par l’ONU (e.g. Anaya, 2014).

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étudiants, les Autochtones, ont pu avoir accès aux études universi-taires sans renoncer à leur statut autochtone depuis les années 60 seulement ».

En définitive, le soutien financier versé aux étudiants autochtones tend à faciliter l’accessibilité aux études postsecondaires d’une popu-lation socioéconomiquement désavantagée, mais ce n’est pas ce qui motive les étudiants à s’inscrire. Dans les cas d’étudiants effectuant un retour aux études et souhaitent se réorienter professionnellement, l’aide reçue ne compense d’ailleurs jamais la perte de revenu tempo-raire occasionnée. C’est donc d’abord parce qu’ils se sont accrochés à un projet futur qu’ils restent à l’université et l’aide financière ne fait alors que faciliter ce projet. À cet effet, Daniel précise subir une baisse de son niveau de vie durant ses études par rapport à ce qu’il gagnerait sur le marché du travail : « Now I come to university, it’s just off my salary. Like I get one third of what I used to make. So, I have to stretch a dollar » (Daniel).

[194]

6.5.4. Mobilité géographique

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Comme nous avons pu le constater au chapitre précédent, un peu plus de la moitié des participants (12 sur 23) ont connu un déménage-ment occasionné par leur intégration à l’université et, au total, 18 ont eu au moins un épisode de mobilité durant les études universitaires. Le lieu de résidence au moment où s’élabore le projet d’études univer-sitaires peut influencer le choix du lieu d’études, mais sur ces 18 cas de mobilité occasionnée par les études universitaires, seuls 6 l’ont fait en raison de l’impossibilité d’étudier à proximité. Il s’agit tous d’étu-diants qui habitaient dans une communauté autochtone en milieu rural avant de déménager dans une ville éloignée pour entreprendre leurs études, soit à plus de 80 km (Frenette, 2003). Par contre, 2 de ces 6 cas ont d’abord complété un certificat offert dans leurs communautés

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avant de poursuivre par la suite leurs études en ville, cette option étant possible mais davantage limitée 155.

En somme, tous les étudiants qui habitaient en ville avant de pour-suivre leurs études universitaires dans une autre ville l’ont d’abord fait par choix. Ajoutons que parmi les 5 cas d’étudiants qui n’ont connu aucune mobilité géographique durant leurs études universitaires, 3 avaient déjà déménagé lors de leurs études collégiales (complétées juste avant de poursuivre à l’université). Il n’y a en définitive que 2 cas sur 23 qui n’ont connu aucune mobilité durant leurs études collé-giales et universitaires : Manon, qui habitait déjà en ville et a étudié à proximité, puis Daniel, qui habitait déjà en ville et n’a jamais fréquen-té le cégep. Par ailleurs, le fait d’avoir à se déplacer pour poursuivre des études universitaires implique de grands changements dans les cas d’étudiants ayant des responsabilités parentales. Si les parcours d’étu-diants-parents dont les enfants sont à l’âge adulte et ont déjà quitté le foyer familial sont moins déterminés par leurs responsabilités paren-tales, les liens de solidarité au sein de la famille peuvent en revanche exercer une influence dans le choix de l’université fréquentée. C’est par exemple le cas d’Olivia, qui a dû s’éloigner de sa communauté pour aller étudier dans une ville qui, tout en se trouvant à plus de 80 km, lui offre la possibilité d’être relativement proche des siens.

[195]L’arrivée dans la ville d’études s’expérimente toutefois différem-

ment selon le lieu de départ et le choix peut aussi s’expliquer par la langue dans le cas des étudiants autochtones anglophones (langue ma-ternelle ou seconde), essentiellement limités à la région de Montréal (McGill et Concordia) et, dans une moindre mesure, l’Estrie (Bi-shop’s) et l’Abitibi-Témiscamingue (UQAT) 156. Une troisième possi-bilité consiste à suivre des cours dans les communautés mêmes, mais les formations offertes par les universités ne peuvent se suivre qu’à

155 On retrouve 3 autres cas qui ont, à différentes périodes, effectué des études universitaires tout en résidant dans une communauté autochtone, mais en milieu urbain (RMR ou AR). Ils avaient par conséquent accès à un plus vaste éventail de programmes d’études.

156 Le cas de l’UQAT à Val-d’Or est particulier puisqu’il est le seul campus francophone à offrir une formation en anglais destinée ex-plicitement aux étudiants autochtones.

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temps partiel et s’avèrent inévitablement limitées par rapport à l’en-semble des formations disponibles sur campus. Cela dit, si la contrainte géographique pèse davantage dans le cas des Autochtones anglophones, les Autochtones francophones (langue maternelle ou seconde) vivant dans les communautés n’ont pas tous accès à la même offre de formation selon les régions. Par exemple, des formations sont offertes dans certaines communautés de la Haute-Mauricie, de la Côte-Nord ou encore de l’Abitibi-Témiscamingue, mais ne repré-sentent qu’une faible partie de l’offre universitaire (Paul, Crépeau et al., 2013 ; Gauthier, Bacon et Riverin, 2013).

En définitive, que l’on choisisse d’étudier en français ou en an-glais, le fait de résider dans une communauté autochtone en milieu rural limite forcément les possibilités de poursuivre des études univer-sitaires sans devoir déménager et il n’est donc pas étonnant que la plu-part des participants aient entamé leurs études universitaires par un déménagement. Par contre, les Autochtones vivant dans une commu-nauté en milieu urbain peuvent plus facilement avoir accès à une offre complète sans devoir déménager et le départ de la communauté peut aussi se faire dès le cégep, l’étudiant ayant alors déjà connu une mobi-lité géographique qui se poursuivra sur les bancs de l’université.

6.5.5. Expériences professionnelles

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Si les expériences de travail, et plus précisément celles en milieu autochtone, peuvent modifier le rapport à l’identité et aux cultures autochtones (voir chapitre VII), elles peuvent aussi devenir l’élément déclencheur du retour aux études. De différentes manières, 9 partici-pants ont ainsi connu une période d’interruption scolaire où leur expé-rience de [196] travail s’est avérée déterminante dans leur désir de commencer, reprendre ou poursuivre des études universitaires.

Plus précisément, 4 types d’influence ont été relevés : 1) le besoin d’avancement professionnel ; 2) un rapport malheureux au travail ; 3) l’encouragement des collègues de travail ; 4) un projet de recherche perçu comme un achèvement du parcours professionnel et personnel. À noter que ces influences ne sont pas mutuellement exclusives, 4 cas

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sur 9 se retrouvant dans au moins deux d’entre elles. Ainsi, les 4 per-sonnes pour qui le besoin d’avancement professionnel a motivé leur retour aux études ont en commun d’avoir toutes poursuivi des études postsecondaires avant de connaître une expérience professionnelle qui ne parvenait plus à répondre à leurs aspirations. Elles ont alors consi-déré que pour accéder à un emploi où elles pourraient davantage s’ac-complir, il leur faudrait poursuivre d’autres études, comme dans le cas de Valérie : « En travaillant [chez son ancien employeur], je me suis aperçu qu’à un moment donné, j’ai plafonné puis je voulais avoir de l’avancement puis c’était impossible. […] J’ai quitté mon emploi puis j’ai été un an, justement, à essayer de me trouver du travail ailleurs, mais sans succès. Et ensuite, je me suis dit  : “Ok, je vais faire un re-tour aux études” ».

Dans les 4 cas de rapport malheureux au travail, il s’agit d’emplois qui n’étaient pas poursuivis par intérêt (emplois dits « alimentaires ») ou étaient devenus trop épuisants physiquement (travail lourd) ou émotivement (atmosphère malsaine). Si Stéphanie ne s’est trouvée que brièvement dans une telle situation, après avoir interrompu ses études collégiales, cette courte expérience l’a tout de même profondé-ment motivée à se réinscrire, ce qu’elle fit dès la session suivante : « Une session complète, je suis pas allée. Je travaillais dans un dé-panneur. J’ai fait ça, mais après ça, je me suis dit  : “Bien, là, il faut vraiment que je termine !” Puis je voulais vraiment travailler dans un métier [...] ». Quant à Alexander, c’est le fait d’avoir travaillé de longues années dans des emplois éreintants qui l’a conduit à espérer une meilleure qualité de vie pour lui-même et sa famille, sa dernière expérience l’ayant finalement convaincu de retourner aux études.

Chez les 4 cas ayant reçu l’encouragement de collègues de travail, ces derniers ont [197] eu l’occasion de catalyser chez les participants l’intérêt pour un domaine d’études. C’est ce qui est notamment arrivé à Monique, et ce, de manière assez franche et directe : « [Un collègue] dit : “Arrête de parler des autres ! Eux-autres, ils ont un bac de ter-miné !”. Puis il m’a vraiment brassé la cage ! […] Il dit  : “De quoi tu penses que tu as l’air avec un bac pas terminé ?”. Il m’a rendu un fier service puis je lui ai dit ça plusieurs années plus tard ». Il peut aussi s’agir du fait que l’employeur offre de défrayer une formation et qu’en constatant l’intérêt de collègues, on décide de s’y inscrire, comme l’a fait Stéphanie. Dans le cas de Mathieu, c’est aussi beau-

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coup en observant le travail de certains de ses collègues qu’il a décidé de se réorienter dans un autre domaine d’études en reprenant son bac-calauréat interrompu.

En terminant, le cas d’Alice est particulièrement intéressant dans la mesure où ses différentes expériences d’études, de recherche et de tra-vail l’ont conduite à progressivement développer un projet de thèse qui s’inscrirait dans la continuité de ses expériences personnelles et professionnelles. Elle a donc profité de ses années sur le marché du travail pour trouver l’inspiration nécessaire à mener une recherche qui lui permettrait de contribuer au mieux-être chez les Autochtones. Il s’agit par conséquent d’une influence particulière qui ne peut être iso-lée à un événement marquant, mais se poursuit sur plusieurs années avant de finalement motiver un retour aux études. En fin de compte, quel que soit le type d’influence qu’elle occasionne, l’expérience sur le marché du travail agit comme un facteur déterminant dans plusieurs cas de retour aux études, surtout dans les emplois ayant suivi une in-terruption scolaire.

* * *Si plusieurs chemins peuvent conduire à l’université, certains re-

coupements s’observent dans la grande diversité des parcours des par-ticipants. De tous ces facteurs présentés, ressort la nécessité de tenir compte du fait que si les parcours scolaires typiques sont devenus mi-noritaires au sein de la population en général (Conseil supérieur de l’Éducation, 2013), les étudiants autochtones se retrouvent encore da-vantage dans cette situation. De plus, on constate que le désir de contribuer au mieux-être chez les [198] Autochtones émerge rapide-ment dès le premier cycle en termes de finalité du projet scolaire. Il prend aussi forme aux cycles supérieurs lorsque vient le temps de choisir un sujet de mémoire ou de thèse, ce que nous analyserons plus finement au chapitre suivant.

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[199]

Deuxième partie : Résultats et interprétations

Chapitre 7

DES PROJETS D’ÉTUDESAUX PROJETS DE VIE :

L’INFLUENCE DE L’IDENTITÉET DES CULTURES AUTOCHTONES

SUR LE PARCOURS

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Comme nous l’avons illustré au chapitre précédent, les parcours scolaires des étudiants autochtones rencontrés sont nettement influen-cés par leurs cultures. Le chapitre V nous a également appris que les étudiants universitaires des Premières Nations entretiennent un rap-port à ces cultures qui prend forme dans différentes dimensions de leur identité. Nous verrons donc plus précisément dans ce chapitre que cette influence donne lieu à des projets d’études qui prennent la forme de projets de vie 157 en milieu autochtone, c’est-à-dire de projets col-lectifs visant le mieux-être des Autochtones. Nous nous intéresserons

157 Rappelons la définition mentionnée à la section 4.2.2. : « Life projects are embedded in local histories ; they encompass visions of the world and the future that are distinct from those embodied by projects promoted by state and markets. Life projects diverge from development in their attention to the uniqueness of people’s experiences of place and self and their rejection of visions that claim to be universal. Thus, life projects are premissed on densely and uniquely woven “threads” of landscapes, memories, expecta-tions and desires ». (Blaser 2004, p. 26)

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d’abord aux différents motifs liés aux études associés aux cultures au-tochtones, avant d’illustrer comment les projets d’études s’inscrivent dans le modèle des projets de vie. Nous poursuivrons ensuite avec les expériences de travail et d’implication en milieu autochtone pour en-fin exposer une dimension proprement individuelle aux parcours des étudiants, dont les projets d’études peuvent aussi aller par-delà l’au-tochtonie.

7.1. MOTIFS LIÉS AUX ÉTUDES

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Nous avons pu constater que les étudiants autochtones trouvent à l’université l’occasion de s’impliquer en lien avec les cultures autoch-tones et que cet intérêt est régulièrement à l’origine du projet d’études universitaires ou encore qu’il redéfinit en cours de route le projet ini-tial. C’est donc dans une forte majorité (19 cas sur 23) que les partici-pants ont signalé un motif lié à la poursuite de leurs études associé de près aux cultures autochtones : 14 l’avaient dès leur première inscrip-tion et 5 l’ont développé plus tard durant leurs études. Nous avons plus précisément identifié trois types de motif : se former en vue de travailler en milieu autochtone, mieux connaître sa propre culture et les cultures autochtones en général puis une dimension davantage psy-chologique, qui consiste [200] à explorer ou approfondir son identité autochtone. Nous analyserons dans cette section les motifs liés à la poursuite d’études qui sont associés à l’identité autochtone selon les étapes du parcours, en distinguant la période durant laquelle elle a émergé et, le cas échéant, l’événement qui a constitué un moment dé-cisif ou « turning point » (Abbott, 2010) dans le parcours.

Sans prétendre à une représentativité statistique, nous pouvons néanmoins relever la forte prépondérance de cas s’inscrivant dans un parcours universitaire ancré dans l’identité autochtone. Ce type de parcours dépasse la stricte dimension scolaire et professionnelle pour épouser les aspirations identitaires d’individus qui voient leur passage à l’université comme une occasion de mobiliser des connaissances et compétences qui non seulement amélioreront leurs propres conditions de vie, mais aussi celles des membres de leurs communautés ou des

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Autochtones en général. À cet égard, nous avons déjà analysé au cha-pitre V la diversité des pratiques et représentations culturelles des par-ticipants, qu’il s’agisse des activités de chasse et pêche, de l’apprentis-sage d’une langue, de cérémonies spirituelles, de revendications terri-toriales ou encore de l’intégration des savoirs autochtones au curricu-lum québécois.

7.1.1. Dès l’inscription

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La plupart des participants (14 sur 23) avaient dès l’inscription un motif lié à la poursuite des études universitaires associé aux cultures autochtones, même si celui-ci a pu se concrétiser différemment de ce qui était envisagé. Il s’agit alors de profils où le projet d’études a été d’emblée réfléchi en étant ancré dans l’identité autochtone de l’étu-diant, l’institution universitaire devenant un tremplin pour favoriser le développement du mieux-être chez les Autochtones. Par exemple, deux participantes s’étaient initialement inscrites en vue de travailler dans des communautés autochtones, mais la poursuite de leurs études les a finalement dirigées vers des occupations différentes qui restent dans l’esprit du projet initialement envisagé et leur permettent d’entre-tenir des contacts avec ces communautés.

D’autres ont cependant suivi un plan bien précis visant à retourner travailler dans les communautés qu’ils avaient temporairement quit-tées pour étudier, telle Marie : « Pour [201] moi, c’était très intéres-sant, c’était motivant puis en même temps, ça venait aussi répondre à mes objectifs : un jour, j’étais pour retourner dans la communauté. Fait que je me disais : “Si je peux trouver le plus possible, c’est-à-dire me former et ensuite redonner à ma communauté ce que j’ai eu” ». Cette volonté de poursuivre ses études en vue de partager de nouvelles connaissances et compétences acquises à l’université ne doit surtout pas être associée à une forme d’« assimilation » qu’impose-raient ensuite les diplômés à leur milieu d’origine. Par exemple, Marie désirait au contraire « chercher les connaissances d’ailleurs et […] les amener chez [elle] et les adapter à [sa] culture ». Dans la même veine, Benjamin parle des « outils » que lui offrent ses études en vue de contribuer à l’avenir de sa propre communauté, ce qui lui fait dire

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qu’il n’étudie pas seulement pour obtenir un emploi, mais aussi pour poursuivre différemment son implication chez lui. Pour sa part, Emily poursuit un objectif similaire et témoigne de sa volonté de dépasser le transfert des connaissances de l’université vers la communauté.

We’re asking our community to compromise and be patient with us while we go to school. “Go get the education in and come back !” And implement what we learned to our society and how it’s going to benefit the community and not coming brainwashed : “This is how it’s going to be, this is what university said to me...” You know, without taking into consideration the change in the society.

Sans nécessairement développer un projet professionnel précis au moment de l’inscription, d’autres étudient avant tout par intérêt pour les cultures autochtones et choisissent des programmes qui leur per-mettront de satisfaire cet intérêt. C’est souvent vers le domaine des sciences humaines et sociales qu’ils se dirigent, mais on en trouve aussi plusieurs en arts, lettres et communication. Ce motif d’ordre culturel peut s’orienter vers un projet professionnel en milieu autoch-tone, mais peut aussi plutôt s’inscrire dans un projet personnel, comme chez Manon : « Je savais que je trouverais pas d’emploi, mais c’était juste “pour le fun”, parce que j’aime ça ».

À l’inverse, d’autres étudiants cherchent dès le début à combiner leur motif d’ordre culturel à un projet professionnel qui, bien que par-fois flou, illustre un rapport aux études qui, tout en étant davantage expressif (Doré, Hamel et Méthot, 2008) 158, fait part d’une [202] anti-cipation d’un avenir professionnel au cœur des enjeux autochtones. C’est ainsi qu’Alice a décidé de suivre son intérêt pour ces enjeux en orientant dès le départ son projet universitaire vers une contribution à une meilleure diffusion des savoirs autochtones dans la société en se portant activement à la défense des Autochtones. Il est aussi intéres-sant de constater dans son discours que les connaissances formelles acquises durant sa formation s’additionnent à celles apprises à l’exté-rieur ainsi qu’à ses propres expériences de vie : « Je voulais aller chercher l’argumentaire que ça me prenait. Il y a plein d’affaires que je savais, que j’avais moi-même vécues, mais de l’expliquer à quel-qu’un puis de l’écrire, c’était une [autre] chose ». Elle souhaite préci-

158 Comme nous l’avons vu au chapitre précédent (section 6.2.).

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sément profiter de l’occasion pour promouvoir une éthique de la re-cherche plus respectueuse des Autochtones et « leur redonner la pa-role », signe que l’esprit critique des étudiants se maintient au sein d’une institution universitaire issue de la culture majoritaire 159.

Ce faisant, les étudiants autochtones peuvent eux-mêmes participer à une certaine « décolonisation » de l’université (Battiste, 2013) en y faisant entendre leurs propres voix – et celles d’autres Autochtones – dans leurs travaux et recherches, plus particulièrement en adoptant une méthodologie qui tienne compte des perspectives autochtones. À cet égard, Annabelle indique avoir eu recours à des instruments stan-dardisés de collecte de données qu’elle a néanmoins modifiés pour tenir compte des particularités de la population étudiée : certaines ré-ponses ont donc été codées différemment de ce que prévoyait le guide « officiel ». On relève cependant une grande déception chez Isabelle par rapport à l’intégration de perspectives autochtones dans le contenu de certains cours portant sur des thématiques autochtones en sciences humaines et sociales : « J’aurais aimé ça, moi, que ça soient des Au-tochtones qui me parlent de ça. […] Engagez un Autochtone pour nous donner le cours, qu’on puisse avoir le point de vue des Autoch-tones ! […] Mais là, c’était encore la même routine : c’étaient des Blancs qui nous expliquaient des affaires. […] C’est ça qui m’a fait décrocher aussi beaucoup ». Malgré tout, elle considère que ses études postsecondaires furent une longue quête en lien avec son iden-tité autochtone et elle a eu l’occasion d’étudier dans différents do-maines en ayant toujours en tête de « mieux [s]e [203] comprendre » elle-même. Ce motif, où se combinent questionnement identitaire et volonté de mieux connaître les cultures autochtones, explique donc son intégration à l’université, bien qu’elle ait défini ses projets d’études au second cycle davantage en fonction des perspectives pro-fessionnelles anticipées 160.

159 Notons que le fait d’avoir développé un regard critique sur « la science avec un grand S [qui] vient souvent illuminer puis éblouir tout le reste » (Alice) et le fait de lui reprocher de ne pas suffisam-ment tenir compte des points de vue autochtones n’a pas pour au-tant empêché Alice de poursuivre sa formation au doctorat.

160 Ce rapport aux études plus utilitaire ne l’a aucunement empêchée de régulièrement choisir des cas autochtones dans ses travaux, illustrant au passage la capacité des étudiants autochtones à conci-

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7.1.2. Pendant les études

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Quelques étudiants se sont d’abord inscrits par intérêt pour un pro-gramme sans lien apparent avec les cultures autochtones 161, mais un événement marquant, parfois associé de près aux études, a contribué à redéfinir le sens conféré, en lien avec les trois types de motifs men-tionnés (travail, culture et identité). Ainsi, même si l’institution uni-versitaire repose avant tout sur une vision eurocentrique en termes de contenu et d’organisation 162, elle n’éteint pas pour autant la possibilité de voir émerger chez les étudiants un sens à leurs parcours qui s’ancre dans les cultures autochtones.

À cet égard, le cas d’Hélène est particulièrement révélateur, dans la mesure où c’est précisément un cours à thématique autochtone (en arts, lettres et communication) qui a constitué un moment décisif dans son parcours : « Ça m’a vraiment donné un coup puis ça m’a fait pen-ser que, finalement, ma culture, c’était encore plus important ». Or, elle s’était initialement inscrite pour suivre « [s]a passion » dans un programme et a donc ensuite saisi l’occasion d’intégrer les cultures autochtones à cette passion initiale pour son programme. Signe que l’influence de ce moment décisif ne se dément pas, après avoir com-plété son baccalauréat au moment de l’entrevue, elle s’apprêtait à dé-buter sa maîtrise dans le même domaine, en ayant déjà en tête un pro-jet de mémoire bien ancré dans sa propre culture. Elle évoque

lier leurs aspirations culturelles aux contraintes exercées par le marché du travail.

161 Ils ont tous en commun d’avoir poursuivi leurs études secondaires sans interruption puis d’être ensuite entrés au cégep où, à l’excep-tion d’un cas de courte interruption, ils ont ensuite continué direc-tement à l’université.

162 Certains établissements déploient tout de même de grands efforts pour accroître le recrutement d’étudiants autochtones, par exemple en créant des programmes qui répondent directement à des besoins exprimés et en développant des activités de soutien à l’apprentis-sage davantage ciblées, comme nous l’avons appris à la section 1.2.4.

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d’ailleurs le souhait de pouvoir ensuite travailler dans sa communauté, tout en étant consciente des débouchés assez minces dans son do-maine, ajoutant qu’elle essaierait quand [204] même « de tout faire pour travailler pour [s]a culture ». Elle ajoute cependant qu’elle ai-merait que le système d’éducation québécois tienne mieux compte des cultures autochtones et surtout de leur contemporanéité, un souhait au demeurant maintes fois évoqué par d’autres participants.

Dans le cas de Jérôme, sa scolarité a d’abord débuté dans le do-maine des arts, lettres et communication, sans projet d’avenir précis. Ayant à maintes reprises songé à quitter l’université et y étant en par-tie resté de peur de perdre l’aide financière versée par sa communau-té 163, c’est dans un emploi d’été qu’il a eu l’occasion de s’intéresser davantage à sa propre culture et aux cultures autochtones en général. Même si cet emploi n’était pas relié à ses études, il l’a ensuite amené à produire des travaux de recherche concernant les Autochtones. Il a donc trouvé la motivation nécessaire à compléter avec succès son bac-calauréat, de même que poursuivre aux cycles supérieurs, et il s’agit d’un moment décisif qui a pris forme durant les études, mais dans un contexte extrascolaire. Jérôme a ainsi eu l’occasion d’en apprendre davantage sur les cultures autochtones et donner un nouveau sens à ses études. On relève de plus la volonté de « redonner à la communau-té » qui a motivé son parcours puisqu’il a ensuite pu partager ses connaissances en offrant bénévolement des formations dans son do-maine auprès de membres de sa propre communauté. Il a donc senti le besoin de contribuer au mieux-être de sa communauté d’origine à sa façon, une fois ses études terminées, et ce, même s’il a surtout grandi à l’extérieur de celle-ci et n’envisage pas y résider à l’avenir 164.

Pour sa part, Martine a connu un parcours donnant lieu à un ren-versement complet par rapport au sens accordé initialement aux 163 Notons cependant que la motivation à poursuivre des études n’ap-

paraît pas être une caractéristique associée au fait de recevoir du financement de cette communauté, comme nous l’avons indiqué à la section 6.5.3.

164 À la lumière des 23 cas étudiés, on ne peut par ailleurs établir de lien direct entre le profil résidentiel et les motifs des participants, ce qui tend à illustrer la diversité des formes d’identité autochtone qui se reflètent dans les projets d’études tant avant que pendant les études.

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études et il s’agit de loin du cas de motif le moins prévisible rencon-tré. Quittant sa région d’origine dès le cégep, elle partait avec la ferme intention de ne jamais revenir s’y établir, d’autant plus qu’elle tendait à l’adolescence à se dissocier de son identité autochtone en raison des préjugés dont elle était [205] témoin et parfois même victime à l’école. C’est donc graduellement au cours de ses études collégiales et de premier cycle universitaire qu’elle en est arrivée à s’identifier for-tement comme Autochtone et à développer des intérêts de recherche y étant associés, ce qui l’a conduite à un projet de « thèse [qui] est au cœur d’un processus qui [lui] permet de […] faire des choses en lien avec le milieu autochtone ». Ses études collégiales lui ont d’ailleurs permis de prendre davantage conscience de son identité culturelle au-tochtone en côtoyant des membres d’autres minorités ethnocultu-relles : « J’étais bien contente quand je suis arrivée [au cégep] d’être pas toute seule d’autre, comme “autre origine” ». Cette prise de conscience identitaire a progressivement amené Martine à redécouvrir sa propre identité autochtone et à développer ultérieurement ses inté-rêts de recherche en milieu autochtone. C’est plus précisément à la dernière année de son baccalauréat qu’elle a « approché juste des di-recteurs qui avaient des intérêts en milieu autochtone ».

Que ce soit à l’université ou à l’extérieur, la volonté d’inscrire ses études universitaires en lien avec les cultures autochtones peut donc émerger en cours de route en fonction d’événements marquants qui constituent des points tournants en termes de rapport à l’identité au-tochtone. Nous avons pu en identifier trois types : une expérience de travail en milieu autochtone (cas de Jérôme), une expérience de cours ou de recherche à thématique autochtone à l’université (cas d’Hélène), une expérience de contact avec l’Autre minoritaire (cas de Martine). Ce dernier cas démontre aussi que les trois types de motifs liés aux études ne sont pas mutuellement exclusifs 165.

165 Quant à l’expérience de travail en milieu autochtone, nous avons vu avec Jérôme qu’elle peut se réaliser comme emploi d’été pour étudiant, mais on relève d’autres cas où elle s’est déroulée avant le retour aux études et a même pu devenir l’élément déclencheur du retour aux études.

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7.2. PROJETS D’ÉTUDESCOMME PROJETS DE VIE

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Nous avons donc vu que les cultures autochtones exercent une in-fluence indéniable sur la motivation à poursuivre des études universi-taires, motivation qui conduit aussi l’étudiant à développer un projet d’études qui dépasse sa seule personne en impliquant la collectivité autochtone au sens large. C’est dans cette optique que le concept de « projet de vie » (Blaser, 2004) nous offre un modèle interprétatif des finalités des études entreprises par des étudiants qui cherchent à contribuer au mieux-être dans leurs communautés tout en [206] adop-tant une approche critique du développement entendu au sens écono-mique. Ce faisant, tout en s’insérant dans une institution qui a d’abord été conçue par et pour la majorité allochtone, les participants restent conscients de leur position minoritaire et surtout de leur appartenance à ce qu’Annabelle qualifie de « grande autochtonie ». Ils étudient donc beaucoup pour poursuivre un objectif qui implique leurs com-munautés, d’autres communautés, les Autochtones en milieu urbain ou encore les Autochtones en général, au-delà des frontières ethniques entre communautés, nations et familles culturelles.

7.2.1. Dans la communauté d’origine

À l’échelle locale, on retrouve souvent le modèle de l’étudiant qui poursuit ses études en vue de travailler dans sa communauté pour y contribuer à des projets collectifs. C’est aussi celui qui vient spontané-ment à l’esprit puisqu’il représente un modèle valorisé au sein des communautés, mais aussi parce qu’il s’inscrit dans une certaine men-talité largement répandue voulant que le territoire « local » autochtone serait limité à la réserve (Comat, 2014). Selon ce premier modèle, l’étudiant poursuit un parcours profondément ancré dans la culture locale de son milieu d’origine et oriente ses projets scolaires en fonc-tion des besoins d’une communauté qu’il connaît personnellement.

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 263

Il s’agit dès lors d’une entreprise collective où l’étudiant s’identifie fortement à la collectivité dont il est membre et souhaite favoriser le mieux-être au sein de son propre groupe d’appartenance, dans une perspective à long terme. Le parcours scolaire devient donc le prolon-gement d’un engagement déjà entrepris dans un groupe dont l’étudiant est partie prenante, si bien qu’on est très loin d’un modèle davantage néocolonial où un intervenant de l’extérieur développerait dans une communauté des projets visant à y améliorer les conditions de vie. Étant donné que le « développement » local s’est souvent limité à ce-lui imposé par de tels intervenants extérieurs 166 (Escobar, 1995), les cas des étudiants rencontrés peuvent s’inscrire dans ce mouvement de prise en charge des communautés (Charest, 1992) vers une plus grande autodétermination.

[207]Les projets de vie ancrés dans la communauté d’origine peuvent

donc devenir une finalité scolaire très tôt chez l’étudiant ou plutôt émerger plus tard, lorsque le sentiment d’appartenance s’attise. Dans le premier cas, Marie a par exemple commencé à nourrir tôt un projet scolaire qui viserait précisément à répondre à des besoins exprimés par les membres de sa communauté en termes d’éducation et de ser-vices sociaux : « On avait pas d’école dans ce temps-là, il y avait pas de bureau d’administration, tous les services qu’on a, on en avait pas. […] Je me disais : “Je vais retourner dans ma communauté pour al-ler remettre ce qu’on m’a donné” ». Marie a aussi formulé la nécessi-té de tenir compte de la culture locale pour intégrer dans sa commu-nauté ce qu’elle aurait appris durant ses études collégiales et universi-taires, c’est-à-dire en fréquentant des institutions d’une culture autre que la sienne. On comprend d’ailleurs encore mieux cette nécessité exprimée quand on sait que Marie a fréquenté le pensionnat et qu’elle a juré de défaire ce modèle dans sa communauté afin que s’y épa-nouisse une pédagogie plus respectueuse de sa culture.

166 Nous verrons à la prochaine section que des étudiants autochtones peuvent aussi intervenir au sein de communautés extérieures et qu’il s’agit d’une contribution grandement appréciée dans ces col-lectivités.

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C’est que l’école chez nous, je veux l’avoir à notre image à nous, [nom de sa nation]. Je vais parler du côté discipline. Moi, j’ai vécu dans les pensionnats, comme je vous disais, puis j’ai vécu aussi dans des écoles provinciales puis la discipline qu’on a vécue, c’était quand même sévère. C’était rigide puis tu passais par là puis c’était comme ça. Moi, ici, c’est pas comme ça que je veux avoir l’école qu’il y a ici. Je veux carrément défaire ce que j’ai appris au pensionnat. (Marie)

Chez Stéphanie, les études n’ont pas été initialement envisagées dans le modèle des projets de vie, mais plutôt en suivant un intérêt personnel et professionnel. Après deux courts passages en sciences humaines et sociales puis en sciences de l’éducation, elle a interrompu ses études pour ne les reprendre que quelques années plus tard, alors qu’elle travaillait déjà dans sa communauté. Son cas est donc intéres-sant puisqu’il s’agit d’un projet de vie qui émerge après avoir essayé deux différents programmes d’études universitaires, en plus d’un autre au secondaire professionnel, qui ne s’inscrivaient pas dans ce modèle. Il aura fallu un changement occasionné par un nouvel emploi dans sa communauté pour que son sentiment d’appartenance se renforce 167 et l’amène à vouloir [208] poursuivre d’autres études qui, cette fois, vi-saient expressément à contribuer à un projet collectif dans la commu-nauté, en l’occurrence le développement de services scolaires répon-dant aux besoins des membres. C’est parmi une cohorte d’étudiants de sa communauté qu’elle a d’ailleurs fait son retour à l’université, dans le domaine des sciences de la gestion. Prévoyant initialement complé-ter le certificat et cesser ses études, elle a finalement poursuivi jusqu’à l’obtention du baccalauréat 168 et sa motivation se trouvait aussi dans la volonté de servir de modèle pour encourager la persévérance et la réussite éducatives auprès des élèves de sa communauté.

167 Contrairement à Marie, Stéphanie n’a pas grandi dans sa commu-nauté et s’en est même sentie plutôt extérieure dans sa jeunesse. Après y avoir décroché un emploi, elle a toutefois revu son rapport à sa culture autochtone et son identité est devenue davantage an-crée localement, ayant progressivement perdu ce sentiment d’exté-riorité développé dans sa jeunesse.

168 Ce qui fut rendu possible avec le cumul de sa scolarité passée et un dernier certificat qu’elle a entrepris immédiatement après avoir complété son premier.

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J’ai quand même poursuivi mes études. Ensuite le poste [en adminis-tration scolaire] s’est ouvert, alors, pour moi, c’était important, en tant que [titre de son emploi], d’avoir le papier. C’était pas exigé, mes patrons me l’exigeaient pas, mais pour moi, pour une éthique professionnelle, pour donner l’exemple. J’encourageais la persévérance, la réussite scolaire : c’était important que mes bottines suivent mes babines ! Fait que c’est pour ça que j’ai continué.

On remarque aussi que son sentiment d’appartenance à sa culture autochtone est devenu très influent dans son cheminement puisqu’elle souhaitait aussi « prouver » qu’une Autochtone pouvait réussir à obte-nir un baccalauréat : « Il y avait beaucoup de gens qui parlaient à l’époque qu’il y avait pas beaucoup d’Autochtones diplômés à l’uni-versité puis je m’étais dit  : “Bien, je ferai pas... Je leur donnerai pas raison, à ces personnes-là. Je vais leur montrer qu’il y en a qui sont capables de persévérer puis de réussir !” ».

7.2.2. Dans d’autres communautés

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Les projets de vie à l’échelle locale peuvent aussi se déployer dans des communautés autres que celle d’où provient l’étudiant 169. À l’ins-tar des cas illustrés dans la section précédente, le projet scolaire de-vient alors chez l’étudiant une manière de s’insérer dans le développe-ment local d’une communauté en y apportant une contribution grâce à ses connaissances et compétences acquises à l’université, tout en te-nant compte de [209] la spécificité de la culture locale et des besoins des membres de la communauté. Comme il ne s’agit toutefois pas de la communauté dont l’étudiant est lui-même issu, le projet n’est pas

169 Les cas recensés concernent surtout des communautés de la même nation que celle de l’étudiant, mais on comprend à la lumière du rapport à l’identité autochtone (voir chapitre V) que la frontière entre nations autochtones est loin de s’avérer infranchissable chez les participants et qu’il est par conséquent possible que les projets de vie concernent des communautés d’autres nations que celles dont chacun est issu.

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nécessairement planifié en fonction d’une connaissance des particula-rités locales. Il s’agit plutôt d’un ancrage local qui se concrétisera ul-térieurement en fonction des opportunités, voire des aléas de la vie, mais qui part du désir exprimé par les étudiants de contribuer au déve-loppement du mieux-être au sein des communautés autochtones en général, ou plus précisément en fonction d’une aire géographique ou culturelle.

On observe par exemple chez Diana et Martine deux projets sco-laires fortement ancrés dans la volonté d’acquérir des connaissances et compétences qui pourront s’arrimer aux cultures locales de commu-nautés autochtones sans que le choix d’une communauté en particulier ne devienne un critère. Toutes deux ont aussi en commun d’avoir quit-té tôt leurs régions d’origine pour entreprendre des études à l’exté-rieur. Ainsi, Diana a entrepris et complété des études universitaires dans trois différents domaines et a entre autres travaillé dans sa propre communauté, en plus de plusieurs autres de sa nation, dans le domaine de l’éducation. Elle a surtout poursuivi ses études en raison de son intérêt à enseigner sa langue et sa culture 170 et, après avoir complété son certificat en cours au moment de l’entrevue, elle souhaitait conti-nuer à enseigner dans les communautés de sa nation.

À la différence du type précédent de projet de vie, les étudiants développent ici un parcours davantage individualisé, offrant une pos-sibilité de mobilité accrue qui se combine bien à leur besoin de « voir du pays ». Non pas que les étudiants qui épousent davantage le mo-dèle précédent n’aient jamais ressenti ce besoin, mais force est de constater que leur attachement à la communauté d’origine définit aus-si grandement les projets ultérieurs associés à leurs études. Dans le cas de Diana, on constate que la mobilité fait même partie inhérente de son mode de vie, ce qui ne l’empêche toutefois pas de connaître ses racines : « I guess I got used to it, to be all over the place... I don’t even know what home sick is ! I’m never home sick. I accept where I am, this is my home, but I’ve always considered my home in [sa com-munauté d’origine] ». On comprend surtout de son parcours aux mul-170 Diana affirme d’ailleurs que ses fréquents déplacements au sein

de plusieurs communautés l’ont amenée à ne pas développer de mal du pays, si bien qu’on comprend que son attachement à sa culture puisse s’épanouir au sein d’autres communautés que celle qui l’a vu naître et grandir.

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tiples [210] bifurcations qu’elle est avant tout motivée par le désir de contribuer à la transmission de sa langue et de sa culture. Son projet de vie n’est alors pas associé à un seul programme d’études et ce n’est pas tant un projet scolaire pris isolément qui s’inscrit dans le modèle des projets de vie, mais bien l’ensemble de son parcours universitaire (incluant plusieurs baccalauréats et certificats dans des domaines va-riés), qui a toujours suivi son intérêt pour l’enseignement en milieu autochtone.

Chez Martine, le fait d’avoir grandi à l’extérieur de sa commu-nauté d’origine l’a conduite plus tard à vouloir se rapprocher des com-munautés autochtones : « Là, c’est correct, mais ça m’a déjà déçue puis ça m’a manqué un peu de pas bien connaître [la communauté d’origine de son père] puis pas bien connaître [sa propre communauté d’origine]. Tu sais, j’aurais aimé ça au moins connaître bien une communauté puis d’être plus intégrée puis c’est pour ça que là, j’ai envie de vivre un jour dans une communauté pour avoir ce que j’ai pas eu ». Ce n’est donc pas tant la volonté de retourner à ses racines dans sa propre communauté qui l’a conduite à redéfinir un projet sco-laire initialement axé sur un objectif de carrière sans préoccupation marquée pour les questions autochtones. Les études de Martine s’in-sèrent ainsi dans le modèle des projets de vie sans avoir pour autant été planifiées de la sorte.

Martine a par ailleurs connu un parcours scolaire continu jusqu’à son doctorat et réalisait au moment de l’entrevue une thèse axée sur le mieux-être en milieu autochtone. C’est plus précisément à la fin du baccalauréat qu’elle a commencé à intégrer ses intérêts pour les ques-tions autochtones à ses travaux de recherche et a eu l’idée d’un projet de thèse qui lui permettrait de « contribuer à [s]a nation puis pour [s]e rapprocher » des communautés autochtones. Elle a ainsi connu une métamorphose progressive dans son rapport à l’identité autoch-tone durant son passage à l’université, si bien que son projet de vie pourra s’ancrer localement là où elle aura l’occasion de s’impliquer au lendemain de sa diplomation 171. Enfin, on constate à la lumière de cet exemple que la définition d’un projet de vie au sein des collectivités 171 Dans le cadre de sa thèse, son travail de terrain lui a déjà permis

d’entrer en contact avec quelques communautés de sa propre na-tion et de constater qu’elle pouvait y apporter sa contribution tout en s’imprégnant des cultures locales de ces milieux.

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locales autres que la sienne n’exclut aucunement le désir de [211] s’impliquer au sein de sa propre communauté.

7.2.3. En milieu urbain

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Comme nous avons pu le constater à la section 5.2.5., le rapport au territoire chez les Autochtones ne se réduit pas à celui délimité par leurs communautés et inclut aussi les territoires ancestraux revendi-qués et fréquentés au-delà. À cet égard, rappelons que l’ensemble du territoire québécois est situé sur des terres où se trouvaient, avant la colonisation européenne, des collectivités autochtones qui ont par la suite vu leur accès au territoire se rétrécir comme peau de chagrin, plus particulièrement avec l’arrivée des réserves aux 19e et 20e siècles. Ce n’est toutefois qu’assez récemment que les Autochtones « hors-ré-serve » ont commencé à se montrer plus visibles et chercher à se faire reconnaître une légitimité par rapport à ceux résidant dans les commu-nautés (voir section 5.2.5.4.). Dans cette optique, les projets scolaires peuvent aussi s’inscrire dans des projets de vie impliquant les Autoch-tones en milieu urbain, une ville en particulier offrant l’ancrage local propre au projet. À l’instar de ceux ancrés dans plusieurs communau-tés, ils peuvent être définis par l’étudiant comme une contribution souhaitée auprès du groupe plus général des Autochtones en milieu urbain, dont la spécificité locale sera ultérieurement définie en fonc-tion des besoins exprimés et des opportunités effectives.

C’est ainsi que le parcours de Nicole permet de comprendre le rap-port à l’autochtonie d’une étudiante qui a grandi en ville sans trop de contacts avec sa propre culture autochtone et qui ne l’a redécouverte que plus tard, une fois adulte. Ses expériences de travail au sein d’une organisation autochtone en ville l’ont amenée à définir un projet de retour aux études qui lui permettrait d’intervenir directement auprès d’une population dont elle avait déjà eu l’occasion de connaître les besoins. Ayant complété plusieurs diplômes au secondaire et au collé-gial, elle a progressivement développé le projet d’un baccalauréat dans le domaine des sciences humaines et sociales qui lui permettrait de tirer profit de son expérience de travail et d’acquérir de nouvelles connaissances et compétences qui pourraient ensuite être appliquées

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en contexte autochtone. Encore ici, il n’est pas tant question de fré-quenter l’université pour y apprendre comment intervenir en milieu autochtone, mais bien de combiner les apprentissages effectués en contexte autochtone à [212] ceux issus d’un établissement d’enseigne-ment propre à une autre culture. C’est donc en ville qu’elle a presque toujours vécu et c’est aussi là qu’elle a développé son sentiment d’ap-partenance aux cultures autochtones et redécouvert sa propre identité autochtone 172. En somme, son cas démontre que le projet de vie peut s’ancrer localement en-dehors d’une communauté autochtone, plus particulièrement lorsqu’il s’agit d’étudiants ayant eux-mêmes grandi en ville.

Pour Paul, qui a toujours vécu en ville, le projet d’études ne s’ins-crivait initialement pas dans le modèle des projets de vie et sa scolari-té fut rapidement abandonnée en raison de difficultés personnelles qui l’ont conduit à prendre un peu de recul face à ses études avant d’y re-venir. À l’instar de Nicole, c’est en ville qu’il a redécouvert son iden-tité autochtone et ce n’est qu’une fois devenu adulte qu’il a commencé à davantage en apprendre sur sa propre culture. C’est plus précisément dans un emploi où il était amené à intervenir directement auprès d’Autochtones qu’il a pu rencontrer ceux qu’il nomme ses « men-tors », qui l’ont amené à redécouvrir sa propre culture et à entre-prendre un projet scolaire ancré dans les cultures autochtones. Il a alors pu poursuivre ses études universitaires à temps plein tout en maintenant son emploi à temps partiel et ainsi combiner ses expé-riences pratiques aux contenus de ses cours.

Au niveau de l’intervention… Quand on était [à son emploi en milieu autochtone], tu sais, des plans d’intervention, on en faisait, mais c’était pas dans une grille comme on a apprise [à l’université] avec des objectifs généraux, objectifs spécifiques, moyens, etc. On utilisait la roue de la mé-decine puis avec ça, on a réalisé que... Je sais pas si c’était le côté visuel

172 Son rapport aux communautés autochtones elles-mêmes s’est sur-tout trouvé redéfini au contact de son conjoint, mais on comprend de son parcours que c’est en ville qu’elle a défini un projet d’études axé sur les besoins des Autochtones en milieu urbain, ceux-là mêmes qu’elle a côtoyé professionnellement et personnel-lement avant d’entreprendre ses études.

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ou ce que ça dégageait, mais on arrivait plus à nos fins avec ça. Tu sais, avec disons le côté émotionnel, le côté physique...

On comprend dès lors l’influence directe exercée par le milieu pro-fessionnel de Paul sur son parcours scolaire, mais plus généralement sur son parcours personnel. Ce « moment décisif » (Abbott, 2010) a donc eu lieu après une première interruption de son parcours universi-taire, qui l’a conduit à revoir ce qu’il souhaitait accomplir comme [213] projet scolaire et professionnel. Il s’agit ici d’un projet de vie qui, à l’instar de celui de Nicole, s’ancre en milieu urbain à la suite d’une expérience de travail auprès des Autochtones en ville. La parti-cularité de son parcours universitaire reste qu’il fut entrepris avant un moment décisif dans son rapport aux cultures autochtones intervenu alors qu’il n’était plus étudiant et que son retour à l’université s’est effectué tout en maintenant son emploi auprès des Autochtones en milieu urbain. Alors que Nicole était toujours étudiante au moment de l’entrevue, Paul avait pour sa part complété son baccalauréat et avait poursuivi durant quelques années l’emploi qu’il occupait durant ses études. Il a par la suite continué de s’investir auprès des Autochtones dans la même ville, mais via un autre emploi.

7.2.4. Sans ancrage local a priori

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D’autres cas développent des projets scolaires qui s’insèrent dans le modèle des projets de vie, mais sans envisager de lieu précis où ils prendraient forme. Il s’agit alors d’étudiants qui souhaitent par exemple faire rayonner leurs cultures ou poursuivre des recherches aux retombées bénéfiques en milieu autochtone. Bref, ce type de pro-jet de vie ne vise pas tant une communauté autochtone ou une popula-tion ciblée en milieu urbain, mais bien le groupe d’appartenance au-tochtone à l’échelle mondiale. Dans cette optique, plusieurs des parti-cipants ont formulé un projet scolaire dont la finalité n’était pas asso-ciée à une localité, mais plutôt à une population autochtone pouvant se situer dans une aire géographique élargie, voire de manière davantage

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intellectuelle 173. On en retient une volonté de contribuer au mieux-être chez les Autochtones qui prendra forme au-delà d’une collectivité donnée, ce qui n’est pas étranger au contexte contemporain où les liens entre collectivités autochtones franchissent régulièrement les frontières des pays (voir section 5.1.3.1.).

C’est ainsi qu’Hélène en est arrivée progressivement à développer un projet scolaire qui lui permettrait de mieux connaître sa propre culture, et plus généralement les cultures autochtones, dans le cadre de sa maîtrise en arts, lettres et communication – programme qu’elle était sur le point d’entamer au moment de l’entrevue. Alors que son intérêt pour son baccalauréat résultait surtout de ses goûts personnels, c’est le moment décisif causé [214] par son cours à thématique autochtone qui l’a conduite à réorienter ses projets d’études : « Ça m’a fait penser que, finalement, ma culture, c’était encore plus important. On dirait qu’en côtoyant les Québécois, j’ai comme retrouvé ma culture ». Il s’agit d’ailleurs d’un autre exemple de projet de vie imprévu, Hélène ayant d’abord suivi sa passion sans se faire d’illusions quant aux pers-pectives d’emploi.

Je suis consciente que dans mon domaine, ça sera pas évident tout court de trouver un emploi. Surtout [dans sa communauté] parce qu’on est pas beaucoup dans la communauté, il y a pas beaucoup d’emplois offerts. Mais si j’avais la chance de travailler pour promouvoir ma culture, ça se-rait génial. […] Je vais essayer de tout faire pour travailler pour ma culture.

Cette passion lui aura en l’occurrence permis de découvrir de nou-velles facettes de sa culture et de revoir sa propre identité en tant que membre des Premières Nations. Dans l’éventualité où elle-même ne pourrait pas travailler dans le domaine artistique autochtone, elle compte néanmoins tirer profit de ses acquis pour permettre à d’autres Autochtones de mener à bien leurs propres projets artistiques. Ce pro-jet de vie ne s’ancre donc pas dans une collectivité autochtone ou en milieu urbain, mais se destine plus largement à une population autoch-tone non encore définie au moment d’entamer les études de maîtrise. Hélène devient donc partie intégrante d’un vaste mouvement de re-naissance culturelle entamé depuis quelques décennies (Bousquet,

173 Par exemple, dans le domaine littéraire ou scientifique.

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1996) et qui vise à ce que les cultures autochtones soient davantage reconnues et diffusées auprès des Autochtones eux-mêmes, ainsi qu’auprès d’un large public. Étant donné l’histoire d’assimilation as-sociée à la colonisation, qui a notamment donné lieu à l’interdiction de plusieurs manifestations culturelles autochtones (Goulet, 2008), on comprend que le projet scolaire d’Hélène, qui visait d’abord à satis-faire sa propre curiosité intellectuelle, l’a de fil en aiguille inscrite dans un mouvement collectif d’artistes et professionnels autochtones œuvrant à mieux faire connaître leurs cultures et surtout à les perpé-tuer.

Chez Olivia, on retrouve un projet de vie semblable au précédent, associé au rayonnement de sa propre culture, d’abord pour ne pas qu’elle tombe dans l’oubli, ensuite pour qu’elle soit davantage connue au-delà de sa propre nation. Bien qu’elle soit très proche de sa com-munauté d’origine et qu’elle y ait trouvé la plupart de son inspiration en termes d’histoires, de faits marquants, de contes et légendes, ce n’est pas tant un projet scolaire [215] dont la finalité reste ancrée dans sa culture locale. Elle cherche plutôt à contribuer à ce que sa culture se perpétue pour les générations futures et qu’elle puisse aussi se transmettre à l’extérieur. La particularité de son projet de vie tient donc au fait que son inspiration est ancrée dans le contenu de sa propre culture, de ses propres expériences de vie et de celles des membres de sa communauté et de sa nation, mais que ce projet n’a pas été défini dans l’optique d’être implanté particulièrement dans sa communauté ou sa nation. Elle avance d’ailleurs la possibilité que ses écrits soient repris dans des manuels scolaires : « Like for example [elle donne des exemples d’événements historiques importants pour sa propre nation]. That can be in the curriculum, integrated into the cur-riculum or maybe not necessarily at the university level, but I believe you can also be the link to stay integrated into the high school ».

En définitive, le cas d’Olivia nous fait réfléchir sur la portée effec-tive des projets de vie rencontrés chez les participants puisque chaque étudiant concerné s’insère dans un projet collectif qui va au-delà de ce que lui-même projette comme contribution future. Suivant le principe du battement d’ailes du papillon, il devient difficile de circonscrire un ancrage strictement local et les étudiants rencontrés mènent dans les faits des projets individuels qui s’insèrent dans un contexte collectif, ce qui rejoint le concept de projet de vie tel que défini par Blaser

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(2004). Tous ces projets ont en commun de viser l’amélioration du mieux-être auprès des Autochtones à différentes échelles et une ten-dance très nette émerge de notre échantillon : les étudiants veulent concilier, dans la définition de leurs projets d’études universitaires, leurs besoins et intérêts personnels à ceux de l’ensemble des Autoch-tones.

[216]

Tableau 7.1. Caractéristiques des projets d’études devenus projets de vieRetour à la table des matières

Motifs

Se former en vue de travailler en milieu

autochtone

Mieux connaître sa propre culture et les

cultures autochtones en général

Explorer ou approfondir son identité autochtone

Ancrage local

Communautéd’origine

Autrescommunautés

Milieu urbain Sans ancrage local a priori

Moment d’émergence

Avant les études universitaires Pendant les études universitaires

7.3. PROJETS ET RÉALISATIONS EN LIENAVEC LES CULTURES AUTOCHTONES

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Au-delà des études elles-mêmes, pratiquement tous les participants (21 cas sur 23) ont eu l’occasion d’occuper un emploi en milieu au-tochtone ou concernant principalement les Autochtones, tant dans les communautés qu’à l’extérieur, et à la fois auprès d’employeurs au-tochtones et allochtones. On relève également que la plupart (16 cas sur 23) ont mentionné une forme d’implication bénévole – le plus sou-

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vent hors-communauté – au sein d’organisations autochtones ou qui interviennent principalement auprès d’Autochtones, 15 d’entre eux combinant à la fois emploi et bénévolat 174 qui contribuent au mieux-être chez les Autochtones.

En termes d’expériences de travail, les cas foisonnent, et ce, tant dans les communautés qu’en ville et tant dans les organisations au-tochtones qu’allochtones. Valérie est par exemple intervenue dans le domaine de l’enseignement supérieur très tôt durant son parcours sco-laire et a poursuivi cet emploi après sa diplomation. Alice a pour sa part travaillé au sein d’organisations autochtones qui lui ont permis de se familiariser avec les réalités vécues par plusieurs communautés au Québec, tout comme Annabelle auprès de communautés autochtones à l’étranger. Notons aussi que Benjamin a occupé différents [217] em-plois dans sa communauté qui l’ont amené à voyager au-delà et que Julia a connu plusieurs années d’expérience de travail dans sa propre communauté avant de partir étudier au loin.

Or, l’implication peut aussi se déployer au-delà de la sphère pro-fessionnelle et les illustrations au sein même de notre corpus ne manquent pas à cet égard. On pense par exemple à Christine, qui par-ticipait au moment de l’entrevue à un groupe se réunissant au sein de sa communauté pour transmettre la culture locale, ou à Mathieu, qui s’est impliqué dans un regroupement autochtone en ville alors qu’il avait déménagé loin de sa communauté d’origine. Quant à Daniel, il s’implique au sein d’un regroupement d’étudiants autochtones de son université, à l’instar d’Isabelle, qui a connu une telle expérience lors de son passage au premier cycle. Notons également que Nicole s’im-plique de manière plus artistique au sein d’un groupe qui réunit

174 Il est intéressant de noter que 5 participants ont travaillé à l’uni-versité et que 4 s’y sont impliqués bénévolement, soit en partici-pant à des projets de recherche concernant les Autochtones, soit en intervenant dans un regroupement ou service visant plus spécifi-quement les Autochtones. Durant leurs études, 7 participants ont également mentionné avoir choisi des thématiques autochtones dans leurs recherches ou pour un stage, si bien que les expériences en milieu autochtone peuvent aussi se concrétiser au sein même de l’université, que ce soit dans le cadre de la formation ou via des emplois sur le campus.

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d’autres Autochtones et qu’Alice a eu l’occasion de participer à des événements à l’étranger, en lien avec ses engagements passés.

En définitive, les expériences d’implication des participants font part des multiples facettes des possibilités de contribuer au mieux-être en milieu autochtone, et ce, au-delà des études elles-mêmes. En somme, si le projet d’études lui-même peut s’inscrire dans une conti-nuité en termes d’implication, il peut au contraire précéder une impli-cation qui prendra forme pendant ou après la scolarité.

7.4. DES PROJETS AUSSI INDIVIDUELS

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Nous avons jusqu’ici souligné que les cultures autochtones in-fluencent nettement le sens accordé à la poursuite des études chez la plupart des participants rencontrés. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que certains ont d’autres motifs liés à la poursuite des études et tendent à vivre leurs cultures autrement que dans un cadre scolaire. Cela ne signifie pas pour autant que ces 4 cas rencontrés auraient « délaissé » leurs cultures en entrant à l’université, mais plutôt qu’ils les vivent dans d’autres sphères d’activités ou en privé. On remarque même qu’ils demeurent au contraire très attachés à leurs cultures.

[218]Par exemple, des expériences en milieu autochtone ont contribué à

orienter le choix d’études de Dominique, qui a eu amplement l’occa-sion de s’impliquer et travailler dans sa propre communauté, et ce, même si son projet universitaire lui-même n’était aucunement associé aux cultures autochtones. C’est aussi le cas pour Daniel, qui étudie avant tout pour obtenir un emploi plus intéressant, sans avoir de préfé-rence à travailler ou non en milieu autochtone. Quant à Mathieu, à la suite d’un stage en milieu autochtone effectué au 1er cycle, il s’est dé-couvert un intérêt jusqu’alors insoupçonné pour le travail en milieu autochtone et a même commencé à s’y impliquer bénévolement. De-puis ce jour, il a eu l’occasion de travailler et s’impliquer dans diffé-rents milieux, tant en ville que dans sa propre communauté, de même que dans d’autres communautés. Ce moment décisif a surtout exercé une influence sur son parcours professionnel alors que, du point de

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vue scolaire, il considère n’avoir jamais été très intéressé à orienter ses études vers les questions autochtones. On comprend donc que la poursuite d’études puisse ne pas s’ancrer dans les cultures autoch-tones, tout en se combinant à un parcours professionnel qui le fasse.

Pour sa part, Dominique partage le fait d’avoir travaillé et s’être impliquée au sein de sa propre communauté sans pour autant envisa-ger travailler en milieu autochtone après ses études. Il s’agit cepen-dant d’une possibilité qu’elle n’écarte pas et affirme se sentir « com-plète là-dessus, au niveau de [s]a culture », ne ressentant pas le besoin de l’intégrer dans ses choix de cours ni dans ses projets profession-nels. Même si elle a eu l’occasion de rencontrer quelques étudiants autochtones à l’université, elle ajoute n’avoir jamais souhaité se joindre à un regroupement ou une association étudiante autochtone sur le campus au baccalauréat. Quant à ses études de 2e cycle, elle les poursuit d’abord pour se perfectionner et avoir de meilleures chances de décrocher un emploi qui l’intéressera. Or, même si son motif lié aux études n’est pas associé aux cultures autochtones, elle a tout de même profité de l’occasion pour effectuer certaines recherches direc-tement ancrées dans les besoins qu’elle constatait dans sa propre com-munauté et y a trouvé une grande satisfaction, si bien que l’intérêt pour sa culture influence en partie son choix de sujets de travaux uni-versitaires.

Dans l’ensemble, tous les 4 cas font preuve d’un fort ancrage iden-titaire autochtone [219] et témoignent d’une kyrielle de pratiques et représentations qu’ils associent directement à leurs cultures. Ils ont également tous en commun de ne pas considérer que leur lieu de rési-dence puisse les conduire à « oublier » leurs cultures 175. Certains en-tretiennent aussi un rapport aux cultures autochtones qui se vit davan-tage dans la sphère privée, notamment par le biais de la spiritualité. 175 À cet égard, tous les participants font part de leurs manières d’in-

tégrer leurs cultures à la vie urbaine, que ce soit lors de leur pas-sage à l’université ou à d’autres périodes de leurs vies. Certains indiquent adopter des pratiques différentes dans la communauté et à l’extérieur, par exemple en vivant en ville leur culture essentielle-ment au sein de leur famille nucléaire (quand elle les suit), en at-tendant les occasions de retourner dans leurs communautés à quelques reprises durant l’année scolaire, en s’impliquant auprès d’organisations autochtones en ville ou sur le campus même, etc.

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On constate ainsi que les manières d’intégrer les cultures autochtones aux parcours universitaires sont donc loin de connaître un modèle uni-forme et les quelques participants qui ne cherchent pas à le faire les intègrent en revanche dans d’autres types d’activités. Ils nous per-mettent par conséquent de noter qu’en dépit d’une forte tendance à ancrer leurs projets d’études dans le modèle des projets de vie, tous les étudiants universitaires des Premières Nations n’adoptent pas pour autant ce modèle.

7.5. LE POINT DE VUE INSTITUTIONNEL

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Les entrevues réalisées auprès des 11 participants complémentaires nous ont permis de mieux constater le point de vue institutionnel rela-tif aux parcours des étudiants universitaires des Premières Nations. En tant qu’intervenants du milieu de l’enseignement supérieur chez les Autochtones, leurs témoignages nous ont apporté un éclairage supplé-mentaire qui nous a permis d’approfondir notre réflexion quant au modèle explicatif des projets de vie propres aux étudiants. Sans pour autant procéder à une analyse thématique comme nous l’avons fait avec les participants principaux, nous nous servirons néanmoins dans cette section des propos recueillis plus particulièrement auprès de trois d’entre eux 176, tous issus des Premières Nations. Ainsi, Robert 177 tra-vaille directement dans le milieu universitaire, en lien avec le déve-loppement de services destinés aux étudiants autochtones, et Émile a quant à lui connu une carrière universitaire qui l’a amené à côtoyer les étudiants autochtones. Pour sa part, Thomas a eu l’occasion de colla-borer avec le milieu universitaire, notamment en association avec le

176 Nous avons aussi inclus à la section 8.2.1. de la discussion une partie des propos de Louise, une professionnelle du milieu de l’en-seignement universitaire oeuvrant auprès des étudiants autoch-tones.

177 Afin de préserver la confidentialité des données, nous ne décri-rons pas les employeurs actuels et passés des participants complé-mentaires et aurons recours à des pseudonymes.

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développement de programmes de [220] formation destinés aux Au-tochtones, et travaille dans le milieu de l’éducation autochtone.

D’emblée, Émile établit un parallèle intéressant entre le contrôle de l’éducation par les Autochtones et le système euroquébécois d’avant la Commission Parent, où l’ancrage culturel proprement québécois était délaissé au profit de la culture française, alors que « du côté au-tochtone, on n’a pas encore vu cette révolution-là jusqu’à un certain point ». Dans cette optique, le contrôle de l’éducation passe aussi par le contrôle d’institutions qui permettront aux Autochtones de dévelop-per des programmes conformes à leurs aspirations, à l’instar de ce qui se fait dans la société majoritaire au sein du MÉES.

Une chose qu’on oublie, c’est que le système québécois bénéficie d’un ministère de l’Éducation. Il y a du monde là, il y a des chercheurs, il y a des universités... Il y a des sciences de l’éducation, comme tu sais. Alors, du côté autochtone, pourquoi est-ce qu’on n’aurait pas le droit d’avoir un centre de recherche en psychopédagogie ou des choses comme ça ? Comme n’importe quelle autre institution ! (Émile)

À cet égard, Thomas parle du besoin de développer des organisa-tions autochtones davantage associées à l’administration, ce à quoi pourront notamment contribuer les diplômés universitaires des Pre-mières Nations, dans un contexte où ce sont surtout les organisations politiques qui prédominent.

Les organisations qu’on a sont très politiques, mais au niveau adminis-tratif [...] Il y a place à amélioration et donc, c’est sûr que dans ce qui s’en vient, dans la relève, les gens qui vont aller à l’université, qui vont aller en administration ou des domaines parallèles importants, vont pouvoir jouer un rôle important dans des gouvernements des Premières Nations, dans les structures des gouvernements des Premières Nations. (Thomas)

Du point de vue économique, Thomas souligne que la formation d’une main-d’œuvre hautement qualifiée pourra aussi assurer une plus grande autonomie des Premières Nations, tant d’un point de vue indi-viduel que collectif. Nous avons d’ailleurs pu constater dans ce cha-

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pitre que les étudiants rencontrés embrassent une vision du développe-ment qui va au-delà de sa dimension économique 178.

Je pense que ça prend des gens formés à l’administration, dans le monde contemporain, tout en étant sensibles à leurs cultures. Donc, c’est toujours [221] double, chez les Premières Nations. […] Les sociétés domi-nées ou dans des contextes dominants doivent faire avec deux cultures : leur culture et la culture dominante. Donc, ils doivent être capables de faire avec les deux. […] Ils doivent être bons dans la gestion contempo-raine, savoir comment ça fonctionne. Et il y a un besoin d’améliorer […] On a besoin de gens formés puis ça presse. (Thomas)

Dans cette veine, Émile donne plusieurs exemples de formations universitaires qui peuvent s’avérer de précieux outils dans les mains des Autochtones, leur permettant d’accéder à une plus grande autono-mie : « Je regarde juste au niveau des négociations. Tu sais, si tu as des universitaires, si on commence à avoir des actuaires, des écono-mistes... Parce que la négociation, ça prend des géographes puis […] ça prend plusieurs disciplines. C’est fini, ça, l’avocat qui s’en va en avant puis qui négocie tout, là ! ». Il s’agit donc d’envisager le mieux-être dans une perspective à long terme, tant du point de vue collectif qu’individuel. Dans cette veine, les communautés des Premières Na-tions pourraient aussi accroître leur autonomie grâce aux retombées offertes par une plus grande disponibilité de diplômés universitaires, comme l’illustre Robert avec l’exemple de l’impact de la construction d’un barrage hydroélectrique sur la demande de formation profession-nelle à court terme.

Le monde, il veut sortir de la pauvreté, mais à long terme, ça peut être néfaste parce que là, il va y avoir plus de monde qui s’en va au profession-nel puis moins de monde qui s’en va à l’université. Ça fait comme un dés-équilibre. Quand le barrage va être fini de construire, qu’on aura plus be-soin de ces personnes-là, la quantité de DÉP, d’AÉC qu’il y a là, il va y en avoir bien trop pour autosuffire à la communauté puis pendant ce temps-là, si la communauté réussit pas à mettre des personnes, améliorer la gou-vernance, à développer économiquement ou même eux, être à la table de

178 Et qui n’est surtout pas associée uniquement à leur propre autono-mie individuelle puisque l’entourage est impliqué de près dans leurs projets ultérieurs.

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ceux-là qui construisent des barrages, avoir des ingénieurs puis tout ça... (Robert)

Qui plus est, Thomas aimerait que la participation économique, politique et sociale des diplômés universitaires autochtones puisse se réaliser au sein de structures autochtones allant au-delà des « ré-serves » qui, rappelons-le, furent créées pour maintenir les Autoch-tones dans un état de dépendance économique (Simard, 2003). On peut donc insérer la manière dont cet acteur du milieu de l’éducation autochtone envisage la contribution au mieux-être chez les Autoch-tones que procurerait la diplomation de plus de membres des Pre-mières Nations, c’est-à-dire au-delà des limites des communautés et dans le respect de [222] l’environnement, dans le modèle des projets de vie.

Les réserves ont été qualifiées par certains de prisons-forteresses. C’est-à-dire qu’à un moment donné, tu deviens prisonnier de la réserve puis ils t’ont mis là puis tes possibilités de développement étaient limitées. […] Il faut pas que ça puisse s’exprimer uniquement dans la réserve, il faut que ça puisse s’exprimer aussi dans des institutions qui débordent de la réserve, des gouvernements qui débordent de la réserve puis des gens qui se sentent citoyens des Premières Nations, même s’ils restent pas dans la réserve. […] Donc, il va falloir qu’elles [les institutions] aient des gens, des structures capables d’administrer ça sainement : c’est un gros défi aus-si. D’où le besoin de gens formés le plus rapidement possible. […] Et à l’extérieur de ça, il y a des emplois… […] L’humain vit du territoire, il peut plus vivre du territoire juste de la chasse et de la pêche, mais il peut vivre du territoire dans l’exploitation des ressources du territoire sous une forme la plus acceptable possible, la plus harmonieuse possible. (Thomas)

* * *En conclusion, l’arrivée de nouveaux diplômés universitaires des

Premières Nations est à saisir en parallèle avec le développement d’institutions contrôlées par les Premières Nations et vouées à l’amé-lioration de leur mieux-être. Le concept de projet de vie nous a ainsi permis de mieux comprendre les finalités des parcours universitaires des participants, que ces derniers cherchent à les ancrer dans leurs propres communautés, dans d’autres communautés, en milieu urbain ou encore qu’il n’y ait pas d’ancrage a priori. L’implication en milieu

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autochtone peut aussi s’effectuer en-dehors du projet scolaire lui-même, auquel cas elle tend à l’influencer fortement, que ce soit dans un emploi ou dans une activité bénévole. Il ne faudrait donc pas ré-duire le projet de vie au seul projet scolaire, d’autant plus qu’il peut avoir été amorcé bien avant l’arrivée à l’université. Rappelons égale-ment que le projet de vie est de nature collective et ne concerne pas que les seuls étudiants ou diplômés des Premières Nations, mais bien l’ensemble des Autochtones.

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[223]

Deuxième partie : Résultats et interprétations

Chapitre 8

DISCUSSION

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L’objet de notre thèse met de l’avant les métamorphoses opérées au sein de l’institution universitaire depuis l’époque où les Autoch-tones en étaient systématiquement exclus. Il nous conduit par consé-quent à nous interroger sur ce qui a permis l’arrivée des premiers étu-diants autochtones dans les universités québécoises et les change-ments occasionnés par cette arrivée. Après avoir fait ressortir les faits saillants de nos résultats de recherche, nous élargirons d’abord notre réflexion aux enjeux contemporains associés à la diversité ethnocultu-relle en enseignement supérieur. Nous reviendrons ensuite sur l’apport de l’université à l’amélioration de la vie démocratique et sa métamor-phose vers le modèle de la multiversité. Enfin, nous compléterons cette discussion en rappelant le rôle que l’université peut jouer dans l’amélioration du mieux-être chez les Autochtones.

8.1. L’UNIVERSITÉ ET LES AUTOCHTONES :VERS LE MIEUX-ETRE

L’analyse des parcours des étudiants et diplômés des Premières Nations rencontrés nous a permis de relever qu’en dépit de leurs pro-fils particuliers, ils ont en commun un grand attachement à leurs cultures autochtones et que cet attachement influence nettement le sens qu’ils accordent à leurs études et leurs projets futurs.

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8.1.1. Le rapport à l’identité et aux culturesdes Premières Nations

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Nous avons souligné comment se déploient les faces externe et in-terne de l’identité ethnique autochtone chez les participants, mais aus-si comment ils sont régulièrement amenés à remettre en question ces frontières. Ainsi, ce sont d’abord des rapports de pouvoir issus du co-lonialisme qui ont créé cette catégorie dite « autochtone » (Simard, 2003), c’est-à-dire celle propre aux descendants de ceux qui peu-plaient les terres de l’Amérique avant l’arrivée des Européens. Les participants soulignent fréquemment qu’ils font partie de nations mi-norisées par l’État canadien et la société allochtone dans son ensemble puis mentionnent aussi les liens qui les unissent aux Autochtones à l’échelle mondiale. On note donc l’influence de la colonisation et des pressions à l’assimilation aux cultures allochtones dans la définition même de l’identité autochtone. Nous avons cependant pu constater que les participants témoignent de la renaissance des cultures autoch-tones et plusieurs se [224] montrent très impliqués dans ce mouve-ment, ce qui, comme l’explique Battiste (2013), les amène à « soutenir la renaissance autochtone et renforcer l’autonomie de la diplomatie interculturelle » (traduction libre, p. 185).

La colonisation et les pressions à l’assimilation expliquent aussi les situations contemporaines de racisme et de discrimination, qui af-fectent les participants avec encore plus d’intensité à l’extérieur de l’université, notamment lors de la recherche d’emploi et de logement. En éducation, c’est toutefois à l’enseignement primaire et secondaire que les cas les plus flagrants de racisme et de discrimination sont dé-crits par les participants, et ce, concernant autant d’autres élèves que le personnel enseignant. À l’université même, ils sont surtout confron-tés à l’invisibilité de leurs cultures et au manque de connaissances de leurs réalités de la part des étudiants et du personnel, une situation largement documentée au cours des dernières décennies (Beaudoin, 1977 ; Archibald et Bowman, 1995 ; Lam, 1996 ; Winter, 1997 ; Ro-don, 2007 ; Hutchison, Mushquash et Donaldson, 2008 ; Shankar et al., 2013 ; Ferguson et Philipenko, 2016). On retient que les rapports

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de pouvoir entre allochtones et Autochtones façonnent le quotidien des seconds dans leurs interactions avec les premiers et qu’en dépit d’une certaine ouverture de la part de la communauté universitaire, les étudiants des Premières Nations subissent une discrimination systé-mique dans les campus.

Si certains campus déploient des efforts considérables pour amélio-rer cette situation, d’autres en sont nettement moins préoccupés et les étudiants autochtones qui les fréquentent doivent se débrouiller eux-mêmes pour y trouver leur place. Cela peut s’avérer difficile, dans la mesure où les étudiants autochtones sont moins portés à demander ce type d’aide (Shankar et al., 2013), mais certains professeurs et membres du personnel de soutien de ces établissements se montrent très proactifs dans leurs interventions auprès de ces étudiants. Néan-moins, lorsque l’université offre peu de support institutionnel, ces in-terventions reposent entièrement sur la bonne volonté d’employés dé-voués. Dès lors, les étudiants des Premières Nations qui bénéficient de services les ciblant davantage témoignent moins de cette invisibilité de leurs réalités culturelles à l’université et peuvent même y retrouver une forme d’espace sécuritaire, à l’abri du racisme auquel ils sont [225] régulièrement confrontés en ville, comme le démontre aussi Cote-Meek (2014). On note d’ailleurs chez Lefevre-Radelli et Dufour (2016) ainsi que Joncas (2018) les défis associés à l’offre de services culturellement pertinents destinés aux étudiants autochtones et les réti-cences des étudiants autochtones à recourir aux services d’une univer-sité lorsqu’ils ne tiennent pas compte de leurs spécificités culturelles.

Si les participants témoignent de cette face externe qui définit l’ethnicité autochtone à l’aune de celle majoritaire, en l’occurrence euroquébécoise, ils définissent aussi leur identité autochtone en soi, c’est-à-dire dans sa face interne. Ils font d’abord part de la grande di-versité présente dans le groupe autochtone, qui inclut des communau-tés et nations à l’échelle internationale, chacune ayant ses particulari-tés culturelles, sociologiques et linguistiques. On note aussi un fort sentiment d’appartenance à sa communauté d’origine, surtout lorsque les participants y ont grandi, mais la fierté autochtone n’est pas pour autant moins présente chez ceux ayant grandi à l’extérieur, un constat au demeurant déjà évoqué par la Commission royale sur les peuples autochtones (Kermoal et Lévesque, 2010). Presque tous ont d’ailleurs eu l’occasion de visiter d’autres communautés que celles dont ils sont

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issus et ils témoignent alors du sentiment d’appartenance partagé qui dépasse les frontières du milieu d’origine.

Si les traditions et coutumes s’avèrent cruciales dans la définition de l’ethnicité autochtone, les participants avancent du même souffle que toutes les cultures se redéfinissent au contact d’autres cultures – suivant la thèse d’Amselle (2001) à propos des « branchements » entre les cultures – et en fonction du contexte sociohistorique. Ce fai-sant, ils ne voient aucune contradiction entre leur attachement à l’identité autochtone tout en adoptant certaines pratiques culturelles de la société majoritaire, et ce, dans un contexte où les échanges intercul-turels à l’échelle mondiale se sont nettement intensifiés dans les der-nières décennies. On constate aussi qu’ils sont régulièrement confron-tés à la vision essentialiste de l’ethnicité autochtone, avec d’autant plus d’acuité chez ceux possédant moins les traits phénotypiques de cette ethnicité. Tous critiquent cette réduction de l’Autochtone à cer-tains traits et stéréotypes, mais tous doivent du même coup régulière-ment faire face aux discours essentialisants à cet égard. Ces discours proviennent [226] d’ailleurs non seulement des allochtones, mais aus-si d’autres Autochtones qui contribuent à ce que Shwimmer (1992) qualifiait de compétition symbolique. Malgré tout, les pratiques cultu-relles autochtones s’exercent à différents degrés chez les participants et sont souvent influencées par le territoire habité, mais chacun trouve sa façon personnelle de se définir en tant qu’Autochtone.

Le rapport aux cultures autochtones s’avère aussi particulièrement présent dans les discours des participants et nous en avons retenu les dimensions relationnelle, linguistique, artistique, spirituelle et philoso-phique, géographique ainsi que sociopolitique. On relève d’abord la proximité sociale et l’importance accordée aux aînés et à la famille élargie, une instance primordiale à la transmission des cultures au-tochtones. Cette instance s’avère d’autant plus primordiale dans un contexte où la transmission ne peut être complètement assurée à l’école, en raison des exigences relatives au curriculum défini par la culture majoritaire, ce qui s’observe d’ailleurs aussi chez des minori-tés issues de l’immigration (Mchitarjan et Reisenzein, 2014).

À l’échelle individuelle, on remarque aussi l’importance accordée au développement de la fierté autochtone en lien avec le mieux-être. Par exemple, on évoque fréquemment l’importance de la spiritualité et des philosophies autochtones pour aider à surmonter les difficultés,

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mais aussi en termes plus généraux liés au sens accordé à la vie et au rapport entretenu avec la nature. Les participants se réfèrent aussi fré-quemment à une vision holistique, où les catégories prédéfinies cèdent la place à une vue d’ensemble fondée sur l’équilibre obtenu avec la roue de médecine, tout en étant bien au fait du modèle occidental dans lequel ils doivent inévitablement se retrouver.

D’un point de vue artistique, plusieurs mentionnent leur participa-tion à des pow-wows dans les communautés et des festivals en ville, certains faisant aussi partie de groupes musicaux. Quelques-uns ont d’ailleurs pu intégrer une dimension artistique autochtone à leurs tra-vaux universitaires et les références aux langues autochtones s’avèrent particulièrement cruciales dans les discours des participants, tant chez ceux de langue maternelle autochtone qu’allochtone. Ceux qui maî-trisent une langue autochtone attachent [227] ainsi une importance vitale à sa transmission, en premier lieu auprès de leurs propres en-fants, alors que ceux qui ne maîtrisent pas une telle langue suivent souvent des cours pour se réapproprier leurs propres langues et sou-haiteraient que leurs enfants puissent aussi les apprendre. On re-marque aussi certaines particularités selon la maîtrise plus prononcée du français ou de l’anglais dans les rapports avec la société québé-coise et dans l’intégration au milieu urbain, ceux qui maîtrisent moins le français ayant davantage besoin d’aide à ce titre. Les langues sont aussi évoquées en relation avec les territoires traditionnels autoch-tones puisqu’elles permettent de les décrire ainsi que le rapport à la terre chez ceux qui y vivent.

Or, la dimension géographique des cultures autochtones est évo-quée par tous les participants, ce qui se comprend aisément en lien avec la définition même de l’autochtonie. Ainsi, on mentionne régu-lièrement le besoin de ressourcement dans la forêt et dans la commu-nauté, en lien avec le mieux-être, et on comprend que le territoire évo-qué dans leur rapport à la terre dépasse de loin celui des communau-tés. L’attachement au territoire traditionnel de leurs communautés et nations est donc à comprendre à l’intersection des rapports à la terre, à la spiritualité et à la langue. Si la présence autochtone en ville s’est longtemps faite discrète (Kermoal et Lévesque, 2010), les étudiants démontrent chacun à leur façon comment ils emmènent un peu de leurs propres cultures en s’y retrouvant. Dans cette veine, certains fré-quentent le centre d’amitié autochtone, d’autres s’impliquent dans les

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activités culturelles autochtones sur leurs campus, alors que d’autres vivent leurs cultures davantage dans la sphère privée ou familiale. On remarque aussi chez Joncas (2018) que plusieurs étudiants autoch-tones bénéficient des services des centres d’amitié autochtone, deve-nus des lieux centraux pour faciliter leur intégration au milieu urbain tout en ayant accès à des activités culturelles autochtones.

Enfin, la dimension sociopolitique des cultures autochtones se ré-fère nettement aux rapports de pouvoir entre les Premières Nations et l’État depuis les premiers contacts, mais plus particulièrement depuis la Loi sur les Indiens. On évoque régulièrement les revendications ainsi que les mobilisations autochtones et certains participants se sont eux-mêmes impliqués activement en vue d’améliorer les conditions de vie des Autochtones et [228] d’obtenir des changements législatifs en vue de faire reconnaître les droits de leurs communautés et nations. Tout en déplorant les conditions de vie défavorables affectant large-ment les membres des Premières Nations et les contraintes institution-nelles entravant considérablement leur développement socioécono-mique, les participants refusent de sombrer dans le fatalisme en pre-nant activement part à des projets destinés à améliorer la situation, notamment via leurs propres études universitaires. La résilience des Premières Nations est d’ailleurs à maintes reprises soulignée par les participants, pour qui le sentiment d’appartenance à l’autochtonie est si fort qu’il implique un engagement actif dans son avenir.

8.1.2. Les parcours scolaires

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Nous avons pu constater que la majorité des participants (14 sur 23) avaient envisagé poursuivre des études universitaires dès l’adoles-cence ou l’entrée dans l’âge adulte, ce que nous avons qualifié d’uni-versitaires « anticipés ». Chez les 9 autres universitaires que nous avons qualifiés de « réorientés », la volonté de poursuivre de telles études est apparue plus tard dans leurs parcours de vie. En revanche, les universitaires anticipés ont davantage connu un passage immédiat à l’université, c’est-à-dire qu’ils y sont arrivés immédiatement après avoir complété leurs études collégiales, mais certains ont connu une brève période d’interruption scolaire au cégep sans pour autant renon-

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cer à leurs projets universitaires. À l’opposé, les universitaires ré-orientés ont tous connu un passage différé, soit suivant au moins une période d’interruption scolaire, et sont généralement entrés à l’univer-sité sans diplôme d’études collégiales.

Si le rapport aux études de type expressif ressort davantage (20 cas sur 23), les 3 cas de rapport aux études instrumental prédominant ont tous en commun d’être des universitaires réorientés, alors que le rap-port expressif se partage entre universitaires anticipés (14 cas) et ré-orientés (6 cas). On note cependant 6 cas où le type de rapport aux études s’est modifié durant le parcours universitaire, allant générale-ment du rapport expressif au rapport instrumental, et ce, plus particu-lièrement lors d’un changement de programme ou d’un retour aux études effectué en vue de mieux se positionner sur le marché du tra-vail. Qu’il soit expressif ou instrumental, le rapport aux études est aussi généralement [229] altruiste, c’est-à-dire qu’il dépasse le seul horizon individuel de l’étudiant et s’inscrit dans une visée de contribu-tion au mieux-être chez les Autochtones. Si la finalité professionnelle influence inévitablement les parcours scolaires, ce n’est donc pas tant elle qui oriente le choix des programmes d’études, à tout le moins ra-rement lorsque s’ouvrent les portes de l’université.

Au premier cycle, les étudiants ayant connu un passage immédiat font davantage part de motifs et d’intérêts liés à la poursuite de leurs études de nature intellectuelle, dans la continuité de leurs études pré-cédentes, en lien avec les connaissances à acquérir dans un domaine particulier. De leur côté, ceux au passage différé témoignent davan-tage de motifs et intérêts qui tiennent compte de leurs expériences an-térieures sur le marché du travail et comme parents, en lien avec le recul développé par rapport à l’institution scolaire. Peu importent les motifs, les difficultés mentionnées relativement aux études de premier cycle concernent surtout le manque d’intérêt ou la déception causée par certains cours ou le programme choisi, en plus de la difficulté à gérer son temps, et ce, plus particulièrement dans les cas de retour aux études. On remarque cependant que parmi les 10 principaux obstacles aux études soulevés auprès des membres des Premières Nations du Québec par le Service Premières Nations de l’UQAT (2008), les pro-grammes d’études n’étaient mentionnés que par 8% des participants (dernier rang), alors que le manque de motivation et de confiance en soi rejoignait 21% d’entre eux, plaçant ce facteur au 5e rang.

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Ceux éprouvant des difficultés reliées au contenu même des ap-prentissages et au niveau de lecture requis soulignent du même coup avoir pu bénéficier d’un soutien approprié pour les aider dans leur cheminement, souvent au prix d’efforts considérables dans le cas des étudiants dont le retour aux études a suivi une longue période d’inter-ruption scolaire. Ce sont aussi ces derniers qui expriment davantage leur difficulté à concilier études, travail et famille, d’autant plus qu’ils ont pour la plupart des responsabilités parentales. Sauf exception, les étudiants au passage immédiat réussissent bien leur conciliation études-travail puisqu’ils travaillent surtout durant l’été, alors qu’ils ne sont pas inscrits. Deux cas ont toutefois plus particulièrement souligné leurs difficultés financières associées à l’insuffisance des allocations fournies par leurs communautés et 2 autres ont [230] interrompu leurs études parce qu’ils étaient davantage intéressés par l’emploi qu’ils occupaient simultanément. Un seul cas au passage immédiat a connu une conciliation études-famille à la fin de ses études de premier cycle, les autres cas de ce type de passage n’ayant pas eu d’enfant à ce cycle.

Les 11 participants ayant entrepris ou complété des études aux cycles supérieurs, auxquels on peut en ajouter 2 autres qui étaient sur le point de commencer une maîtrise au moment de l’entrevue, ont sur-tout connu un passage par la maîtrise (7 cas), 2 ayant plutôt entrepris un DÉSS et 2 autres ayant poursuivi directement au doctorat. Ils ont en commun de se montrer plus préoccupés par leur avenir profession-nel qu’au premier cycle, souhaitant généralement combiner leurs inté-rêts personnels de recherche à un futur poste convoité qui répondrait à leurs aspirations professionnelles. Ceux inscrits à la maîtrise et au doctorat ont aussi tous en commun de développer des projets scolaires nettement ancrés dans les thématiques autochtones, souhaitant pour-suivre des recherches dont les retombées pourront bénéficier aux Au-tochtones. Un cas a connu un changement de programme, deux des interruptions scolaires et tous ceux qui étaient inscrits au moment de l’entrevue n’envisageaient ni changement, ni interruption d’études dans un avenir rapproché. Contrairement au premier cycle, aucun par-ticipant ne mentionne avoir connu des difficultés scolaires, mais plu-sieurs soulignent l’insécurité initiale associée à l’acquisition du métier de chercheur, devant apprendre à faire preuve d’une grande autonomie pour décortiquer les processus institutionnels et les exigences de leurs programmes d’études.

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On remarque qu’une faible proportion des étudiants aux cycles su-périeurs avaient des enfants durant leurs études, mais que les 3 cas dans cette situation soulignaient profiter de la plus grande flexibilité en termes d’horaires d’études pour relativement bien s’en sortir dans leur conciliation études-travail-famille. On constate néanmoins les importants efforts consentis pour y parvenir, d’autant plus que le tra-vail rémunéré s’effectue régulièrement durant les sessions d’études, contrairement au premier cycle. Le soutien de la famille élargie de-vient alors un facteur facilitant la réussite éducative, mais tous ne peuvent en bénéficier au même titre. Comme au premier cycle, on constate que chez les étudiants ayant des enfants en jeune âge qui ne peuvent compter sur l’appui de leur famille élargie, l’accès [231] à un service de garde s’avère indispensable à la réussite des études. Autre-ment, les difficultés extrascolaires concernent surtout l’insuffisance des allocations versées par les communautés, ce qui n’est pas surpre-nant compte tenu de l’incapacité du programme fédéral de répondre aux besoins accrus dans les communautés occasionnés par la hausse de la fréquentation postsecondaire (Paquette et Fallon, 2010). On note aussi les risques d’épuisement professionnel, souvent associés à la volonté de s’investir pour les autres et à la nécessité de préserver un équilibre avec son propre bien-être.

On retient quelques facteurs et influences qui se sont avérés déter-minants pour expliquer l’arrivée à l’université chez les participants et comment se sont déroulées leurs études. Premièrement, bien que la plupart soient des étudiants de première génération (16 sur 23), tous ont en commun d’avoir des parents qui les ont toujours encouragés à poursuivre leurs études, valorisant ainsi l’institution scolaire pour les opportunités qu’elle offre tout en transmettant une certaine critique de l’héritage colonial qu’ils ont eux-mêmes connu à l’école et qui, mal-gré tout, se maintient dans le système d’éducation contemporain. On note cependant une nette distinction entre les étudiants au passage dif-féré, dont les parents ont peu fréquenté l’université (2 cas sur 12), et ceux au passage immédiat, dont près de la moitié des parents a fré-quenté l’université (5 sur 11). Si bien que le fait d’avoir au moins un parent qui a fréquenté l’université tend à accélérer l’arrivée à l’univer-sité en se conformant ainsi davantage au modèle prescrit en termes de durée des études. Dans l’ensemble, les parents assuraient aussi un sui-vi scolaire auprès de leurs enfants, sans nécessairement les aider dans

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leurs devoirs. Si certains participants ont connu des périodes difficiles où leurs parents étaient moins disponibles ou encore parce qu’ils n’avaient aucun soutien en raison de leur fréquentation du pensionnat, tous évoquent les encouragements reçus de la part de leurs parents pour qu’ils diplôment. Cela dit, les parents n’ont pas pour autant exer-cé une forte pression auprès des participants pour qu’ils entreprennent des études universitaires, ayant plutôt cherché à les soutenir dans leurs choix scolaires et professionnels. Ces profils d’étudiants de première génération aux parents entretenant un rapport positif à l’école corres-pondent d’ailleurs à ceux généralement observés (e.g. Dufour, 2015a). À l’instar des jeunes élèves français étudiés par Lahire (1995), ce n’est donc pas tant la possession du capital culturel par les parents qui explique la probabilité [232] qu’un élève des Premières Nations pour-suive des études universitaires, mais surtout la transmission d’un rap-port à l’école favorable par ses parents, incluant sa famille élargie.

On relève dans les parcours des étudiants l’influence de la parenta-lité et, plus largement, des relations d’interdépendance (Lahire, 1995, p. 283-289) au sein de la famille élargie. Dès lors, le fait d’être parent influence l’âge d’arrivée à l’université, tous les 12 participants l’ayant fait avant 22 ans sans enfant à charge. Au contraire, tous ceux entrés à l’université à partir de l’âge de 30 ans étaient parents et 2 des 4 cas l’ayant fait entre 22 et 25 ans l’étaient aussi. Dès lors, la plupart des cas de passage différé étaient le fait d’étudiants-parents (9 sur 12), alors qu’aucun des 11 cas de passage immédiat ne se trouvait dans cette situation. On remarque aussi chez les 6 étudiants qui sont deve-nus parents après l’arrivée à l’université qu’ils l’ont surtout fait une fois les études de premier cycle terminées (5 sur 6). Qui plus est, plu-sieurs parents vivant dans une communauté souhaitent poursuivre des études universitaires en partie pour permettre à leurs enfants d’avoir accès à une école en milieu urbain, considérant les plus grandes op-portunités qu’elles peuvent offrir en termes de ressources éducatives. Ces cas de « familles étudiantes », où parents et enfants poursuivent leurs études à des ordres d’enseignement différents, occasionnent des formes de soutien scolaire où les parents souhaitent aussi donner l’exemple à leurs enfants en leur fournissant des modèles de persévé-rance et de réussite éducatives et en profitant de l’occasion pour dé-mystifier les études universitaires auprès d’eux.

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Dans un autre ordre d’idées, tous les étudiants ont reçu du finance-ment de la part de leurs communautés pour les soutenir dans la pour-suite de leurs études universitaires et la plupart (20 sur 23) ont bénéfi-cié de ces allocations tout au long de leurs études. On remarque ce-pendant, comme le démontraient déjà Paquette et Fallon (2010), que les fonds versés ne correspondent pas forcément aux besoins des étu-diants, et ce, d’autant plus que les critères d’admissibilité et les grilles de calcul varient considérablement d’une communauté à l’autre. Quelques cas ont par conséquent connu de sérieuses difficultés finan-cières en raison de l’insuffisance des fonds versés, un ayant même dû abandonner temporairement ses études. On observe malgré tout que la plupart des participants se montrent très reconnaissants de l’aide qui leur a été octroyée. Plusieurs justifient même en [233] partie leur désir de redonner à leurs communautés après leurs études en lien avec les allocations qui leur ont été versées, bien qu’il s’agisse surtout d’une raison secondaire. On retient néanmoins qu’en dépit des améliorations à apporter aux règles des programmes de soutien aux étudiants postse-condaires, les allocations versées sont devenues une source de revenus incontournable pour les membres des Premières Nations en enseigne-ment supérieur. Il n’est d’ailleurs pas étonnant de constater que le manque de financement apparaît comme le premier obstacle à la pour-suite d’études universitaires chez les Premières Nations du Québec (Services des Premières Nations de l’UQAT, 2008).

Enfin, la mobilité géographique demeure un incontournable chez une vaste majorité des étudiants rencontrés, 18 sur 23 ayant connu au moins un épisode de mobilité durant leurs parcours universitaires, dont 12 dès leur arrivée à l’université. À cet égard, ce sont bien les étudiants dans les communautés en milieu rural qui connaissent la plus forte mobilité, mais certains ont néanmoins pu y poursuivre quelques programmes offerts hors-campus. La plupart des étudiants dans les communautés en milieu urbain ou résidant en ville se main-tiennent dans leur environnement immédiat pour poursuivre leurs études et les déménagements sont davantage provoqués par le choix d’un programme d’études qui n’est pas offert à proximité. Des contraintes linguistiques peuvent aussi influencer le choix de la ville d’études, plus particulièrement chez les participants qui souhaitent étudier en anglais. Enfin, on remarque 9 cas qui ont effectué un retour aux études en raison de l’influence de leur milieu de travail et nous

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avons distingué 4 principales influences à cet égard, soit le besoin d’avancement professionnel, un rapport malheureux au travail, l’en-couragement de collègues de travail et la poursuite d’un projet de re-cherche considéré comme l’achèvement du parcours professionnel et personnel.

8.1.3. Étudier pour le mieux-êtrechez les Autochtones

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Nos résultats soulignent que la finalité des parcours universitaires des participants est très nettement associée au mieux-être chez les Au-tochtones, que ce soit dans les communautés ou en milieu urbain, et ce, chez les Premières Nations du Québec ou plus largement au sein de l’autochtonie mondiale. Nos résultats s’inscrivent donc dans la continuité de ceux de Loiselle (2010) par rapport au désir des étu-diants autochtones de [234] l’UQAT de s’impliquer dans leurs com-munautés d’origine à la suite de leurs études, mais nous expliquons aussi que cette implication peut se faire auprès des Autochtones au-delà de la communauté d’origine.

Or, toutes les recherches québécoises sur les étudiants postsecon-daires autochtones (e.g. Rodon, 2008 ; Loiselle, 2010 ; Colomb, 2012 ; Joncas, 2013 ; Dufour, 2015a ; Joncas, 2018) ont insisté sur l’influence incontournable de l’identité autochtone dans les parcours postsecondaires. Nos résultats ne font par conséquent pas exception et rappellent la nécessité pour les établissements d’assurer une certaine sécurité culturelle aux Autochtones qui choisissent de franchir leurs portes, comme le soulignaient notamment Pidgeon (2008a) en Colom-bie-Britannique et Dufour (2015a) au Québec. Si cette nécessité, au regard d’un contemporain, pourrait être réduite à une simple lapalis-sade, ce serait forcément sans compter les bouleversements histo-riques qui ont rendu ce questionnement possible, alors que le passage aux études postsecondaires fut longtemps associé au renoncement à l’identité autochtone. C’est dans cette optique que Sioui (2016) parle d’un nécessaire accommodement mutuel entre Autochtones et alloch-tones en vue de permettre aux premiers de trouver leur place au sein

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d’un système scolaire encore largement développé par et pour les se-conds.

La motivation à poursuivre des études est ainsi étroitement asso-ciée aux cultures autochtones chez une forte majorité de participants (19 sur 23), la plupart ayant cette motivation dès l’entrée à l’université (14 cas), souvent en lien avec des projets auprès d’autres Autochtones avec lesquels ils étaient auparavant impliqués. Chez les 5 cas l’ayant développé plus tard durant leurs études, le moment décisif ou turning point (Abbott, 2010) est soit relié aux études elles-mêmes, notamment à la suite d’un cours concernant les cultures autochtones, soit à des activités extrascolaires, par exemple en raison d’un emploi où l’étu-diant est amené à développer davantage son intérêt pour les cultures autochtones. Les participants peuvent aussi prendre part, à différents degrés, à la décolonisation de l’université (Battiste, 2013) en intégrant dans leurs travaux de recherche des perspectives autochtones, et ce, plus particulièrement dans le cadre du mémoire ou de la thèse. Cer-tains se montrent d’ailleurs très critiques de la place occupée par les questions autochtones à [235] l’université et font part de leurs mau-vaises expériences avec des professeurs qui parlaient des réalités au-tochtones sans nécessairement bien les connaître, en lien avec l’isole-ment et la sous-représentation culturelle soulignés par Clark et al. (2014).

C’est donc à l’aune du projet de vie (Blaser, 2004) que se déve-loppent les parcours universitaires des participants, dans la mesure où leurs études s’inscrivent dans une visée plus large que celle du destin individuel, embrassant aussi celui de leurs communautés et nations, ainsi que de l’autochtonie dans sa totalité. S’ils s’insèrent dans une institution ayant longtemps ignoré les cultures autochtones ou, à tout le moins, qui les enseignait dans une perspective eurocentrique, ils parviennent néanmoins à y saisir l’opportunité de leurs études pour prendre part à des projets définis par et pour les Autochtones. Nous avons aussi pu constater que ces projets de vie peuvent prendre racine dans la communauté d’origine de l’étudiant, dans d’autres communau-tés autochtones, en milieu urbain ou encore sans connaître d’ancrage local a priori, en visant le groupe d’appartenance autochtone à l’échelle mondiale. Nous avons donc rencontré en partie des étudiants et diplômés correspondant au profil souvent attendu du retour dans la communauté d’origine pour y travailler. En revanche, nous en avons

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rencontrés d’autres qui témoignent du fait que le sentiment d’apparte-nance à l’autochtonie dépasse les frontières de communautés qui, rap-pelons-le, ne reflètent qu’une partie du rapport au territoire chez les membres des Premières Nations. En plus de leur implication durant leurs études, la plupart des participants se sont impliqués avec ou sans rémunération en milieu autochtone, c’est-à-dire dans une organisation autochtone ou dans un emploi dans une organisation allochtone impli-quant les Autochtones ou s’intéressant aux questions autochtones. Plus précisément, 21 cas ont mentionné au moins une expérience de travail, 16 cas au moins une expérience de bénévolat et 15 cas com-binent l’une et l’autre.

Malgré tout, les 4 participants qui n’inscrivent pas leurs études dans le modèle des projets de vie nous ont permis de constater que certains membres des Premières Nations développent des projets d’études qui visent avant tout à répondre à leurs aspirations person-nelles. Nous avons toutefois souligné que tous s’identifiaient forte-ment comme Autochtones et se montraient très attachés à leurs cultures respectives. Or, dans le monde [236] contemporain de l’homme pluriel (Lahire, 1998), les individus sont influencés par une interrelation de facteurs déterminants, de « ressorts » de leurs actions, et le sentiment d’appartenance à l’autochtonie ne saurait en aucun cas déterminer l’ensemble des sphères d’activités des individus qui s’y identifient. On comprend donc que certains étudiants veulent d’abord combler leur propre soif de connaissances et leurs aspirations profes-sionnelles, surtout dans un contexte où les emplois qui les intéressent ne sont a fortiori pas forcément disponibles en milieu autochtone. Nous avons du même coup illustré, avec le cas de Mathieu, qu’il est possible que les études ne s’inscrivent pas dans le modèle des projets de vie, mais que la carrière se déroule en milieu autochtone. De plus, tous les 4 cas qui ne s’inscrivent pas dans le modèle des projets de vie ont en commun d’affirmer qu’ils n’ont pas besoin de résider dans leurs communautés pour s’épanouir culturellement en tant que membres des Premières Nations. S’ils maintiennent des liens forts avec les membres de leurs communautés d’appartenance, ils appré-cient aussi les expériences acquises à l’extérieur et s’impliquent tous en milieu autochtone.

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8.1.4. Le rôle de l’institution universitairedans le développement du mieux-être chez les Autochtones

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La recension des écrits nous a appris que l’arrivée des étudiants autochtones à l’université s’est effectuée au compte-gouttes et qu’en-core aujourd’hui, on relève des écarts significatifs par rapport à l’en-semble de la population étudiante. En considérant les 308 706 étu-diants inscrits à l’automne 2017 dans les universités québécoises (Bu-reau de la coopération interuniversitaire, 2017), on peut facilement constater que les estimations du nombre d’étudiants autochtones, bien que partielles 179, sont loin de représenter une part comparable à ce qu’on retrouve dans la population du Québec. Dans ce contexte, nous notons la nécessité d’une masse critique d’étudiants autochtones sur un campus pour amener la communauté universitaire à s’intéresser davantage à la prise en compte de leurs besoins, comme le soulignait déjà Loiselle (2010).

[237]Contrairement à l’Ouest canadien et aux États-Unis, le Québec n’a

jamais développé un réseau structurant d’établissements postsecon-daires autochtones. À l’exception de l’éphémère Collège Manitou (1973-1976), il faudra attendre en 2011 pour que l’Institution Kiuna ouvre ses portes à Odanak et en 2017 pour que Nunavik Sivunitsavut en fasse autant à Dorval. Cela ne signifie pas que les cégeps et univer-sités allochtones ne parviennent pas à offrir certaines formations et certains services spécifiquement destinés aux étudiants autochtones, mais on note que leur intégration se fait presque exclusivement dans des établissements qui se sont d’abord développés pour répondre aux besoins d’une population allochtone. C’est notamment pour cette rai-son que les campus se sont historiquement établis à proximité des grands centres urbains de la vallée du Saint-Laurent et qu’il faudra attendre 1983 pour que soit créée l’UQAT, alors qu’une part considé-rable des communautés des Premières Nations et Inuit sont encore

179 Le ministère des Affaires autochtones et du Nord Canadien en finançait 915 en 2014-2015 (Lefevre-Radelli et Jérôme, 2017, p. 15).

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aujourd’hui éloignées des campus québécois. Nous avons toutefois pu constater que certaines formations étaient offertes directement dans des communautés, notamment en milieu nordique, mais il s’agit d’une offre limitée à certains programmes, de surcroît souvent sporadique et dépendante d’un financement non récurrent.

Ce faisant, le seul moyen raisonnable d’offrir l’ensemble des pro-grammes disponibles sur les campus principaux dans les communau-tés serait par le recours à la formation à distance. Cette option, parfois très appréciée chez les étudiants (Fahy, Steel et Martin, 2009 ; Simon et al., 2014), permet aussi de faciliter la conciliation études-travail-fa-mille, mais on notera que l’accès à une connexion à haut débit n’est pas toujours au rendez-vous à l’extérieur des grands centres et que certains étudiants apprécient davantage la formation en mode présen-tiel. Il n’est donc pas étonnant que la plupart des étudiants provenant des communautés autochtones doivent encore déménager pour pour-suivre leurs études universitaires, ce qui nous ramène derechef à l’in-évitable question de l’intégration dans les établissements allochtones. Dans cette optique, l’état des connaissances à ce sujet nous permet de conclure que les besoins exprimés par les étudiants autochtones qui fréquentent un établissement postsecondaire allochtone sont demeurés assez semblables au fil du temps, en dépit des particularités locales. Ces besoins étaient déjà bien résumés dans les recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones (Erasmus et [238] Dussault, 1996).

Que les établissements d’enseignement postsecondaire publics des provinces et des territoires prennent de nouvelles initiatives ou élargissent celles existantes afin d’accroître le taux de participation, de persévérance et de réussite des étudiants autochtones ; pour cela, ils devront introduire, favoriser ou renforcer :

a) un climat accueillant pour les étudiants autochtones ;

b) un contenu et des perspectives autochtones dans les cours offerts dans les diverses disciplines ;

c) des études et des programmes autochtones intégrés aux programmes généraux de l’établissement et inclus dans le budget de base de celui-ci ;

d) la nomination d’autochtones aux conseils des gouverneurs ;

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e) des conseils autochtones chargés de conseiller le président de l’établis-sement ;

f) le recrutement actif d’étudiants autochtones ;

g) des politiques d’inscription qui encouragent les candidats autochtones à se présenter ;

h) des locaux où les étudiants autochtones peuvent se réunir ;

i) des associations d’étudiants autochtones ;

j) le recrutement de professeurs autochtones ;

k) des services de soutien pour l’orientation scolaire et personnelle assu-rés par des conseillers d’orientation autochtones ;

l) la sensibilisation du corps professoral et du personnel aux différences culturelles. 180

Or, nous avons pu constater chez les participants une forte distinc-tion entre ceux qui fréquentaient un campus doté d’une offre de ser-vices étendue aux étudiants autochtones et ceux pour qui cette offre était limitée, voire tout simplement inexistante, une particularité aussi soulevée par Joncas (2018) en croisant l’analyse des cas de l’Universi-té Laval et de l’UQAT. Alors que les participants du premier groupe avaient souvent accès à du soutien avant même d’entreprendre leur formation, ceux du second apprenaient généralement l’existence d’un regroupement d’étudiants autochtones (lorsque présent) de manière informelle, au hasard des rencontres. Cet isolement fut notamment soulevé par Lefevre-Radelli et Jérôme (2017) chez les étudiants au-tochtones de l’UQAM et Rodon (2007) chez ceux de l’Université La-val. Ces deux grandes universités francophones ont en commun d’avoir des associations étudiantes autochtones devant jouer le rôle de centre d’information et de services destinés aux étudiants autochtones, faute d’une offre institutionnelle [239] adéquate. Pour sa part, Loiselle (2010) identifiait aussi comme facteurs facilitants auprès des étudiants autochtones de l’UQAT le fait qu’il y avait un « nombre important d’étudiants autochtones sur le campus » (p. 80) et « un lieu où se ras-sembler, par exemple, un salon des Premières Nations, ainsi que l’ac-cès à des services spécialisés » (p. 82). On note par ailleurs que les

180 Citation tirée du volume III du rapport, disponible en ligne en version non numérotée : http ://data2.archives.ca/e/e448/e011188231-03.pdf.

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étudiants qui fréquentent une université dotée d’une offre de services plus particulièrement ciblée vers les Autochtones apprécient cette offre, mais restent conscients qu’ils fréquentent une institution occi-dentale qui ne tient pas toujours compte de leurs propres répertoires de connaissances.

Qu’à cela ne tienne, tous les participants considèrent que cette ins-titution occidentale peut malgré tout leur offrir des savoirs, savoir-faire et savoir-être qu’ils pourront mobiliser en milieu autochtone. Ce faisant, les participants font part de besoins et d’attentes diversifiés à l’égard de l’institution universitaire et certains se montrent reconnais-sants de la place que leurs campus accordent aux cultures autochtones, tandis que d’autres déplorent le peu d’espace offert aux étudiants au-tochtones sur leurs campus. Cependant, quelques participants ne res-sentent pas le besoin de participer à des activités culturelles autoch-tones sur leurs campus et vivent plutôt leurs cultures dans d’autres sphères d’activités, ce qui s’explique par la notion de variations intra-individuelles et inter-individuelles (Lahire, 2006).

Dans l’ensemble, pour que les étudiants autochtones réussissent à inscrire leurs parcours universitaires dans le modèle des « projets de vie », nous avons pu constater que les campus doivent leur permettre de s’épanouir culturellement, dans la mesure où leurs cultures sont respectées et idéalement valorisées. Que ce soit d’un point de vue sco-laire ou extrascolaire, notre travail de terrain nous aura donc permis de relever qu’une conception proprement holistique de l’apprentissage chez les étudiants autochtones ne peut prendre forme sans un soutien institutionnel reconnaissant l’ensemble des besoins des étudiants, de même que les finalités de leurs projets d’études.

8.2. VERS UNE MULTIVERSITÉINTERCULTURELLE ET DÉMOCRATIQUE

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Le cas des étudiants des Premières Nations soulève inévitablement la question plus [240] large des rapports interethniques au sein de l’université québécoise. Il nous apprend aussi que l’intégration accrue des Autochtones depuis les dernières décennies s’explique en partie

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par la remise en question du modèle de l’université opérée depuis le développement de ce que Kerr (1967) nommait la multiversité, c’est-à-dire cette institution regroupant plusieurs communautés partageant une structure commune tout en évoluant chacune dans une certaine autonomie. Nous constatons également que le modèle de l’université comme sphère publique démocratique (Giroux, 2002) répond davan-tage aux aspirations des Autochtones en enseignement supérieur, tant chez les étudiants que dans les communautés et nations, dans la me-sure où l’institution universitaire y est conçue comme se portant à la défense des valeurs démocratiques et contribuant au mieux-être chez les Autochtones.

8.2.1. Une perspective interculturelle et inclusive

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Loin de l’époque où les universités québécoises regroupaient de manière homogène les étudiants selon leur confession catholique ou protestante (Harris, 1976), elles accueillent de nos jours non seule-ment des étudiants francophones et anglophones eurodescendants, mais aussi des étudiants autochtones, internationaux et issus de l’im-migration. Cette nouvelle dynamique a conduit les établissements à chercher des manières de rejoindre des populations ethniquement di-versifiées et soulève de nouveaux enjeux en termes de vivre-en-semble, à l’instar de ce qui se fait au-delà des murs de l’enceinte uni-versitaire.

Analyser l’intégration des étudiants autochtones à l’université conduit donc inévitablement à s’intéresser à la diversité ethnocultu-relle à l’université, en y incluant les étudiants internationaux et ceux issus de l’immigration. Même si nous avons pu observer durant nos entrevues que les étudiants autochtones ne se reconnaissent générale-ment pas dans ce que vivent les étudiants internationaux, force est de constater qu’ils partagent avec eux le fait d’appartenir à des groupes minoritaires au sein d’institutions qui ont d’abord été conçues pour un groupe majoritaire, qu’il soit plus précisément de langue française ou anglaise. Nous nous sommes donc interrogé sur le modèle de gestion de la diversité ethnoculturelle prenant forme au sein de l’université,

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qu’il soit explicitement défini par les établissements ou qu’il l’ait da-vantage été de facto.

[241]Nous nous appuierons sur la définition de l’éducation intercultu-

relle avancée par l’UNESCO (2006, p. 18), visant « à aller au-delà d’une coexistence passive, à parvenir à des modalités progressives et durables de coexistence dans des sociétés multiculturelles grâce à l’instauration d’une compréhension, d’un respect et d’un dialogue entre les différents groupes culturels ». Dans le contexte québécois, où la majorité francophone « fragile » (McAndrew, 2010) se retrouve elle-même minoritaire au Canada, l’interculturalisme prend un sens particulier puisqu’il cherche à assurer une certaine pérennité de la ma-jorité francophone tout en valorisant les apports des groupes minori-taires à une culture commune. C’est dans cette optique qu’il faut com-prendre la définition qu’en donne Bouchard (2012, p. 51) : « L’inter-culturalisme comme pluralisme intégrateur, est un modèle axé sur la recherche d’équilibres qui entend tracer une voie entre l’assimilation et la segmentation et qui, dans ce but, met l’accent sur l’intégration, les interactions et la promotion d’une culture commune dans le respect des droits et de la diversité ». L’éducation interculturelle doit par conséquent être distinguée du modèle multiculturel qui, pour sa part, évacue la notion de culture commune à développer entre les différents groupes ethnoculturels.

Dans cette optique interculturelle, nous considérons que les univer-sités québécoises peuvent être un terrain particulièrement fertile au développement d’une culture commune entre ses membres aux ori-gines diverses, tant parmi le personnel que les étudiants. Or, pour y parvenir, il nous faut aussi considérer le contexte sociohistorique ayant permis la diplomation universitaire d’une fraction croissante de la population francophone, alors que l’écart de scolarisation de ce groupe dans les années 1950 était particulièrement précaire par rap-port aux anglophones (Commission royale d’enquête sur les pro-blèmes constitutionnels, 1956, p. 193). Rappelons-nous également que les commissions scolaires anglophones, à cette époque essentiellement protestantes, ont longtemps accueilli les nouveaux arrivants jusqu’à l’adoption de la Charte de la langue française en 1977, si bien que ce furent d’abord les universités anglophones qui intégraient des effectifs étudiants plus fortement issus de groupes minoritaires (Gérin-Lajoie,

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2016). Les dernières décennies ont toutefois donné lieu à un reposi-tionnement des universités québécoises, en lien avec l’internationali-sation des effectifs étudiants et la prise en compte accrue des besoins des [242] étudiants autochtones et de ceux issus de l’immigration. À cela s’ajoute une offre accrue de services développés dans une ap-proche inclusive et destinée à l’ensemble des étudiants universitaires, notamment en ce qui a trait à ceux ayant des besoins particuliers asso-ciés à une situation de handicap ou un trouble de santé mentale. Si bien que les particularités soulignées chez les étudiants autochtones s’inscrivent dans un mouvement plus large de redéfinition d’une sphère universitaire davantage accessible.

Ainsi, dans une perspective interculturelle, Tanaka (2003, p. 16) insiste sur la nécessité de considérer tous les individus comme sujets, c’est-à-dire ayant une voix, une histoire, une « agentivité » (agency) et étant ancrés dans le temps et l’espace. Les étudiants et le personnel ne peuvent donc pas être réduits à leur seule identité ethnoculturelle lorsque vient le temps d’élaborer des initiatives en éducation intercul-turelle puisque leurs différentes identités (groupe ethnique, sexe, classe sociale, etc.) interagissent. Or, l’auteur souligne également la nécessité de tenir compte des besoins du groupe majoritaire à l’univer-sité pour qu’une initiative d’éducation interculturelle s’avère efficace. S’il constate que ce sont surtout les étudiants des groupes minoritaires qui ont besoin de soutien spécifique pour favoriser leur intégration sur le campus ainsi que leur persévérance et leur réussite éducatives, Ta-naka ajoute du même souffle que les étudiants du groupe majoritaire doivent se sentir impliqués dans le processus pour qu’il soit couronné de succès. Dans le cas contraire, on peut même assister à des formes de résistance chez les étudiants plus conservateurs au sein du groupe majoritaire.

Nous reprenons ainsi son appel (Tanaka, 2003, p. 66) à ne pas trai-ter la différence en termes binaires positionnant constamment un groupe contre un autre et à établir un système qui permette aux membres des groupes majoritaires de coconstruire de nouvelles va-leurs centrales avec les membres des groupes minoritaires. Concevoir l’université comme un lieu d’interculturalité implique donc non seule-ment une présence accrue des étudiants autochtones sur le campus, mais surtout leur mise en valeur dans l’organisation au moyen du dé-veloppement de services appropriés. Il s’agit donc de voir au-delà

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d’une vision binaire autochtones / allochtones et concevoir une uni-versité qui refléterait mieux la pluriethnicité de la société québécoise contemporaine, tout en insistant plus [243] particulièrement sur le cas des étudiants autochtones, en raison de la ségrégation scolaire histo-rique entre Autochtones et allochtones. C’est d’ailleurs le constat que l’on peut tirer des propos de Louise, une professionnelle autochtone œuvrant dans le milieu universitaire interviewée en tant que partici-pante complémentaire, en lien avec l’approche holistique.

Au début, quand on a développé [les services destinés aux étudiants autochtones] […] c’était pour les étudiants autochtones. […] À un mo-ment donné, j’ai dit : « Pourquoi est-ce que, tant qu’à offrir, à développer ces ateliers-là puis offrir ces services-là, pourquoi pas l’offrir aussi aux étudiants non autochtones ? ». Parce qu’ici, il y a beaucoup aussi d’adultes qui font des retours aux études, des femmes aussi puis qui ont autant be-soin d’aide. […] Puis c’est en lien aussi avec l’approche holistique, notre fameux cercle, de dire : « On veut être inclusif ». Tu sais, quand tu re-gardes le cercle, tu regardes les 4 couleurs, mais c’est ça aussi. (Louise)

Dans la même veine, Stage et Manning (1992) proposent le modèle du « courtier culturel » (cultural broker), où tous les étudiants sont impliqués dans la communauté universitaire en vue de mieux connaître et faire connaître les cultures des uns et des autres. On note d’ailleurs chez d’autres participants complémentaires autochtones in-terviewés que la perspective interculturelle tient compte des rapports de force entre cultures majoritaires et minoritaires. Par exemple, Émile (déjà présenté à la section 7.5.) avance que la reconnaissance des diplômes décernés par les établissements d’enseignement de la société majoritaire aux Autochtones doit être valorisée afin d’éviter une perception qu’ils seraient « au rabais » : « Parce que si tu en tiens pas compte [des institutions de la société majoritaire], elle l’acceptera pas : tu auras pas les mêmes équivalences, ça sera pas reconnu au même titre que n’importe quel autre étudiant. Puis on vit dans un monde où il y a deux rivières qui alimentent le lac, alors si tu tiens compte juste d’une rivière, tu te prives de l’autre : c’est les deux ». Cette prise en compte des rapports de force entre Autochtones et al-lochtones n’est pas sans rappeler le point de vue davantage critique développé par les penseurs de l’éducation interculturelle depuis les

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années 1990 (Potvin et Larochelle-Audet, 2016), comme l’illustre aus-si Thomas (déjà présenté à la section 7.5.).

À l’université, c’est sûr qu’il faut faire une place importante à la culture des Premières Nations. Il faut contribuer à améliorer l’image des Premières Nations puis à faire valoir leur contribution d’une façon non stéréotypée. […] L’importance des racines culturelles, mais que les cultures sont des phénomènes en évolution, donc pas figés, comme sou-vent ç’a été fait : « Tu es pas des Premières Nations si tu vis pas comme tes ancêtres. » […] C’est sûr [244] que quand tu es dominant dans le pays que tu occupes, tu te questionnes pas sur les changements. Mais ici [chez les Premières Nations], on a beaucoup questionné. (Thomas)

Rappelons également que cette ouverture à la société allochtone chez les étudiants universitaires des Premières Nations inclut aussi les cultures minoritaires, comme le rappelle Robert (déjà présenté à la section 7.5) : « Je trouve qu’il y a une belle diversité ici [à l’universi-té] […]. On a quand même des étudiants qui proviennent de partout dans le monde puis je trouve que ça amène une richesse ». Enfin, la perspective interculturelle inclut aussi la diversité parmi les étudiants autochtones eux-mêmes, qu’ils soient des Premières Nations, Inuit ou Métis. Les échanges impliquent un aspect plutôt favorable en termes d’identification et de connaissance de l’Autre autochtone, mais Robert souligne aussi que le partage du statut de groupes colonisés aux condi-tions de vie souvent précaires crée également des liens entre des gens de différents horizons : « Plus que tu découvres les autres nations, plus que tu te rends compte que ça ressemble pas mal à chez vous puis plus que tu découvres les Premières Nations, plus que tu dé-couvres que la misère est partout pareille ».

8.2.2. L’université comme sphère publique démocratique

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Le développement du campus interculturel s’inscrit aussi dans la valorisation de l’université comme sphère publique démocratique (Gi-roux, 2002). D’abord conçue comme institution vouée à la formation de l’élite, l’université du Moyen Âge et des Lumières a connu au XXe

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siècle une profonde métamorphose l’ayant conduite à revoir ce rôle traditionnel au profit d’une accessibilité accrue à l’enseignement supé-rieur. Ce phénomène de « massification » ne doit cependant pas être confondu avec une réelle démocratisation, entendue au sens d’une ac-cessibilité élargie aux étudiants provenant de familles à faible capital économique et culturel (Merle, 2000). On constate effectivement qu’il ne suffit pas que le nombre d’étudiants s’accroisse : encore faut-il que ceux provenant de groupes exclus aient davantage accès à l’université. Dans cette optique, le cas des étudiants des Premières Nations nous rappelle qu’en dépit de nettes avancées historiques réalisées chez les francophones et les femmes (Dandurand, 1990), c’est encore une frange assez mince de la population autochtone qui obtient un diplôme universitaire.

[245]Ce n’est toutefois pas seulement en termes d’accessibilité que nous

nous intéressons à la démocratisation de l’université, mais aussi du point de vue de la défense de la culture démocratique par cette institu-tion. À cet égard, nous avançons avec Giroux (2002) que l’université reste l’un des rares espaces publics où les étudiants peuvent apprendre à questionner l’autorité, développer des idéaux d’engagement citoyen, réaffirmer l’importance du bien commun et développer leur capacité à faire une différence. Au-delà des étudiants eux-mêmes, le personnel de l’université peut aussi améliorer la qualité de la vie publique ainsi que défendre et promouvoir des valeurs démocratiques dans ses acti-vités d’enseignement, de recherche et de services à la collectivité, ce qui implique aussi la remise en question d’une culture corporative.

Reclaiming higher education as a public sphere begins with the crucial project of challenging corporate ideology and its attendant notion of time, which covers over the crisis of the social by dissociating all discussions about the goals of higher education from the realm of democracy. This project points to the important task of redefining higher education as a democratic public sphere not only to assert the importance of the social, but also to reconfigure it so that “economic interests cease to be the domi-nant factor in shaping attitudes” about the social as a realm devoid of poli-tics and democratic possibilities. Education is about issues of work and economics, questions of justice, social freedom, and the capacity for de-mocratic agency and change. It is also about the related issues of power, exclusion, time, and citizenship, and how these categories are shaped wi-

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thin the broader spheres of culture, work, and economics. (Giroux, 2004, p. 238-239)

Précisons que cette défense de l’université comme sphère publique démocratique n’implique pas pour autant un délaissement de la fonc-tion proprement formatrice de l’enseignement supérieur en termes de main-d’œuvre hautement qualifiée. Il s’agit plutôt de ne pas réduire l’institution à cette seule fonction, ce qui peut être fortement encoura-gé dans un contexte où les étudiants doivent davantage débourser pour leur formation, corollairement à un recours croissant au financement privé des établissements. Nous valorisons donc une culture universi-taire s’inscrivant dans l’idéal démocratique, où les étudiants ne sont pas réduits au rôle de consommateurs de connaissances en attente d’une insertion sur le marché du travail, ce vers quoi tend la culture corporative issue du champ économique (Ratel, 2006).

[246]Si le contexte québécois diffère à plusieurs égards de la situation

étasunienne, dans la mesure où les universités sont largement finan-cées par des fonds publics et que la contribution étudiante s’avère en comparaison réduite, il n’en demeure pas moins que le phénomène décrit par Henry A. Giroux aux États-Unis nous permet de concevoir les limites de la culture corporative en enseignement supérieur. Nous avons d’ailleurs pu constater à maintes reprises cette volonté des étu-diants des Premières Nations de devenir des professionnels solidement formés qui puissent contribuer au mieux-être chez les Autochtones, combinant à la fois la fonction formatrice de l’université et l’idéal dé-mocratique tel que défini par Giroux (2002, p. 451) : « higher educa-tion should be engaged as a site that offers students to involve them-selves in the deepest problems of society, to acquire the knowledge, skills, and ethical vocabulary necessary for modes of critical dialogue and forms of broadened civic participation ».

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8.2.3. De l’université à la multiversité

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Rappelons que la communauté universitaire a toujours poursuivi sa quête de liberté académique, mais que c’est surtout au siècle des Lu-mières que s’est développé un modèle d’organisation voué à l’avance-ment des connaissances dans une relative autonomie à l’égard de l’Église et de l’État (Charle, 1994). Plus précisément, ce sont surtout trois modèles qui verront le jour au XIXe siècle et servent encore de référence : ceux de France, d’Allemagne et du Royaume-Uni (Rüegg, 2004). Le premier reposait sur un encadrement serré de l’État sur les universités, tant par rapport à sa gestion que dans les activités d’ensei-gnement et de recherche, alors que le modèle allemand (ou humbold-tien) était voué à assurer le maximum de liberté et d’autonomie à l’université, l’État se contentant de fournir les moyens financiers et techniques pour y parvenir. Quant au modèle britannique, il s’inspirait largement du modèle précédent, étant donné la grande liberté acadé-mique, mais avec un financement privé accru provenant des étudiants.

Or, si le modèle humboldtien s’est largement imposé dès la fin du dix-neuvième siècle, notamment aux États-Unis, il ne fut jamais plei-nement implanté. Cet idéal de communauté universitaire libre de va-quer à sa mission avec l’appui inconditionnel des pouvoirs politiques demeure encore d’actualité, mais les pressions exercées par le [247] financement public ont plutôt conduit les universités à être contraintes d’accepter des règles du jeu en partie définies par le champ écono-mique (Ratel, 2006). Ainsi, l’« enfance » de l’université fut marquée par un fort encadrement des autorités religieuses et son « adoles-cence » par celui des États, mais son « âge adulte » est aujourd’hui étroitement encadré par le marché.

Cet encadrement s’exerce cependant, là où les fonds publics comblent la plupart des dépenses des établissements, par l’entremise du champ politique, ce qui demeure le modèle dominant au Québec. Il s’agit en somme d’un modèle humboldtien qui doit composer avec une économie de marché cherchant à instrumentaliser l’université à ses propres fins et qui a su investir la sphère politique pour y parvenir. Cette particularité, que Slaughter et Leslie (1997) associent au « capi-talisme académique », donne lieu à un renversement de priorités en

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vertu de critères managériaux et s’inscrit dans la foulée de la méta-morphose de l’université en « multiversité » (Kerr, 1967), une com-munauté dont l’unité est essentiellement de nature managériale.

La multiversité est une institution incohérente. Elle est faite non pas d’une seule communauté, mais de plusieurs : les débutants et les étudiants diplômés ; la communauté des humanistes, la communauté des sciences sociales, la communauté des scientifiques ; le droit, la médecine et les écoles professionnelles ; le personnel auxiliaire ; les administrateurs. Ses limites sont floues : ses ramifications s’étendent jusqu’aux anciens élèves, aux hommes politiques, aux paysans, aux hommes d’affaires ; tous ces gens ont des relations avec une ou plusieurs des communautés intérieures à l’université. (Kerr, 1967, p. 26)

Reprenant ce concept de multiversité, Fallis (2007, p. 17-47) la définit plus précisément comme le regroupement de quatre éléments issus de modèles d’université ayant façonné l’histoire : l’enseigne-ment de premier cycle, dans la tradition libérale développée par Cardi-nal Newman ; les écoles professionnelles, selon le modèle médiéval de formation d’une main-d’œuvre qualifiée en droit, médecine et théo-logie ; l’enseignement aux cycles supérieurs et les activités de re-cherche, calqué sur le modèle développé à Berlin ; la fonction d’ac-cessibilité sociale, propre au modèle écossais et aux grandes universi-tés publiques étasuniennes. Enfin, il y ajoute la défense de son autono-mie, de la liberté académique des professeurs et d’une gestion collé-giale des dossiers [248] académiques, idéaux qui ne se sont jamais démodés depuis l’université médiévale.

Ce faisant, la multiversité reflète un changement profond dans la nature même de l’institution universitaire, en phase avec les mutations de la société. En effet, Fallis nous rappelle que les changements qu’elle a traversés sont en phase avec la montée de l’État-providence et de l’économie postindustrielle, sans compter la révolution apportée par les technologies de l’information et la mondialisation. Dans les sociétés où l’État intervient fortement dans le financement universi-taire, comme au Québec, on parle aussi d’un « contrat social » entre la société et les universités. Selon ce contrat, d’une part, le gouverne-ment octroie des fonds permettant à l’université d’assurer son bon fonctionnement et sa relative autonomie. D’autre part, l’université doit

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assumer certaines responsabilités que l’État lui confie en aidant à ré-pondre aux besoins et aspirations d’une société démocratique, ce qui peut aussi se traduire par ce que Castel (2002) qualifie de réponse à la « demande sociale ».

Par conséquent, associer université et démocratie, comme le fait Giroux (2002), représente un renversement non négligeable par rap-port à toute l’histoire de cette institution longtemps réservée à une mince élite masculine des classes sociales dominantes. Dans cette veine, l’éducation libérale fut longtemps conçue dans une perspective élitiste et l’idéal d’illumination de l’humanité qu’elle défendait s’adressait dans les faits à une frange bien mince. On a donc long-temps associé l’enseignement supérieur à une position sociale qui l’était tout autant (Rothblatt, 1993, cité dans Fallis, 2007). Au lende-main de la Seconde Guerre mondiale, avec la montée de l’État-provi-dence et de la massification de l’éducation (Merle, 2000), l’université est toutefois devenue multiversité : « The multiversity is the distinc-tive adaptation of “the university” to the transformation of democracy, to the creation of the welfare state » (Fallis, 2007, p. 85). Nous nous retrouvons ainsi désormais avec une université placée par l’État dans le prolongement de ses politiques sociales tout en cherchant tant bien que mal à défendre son autonomie à l’égard des champs politique et économique.

[249]* * *

En définitive, les avancées constatées en termes d’accessibilité aux études universitaires chez les Autochtones s’expliquent aussi par les changements ayant eu lieu au sein même de l’institution universitaire. Les universités ont donc décidé de cibler davantage leurs interven-tions en vue de soutenir la persévérance et la réussite éducatives chez des groupes qu’elles ont longtemps exclus. L’analyse des parcours des étudiants et diplômés rencontrés nous a aussi permis de constater que certains établissements déploient des efforts considérables en vue de mieux intégrer des perspectives autochtones dans les activités d’ensei-gnement et de recherche ainsi que dans leur fonctionnement. Cette relative décolonisation ne fait dans la plupart des cas que commencer, mais a pu prendre forme avec le développement du modèle de la mul-tiversité (Fallis, 2007) et pourra s’accomplir davantage en s’inscrivant

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dans les modèles de l’université comme sphère publique démocratique (Giroux, 2002) et du campus interculturel (Tanaka, 2003). Dès lors, les étudiants des Premières Nations pourront y développer encore da-vantage de projets d’études s’inscrivant dans le modèle des projets de vie (Blaser, 2004) et ainsi poursuivre leur contribution au mieux-être chez les Autochtones sous toutes ses formes.

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[250]

Du projet d’études au projet de vie.

CONCLUSION

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Cette thèse nous aura permis de mieux comprendre le phénomène des études universitaires chez les Premières Nations du Québec, en lien avec notre premier objectif général. Nous avons d’abord pu saisir le contexte social particulier dans lequel s’insèrent ces parcours, mar-qués par une longue histoire d’éducation en milieu autochtone étroite-ment associée aux objectifs d’assimilation à une culture dominante, d’abord par les missionnaires, ensuite par les fonctionnaires. À la suite du mouvement de prise en charge amorcé dans les années 1970, les Premières Nations exercent désormais un certain contrôle de l’éduca-tion dans leurs communautés, mais avec les contraintes inhérentes à un financement défini par le gouvernement fédéral et un curriculum défini par le gouvernement provincial. L’ouverture récente de l’Insti-tution Kiuna, chez les Premières Nations, et de Nunavik Sivunitsavut, chez les Inuit, témoigne également de la prise de conscience accrue quant à la nécessité d’assurer une meilleure transition du secondaire au postsecondaire chez les Autochtones du Québec. À l’université, les dernières années ont aussi donné lieu à une expansion des services destinés aux étudiants autochtones, notamment avec les cas du Service Premiers Peuples de l’UQAT, du Centre Nikanite de l’UQAC et du First Peoples’ House de McGill. Les établissements ont aussi souvent accentué leur offre de formation ciblant plus spécifiquement les Au-tochtones, tant dans les campus que dans certaines communautés, ain-si que leur formation sur des thématiques autochtones.

On constate de plus, toujours en lien avec notre premier objectif général, certaines avancées en matière de fréquentation postsecon-daire, tant en termes de diplomation que de services culturellement pertinents, mais les statistiques démontrent que les étudiants autoch-

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tones sont encore surtout attirés par les formations collégiales. Malgré tout, la population étudiante universitaire autochtone inclut désormais des profils diversifiés en termes d’âge, de sexe, de milieu d’origine et de programmes d’études par rapport au profil traditionnel de la mère dans la trentaine de langue autochtone qui habite dans une commu-nauté et effectue un retour aux études. On y retrouve désormais, en plus de ce profil encore majoritaire, d’autres étudiants plus jeunes qui ont auparavant poursuivi sans [251] interruption leurs études secon-daires et collégiales. L’université accueille également de nos jours des étudiants ayant grandi en milieu urbain, pour qui le passage aux études universitaires n’implique aucun déménagement et se fait dans une langue qui est souvent leur langue maternelle, une particularité moins marquée chez les étudiants ayant grandi dans les communautés autochtones. Leurs parents forment aussi fréquemment un couple dit mixte (incluant un membre autochtone et un membre allochtone), une situation au demeurant très répandue chez les Autochtones du Québec et qui se reflète sur notre échantillon. Nous avons aussi noté l’in-fluence de la parentalité sur la poursuite des études chez la majorité des participants, mais aussi le fait que ceux qui débutent leurs par-cours universitaires plus jeunes le font généralement sans enfant. En-fin, si la plupart des participants ont connu des interruptions scolaires avant de se rendre à l’université, un peu moins de la moitié ont suivi un parcours continu depuis leur entrée à l’école et la majorité ont inté-gré l’université avec un diplôme d’études collégiales. On remarque aussi que la plupart ont poursuivi des études aux cycles supérieurs ou y étaient déjà inscrits au moment de l’entrevue.

Dans toute cette diversité de profils, se trouve, en lien avec notre premier objectif spécifique, le dénominateur commun du rapport à l’identité et aux cultures autochtones, tous les participants témoignant de leur fort sentiment d’appartenance à cet égard. Tout en étant conscients des particularités culturelles de chacune des communautés et nations, ils soulignent des traits communs à cette identité autoch-tone qui les amènent à s’y identifier et qui influencent considérable-ment leurs façons d’être, d’agir et de penser. Les 23 étudiants et diplô-més interviewés nous auront donc permis d’illustrer cette diversité de profils avec des cas provenant des communautés des Premières Na-tions et d’autres des villes, ou encore avec des cas de langue mater-nelle autochtone et d’autres de langue maternelle française ou an-

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glaise. Même si la plupart des parents des participants n’ont pas fré-quenté l’université, nous avons néanmoins pu constater que tous en-courageaient fortement les participants à poursuivre leurs études et qu’ils entretenaient par conséquent un rapport favorable à l’institution scolaire, fût-elle d’une autre culture, en lien avec notre second objectif spécifique.

[252]Cette influence se fait aussi nettement sentir sur leurs parcours sco-

laires, tant en termes de motifs que de projets futurs, en lien avec le troisième objectif spécifique. Une très forte majorité poursuit donc des études universitaires en vue de participer à des projets collectifs impli-quant les Autochtones dans l’amélioration de leur mieux-être, que ce soit dans leurs propres communautés, dans d’autres communautés, en milieu urbain ou sans ancrage local a priori. Dans cette optique, nous avons donc souligné que l’université peut jouer un rôle d’accompa-gnateur au développement du mieux-être chez les Autochtones en fa-vorisant la persévérance et la réussite éducatives de ceux qui y ac-cèdent, en lien avec le quatrième objectif spécifique. Or, afin de dé-passer l’imposition d’un modèle culturel occidental chez les Autoch-tones, comme le système d’éducation s’y est souvent limité, l’univer-sité interculturelle conçue comme sphère publique démocratique peut à sa façon contribuer au mouvement de décolonisation de l’éducation. Aussi, osons-nous espérer que notre thèse pourra modestement s’ins-crire dans ce mouvement. Nous considérons donc que les universités peuvent faire davantage d’efforts pour favoriser l’épanouissement des étudiants autochtones, et plus largement celui des cultures autoch-tones, d’autant plus qu’une telle ouverture peut conduire les établisse-ments à revoir ce qui est offert à l’ensemble de la communauté univer-sitaire.

Notre recherche aura donc permis de comprendre comment les étu-diants des Premières Nations du Québec inscrivent leurs projets d’études dans le développement du mieux-être chez les Autochtones et que leurs profils se sont nettement diversifiés depuis les dernières décennies. Plus précisément, nous avons pu mieux comprendre le rap-port à l’identité et aux cultures autochtones chez les étudiants et diplô-més des Premières Nations, quels sont leurs parcours et quels en sont les principaux facteurs explicatifs. Nous avons aussi pu connaître les projets et réalisations des étudiants des Premières Nations en lien avec

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leurs études universitaires et analyser l’environnement mis en place par les universités et les pouvoirs publics pour favoriser l’intégration des étudiants autochtones à la communauté universitaire.

Nous avons ainsi pu obtenir de nouveaux résultats de recherche concernant la poursuite d’études universitaires chez les Autochtones par rapport aux travaux antérieurs. [253] Nous prenons toutefois conscience des limites de notre recherche, qui aurait pu nous en ap-prendre davantage si elle avait été de nature longitudinale. Elle aurait par exemple pu suivre des étudiants dès leur entrée à l’université jus-qu’à leur sortie, avec ou sans diplôme, et ainsi analyser des cas aux caractéristiques semblables. Ce type de recherche s’avérerait toute-fois assez difficile à réaliser en raison des parcours scolaires souvent interrompus et repris après d’autres occupations. Nous aurions aussi souhaité interviewer des participants ayant interrompu leurs études universitaires sans obtenir de diplôme, mais aucun ne s’est manifesté durant notre collecte de données. Si tel eût été le cas, nous aurions alors pu nous intéresser aux raisons invoquées pour leur abandon et plus particulièrement observer si le modèle des projets de vie s’ap-plique aussi à leur situation et s’ils souhaitent reprendre leurs études. Malgré tout, nous avons pris soin d’élargir autant que faire se peut les bassins de recrutement des participants en vue d’obtenir un échan-tillon illustrant la diversité chez les étudiants universitaires des Pre-mières Nations du Québec. Par ailleurs, le fait d’avoir des participants aux études et d’autres qui ne l’étaient plus est une limite à souligner, dans la mesure ou les seconds avaient davantage de recul par rapport à leurs parcours scolaires. Enfin, interviewer des Autochtones en tant que non-Autochtone apporte aussi certaines limites quant aux données recueillies puisqu’on ne peut échapper aux rapports de pouvoir asso-ciés aux appartenances ethnoculturelles. Nous avons toutefois, tel que mentionné dans la méthodologie, cherché à limiter ces rapports in-égaux en donnant priorité aux participants et en adoptant une attitude empreinte d’humilité lors de nos échanges. Une manière d’y remédier aurait aussi pu être de nous référer à un regard autochtone externe de manière plus formelle, via un comité aviseur, bien que nous ayons sollicité les avis de plusieurs experts autochtones en tant que partici-pants complémentaires et avons ainsi pu obtenir ce regard autochtone externe.

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Il s’avérerait donc particulièrement intéressant de conduire d’autres recherches de nature longitudinale auprès d’étudiants univer-sitaires autochtones au Québec, et ce, plus particulièrement dans le but de compléter les résultats obtenus dans le cadre de cette thèse à propos des étudiants des Premières Nations. Quant aux étudiants et diplômés que nous avons interviewés, il serait aussi intéressant d’effectuer un suivi en vue d’analyser s’ils ont pu développer les projets qui les te-naient à cœur au sortir de l’université. De manière plus [254] large, les futures recherches pourront poursuivre l’analyse des différentes me-sures mises en place dans les universités et à l’extérieur, en lien avec les instances autochtones, afin de constater les avancées réalisées en termes de sécurité culturelle qui pourront favoriser la réussite éduca-tive d’un plus grand nombre d’étudiants autochtones. À cet égard, on constate déjà que la réponse aux besoins exprimés par les étudiants autochtones ne peut suivre un modèle unique en raison notamment de la répartition géographique éclatée de la population autochtone et de la langue de scolarisation. Il serait dès lors plus que pertinent de pour-suivre les recherches sur les différentes offres de formation déployées dans les campus, dans les communautés et à distance pour ainsi favo-riser l’accessibilité à l’enseignement universitaire chez les Autoch-tones.

Enfin, rappelons que ce n’est pas seulement en aval qu’il faut agir, une fois franchies les portes de l’université, mais surtout en amont, alors que déjà celles de l’école offrent aux élèves des outils qui leur permettront un jour de contribuer à leur façon au mieux-être chez les Autochtones. Dans cette optique, il s’avère on ne peut plus pertinent de continuer les recherches sur la réussite éducative au préscolaire, primaire et secondaire, dans la perspective du développement d’un curriculum culturellement pertinent pour les élèves autochtones. Les questionnements récurrents sur le niveau de scolarité des Autochtones – qui, malgré de notables avancées, se maintient encore bien en-deçà de celui du reste de la population – ne peuvent que nous inciter à poursuivre de telles recherches en tenant compte des inégalités so-ciales et des rapports de pouvoir qui façonnent le système d’éducation québécois. Or, les inégalités dans l’accessibilité aux études universi-taires ne pourront s’atténuer tant que le décrochage scolaire affectera autant d’élèves autochtones. Au postsecondaire même, d’autres re-cherches seront aussi nécessaires pour mieux comprendre la transition

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aux études collégiales, afin de s’assurer que les élèves autochtones qui parviennent à diplômer de l’école secondaire soient davantage ap-puyés dans leur intégration au cégep.

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Du projet d’études au projet de vie.

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Lois et règlements

Acte pour amender et refondre les lois concernant les Sauvages, Statuts du Canada, 1880, chapitre 28.

Loi sur les autochtones cris, inuit et naskapis, Lois refondues du Québec, 1979, chapitre A-33.1.

[286]Loi sur les Indiens, Lois refondues du Canada, 1985, chapitre I-5.Loi sur les services de santé et les services sociaux des autoch-

tones cris, Lois refondues du Québec, 1979, chapitre S-5.Loi sur les villages cris et le village naskapi, Lois refondues du

Québec, 1979, chapitre V-5.1.Loi sur les villages nordiques et l’administration régionale Kati-

vik, Lois refondues du Québec, 1979, chapitre V-6.1.Loi sur l’instruction publique pour les autochtones cris, inuit et

naskapis, Lois refondues du Québec, 1979, chapitre I-14.

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[287]

Du projet d’études au projet de vie.

ANNEXES

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[288]

Du projet d’études au projet de vie.

Annexe 1

Guide d’entretien(participants principaux)

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[289]

Guide d’entrevue(étudiants et ex-étudiants)

Première partie : classification du documentNuméro du questionnaire :Numéro du formulaire de consentement :Date de l’entrevue :Nom de l’interviewer :

Seconde partie : guide d’entrevue

1. Pour commencer, pourriez-vous me parler du milieu, de l’envi-ronnement où vous avez grandi ?

* Milieu familial : famille culturellement mixte ou non, rela-tions familiales (incluant famille élargie)

* Solidarité sociale plus ou moins forte* Relations avec les amis* Situation socio-économique de la communauté* Le rapport à l’autochtonie dans la culture de la communauté

2. Parlez-moi un peu de votre parcours scolaire à l’école primaire et secondaire.

* Sentiment de réussite ou d’échec, motivation* Langue(s) utilisée(s)* Sentiment d’inclusion (au sein de l’école, du système scolaire)* Culture scolaire, types d’apprentissage réalisés* Soutien des parents, de la famille* Relations avec l’entourage

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3. Comment décririez-vous le cheminement qui vous a conduit à entreprendre des études à l’université ?

* Études secondaires et collégiales complétées ou non (et dans quelles conditions)

* Passage rapide à l’université ou pause avant d’y arriver* Difficulté ou facilité du passage, problèmes académiques

(langue, écriture, lecture, autres), motivation* Changements ou non à apporter dans sa vie, difficultés

d’adaptation au milieu (ville, université)* Aide reçue pour faciliter l’intégration aux études : des autres

étudiants, des professeurs, de l’administration du programme ou de l’université

* Ce qui l’a conduit à choisir (nom de l’université) plutôt qu’une autre et pourquoi

4. Comment se sont déroulées vos études universitaires, depuis votre premier jour ?

* Études universitaires effectuées (en totalité ou en partie) avant de débuter l’actuel programme

* Sentiment d’échec ou de réussite, motivation, types d’appren-tissages réalisés

[290]* Langues d’études à l’université (depuis le début)* Culture scolaire* Aide reçue pour faciliter la poursuite des études : des autres

étudiants, des professeurs, de l’administration du programme ou de l’université

* Relations avec l’entourage, la famille, les autres étudiants, les professeurs

* Aménagements particuliers mis en place ou non par l’univer-sité ou les pouvoirs publics

* Satisfaction quant au programme et aux cours poursuivis, à ses propres attentes

* Problèmes de racisme ou de discrimination rencontrés durant les études (des autres étudiants, des professeurs, de l’adminis-tration des services universitaires)

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* Type de cheminement scolaire (direct, impromptu, tortueux)* Y a-t-il eu des interruptions ? Si oui, ce qui l’a conduit à re-

prendre ses études.

5. Y a-t-il des difficultés ou des obstacles que vous avez pu rencon-trer depuis votre arrivée à l’université ?

* Les principaux obstacles à la poursuite de ses études : finan-ciers, absence de soutien de la famille, adaptation au milieu urbain, adaptation au milieu universitaire, difficultés d’ap-prentissage, solitude, « mal du pays », autres

* Être autochtone est-il un avantage ou un désavantage dans le contexte universitaire ?

* Idées quant aux solutions qu’on pourrait y apporter ?* Ce que l’on pourrait faire pour améliorer le contenu des cours

ou des programmes* Ce que l’université pourrait faire pour l’aider à mieux réussir

ses études* Connaissance des différentes méthodes de soutien aux études

(dans cette université ou ailleurs) qui sembleraient utiles ou intéressantes

* Classification de ces différentes méthodes de soutien (de 1 à 5) : mentorat/tutorat, professeurs autochtones, contenu adapté (cours et programmes), cours réservés aux étudiants autoch-tones, centre d’aide pour les étudiants autochtones

6. Depuis votre arrivée à l’université, avez-vous développé des contacts avec d’autres étudiants autochtones ?

* Contact établi ou non avec d’autres étudiants autochtones et comment ces contacts ont-ils pris forme (famille, amis, cours, autre)

* Et avec l’association étudiante autochtone ?* Opinion quant au rôle que cette association peut ou pourrait

jouer à l’université (qu’il y en ait ou non)* Recours ou non aux services offerts par cette association (si

applicable)

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7. Que représente pour vous la culture autochtone ?* Dans la communauté, la nation, chez les Autochtones en gé-

néral* Sentiment ou non d’appartenance, le rapport avec elle* Par exemple : identité complémentaire, « en concurrence »* Importance de la langue (influence du français, de l’anglais et

des langues autochtones)[291]

8. Que représente pour vous la culture que l’on nomme parfois « euroquébécoise », c’est-à-dire celle de la société québécoise en général, des non-autochtones ?

* Sentiment ou non d’appartenance, le rapport avec elle* Identité complémentaire ou « en concurrence » avec l’autoch-

tonie* La question linguistique, influence du français, de l’anglais et

des langues autochtones

9. [Pour ÉTUDIANTS] Quels projets futurs entrevoyez-vous après vos études universitaires ?

* Vivre dans la communauté d’origine ou ailleurs* Engagement communautaire et social* Statut d’employé ou employeur* Vie familiale* Utilité ou non des études universitaires pour le futur * Autres projets d’avenir

10. [Pour EX-ÉTUDIANTS] Qu’avez-vous fait depuis la fin de vos études universitaires et quels projets futurs entrevoyez-vous ?

* Conditions du départ de l’université* Vivre dans la communauté d’origine ou ailleurs* Engagement communautaire et social* Statut d’employé ou employeur* Vie familiale* Utilité ou non des études universitaires pour le futur

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* Autres projets d’avenir

11. Comment envisagez-vous l’avenir pour votre propre commu-nauté et votre nation ?

* Aspects politiques* Aspects économiques* Aspects sociaux* Aspects culturels* Relations avec les non-autochtones* Et pour les autres Autochtones au Québec ?

[292]

Troisième partie : informations personnelles

1. Homme ou femme ? 2. Année de naissance ? 3. Êtes-vous un Indien inscrit, un Inuit, un Métis ou un Indien non-

inscrit ? 4. Célibataire, en couple, monoparental ? 5. Nom de votre communauté d’origine ? (inscription) 6. Où avez-vous grandi ? 7. Faites-vous partie d’une famille culturellement mixte ? (oui, non)

si oui comment la qualifierez-vous ? 8. Avez-vous des enfants ? (oui, non) Si oui combien ? Et êtes-vous

soutien de famille (le principal revenu de votre famille) ?9. Avez-vous fait des études secondaires et/ou collégiales ? Si oui, à

quel(s) endroit(s) ? 10. À l’université, dans quel programme êtes-vous inscrit ?11. Liste de cours auxquels vous êtres inscrit pour cette session : 12. Nombre de sessions (ou années) à l’université ?

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13. Nombre de crédits terminés à l’université jusqu’à aujourd’hui ? 14. Avez-vous déjà fréquenté une autre université ? (oui, non) 15. Recevez-vous un soutien financier pour poursuivre vos études ?

Si oui lequel ? (bourses fédérales ou conseil de bande, prêts et bourses provincial, etc.)

16. Êtes-vous membres d’une organisation autochtone ? (association, regroupement, groupe de femmes, etc.) Si oui, laquelle ou les-quelles :

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[293]

Du projet d’études au projet de vie.

Annexe 2

Guide d’entretien en anglais(participants principaux)

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[294]Interview Guide

Students and former students

Part I : classification of the documentQuestionnaire number :Number consent form :Date of interview :Name of interviewer :

Part II : Interview Guide

1. To start, could you tell me about the environment in which you grew up ?

• Family environment : whether culturally mixed family, family relationships (including extended family)

• Social Solidarity greater or lesser• Relationships with friends• Socio-economic status of the community• Report to autochthony in the culture of the community

2. Could you tell me about your experience in primary and secon-dary school.

• Feeling of success or failure, motivation• Language (s) used (s)• Sense of inclusion (in the school, the school system)• School culture, types of learning outcomes• Support for parents, family• Relationships with peers

3. How would you describe the path that led you to start studying in university ?

• High school and college completed or not (and under what conditions)

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• Fast university or break before you get there• Difficulty or ease of passage, academic problems (language,

writing, reading, etc.), motivation• Changes or not to bring in his life, difficulties in adaptation to

the environment (city, university)• Assistance provided to facilitate integration studies : other stu-

dents, teachers, administration of the program or university• What led him to choose (name of university) rather than ano-

ther and why

4. Could you tell me about your experience at university, from your very first day ?

• University studies conducted (in whole or in part) before star-ting the current program

• Sense of failure or success, motivation, types of learning achie-ved

• Languages at university (from the beginning) • School Culture• Assistance provided to facilitate further studies : other students,

teachers, administration of the program or University[295]

• Relationships with peers, family, other students, faculty• Special arrangements put in place or not by the university or

government• Satisfaction with the program and the course pursued for its

own expectations• Issues of racism or discrimination encountered during the stu-

dies (other students,teachers, the administration of University Services)

• Type of academic progress (direct, impromptu, tortuous)• Are there had interruptions ? If so, what led him to resume his

studies.

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5. Are there any difficulties or obstacles that you have experien-ced since your arrival in university ?

• The main barriers to the pursuit of his studies : financial, lack of support family adaptation to urban adaptation academia, diffi-cultieslearning loneliness "homesick" other

• Being indigenous is it an advantage or disadvantage in the aca-demic context ?

• Ideas on solutions that could be made ?• What could be done to improve the content of courses or pro-

grams• What the university could do to help them better succeed acade-

mically• Knowledge of different methods of study support (at this uni-

versity or elsewhere) that seem useful or interesting• Classification of these various methods of support (1 to 5) men-

toring / tutoring, teachers• Aboriginal content adapted (courses and programs) courses re-

served for Aboriginal students help center for Aboriginal stu-dents

6. Since your arrival in university, have you developed contacts with other Aboriginal students ?

• Contact established or not with other Aboriginal students and how these contacts did they take form (family, friends, courses, other)

• And with the Aboriginal Student Association ?• Opinion on the role that this association may or may play in

university (or that there has no)• Use or not the services offered by the association (if applicable)

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7. In your opinion and perception, what “Aboriginal culture” re-fers to ?

• In the community, the nation, Aboriginal people in général• feeling or not belonging, relationship with her• Eg : Complementary identity, "competing"• Importance of language (influence of French, English and indi-

genous languages)

8. In your opinion and perception, what “euroquébécoise culture” (that is to say mainstream culture in Quebec generally spea-king) refers to ?

• sense of belonging or not the relationship with her• additional identity or "competing" with autochthony• the language issue, the influence of French, English and Abori-

ginal languages

9. [For STUDENTS] What future projects do you see after uni-versity ?

• live in the community or elsewhere[296]

• community engagement and social• status of employee or employer• family life• use or non university for the future• plans for the future

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10. [For EX-STUDENTS] What have you done since the end of your studies in university and what future projects do you see ?

• conditions starting University• live in the community or elsewhere• community engagement and social• status of employee or employer• family life• use or non university for the future• plans for the future

11. How do you see the future for your own community and your nation ?

• political aspects• Economics• social aspects• cultural aspects• relationships with non-Aboriginal• And for other Aboriginal people in Quebec ?

Part Three : personal information

1. Male or female ?2. Year of birth ?3. Are you a Registered Indian, Inuit, Métis or non-registered In-

dian ?4. Married, single, couple, single parent ?5. Name of your community ? (Registration)6. Where did you grow up ?7. Are you part of a culturally mixed family ? (Yes, no) if yes how

would you describe ?

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8. Do you have children ? _____ If so how ? ____ and you are the breadwinner (the main income of your family) ? (Yes, no) ______

9. Have you completed high school and / or college ? If yes, how (s) location (s) ?

10. In college, what program are you registered ? :[297]11. List of courses that you registered for this session beings :12. Number of sessions (or years) to university ?13. Number of credits completed at the university until today ?14. Have you ever attended another university ? (Yes, no)15. Do you receive financial support to further your education ? If so

which one ? (Federal grants or band council, provincial grants and loans, etc.).

16. Are you a member of an Aboriginal organization ? (Association, aggregation, group of women, etc..) If yes which one or ones :

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[298]

Du projet d’études au projet de vie.

Annexe 3

Guide d’entretien(participants complémentaires)

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[299]

Guide d’entrevue(Informateurs-clefs)

Première partie : classification du documentNuméro du questionnaire :Numéro du formulaire de consentement :Date de l’entrevue :Nom de l’interviewer :

Seconde partie : guide d’entrevue

1. Pour commencer, pourriez-vous me décrire brièvement quelles sont (ou quelles étaient) vos fonctions au sein de [nom de l’orga-nisme, de l’organisation ou de l’employeur] ?* Pour un participant qui ne relève pas directement d’un em-ployeur, utiliser « vos fonctions professionnelles ».

2. En quoi [nom de l’organisme, de l’organisation ou de l’employeur] est-il interpellé par la question de l’enseignement universitaire chez les Autochtones au Québec ?

3. Avec votre expérience professionnelle et personnelle, comment pourriez-vous décrire la situation passée et présente de l’enseigne-ment universitaire chez les Autochtones au Québec ?- les étudiants universitaires plus particulièrement- les autres aspects (système d’éducation, administration, aspects

politiques, etc.)4. De votre point de vue, en quoi une fréquentation accrue des étu-

diants autochtones dans les universités québécoises pourrait-elle (ou non) améliorer le mieux-être chez les Autochtones ?- dans les communautés- en ville- de manière générale

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Selon vous, y a-t-il des façons de faire qu’il faudrait revoir, modi-fier ou améliorer en vue de favoriser la fréquentation universitaire chez les Autochtones au Québec ?

- universités- institutions publiques et parapubliques- communautés autochtones- organisations autochtones diverses

6. En terminant, y a-t-il des éléments que nous n’avons pas abordés depuis le début de cette entrevue dont vous souhaiteriez me par-ler ?

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[300]

Du projet d’études au projet de vie.

Annexe 4

Formulaire de consentement(participants principaux)

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[301]

FORMULAIRE DE CONSENTEMENT(étudiants et ex-étudiants)

PréambuleAvant d’accepter de participer à ce projet de recherche, veuillez

prendre le temps de lire et de comprendre les renseignements qui suivent. Ce document vous explique le but de la recherche, ses procé-dures, avantages, risques et inconvénients. Je vous invite à me poser toutes les questions que vous jugerez utiles.

Présentation du chercheurCette recherche est réalisée dans le cadre d’un projet de thèse de

Jean-Luc Ratel, étudiant au doctorat en sciences de l’éducation à l’Université Laval. Le chercheur effectue sa recherche sous la direc-tion d’Annie Pilote, professeure à l’Université Laval.

Nature de l’étudeLa recherche a pour but de comprendre la transition vécue par les

Autochtones du Québec qui ont grandi dans une communauté autoch-tone et ont choisi d’étudier à l’université. En partant de chacun de ces étudiants et ex-étudiants comme cas d’étude, je m’intéresserai notam-ment à leur parcours scolaire. L’objectif consiste à comparer la transi-tion à l’université selon la communauté d’origine en fonction de sa plus ou moins grande proximité d’un établissement d’enseignement postsecondaire.

J’analyserai les récits recueillis auprès de ces personnes, tout en cherchant à inscrire ces différentes particularités individuelles dans un contexte plus large : celui des Premières nations au Québec et des communautés autochtones spécifiques d’où origine chaque étudiant ou ex-étudiant.

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J’effectuerai aussi quelques entrevues avec des informateurs-clefs (dans le cadre de leurs fonctions) travaillant dans les communautés autochtones d’où proviennent les répondants. Je recueillerai égale-ment des données au moyens d’entrevues et/ou de questionnaires au-près d’informateurs-clefs (dans le cadre de leurs fonctions) extérieurs à ces communautés autochtones qui œuvrent au sein d’organisations autochtones, gouvernementales et universitaires. Dans tous les cas, je ne révélerai à aucun informateur-clef l’identité des répondants (étu-diants et ex-étudiants).

Déroulement de la participationVotre participation à cette recherche consiste à prendre part à une

entrevue individuelle (qui sera enregistrée en audio), composée d’une ou deux séances qui dureront chacune entre 1 et 2 heures, portant sur les éléments suivants :

* votre milieu d’origine ; * vos études universitaires ; * vos projets d’avenir ; * votre rapport à la culture autochtone (dans votre communauté,

votre nation et au sens large).[301]Veuillez noter que vous aurez le choix de ne pas répondre à cer-

taines questions qui pourraient vous indisposer, auquel cas vous n’au-rez qu’à me le signaler en cours d’entrevue.

Avantages, risques ou inconvénients possibles liés à votre parti-cipation et compensation

Le fait de participer à cette recherche vous offre une occasion de contribuer à une meilleure connaissance des réalités propres aux Au-tochtones du Québec quant à leur cheminement universitaire. De plus, vous aurez l’occasion de prendre un certain recul par rapport à votre propre expérience en me l’exposant oralement.

Je me déplacerai au lieu et au moment qui vous conviendront le mieux pour réaliser l’entrevue. En cas de besoin, vos frais de déplace-

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ment seront intégralement remboursés sur présentation de pièces justi-ficatives (reçus, factures).

Il se peut que le fait de raconter votre expérience ravive des souve-nirs désagréables et provoque un inconfort. Si tel est le cas, n’hésitez pas à me le signaler durant l’entrevue. Si vous en sentez le besoin, je pourrai vous transmettre les coordonnées d’un organisme ou d’une personne-ressource auprès desquels vous pourrez obtenir de l’aide.

Participation volontaire et droit de retraitVous êtes libre de participer à ce projet de recherche. Vous pouvez

aussi mettre fin à votre participation sans conséquence négative ou préjudice et sans avoir à justifier votre décision. Si vous décidez de mettre fin à votre participation, il est important de me prévenir : mes coordonnées sont incluses dans ce document. Tous les renseignements personnels vous concernant ne seront alors plus utilisés.

Confidentialité et gestion des donnéesLes mesures suivantes seront appliquées pour assurer la confiden-

tialité des renseignements fournis par les participants :

* Les entrevues seront enregistrées (en audio) et retranscrites (verbatim) afin de faciliter l’analyse des témoignages et des dis-cussions.

* Les noms des participants ne paraîtront dans aucun rapport.* Les divers documents de la recherche seront codifiés et seul le

chercheur (ainsi qu’au besoin sa directrice) aura accès à la liste des noms et des codes.

* Les réponses individuelles des participants ne seront jamais communiquées.

* Les matériaux de la recherche, incluant les données et les enre-gistrements, seront conservés jusqu’à un maximum de dix an-nées suivant la soutenance de la thèse. Le chercheur les conser-vera sous clef pour utilisation restreinte, puis les détruira par la suite.

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 384

* Vos données nominatives seront conservées par le chercheur pour la durée de son programme de doctorat. Par la suite, il pourra seul conserver ces données pour un maximum de 10 ans.

* La recherche servira à la réalisation de la thèse, mais aucun par-ticipant ne pourra y être identifié ou reconnu formellement. Même si tous les résultats de la recherche seront publiés de fa-çon à préserver au maximum la confidentialité des propos et des [303] renseignements personnels, il se peut qu’un partici-pant soit indirectement identifié par le biais de certaines parti-cularités de son récit.

* La recherche pourra aussi faire l’objet de communications lors de conférences, de colloques ou encore donner lieu à des publi-cations dans des revues scientifiques ou certains médias grand public. Les mêmes règles de confidentialité s’appliqueront à ce moment.

* Les données pourront être réutilisées dans le cadre d’autres pro-jets de recherche. Le cas échéant, elles seront dépersonnalisées de manière irréversible.

* Un court résumé des résultats de la recherche sera expédié aux participants qui en feront la demande en indiquant l’adresse où ils aimeraient recevoir le document, juste après l’espace prévu pour leur signature. Il est évidemment possible de signaler un changement d’adresse courriel en communiquant avec le cher-cheur.

* Si vous en faites la demande, ces résultats seront transmis après que la thèse du chercheur aura été acceptée dans sa version fi-nale, par le biais d’un courriel.

Renseignements supplémentairesSi vous avez des questions sur la recherche ou sur les implications

de votre participation, veuillez communiquer avec moi.Jean-Luc Ratel, étudiant au doctorat en sciences de l’éducation à

l’Université LavalTéléphone : 418-687-0706 Courriel : [email protected].

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 385

RemerciementsVotre collaboration est précieuse pour me permettre de réaliser

cette étude et je vous remercie d’y participer.

SignaturesJe soussigné(e) ______________________________ consens li-

brement à participer à la recherche intitulée « La transition à l’univer-sité chez les étudiants provenant des communautés autochtones du Québec : un défi à relever, une réalité à comprendre ».

J’ai pris connaissance du formulaire et j’ai compris le but, la na-ture, les avantages, les risques et les inconvénients du projet de re-cherche. Je suis satisfait(e) des explications, précisions et réponses que le chercheur m’a fournies, le cas échéant, quant à ma participation à ce projet.

________________________ Date : ___________________Signature du participant, de la participante

J’accepte que mes coordonnées soient conservées par le chercheur en vue de me recontacter dans le cadre du présent projet de recherche ou d’un autre projet similaire à venir.

Oui ____ Non ____

[304]

(Optionnel)Je souhaiterais recevoir un court résumé des résultats de la re-

cherche à l’adresse courriel suivante :___________________________________________________

J’ai expliqué le but, la nature, les avantages, les risques et les in-convénients du projet de recherche au participant. J’ai répondu au

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 386

meilleur de ma connaissance aux questions posées et j’ai vérifié la compréhension du participant.

____________________________ Date : ___________________Signature du chercheur

Plaintes ou critiques

Toute plainte ou critique sur ce projet de recherche pourra être adres-sée à :

Bureau de l’OmbudsmanPavillon Alphonse-Desjardins, Bureau 33202325, rue de l’UniversitéUniversité LavalQuébec (Québec) G1V 0A6Renseignements - Secrétariat : 418 656-3081 ou 1 866 323-2271Télécopieur : 418 656-3846 Courriel : [email protected]

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 387

[305]

Du projet d’études au projet de vie.

Annexe 5

Formulairede consentement en anglais

(participants principaux)

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 388

[306]

The transition to university for students from Aboriginal com-munities of Quebec : a challenge, a reality to understand

CONSENT FORM(students and ex-students)

PreambleBefore agreeing to participate in this research project, please take

the time read and understand the following information. This docu-ment explains the purpose of the research, procedures, benefits, risks and disadvantages. I invite you to ask me any questions that you may have.

The researcherThis research is conducted as part of a thesis project of Jean-Luc

Ratel doctoral student in Educational Sciences at Laval University. The researcher made his research under the direction of Annie Pilote, professor at Laval University.

Nature of the studyThe research aims to understand the transition experienced by stu-

dents in Quebec who grew up in an Aboriginal community and chose to study University. Starting from each of these students and ex-stu-dents as a case study, I focus on their schooling. The objective is to compare the transition to university by the community according to its origin more or less proximity of a post-secondary institution.

I analyze the narratives collected from these people, while seeking to register these individual characteristics in a broader context : that of Quebec Aboriginal communities where specific origin each student or former student.

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 389

I will make a few interviews with key informants (through their functions) working in Aboriginal communities from which the respon-dents are from. I also will gather data by means of interviews and / or questionnaires with key informants (in the course of their duties) out-side these communities working within Aboriginal organizations, go-vernment and academia. In any case, I will not reveal any key infor-mant identity of respondents (students and ex-students).

Your participationYour participation in this research is to take part in an interview

individual (which will be recorded in audio), composed of one or two sessions each lasting between one and two hours, on the following :

* Your background ;* Your university studies ;* Your future ;* Your relationship to indigenous culture (in your community,

your nation and broad sense).

[307]Please note that you can choose not to answer certain questions

that may upset you, in which case you can just let me know during interview.

Benefits, risks and possible disadvantages related to your par-ticipation and compensation

Taking part in this research offers an opportunity to contribute to a better understanding of the realities of the Quebec Aboriginals regar-ding their academic career. In addition, you have the opportunity to take a step back from your own experience exposing me orally.

I will be traveling at the time and place that suit you best for conduct the interview. If necessary, your expenses will be fully reim-bursed on presentation of supporting documents (receipts, invoices).

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 390

It may be that the telling of your experience rekindles memories unpleasant and causes discomfort. If this is the case, do not hesitate to let me know during the interview. If you feel the need, I can send you the details an organization or a contact person from whom you can get help.

Voluntary participation and right to withdrawYou are free to participate in this research project. You can also

end your participation without prejudice or negative consequences and without having to justify your decision. If you decide to end your par-ticipation, it is important to inform me : my contact details are inclu-ded in this document. All information about you will no longer be used.

Privacy and data managementThe following measures will be implemented to ensure the confi-

dentiality of information provided by the participants :

* The interviews will be recorded (audio) and transcribed (verba-tim) to facilitate the analysis of evidence and discussions.

* The names of the participants will not appear in any report.* The various research documents will be coded and only the re-

searcher (and if needed his director) will have access to the list of names and codes.

* Individual responses of participants will never be disclosed.* Materials research, including data and records, will be kept to a

maximum of ten years after the thesis defense. The researcher will keep under lock and key for restricted use, then destroy thereafter.

* Your personal data will be kept by the researcher for the dura-tion of his doctoral program. Thereafter, he will only keep the data for a maximum of 10 years.

* Research will be used to achieve the thesis, but no participant may be formally identified or recognized. Although all results research will be published in order to maintain maximum confi-dentiality about and personal information, it could happen that a

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 391

participant may be identified indirectly through certain peculia-rities of his story.

* Research may also be of communications at conferences, semi-nars or lead to publications in scientific journals or some mains-tream media. The same rules of [308] confidentiality apply at this time.

* Data can be reused in other research projects. If necessary, they will be irreversibly anonymized.

* A short summary of the research results will be sent to partici-pants who upon request indicating the address where they would like to receive the document immediately following the space provided for their signature. It is obviously possible to report a change of email address by contacting the researcher.

* If you are applying these results will be transmitted after the thesis of the researcher has been accepted in final version) via email.

Additional InformationIf you have any questions about the research or the implications of

your participation, please contact me.Jean-Luc Ratel, doctoral student in Educational Sciences at Laval

UniversityPhone : 418-687-0706 E-mail : [email protected] .

ThanksYour contribution is important to allow me to conduct this study

and I thank you for your participation.

SignaturesI, __________________________ freely consent to participate in the research entitled “The transition to university for students from Abori-ginal communities of Quebec : a challenge, a reality to understand ”.

I have read the form and I understand the purpose, nature, benefits, the risks and inconveniences of the research project. I am satisfied

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 392

with explanations, clarifications and responses that the researcher has provided me, as appropriate, for my participation in this project.

___________________________ Date : ___________________Signature of the participant, the participant

I agree that my details will be kept by the researcher for recontact during this research project or a similar project in come.

Yes ____No ____

(Optional)I would like to receive a short summary of research results at follo-

wing email : ___________________________________________

[309]I explained the purpose, nature, benefits, risks and disadvantages

of research project participant. I answered to the best of my know-ledge the questions and I checked the understanding of the participant.

____________________________ Date : ___________________Signature of researcher

Complaints or criticismsAny complaint or criticism about this research may be addressed

to :

Office of the OmbudsmanAlphonse-Desjardins, Office 33202325, rue de l’UniversitéUniversité LavalQuebec (Quebec) G1V 0A6

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Information : 418 656-3081 or 1 866 323-2271Fax : 418 656-3846 Email : [email protected]

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[310]

Du projet d’études au projet de vie.

Annexe 6

Formulaire de consentement(participants complémentaires)

Retour à la table des matières

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[311]

FORMULAIRE DE CONSENTEMENT(entrevue avec informateurs-clefs à l’extérieur

des communautés autochtones)

PréambuleAvant d’accepter de participer à ce projet de recherche, veuillez

prendre le temps de lire et de comprendre les renseignements qui suivent. Ce document vous explique le but de la recherche, ses procé-dures, avantages, risques et inconvénients. Je vous invite à me poser toutes les questions que vous jugerez utiles.

Présentation du chercheurCette recherche est réalisée dans le cadre d’un projet de thèse de

Jean-Luc Ratel, étudiant au doctorat en sciences de l’éducation à l’Université Laval. Le chercheur effectue sa recherche sous la direc-tion d’Annie Pilote, professeure à l’Université Laval.

Nature de l’étudeLa recherche a pour but de comprendre la transition vécue par les

Autochtones du Québec qui ont grandi dans une communauté autoch-tone et ont choisi d’étudier à l’université. En partant de chacun de ces étudiants et ex-étudiants comme cas d’étude, je m’intéresserai notam-ment à leur parcours scolaire. L’objectif consiste à comparer la transi-tion à l’université selon la communauté d’origine en fonction de sa plus ou moins grande proximité d’un établissement d’enseignement postsecondaire.

J’analyserai les récits recueillis auprès de ces personnes, tout en cherchant à inscrire ces différentes particularités individuelles dans un contexte plus large : celui des Premières nations au Québec et des communautés autochtones spécifiques d’où origine chaque étudiant ou ex-étudiant.

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J’effectuerai aussi quelques entrevues avec des informateurs-clefs (dans le cadre de leurs fonctions) travaillant dans les communautés autochtones d’où proviennent les répondants. Je recueillerai égale-ment des données au moyens d’entrevues et/ou de questionnaires au-près d’informateurs-clefs (dans le cadre de leurs fonctions) extérieurs à ces communautés autochtones qui œuvrent au sein d’organisations autochtones, gouvernementales et universitaires. Dans tous les cas, je ne révélerai à aucun informateur-clef l’identité des répondants (étu-diants et ex-étudiants).

Déroulement de la participationVotre participation à cette recherche consiste à prendre part à une

entrevue individuelle (qui sera enregistrée en audio), composée d’une ou deux séances qui dureront chacune entre 30 et 60 minutes, portant sur les éléments suivants :

* les défis et enjeux liés à la transition à l’université des étudiants autochtones au Québec et le rôle joué par [nom de l’organisme ou de l’instance] à cet égard

* ce qui se fait déjà et pourrait être fait à l’avenir pour mieux tenir compte des spécificités des étudiants issus des communautés autochtones dans les universités

* votre propre expérience, en tant que [nom de l’emploi ou du poste occupé], en lien avec ces éléments

[312]Veuillez noter que vous aurez le choix de ne pas répondre à cer-

taines questions qui pourraient vous indisposer, auquel cas vous n’au-rez qu’à me le signaler en cours d’entrevue.

Avantages, risques ou inconvénients possibles liés à votre parti-cipation et compensation

Le fait de participer à cette recherche vous offre une occasion de contribuer à une meilleure connaissance des réalités propres aux Au-tochtones du Québec quant à leur cheminement universitaire. De plus,

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 397

vous aurez l’occasion de prendre un certain recul par rapport à votre propre expérience en tant que [nom de l’emploi ou du poste occupé].

Je me déplacerai au lieu et au moment qui vous conviendront le mieux pour réaliser l’entrevue. En cas de besoin, vos frais de déplace-ment seront intégralement remboursés sur présentation de pièces justi-ficatives (reçus, factures).

Il se peut que le fait de raconter votre expérience ravive des souve-nirs désagréables et provoque un inconfort. Si tel est le cas, n’hésitez pas à me le signaler durant l’entrevue. Si vous en sentez le besoin, je pourrai vous transmettre les coordonnées d’un organisme ou d’une personne-ressource auprès desquels vous pourrez obtenir de l’aide.

Participation volontaire et droit de retraitVous êtes libre de participer à ce projet de recherche. Vous pouvez

aussi mettre fin à votre participation sans conséquence négative ou préjudice et sans avoir à justifier votre décision. Si vous décidez de mettre fin à votre participation, il est important de me prévenir : mes coordonnées sont incluses dans ce document. Tous les renseignements personnels vous concernant ne seront alors plus utilisés.

Confidentialité et gestion des donnéesLes mesures suivantes seront appliquées pour assurer la confiden-

tialité des renseignements fournis par les participants :

* Les entrevues seront enregistrées (en audio) et retranscrites (verbatim) afin de faciliter l’analyse des témoignages et des dis-cussions.

* Les noms des participants ne paraîtront dans aucun rapport.* Les divers documents de la recherche seront codifiés et seul le

chercheur (ainsi qu’au besoin sa directrice) aura accès à la liste des noms et des codes.

* Les réponses individuelles des participants ne seront jamais communiquées.

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 398

* Les matériaux de la recherche, incluant les données et les enre-gistrements, seront conservés jusqu’à un maximum de dix an-nées suivant la soutenance de la thèse. Le chercheur les conser-vera sous clef pour utilisation restreinte, puis les détruira par la suite.

* Vos données nominatives seront conservées par le chercheur pour la durée de son programme de doctorat. Par la suite, il pourra seul conserver ces données pour un maximum de 10 ans.

La recherche servira à la réalisation de la thèse, mais aucun partici-pant ne pourra y être identifié ou reconnu formellement. Même si tous les résultats de la recherche seront publiés de façon à préserver au maximum la confidentialité des propos et des [313] renseignements personnels, il se peut qu’un participant soit indirectement identifié par le biais de certaines particulari-tés de son récit.

* La recherche pourra aussi faire l’objet de communications lors de conférences, de colloques ou encore donner lieu à des publi-cations dans des revues scientifiques ou certains médias grand public. Les mêmes règles de confidentialité s’appliqueront à ce moment.

* Les données pourront être réutilisées dans le cadre d’autres pro-jets de recherche. Le cas échéant, elles seront dépersonnalisées de manière irréversible.

* Un court résumé des résultats de la recherche sera expédié aux participants qui en feront la demande en indiquant l’adresse où ils aimeraient recevoir le document, juste après l’espace prévu pour leur signature. Il est évidemment possible de signaler un changement d’adresse courriel en communiquant avec le cher-cheur.

* Si vous en faites la demande, ces résultats seront transmis après que la thèse du chercheur aura été acceptée dans sa version fi-nale, par le biais d’un courriel.

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 399

Renseignements supplémentairesSi vous avez des questions sur la recherche ou sur les implications

de votre participation, veuillez communiquer avec moi.Jean-Luc Ratel, étudiant au doctorat en sciences de l’éducation à

l’Université LavalTéléphone : 418-687-0706 Courriel : [email protected].

RemerciementsVotre collaboration est précieuse pour me permettre de réaliser

cette étude et je vous remercie d’y participer.

SignaturesJe soussigné(e) _________________________ consens librement

à participer à la recherche intitulée « La transition à l’université chez les étudiants provenant des communautés autochtones du Québec : un défi à relever, une réalité à comprendre ».

J’ai pris connaissance du formulaire et j’ai compris le but, la na-ture, les avantages, les risques et les inconvénients du projet de re-cherche. Je suis satisfait(e) des explications, précisions et réponses que le chercheur m’a fournies, le cas échéant, quant à ma participation à ce projet.

____________________________ Date : ___________________Signature du participant, de la participanteJ’accepte que mes coordonnées soient conservées par le chercheur

en vue de me recontacter dans le cadre du présent projet de recherche ou d’un autre projet similaire à venir.

Oui ____ Non ____

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 400

[314]

(Optionnel)Je souhaiterais recevoir un court résumé des résultats de la re-

cherche à l’adresse courriel suivante :___________________________________________________

J’ai expliqué le but, la nature, les avantages, les risques et les in-convénients du projet de recherche au participant. J’ai répondu au meilleur de ma connaissance aux questions posées et j’ai vérifié la compréhension du participant.

____________________________ Date : ___________________Signature du chercheur

Plaintes ou critiquesToute plainte ou critique sur ce projet de recherche pourra être

adressée à :Bureau de l’OmbudsmanPavillon Alphonse-Desjardins, Bureau 33202325, rue de l’UniversitéUniversité LavalQuébec (Québec) G1V 0A6Renseignements - Secrétariat : 418 656-3081 ou 1 866 323-2271Télécopieur : 418 656-3846 Courriel : [email protected]

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 401

[315]

Du projet d’études au projet de vie.

Annexe 7

Synthèse des principalescaractéristiques concernantles participants principaux

Retour à la table des matières

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 402

[316] [317]

SYTHÈSE DES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES CONCERNANT LES PARTICIPANTS PRINCIPAUXPseudo-nyme

Sexe Langue ma-ternelle au-

tochtone

Langue de scolarisation(entre paren-

thèses = université)

Communau-té d’origine

Milieu d’ori-gine

Étudiant de première

génération

Projet d’études

Passage à l’université

Admission Âge d’entrée Études com-plétées

Études en cours

Alexander Homme Non Anglais Rurale Communauté toujours

Oui Réorienté Différé Expérience 31 ans - Bac (SG)

Alice Femme Non Français Rurale Communauté et ville

Oui Anticipé Immédiat DÉC 20 ans Bac (SHS)Maît (SHS)

Doc (SHS)

Annabelle Femme Non Anglais(Français)

Rurale Communauté et ville

Oui Anticipé Immédiat DÉC 19 ans Bac (SHS)Doc (SHS)Postdoc (SHS)

Postdoc (SHS)

Benjamin Homme Oui Anglais Rurale Communauté et ville

Oui Réorienté Différé Expérience 40 ans - Bac (SG)

Christine Femme Non FrançaisAnglais(Français)

RMR Communauté Surtout

Non Anticipé Immédiat DÉC 20 ans Bac (ALC)DÉSS (SG)

-

Daniel Homme Oui Anglais Rurale Ville surtout Oui Réorienté Différé Expérience 35 ans - Bac (SG)Diana Femme Oui Anglais

Français(Anglais)

Rurale Communauté Surtout

Non Réorienté Différé DÉC 24 ans Bac (SÉ)Cert (ALC)Cert (ALC)Bac (SG)

Cert (SHS)

Dominique Femme Non Français RMR Communauté Toujours

Non Anticipé Immédiat DÉC 21 ans Bac (SHS) DÉSS (SG)

Emily Femme Oui Français (Anglais)

Rurale Communauté Surtout

Non Réorienté Différé Expérience 32 ans Cert (ALC) Bac (SG)

Hélène Femme Non Français RMR Communauté surtout

Non Anticipé Immédiat DÉC 19 ans Bac (ALC) Maît (ALC)

Isabelle Femme Oui Français AR Communauté surtout

Non Anticipé Immédiat DÉC 19 ans Bac (ALC) Maît (SG)

Jérôme Homme Non Français Rurale Communauté surtout

Oui Anticipé Immédiat DÉC 20 ans Bac (ALC)Maît (ALC)Maît (SHS)

-

Julia Femme Oui Anglais Rurale Communauté toujours

Oui Réorienté Différé Expérience 32 ans Bac (SG) Cert (SHS)

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 403

Pseudo-nyme

Sexe Langue ma-ternelle au-

tochtone

Langue de scolarisation(entre paren-

thèses = université)

Communau-té d’origine

Milieu d’ori-gine

Étudiant de première

génération

Projet d’études

Passage à l’université

Admission Âge d’entrée Études com-plétées

Études en cours

Manon Femme Non Français RMR Ville surtout Oui Réorienté Différé DÉC 24 ans Cert (ALC) Cert (SÉ)Marie Femme Oui Français AR Communauté

surtoutOui Anticipé Différé DÉC 25 ans Bac (SÉ) -

Martine Femme Non Français AR Ville toujours Oui Anticipé Immédiat DÉC 19 ans Bac (SHS) Doc (SHS)Mathieu Homme Non Français RMR Communauté

toujoursOui Anticipé Immédiat DÉC 19 ans Bac (ALC)

Cert (SHS)-

Pseudo-nyme

Sexe Langue ma-ternelle au-tochtone

Langue de scolarisation

Communau-té d’origine (type)

Milieu d’ori-gine

Étudiant de 1re généra-tion

Projet d’études

Passage à l’université

Base d’ad-mission

Âge d’entrée Études com-plétées

Études en cours

Monique Femme Non Français(Anglais)(Français)

RMR Communauté. et ville

Oui Anticipé Immédiat DÉC 18 ans Bac (SHS) Maît (SHS)

Nicole Femme Non Français Rurale Ville surtout Oui Réorienté Différé Expérience 36 ans - Bac (SHS)Olivia Femme Oui Anglais Rurale Communauté.

SurtoutOui Réorienté Différé Expérience 51 ans - Bac

(SHS+SG)Paul Homme Non Français Rurale Ville toujours Oui Anticipé Immédiat DÉC 19 ans Bac (SHS) -Stéphanie Femme Non Français AR Ville toujours Oui Anticipé Différé DÉC 22 ans Bac (SÉ+SÉ) -

Valérie Femme Non Français AR Ville toujours Oui Anticipé Différé DÉC 20 ans Bac (SÉ)Cert (SG)Maît (SÉ)

-

N.B. : La langue de scolarisation est donnée dans l’ordre chronologique depuis l’entrée à l’école et, lorsqu’il y en a plus d’une, celle utilisée à l’université est indiquée entre parenthèses. / Le type de la communauté d’origine se réfère au découpage utilisé par Statistique Canada. / Le milieu d’origine est celui habité durant l’enfant et l’adolescence. / Le projet d’études réfère au moment où la personne a défini son projet d’études universitaires (anticipé = tôt, réorienté = plus tard). / Le passage à l’université réfère à la poursuite d’études immédiatement après le DÉC ou non. / L’âge d’entrée réfère à l’arrivée à l’université. / Les études com -plétées et en cours sont présentées par ordre chronologique et en précisant les domaines d’études.Toutes les définitions sont mentionnées dans les sections correspondantes de la thèse.

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 404

[318]

Du projet d’études au projet de vie.

Annexe 8

Exemple de fiche-synthèsed’un parcours

(version anonymisée)

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 405

[319]

(PARTIE 1)

Données sociodémographiques

Sexe / Âge (entrevue)

Famille mixte / Communauté

Enfants à charge

Langue maternelle / entrevue

Résidence enfance-ado / actuelle

ÉducationÉPG (parents)

Primaire/secondaire

Collégial

Parcours universitaireBase admission / AFÉ

Parcours

Interruption(s)

Motivations

Difficultés

ExpériencesTravail (autochtones)

Travail (non-autoch.)

Divers (autochtones)

Divers (non-autoch.)

Mobilité

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 406

ProjetsRésidence

Travail

Études

Autres

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Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie... (2019) 407

[320] [321] [322]

(PARTIE 2)

Pseudonyme (code)

Scolaire Extrascolaire

Primaire-Secon-daire

Collégial (1)

Autre (1)

Collégial (2)

Universitaire (1)

Autre (2)

Universitaire (2)

Autre (3)

Secondaire (1)

Autre (4)

Secondaire (2)

Autre (5)

Universitaire (3)

Autre (5)

Avenir

Fin du texte