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UNIVERSITE PARIS EST CRETEIL FACULTE DE DROIT DROIT EUROPEEN DES SOCIETES COURS DE MADAME TENENBAUM FILIERE JEAN MONNET 3 ème ANNEE 2016/2017

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UNIVERSITE PARIS EST CRETEIL FACULTE DE DROIT

DROIT EUROPEEN DES SOCIETES

COURS DE MADAME TENENBAUM

FILIERE JEAN MONNET3ème ANNEE

2016/2017

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SOMMAIRE

Thème 1 : Les libertés communautaires – Le champ d’application

Thème 2 : La liberté d’établissement secondaire

Thème 3 : Le transfert de siège social

Thème 4 : La société européenne

Thème 5 : Les procédures d’insolvabilité

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THEME 1

LES LIBERTES COMMUNAUTAIRESLE CHAMP D’APPLICATION

1. Définitions de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services .

Les textes

Articles 49, 56 et 57 du TFUE

2. Articulation de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services.

CJCE, 30 novembre 1995, « Reinhard Gebhard » : aff. C-55/94, Rec. I, 4165 ; Europe janvier 1996, n°30, obs. L. IDOT.

3. Bénéficiaires de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services.

Article 54 du TFUE

Convention de Bruxelles du 29 février 1968 sur la reconnaissance mutuelle des sociétés et des personnes morales : RTDE 1968, p. 400 et s., note B. GOLDMAN.

Pistes de travail

- Le caractère résiduel de la liberté de prestation de services.

- Les critères de rattachement des sociétés au territoire communautaire.

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Définitions de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services .

ARTICLES 49, 56 ET 57 DU TFUE

ART 49Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un Etat membre dans le territoire d’un autre Etat membre sont interdites ; cette interdiction s’étend également aux restrictions à la création d’agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d’un Etat membre établis sur le territoire d’un Etat membre ; La liberté d’établissement comporte l‘accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, et notamment de sociétés au sens de l’article 54, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d’établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux.

ART 56Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation de services à l’intérieur de l’Union sont interdites à l’égard des ressortissants des Etats membres établis dans un Etat membre autre que celui du destinataire de la prestation.

Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, peuvent étendre le bénéfice des dispositions du présent chapitre aux prestataires de services ressortissants d’un Etat tiers et établis à l’intérieur de l’Union.

ART 57Au sens des traités, sont considérés comme services les prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes.

Les services comprennent notamment :

a) Des activités à caractère industriel,b) des activités de caractère commercial, c) des activités artisanales, d) les activités des professions libérales.

Sans préjudice des dispositions du chapitre relatif au droit d’établissement, le prestataire peut, pour l’exécution de sa prestation, exercer, à titre temporaire, son activité dans l’Etat membre où la prestation est fournie, dans les mêmes conditions que celles que cet Etat impose à ses propres ressortissants.

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Articulation de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services.

CJCE, 30 novembre 1995, « Reinhard Gebhard » : aff. C-55/94, Rec. I, 4165

Motifs de l'arrêt

1 Par ordonnance du 16 décembre 1993, parvenue à la Cour le 8 février 1994, le Consiglio Nazionale Forense a posé, en application de l' article 177 du traité CE, deux questions préjudicielles relatives à l' interprétation de la directive 77/249/CEE du Conseil, du 22 mars 1977, tendant à faciliter l' exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats (JO L 78, p. 17).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d' une procédure disciplinaire ouverte par le Consiglio dell' Ordine degli Avvocati e Procuratori di Milano (conseil de l' ordre des avocats et procureurs de Milan, ci-après le "conseil de l' ordre de Milan") à l' encontre de M. Gebhard, auquel il est reproché d' avoir manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la loi n 31, du 9 février 1982, relative à la libre prestation de services par les avocats ayant la qualité de ressortissant d' un État membre des Communautés européennes (GURI du 12 février 1982, n 42), en exerçant en Italie une activité professionnelle à caractère permanent dans le cabinet créé par lui et en utilisant le titre d' "avvocato".

3 Il ressort du dossier et des informations fournies en réponse aux questions écrites posées par la Cour que M. Gebhard, ressortissant allemand, a été habilité à exercer la profession de "Rechtsanwalt" en Allemagne à partir du 3 août 1977. Il est inscrit au barreau de Stuttgart où il est "collaborateur libre" dans un cabinet ("Buerogemeinschaft") sans pour autant posséder son propre cabinet dans cet État.

4 M. Gebhard réside en Italie depuis mars 1978 où il vit avec son épouse, de nationalité italienne, et ses trois enfants. Le revenu de M. Gebhard est entièrement imposé en Italie, lieu de sa résidence.

5 M. Gebhard a exercé une activité professionnelle en Italie à partir du 1er mars 1978, initialement en qualité de collaborateur ("con un rapporto di libera collaborazione") dans un cabinet d' avocats associés de Milan et, par la suite, du 1er janvier 1980 jusqu' au début de l' année 1989, en qualité d' associé ("associato") dans ce même cabinet. Aucun reproche ne lui a été fait sur les activités qu' il a exercées au sein de ce cabinet.

6 Le 30 juillet 1989, M. Gebhard a ouvert son propre cabinet à Milan, dans lequel collaborent avec lui des "avvocati" et des "procuratori" italiens. M. Gebhard a indiqué, en réponse à une question écrite posée par la Cour, qu' il leur confiait les cas sporadiques d' actions en justice concernant des clients italiens en Italie.

7 M. Gebhard déclare exercer en Italie une activité essentiellement extrajudiciaire d' assistance et de représentation de personnes de langue allemande (activité qui représente 65 % de son chiffre d' affaires) ainsi qu' une activité de représentation de

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personnes de langue italienne en Allemagne et en Autriche (activité qui représente 30 % de son chiffre d' affaires). Les 5 % restants concernent l' assistance de professionnels italiens confrontés à des problèmes de droit allemand pour leurs clients.

8 Quelques professionnels italiens, dont les "avvocati" italiens avec lesquels M. Gebhard a été associé jusqu' en 1989, ont porté plainte auprès du conseil de l' ordre de Milan. Ils lui reprochaient d' avoir fait figurer le titre d' "avvocato" sur l' en-tête de son papier à lettres professionnel, d' être intervenu directement sous le titre d' "avvocato" devant la Pretura et le Tribunale di Milano et d' avoir exercé ses activités professionnelles à partir du "Studio legale Gebhard".

9 Après lui avoir interdit d' utiliser le titre d' "avvocato", le conseil de l' ordre de Milan a, le 19 septembre 1991, décidé l' ouverture d' une procédure disciplinaire à l' encontre de M. Gebhard, lui reprochant d' avoir manqué à ses obligations en vertu de la loi n 31/82 en exerçant en Italie une activité professionnelle à caractère permanent à partir de son propre cabinet et en utilisant le titre d' "avvocato".

10 Le 14 octobre 1991, M. Gebhard a introduit auprès du conseil de l' ordre de Milan une demande d' inscription au tableau des avocats. Cette demande était fondée sur la directive 89/48/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d' enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d' une durée minimale de trois ans (JO 1989, L 19, p. 16), et sur l' accomplissement, en Italie, d' un stage professionnel de plus de dix ans. Il ne semble pas que le conseil de l' ordre ait adopté une décision formelle à la suite de cette demande.

11 La procédure disciplinaire, ouverte le 19 septembre 1991, s' est terminée par une décision du 30 novembre 1992 par laquelle le conseil de l' ordre de Milan a imposé à M. Gebhard une sanction de suspension de l' exercice de l' activité professionnelle pendant six mois ("sospensione dell' esercizio dell' attività professionale").

12 M. Gebhard a introduit, devant le Consiglio Nazionale Forense, un recours contre cette décision, précisant toutefois que son recours visait également à contester le refus implicite à sa demande d' inscription au tableau. Il fait notamment valoir, dans ce recours, que la directive 77/249 lui accorde le droit d' exercer ses activités professionnelles à partir de son propre cabinet à Milan.

13 La directive 77/249 s' applique aux activités d' avocat exercées en prestation de services. Elle prévoit que l' avocat prestataire de services utilisera son titre professionnel exprimé dans la ou l' une des langues de l' État membre de provenance, avec indication de l' organisation professionnelle dont il relève ou de la juridiction auprès de laquelle il est admis en application de la législation de cet État (article 3).

14 Cette directive opère une distinction entre, d' une part, les activités relatives à la représentation et à la défense d' un client en justice ou devant des autorités publiques et, d' autre part, toutes les autres activités.

15 Pour l' exercice des activités de représentation et de défense, l' avocat respecte les règles professionnelles de l' État membre d' accueil, sans préjudice des obligations qui

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lui incombent dans l' État membre de provenance (article 4, paragraphe 2). Pour l' exercice de toutes les autres activités, l' avocat reste soumis aux conditions et règles professionnelles de l' État membre de provenance sans préjudice du respect des règles, quelle que soit leur source, qui régissent la profession dans l' État membre d' accueil, notamment de celles concernant l' incompatibilité entre l' exercice des activités d' avocat et celui d' autres activités dans cet État, le secret professionnel, les rapports confraternels, l' interdiction d' assistance par un même avocat de parties ayant des intérêts opposés et la publicité (article 4, paragraphe 4).

16 L' article 4, paragraphe 1, de la directive 77/249 dispose que "Les activités relatives à la représentation et à la défense d' un client en justice ou devant des autorités publiques sont exercées dans chaque État membre d' accueil dans les conditions prévues pour les avocats établis dans cet État, à l' exclusion de toute condition de résidence ou d' inscription à une organisation professionnelle dans ledit État".

17 La directive 77/249 a été transposée en Italie par la loi n 31/82 dont l' article 2 dispose:

"(Les ressortissants des États membres habilités dans l' État membre de provenance à exercer l' activité d' avocat) sont admis à l' exercice des activités professionnelles d' avocat, dans le domaine judiciaire et extrajudiciaire, pour une durée temporaire (' con carattere di temporaneità' ) et suivant les modalités fixées dans le présent titre.

Pour l' exercice des activités professionnelles visées à l' alinéa précédent, il n' est permis d' établir sur le territoire de la République ni un cabinet ni un siège principal ou secondaire."

18 C' est dans ces conditions que le Consiglio Nazionale Forense a sursis à statuer et a invité la Cour à se prononcer à titre préjudiciel:

"a) quant à la question de savoir si l' article 2 de la loi n 31, du 9 février 1982, relative à la libre prestation de services par les avocats ayant la qualité de ressortissant d' un État membre des Communautés européennes (loi assurant la mise en oeuvre de la directive CEE du 22 mars 1977), disposition selon laquelle il n' est pas permis d' 'ouvrir un cabinet sur le territoire de la République, que ce soit à titre d' établissement principal ou secondaire' , est compatible avec la réglementation formulée par la directive précitée, attendu que cette dernière ne contient aucune allusion au fait que l' ouverture d' un cabinet pourrait être interprétée comme significative de la volonté, chez l' avocat concerné, d' exercer une activité à caractère non pas temporaire ou occasionnel, mais permanent;

b) quant aux critères ° fondés sur la durée ou la fréquence des prestations fournies par l' avocat agissant dans le cadre du régime défini par la directive susmentionnée ° à appliquer pour apprécier le caractère temporaire ou non de cette activité".

19 Eu égard aux termes de la question préjudicielle, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Cour n' est pas compétente pour statuer sur la compatibilité d' une mesure nationale avec le droit communautaire. Elle a toutefois compétence pour fournir à la juridiction nationale tous les éléments d' interprétation

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relevant du droit communautaire qui peuvent lui permettre d' apprécier cette compatibilité pour le jugement de l' affaire dont elle est saisie (voir, notamment, arrêt du 11 août 1995, Belgapom, C-63/94, non encore publié au Recueil, point 7).

20 Il y a lieu d' observer, tout d' abord, que la situation d' un ressortissant communautaire, qui se déplace dans un autre État membre de la Communauté afin d' y exercer une activité économique, relève soit du chapitre du traité relatif à la libre circulation des travailleurs, soit de celui relatif au droit d' établissement, soit de celui relatif aux services, qui s' excluent l' un l' autre.

21 Le chapitre relatif aux travailleurs n' étant pas pertinent en l' espèce, il peut être écarté d' emblée de l' examen des questions posées, lesquelles concernent essentiellement les notions d' "établissement" et de "prestation de services".

22 Il y a lieu ensuite de relever que les dispositions du chapitre relatif aux services sont subsidiaires par rapport à celles du chapitre relatif au droit d' établissement dans la mesure où, en premier lieu, les termes de l' article 59, premier alinéa, présupposent que le prestataire et le destinataire du service concerné sont "établis" dans deux États membres différents et où, en second lieu, l' article 60, premier alinéa, précise que les dispositions relatives aux services ne trouvent application que si celles relatives au droit d' établissement ne s' appliquent pas. Il est donc nécessaire d' examiner le champ d' application de la notion d' "établissement".

23 Le droit d' établissement, prévu aux articles 52 à 58 du traité, est reconnu tant aux personnes morales au sens de l' article 58 qu' aux personnes physiques ressortissantes d' un État membre de la Communauté. Il comporte, sous réserve des exceptions et conditions prévues, l' accès sur le territoire de tout autre État membre à toutes sortes d' activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d' entreprises, la création d' agences, de succursales ou de filiales.

24 Il s' ensuit qu' une personne peut être établie, au sens du traité, dans plus d' un État membre, et ce, notamment dans le cas des sociétés, par la création d' agences, de succursales ou de filiales (article 52) et, comme la Cour l' a jugé dans le cas des membres des professions libérales, par la création d' un deuxième domicile professionnel (voir arrêt du 12 juillet 1984, Klopp, 107/83, Rec. p. 2971, point 19).

25 La notion d' établissement au sens du traité est donc une notion très large, impliquant la possibilité pour un ressortissant communautaire de participer, de façon stable et continue, à la vie économique d' un État membre autre que son État d' origine, et d' en tirer profit, favorisant ainsi l' interpénétration économique et sociale à l' intérieur de la Communauté dans le domaine des activités non salariées (voir, en ce sens, arrêt du 21 juin 1974, Reyners, 2/74, Rec. p. 631, point 21).

26 En revanche, pour le cas où le prestataire d' un service se déplace dans un autre État membre, les dispositions du chapitre relatif aux services, et, notamment, l' article 60, troisième alinéa, du traité, prévoient que ce prestataire y exerce son activité à titre temporaire.

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27 Comme M. l' avocat général l' a relevé, le caractère temporaire des activités en cause est à apprécier non seulement en fonction de la durée de la prestation, mais également en fonction de sa fréquence, périodicité ou continuité. Le caractère temporaire de la prestation n' exclut pas la possibilité pour le prestataire de services, au sens du traité, de se doter, dans l' État membre d' accueil, d' une certaine infrastructure (y compris un bureau, cabinet ou étude) dans la mesure où cette infrastructure est nécessaire aux fins de l' accomplissement de la prestation en cause.

28 Toutefois, cette situation est à distinguer de celle de M. Gebhard qui, ressortissant d' un État membre, exerce, de façon stable et continue, une activité professionnelle dans un autre État membre où, à partir d' un domicile professionnel, il s' adresse, entre autres, aux ressortissants de cet État. Ce ressortissant relève des dispositions du chapitre relatif au droit d' établissement et non de celui relatif aux services.

29 Le conseil de l' ordre de Milan a fait valoir qu' une personne, telle que M. Gebhard, ne peut être considérée, au sens du traité, comme étant "établie" dans un État membre, en l' occurrence l' Italie, que si elle appartient à l' ordre professionnel de cet État ou, à tout le moins, si elle exerce son activité en collaboration ou en association avec des personnes y appartenant.

30 Cette argumentation ne saurait être accueillie.

31 Les dispositions relatives au droit d' établissement visent l' accès aux activités et leur exercice (voir, notamment, arrêt Reyners, précité, points 46 et 47). En effet, l' appartenance à un ordre professionnel relève des conditions applicables à l' accès aux activités et à leur exercice et ne peut, dès lors, être considérée comme un élément constitutif de cet établissement.

32 Il s' ensuit que la possibilité pour un ressortissant d' un État membre d' exercer son droit d' établissement et les conditions de son exercice doivent être appréciées en fonction des activités qu' il entend exercer sur le territoire de l' État membre d' accueil.

33 Aux termes de l' article 52, deuxième alinéa, la liberté d' établissement est exercée dans les conditions définies par la législation du pays d' établissement pour ses propres ressortissants.

34 Dans l' hypothèse où les activités spécifiques en cause ne sont soumises à aucune réglementation dans l' État d' accueil, de sorte qu' un ressortissant de cet État membre ne doit remplir aucune qualification spéciale pour les exercer, le ressortissant de tout autre État membre a le droit de s' établir sur le territoire du premier État et d' y exercer ces mêmes activités.

35 Toutefois, l' accès à certaines activités non salariées et leur exercice peuvent être subordonnés au respect de certaines dispositions législatives, réglementaires ou administratives, justifiées par l' intérêt général, telles que les règles d' organisation, de qualification, de déontologie, de contrôle et de responsabilité (voir arrêt du 28 avril 1977, Thieffry, 71/76, Rec. p. 765, point 12). Ces dispositions peuvent notamment prévoir que l' exercice d' une activité spécifique est réservé, selon le cas, aux personnes titulaires d' un diplôme, certificat ou autre titre, aux personnes relevant d' un ordre

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professionnel ou bien aux personnes assujetties à une certaine discipline ou contrôle. Elles peuvent également prescrire les conditions d' utilisation des titres professionnels, tels que celui d' "avvocato".

36 Lorsque l' accès à une activité spécifique, ou l' exercice de celle-ci, est subordonné dans l' État membre d' accueil à de telles conditions, le ressortissant d' un autre État membre, entendant exercer cette activité, doit en principe y répondre. C' est pourquoi l' article 57 prévoit que le Conseil arrêtera des directives telles que la directive 89/48, précitée, visant, d' une part, à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres et, d' autre part, à la coordination des dispositions nationales concernant l' accès aux activités non salariées et l' exercice de celles-ci.

37 Il résulte toutefois de la jurisprudence de la Cour que les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l' exercice des libertés fondamentales garanties par le traité doivent remplir quatre conditions: qu' elles s' appliquent de manière non discriminatoire, qu' elles se justifient par des raisons impérieuses d' intérêt général, qu' elles soient propres à garantir la réalisation de l' objectif qu' elles poursuivent et qu' elles n' aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l' atteindre (voir arrêt du 31 mars 1993, Kraus, C-19/92, Rec. p. I-1663, point 32).

38 De même, les États membres ne peuvent, dans l' application de leurs dispositions nationales, faire abstraction des connaissances et qualifications déjà acquises par l' intéressé dans un autre État membre (voir arrêt du 7 mai 1991, Vlassopoulou, C-340/89, Rec. p. I-2357, point 15). En conséquence, ils sont tenus de prendre en compte l' équivalence des diplômes (voir arrêt Thieffry, précité, points 19 et 27) et, le cas échéant, de procéder à un examen comparatif des connaissances et des qualifications exigées par leurs dispositions nationales avec celles de l' intéressé (voir arrêt Vlassopoulou, précité, point 16).

39 Au vu de ce qui précède, il convient de répondre aux questions posées par le Consiglio Nazionale Forense que:

° le caractère temporaire de la prestation de services, prévu par l' article 60, troisième alinéa, du traité CE, est à apprécier en fonction de sa durée, de sa fréquence, de sa périodicité et de sa continuité;

° le prestataire de services, au sens du traité, peut se doter, dans l' État membre d' accueil, de l' infrastructure nécessaire aux fins de l' accomplissement de sa prestation;

° un ressortissant d' un État membre qui, de façon stable et continue, exerce une activité professionnelle dans un autre État membre où, à partir d' un domicile professionnel, il s' adresse, entre autres, aux ressortissants de cet État, relève des dispositions du chapitre relatif au droit d' établissement et non de celui relatif aux services;

° la possibilité pour un ressortissant d' un État membre d' exercer son droit d' établissement et les conditions de son exercice doivent être appréciées en fonction des activités qu' il entend exercer sur le territoire de l' État membre d' accueil;

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° lorsque l' accès à une activité spécifique n' est soumis à aucune réglementation dans l' État d' accueil, le ressortissant de tout autre État membre a le droit de s' établir sur le territoire du premier État et d' y exercer cette activité. En revanche, lorsque l' accès à une activité spécifique, ou l' exercice de celle-ci, est subordonné dans l' État membre d' accueil à certaines conditions, le ressortissant d' un autre État membre, entendant exercer cette activité, doit en principe y répondre;

° toutefois, les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l' exercice des libertés fondamentales garanties par le traité doivent remplir quatre conditions: qu' elles s' appliquent de manière non discriminatoire, qu' elles se justifient par des raisons impérieuses d' intérêt général, qu' elles soient propres à garantir la réalisation de l' objectif qu' elles poursuivent et qu' elles n' aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l' atteindre;

° de même, les États membres sont tenus de prendre en compte l' équivalence des diplômes et, le cas échéant, de procéder à un examen comparatif des connaissances et des qualifications exigées par leurs dispositions nationales avec celles de l' intéressé.

Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur les questions à elle soumises par le Consiglio Nazionale Forense, par ordonnance du 16 décembre 1993, dit pour droit:

1) Le caractère temporaire de la prestation de services, prévu par l' article 60, troisième alinéa, du traité CE, est à apprécier en fonction de sa durée, de sa fréquence, de sa périodicité et de sa continuité.

2) Le prestataire de services, au sens du traité, peut se doter, dans l' État membre d' accueil, de l' infrastructure nécessaire aux fins de l' accomplissement de sa prestation.

3) Un ressortissant d' un État membre qui, de façon stable et continue, exerce une activité professionnelle dans un autre État membre où, à partir d' un domicile professionnel, il s' adresse, entre autres, aux ressortissants de cet État, relève des dispositions du chapitre relatif au droit d' établissement et non de celui relatif aux services.

4) La possibilité pour un ressortissant d' un État membre d' exercer son droit d' établissement et les conditions de son exercice doivent être appréciées en fonction des activités qu' il entend exercer sur le territoire de l' État membre d' accueil.

5) Lorsque l' accès à une activité spécifique n' est soumis à aucune réglementation dans l' État d' accueil, le ressortissant de tout autre État membre a le droit de s' établir sur le territoire du premier État et d' y exercer cette activité. En revanche, lorsque l' accès à une activité spécifique, ou l' exercice de celle-ci, est subordonné dans l' État membre d' accueil à certaines conditions, le ressortissant d' un autre État membre, entendant exercer cette activité, doit en principe y répondre.

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6) Les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l' exercice des libertés fondamentales garanties par le traité doivent remplir quatre conditions: qu' elles s' appliquent de manière non discriminatoire, qu' elles se justifient par des raisons impérieuses d' intérêt général, qu' elles soient propres à garantir la réalisation de l' objectif qu' elles poursuivent et qu' elles n' aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l' atteindre.

7) Les États membres sont tenus de prendre en compte l' équivalence des diplômes et, le cas échéant, de procéder à un examen comparatif des connaissances et des qualifications exigées par leurs dispositions nationales avec celles de l' intéressé.

Bénéficiaires de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services

ARTICLE 54 DU TFUE

Les sociétés constituées en conformité de la législation d’un Etat membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de l’Union sont assimilées, pour l’application des dispositions du présent chapitre, aux personnes physiques ressortissantes des Etats membres.

Par sociétés, on entend les sociétés de droit civil ou commercial, y compris les sociétés coopératives, et les autres personnes morales relevant du droit public ou privé, à l’exception des sociétés qui ne poursuivent pas un but lucratif .

EXTRAITS DE LA CONVENTIONDE BRUXELLES DU 29 FEVRIER 1968

Chapitre Ier. Domaine et conditions de la reconnaissance

Article 1erSont reconnues de plein droit les sociétés de droit civil ou commercial, y compris les sociétés coopératives, constituées en conformité de la loi d un Etat contractant qui leur accorde la capacité d être titulaires de droits et d obligations, et ayant leur siège statutaire dans les territoires auxquels s applique la présente Convention.

Article 2Sont également reconnues de plein droit les personnes morales de droit public ou de droit privé, autres que les sociétés mentionnées à l article 1, remplissant les conditions prévues audit article, et qui, à titre principal ou accessoire, ont pour objet une activité économique exercée normalement contre rémunération ou qui, sans contrevenir à la loi en conformité de laquelle elles ont été constituées, se livrent en fait de manière continue à une telle activité.

Article 3Toutefois, tout Etat contractant peut déclarer qu il n appliquera pas la présente Convention aux sociétés ou personnes morales mentionnées aux articles 1 et 2 dont le siège réel se trouve hors des territoires auxquels s applique la présente Convention, si ces sociétés ou personnes morales n ont pas de lien sérieux avec l économie de l un de ces territoires.

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Article 4Tout Etat contractant peut également déclarer qu il appliquera les dispositions de sa propre loi qu il considère comme impératives, aux sociétés ou personnes morales mentionnées aux articles 1 et 2 dont le siège réel se trouve sur son territoire, bien qu elles aient été constituées selon la loi d un autre Etat contractant. Les dispositions supplétives de la loi de l Etat qui a fait une telle déclaration ne s appliquent que dans l un des deux cas suivants: si les statuts n y dérogent pas, le cas échéant par une référence expresse et globale à la loi en conformité de laquelle la société ou personne morale s est constituée, si, à défaut d une telle dérogation dans les statuts, la société ou personne morale ne démontre pas qu elle a exercé effectivement son activité pendant un temps raisonnable dans l Etat con- tractant en conformité de la loi duquel elle s est constituée. Article 5Au sens de la présente Convention, on entend par siège réel des sociétés ou personnes morales le lieu où est établie leur administration centrale.

Chapitre II. Effets de la reconnaissance

Article 6Sans préjudice de l application de l article 4, les sociétés ou personnes morales reconnues en vertu de la présente Convention ont la capacité qui leur est accordée par la loi en conformité de laquelle elles ont été constituées.

Article 7L Etat dans lequel la reconnaissance est invoquée peut refuser à ces sociétés ou personnes morales les droits et facultés déterminés qu il n accorde pas aux sociétés ou personnes morales de type corres- pondant, régies par sa propre loi. Toutefois, l exercice de cette faculté ne peut avoir pour effet de retirer à ces sociétés ou personnes morales leur capacité d être titulaires de droits et d obligations, de passer des contrats ou d accomplir d autres actes juridiques et d ester en justice. Les sociétés ou personnes morales mentionnées aux articles 1 et 2 ne peuvent pas invoquer les limitations à leurs droits et facultés prévues au présent article.

Article 8La capacité, les droits et facultés d une société reconnue en vertu de la présente Convention, ne peuvent être refusés ou limités pour la seule raison que la loi en conformité de laquelle elle a été constituée ne lui accorde pas la personnalité morale.

Chapitre III. Ordre public

Article 9Dans chaque Etat contractant, l application de la présente Convention ne peut être écartée que lorsque la société ou personne morale qui l invoque contrevient par son objet, par son but ou par l activité effectivement exercée, à des principes ou à des règles que ledit Etat considère comme d ordre public au sens du droit international privé. Si la loi en conformité de laquelle une société s est constituée admet que celle-ci existe juridiquement si elle n a qu un seul associé, ladite société ne peut pour ce seul motif être

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considérée par un Etat contractant comme contraire à son ordre public au sens du droit international privé.

Article 10Ne peuvent être considérés comme étant d ordre public, au sens de l article 9, des principes ou des règles contraires aux dispositions du traité instituant la Communauté économique européenne.

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THEME 2

LA LIBERTE D’ETABLISSEMENT SECONDAIRE

1. CJCE, 9 mars 1999, « Centros » : aff. C-212/97, concl. A. La PERLOGA, Rec. 1 – 1459 ; D. 1999, cahier droit des affaires, jur., p.550, note M. MENJUCQ (reproduite) ; JCP 1999, éd. E, p.1285, obs. Y. REINHARD ; Bull. Joly 1999, 157, note J.-P.DOM, JDI 2000, p.484, obs. M. LUBY.

2. CJCE, 5 novembre 2002, « Uberseering » : aff. C-208/00, JCP 2003, éd. G, II 10 032, note M. MENJUCQ, Rev. Crit. DIP 2003, p.508, note P. LAGARDE (reproduite), Bull. Joly Sociétés, 2003, §91, p. 452, note M. LUBY, Europe 2003, comm. 19 ; obsv. L. IDOT.

3. CJCE, 30 septembre 2003, « Inspire Art », aff. C-167/01, Rev. Crit. DIP 2003, p. 151, note H. MUIR WATT, JCP éd. E 2004.251, note V. MAGNIER, D. 2004.491, note E. PATAUT, JCP 2004.II.10002, note M. LUBY.

4. CJCE 13 décembre 2005, « SEVIC Systems », aff C-411/03, D. 2006, p. 451 note M. LUBY.

Pistes de travail

- Comparer la position de la CJCE dans les trois premiers arrêts reproduits ci-dessus.

- Les rôles respectifs de l’Etat membre d’origine et de l’Etat membre d’accueil.

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CJCE , 9 MARS 1999 CENTROS

1 Par ordonnance du 3 juin 1997, parvenue à la Cour le 5 juin suivant, le Højesteret a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, une question préjudicielle sur l'interprétation des articles 52, 56 et 58 du même traité.

2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant Centros Ltd (ci-après «Centros»), «private limited company» enregistrée le 18 mai 1992 en Angleterre et au pays de Galles, à Erhvervs- og Selskabsstyrelsen (direction générale du commerce et des sociétés), relevant du ministère du Commerce danois, à propos du refus par cette administration d'immatriculer au Danemark une succursale de Centros.

3 Il ressort du dossier au principal que Centros n'a exercé aucune activité depuis sa création. La législation du Royaume-Uni ne soumettant les sociétés à responsabilité limitée à aucune exigence relative à la constitution et à la libération d'un capital social minimal, le capital social de Centros, qui s'élève à 100 UKL, n'a été ni libéré ni mis à la disposition de la société. Il est réparti en deux parts sociales détenues par M. et Mme Bryde, des ressortissants danois résidant au Danemark. Mme Bryde est le directeur de Centros, dont le siège est situé au Royaume-Uni, au domicile d'un ami de M. Bryde.

4 En droit danois, Centros, en tant que «private limited company», est considérée comme une société à responsabilité limitée étrangère. Les règles en matière d'immatriculation des succursales («filialer») de telles sociétés sont fixées par l'anpartsselskabslov (loi sur les sociétés à responsabilité limitée).

5 L'article 117 de cette loi disposait notamment:

«1) Les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés de forme juridique analogue étrangères qui sont domiciliées dans un État membre des Communautés européennes peuvent exercer une activité au Danemark par le biais d'une succursale».

6 Durant l'été 1992, Mme Bryde a demandé à Erhvervs- og Selskabsstyrelsen d'immatriculer une succursale de Centros au Danemark.

7 Erhvervs- og Selskabsstyrelsen a refusé l'immatriculation au motif notamment que Centros, qui n'exerce aucune activité commerciale au Royaume-Uni, cherchait en réalité à constituer au Danemark non pas une succursale mais un établissement principal, en éludant les règles nationales relatives, notamment, à la libération d'un capital minimal fixé à 200 000 DKR par la loi n_ 886 du 21 décembre 1991.

8 Centros a introduit devant l'Østre Landsret un recours à l'encontre de la décision de refus d'Erhvervs- og Selskabsstyrelsen.

9 L'Østre Landsret ayant fait droit aux arguments d'Erhvervs- og Selskabsstyrelsen dans un arrêt du 8 septembre 1995, Centros a porté son recours devant le Højesteret.

10 Dans le cadre de cette procédure, Centros soutient qu'elle remplit les conditions auxquelles la loi sur les sociétés à responsabilité limitée soumet l'immatriculation d'une succursale de société étrangère. Dès lors qu'elle a été légalement constituée au Royaume-Uni, elle serait en droit de constituer une succursale au Danemark en vertu de l'article 52, lu en combinaison avec l'article 58 du traité.

11 Selon Centros, le fait de n'avoir exercé aucune activité depuis sa création au Royaume-Uni est sans incidence sur son droit de libre établissement. En effet, dans l'arrêt du 10 juillet 1986, Segers (79/85, Rec. p. 2375), la Cour aurait dit pour droit que les articles 52 et 58 du traité s'opposaient à ce que les autorités d'un État membre refusent à un directeur de société le bénéfice d'un régime national de prestations d'assurance maladie au seul motif que la société avait son siège social dans un autre État membre, même si elle n'y exerçait pas d'activités commerciales.

12 Erhvervs- og Selskabsstyrelsen estime pour sa part que le refus d'immatriculation n'est pas contraire aux articles 52 et 58 du traité dès lors que la constitution de la succursale au Danemark apparaît comme un moyen de se soustraire aux règles nationales relatives à la constitution et à la libération d'un capital minimal. Le refus

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d'immatriculation serait en outre justifié par la nécessité de protéger les créanciers publics ou privés et les cocontractants ou encore par la nécessité de lutter contre les faillites frauduleuses.

13 Dans ces conditions, le Højesteret a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Est-il compatible avec l'article 52, ainsi qu'avec les articles 56 et 58, du traité CE de refuser l'immatriculation d'une succursale d'une société établie dans un autre État membre et qui, sur la base d'un capital social de 100 UKL (environ 1 000 DKR), a été constituée légalement et existe en conformité avec la législation de cet État membre lorsque la société en cause n'exerce pas elle-même d'activités commerciales, mais qu'il est envisagé de constituer ladite succursale pour exercer l'ensemble de l'activité dans le pays où elle est constituée, et qu'il y a lieu de considérer que la méthode utilisée vise à éviter de constituer une société dans ce dernier État membre dans le but de se soustraire à la libération du capital minimum de 200 000 DKR (à présent 125 000 DKR)?»

14 Par sa question, le juge national demande en substance si les articles 52 et 58 du traité s'opposent à ce qu'un État membre refuse l'immatriculation d'une succursale d'une société constituée en conformité avec la législation d'un autre État membre dans lequel elle a son siège sans y exercer d'activités commerciales lorsque la succursale est destinée à permettre à la société en cause d'exercer l'ensemble de son activité dans l'État où cette succursale sera constituée, en évitant d'y constituer une société et en éludant ainsi l'application des règles de constitution des sociétés qui y sont plus contraignantes en matière de libération d'un capital social minimal.

15 Il convient, à titre liminaire, de préciser qu'Erhvervs- og Selskabsstyrelsen ne conteste aucunement que toute société par actions ou à responsabilité limitée ayant son siège dans un autre État membre puisse exercer une activité au Danemark au travers d'une succursale. Elle accepte donc, en règle générale, l'immatriculation au Danemark d'une succursale d'une société constituée selon le droit d'un autre État membre. Elle a notamment ajouté que, si Centros avait eu une activité commerciale en Angleterre et au pays de Galles, elle aurait accepté l'immatriculation au Danemark de sa succursale.

16 Selon le gouvernement danois, l'article 52 du traité ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce au principal, car il s'agirait d'une situation purement interne au Danemark. M. et Mme Bryde, ressortissants danois, auraient en effet constitué au Royaume-Uni une société n'y exerçant aucune activité effective dans le but exclusif d'exercer une activité au Danemark par l'intermédiaire d'une succursale et d'éviter ainsi l'application de la législation danoise relative à la constitution des sociétés à responsabilité limitée. Dans de telles circonstances, la constitution par des ressortissants d'un État membre d'une société dans un autre État membre ne constituerait pas un élément d'extranéité pertinent au regard du droit communautaire et notamment de la liberté d'établissement.

17 A cet égard, il convient d'observer qu'une situation dans laquelle une société constituée selon le droit d'un État membre dans lequel elle a son siège statutaire désire créer une succursale dans un autre État membre relève du droit communautaire. Il est sans importance à cet égard que la société n'ait été constituée dans le premier État membre qu'en vue de s'établir dans le second où serait exercé l'essentiel, voire l'ensemble, de ses activités économiques (voir, en ce sens, arrêt Segers, précité, point 16).

18 La circonstance que les époux Bryde ont constitué la société Centros au Royaume-Uni dans le but d'échapper à la législation danoise qui impose la libération d'un capital social minimal, qui n'a été contestée ni dans les observations écrites ni lors de l'audience, n'exclut pas non plus que la création par cette société britannique d'une succursale au Danemark relève de la liberté d'établissement au sens des articles 52 et 58 du traité. La question de l'application des articles 52 et 58 du traité est, en effet, distincte de celle de savoir si un État membre peut prendre des mesures pour empêcher que, en recourant aux possibilités offertes par le traité, certains de ses ressortissants ne tentent de se soustraire abusivement à l'emprise de leur législation nationale.

19 Sur le point de savoir si, comme le prétendent les époux Bryde, le refus d'immatriculer au Danemark la succursale de leur société constituée selon le droit d'un autre État membre où elle a son siège constitue une entrave à la liberté d'établissement, il convient de rappeler que la liberté d'établissement reconnue par l'article 52 du traité aux ressortissants communautaires comporte pour ces derniers le droit d'accéder aux activités non salariées et de les exercer ainsi que celui de gérer et de constituer des entreprises dans les mêmes conditions que celles définies par la législation de l'État membre d'établissement pour ses propres ressortissants. En outre, l'article 58 du traité assimile aux personnes physiques, ressortissantes des États membres, les sociétés constituées

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en conformité avec la législation d'un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de la Communauté.

20 Il s'ensuit directement que ces sociétés ont le droit d'exercer leur activité dans un autre État membre par l'intermédiaire d'une agence, succursale ou filiale, la localisation de leur siège statutaire, de leur administration centrale ou de leur principal établissement servant à déterminer, à l'instar de la nationalité des personnes physiques, leur rattachement à l'ordre juridique d'un État membre (voir, en ce sens, arrêts Segers, point 13; du 28 janvier 1986, Commission/France, 270/83, Rec. p. 273, point 18; du 13 juillet 1993, Commerzbank, C-330/91, Rec. p. I-4017, point 13, et du 16 juillet 1998, ICI, C-264/96, Rec. p. I-4695, point 20).

21 Or, la pratique consistant, dans un État membre, à refuser, dans certaines circonstances, l'immatriculation d'une succursale d'une société ayant son siège dans un autre État membre, aboutit à empêcher des sociétés constituées en conformité avec la législation de cet autre État membre d'exercer le droit d'établissement qui leur est conféré par les articles 52 et 58 du traité.

22 Par conséquent, une telle pratique constitue une entrave à l'exercice des libertés garanties par ces dispositions.

23 Selon les autorités danoises, les époux Bryde ne pourraient toutefois se prévaloir de ces dispositions, dès lors que le montage de sociétés qu'ils envisagent aurait pour seul but de contourner l'application du droit national régissant la constitution de sociétés à responsabilité limitée et constituerait de ce fait un usage abusif du droit d'établissement. Le royaume de Danemark serait par conséquent en droit de prendre des mesures pour s'opposer à un tel abus, en refusant l'immatriculation de la succursale.

24 Certes, il résulte de la jurisprudence de la Cour qu'un État membre est en droit de prendre des mesures destinées à empêcher que, à la faveur des facilités créées en vertu du traité, certains de ses ressortissants ne tentent de se soustraire abusivement à l'emprise de leur législation nationale et que les justiciables ne sauraient abusivement ou frauduleusement se prévaloir des normes communautaires (voir, notamment, dans le domaine de la libre prestation de services, arrêts du 3 décembre 1974, Van Binsbergen, 33/74, Rec. p. 1299, point 13; du 3 février 1993, Veronica Omroep Organisatie, C-148/91, Rec. p. I-487, point 12, et du 5 octobre 1994, TV10, C-23/93, Rec. p. I-4795, point 21; en matière de liberté d'établissement, arrêts du 7 février 1979, Knoors, 115/78, Rec. p. 399, point 25, et du 3 octobre 1990, Bouchoucha, C-61/89, Rec. p. I-3551, point 14; en matière de libre circulation des marchandises, arrêt du 10 janvier 1985, Leclerc e.a., 229/83, Rec. p. 1, point 27; en matière de sécurité sociale, arrêt du 2 mai 1996, Paletta, C-206/94, Rec. p. I-2357, point 24; en matière de libre circulation des travailleurs, arrêt du 21 juin 1988, Lair, 39/86, Rec. p. 3161, point 43; en matière de politique agricole commune, arrêt du 3 mars 1993, General Milk Products, C-8/92, Rec. p. I-779, point 21; en matière de droit des sociétés, arrêt du 12 mai 1998, Kefalas e.a., C-367/96, Rec. p. I-2843, point 20).

25 Toutefois, si, dans de telles circonstances, les juridictions nationales peuvent, au cas par cas, en se fondant sur des éléments objectifs, tenir compte du comportement abusif ou frauduleux des personnes concernées pour leur refuser, le cas échéant, le bénéfice des dispositions du droit communautaire invoquées, elles doivent également, dans l'appréciation d'un tel comportement, prendre en considération les objectifs poursuivis par les dispositions communautaires en cause (arrêt Paletta, précité, point 25).

26 En l'espèce au principal, il convient de relever que les dispositions nationales dont les intéressés ont cherché à éviter l'application sont des règles régissant la constitution de sociétés et non des règles relatives à l'exercice de certaines activités professionnelles. Or, les dispositions du traité relatives à la liberté d'établissement visent précisément à permettre aux sociétés constituées en conformité avec la législation d'un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de la Communauté, d'exercer par l'intermédiaire d'une agence, d'une succursale ou d'une filiale, des activités dans d'autres États membres.

27 Dans ces conditions, le fait, pour un ressortissant d'un État membre qui souhaite créer une société, de choisir de la constituer dans l'État membre dont les règles de droit des sociétés lui paraissent les moins contraignantes et de créer des succursales dans d'autres États membres ne saurait constituer en soi un usage abusif du droit d'établissement. En effet, le droit de constituer une société en conformité avec la législation d'un État membre et de créer des succursales dans d'autres États membres est inhérent à l'exercice, dans un marché unique, de la liberté d'établissement garantie par le traité.

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28 A cet égard, la circonstance que le droit des sociétés ne soit pas complètement harmonisé dans la Communauté importe peu; au surplus, il est toujours loisible au Conseil, sur la base des pouvoirs que lui confère l'article 54, paragraphe 3, sous g), du traité CE, de compléter cette harmonisation.

29 En outre, il ressort du point 16 de l'arrêt Segers, précité, que le fait qu'une société n'exerce aucune activité dans l'État membre où elle a son siège et exerce ses activités uniquement dans l'État membre de sa succursale ne suffit pas à démontrer l'existence d'un comportement abusif et frauduleux permettant à ce dernier État membre de dénier à cette société le bénéfice des dispositions communautaires relatives au droit d'établissement.

30 Dans ces conditions, le refus, par un État membre, d'immatriculer la succursale d'une société constituée conformément au droit d'un autre État membre dans lequel elle a son siège au motif que la succursale est destinée à lui permettre d'exercer l'ensemble de son activité économique dans l'État d'accueil, avec pour conséquence que l'établissement secondaire échapperait aux règles nationales relatives à la constitution et à la libération d'un capital minimal, est incompatible avec les articles 52 et 58 du traité, dans la mesure où il empêche toute mise en oeuvre du droit au libre établissement secondaire dont les articles 52 et 58 visent précisément à assurer le respect.

31 Il convient enfin de se demander si la pratique nationale en cause ne pourrait être justifiée par les raisons qu'invoquent les autorités danoises.

32 Se référant tant à l'article 56 du traité qu'à la jurisprudence de la Cour relative aux raisons impérieuses d'intérêt général, Erhvervs- og Selskabsstyrelsen soutient que l'obligation, pour les sociétés à responsabilité limitée, de constituer et de libérer un capital social minimal poursuit un double objectif: d'une part, renforcer la solidité financière des sociétés en vue de protéger les créanciers publics contre le risque de voir les créances publiques devenir irrécouvrables, car, à la différence des créanciers privés, ils ne peuvent garantir leurs créances par la constitution d'une sûreté ou d'une caution, et, d'autre part, de manière plus générale, protéger tous les créanciers, publics ou privés, en prévenant le risque de faillite frauduleuse due à l'insolvabilité de sociétés dont la capitalisation initiale était insuffisante.

33 Erhvervs- og Selskabsstyrelsen ajoute qu'il n'existe pas de moyen moins contraignant d'atteindre ce double objectif. En effet, l'autre moyen de protéger les créanciers, à savoir l'instauration de règles prévoyant la possibilité de mettre en cause, à certaines conditions, la responsabilité personnelle des associés, serait plus contraignant que l'obligation de constituer et libérer un capital social minimal.

34 Après avoir relevé que les raisons invoquées ne relèvent pas de l'article 56 du traité, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice des libertés fondamentales garanties par le traité doivent remplir quatre conditions: elles doivent s'appliquer de manière non discriminatoire, se justifier par des raisons impérieuses d'intérêt général, être propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre (voir arrêts du 31 mars 1993, Kraus, C-19/92, Rec. p. I-1663, point 32, et du 30 novembre 1995, Gebhard, C-55/94, Rec. p. I-4165, point 37).

35 Ces conditions ne sont pas remplies en l'espèce au principal. Tout d'abord, la pratique en cause n'est pas à même d'atteindre l'objectif de protection des créanciers qu'elle est censée poursuivre puisque, si la société concernée avait exercé une activité au Royaume-Uni, sa succursale aurait été immatriculée au Danemark, alors même que les créanciers danois auraient pu être tout autant fragilisés.

36 Ensuite, la société en cause dans l'affaire au principal se présentant comme une société de droit anglais et non comme une société de droit danois, ses créanciers sont informés de ce qu'elle relève d'une législation différente de celle qui régit au Danemark la constitution des sociétés à responsabilité limitée et peuvent se référer à certaines règles de droit communautaire qui les protègent, telles la quatrième directive 78/660/CEE du Conseil, du 25 juillet 1978, fondée sur l'article 54 paragraphe 3 sous g) du traité et concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés (JO L 222, p. 11), et la onzième directive 89/666/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, concernant la publicité des succursales créées dans un État membre par certaines formes de société relevant du droit d'un autre État (JO L 395, p. 36).

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37 En outre, contrairement à ce qui a été exposé par les autorités danoises, des mesures moins contraignantes ou moins attentatoires pour les libertés fondamentales, donnant par exemple la possibilité légale aux créanciers publics de prendre les garanties nécessaires, pourraient être prises.

38 Enfin, le fait qu'un État membre ne puisse pas refuser l'immatriculation d'une succursale d'une société constituée en conformité avec la législation d'un autre État membre dans lequel elle a son siège n'exclut pas que ce premier État puisse prendre toute mesure de nature à prévenir ou à sanctionner les fraudes, soit à l'égard de la société elle-même, le cas échéant en coopération avec l'État membre dans lequel elle est constituée, soit à l'égard des associés dont il serait établi qu'ils cherchent en réalité, par le biais de la constitution d'une société, à échapper à leurs obligations vis-à-vis de créanciers privés ou publics établis sur le territoire de l'État membre concerné. En tout état de cause, la lutte contre la fraude ne saurait justifier une pratique de refus d'immatriculation d'une succursale de société ayant son siège dans un autre État membre.

39 Il convient donc de répondre à la question posée que les articles 52 et 58 du traité s'opposent à ce qu'un État membre refuse l'immatriculation d'une succursale d'une société constituée en conformité avec la législation d'un autre État membre dans lequel elle a son siège sans y exercer d'activités commerciales lorsque la succursale est destinée à permettre à la société en cause d'exercer l'ensemble de son activité dans l'État où cette succursale sera constituée, en évitant d'y constituer une société et en éludant ainsi l'application des règles de constitution des sociétés qui y sont plus contraignantes en matière de libération d'un capital social minimal. Toutefois, cette interprétation n'exclut pas que les autorités de l'État membre concerné puissent prendre toute mesure de nature à prévenir ou à sanctionner les fraudes, soit à l'égard de la société elle-même, le cas échéant en coopération avec l'État membre dans lequel elle est constituée, soit à l'égard des associés dont il serait établi qu'ils cherchent en réalité, par le biais de la constitution d'une société, à échapper à leurs obligations vis-à-vis de créanciers privés ou publics établis sur le territoire de l'État membre concerné.

Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur la question à elle soumise par le Højesteret, par ordonnance du 3 juin 1997, dit pour droit:

Les articles 52 et 58 du traité CE s'opposent à ce qu'un État membre refuse l'immatriculation d'une succursale d'une société constituée en conformité avec la législation d'un autre État membre dans lequel elle a son siège sans y exercer d'activités commerciales lorsque la succursale est destinée à permettre à la société en cause d'exercer l'ensemble de son activité dans l'État où cette succursale sera constituée, en évitant d'y constituer une société et en éludant ainsi l'application des règles de constitution des sociétés qui y sont plus contraignantes en matière de libération d'un capital social minimal. Toutefois, cette interprétation n'exclut pas que les autorités de l'État membre concerné puissent prendre toute mesure de nature à prévenir ou à sanctionner les fraudes, soit à l'égard de la société elle-même, le cas échéant en coopération avec l'État membre dans lequel elle est constituée, soit à l'égard des associés dont il serait établi qu'ils cherchent en réalité, par le biais de la constitution d'une société, à échapper à leurs obligations vis-à-vis de créanciers privés ou publics établis sur le territoire de l'État membre concerné.

Note M. MENJUCQ, D. 1999.550

Des ressortissants danois, M. et Mme Bryde, ont donné l'occasion à la Cour de justice de se prononcer par un arrêt du 9 mars 1999 (1) sur les questions de l'étendue de la liberté d'établissement et de la place de la fraude en droit communautaire (2) et d'adopter des solutions susceptibles d'avoir des répercussions importantes tant d'un point de vue économique que juridique.

Les faits ayant donné lieu à la question préjudicielle sont caractéristiques. M. et Mme Bryde, citoyens danois résidant au Danemark, ont constitué en Angleterre une private

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limited company (à peu près équivalente à une société à responsabilité limitée) dénommée Centros Ltd, celle-ci ayant son siège au domicile anglais d'un ami des époux Bryde. Le choix du lieu de constitution a uniquement été guidé par la souplesse de la législation anglaise qui n'exige aucun capital minimum et n'impose aucune condition quant à la libération du capital. C'est ainsi que le capital de la société Centros qui s'élève seulement à 100 Livres sterlings n'a pas été libéré. L'unicité de motif est démontrée surtout par le fait que la société Centros n'exerce aucune activité commerciale au Royaume-Uni, celle-ci étant entièrement dirigée vers le Danemark dans lequel les associés veulent établir une succursale. Considérant que le « montage » avait pour but d'éluder les règles danoises relatives au capital des sociétés à responsabilité limitée, la direction générale du commerce et des sociétés relevant du ministère du commerce danois refusa d'immatriculer la succursale.

Le litige s'élevant à propos du refus d'immatriculation de la succursale, le H°jesteret danois décida de surseoir à statuer et saisit la Cour de justice des Communautés européennes de la question préjudicielle suivante : le refus d'immatriculer une succursale d'une société légalement constituée dans un autre Etat membre est-il compatible avec les art. 52, 56 et 58 du Traité CE (actuels art. 43, 46 et 48 du Traité) lorsque la société n'exerce aucune activité dans le pays de constitution et que la constitution a pour but unique d'éluder les règles nationales relatives au capital social de l'Etat dans lequel les associés désirent implanter la succursale ?

La Cour de justice répond négativement à la question en affirmant que les art. 52 et 58 du Traité interdisent, même dans les circonstances de l'espèce, à un Etat de refuser d'immatriculer une succursale d'une société valablement constituée dans un autre Etat membre. La liberté d'établissement ne peut donc pas être entravée en raison du choix par les fondateurs d'une loi plus souple que celle de l'Etat où est exercée la totalité de l'activité sociale. C'est dire que les fondateurs ont la plus grande liberté pour choisir la loi applicable à leur société. Cependant, la Cour de justice précise que cette interprétation n'empêche pas un Etat de « prendre toute mesure de nature à prévenir ou à sanctionner les fraudes, soit à l'égard de la société elle-même, [...], soit à l'égard des associés qui chercheraient à échapper à leurs obligations vis-à-vis de créanciers privés ou publics... » (3). Par ce qui ressemble à un obiter dictum, puisque la fraude ne reçoit pas application en l'occurrence, il apparaît que la Cour de justice pose le principe général de la fraude en droit communautaire.

La Cour de justice des Communautés européennes consacre donc la liberté de choix de la loi applicable à la société (I) et crée en conséquence des opportunités importantes en matière de stratégie d'implantation des sociétés, ce qui ne manquera pas de renforcer la concurrence juridique entre les Etats membres pour attirer à eux les sociétés. Les opportunités seraient encore accrues si les sociétés pouvaient transférer leur siège social d'un Etat membre à un autre (4), des déplacements de sièges s'effectueraient certainement en assez grand nombre pour profiter d'une législation nationale plus favorable. Consciente des implications de la position adoptée, la Cour instaure un garde-fou, non appliqué en l'espèce, en reconnaissant un principe général de la fraude en droit communautaire (II) qui ouvre des perspectives juridiques nouvelles dépassant le seul droit d'établissement.

I - La consécration du libre choix de la loi applicable à la société

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En réalité, dans la présente espèce, la discussion portait sur les conséquences du libre établissement : ce principe fondamental emporte-t-il le droit de choisir sans restriction la loi applicable à la société que l'on crée ? La Cour de justice reconnaît le droit pour les fondateurs de choisir le rattachement juridique de la société (A) et écarte toutes restrictions nationales estimant que l'abus n'est pas caractérisé par le choix de la loi applicable (B).

A - Le droit de choisir le rattachement juridique de la sociétéC'est le premier apport de l'arrêt : un Etat membre ne peut pas refuser d'immatriculer l'établissement secondaire d'une société valablement constituée dans un autre Etat membre au motif que le rattachement juridique de la société choisi par les fondateurs n'aurait pas de réalité concrète et serait en quelque sorte fictif. En effet, même si le terme n'est pas directement évoqué, c'est bien la fictivité du rattachement de la société Centros au droit anglais qui était invoquée par la direction générale danoise du commerce et des sociétés. Celle-ci considérait que, dès lors que Centros n'exerçait aucune activité au Royaume-Uni et que l'ensemble des activités devant être réalisé au Danemark, ce n'était pas une succursale que les époux Hyde cherchaient à créer au Danemark mais bien l'établissement principal réel de la société.

En fait cette position avait pour fondement sous-jacent le système de rattachement dit du siège réel (5) qu'adopte le droit danois. En vertu de ce système, la régularité de l'immatriculation serait le droit de l'Etat de constitution n'est pas suffisante pour que la société soit valablement créée, encore faut-il que la société soit constituée dans l'Etat compétent c'est-à-dire dans celui où se situe son siège réel (6). Mais ce système ne pouvait ouvertement fonder l'argumentation en raison de l'existence de l'art. 48 du Traité CE (ancien art. 58). On sait que cet article prévoit que bénéficient de la liberté d'établissement de l'art. 43, du Traité CE (anc. art. 52) les sociétés constituées en conformité de la législation d'un Etat membre et qui ont dans la Communauté leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement. L'art. 48 se satisfait en conséquence du système d'incorporation d'inspiration anglo-saxonne qui admet qu'une société est valablement créée dès lors qu'elle est régulièrement constituée selon le droit d'un Etat étranger sans considération pour la localisation du siège réel de la société.

Or, dès lors que l'art. 48 du Traité CE se contente du système d'incorporation, il faut en admettre toutes les conséquences et plus particulièrement celles relatives au choix par les fondateurs de l'Etat dans lequel ils constituent leur société. Ce système de rattachement qui repose sur la volonté des fondateurs leur laisse toute liberté pour immatriculer leur société dans tel ou tel Etat et y fixer le siège social statutaire sans que leur choix ne puisse être restreint par la considération d'éléments objectifs tenant à l'effectivité du siège social ou à la localisation de l'activité sociale.

Evidemment cette liberté implique la possibilité pour les fondateurs de choisir la loi applicable à leur société puisque l'immatriculation (7) régulière d'une société dans un Etat membre confère compétence à la loi de cet Etat pour régir la constitution, le fonctionnement et la dissolution de cette société (8). Or en l'absence d'harmonisation communautaire complète du droit des sociétés des Etats membres, la faculté de choisir la loi applicable aboutit à une recherche des lois nationales les plus accommodantes qualifiée de « law shopping » (9). C'était le cas dans la présente affaire où les époux Hyde

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ont immatriculé leur société en Angleterre afin qu'elle soit soumise au droit anglais qui leur permettait de constituer une société à risque limitée sans avoir à libérer un quelconque capital minimum. Ce choix de la loi anglaise leur faisait réaliser une économie substantielle puisque la constitution d'une société de forme comparable au Danemark au moment des faits les aurait obligés à libérer un capital de 200 000 couronnes danoises (10).

En définitive, le choix du pays d'immatriculation est guidé par le contenu des droits nationaux des sociétés, les fondateurs recherchant positivement la compétence d'une législation souple. Cette recherche conduit inévitablement de manière négative à éluder l'application de législations nationales pouvant réclamer compétence, le problème étant de savoir si cette soustraction de la société à la loi d'un Etat caractérise un abus.

B - L'abus non caractérisé par la soustraction de la société à la loi d'un Etat membreLe principe de la primauté du droit communautaire interdit aux Etats de restreindre les libertés communautaires fondamentales par des mesures nationales. Cependant, par exception, la Cour de justice des Communautés européennes a reconnu aux Etats membres le pouvoir de lutter contre les comportements abusifs de certains ressortissants communautaires.

C'est à cette dernière jurisprudence que la direction du commerce et des sociétés se référait en faisant valoir que la société Centros n'avait été constituée au Royaume-Uni qu'en vue d'exercer son activité au Danemark par l'intermédiaire d'une succursale, ce « montage » ne répondant qu'au seul but de contourner l'application du droit danois relatif à la constitution des sociétés à responsabilité limitée. La direction danoise du commerce et des sociétés estimait avoir ainsi caractérisé l'usage abusif du droit communautaire que la Cour de justice des Communautés européennes a admis à plusieurs reprises (11). Selon cette jurisprudence, les juridictions nationales peuvent refuser à un ressortissant d'un Etat membre le bénéfice de dispositions communautaires dont il se prévaut abusivement ou frauduleusement dans le seul but de se soustraire à une législation nationale normalement applicable. Mais il faut bien saisir qu'il s'agit de l'application d'une disposition de droit national, en l'occurrence l'abus de droit, et qu'en conséquence sa mise en oeuvre ne peut être que limitée et ne saurait « modifier la portée de la disposition communautaire, ni compromettre les objectifs qu'elle poursuit [...], ni porter atteinte au plein effet et à l'application uniforme du droit communautaire » (12).

Dans la présente affaire, la Cour de justice relève que l'exercice de la liberté d'établissement consiste à permettre aux sociétés constituées dans un Etat d'avoir une activité dans les autres Etats membres par l'intermédiaire de succursales ou d'agence. En conséquence, les ressortissants d'un Etat membre qui choisissent de constituer une société dans un autre Etat membre parce que les règles de droit des sociétés y sont « moins contraignantes » ne font qu'exercer le droit d'établissement sans commettre d'abus. L'objectif de la liberté d'établissement est de favoriser la libre circulation des personnes physiques et morales ; cette liberté ne saurait être restreinte pour le seul motif que certaines législations nationales sont plus attractives que d'autres sinon il faudrait renoncer à la mettre en oeuvre avant une uniformisation générale et totale des droits des Etats membres. Comme l'énonce la Cour dans la présente décision, le droit de constituer une société dans un Etat membre et d'accomplir l'activité sociale au moyen de

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succursales dans d'autres Etats membres « est inhérent à l'exercice, dans un marché unique, de la liberté d'établissement » (13). Ainsi, les règles nationales restrictives relatives à la constitution des sociétés concernent le principe même de la liberté d'établissement communautaire et portent donc atteinte à son plein effet.

Par ailleurs, la Cour du Luxembourg avait déjà fixé sa jurisprudence dans l'arrêt Segers (14) quant à l'existence d'une activité sociale uniquement dans l'Etat de l'établissement secondaire en considérant que ce fait ne caractérisait pas un comportement abusif ou frauduleux dans la mesure où la liberté d'établissement interdit justement de distinguer selon la forme de l'établissement par l'intermédiaire duquel la société exerce son activité.

La nationalité danoise des fondateurs pouvait-elle modifier la perspective précitée ? La direction danoise l'invoquait à double titre : d'une part, pour nier le caractère communautaire du litige et, d'autre part, comme preuve du comportement abusif. La Cour de justice des communautés européennes rejette cet argument en indiquant à juste titre que la dimension communautaire du litige résultait de la création d'établissement dans plusieurs Etats membres, la nationalité des fondateurs n'important pas. Elle ne tient pas non plus compte de ce dernier élément pour caractériser le comportement abusif, ce qui se justifie là encore sous peine de créer une discrimination à rebours à l'encontre des nationaux d'un Etat membre qui ne pourraient constituer, contrairement aux ressortissants des autres Etats membres, une société dans un autre Etat et agir dans leur propre Etat au moyen d'une succursale.

Parallèlement à l'abus, la direction danoise du commerce et des sociétés soutenait que le fait d'éluder la loi danoise avait comme conséquence d'écarter la protection des intérêts qu'elle assure en rappelant l'objectif de protection des créanciers poursuivi par les règles relatives à la libération du capital social minimum. La Cour de justice admet (15) que, dans ce cas, les Etats membres peuvent prendre des mesures nationales rendant plus difficile l'exercice des libertés fondamentales à condition qu'elles remplissent les quatre conditions énoncées (16), c'est-à-dire qu'elles soient non discriminatoires, justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général, propres à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi et proportionnées à ce dernier. Selon la Cour de justice des Communautés européennes, la protection des créanciers n'est pas atteinte dès lors qu'ils seraient dans la même situation si la société avait une activité au Royaume-Uni et qu'ils sont informés que la société est régie par des règles autres que celles du droit danois (17) mais qui sont en toute hypothèse partiellement harmonisées. La Cour de justice ajoute que d'autres mesures plus conformes à la liberté d'établissement, comme « la possibilité légale (pour les) créanciers publics de prendre des garanties » étaient susceptibles d'être prises. Enfin et surtout, la Cour de justice affirme que l'impossibilité pour un Etat de refuser l'immatriculation d'une succursale « n'exclut pas que (cet) Etat puisse prendre toute mesure de nature à prévenir ou à sanctionner les fraudes ». C'est à notre sens reconnaître l'existence d'un principe général de la fraude en droit communautaire.

II - La reconnaissance du principe général de la fraude en droit communautaireLe second élément essentiel du présent arrêt réside dans l'admission du principe général de la fraude dans l'ordre juridique communautaire (A). La fraude demeure toutefois à préciser dans son application (B).

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A - Le principe de la fraude admis dans l'ordre juridique communautaireC'est la première fois à notre connaissance que la Cour de justice des Communautés européennes recourt directement à la notion de fraude alors que jusqu'à présent elle se contentait d'évoquer dans une même expression les « comportements abusifs et frauduleux ». Le point 38 de l'arrêt énonce effectivement que l'Etat en cause, « pour prévenir ou sanctionner les fraudes », peut prendre les mesures nécessaires, « soit à l'égard de la société elle-même, [...], soit à l'égard des associés dont il serait établi qu'ils cherchent en réalité, par le biais de la constitution d'une société à échapper à leurs obligations vis-à-vis de créanciers privés ou publics établis sur le territoire de l'Etat membre concerné ». L'évocation de la fraude est toutefois tempérée par le fait que la Cour de justice s'empresse de l'exclure de l'hypothèse ayant donné lieu au litige, « la lutte contre la fraude » ne justifiant pas selon elle le refus d'immatriculer la succursale d'une société dont le siège est dans un autre Etat membre, ce qui ne manque pas de soulever des incertitudes.

La question que l'on doit se poser consiste à savoir s'il est possible de reconnaître dans cette évocation, la consécration d'un principe général de fraude dans l'ordre juridique communautaire.

Une telle consécration n'a pas eu lieu à l'égard de l'abus de droit dont la Cour accepte qu'il reçoive application à titre de disposition nationale mais pas comme principe du droit communautaire (18). Or, la différence est d'importance car, en raison du principe de la primauté du droit communautaire, une disposition nationale restrictive ne peut en aucun cas recevoir application lorsqu'elle implique une solution contraire au droit communautaire ou porte atteinte à son plein effet et à son application uniforme. En revanche, si la mesure restrictive est élevée au rang de principe communautaire, elle permet de refuser l'exercice d'un droit fondé sur une règle communautaire (19). Cette élévation d'une disposition présente dans certains droits nationaux au rang de principe de l'ordre juridique communautaire peut être réalisée par la Cour de justice. Il n'est pas nécessaire que ladite règle soit connue de la totalité des droits nationaux, il suffit en réalité que la Cour de justice la retienne en s'inspirant des pratiques juridiques nationales et en l'adaptant aux nécessités du droit communautaire (20).

Tel est selon nous le cas à l'égard de la fraude connue de la plupart des droits des Etats membres même si elle n'est pas toujours érigée en principe général (21). La Cour fait sienne cette notion en la reprenant dans la double acception de fraude à la loi et de fraude aux droits des tiers qui lui est parfois conférée (22). En effet, elle évoque d'abord les mesures sanctionnant la société elle-même en précisant que dans ce cas la coopération entre l'Etat d'implantation de la succursale et l'Etat de constitution peut être envisagée. Or, cette coopération entre Etats n'a vraiment sa place que lorsque une loi nationale impérative a été éludée. La Cour de justice évoque ensuite les mesures étatiques sanctionnant les associés cherchant à se soustraire à leurs obligations à l'égard des créanciers locaux par la constitution d'une société : c'est bien la fraude aux droits des tiers qu'elle envisage.

Cette définition précise de la fraude, tout au moins à l'égard des tiers, et l'ébauche du régime de la sanction par la suggestion d'une coopération interétatique ainsi que par la distinction opérée entre les personnes sanctionnées - la société ou les associés -

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démontrent que la Cour de justice reprend à son compte la notion de fraude. Si elle avait considéré la notion de fraude comme une disposition de droit national, la Cour n'aurait pas eu à la définir, elle aurait même dépassé sa mission puisqu'elle n'a pas à interpréter le droit national. Au contraire, si la Cour de justice a pris soin de délimiter la notion de fraude, c'est pour l'adapter au droit communautaire et l'intégrer à l'ordre juridique communautaire comme principe général. Toutefois, si le principe de la fraude nous semble admis en droit communautaire, son application est à préciser.

B - L'application de la fraude à préciserL'application du principe de la fraude est à préciser aussi bien dans son régime que dans son domaine.

La Cour de justice des Communautés européennes ne livre que quelques brides du régime de la fraude : les autorités (lesquelles ?) des Etats membres concernés peuvent prendre toutes mesures (lesquelles ?) de nature à prévenir ou à sanctionner, éventuellement en coopération (comment l'organiser ?) avec l'Etat où se situe le siège social, à l'exception du refus d'immatriculation de la succursale d'une société valablement constituée dans un autre Etat membre.

Par l'expression « d'autorités des Etats membres » l'arrêt nous semble viser au premier chef celles qui sont chargées de la tenue et du contrôle des registres publics où sont inscrites les sociétés. En France, la tenue du registre du commerce et des sociétés est assurée par le greffier du tribunal de commerce sous la surveillance d'un juge du tribunal alors que par exemple en Allemagne il s'agit d'une juridiction spécialisée. Leur mission entre dans le cadre du contrôle préventif que la première directive n° 68/151 du 9 mars 1968 d'harmonisation en droit des sociétés (23) a voulu plus étendu pour contrebalancer la réduction des cas de nullité qu'elle prônait. Mais comme ces autorités ne peuvent pas selon le présent arrêt refuser l'immatriculation d'une succursale d'une société régulièrement constituée dans un autre Etat membre, on n'aperçoit guère quelles mesures de prévention ou de sanction elles peuvent appliquer (24). La voie suggérée par la Cour de justice est la sanction de la société en coopération avec l'Etat membre où la société s'est constituée. La suggestion paraît avoir pour objectif d'obtenir l'invalidation de la constitution même de la société dans l'Etat où elle a été créée et donc a fortiori dans l'Etat de la succursale. Mais on ne voit pas comment organiser cette coopération et comment mettre en oeuvre cette sanction. Evidemment, l'existence d'un registre communautaire des sociétés qui avait été envisagée lors des premiers projets de sociétés européennes faciliterait grandement l'exercice d'une telle sanction puisqu'il suffirait aux juridictions nationales de saisir du problème l'autorité tenant le registre communautaire ; en ce sens, dans la perspective d'un law shopping se développant, la présente décision représente une incitation forte à la création du registre communautaire des sociétés. Un tel registre communautaire alimenté par les registres nationaux ne saurait concerner que les sociétés ayant des établissements dans plusieurs Etats membres.

La Cour de justice ne donne pas davantage d'élément sur la nature des sanctions mais la distinction qu'elle établit entre les sanctions visant la société et celles atteignant les associés ouvrent quelques pistes. C'est ainsi que la sanction des associés en cas de fraude aux droits des créanciers de l'Etat de la succursale réalisée au moyen de la constitution d'une société devrait logiquement être l'inopposabilité de la société. Les

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créanciers lésés devraient pouvoir s'adresser directement aux associés qui ne pourraient ni se cacher derrière le voile de la personnalité morale ni se prévaloir des dispositions de la loi applicable à leur société.

A l'encontre de la société elle-même, la seule sanction envisageable est son annulation, à l'exclusion de la dissolution car la fraude vicie la société dès sa constitution et non en cours de vie sociale. Or la nullité d'une société pour fraude n'est pas prévue par l'art. 11 de la directive précitée du 9 mars 1968 qui fait une énumération limitative des causes de nullité, ces causes ayant en outre été interprétées limitativement par la Cour de justice dans l'arrêt Marleasing (25). Mais dès lors que la fraude est reconnue comme un principe général du droit communautaire, elle a vocation à compléter les dispositions communautaires, même si elle n'est pas expressément énoncée par les textes en cause.

Il va évidemment de soi que, dans la mesure où le principe général de la fraude est admis en droit communautaire, son application ne saurait se limiter à la seule liberté d'établissement mais a vocation à s'étendre à tous les domaines. Ainsi, il nous apparaît qu'une conséquence indirecte du présent arrêt est de valider en droit des sociétés la nullité d'une société pour fraude comme l'accepte la Cour de cassation française (26). La position de celle-ci pouvait paraître incompatible avec les dispositions communautaires de l'art. 11 de la directive 68/151 précitée surtout compte tenu de leur interprétation par l'arrêt Marleasing (27). L'intégration d'un principe non écrit de fraude dans l'ordre communautaire aboutit à une modification de la portée de l'art. 11 en constituant le fondement d'un cas de nullité non énuméré. Concernant cette cause précise de nullité, l'incompatibilité du droit français et du droit communautaire disparaît (28). Une semblable modification n'aurait pas été possible si la fraude n'avait été considérée, à l'image de l'abus de droit, que comme une disposition nationale. Bien sûr, le principe de la fraude développera ses effets dans bien d'autres matières. La Cour de justice serait certainement appelée à statuer à nouveau sur son régime et ces implications, éventuellement pour limiter celles-ci, comme en l'espèce où elle refuse que la lutte contre la fraude justifie un refus d'immatriculation d'une succursale. En effet, il faudra éviter que les perspectives relatives au choix de la loi applicable et à la fraude créées par cette décision ne conduisent à ouvrir la boîte de Pandore.

Mots clés :COMMUNAUTE EUROPEENNE * Liberté d'établissement * Société commerciale * Immatriculation * Succursale * Activité effective(1)Centros, aff. C-212-97, concl. A. La Pergola ; Bull. Joly 1999, p. 705, note J.-P. Dom.

(2) Si l'on voulait encore se persuader de l'importance de cette décision, il suffit par ailleurs de relever qu'outre les gouvernements danois et britannique, les gouvernements français et hollandais ont aussi présenté des observations écrites à la cour.

(3) Point 38.

(4) Il existe une proposition de 14e directive communautaire sur le transfert de siège social d'un Etat membre à un autre. Mais, à défaut d'adoption de ce texte, il est pratiquement impossible actuellement de réaliser un transfert international de siège sans que la société perde sa personnalité morale et sans que le coût fiscal de l'opération

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soit prohibitif. L'arrêt Daily mail (CJCE, 27 sept. 1988, aff. 81/87, Rec. CJCE, p. 5483 ; RTD eur. 1989, p. 260, obs. Cartou ; JDI 1989, p. 429, note Boutard-Labarde) a par ailleurs précisé que les art. 52 et 58 anc. du Traité CE ne conféraient pas à une société de transférer son siège dans un autre Etat membre et ne s'opposaient pas à ce que les Etats prennent des mesures restrictives. Sur l'ensemble de la question, V. M. Menjucq, La mobilité des sociétés dans l'espace européen, LGDJ, 1997, n° 89 s.

(5) B. Goldman, A. Lyon-Caen, L. Vogel, Droit commercial européen, Précis Dalloz, 5e éd., 1994, n° 70. Pour ces auteurs, le droit français adopte aussi ce système de siège réel. Pour une analyse différente du droit français, V. M. Menjucq, La mobilité des sociétés..., op. cit., n° 178.

(6) Le siège réel est le lieu où se situe la direction supérieure et le contrôle de la société. V. H. Batiffol et P. Lagarde, Traité de droit international privé, LGDJ, 8e éd. 1993, n° 194 ; M. Menjucq, Traité Joly sociétés, série-A, Nationalité des sociétés, n° 7.

(7) Pour nombre d'auteurs (par ex. H. Batiffol et P. Lagarde, loc. cit. ; Y. Loussouarn et J.-D. Bredin, Droit du commerce international, Sirey, 1969, n° 266) en droit français, la loi applicable à la société est déterminée non par l'immatriculation mais par le siège réel. Pour d'autres, sous l'influence du droit communautaire, le critère de rattachement de principe est l'immatriculation sous réserve de la fraude et de l'option des tiers accordée par les textes français (en ce sens, P. Mayer, Droit international privé, Montchrestien, 6e éd., 1998, n° 1037 ; H. Synvet, L'organisation juridique du groupe international de sociétés (Conflits de lois en matière de sociétés et défaut d'autonomie économique de la personne morale), thèse Rennes, 1979, n° 92 s. ; M. Menjucq, Traité préc., Sociétés étrangères, n° 29.

(8) V. H. Batiffol et P. Lagarde, op. cit., n° 203 ; M. Menjucq, Traité préc., Sociétés étrangères, n° 30.

(9) V. note préc. de J.-P. Dom.

(10) Le Danemark ne faisant pas partie de l'euroland, le taux de conversion en euro est variable. Le capital exigé représente approximativement 27 000 euros.

(11) Au sein de cette jurisprudence, on relève surtout, en matière de prestation de services, CJCE, 5 oct. 1994, TV 10, aff. C 23-93, Rec. CJCE, p. I-4795, point 21 ; D. 1994, IR p. 240Décision de Jurisprudence ; en matière de libre circulation des marchandises, 10 janv. 1985, Leclerc e.a., aff. 229/83, Rec. CJCE, p. 1, point 27 ; en matière de sécurité sociale, 2 mai 1996, Paletta, aff. C-206/94, Rec. CJCE, p. I-2357, point 24 ; en matière de droit des sociétés, 12 mai 1998, A. Kefalas c/ Grèce, aff. C 367/96, Rec. CJCE, p. I-2843, point 22 (V. infra).

(12) CJCE, 12 mai 1998, A. Kefalas c/ Grèce préc., point 22 ; RTD com. 1998, p. 1000, obs. M. Luby; Rev. sociétés 1998, p. 794, note S. Dana-Démaret; Dr. sociétés, 12/998, p. 13, obs. T. Bonneau ; D. 1998, IR p. 159.

(13) Point 27.

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(14) CJCE, 10 juill. 1986, Segers, aff. 79/85, Rec. CJCE, p. I-2375, concl. M. Darmon.

(15) Le présent arrêt cite en référence les décisions suivantes : CJCE, 31 mars 1993, Kraus, aff. C-19-92, Rec. CJCE, p. I-1663, point 32 ; 30 nov. 1995, Gebhard, C-55-94, Rec. CJCE, p. I-4165, point 37.

(16) Points 34 s.

(17) La Cour de justice adopte ici une position que nous partageons entièrement : la soumission d'une société à une loi étrangère n'est pas en soi préjudiciable pour les créanciers locaux dans la mesure où ils en sont informés. On retrouve cette question en droit international privé à propos des pouvoirs des dirigeants de sociétés immatriculées à l'étranger à l'égard desquels nous pensons que les créanciers ont une obligation de vérification : V. Cass. 1re civ., 8 déc. 1998, Rev. crit. DIP 1999, p. 284, note M. Menjucq ; contra Y. Guyon, note sous le même arrêt, Rev. sociétés 1999, p. 100 ; ainsi que H. Synvet, Rev. sociétés 1988, p. 398, et M.-N. Jobard- Bachellier, Rev. crit. DIP 1988, p. 354, notes sous Cass. com., 21 déc ; 1987.

(18) V. CJCE, 12 mai 1998, arrêt Kefalas, préc., où la question de la reconnaissance d'un principe général d'abus en droit communautaire lui était directement posée.

(19) Sur la distinction, V. concl. G. Tesauro, points 18 à 21, Rec. CJCE, p. I-2853, avant arrêt Kefalas.

(20) V. en ce sens, concl. G. Tesauro, loc. cit., selon lequel, il n'y a pas deux catégories de principes généraux, l'une composée des principes fondamentaux du système juridique communautaire, l'autre des principes généraux communs aux droits des Etats membres ; « dans les deux hypothèses, il s'agit de principes que l'ordre juridique communautaire a fait siens, c'est-à-dire de principes qui en font partie intégrante »...

(21) En droit allemand, la notion de fraude n'est pas inconnue mais la jurisprudence ne l'applique pas à titre de principe non écrit, V. C. Witz, Droit privé allemand, t. 1, Actes juridiques, Droits subjectifs, Litec, 1993, n° 245.

(22) La fraude à la loi se caractériserait par la volonté d'éluder une règle obligatoire alors que la fraude aux droits des tiers se définirait davantage par la volonté de porter préjudice à une personne déterminée (G. Ripert, La règle morale dans les obligations civiles, LGDJ, 3e éd., 1936, n° 173). La distinction se révèle d'une mise en oeuvre difficile.

(23) Première directive 68/151/CE du 9 mars 1968 relative à la publicité, aux engagements sociaux et à la nullité des sociétés, JOCE L. 65, 14 mars 1968.

(24) Ces incertitudes sont partagées par J.-P. Dom, note préc.

(25) CJCE, 13 nov. 1990, Bull. Joly 1991, p. 190, avec le commentaire de B. Saintourens, p. 123 ; JCP 1991, II, n° 21658, note P. Level ; Rev. sociétés 1991, p. 532, note Y. Chaput; RTD com. 1991, p. 68, obs. C. Champaud.

29

Page 30: lewebpedagogique.comlewebpedagogique.com/aline2603/files/2017/01/FASCI… · Web viewEn conséquence, ils sont tenus de prendre en compte l' équivalence des diplômes (voir arrêt

(26) Cass. com., 28 janv. 1992, Demuth, Bull. Joly 1992, p. 419, note P. le Cannu ; Dr. sociétés 1992, n° 75, obs. T. Bonneau ; JCP éd. E 1992, II, n° 378, note A. Tisserand ; D. 1993, Jur. p. 23, note J.Pages.

(27) Concernant l'incompatibilité du droit français, V. F. Leclerc, Que reste-t-il des nullités des sociétés en droit français après l'arrêt Marleasing ?, RJ com. 1992, p. 321. Selon l'auteur, la fraude n'entrait dans aucune catégorie des principes généraux du droit communautaire et ne pouvait donc pas se voir reconnaître une telle valeur.

(28) Nous avions précisément soutenu qu'il était possible que la Cour de justice admette le principe de la fraude et fasse disparaître l'incompatibilité sur ce point, M. Menjucq, La mobilité des sociétés..., op. cit., n° 529.

CJCE, 5 NOVEMBRE 2002, UBERSEERING

1 Par ordonnance du 30 mars 2000, parvenue au greffe de la Cour le 25 mai suivant, le Bundesgerichtshof a posé, en application de l'article 234 CE, deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 43 CE et 48 CE.

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Überseering BV (ci-après «Überseering»), société de droit néerlandais, immatriculée le 22 août 1990 au registre du commerce d'Amsterdam et Haarlem, à Nordic Construction Company Baumanagement GmbH (ci-après «NCC»), société établie en Allemagne, à propos de la réparation de vices dans l'exécution en Allemagne de travaux confiés par Überseering à NCC.

Le droit national

3 La Zivilprozessordnung (code de procédure civile allemand) prévoit que le recours d'une partie qui ne possède pas la capacité d'ester en justice doit être rejeté comme irrecevable. Conformément à son article 50, paragraphe 1, jouit de la capacité d'ester en justice toute personne, y compris les sociétés, qui a la capacité juridique, définie comme la capacité d'être titulaire de droits et d'obligations.

4 Selon la jurisprudence constante du Bundesgerichtshof, approuvée par la doctrine allemande dominante, la capacité juridique d'une société s'apprécie conformément au droit applicable à l'endroit où est établi son siège effectif («Sitztheorie» ou théorie du siège), par opposition à la «Gründungstheorie» ou théorie de la constitution, selon laquelle la capacité juridique est déterminée conformément au droit de l'État dans lequel la société a été constituée. Cette règle s'applique également lorsqu'une société a été légalement constituée dans un autre État et que son siège effectif est ensuite transféré en Allemagne.

5 Dans la mesure où la capacité juridique d'une telle société s'apprécie au regard du droit allemand, elle ne peut être ni titulaire de droits et d'obligations ni partie à une procédure judiciaire, à moins de se reconstituer en Allemagne de manière à acquérir la capacité juridique au regard du droit allemand.

Le litige au principal

6 En octobre 1990, Überseering a acquis un terrain situé à Düsseldorf (Allemagne), qu'elle a utilisé à des fins professionnelles. Par contrat de maîtrise d'oeuvre en date du 27 novembre 1992, Überseering a confié à NCC la rénovation d'un garage et d'un motel construits sur ce terrain. Les prestations ont été exécutées, mais Überseering a fait valoir l'existence de vices dans l'exécution des travaux de peinture.

7 En décembre 1994, deux ressortissants allemands résidant à Düsseldorf se sont portés acquéreurs de la totalité des parts sociales d'Überseering.

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Page 31: lewebpedagogique.comlewebpedagogique.com/aline2603/files/2017/01/FASCI… · Web viewEn conséquence, ils sont tenus de prendre en compte l' équivalence des diplômes (voir arrêt

8 Après avoir vainement demandé à NCC réparation des vices constatés dans l'exécution des travaux, Überseering a, en 1996, sur le fondement du contrat de maîtrise d'oeuvre la liant à NCC, assigné cette dernière devant le Landgericht Düsseldorf aux fins de l'entendre condamner à lui payer la somme de 1 163 657,77 DEM, majorée des intérêts, au titre des coûts de réparation des vices allégués et des dommages qui en ont découlé.

9 Le Landgericht a rejeté ce recours. L'Oberlandesgericht Düsseldorf a confirmé cette décision de rejet. Selon les constatations de ce dernier, Überseering a transféré son siège effectif à Düsseldorf à la suite de l'acquisition de ses parts par deux ressortissants allemands. L'Oberlandesgericht a considéré que, en qualité de société de droit néerlandais, Überseering n'avait pas la capacité juridique en Allemagne et, par conséquent, ne pouvait pas y ester en justice.

10 Dès lors, l'Oberlandesgericht a jugé le recours d'Überseering irrecevable.

11 Überseering s'est pourvue en cassation contre l'arrêt de l'Oberlandesgericht devant le Bundesgerichtshof.

12 Il ressort, par ailleurs, des observations d'Überseering que, parallèlement à la procédure actuellement pendante devant le Bundesgerichtshof, Überseering a été, en application d'autres règles de droit allemand non précisées, attraite en justice devant une juridiction allemande en qualité de défenderesse. Elle aurait ainsi été condamnée par le Landgericht Düsseldorf à régler des honoraires d'architectes, vraisemblablement en raison de son inscription, le 11 septembre 1991, au registre foncier de Düsseldorf, comme propriétaire du terrain sur lequel sont bâtis le garage et le motel rénovés par NCC.

Les questions préjudicielles

13 Bien qu'il constate que sa jurisprudence exposée aux points 4 et 5 du présent arrêt est contestée à divers égards par une partie de la doctrine allemande, le Bundesgerichtshof juge préférable, en l'état actuel du droit communautaire et du droit des sociétés dans l'Union européenne, de continuer à l'appliquer pour diverses raisons.

14 D'abord, il conviendrait d'écarter toute solution consistant, par la prise en compte de différents éléments de rattachement, à apprécier la situation juridique d'une société au regard de plusieurs ordres juridiques. Selon le Bundesgerichtshof, une telle solution aboutirait à une insécurité juridique, car les domaines de réglementation qui devraient être soumis à différents ordres juridiques ne pourraient être clairement distingués les uns des autres.

15 Ensuite, l'élément de rattachement que représente le lieu de constitution avantagerait les fondateurs de la société qui pourraient, en même temps que ledit lieu, choisir l'ordre juridique qui leur convient le mieux. Ce serait là la faiblesse essentielle de la théorie de la constitution, qui méconnaîtrait le fait que la constitution et l'exploitation d'une société affectent également les intérêts de tiers et ceux de l'État où se trouve le siège effectif si ce dernier est situé dans un État autre que celui dans lequel la société a été constituée.

16 Enfin, l'élément de rattachement constitué par le lieu du siège effectif permettrait, en revanche, d'éviter que, par le biais d'une constitution de société à l'étranger, ne soient contournées les dispositions du droit des sociétés de l'État où se trouve le siège effectif visant à protéger certains intérêts primordiaux. En l'occurrence, les intérêts que le droit allemand vise à préserver seraient notamment ceux des créanciers de la société: la législation relative aux «Gesellschaften mit beschränkter Haftung (GmbH)» (sociétés à responsabilité limitée de droit allemand) assurerait cette protection par des règles détaillées sur la libération et la conservation du capital social. Devraient également être protégés les sociétés dépendantes et leurs associés minoritaires en cas de liens interentreprises, cette protection étant assurée, en Allemagne, par des règles telles que celles du droit des groupes et, en cas d'accords de contrôle et de contrats de cession de bénéfices, celles relatives à l'indemnisation et à la compensation financière des associés désavantagés par ces accords et contrats. Enfin, les règles sur la cogestion garantiraient la protection des travailleurs employés par la société. Le Bundesgerichtshof souligne que des dispositions équivalentes n'existent pas dans tous les États membres.

17 Le Bundesgerichtshof se demande toutefois si, dans le cas d'un transfert transfrontalier du siège effectif, la liberté d'établissement garantie par les articles 43 CE et 48 CE ne fait pas obstacle au rattachement de la situation juridique de la société au droit de l'État membre où se trouve son siège effectif. La réponse à cette question ne peut, selon lui, être clairement déduite de la jurisprudence de la Cour.

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18 Il relève, à cet égard, que, dans son arrêt du 27 septembre 1988, Daily Mail and General Trust (81/87, Rec. p. 5483), la Cour, après avoir indiqué que les sociétés pouvaient faire usage de leur liberté d'établissement en constituant des agences, succursales ou filiales ou en transférant l'intégralité de leur capital à une société nouvelle dans un autre État membre, a constaté que, à la différence des personnes physiques, les sociétés n'ont aucune réalité au-delà de l'ordre juridique national qui réglemente leur constitution et leur existence. Il ressortirait également du même arrêt que le traité CE a accepté la disparité des règles nationales de conflit de lois et réservé la solution des problèmes qui y sont liés à des travaux législatifs futurs.

19 Dans l'arrêt du 9 mars 1999, Centros (C-212/97, Rec. p. I-1459), la Cour aurait censuré le refus d'une autorité danoise d'inscrire au registre du commerce la succursale d'une société légalement constituée au Royaume-Uni. Le Bundesgerichtshof relève toutefois que cette société n'avait pas transféré son siège puisque, depuis sa création, son siège statutaire se trouvait au Royaume-Uni et son siège effectif au Danemark.

20 Le Bundesgerichtshof se demande, au vu de l'arrêt Centros, précité, si les dispositions du traité relatives à la liberté d'établissement s'opposent, dans une situation telle que celle en cause au principal, à l'application des règles de conflit des lois en vigueur dans l'État membre où se trouve le siège effectif d'une société légalement constituée dans un autre État membre, lorsque ces règles ont pour conséquence la non-reconnaissance de la capacité juridique de cette société et, partant, de sa capacité d'ester en justice dans ledit État membre pour y faire valoir les droits nés d'un contrat.

21 Dans ces circonstances, le Bundesgerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Les articles 43 CE et 48 CE doivent-ils être interprétés en ce sens que la liberté d'établissement des sociétés s'oppose à ce que la capacité juridique et la capacité d'ester en justice d'une société légalement constituée en vertu du droit d'un État membre soient appréciées au regard du droit d'un autre État dans lequel ladite société a transféré son siège effectif lorsqu'il résulte de ce droit qu'elle ne peut plus faire valoir en justice dans l'État d'établissement les droits tirés du contrat?

2) En cas de réponse positive:

La liberté d'établissement des sociétés (articles 43 CE et 48 CE) impose-t-elle d'apprécier la capacité juridique et la capacité d'ester en justice d'une société au regard du droit de l'État où elle a été constituée?»

Sur la première question préjudicielle

22 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si les articles 43 CE et 48 CE s'opposent à ce que, lorsqu'une société constituée conformément à la législation d'un État membre sur le territoire duquel elle a son siège statutaire est réputée, selon le droit d'un autre État membre, avoir transféré son siège effectif dans cet État, ce dernier dénie à ladite société la capacité juridique et, partant, la capacité d'ester en justice devant ses juridictions nationales pour faire valoir les droits tirés d'un contrat conclu avec une société établie dans ledit État.

Observations soumises à la Cour

23 Pour NCC ainsi que pour les gouvernements allemand, espagnol et italien, les dispositions du traité relatives à la liberté d'établissement ne s'opposent pas à ce que la capacité juridique et la capacité d'ester en justice d'une société légalement constituée en vertu du droit d'un État membre soient appréciées au regard des règles de droit d'un autre État membre dans lequel cette société est réputée avoir transféré son siège effectif et, le cas échéant, à ce que ladite société ne puisse faire valoir en justice dans cet autre État les droits tirés d'un contrat passé avec une société établie dans ledit État.

24 Ils fondent leur analyse, d'une part, sur les dispositions de l'article 293, troisième tiret, CE, lequel dispose:

«Les États membres engageront entre eux, en tant que de besoin, des négociations en vue d'assurer, en faveur de leurs ressortissants:

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[...]

- la reconnaissance mutuelle des sociétés au sens de l'article 48, deuxième alinéa, le maintien de la personnalité juridique en cas de transfert du siège de pays en pays [...]»

25 Selon NCC, l'article 293 CE repose sur la reconnaissance par tous les États membres du fait qu'une société constituée dans un État membre ne conserve pas automatiquement sa personnalité juridique en cas de transfert de son siège dans un autre État membre et que la conclusion par les États membres d'un accord spécifique en ce sens - non encore adopté à ce jour - est nécessaire. NCC en déduit que la perte de la personnalité juridique d'une société en cas de transfert de son siège effectif dans un autre État membre est compatible avec les dispositions communautaires relatives à la liberté d'établissement. Le refus par un État membre de reconnaître la personnalité juridique étrangère d'une société, constituée dans un autre État membre, qui a transféré son siège effectif sur son territoire ne constituerait pas une restriction à la liberté d'établissement dans la mesure où cette société a la possibilité de se reconstituer en vertu du droit de cet État. Les seuls droits protégés par la liberté d'établissement seraient celui de se reconstituer dans cet État ainsi que celui d'y implanter des établissements.

26 Selon le gouvernement allemand, les auteurs du traité y ont intégré les articles 43 CE et 48 CE en toute connaissance des différences importantes existant entre les droits des sociétés des États membres et avec l'intention de laisser subsister la compétence nationale et l'autorité du droit national tant qu'il n'aura été procédé à aucun rapprochement des législations. Même s'il existe de nombreuses directives d'harmonisation dans le domaine du droit des sociétés, adoptées sur le fondement de l'article 44 CE, il n'existerait actuellement aucune directive de ce type sur le transfert de siège et aucun accord multilatéral n'aurait été adopté en la matière en vertu de l'article 293 CE. Par conséquent, en l'état actuel du droit communautaire, l'application en Allemagne de la théorie du siège réel ou effectif et ses implications quant à la reconnaissance de la capacité juridique et de la capacité d'ester en justice des sociétés seraient compatibles avec le droit communautaire.

27 De la même manière, pour le gouvernement italien, le fait que l'article 293 CE prévoit la conclusion de conventions par les États membres en vue, notamment, de garantir qu'une société conserve sa personnalité juridique en cas de transfert du siège d'un État membre à l'autre démontrerait que la question du maintien de la personnalité juridique à la suite du transfert du siège d'une société n'est pas résolue par les dispositions du droit communautaire relatives à la liberté d'établissement.

28 Le gouvernement espagnol, quant à lui, souligne que la convention sur la reconnaissance mutuelle des sociétés et des personnes morales, signée à Bruxelles le 29 février 1968, n'est jamais entrée en vigueur. Dès lors, en l'absence de convention conclue entre les États membres sur le fondement de l'article 293 CE, il n'existerait aucune harmonisation au niveau communautaire permettant de trancher la question du maintien de la personnalité juridique d'une société en cas de transfert du siège. Rien ne figurerait à cet égard dans les articles 43 CE et 48 CE.

29 NCC ainsi que les gouvernements allemand, espagnol et italien soutiennent, d'autre part, que leur analyse est confortée par l'arrêt Daily Mail and General Trust, précité, en particulier ses points 23 et 24, ainsi libellés:

«[...] le traité considère la disparité des législations nationales concernant le lien de rattachement exigé pour leurs sociétés ainsi que la possibilité et, le cas échéant, les modalités d'un transfert du siège, statutaire ou réel, d'une société de droit national, d'un État membre à l'autre, comme des problèmes qui ne sont pas résolus par les règles sur le droit d'établissement, mais qui doivent l'être par des travaux législatifs ou conventionnels, lesquels, toutefois, n'ont pas encore abouti.

Dans ces conditions, on ne saurait interpréter les articles 52 [du traité CEE (devenu, après modification, article 43 CE)] et 58 du traité [CEE (devenu article 48 CE)] comme conférant aux sociétés de droit national un droit de transférer leur siège de direction et leur administration centrale dans un autre État membre tout en gardant leur qualité de sociétés de l'État membre selon la législation duquel elles ont été constituées.»

30 Le gouvernement allemand estime que, même s'il est constant que l'arrêt Daily Mail and General Trust, précité, a trait aux relations entre une société et l'État membre selon la législation duquel elle a été constituée, dans le cas du transfert du siège effectif de cette société dans un autre État membre, le raisonnement suivi par la Cour dans cet arrêt est transposable à la question des relations entre une société légalement constituée dans un État membre et un autre État membre (l'État d'accueil, par opposition à l'État de constitution de la société), dans

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lequel elle transfère son siège effectif. Sur cette base, il soutient que, lorsqu'une société légalement constituée dans un premier État membre a fait usage de son droit d'établissement dans un autre État membre du fait de la cession de toutes ses parts sociales à des ressortissants de cet État dans lequel ils résident, la question de savoir si, dans l'État membre d'accueil, le droit applicable en vertu des règles de conflit des lois laisse ou non subsister ladite société ne relève pas des dispositions relatives à la liberté d'établissement.

31 Le gouvernement italien estime également qu'il ressort de l'arrêt Daily Mail and General Trust, précité, que les critères destinés à établir l'identité des sociétés ne relèvent pas de l'exercice du droit d'établissement, réglementé par les articles 43 CE et 48 CE, mais de la compétence des ordres juridiques nationaux. Par conséquent, les règles relatives à la liberté d'établissement ne sauraient être invoquées pour harmoniser les critères de rattachement dont la détermination relève, en l'état actuel du droit communautaire, uniquement des ordres juridiques des États membres. Dans la mesure où les sociétés peuvent présenter des éléments de rattachement avec plusieurs États, il importerait que chaque ordre juridique national détermine dans quelles conditions il y a lieu de soumettre les sociétés aux règles qui sont les siennes.

32 Pour le gouvernement espagnol, il n'est pas incompatible avec l'article 48 CE d'exiger qu'une société constituée conformément au droit d'un État membre y dispose de son siège effectif pour pouvoir être considérée, dans un autre État membre, comme une société éventuellement bénéficiaire de la liberté d'établissement.

33 Le gouvernement espagnol rappelle, à cet égard, que l'article 48, premier alinéa, CE énonce deux conditions pour que les sociétés définies au second alinéa du même article puissent bénéficier du droit d'établissement, à égalité de conditions avec les ressortissants des autres États membres: d'une part, être constituées conformément à la législation d'un État membre; d'autre part, avoir leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de la Communauté. Il soutient que la seconde condition a été modifiée par le programme général pour la suppression des restrictions à la liberté d'établissement, adopté à Bruxelles le 18 décembre 1961 (JO 1962, 2, p. 36, ci-après le «programme général»).

34 Le programme général dispose, dans son titre I, intitulé «Bénéficiaires»:

«La suppression des restrictions à la liberté d'établissement [...] sera réalisée [...] au bénéfice:

[...]

- des sociétés constituées en conformité de la législation d'un État membre [...] et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de la Communauté ou dans un pays ou territoire d'outre-mer,

pour leur installation en vue d'exercer une activité non salariée sur le territoire d'un État membre;

[...]

- des sociétés ci-dessus à condition que, dans le cas où elles n'ont que leur siège statutaire à l'intérieur de la Communauté ou dans un pays ou territoire d'outre-mer, leur activité présente un lien effectif et continu avec l'économie d'un État membre ou d'un pays ou territoire d'outre-mer, étant exclu que ce lien puisse dépendre de la nationalité [...]

pour la création d'agences, de succursales ou de filiales sur le territoire d'un État membre.»

35 Le gouvernement espagnol estime que, même si le programme général ne prévoit l'application du critère du lien effectif et continu qu'aux fins de l'exercice de la liberté de créer un établissement secondaire, un tel critère devrait également s'appliquer lorsqu'il s'agit de l'établissement principal, afin que les conditions de rattachement exigées pour bénéficier du droit d'établissement soient homogènes.

36 Pour Überseering, les gouvernements néerlandais et du Royaume-Uni, ainsi que pour la Commission et l'Autorité de surveillance AELE, les articles 43 CE et 48 CE, lus ensemble, s'opposent à ce que, lorsqu'une société légalement constituée en vertu du droit d'un premier État membre est réputée, selon le droit d'un second État membre, avoir transféré son siège effectif dans ce dernier État, les règles de conflit des lois applicables dans

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ce dernier État prévoient que la capacité juridique et la capacité d'ester en justice de cette société sont appréciées au regard du droit dudit État. Tel serait le cas lorsque, en vertu du droit du second État membre, est déniée à ladite société toute possibilité de faire valoir en justice les droits qu'elle tire d'un contrat passé avec une société établie dans cet État. Leurs arguments à cet égard sont les suivants.

37 En premier lieu, la Commission fait valoir que, aux termes de l'article 293 CE, l'engagement de négociations visant à remédier à la disparité des législations nationales en matière de reconnaissance des sociétés étrangères n'est prévu par cet article qu'«en tant que de besoin». Selon elle, si une jurisprudence pertinente avait existé en 1968, le recours à l'article 293 CE n'aurait pas été nécessaire. Cela expliquerait l'importance déterminante que revêt aujourd'hui la jurisprudence pertinente de la Cour pour définir le contenu et la portée de la liberté d'établissement des sociétés consacrée par les articles 43 CE et 48 CE.

38 En deuxième lieu, Überseering, le gouvernement du Royaume-Uni, la Commission et l'Autorité de surveillance AELE concluent à l'absence de pertinence, dans la présente affaire, de l'arrêt Daily Mail and General Trust, précité.

39 Ils font valoir que, ainsi qu'il ressort des faits en cause dans cet arrêt, il s'agissait d'examiner quelles étaient les conséquences juridiques, dans l'État membre de constitution d'une société, du transfert du siège effectif de cette société dans un autre État membre, en sorte que ledit arrêt ne pourrait servir de base pour examiner les conséquences juridiques, dans l'État membre d'accueil, d'un tel transfert.

40 L'arrêt Daily Mail and General Trust, précité, ne s'appliquerait qu'à la relation entre l'État membre de constitution et la société qui souhaite quitter cet État tout en conservant la personnalité juridique qui lui a été conférée par la législation dudit État. Les sociétés étant des créations du droit national, elles devraient continuer à respecter les exigences prévues par la législation de leur État de constitution. L'arrêt Daily Mail and General Trust, précité, consacrerait par conséquent le droit, pour l'État membre de constitution d'une société, de fixer les règles en matière de constitution et d'existence juridique des sociétés, en conformité avec les règles de son droit international privé. Il ne trancherait pas, en revanche, la question de savoir si une société créée en vertu du droit d'un État membre devrait être reconnue par un autre État membre.

41 En troisième lieu, selon Überseering, le gouvernement du Royaume-Uni, la Commission et l'Autorité de surveillance AELE, pour répondre à la question posée dans la présente affaire, il convient de se reporter non pas à la jurisprudence Daily Mail and General Trust, précitée, mais à l'arrêt Centros, précité, le litige au principal dans ledit arrêt ayant trait, comme dans la présente affaire, au traitement appliqué, dans l'État membre d'accueil, à une société constituée selon le droit d'un autre État membre et exerçant son droit d'établissement.

42 Ils rappellent que l'affaire Centros, précitée, concernait l'établissement à titre secondaire au Danemark, État membre d'accueil, d'une société, Centros Ltd, constituée légalement au Royaume-Uni, sur le territoire duquel elle avait son siège statutaire sans y exercer d'activité économique. Centros Ltd était désireuse de créer au Danemark une succursale afin d'exercer dans cet État l'essentiel de ses activités économiques. Les autorités danoises ne mettaient pas en cause l'existence même de cette société de droit anglais, mais lui déniaient le droit d'exercer au Danemark sa liberté d'établissement en y créant une succursale, car il était constant que cette forme d'établissement secondaire visait à éviter l'application des règles danoises de constitution des sociétés, notamment celles tenant à la libération d'un capital minimal.

43 Dans l'arrêt Centros, précité, la Cour aurait jugé qu'un État membre (État d'accueil) doit accepter qu'une société légalement constituée dans un autre État membre, dans lequel elle a son siège statutaire, fasse enregistrer sur son territoire un autre établissement (en l'occurrence, une succursale) à partir duquel elle puisse développer l'ensemble de son activité. À ce titre, l'État membre d'accueil ne saurait opposer à une société valablement constituée dans un autre État membre son propre droit matériel des sociétés, notamment les règles relatives au capital social. La Commission estime qu'il doit en être de même lorsque l'État membre d'accueil invoque son droit international privé régissant les sociétés.

44 Pour le gouvernement néerlandais, les dispositions du traité relatives à la liberté d'établissement ne s'opposent pas à l'application de la théorie du siège effectif en tant que telle. En revanche, les conséquences attachées par le droit allemand à ce qu'il considère comme constitutif d'un déplacement en Allemagne du siège d'une société qui a, par ailleurs, la personnalité juridique au titre de sa constitution dans un autre État membre constituent une

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limitation de la liberté d'établissement lorsqu'elles aboutissent à ne pas reconnaître à ladite société la personnalité juridique.

45 Le gouvernement néerlandais observe que, dans le traité, les trois éléments de rattachement que sont le siège statutaire, le siège effectif (administration centrale) et le principal établissement sont mis sur un pied d'égalité. Il ne serait nulle part indiqué dans le traité que, pour pouvoir invoquer la liberté d'établissement, il faut que le siège statutaire et l'administration centrale se trouvent dans un seul et même État membre. Le gouvernement néerlandais estime par conséquent que le droit d'établissement appartient également à une société dont le siège effectif ne se trouve plus dans l'État de constitution de cette société. Il serait donc contraire aux dispositions du traité relatives à la liberté d'établissement qu'un État membre refuse de reconnaître la capacité juridique d'une société légalement constituée dans un autre État membre qui exerce sa liberté d'établissement secondaire sur son territoire.

46 Quant au gouvernement du Royaume-Uni, il soutient que les règles de droit allemand en cause au principal sont contraires aux articles 43 CE et 48 CE dans la mesure où elles ont pour effet d'empêcher une société telle qu'Überseering d'exercer ses activités à travers une agence ou une succursale en Allemagne, si cette agence ou cette succursale est considérée, au regard du droit allemand, comme le siège effectif de la société, car elles impliquent la perte de la capacité juridique, sans laquelle une société ne peut fonctionner.

47 L'Autorité de surveillance AELE ajoute que la liberté d'établissement comporte non seulement le droit de s'établir à titre secondaire dans un autre État membre, mais encore le droit, pour une société qui transfère son siège effectif dans un autre État membre, de maintenir son établissement originel dans l'État membre dans lequel elle a été constituée. Les règles de droit allemand dont il est fait application dans le litige au principal auraient pour effet de transformer la liberté d'établissement en une obligation d'établissement pour que soient préservées la capacité juridique de cette société et, partant, sa capacité d'ester en justice. Elles constitueraient donc une restriction à la liberté d'établissement prévue par le traité. Cette conclusion n'impliquerait pas que les États membres ne peuvent établir des liens de rattachement entre une société et leur territoire, mais qu'ils doivent exercer ces pouvoirs en respectant le traité.

48 Par ailleurs, les gouvernements néerlandais et du Royaume-Uni ainsi que l'Autorité de surveillance AELE ont insisté sur la circonstance qu'Überseering n'a pas entendu transférer en Allemagne son siège effectif au sens du droit allemand. Überseering soutient qu'elle n'a pas entendu se dissoudre aux Pays-Bas pour se reconstituer en Allemagne et qu'elle veut continuer à exister comme société à responsabilité limitée de droit néerlandais (BV). Il serait d'ailleurs paradoxal que le droit allemand la considère comme telle lorsqu'il est question de l'attraire en justice pour la condamner à payer des honoraires d'architectes.

49 Le gouvernement néerlandais a fait valoir, à l'audience, que, dans une situation telle que celle en cause au principal, le droit néerlandais considère qu'il s'agit de la constitution d'une succursale, donc d'un établissement secondaire. Il serait, selon lui, incorrect d'analyser la présente affaire en se fondant sur la prémisse qu'il y a eu un déplacement du siège effectif d'Überseering en Allemagne en raison d'une simple cession de parts sociales à des ressortissants allemands résidant en Allemagne. En effet, une telle analyse serait propre au droit privé allemand. Aucun élément n'indiquerait la volonté d'Überseering de transférer en Allemagne son siège effectif. Par ailleurs, raisonner comme s'il s'agissait d'un établissement primaire viserait à priver de pertinence l'arrêt Centros, précité, dans lequel était en cause la forme secondaire de l'établissement, résultant de la création d'une succursale, et à tenter de rapprocher la présente affaire de l'affaire Daily Mail and General Trust, précitée.

50 Le gouvernement du Royaume-Uni relève qu'Überseering a été constituée légalement aux Pays-Bas, a toujours été inscrite au registre du commerce d'Amsterdam et Haarlem comme société de droit néerlandais et n'a pas tenté de transférer son siège effectif en Allemagne. Simplement, à la suite d'un transfert de propriété, elle aurait, depuis 1994, exercé la plupart de ses activités et tenu certaines réunions en Allemagne. Elle devrait donc être considérée en pratique comme ayant agi en Allemagne à travers une agence ou une succursale. Une telle situation serait tout à fait distincte de celle à l'origine de l'affaire Daily Mail and General Trust, précitée, qui concernait une tentative délibérée de transférer du Royaume-Uni vers un autre État membre le siège social et le contrôle d'une société de droit anglais, tout en conservant le statut de société légalement constituée au Royaume-Uni, mais sans se soumettre aux exigences fiscales liées, au Royaume-Uni, au transfert hors de son territoire de la gestion et du contrôle d'une société.

51 Pour l'Autorité de surveillance AELE, le refus de reconnaître à Überseering le droit d'ester en justice en Allemagne en raison du transfert apparemment non souhaité de son siège effectif dans cet État est révélateur de

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Page 37: lewebpedagogique.comlewebpedagogique.com/aline2603/files/2017/01/FASCI… · Web viewEn conséquence, ils sont tenus de prendre en compte l' équivalence des diplômes (voir arrêt

l'insécurité que l'application des différents droits internationaux privés des États membres peut engendrer au niveau des transactions transfrontalières. La qualification de siège effectif d'une société étant largement fondée sur les faits, il est toujours possible que différents systèmes juridiques nationaux, voire même, au sein de chacun d'eux, différents juges, n'aient pas la même appréciation de ce qui constitue un siège effectif. Il serait d'ailleurs de plus en plus difficile de déterminer le siège effectif dans une économie internationale et informatisée, dans laquelle la présence physique des décideurs devient de plus en plus superflue.

Appréciation de la Cour

Sur l'applicabilité des dispositions du traité relatives à la liberté d'établissement

52 À titre liminaire et contrairement à ce qu'ont soutenu tant NCC que les gouvernements allemand, espagnol et italien, il y a lieu de préciser que, lorsqu'une société, légalement constituée dans un premier État membre où elle a son siège statutaire, est réputée, en vertu du droit d'un second État membre, avoir transféré son siège effectif dans cet État à la suite de la cession de toutes ses parts sociales à des ressortissants dudit État qui y résident, les règles que le second État membre applique à cette société n'échappent pas, en l'état actuel du droit communautaire, au champ d'application des dispositions communautaires relatives à la liberté d'établissement.

53 À cet égard, il convient, en premier lieu, de rejeter les arguments fondés sur l'article 293 CE qui ont été invoqués par NCC ainsi que par les gouvernements allemand, espagnol et italien.

54 En effet, ainsi que l'a soutenu M. l'avocat général au point 42 de ses conclusions, l'article 293 CE ne constitue pas une réserve de compétence législative entre les mains des États membres. Si cette disposition invite les États membres à engager des négociations afin, notamment, de faciliter la solution des problèmes résultant de la disparité des législations relatives à la reconnaissance mutuelle des sociétés et au maintien de leur personnalité juridique en cas de transfert transfrontalier de leur siège, c'est uniquement «en tant que de besoin», c'est-à-dire dans l'hypothèse où les dispositions du traité ne permettent pas de réaliser les objectifs du traité.

55 Il importe plus particulièrement de souligner que, si les conventions dont l'article 293 CE encourage la conclusion peuvent, à l'instar des directives d'harmonisation prévues à l'article 44 CE, faciliter la réalisation de la liberté d'établissement, l'exercice de cette liberté ne peut toutefois être conditionné par l'adoption de telles conventions.

56 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, comme la Cour a déjà eu l'occasion de le souligner, la liberté d'établissement reconnue par l'article 43 CE aux ressortissants communautaires comporte pour ces derniers le droit d'accéder aux activités non salariées et de les exercer ainsi que celui de gérer et de constituer des entreprises dans les mêmes conditions que celles définies par la législation de l'État membre d'établissement pour ses propres ressortissants. En outre, aux termes mêmes de l'article 48 CE, «[l]es sociétés constituées en conformité de la législation d'un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de la Communauté sont assimilées, pour l'application des dispositions [du traité relatives au droit d'établissement], aux personnes physiques ressortissantes des États membres».

57 Il s'ensuit directement que ces sociétés ont le droit d'exercer leur activité dans un autre État membre, la localisation de leur siège statutaire, de leur administration centrale ou de leur principal établissement servant à déterminer, à l'instar de la nationalité des personnes physiques, leur rattachement à l'ordre juridique d'un État membre.

58 C'est sur ces prémisses que la Cour a fondé son raisonnement dans l'arrêt Centros, précité (points 19 et 20).

59 Or, l'exercice de la liberté d'établissement suppose nécessairement la reconnaissance desdites sociétés par tout État membre dans lequel elles souhaitent s'établir.

60 Dès lors, il n'est pas nécessaire que les États membres adoptent une convention relative à la reconnaissance mutuelle des sociétés pour que celles qui remplissent les conditions énoncées à l'article 48 CE puissent exercer la liberté d'établissement qui leur est reconnue par les articles 43 CE et 48 CE, lesquels sont directement applicables depuis la fin de la période de transition. Partant, aucun argument de nature à justifier une limitation du plein effet de ces articles ne saurait être tiré du fait qu'aucune convention relative à la reconnaissance mutuelle des sociétés n'a à ce jour été adoptée sur le fondement de l'article 293 CE.

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61 Il importe, en second lieu, d'examiner l'argument tiré de la jurisprudence Daily Mail and General Trust, précitée, qui a été au coeur des débats devant la Cour, dans la mesure où il a été invoqué pour, en quelque sorte, assimiler à la situation à l'origine de l'arrêt Daily Mail and General Trust, précité, la situation dont le droit allemand infère la perte de la capacité juridique et la perte de la capacité d'ester en justice d'une société constituée selon le droit d'un autre État membre.

62 Il faut souligner, à cet égard, que, à la différence de l'arrêt Daily Mail and General Trust, précité, qui concerne les relations entre une société et l'État membre selon la législation duquel elle a été constituée, dans le cas où la société désire transférer son siège effectif dans un autre État membre en conservant la personnalité juridique dont elle jouit dans son État de constitution, l'affaire au principal a trait à la reconnaissance par un État membre d'une société constituée selon le droit d'un autre État membre, une telle société se voyant refuser toute capacité juridique dans le premier État membre dès lors qu'il considère qu'elle a transféré son siège effectif sur son territoire, sans qu'il importe à cet égard que la société ait effectivement entendu procéder à un transfert de siège.

63 Ainsi que l'ont relevé tant les gouvernements néerlandais et du Royaume-Uni que la Commission et l'Autorité de surveillance AELE, Überseering n'a jamais manifesté la volonté de transférer son siège en Allemagne. Son existence juridique n'a jamais été remise en cause selon le droit de son État de constitution par la cession de la totalité de ses parts sociales entre les mains de résidents allemands. Elle n'a notamment pas fait l'objet de mesures de dissolution en application du droit néerlandais, au regard duquel elle n'a pas cessé d'être valablement constituée.

64 Au demeurant, même en analysant le litige au principal comme s'il concernait un transfert transfrontalier de siège effectif, l'interprétation de l'arrêt Daily Mail and General Trust, précité, qu'ont proposée NCC ainsi que les gouvernements allemand, espagnol et italien est erronée.

65 Dans l'affaire ayant donné lieu à cet arrêt, Daily Mail and General Trust plc, société constituée conformément à la législation du Royaume-Uni et y ayant à la fois son siège statuaire et son siège effectif, souhaitait transférer ce dernier dans un autre État membre sans perdre sa personnalité juridique ou sa qualité de société de droit anglais, ce qui nécessitait une autorisation des autorités britanniques compétentes, qui la lui refusaient. Elle a alors assigné lesdites autorités devant la High Court of Justice, Queen's Bench Division (Royaume Uni), aux fins de voir juger que les articles 52 et 58 du traité CEE lui conféraient le droit de transférer son siège effectif dans un autre État membre sans autorisation préalable et sans perte de sa personnalité juridique.

66 Ainsi, à la différence du litige au principal, l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Daily Mail and General Trust, précité, ne concernait pas le traitement appliqué par un État membre à une société, légalement constituée dans un autre État membre, qui exerce sa liberté d'établissement dans le premier État membre.

67 Interrogée par la High Court of Justice sur la question de savoir si les dispositions du traité relatives à la liberté d'établissement confèrent à une société le droit de transférer son siège de direction dans un autre État membre, la Cour a rappelé, au point 19 de l'arrêt Daily Mail and General Trust, précité, qu'une société créée en vertu d'un ordre juridique national n'a d'existence qu'à travers la législation nationale qui en détermine la constitution et le fonctionnement.

68 Au point 20 du même arrêt, la Cour a souligné les divergences entre législations nationales en ce qui concerne tant le lien de rattachement au territoire national exigé en vue de la constitution d'une société que la possibilité, pour une société constituée conformément à une telle législation, de modifier ultérieurement ce lien de rattachement.

69 La Cour a conclu, au point 23 dudit arrêt, que le traité considère ces divergences comme des problèmes non résolus par les règles du traité relatives à la liberté d'établissement, mais devant l'être par des travaux législatifs ou conventionnels, dont la Cour a constaté qu'ils n'avaient pas encore abouti.

70 Ce faisant, la Cour s'est bornée à constater que la possibilité, pour une société constituée conformément à la législation d'un État membre, de transférer son siège, statutaire ou effectif, dans un autre État membre sans perdre la personnalité juridique dont elle jouit dans l'ordre juridique de l'État membre de constitution et, le cas échéant, les modalités de ce transfert étaient déterminées par la législation nationale conformément à laquelle ladite société avait été constituée. Elle en a conclu qu'un État membre avait la possibilité d'imposer à une société constituée en vertu de son ordre juridique des restrictions au déplacement de son siège effectif hors de son

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territoire afin qu'elle pût conserver la personnalité juridique dont elle bénéficiait en vertu du droit de ce même État.

71 La Cour ne s'est en revanche nullement prononcée sur la question de savoir si, lorsque, comme dans le litige au principal, une société constituée conformément à la législation d'un État membre est réputée, en application du droit d'un autre État membre, avoir transféré son siège effectif dans ce dernier État, celui-ci est en droit de refuser de reconnaître la personnalité juridique dont elle jouit dans l'ordre juridique de son État de constitution.

72 Ainsi, nonobstant la généralité des termes employés au point 23 de l'arrêt Daily Mail and General Trust, précité, la Cour n'a pas entendu reconnaître aux États membres la faculté de subordonner au respect de leur droit national des sociétés l'exercice effectif, sur leur territoire, de la liberté d'établissement par des sociétés, légalement constituées dans d'autres États membres, dont ils considèrent qu'elles ont transféré leur siège sur ledit territoire.

73 Il ne saurait par conséquent être déduit de l'arrêt Daily Mail and General Trust, précité, que, lorsqu'une société constituée conformément à la législation d'un État membre et y jouissant de la personnalité juridique exerce sa liberté d'établissement dans un autre État membre, la question de la reconnaissance de sa capacité juridique et de sa capacité d'ester en justice dans l'État membre d'établissement ne relève pas des dispositions du traité relatives à la liberté d'établissement, quand bien même cette société serait réputée, en application du droit de l'État membre d'établissement, avoir transféré son siège effectif dans cet État.

74 En troisième lieu, il convient de rejeter l'argument, avancé par le gouvernement espagnol, selon lequel, dans une situation telle que celle en cause au principal, le programme général subordonnerait, dans son titre I, le bénéfice de la liberté d'établissement garantie par le traité à l'existence d'un lien effectif et continu avec l'économie d'un État membre.

75 En effet, il résulte du libellé même du programme général que celui-ci n'exige un lien effectif et continu que dans l'hypothèse où la société n'a que son siège statutaire à l'intérieur de la Communauté. Ceci n'est incontestablement pas le cas d'Überseering, qui a à la fois son siège statutaire et son siège effectif à l'intérieur de la Communauté. Pour ce cas de figure, la Cour a constaté, au point 19 de l'arrêt Centros, précité, que l'article 58 du traité assimile aux personnes physiques, ressortissantes des États membres, les sociétés constituées en conformité avec la législation d'un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de la Communauté.

76 Il résulte des considérations qui précèdent qu'Überseering est en droit de se prévaloir de la liberté d'établissement pour s'opposer au refus du droit allemand de la considérer comme une personnalité juridique ayant la capacité d'ester en justice.

77 Il convient, par ailleurs, de rappeler qu'en principe l'acquisition par une ou plusieurs personnes physiques résidant dans un État membre de parts dans une société constituée et établie dans un autre État membre relève, dès lors qu'une telle participation ne confère pas à ces personnes physiques une influence certaine sur les décisions de la société et ne leur permet pas d'en déterminer les activités, des dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux. En revanche, dès lors que l'acquisition porte sur la totalité des parts d'une société ayant son siège statutaire dans un autre État membre et qu'une telle participation confère une influence certaine sur les décisions de la société et leur permet d'en déterminer les activités, ce sont les dispositions du traité relatives à la liberté d'établissement qui trouvent à s'appliquer (voir, en ce sens, arrêt du 13 avril 2000, Baars, C-251/98, Rec. p. I-2787, points 21 et 22).

Sur l'existence d'une restriction à la liberté d'établissement

78 Il y a lieu, ensuite, d'examiner si le refus par les juridictions allemandes de reconnaître à une société légalement constituée selon le droit d'un autre État membre la capacité juridique et la capacité d'ester en justice est constitutif d'une restriction à la liberté d'établissement.

79 À cet égard, dans une situation telle que celle en cause au principal, une société légalement constituée selon le droit d'un État membre, autre que la République fédérale d'Allemagne, dans lequel elle dispose de son siège statutaire, n'a d'autre alternative, selon le droit allemand, si elle entend faire valoir devant une juridiction

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allemande les droits qu'elle tire d'un contrat passé avec une société de droit allemand, que de se reconstituer en Allemagne.

80 Or Überseering, légalement constituée aux Pays-Bas et y disposant de son siège statutaire, tire des articles 43 CE et 48 CE le droit d'exercer sa liberté d'établissement en Allemagne en tant que société de droit néerlandais. Il importe peu, à cet égard, que, postérieurement à la constitution de cette société, l'intégralité de son capital ait été acquise par des ressortissants allemands résidant en Allemagne dès lors que cette circonstance ne paraît pas lui avoir fait perdre la personnalité juridique dont elle jouit dans l'ordre juridique néerlandais.

81 Mieux, son existence même est consubstantielle à sa qualité de société de droit néerlandais, dans la mesure où, ainsi qu'il a été rappelé, une société n'a d'existence qu'à travers la législation nationale qui en détermine la constitution et le fonctionnement (voir, en ce sens, arrêt Daily Mail and General Trust, précité, point 19). L'exigence de reconstitution de la même société en Allemagne équivaut, dès lors, à la négation même de la liberté d'établissement.

82 Dans ces conditions, le refus, par un État membre, de reconnaître la capacité juridique d'une société constituée conformément au droit d'un autre État membre dans lequel elle a son siège statutaire au motif, notamment, que la société aurait transféré son siège effectif sur son territoire à la suite de l'acquisition de la totalité des parts sociales par des ressortissants de cet État membre qui y résident, avec pour conséquence que la société ne peut, dans l'État membre d'accueil, ester en justice pour défendre ses droits tirés d'un contrat, sauf à se reconstituer selon le droit de cet État, constitue une restriction à la liberté d'établissement incompatible, en principe, avec les articles 43 CE et 48 CE.

Sur l'éventuelle justification de la restriction à la liberté d'établissement

83 Il convient, enfin, de rechercher si une telle restriction à la liberté d'établissement est susceptible d'être justifiée par les raisons invoquées tant par la juridiction de renvoi que par le gouvernement allemand.

84 Le gouvernement allemand a fait valoir à titre subsidiaire, au cas où la Cour jugerait que l'application de la théorie du siège constitue une restriction à la liberté d'établissement, que cette restriction s'applique de manière non discriminatoire, est justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général et est proportionnée aux objectifs visés.

85 Selon le gouvernement allemand, le caractère non discriminatoire résulterait du fait que les règles de droit découlant de la théorie du siège s'appliquent non seulement à toute société étrangère qui s'établit en Allemagne en y transférant son siège effectif, mais également aux sociétés de droit allemand qui transfèrent leur siège effectif hors d'Allemagne.

86 Quant aux raisons impérieuses d'intérêt général avancées pour justifier la restriction alléguée, le gouvernement allemand soutient, à titre liminaire, que, dans d'autres domaines, le droit communautaire dérivé présuppose que le siège administratif et le siège statutaire sont identiques. Le droit communautaire aurait donc reconnu le bien-fondé, en principe, d'un siège statutaire et administratif unique.

87 Selon le gouvernement allemand, les règles allemandes de droit international privé des sociétés servent la sécurité juridique et la protection des créanciers. Il souligne à cet égard qu'il n'existe, au niveau communautaire, aucune harmonisation des modalités de protection du capital social des sociétés à responsabilité limitée et que ces sociétés sont soumises, dans les États membres autres que la République fédérale d'Allemagne, à des exigences pour partie beaucoup moins strictes. La théorie du siège appliquée en droit allemand garantirait dans ce contexte qu'une société dont le centre des activités se situe sur le territoire allemand soit pourvue d'un capital minimal déterminé, ce qui contribuerait à la protection de ses partenaires contractuels et de ses créanciers. Cela empêcherait également les distorsions de concurrence dans la mesure où toutes les sociétés dont le centre des activités se situe en Allemagne seraient soumises au même cadre légal.

88 Selon le gouvernement allemand, une autre justification réside dans la protection des associés minoritaires. En l'absence de standard communautaire dans le domaine de ladite protection, un État membre devrait pouvoir appliquer à toute société dont le centre des activités se situe sur son territoire les mêmes exigences légales protégeant les actionnaires minoritaires.

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89 La protection des salariés au travers d'une cogestion de l'entreprise dans les conditions fixées par la loi justifierait également l'application de la théorie du siège. Selon le gouvernement allemand, le transfert en Allemagne du siège effectif d'une société constituée selon le droit d'un autre État membre pourrait, si la société conservait sa qualité de société de ce droit, comporter un risque de contournement des dispositions allemandes sur la cogestion qui permettent aux salariés, dans certaines conditions, d'être représentés au conseil de surveillance de la société. Un tel organe n'existerait pas toujours dans les sociétés des autres États membres.

90 Enfin, des intérêts fiscaux justifieraient la restriction éventuellement constituée par l'application de la théorie du siège. Le gouvernement allemand soutient, à cet égard, que la théorie de la constitution permet, dans une mesure plus large que celle du siège, la création de sociétés ayant une double résidence et étant à ce titre imposables de manière illimitée dans au moins deux États membres. De telles sociétés présenteraient le risque de réclamer et de recevoir des avantages fiscaux parallèlement dans plusieurs États. À titre d'exemple, le gouvernement allemand mentionne l'imputation transfrontalière des pertes sur les bénéfices entre entreprises d'un même groupe.

91 Les gouvernements néerlandais et du Royaume-Uni, la Commission et l'Autorité de surveillance AELE estiment que la restriction en cause n'est pas justifiée. Ils font en particulier valoir que l'objectif de protection des créanciers avait également été invoqué par les autorités danoises dans l'affaire Centros, précitée, afin de justifier le refus d'immatriculer au Danemark la succursale d'une société qui avait été légalement constituée au Royaume-Uni et dont toutes les activités devaient être exercées au Danemark sans qu'elle satisfasse aux exigences du droit danois en matière de constitution et de libération d'un capital social minimal. Ils ajoutent qu'il n'est pas certain que les exigences liées à un capital social minimal constituent un moyen efficace de protéger les créanciers.

92 À cet égard, il ne saurait être exclu que des raisons impérieuses d'intérêt général telles que la protection des intérêts des créanciers, des associés minoritaires, des salariés ou encore du fisc puissent, dans certaines circonstances et en respectant certaines conditions, justifier des restrictions à la liberté d'établissement.

93 Pareils objectifs ne peuvent toutefois justifier que soient déniées la capacité juridique et, partant, la capacité d'ester en justice à une société régulièrement constituée dans un autre État membre où elle a son siège statutaire. En effet, une telle mesure équivaut à la négation même de la liberté d'établissement reconnue aux sociétés par les articles 43 CE et 48 CE.

94 Par conséquent, il y a lieu de répondre à la première question que les articles 43 CE et 48 CE s'opposent à ce que, lorsqu'une société constituée conformément à la législation d'un État membre sur le territoire duquel elle a son siège statutaire est réputée, selon le droit d'un autre État membre, avoir transféré son siège effectif dans cet État, ce dernier dénie à ladite société la capacité juridique et, partant, la capacité d'ester en justice devant ses juridictions nationales pour faire valoir les droits tirés d'un contrat conclu avec une société établie dans ledit État.

Sur la seconde question préjudicielle

95 Il découle de la réponse apportée à la première question préjudicielle que, lorsqu'une société constituée conformément à la législation d'un État membre sur le territoire duquel elle a son siège statutaire exerce sa liberté d'établissement dans un autre État membre, les articles 43 CE et 48 CE imposent à ce dernier de respecter la capacité juridique et, partant, la capacité d'ester en justice que cette société possède en vertu du droit de son État de constitution.

Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur les questions à elle soumises par le Bundesgerichtshof, par ordonnance du 30 mars 2000, dit pour droit:

1) Les articles 43 CE et 48 CE s'opposent à ce que, lorsqu'une société constituée conformément à la législation d'un État membre sur le territoire duquel elle a son siège statutaire est réputée, selon le droit d'un autre État membre, avoir transféré son siège effectif dans cet État, ce dernier dénie à ladite société la capacité juridique et, partant, la capacité d'ester en justice devant ses juridictions nationales pour faire valoir les droits tirés d'un contrat conclu avec une société établie dans ledit État.

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2) Lorsqu'une société constituée conformément à la législation d'un État membre sur le territoire duquel elle a son siège statutaire exerce sa liberté d'établissement dans un autre État membre, les articles 43 CE et 48 CE imposent à ce dernier de respecter la capacité juridique et, partant, la capacité d'ester en justice que cette société possède en vertu du droit de son État de constitution.

NOTE P. LAGARDE, REV.CRIT. DIP 2003.508 1. Cet arrêt(1), qui fait suite à quelques autres, contribue à préciser les profonds infléchissements que le principe de la liberté d'établissement fait subir au droit international privé des sociétés des États membres, particulièrement de ceux qui sont demeurés fidèles au critère du siège réel(2).

L'article 58 du traité de Rome (devenu article 48 depuis le traité d'Amsterdam) dispose :« Les sociétés constituées en conformité de la législation d'un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de la Communauté sont assimilées, pour l'application des dispositions du présent chapitre [relatif au droit d'établissement] aux personnes physiques ressortissantes des États membres. »La rédaction était assez large pour s'appliquer aussi bien aux sociétés constituées dans un État de siège réel que dans un État d'incorporation, mais elle ne préjugeait pas de la reconnaissance dans l'un de ces États des sociétés constituées selon la loi d'un autre. Elle le faisait si peu que l'article 220 du traité (devenu article 293) invitait les États membres à engager entre eux des négociations en vue d'assurer « la reconnaissance mutuelle des sociétés [...], le maintien de la personnalité juridique en cas de transfert du siège de pays en pays et la possibilité de fusion de sociétés relevant de législations nationales différentes ». Ces négociations devaient aboutir à la Convention de Bruxelles du 29 février 1968(3)qui n'est jamais entrée en vigueur.

2. Il en est résulté un vide législatif, que la Cour de justice devait elle-même constater dans son arrêt Daily Mail du 27 septembre 1988 (Rec. p. 5483). La société anglaise Daily Mail voulait, pour échapper à la fiscalité anglaise sur les plus-values boursières, transférer son siège de direction aux Pays-Bas. Elle considérait l'obligation d'obtenir à cette fin l'autorisation du Trésor britannique comme une atteinte injustifiée à son droit d'établissement prévu par le traité. La Cour lui a donné tort :« Il y a donc lieu de constater que le traité considère la disparité des législations nationales concernant le lien de rattachement exigé pour leurs sociétés ainsi que la possibilité et, le cas échéant, les modalités d'un transfert du siège, statutaire ou réel, d'une société de droit national d'un État membre à l'autre, comme des problèmes qui ne sont pas résolus par les règles sur le droit d'établissement, mais qui doivent l'être par des travaux législatifs ou conventionnels, lesquels, toutefois, n'ont pas encore abouti. Dans ces conditions, on ne saurait interpréter les articles 52 et 58 du traité comme conférant aux sociétés de droit national un droit de transférer leur siège de direction et leur administration sociale dans un autre État membre, tout en gardant leur qualité de sociétés de l'État membre selon la législation duquel elles ont été constituées ».

3. La Cour de justice a nettement infléchi sa position dans son arrêt Centros du 9 mars 1999(4). Le litige n'opposait plus, comme dans l'affaire précédente, la société migrante à son État d'incorporation, mais à son État d'établissement. La société Centros avait été constituée par deux époux danois au Royaume-Uni, sans aucune intention d'exercer en ce pays la moindre activité. Les fondateurs voulaient seulement se soustraire aux conditions de la loi danoise relatives à la libération d'un capital minimum et profiter du

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caractère très libéral de la législation britannique à cet égard. La société une fois constituée, ils ont voulu établir une succursale au Danemark, mais se sont heurtés au refus des autorités danoises d'immatriculer cette succursale, par laquelle devait s'exercer l'ensemble de l'activité de la société. La Cour de justice a dit pour droit que les dispositions du traité sur la liberté d'établissement :« s'opposent à ce qu'un État membre refuse l'immatriculation d'une succursale d'une société constituée en conformité avec la législation d'un autre État membre dans lequel elle a son siège sans y exercer d'activités commerciales, lorsque la succursale est destinée à permettre à la société en cause d'exercer l'ensemble de son activité dans l'État où cette succursale sera constituée, en évitant d'y constituer une société et en éludant ainsi l'application des règles de constitution des sociétés qui y sont plus contraignantes en matière de libération d'un capital minimum ».La Cour de justice réservait cependant la possibilité pour l'État d'établissement de prendre toute mesure de nature à prévenir ou sanctionner les fraudes.

4. L'arrêt rapporté, du 5 novembre 2002, se situe dans la même ligne oppose lui aussi une société migrante aux exigences de l'ordre juridique de son État d'établissement, mais il y allait cette fois, non pas de l'immatriculation d'une succursale, fût-elle l'unique établissement de la société, mais de la reconnaissance de sa personnalité juridique et de sa capacité d'ester en justice. La société Überseering, incorporée aux Pays-Bas, poursuivait devant les tribunaux allemands un entrepreneur allemand pour malfaçons dans des travaux réalisés sur un immeuble de la société en Allemagne. Entre-temps, deux ressortissants allemands résidant à Düsseldorf avaient acquis les parts de la société, ce qui a été considéré par les tribunaux allemands, à tort ou à raison, comme un transfert transfrontalier du siège réel de la société. Celle-ci ayant désormais son siège réel en Allemagne sans avoir satisfait aux règles allemandes de constitution des sociétés a été considérée en première instance et en appel comme dépourvue de capacité juridique en Allemagne et ne pouvant y ester en justice. C'est cette position que la Cour de justice, sur question à elle posée par le Bundesgerichtshof, a jugée incompatible avec les dispositions sur le droit d'établissement.

Ajoutons que la série n'est pas terminée. La Cour de justice est actuellement saisie d'une affaire Inspire Art Ltd (aff. C-167/01), concernant une société incorporée au Royaume-Uni et exerçant toutes ses activités aux Pays-Bas. La question est de savoir si les Pays-Bas peuvent imposer à cette société l'application d'une loi néerlandaise du 17 décembre 1997 sur les « sociétés étrangères de pure forme », prescrivant notamment à de telles sociétés de faire figurer cette qualité au registre du commerce et de libérer un capital égal à celui exigé des sociétés néerlandaises. L'arrêt n'est pas encore prononcé au moment où nous écrivons (juin 2003), mais l'avocat général Alber a déjà conclu que l'application de telles dispositions à une société constituée dans un autre État membre serait une restriction injustifiée à la liberté d'établissement (concl. du 30 janv. 2003).

5. Les commentateurs français de l'arrêt Centros ont surtout débattu des limites que la Cour a fixées à l'exception de fraude dans l'exercice de la liberté d'établissement(5). M. J.-B. Blaise, toutefois, s'est fait l'écho des controverses très vives éveillées en Allemagne par ces décisions sur le maintien ou la condamnation du critère du siège social réel (Sitztheorie, par opposition à la théorie de l'incorporation, Gründungstheorie)(6). C'est cette question centrale du rattachement des sociétés que l'on examinera dans cette note. Les affaires dont la Cour de justice a eu à connaître concernent des hypothèses de

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transfert de siège réel d'un État membre à un autre. Ces situations seront examinées les premières. La question du rattachement des sociétés peut aussi se poser en dehors de tout transfert de siège, ainsi que pour les sociétés d'États non membres de l'Union européenne. Il conviendra d'étudier en second lieu ces autres situations.

I. - Le rattachement de la société dans les situations soumises à la Cour de justice6. Dans les trois affaires Centros, Überseering et Inspire Art, la société migrante était incorporée dans un État membre de l'union européenne qui, au surplus, rattachait le régime juridique de la société à la loi de l'incorporation. De plus, le débat portait dans les trois cas sur l'application à ladite société de certaines règles de l'État d'établissement, dans lequel elle avait transféré son siège réel. La position de la Cour de justice (à confirmer dans la troisième affaire) est que l'application de ces règles de l'État d'établissement est une restriction injustifiée au droit d'établissement prévu par le traité. Il y a cependant une progression de l'arrêt Centros à l'arrêt Überseering. Certains auteurs s'étaient demandé si l'arrêt Centros ne se limitait pas au cas où l'État d'établissement comme l'État de constitution de la société étaient des États suivant le système de l'incorporation(7). Le doute est dissipé avec l'arrêt Überseering. Dans cette affaire, l'État d'établissement était l'Allemagne, donc un État de siège réel, et c'est à cet État que la Cour de justice interdit d'opposer la théorie du siège réel à la reconnaissance de la capacité juridique et donc de la personnalité de la société constituée aux Pays-Bas, dès lors que cette personnalité subsiste dans l'État de constitution.L'arrêt indique les résistances qu'il a fallu vaincre pour obtenir ce résultat. Il a fallu d'abord écarter l'argument tiré de l'article 220 (devenu 293) du traité CE, qui, selon certains (et notamment les gouvernements allemand, espagnol et italien), aurait subordonné la reconnaissance mutuelle des sociétés à la conclusion d'une convention entre les États membres. Mais si le traité prévoit la possibilité de conclure une convention sur ce sujet, il n'en fait pas la voie exclusive d'obtention d'un tel résultat (v. les motifs 52 à 60 de l'arrêt).

Plus délicat était l'argument tiré du motif cité plus haut de l'arrêt Daily Mail. Ce motif, sur lequel se sont fondés les auteurs partisans du maintien des systèmes nationaux de rattachement des sociétés et particulièrement de la Sitztheorie(8)a embarrassé la Cour de justice et l'a amenée à une distinction entre l'État de constitution de la société (État de départ) et l'État dans lequel la société va s'établir et fixer son siège réel (État d'arrivée), le premier conservant sa liberté de détermination du rattachement de la société, tandis que le second doit y renoncer au profit de la théorie de l'incorporation.

A. - La distinction entre l'État de départ et l'État d'arrivée7. Alors que sa formulation en termes généraux du motif précité de l'arrêt Daily Mail aurait pu faire croire que l'ensemble des problèmes résultant de la disparité des législations nationales concernant le rattachement exigé pour leurs sociétés et les conditions d'un transfert de siège d'un État membre à un autre échappaient aux dispositions du traité sur la liberté d'établissement, l'arrêt rapporté limite la portée de ce motif à la situation qui était celle de l'espèce. Ce sont seulement les restrictions imposées par l'État d'incorporation de la société au transfert du siège effectif de la société dans un autre État membre et à la conservation par cette société de sa personnalité juridique, qui auraient été abandonnées au droit national de la société. Mais l'arrêt Daily Mail ne se serait pas prononcé sur les rapports entre la société et l'État dans lequel elle s'établit effectivement. Il n'aurait pas reconnu à l'État d'établissement la possibilité de subordonner au respect de son droit national l'exercice effectif par la

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société de son droit d'établissement et de lui refuser la reconnaissance de la personnalité juridique dont elle jouit dans l'ordre juridique de son État de constitution (nos 61 à 73).

Cette distinction que l'arrêt rapporté lit dans l'arrêt Daily Mail entre l'État de départ et l'État d'arrivée de la société est importante, car elle implique la liberté pour l'État de départ de continuer s'il le souhaite à suivre la théorie du siège réel. Il appartient à chaque État de fixer les règles de constitution des sociétés sur son territoire. Il est libre de subordonner l'enregistrement (et donc la personnalité juridique) d'une société qui veut se constituer sur son territoire à la condition qu'elle y fixe son siège réel. Il est libre aussi, du moins en l'état actuel du droit communautaire, de considérer comme ayant perdu sa personnalité juridique une société qui vient à transférer son siège réel dans un autre État membre, sinon la référence faite par l'arrêt rapporté au fait que la société Überseering avait conservé sa personnalité juridique dans l'ordre juridique néerlandais (n° 80) n'aurait aucun sens. Dans les trois affaires soumises à la Cour (Centros, Überseering et Inspire Art), l'État de départ suivait la théorie de l'incorporation et le risque d'une disparition de la personnalité de la société dans son État de constitution était inexistant. Il en aurait été différemment si l'État de départ avait été un État de siège réel comme l'Allemagne. L'arrêt rapporté conduit à la solution que la société allemande qui transférerait son siège réel dans un autre État membre perdrait aux yeux de la loi allemande sa personnalité juridique et que l'État d'arrivée ne violerait pas la liberté d'établissement en refusant de reconnaître à cette société la personnalité qu'elle aurait perdue dans son État de constitution. En somme, la théorie du siège réel n'est condamnée par la Cour de justice que dans la mesure où elle ferait obstacle, dans l'État d'établissement, à la reconnaissance pure et simple par cet État d'une société jouissant de la personnalité juridique dans son État de constitution et donc à l'exercice par une telle société de sa liberté d'établissement.

8. Certains auteurs auraient souhaité une condamnation plus générale de la théorie du siège réel. Le traitement différencié du transfert du siège réel suivant que l'on se place du côté de l'État de départ ou de celui de l'État d'arrivée a été fortement critiqué par W.-F. Roth(9). Pour cet auteur, la liberté d'établissement serait en quelque sorte indivisible. Pas plus que l'État d'établissement ne peut refuser de reconnaître la personnalité de la société étrangère, l'État d'origine de la société ne devrait pouvoir l'empêcher d'exercer sa liberté d'établissement en transférant son siège effectif et ses activités à l'étranger, ni le priver en ce cas de sa personnalité juridique, l'obligeant ainsi à se transformer en une société de l'État d'établissement. P. Behrens se prononce dans le même sens et risque une comparaison avec la libre circulation des marchandises, qui ne doit être entravée ni par l'État de destination, ni par l'État d'origine de la marchandise(10).Dans sa leçon inaugurale intitulée « Das Internationale Gesellschaftsrecht nach Überseering » et prononcée le 11 juin 2003 dans la chaire de droit international privé et de droit européen de la Faculté de droit de Würzburg (encore inédite), Mme Eva-Maria Kieninger propose de résoudre ce problème par le jeu du renvoi. Tenant pour acquis que tous les États membres doivent désormais suivre la théorie de l'incorporation pour identifier les sociétés des autres États membres bénéficiaires de la liberté d'établissement, elle affirme que dans le cas de transfert du siège réel de l'État de constitution, supposé être un État de siège réel (par ex. l'Allemagne) vers un autre État membre, la règle de conflit allemande soumettrait la capacité de cette société à la loi du nouveau siège réel, mais que celle-ci, conformément à la Gründungstheorie, renverrait à la loi de l'État de constitution, dans l'exemple à la loi allemande. La solution est certes

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élégante, mais permet-elle de passer outre à la règle de droit matériel allemand qui frappe de mort à la frontière la société allemande qui transfère son siège réel à l'étranger? Ce n'est pas certain.

La Cour de justice n'a en tout cas pas encore franchi le pas qui imposerait à l'État de départ de modifier son droit international des sociétés et peut-être faudra-t-il attendre l'adoption de la quatorzième directive relative au transfert du siège social des sociétés de capitaux(11).

Si la Cour de justice se limite pour le moment à assurer aux sociétés constituées dans un État membre et qui y conservent leur personnalité juridique, la liberté effective d'établissement dans un autre État membre, peut-on déduire de sa jurisprudence qu'elle oblige l'État d'établissement à renoncer entièrement à la théorie du siège réel vis-à-vis de la société d'un autre État membre établie chez lui ?

B. - Portée de l'arrêt pour l'État d'établissement. Le problème du conflit mobile9. La Convention de Bruxelles du 29 février 1968, qui n'est jamais entrée en vigueur, permettait à l'État membre dans lequel une société incorporée dans un autre État membre (à l'époque les Pays-Bas) avait son siège réel d'appliquer à cette société les dispositions de sa propre loi qu'il considérait comme impératives. C'était au fond, avant la lettre, la théorie de la superposition (Überlagerungstheorie) à laquelle le professeur

Sandrock a attaché son nom (12). La Cour de justice va beaucoup plus loin que cette convention, puisque, d'une part, l'arrêt Centros ne permet pas à cet État d'invoquer les dispositions de son droit relatives au capital minimum pour refuser l'immatriculation de la filiale d'une telle société, que, d'autre part, l'arrêt Überseering ne lui permet pas de dénier à cette société la capacité d'agir en justice au motir qu'elle n'aurait pas satisfait aux conditions de constitution prévues par sa loi et qu'enfin il est vraisemblable que la Cour suivra son avocat général dans l'affaire Inspire Art et refusera à l'État d'établissement d'imposer aux sociétés faussement étrangères l'application de ses dispositions spécifiques à ces sociétés. Partant de l'idée que c'est seulement lorsque ses conséquences sont incompatibles avec la liberté d'établissement que la théorie du siège réel est condamnée, certaines voix pensent que, même au stade de la reconnaissance des sociétés étrangères, cette théorie pourrait être sauvegardée. Ainsi, le Bundesgerichtshof a-t-il jugé le 1er juillet 2002(13)que si la capacité d'agir en justice en Allemagne devait être reconnue à une société à responsabilité limitée (Limited Company) constituée à Jersey mais dont le siège réel aurait été transféré en Allemagne à l'époque du litige, c'était en tant que société de personnes de droit civil allemand, dans laquelle les associés ne bénéficient pas d'une limitation de responsabilité. On a parlé à propos de cet arrêt d'une neue Sitztheorie (Behrens, op. cit., IPRax 2003.199), en ce sens - et c'est la nouveauté - que la personnalité de la société étrangère et sa capacité juridique ne sont plus niées en Allemagne, mais - et c'est en ceci que la théorie du siège réel subsiste - cette société de siège réel allemand, qui ne s'est pas constituée selon les règles applicables aux GmbH allemandes, ne peut être considérée selon le droit allemand que comme une société de personnes. Le transfert du siège réel en Allemagne produit donc, selon cette théorie, un changement de statut, un conflit mobile dans la terminologie française(14).

10. Cette réintroduction de la théorie du siège réel par le biais du conflit mobile paraît incompatible avec la jurisprudence de la Cour de justice. Cette théorie crée un

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dédoublement sinon de la personnalité du moins du statut de la société. Celle-ci continue d'exister selon la loi de Jersey comme société à responsabilité limitée, et existerait simultanément aussi comme société de personnes de droit allemand. Mais c'est en tant que société étrangère(15)que sa capacité juridique doit être reconnue au titre de la liberté d'établissement et non en tant que société allemande. D'ailleurs, l'arrêt rapporté, dans son second dictum, précise que l'État d'établissement (dans lequel a été transféré le siège réel) doit « respecter la capacité juridique et, partant, la capacité d'ester en justice que cette société possède en vertu de son droit de constitution ». On peut ajouter que la proposition de 14e directive « concernant le transfert de siège des sociétés d'un État membre à un autre avec changement de la loi applicable » prévoit que le changement de loi applicable ne se produira qu'à la date de l'immatriculation de la société dans l'État de son nouveau siège, ce qui peut signifier que le déclenchement du conflit mobile n'est pas lié au déplacement effectif du siège réel, mais à un acte formel accompli par les dirigeants de la société(16).

11. Si le changement de statut doit être écarté et si l'État d'établissement ne doit pas pouvoir traiter comme une société soumise à sa loi la société d'un autre État membre qui, usant de la liberté d'établissement prévue par le traité, a transféré son siège réel sur son territoire, il n'est pas exclu qu'il puisse la soumettre, au titre de l'intérêt général, à certaines de ses règles. L'arrêt Centros réservait à l'État d'établissement la possibilité de prendre contre la société ou ses associés toutes mesures de nature à prévenir ou à sanctionner des fraudes, et l'arrêt rapporté n'exclut pas « que des raisons impérieuses d'intérêt général telles que la protection des intérêts des créanciers, des associés minoritaires, des salariés ou encore du fisc puissent, dans certaines circonstances et en respectant certaines conditions, justifier des restrictions à la liberté d'établissement » (motif n° 92). Mais ces restrictions doivent satisfaire au critère de proportionnalité. S'agissant de la protection des créanciers, Fexigence de libération d'un capital minimum a été considérée comme disproportionnée par l'arrêt Centros (nos 32 à 35). Allant encore plus loin, l'avocat général Alber considère dans ses conclusions sur l'affaire Inspire Art que:« la protection des créanciers n'est pas expressément mentionnée à l'article 46 CE. Protégeant des intérêts économiques, une jurisprudence constante veut qu'elle ne relève pas non plus des notions d'ordre public et de sécurité publique » (n° 113).

La responsabilité personnelle des associés, qui semble bien avoir été le but véritable de la neue Sitztheorie, paraît elle aussi disproportionnée. La perspective d'une telle responsabilité serait en effet dissuasive pour toutes les sociétés à responsabilité limitée d'autres États membres qui voudraient transférer leur siège effectif de direction dans un État fidèle à la théorie du siège réel(17). Et si, comme on peut le penser, la Cour suit l'avis de son avocat général dans l'affaire Inspire Art, elle condamnera aussi l'application aux Scheinauslandgesellschaften de la responsabilité solidaire, sinon des associés, du moins des administrateurs prévue par la loi néerlandaise sur les sociétés étrangères de pure forme.

Le Bundesgerichtshof vient lui-même de tirer ces conclusions de l'arrêt Überseering. Dans un arrêt du 13 mars 2003(18), il a abandonné la neue Sitztheorie. Ayant à se prononcer sur la capacité d'agir en justice devant les tribunaux allemands d'une société à responsabilité limitée néerlandaise ayant transféré son siège réel (mais non son siège statutaire) en Allemagne, il ne s'est pas contenté de reconnaître cette capacité. Il a jugé que cette société faisait valoir ses droits en tant que société néerlandaise, qu'il fallait la considérer comme telle et qu'on ne pouvait pas apprécier cette capacité en se référant à

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la capacité d'une société de personnes allemande, car ce serait la contraindre à se transformer en une société comportant le risque d'une responsabilité personnelle des associés et donc méconnaître sa liberté d'établissement. Le BGH en conclut que la capacité juridique d'une telle société doit être soumise, d'après le droit international allemand des sociétés, à la loi de l'État dans lequel elle s'est constituée, quand bien même elle aurait transféré son siège réel en Allemagne.

La Cour de justice n'a pas jusqu'à présent donné d'indication sur la position qu'elle prendrait si l'État d'établissement voulait imposer aux sociétés étrangères ses règles sur la participation des travailleurs à la gestion de l'entreprise ou sur la protection des actionnaires minoritaires. La question reste donc ouverte. Sur le premier point, en tout cas, un rattachement spécial à la loi de l'État d'établissement, qui est aussi celui où la société exerce ses fonctions d'employeur, paraît tout à fait possible, à la manière de la

solution française issue de l'arrêt Compagnie internationale des wagons-lits (19).

12. On peut donc conclure à ce stade que la Cour de justice, lorsqu'une société constituée dans un État membre transfère son siège réel de cet État dans un autre État membre, l'État membre dans lequel s'est constituée la société reste libre de lui appliquer la théorie du siège et de subordonner le transfert du siège aux conditions qu'il fixe. En revanche, les dispositions du traité CE sur la liberté d'établissement obligent l'État du nouveau siège réel à reconnaître la capacité juridique de cette société en tant que société de l'État où elle s'est constituée, et donc à renoncer à la soumettre à son propre droit en invoquant la théorie du siège réel. Cet abandon partiel de la Sitztheorie au profit de la Gründungstheorie doit-il se répercuter sur les situations non envisagées par la Cour de justice ?

II. - Le rattachement de la société dans les situations non envisagées par la Cour de justiceA. - Existence d'une dissociation du siège statutaire et du siège réel dès la constitution de la société13. Dans les espèces soumises jusqu'ici à la Cour de justice, la dissociation entre les sièges statutaire et réel résultait d'un transfert du siège réel après la constitution de la société. Mais cette dissociation peut aussi exister ab initio. La distinction entre dissociation ab initio et dissociation subséquente n'est d'ailleurs pas toujours nette, comme le montre l'affaire Centros, ce qui inclinerait à les traiter de la même façon. L'hypothèse de dissociation ab initio n'est pas gênante pour les États qui suivent la théorie de l'incorporation. Ils permettront la constitution de la société sur leur territoire, sans attacher d'importance à la localisation du siège réel. Elle est plus complexe pour les États retenant la théorie du siège réel.

Il résulte de l'arrêt Daily Mail qu'un tel État peut refuser la constitution de la société sur son territoire si le siège réel est situé hors de ce territoire. La liberté d'établissement n'est pas ici en cause, puisque la société n'est pas encore constituée, et le droit communautaire n'a pas de prise sur le droit international privé de l'État concerné. Cet État doit rester libre de refuser la constitution sur son territoire de sociétés qui n'y ont pas leur siège réel. Mais si l'État de siège réel est celui sur le territoire duquel se trouve le siège réel de la société, cet État peut-il refuser de reconnaître la société qui s'est constituée dans un autre État membre où est situé son siège statutaire ? Peut-il appliquer à cette société son propre droit, duquel il peut résulter que la société s'est

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constituée comme société de droit civil, avec responsabilité illimitée de ses associés ?

La réponse paraît devoir être négative. En effet, si la société invoque sa qualité de société de l'État dans lequel elle a son siège statutaire pour bénéficier de la liberté d'établissement dans l'État de son siège réel, ce dernier sera tenu de la reconnaître comme telle, l'article 48 du traité CE cité au début de cette note se contentant de la présence dans un État membre soit du siège statutaire, soit de l'administration centrale ou du principal établissement pour définir les sociétés bénéficiant du droit d'établissement. Et il résulte de l'arrêt Überseering que le refus de reconnaître la capacité d'ester en justice à une société constituée dans l'État du siège statutaire est incompatible avec la liberté d'établissement. On a objecté à la réponse ici suggérée qu'elle mettrait dans l'embarras les juridictions des États membres autres que ceux où est situé l'un des deux sièges. W.-F. Roth(20)donne l'exemple d'une société ayant son siège statutaire en Angleterre, où elle s'est constituée, et son siège réel en Allemagne. Il se demande si un tribunal autrichien saisi d'un litige mettant en question la capacité de cette société devrait la considérer, pour l'application de l'article 48 du traité, comme une société anglaise (siège statutaire) ou comme une société allemande (siège de l'administration principale) et il conclut qu'il reste encore à éclaircir définitivement si le traité donne ou non la prééminence à la Gründungstheorie. Ne peut-on répondre qu'il appartient à la société qui revendique la liberté d'établissement de se présenter sous son meilleur jour et d'établir qu'elle bénéficie de cette liberté ? Si elle se présente en Autriche comme une société anglaise - ce qu'elle est puisqu'elle a pris par hypothèse la peine de s'y incorporer - le juge autrichien n'a pas à se demander si elle n'est pas plutôt allemande ni à trancher un conflit de nationalités qui est ici sans pertinence.

B. - Société constituée dans un État non membre de l'Union européenne14. La place croissante faite par la Cour de justice à la théorie de l'incorporation doit-elle s'étendre aux sociétés qui se sont constituées dans un État tiers par rapport à l'Union européenne ? En droit strict, la réponse est certainement négative. La jurisprudence de la Cour est exclusivement fondée sur la liberté d'établissement, dont le bénéfice est réservé par le traité aux personnes justifiant d'un certain lien avec un État membre. À cet égard, on peut relever dans l'affaire Überseering une discordance significative entre les conclusions de l'avocat général Colomer et l'arrêt de la Cour. Pour contester le refus par les juridictions allemandes de reconnaître la capacité d'ester en justice de la société Überseering, l'avocat général s'était placé à la fois sur le terrain de la liberté d'établissement et sur celui des droits de l'homme (nos 57 à 59). Ce refus pouvait être considéré, disait-il, comme une violation du droit à un procès équitable (art. 6, § 1 Conv. européenne des droits de l'homme), comme une restriction au droit à la libre jouissance de la propriété privée (protocole n° 1) ou comme une privation du droit à un recours effectif (art. 13 Conv.). De tels arguments auraient pu être invoqués par toute société, où qu'elle ait été constituée, même hors de l'Union. On songe aux arrêts de la Cour de cassation qui, pour éliminer le système obsolète de reconnaissance des sociétés issu de la loi du 30 mai 1857, ont invoqué sa contradiction avec l'article 6 de la Convention

européenne des droits de l'homme (21). La Cour de justice n'a toutefois pas repris cet argument de l'avocat général et s'est placée exclusivement sur le terrain de la liberté d'établissement. On peut y lire une indication de sa volonté de limiter cette jurisprudence aux sociétés d'un État membre.

Il ne faut donc pas chercher dans le droit communautaire la réponse à la question posée.

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On peut même penser que l'absence de rapprochement organisé du droit des sociétés avec les États tiers n'incite pas à abandonner les garanties qu'est censée donner la théorie du siège social réel contre des sociétés étrangères trop envahissantes. Mais il faut rappeler qu'à cet égard les États-Unis ont pris depuis longtemps leurs précautions. Une série de conventions bilatérales ont assuré à leurs sociétés la reconnaissance dans

les principaux États d'Europe, sur la base de la théorie de l'incorporation (22). Ces conventions obligent les États cocontractants des États-Unis à reconnaître comme des sociétés américaines les sociétés constituées aux États-Unis selon les lois locales, sans considération du lieu de leur siège réel.À l'égard des autres États, en tout cas de ceux qui n'ont pas conclu de conventions avec les États de siège réel, les États membres de l'Union européenne sont libres d'adopter la solution de leur choix. On peut certes estimer de lege ferenda que la théorie du siège réel est archaïque, qu'elle n'assure pas de protection efficace des créanciers, qu'elle est une séquelle du protectionnisme de l'entre-deux-guerres et une entrave à l'intégration européenne (cf. Behrens, IPRax 2003.206), mais elle n'est pas condamnée, en tout cas au stade de la constitution de la société, sinon à celui de sa reconnaissance. L'argumentation fondée sur le droit à un procès équitable pourrait être invoquée contre le refus de la capacité d'ester en justice d'une société constituée à l'étranger, mais rien ne peut empêcher l'État du siège réel d'imposer à cette société d'un État tiers ses dispositions impératives.

15. En conclusion, la Cour de justice oblige aujourd'hui, au nom de la liberté d'établissement, les États membres sur le territoire desquels une société constituée dans un autre État membre a situé ou transféré son siège réel, à rattacher celle-ci à la loi de l'État où elle s'est constituée, sauf à lui imposer, en respectant le test de proportionnalité, certaines de ses dispositions en vue de protéger les actionnaires minoritaires et les travailleurs. Mais elle n'oblige pas les États membres à autoriser la constitution sur leur territoire de sociétés qui n'y auraient que leur siège statutaire et non leur siège réel, ou même à maintenir leur personnalité à des sociétés constituées sur leur territoire et qui transféreraient leur siège réel à l'étranger. Reste à ces États à examiner pour leur propre compte si cette survivance de la théorie du siège réel ne risque pas de pénaliser leurs propres entreprises au bénéfice des sociétés constituées dans des États suivant la théorie de l'incorporation.

(1) Sur lequel v. aussi T. Ballarino, « Les règles de conflit sur les sociétés commerciales à

l'épreuve du droit communautaire d'établissement », supra, p. 373 . Sur les répercussions possibles de la jurisprudence Centros et Überseering sur l'application du règlement 44/2001 (Bruxelles I), v. Benedettelli, « Criteri di giurisdizione in materia societaria e diritto comunitario », Riv. di dir. int. priv. proc. 2002.879.(2) On ne s'étendra pas ici sur la question très controversée de savoir si le droit français suit le système du siège réel, comme on l'enseigne traditionnellement (v. les traités ou précis de Batiffol et Lagarde, I, n° 196, Loussouarn et Bourel, n° 707 et Audit, avec des nuances, n° 1087), ou celui de l'incorporation, comme le soutient une doctrine plus récente (Menjucq, La mobilité des sociétés dans l'espace européen, 1997, nos 178 et s. ; Droit international et européen des sociétés, 2001, n° 50 ; Mayer et Heuzé, Droit international privé, n° 1037, se prononçant plus précisément pour la loi du siège statutaire ; ces auteurs citent en ce sens Synvet, L'organisation internationale du groupe

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de sociétés, thèse Rennes, 1979, multigr. ; comp., dans un sens voisin, Ancel et Lequette, Grands arrêts, n° 50, p. 474). Selon ces auteurs, les articles 1837 C. civ. et L. 210-3 C. com., en énonçant que « les sociétés dont le siège social est fixé en territoire français sont soumises à la loi française » auraient eu en vue le siège statutaire, « les tiers pouvant seulement, si tel est leur intérêt, invoquer sur le point en litige, la loi du lieu du siège réel » (Mayer et Heuzé, n° 1037). Qu'une telle solution soit plus facile à appliquer et qu'elle soit finalement préférable est une chose, qu'elle s'accorde à la lettre du texte en est une autre. L'article 1837 (comme l'art. L. 210-3 C. com.), dans son alinéa 2, ne dit pas que les tiers peuvent se prévaloir du siège réel, mais du siège statutaire, lequel ne leur est pas opposable si le siège réel est situé en un autre lieu. La loi aurait-elle eu besoin de permettre expressément aux tiers de se prévaloir du siège statutaire si celui-ci avait été le rattachement de principe de la société ? Dans la pratique, les deux opinions sont moins éloignées qu'il y paraît, car il faut bien partir de la loi en application de laquelle s'est constituée la société et où se trouve le plus souvent son siège statutaire, présumé être aussi le siège réel (Ass. plén., 21 déc. 1990, cette Revue, 1992.70, note

Duranton ). V. aussi, en Belgique, posant très clairement le problème en ces termes, Edie Wymeersch, « The transfer of the company's seat in European Company Law », Common Market Law Review, vol. 40 (2003), p. 663-695.(3)RTD européen 1968.401 et rapport Goldman.(4)Rec. 1-1459, concl. La Pergola, Rev. des sociétés, 1999.386, note G. Parléani, D. Aff. 1999.550, note Menjucq, JDI 2000.482, obs. Luby.(5) V. les notes précitées de MM. Parléani et Menjucq ; adde, de ce dernier auteur, Droit international et européen des sociétés, 2001, nos 272 et s.(6) V. J.-B. Blaise, « Une cohabitation difficile : nationalité des sociétés et libre établissement dans la Communauté européenne », in Souveraineté étatique et marchés internationaux à la fin du XXe siècle, Mélanges Philippe Kahn, 2001, p. 585 et s.(7) Sonnenberger et Grosserichter, « Konfliktlinien zwischen internationalen Gesellschaftsrecht und Niederlassungsfreiheit », RIW 1999.721 et s., 722.(8) Sonnenberger et Grosserichter, préc. ; Kindler, in Münchner Kommentar, 3e éd., Bd 11, IntGesR, n° 363 ; Blaise, préc., nos 15 et s.(9) Roth, « Internationales Gesellschaftsrecht nach Überseering », IPRax 2003.117 et s., 121 ; dans le même sens, Wymeersch, art. préc. (note 2), n° 22.(10) P. Behrens, « Das Internationale Gesellschaftsrecht nach dem Überseering-Urteil des EuGH und den Schlussanträgen zu Inspire Art », IPRax 2003.193 et s., 205.(11) V. le texte de la proposition de directive, JOCE C 138, 5 mai 1997.(12) (V. ses trois articles reproduits in Internationales Wirtschaftsrecht in Theorie und Praxis, Münster, 1995, p. 57-155.(13)IPRax 2003.62 et note approbative Kindler, ibid., p. 41.(14) On serait tenté de faire un rapprochement avec le célèbre arrêt Lamot de la Cour de cassation de Belgique du 12 novembre 1965, cette Revue, 1967.506, note Loussouarn, mais dans l'arrêt belge, le transfert de siège avait fait l'objet d'une démarche formelle des dirigeants, en sorte que le changement de loi applicable ne pouvait être une surprise pour eux.(15) Le BGH (IPRax 2003.63, 2e colonne ; v. aussi, Behrens, IPRax 2003.199) observe justement que les îles anglo-normandes ne sont pas comprises dans le domaine territorial d'application de la liberté d'établissement (art. 299, § 6 c traité CE), mais cette circonstance ne change rien au raisonnement.(16) Comp. les articles 7 à 9 du règlement 2157/2001 du 8 octobre 2001 relatif au statut

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de la société européenne (SE) (JOCE, L 294, du 10 nov. 2001) : le droit de l'État du nouveau siège s'appliquera à la SE après le transfert du siège, sans disparition de la personne morale. Toutefois, l'article 7 permet à l'État d'immatriculation de la société d'exiger la présence sur son territoire du siège réel et donc, en cas de transfert du siège statutaire sur son territoire, d'obliger la société à y transférer également son siège réel, ce qui peut faire problème au regard de la jurisprudence de la Cour de justice sur le droit d'établissement, v. Wymeersch, art. préc. (note 2), n° 39.(17) En ce sens W. H. Roth, art. préc., IPRax 2003.123.(18)NJW 2003.1461.(19) Cons. d'État, 29 juin 1973, cette Revue, 1974.344, concl. N. Questiaux et chronique Francescakis, ibid., p. 273, Grands arrêts, n° 53.(20) Art. préc. (note 9), IPRax 2003.127.

(21) Civ. 1re, 25 juin 1991, cette Revue, 1991.667, 3e esp., note Khairallah .(22) Conv. avec la France, 25 nov. 1959, art. XIV, § 5, JO 15 déc. 1960, cette Revue, 1961.229 ; avec l'Allemagne, 29 oct. 1954, art. XXV, BGBl. 1956, II, 48822 ; avec l'Italie, 2 févr. 1948, art. 2-2, in Giuliano-Pocar-Treves, Codice delle convenzione di diritto internazionale privato e processuale, Milan, 1981, p. 782. Sur la Convention Allemagne-USA, v. Kindler, in Münchner Kommentar, 3e éd., Bd 11, IntGesR, nos 241 et s. Le BGH vient de juger que cette convention obligeait l'Allemagne à reconnaître la capacité d'ester en justice, selon la loi de l'État de Floride, d'une société constituée dans cet État, bien que son siège réel fût en Allemagne (29 janv. 2003, IPRax 2003.265).

CJCE, 30 SEPTEMBRE 2003 INSPIRE ART

1 Par ordonnance du 5 février 2001, parvenue à la Cour le 19 avril suivant, le Kantongerecht te Amsterdam a posé, en application de l'article 234 CE, deux questions préjudicielles sur l'interprétation des articles 43 CE, 46 CE et 48 CE.

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant la Kamer van Koophandel en Fabrieken voor Amsterdam (chambre de commerce et d'industrie d'Amsterdam) (Pays-Bas) (ci-après la «chambre de commerce») à la société de droit anglais Inspire Art Ltd (ci-après «Inspire Art») concernant l'obligation faite à la succursale de cette dernière aux Pays-Bas d'insérer, à côté de son inscription dans le registre du commerce néerlandais, la mention «formeel buitenlandse vennootschap» (société étrangère de pure forme), ainsi que l'utilisation de cette indication dans la vie des affaires, obligations imposées par la Wet op de formeel buitenlandse vennootschappen (loi sur les sociétés étrangères de pure forme), du 17 décembre 1997 (Staatsblad 1997, n° 697, ci-après la «WFBV»).

I- Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 L'article 43, premier alinéa, CE énonce:

«[¼ ] les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre.»

4 L'article 48 CE, quant à lui, étend le bénéfice du droit d'établissement, dans les mêmes conditions que celles prévues pour les personnes physiques ressortissantes des États membres, aux «sociétés constituées en conformité

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de la législation d'un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de la Communauté».

5 L'article 46 CE permet aux États membres d'apporter des restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants étrangers, en adoptant des «dispositions législatives, réglementaires et administratives», dans la mesure où elles sont «justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique».

6 En vue de réaliser la liberté d'établissement, l'article 44, paragraphe 2, sous g), CE prévoit la possibilité pour le Conseil de l'Union européenne d'adopter des directives en vue de coordonner «dans la mesure nécessaire et en vue de les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les États membres, des sociétés au sens de l'article 48, deuxième alinéa, pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers».

7 Différentes directives ont ainsi été adoptées par le Conseil sur cette base (ci-après les «directives sur le droit des sociétés»), et notamment les directives suivantes visées dans l'affaire au principal.

8 La première directive 68/151/CEE du Conseil, du 9 mars 1968, tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les États membres, des sociétés au sens de l'article 58 deuxième alinéa du traité, pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers (JO L 65, p. 8, ci-après la «première directive»), s'applique aux sociétés de capitaux. Elle prévoit trois mesures ayant pour objectif de protéger les tiers qui traitent avec ces sociétés: l'établissement d'un dossier reprenant un certain nombre d'informations obligatoires tenu pour chaque société au registre du commerce territorialement compétent, l'harmonisation des règles nationales relatives à la validité et à l'opposabilité des engagements pris au nom d'une société (y compris pour les sociétés en formation) et la fixation d'une liste exhaustive des cas de nullité des sociétés.

9 La deuxième directive 77/91/CEE du Conseil, du 13 décembre 1976, tendant à coordonner pour les rendre équivalentes les garanties qui sont exigées dans les États membres des sociétés au sens de l'article 58 deuxième alinéa du traité, en vue de la protection des intérêts tant des associés que des tiers, en ce qui concerne la constitution de la société anonyme ainsi que le maintien et les modifications de son capital (JO 1977, L 26, p. 1, ci-après la «deuxième directive»), fixe les mentions obligatoires devant figurer dans les statuts ou l'acte constitutif des sociétés anonymes, le montant du capital minimal requis pour ce type de sociétés et prévoit les règles harmonisées concernant les apports, la libération des actions, la valeur nominale de celles-ci et la distribution de dividendes aux actionnaires.

10 La quatrième directive 78/660/CEE du Conseil, du 25 juillet 1978, fondée sur l'article 54 paragraphe 3 sous g) du traité et concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés (JO L 222, p. 11, ci-après la «quatrième directive»), s'applique aux sociétés de capitaux. Elle harmonise les dispositions nationales relatives à l'établissement, au contenu, à la structure et à la publicité des comptes annuels des entreprises.

11 La septième directive 83/349/CEE du Conseil, du 13 juin 1983, fondée sur l'article 54 paragraphe 3 sous g) du traité, concernant les comptes consolidés (JO L 193, p. 1, ci-après la «septième directive»), a le même objectif que la quatrième directive en ce qui concerne l'établissement de comptes consolidés.

12 La onzième directive 89/666/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, concernant la publicité des succursales créées dans un État membre par certaines formes de société relevant du droit d'un autre État (JO L 395, p. 36, ci-après la «onzième directive»), vise les succursales des sociétés de capitaux.

13 Aux termes du troisième considérant de la onzième directive, celle-ci a été adoptée en considération du fait que «la création d'une succursale, tout comme la constitution d'une filiale, est l'une des possibilités qui, à l'heure actuelle, sont ouvertes à une société désireuse d'exercer son droit d'établissement dans un autre État membre».

14 Le quatrième considérant de cette directive reconnaît que, «pour ce qui est des succursales, le défaut de coordination, notamment dans le domaine de la publicité, donne lieu à une certaine disparité sur le plan de la protection des associés et des tiers entre les sociétés qui opèrent dans d'autres États membres en créant des succursales et celles qui y opèrent en constituant des sociétés filiales».

15 Le cinquième considérant de ladite directive dispose, quant à lui, que, «dans ce domaine, les divergences des législations des États membres peuvent perturber l'exercice du droit d'établissement et qu'il est donc nécessaire de les éliminer pour sauvegarder, entre autres, l'exercice de ce droit».

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16 Le douzième considérant de la même directive prévoit qu'elle n'affecte en rien les obligations d'information auxquelles sont tenues les succursales du fait d'autres dispositions relevant, par exemple, du droit social en ce qui concerne le droit d'information des salariés, du droit fiscal, ainsi qu'à des fins statistiques.

17 L'article 2, paragraphe 1, de la onzième directive prévoit une liste de mentions devant faire l'objet d'une publication dans l'État membre où est établie la succursale. Il s'agit des indications suivantes:

«a) l'adresse de la succursale;

b) l'indication des activités de la succursale;

c) le registre auprès duquel le dossier mentionné à l'article 3 de la directive 68/151/CEE est ouvert pour la société et le numéro d'immatriculation de celle-ci sur ce registre;

d) la dénomination et la forme de la société, ainsi que la dénomination de la succursale si elle ne correspond pas à celle de la société;

e) la nomination, la cessation des fonctions, ainsi que l'identité des personnes qui ont le pouvoir d'engager la société à l'égard des tiers et de la représenter en justice:

- en tant qu'organe de la société légalement prévu ou membres de tel organe, en conformité avec la publicité faite auprès de la société selon l'article 2 paragraphe 1 point d) de la directive 68/151/CEE,

- en tant que représentants permanents de la société pour l'activité de la succursale, avec indication de l'étendue de leurs pouvoirs;

f) - la dissolution de la société, la nomination, l'identité et les pouvoirs des liquidateurs, ainsi que la clôture de liquidation, en conformité avec la publicité faite auprès de la société selon l'article 2 paragraphe 1 points h), j) et k) de la directive 68/151/CEE,

- une procédure de faillite, de concordat ou d'une autre procédure analogue dont la société fait l'objet;

g) les documents comptables, dans les conditions indiquées à l'article 3;

h) la fermeture de la succursale.»

18 En outre, l'article 2, paragraphe 2, de la onzième directive permet à l'État membre dans lequel la succursale a été créée de prévoir des obligations complémentaires en matière de publicité, portant sur les indications suivantes:

«a) d'une signature des personnes visées au paragraphe 1 points e) et f) du présent article;

b) de l'acte constitutif et des statuts, si ces derniers font l'objet d'un acte séparé conformément à l'article 2 paragraphe 1 points a), b) et c) de la directive 68/151/CEE, ainsi que des modifications de ces documents;

c) d'une attestation du registre visé au paragraphe 1 point c) du présent article concernant l'existence de la société;

d) d'une indication sur les sûretés grevant les biens de la société situés dans cet État membre, pour autant que cette publicité se rapporte à la validité de telles sûretés.»

19 L'article 4 de la onzième directive prévoit que l'État membre dans lequel la succursale a été créée peut imposer l'utilisation d'une autre langue officielle de la Communauté, ainsi que la traduction certifiée des documents publiés, notamment pour la publicité visée à l'article 2, paragraphe 2, point b), de ladite directive.

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20 L'article 6 de la onzième directive dispose que les États membres prescrivent que les lettres et notes de commande utilisées par la succursale portent, outre les indications prescrites à l'article 4 de la première directive, l'indication du registre auprès duquel le dossier de la succursale est ouvert ainsi que le numéro d'immatriculation de celle-ci sur ce registre.

21 Enfin, l'article 12 de la onzième directive impose aux États membres de prévoir des sanctions appropriées en cas de non-respect des obligations de publicité qu'elle prévoit à charge des succursales dans l'État d'accueil.

La réglementation nationale

22 L'article 1er de la WFBV définit la «société étrangère de pure forme» comme étant «une société de capitaux possédant la personnalité juridique, qui a été constituée conformément à une législation autre que la législation néerlandaise, qui exerce ses activités entièrement ou presque entièrement aux Pays-Bas et qui, de surcroît, ne présente pas de lien réel avec l'État dans lequel s'applique la législation conformément à laquelle elle a été constituée [...]».

23 Les articles 2 à 5 de la WFBV imposent aux sociétés étrangères de pure forme différentes obligations qui concernent l'immatriculation de la société au registre du commerce, l'indication de cette qualité sur les documents qui émanent d'elle, le capital minimal ainsi que l'élaboration, la réalisation et la publication des documents annuels. La WFBV prévoit également des sanctions en cas de non-respect de ces dispositions.

24 En particulier, l'article 2 de la WFBV impose à une société qui correspond aux critères de la définition d'une société étrangère de pure forme de se faire inscrire en tant que telle au registre du commerce de l'État d'accueil. Une copie authentique rédigée en néerlandais, en français, en allemand ou en anglais ou une copie certifiée conforme par un administrateur de l'acte de constitution et des statuts doit également être déposée au registre du commerce de l'État d'accueil, si ces derniers font l'objet d'un document séparé. Doivent également figurer à ce registre la date de la première immatriculation de cette société, le registre national auprès duquel elle y est immatriculée et sous quel numéro, ainsi que, pour les sociétés unipersonnelles, certaines informations relatives à leur associé unique.

25 L'article 4, paragraphe 4, de la WFBV prévoit la responsabilité solidaire des administrateurs, avec la société, pour les actes juridiques intervenus pendant leur administration au nom de cette dernière tant que l'obligation d'immatriculation au registre du commerce n'a pas été remplie.

26 En application de l'article 3 de la WFBV, tous les documents et publications dans lesquels une société étrangère de pure forme apparaît ou qui émanent d'elle, à l'exception des télégrammes et des réclames, doivent mentionner le nom complet de la société, sa forme juridique, son siège statutaire, son lieu d'établissement primaire, ainsi que le numéro d'immatriculation, la date de la première immatriculation et le registre dans lequel elle doit être immatriculée, aux termes de la législation qui lui est applicable. Ce même article impose également de mentionner que la société est une société étrangère de pure forme et interdit d'utiliser, dans des documents ou publications, des indications qui, contrairement à la réalité, suggéreraient que l'entreprise appartient à une personne morale néerlandaise.

27 En vertu de l'article 4, paragraphe 1, de la WFBV, le capital souscrit d'une société étrangère de pure forme doit être au moins égal au capital minimal imposé par l'article 2:178 du Burgerlijk Wetboek (code civil néerlandais, ci-après le «BW») aux sociétés à responsabilité limitée néerlandaises, lequel s'élevait à 18 000 euros au 1er septembre 2000 (Staatsblad 2000, n° 322). Les fonds propres doivent s'élever au moins au capital minimal (article 4, paragraphe 2, de la WFBV qui renvoie à l'article 2:178 du BW). Pour s'assurer que la société étrangère de pure forme remplit ces conditions, une déclaration émanant d'un commissaire-réviseur doit être présentée au registre du commerce (article 4, paragraphe 3, de la WFBV).

28 Tant que les conditions relatives au capital et aux fonds propres ne sont pas remplies, les administrateurs sont, avec la société, solidairement responsables de tous les actes juridiques intervenus pendant leur administration et liant la société. Les administrateurs d'une société étrangère de pure forme sont également solidairement responsables des actes de la société si le capital souscrit et libéré descend sous le minimum requis après avoir rempli à l'origine la condition relative au capital minimal. La responsabilité solidaire des administrateurs n'existe que durant la période où la société a la qualité de société étrangère de pure forme (article 4, paragraphe 4, de la WFBV).

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29 L'article 4, paragraphe 5, de la WFBV précise toutefois que les dispositions concernant le capital minimal ne s'appliquent pas à une société soumise au droit d'un État membre ou au droit d'un État membre de l'Espace économique européen (EEE) et à laquelle s'applique la deuxième directive.

30 L'article 5, paragraphes 1 et 2, de la WFBV impose aux administrateurs de sociétés étrangères de pure forme de tenir une comptabilité et de la conserver pendant sept ans. Les administrateurs doivent établir chaque année des comptes et un rapport annuels. Ces documents doivent être rendus publics par leur dépôt au registre du commerce et remplir les conditions du titre 9 du livre 2 du BW, ce qui permet de garantir leur conformité aux documents annuels des sociétés néerlandaises.

31 Les administrateurs sont en outre tenus de déposer avant le 1er avril de chaque année, au bureau du registre du commerce, une preuve de l'immatriculation au registre désigné par le droit applicable à la société (article 5, paragraphe 4, de la WFBV). Pour l'application de la WFBV, les personnes chargées de la gestion journalière de la société sont assimilées aux administrateurs, conformément à l'article 7 de cette loi.

32 Les articles 2:249 et 2:260 du BW sont applicables par analogie à une société étrangère de pure forme. Ces dispositions prévoient, en cas de publication de documents annuels ou de chiffres intermédiaires trompeurs, la responsabilité solidaire des administrateurs et des commissaires pour les dommages qui en découleraient pour les tiers.

33 L'article 5, paragraphe 3, de la WFBV prévoit toutefois que les obligations prévues aux paragraphes 1 et 2, dudit article en matière de comptabilité et de documents annuels ne s'appliquent pas aux sociétés soumises au droit d'un État membre ou au droit d'un État membre de l'EEE et qui relèvent du champ d'application de la quatrième directive et/ou de la septième directive.

II- Le litige au principal et les questions préjudicielles

34 Inspire Art a été constituée le 28 juillet 2000 sous la forme juridique d'une «private company limited by shares» (société privée à responsabilité limitée) de droit anglais, son siège social étant établi à Folkestone (Royaume-Uni). Son unique administrateur («director»), domicilié à La Haye (Pays-Bas), est habilité à agir seul et de manière autonome au nom de la société. La société, qui agit sous la dénomination sociale «Inspire Art Ltd» dans le domaine de la vente d'objets d'art, a entamé ses activités le 17 août 2000 et dispose d'une succursale à Amsterdam.

35 Inspire Art est immatriculée au registre du commerce d'Amsterdam, sans mention du fait qu'il s'agit d'une société étrangère de pure forme, au sens de l'article 1er de la WFBV.

36 La chambre de commerce, estimant que cette mention était obligatoire au motif qu'Inspire Art n'exerçait ses activités commerciales qu'aux Pays-Bas, a demandé, le 30 octobre 2000, au Kantongerecht te Amsterdam d'ordonner que l'immatriculation de cette société au registre du commerce soit complétée par la mention «société étrangère de pure forme», conformément à l'article 1er de la WFBV, ce qui entraînerait d'autres obligations prévues par la loi, exposées aux points 22 à 33 du présent arrêt.

37 À titre principal, Inspire Art a contesté que son immatriculation fût incomplète, car elle estimait ne pas remplir les conditions énoncées à l'article 1er de la WFBV. À titre subsidiaire, si le Kantongerecht te Amsterdam devait décider qu'elle remplissait ces conditions, elle a soutenu que la WFBV était contraire au droit communautaire, et en particulier aux articles 43 CE et 48 CE.

38 Dans son ordonnance du 5 février 2001, le Kantongerecht te Amsterdam a jugé qu'Inspire Art était une société étrangère de pure forme au sens de l'article 1er de la WFBV.

39 Quant à la compatibilité de la WFBV avec le droit communautaire, il a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Les articles 43 CE et 48 CE doivent-ils interprétés en ce sens qu'ils interdisent aux Pays-Bas de subordonner, par la Wet op de formeel buitenlandse vennootschappen du 17 décembre 1997, à des conditions supplémentaires telles que celles qui sont prévues aux articles 2 à 5 inclus de cette loi, l'établissement à titre secondaire aux Pays-Bas d'une société constituée au Royaume-Uni dans le seul but de jouir de certains avantages par rapport aux

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sociétés constituées selon le droit néerlandais, droit qui impose des conditions plus strictes que le droit anglais en matière de constitution de société et de libération des actions, la loi néerlandaise déduisant l'intention susvisée de la circonstance que la société exerce ses activités entièrement ou presque entièrement aux Pays-Bas et n'a aucun lien réel avec l'État conformément au droit duquel elle a été constituée?

2. Si ces articles doivent être interprétés en ce sens que les dispositions de la Wet op de formeel buitenlandse vennootschappen sont incompatibles avec eux, l'article 46 CE doit-il alors être compris en ce sens que les dispositions des articles 43 CE et 48 CE n'affectent en rien l'applicabilité du régime néerlandais de la Wet op de formeel buitenlandse vennootschappen au motif que les dispositions de celle-ci sont justifiées par les motifs avancés par le législateur néerlandais?»

III- Observations liminaires

40 La chambre de commerce, le gouvernement néerlandais et la Commission des Communautés européennes considèrent que les questions préjudicielles ont été formulées trop largement par la juridiction de renvoi. En effet, le litige au principal ne concernant que l'immatriculation d'une société au registre du commerce, la Cour devrait limiter son analyse aux seules dispositions nationales se rapportant à cette question.

41 Ils proposent par conséquent à la Cour d'exclure de son examen les articles 3 et 6 de la WFBV dans leur entièreté, ainsi que certaines parties des articles 2, 4 et 5 de cette loi (plus précisément, l'article 2, paragraphes 1, in fine, et 2, l'article 4, paragraphes 1, 2, 4 et 5, ainsi que l'article 5, paragraphes 1 et 2).

42 À cet égard, il résulte d'une jurisprudence constante que la procédure mise en place par l'article 234 CE est un instrument de coopération entre la Cour et les juges nationaux (voir, notamment, sur cette question, arrêt du 16 juillet 1992, Lourenço Dias, C-343/90, Rec. p. I-4673, point 14).

43 Dans le cadre de cette coopération, le juge national saisi du litige, qui est le seul à avoir une connaissance directe des faits au principal et qui devra assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, est le mieux placé pour apprécier, au regard des particularités de l'affaire, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu'il pose à la Cour (voir, notamment, arrêts Lourenço Dias, précité, point 15, et du 22 janvier 2002, Canal Satélite Digital, C-390/99, Rec. p. I-607, point 18).

44 En conséquence, dès lors que la question posée par le juge national porte sur l'interprétation d'une disposition de droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêts Lourenço Dias, précité, point 16; du 15 décembre 1995, Bosman, C-415/93, Rec. p. I-4921, point 59; du 13 mars 2001, PreussenElektra, C-379/98, Rec. p. I-2099, point 38, et Canal Satélite Digital, précité, point 18.

45 Cependant, selon une jurisprudence également bien établie, la Cour considère qu'il lui appartient, en cas de besoin, d'examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national, en vue de vérifier sa propre compétence (arrêts du 16 décembre 1981, Foglia, 244/80, Rec. p. 3045, point 21, et Canal Satélite Digital, précité, point 19). En effet, l'esprit de collaboration qui doit présider au fonctionnement du renvoi préjudiciel, implique également que, de son côté, le juge national ait égard à la fonction confiée à la Cour, qui est de contribuer à l'administration de la justice dans les États membres et non de formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques (voir, notamment, arrêts précités Foglia, points 18 et 20; Lourenço Dias, point 17; Bosman, point 60, et du 21 mars 2002, Cura Anlagen, C-451/99, Rec. p. I-3193, point 26).

46 Il y a lieu par ailleurs de rappeler que, pour permettre à la Cour de donner une interprétation du droit communautaire qui soit utile, il est indispensable que la juridiction nationale explique les raisons pour lesquelles elle considère qu'une réponse à ses questions est nécessaire à la solution du litige (voir, notamment, arrêt Foglia, précité, point 17).

47 En possession de ces informations, la Cour sera alors en mesure de vérifier si l'interprétation du droit communautaire qui est sollicitée présente un rapport avec la réalité et l'objet du litige au principal. S'il apparaît que la question posée n'est manifestement pas pertinente pour la solution de ce litige, la Cour doit constater le non-lieu à statuer (arrêt Lourenço Dias, précité, point 20).

57

Page 58: lewebpedagogique.comlewebpedagogique.com/aline2603/files/2017/01/FASCI… · Web viewEn conséquence, ils sont tenus de prendre en compte l' équivalence des diplômes (voir arrêt

48 À la lumière de ce qui précède, il convient d'examiner si les questions posées par la juridiction de renvoi dans la présente affaire sont pertinentes pour la solution de ce litige.

49 S'il est vrai que la question au centre du litige au principal est de savoir si Inspire Art doit ou non être immatriculée au registre du commerce en tant que société étrangère de pure forme, il n'en demeure pas moins que cette immatriculation entraîne de manière automatique et indissociable un certain nombre d'effets juridiques, prévus aux articles 2 à 5 de la WFBV.

50 La juridiction nationale a ainsi considéré que la question de la compatibilité avec les articles 43 CE, 46 CE et 48 CE se posait plus particulièrement pour certaines obligations, prévues aux articles 2 à 5 de la WFBV, à savoir celles qui portent sur l'immatriculation en tant que société étrangère de pure forme, sur la mention de cette qualité sur tous les documents émanant de la société, sur le capital minimal exigé et sur la responsabilité personnelle des administrateurs rendus débiteurs solidaires, lorsque le capital social n'atteint pas ou plus le montant du capital minimal prévu par la loi.

51 Pour donner une réponse utile à la juridiction nationale, au sens de la jurisprudence précitée, il convient par conséquent, d'examiner l'ensemble de ces dispositions au regard de la liberté d'établissement telle que garantie par le traité CE, ainsi que des directives sur le droit des sociétés.

Sur les questions préjudicielles

52 Par les questions préjudicielles, qu'il convient d'examiner ensemble, la juridiction de renvoi cherche en substance à savoir:

- si les articles 43 CE et 48 CE doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une législation d'un État membre, telle la WFBV, qui impose des conditions supplémentaires, telles que celles prévues aux articles 2 à 5 de cette loi, à l'établissement à titre secondaire dans cet État membre d'une société constituée dans l'autre État membre dans le seul but de jouir de certains avantages par rapport aux sociétés constituées selon la législation de l'État membre d'établissement, laquelle impose des conditions plus strictes que la législation de l'État membre de constitution en matière de constitution de société et de libération des actions;

- si le fait que la législation de l'État membre d'établissement déduise l'intention susvisée de la circonstance que la société exerce ses activités entièrement ou presque entièrement dans ce dernier État membre et n'a aucun lien réel avec l'État conformément au droit duquel elle a été constituée, modifie l'analyse de la Cour sur cette question, et

- si, en cas de réponse positive à l'une ou à l'autre de ces questions, une législation nationale, telle la WFBV, peut être justifiée au titre de l'article 46 CE ou par une raison impérieuse d'intérêt général.

53 En premier lieu, il convient de constater que l'article 5, paragraphes 1 et 2, de la WFBV, visé dans les questions préjudicielles, concerne la tenue et le dépôt des comptes annuels des sociétés étrangères de pure forme. L'article 5, paragraphe 3, de la WFBV prévoit toutefois que les obligations prévues aux paragraphes 1 et 2 de cet article ne s'appliquent pas aux sociétés soumises au droit d'un autre État membre et auxquelles s'applique notamment la quatrième directive. Inspire Art est visée par cette exception, puisqu'elle est soumise au droit anglais et qu'elle relève du champ d'application personnel de la quatrième directive.

54 Dès lors, il n'y a plus lieu pour la Cour d'examiner la compatibilité d'une disposition telle que l'article 5 de la WFBV avec le droit communautaire.

55 En deuxième lieu, plusieurs dispositions de la WFBV relèvent du champ d'application de la onzième directive, dès lors que celle-ci concerne la publicité des succursales créées dans un État membre par les sociétés visées par la première directive et relevant du droit d'un autre État membre.

56 À cet égard, tout d'abord, ainsi que le relève la Commission, un certain nombre d'obligations prévues par la WFBV constituent la transposition en droit interne des mesures de publicité prévues par la onzième directive.

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57 Il s'agit plus précisément des obligations relatives à l'indication dans le registre du commerce de l'État d'accueil de l'immatriculation dans un registre du commerce étranger, ainsi que du numéro sous lequel la société est immatriculée dans ce registre [article 2, paragraphe 1, de la WFBV et article 2, paragraphe 1, sous c), de la onzième directive], au dépôt au registre du commerce néerlandais d'une déclaration certifiée conforme de l'acte constitutif et des statuts en langue néerlandaise, française, anglaise ou allemande [article 2, paragraphe 1, de la WFBV et articles 2, paragraphe 2, sous b), et 4 de la onzième directive], ainsi qu'au dépôt chaque année dans ce même registre du commerce d'une attestation d'immatriculation au registre du commerce étranger [article 5, paragraphe 4, de la WFBV et article 2, paragraphe 2, sous c), de la onzième directive].

58 Ces dispositions, dont la conformité avec la onzième directive n'a pas été mise en cause, ne sauraient être considérées comme constitutives d'une entrave à la liberté d'établissement.

59 À cet égard, il convient toutefois de souligner que la conformité des différentes mesures de publicité, visées au point 57 du présent arrêt, n'a pas pour conséquence automatique de rendre conformes au droit communautaire les sanctions attachées par la WFBV au non-respect desdites mesures de publicité.

60 L'article 4, paragraphe 4, de la WFBV prévoit la responsabilité personnelle et solidaire des administrateurs, avec la société, pour les actes juridiques intervenus pendant leur administration au nom de cette dernière, tant que les obligations de publicité au registre du commerce n'ont pas été remplies.

61 Certes, l'article 12 de la onzième directive impose aux États membres de prévoir des sanctions appropriées en cas de défaut de la publicité requise des succursales dans l'État d'accueil.

62 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsqu'une disposition de droit communautaire ne comporte aucune disposition spécifique prévoyant une sanction en cas de violation ou renvoie, sur ce point, aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, l'article 10 CE impose aux États membres de prendre toutes mesures propres à garantir la portée et l'efficacité du droit communautaire. À cet effet, tout en conservant le choix des sanctions, les États membres doivent notamment veiller à ce que les violations du droit communautaire soient sanctionnées dans des conditions de fond et de procédure qui soient analogues à celles applicables aux violations du droit national d'une nature et d'une importance similaires et qui, en tout état de cause, confèrent à la sanction un caractère effectif, proportionné et dissuasif (arrêts du 21 septembre 1989, Commission/Grèce, 68/88, Rec. p. 2965, points 23 et 24; du 10 juillet 1990, Hansen, C-326/88, Rec. p. I-2911, point 17; du 26 octobre 1995, Siesse, C-36/94, Rec. p. I-3573, point 20, et du 27 février 1997, Ebony Maritime et Loten Navigation, C-177/95, Rec. p. I-1111, point 35).

63 Il appartient à la juridiction de renvoi, seule compétente pour interpréter le droit national, de déterminer si la sanction prévue à l'article 4, paragraphe 4, de la WFBV remplit ces conditions et, notamment si elle ne traite pas défavorablement les sociétés étrangères de pure forme par rapport aux sociétés néerlandaises, en cas de violation des obligations de publicité, rappelées au point 56 du présent arrêt.

64 Si la juridiction de renvoi aboutit à la conclusion que l'article 4, paragraphe 4, de la WFBV traite différemment les sociétés étrangères de pure forme par rapport aux sociétés nationales, il y aurait lieu de conclure que cette disposition est contraire au droit communautaire.

65 En revanche, ne figurent pas dans la liste de l'article 2 de la onzième directive, les autres obligations en matière de publicité prévues par la WFBV, à savoir l'indication au registre du commerce que la société est de pure forme (articles 1er et 2, paragraphe 1, de la WFBV), l'indication au registre du commerce de l'État d'accueil de la date de la première immatriculation au registre du commerce étranger et des informations relatives à l'associé unique (article 2, paragraphe 1, de la WFBV), ainsi que le dépôt obligatoire d'une déclaration comptable indiquant que la société remplit les conditions relatives au capital minimal, souscrit et libéré, et aux fonds propres (article 4, paragraphe 3, de la WFBV). De même, la mention de la qualité de «société étrangère de pure forme» sur tous les documents émanant de cette société (article 3 de la WFBV) ne figure pas à l'article 6 de la onzième directive.

66 Il convient dès lors, en ce qui concerne ces obligations, d'examiner si l'harmonisation réalisée par la onzième directive, et plus particulièrement par les articles 2 et 6 de celle-ci, est exhaustive.

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67 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la onzième directive a été adoptée sur le fondement de l'article 54, paragraphe 3, sous g), du traité CE (devenu, après modification, article 44, paragraphe 2, sous g), CE), qui prévoit que le Conseil et la Commission exercent les fonctions qui leur sont dévolues par cet article, «en coordonnant, dans la mesure nécessaire et en vue de les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les États membres, des sociétés au sens de l'article 58, deuxième alinéa, du traité, pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers.»

68 En outre, il découle des quatrième et cinquième considérants de la onzième directive que les disparités existant en ce qui concerne les succursales entre les législations nationales, notamment dans le domaine de la publicité, peuvent perturber l'exercice de la liberté d'établissement, et qu'il est dès lors nécessaire de les éliminer.

69 Il en résulte que, sans affecter les obligations d'information pesant sur les succursales et découlant du droit social, du droit fiscal ou en matière de statistiques, l'harmonisation de la publicité des succursales, telle que réalisée par la onzième directive, est exhaustive, car ce n'est que dans cette hypothèse qu'elle est à même de réaliser l'objectif qu'elle poursuit.

70 Il faut également souligner que l'article 2, paragraphe 1, de la onzième directive est formulé de manière limitative. En outre, le paragraphe 2 de cet article contient une liste de mesures facultatives de publicité des succursales, disposition qui ne peut trouver sa raison d'être que si les États membres ne sont pas en mesure de prévoir d'autres mesures de publicité des succursales que celles figurant dans le texte de ladite directive.

71 Par conséquent, les différentes mesures de publicité prévues par la WFBV, et visées au point 65 du présent arrêt, sont contraires à la onzième directive.

72 Il y a donc lieu de conclure, sur ce point, que l'article 2 de la onzième directive s'oppose à une législation nationale, telle la WFBV, qui prévoit, à la charge de la succursale d'une société constituée en conformité avec la législation nationale d'un autre État membre, des obligations de publicité non prévues par ladite directive.

73 En troisième lieu, plusieurs dispositions de la WFBV ne relèvent pas du champ d'application de la onzième directive. Il s'agit des règles relatives au capital minimal requis, tant au moment de l'immatriculation qu'au cours de l'existence de la société étrangère de pure forme, ainsi que celles relatives à la sanction attachée au non-respect des obligations prévues par la WFBV, c'est-à-dire la responsabilité solidaire, avec la société, des administrateurs (article 4, paragraphes 1 et 2, de la WFBV). Ces dispositions doivent dès lors être examinées au regard des articles 43 CE et 48 CE.

Quant à l'existence d'une entrave à la liberté d'établissement

Observations soumises à la Cour

74 Pour la chambre de commerce ainsi que pour les gouvernements néerlandais, allemand, italien et autrichien, les articles 43 CE et 48 CE ne s'opposent pas à l'application de dispositions telles que celles de la WFBV.

75 D'abord, les règles posées par la WFBV ne concerneraient ni la constitution de sociétés selon le droit d'un autre État membre ni leur immatriculation (et donc leur reconnaissance). En effet, la validité de ces sociétés serait reconnue et leur immatriculation ne serait pas refusée, de telle sorte que la liberté d'établissement ne serait pas mise en cause.

76 Partant, les considérations émises par la Cour dans l'arrêt du 9 mars 1999, Centros (C-212/97, Rec. p. I-1459), ne seraient pas pertinentes dans la présente espèce, puisqu'elle ne concernerait que les règles régissant l'immatriculation des sociétés étrangères, sans toucher à la liberté des États membres de poser des conditions relatives à l'exercice de certaines activités professionnelles.

77 Le gouvernement néerlandais fait valoir que, pour les sociétés constituées selon le droit d'un autre État membre et qui exercent ou souhaitent exercer leurs activités aux Pays-Bas, le régime de lincorporation, appliqué aux Pays-Bas, est très libéral. En vertu de ce principe, tel que formulé à l'article 2 de la Wet conflictenrecht corporaties (loi sur les règles de conflit applicables aux personnes morales), du 17 décembre 1997 (ci-après la «loi sur les règles de conflit»), «une société qui, du fait de son contrat ou de son acte de constitution, a, au

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Page 61: lewebpedagogique.comlewebpedagogique.com/aline2603/files/2017/01/FASCI… · Web viewEn conséquence, ils sont tenus de prendre en compte l' équivalence des diplômes (voir arrêt

moment de celle-ci, son siège ou, à défaut, le centre de ses interventions externes sur le territoire de l'État selon le droit duquel elle est constituée, est régie par le droit de cet État.»

78 Le gouvernement néerlandais soutient que l'existence des sociétés, valablement constituées selon le droit d'un autre État membre, est reconnue sans autre formalité aux Pays-Bas. Ces sociétés seraient soumises au droit de l'État de constitution; il serait, en principe, sans importance que la société concernée y exerce une activité.

79 En pratique, il serait toutefois apparu que ce régime très accueillant a entraîné un recours croissant à des sociétés étrangères à des fins que le législateur néerlandais n'avait ni visées ni même prévues. De plus en plus souvent, des sociétés qui exercent principalement ou même exclusivement leurs activités sur le marché néerlandais seraient constituées à l'étranger dans le but de se soustraire aux obligations impératives du droit néerlandais des sociétés.

80 Face à cette évolution, l'article 6 de la loi sur les règles de conflit a établi une exception limitée à ce régime libéral, en stipulant que «la présente loi ne fait pas obstacle aux dispositions de la [WFBV]».

81 Ensuite, la chambre de commerce ainsi que les gouvernements néerlandais, allemand, italien et autrichien exposent que les dispositions de la WFBV ne concernent pas la liberté d'établissement, mais se bornent à imposer aux sociétés de capitaux constituées selon un droit autre que le droit néerlandais un nombre limité de conditions supplémentaires relatives à l'exercice de leurs activités professionnelles et à la conduite de la société, en vue de veiller à ce que les tiers soient clairement informés que les sociétés telles qu'Inspire Art sont des sociétés étrangères de pure forme et que en outre, par le dépôt de certains documents et déclarations, ils se voient reconnaître les mêmes garanties qu'en présence de sociétés néerlandaises lorsqu'ils contractent avec ces sociétés.

82 Ces conditions seraient non discriminatoires, car elles trouveraient leur équivalent dans des règles impératives du droit néerlandais des sociétés s'appliquant aux sociétés à responsabilité limitée constituées aux Pays-Bas. De surcroît, ces conditions, qui doivent être remplies tant par les sociétés néerlandaises que par les sociétés étrangères de pure forme, seraient inspirées par la protection d'intérêts non économiques - reconnus au niveau communautaire - concernant la protection des consommateurs et des créanciers.

83 Soutenant que la WFBV est applicable au titre du droit international privé, la chambre de commerce ainsi que les gouvernements néerlandais, allemand et autrichien se réfèrent à l'arrêt du 27 septembre 1988, Daily Mail and General Trust, (81/87, Rec. p. 5483) et à la jurisprudence pertinente. Selon eux, la Cour a jugé dans cette affaire que les articles 43 CE et 48 CE ne faisaient pas obstacle à la compétence des États membres de déterminer eux-mêmes le lien de rattachement pertinent d'une société à leur ordre juridique national. Ils en déduisent que ces articles ne s'opposent pas à l'adoption, au titre du droit international privé, de règles s'appliquant aux sociétés qui relèvent partiellement de la législation néerlandaise. Dans ce contexte, la WFBV ne ferait qu'attacher de l'importance au lieu où la société exerce ses activités, en plus du lien de rattachement constitué par le «lieu de constitution et d'immatriculation».

84 Les gouvernements allemand et autrichien ont par ailleurs soutenu, sur le plan des principes, que l'objectif des articles 43 CE et 48 CE, en ce qui concerne la liberté de créer une succursale, est de permettre aux entreprises qui exercent une activité dans un État membre de se développer dans un autre État membre, ce qui n'est pas le cas des sociétés «boîtes aux lettres».

85 Les gouvernements allemand et autrichien se demandent si, dans le cas des sociétés étrangères de pure forme, les succursales ne doivent pas en fait être considérées comme des établissements principaux et s'il n'y a pas lieu de leur appliquer les principes de la liberté d'établissement primaire. Dans le même ordre d'idées, le gouvernement italien soutient que le fait pour une société constituée dans un État membre de n'avoir jamais exercé d'activité dans cet État s'oppose à ce qu'elle puisse être considérée en tant que succursale quand elle exerce ses activités économiques dans un autre État membre. En situant le centre exclusif de ses activités dans un État autre que celui dont elle relève formellement, une telle société devrait être considérée comme établie à titre primaire dans ce premier État.

86 Enfin, les gouvernements néerlandais, allemand et italien soutiennent que la Cour a admis dans sa jurisprudence qu'un État membre est en droit de prendre des mesures destinées à empêcher que, à la faveur des facilités créées en vertu du traité, certains de ses ressortissants ne tentent de se soustraire abusivement à l'emprise de leur législation nationale et qu'ils puissent se prévaloir abusivement ou frauduleusement des normes

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communautaires (arrêt Centros, précité, point 24, et jurisprudence citée). L'éventuel usage abusif devrait être apprécié en prenant notamment en considération les objectifs poursuivis par les dispositions en cause du droit communautaire (arrêt du 2 mai 1996, Paletta, C-206/94, Rec. I-2357, point 25).

87 Ces gouvernements font valoir que selon les arrêts du 10 juillet 1986, Segers (79/85, Rec. p. 2375, point 16), et Centros (précité, point 29), le fait qu'une société est constituée dans un État membre mais exerce toutes ses activités par l'intermédiaire de sa succursale établie dans un autre État membre ne constitue pas un argument suffisant pour dénier aux intéressés le droit à la liberté d'établissement en invoquant l'abus, la tromperie et/ou le contournement inacceptable de lois nationales.

88 Toutefois, en l'occurrence, sans refuser la reconnaissance d'une société constituée selon le droit d'un autre État membre, ni empêcher l'immatriculation de la succursale, la WFBV se bornerait, selon ces gouvernements, à prévoir certaines obligations préventives limitées et un contrôle répressif au cas où une société se soustrairait aux règles impératives du droit des sociétés qui s'appliquent dans l'État membre où toutes les activités sont exercées.

89 Par conséquent, lorsque comme dans l'affaire au principal, une société va au-delà du simple exercice du droit à la liberté d'établissement et que sa constitution dans un autre État membre a pour objectif d'éluder l'ensemble des règles s'appliquant à la constitution et au fonctionnement des sociétés dans l'État membre où elle exerce toutes ses activités, le fait de permettre à cette société d'invoquer la liberté d'établissement conduirait à esquiver la législation nationale de manière inacceptable. L'adoption de mesures telles que celles énoncées dans la WFBV serait donc justifiée, dans l'état actuel du droit communautaire.

90 En revanche, pour Inspire Art, le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission, les dispositions de la WFBV constituent une atteinte à la liberté d'établissement garantie par les articles 43 CE et 48 CE en ce qu'elles imposent des obligations aux sociétés étrangères de pure forme qui rendent le droit d'établissement sensiblement moins attrayant pour ces sociétés. Tel serait d'ailleurs l'objectif affiché de ces dispositions.

91 Inspire Art, le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission soutiennent que les règles relatives à la liberté d'établissement sont applicables dans un cas de figure comme celui en cause au principal. Se référant aux arrêts Segers et Centros, précités, ils font valoir qu'une société peut aussi invoquer la liberté d'établissement lorsqu'elle n'a été constituée dans un premier État membre qu'en vue de pouvoir s'établir dans un second État membre où elle exerce l'essentiel, voire la totalité, de ses activités économiques. Il serait sans pertinence que la société n'ait été constituée dans le premier État membre que pour éluder les dispositions légales du second État membre. Selon cette jurisprudence, il n'y aurait aucun abus mais le simple exercice de la liberté d'établissement garantie par le traité.

92 Le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission soutiennent que l'article 1er de la WFBV prend en compte le lieu où s'exerce l'activité de la société pour lui rattacher un certain nombre de dispositions impératives de l'État d'accueil. L'utilisation de l'activité effective comme facteur de rattachement, qui ne répondrait à aucun critère inscrit dans l'article 48 CE, porterait atteinte à la liberté d'établissement en ce qu'elle diminuerait l'intérêt de l'exercice de celle-ci pour les sociétés constituées à l'étranger et qui, ensuite, entendent exercer des activités aux Pays-Bas, au motif que d'autres règles sont déclarées applicables en plus de celles de l'État de constitution.

93 Inspire Art défend la même interprétation de la WFBV. Elle précise que, bien que la législation nationale soumette en principe les sociétés aux lois de l'État sous lesquelles elles ont été constituées, le législateur néerlandais a entendu lutter contre la constitution, qualifiée d'abusive, de sociétés selon des lois étrangères dans le but d'exercer exclusivement ou principalement leurs activités aux Pays-Bas, en déclarant les dispositions de la loi néerlandaise sur les sociétés applicables aux sociétés de cette nature. Le législateur aurait justifié ce régime en invoquant la protection des créanciers. Il s'ensuit que la WFBV ne devrait pas se comprendre comme étant une application de la théorie du siège réel, laquelle voudrait qu'une société soit soumise à la loi de l'État membre sur le territoire duquel elle a son siège effectif.

94 Enfin, le gouvernement du Royaume-Uni relève l'importance fondamentale que revêt pour le fonctionnement du marché commun, la faculté de créer des établissements secondaires dans d'autres États membres. Il soutient que l'arrêt Centros, précité, peut s'appliquer pleinement en l'espèce.

Réponse de la Cour

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95 Il convient tout d'abord de préciser que la Cour a déjà jugé qu'il est sans importance, au regard de l'application des règles relatives à la liberté d'établissement, qu'une société n'ait été constituée dans un État membre qu'en vue de s'établir dans un second État membre, où serait exercé l'essentiel, voire l'ensemble, de ses activités économiques (arrêts précités Segers, point 16, et Centros, point 17). En effet, les raisons pour lesquelles une société choisit de se constituer dans un État membre sont, hors les cas de fraude, sans conséquence au regard de l'application des règles relatives à la liberté d'établissement (arrêt Centros, précité, point 18).

96 La Cour a par ailleurs jugé que n'est pas constitutive d'abus la circonstance que la société n'a été créée dans un État membre que dans le but de bénéficier d'une législation plus avantageuse, et ce même si la société en cause exerce l'essentiel, voire l'ensemble, de ses activités dans l'État d'établissement (arrêts précités Segers, point 16, et Centros, point 18).

97 Il s'ensuit que ces sociétés ont le droit d'exercer leurs activités dans un autre État membre par l'intermédiaire d'une succursale, la localisation de leur siège statutaire, de leur administration centrale ou de leur principal établissement servant à déterminer, à l'instar de la nationalité des personnes physiques, leur rattachement à l'ordre juridique d'un État membre (arrêts du 28 janvier 1986, Commission/France, 270/83, Rec. p. 273, point 18; Segers, précité, point 13, et Centros, précité, point 20).

98 Ainsi, dans l'affaire au principal, la circonstance qu'Inspire Art ait été constituée au Royaume-Uni dans le but d'échapper à la législation néerlandaise sur le droit des sociétés, laquelle impose des conditions plus strictes en ce qui concerne notamment le capital minimal et la libération des actions, n'exclut pas que la constitution d'une succursale par cette société aux Pays-Bas bénéficie de la liberté d'établissement, telle que prévue aux articles 43 CE et 48 CE. Comme la Cour l'a jugé dans l'arrêt Centros (précité, point 18), la question de l'application desdits articles est distincte de celle de savoir si un État membre peut prendre des mesures pour empêcher que, en recourant aux possibilités offertes par le traité, certains de ses ressortissants ne tentent de se soustraire abusivement à l'emprise de leur législation nationale.

99 L'argument selon lequel la WFBV ne contreviendrait nullement à la liberté d'établissement, dans la mesure où les sociétés étrangères seraient pleinement reconnues aux Pays-Bas et où leur immatriculation au registre du commerce de cet État membre ne serait pas refusée, cette loi n'ayant pour effet que d'imposer un certain nombre d'obligations complémentaires, qualifiées d'«administratives», ne saurait être accueilli.

100 En effet, la WFBV a pour conséquence que les règles néerlandaises du droit des sociétés relatives au capital minimal et à la responsabilité des administrateurs sont appliquées de manière impérative à des sociétés étrangères, telle Inspire Art, lorsqu'elles exercent leurs activités exclusivement ou presque exclusivement aux Pays-Bas.

101 La création d'une succursale aux Pays-Bas par ce type de sociétés est donc soumise à certaines règles prévues dans cet État pour la constitution d'une société à responsabilité limitée. La législation en cause au principal, qui impose à la succursale d'une telle société, constituée en conformité avec la législation d'un État membre, de respecter les règles de l'État d'établissement relatives au capital social et à la responsabilité des administrateurs, a pour effet d'entraver l'exercice par ces sociétés de la liberté d'établissement reconnue par le traité.

102 Il importe enfin d'examiner les arguments tirés de l'arrêt Daily Mail and General Trust, précité, selon lesquels les États membres resteraient libres de déterminer le droit applicable à une société, les règles relatives à la liberté d'établissement n'ayant pas abouti à une harmonisation des dispositions de droit international privé des États membres. À ce titre, les États membres conserveraient la faculté d'agir contre des sociétés «boîtes aux lettres», cette qualification résultant en l'espèce de l'absence de lien réel avec l'État de constitution.

103 Il convient de souligner, à cet égard, que, à la différence de l'affaire en cause au principal, l'arrêt Daily Mail and General Trust, précité, concerne les relations entre une société et l'État membre selon la législation duquel elle avait été constituée, dans le cas où la société désire transférer son siège effectif dans un autre État membre tout en conservant la personnalité juridique dont elle jouit dans son État de constitution. Dans l'affaire au principal, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur l'application à une société, constituée selon le droit d'un État membre, de la législation de l'État où elle exerce effectivement ses activités (voir, en ce sens, arrêt du 5 novembre 2002, Überseering, C-208/00, Rec. p. I-9919, point 62).

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Page 64: lewebpedagogique.comlewebpedagogique.com/aline2603/files/2017/01/FASCI… · Web viewEn conséquence, ils sont tenus de prendre en compte l' équivalence des diplômes (voir arrêt

104 Il découle de ce qui précède que les dispositions de la WFBV relatives au capital minimal (tant au moment de la constitution qu'au cours de la vie de la société) ainsi qu'à la responsabilité des administrateurs constituent des restrictions à la liberté d'établissement, telle que garantie aux articles 43 CE et 48 CE.

105 Par conséquent, il y a lieu de conclure que les articles 43 CE et 48 CE s'opposent à une législation nationale, telle la WFBV, qui soumet l'exercice de la liberté d'établissement à titre secondaire dans cet État, par une société constituée en conformité avec la législation d'un autre État membre, à certaines conditions prévues en droit interne pour la constitution de sociétés, relatives au capital minimal et à la responsabilité des administrateurs. Les raisons pour lesquelles la société a été constituée dans le premier État membre, ainsi que la circonstance qu'elle exerce ses activités exclusivement ou presque exclusivement dans l'État membre d'établissement, ne la privent pas, sauf à établir au cas par cas l'existence d'un abus, du droit d'invoquer la liberté d'établissement garantie par le traité.

Quant à l'existence de justifications

106 À titre liminaire, il convient de rappeler que ne sont pas susceptibles de justifications les dispositions de la WFBV en matière de publicité, qui ont été considérées comme contraires à la onzième directive (voir points 71 et 72 du présent arrêt). Par conséquent, seuls seront examinés ci-dessous les arguments concernant les dispositions de la WFBV relatives au capital minimal et à la responsabilité des administrateurs.

107 Ces règles étant constitutives d'une entrave à la liberté d'établissement, il convient d'examiner si elles peuvent être justifiées par un des motifs énoncés à l'article 46 CE ou, à défaut, par une justification impérieuse d'intérêt général.

Observations soumises à la Cour

108 Selon la chambre de commerce, les gouvernements néerlandais, allemand et autrichien, les dispositions de la WFBV sont justifiées tant au regard de l'article 46 CE que par des raisons impérieuses d'intérêt général.

109 En effet, la WFBV aurait pour but la lutte contre la fraude, la protection des créanciers, la garantie de l'efficacité des contrôles fiscaux et de la loyauté des transactions commerciales. Ces objectifs auraient été reconnus par la jurisprudence de la Cour comme des causes légitimes de justification.

110 Selon la chambre de commerce, les gouvernements néerlandais, allemand et autrichien, la règle figurant à l'article 4 de la WFBV relative au capital minimal, à sa libération et à son maintien, vise à protéger les créanciers et les tiers. Ainsi, l'importance du capital minimal serait expressément reconnue à l'article 6 de la deuxième directive. Les règles sur le capital minimal auraient avant tout pour but de renforcer la capacité financière des sociétés et de garantir de la sorte une plus grande protection des créanciers privés et publics. Elles serviraient de manière générale à préserver tous les créanciers du risque d'insolvabilité abusive lié à la constitution de sociétés qui ne sont pas dotées dès le départ d'un capital suffisant.

111 La responsabilité solidaire des administrateurs constituerait, selon le gouvernement néerlandais, une sanction appropriée en cas de non-respect des dispositions de la WFBV. Ainsi, les États membres, en l'absence de mesures communautaires d'harmonisation, disposeraient d'une grande marge d'appréciation pour fixer les sanctions qui accompagnent le non-respect de leurs dispositions nationales (arrêt du 9 décembre 1997, Commission/France, C-265/95, Rec. p. I-6959, point 33). Le choix de cette sanction reposerait, d'une part, sur la volonté d'appliquer la même règle que celle prévue pour les administrateurs d'une société néerlandaise. Elle ne serait d'ailleurs pas non plus étrangère au droit communautaire ainsi que l'atteste l'article 51 du règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil, du 8 octobre 2001, relatif au statut de la société européenne (SE) (JO L 294, p. 1).

112 D'autre part, le gouvernement néerlandais soutient que, étant donné que les administrateurs sont responsables de la bonne marche des affaires sociales, il est normal qu'ils voient leur responsabilité engagée lorsque la société ne respecte pas les dispositions de la WFBV.

113 Enfin, l'article 4, paragraphe 1, de la deuxième directive permettrait aux États membres d'adopter des règles de responsabilité appropriées pour les obligations contractées par la société ou pour le compte de celle-ci, au cas où cette dernière ne pourrait pas faire l'objet d'une dissolution.

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114 La chambre de commerce ajoute encore que les dispositions de la WFBV ne sont pas discriminatoires. Selon elle, elles aboutissent plutôt à appliquer aux sociétés étrangères les règles valant pour les sociétés de droit néerlandais.

115 Le gouvernement néerlandais fait valoir que les dispositions de la WFBV relatives au capital minimal et à la responsabilité des administrateurs sont aptes à réaliser l'objectif recherché. Il insiste à ce sujet sur le fait que cette appréciation ne peut se faire qu'en prenant en compte l'objectif fondamental et central de la WFBV, à savoir la lutte contre le recours abusif aux sociétés étrangères et à la liberté d'établissement.

116 Le gouvernement autrichien rappelle encore que les règles sur le capital minimal sont un moyen approprié et proportionné, ainsi que cela est reconnu par le droit communautaire. Ainsi, pour les sociétés par actions, la deuxième directive a déterminé elle-même l'importance du capital minimal. Il n'y aurait toutefois pas de règle similaire pour les sociétés à responsabilité limitée. À l'exception de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, tous les États membres connaîtraient néanmoins des règles sur le capital minimal que ces sociétés doivent garantir. Contrairement à la responsabilité personnelle des associés, qui ne présenterait souvent aucune utilité en cas de faillite, le capital social offrirait une plus grande sûreté.

117 La chambre de commerce estime que les mesures ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire à la réalisation de l'objectif poursuivi. Le non-respect des obligations imposées par la WFBV ne déboucherait pas sur un refus de reconnaître la société étrangère, mais uniquement sur la responsabilité solidaire de ses administrateurs. La chambre de commerce soutient à cet égard que la circonstance qu'une société ne répond pas ou plus aux règles sur le capital minimal est un indice clair du risque d'abus ou de fraude, dans l'hypothèse où elle n'aurait par ailleurs pas de lien réel avec l'État de constitution.

118 Inspire Art, le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission défendent la thèse opposée et estiment que les dispositions de la WFBV ne sont pas justifiées.

119 Tout d'abord, aucune justification de la WFBV ne saurait être tirée de l'article 46 CE.

120 En ce qui concerne l'abus de droit, il découlerait de l'arrêt Centros, précité, qu'un tel abus ne peut consister dans le simple fait qu'une société n'exerce aucune activité dans l'État de constitution. Il appartiendrait plutôt aux autorités et aux juridictions nationales de vérifier dans chaque cas d'espèce si les conditions d'une justification d'une telle restriction à la liberté d'établissement sont réunies. Une législation aussi générale que la WFBV ne remplirait pas cette condition.

121 L'arrêt Centros, précité, aurait reconnu la possibilité pour un État membre de restreindre la liberté d'établissement lorsqu'il invoque le respect de dispositions relatives à l'exercice de certaines activités professionnelles. Tel ne serait pas le cas en l'espèce. En ce qui concerne Inspire Art, il s'agirait, en effet, non pas de réglementer l'exercice de ses activités aux Pays-Bas, mais bien de la question de savoir si les règles du droit des sociétés néerlandais, comme celles relatives au capital minimal, doivent être respectées lors de son établissement à titre secondaire aux Pays-Bas. La Cour aurait jugé dans le même arrêt, que le fait de tirer avantage des règles plus favorables d'un autre État membre ne comporterait pas en soi un abus, mais serait précisément inhérent à l'exercice de la liberté d'établissement.

122 Inspire Art, le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission font également valoir que, dans l'arrêt Centros, précité, la Cour aurait jugé que la protection des créanciers ne relève en principe pas du régime dérogatoire de l'article 46 CE.

123 Selon eux, les dispositions de la WFBV relatives au capital minimal et à la responsabilité des administrateurs ne sauraient pas non plus être justifiées par la raison impérieuse d'intérêt général tenant à la protection des créanciers, au motif que ces dispositions ne sont pas aptes à garantir cette protection.

124 À cet égard, Inspire Art et la Commission relèvent que la société se présente comme une société de droit anglais et que, partant, les créanciers ne peuvent pas être trompés à ce sujet.

125 Par ailleurs, les créanciers devraient eux aussi, dans une certaine mesure, répondre de leurs actes. Si les assurances que leur donne le droit anglais ne leur suffisent pas, ils pourraient soit insister pour obtenir des garanties complémentaires, soit renoncer à contracter avec une société de droit étranger.

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126 Le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission soutiennent que la WFBV n'aurait pas été applicable si Inspire Art avait exercé une activité, même mineure, dans un autre État membre. Pourtant, dans ce cas, le risque que courent les créanciers serait tout aussi important, voire plus, que si les activités étaient exclusivement exercées aux Pays-Bas.

127 Selon Inspire Art, les dispositions relatives au capital minimal ne garantissent aucune protection aux créanciers. Ainsi, le capital minimal pourrait, par exemple, être reconverti en prêt immédiatement après l'apport et après l'immatriculation de la société, même lorsqu'il s'agit d'une société de droit néerlandais. Il ne désintéresserait dès lors pas les créanciers. Les dispositions de la WFBV relatives au capital minimal ne seraient donc pas aptes à atteindre la protection recherchée des créanciers.

128 Inspire Art et la Commission soutiennent que les règles sur la responsabilité solidaire des administrateurs sont discriminatoires. L'article 4, paragraphe 4, de la WFBV rendrait ceux-ci solidairement responsables lorsque, après l'immatriculation au registre du commerce, le capital minimal descend au-dessous de la limite fixée. Les administrateurs d'une société de droit néerlandais à responsabilité limitée ne seraient en revanche pas soumis à cette responsabilité stricte. En outre, par rapport aux sociétés de droit néerlandais, le cercle des personnes potentiellement responsables serait étendu à celles qui dirigent effectivement les activités de la société.

129 Inspire Art, le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission estiment que les dispositions de l'article 4, paragraphes 1, 2 et 4, de la WFBV sont disproportionnées puisque Inspire Art se présente comme une société de droit anglais.

130 En outre, ils considèrent que des mesures moins radicales sont concevables. Ainsi, par exemple, comme cela aurait été admis par la Cour dans l'arrêt Centros, précité, les créanciers pourraient se voir légalement reconnaître la possibilité d'obtenir les garanties nécessaires de ces établissements étrangers, dans la mesure où ils ne s'estimeraient pas suffisamment protégés par le droit des sociétés de l'État de constitution.

Réponse de la Cour

131 À titre liminaire, il convient de relever qu'aucun des arguments présentés par le gouvernement néerlandais en vue de justifier la législation en cause dans l'affaire au principal ne relève de l'article 46 CE.

132 C'est donc au titre des raisons impérieuses d'intérêt général qu'il y a lieu d'apprécier les justifications avancées par le gouvernement néerlandais, à savoir, la protection des créanciers, la lutte contre le recours abusif à la liberté d'établissement, la préservation tant de l'efficacité des contrôles fiscaux que de la loyauté des transactions commerciales.

133 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice des libertés fondamentales garanties par le traité doivent, pour être justifiées, remplir quatre conditions: elles doivent s'appliquer de manière non discriminatoire, se justifier par des raisons impérieuses d'intérêt général, être propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre (voir, notamment, arrêts du 31 mars 1993, Kraus, C-19/92, Rec. p. I-1663, point 32; du 30 novembre 1995, Gebhard, C-55/94, Rec. p. I-4165, point 37, et Centros, précité, point 34).

134 Par conséquent, il y a lieu d'examiner si ces conditions sont remplies par des dispositions, relatives au capital minimal, telles que celles en cause au principal.

135 En premier lieu, en ce qui concerne la protection des créanciers, et sans qu'il soit besoin pour la Cour d'examiner si les règles relatives au capital minimal constituent en elles-mêmes un mécanisme approprié de protection, force est de constater qu' Inspire Art se présente comme une société de droit anglais et non comme une société néerlandaise. Ses créanciers potentiels sont suffisamment informés de ce qu'elle relève d'une législation différente de celle qui régit, aux Pays-Bas, la constitution des sociétés à responsabilité limitée et, notamment, les règles en matière de capital minimal et de responsabilité des administrateurs. Ils peuvent également se référer, ainsi que la Cour l'a rappelé au point 36 de l'arrêt Centros, précité, à certaines règles de droit communautaire qui les protègent, telles les quatrième et onzième directives.

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136 En deuxième lieu, s'agissant de la lutte contre l'usage abusif de la liberté d'établissement, il convient de rappeler qu'un État membre est en droit de prendre des mesures destinées à empêcher que, à la faveur des facilités créées par le traité, certains de ses ressortissants ne tentent de se soustraire abusivement à l'emprise de leur législation nationale et que les justiciables ne sauraient abusivement ou frauduleusement se prévaloir des normes communautaires (arrêt Centros, précité, point 24, et jurisprudence citée).

137 Cependant, si, dans la présente affaire, Inspire Art a été constituée en conformité avec le droit des sociétés d'un État membre, en l'espèce le Royaume-Uni, en vue notamment d'échapper à l'application du droit néerlandais des sociétés, jugé plus sévère, il n'en demeure pas moins que les dispositions du traité relatives à la liberté d'établissement visent précisément à permettre aux sociétés constituées en conformité avec la législation d'un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de la Communauté, d'exercer par l'intermédiaire d'une agence, d'une succursale ou d'une filiale, des activités sur le territoire d'autres États membres (arrêt Centros, précité, point 26).

138 Dans ces conditions, ainsi que la Cour l'a affirmé au point 27 de l'arrêt Centros, précité, le fait, pour un ressortissant d'un État membre qui souhaite créer une société, de choisir de la constituer dans l'État membre dont les règles de droit des sociétés lui paraissent les moins contraignantes et de créer ensuite des succursales dans d'autres États membres est inhérent à l'exercice, dans un marché unique, de la liberté d'établissement garantie par le traité.

139 En outre, il ressort d'une jurisprudence constante (arrêts précités Segers, point 16, et Centros, point 29) que le fait qu'une société n'exerce aucune activité dans l'État membre où elle a son siège et exerce uniquement ou principalement ses activités dans l'État membre de sa succursale ne suffit pas à démontrer l'existence d'un comportement abusif et frauduleux permettant à cet État de dénier à la société concernée le bénéfice des dispositions communautaires relatives au droit d'établissement.

140 En dernier lieu, concernant l'éventuelle justification de la WFBV par la préservation tant de la loyauté des transactions commerciales que de l'efficacité des contrôles fiscaux, force est de constater que ni la chambre de commerce ni le gouvernement néerlandais n'ont apporté d'élément permettant de démontrer que la mesure en cause remplit les critères d'efficacité, de proportionnalité et de non-discrimination, rappelés au point 132 du présent arrêt.

141 Dans la mesure où les dispositions relatives au capital minimal sont incompatibles avec la liberté d'établissement, telle que garantie par le traité, il en va nécessairement de même des sanctions attachées au non-respect de ces obligations, à savoir la responsabilité personnelle et solidaire des administrateurs, lorsque le capital n'atteint pas le montant minimal prévu par la législation nationale ou lorsqu'il descend, en cours d'activité, en dessous de ce montant.

142 Il convient par conséquent de répondre à la seconde question posée que ni l'article 46 CE, ni la protection des créanciers, ni la lutte contre le recours abusif à la liberté d'établissement, ni la préservation tant de la loyauté des transactions commerciales que de l'efficacité des contrôles fiscaux ne permettent de justifier l'entrave à la liberté d'établissement garantie par le traité que constituent des dispositions d'une législation nationale, telle que celle en cause, sur le capital minimal et la responsabilité personnelle et solidaire des administrateurs.

143 Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions préjudicielles comme suit:

- L'article 2 de la onzième directive s'oppose à une législation nationale, telle la WFBV, qui prévoit à la charge de la succursale d'une société constituée en conformité avec la législation d'un autre État membre, des obligations de publicité non prévues par ladite directive.

- Les articles 43 CE et 48 CE s'opposent à une législation nationale, telle la WFBV, qui soumet l'exercice de la liberté d'établissement à titre secondaire dans cet État, par une société constituée en conformité avec la législation d'un autre État membre, à certaines conditions prévues en droit interne pour la constitution de sociétés, relatives au capital minimal et à la responsabilité des administrateurs. Les raisons pour lesquelles la société a été constituée dans le premier État membre, ainsi que la circonstance qu'elle exerce ses activités exclusivement ou presque exclusivement dans l'État membre d'établissement, ne la privent pas, sauf à établir au cas par cas l'existence d'un abus, du droit d'invoquer la liberté d'établissement garantie par le traité CE.»

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Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur les questions à elle soumises par le Kantongerecht te Amsterdam, par ordonnance du 5 février 2001, dit pour droit:

1) L'article 2 de la onzième directive 89/666/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, concernant la publicité des succursales créées dans un État membre par certaines formes de société relevant du droit d'un autre État, s'oppose à une législation nationale, telle la Wet op de formeel buitenlandse vennootschappen (loi sur les sociétés étrangères de pure forme), du 17 décembre 1997, qui prévoit à la charge de la succursale d'une société constituée en conformité avec la législation d'un autre État membre, des obligations de publicité non prévues par ladite directive.

2) Les articles 43 CE et 48 CE s'opposent à une législation nationale, telle la Wet op de formeel buitenlandse vennootschappen, qui soumet l'exercice de la liberté d'établissement à titre secondaire dans cet État, par une société constituée en conformité avec la législation d'un autre État membre, à certaines conditions prévues en droit interne des sociétés pour la constitution de sociétés, relatives au capital minimal et à la responsabilité des administrateurs. Les raisons pour lesquelles la société a été constituée dans le premier État membre, ainsi que la circonstance qu'elle exerce ses activités exclusivement ou presque exclusivement dans l'État membre d'établissement, ne la privent pas, sauf à établir au cas par cas l'existence d'un abus, du droit d'invoquer la liberté d'établissement garantie par le traité CE.

CJCE, 13 DECEMBRE 2006 SEVIC SYSTEMS

1       La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 43 CE et 48 CE.

2       Cette demande a été présentée dans le cadre d’un recours introduit par SEVIC Systems AG (ci-après «SEVIC»), société établie à Neuwied (Allemagne), contre une décision de l’Amtsgericht Neuwied rejetant sa demande tendant à obtenir l’inscription au registre national du commerce de la fusion entre elle-même et Security Vision Concept SA (ci-après «Security Vision»), société établie au Luxembourg, au motif que le droit allemand relatif aux transformations de sociétés ne prévoit la fusion qu’entre des sociétés ayant leur siège en Allemagne.

 Le cadre juridique

3       L’article 1er de la loi allemande relative aux transformations des sociétés (Umwandlungsgesetz), du 28 octobre 1994 (BGBl. 1994 I, p. 3210), dans sa version rectifiée en 1995 et modifiée ultérieurement (ci-après l’«UmwG»), intitulé «Types de transformations, restrictions légales», dispose:

«(1)      Les sujets de droit ayant leur siège sur le territoire national peuvent subir une transformation

1.      par fusion;

2.      par scission […];

3.      par transmission du patrimoine;

4.      par changement de forme juridique.

(2)      En dehors des cas réglementés par la présente loi, une transformation au sens du paragraphe 1 n’est possible que si elle est expressément prévue par une autre loi fédérale ou par une loi d’un Land.

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(3)      Les dérogations aux dispositions de la présente loi ne sont possibles que si elles sont expressément autorisées. Des dispositions complémentaires figurant dans des contrats, statuts ou déclarations de volonté sont admises, sauf si la présente loi contient une réglementation exhaustive.»

4       L’article 2 de l’UmwG, intitulé «Types de fusions», prévoit:

«Les sujets de droit peuvent fusionner par dissolution sans liquidation

1.      par voie d’absorption par transmission de l’ensemble du patrimoine d’un ou plusieurs sujets de droit (sujets absorbés) à un autre sujet de droit existant (sujet absorbant) ou

2.      [...]

moyennant l’attribution de parts sociales ou de parts de sociétaires du sujet absorbant ou du nouveau sujet aux détenteurs de parts (associés, actionnaires ou sociétaires) du sujet de droit absorbé.»

5       Les autres dispositions de l’UmwG concernant spécifiquement la fusion par absorption soumettent le contrat de fusion à certaines conditions (articles 4 à 6), prévoient l’établissement d’un rapport de fusion (article 8), la vérification de la fusion par des experts (articles 9 et suivants), ainsi que la notification de la fusion (articles 16 et suivants) préalablement à son inscription au registre du commerce du lieu du siège du sujet de droit absorbant (article 19). Les articles 20 et suivants de l’UmwG énumèrent les effets de l’inscription sur ce registre. Des dispositions de protection en faveur des tiers concernés par la fusion, notamment les créanciers, complètent les dispositions générales relatives à la fusion par absorption.

 Le litige au principal et la question préjudicielle

6       Le contrat de fusion conclu en 2002 entre SEVIC et Security Vision prévoyait la dissolution sans liquidation de cette dernière société et la transmission universelle de son patrimoine à SEVIC, sans modification de la dénomination sociale de celle-ci.

7       L’Amtsgericht Neuwied a rejeté la demande d’inscription de la fusion au registre du commerce, en faisant valoir que l’article 1er, paragraphe 1, point 1, de l’UmwG prévoit uniquement les fusions entre des sujets de droit ayant leur siège en Allemagne.

8       SEVIC a introduit un recours contre cette décision de rejet devant le Landgericht Koblenz.

9       Pour le Landgericht Koblenz, le point de savoir si l’inscription de la fusion entre les sociétés susmentionnées au registre du commerce peut être refusée sur le fondement de l’article 1er, paragraphe 1, point 1, de l’UmwG dépend de l’interprétation des articles 43 CE et 48 CE dans le cadre de fusions entre des sociétés ayant leur siège en Allemagne et des sociétés établies dans d’autres États membres (ci-après les «fusions transfrontalières»).

10     Dans ces conditions, considérant que la solution du litige dont il est saisi est subordonnée à l’interprétation desdites dispositions du traité CE, le Landgericht Koblenz a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les articles 43 CE et 48 CE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’il est contraire à la liberté d’établissement des sociétés de refuser l’inscription – conformément aux articles 16 et suivants de [l’UmwG] – au registre allemand du commerce de la fusion qu’une société européenne étrangère a l’intention d’opérer avec une société allemande, parce que l’article 1er, paragraphe 1, point 1, de cette loi ne prévoit la transformation que de sujets de droit ayant leur siège en Allemagne?»

 Sur la question préjudicielle

 Observations liminaires

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11     Il convient de rappeler que SEVIC a demandé l’inscription au registre du commerce, conformément à l’UmwG, de la fusion avec Security Vision, le contrat y afférent prévoyant l’absorption de cette dernière société et la dissolution sans liquidation de celle-ci.

12     Cette demande a été rejetée par l’Amtsgericht Neuwied au motif que, à son article 1 er, paragraphe 1, point 1, l’UmwG prévoit que seuls les sujets de droit ayant leur siège sur le territoire national peuvent être l’objet d’une transformation par fusion (ci-après les «fusions internes») et que, en conséquence, cette loi ne s’applique pas à des transformations résultant de fusions transfrontalières.

13     Il convient de relever qu’il n’existe pas, en Allemagne, de règles générales analogues à celles prévues par cette loi qui soient applicables à des fusions transfrontalières.

14     Il en résulte une différence de traitement, en Allemagne, entre les fusions internes et les fusions transfrontalières.

15     Dans ces conditions, il convient de comprendre la question posée par la juridiction de renvoi comme demandant en substance si les articles 43 CE et 48 CE s’opposent à ce que, dans un État membre, l’inscription au registre national du commerce de la fusion par dissolution sans liquidation d’une société et par transmission universelle du patrimoine de cette dernière à une autre société soit refusée de manière générale lorsque l’une des deux sociétés a son siège dans un autre État membre, alors qu’une telle inscription est possible, dès lors que certaines conditions sont respectées, lorsque les sociétés participant à la fusion ont toutes deux leur siège sur le territoire du premier État membre.

 Sur l’applicabilité des articles 43 CE et 48 CE

16     Contrairement à ce que font valoir les gouvernements allemand et néerlandais, les articles 43 CE et 48 CE s’appliquent à une situation de fusion telle que celle en cause au principal.

17     En effet, conformément à l’article 43, second alinéa, CE, lu en combinaison avec l’article 48 CE, la liberté d’établissement pour les sociétés visées à ce dernier article comporte notamment la constitution et la gestion de ces sociétés dans les conditions définies par la législation de l’État d’établissement pour ses propres sociétés.

18     Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 30 de ses conclusions, le champ d’application du droit d’établissement couvre toute mesure qui permet, ou même ne fait que faciliter, l’accès à un État membre autre que celui d’établissement et l’exercice d’une activité économique dans cet État, en rendant possible la participation effective des opérateurs économiques intéressés à la vie économique dudit État membre, aux mêmes conditions que celles applicables aux opérateurs nationaux.

19     Les opérations de fusions transfrontalières, à l’instar des autres opérations de transformation de sociétés, répondent aux nécessités de coopération et de regroupement entre sociétés établies dans des États membres différents. Elles constituent des modalités particulières d’exercice de la liberté d’établissement, importantes pour le bon fonctionnement du marché intérieur, et relèvent donc des activités économiques pour lesquelles les États membres sont tenus au respect de la liberté d’établissement prévue à l’article 43 CE.

 Sur l’existence d’une restriction à la liberté d’établissement

20     À cet égard, il suffit de rappeler que, en droit allemand, contrairement à ce qui existe pour les fusions internes, aucune disposition ne prévoit l’inscription au registre national du commerce des fusions transfrontalières et que, pour cette raison, les demandes d’enregistrement de telles fusions sont refusées de manière générale.

21     Or, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 47 de ses conclusions, une fusion telle que celle en cause au principal constitue un moyen efficace de transformation des sociétés dans la mesure où elle permet, dans le cadre d’une opération unique, d’exercer une certaine activité sous une forme nouvelle et sans discontinuité, en réduisant par conséquent les complications, les délais et les coûts associés à d’autres formes de regroupement de sociétés, telles que celles qui comportent, par exemple, la dissolution d’une société avec liquidation du patrimoine et la constitution d’une nouvelle société avec transfert des éléments du patrimoine à cette dernière.

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22     Dans la mesure où, en application des règles nationales, le recours à un tel moyen de transformation des sociétés n’est pas possible dès lors que l’une de celles-ci a son siège dans un État membre autre que la République fédérale d’Allemagne, le droit allemand instaure une différence de traitement entre sociétés selon la nature interne ou transfrontalière de la fusion, qui est de nature à les dissuader d’exercer la liberté d’établissement consacrée par le traité.

23     Une telle différence de traitement constitue une restriction au sens des articles 43 CE et 48 CE, laquelle est contraire au droit d’établissement et ne saurait être admise que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le traité et si elle est justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général. En outre, il est nécessaire, en pareil cas, que son application soit propre à garantir la réalisation de l’objectif ainsi poursuivi et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre celui-ci (voir arrêts du 21 novembre 2002, X et Y, C-436/00, Rec. p. I-10829, point 49, et du 11 mars 2004, De Lasteyrie du Saillant, C-9/02, Rec. p. I-2409, point 49).

 Sur l’éventuelle justification de la restriction

24     Les gouvernements allemand et néerlandais font valoir que les fusions internes sont soumises à des conditions visant plus particulièrement à protéger les intérêts des créanciers, des actionnaires minoritaires et des salariés ainsi qu’à préserver l’efficacité des contrôles fiscaux et la loyauté des transactions commerciales. Ils relèvent à cet égard que des problèmes spécifiques se posent s’agissant des fusions transfrontalières et que la solution de ces problèmes suppose l’existence de règles spécifiques visant à protéger lesdits intérêts dans le contexte d’une fusion transfrontalière qui entraîne l’application de plusieurs droits nationaux à une seule opération juridique. Or, de telles règles présupposeraient une harmonisation de la réglementation au niveau communautaire.

25     Dans ce contexte, le gouvernement néerlandais rappelle que la Commission des Communautés européennes a soumis au législateur communautaire la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les fusions transfrontalières des sociétés de capitaux, qui a été présentée par la Commission le 18 novembre 2003 [COM(2003) 703 final], dont les premier et deuxième considérants précisent:

«(1)      Les besoins de coopération et de regroupement entre sociétés d’États membres différents et les difficultés que rencontre, au niveau législatif et administratif, la réalisation de fusions transfrontalières de sociétés au sein de la Communauté rendent nécessaire, pour assurer l’achèvement et le fonctionnement du marché intérieur, de prévoir des dispositions communautaires en vue de faciliter la réalisation de fusions transfrontalières […]

(2)      […] les objectifs susmentionnés ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres dans la mesure où il s’agit d’établir une réglementation comportant des éléments communs applicables au niveau transnational et peuvent donc, en raison de l’échelle et de l’incidence de l’action proposée, être mieux réalisés au niveau communautaire […]»

26     À cet égard, il convient de rappeler que, si des règles communautaires d’harmonisation sont certes utiles pour faciliter les fusions transfrontalières, l’existence de telles règles d’harmonisation ne saurait être érigée en condition préalable pour la mise en œuvre de la liberté d’établissement consacrée par les articles 43 CE et 48 CE (voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 1992, Bachmann, C-204/90, Rec. p. I-249, point 11).

27     En outre, il y a lieu d’observer que si, en raison de l’adoption de la troisième directive 78/855/CEE du Conseil, du 9 octobre 1978, fondée sur l’article 54 paragraphe 3 sous g) du traité et concernant les fusions des sociétés anonymes (JO L 295, p. 36), il existe dans les États membres des règles harmonisées relatives aux fusions internes, les fusions transfrontalières posent des problèmes spécifiques.

28     À cet égard, il ne saurait être exclu que des raisons impérieuses d’intérêt général telles que la protection des intérêts des créanciers, des associés minoritaires et des salariés (voir arrêt du 5 novembre 2002, Überseering, C-208/00, Rec. p. I-9919, point 92), ainsi que la préservation de l’efficacité des contrôles fiscaux et de la loyauté des transactions commerciales (voir arrêt du 30 septembre 2003, Inspire Art, C-167/01, Rec. p. I-10155, point 132), puissent, dans certaines circonstances et en respectant certaines conditions, justifier une mesure restreignant la liberté d’établissement.

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29     Mais encore faut-il qu’une telle mesure restrictive soit propre à garantir la réalisation des objectifs poursuivis et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ceux-ci.

30     Le fait de refuser de manière générale, dans un État membre, l’inscription au registre du commerce d’une fusion entre une société établie dans cet État et une société dont le siège est situé dans un autre État membre a pour résultat d’empêcher la réalisation de fusions transfrontalières alors même que les intérêts mentionnés au point 28 du présent arrêt ne seraient pas menacés. En tout état de cause, une telle règle va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs visant à protéger lesdits intérêts.

31     Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la question posée que les articles 43 CE et 48 CE s’opposent à ce que, dans un État membre, l’inscription au registre national du commerce de la fusion par dissolution sans liquidation d’une société et par transmission universelle du patrimoine de cette dernière à une autre société soit refusée de manière générale lorsque l’une des deux sociétés a son siège dans un autre État membre, alors qu’une telle inscription est possible, dès lors que certaines conditions sont respectées, lorsque les sociétés participant à la fusion ont toutes deux leur siège sur le territoire du premier État membre.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

Les articles 43 CE et 48 CE s’opposent à ce que, dans un État membre, l’inscription au registre national du commerce de la fusion par dissolution sans liquidation d’une société et par transmission universelle du patrimoine de cette dernière à une autre société soit refusée de manière générale lorsque l’une des deux sociétés a son siège dans un autre État membre, alors qu’une telle inscription est possible, dès lors que certaines conditions sont respectées, lorsque les sociétés participant à la fusion ont toutes deux leur siège sur le territoire du premier État membre.

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THEME 3

LE TRANSFERT DE SIEGE SOCIAL

CJCE, 27 septembre 1988, « Daily Mail » aff. 81/87, Rec. 5483 ; JDI 1989, p. 428, note BOUTARD-LABARDE ; RTDE 1989, p. 260, n°14, obs. CARTOU.

CJCE, 16 décembre 2008, « Cartesio » aff. C-210/06, JCP éd. G 2009, II, 10027, note M. MENJUCQ

CJCE, 29 novembre 2011, « National Grind indus BV » aff. C-370/10, Clunet 2012.785, note S. FRANCQ ; D. 2012.784, note R. KOVAR

CJUE, 12 juillet 2012, « Vale », aff. C-378/10, JCP éd. E 2012, n° 38, note Th.MASTRULLO, JCP éd. G 2012.1089, note M. MENJUCQ

Lecture conseilléeC. Kleiner, « Le transfert de siège social en droit international privé », Clunet 2010.4.

Pistes de travail

Comparer les solutions apportées par la CJUE dans les affaires Cartesio et Vale

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CJCE 27 SEPTEMBRE 1988, DAILY MAIL

PAR ORDONNANCE DU 6 FEVRIER 1987, PARVENUE A LA COUR LE 19 MARS SUIVANT, LA HIGH COURT OF JUSTICE, QUEEN' S BENCH DIVISION A POSE, EN VERTU DE L' ARTICLE 177 DU TRAITE CEE, QUATRE QUESTIONS PREJUDICIELLES RELATIVES A L' INTERPRETATION DES ARTICLES 52 ET 58 DUDIT TRAITE ET DE LA DIRECTIVE 73/148 DU CONSEIL, DU 21 MAI 1973, RELATIVE A LA SUPPRESSION DES RESTRICTIONS AU DEPLACEMENT ET AU SEJOUR DES RESSORTISSANTS DES ETATS MEMBRES A L' INTERIEUR DE LA COMMUNAUTE EN MATIERE D' ETABLISSEMENT ET DE PRESTATION DE SERVICES ( JO L 172, P . 14 ).

CES QUESTIONS ONT ETE SOULEVEES DANS LE CADRE D' UN LITIGE OPPOSANT LA SOCIETE DAILY MAIL AND GENERAL TRUST PLC, DEMANDERESSE AU PRINCIPAL ( CI-APRES LA "DEMANDERESSE ") AU TRESOR PUBLIC BRITANNIQUE ET AYANT POUR OBJET, NOTAMMENT, DE FAIRE ADMETTRE, DE LA PART DE CE DERNIER, QUE LA DEMANDERESSE N' EST PAS SOUMISE A UNE QUELCONQUE OBLIGATION D' OBTENIR UNE AUTORISATION AU TITRE DE LA LEGISLATION FISCALE BRITANNIQUE POUR POUVOIR CESSER D' AVOIR SA RESIDENCE AU ROYAUME-UNI EN VUE DE L' ETABLIR AUX PAYS-BAS .

IL RESSORT DU DOSSIER QUE, SELON LA LEGISLATION BRITANNIQUE EN MATIERE DE DROIT DES SOCIETES, UNE SOCIETE TELLE QUE LA DEMANDERESSE, CONSTITUEE CONFORMEMENT A CETTE LEGISLATION ET AYANT SON SIEGE STATUTAIRE ( REGISTERED OFFICE ) AU ROYAUME-UNI, PEUT ETABLIR SON SIEGE DE DIRECTION ET SON ADMINISTRATION CENTRALE EN DEHORS DU ROYAUME-UNI SANS PERDRE SA PERSONNALITE JURIDIQUE OU SA QUALITE DE SOCIETE DE DROIT BRITANNIQUE .

SELON LA LEGISLATION FISCALE DU ROYAUME-UNI APPLICABLE AUX FAITS DE L' ESPECE AU PRINCIPAL, SEULES LES SOCIETES QUI ONT LEUR RESIDENCE FISCALE AU ROYAUME-UNI SONT, EN REGLE GENERALE, ASSUJETTIES AUX IMPOTS BRITANNIQUES SUR LES SOCIETES . LA RESIDENCE FISCALE EST DEFINIE COMME L' ENDROIT OU LE SIEGE DE DIRECTION EST SITUE .

LA LOI BRITANNIQUE DE 1970 SUR L' IMPOT SUR LE REVENU ET L' IMPOT SUR LES SOCIETES INTERDIT, EN SON ARTICLE 482, PARAGRAPHE 1, SOUS A ), AUX SOCIETES AYANT LEUR RESIDENCE FISCALE AU ROYAUME-UNI DE CESSER D' Y AVOIR CETTE RESIDENCE SANS L' AUTORISATION DU TRESOR .

LA DEMANDERESSE, QUI EST UNE SOCIETE DE "HOLDING" ET D' INVESTISSEMENT, A, EN 1984, DEMANDE L' AUTORISATION PREVUE PAR LA DISPOSITION NATIONALE PRECITEE EN VUE DE TRANSFERER SON SIEGE DE DIRECTION AUX PAYS-BAS, DONT LA LEGISLATION N' EMPECHE PAS LES SOCIETES DE DROIT ETRANGER D' Y ETABLIR LEUR ADMINISTRATION CENTRALE, ET OU LA SOCIETE ENVISAGEAIT, NOTAMMENT, DE TENIR LES REUNIONS DE SON CONSEIL D' ADMINISTRATION ET DE LOUER DES LOCAUX POUR SON ADMINISTRATION . ELLE A ULTERIEUREMENT DECIDE, SANS ATTENDRE CETTE AUTORISATION, DE PROCEDER A L' OUVERTURE D' UN BUREAU DE GESTION D' INVESTISSEMENTS AUX PAYS-BAS EN VUE DE FOURNIR DES PRESTATIONS DE SERVICES A DES TIERS .

IL EST CONSTANT QUE LE BUT PRINCIPAL DU TRANSFERT DU SIEGE DE DIRECTION ENVISAGE ETAIT, POUR LA DEMANDERESSE, DE LA METTRE EN MESURE, APRES AVOIR ETABLI SA RESIDENCE FISCALE AUX PAYS-BAS, DE VENDRE UNE PARTIE IMPORTANTE DES TITRES COMPOSANT SON ACTIF NON PERMANENT ET DE RACHETER, GRACE AU PRODUIT DE CETTE VENTE, UNE PARTIE DE SES PROPRES ACTIONS, SANS AVOIR A PAYER LES IMPOTS AUXQUELS CES OPERATIONS DONNERAIENT LIEU EN VERTU DE LA LEGISLATION FISCALE BRITANNIQUE, NOTAMMENT EN CE QUI CONCERNE LES IMPORTANTES PLUS-VALUES SUR LES TITRES QUE LA DEMANDERESSE SE PROPOSAIT DE VENDRE . LA DEMANDERESSE SERAIT, APRES AVOIR ETABLI SON SIEGE DE DIRECTION AUX PAYS-BAS, ASSUJETTIE A L' IMPOT NEERLANDAIS SUR LES SOCIETES, MAIS LES OPERATIONS ENVISAGEES NE DONNERAIENT LIEU QU' A UNE IMPOSITION SUR LES EVENTUELLES PLUS-VALUES ACCRUES APRES LE TRANFERT DE SA RESIDENCE FISCALE .

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APRES UNE LONGUE PERIODE DE NEGOCIATIONS AVEC LE TRESOR QUI LUI A PROPOSE DE VENDRE AU MOINS UNE PARTIE DES TITRES EN CAUSE AVANT DE TRANSFERER SA RESIDENCE FISCALE HORS DU ROYAUME-UNI, LA DEMANDERESSE A, EN 1986, SAISI LA HIGH COURT OF JUSTICE, QUEEN' S BENCH DIVISION . DEVANT CETTE JURIDICTION, ELLE A SOUTENU QUE LES ARTICLES 52 ET 58 DU TRAITE CEE LUI CONFERENT LE DROIT DE TRANSFERER SON SIEGE DE DIRECTION DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE SANS AUCUNE AUTORISATION PREALABLE OU LE DROIT D' OBTENIR UNE TELLE AUTORISATION SANS CONDITION .

EN VUE DE RESOUDRE CE LITIGE, LA JURIDICTION NATIONALE A SURSIS A STATUER ET A POSE A LA COUR LES QUESTIONS SUIVANTES :

"1 ) LES ARTICLES 52 A 58 DU TRAITE CEE S' OPPOSENT-ILS A CE QU' UN ETAT MEMBRE INTERDISE A UNE SOCIETE OU GROUPE DE SOCIETES DOTE DE LA PERSONNALITE MORALE, AYANT SON SIEGE DE DIRECTION DANS LEDIT ETAT MEMBRE, DE TRANSFERER SANS AUTORISATION PREALABLE NI APPROBATION LEDIT SIEGE DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE DANS L' UN ET/OU L' AUTRE DES CAS SUIVANTS :

A ) LORSQUE LADITE SOCIETE EST SUSCEPTIBLE D' ECHAPPER AU PAIEMENT DE L' IMPOT SUR DES PROFITS ET DES BENEFICES DEJA ACQUIS;,

B ) LORSQUE, EN TRANSFERANT SON SIEGE DE DIRECTION, LADITE SOCIETE EVITERAIT DE PAYER UN IMPOT DONT ELLE AURAIT EVENTUELLEMENT ETE REDEVABLE SI ELLE AVAIT MAINTENU SON SIEGE DE DIRECTION DANS L' ETAT MEMBRE EN CAUSE?

2 ) LA DIRECTIVE 73/148/CEE DU CONSEIL CONFERE-T-ELLE A UNE SOCIETE AYANT SON SIEGE DE DIRECTION DANS UN CERTAIN ETAT MEMBRE LE DROIT DE TRANSFERER LADITE DIRECTION CENTRALE DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE SANS AUTORISATION PREALABLE NI APPROBATION DANS LES CAS ENONCES A LA QUESTION 1 )? DANS L' AFFIRMATIVE, LES DISPOSITIONS PREVUES EN LA MATIERE SONT-ELLES DIRECTEMENT APPLICABLES EN L' ESPECE?

3 ) SI LADITE AUTORISATION OU APPROBATION PEUT LICITEMENT ETRE REQUISE, UN ETAT MEMBRE EST-IL EN DROIT DE LA REFUSER POUR LES MOTIFS INDIQUES DANS LA QUESTION 1 )?

4 ) LE FAIT QUE LA LEGISLATION APPLICABLE EN LA MATIERE DE L' ETAT MEMBRE CONCERNE N' IMPOSE PAS UNE AUTORISATION EN CAS DE TRANSFERT DE RESIDENCE DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE D' UN PARTICULIER OU D' UNE SOCIETE DE PERSONNES PORTE-T-IL A CONSEQUENCE ET, LE CAS ECHEANT, LAQUELLE?"

POUR UN PLUS AMPLE EXPOSE DES FAITS ET ANTECEDENTS DU LITIGE AU PRINCIPAL, DES DISPOSITIONS DE LA LEGISLATION NATIONALE EN CAUSE, AINSI QUE DES OBSERVATIONS PRESENTEES A LA COUR, IL EST RENVOYE AU RAPPORT D' AUDIENCE . CES ELEMENTS DU DOSSIER NE SONT REPRIS CI-DESSOUS QUE DANS LA MESURE NECESSAIRE AU RAISONNEMENT DE LA COUR .

SUR LA PREMIERE QUESTION

EN SUBSTANCE, LA PREMIERE QUESTION VISE D' ABORD A SAVOIR SI LES ARTICLES 52 ET 58 DU TRAITE CONFERENT A UNE SOCIETE CONSTITUEE EN CONFORMITE DE LA LEGISLATION D' UN ETAT MEMBRE ET Y AYANT SON SIEGE STATUTAIRE LE DROIT DE TRANSFERER SON SIEGE DE DIRECTION DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE . SI TEL EST LE CAS, LA JURIDICTION DEMANDE EN OUTRE SI L' ETAT MEMBRE D' ORIGINE PEUT FAIRE DEPENDRE CE DROIT D' UNE AUTORISATION NATIONALE DONT L' OCTROI EST LIE A LA SITUATION FISCALE DE LA SOCIETE .

EN CE QUI CONCERNE LA PREMIERE BRANCHE DE LA QUESTION, LA DEMANDERESSE FAIT VALOIR, EN SUBSTANCE, QUE L' ARTICLE 58 DU TRAITE CONFERE EXPRESSEMENT, AUX SOCIETES QU' IL VISE, LE MEME DROIT DE S' ETABLIR, A TITRE PRINCIPAL, DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE QUE CELUI QUI, EN VERTU DE L' ARTICLE 52, EST RECONNU AUX PERSONNES PHYSIQUES . LE TRANSFERT DU SIEGE DE DIRECTION D' UNE SOCIETE DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE

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CONSTITUERAIT L' ETABLISSEMENT DE CETTE SOCIETE DANS CET ETAT MEMBRE, PUISQUE LA SOCIETE Y IMPLANTE SON CENTRE DE DECISION, CE QUI CORRESPONDRAIT A UNE ACTIVITE ECONOMIQUE REELLE ET EFFECTIVE .

LE GOUVERNEMENT DU ROYAUME-UNI FAIT VALOIR, EN SUBSTANCE, QUE LES DISPOSITIONS DU TRAITE NE CONFERENT PAS AUX SOCIETES UN DROIT GENERAL AU DEPLACEMENT DE LEUR SIEGE DE DIRECTION D' UN ETAT MEMBRE A L' AUTRE . LA FIXATION DU SIEGE DE DIRECTION DANS UN ETAT MEMBRE N' IMPLIQUERAIT PAS NECESSAIREMENT EN SOI UNE ACTIVITE ECONOMIQUE REELLE ET EFFECTIVE SUR LE TERRITOIRE DE CET ETAT MEMBRE, ET NE SAURAIT, DES LORS, ETRE CONSIDEREE COMME UN ETABLISSEMENT AU SENS DE L' ARTICLE 52 DU TRAITE .

LA COMMISSION SOULIGNE D' ABORD QUE, EN L' ETAT ACTUEL DU DROIT COMMUNAUTAIRE, LES CONDITIONS DANS LESQUELLES UNE SOCIETE PEUT TRANSFERER SON SIEGE D' UN ETAT MEMBRE A L' AUTRE RELEVENT TOUJOURS DU DROIT NATIONAL DE L' ETAT OU ELLE A ETE CONSTITUEE ET DE CELUI DE L' ETAT D' ACCUEIL . A CET EGARD, LA COMMISSION FAIT ETAT DE LA DISPARITE DES LEGISLATIONS NATIONALES EN MATIERE DE DROIT DES SOCIETES . CERTAINES D' ENTRE ELLES CONNAITRAIENT LA NOTION DE TRANSFERT DE SIEGE DE DIRECTION ET, PARMI CES LEGISLATIONS, CERTAINES N' Y ATTACHERAIENT AUCUNE CONSEQUENCE JURIDIQUE, MEME SUR LE PLAN FISCAL . SELON D' AUTRES LEGISLATIONS, LE TRANSFERT DE L' ADMINISTRATION OU DU CENTRE DE DECISION D' UNE SOCIETE, HORS DU TERRITOIRE DE L' ETAT MEMBRE DANS LEQUEL ELLE EST CONSTITUEE, IMPLIQUERAIT LA PERTE DE LA PERSONNALITE JURIDIQUE . CEPENDANT, TOUTES LES LEGISLATIONS ADMETTRAIENT LA POSSIBILITE DE DISSOUDRE UNE SOCIETE DANS UN ETAT MEMBRE ET DE LA RECONSTITUER DANS UN AUTRE . LA COMMISSION ESTIME QUE, DANS LES CAS OU LE DEPLACEMENT DU SIEGE DE DIRECTION EST POSSIBLE SELON LA LEGISLATION NATIONALE, LE DROIT DE TRANSFERER CE SIEGE DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE EST UN DROIT PROTEGE PAR L' ARTICLE 52 DU TRAITE .

EN PRESENCE DE CES OPINIONS DIVERGENTES, IL CONVIENT TOUT D' ABORD DE RAPPELER, AINSI QUE LA COUR L' A FAIT A MAINTES REPRISES, QUE LA LIBERTE D' ETABLISSEMENT CONSTITUE UN DES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA COMMUNAUTE ET QUE LES DISPOSITIONS DU TRAITE GARANTISSANT CETTE LIBERTE SONT D' EFFET DIRECT DEPUIS LA FIN DE LA PERIODE TRANSITOIRE . CES DISPOSITIONS ASSSURENT LE DROIT DE S' ETABLIR DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE, NON SEULEMENT AUX RESSORTISSANTS COMMUNAUTAIRES, MAIS EGALEMENT AUX SOCIETES DEFINIES A L' ARTICLE 58 .

BIEN QUE, SELON LEUR LIBELLE, CES DISPOSITIONS VISENT NOTAMMENT A ASSURER LE BENEFICE DU TRAITEMENT NATIONAL DANS L' ETAT MEMBRE D' ACCUEIL, ELLES S' OPPOSENT EGALEMENT A CE QUE L' ETAT D' ORIGINE ENTRAVE L' ETABLISSEMENT DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE D' UN DE SES RESSORTISSANTS OU D' UNE SOCIETE CONSTITUEE EN CONFORMITE DE SA LEGISLATION ET REPONDANT, PAR AILLEURS, A LA DEFINITION DE L' ARTICLE 58 . AINSI QUE LA COMMISSION L' A OBSERVE A JUSTE TITRE, LES DROITS GARANTIS PAR L' ARTICLE 52 ET SUIVANTS SERAIENT VIDES DE LEUR SUBSTANCE SI L' ETAT D' ORIGINE POUVAIT INTERDIRE AUX ENTREPRISES DE PARTIR EN VUE DE S' ETABLIR DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE . POUR LES PERSONNES PHYSIQUES, LE DROIT DE QUITTER LEUR TERRITOIRE A CETTE FIN EST EXPRESSEMENT PREVU PAR LA DIRECTIVE 73/148 QUI FAIT L' OBJET DE LA DEUXIEME QUESTION PREJUDICIELLE .

POUR UNE SOCIETE, LE DROIT D' ETABLISSEMENT S' EXERCE, EN REGLE GENERALE, SOUS FORME DE CREATION D' AGENCES, DE SUCCURSALES OU DE FILIALES TELLES QUE PREVUES EXPRESSEMENT PAR LA DEUXIEME PHRASE DE L' ALINEA 1 DE L' ARTICLE 52 . C' EST D' AILLEURS A CE TYPE D' ETABLISSEMENT QU' EN L' ESPECE LA DEMANDERESSE A PROCEDE EN OUVRANT UN BUREAU DE GESTION D' INVESTISSEMENT AUX PAYS-BAS . UNE SOCIETE PEUT EGALEMENT FAIRE USAGE DE SON DROIT D' ETABLISSEMENT EN PARTICIPANT A LA CONSTITUTION D' UNE SOCIETE DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE ET, A CET EGARD, L' ARTICLE 221 DU TRAITE LUI ASSURE LE TRAITEMENT NATIONAL EN CE QUI CONCERNE LA PARTICIPATION FINANCIERE AU CAPITAL DE CETTE NOUVELLE SOCIETE .

IL CONVIENT DE CONSTATER QUE LA DISPOSITION LEGISLATIVE BRITANNIQUE PRECITEE, EN CAUSE DANS LA PROCEDURE AU PRINCIPAL, NE POSE AUCUNE RESTRICTION AUX TRANSACTIONS

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TELLES QUE DECRITES CI-DESSUS . ELLE N' ENTRAVE PAS NON PLUS LE TRANSFERT PARTIEL OU MEME TOTAL DES ACTIVITES D' UNE SOCIETE DE DROIT BRITANNIQUE A UNE SOCIETE NOUVELLEMENT CONSTITUEE DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE, LE CAS ECHEANT APRES DISSOLUTION ET, PARTANT, APUREMENT DES COMPTES FISCAUX DE LA SOCIETE BRITANNIQUE . ELLE N' EXIGE L' AUTORISATION DU TRESOR QUE DANS LE CAS OU CETTE SOCIETE, TOUT EN GARDANT SA PERSONNALITE JURIDIQUE ET SA QUALITE DE SOCIETE DE DROIT BRITANNIQUE, DESIRE TRANSFERER SON SIEGE DE DIRECTION HORS DU ROYAUME-UNI .

A CET EGARD, IL CONVIENT DE RAPPELER QUE, CONTRAIREMENT AUX PERSONNES PHYSIQUES, LES SOCIETES SONT DES ENTITES CREEES EN VERTU D' UN ORDRE JURIDIQUE ET, EN L' ETAT ACTUEL DU DROIT COMMUNAUTAIRE, D' UN ORDRE JURIDIQUE NATIONAL . ELLES N' ONT D' EXISTENCE QU' A TRAVERS LES DIFFERENTES LEGISLATIONS NATIONALES QUI EN DETERMINENT LA CONSTITUTION ET LE FONCTIONNEMENT .

AINSI QUE LA COMMISSION L' A SOULIGNE, LES LEGISLATIONS DES ETATS MEMBRES DIFFERENT LARGEMENT EN CE QUI CONCERNE TANT LE LIEN DE RATTACHEMENT AU TERRITOIRE NATIONAL EXIGE EN VUE DE LA CONSTITUTION D' UNE SOCIETE QUE LA POSSIBILITE, POUR UNE SOCIETE CONSTITUEE CONFORMEMENT A UNE TELLE LEGISLATION, DE MODIFIER ULTERIEUREMENT CE LIEN DE RATTACHEMENT . CERTAINES LEGISLATIONS EXIGENT QUE NON SEULEMENT LE SIEGE STATUTAIRE MAIS EGALEMENT LE SIEGE REEL, A SAVOIR L' ADMINISTRATION CENTRALE DE LA SOCIETE, SOIENT SITUES SUR LEUR TERRITOIRE ET LE DEPLACEMENT DE L' ADMINISTRATION CENTRALE HORS DE CE TERRITOIRE SUPPOSE DONC LA DISSOLUTION DE LA SOCIETE AVEC TOUTES LES CONSEQUENCES QU' UNE TELLE DISSOLUTION ENTRAINE SUR LE PLAN DU DROIT DES SOCIETES ET DU DROIT FISCAL . D' AUTRES LEGISLATIONS RECONNAISSENT AUX SOCIETES LE DROIT DE TRANSFERER LEUR ADMINISTRATION CENTRALE A L' ETRANGER, MAIS QUELQUES-UNES, TEL LE ROYAUME-UNI, SOUMETTENT CE DROIT A CERTAINES RESTRICTIONS ET LES CONSEQUENCES JURIDIQUES DU TRANSFERT, NOTAMMENT SUR LE PLAN FISCAL, VARIENT D' UN ETAT MEMBRE A L' AUTRE .

LE TRAITE A TENU COMPTE DE CETTE DISPARITE DES LEGISLATIONS NATIONALES . EN DEFINISSANT, A L' ARTICLE 58, LES SOCIETES POUVANT BENEFICIER DU DROIT D' ETABLISSEMENT, LE TRAITE A MIS SUR LE MEME PIED LE SIEGE STATUTAIRE, L' ADMINISTRATION CENTRALE ET LE PRINCIPAL ETABLISSEMENT D' UNE SOCIETE EN TANT QUE LIEN DE RATTACHEMENT . EN OUTRE, A SON ARTICLE 220, LE TRAITE A PREVU LA CONCLUSION, EN TANT QUE DE BESOIN, DE CONVENTIONS ENTRE LES ETATS MEMBRES EN VUE D' ASSURER, NOTAMMENT, LE MAINTIEN DE LA PERSONNALITE JURIDIQUE EN CAS DE TRANSFERT DU SIEGE DE PAYS EN PAYS . OR, IL CONVIENT DE CONSTATER QU' AUCUNE CONVENTION CONCLUE DANS CE DOMAINE N' EST A CE JOUR ENTREE EN VIGUEUR .

IL CONVIENT D' AJOUTER QU' AUCUNE DES DIRECTIVES DE COORDINATION DES LEGISLATIONS SUR LES SOCIETES, ADOPTEES EN VERTU DE L' ARTICLE 54, PARAGRAPHE 3, SOUS G ), DU TRAITE, N' A TRAIT AUX DISPARITES ICI EN CAUSE .

IL Y A DONC LIEU DE CONSTATER QUE LE TRAITE CONSIDERE LA DISPARITE DES LEGISLATIONS NATIONALES CONCERNANT LE LIEN DE RATTACHEMENT EXIGE POUR LEURS SOCIETES AINSI QUE LA POSSIBILITE, ET, LE CAS ECHEANT, LES MODALITES D' UN TRANSFERT DU SIEGE, STATUTAIRE OU REEL, D' UNE SOCIETE DE DROIT NATIONAL, D' UN ETAT MEMBRE A L' AUTRE, COMME DES PROBLEMES QUI NE SONT PAS RESOLUS PAR LES REGLES SUR LE DROIT D' ETABLISSEMENT, MAIS QUI DOIVENT L' ETRE PAR DES TRAVAUX LEGISLATIFS OU CONVENTIONNELS LESQUELS, TOUTEFOIS, N' ONT PAS ENCORE ABOUTI .

DANS CES CONDITIONS, ON NE SAURAIT INTERPRETER LES ARTICLES 52 ET 58 DU TRAITE COMME CONFERANT AUX SOCIETES DE DROIT NATIONAL UN DROIT DE TRANSFERER LEUR SIEGE DE DIRECTION ET LEUR ADMINISTRATION CENTRALE DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE TOUT EN GARDANT LEUR QUALITE DE SOCIETES DE L' ETAT MEMBRE SELON LA LEGISLATION DUQUEL ELLES ONT ETE CONSTITUEES .

IL CONVIENT DONC DE REPONDRE A LA PREMIERE BRANCHE DE LA PREMIERE QUESTION QUE LES ARTICLES 52 ET 58 DU TRAITE DOIVENT ETRE INTERPRETES EN CE SENS QU' ILS NE

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CONFERENT AUCUN DROIT, EN L' ETAT ACTUEL DU DROIT COMMUNAUTAIRE, A UNE SOCIETE CONSTITUEE EN CONFORMITE DE LA LEGISLATION D' UN ETAT MEMBRE ET Y AYANT SON SIEGE STATUTAIRE, DE TRANSFERER SON SIEGE DE DIRECTION DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE .

COMPTE TENU DE CETTE REPONSE, IL N' Y A PAS LIEU DE REPONDRE A LA SECONDE BRANCHE DE LA PREMIERE QUESTION .

SUR LA DEUXIEME QUESTION

PAR SA DEUXIEME QUESTION, LA JURIDICTION NATIONALE DEMANDE SI LES DISPOSITIONS DE LA DIRECTIVE 73/148 DU CONSEIL, DU 21 MAI 1973, RELATIVE A LA SUPPRESSION DES RESTRICTIONS AU DEPLACEMENT ET AU SEJOUR DES RESSORTISSANTS DES ETATS MEMBRES A L' INTERIEUR DE LA COMMUNAUTE EN MATIERE D' ETABLISSEMENT OU DE PRESTATION DE SERVICES, CONFERENT A UNE SOCIETE LE DROIT DE TRANSFERER SON SIEGE DE DIRECTION DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE .

IL SUFFIT, A CET EGARD, DE RELEVER QUE LA DIRECTIVE PRECITEE, SELON SON INTITULE ET SON TEXTE, NE CONCERNE QUE LE DEPLACEMENT ET LE SEJOUR DES PERSONNES PHYSIQUES ET QUE LES DISPOSITIONS DE LA DIRECTIVE, DE PAR LEUR CONTENU, NE SE PRETENT PAS A ETRE APPLIQUEES PAR ANALOGIE AUX PERSONNES MORALES .

IL Y A DONC LIEU DE REPONDRE A LA DEUXIEME QUESTION QUE LA DIRECTIVE 73/148 DOIT ETRE INTERPRETEE EN CE SENS QUE SES DISPOSITIONS NE CONFERENT PAS A UNE SOCIETE LE DROIT DE TRANSFERER SON SIEGE DE DIRECTION DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE .

SUR LES TROISIEME ET QUATRIEME QUESTIONS

COMPTE TENU DES REPONSES DONNEES AUX DEUX PREMIERES QUESTIONS DE LA JURIDICTION NATIONALE, IL N' Y A PAS LIEU DE REPONDRE AUX TROISIEME ET QUATRIEME QUESTIONS .

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

STATUANT SUR LES QUESTIONS A ELLE SOUMISES PAR LA HIGH COURT OF JUSTICE, QUEEN' S BENCH DIVISION, PAR ORDONNANCE DU 6 FEVRIER 1987, DIT POUR DROIT :

1 ) LES ARTICLES 52 ET 58 DU TRAITE DOIVENT ETRE INTERPRETES EN CE SENS QU' ILS NE CONFERENT AUCUN DROIT, EN L' ETAT ACTUEL DU DROIT COMMUNAUTAIRE, A UNE SOCIETE CONSTITUEE EN CONFORMITE DE LA LEGISLATION D' UN ETAT MEMBRE ET Y AYANT SON SIEGE STATUTAIRE, DE TRANSFERER SON SIEGE DE DIRECTION DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE .

2 ) LA DIRECTIVE 73/148, DU CONSEIL, DU 21 MAI 1973, RELATIVE A LA SUPPRESSION DES RESTRICTIONS AU DEPLACEMENT ET AU SEJOUR DES RESSORTISSANTS DES ETATS MEMBRES A L' INTERIEUR DE LA COMMUNAUTE EN MATIERE D' ETABLISSEMENT ET DE PRESTATION DE SERVICES, DOIT ETRE INTERPRETEE EN CE SENS QUE SES DISPOSITIONS NE CONFERENT PAS A UNE SOCIETE LE DROIT DE TRANSFERER SON SIEGE DE DIRECTION DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE .

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CJCE 16 DECEMBRE 2008 CARTESIO

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 43 CE, 48 CE et 234 CE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un recours introduit par Cartesio Oktató és Szolgáltató bt (ci-après «Cartesio»), société établie à Baja (Hongrie), contre la décision ayant rejeté sa demande tendant à obtenir l’inscription au registre des sociétés du transfert de son siège en Italie.

 Le cadre juridique national

 (…)

 Le droit des sociétés

11      L’article 1er, paragraphe 1, de la loi n° CXLIV de 1997, relative aux sociétés commerciales (a gazdasági társaságokról szóló 1997. évi CXLIV. törvény), dispose:

«La présente loi régit la constitution, l’organisation et le fonctionnement des sociétés commerciales ayant leur siège sur le territoire de la Hongrie, les droits, obligations et responsabilités des fondateurs et des associés (actionnaires) desdites sociétés ainsi que la transformation, les fusions et les scissions […] de sociétés commerciales et leur dissolution.»

12      Aux termes de l’article 11 de cette loi:

«Le contrat de société (acte constitutif, statuts de la société) mentionne:

a)      la dénomination sociale et le siège de la société commerciale […]»

13      L’article 1er, paragraphe 1, de la loi n° CXLV de 1997, concernant l’enregistrement des sociétés, la publicité relative aux sociétés et la procédure juridictionnelle d’enregistrement (a cégnyilvántartásról, a cégnyilvánosságról és a bírósági cégeljárásról szóló 1997. évi CXLV. törvény, ci-après la «loi relative à l’enregistrement des sociétés»), dispose:

«On entend par société une organisation commerciale […] ou un autre sujet de droit à caractère commercial […] qui, à moins qu’une loi ou un arrêté gouvernemental n’en dispose autrement, se constitue par son enregistrement au registre des sociétés en vue de la réalisation d’une activité commerciale à caractère lucratif […]»

14      Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de cette loi:

«Les sujets de droit visés à l’article 1er peuvent figurer dans le registre des sociétés si la loi rend obligatoire ou possible l’inscription dans ledit registre.»

15      L’article 11 de ladite loi prévoit:

«1)      Une société est inscrite dans le registre des sociétés par le tribunal départemental (ou métropolitain) agissant en qualité de juridiction chargée de la tenue dudit registre […]

2)      […] le tribunal compétent pour l’enregistrement d’une société et pour l’accomplissement de toute autre procédure intéressant celle-ci prévue dans la présente loi est celui dans le ressort territorial duquel est situé le siège de ladite société.

[…]»

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16      L’article 12, paragraphe 1, de cette même loi dispose:

«Les données relatives aux sociétés visées par la présente loi sont inscrites dans le registre des sociétés. Pour toutes les sociétés, le registre comprend:

[...]

d)      le siège de la société […]»

17      Aux termes de l’article 16, paragraphe 1, de la loi relative à l’enregistrement des sociétés:

«Le siège de la société […] se trouve au lieu où se situe le centre de direction de ses affaires […]»

18      L’article 29, paragraphe 1, de cette loi dispose:

«Toute demande de modification d’une mention de l’enregistrement d’une société est introduite auprès du tribunal chargé de la tenue du registre des sociétés dans un délai de 30 jours à dater du changement qui la justifie, à moins que la loi n’en dispose autrement.»

19      L’article 34, paragraphe 1, de ladite loi prévoit:

«Tout transfert du siège de la société dans le ressort d’un autre tribunal chargé de la tenue du registre des sociétés doit être soumis, en tant que changement, au tribunal du siège précédent. Celui-ci – après avoir examiné les demandes de modification des mentions du registre antérieures au changement de siège – acte le transfert.»

 Le droit international privé

20      L’article 18 du décret-loi n° 13 de 1979 relatif au droit international privé (a nemzetközi magánjogról szóló 1979. évi 13. törvényerejű rendelet) dispose:

«1)      La capacité d’une personne morale, sa qualité de commerçant, les droits liés à sa personnalité juridique et les relations juridiques entre ses associés sont régis par sa loi personnelle.

2)      La loi personnelle d’une personne morale est la loi de l’État dans lequel la personne morale a été enregistrée.

3)      Si la personne morale a été enregistrée en vertu des lois de plusieurs États ou si l’enregistrement […] n’est pas nécessaire selon la loi applicable dans l’État où se situe le siège statutaire de la personne morale, la loi personnelle est la loi de l’État du siège.

4)      Si la personne morale n’a pas de siège statutaire ou si elle dispose de sièges dans plusieurs États et que la loi d’un de ces États ne prescrit pas d’enregistrement, sa loi personnelle est la loi de l’État où se situe le centre de direction de ses affaires.»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

21      Cartesio a été constituée le 20 mai 2004 sous la forme juridique d’une «betéti társaság» (société en commandite simple) de droit hongrois. Son siège a été établi à Baja (Hongrie). Elle a été inscrite au registre des sociétés le 11 juin 2004.

22      La société a pour commanditaire − personne s’engageant uniquement à apporter des fonds − et pour commandité − personne assumant une responsabilité illimitée pour les dettes de la société − deux personnes physiques résidant en Hongrie et possédant la nationalité de cet État membre. Elle est active, notamment, dans le domaine des ressources humaines, du secrétariat, de la traduction, de l’enseignement et de la formation.

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Page 81: lewebpedagogique.comlewebpedagogique.com/aline2603/files/2017/01/FASCI… · Web viewEn conséquence, ils sont tenus de prendre en compte l' équivalence des diplômes (voir arrêt

23      Le 11 novembre 2005, Cartesio a déposé une demande auprès du Bács-Kiskun Megyei Bíróság (cour départementale de Bács-Kiskun), statuant en qualité de Cégbíróság (tribunal des sociétés), en vue de faire acter le transfert de son siège à Gallarate (Italie) et modifier en conséquence la mention concernant son siège dans le registre des sociétés.

24      Par décision du 24 janvier 2006, cette demande a été rejetée au motif que le droit hongrois en vigueur ne permet pas à une société constituée en Hongrie de transférer son siège à l’étranger tout en continuant à être soumise à la loi hongroise en tant que loi personnelle.

25      Cartesio a interjeté appel contre cette décision devant le Szegedi Ítélőtábla (cour d’appel régionale de Szeged).

26      S’appuyant sur l’arrêt du 13 décembre 2005, SEVIC Systems (C-411/03, Rec. p. I-10805), Cartesio a fait valoir devant la juridiction de renvoi que, dans la mesure où la loi hongroise fait une distinction entre les sociétés commerciales selon l’État membre dans lequel est situé leur siège, cette loi est contraire aux articles 43 CE et 48 CE. Il découlerait de ces articles que la loi hongroise ne peut pas imposer aux sociétés hongroises de choisir la Hongrie pour y installer leur siège.

(…)

34      S’agissant du fond de l’affaire au principal, la juridiction de renvoi observe, se référant à l’arrêt du 27 septembre 1988, Daily Mail and General Trust (81/87, Rec. p. 5483), que la liberté d’établissement prévue aux articles 43 CE et 48 CE ne comporte pas le droit, pour une société constituée en vertu de la législation d’un État membre et enregistrée dans celui-ci, de transférer son administration centrale, et donc son établissement principal, dans un autre État membre tout en conservant sa personnalité juridique et sa nationalité d’origine lorsque les autorités compétentes s’y opposent.

35      Toutefois, selon la juridiction de renvoi, la jurisprudence ultérieure de la Cour pourrait avoir nuancé ce principe.

36      À cet égard, ladite juridiction rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour, constituent des restrictions à la liberté d’établissement des sociétés toutes les mesures qui interdisent, gênent ou rendent moins attrayant l’exercice de cette liberté, se référant à cet égard, notamment, à l’arrêt du 5 octobre 2004, CaixaBank France (C-442/02, Rec. p. I-8961, points 11 et 12).

37      La juridiction de renvoi relève en outre que, dans l’arrêt SEVIC Systems, précité, la Cour a dit pour droit que les articles 43 CE et 48 CE s’opposent à ce que, dans un État membre, l’inscription au registre national du commerce de la fusion de deux sociétés par dissolution sans liquidation de l’une et par transmission universelle du patrimoine de cette dernière à l’autre soit refusée de manière générale lorsque l’une des deux sociétés a son siège dans un autre État membre, alors qu’une telle inscription est possible, dès lors que certaines conditions sont respectées, lorsque les sociétés participant à la fusion ont toutes deux leur siège sur le territoire du premier État membre.

38      Constituerait en outre un principe bien établi dans la jurisprudence de la Cour que les droits nationaux ne peuvent pas faire de distinction entre les sociétés selon la nationalité de la personne qui demande leur inscription au registre des sociétés.

39      Enfin, la juridiction de renvoi relève que le règlement (CEE) n° 2137/85 du Conseil, du 25 juillet 1985, relatif à l’institution d’un groupement européen d’intérêt économique (GEIE) (JO L 199, p. 1), ainsi que le règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil, du 8 octobre 2001, relatif au statut de la société européenne (SE) (JO L 294, p. 1), prévoient, pour les formes d’entreprise communautaire qu’ils instituent, des dispositions plus souples et moins coûteuses leur permettant de transférer leur siège ou leur établissement dans un autre État membre sans liquidation préalable.

40      Dans ces conditions, le Szegedi Ítélőtábla, estimant que la solution du litige dont il est saisi dépend de l’interprétation du droit communautaire, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

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«(…)

4)      a)     Si une société constituée et inscrite au registre des sociétés en Hongrie en vertu du droit hongrois désire transférer son siège dans un autre État membre de l’Union [européenne], cette question est-elle régie par le droit communautaire ou les dispositions des droits nationaux sont-elles, en l’absence d’harmonisation, exclusivement applicables?

b)      Une société hongroise peut-elle demander le transfert de son siège dans un autre État membre de l’Union en invoquant directement le droit communautaire (en l’occurrence les articles 43 CE et 48 CE)? Dans l’affirmative, un tel transfert peut-il être soumis – que ce soit par l’‘État d’origine’ ou par l’‘État hôte’ – à une quelconque condition ou autorisation?

c)      Faut-il interpréter les articles 43 CE et 48 CE en ce sens qu’est incompatible avec le droit communautaire une règle ou pratique de droit interne qui fait une distinction, en ce qui concerne l’exercice des droits intéressant les sociétés commerciales, entre lesdites sociétés selon l’État membre dans lequel se trouve leur siège?

[d)]      Faut-il interpréter les articles 43 CE et 48 CE en ce sens qu’est incompatible avec le droit communautaire une règle ou pratique de droit interne qui empêche une société [de l’État membre concerné] de transférer son siège dans un autre État membre […]?»

 (…)

 Sur la quatrième question

99      Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande en substance si les articles 43 CE et 48 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre qui empêche une société constituée en vertu du droit national de cet État membre de transférer son siège dans un autre État membre tout en gardant sa qualité de société relevant du droit national de l’État membre selon la législation duquel elle a été constituée.

100    Il ressort de la décision de renvoi que Cartesio, société constituée conformément à la législation hongroise et ayant établi, lors de sa constitution, son siège en Hongrie, a transféré son siège en Italie, mais souhaite garder sa qualité de société de droit hongrois.

101    Selon la loi relative à l’enregistrement des sociétés, le siège d’une société de droit hongrois se trouve au lieu où se situe le centre de direction de ses affaires.

102    La juridiction de renvoi expose que la demande d’inscription dans le registre des sociétés de la modification du siège de Cartesio présentée par celle-ci a été rejetée par le tribunal chargé de la tenue de ce registre au motif que, en droit hongrois, une société constituée en Hongrie ne peut pas, à la fois, transférer son siège, tel que défini dans ladite loi, à l’étranger et continuer à être soumise à la loi hongroise en tant que loi régissant son statut.

103    Un tel transfert exigerait que, auparavant, la société cesse d’exister et se constitue à nouveau en conformité avec le droit du pays sur le territoire duquel elle souhaite établir son nouveau siège.

104    À cet égard, la Cour a rappelé au point 19 de l’arrêt Daily Mail and General Trust, précité, qu’une société créée en vertu d’un ordre juridique national n’a d’existence qu’à travers la législation nationale qui en détermine la constitution et le fonctionnement.

105    Au point 20 du même arrêt, la Cour a relevé que les législations des États membres diffèrent largement en ce qui concerne tant le lien de rattachement au territoire national exigé en vue de la constitution d’une société que la possibilité, pour une société constituée conformément à une telle législation, de modifier ultérieurement ce lien de rattachement. Certaines législations exigent que non seulement le siège statutaire, mais également le siège réel, à savoir l’administration centrale de la société, soient situés sur le territoire des États membres concernés, de sorte que le déplacement de l’administration centrale hors de ce territoire suppose la dissolution de la société, avec toutes les conséquences qu’une telle dissolution entraîne sur le plan du droit des sociétés. D’autres

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législations reconnaissent aux sociétés le droit de transférer leur administration centrale à l’étranger, mais quelques-unes soumettent ce droit à certaines restrictions, et les conséquences juridiques du transfert varient d’un État membre à l’autre.

106    La Cour a en outre indiqué, au point 21 de ce même arrêt, que le traité CEE a tenu compte de cette disparité des législations nationales. En définissant, à l’article 58 de ce traité (devenu article 58 du traité CE, lui-même devenu article 48 CE), les sociétés pouvant bénéficier du droit d’établissement, le traité CEE a mis sur le même pied le siège statutaire, l’administration centrale et le principal établissement d’une société en tant que lien de rattachement.

107    Dans l’arrêt du 5 novembre 2002, Überseering (C-208/00, Rec. p. I-9919, point 70), la Cour, tout en confirmant ces considérations, en a déduit que la possibilité, pour une société constituée conformément à la législation d’un État membre, de transférer son siège, statutaire ou effectif, dans un autre État membre sans perdre la personnalité juridique dont elle jouit dans l’ordre juridique de l’État membre de constitution et, le cas échéant, les modalités de ce transfert sont déterminées par la législation nationale conformément à laquelle ladite société a été constituée. Elle en a conclu qu’un État membre a la possibilité d’imposer à une société constituée en vertu de son ordre juridique des restrictions au déplacement du siège effectif de celle-ci hors de son territoire pour que cette société puisse conserver la personnalité juridique dont elle bénéficie en vertu du droit de ce même État membre.

108    Il convient d’ailleurs de souligner que la Cour est également arrivée à cette conclusion sur le fondement du libellé de l’article 58 du traité CEE. En effet, en définissant à cet article les sociétés pouvant bénéficier du droit d’établissement, le traité CEE a considéré la disparité des législations nationales concernant tant le lien de rattachement exigé pour les sociétés relevant de ces législations que la possibilité et, le cas échéant, les modalités d’un transfert du siège, statutaire ou réel, d’une société de droit national d’un État membre à l’autre comme une difficulté non résolue par les règles sur le droit d’établissement, mais qui doit l’être par des travaux législatifs ou conventionnels, lesquels n’ont pas encore abouti (voir, en ce sens, arrêts précités Daily Mail and General Trust, points 21 à 23, et Überseering, point 69).

109    Partant, conformément à l’article 48 CE, en l’absence d’une définition uniforme donnée par le droit communautaire des sociétés qui peuvent bénéficier du droit d’établissement en fonction d’un critère de rattachement unique déterminant le droit national applicable à une société, la question de savoir si l’article 43 CE s’applique à une société invoquant la liberté fondamentale consacrée par cet article, à l’instar, d’ailleurs, de celle de savoir si une personne physique est un ressortissant d’un État membre pouvant, à ce titre, bénéficier de cette liberté, constitue une question préalable qui, dans l’état actuel du droit communautaire, ne peut trouver une réponse que dans le droit national applicable. Ce n’est donc que s’il est vérifié que cette société bénéficie effectivement de la liberté d’établissement eu égard aux conditions énoncées à l’article 48 CE que se pose la question de savoir si ladite société se trouve confrontée à une restriction à cette liberté au sens de l’article 43 CE.

110    Un État membre dispose ainsi de la faculté de définir tant le lien de rattachement qui est exigé d’une société pour que celle-ci puisse être considérée comme constituée selon son droit national et susceptible, à ce titre, de bénéficier du droit d’établissement que celui requis pour maintenir cette qualité ultérieurement. Cette faculté englobe la possibilité, pour cet État membre, de ne pas permettre à une société relevant de son droit national de conserver cette qualité lorsqu’elle entend se réorganiser dans un autre État membre par le déplacement de son siège sur le territoire de ce dernier, rompant ainsi le lien de rattachement que prévoit le droit national de l’État membre de constitution.

111    Toutefois, un tel cas de transfert du siège d’une société constituée selon le droit d’un État membre dans un autre État membre sans changement du droit dont elle relève doit être distingué de celui relatif au déplacement d’une société relevant d’un État membre vers un autre État membre avec changement du droit national applicable, la société se transformant en une forme de société relevant du droit national de l’État membre dans lequel elle se déplace.

112    En effet, dans ce dernier cas, la faculté, évoquée au point 110 du présent arrêt, loin d’impliquer une quelconque immunité de la législation nationale en matière de constitution et de dissolution de sociétés au regard des règles du traité CE relatives à la liberté d’établissement, ne saurait, en particulier, justifier que l’État membre de constitution, en imposant la dissolution et la liquidation de cette société, empêche celle-ci de se transformer en une société de droit national de l’autre État membre pour autant que ce droit le permette.

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113    Un tel obstacle à la transformation effective d’une telle société sans dissolution et liquidation préalables en une société de droit national de l’État membre dans lequel celle-ci souhaite se déplacer constituerait une restriction à la liberté d’établissement de la société concernée qui, à moins qu’elle soit justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, est interdite en vertu de l’article 43 CE (voir en ce sens, notamment, arrêt CaixaBank France, précité, points 11 et 17).

114    Il convient en outre de constater que, depuis les arrêts précités Daily Mail and General Trust et Überseering, les travaux législatifs et conventionnels dans le domaine du droit des sociétés envisagés, respectivement, aux articles 44, paragraphe 2, sous g), CE et 293 CE n’ont, à ce jour, pas porté sur la disparité des législations nationales relevée dans ces arrêts et n’ont donc pas encore mis un terme à celle-ci.

115    La Commission soutient toutefois que l’absence d’une réglementation communautaire en la matière, constatée par la Cour au point 23 de l’arrêt Daily Mail and General Trust, précité, a été comblée par les règles communautaires sur le transfert de siège dans un autre État membre contenues dans des règlements tels que les règlements nos 2137/85 et 2157/2001, relatifs, respectivement, au GEIE et à la SE, ou encore le règlement (CE) n° 1435/2003 du Conseil, du 22 juillet 2003, relatif au statut de la société coopérative européenne (SEC) (JO L 207, p. 1), ainsi que par la législation hongroise adoptée par suite desdits règlements.

116    Elle estime que ces règles pourraient, voire devraient, être appliquées mutatis mutandis au transfert transfrontalier du siège réel d’une société constituée selon le droit national d’un État membre.

117    À cet égard, il y a lieu de constater que, si ces règlements, adoptés sur le fondement de l’article 308 CE, prévoient effectivement un dispositif permettant aux nouvelles entités juridiques qu’ils établissent de transférer leur siège statutaire et, donc, également leur siège réel, ces deux sièges devant en effet être situés dans le même État membre, dans un autre État membre sans donner lieu ni à dissolution de la personne morale initiale ni à création d’une personne morale nouvelle, un tel transfert comporte toutefois nécessairement un changement en ce qui concerne le droit national applicable à l’entité qui l’opère.

118    Cela ressort, par exemple, pour une SE, des articles 7 à 9, paragraphe 1, sous c), ii), du règlement n° 2157/2001.

119    Or, dans l’affaire au principal, Cartesio veut uniquement transférer son siège réel de Hongrie en Italie tout en restant une société de droit hongrois, et donc sans changement en ce qui concerne le droit national dont elle relève.

120    Partant, l’application mutatis mutandis de la réglementation communautaire à laquelle la Commission se réfère, à supposer même qu’elle doive s’imposer en cas de déplacement transfrontalier du siège d’une société relevant du droit national d’un État membre, ne saurait en tout état de cause aboutir au résultat escompté dans une situation telle que celle en cause au principal.

121    Ensuite, pour ce qui concerne l’incidence de l’arrêt SEVIC Systems, précité, sur le principe établi dans les arrêts précités Daily Mail and General Trust et Überseering, il y a lieu de constater que ces arrêts ne traitent pas du même problème, de sorte qu’il ne saurait être soutenu que le premier aurait précisé la portée des seconds.

122    En effet, l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt SEVIC Systems, précité, concernait la reconnaissance, dans l’État membre de constitution d’une société, d’une opération d’établissement par voie de fusion transfrontalière effectuée par cette société dans un autre État membre, cas de figure foncièrement différent de la situation en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Daily Mail and General Trust, précité. Ainsi, la situation en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt SEVIC Systems, précité, s’apparente à des situations ayant fait l’objet d’autres arrêts de la Cour (voir arrêts du 9 mars 1999, Centros, C-212/97, Rec. p. I-1459; Überseering, précité, ainsi que du 30 septembre 2003, Inspire Art, C-167/01, Rec. p. I-10155).

123    Or, dans de telles situations, la question préalable qui se pose est non pas celle, visée au point 109 du présent arrêt, de savoir si la société concernée peut être considérée comme une société ayant la nationalité de l’État membre selon la législation duquel elle a été constituée, mais plutôt celle de savoir si cette société, dont il est constant qu’elle est une société de droit national d’un État membre, se trouve confrontée ou non à une restriction dans l’exercice de son droit d’établissement dans un autre État membre.

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124    Eu égard à tout ce qui précède, il convient de répondre à la quatrième question posée que, en l’état actuel du droit communautaire, les articles 43 CE et 48 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre qui empêche une société constituée en vertu du droit national de cet État membre de transférer son siège dans un autre État membre tout en gardant sa qualité de société relevant du droit national de l’État membre selon la législation duquel elle a été constituée.

 Sur les dépens

125    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit: (…)

4)      En l’état actuel du droit communautaire, les articles 43 CE et 48 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre qui empêche une société constituée en vertu du droit national de cet État membre de transférer son siège dans un autre État membre tout en gardant sa qualité de société relevant du droit national de l’État membre selon la législation duquel elle a été constituée.

CJCE 29 NOVEMBRE 2011, NATIONAL GRID INDUS BV

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 49 TFUE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant National Grid Indus BV (ci-après «National Grid Indus»), société de droit néerlandais dont le siège statutaire est situé aux Pays-Bas, à l’Inspecteur van de Belastingdienst Rijnmond/kantoor Rotterdam (l’inspecteur du service des impôts Rijnmond/bureau Rotterdam, ci-après l’«inspecteur») au sujet de l’imposition des plus-values latentes afférentes aux actifs de ladite société à l’occasion du transfert du siège de direction effective de celle-ci au Royaume-Uni.

 Le cadre juridique

 La convention tendant à éviter la double imposition et à prévenir l’évasion fiscale

3        Le Royaume des Pays-Bas et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ont conclu une convention tendant à éviter la double imposition et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu (ci-après la «convention»).

4        L’article 4 de la convention stipule:

«1.      Au sens de la présente convention, l’expression ‘résident d’un État contractant’ désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet État, est assujettie à l’impôt dans cet État, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue [...]

[...]

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3.      Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne autre qu’une personne physique est résidente des deux États contractants, elle est considérée comme résidente seulement de l’État où son siège de direction effective est situé.»

5        Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, de la convention, «[l]es bénéfices d’une entreprise d’un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à moins que l’entreprise n’exerce son activité dans l’autre État par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé. Si l’entreprise exerce son activité d’une telle façon, les bénéfices de l’entreprise sont imposables dans l’autre État mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable».

6        L’article 13 de la convention stipule:

«1.      Les gains qu’un résident d’un État contractant tire de l’aliénation de biens immobiliers [...] situés dans l’autre État contractant, sont imposables dans cet autre État.

2.      Les gains provenant de l’aliénation de biens mobiliers qui font partie de l’actif d’un établissement stable qu’une entreprise d’un État contractant a dans l’autre État contractant [...], y compris de tels gains provenant de l’aliénation de cet établissement stable (seul ou avec l’ensemble de l’entreprise) [...] sont imposables dans cet autre État.

3.      Les gains provenant de l’aliénation de navires ou d’aéronefs exploités en trafic international [...] ne sont imposables que dans l’État contractant où le siège de direction effective de l’entreprise est situé.

4.      Les gains provenant de l’aliénation de tous biens autres que ceux visés aux paragraphes 1, 2 et 3 ne sont imposables que dans l’État contractant dont le cédant est résident.»

 La réglementation néerlandaise

7        L’article 16 de la loi de 1964 relative à l’impôt sur le revenu (Wet op de inkomstenbelasting 1964, ci-après la «Wet IB») dispose:

«Les gains d’une entreprise qui n’ont pas encore été comptabilisés [...] sont ajoutés au bénéfice de l’année civile durant laquelle celui pour le compte duquel l’entreprise est exploitée cesse de tirer de cette entreprise un bénéfice taxable aux Pays-Bas [...]»

8        En vertu de l’article 8 de la loi de 1969 relative à l’impôt des sociétés (Wet op de vennootschapsbelasting 1969, ci-après la «Wet VPB»), l’article 16 de la Wet IB est applicable par analogie au prélèvement de l’impôt des sociétés.

9        Conformément à l’article 2, paragraphe 4, de la Wet VPB, «[s]i un organisme a été constitué aux termes du droit néerlandais, cet organisme reste considéré, pour l’application de la présente loi, comme étant établi aux Pays-Bas [...]».

 Les faits à l’origine du litige au principal et les questions préjudicielles

10      National Grid Indus est une société à responsabilité limitée constituée selon le droit néerlandais. Elle avait, jusqu’au 15 décembre 2000, son siège de direction effective aux Pays-Bas.

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11      Cette société est, depuis le 10 juin 1996, titulaire d’une créance d’un montant de 33 113 000 GBP sur National Grid Company plc, société établie au Royaume-Uni.

12      À la suite de la hausse du cours de la livre sterling par rapport au florin néerlandais, un gain de change non réalisé a été généré sur cette créance. Au 15 décembre 2000, ce gain de change s’élevait à 22 128 160 NLG.

13      À cette date, National Grid Indus a transféré son siège de direction effective au Royaume-Uni. Conformément à l’article 2, paragraphe 4, de la Wet VPB, National Grid Indus est restée, en raison du fait qu’elle était constituée conformément au droit néerlandais, en principe imposable sans limitation aux Pays-Bas. Toutefois, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, de la convention, qui prime le droit national, National Grid Indus devait, après le transfert de son siège de direction effective, être considérée comme résidente du Royaume-Uni. Étant donné que, après le transfert de son siège, National Grid Indus ne disposait plus d’établissement stable au sens de la convention aux Pays-Bas, le droit d’imposer le bénéfice et les gains en capital de cette société revenait, après ledit transfert, exclusivement au Royaume-Uni, conformément aux articles 7, paragraphe 1, et 13, paragraphe 4, de la convention.

14      En conséquence de l’application de la convention, National Grid Indus a cessé de percevoir un bénéfice taxable aux Pays-Bas au sens de l’article 16 de la Wet IB, de sorte que, en vertu de ladite disposition, lue en combinaison avec l’article 8 de la Wet VPB, un décompte final des plus-values latentes existant au moment du transfert du siège de cette entreprise a dû être établi. Ainsi, l’inspecteur a décidé que National Grid Indus devait notamment être imposée sur le gain de change mentionné au point 12 du présent arrêt.

15      National Grid Indus a formé un recours contre la décision de l’inspecteur devant le rechtbank Haarlem, qui, par un jugement du 17 décembre 2007, a confirmé ladite décision.

16      National Grid Indus s’est alors pourvue en appel contre le jugement du rechtbank Haarlem devant le Gerechtshof Amsterdam.

17      La juridiction de renvoi considère d’abord que National Grid Indus peut invoquer la liberté d’établissement pour contester les conséquences fiscales que les Pays-Bas, en tant qu’État membre d’origine, attachent au transfert du siège de direction effective de cette société dans un autre État membre. Dès lors que l’existence et le fonctionnement de ladite société en tant qu’elle est constituée selon le droit néerlandais ne seraient pas affectés par la réglementation nationale en cause, la présente affaire au principal se distinguerait de celles ayant donné lieu aux arrêts du 27 septembre 1988, Daily Mail and General Trust (81/87, Rec. p. 5483), et du 16 décembre 2008, Cartesio (C-210/06, Rec. p. I-9641). Néanmoins un doute subsisterait sur ce point.

18      La juridiction de renvoi estime, ensuite, qu’une imposition, telle que celle en cause au principal, constitue une entrave à la liberté d’établissement. La mesure nationale à l’origine de cette imposition pourrait toutefois s’avérer justifiée par l’objectif consistant à assurer la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres, conformément au principe de territorialité fiscale comportant un élément temporel. Elle explique à cet effet que l’article 16 de la Wet IB est fondé sur l’idée selon laquelle la totalité du bénéfice généré par une société résidente doit faire l’objet d’une imposition aux Pays-Bas. Lorsque cesse l’assujettissement à l’impôt aux Pays-Bas, par suite du transfert du siège de direction effective de la société concernée, les plus-values latentes afférentes aux actifs de celle-ci, qui n’ont pas encore été imposées aux Pays-

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Bas, devraient être considérées comme des bénéfices réalisés et, partant, être imposées.

19      La juridiction de renvoi estime, cependant, qu’il n’est pas exclu que, selon la jurisprudence résultant des arrêts du 11 mars 2004, de Lasteyrie du Saillant (C-9/02, Rec. p. I-2409), et du 7 septembre 2006, N (C-470/04, Rec. p. I-7409), l’imposition du décompte final, telle que prévue par la réglementation en cause au principal, pourrait être considérée comme disproportionnée, étant donné qu’elle entraîne une dette fiscale immédiatement exigible et qu’elle ne tient pas compte des moins-values réalisées après le transfert du siège de l’entreprise concernée. La juridiction de renvoi considère qu’un doute subsiste également sur ce point. Elle ajoute à cet égard que le report de l’imposition jusqu’au moment de la réalisation effective des plus-values pourrait poser des problèmes pratiques insurmontables.

20      Enfin, la juridiction de renvoi souligne que, en l’espèce, aucune moins-value n’est susceptible d’être réalisée postérieurement au transfert du siège de direction effective de National Grid Indus, dès lors que ce transfert a entraîné la disparition du risque de change pour une créance libellée en livres sterling. En effet, après ce transfert, cette société était tenue de calculer son bénéfice taxable dans cette monnaie.

21      Dans ces conditions, le Gerechtshof Amsterdam a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Si un État membre impose, en raison du transfert du siège de direction effective, le décompte final d’une société constituée selon le droit de cet État membre et qui transfère son siège de direction effective de cet État membre dans un autre État membre, cette société peut-elle invoquer, dans l’état actuel du droit communautaire, l’article 43 CE (devenu article 49 TFUE) contre cet État membre?

2)      S’il est répondu par l’affirmative à la première question, une imposition du décompte final telle que celle en cause, qui impose les plus-values afférentes aux éléments de patrimoine de la société transférés de l’État membre d’origine vers l’État membre d’accueil, telles qu’elles existaient au moment du transfert du siège, sans report et sans qu’il soit possible de tenir compte des moins-values ultérieures, est-elle contraire à l’article 43 CE (devenu article 49 TFUE), en ce sens qu’une telle imposition du décompte final ne peut pas être justifiée par la nécessité de répartir les pouvoirs d’imposition entre les États membres?

3)      La réponse à la question précédente dépend-elle, notamment, de la circonstance que l’imposition du décompte final en cause concerne un gain (de change) généré dans le cadre de la compétence fiscale néerlandaise, tandis que ce gain ne peut pas être exprimé dans le pays d’accueil selon le régime fiscal qui y est en vigueur?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

22      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si une société constituée selon le droit d’un État membre, qui transfère son siège de direction effective dans un autre État membre et qui est soumise, par le premier État membre, à une imposition à l’occasion de ce transfert, peut se prévaloir de l’article 49 TFUE à l’encontre de cet État membre.

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23      Les gouvernements néerlandais, allemand, italien, portugais, finlandais, suédois et du Royaume-Uni soutiennent que l’article 49 TFUE laisse intacte la compétence des États membres pour adopter une réglementation, y compris des règles de nature fiscale relatives aux transferts de siège d’entreprises entre États membres. L’interprétation de cet article donnée par la Cour dans les arrêts précités Daily Mail and General Trust et Cartesio ne concernerait pas uniquement les conditions de constitution et de fonctionnement des sociétés en vertu du droit national relatif aux sociétés.

24      Lesdits gouvernements expliquent, à cet effet, que National Grid Indus, en raison même du transfert de son siège de direction effective, cesse d’être soumise à la loi fiscale de son État membre d’origine. Les Pays-Bas perdraient toute compétence fiscale en ce qui concerne les revenus provenant de l’activité de ladite société. L’imposition en cause au principal serait donc étroitement liée aux dispositions du droit national relatif aux sociétés déterminant les conditions d’établissement des sociétés et de transfert du siège de ces dernières, et cette imposition constituerait une conséquence directe de ces dispositions.

25      À cet égard, il doit être rappelé que, conformément à l’article 54 TFUE, les sociétés constituées en conformité de la législation d’un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de l’Union sont assimilées, pour l’application des dispositions du traité FUE relatives à la liberté d’établissement, aux personnes physiques ressortissantes des États membres.

26      En l’absence d’une définition uniforme donnée par le droit de l’Union des sociétés qui peuvent bénéficier du droit d’établissement en fonction d’un critère de rattachement unique déterminant le droit national applicable à une société, la question de savoir si l’article 49 TFUE s’applique à une société invoquant la liberté fondamentale consacrée à cet article, à l’instar, d’ailleurs, de celle de savoir si une personne physique est un ressortissant d’un État membre pouvant, à ce titre, bénéficier de cette liberté, constitue une question préalable qui, dans l’état actuel du droit de l’Union, ne peut trouver une réponse que dans le droit national applicable. Ce n’est donc que s’il est vérifié que cette société bénéficie effectivement de la liberté d’établissement eu égard aux conditions énoncées à l’article 54 TFUE que se pose la question de savoir si ladite société se trouve confrontée à une restriction à cette liberté au sens de l’article 49 TFUE (voir arrêts Daily Mail and General Trust, précité, points 19 à 23; du 5 novembre 2002, Überseering, C-208/00, Rec. p. I-9919, points 67 à 70, ainsi que Cartesio, précité, point 109).

27      Un État membre dispose ainsi de la faculté de définir tant le lien de rattachement qui est exigé d’une société pour que celle-ci puisse être considérée comme constituée selon son droit national et susceptible, à ce titre, de bénéficier du droit d’établissement que celui requis pour maintenir cette qualité ultérieurement (arrêt Cartesio, précité, point 110). Un État membre a donc la possibilité d’imposer à une société constituée en vertu de son ordre juridique des restrictions au déplacement du siège de direction effective de celle-ci hors de son territoire, afin qu’elle puisse conserver la personnalité juridique dont elle bénéficiait en vertu du droit de ce même État (arrêt Überseering, précité, point 70).

28      Dans l’affaire au principal, le transfert du siège de direction effective de National Grid Indus au Royaume-Uni n’a toutefois pas affecté la qualité de société de droit néerlandais de cette entreprise en vertu de ce droit, lequel applique, en ce qui concerne les sociétés, la théorie de la constitution.

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29      Les gouvernements néerlandais, allemand, italien, portugais, finlandais, suédois et du Royaume-Uni soutiennent toutefois que si un État membre est compétent pour exiger la dissolution et la liquidation d’une société qui émigre, cet État membre doit aussi être considéré comme compétent pour imposer des exigences fiscales s’il applique le système – plus avantageux du point de vue du marché intérieur – du transfert de siège avec conservation de la personnalité juridique.

30      Toutefois, la faculté évoquée au point 27 du présent arrêt n’implique aucunement que les règles du traité relatives à la liberté d’établissement ne s’appliquent pas à la législation nationale en matière de constitution et de dissolution de sociétés (voir arrêt Cartesio, précité, point 112).

31      La réglementation nationale en cause au principal ne concerne pas la détermination des conditions exigées, par un État membre, d’une société constituée en conformité avec sa législation, pour que celle-ci puisse conserver sa qualité de société dudit État membre après le transfert de son siège de direction effective dans un autre État membre. Ladite réglementation se borne au contraire à attacher, pour les sociétés constituées en conformité avec le droit national, des conséquences fiscales à un transfert de siège entre États membres sans qu’un tel transfert de siège affecte leur qualité de sociétés de l’État membre en cause.

32      Dans l’affaire au principal, dès lors que le transfert du siège de direction effective de National Grid Indus au Royaume-Uni n’a pas affecté la qualité de société de droit néerlandais de celle-ci, ledit transfert n’a pas eu d’incidence sur la possibilité, pour ladite société, de se prévaloir de l’article 49 TFUE. En tant que société constituée en conformité avec la législation d’un État membre et ayant son siège statutaire ainsi que son administration centrale au sein de l’Union, celle-ci bénéficie, conformément à l’article 54 TFUE, des dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement et peut donc se prévaloir des droits qu’elle tire de l’article 49 TFUE, notamment aux fins de mettre en cause la légalité d’une imposition mise à sa charge, par ledit État membre, à l’occasion du transfert de son siège de direction effective dans un autre État membre.

33      Il y a donc lieu de répondre à la première question qu’une société constituée selon le droit d’un État membre, qui transfère son siège de direction effective dans un autre État membre, sans que ce transfert de siège affecte sa qualité de société du premier État membre, peut se prévaloir de l’article 49 TFUE aux fins de mettre en cause la légalité d’une imposition mise à sa charge, par le premier État membre, à l’occasion dudit transfert de siège.

 Sur les deuxième et troisième questions

34      Par ses deuxième et troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation fiscale d’un État membre, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle les plus-values latentes afférentes aux éléments du patrimoine d’une société, qui est constituée selon le droit de cet État membre et qui transfère son siège de direction effective dans un autre État membre, sont imposées par le premier État membre au moment dudit transfert, sans que ladite réglementation, d’une part, prévoie le sursis de paiement de l’impôt mis à la charge de ladite société jusqu’au moment de la réalisation effective de ces plus-values et, d’autre part, tienne compte des moins-values susceptibles d’être réalisées postérieurement au transfert dudit siège. Par ailleurs, elle cherche à savoir si l’interprétation de l’article 49 TFUE est affectée par la circonstance que les plus-values latentes imposées se

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rapportent à des gains de change qui ne peuvent être exprimés dans l’État membre d’accueil compte tenu du régime fiscal qui y est en vigueur.

 Sur l’existence d’une restriction à la liberté d’établissement

35      L’article 49 TFUE impose la suppression des restrictions à la liberté d’établissement. Même si, selon leur libellé, les dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement visent à assurer le bénéfice du traitement national dans l’État membre d’accueil, elles s’opposent également à ce que l’État membre d’origine entrave l’établissement dans un autre État membre de l’un de ses ressortissants ou d’une société constituée en conformité avec sa législation (voir arrêts du 16 juillet 1998, ICI, C-264/96, Rec. p. I-4695, point 21; du 6 décembre 2007, Columbus Container Services, C-298/05, Rec. p. I-10451, point 33; du 23 octobre 2008, Krankenheim Ruhesitz am Wannsee-Seniorenheimstatt, C-157/07, Rec. p. I-8061, point 29, et du 15 avril 2010, CIBA, C-96/08, Rec. p. I-2911, point 18).

36      Il est également de jurisprudence constante que doivent être considérées comme des restrictions à la liberté d’établissement toutes les mesures qui interdisent, gênent ou rendent moins attrayant l’exercice de cette liberté (voir arrêts du 5 octobre 2004, CaixaBank France, C-442/02, Rec. p. I-8961, point 11; Columbus Container Services, précité, point 34; Krankenheim Ruhesitz am Wannsee-Seniorenheimstatt, précité, point 30, et CIBA, précité, point 19).

37      Dans le litige au principal, il doit être constaté qu’une société de droit néerlandais désireuse de transférer son siège de direction effective en dehors du territoire néerlandais, dans le cadre de l’exercice du droit que lui garantit l’article 49 TFUE, subit un désavantage de trésorerie par rapport à une société similaire qui maintient son siège de direction effective aux Pays-Bas. En effet, en vertu de la réglementation nationale en cause au principal, le transfert du siège de direction effective d’une société de droit néerlandais dans un autre État membre entraîne l’imposition immédiate des plus-values latentes afférentes aux actifs transférés alors que de telles plus-values ne sont pas imposées lorsqu’une telle société transfère son siège à l’intérieur du territoire néerlandais. Les plus-values afférentes aux actifs d’une société procédant à un transfert de siège à l’intérieur de l’État membre concerné ne seront imposées que lorsqu’elles auront été effectivement réalisées et dans la mesure où elles l’auront été. Cette différence de traitement en ce qui concerne l’imposition des plus-values est de nature à décourager une société de droit néerlandais de procéder au transfert de son siège dans un autre État membre (voir, en ce sens, arrêts précités de Lasteyrie du Saillant, point 46, et N, point 35).

38      La différence de traitement ainsi constatée ne s’explique pas par une différence de situation objective. En effet, à l’égard d’une réglementation d’un État membre visant à imposer les plus-values générées sur son territoire, la situation d’une société constituée selon la législation dudit État membre qui transfère son siège dans un autre État membre est similaire à celle d’une société constituée également selon la législation du premier État membre et maintenant son siège dans cet État membre, pour ce qui concerne l’imposition des plus-values afférentes aux actifs qui ont été générées dans le premier État membre antérieurement au transfert de siège.

39      Les gouvernements espagnol, français et portugais exposent encore qu’une société telle que la requérante au principal ne subit aucun désavantage par rapport à une société ayant transféré son siège à l’intérieur d’un État membre. Eu égard au fait que le gain de change en florins néerlandais sur une créance libellée en livres sterling aurait disparu lors du transfert du siège de direction effective de National Grid Indus au

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Royaume-Uni, cette société aurait, selon lesdits gouvernements, été imposée sur une plus-value réalisée. Un transfert de siège à l’intérieur de l’État membre concerné n’aurait, en revanche, donné lieu à la réalisation d’aucune plus-value.

40      Une telle argumentation doit être écartée. L’imposition en cause dans le litige au principal ne vise pas des plus-values réalisées. Le gain de change imposé dans le cadre du litige au principal se rapporte, en effet, à une plus-value latente qui n’a généré aucun revenu au profit de National Grid Indus. Une telle plus-value latente n’aurait pas été imposée si National Grid Indus avait transféré son siège de direction effective à l’intérieur du territoire néerlandais.

41      Il s’ensuit que la différence de traitement à laquelle sont soumises, dans le cadre des dispositions nationales en cause au principal, les sociétés de droit néerlandais transférant leur siège de direction effective dans un autre État membre par rapport aux sociétés de droit néerlandais transférant leur siège de direction effective à l’intérieur du territoire néerlandais constitue une restriction en principe interdite par les dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement.

 Sur la justification de la restriction à la liberté d’établissement

42      Il résulte d’une jurisprudence constante qu’une restriction à la liberté d’établissement ne saurait être admise que si elle se justifie par des raisons impérieuses d’intérêt général. Encore faut-il, dans cette hypothèse, qu’elle soit propre à garantir la réalisation de l’objectif en cause et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (arrêts du 13 décembre 2005, Marks & Spencer, C-446/03, Rec. p. I-10837, point 35; du 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, C-196/04, Rec. p. I-7995, point 47; du 13 mars 2007, Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, C-524/04, Rec. p. I-2107, point 64, ainsi que du 18 juin 2009, Aberdeen Property Fininvest Alpha, C-303/07, Rec. p. I-5145, point 57).

43      Selon la juridiction de renvoi, la restriction à la liberté d’établissement s’avère justifiée par l’objectif consistant à assurer la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres, conformément au principe de territorialité comportant un élément temporel. L’État membre concerné n’exercerait en effet son pouvoir d’imposition que sur les plus-values générées sur son territoire au cours de la période pendant laquelle National Grid Indus y avait sa résidence fiscale.

44      National Grid Indus estime toutefois qu’un tel objectif ne peut justifier la restriction constatée dès lors que l’imposition en cause dans le litige au principal ne viserait pas un bénéfice réel.

45      À cet égard, il y a lieu de rappeler, d’une part, que la préservation de la répartition du pouvoir d’imposition entre les États membres est un objectif légitime reconnu par la Cour (voir, en ce sens, arrêts Marks & Spencer, précité, point 45; N, précité, point 42; du 18 juillet 2007, Oy AA, C-231/05, Rec. p. I-6373, point 51, ainsi que du 15 mai 2008, Lidl Belgium, C-414/06, Rec. p. I-3601, point 31). D’autre part, il ressort d’une jurisprudence constante que, en l’absence de mesures d’unification ou d’harmonisation adoptées par l’Union, les États membres demeurent compétents pour définir, par voie conventionnelle ou unilatérale, les critères de répartition de leur pouvoir de taxation, en vue, notamment, d’éliminer les doubles impositions (arrêt du 19 novembre 2009, Commission/Italie, C-540/07, Rec. p. I-10983, point 29 et jurisprudence citée).

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46      Le transfert du siège de direction effective d’une société d’un État membre dans un autre État membre ne saurait signifier que l’État membre d’origine doive renoncer à son droit d’imposer une plus-value née dans le cadre de sa compétence fiscale avant ledit transfert (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2006, Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, C-374/04, Rec. p. I-11673, point 59). La Cour a ainsi jugé qu’un État membre est, conformément au principe de territorialité fiscale associé à un élément temporel, à savoir la résidence fiscale du contribuable sur le territoire national pendant la période où les plus-values latentes sont apparues, en droit d’imposer lesdites plus-values au moment de l’émigration de celui-ci (voir arrêt N, précité, point 46). Une telle mesure vise, en effet, à prévenir des situations de nature à compromettre le droit de l’État membre d’origine d’exercer sa compétence fiscale en relation avec les activités réalisées sur son territoire et peut donc être justifiée par des motifs liés à la préservation de la répartition du pouvoir d’imposition entre les États membres (voir arrêts Marks & Spencer, précité, point 46; Oy AA, précité, point 54, ainsi que du 21 janvier 2010, SGI, C-311/08, Rec. p. I-487, point 60).

47      Il ressort de la décision de renvoi que, conformément à l’article 7, paragraphe 1, de la convention, National Grid Indus, après le transfert de son siège de direction effective au Royaume-Uni, était considérée comme une société résidente de ce dernier État membre. Dès lors que, en raison dudit transfert de siège, National Grid Indus cessait de réaliser des bénéfices taxables aux Pays-Bas, un décompte final a été établi, conformément à l’article 16 de la Wet IB, en ce qui concerne les plus-values afférentes aux actifs de cette société existant aux Pays-Bas au moment du transfert du siège de celle-ci au Royaume-Uni. Les plus-values réalisées postérieurement au transfert dudit siège sont, conformément à l’article 13, paragraphe 4, de la convention, imposées dans ce dernier État membre.

48      Eu égard à ces éléments, une réglementation telle que celle en cause au principal est propre à garantir la préservation de la répartition du pouvoir d’imposition entre les États membres concernés. En effet, l’imposition du décompte final au moment du transfert du siège de direction effective d’une société vise à soumettre à l’impôt sur les bénéfices de l’État membre d’origine les plus-values non réalisées, nées dans le cadre de la compétence fiscale de cet État membre, avant le transfert dudit siège. Les plus-values latentes afférentes à un bien économique sont ainsi imposées dans l’État membre dans lequel elles sont nées. Les plus-values réalisées postérieurement au transfert du siège de ladite société sont exclusivement imposées dans l’État membre d’accueil où elles sont nées, ce qui permet d’éviter une double imposition de celles-ci.

49      L’argument de National Grid Indus selon lequel l’imposition en cause dans le litige au principal ne saurait être justifiée dès lors qu’elle frappe une plus-value latente, et non pas une plus-value réalisée, doit être rejeté. En effet, ainsi que le soulignent les différents gouvernements ayant déposé des observations devant la Cour, un État membre est en droit d’imposer la valeur économique générée par une plus-value latente sur son territoire même si la plus-value concernée n’y a pas encore été effectivement réalisée.

50      Il convient également d’examiner si une réglementation, telle que celle en cause au principal, ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif qu’elle poursuit (arrêt du 30 juin 2011, Meilicke e.a., C-262/09, non encore publié au Recueil, point 42 et jurisprudence citée).

51      Il y a lieu de rappeler à cet effet que, selon la réglementation nationale en cause au principal, tant l’établissement du montant de la dette fiscale que le recouvrement de cette dernière ont lieu au moment où la société concernée cesse de percevoir des

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bénéfices taxables aux Pays-Bas, en l’occurrence au moment du transfert du siège de direction effective de celle-ci dans un autre État membre. Aux fins d’apprécier la proportionnalité d’une telle réglementation, il convient d’établir une distinction entre l’établissement du montant de l’imposition et le recouvrement de celle-ci.

–       Sur l’établissement définitif du montant de l’imposition au moment où la société transfère son siège de direction effective dans un autre État membre

52      Ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général aux points 55 et 56 de ses conclusions, l’établissement du montant de l’imposition au moment du transfert du siège de direction effective d’une société respecte le principe de proportionnalité eu égard à l’objectif de la réglementation nationale en cause au principal, qui est de soumettre à l’impôt dans l’État membre d’origine les plus-values nées dans le cadre de la compétence fiscale de cet État membre. Il est en effet proportionné que l’État membre d’origine, aux fins de sauvegarder l’exercice de sa compétence fiscale, détermine l’impôt dû sur les plus-values latentes nées sur son territoire au moment où son pouvoir d’imposition à l’égard de la société concernée cesse d’exister, en l’occurrence au moment du transfert du siège de direction effective de celle-ci dans un autre État membre.

53      La Commission européenne, se référant à l’arrêt N, précité, soutient toutefois que, au regard du principe de proportionnalité, l’État membre d’origine serait tenu de prendre en compte des moins-values qui se seraient produites entre le moment du transfert du siège de la société et la réalisation des éléments d’actifs concernés, dans l’hypothèse où le régime fiscal de l’État membre d’accueil ne tiendrait pas compte de ces moins-values.

54      Il convient de rappeler que dans l’arrêt N, précité, qui se rapportait à une réglementation nationale soumettant une personne privée, à l’occasion du transfert de son domicile fiscal dans un autre État membre, à une imposition sur les plus-values latentes afférentes à une participation substantielle qu’elle détenait dans une société, la Cour a jugé que seul saurait être considéré comme proportionné au regard de l’objectif consistant à assurer la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres un système fiscal qui tient entièrement compte des moins-values susceptibles d’être réalisées postérieurement au transfert du domicile du contribuable concerné, à moins que ces moins-values n’aient été déjà prises en compte dans l’État membre d’accueil (arrêt N, précité, point 54).

55      Même si le transfert, par National Grid Indus, de son siège de direction effective au Royaume-Uni a entraîné la disparition du risque de change pour la créance en cause au principal, libellée en livres sterling, une moins-value afférente à cette créance pourrait néanmoins apparaître après ledit transfert dans le cas où, par exemple, la société concernée n’obtiendrait pas le remboursement de la totalité de la dette.

56      Toutefois, contrairement à ce qui était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt N, précité, la non-prise en compte, dans la présente affaire au principal, par l’État membre d’origine des moins-values qui sont réalisées postérieurement au transfert du siège de direction effective d’une société ne peut être considérée comme disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause au principal.

57      En effet, les actifs d’une société sont directement affectés à des activités économiques qui sont destinées à générer un bénéfice. Par ailleurs, l’étendue du bénéfice imposable d’une société est en partie influencée par la valorisation des actifs dans le bilan de celle-ci, en ce que les amortissements réduisent l’assiette de l’imposition.

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58      Dès lors que dans une situation telle que celle en cause au principal, les bénéfices de la société ayant transféré son siège de direction effective ne seront imposés, postérieurement audit transfert, que dans l’État membre d’accueil, conformément au principe de territorialité fiscale associé à un élément temporel, il appartient, eu égard au lien susmentionné entre les actifs d’une société et ses bénéfices imposables et, partant, pour des raisons tenant à la symétrie entre le droit d’imposition des bénéfices et la faculté de déduction des pertes, également à ce dernier État membre de tenir compte, dans son régime fiscal, des fluctuations de la valeur des actifs de la société concernée, qui sont intervenues depuis la date à laquelle l’État membre d’origine a perdu tout lien de rattachement fiscal avec ladite société.

59      Dans ces conditions, l’État membre d’origine n’est pas tenu, contrairement à ce que suggère la Commission, de tenir compte des éventuelles pertes de change qui se seraient produites après le transfert, par National Grid Indus, de son siège de direction effective au Royaume-Uni, jusqu’au remboursement ou jusqu’à la cession de la créance détenue par ladite société. L’impôt dû sur les plus-values latentes est en effet déterminé au moment où le pouvoir d’imposition de l’État membre d’origine à l’égard de la société concernée cesse d’exister, en l’occurrence au moment du transfert du siège de ladite société. Tant la prise en compte par l’État membre d’origine d’un gain de change que la prise en compte d’une perte de change intervenus postérieurement au transfert du siège de direction effective risqueraient non seulement de mettre en cause la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres mais également de conduire à des doubles impositions ou à des doubles déductions de pertes. Tel serait notamment le cas si une société détenant une créance telle que celle en cause au principal, exprimée en livres sterling, transférait son siège d’un État membre dont la devise est l’euro vers un autre État membre de la zone euro.

60      La circonstance que, dans une situation telle que celle en cause au principal, le transfert du siège de direction effective de la société au Royaume-Uni a entraîné la disparition du risque de change, dès lors que la créance, qui est libellée en livres sterling, est exprimée également dans cette monnaie dans le bilan de la société après le transfert dudit siège, est sans incidence à cet égard. En effet, c’est conformément au principe de territorialité fiscale associé à un élément temporel, à savoir la résidence fiscale sur le territoire national pendant la période où le gain imposable est apparu, que la plus-value générée dans l’État membre d’origine est imposée au moment du transfert du siège de direction effective de la société concernée.

61      Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du point 58 du présent arrêt, le régime fiscal de l’État membre d’accueil tiendra compte, en principe, au moment de la réalisation des actifs de l’entreprise concernée, des plus-values et des moins-values réalisées sur ces actifs depuis le transfert du siège de celle-ci. Cependant, l’éventuelle non-prise en compte de moins-values par l’État membre d’accueil n’impose aucune obligation, pour l’État membre d’origine, de réévaluer au moment de la réalisation de l’actif concerné une dette fiscale qui a été déterminée définitivement au moment où la société concernée, en raison du transfert de son siège de direction effective, a cessé d’être assujettie à l’impôt dans ce dernier État membre.

62      Il convient de rappeler à cet égard que le traité ne garantit pas à une société relevant de l’article 54 TFUE que le transfert de son siège de direction effective dans un autre État membre soit neutre en matière d’imposition. Compte tenu des disparités des réglementations des États membres en la matière, un tel transfert peut, selon les cas, être plus ou moins avantageux ou désavantageux pour une société sur le plan de l’imposition (voir, en ce sens, arrêts du 15 juillet 2004, Lindfors, C-365/02, Rec. p. I-7183, point 34; du 12 juillet 2005, Schempp, C-403/03, Rec. p. I-6421, point 45,

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ainsi que du 20 mai 2008, Orange European Smallcap Fund, C-194/06, Rec. p. I-3747, point 37). La liberté d’établissement ne saurait donc être comprise en ce sens qu’un État membre soit obligé d’établir ses règles fiscales en fonction de celles d’un autre État membre afin de garantir, dans toutes les situations, une imposition qui efface toute disparité découlant des réglementations fiscales nationales (voir arrêt du 28 février 2008, Deutsche Shell, C-293/06, Rec. p. I-1129, point 43).

63      Il convient de souligner encore que la situation fiscale d’une société, telle que celle en cause au principal, détenant une créance exprimée en livres sterling et transférant son siège de direction effective des Pays-Bas au Royaume-Uni, comparée à celle d’une société détenant une créance identique mais transférant son siège à l’intérieur du premier de ces États membres, n’est pas nécessairement désavantageuse.

64      Il ressort de ce qui précède que l’article 49 TFUE ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre, en vertu de laquelle le montant de l’imposition sur les plus-values latentes afférentes à des éléments du patrimoine d’une société est fixé définitivement – sans prise en considération des moins-values non plus que des plus-values susceptibles d’être réalisées ultérieurement – au moment où la société, en raison du transfert de son siège de direction effective dans un autre État membre, cesse de percevoir des bénéfices taxables dans le premier État membre. Il est indifférent à cet égard que les plus-values latentes imposées se rapportent à des gains de change qui ne peuvent pas être exprimés dans l’État membre d’accueil compte tenu du régime fiscal qui y est en vigueur.

–       Sur le recouvrement immédiat de l’imposition au moment où la société transfère son siège de direction effective dans un autre État membre

65      Selon National Grid Indus et la Commission, le recouvrement immédiat de l’imposition au moment du transfert du siège de direction effective d’une société dans un autre État membre serait disproportionné. Le recouvrement de celle-ci au moment de la réalisation effective des plus-values constituerait une mesure moins contraignante que celle qui est prévue par la réglementation en cause au principal, qui ne mettrait pas en péril la répartition du pouvoir d’imposition entre les États membres.

66      La Commission ajoute que la charge administrative qu’impliquerait le recouvrement différé de la taxe ne serait pas excessive. Une simple déclaration annuelle souscrite par la société concernée, indiquant que cette dernière continue à être en possession des actifs transférés, accompagnée d’une déclaration faite au moment de la cession effective de l’actif, pourrait être suffisante pour permettre à l’État membre d’origine de recouvrer, au moment de la réalisation de l’actif, l’imposition due sur les plus-values latentes.

67      En revanche, les dix gouvernements ayant déposé des observations devant la Cour font valoir que le recouvrement immédiat de la dette fiscale au moment du transfert du siège de direction effective de la société concernée respecte le principe de proportionnalité. Le report du recouvrement jusqu’au moment de la réalisation des plus-values ne constituerait pas une solution alternative équivalente et efficace et pourrait compromettre l’objectif d’intérêt général recherché par la réglementation en cause au principal. Ils insistent, à cet égard, sur le fait que le recouvrement différé de l’impôt impliquerait nécessairement que les différents éléments d’actifs pour lesquels une plus-value a été constatée au moment du transfert du siège de cette société puissent faire l’objet d’un suivi dans l’État membre d’accueil jusqu’au moment de leur réalisation. Or, l’organisation d’un tel suivi impliquerait une charge excessive tant pour ladite société que pour l’administration fiscale.

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68      À cet égard, il y a lieu de constater que le recouvrement de la dette fiscale au moment de la réalisation effective, dans l’État membre d’accueil, de l’actif pour lequel une plus-value a été constatée par les autorités de l’État membre d’origine à l’occasion du transfert du siège de direction effective d’une société dans le premier État membre tend à éviter les problèmes de trésorerie que le recouvrement immédiat de l’imposition due sur des plus-values latentes pourrait générer.

69      Quant aux charges administratives que pourrait entraîner un tel recouvrement différé de l’imposition, il importe de relever que le transfert du siège de direction effective d’une société peut s’accompagner du transfert d’un grand nombre d’actifs. Le gouvernement néerlandais souligne, à cet effet, que la situation en cause au principal est atypique dès lors que seule est concernée la plus-value afférente à une créance détenue par National Grid Indus.

70      Il s’ensuit, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 69 de ses conclusions, que la situation patrimoniale d’une société peut se présenter d’une manière tellement complexe qu’un suivi transfrontalier précis du sort réservé à l’ensemble des éléments d’actifs immobilisés et circulants de celle-ci soit, jusqu’à la réalisation des plus-values latentes incorporées dans ces éléments, presque impossible à réaliser et qu’un tel suivi entraînerait des efforts représentant une charge considérable, voire excessive, pour la société concernée.

71      Il ne saurait donc être exclu que la charge administrative qu’impliquerait la déclaration annuelle suggérée par la Commission, qui porterait nécessairement sur chaque élément du patrimoine pour lequel une plus-value latente a été constatée au moment du transfert du siège de direction effective de la société concernée, engendrerait en tant que telle, pour cette dernière, une entrave à la liberté d’établissement qui ne serait pas nécessairement moins attentatoire à cette liberté que le recouvrement immédiat de la dette fiscale correspondant à cette plus-value.

72      En revanche, dans d’autres situations, la nature et l’étendue du patrimoine de la société permettraient d’assurer aisément le suivi transfrontalier des éléments dudit patrimoine pour lesquels une plus-value a été constatée au moment où la société concernée a transféré son siège de direction effective dans un autre État membre.

73      Dans ces conditions, une réglementation nationale offrant le choix à la société qui transfère son siège de direction effective dans un autre État membre entre, d’une part, le paiement immédiat du montant de l’imposition, qui crée un désavantage en matière de trésorerie pour cette société mais la dispense de charges administratives ultérieures, et, d’autre part, le paiement différé du montant de ladite imposition, assorti, le cas échéant, d’intérêts selon la réglementation nationale applicable, qui est nécessairement accompagné d’une charge administrative pour la société concernée, liée au suivi des actifs transférés, constituerait une mesure qui, tout en étant propre à garantir la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres, serait moins attentatoire à la liberté d’établissement que la mesure en cause au principal. En effet, dans l’hypothèse où une société estimerait que les charges administratives liées au recouvrement différé sont excessives, elle pourrait opter pour le paiement immédiat de l’imposition.

74      Toutefois, il y a lieu de tenir compte également du risque de non-recouvrement de l’imposition, qui augmente en fonction de l’écoulement du temps. Ce risque peut être pris en compte par l’État membre en cause, dans le cadre de sa réglementation nationale applicable au paiement différé des dettes fiscales, par des mesures telles que la constitution d’une garantie bancaire.

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75      Les gouvernements ayant déposé des observations devant la Cour estiment encore que le paiement différé de l’imposition représenterait, pour les autorités fiscales des États membres, une charge excessive, liée au suivi de tous les éléments d’actifs d’une société, pour lesquels une plus-value a été constatée au moment du transfert du siège de direction effective de celle-ci.

76      Une telle argumentation doit être écartée.

77      Il doit être rappelé, tout d’abord, que le suivi des éléments d’actifs ne se rapporte qu’au recouvrement de la dette fiscale et non pas à l’établissement de celle-ci. En effet, ainsi qu’il ressort du point 64 du présent arrêt, l’article 49 TFUE ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que le montant de l’imposition due sur les plus-values afférentes aux actifs d’une société qui cesse de percevoir des bénéfices taxables dans ledit État membre, en raison du transfert de son siège de direction effective dans un autre État membre, est fixé définitivement au moment du transfert dudit siège. Or, dans la mesure où une société qui opte pour le paiement différé de cette imposition considère nécessairement que le suivi des éléments d’actifs pour lesquels une plus-value a été constatée au moment dudit transfert de siège ne lui occasionne pas de charges administratives excessives, les charges qui pèsent sur l’administration fiscale de l’État membre d’origine et qui sont liées au contrôle des déclarations concernant un tel suivi ne sauraient non plus être qualifiées d’excessives.

78      Ensuite, contrairement à ce que prétendent les gouvernements néerlandais, allemand et espagnol, les mécanismes d’assistance mutuelle existant entre les autorités des États membres sont suffisants pour permettre à l’État membre d’origine d’effectuer un contrôle de la véracité des déclarations des sociétés ayant opté pour le paiement différé de ladite imposition. Il importe de souligner, à cet effet, que, dès lors que cette dernière est déterminée définitivement au moment où la société, en raison du transfert de son siège de direction effective, cesse de percevoir des bénéfices taxables dans l’État membre d’origine, l’assistance de l’État membre d’accueil concernera non pas l’établissement correct de l’impôt mais uniquement son recouvrement. Or, l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2008/55/CE du Conseil, du 26 mai 2008, concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives à certaines cotisations, à certains droits, à certaines taxes et autres mesures (JO L 150, p. 28), dispose que «[s]ur demande de l’autorité requérante, l’autorité requise lui communique les renseignements qui lui sont utiles pour le recouvrement d’une créance». Ladite directive permet donc à l’État membre d’origine d’obtenir de l’autorité compétente de l’État membre d’accueil des informations relatives à la réalisation ou non de certains éléments d’actifs d’une société qui a transféré son siège de direction effective dans ce dernier État membre, dans la mesure où celles-ci sont nécessaires aux fins de permettre à l’État membre d’origine de recouvrer une créance fiscale qui est née au moment du transfert dudit siège. Par ailleurs, la directive 2008/55, notamment ses articles 5 à 9, offre aux autorités de l’État membre d’origine un cadre de coopération et d’assistance leur permettant de recouvrer effectivement la créance fiscale dans l’État membre d’accueil.

79      En outre, les gouvernements allemand et italien font valoir que la réglementation nationale en cause au principal est justifiée par l’exigence consistant à préserver la cohérence du système fiscal national. L’imposition des plus-values latentes au moment du transfert du siège de direction effective de la société concernée dans un autre État membre constituerait le complément logique de l’exonération fiscale accordée précédemment en ce qui concerne lesdites plus-values.

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80      Ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 99 de ses conclusions, les exigences liées à la cohérence fiscale et la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition se recoupent.

81      Toutefois, à supposer même que la réglementation nationale en cause au principal soit de nature à permettre que l’objectif relatif à la préservation de la cohérence fiscale soit atteint, il convient de constater que seule la détermination du montant de l’imposition au moment du transfert du siège de direction effective d’une société, et non pas son recouvrement immédiat, devrait être considérée comme n’allant pas au-delà de ce qui est nécessaire pour la réalisation d’un tel objectif.

82      En effet, le recouvrement différé de ladite imposition ne mettrait pas en cause le lien existant, dans la réglementation néerlandaise, entre, d’une part, l’avantage fiscal que représente l’exonération accordée aux plus-values latentes afférentes aux éléments d’actifs tant qu’une société perçoit des bénéfices taxables dans l’État membre concerné et, d’autre part, la compensation dudit avantage par une charge fiscale qui est déterminée au moment où la société concernée cesse de percevoir de tels bénéfices.

83      Enfin, les gouvernements allemand, espagnol, portugais, finlandais, suédois ainsi que du Royaume-Uni invoquent un risque d’évasion fiscale aux fins de justifier la réglementation nationale en cause.

84      Toutefois, la seule circonstance qu’une société transfère son siège dans un autre État membre ne saurait fonder une présomption générale de fraude fiscale et justifier une mesure portant atteinte à l’exercice d’une liberté fondamentale garantie par le traité (voir, en ce sens, arrêts ICI, précité, point 26; du 26 septembre 2000, Commission/Belgique, C-478/98, Rec. p. I-7587, point 45; du 21 novembre 2002, X et Y, C-436/00, Rec. p. I-10829, point 62; du 4 mars 2004, Commission/France, C-334/02, Rec. p. I-2229, point 27, ainsi que Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, précité, point 50).

85      Il résulte donc de ce qui précède qu’une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui impose le recouvrement immédiat de l’imposition sur les plus-values latentes afférentes à des éléments de patrimoine d’une société transférant son siège de direction effective dans un autre État membre, au moment même dudit transfert, est disproportionnée.

86      Par conséquent, il y a lieu de répondre aux deuxième et troisième questions que l’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens que:

–        il ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre, en vertu de laquelle le montant de l’imposition sur les plus-values latentes afférentes à des éléments du patrimoine d’une société est fixé définitivement – sans prise en considération des moins-values non plus que des plus-values susceptibles d’être réalisées ultérieurement – au moment où la société, en raison du transfert de son siège de direction effective dans un autre État membre, cesse de percevoir des bénéfices taxables dans le premier État membre; il est indifférent à cet égard que les plus-values latentes imposées se rapportent à des gains de change qui ne peuvent être exprimés dans l’État membre d’accueil compte tenu du régime fiscal qui y est en vigueur;

–        il s’oppose à une réglementation d’un État membre, qui impose le recouvrement immédiat de l’imposition sur les plus-values latentes afférentes aux éléments de

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patrimoine d’une société transférant son siège de direction effective dans un autre État membre, au moment même dudit transfert.

 Sur les dépens

87      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

1)      Une société constituée selon le droit d’un État membre, qui transfère son siège de direction effective dans un autre État membre, sans que ce transfert de siège affecte sa qualité de société du premier État membre, peut se prévaloir de l’article 49 TFUE aux fins de mettre en cause la légalité d’une imposition mise à sa charge, par le premier État membre, à l’occasion dudit transfert de siège.

2)      L’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens que:

–        il ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre, en vertu de laquelle le montant de l’imposition sur les plus-values latentes afférentes à des éléments du patrimoine d’une société est fixé définitivement – sans prise en considération des moins-values non plus que des plus-values susceptibles d’être réalisées ultérieurement – au moment où la société, en raison du transfert de son siège de direction effective dans un autre État membre, cesse de percevoir des bénéfices taxables dans le premier État membre; il est indifférent à cet égard que les plus-values latentes imposées se rapportent à des gains de change qui ne peuvent être exprimés dans l’État membre d’accueil compte tenu du régime fiscal qui y est en vigueur;

–        il s’oppose à une réglementation d’un État membre, qui impose le recouvrement immédiat de l’imposition sur les plus-values latentes afférentes aux éléments de patrimoine d’une société transférant son siège de direction effective dans un autre État membre, au moment même dudit transfert.

CJUE 12 JUILLET 2012 VALE

1        La demande de décision préjudicielle portant sur l’interprétation des articles 49 TFUE et 54 TFUE a été présentée dans le cadre d’un litige au sujet d’une transformation transfrontalière d’une société de droit italien en société de droit hongrois.

 Le droit national

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2        La loi n° V de 2006, concernant la publicité relative aux sociétés, la procédure juridictionnelle d’enregistrement des sociétés et la mise en liquidation volontaire (A cégnyilvánosságról, a bírósági cégeljárásról és a végelszámolásról szóló 2006. évi V. törvény), dispose à son article 25:

«1)      Selon les nécessités, le registre des sociétés comprend, pour toutes les sociétés:

[…]

g)      la dénomination sociale et le numéro d’enregistrement du ou des prédécesseurs en droit, et du ou des successeurs en droit de la société, et, dans le cas où la société a décidé de sa transformation, la date qu’elle a fixée pour celle-ci,

[…]»

3        L’article 57, paragraphe 4, de cette loi dispose:

«Le tribunal des sociétés dans le ressort territorial duquel est situé le siège social du prédécesseur en droit statue sur la demande de changement de forme sociale. Le tribunal procède à la radiation du prédécesseur, en faisant mention de son successeur en droit, et il inscrit le successeur dans le registre. Le tribunal décide s’il y a lieu de communiquer les documents sociaux au tribunal des sociétés dans le ressort territorial duquel est situé le siège social du successeur.»

4        La loi n° IV de 2006, relative aux sociétés commerciales (A gazdasági társaságokról szóló 2006. évi IV. törvény, ci-après la «loi relative aux sociétés commerciales»), prévoit à son article 69, paragraphe 1:

«Sauf disposition contraire de la présente loi, les règles régissant la constitution des sociétés commerciales sont applicables en cas de transformation d’une société commerciale. Sont également applicables les dispositions de la présente loi en matière de transformation qui figurent parmi les règles propres à chaque forme de société.»

5        Aux termes de l’article 71 de cette loi:

«1)      Sauf stipulation contraire du contrat de société, l’organe suprême de la société commerciale prend, au sujet de la transformation, une décision en deux phases. […]

2)      […] [L]’organe, lors de la première phase, apprécie, sur la base d’une proposition des cadres dirigeants – après consultation du comité de surveillance, si la société commerciale dispose d’un tel comité –, si les associés (actionnaires) de la société approuvent l’intention de transformer celle-ci, puis statue sur la forme juridique de la société qui sera issue de la transformation et identifie les associés (actionnaires) de la société qui souhaitent devenir associés (actionnaires) de cette dernière.

3)      Si l’intention de transformer la société commerciale est approuvée par ses associés (actionnaires) à la majorité requise pour la forme de société en question, l’organe suprême détermine la date de référence des bilans, désigne l’expert-comptable et charge les cadres dirigeants de la société de préparer les projets de bilan et les projets d’inventaire sous-jacents des actifs, ainsi que tous les autres documents nécessaires pour prendre la décision de transformation, qu’ils soient requis par la loi ou déterminés par l’organe suprême.

4)      Les cadres dirigeants préparent les projets de bilan et d’inventaire des actifs de la société commerciale à transformer, les projets de bilan et d’inventaire des actifs (initiaux) de la société qui sera issue de la transformation, le projet de contrat de société relatif à celle-ci, ainsi qu’un projet de modalités d’arrangement avec les personnes ne souhaitant pas devenir associés (actionnaires) de la société issue de la transformation.

[…]»

6        L’article 73 de la loi relative aux sociétés commerciales contient des dispositions quant à la rédaction du projet de bilan et à son contrôle par les experts comptables indépendants et l’article 74 de cette loi porte sur l’adoption, par la société, du projet de bilan ainsi que sur la répartition du capital dans la nouvelle société.

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7        Conformément à l’article 75 de la loi relative aux sociétés commerciales, les organes de représentation du personnel de la société commerciale sont informés de la décision de transformation de celle-ci qui fait paraître un communiqué à ce sujet dans deux numéros successifs du Bulletin des sociétés contenant, notamment, un avis aux créanciers.

8        Aux termes de l’article 76, paragraphe 2, de cette loi, les créanciers dont les créances non exigibles à l’encontre de la société en transformation sont nées avant la parution du premier communiqué concernant la décision de transformation peuvent exiger de la part de cette société la constitution d’une sûreté à concurrence du montant de leurs créances.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

9        VALE Costruzioni Srl (une société à responsabilité limitée de droit italien, ci-après «VALE Costruzioni»), constituée par acte du 27 septembre 2000, a été inscrite au registre des sociétés de Rome (Italie) le 16 novembre 2000. Le 3 février 2006, celle-ci a demandé à être radiée de ce registre en indiquant son intention de transférer son siège social et son activité en Hongrie, et de cesser son activité en Italie. Conformément à cette demande, l’autorité chargée de la tenue du registre à Rome a procédé à la radiation de cette société le 13 février 2006. Ainsi qu’il ressort du dossier, il est inscrit au registre, sous l’intitulé «Radiation et transfert du siège», que «la société a déménagé en Hongrie».

10      Étant donné que la société constituée à l’origine en Italie selon le droit italien avait décidé de transférer son siège social en Hongrie et d’y opérer selon le droit hongrois, le directeur de VALE Costruzioni et une autre personne physique ont, le 14 novembre 2006, approuvé à Rome les statuts de VALE Építési kft (une société à responsabilité limitée de droit hongrois, ci-après «VALE Építési») en vue d’une inscription au registre des sociétés en Hongrie. En outre, le capital a été libéré dans la mesure requise, selon la loi hongroise, pour l’enregistrement.

11      Le 19 janvier 2007, le représentant de VALE Építési a introduit une demande auprès de la Fővárosi Bíróság (Cour de Budapest) opérant comme cégbíróság (tribunal de commerce) en vue de l’enregistrement de la société selon le droit hongrois. Dans sa demande, il a mentionné VALE Costruzioni comme prédécesseur en droit de VALE Építési.

12      La Fővárosi Bíróság, statuant en qualité de tribunal de commerce en première instance, a rejeté la demande d’enregistrement. En deuxième instance, la Fővárosi ítélőtábla (cour d’appel régionale de Budapest), saisie par VALE Építési, a confirmé cette ordonnance de rejet. Selon cette juridiction, une société constituée et enregistrée en Italie ne peut pas, en vertu des règles hongroises applicables aux sociétés, transférer son siège social en Hongrie et ne peut pas s’y faire enregistrer sous la forme demandée. Selon cette juridiction, seules peuvent figurer dans le registre des sociétés, selon les dispositions de droit hongrois en vigueur, les données énumérées aux articles 24 à 29 de la loi n° V de 2006 et, partant, il n’est pas possible de mentionner en tant que prédécesseur en droit une société qui n’est pas hongroise.

13      VALE Építési a introduit un pourvoi en cassation devant la Legfelsőbb Bíróság (Cour suprême), afin d’obtenir l’annulation de l’ordonnance de rejet et de voir ordonner son inscription au registre des sociétés. Elle fait valoir que l’ordonnance attaquée viole les dispositions directement applicables des articles 49 TFUE et 54 TFUE.

14      À cet égard, elle relève que cette ordonnance méconnaît la différence fondamentale entre, d’une part, le transfert international du siège social d’une société sans changement du droit national applicable et, d’autre part, la transformation internationale d’une société. Or, la Cour aurait, dans son arrêt du 16 décembre 2008, Cartesio (C-210/06, Rec. p. I-9641), clairement reconnu cette différence.

15      La juridiction de renvoi a confirmé l’appréciation de la Fővárosi ítélőtábla et relève que le transfert du siège social d’une société relevant du droit d’un autre État membre, en l’occurrence la République italienne, avec une reconstitution de la société selon le droit hongrois et la mention de son auteur italien, comme le demande VALE Építési, ne saurait être admise, en droit hongrois, comme une transformation, les dispositions nationales quant aux transformations ne s’appliquant qu’à des situations internes. Toutefois, elle s’interroge sur la compatibilité d’une telle législation avec la liberté d’établissement, tout en soulignant que le cas d’espèce se distingue de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Cartesio, précité, en ce que, en l’occurrence, il est question d’un

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transfert du siège d’une société avec changement du droit national applicable avec maintien de la personnalité juridique, c’est-à-dire d’une transformation transfrontalière.

16      Dans ces circonstances, la Legfelsőbb Bíróság a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’État membre d’accueil doit-il prendre en considération les articles [49 TFUE et 54 TFUE] lorsqu’une société constituée dans un autre État membre (l’État d’origine) y transfère son siège social, tout en étant radiée – pour ce motif – du registre des sociétés de l’État membre d’origine, que les actionnaires de la société approuvent le nouvel acte constitutif dressé en conformité avec le droit de l’État d’accueil et que la société demande son inscription dans le registre des sociétés de l’État membre d’accueil conformément au droit de celui-ci?

2)      Si la première question doit recevoir une réponse affirmative, faut-il interpréter les articles [49 TFUE et 54 TFUE] en ce sens qu’y est contraire une réglementation ou pratique d’un État membre (d’accueil) qui dénie à une société régulièrement constituée selon le droit d’un autre État membre (d’origine) le droit de transférer son siège social dans l’État d’accueil et d’y continuer son activité selon le droit de cet État?

3)      Est-il important, pour répondre à la deuxième question, de tenir compte du motif pour lequel l’État membre d’accueil refuse à la société demanderesse l’inscription au registre, et plus particulièrement

–      du fait que la société demanderesse mentionne la société constituée dans l’État membre d’origine, et radiée du registre des sociétés de celui-ci, en tant que prédécesseur en droit dans son acte constitutif reçu dans l’État d’accueil et demande que ledit prédécesseur soit mentionné dans le registre des sociétés de l’État d’accueil comme son propre prédécesseur en droit, ainsi que

–      du point de savoir si, en cas de transformation internationale intracommunautaire, l’État d’accueil a l’obligation de tenir compte, lorsqu’il examine une demande d’enregistrement d’une société, de l’acte de l’État membre d’origine par lequel le fait du transfert du siège social a été consigné dans le registre des sociétés dudit État membre, et, s’il doit en tenir compte, dans quelle mesure?

4)      L’État membre d’accueil peut-il examiner une demande d’enregistrement introduite dans cet État par une société réalisant une transformation internationale intracommunautaire en appliquant les règles de son droit interne concernant la transformation des sociétés au niveau national, c’est-à-dire en exigeant de la société que celle-ci réunisse toutes les conditions que son droit interne impose en cas de transformation nationale (par exemple, la préparation d’un bilan et d’un inventaire des actifs), ou bien les articles [49 TFUE et 54 TFUE] obligent-ils cet État à distinguer la transformation internationale intracommunautaire et la transformation au niveau national, et, si tel est le cas, dans quelle mesure?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la recevabilité

17      Le gouvernement du Royaume-Uni met en cause la recevabilité du renvoi préjudiciel dans son intégralité en soutenant que les questions préjudicielles sont de nature hypothétique. En effet, ces questions viseraient un cas de transformation transfrontalière tandis que, sur la base des faits tels qu’ils résultent de la décision de renvoi, il y aurait lieu de conclure que l’opération en cause ne correspond pas à une telle transformation transfrontalière. L’Autorité de surveillance AELE estime que les troisième et quatrième questions sont irrecevables du fait que le cadre juridique n’est pas exposé de manière suffisamment détaillée pour permettre à la Cour de donner une réponse utile.

18      Aux fins de l’examen, respectivement, de la recevabilité du renvoi préjudiciel dans son intégralité, ou des troisième et quatrième questions, il convient de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux

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Page 104: lewebpedagogique.comlewebpedagogique.com/aline2603/files/2017/01/FASCI… · Web viewEn conséquence, ils sont tenus de prendre en compte l' équivalence des diplômes (voir arrêt

questions qui lui sont posées (arrêt du 22 juin 2010, Melki et Abdeli, C-188/10 et C-189/10, Rec. p. I-5667, point 27 ainsi que jurisprudence citée).

19      Or, en l’occurrence, les questions posées visent l’interprétation des articles 49 TFUE et 54 TFUE dans un litige réel relatif à l’inscription de VALE Építési au registre des sociétés. En outre, la qualification par la juridiction de renvoi de l’opération en cause au principal de transformation transfrontalière d’une société n’apparaît pas dépourvue de pertinence dès lors qu’il ressort du dossier que l’autorité chargée de la tenue du registre des sociétés à Rome a procédé à la radiation de VALE Costruzioni en inscrivant au registre, sous l’intitulé «Radiation et transfert du siège», que «la société a déménagé en Hongrie».

20      Pour cette même raison, il n’appartient pas à la Cour, eu égard à une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et celle-ci, de conclure à l’extinction de VALE Costruzioni en raison de sa radiation du registre des sociétés à Rome. Dans ces conditions, l’interprétation sollicitée ne saurait être considérée comme étant sans rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal.

21      Enfin, la décision de renvoi décrit de manière suffisante les faits en cause au principal ainsi que la législation nationale pertinente, permettant, ainsi, à la Cour de saisir le sens et la portée des questions préjudicielles afin d’y répondre de façon utile.

22      Partant, la demande de décision préjudicielle ainsi que ses différentes questions doivent être considérées comme recevables.

 Sur le fond

 Sur les deux premières questions

23      Par ces deux premières questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 49 TFUE et 54 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui, tout en prévoyant pour les sociétés de droit interne la faculté de se transformer ne permet pas la transformation d’une société relevant du droit d’un autre État membre en société de droit national au moyen de la constitution de cette dernière.

–       Sur le champ d’application des articles 49 TFUE et 54 TFUE

24      S’agissant de la question de savoir si une telle réglementation relève du champ d’application des articles 49 TFUE et 54 TFUE, il importe de rappeler que la Cour a jugé, au point 19 de l’arrêt du 13 décembre 2005, SEVIC Systems (C-411/03, Rec. p. I-10805), que les opérations de transformation de sociétés relèvent, en principe, des activités économiques pour lesquelles les États membres sont tenus au respect de la liberté d’établissement.

25      Or, les gouvernements hongrois et allemand, l’Irlande ainsi que le gouvernement du Royaume-Uni soutiennent qu’une telle réglementation ne relève pas des articles 49 TFUE et 54 TFUE du fait qu’une transformation transfrontalière, à la différence de la fusion transfrontalière en cause dans l’arrêt SEVIC Systems, précité, conduit à la constitution d’une société dans l’État membre d’accueil.

26      Une telle thèse ne saurait être retenue.

27      Certes, selon une jurisprudence constante, une société créée en vertu d’un ordre juridique national n’a d’existence qu’à travers la législation nationale qui en détermine la constitution et le fonctionnement (voir arrêts du 27 septembre 1988, Daily Mail and General Trust, 81/87, Rec. p. 5483, point 19, et Cartesio, précité, point 104).

28      De même, il est constant que, conformément à l’article 54 TFUE, en l’absence d’une définition uniforme donnée par le droit de l’Union des sociétés qui peuvent bénéficier du droit d’établissement en fonction d’un critère de rattachement unique déterminant le droit national applicable à une société, la question de savoir si l’article 49 TFUE s’applique à une société invoquant la liberté fondamentale consacrée par cet article constitue une question préalable qui, dans l’état actuel du droit de l’Union, ne peut trouver une réponse que dans le droit

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Page 105: lewebpedagogique.comlewebpedagogique.com/aline2603/files/2017/01/FASCI… · Web viewEn conséquence, ils sont tenus de prendre en compte l' équivalence des diplômes (voir arrêt

national applicable (arrêt du 29 novembre 2011, National Grid Indus, C-371/10, non encore publié au Recueil, point 26 et jurisprudence citée).

29      Enfin, un État membre dispose ainsi incontestablement de la faculté de définir tant le lien de rattachement qui est exigé d’une société pour que celle-ci puisse être considérée comme constituée selon son droit national et susceptible, à ce titre, de bénéficier du droit d’établissement, que celui requis pour maintenir cette qualité ultérieurement (arrêts précités Cartesio, point 110, et National Grid Indus, point 27).

30      Conformément aux enseignements résultant de cette jurisprudence constante, il importe de relever que l’obligation éventuelle, en vertu des articles 49 TFUE et 54 TFUE, de permettre une transformation transfrontalière ne porte atteinte ni à cette faculté évoquée au point précédent du présent arrêt de l’État membre d’accueil ni à la détermination, par celui-ci, des règles de constitution et de fonctionnement de la société issue d’une transformation transfrontalière.

31      En effet, comme il ressort de la jurisprudence rappelée au point 27 du présent arrêt, une telle société relève nécessairement du seul droit national de l’État membre d’accueil qui régit le lien de rattachement requis ainsi que sa constitution et son fonctionnement.

32      Il apparaît ainsi que l’expression «pour autant que ce droit le permette», figurant à la fin du point 112 de l’arrêt Cartesio, précité, ne saurait être comprise comme visant à faire échapper d’emblée la législation de l’État membre d’accueil relative à la transformation de sociétés aux règles du traité FUE concernant la liberté d’établissement, mais comme reflétant la simple considération qu’une société créée en vertu d’un ordre juridique national n’a d’existence qu’à travers la législation nationale qui «permet» ainsi la constitution de la société, si les conditions imposées à ce titre sont remplies.

33      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure qu’une réglementation nationale qui, tout en prévoyant pour les sociétés nationales la faculté de se transformer, ne permet pas la transformation d’une société relevant du droit d’un autre État membre, relève du champ d’application des articles 49 TFUE et 54 TFUE.

–       Sur l’existence d’une restriction à la liberté d’établissement et sur son éventuelle justification

34      S’agissant de l’existence d’une restriction à la liberté d’établissement, il convient de rappeler que la notion d’établissement, au sens des dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement, implique l’exercice effectif d’une activité économique au moyen d’une installation stable dans l’État membre d’accueil pour une durée indéterminée. Elle suppose, par conséquent, une implantation réelle de la société concernée dans cet État et l’exercice d’une activité économique effective dans celui-ci (arrêt du 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, C-196/04, Rec. p. I-7995, point 54 ainsi que jurisprudence citée).

35      En l’occurrence, la procédure devant la Cour n’a pas révélé d’éléments faisant apparaître que les activités de VALE Építési se cantonneront à l’Italie et qu’elle ne visera pas à s’implanter réellement en Hongrie, ce qu’il incombe toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier.

36      Il convient de considérer que, dans la mesure où la réglementation nationale en cause dans l’affaire au principal ne prévoit que la transformation d’une société ayant déjà son siège dans l’État membre concerné, ladite réglementation instaure une différence de traitement entre sociétés selon la nature interne ou transfrontalière de la transformation, qui est de nature à dissuader les sociétés ayant leur siège dans d’autres États membres d’exercer la liberté d’établissement consacrée par le traité et est, donc, constitutive d’une restriction au sens des articles 49 TFUE et 54 TFUE (voir, en ce sens, arrêt SEVIC Systems, précité, points 22 et 23).

37      Quant à l’éventuelle justification de la restriction en cause, il est vrai que la Cour a reconnu, au point 27 de l’arrêt SEVIC Systems, précité, que les fusions transfrontalières posent des problèmes spécifiques, ce qui vaut également pour les transformations transfrontalières. En effet, de telles transformations présupposent l’application consécutive de deux droits nationaux.

38      D’emblée, force est de constater que la différence de traitement selon la nature transfrontalière ou interne de la transformation ne saurait être justifiée par l’absence de règles de droit dérivé de l’Union. En effet, il convient de rappeler que, même si de telles règles sont certes utiles pour faciliter les transformations transfrontalières, leur existence ne saurait être érigée en condition préalable pour la mise en œuvre de la liberté

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Page 106: lewebpedagogique.comlewebpedagogique.com/aline2603/files/2017/01/FASCI… · Web viewEn conséquence, ils sont tenus de prendre en compte l' équivalence des diplômes (voir arrêt

d’établissement consacrée par les articles 49 TFUE et 54 TFUE (voir, s’agissant des fusions transfrontalières, arrêt SEVIC Systems, précité, point 26).

39      En ce qui concerne une justification par des raisons impérieuses d’intérêt général telles que la protection des intérêts des créanciers, des associés minoritaires et des salariés, ainsi que la préservation de l’efficacité des contrôles fiscaux et de la loyauté des transactions commerciales, il est constant que de telles raisons peuvent justifier une mesure restreignant la liberté d’établissement à condition qu’une telle mesure restrictive soit propre à garantir la réalisation des objectifs poursuivis et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ceux-ci (voir arrêt SEVIC Systems, précité, points 28 et 29).

40      Or, en l’occurrence, une telle justification fait défaut. En effet, le droit hongrois refuse, de manière générale, les transformations transfrontalières, ce qui a pour résultat d’empêcher la réalisation de telles opérations, alors même que les intérêts mentionnés au point précédent ne seraient pas menacés. En tout état de cause, une telle règle va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs visant à protéger lesdits intérêts (voir, s’agissant des fusions transfrontalières, arrêt SEVIC Systems, précité, point 30).

41      Dans ces conditions, il y a lieu de répondre aux deux premières questions que les articles 49 TFUE et 54 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui, tout en prévoyant pour des sociétés de droit interne la faculté de se transformer, ne permet pas, de manière générale, la transformation d’une société relevant du droit d’un autre État membre en société de droit national au moyen de la constitution de cette dernière.

 Sur les troisième et quatrième questions

42      Par ses troisième et quatrième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 49 TFUE et 54 TFUE doivent être interprétés, dans le contexte d’une transformation transfrontalière, en ce sens que l’État membre d’accueil est en droit de déterminer le droit interne pertinent à une telle opération et d’appliquer ainsi les dispositions de son droit national relatives aux transformations internes régissant la constitution et le fonctionnement d’une société, telles que les exigences concernant la préparation d’un bilan et d’un inventaire d’actifs. Plus particulièrement, elle cherche à savoir si l’État membre d’accueil peut refuser, pour des transformations transfrontalières, la mention de «prédécesseur en droit», une telle mention au registre des sociétés étant prévue pour des transformations internes, et si et dans quelle mesure il est obligé de tenir compte des documents émanant des autorités de l’État membre d’origine lors de la procédure d’enregistrement de la société.

43      À cet égard, il convient de rappeler, en premier lieu, que le droit dérivé de l’Union ne prévoyant pas, en l’état actuel, de règles spécifiques régissant des transformations transfrontalières, les dispositions qui permettent la mise en œuvre d’une telle opération ne peuvent se trouver que dans le droit national, à savoir celui de l’État membre d’origine duquel relève la société cherchant à se transformer et celui de l’État membre d’accueil dont relèvera la société à l’issue de cette transformation.

44      En effet, la mise en œuvre d’une transformation transfrontalière nécessite, comme il résulte du point 37 du présent arrêt, l’application consécutive de deux droits nationaux à cette opération juridique.

45      En deuxième lieu, s’il ne saurait être inféré des articles 49 TFUE et 54 TFUE des règles précises susceptibles de se substituer aux dispositions nationales, l’application de ces dernières dispositions n’est pas exemptée de tout contrôle au regard desdits articles.

46      En effet, ainsi qu’il résulte de la réponse apportée aux deux premières questions, les articles 49 TFUE et 54 TFUE obligent un État membre, prévoyant pour des sociétés de droit interne la faculté de se transformer, à accorder cette même faculté aux sociétés relevant du droit d’un autre État membre et cherchant à se transformer en sociétés de droit national du premier État membre.

47      Partant, l’application des dispositions nationales doit s’effectuer dans le respect de cette obligation en vertu des articles 49 TFUE et 54 TFUE.

48      À cet égard, il convient de rappeler que, dans maints domaines, il est de jurisprudence constante que, en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, les modalités visant à assurer la sauvegarde des droits que

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Page 107: lewebpedagogique.comlewebpedagogique.com/aline2603/files/2017/01/FASCI… · Web viewEn conséquence, ils sont tenus de prendre en compte l' équivalence des diplômes (voir arrêt

les justiciables tirent du droit de l’Union relèvent de l’ordre juridique interne de chaque État membre, à condition toutefois qu’elles ne soient pas moins favorables que celles régissant les situations similaires de nature interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) (voir en ce sens, s’agissant de la répétition de l’indu, arrêt du 22 octobre 1998, IN. CO. GE.’90 e.a., C-10/97 à C-22/97, Rec. p. I-6307, point 25; s’agissant du droit administratif, arrêt du 7 juin 2007, van der Weerd e.a., C-222/05 à C-225/05, Rec. p. I-4233, point 28; s’agissant de la responsabilité non contractuelle d’un État membre, arrêt du 24 mars 2009, Danske Slagterier, C-445/06, Rec. p. I-2119, point 31, ainsi que, s’agissant de l’exigence d’une attestation aux fins d’un avantage fiscal, arrêt du 30 juin 2011, Meilicke e.a., C-262/09, non encore publié au Recueil, point 55 et jurisprudence citée).

49      Or, force est de constater que la logique sous-tendant cette jurisprudence vaut également dans le contexte juridique présent dans l’affaire au principal. En effet, comme dans cette jurisprudence, le justiciable dispose d’un droit conféré par l’ordre juridique de l’Union, en l’occurrence, le droit d’effectuer une transformation transfrontalière, dont la mise en œuvre dépend, en l’absence des règles de l’Union, de l’application du droit national.

50      À cet égard, il y a lieu de relever que la détermination, par l’État membre d’accueil, du droit interne applicable permettant la mise en œuvre d’une transformation transfrontalière n’est pas, en soi, susceptible de remettre en cause le respect des obligations découlant des articles 49 TFUE et 54 TFUE.

51      En effet, il est constant qu’une transformation transfrontalière aboutit, dans l’État membre d’accueil, à la constitution d’une société selon le droit de cet État membre. Or, une société créée en vertu d’un ordre juridique national n’a d’existence qu’à travers la législation nationale qui en détermine la constitution et le fonctionnement (voir arrêts précités Daily Mail and General Trust, point 19, et Cartesio, point 104).

52      Ainsi, ne saurait être mise en cause, en l’occurrence, l’application, par la Hongrie, des dispositions de son droit national relatives à des transformations internes régissant la constitution et le fonctionnement d’une société, telles que les exigences relatives à la préparation d’un bilan et d’un inventaire d’actifs.

53      En troisième lieu, il convient d’expliciter, au regard des interrogations de la juridiction de renvoi relatives à la mise en œuvre de l’opération en cause au principal, les obligations découlant des principes d’équivalence et d’effectivité qui encadrent l’application du droit national.

54      S’agissant, d’une part, du principe d’équivalence, il y a lieu de relever que, en vertu de ce principe, un État membre n’est pas tenu de traiter des opérations transfrontalières plus favorablement que des opérations internes. Ce principe implique uniquement que les modalités de droit national visant à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union ne peuvent être moins favorables que celles régissant les situations similaires de nature interne.

55      Ainsi, si une législation d’un État membre exige, dans le cadre d’une transformation interne, une stricte continuité juridique et économique entre la société prédécesseur ayant demandé la transformation et la société successeur transformée, une telle exigence peut également être imposée dans le cadre d’une transformation transfrontalière.

56      Toutefois, le refus par les autorités d’un État membre de mentionner, à l’occasion d’une transformation transfrontalière, dans le registre des sociétés, la société de l’État membre d’origine en tant que «prédécesseur en droit» de la société transformée n’est pas compatible avec le principe d’équivalence s’il est procédé à l’inscription d’une telle mention de la société prédécesseur à l’occasion des transformations internes. Il convient de relever à cet effet que la mention de «prédécesseur en droit» au registre des sociétés peut, indépendamment du caractère interne ou transfrontalier de la transformation, être notamment utile afin d’informer les créanciers de la société qui s’est transformée. Par ailleurs, le gouvernement hongrois n’a avancé aucune raison justifiant qu’une telle mention soit réservée aux transformations internes.

57      Partant, le refus de faire figurer sur le registre des sociétés hongrois la mention VALE Costruzioni en tant que «prédécesseur en droit» est incompatible avec le principe d’équivalence.

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58      S’agissant, d’autre part, du principe d’effectivité, se pose, en l’espèce, la question de savoir quelle pertinence l’État membre d’accueil doit accorder, dans le cadre de la procédure d’une demande d’enregistrement, aux documents émanant des autorités de l’État membre d’origine. Dans le contexte du litige au principal, cette question se rapporte à l’examen, devant être opéré par les autorités hongroises, du point de savoir si VALE Costruzioni s’est délié du droit italien, en conformité avec les conditions prévues par ce dernier, tout en maintenant sa personnalité juridique lui permettant ainsi de se transformer en société de droit hongrois.

59      Cet examen constituant le lien indispensable entre la procédure d’enregistrement dans l’État membre d’origine et celle dans l’État membre d’accueil, il n’en reste pas moins que, en l’absence de règles de droit de l’Union, la procédure d’enregistrement dans l’État membre d’accueil est régie par le droit de ce dernier qui détermine ainsi également, en principe, les preuves devant être apportées par la société sollicitant sa transformation attestant que les conditions compatibles avec le droit de l’Union et requises par l’État membre d’origine à cet égard sont remplies.

60      Or, une pratique des autorités de l’État membre d’accueil de refuser, de manière générale, de tenir compte des documents émanant des autorités de l’État membre d’origine lors de la procédure d’enregistrement risque de placer la société sollicitant sa transformation dans l’impossibilité de démontrer qu’elle s’est effectivement conformée aux exigences de l’État membre d’origine mettant ainsi en péril la réalisation de la transformation transfrontalière dans laquelle elle s’est engagée.

61      Il en résulte que les autorités de l’État membre d’accueil sont obligées, en vertu du principe d’effectivité, de tenir dûment compte, lors de l’examen d’une demande d’enregistrement d’une société, des documents émanant des autorités de l’État membre d’origine attestant que cette société s’est effectivement conformée aux conditions de celui-ci, pour autant qu’elles soient compatibles avec le droit de l’Union.

62      Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre aux troisième et quatrième questions que les articles 49 TFUE et 54 TFUE doivent être interprétés, dans le contexte d’une transformation transfrontalière d’une société, en ce sens que l’État membre d’accueil est en droit de déterminer le droit interne pertinent à une telle opération et d’appliquer ainsi les dispositions de son droit national relatives aux transformations internes régissant la constitution et le fonctionnement d’une société, telles que les exigences concernant la préparation d’un bilan et d’un inventaire d’actifs. Toutefois, les principes d’équivalence et d’effectivité s’opposent, respectivement, à ce que l’État membre d’accueil

–        refuse, pour des transformations transfrontalières, la mention de la société ayant sollicité la transformation en tant que «prédécesseur en droit» si une telle mention de la société prédécesseur au registre des sociétés est prévue pour des transformations internes et

–        refuse de tenir dûment compte des documents émanant des autorités de l’État membre d’origine lors de la procédure d’enregistrement de la société.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

1)      Les articles 49 TFUE et 54 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui, tout en prévoyant pour des sociétés de droit interne la faculté de se transformer, ne permet pas, de manière générale, la transformation d’une société relevant du droit d’un autre État membre en société de droit national au moyen de la constitution de cette dernière.

2)      Les articles 49 TFUE et 54 TFUE doivent être interprétés, dans le contexte d’une transformation transfrontalière d’une société, en ce sens que l’État membre d’accueil est en droit de déterminer le droit interne pertinent à une telle opération et d’appliquer ainsi les dispositions de son droit national relatives aux transformations internes régissant la constitution et le fonctionnement d’une société, telles que les exigences concernant la préparation d’un bilan et d’un inventaire d’actifs. Toutefois, les principes d’équivalence et d’effectivité s’opposent, respectivement, à ce que l’État membre d’accueil

–        refuse, pour des transformations transfrontalières, la mention de la société ayant sollicité la transformation en tant que «prédécesseur en droit» si une telle mention de la société prédécesseur au registre des sociétés est prévue pour des transformations internes et

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–        refuse de tenir dûment compte des documents émanant des autorités de l’État membre d’origine lors de la procédure d’enregistrement de la société.

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THEME 4

LA SOCIETE EUROPEENNE

1. Les textes

Le règlement n° 2157/2001 du Conseil de l’Union européenne du 8 octobre 2001 portant statut de la société européenne (SE) : JOCE n° L 294, 10 novembre 2001, p. 1.

La directive 2001/86 du 8 octobre 2001 complétant le statut de la société européenne sur l’implication des travailleurs : JOCE n° L 294, 10 novembre 2001, p. 22. (non reproduite)

2. Doctrine et rapport

Documents reproduits- J. BEGUIN, « Le rattachement de la société européenne » in La société européenne,

organisation juridique et fiscale, intérêts et perspectives, Dalloz 2003, p. 31- F. BLANQUET, « Pourquoi créer une société européenne ? » in La société européenne,

organisation juridique et fiscale, intérêts et perspectives, Dalloz 2003, p. 3- COMMISSION STAFF WORKING DOCUMENT du 17 novembre 2010 (EXTRAITS)

Accompanying document to the Report from the Commission to the European Parliament and the Council on the application of Council Regulation 2157/2001 of 8 October 2001 on the Statute for a European Company (SE) COM(2010) 676

Documents complémentaires non reproduits- G. BLANC, « La société européenne : la pluralité des rattachements en question », D.

2002.1052 - Sous la direction de A. COTIGA, F. DEKEUWER–DEFOSSEZ, La société européenne,

Droit et limites aux stratégies internationales de développement des entreprises, éd. Bruylant 2013

- N. LENOIR, P.-P. BRUNEAU et M. MENJUCQ, « Les enjeux de la localisation de la SE dans l’espace européen », Droit et patrimoine, n° 163 oct. 2007, p. 62

- M. LUBY, « La Societas europea (SE) : beaucoup de bruit pour rien (ou si peu…) ! », Droit des sociétés février 2002, p. 4

- V. MAGNIER, « La société européenne en question », Rev. crit. DIP 2004, p. 555 - M. MENJUCQ, « Rattachement de la Société européenne et jurisprudence

communautaire sur la liberté d’établissement : incompatibilité ou paradoxe ? », D. 2003.2874

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Pistes de travail En vous appuyant sur les documents reproduits et indiqués en complément, commenter la réflexion de M. MENJUCQ (extr.du Jurisclasseur Sociétés, fasc. 195-10) : « En raison de la dualité de son rattachement, la SE est une société européenne à variation nationale »

Règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la société européenne (SE)

Journal officiel n° L 294 du 10/11/2001 p. 0001 - 0021

LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 308,vu la proposition de la Commission(1),vu l'avis du Parlement européen(2),vu l'avis du Comité économique et social(3),

considérant ce qui suit:

(1) L'achèvement du marché intérieur et l'amélioration de la situation économique et sociale qu'il entraîne dans l'ensemble de la Communauté impliquent, outre l'élimination des entraves aux échanges, une adaptation des structures de production à la dimension de la Communauté. À cette fin, il est indispensable que les entreprises dont l'activité n'est pas limitée à la satisfaction de besoins purement locaux puissent concevoir et entreprendre la réorganisation de leurs activités au niveau communautaire.

(2) Une telle réorganisation suppose que les entreprises existantes d'États membres différents aient la faculté de mettre en commun leur potentiel par voie de fusion. De telles opérations ne peuvent être réalisées que dans le respect des règles de concurrence du traité.

(3) La réalisation d'opérations de restructuration et de coopération impliquant des entreprises d'États membres différents se heurte à des difficultés d'ordre juridique, psychologique et fiscal. Le rapprochement du droit des sociétés des États membres par voie de directives fondées sur l'article 44 du traité est de nature à remédier à certaines de ces difficultés. Ce rapprochement ne dispense toutefois pas les entreprises relevant de législations différentes de choisir une forme de société régie par une législation nationale déterminée.

(4) Le cadre juridique dans lequel les entreprises doivent exercer leurs activités dans la Communauté reste principalement fondé sur des législations nationales et ne correspond donc plus au cadre économique dans lequel elles doivent se développer pour permettre la réalisation des objectifs énoncés à l'article 18 du traité. Cette situation entrave considérablement le regroupement entre sociétés d'États membres différents.

(5) Les États membres sont tenus de veiller à ce que les dispositions applicables aux sociétés européennes en vertu du présent règlement n'aboutissent ni à des discriminations résultant de l'application d'un traitement différent injustifié aux sociétés européennes par rapport aux sociétés anonymes, ni à des restrictions disproportionnées à la formation d'une société européenne ou au transfert de son siège statutaire.

(6) Il est essentiel de faire en sorte, dans toute la mesure du possible, que l'unité économique et l'unité juridique de l'entreprise dans la Communauté coïncident. Il convient à cet effet de prévoir la création, à côté des sociétés relevant d'un droit national donné, de sociétés dont la constitution et les activités sont

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régies par le droit résultant d'un règlement communautaire directement applicable dans tous les États membres.

(7) Les dispositions d'un tel règlement permettront la création et la gestion de sociétés de dimension européenne en dehors de toute entrave résultant de la disparité et de l'application territoriale limitée du droit national des sociétés.

(8) Le statut de la société anonyme européenne (ci-après dénommée "SE") figure parmi les actes que le Conseil devait adopter avant 1992 aux termes du Livre blanc de la Commission sur l'achèvement du marché intérieur qui a été approuvé par le Conseil européen qui s'est réuni en juin 1985 à Milan. Lors de sa réunion de Bruxelles en 1987, le Conseil européen a manifesté le souhait qu'un tel statut soit rapidement mis en place.

(9) Depuis que la Commission a présenté, en 1970, une proposition, modifiée en 1975, de règlement portant un statut des sociétés anonymes européennes, les travaux portant sur le rapprochement du droit national des sociétés ont notablement progressé, de sorte que, dans des domaines où le fonctionnement d'une SE n'exige pas de règles communautaires uniformes, il peut être renvoyé à la législation régissant les sociétés anonymes de l'État membre du siège statutaire de la SE.

(10) L'objectif essentiel poursuivi par le régime juridique régissant la SE exige, au minimum, sans préjudice des nécessités économiques qui pourraient apparaître à l'avenir, qu'une SE puisse être constituée aussi bien pour permettre à des sociétés d'États membres différents de fusionner ou de créer une société holding que pour donner la possibilité à des sociétés et à d'autres personnes morales exerçant une activité économique et relevant du droit d'États membres différents de créer des filiales communes.

(11) Dans le même esprit, il convient de permettre à une société anonyme ayant son siège statutaire et son administration centrale dans la Communauté de se transformer en SE sans passer par une dissolution, à condition que cette société ait une filiale dans un État membre autre que celui de son siège statutaire.

(12) Les dispositions nationales applicables aux sociétés anonymes qui proposent leurs titres au public ainsi qu'aux transactions de titres doivent également s'appliquer lorsque la SE est constituée par la voie d'une offre de titres au public ainsi qu'aux SE qui souhaitent faire usage de ce type d'instruments financiers.

(13) La SE elle-même doit avoir la forme d'une société de capitaux par actions, qui répond le mieux, du point de vue du financement et de la gestion, aux besoins d'une entreprise exerçant ses activités à l'échelle européenne. Pour assurer que ces sociétés ont une dimension raisonnable, il convient de fixer un capital minimum de sorte qu'elles disposent d'un patrimoine suffisant, sans pour autant entraver les constitutions de SE par des petites et moyennes entreprises.

(14) Une SE doit faire l'objet d'une gestion efficace et d'une surveillance adéquate. Il y a lieu de tenir compte du fait qu'il existe actuellement dans la Communauté deux systèmes différents pour ce qui concerne l'administration des sociétés anonymes. Il convient, tout en permettant à la SE de choisir entre les deux systèmes, d'opérer une délimitation claire entre les responsabilités des personnes chargées de la gestion et de celles chargées de la surveillance.

(15) En vertu des règles et des principes généraux du droit international privé, lorsqu'une entreprise contrôle une autre entreprise relevant d'un ordre juridique différent, ses droits et obligations en matière de protection des actionnaires minoritaires et des tiers sont régis par le droit dont relève l'entreprise contrôlée, sans préjudice des obligations auxquelles l'entreprise qui exerce le contrôle est soumise en vertu des dispositions du droit dont elle relève, par exemple en matière d'établissement de comptes consolidés.

(16) Sans préjudice des conséquences de toute coordination ultérieure du droit des États membres, une réglementation spécifique pour la SE n'est actuellement pas requise dans ce domaine. Il convient dès lors que les règles et principes généraux du droit international privé s'appliquent tant dans le cas où la SE exerce le contrôle que dans le cas où la SE est la société contrôlée.

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(17) Il y a lieu de préciser le régime effectivement applicable dans le cas où la SE est contrôlée par une autre entreprise et de renvoyer à cet effet au droit applicable aux sociétés anonymes dans l'État membre du siège statutaire de la SE.

(18) Chaque État membre doit être tenu d'appliquer, pour les infractions aux dispositions du présent règlement, les sanctions applicables aux sociétés anonymes relevant de sa législation.

(19) Les règles relatives à l'implication des travailleurs dans la SE font l'objet de la directive 2001/86/CE du Conseil du 8 octobre 2001 complétant le statut de la société européenne pour ce qui concerne l'implication des travailleurs(4). Ces dispositions forment dès lors un complément indissociable du présent règlement et elles doivent être appliquées de manière concomitante.

(20) Le présent règlement ne couvre pas d'autres domaines du droit tels que la fiscalité, la concurrence, la propriété intellectuelle, ou l'insolvabilité. Par conséquent, les dispositions du droit des États membres et du droit communautaire sont applicables dans ces domaines, ainsi que dans d'autres domaines non couverts par le présent règlement.

(21) La directive 2001/86/CE vise à assurer aux travailleurs un droit d'implication en ce qui concerne les questions et décisions affectant la vie de la SE. Les autres questions relevant du droit social et du droit du travail, notamment le droit à l'information et à la consultation des travailleurs tel qu'il est organisé dans les États membres, sont régies par les dispositions nationales applicables, dans les mêmes conditions, aux sociétés anonymes.

(22) L'entrée en vigueur du règlement doit être différée pour permettre à chaque État membre de transposer en droit national les dispositions de la directive 2001/86/CE et de mettre en place au préalable les mécanismes nécessaires pour la constitution et le fonctionnement des SE ayant leur siège statutaire sur son territoire, de sorte que le règlement et la directive puissent être appliqués de manière concomitante.

(23) Une société n'ayant pas son administration centrale dans la Communauté doit être autorisée à participer à la constitution d'une SE à condition qu'elle soit constituée selon le droit d'un État membre, qu'elle ait son siège statutaire dans cet État membre et qu'elle ait un lien effectif et continu avec l'économie d'un État membre conformément aux principes établis dans le programme général de 1962 pour la suppression des restrictions à la liberté d'établissement. Un tel lien existe notamment si la société a un établissement dans l'État membre à partir duquel elle mène des opérations.

(24) Une SE doit avoir la possibilité de transférer son siège statutaire dans un autre État membre. La protection appropriée des intérêts des actionnaires minoritaires qui s'opposent au transfert des créanciers et des titulaires d'autres droits doit s'inscrire dans des limites raisonnables. Le transfert ne doit pas affecter les droits nés avant le transfert.

(25) Le présent règlement ne préjuge pas les dispositions qui seront éventuellement insérées dans la Convention de Bruxelles de 1968 ou dans tout texte adopté par les États membres ou par le Conseil qui se substituerait à cette convention, concernant les règles de compétence applicables en cas de transfert du siège statutaire d'une société anonyme d'un État membre vers un autre.

(26) Les activités des établissements financiers sont régies par des directives spécifiques et les dispositions nationales transposant lesdites directives et les règles nationales supplémentaires régissant lesdites activités sont pleinement applicables à une SE.

(27) Compte tenu de la nature spécifique et communautaire de la SE, le régime du siège réel retenu pour la SE par le présent règlement ne porte pas préjudice aux législations des États membres et ne préjuge pas les choix qui pourront être faits pour d'autres textes communautaires en matière de droit des sociétés.

(28) Le traité ne prévoit pas, pour l'adoption du présent règlement, d'autres pouvoirs d'action que ceux de l'article 308.

(29) Étant donné que les objectifs de l'action envisagée, tels qu'esquissés ci-dessus, ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres dans la mesure où il s'agit d'établir la SE au niveau

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européen et peuvent donc, en raison de l'échelle et de l'incidence de celle-ci, être mieux réalisés au niveau communautaire, la Communauté peut prendre des mesures, conformément au principe de subsidiarité consacré à l'article 5 du traité. Conformément au principe de proportionnalité tel qu'énoncé audit article, le présent règlement n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs,

A ARRÊTÉ LE PRÉSENT RÈGLEMENT:

TITRE I DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Article premier1. Une société peut être constituée sur le territoire de la Communauté sous la forme d'une société anonyme européenne (Societas Europaea, ci-après dénommée "SE") dans les conditions et selon les modalités prévues par le présent règlement.2. La SE est une société dont le capital est divisé en actions. Chaque actionnaire ne s'engage qu'à concurrence du capital qu'il a souscrit.3. La SE a la personnalité juridique.4. L'implication des travailleurs dans une SE est régie par les dispositions de la directive 2001/86/CE.

Article 21. Les sociétés anonymes qui figurent à l'annexe I, constituées selon le droit d'un État membre et ayant leur siège statutaire et leur administration centrale dans la Communauté, peuvent constituer une SE par voie de fusion si deux d'entre elles au moins relèvent du droit d'États membres différents.2. Les sociétés anonymes et les sociétés à responsabilité limitée qui figurent à l'annexe II, constituées selon le droit d'un État membre et ayant leur siège statutaire et leur administration centrale dans la Communauté, peuvent promouvoir la constitution d'une SE holding si deux d'entre elles au moins:a) relèvent du droit d'États membres différents, oub) ont depuis au moins deux ans une société filiale relevant du droit d'un autre État membre ou une succursale située dans un autre État membre.3. Les sociétés, au sens de l'article 48, deuxième alinéa, du traité, ainsi que d'autres entités juridiques de droit public ou privé, constituées selon le droit d'un État membre et ayant leur siège statutaire et leur administration centrale dans la Communauté, peuvent constituer une SE filiale en souscrivant ses actions, si deux d'entre elles au moins:a) relèvent du droit d'États membres différents, oub) ont depuis au moins deux ans une société filiale relevant du droit d'un autre État membre ou une succursale située dans un autre État membre.4. Une société anonyme, constituée selon le droit d'un État membre et ayant son siège statutaire et son administration centrale dans la Communauté, peut se transformer en SE si elle a depuis au moins deux ans une société filiale relevant du droit d'un autre État membre.5. Un État membre peut prévoir qu'une société n'ayant pas son administration centrale dans la Communauté peut participer à la constitution d'une SE, si elle est constituée selon le droit d'un État membre, a son siège statutaire dans ce même État membre et a un lien effectif et continu avec l'économie d'un État membre.

Article 31. Aux fins de l'article 2, paragraphes 1, 2 et 3, la SE est considérée comme une société anonyme relevant du droit de l'État membre de son siège statutaire.2. Une SE peut elle-même constituer une ou plusieurs filiales sous forme de SE. Les dispositions de l'État membre du siège statutaire de la SE filiale exigeant qu'une société anonyme ait plus d'un actionnaire ne sont pas d'application pour la SE filiale. Les dispositions nationales adoptées conformément à la douzième directive 89/667/CEE du Conseil du 21 décembre 1989 en matière de droit des sociétés concernant les sociétés à responsabilité limitée à un seul associé(5) s'appliquent mutatis mutandis aux SE.

Article 4

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1. Le capital de la SE est exprimé en euros.2. Le capital souscrit doit être d'au moins 120000 euros.3. La législation d'un État membre prévoyant un capital souscrit plus élevé pour les sociétés exerçant certains types d'activités s'applique aux SE ayant leur siège statutaire dans cet État membre.

Article 5Sous réserve de l'article 4, paragraphes 1 et 2, le capital de la SE, son maintien, ses modifications ainsi que les actions, les obligations et autres titres assimilables de la SE sont régis par les dispositions qui s'appliqueraient à une société anonyme ayant son siège statutaire dans l'État membre où la SE est immatriculée.

Article 6Aux fins du présent règlement, l'expression "statuts de la SE" désigne à la fois l'acte constitutif et, lorsqu'ils font l'objet d'un acte séparé, les statuts proprement dits de la SE.

Article 7Le siège statutaire de la SE est situé à l'intérieur de la Communauté, dans le même État membre que l'administration centrale. Un État membre peut en outre imposer aux SE immatriculées sur son territoire l'obligation d'avoir leur administration centrale et leur siège statutaire au même endroit.

Article 81. Le siège statutaire de la SE peut être transféré dans un autre État membre conformément aux paragraphes 2 à 13. Ce transfert ne donne lieu ni à dissolution ni à création d'une personne morale nouvelle.2. Un projet de transfert doit être établi par l'organe de direction ou d'administration et faire l'objet d'une publicité conformément à l'article 13, sans préjudice de formes de publicité additionnelles prévues par l'État membre du siège. Ce projet mentionne la dénomination sociale, le siège statutaire et le numéro d'immatriculation actuels de la SE et comprend:a) le siège statutaire envisagé pour la SE; b) les statuts envisagés pour la SE, y compris, le cas échéant, sa nouvelle dénomination sociale; c) les conséquences que le transfert pourrait avoir pour l'implication des travailleurs dans la SE; d) le calendrier envisagé pour le transfert; e) tous les droits prévus en matière de protection des actionnaires et/ou des créanciers.3. L'organe de direction ou d'administration établit un rapport expliquant et justifiant les aspects juridiques et économiques du transfert et expliquant les conséquences du transfert pour les actionnaires, les créanciers et les travailleurs.4. Les actionnaires et les créanciers de la SE ont, au moins un mois avant l'assemblée générale appelée à se prononcer sur le transfert, le droit d'examiner, au siège de la SE, le projet de transfert et le rapport établi en application du paragraphe 3, et d'obtenir gratuitement, à leur demande, des copies de ces documents.5. Un État membre peut adopter, en ce qui concerne les SE immatriculées sur son territoire, des dispositions destinées à assurer une protection appropriée aux actionnaires minoritaires qui se sont prononcés contre le transfert.6. La décision de transfert ne peut intervenir que deux mois après la publication du projet. Elle doit être prise dans les conditions prévues à l'article 59.7. Avant que l'autorité compétente ne délivre le certificat visé au paragraphe 8, la SE doit prouver qu'en ce qui concerne les créances nées antérieurement à la publication du projet de transfert, les intérêts des créanciers et titulaires d'autres droits envers la SE (y compris ceux des entités publiques) bénéficient d'une protection adéquate conformément aux dispositions prévues par l'État membre où la SE a son siège statutaire avant le transfert.Un État membre peut étendre l'application du premier alinéa aux créances nées (ou susceptibles de naître) avant le transfert.Le premier et le deuxième alinéas sont sans préjudice de l'application aux SE de la législation nationale des États membres en ce qui concerne le désintéressement ou la garantie des paiements en faveur des entités publiques.8. Dans l'État membre du siège statutaire de la SE, un tribunal, un notaire ou une autre autorité compétente délivre un certificat attestant d'une manière concluante l'accomplissement des actes et des formalités préalables au transfert.

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9. La nouvelle immatriculation ne peut s'effectuer que sur présentation du certificat visé au paragraphe 8 ainsi que sur preuve de l'accomplissement des formalités exigées pour l'immatriculation dans le pays du nouveau siège statutaire.10. Le transfert du siège statutaire de la SE, ainsi que la modification des statuts qui en résulte, prennent effet à la date à laquelle la SE est immatriculée, conformément à l'article 12, au registre du nouveau siège.11. Lorsque la nouvelle immatriculation de la SE a été effectuée, le registre de la nouvelle immatriculation le notifie au registre de l'ancienne immatriculation. La radiation de l'ancienne immatriculation s'effectue dès réception de la notification, mais pas avant.12. La nouvelle immatriculation et la radiation de l'ancienne immatriculation sont publiées dans les États membres concernés conformément à l'article 13.13. La publication de la nouvelle immatriculation de la SE rend le nouveau siège statutaire opposable aux tiers. Toutefois, tant que la publication de la radiation de l'immatriculation au registre du précédent siège n'a pas eu lieu, les tiers peuvent continuer de se prévaloir de l'ancien siège, à moins que la SE ne prouve que ceux-ci avaient connaissance du nouveau siège.14. La législation d'un État membre peut prévoir, en ce qui concerne les SE immatriculées dans celui-ci, qu'un transfert du siège statutaire, dont résulterait un changement du droit applicable, ne prend pas effet si, dans le délai de deux mois visé au paragraphe 6, une autorité compétente de cet État s'y oppose. Cette opposition ne peut avoir lieu que pour des raisons d'intérêt public.Lorsqu'une SE est soumise au contrôle d'une autorité nationale de surveillance financière conformément aux directives communautaires, le droit de s'opposer au transfert du siège statutaire s'applique également à cette autorité.L'opposition est susceptible de recours devant une autorité judiciaire.15. Une SE à l'égard de laquelle a été entamée une procédure de dissolution, de liquidation, d'insolvabilité, de suspension de paiements ou d'autres procédures analogues ne peut transférer son siège statutaire.16. Une SE qui a transféré son siège statutaire dans un autre État membre est considérée, aux fins de tout litige survenant avant le transfert tel qu'il est déterminé au paragraphe 10, comme ayant son siège statutaire dans l'État membre où la SE était immatriculée avant le transfert, même si une action est intentée contre la SE après le transfert.

Article 91. La SE est régie:a) par les dispositions du présent règlement; b) lorsque le présent règlement l'autorise expressément, par les dispositions des statuts de la SE,ouc) pour les matières non réglées par le présent règlement ou, lorsqu'une matière l'est partiellement, pour les aspects non couverts par le présent règlement par:i) les dispositions de loi adoptées par les États membres en application de mesures communautaires visant spécifiquement les SE; ii) les dispositions de loi des États membres qui s'appliqueraient à une société anonyme constituée selon le droit de l'État membre dans lequel la SE a son siège statutaire; iii) les dispositions des statuts de la SE, dans les mêmes conditions que pour une société anonyme constituée selon le droit de l'État membre dans lequel la SE a son siège statutaire.2. Les dispositions de loi adoptées par les États membres spécifiquement pour la SE doivent être conformes aux directives applicables aux sociétés anonymes figurant à l'annexe I.3. Si la nature des activités exercées par une SE est régie par des dispositions spécifiques de la législation nationale, celles-ci s'appliquent intégralement à la SE.

Article 10Sous réserve des dispositions du présent règlement, une SE est traitée dans chaque État membre comme une société anonyme constituée selon le droit de l'État membre dans lequel la SE a son siège statutaire.

Article 111. La SE doit faire précéder ou suivre sa dénomination sociale du sigle "SE".2. Seules les SE peuvent faire figurer le sigle "SE" dans leur dénomination sociale.3. Néanmoins, les sociétés et les autres entités juridiques immatriculées dans un État membre avant la date d'entrée en vigueur du présent règlement, dans la dénomination sociale desquelles figure le sigle "SE", ne sont pas tenues de modifier leur dénomination sociale.

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Article 121. Toute SE est immatriculée dans l'État membre de son siège statutaire dans un registre désigné par la législation de cet État membre conformément à l'article 3 de la directive 68/151/CEE du Conseil du 9 mars 1968 tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les États membres, des sociétés au sens de l'article 58, deuxième alinéa du traité, pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers(6).2. Une SE ne peut être immatriculée que si un accord sur les modalités relatives à l'implication des travailleurs au sens de l'article 4 de la directive 2001/86/CE a été conclu, ou si une décision au titre de l'article 3, paragraphe 6, de ladite directive a été prise, ou encore si la période prévue à l'article 5 de ladite directive pour mener les négociations est arrivée à expiration sans qu'un accord n'ait été conclu.3. Pour qu'une SE puisse être immatriculée dans un État membre ayant fait usage de la faculté visée à l'article 7, paragraphe 3, de la directive 2001/86/CE, il faut qu'un accord, au sens de l'article 4 de ladite directive, sur les modalités relatives à l'implication des travailleurs, y compris la participation, ait été conclu, ou qu'aucune des sociétés participantes n'ait été régie par des règles de participation avant l'immatriculation de la SE.4. Les statuts de la SE ne doivent à aucun moment entrer en conflit avec les modalités relatives à l'implication des travailleurs qui ont été fixées. Lorsque de nouvelles modalités fixées conformément à la directive 2001/86/CE entrent en conflit avec les statuts existants, ceux-ci sont modifiés dans la mesure nécessaire.En pareil cas, un État membre peut prévoir que l'organe de direction ou l'organe d'administration de la SE a le droit d'apporter des modifications aux statuts sans nouvelle décision de l'assemblée générale des actionnaires.

Article 13Les actes et indications concernant la SE, soumis à publicité par le présent règlement, font l'objet d'une publicité effectuée selon les modes prévus par la législation de l'État membre du siège statutaire de la SE conformément à la directive 68/151/CEE.

Article 141. L'immatriculation et la radiation de l'immatriculation d'une SE font l'objet d'un avis publié pour information au Journal officiel des Communautés européennes après la publication effectuée conformément à l'article 13. Cet avis comporte la dénomination sociale, le numéro, la date et le lieu d'immatriculation de la SE, la date, le lieu et le titre de la publication, ainsi que le siège statutaire et le secteur d'activité de la SE.2. Le transfert du siège statutaire de la SE dans les conditions prévues à l'article 8 donne lieu à un avis comportant les indications prévues au paragraphe 1, ainsi que celles relatives à la nouvelle immatriculation.3. Les indications visées au paragraphe 1 sont communiquées à l'Office des publications officielles des Communautés européennes dans le mois suivant la publication visée à l'article 13.

TITRE II CONSTITUTION

Section 1   :Généralités

Article 151. Sous réserve des dispositions du présent règlement, la constitution d'une SE est régie par la loi applicable aux sociétés anonymes de l'État où la SE fixe son siège statutaire.2. L'immatriculation d'une SE fait l'objet d'une publicité conformément à l'article 13.

Article 161. La SE acquiert la personnalité juridique le jour de son immatriculation au registre visé à l'article 12.2. Si des actes ont été accomplis au nom de la SE avant son immatriculation conformément à l'article 12 et si la SE ne reprend pas, après cette immatriculation, les engagements résultant de tels actes, les personnes physiques, sociétés ou autres entités juridiques qui les ont accomplis en sont solidairement et indéfiniment responsables, sauf convention contraire.

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Section 2   : Constitution d'une SE par voie de fusion

Article 171. Une SE peut être constituée par voie de fusion conformément à l'article 2, paragraphe 1.2. La fusion peut être réalisée:a) selon la procédure de fusion par absorption conformément à l'article 3, paragraphe 1, de la directive 78/855/CEE(7), oub) selon la procédure de fusion par constitution d'une nouvelle société conformément à l'article 4, paragraphe 1, de ladite directive.Dans le cas d'une fusion par absorption, la société absorbante prend la forme de SE simultanément à la fusion. Dans le cas d'une fusion par constitution d'une nouvelle société, la SE est la nouvelle société.

Article 18Pour les matières non couvertes par la présente section ou, lorsqu'une matière l'est partiellement, pour les aspects non couverts par elle, chaque société participant à la constitution d'une SE par voie de fusion est soumise aux dispositions du droit de l'État membre dont elle relève qui sont applicables à la fusion de sociétés anonymes conformément à la directive 78/855/CEE.

Article 19La législation d'un État membre peut prévoir qu'une société relevant du droit de cet État membre ne peut participer à la constitution d'une SE par voie de fusion si une autorité compétente de cet État membre s'y oppose avant la délivrance du certificat visé à l'article 25, paragraphe 2.Cette opposition ne peut avoir lieu que pour des raisons d'intérêt public. Elle est susceptible de recours devant une autorité judiciaire.

Article 201. Les organes de direction ou d'administration des sociétés qui fusionnent établissent un projet de fusion. Ce projet comprend:a) la dénomination sociale et le siège statutaire des sociétés qui fusionnent ainsi que ceux envisagés pour la SE; b) le rapport d'échange des actions et, le cas échéant, le montant de la soulte; c) les modalités de remise des actions de la SE; d) la date à partir de laquelle ces actions donnent le droit de participer aux bénéfices ainsi que toute modalité particulière relative à ce droit; e) la date à partir de laquelle les opérations des sociétés qui fusionnent sont considérées du point de vue comptable comme accomplies pour le compte de la SE; f) les droits assurés par la SE aux actionnaires ayant des droits spéciaux et aux porteurs de titres autres que des actions ou les mesures envisagées à leur égard; g) tout avantage particulier attribué aux experts qui examinent le projet de fusion ainsi qu'aux membres des organes d'administration, de direction, de surveillance ou de contrôle des sociétés qui fusionnent; h) les statuts de la SE; i) des informations sur les procédures selon lesquelles les modalités relatives à l'implication des travailleurs sont fixées conformément à la directive 2001/86/CE.2. Les sociétés qui fusionnent peuvent ajouter d'autres éléments au projet de fusion.

Article 21Pour chacune des sociétés qui fusionnent et sous réserve des exigences supplémentaires imposées par l'État membre dont relève la société concernée, les indications suivantes doivent être publiées dans le bulletin national de cet État membre:a) la forme, la dénomination sociale et le siège statutaire de chacune des sociétés qui fusionnent; b) le registre auprès duquel les actes visés à l'article 3, paragraphe 2, de la directive 68/151/CEE ont été déposés pour chacune des sociétés qui fusionnent, ainsi que le numéro d'inscription dans ce registre; c) une indication des modalités d'exercice des droits des créanciers de la société en question, fixées conformément à l'article 24, ainsi que l'adresse à laquelle peut être obtenue, gratuitement, une information exhaustive sur ces modalités; d) une indication des modalités d'exercice des droits des actionnaires minoritaires de la société en question, fixées conformément à l'article 24, ainsi que l'adresse à laquelle peut être obtenue, sans frais,

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une information exhaustive sur ces modalités; e) la dénomination sociale et le siège statutaire envisagés pour la SE.

Article 22En lieu et place des experts opérant pour le compte de chacune des sociétés qui fusionnent, un ou plusieurs experts indépendants, au sens de l'article 10 de la directive 78/855/CEE, désignés à cet effet et sur demande conjointe de ces sociétés par une autorité judiciaire ou administrative de l'État membre dont relève l'une des sociétés qui fusionnent ou la future SE, peuvent examiner le projet de fusion et établir un rapport unique destiné à l'ensemble des actionnaires.Les experts ont le droit de demander à chacune des sociétés qui fusionnent toute information qu'ils jugent nécessaire pour leur permettre de remplir leur mission.

Article 231. L'assemblée générale de chacune des sociétés qui fusionnent approuve le projet de fusion.2. L'implication des travailleurs dans la SE est décidée conformément à la directive 2001/86/CE. L'assemblée générale de chacune des sociétés qui fusionnent peut subordonner le droit à l'immatriculation de la SE à la condition qu'elle entérine expressément les modalités ainsi décidées.

Article 241. Le droit de l'État membre dont relève chacune des sociétés qui fusionnent s'applique comme en cas de fusion de sociétés anonymes, compte tenu du caractère transfrontière de la fusion, en ce qui concerne la protection des intérêts:a) des créanciers des sociétés qui fusionnent; b) des obligataires des sociétés qui fusionnent; c) des porteurs de titres, autres que des actions, auxquels sont attachés des droits spéciaux dans les sociétés qui fusionnent.2. Un État membre peut adopter, en ce qui concerne les sociétés qui fusionnent et qui relèvent de son droit, des dispositions destinées à assurer une protection appropriée aux actionnaires minoritaires qui se sont prononcés contre la fusion.

Article 251. Le contrôle de la légalité de la fusion est effectué, pour la partie de la procédure relative à chaque société qui fusionne, conformément à la loi relative à la fusion des sociétés anonymes qui est applicable dans l'État membre dont elle relève.2. Dans chaque État membre concerné, un tribunal, un notaire ou une autre autorité compétente délivre un certificat attestant d'une manière concluante l'accomplissement des actes et des formalités préalables à la fusion.3. Si le droit d'un État membre dont relève une société qui fusionne prévoit une procédure permettant d'analyser et de modifier le rapport d'échange des actions, ou une procédure visant à indemniser les actionnaires minoritaires, sans empêcher l'immatriculation de la fusion, ces procédures ne s'appliquent que si les autres sociétés qui fusionnent et qui sont situées dans un État membre ne prévoyant pas ce type de procédures acceptent explicitement, lorsqu'elles approuvent le projet de fusion conformément à l'article 23, paragraphe 1, la possibilité offerte aux actionnaires de la société qui fusionne dont il est question d'avoir recours auxdites procédures. Dans ce cas, un tribunal, un notaire ou une autre autorité compétente peut délivrer le certificat visé au paragraphe 2, même si une procédure de ce type a été engagée. Le certificat doit cependant mentionner que la procédure est en cours. La décision prise à l'issue de la procédure lie la société absorbante et l'ensemble de ses actionnaires.

Article 261. Le contrôle de la légalité de la fusion est effectué, pour la partie de la procédure relative à la réalisation de la fusion et à la constitution de la SE, par un tribunal, un notaire ou une autre autorité compétente dans l'État membre du futur siège statutaire de la SE pour contrôler cet aspect de la légalité de la fusion de sociétés anonymes.2. À cette fin, chaque société qui fusionne remet à cette autorité le certificat visé à l'article 25, paragraphe 2, dans un délai de six mois à compter de sa délivrance ainsi qu'une copie du projet de fusion, approuvé par la société.3. L'autorité visée au paragraphe 1 contrôle en particulier que les sociétés qui fusionnent ont approuvé un projet de fusion dans les mêmes termes et que des modalités relatives à l'implication des travailleurs ont été fixées conformément à la directive 2001/86/CE.

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4. Cette autorité contrôle en outre que la constitution de la SE répond aux conditions fixées par la loi de l'État membre du siège, conformément à l'article 15.

Article 271. La fusion et la constitution simultanée de la SE prennent effet à la date à laquelle la SE est immatriculée conformément à l'article 12.2. La SE ne peut être immatriculée qu'après l'accomplissement de toutes les formalités prévues aux articles 25 et 26.

Article 28Pour chacune des sociétés qui fusionnent, la réalisation de la fusion fait l'objet d'une publicité effectuée selon les modalités prévues par la loi de chaque État membre, conformément à l'article 3 de la directive 68/151/CEE.

Article 291. La fusion réalisée conformément à l'article 17, paragraphe 2, point a), entraîne ipso jure et simultanément les effets suivants:a) la transmission universelle à la société absorbante de l'ensemble du patrimoine actif et passif de chaque société absorbée; b) les actionnaires de la société absorbée deviennent actionnaires de la société absorbante; c) la société absorbée cesse d'exister; d) la société absorbante prend la forme de SE.2. La fusion réalisée conformément à l'article 17, paragraphe 2, point b), entraîne ipso jure et simultanément les effets suivants:a) la transmission universelle de l'ensemble du patrimoine actif et passif des sociétés qui fusionnent à la SE; b) les actionnaires des sociétés qui fusionnent deviennent actionnaires de la SE; c) les sociétés qui fusionnent cessent d'exister.3. Lorsqu'en cas de fusion de sociétés anonymes, la loi d'un État membre requiert des formalités particulières pour l'opposabilité aux tiers du transfert de certains biens, droits et obligations apportés par les sociétés qui fusionnent, ces formalités s'appliquent et sont effectuées, soit par les sociétés qui fusionnent, soit par la SE à dater de son immatriculation.4. Les droits et obligations des sociétés participantes en matière de conditions d'emploi résultant de la législation, de la pratique et de contrats de travail individuels ou des relations de travail au niveau national et existant à la date de l'immatriculation sont transférés à la SE au moment de l'immatriculation du fait même de celle-ci.

Article 30La nullité d'une fusion au sens de l'article 2, paragraphe 1, ne peut être prononcée lorsque la SE a été immatriculée.L'absence de contrôle de la légalité de la fusion conformément aux articles 25 et 26 peut constituer une cause de dissolution de la SE.

Article 311. Lorsqu'une fusion conformément à l'article 17, paragraphe 2, point a), est réalisée par une société qui détient toutes les actions et autres titres conférant des droits de vote dans l'assemblée générale d'une autre société, les dispositions de l'article 20, paragraphe 1, points b), c) et d), de l'article 22, et de l'article 29, paragraphe 1, point b), ne sont pas d'application. Toutefois, les dispositions nationales dont relève chacune des sociétés qui fusionnent et qui régissent les fusions de sociétés anonymes conformément à l'article 24 de la directive 78/855/CEE s'appliquent.2. Lorsqu'une fusion par absorption est effectuée par une société qui détient 90 % ou plus mais pas la totalité des actions ou autres titres conférant un droit de vote dans l'assemblée générale d'une autre société, les rapports de l'organe de direction ou d'administration, les rapports d'un ou de plusieurs experts indépendants ainsi que les documents nécessaires pour le contrôle seront requis uniquement dans la mesure où ils sont requis par la loi nationale dont relève la société absorbante ou par la loi nationale dont relève la société absorbée.Les États membres peuvent toutefois prévoir que le présent paragraphe peut s'appliquer lorsqu'une société détient des actions conférant 90 % ou plus mais pas la totalité des droits de vote.

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Section 3   : Constitution d'une SE holding

Article 321. Une SE peut être constituée conformément à l'article 2, paragraphe 2.Les sociétés qui promeuvent la constitution d'une SE, conformément à l'article 2, paragraphe 2, subsistent.2. Les organes de direction ou d'administration des sociétés qui promeuvent l'opération établissent dans les mêmes termes un projet de constitution de la SE. Ce projet comporte un rapport expliquant et justifiant les aspects juridiques et économiques de la constitution et indiquant les conséquences pour les actionnaires et pour les travailleurs de l'adoption de la forme de SE. Ce projet comporte en outre les indications prévues à l'article 20, paragraphe 1, points a), b), c), f), g), h) et i), et fixe le pourcentage minimal des actions ou parts de chacune des sociétés promouvant l'opération que les actionnaires devront apporter pour que la SE soit constituée. Ce pourcentage doit consister en actions conférant plus de 50 % des droits de vote permanents.3. Pour chacune des sociétés promouvant l'opération, le projet de constitution de SE fait l'objet d'une publicité effectuée selon les modalités prévues par la loi de chaque État membre, conformément à l'article 3 de la directive 68/151/CEE, un mois au moins avant la date de la réunion de l'assemblée générale appelée à se prononcer sur l'opération.4. Un ou plusieurs experts indépendants des sociétés promouvant l'opération, désignés ou agréés par une autorité judiciaire ou administrative de l'État membre dont relève chaque société selon les dispositions nationales adoptées en application de la directive 78/855/CEE, examinent le projet de constitution établi conformément au paragraphe 2 et établissent un rapport écrit destiné aux actionnaires de chaque société. Par accord entre les sociétés qui promeuvent l'opération, un rapport écrit peut être établi, pour les actionnaires de l'ensemble des sociétés, par un ou plusieurs experts indépendants désignés ou agréés par une autorité judiciaire ou administrative de l'État membre dont relève l'une des sociétés promouvant l'opération ou la future SE selon les dispositions nationales adoptées en application de la directive 78/855/CEE.5. Le rapport doit indiquer les difficultés particulières d'évaluation et déclarer si le rapport d'échange d'actions ou de parts envisagé est ou non pertinent et raisonnable, en précisant les méthodes suivies pour sa détermination et si ces méthodes sont adéquates en l'espèce.6. L'assemblée générale de chacune des sociétés qui promeuvent l'opération approuve le projet de constitution de SE.L'implication des travailleurs dans la SE est décidée conformément aux dispositions de la directive 2001/86/CE. L'assemblée générale de chacune des sociétés qui promeuvent l'opération peut subordonner le droit à l'immatriculation de la SE à la condition qu'elle entérine expressément les modalités ainsi décidées.7. Les dispositions du présent article s'appliquent, mutatis mutandis, aux sociétés à responsabilité limitée.

Article 331. Les actionnaires ou porteurs de parts des sociétés qui promeuvent l'opération disposent d'un délai de trois mois pendant lequel ils peuvent communiquer aux sociétés promotrices leur intention d'apporter leurs actions ou parts en vue de la constitution de la SE. Ce délai commence à courir à la date à laquelle l'acte de constitution de la SE a été établi conformément à l'article 32.2. La SE n'est constituée que si, dans le délai visé au paragraphe 1, les actionnaires ou les porteurs de parts des sociétés qui promeuvent l'opération ont apporté le pourcentage minimal d'actions ou parts de chaque société fixé conformément au projet de constitution et si toutes les autres conditions sont remplies.3. Si les conditions pour la constitution de la SE sont toutes remplies conformément au paragraphe 2, ceci fait l'objet, pour chacune des sociétés promotrices, d'une publicité effectuée selon les modalités prévues par le droit national dont relève chacune de ces sociétés, qui ont été adoptées conformément à l'article 3 de la directive 68/151/CEE.Les actionnaires ou porteurs de parts des sociétés qui promeuvent l'opération, qui n'ont pas communiqué dans le délai visé au paragraphe 1 leur intention de mettre leurs actions ou parts à la disposition des sociétés promotrices en vue de la constitution de la SE, bénéficient d'un délai supplémentaire d'un mois pour le faire.4. Les actionnaires ou porteurs de parts ayant apporté leurs titres en vue de la constitution de la SE reçoivent des actions de celle-ci.5. La SE ne peut être immatriculée que sur preuve de l'accomplissement des formalités visées à l'article 32 et des conditions visées au paragraphe 2.

Article 34

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Un État membre peut adopter, en ce qui concerne les sociétés qui promeuvent l'opération, des dispositions destinées à assurer la protection des actionnaires minoritaires qui s'opposent à l'opération, des créanciers et des travailleurs.

Section 4   :Constitution d'une SE/filiale

Article 35Une SE peut être constituée conformément à l'article 2, paragraphe 3.

Article 36Sont applicables aux sociétés ou autres entités juridiques participant à l'opération les dispositions qui régissent leur participation à la constitution d'une filiale ayant la forme d'une société anonyme en vertu du droit national.

Section 5   : Transformation d'une société anonyme en SE

Article 371. Une SE peut être constituée conformément à l'article 2, paragraphe 4.2. Sans préjudice de l'article 12, la transformation d'une société anonyme en SE ne donne lieu ni à dissolution ni à création d'une personne morale nouvelle.3. Le siège statutaire ne peut pas être transféré d'un État membre à un autre conformément à l'article 8 à l'occasion de la transformation.4. L'organe de direction ou d'administration de la société considérée établit un projet de transformation et un rapport expliquant et justifiant les aspects juridiques et économiques de la transformation et indiquant les conséquences pour les actionnaires et pour les travailleurs de l'adoption de la forme de la SE.5. Le projet de transformation fait l'objet d'une publicité effectuée selon les modalités prévues par la loi de chaque État membre, conformément à l'article 3 de la directive 68/151/CEE, un mois au moins avant la date de la réunion de l'assemblée générale appelée à se prononcer sur la transformation.6. Avant l'assemblée générale visée au paragraphe 7, un ou plusieurs experts indépendants désignés ou agréés, selon les dispositions nationales adoptées en application de l'article 10 de la directive 78/855/CEE, par une autorité judiciaire ou administrative de l'État membre dont relève la société qui se transforme en SE, attestent, conformément à la directive 77/91/CE(8), mutatis mutandis, que la société dispose d'actifs nets au moins équivalents au capital augmenté des réserves que la loi ou les statuts ne permettent pas de distribuer.7. L'assemblée générale de la société considérée approuve le projet de transformation ainsi que les statuts de la SE. La décision de l'assemblée générale doit être prise dans les conditions prévues par les dispositions nationales adoptées en application de l'article 7 de la directive 78/855/CEE.8. Les États membres peuvent subordonner une transformation au vote favorable d'une majorité qualifiée ou de l'unanimité des membres au sein de l'organe de la société à transformer dans lequel la participation des travailleurs est organisée.9. Les droits et obligations de la société à transformer en matière de conditions d'emploi résultant de la législation, de la pratique et de contrats de travail individuels ou des relations de travail au niveau national et existant à la date de l'immatriculation sont transférés à la SE du fait même de cette immatriculation.

TITRE IIISTRUCTURE DE LA SE

Article 38La SE comporte dans les conditions prévues par le présent règlement:a) une assemblée générale des actionnaires, etb) soit un organe de surveillance et un organe de direction (système dualiste), soit un organe d'administration (système moniste) selon l'option retenue par les statuts.

Section 1   : Système dualiste

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Article 391. L'organe de direction est responsable de la gestion de la SE. Un État membre peut prévoir qu'un directeur général ou des directeurs généraux sont responsables de la gestion courante dans les mêmes conditions que pour les sociétés anonymes ayant leur siège statutaire sur son territoire.2. Le ou les membres de l'organe de direction sont nommés et révoqués par l'organe de surveillance.Toutefois, un État membre peut prévoir, ou donner aux statuts la possibilité de prévoir, que le ou les membres de l'organe de direction sont nommés et révoqués par l'assemblée générale dans les mêmes conditions que pour les sociétés anonymes ayant leur siège statutaire sur son territoire.3. Nul ne peut simultanément être membre de l'organe de direction et de l'organe de surveillance de la SE. Toutefois, l'organe de surveillance peut, en cas de vacance, désigner un de ses membres pour exercer les fonctions de membre de l'organe de direction. Au cours de cette période, les fonctions de l'intéressé en sa qualité de membre de l'organe de surveillance sont suspendues. Un État membre peut prévoir que cette période est limitée dans le temps.4. Le nombre des membres de l'organe de direction ou les règles pour sa détermination sont fixés par les statuts de la SE. Un État membre peut toutefois fixer un nombre minimal et/ou maximal de membres.5. En l'absence de dispositions relatives à un système dualiste en ce qui concerne les sociétés anonymes ayant un siège statutaire sur son territoire, un État membre peut adopter les mesures appropriées concernant les SE.

Article 401. L'organe de surveillance contrôle la gestion assurée par l'organe de direction. Il ne peut exercer lui-même le pouvoir de gestion de la SE.2. Les membres de l'organe de surveillance sont nommés par l'assemblée générale. Toutefois, les membres du premier organe de surveillance peuvent être désignés par les statuts. La présente disposition vaut sans préjudice de l'article 47, paragraphe 4, ou, le cas échéant, des modalités de participation des travailleurs fixées conformément à la directive 2001/86/CE.3. Le nombre des membres de l'organe de surveillance ou les règles pour sa détermination sont fixés par les statuts. Un État membre peut toutefois fixer le nombre des membres de l'organe de surveillance pour les SE immatriculées sur son territoire ou un nombre minimal et/ou maximal de membres.

Article 411. L'organe de direction informe l'organe de surveillance au moins tous les trois mois de la marche des affaires de la SE et de leur évolution prévisible.2. Outre l'information périodique visée au paragraphe 1, l'organe de direction communique en temps utile à l'organe de surveillance toute information sur des événements susceptibles d'avoir des répercussions sensibles sur la situation de la SE.3. L'organe de surveillance peut demander à l'organe de direction les informations de toute nature nécessaires au contrôle qu'il exerce conformément à l'article 40, paragraphe 1. Un État membre peut prévoir que chaque membre de l'organe de surveillance peut également bénéficier de cette faculté.4. L'organe de surveillance peut procéder ou faire procéder aux vérifications nécessaires à l'accomplissement de sa mission.5. Chacun des membres de l'organe de surveillance peut prendre connaissance de toutes les informations transmises à cet organe.

Article 42L'organe de surveillance élit en son sein un président. Si la moitié des membres ont été désignés par les travailleurs, seul un membre désigné par l'assemblée générale des actionnaires peut être élu président.

Section 2   : Système moniste

Article 431. L'organe d'administration gère la SE. Un État membre peut prévoir qu'un directeur général ou des directeurs généraux sont responsables de la gestion courante dans les mêmes conditions que pour les sociétés anonymes ayant un siège statutaire sur son territoire.2. Le nombre des membres de l'organe d'administration ou les règles pour sa détermination sont fixés par les statuts de la SE. Un État membre peut toutefois fixer un nombre minimal et, le cas échéant, maximal de membres.Néanmoins, cet organe doit être composé de trois membres au moins, lorsque la participation des travailleurs dans la SE est organisée conformément à la directive 2001/86/CE.

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3. Le ou les membres de l'organe d'administration sont nommés par l'assemblée générale. Toutefois, les membres du premier organe d'administration peuvent être désignés par les statuts. La présente disposition vaut sans préjudice de l'article 47, paragraphe 4, ou, le cas échéant, des modalités de participation des travailleurs fixées conformément à la directive 2001/86/CE.4. En l'absence de dispositions relatives à un système moniste en ce qui concerne les sociétés anonymes ayant un siège statutaire sur son territoire, un État membre peut adopter les mesures appropriées concernant les SE.

Article 441. L'organe d'administration se réunit au moins tous les trois mois selon une périodicité fixée par les statuts pour délibérer de la marche des affaires de la SE et de leur évolution prévisible.2. Chacun des membres de l'organe d'administration peut prendre connaissance de toutes les informations transmises à cet organe.

Article 45L'organe d'administration élit en son sein un président. Si la moitié des membres ont été désignés par les travailleurs, seul un membre désigné par l'assemblée générale des actionnaires peut être élu président.

Section 3   : Règles communes aux systèmes moniste et dualiste

Article 461. Les membres des organes de la société sont nommés pour une période fixée par les statuts, qui ne peut excéder six ans.2. Sauf restrictions prévues par les statuts, les membres peuvent être renommés une ou plusieurs fois pour la période fixée en application du paragraphe 1.

Article 471. Les statuts de la SE peuvent prévoir qu'une société ou autre entité juridique peut être membre d'un de ses organes, à moins que la loi de l'État membre du siège de la SE applicable aux sociétés anonymes n'en dispose autrement.La société ou autre entité juridique désigne une personne physique pour l'exercice des pouvoirs dans l'organe concerné.2. Ne peuvent être membres d'un organe de la SE, ni représentants d'un membre au sens du paragraphe 1, les personnes qui:a) ne peuvent faire partie, selon la loi de l'État membre du siège de la SE, de l'organe correspondant d'une société anonyme relevant du droit de cet État membre; b) ne peuvent faire partie de l'organe correspondant d'une société anonyme relevant du droit d'un État membre en raison d'une décision judiciaire ou administrative rendue dans un État membre.3. Les statuts de la SE peuvent fixer, à l'instar de ce qui est prévu par la loi de l'État membre du siège de la SE pour les sociétés anonymes, des conditions particulières d'éligibilité pour les membres qui représentent les actionnaires.4. Le présent règlement ne porte pas atteinte aux législations nationales qui permettent à une minorité d'actionnaires ou à d'autres personnes ou autorités de nommer une partie des membres des organes.

Article 481. Les statuts de la SE énumèrent les catégories d'opérations qui donnent lieu à autorisation de l'organe de direction par l'organe de surveillance, dans le système dualiste, ou à décision expresse de l'organe d'administration, dans le système moniste.Toutefois, un État membre peut prévoir que, dans le système dualiste, l'organe de surveillance peut soumettre lui-même à autorisation certaines catégories d'opérations.2. Un État membre peut déterminer les catégories d'opérations devant au minimum figurer dans les statuts des SE immatriculées sur son territoire.

Article 49Les membres des organes de la SE sont tenus de ne pas divulguer, même après la cessation de leurs fonctions, les informations dont ils disposent sur la SE et dont la divulgation serait susceptible de porter préjudice aux intérêts de la société, à l'exclusion des cas dans lesquels une telle divulgation est exigée ou admise par les dispositions du droit national applicables aux sociétés anonymes ou dans l'intérêt public.

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Article 501. Sauf dans les cas où le présent règlement ou les statuts en disposent autrement, les règles internes concernant le quorum et la prise de décision des organes de la SE sont les suivantes:a) quorum: la moitié au moins des membres doivent être présents ou représentés; b) prise de décision: elle se fait à la majorité des membres présents ou représentés.2. En l'absence de disposition statutaire en la matière, la voix du président de chaque organe est prépondérante en cas de partage des voix. Toutefois, aucune disposition statutaire contraire n'est possible lorsque l'organe de surveillance est composé pour moitié de représentants des travailleurs.3. Lorsque la participation des travailleurs est organisée conformément à la directive 2001/86/CE, un État membre peut prévoir que le quorum et la prise de décision de l'organe de surveillance sont, par dérogation aux paragraphes 1 et 2, soumis aux règles applicables, dans les mêmes conditions, aux sociétés anonymes relevant du droit de l'État membre concerné.

Article 51Les membres de l'organe de direction, de surveillance ou d'administration répondent, selon les dispositions de l'État membre du siège de la SE applicables aux sociétés anonymes, du préjudice subi par la SE par suite de la violation par eux des obligations légales, statutaires ou autres inhérentes à leurs fonctions.

Section 4   : L'assemblée générale

Article 52L'assemblée générale décide dans les matières pour lesquelles une compétence spécifique lui est conférée par:a) le présent règlement,b) les dispositions de la législation de l'État membre où la SE a son siège statutaire, prises en application de la directive 2001/86/CE.En outre, l'assemblée générale décide dans les matières pour lesquelles une compétence est conférée à l'assemblée générale d'une société anonyme relevant du droit de l'État membre où la SE a son siège statutaire, soit par la loi de cet État membre, soit par les statuts conformément à cette même loi.

Article 53Sans préjudice des règles prévues par la présente section, l'organisation et le déroulement de l'assemblée générale ainsi que les procédures de vote sont régis par la loi de l'État membre du siège statutaire de la SE applicable aux sociétés anonymes.

Article 541. L'assemblée générale a lieu au moins une fois par année calendrier, dans les six mois de la clôture de l'exercice, à moins que la loi de l'État membre du siège applicable aux sociétés anonymes exerçant le même type d'activité que la SE ne prévoie une fréquence supérieure. Toutefois, un État membre peut prévoir que la première assemblée générale peut avoir lieu dans les dix-huit mois suivant la constitution de la SE.2. L'assemblée générale peut être convoquée à tout moment par l'organe de direction, par l'organe d'administration, par l'organe de surveillance, ou par tout autre organe ou autorité compétente conformément à la loi nationale de l'État membre du siège statutaire de la SE applicable aux sociétés anonymes.

Article 551. La convocation de l'assemblée générale et la fixation de l'ordre du jour peuvent être demandées par un ou plusieurs actionnaires disposant ensemble d'actions représentant 10 % au moins du capital souscrit, un pourcentage plus bas pouvant être prévu par les statuts ou par la loi nationale dans les mêmes conditions que celles applicables aux sociétés anonymes.2. La demande de convocation doit préciser les points à faire figurer à l'ordre du jour.3. Si, à la suite de la demande formulée selon le paragraphe 1, l'assemblée générale n'est pas tenue en temps utile et en tout cas dans un délai maximum de deux mois, l'autorité judiciaire ou administrative compétente du siège statutaire de la SE peut ordonner la convocation dans un délai déterminé ou donner l'autorisation de la convoquer, soit aux actionnaires qui en ont formulé la demande, soit à un mandataire de ceux-ci. Cela ne préjuge pas des dispositions nationales qui prévoient éventuellement la possibilité pour les actionnaires mêmes de procéder à la convocation de l'assemblée générale.

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Article 56Un ou plusieurs actionnaires disposant ensemble de 10 % au moins du capital souscrit peuvent demander l'inscription d'un ou plusieurs nouveaux points à l'ordre du jour de toute assemblée générale. Les procédures et délais applicables à cette demande sont fixés par la loi nationale de l'État membre du siège statutaire de la SE ou, à défaut, par les statuts de la SE. Le pourcentage visé ci-dessus peut être abaissé par les statuts ou par la loi de l'État membre du siège dans les mêmes conditions que celles applicables aux sociétés anonymes.

Article 57Les décisions de l'assemblée générale sont prises à la majorité des voix valablement exprimées, à moins que le présent règlement ou, à défaut, la loi applicable aux sociétés anonymes dans l'État membre du siège statutaire de la SE ne requière une majorité plus élevée.

Article 58Les voix exprimées ne comprennent pas celles attachées aux actions pour lesquelles l'actionnaire n'a pas pris part au vote ou s'est abstenu ou a voté blanc ou nul.

Article 591. La modification des statuts requiert une décision de l'assemblée générale prise à une majorité qui ne peut être inférieure aux deux tiers des voix exprimées, à moins que la loi applicable aux sociétés anonymes relevant du droit de l'État membre du siège statutaire de la SE ne prévoie ou ne permette une majorité plus élevée.2. Toutefois, un État membre peut prévoir que, lorsque la moitié au moins du capital souscrit est représentée, une majorité simple des voix indiquées au paragraphe 1 est suffisante.3. Toute modification des statuts de la SE fait l'objet d'une publicité conformément à l'article 13.

Article 601. Lorsqu'il existe plusieurs catégories d'actions, toute décision de l'assemblée générale est subordonnée à un vote séparé pour chaque catégorie d'actionnaires aux droits spécifiques desquels la décision porte atteinte.2. Lorsque la décision de l'assemblée générale requiert la majorité des voix prévue à l'article 59, paragraphe 1 ou 2, cette majorité doit être également requise pour le vote séparé de chaque catégorie d'actionnaires aux droits spécifiques desquels la décision porte atteinte.

TITRE IV COMPTES ANNUELS ET COMPTES CONSOLIDÉS

Article 61Sous réserve de l'article 62, la SE est assujettie, en ce qui concerne l'établissement de ses comptes annuels et, le cas échéant, de ses comptes consolidés, y compris le rapport de gestion les accompagnant, leur contrôle et leur publicité, aux règles applicables aux sociétés anonymes relevant du droit de l'État membre de son siège statutaire.

Article 621. Les SE qui sont des établissements de crédit ou des établissements financiers sont assujetties, en ce qui concerne l'établissement de leurs comptes annuels et, le cas échéant, de leurs comptes consolidés, y compris le rapport de gestion les accompagnant, leur contrôle et leur publicité, aux règles prévues dans le droit national de l'État membre du siège en application de la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mars 2000 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice(9).2. Les SE qui sont des entreprises d'assurances sont assujetties, en ce qui concerne l'établissement de leurs comptes annuels et, le cas échéant, de leurs comptes consolidés, y compris le rapport de gestion les accompagnant, leur contrôle et leur publicité, aux règles prévues dans le droit national de l'État membre du siège en application de la directive 91/674/CEE du Conseil, concernant les comptes annuels et les comptes consolidés des entreprises d'assurance(10).

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TITRE VDISSOLUTION, LIQUIDATION, INSOLVABILITÉ ET CESSATION DES PAIEMENTS

Article 63En ce qui concerne la dissolution, la liquidation, l'insolvabilité, la cessation des paiements et les procédures analogues, la SE est soumise aux dispositions de loi qui s'appliqueraient à une société anonyme constituée selon le droit de l'État membre dans lequel la SE a son siège statutaire, y compris celles relatives à la prise de décision par l'assemblée générale.

Article 641. Lorsqu'une SE ne remplit plus l'obligation de l'article 7, l'État membre dans lequel la SE a son siège statutaire prend les mesures appropriées pour obliger la SE à régulariser la situation dans un délai déterminé:a) soit en rétablissant son administration centrale dans l'État membre du siège; b) soit en procédant au transfert du siège statutaire par la procédure prévue à l'article 8.2. L'État membre du siège prend les mesures nécessaires pour assurer qu'une SE qui ne régulariserait pas sa situation, conformément au paragraphe 1, soit mise en liquidation.3. L'État membre du siège statutaire institue un recours juridictionnel contre tout constat d'infraction à l'article 7. Ce recours a un effet suspensif sur les procédures prévues aux paragraphes 1 et 2.4. Lorsqu'il est constaté, soit à l'initiative des autorités, soit à l'initiative de toute partie intéressée, qu'une SE a son administration centrale sur le territoire d'un État membre en infraction à l'article 7, les autorités de cet État membre en informent sans délai l'État membre où est situé le siège statutaire de la SE.

Article 65L'ouverture d'une procédure de dissolution, de liquidation, d'insolvabilité ou de cessation des paiements, ainsi que sa clôture et la décision de poursuite de l'activité, font l'objet d'une publicité conformément à l'article 13, sans préjudice des dispositions de droit national imposant des mesures de publicité additionnelles.

Article 661. La SE peut se transformer en société anonyme relevant du droit de l'État membre de son siège statutaire. La décision concernant la transformation ne peut être prise avant deux ans à partir de son immatriculation et avant que les deux premiers comptes annuels n'aient été approuvés.2. La transformation d'une SE en société anonyme ne donne lieu ni à dissolution ni à création d'une personne morale nouvelle.3. L'organe de direction ou d'administration de la SE établit un projet de transformation et un rapport expliquant et justifiant les aspects juridiques et économiques de la transformation et indiquant les conséquences pour les actionnaires et pour les travailleurs de l'adoption de la forme de société anonyme.4. Le projet de transformation fait l'objet d'une publicité effectuée selon les modalités prévues par la loi de chaque État membre, conformément à l'article 3 de la directive 68/151/CEE, un mois au moins avant la date de la réunion de l'assemblée générale appelée à se prononcer sur la transformation.5. Avant l'assemblée générale visée au paragraphe 6, un ou plusieurs experts indépendants désignés ou agréés, selon les dispositions nationales adoptées en application de l'article 10 de la directive 78/855/CEE, par une autorité judiciaire ou administrative de l'État membre dont relève la SE qui se transforme en société anonyme, attestent que la société dispose d'actifs au moins équivalents au capital.6. L'assemblée générale de la SE approuve le projet de transformation ainsi que les statuts de la société anonyme. La décision de l'assemblée générale doit être prise dans les conditions prévues par les dispositions nationales adoptées en application de l'article 7 de la directive 78/855/CEE.

TITRE VI

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DISPOSITIONS COMPLÉMENTAIRES ET TRANSITOIRES

Article 671. Chaque État membre peut, si et aussi longtemps que la troisième phase de l'Union économique et monétaire (UEM) ne lui est pas applicable, appliquer aux SE ayant leur siège statutaire sur son territoire les dispositions applicables aux sociétés anonymes relevant de son droit en ce qui concerne l'expression de leur capital. La SE peut en tout cas exprimer son capital également en euros. Dans ce cas, le taux de conversion entre la monnaie nationale et l'euro est celui du dernier jour du mois précédant la constitution de la SE.2. Si et aussi longtemps que la troisième phase de l'UEM n'est pas applicable à l'État membre du siège statutaire de la SE, celle-ci peut cependant établir et publier ses comptes annuels et, le cas échéant, ses comptes consolidés en euros. L'État membre peut exiger que les comptes annuels et, le cas échéant, les comptes consolidés de la SE soient établis et publiés dans la monnaie nationale dans les mêmes conditions que celles prévues pour les sociétés anonymes relevant du droit de cet État membre. Ceci ne préjuge pas de la possibilité additionnelle pour la SE de publier, conformément à la directive 90/604/CEE(11), ses comptes annuels et, le cas échéant, ses comptes consolidés en euros.

TITRE VIIDISPOSITIONS FINALES

Article 681. Les États membres prennent toute disposition appropriée pour assurer la mise en oeuvre effective du présent règlement.2. Chaque État membre désigne les autorités compétentes au sens des articles 8, 25, 26, 54, 55 et 64. Il en informe la Commission et les autres États membres.

Article 69Au plus tard cinq ans après l'entrée en vigueur du présent règlement, la Commission présente au Conseil et au Parlement européen un rapport sur l'application du règlement et, le cas échéant, des propositions de modifications. Le rapport examine en particulier s'il convient:a) de permettre à une SE d'avoir son administration centrale et son siège statutaire dans des États membres différents; b) d'élargir la définition de la fusion prévue à l'article 17, paragraphe 2, afin d'inclure également des types de fusion autres que ceux définis à l'article 3, paragraphe 1, et à l'article 4, paragraphe 1, de la directive 78/855/CEE; c) de réviser la règle de compétence figurant à l'article 8, paragraphe 16, à la lumière de toute disposition qui aura pu être insérée dans la convention de Bruxelles de 1968 ou de tout texte remplaçant cette convention qui serait adopté par les États membres ou par le Conseil; d) de permettre qu'un État membre autorise, dans la législation qu'il adopte conformément aux pouvoirs conférés par le présent règlement ou pour assurer l'application effective du présent règlement à une SE, l'insertion, dans les statuts de la SE, de dispositions qui dérogent à ladite législation ou qui la complètent, alors même que des dispositions de ce type ne seraient pas autorisées dans les statuts d'une société anonyme ayant son siège dans l'État membre en question.

Article 70Le présent règlement entre en vigueur le 8 octobre 2001.

Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre.

Fait à Luxembourg, le 8 octobre 2001.

Par le ConseilLe présidentL. Onkelinx

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(1) JO C 263 du 16.10.1989, p. 41 et JO C 176 du 8.7.1991, p. 1.(2) Avis du 4 septembre 2001 (pas encore publié dans le Journal officiel).(3) JO C 124 du 21.5.1990, p. 34.(4) Voir page 22 du présent Journal officiel.(5) JO L 395 du 30.12.1989, p. 40. Directive modifiée en dernier lieu par l'acte d'adhésion de 1994.(6) JO L 65 du 14.3.1968, p. 8.(7) Troisième directive 78/855/CEE du Conseil du 9 octobre 1978 fondée sur l'article 54, paragraphe 3, point g), du traité et concernant les fusions des sociétés anonymes (JO L 295 du 20.10.1978, p. 36). Directive modifiée en dernier lieu par l'acte d'adhésion de 1994.(8) Deuxième directive 77/91/CEE du Conseil du 13 décembre 1976 tendant à coordonner pour les rendre équivalentes les garanties qui sont exigées dans les États membres des sociétés au sens de l'article 58, deuxième alinéa du traité, en vue de la protection des intérêts tant des associés que des tiers, en ce qui concerne la constitution de la société anonyme ainsi que le maintien et les modifications de son capital (JO L 26 du 31.1.1977, p. 1). Directive modifiée en dernier lieu par l'acte d'adhésion de 1994.(9) JO L 126 du 26.5.2000, p. 1.(10) JO L 374 du 31.12.1991, p. 7.(11) Directive 90/604/CEE du Conseil du 8 novembre 1990 modifiant la directive 78/660/CEE sur les comptes annuels et la directive 83/349/CEE sur les comptes consolidés en ce qui concerne les dérogations en faveur des petites et moyennes sociétés ainsi que la publication des comptes en écus (JO L 317 du 16.11.1990, p. 57).

ANNEXE I

SOCIÉTÉS ANONYMES VISÉES À L'ARTICLE 2, PARAGRAPHE 1BELGIQUE:la société anonyme//de naamloze vennootschapDANEMARK:aktieselskaberALLEMAGNE:die AktiengesellschaftGRÈCE:>ISO_7>áíþíõìç åôáéñßá>ISO_1>ESPAGNE:la sociedad anónimaFRANCE:la société anonymeIRLANDE:public companies limited by sharespublic companies limited by guarantee having a share capitalITALIE:società per azioniLUXEMBOURG:la société anonymePAYS-BAS:de naamloze vennootschapAUTRICHE:die AktiengesellschaftPORTUGAL:a sociedade anonima de responsabilidade limitadaFINLANDE:julkinen osakeyhtiö//publikt aktiebolagSUÈDE:publikt aktiebolagROYAUME-UNI:public companies limited by sharespublic companies limited by guarantee having a share capital

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ANNEXE II

SOCIÉTÉS ANONYMES ET SOCIÉTÉS À RESPONSABILITÉ LIMITÉE VISÉES À L'ARTICLE 2, PARAGRAPHE 2BELGIQUE:la société anonyme//de naamloze vennootschapla société privée à responsabilité limitée//besloten vennootschap met beperkte aansprakelijkheidDANEMARK:aktieselskaberanpartselskaberALLEMAGNE:die Aktiengesellschaftdie Gesellschaft mit beschränkter HaftungGRÈCE:>ISO_7>áíþíõìç åôáéñßáåôáéñßá ðåñéïñéóìÝíçò åõèýíçò>ISO_1>ESPAGNE:la sociedad anónimala sociedad de responsabilidad limitadaFRANCE:la société anonymela société à responsabilité limitéeIRLANDE:public companies limited by sharespublic companies limited by guarantee having a share capitalprivate companies limited by sharesprivate companies limited by guarantee having a share capitalITALIE:società per azionisocietà a responsabilità limitataLUXEMBOURG:la société anonymela société à responsabilité limitéePAYS-BAS:de naamloze vennootschapde besloten vennootschap met beperkte aansprakelijkheidAUTRICHE:die Aktiengesellschaftdie Geseffschaft mit beschränkter HaftungPORTUGAL:a sociedade anonima de responsabilidade limitadaa sociedade por quotas de reponsabilidade limitadaFINLANDE:osakeyhtiöaktiebolagSUÈDE:aktiebolagROYAUME-UNI:public companies limited by sharespublic companies limited by guarantee having a share capitalprivate companies limited by sharesprivate companies limited by guarantee having a share capital

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LE RATTACHEMENT DE LA SOCIETE EUROPÉENNEJacques BÉGUIN

1. En Droit international positif, une société commerciale doit avoir un rattachement étatique ou interétatique. Ce rattachement revêt deux aspects qui sont souvent confondus, mais qu’il convient de distinguer. Le premier est celui du rattachement de la société en tant qu’entreprise juridiquement organisée. C’est celui de la loi applicable au fonctionnement et à la vie de la société, liquidation incluse, en interne et vis à vis de ses partenaires économiques.Le second est celui du rattachement de la société en tant qu’unité économique, c’est à dire faisant partie du système économique d’un Etat. C’est celui de la nationalité de la société. Les deux raisonnements sont différents.La recherche de la loi applicable à une société, indépendante ou filiale d’un groupe, est une question qui se pose en matière de société exactement comme en toute autre matière. Il faut savoir quelles règles appliquer dans une situation que plusieurs lois auraient une vocation éventuelle à régir.La détermination de la nationalité d’une société (ou, éventuellement d’un groupe) est une question qui se pose lorsque un Etat décide que l’exercice de tel droit ou de telle activité obéit à des règles différentes selon que l’opérateur économique est membre de la communauté nationale ou non 1.La question que nous nous posons est celle de savoir quel est ou quels sont, sous l’un et l’autre de ces deux angles, le ou les rattachement(s) de la société européenne [SE].

2. Si l’on ne connaissait pas l’histoire du difficile avènement de la société européenne, on serait tenté de répondre d’emblée que le rattachement qui s’impose tout naturellement dès l’instant que le législateur européen met en place une société de type européen est un rattachement européen.La réponse à la double interrogation que l’on vient de formuler serait simple.La loi applicable à la société européenne serait le Droit européen.Le nationalité de la société européenne serait la nationalité européenne.Et, honnêtement, cette double réponse simple aurait bien correspondu à ce que l’on était en train de faire.Il s’agissait de mettre en place un modèle approprié à des sociétés ayant vocation à déployer leur activité sur tout le territoire de l’Union. Donc d’un modèle de société identique pour tous les opérateurs européens quel que soit leur Etat d’appartenance et doté d’une mobilité sans entraves à travers le territoire de toute l’Union. Quoi de plus évident, dès lors, que de conclure qu’il fallait que ce modèle de société européenne obéisse à un Droit unique et de lui attribuer un rattachement législatif unique en le dotant – et uniquement - d’un régime juridique de Droit européen ?Si l’on voulait, d’autre part, lui donner une stature européenne et une entière liberté d’action à l’échelle de l’Union, il fallait extraire cette personne morale européenne de la communauté nationale de tel ou tel Etat membre et décider qu’elle aurait, non pas la 1 V. J. Béguin, La nationalité juridique des sociétés commerciales devrait correspondre à leur nationalité économique, Etudes offertes à P. Catala, p. 859.

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nationalité d’un Etat membre, mais une nationalité européenne opposable en tant que telle aux Etats non membres de la Communauté.

3. Mais, comme on le sait, les choses n’ont pas pu être aussi simples.Le premier élan créateur de la société européenne – il y a quelque trente ans – a été en ce sens.Le projet d’origine – celui des années 1970 – visait à doter la société européenne d’un statut supranational indépendant des Droits étatiques. La société européenne était – essentiellement– une institution de Droit commercial européen. Le législateur européen projetait de lui consacrer un Règlement très complet de 284 articles qui prévoyait tout et était conçu pour se suffire à lui-même. Si ce monument présentait une lacune, l’interprète était invité à se référer, non à un Droit étatique, mais aux principes généraux du Droit Européen, à défaut, aux principes généraux du Droit commercial international. Et la mission de forger la jurisprudence appelée à trancher les questions qui auraient été laissées sans réponse était confiée à la CJCE. Il y avait unité de rattachement, unicité de Droit applicable. Comme on le sait, le raisonnement a fait long feu et cet ambitieux projet s’est heurté à une réaction de rejet de la part des Etats.Ce rejet se fondait sur deux raisons.La première raison est que ce monument de Droit commercial européen – déconnecté de tout lien avec les Droits commerciaux des pays membres – a fait peur aux Etats. D’inspiration germanique, il reposait sur un certain nombre de choix législatifs qui heurtait les Droits des pays latins. Sa lourdeur, d’autre part, rebutait les Droits anglo-saxons par la trop faible latitude qu’il laissait à la liberté statutaire.La deuxième raison est que les Etats membres étaient fondamentalement divisés sur le sujet épineux de l’implication des travailleurs et qu’il s’avérait impossible de parvenir sur ce point capital au consensus nécessaire pour s’accorder sur un dispositif commun de Droit européen.

4. Pour se donner une chance d’aboutir, les autorités européenne ont du changer de stratégie. Leur réaction des – à travers les nombreuses tentatives qui ont précédé la Règlement et la Directive de 2001 2 a été double.Pour surmonter le premier obstacle - celui qui était lié à la lourdeur du projet initial - le législateur a – de projet en projet – allégé le Règlement proposé. Le texte est passé de 284 articles à 70. Il l’a assoupli en ménageant des options – en particulier entre le système moniste et le système dualiste. 2 Règlement (CE) n° 2157/2001 et Directive n° 2001/86/CE du 8 octobre 2001 (JOCE n° L. 294, 10 novembre 2001, p. 1). On citera parmi les récents commentaires : G. Blanc, La société européenne : la pluralité des rattachements en question, D 2002, p. 1052 ; F. Blanquet, Enfin la société européenne, Rev. du Droit de l’Union européenne 2001, p. 65 ; F. Blanquet, La société européenne n’est plus un mythe, Rev. Dr. Int. et Dr. comp 2001, p. 139 ; P. Dom, J.P. Parot, J.C. Colin, La société européenne, Actes pratiques 2002, n° 63, Mai-juin 2002, p. 5 ; C. Fouassier, Le statut de la société européenne : un nouvel instrument juridique au service des entreprises, Rev. Marché commun et Union européenne 2001, n° 445, p. 85 ; M. A. Frison-Roche, La société européenne, D 2001, p. 290 ; A. Lévy, A. Outin-Adam, J. Simon, La SE est arrivée, Les Petites affiches 2000, n° 252, p. 4 ; M. Luby, La societas europaea : beaucoup de bruit pour rien (ou si peu…), Droit des sociétés 2002, n° 2, p. 4 ; M. Menjucq, La société européenne, enfin l’aboutissement, D 2001, p. 1085 ; M. Menjucq, La circulation internationale des sociétés, Bull. Joly 2001, n° 3, p. 233 ; M. Menjucq, La société européenne, Rev. Soc. 2002, p. 225 – La société européenne, Colloque du Centre de Droit de l’entreprise [Pr C. Goyet] de l’Université Robert Schuman de Strasbourg, 7 février 2002, Les Petites Affiches 2002, n° spécial [n° 76]  ; J.L. Colombani, M. Favero, Societas europaea, La société européenne, éd. Joly, 180 p., 2002 – Le présent rapport reprend certaines des analyses présentées à propos du projet de Règlement de 1996 in J. Béguin, Quel avenir pour la société européenne ?, Mélanges Terré, 1999, Dalloz-Litec, p. 307.

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Mais, dès cet instant, le projet ne se suffisait plus à lui même. Et il a fallu revenir, pour que la société européenne soit soumise à un régime précis, à la technique du renvoi aux Droits des Etats membres.

A partir du moment, en effet, où l’on optait pour un Règlement européen qui ne contiendrait plus l’alpha et l’oméga du Droit applicable à une société européenne, force était de désigner un Droit des sociétés précis et complet pour « combler les trous » et compléter le dispositif. La seule solution était de rattacher la société européenne – aussi – à un Droit étatique. Force était également, car le vent souffle en ce sens, de laisser une plus grande place aux statuts.La conséquence immédiate a été que l’unité du rattachement a été nécessairement remise en cause. On était obligé de passer de l’unité du rattachement à sa pluralité 3 . En ce qui concerne l’implication des travailleurs, il a fallu prendre un parti plus radical encore. Le fossé entre les traditions juridiques des Etats admettant la participation des travailleurs, sous telle ou telle forme, à la gestion de la société et celles des Etats qui ne veulent pas dépasser le stade de l’information des travailleurs et n’entendent pas les associer à la gestion était trop profond. Il ne permettait pas d’espérer mettre au point pour la société européenne un régime d’implication des travailleurs qui aurait été admis par tous les Etats membres. C’est la raison pour laquelle, en 1989, la décision a été prise de préparer, non pas un texte de Droit européen, mais deux : un Règlement pour les aspects de Droit commercial et une Directive pour l’implication des travailleurs. Cette séparation avait pour but de séparer les champs de négociation et de rassurer les Etats. Cette stratégie a permis d’aboutir. Mais le résultat est que, pour cet aspect très important du régime juridique de la société européenne, le législateur européen ne pose plus aucune règle lui-même. Il fixe des objectifs législatifs précis dans sa Directive. Mais le Droit applicable sera entièrement écrit dans des textes élaborés par les Etats membres. Sous l’angle du rattachement, la conséquence est radicale. Il n’y a plus place pour aucun rattachement européen. Le rattachement est entièrement et uniquement étatique.

5. Le risque était alors de renvoyer trop fort le balancier dans l’autre sens.Car cette pluralité de rattachements de la société européenne n’est pas sans inconvénients.Elle complique la recherche de la règle applicable. Il va falloir tantôt la trouver dans le Droit européen lui-même, c’est à dire dans le Règlement, tantôt dans le Droit d’un des quinze Etats membres, tantôt dans les statuts.Elle est source de conflits.Puisque l’on donne compétence à tel ou tel Droit étatique, il va falloir déterminer lequel. Bien sûr, le Règlement européen va fournir un critère de rattachement. Mais l’existence latente de conflits n’est jamais bonne. Et, dans certains cas complexes, l’application du critère de rattachement pourra donner lieu à discussion. Les frontières entre les blocs de règles fournis par le Règlement européen et les blocs de règles fournis par le Droit étatique applicable, d’autre part, seront parfois difficiles à établir avec clarté. Et ce sera une nouvelle source de discussions.Il est clair, enfin, que la pluralité des rattachements va induire de notables différences entre les différentes sociétés européennes qui vont se constituer à partir de 2004 à travers l’Europe. Certes, depuis 1968, la transposition des batteries de Directives publiées en la matière a puissamment contribué au rapprochement des Droits de

3 V. G. Blanc, La société européenne : la pluralité des rattachements en question, D 2002, p. 1052.

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sociétés des Etats membres. Mais le champ des Directives ne couvre pas encore la totalité du Droit des sociétés. Et, en dépit des Directives, les Droits des sociétés des Etats membres ne sont pas uniformes. Donc, les sociétés européennes, dans toute la mesure où elles seront régies par tel ou tel Droit étatique, ne seront pas identiques. Il n’est pas exclu que l’on voie même se développer une certaine concurrence entre ces Droits sous forme d’une sorte de « Law shopping ». Cette diversité, en tout cas, peut apparaître comme n’étant pas exactement conforme au concept même de société européenne.

6. C’est la raison pour laquelle le législateur européen a été soucieux de faire régner un certain ordre dans cette diversité. Il admet, certes, un principe de pluralité des rattachements.Mais il établit une hiérarchie entre les rattachements. Il accorde, bien entendu une priorité au rattachement européen. Mais cette primauté est discrète.Le rattachement étatique conserve une place marquée. C’est ce qu’on se propose de montrer en mettant successivement en lumière : - I - La primauté discrète du rattachement européen de la SE- II - Le maintien affirmé du rattachement étatique de la SE

I. LA PRIMAUTE DISCRETE DU RATTACHEMENT EUROPEEN DE LA SE

7. La discrétion du rattachement européen de la SE caractérise aussi bien son « rattachement identitaire » que son « rattachement législatif ». - La SE est dotée d’une « identité européenne » obligatoire mais limitée- La SE est soumise à une « réglementation européenne » réduite à l’essentiel.

A./ Une identité européenne obligatoire mais limitée

8. La SE est, bien entendu, dotée d’une identité européenne qui va se traduire par un certain nombre de caractéristiques obligatoires dont elle aura le monopole.Mais son rattachement européen trouve sa limite en ce sens qu’il est écarté sur deux points essentiels :- La SE n’a pas d’immatriculation européenne- La SE n’a pas de nationalité européenne

1./ La SE n’a pas d’immatriculation européenne

9. La SE n’est évidemment pas une SA comme les autres. Le Règlement prend toutes les précautions pour qu’elle ait une nette « caractérisation » européenne. Cette « caractérisation » européenne se traduit par trois traits : l’appellation européenne, la dimension européenne et la mobilité européenne.

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10. Le premier signe du rattachement européen de la SE est son appellation (art. 1). Elle en aura le monopole. Si une société existante, quelque part en Europe, a déjà eu la prémonition de se nommer ainsi, on ne lui cherchera pas noise. Mais à l’avenir seules pourront se nommer SE et user du label latin « societas europaea » les SE constituées en application du Règlement. Ce sera, d’ailleurs, une obligation. Afin que nul n’en ignore, la SE devra faire précéder ou suivre sa dénomination de l’acronyme SE. Et pour pouvoir bénéficier de cette « appellation contrôlée », elle aura du établir que sa dimension européenne lui permettait d’y prétendre.

11. Cette dimension européenne se vérifie, tout d’abord, à l’échelle des (ou de la) société(s) promotrice(s) de la SE. Il faut que ces sociétés promotrices aient, elles-mêmes, donné des gages de dimension européenne ou, du moins, interétatique. C’est à dire, à la fois, de rattachement législatif européen et d’activité économique transfrontières (art. 2). 1ère condition : seules peuvent être à l’origine d’une SE une ou des sociétés constituées selon le Droit d’un Etat membre.2ème condition : Si les sociétés promotrices sont plusieurs [fusion, holding, filiale commune] il faut : soit que deux au moins relèvent du Droit de deux Etats différents, soit, dans le cas de holding ou de filiale commune, que deux au moins aient depuis deux ans au moins une filiale relevant du Droit d’un autre Etat membre ou un établissement situé dans un autre Etat membre. Si la société promotrice est unique [transformation], on exige d’elle qu’elle ait depuis deux ans au moins une filiale dans un autre Etat membre.3ème condition : il faut que les sociétés promotrices aient leur siège statutaire et leur administration centrale dans la Communauté. Pas nécessairement dans le même Etat. Mais sur le territoire de l’Union. Avec une dérogation (art. 2-5) : Un Etat membre peut prévoir que, si une société promotrice a son administration centrale hors d’Europe, la SE pourra être créée si elle a été constituée selon le Droit d’un Etat membre et qu’elle y a son siège statutaire, à condition qu’elle ait avec l’économie d’un Etat membre un « lien effectif et continu ». Par exemple, précise le préambule, si elle y a un établissement d’où elle mène les opérations.

12. Le critère le plus révélateur est celui qui est exigé au terme de l’opération : celui qui détermine le « rattachement identitaire » européen de la SE elle-même. L’article 7 – qui le définit – porte la marque du combat entre rattachement européen et rattachement étatique.Au départ du raisonnement, le législateur européen avait, d’abord, à choisir entre les trois critères traditionnels : l’incorporation, le siège statutaire (seul) et le siège statutaire accompagné d’une exigence de réalité [ce qui implique de considérer à la fois le siège statutaire et l’administration centrale]. Le choix du Règlement est clair : c’est celui du siège réel. C’est, d’ailleurs, une nouveauté en Droit communautaire.Mais il y a plusieurs manières de formuler l’exigence de réalité. Le rattachement le plus européen aurait été de dire : il suffit que le siège, d’une part, et l’administration centrale, d’autre part, soient sur le territoire de la Communauté. Peu aurait importé que ce ne soit pas dans le même Etat membre. C’est très certainement ce qu’à Bruxelles on aurait aimé faire. On en a la preuve dans l’article 69 a) où l’on lit que, dans cinq ans, la Commission pourra proposer une modification du Règlement afin d’autoriser une SE à avoir son siège dans un Etat et son administration dans un autre, pourvu que ce soit en Europe.

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Mais en 2001, c’était trop tôt. Le « rattachement identitaire » est européen, mais il conserve un caractère étatique marqué. A deux égards.D’abord en ce qui concerne la règle. Selon l’article 7, le siège de la SE et son administration centrale doivent être situés non seulement en Europe, mais dans le même Etat membre. Le rattachement est européen, puisqu’il faut que ce soit un Etat membre. IL a, toutefois, une forte coloration étatique puisqu’il faut que ce soit le même Etat membre.Mais la résistance des Etats a obtenu bien davantage. Le règlement permet, en effet, aux Etats membres de décider que – comme c’est le cas en Droit français – le siège et l’administration centrale devront être non seulement dans le même Etat membre, mais dans le même lieu.Au total, l’analyse est claire : le « rattachement identitaire » de la SE est européen, mais il est fortement canalisé à l’échelle des Etats membres.

13. Le troisième trait de la « caractérisation européenne » de la SE est sa mobilité. C’est une des grandes avancées de la SE. On connaît le paradoxe. Le Marché commun a été fait pour réaliser la libre circulation et le libre établissement des agents économiques. Les commerçants individus peuvent librement se déplacer au sein de l’Union. Mais les sociétés sont frappées d’immobilité. Elles ne peuvent, ni en Droit, ni en fait, transférer leur siège d’un Etat à un autre. La 14 ème

Directive aura pour objectif d’imposer aux Etats de permettre le transfert de siège d’un Etat membre à un autre. Mais on l’attend toujours. Or, voici la SE. L’un de ses grands avantages – mis en avant par le Préambule – sera de disposer d’un modèle de société qui, lui, va bénéficier – par nature – de la mobilité à l’échelle européenne. Elle va pouvoir, au cours de son existence, transférer librement son siège d’un Etat membre à un autre.Et, en effet, l’article 8 du Règlement est tout entier consacré à indiquer à quelles conditions et selon quelle procédure une SE va pouvoir user de cette possibilité. Mais, ici encore, on sent très fortement la résistance des Etats. Le Règlement aurait pu écrire : « La SE est libre de transférer son siège social à tout moment d’un point à un autre du territoire de la Communauté. Il suffit qu’elle change son immatriculation ». Or, ce n’est pas du tout ce qu’écrit l’article 8. On devine que le Fisc des Etats membres n’entendent pas risquer de perdre ainsi des contribuables importants. Et que leur Sécurité sociale n’est pas davantage soucieuse de voir partir des cotisants considérables. Le Règlement, dès lors, met en place une procédure qui est l’exacte préfiguration de la 14 ème directive. C’est à dire une procédure conçue comme une procédure de transfert interétatique de siège avec formalisme, nouveaux statuts, garanties pour les créanciers – notamment publics – et non comme une procédure libre telle qu’elle devrait être si l’on se contentait d’un rattachement européen.

14. C’est dans le même esprit que l’on n’a pas mis en place une immatriculation européenne. Certes, le Règlement aménage une publicité européenne (art. 14). Mais c’est toujours pour information et a posteriori. C’est lorsque l’immatriculation est faite ou lorsque la radiation a eu lieu ou lorsque le transfert de siège aura été suivi d’une nouvelle immatriculation qu’il faudra – dans le mois – publier un avis au JOCE. Mais ce n’est pas à l’échelon européen que les choses importantes se passent. C’est à l’échelon étatique.

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15. Les « choses importantes » sont l’immatriculation elle-même ou la radiation. L’importance de l’immatriculation est attestée par l’article 16-1 du Règlement qui – à l’instar de la règle française – dispose que la SE acquiert la personnalité juridique le jour de son immatriculation.Or, la responsabilité et l’organisation de cette immatriculation est entièrement déléguée (art. 12) par le législateur européen à l’Etat du siège. Ainsi d’ailleurs que la première publicité, celle qui compte puisqu’elle conditionne l’opposabilité aux tiers (art. 13). L’article 12 précise que l’instrument étatique de l’immatriculation doit être un « registre ». mais, à partir de là, c’est aux Etats membres de tout faire. Bien entendu, les conditions propres de la création d’une SE devront être vérifiées. Mais le législateur européen fait entièrement confiance aux autorités compétentes des Etats – tel le Registre du commerce et des sociétés en France – pour opérer cette vérification et aux législateurs étatiques pour en fixer les modalités.Le choix est donc clair. Le rattachement identitaire étatique l’emporte très nettement. La naissance de la société s’opère non à l’échelon communautaire, mais à l’échelon étatique. Le souci a été de ne pas heurter les prérogatives des Etats. C’est dans le même souci qu’est traitée – ou plutôt qu’est éludée – la question de la nationalité.

2 - La SE n’a pas de nationalité européenne

16. La question de la nationalité de la SE ne pouvait pas être complètement ignorée. Mais le règlement l’a traitée d’une manière empirique. Il a esquivé la prise de position sur le concept lui-même.Il n’est pas très fréquent, concrètement, que l’on doive décider de la nationalité d’une société. Mais cela arrive. Chaque fois qu’un régime juridique, fiscal ou social discrimine et contient des règles différentes pour les commerçants nationaux et pour les commerçants étrangers, ou pour les sociétés nationales et pour les sociétés étrangères, alors, il faut bien trancher et dire si telle société a la nationalité de l’Etat considéré ou une nationalité étrangère. Les lois sur les activités de presse, sur les activités d’armement maritime, de défense ou de sécurité publique peuvent contenir de telles discriminations. L’octroi de la « protection diplomatique » à l’étranger – hors Communauté – peut aussi poser ce type de question. Quelle sera, alors, la « nationalité » de la SE ?

17. La question est de nouveau celle du choix entre un rattachement européen et un rattachement étatique. La SE a-t-elle la nationalité européenne ou la nationalité d’un Etat membre ?La réponse est dans l’article 10. Malheureusement, l’article 10 n’emploie pas – volontairement sans doute – le mot « nationalité ». Il ne dit pas : « La SE a la nationalité européenne ». Mais il ne dit pas non plus : « La SE a la nationalité de l’Etat membre où est situé son siège ». Il emploie une formule qui mêle le critère de l’incorporation et le critère du siège. : « Une SE est traitée dans chaque Etat membre comme une SA constituée selon le Droit de l’Etat membre dans lequel la SE a son siège statutaire ».Au plan pratique, la portée de cette règle est claire.Chaque fois qu’un problème de condition des étrangers se posera à l’égard d’une SE dans un Etat membre déterminé, la règle à suivre sera la même règle que celle que l’on aurait suivie à l’égard d’une SA immatriculée dans l’Etat où la SE a son siège.

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Il est important de le préciser parce que, de plus en plus, lorsqu’un Etat européen prend une disposition pour laquelle il discrimine entre sociétés nationales et sociétés étrangères, il ajoute que les sociétés ayant la nationalité d’un Etat de la CEE ou de l’EEE seront assimilées aux sociétés nationales et non aux sociétés étrangères.Sur un plan purement pratique, donc, on saura comment faire.

18. Mais sur un plan plus conceptuel – sur le plan de la notion de nationalité – le texte est difficile à interpréter.On peut , semble-t-il, le lire de deux façons . 1ère interprétation : Si le législateur a écrit que la SE doit être traitée « comme » les SA locales de l’Etat du siège, c’est qu’il ne voulait pas qu’elle ait la nationalité d’un Etat membre. Tout doit se passer comme si elle avait la même nationalité que les sociétés immatriculées dans l’Etat membre où elle a son siège. Mais elle n’a pas, pour autant, cette nationalité. En ce cas, comme il faut bien qu’elle en ait une, ce pourrait être la nationalité européenne. 2ème interprétation : Si le législateur n’a pas dit que la SE a la nationalité européenne, c’est qu’il n’a pas voulu le faire ou qu’il a estimé qu’il ne pouvait pas le faire. Il aurait alors doté la SE d’une nationalité d’adoption : la même que celle des SA immatriculées dans l’Etat membre où elle a son siège.Le plus probable est que le législateur européen a volontairement laissé cette question de nationalité dans l’ombre. Et il faut bien reconnaître qu’à supposer même que la 1ère interprétation puisse être envisagée, l’affirmation du rattachement européen de la SE par la nationalité demeure hasardeuse. Ce n’est plus de la discrétion. C’est l’Arlésienne…Si l’on fait le bilan du « rattachement identitaire » de la SE, on voit que son rattachement européen se manifeste uniquement par une dénomination, une dimension européenne strictement canalisée dans le cadre des Etats membres, une immatriculation qui est entièrement déléguée aux Etats membres et une nationalité européenne purement fantomatique.Son rattachement législatif européen, lui, n’est pas fantomatique. Il existe bel et bien. Mais il, lui aussi, placé sous le signe de la discrétion. La réglementation européenne de la SE prime sur les lois étatiques. Mais la volonté très nette du législateur européen a été de la réduire à l’essentiel.

B./ Une réglementation européenne réduite à l’essentiel

19. C’est la deuxième facette de la primauté discrète du rattachement européen de la SE. Les deux termes de la proposition doivent être successivement mis en lumière : - La réglementation européenne bénéficie d’une primauté- Mais son domaine effectif est, en réalité, volontairement restreint.

1./ La réglementation européenne bénéficie d’une primauté

20. Le principe de la primauté du bloc des règles européennes en matière de SE résulte de l’article 9 du Règlement.Ce texte met en place une hiérarchie des normes qui met très clairement le Droit européen en 1ère ligne et formule un critère de rattachement [qui, par rapprochement avec l’article 7, est celui du siège réel].

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Selon cet article 9, une SE est régie : 1) par le Règlement lui-même. C’est la charte de base. En cas de conflit avec les autres sources, elle prime ; 2) par les dispositions des statuts de la SE lorsque – pour les matières que couvre le Règlement – ce dernier l’autorise expressément ; 3) pour les matières non traitées par le Règlement ou lorsqu’une matière est régie par le Règlement, mais partiellement, l’article 9 établit une « sous-hiérarchie » entre trois types de normes : a) les lois que va se donner chaque Etat membre pour régir spécifiquement les SE ; b) les lois qui existent déjà dans chaque Etat membre pour régir les SA locales ; c) les statuts de la SE, dans l’espace de liberté qui leur est laissé pour les SA locales par le Droit de l’Etat du siège de la SE.Bien évidemment, lorsque les Etats membres élaboreront les règles spécifiques aux SE relevant de leur compétence, ils devront respecter la batterie des Directives qui, depuis 1968, ont été publiées et transposées en matière de sociétés.

21. Comme le fait remarquer M. G. Blanc 4, la règle de l’article 9 pose un principe de subsidiarité, mais conçu en sens inverse de celui que le Droit communautaire lui attribue habituellement [article 5 du Traité]. Généralement, c’est la règle européenne qui a vocation à s’appliquer à titre subsidiaire. Ici, c’est le contraire. Les dispositions étatiques ont vocation à s’appliquer : a) lorsque la question n’est pas traitée par le Règlement ; b) lorsque ce dernier ne la couvre que partiellement. M. G. Blanc évoque, à cet égard, l’avertissement de M. J. Carbonnier qui avait prévu ce renversement et nous avait avertis : au fur et à mesure de l’extension du champ couvert par le Droit communautaire, le principe de subsidiarité était appelé à connaître de semblables renversements en fait ou en Droit. Ici, c’est clairement en Droit. Au plan du principe, c’est donc la règle européenne qui reçoit la vocation première à s’appliquer. Les Droits étatiques se voient attribuer – toujours au plan du principe – le rôle second : ils s’appliquent à défaut de règle communautaire ou dans le prolongement d’une règle communautaire pour la mettre en œuvre, à l’instar d’un décret d’application en Droit interne.Mais si on quitte le plan du principe pour mesurer le poids respectif du dispositif européen et des Droits étatiques, on voit aussitôt que, dans la réalité du rattachement législatif de la SE, cette primauté de la règle européenne demeure résolument discrète, car son domaine est volontairement restreint.

2./ Le domaine de la réglementation européenne est volontairement restreint.

22. Lorsqu’en 1996, le législateur européen a relancé le processus d’élaboration des textes relatifs à la SE, il était bien décidé à donner aux Droits des Etats membres une compétence législative large.Il convenait donc, tout d’abord, que le Règlement formule un critère de rattachement qui évite ou limite au maximum les « conflits de systèmes » 5. Il résulte de la combinaison de l’article 7 et de l’article 9 du Règlement que, dans le cadre de la hiérarchie des normes de l’article 9, le Droit étatique compétent pour régir une SE est celui de l‘Etat de son siège réel. Il fallait, en second lieu, proposer aux Etats membres un modèle souple, laissant beaucoup d’initiative aux Droits étatiques et dont le « noyau dur » européen serait réduit à l‘essentiel.Le dispositif européen se limite à deux objectifs :4 G. Blanc, La société européenne : la pluralité des rattachements, D 2002, p. 1052.5 V. M. Menjucq, La société européenne, Rev. Sociétés 2002, p. 233 et note (15 bis).

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- mettre en place les quatre modes de constitution de la SE- tracer le schéma de sa structure de base

a – Mise en place des quatre modes de constitution de la SE

23. S’agissant des modes de constitution de la SE, les auteurs du règlement n’ont eu d’autre ambition que de clarifier et de tracer des cadres. Il n’était pas nécessaire de faire davantage dès l’instant que le parti était pris de renvoyer au maximum – même pour ces techniques propres aux SE – aux législations des Etats membres.

24. C’est pour la constitution par fusion que le dispositif est le plus nourri : une quinzaine d’articles qui comportent un certain nombre de règles spécifiques. Il n’y a pas lieu de s’en étonner. Le sujet des fusions transfrontalières est l’un de ceux sur lesquels les Droits étatiques se sont, jusqu’à présent, révélés impuissants à fournir des solutions satisfaisantes. La Directive fiscale du 23 juillet 1990 a été transposée. Imparfaitement d’ailleurs. Mais on attend toujours la 10ème Directive sur le régime juridique. Dès cet instant, le Règlement ne pouvait pas faire l’économie d’un régime précis des opérations de fusion destinées à donner naissance à une SE. Il offre donc tout un dispositif qui incorpore, d’ailleurs, les dispositions de la future 10ème Directive (art. 17 à 31). On y trouve des règles européennes qui se suffisent à elles-même, par exemple sur le projet de fusion (art. 20). Mais la plupart des règles qui composent ce régime posent des normes de base qui, pour s’appliquer effectivement, devront trouver le relais de normes étatiques. L’article 22, par exemple, prescrit des expertises, mais le processus de nomination des experts est laissé aux Etats.Le point clé du régime : celui des « certificats concluants » (art. 25 et 26) qui rendra l’opération incontestable est propre au Droit européen et à la SE. Mais les modalités sont déléguées aux Droits des Etats membres chargés de désigner les autorités compétentes.Le règlement énumère avec précision les effets de la fusion (art. 29). Ces dispositions s’appliquent impérativement et directement. Mais elles font également place aux Droits étatiques. Si, par exemple, la loi d’un Etat membre soumet l’opposabilité aux tiers de certains aspects de la fusion [transfert de certains biens, droits ou obligations] ces formalités devront être respectées. Il reste que, pour la fusion, le « noyau dur » européen ne pouvait pas éviter d’avoir une certaine consistance.

25. C’est déjà moins vrai pour la constitution par création d’une « holding » bien que ce mode de constitution, lui aussi, appelait un minimum de réglementation européenne. Car il faut que le régime offre la garantie d’une certaine coordination des opérations. Le Règlement y consacre généreusement trois articles (art. 32 à 34). La procédure y est tracée dans les grandes lignes.

26. Les deux autres modes de constitution – par création de filiale commune et par transformation d’une SA – sont, eux, exemplaires de la doctrine du « noyau européen minimum ». Le Règlement se borne, pratiquement, à les définir, à les légitimer et à poser quelques rares règles. Mais, pour l’essentiel, leur régime juridique sera emprunté, selon les cas, aux Droits des Etats membres dont relèvent les sociétés promotrices ou à celui de l’Etat du siège de la future SE.

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On retrouve la même méthode pour le régime applicable à la SE, une fois qu’elle est constituée. L’idée est alors que le dispositif européen doit se limiter à tracer un schéma structurel de base.

b – Mise en place d’un schéma structurel de base

27. Le Règlement met en place les organes, esquisse ou définit leurs compétences respectives, pose un certain nombre de règles indispensables, mais s’efface, dès qu’il peut, pour laisser le champ libre aux Droits étatiques et aux statuts.Il est loin le temps où les autorités communautaires pensaient devoir et pouvoir imposer pour la SE un modèle sociétaire complet jugé mieux approprié à la gestion moderne d’une entreprise de dimension européenne. Le Règlement offre une base. Les législateurs étatiques sont invités à la compléter.

28. Il convient d’évoquer ici, tout d’abord, la question du choix entre la structure moniste (avec assemblée générale et organe d’administration) et la structure dualiste (avec assemblée générale, organe de direction, collégial ou non et organe de surveillance). Le Règlement envisage tous les cas de figure (art. 39-5 et art. 43-4). Ou bien l’Etat du siège connaît les deux systèmes pour les SA locales. Les créateurs de la SE choisiront alors librement. Ou bien l’Etat du siège ne connaît qu’un seul système pour les SA locales. Soit un système moniste. Soit un système dualiste. Les articles 39-5 et 43-4 du Règlement semblent considérer, alors que l’Etat du siège sera libre. L’un et l’autre, en effet, disposent qu’ « en l’absence de dispositions relatives », soit «  à un système dualiste », soit « à un système moniste », en ce qui concerne les SA locales, l’ « Etat membre peut adopter les mesures appropriées concernant les SE ». Le Règlement emploie le verbe « peut » et non le verbe « doit ». L’interprète est donc conduit – du moins au premier examen - à considérer que l’Etat membre sera libre. Il pourrait prévoir une règle différente – sur son territoire – pour les SE et pour les SA locales. «  Ses » SE auraient alors le choix. Mais il pourrait aussi bien imposer aux SE qui auront leur siège sur son territoire l’unicité de système de la loi locale. « Ses » SE ne pourraient, dès lors, être que monistes ou que dualistes. Si cette interprétation devait être reçue, la norme du Règlement serait, certes, libérale. Mais libérale « à travers » le canal des Etats membres. Il ne s’agirait pas tant de s’en remettre à la liberté statutaire que de respecter la diversité des Droits étatiques 6.

29. Une fois réglée cette question initiale du choix du type de structure, le Règlement se préoccupe de poser les pierres angulaires de l’architecture de la SE. Il formule à cette fin un certain nombre de dispositions qui ont pour objet de mettre en position les principaux organes de la SE et de définir leur mission. Il le fait de deux façons.

6 Lors du colloque de Paris des 3 et 4 octobre 2002, à l’occasion duquel ce rapport fut présenté, Mme F. Blanquet – avec toute l’autorité que lui confère son incomparable connaissance des travaux préparatoires du Règlement - a exposé que l’emploi du verbe « peut » s’expliquait par une concession faite à certains Etats [parmi lesquels la Grande Bretagne] désireux de se réserver la possibilité de ne pas légiférer. En dépit de l’emploi du verbe « peut », il conviendrait de lire l’article 39-5 et l’article 43-4 comme imposant aux Etats membres d’offrir aux fondateurs de SE appelées à être soumises à leur Droit local le libre choix entre le système moniste et le système dualiste, même si ce Droit local ne prévoit pas ce libre choix pour les SA locales. Il y aurait donc lieu de lire l’article 39-5 et l’article 43-4 du Règlement comme s’ils disposaient que l’ « Etat membre doit offrir, pour les SE, le libre choix entre le système moniste et le système dualiste. Il peut ou non adopter les mesures appropriées concernant les SE ».

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30. Le Règlement formule, tout d’abord, quelques règles impératives qui pourraient se suffire à elles-mêmes.On en retiendra quelques exemples.- Dans le système dualiste, l’article 40-1 fixe les missions respectives de l’organe de direction (exercer le pouvoir de gestion) et de l’organe de surveillance (contrôler la gestion) et l’article 39-3 pose le principe de non cumul entre les deux organes. - Dans les deux systèmes, les articles 40-2 et 43 assurent l’articulation de base entre les organes en disposant que les nominations de l’organe de surveillance (système dualiste) comme de l’organe d’administration (système moniste) sont de la compétence de l’assemblée générale et établissent la coordination avec le mode d’implication des travailleurs.- Toujours dans les deux systèmes, les articles 42 et 45 prévoient que l’organe de surveillance (système dualiste) comme l’organe d’administration (système moniste) élisent leurs présidents dans leur sein et précisent que ce ne peut pas être un membre qui siège au titre de l’implication des travailleurs.- Dans le système dualiste, l’article 41 pose une série de règles impératives pour affermir l’obligation pour l’organe de direction d’informer l’organe de surveillance et pour conférer à ce dernier toutes les prérogatives nécessaires à cet égard.- Le Règlement contient également un certain nombre de dispositions impératives relatives aux assemblées générales. L’article 58 précise quelles voix doivent être décomptées ou non parmi les voix exprimées. L’article 60 pose le principe du vote séparé pour les catégories d’actionnaires aux droits spécifiques de qui la décision porte atteinte.La plupart des règles de ce type sont évidentes et ne risquent pas de soulever des oppositions. Le règlement pouvait se permettre de les rendre impératives. Elles sont importantes, mais leur nombre est limité.

31. Le Règlement – c’est sa deuxième manière d’opérer - nuance souvent sa position impérative en permettant aux Etats membres de compléter telle ou telle règle impérative. La règle européenne n’est pas supplétive. Mais elle ne règle pas tout. Elle laisse un « espace » à occuper par les Droits étatiques ou par les statuts.Les exemples sont déjà plus nombreux.- Un premier exemple est celui de l’article 4 sur le montant du capital. La règle de principe (art. 4-1) est impérative : le capital minimum est : 120 000 euros. Mais l’article 4-2 prévoit que la législation d’un Etat membre qui prévoirait un capital plus élevé pour les sociétés exerçant certains types d’activités s’appliquerait aux SE ayant leur siège sur le territoire de cet Etat.- Une deuxième série d’exemples est fournie par toutes les hypothèses dans lesquelles une opération concernant la création ou la vie de la SE exige une mesure de publicité. La démarche est simple. Tel article du Règlement exige la mesure de publicité. Sur le principe, il est impératif. Mais il délègue les modalités. Pour la mise en œuvre, il renvoie aux Droits étatiques. La méthode est définie par l’article 13. Elle est déclinée par une série de dispositions particulières. La règle européenne peut, d’ailleurs, préciser quelles informations doivent être publiées. A partir de là, chaque Etat fixera les modalités. Dans certains cas (v. article 21), le Règlement permet aux Etats de rajouter des exigences supplémentaires.Une troisième série d’exemples concerne le fonctionnement des organes de la SE.

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Dans le système dualiste, la compétence de base des deux organes est régie par une règle impérative. Mais les articles 39-1 et 43 laissent aux Droits étatiques le soin de prévoir les modalités de la gestion courante par un ou plusieurs directeurs généraux. Toujours dans le système dualiste, une règle impérative prévoit qu’un membre de l’organe de surveillance peut pallier une vacance au sein de l’organe de direction. L’article 39-3 laisse aux Droits étatiques le soin de fixer la limite de temps. L’article 41 qui contient les règles impératives sur le droit à l’information de l’organe de surveillance laisse libres les Droits étatiques de décider s’il peut être reconnu à ses membres à titre individuel. Dans le système moniste, l’article 43 qui prévoit la nomination des membres de l’organe d’administration par l’assemblée générale est impératif, mais laisse les Droits étatiques libres de permettre à une minorité d’actionnaires d’en nommer une partie. Toujours dans le système moniste, l’article 44 fixe impérativement une périodicité minimum pour les réunions de l’organe d’administration. Mais, à l’intérieur de ce minimum, c’est aux statuts de décider. Dans les deux systèmes, la durée des mandats est fixée à 6 ans. C’est également une règle impérative. Mais, à l’intérieur de ce maximum, les statuts décident. Un autre exemple concerne le secret professionnel des membres des organes. L’article 49 en fait une règle impérative. Mais il l’assouplit en précisant que les Etats peuvent autoriser certaines divulgations pour des raisons d’intérêt public.- Un dernier exemple est fourni par les règles de fonctionnement des assemblées générales. Les articles 55 et 56 aménagent la possibilité pour les actionnaires représentant un certain pourcentage du capital de demander la convocation de l’assemblée et l’inscription de tel ou tel point à l’ordre du jour. Ils fixent ce pourcentage à 10 %. Mais ils permettent aux Droits étatiques de retenir un pourcentage différent à condition de ne pas mettre la barre plus haut.Tous ces exemples montrent que le Règlement est très attentif à n’être impératif que sur des points qui ne prêtent pas à discussion. Et lorsqu’il se montre impératif, d’autre part, il n’expulse pas nécessairement les Droits étatiques. Il leur permet souvent d’introduire des modulations, des précisions. Il leur laisse une marge.

31. En revanche dès que l’on entre dans des dispositifs qui risquent soulever des divergences, le Droit européen va changer de tactique. Il va proposer, non imposer. Il va devenir supplétif.Supplétif par rapport à quoi ?Ici, les autorités européennes étaient à la croisée des chemins.On peut imaginer qu’elles auraient pu saisir l’occasion (historique) de la mise en place de la SE pour franchir un pas décisif dans le sens du courant de pensée actuellement dominant et d’opter, à l’échelle européenne, pour la liberté statutaire la plus étendue.Cela eût été audacieux.Mais cela eût été, sans doute, prendre trop de risques.Cela aurait été, en effet, aller à l’encontre de ce qui est encore la tradition d’un certains nombre de Droits étatiques. La gestation de la SE avait été longue et délicate.Les autorités européennes étaient dans la nécessité d’obtenir l’accord des Etats membres.Elles ont donc fait un choix de fond. Ce choix est, dans toute la mesure où leur dispositif était supplétif, de renvoyer prioritairement aux Droits étatiques plutôt qu’aux statuts.

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33. Bien évidemment, il arrive que le Règlement abandonne tel ou tel point directement aux stipulations des statuts de la SE. On peut citer quelques exemples.- L’article 46-2 prévoit que les membres des organes peuvent être renommés une ou plusieurs fois. Mais il permet aux statuts d’être plus restrictifs.- L’article 50 fixe les règles de quorum et de majorité dans les assemblées générales ordinaires : quorum de ½, majorité simple, voix prépondérante du président. Mais ce ne sont que des règles supplétives : les statuts peuvent en décider autrement.Ce type de démarche est, toutefois, rare.

34. Dans la majorité des cas, lorsque le dispositif européen renvoie aux statuts, c’est aux statuts, certes, qu’il donne compétence, mais encadrés par le Droit de l’Etat membre du siège.Les exemples sont nombreux.- Sur le point capital de savoir, dans le système dualiste, qui nomme le ou les membres de l’organe de direction, l’article 39-2 pose la règle selon laquelle ils sont nommés et révoqués par l’organe de surveillance. Ils ajoute, cependant, que les statuts peuvent décider qu’ils sont nommés par l’assemblée générale. Mais à une condition : que le Droit de l’Etat membre du siège de la SE admette cette possibilité.- Toujours dans le système dualiste, l’article 39-4 dispose que le nombre des membres de l’organe de direction [ou les règles pour le déterminer] est [sont] fixé[es] par les statuts. Mais il précise aussitôt que le Droit de l’Etat membre du siège peut fixer un minimum et/ou un maximum. En ce qui concerne l’organe de surveillance, le Droit de l’Etat membre peut non seulement fixer un minimum et un maximum mais il peut même imposer un nombre fixe (art. 40-3).- Quel que soit le système, les statuts peuvent (art. 47-3) fixer des conditions particulières d’éligibilité pour les membres qui représentent les actionnaires dans les organes. Mais uniquement « à l’instar » de ce qui est prévu par la loi de l’Etat membre du siège de la SE pour les SA locales.- Selon l’article 47-1, ce sont les statuts qui définissent les modalités selon lesquelles une société ou une autre entité juridique peut être membre des organes d’une SE. Mais c’est seulement sous réserve que la loi de l’Etat membre du siège n’en dispose pas autrement.- Sur le point – très central – de savoir quelles sont les limites des pouvoirs des organes de gestion, l’article 48-1 dispose que ce sont les statuts qui énumèrent les catégories d‘opérations qui donnent lieu à autorisation de l’organe de surveillance [dans le système dualiste] ou à décision expresse de l’organe d’administration [dans le système moniste]. Mais l’article 48-2 ajoute qu’un Etat membre peut déterminer les catégories d’opérations devant au minimum figurer dans les statuts. - Symétriquement, l’article 50 fixe la compétence de l’assemblée générale. Cette compétence est définie : a) sur certains points par le Règlement ; b) par le régime d’implication des travailleurs, mais, en outre, : a) par la loi de l’Etat membre du siège de la SE ; b) par les statuts , mais à condition que ce soit en conformité avec cette loi. Liberté statutaire, donc, mais très relative : uniquement à travers le Droit de l’Etat du siège tel qu’applicable aux SA locales. A travers ces exemples, on voit bien que l’hommage rendu par le Règlement à la liberté statutaire n’est qu’indirect. Le résultat est que : si le Droit étatique du siège est très libéral et fait lui-même une large part à la liberté statutaire, le renvoi aboutit – en fait – à aller dans un sens libéral. Mais, à l’inverse, chaque fois que le Droit étatique du siège est

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plus impératif et a tendance à « cantonner » la liberté statutaire, le dispositif européen aboutit à appliquer le même « cantonnement » à la SE.

35. Il est permis de penser que c’est à regret que le législateur européen n’a pas été plus franchement dans le sens de la liberté statutaire. Deux indices sont en ce sens : - Le 1er indice est la place des statuts dans la hiérarchie des normes de l’article 9 : la SE est régie, selon cette hiérarchie : a) par le Règlement européen ; b) par les statuts [directement] lorsque le règlement l’autorise expressément. Pour l’immédiat, on l’a constaté, cela n’arrive pas souvent. Mais cela peut changer à l’avenir et c’est dans la perspective de ce changement possible que le Règlement a fait figurer le renvoi exprès et direct aux statuts au deuxième rang de la hiérarchie des normes.- Le 2ème indice est l’article 69-2 qui dispose que, dans 5 ans, la Commission présentera un rapport au Conseil et au Parlement et que, dans ce rapport, elle devra examiner s’il ne convient pas d’autoriser les Etats membres à aller dans le sens d’une plus grande liberté statutaire dans le Droit de la SE, en prenant, au besoin, une législation différente pour les SE et pour les SA locales. On observe, toutefois, que même dans cette perspective d’ouverture à 5 ans, l’accroissement de la liberté statutaire continuera à dépendre du bon vouloir des Etats membres.Et, en tout cas, présentement, le renvoi direct aux statuts n’est pas la démarche centrale du Règlement. Le choix de fond est celui d’un maintien affirmé du rattachement étatique.

II. LE MAINTIEN AFFIRME DU RATTACHEMENT ETATIQUE

36. Le renvoi aux Droits étatiques pour déterminer le régime applicable à la SE peut prendre deux visages : - Dans un certain nombre de cas, le Droit européen invite les Etats à faire preuve d’imagination, à ne pas transposer nécessairement leur Droit applicable aux SA locales, à inventer et à se doter d’un régime étatique, certes, mais spécifique aux SE ;

- Dans d’autres cas, plus nombreux, le Règlement européen renonce à cette spécificité. Ayant posé, par les dispositions propres que nous avons relevées, les bases structurelles de la SE, il en aligne purement et simplement le régime sur celui des SA de l’Etat où la SE a son siège.

A./ Le renvoi à un régime étatique spécifique aux SE

37. Le renvoi à un régime étatique spécifique aux SE revêt lui-même deux aspects :- Les Etats membres se voient parfois reconnaître un « droit d’opposition ».- Les Etats membres sont invités à se doter d’un Droit spécifique de la SE.

1./ Les Etats membres se voient parfois reconnaître un « droit d’opposition »

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38. Les exemples de ce « droit d’opposition » reconnu aux Etats ne sont pas très nombreux.Ils traduisent tous une sensibilité particulière des Etats à l’égard des SE intéressant ou susceptible d’intéresser positivement leur économie.Le Règlement leur reconnaît dès lors un « droit d’opposition » pour des raisons « d’intérêt public » dont ils sont juges.- Le 1er exemple est fourni par la régime de la constitution d’une SE par fusion. L’article 19 prévoit que la législation d’un Etat membre pourra prévoir qu’une société [promotrice] relevant du Droit de cet Etat ne pourra pas participer à la constitution d’une SE par fusion si une « autorité compétente » de cet Etat s’y oppose pour une raison d’ « intérêt public » avant la délivrance du « certificat concluant ». - Le 2ème exemple concerne le transfert du siège d’une SE d’un Etat membre à l’autre. Le Règlement prévoit que la législation d’un Etat membre peut prévoir que le transfert du siège d’une SE immatriculée sur son territoire vers un autre Etat membre – dont résulterait un changement de Droit [étatique] applicable – ne prend pas effet si dans un délai de deux mois après la publication du projet, une « autorité compétente » de cet Etat s’y oppose pour une raison d’ « intérêt public ».Que faut-il entendre par raison d’ « intérêt public » ? Ce peut être un intérêt de sécurité, de défense. Lorsque les Etats ont obtenu que ces règles soient insérées dans le Règlement, ils avaient également sûrement en tête leurs intérêts financiers, en particulier fiscaux.Dans le 1er comme dans le 2ème exemple, l’opposition formulée par l’autorité compétente de l’Etat devra être susceptible d’un recours devant l’autorité judiciaire.En dehors de ces prérogatives « régaliennes », les Etats sont, par ailleurs, invités par un certain nombre de dispositions du Règlement à se doter de règes spécifiques aux SE.

2./ Les Etats sont invités à se doter d’un Droit spécifique de la SE

39. Ce Droit spécifique de la SE que va devoir élaborer le législateur de chaque Etat membre comportera deux type de normes : - Le régime juridique dont chaque Etat va devoir se doter pour transposer la Directive de 2001 relative à l’implication des travailleurs :

- Le régime juridique dont chaque Etat peut décider de se doter sur les sujets laissés à son initiative par le Règlement relatif à la SE.

a – Régimes étatiques élaborés pour transposer la Directive de 2001 relative à l’implication des travailleurs.

40. Ce régime juridique correspond à un premier ensemble de règles spécifiques à la SE qui s’impose avec évidence. Ce sont toutes les règles que les Etats membres vont devoir mettre au point pour transposer dans leurs Droits la Directive européenne du 8 octobre 2001 sur l’implication des travailleurs. Par définition même, cette Directive – aussi précise soit-elle – ne contient pas de dispositions destinées à régir directement les SE sans le truchement de la transposition étatique. Elle va, par nature, obliger les Etats à élaborer une législation qui sera, nécessairement, propre aux SE.C’est un secteur dans lequel, on le sait, le rattachement législatif pose un problème particulièrement épineux en raison du caractère ultra sensible du sujet et de la profondeur des différences entre les législations des Etats européens. De la simple « information » des travailleurs à la « participation » de leurs représentants dans les

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organes des SA, en passant par les procédures de « consultation », le spectre était et demeure très ouvert.La Directive met en place un mécanisme complexe [qui sera exposé en détail par un autre rapport] et dont les traits essentiels sont : le principe « avant-après » et le « « groupe de négociation » parallèle à la constitution de la SE, Tout est fait pour qu’il débouche sur un accord. Faute d’accord, la Directive invite les Etats à imposer un « dispositif de référence » exigeant, donc propice à encourager l’accord.Lors du compromis de Nice (décembre 2000), une importante dérogation a été introduite. La directive admet qu’en cas de constitution de la SE par fusion, un vote de 2/3 des représentants des travailleurs pourra imposer la participation dans la SE lorsque, dans les sociétés promotrices, 25% en bénéficiaient avant. Mais les Etats pourront décider de ne pas transposer cette norme de la Directive. En ce cas, la SE ne pourra pas être immatriculée dans cet Etat.En dehors de cette dérogation, il faut reconnaître que les Etats ont peu de latitude. La Directive est très précise. Tout, cependant ne leur est pas imposé. Les rédactions des lois de transpositions pourront comporter un certain nombre de différences. Par exemple : sur la question de savoir s’il sera possible de faire participer au groupe de négociation des syndicalistes extérieurs aux sociétés participant à l’opération.Conformément à la ligne générale qui est la sienne, le législateur européen dispose (art. 6 et art. 7 de la Directive) que la loi applicable à la procédure de négociation et la loi qui devra contenir le « dispositif de référence » sera la loi de l’Etat membre du siège de la future SE.

41. Il nuance, toutefois, cette règle générale de conflit par quelques règles adjacentes.L’article 10 de la Directive dispose que la loi applicable aux dispositions de protection des travailleurs – telles que, par exemple, la protection spéciale des travailleurs désignés pour siéger dans les organes – sera constituée, d’abord pour le « groupe de négociation », puis pour les organes de la SE elle-même, par « les lois et pratiques » en vigueur dans leur pays d’emploi.Les articles 11 et 12 de la Directive donnent aux Etats membres – en dehors du critère du siège proprement dit – une sorte de compétence générale pour veiller à ce que la constitution ou le fonctionnement d’une SE ne débouche pas sur un déficit de protection pour les salariés. L’article 11 dispose que les Etats membres doivent prendre toutes « mesures appropriées » pour éviter les détournements de procédure, c’est à dire la création d’une SE qui aurait pour seul but de priver les salariés de leurs droits en matière d’implication des travailleurs.L’article 12 commande, lui, aux Etats membres de prendre toutes « mesures appropriées » [en particulier, de veiller à l’existence de procédures administratives ou judiciaires ] pour que les responsables des établissements ou des filiales d’une SE, les représentants des travailleurs et les travailleurs eux-mêmes respectent bien – chacun à son échelon – toutes les règles sur l’implication des travailleurs « que la SE ait ou non son propre siège sur son territoire ».Voilà donc tout un bloc de législation spécifique à la SE – considérable – que l’interprète devra rechercher non dans un document européen, mais dans le Droit des Etats membres

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Un deuxième ensemble de règles spécifiques à la SE devra être recherché dans les Droits des Etats membres est constitué par toutes les dispositions pour lesquelles le Règlement européen, soit commande, soit permet, aux Etats membres de prendre de telles règles.

b – Régimes étatiques spécifiques élaborés en application du Règlement

42. Les Etats sont habilités ou invités par le Règlement à élaborer leur propre Droit des SE sur de nombreux sujets.Ils le feront de deux façons :– tantôt ils élaboreront des règles véritablement propres aux SE.– tantôt ils adapteront aux SE les règles qu’ils appliquent à leurs SA locales – pour les assouplir ou pour les durcir selon la politique propre qu’ils souhaitent appliquer aux SE.Ces deux modalités techniques sont souvent employées l’une et l’autre à propos du même sujet. Les sujets sur lesquels le Règlement délègue ainsi expressément aux Etats l’élaboration d’une règle par nature « européenne » sont très divers. On en retiendra un certain nombre d’exemples : - 1er exemple : La protection des actionnaires minoritaires au moment de la constitution de la SE ou au moment du transfert du siège de la SE d’un Etat membre à un autre. Il s’agit, dans le premier cas, des actionnaires minoritaires des sociétés promotrices qui envisagent de se fusionner ou de créer une holding pour constituer une SE et, dans le second, d’une SE qui déciderait de transférer son siège d’un Etat membre à un autre. Le Règlement, dans les trois cas (art. 24-2 pour la fusion ; art. 34 pour la holding ; art. 8-5 pour le transfert de siège), use de la même formule. Il permet au Etats membres [du siège de la société promotrice dans les deux premiers cas ; du siège de la SE dans le troisième] de prendre toutes dispositions destinées à assurer une « protection appropriée » aux actionnaires minoritaires qui se sont prononcés contre la fusion, contre la création d’une holding ou contre le transfert de siège. Il laisse donc une assez large marge d’invention aux législateurs des Etats membres, tout en leur imposant une obligation de résultat. - 2ème exemple : la protection des créanciers en cas de transfert de siège. Le Règlement (art. 8-7) se borne à énoncer, ici encore, une obligation de résultat : il faudra que les Droits des Etats membres prévoient en pareil cas une « protection adéquate » des créanciers. A chaque Etat membre d’imaginer et de mettre en place la protection qu’il jugera appropriée. En principe, cela ne devrait concerner que les créances antérieures à la publication du projet de transfert. Mais le règlement prévoit qu’un Etat membre pourra étendre cette protection aux créances postérieures à la publication du projet de transfert pourvu qu’elles soient nées (ou susceptibles de naître) avant le transfert. Ce qui serait déjà un « durcissement » de la règle. Le Règlement fait, surtout, une autre concession aux Etats soucieux de protéger les intérêts de leur administration fiscale, de leur Sécurité sociale ou de leurs autres entités publiques. Les Etats pourront, pour ces créanciers puissants et prioritaires, renforcer la protection au delà du niveau de la « protection adéquate » dont bénéficieront les autres créanciers. Ils pourront aller jusqu’à prescrire le « désintéressement » [en d’autres termes : de payer l’intégralité de la dette avant le transfert, même si le terme n’est pas échu] ou une « garantie de paiement » [telle que le séquestre de l’argent nécessaire]. C’est aller très loin dans le sens de la délégation laissée aux Etats de formuler la règle européenne.- 3ème exemple : Les conditions de vote de l’assemblée générale d’une SA qui entend se transformer en SE. C’est le Droit de l’Etat membre du siège de la SA qui se transforme

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qui fixera la majorité à laquelle l’assemblée générale de la SA devra adopter le projet de transformation. Il pourra décider que ce sera à la même majorité que les SA locales lorsqu’elles se transforment en Droit interne en un autre type de société. Il pourra aussi exiger une majorité qualifiée plus exigeante. Ce sera le cas si l’Etat concerné témoigne d’une certaine méfiance à l’égard du modèle de la SE. Il pourra même aller – lorsque la SA qui veut se transformer en SE est dotée d’un régime de participation des travailleurs – aller jusqu’à exiger l’unanimité de l’organe au sein duquel les représentants des travailleurs sont appelés à voter.- 4ème exemple : Les règles de quorum et de majorité applicables dans les assemblées générales des SE pour les modifications de statuts. Le Règlement (art. 59) pose simplement une règle de majorité qualifiée : celle des 2/3. Mais, comme on aura l’occasion de le redire, cette règle est supplétive. Si le Droit de l’Etat membre du siège de la SE exige, pour les SA locales, une majorité plus élevée – donc plus protectrice des intérêts des actionnaires minoritaires – c’est la règle du Droit local qui l’emporte. Toutefois, un Etat membre pourra – par une règle qui sera, elle, propre aux SE – prévoir que lorsque la modification de statuts aura été votée avec un quorum de ½, une majorité simple suffira.

43. Comme on le voit, le Règlement, lorsqu’il prend des dispositions telles que celles que l’on vient de citer, renvoie à des règles européennes [particulières aux SE] que les Etats membres sont habilités ou invités à imaginer et qui seront propres à « leurs » SE. C’est ce qui a fait dire à certains observateurs que l’on serait en présence, non pas d’un modèle sociétaire européen, mais d’un modèle par Etat. On aura un modèle sociétaire européen français, un modèle allemand, un modèle italien etc 7 D’autres commentateurs préfèrent parler d’un modèle de SE « à variation nationale » 8.Cette méthode n’est utilisée, toutefois, que pour des dispositions bien particulières dont on a cité les principales. La méthode d’usage général sera de renvoyer purement et simplement au Droit commun des SA locales.

B./ Le renvoi au Droit commun des SA locales

44. Le renvoi au Droit commun des SA locales peut revêtir deux aspects : - Au stade de la création de la SE, le renvoi sera opéré le plus fréquemment au Droit commun des SA locales de l’Etat du siège des sociétés promotrices.

- En ce qui concerne la SE déjà créée, le renvoi s’opérera, bien entendu, au Droit des SA locales de l’Etat du siège de la SE elle-même.

7 V. J. Boucourechliev, Les voies de l’Europe des sociétés, JCP E 1996, I, 560.8 M. Menjucq, La société européenne, Rev. Soc. 2002, p. 225. M. G. Blanc emploie l’expression de «  sociétés nationales à caractère européen » in : La société européenne, la pluralité des rattachements en question, D 2002, p. 1052.

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1./ Le renvoi au Droit commun des SA locales de l’Etat du siège des sociétés promotrices

45. Lorsque le Règlement pose les règles applicable à la création d’une SE, il renvoie, chaque fois qu’il le peut, aux Droits étatiques du siège des sociétés promotrices. Cela se comprend aisément. D’une part, cela est conforme à la ligne générale que s’est tracée le législateur européen. D’autre part, c’est tout naturel. Tant que la SE n’est pas créée, le champ est occupé par les sociétés promotrices qui sont des sociétés locales. Autant les faire fonctionner – y compris lorsqu’elles créent une SE – selon leur propre Droit.On le constate dans l’aménagement de chacun des quatre modes de constitution.- Fusion : Comme on l’a rappelé ci-dessus, s’agissant de la constitution de la SE par fusion, le Règlement était obligé de prendre des dispositions détaillées car, faute de la 10ème Directive [juridique] sur les fusions transfrontalières, les Droits des Etats membres sont insuffisants sur le sujet. Néanmoins, on relève que, chaque fois que cela lui paraît approprié, le Règlement renvoie aux Droits des Etats du siège des sociétés fusionnantes : pour les formalités de publicité (art. 28) ; pour les mesures de protection des créanciers, des obligataires, des porteurs de titres spéciaux autres que les actions (art. 24-1) ; pour le contrôle de légalité (art. 25-1) ; pour les formalités qui conditionnent l’opposabilité aux tiers des transferts de biens, de droits et d’obligations (art. 29-3). Et, de toutes façons, ces dispositions particulières sont couvertes par une « disposition balai », une règle de « renvoi global » (art. 18) : « pour les matières non couvertes par la section 2 [consacrée par le Règlement à la constitution de la SE par fusion ] ou lorsqu’une matière l’est partiellement, pour les aspects non couverts, chaque société participant à la constitution d’une SE par voie de fusion et soumise aux dispositions du Droit de l’Etat membre dont elle relève qui sont applicables aux fusions ».- Holding : Le Règlement est moins précis. Il formule un renvoi explicite aux Droits des Etats membres des sociétés promotrices à propos de la publicité (art. 32-3) (art. 33-3) et à propos de la procédure d’expertise (art. 32-4). Le renvoi global pour les matières non couvertes est implicite.- Filiale : En ce qui concerne la constitution d’une SE par création de filiale commune, le Règlement est bref. La règle européenne se résume (art. 36) à une disposition de renvoi global : on applique aux sociétés promotrices leur Droit local.- Transformation : Le Règlement contient quelques dispositions spécifiques, mais pour l’essentiel : publicité (art. 37-5) ; expertise (art. 37-6) ; vote de l’assemblée générale (art. 37-7). Le réflexe est le même : appliquer le Droit local propre à la société qui se transforme.Cette méthode du renvoi systématique ou du renvoi global aux Droits étatiques des Etats membres va également se rencontrer de manière très générale une fois la SE créée pour déterminer le régime qui lui sera applicable.

2./ Le renvoi au Droit local de l’Etat du siège de la SE

46. Le renvoi au Droit local de l’Etat du siège de la SE pour déterminer le régime qui lui sera applicable est, en réalité, une règle de principe.L’article 9 c) la formule comme un principe général de solution de conflit.Quand il n’en est pas disposé autrement, c’est à dire quand il n’y a pas dans le Règlement une norme différente, la SE sera considérée, en règle générale, comme une SA relevant du Droit de l’Etat membre sur le territoire duquel elle a son siège.A la limite, le Règlement aurait pu se contenter de poser ce principe. L’interprète aurait, ainsi, été muni d’une règle simple. Ne trouvant pas de règle particulière dans le

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Règlement, il lui aurait suffi de consulter le Droit des sociétés de l’Etat membre du siège et il aurait appliqué à la SE la règle valable pour les SA locales.Les auteurs du règlement, cependant, ne se sont pas contentés de cette règle simple qui aurait permis d’alléger encore son dispositif. Pourquoi ? Ils ont sans doute pensé que leur texte n’aurait pas la majesté convenable.Et ils reprennent, méthodiquement, les principaux problème que posent : la constitution, le fonctionnement, la comptabilité, la dissolution, la liquidation d’une SA pour les traiter ou pour les évoquer à propos de la SE.Quitte à conclure, presque invariablement, que la solution doit être cherchée dans le Droit des SA locales de l’Etat où la SE a implanté son siège.Ce renvoi systématique au Droit commun des SA locales de l’Etat du siège est, selon les cas, opéré selon deux techniques différentes.

47. Selon une première technique, l’application du Droit commun des SA locales ne sera pas automatique. Il y faudra une disposition formelle du Droit de l’Etat membre du siège qui viendra dire – expressément – que, sur l’invitation du Droit européen, il règle tel sujet touchant aux SE par la disposition correspondante de son Droit commun des SA.Cela suppose que le Règlement européen ne soit pas muet sur le sujet. Il se s’est exprimé en posant une règle. Mais, point capital, il n’est que supplétif. Il propose sa solution. Mais tout Etat membre sera libre : non d’inventer une solution, mais – plutôt que d’appliquer la règle européenne - d’étendre à « ses » SE la solution que prévoit son propre dispositif local pour « ses » SA.Cette première technique concerne un petit nombre de sujets précis.- 1er exemple : La périodicité de l’assemblée générale de la SE. Le règlement pose une règle de Droit européen : au moins une fois par an. Mais il rend sa règle partiellement supplétive en décidant que si l’Etat du siège prévoit une fréquence supérieure pour tel ou tel type de SA locale exerçant tel ou tel type d’activité, il faudra appliquer cette règle locale aux SE.- 2ème exemple : La règle de majorité des délibérations ordinaires de l’assemblée générale. Ici, encore, le Règlement pose une règle supplétive. C’est la règle – très habituelle – de la majorité simple des voix valablement exprimées. Mais cette règle est supplétive. Elle cède le pas chaque fois que le Droit étatique local de l’Etat du siège, par telle ou telle disposition applicable aux SA locales, requiert une majorité plus élevée.

48. La deuxième technique du renvoi aux Droits locaux des Etats membres du siège consiste, pour le Règlement, à ne même pas se soucier de poser une règle supplétive. Il évoque le sujet. Et il se borne à dire : « pour ce point précis ou pour cet ensemble de questions, le Droit européen renvoie directement et en bloc au Droit étatique applicable aux SA locales dans l’Etat du siège de la SE ». Le régime juridique applicable à la SE sera, pour ce sujet ou pour cet ensemble de problèmes, de plein droit, la législation locale sur les SA. Les dispositions de ce type dans le Règlement sont, à la fois, très nombreuses et très larges. Le Règlement passe en revue les principaux chapitres du Droit des SA et, à chaque fois, pan par pan, le Droit européen se démet et renvoie au Droit local des Etats membres. Les exemples sont très nombreux.- 1er exemple : Tout ce qui concerne le capital – en dehors du montant minimum. Toutes les règles sur le maintien du capital, les modifications de capital, le régime des actions, le

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régime des obligations, le régime des autres catégories de titres sont (art. 5) à rechercher dans le Droit de l’Etat membre du siège applicable aux SA locales.- 2ème exemple : La constitution de la SE (art. 15) – si l’on met à part les dispositions propres à chacun des quatre modes spécifiques de création - est toute entière régie par le Droit étatique du siège applicable aux SA locales.- 3ème exemple : En ce qui concerne la composition des organes, les incompatibilités, les incapacités sont définies par le Droit étatique du siège de la SE applicable aux SA locales. L’article 47-2 du Règlement dispose que ne peuvent être membres d’un organe de SE ou représentant d’une société au sein d’un organe de SE les personnes qui, selon le Droit étatique du siège de la SE ne peuvent pas être membres de l’organe d’une SA locale.- 4ème exemple : Un autre point relatif aux organes de la SE concerne les droits qui peuvent être accordés par le Droit de l’Etat du siège de la SE à une minorité d’actionnaires, ou à d’autres personnes, ou à d’autres autorités, de nommer une partie des membres des organes d’une SA locale. Le Règlement dispose (art. 47-4) que les mêmes droits seront reconnus dans chaque Etat membre pour les SE.- 5ème exemple ; Le vaste et sensible domaine de la responsabilité des dirigeants à l’égard de la SE et, lui aussi, l’objet d’un renvoi global au DE du siège de la SE applicable aux SA locale. L’article 51 prévoit que les membres des organes de direction, de surveillance [régime dualiste] ou d’administration [régime moniste] de la SE répondent du préjudice subi par la SE du fait de la violation de leurs obligations selon le Droit de l’Etat du siège applicable aux SA locales.- 6ème exemple : Les règles de convocation de l’assemblée générale. L’article 54-2 dispose que l’assemblée générale est convoquée par l’organe de direction, de surveillance [régime dualiste] ou d’administration [régime moniste] ou par toute autre autorité compétente conformément à la loi de l’Etat du siège applicable aux SA locales.- 7ème exemple : Il en est de même (article 51) pour l’organisation de l’assemblée générale, pour son déroulement, pour les procédures de vote etc…- 8ème exemple : C’est également très largement par renvoi global aux Droits étatiques des Etats membres tels qu’applicables aux SA locales que le règlement traite du sujet actuellement très sensible des règles applicables aux comptes de la SE : comptes sociaux et comptes consolidés ; comptes annuels, rapport de gestion, contrôle des comptes, publicité, qu’il s’agisse des SE de Droit commun (art. 61) ou des SE qui se constitueront dans les secteurs de la banque ou de l’assurance (art. 62). Cette question du Droit applicable, selon les cas de figure, aux comptes de la SE est l’objet de précisions importantes dans le préambule du Règlement. Le point 15 du Préambule précise que, eu égard au rapprochement effectué par la 4ème Directive concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés et la 7ème Directive, concernant les comptes consolidés, les dispositions de ces Directives peuvent être rendues applicables aux SE tout en leur laissant le choix entre les options offertes par ces dispositions.9ème exemple : Toutes les questions, enfin, relatives à la dissolution et à la liquidation de la SE, liées ou non à sa déclaration d’insolvabilité, sont, elles aussi, renvoyées à la loi qui s’appliquerait à une SA de l’Etat membre du siège (art. 63).

49. La formule que l’on vient de noter à la lecture de l’article 63 du Règlement met en lumière un aspect très important du renvoi par le Droit européen aux Droits étatiques du siège applicables aux SA locales. Il s’agit de la question de savoir comment déterminer la loi applicable à une SE lorsque l’on se trouve face à une question pour laquelle le Droit des sociétés [en l’occurrence, le Droit des sociétés de l’Etat du siège applicable aux SA locales] est susceptible d’entrer en conflit avec un autre Droit.

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Cette question est partiellement traitée dans le Préambule du Règlement.Les considérants 16 et 17 du Préambule la traitent pour le sujet particulier de la protection des actionnaires minoritaires et des tiers dans les groupes de sociétés, par exemple en matière d’établissement des comptes consolidés. Le point 16 rappelle que les « principes généraux du Droit international privé », lorsqu’une entreprise contrôle une autre entreprise relevant d’un ordre juridique différent, ses droits et obligations en matière de protection des actionnaires minoritaires et des tiers sont régis par le Droit dont relève l’entreprise contrôlée, sans préjudice des obligations auxquelles l’entreprise qui exerce le contrôle est soumise en vertu des dispositions du Droit dont elle relève. Le considérant 17 précise que ces principes sont applicables aussi bien dans le cas où la SE exerce le contrôle que dans le cas où la SE est la société contrôlée. Le considérant 21 du préambule fournit, lui, une règle d’interprétation générale.Il rappelle qu’en Droit international privé, le domaine d’application du Droit des sociétés connaît un certain nombre de limites et doit, sur certaines questions, céder le pas à l’application d’une loi désignée selon un autre critère de rattachement que celui qui préside au choix de la loi applicable en matière de sociétés proprement dit. Et le préambule (considérant 21) cite : « la fiscalité, la concurrence, la propriété intellectuelle ou l’insolvabilité ». La règle qu’il pose est formulée en termes assez généraux. Dans ces domaines, dispose–t–il (considérant 21), et dans les autres domaines non couverts par le Règlement, sont applicables : le Droit des Etats membres et le Droit communautaire. La meilleure façon d’entendre cette indication du préambule est d’appliquer aux problèmes de conflit de lois la ligne générale du Règlement : pour déterminer, en cas de conflit de lois, la loi applicable à une SE, il convient de faire application du Droit international privé de l’Etat membre où est situé son siège, exactement comme on le ferait pour une SA relevant du Droit de cet Etat membre. C’est à ce Droit international privé étatique que l’on demandera de qualifier. Et l’on appliquera sa règle de conflit sur la base de cette qualification pour donner compétence, soit à la lex societatis, soit à une autre loi étatique.Sauf l’allusion contenue dans le considérant 21 du préambule, le Règlement est muet sur le régime fiscal de la SE. Les interprètes en déduisent que la SE est soumise aux législations fiscales étatiques qui s’appliquent aux SA relevant de leur fiscalité.Au total, le mode de solution des problèmes de conflit de lois que peut soulever la SE sont une nouvelle illustration du renvoi global par le législateur européen vers les Droits étatiques.

50. Cette succession de renvois globaux s’ajoutant à la règle de principe selon laquelle le Droit étatique de l’Etat du siège d’une SE a une vocation générale pour régir tout ce qui n’est pas réglé par le Droit européen fait que, dans la réalité concrète de la vie des SE, les Droits étatiques joueront un rôle considérable.

Compte tenu des dissemblances qui – en dépit de l’effet d’harmonisation des Directives – subsiste entre les Droits des sociétés des Etats membres, les SE présenteront, d’un Etat membre à l’autre, des différences significatives et offriront beaucoup de similitudes avec les SA de Droit commun. Tel est le choix : le « minimum » nécessaire – et il est loin d’être négligeable – pour assurer à la SE un rattachement européen, le « maximum » diplomatique pour ne pas rompre son « enracinement » étatique.

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** *

III. CONCLUSION

51. Si l’on dresse le bilan, que voit-on ?- 1°. On débouche clairement sur une dualité, voire sur une pluralité de rattachements – notamment législatifs.- 2°. Cela va donner un travail difficile de coordination - d’ « épissure » - aux législateurs étatiques. Ils vont devoir, dans chaque Etat membre, construire un Droit propre pour « leurs » SE. Ce Droit étatique de la SE sera fait de pièces diverses. Les législateurs étatiques marqueront une distance variable entre le Droit de la SE de l’Etat concerné et le Droit européen de la SE [composé du Règlement et de la Directive] mais devront les coordonner étroitement avec ce dernier. Ils devront, d’autre part, préciser la distance, également variable, entre le Droit étatique de la SE et le Droit applicable aux SA locales. Ce sera un travail délicat car la « feuille de route » fournie par le Règlement n’est pas toujours limpide.- 3°. Le Droit de la SE dans son ensemble, ainsi composé d’un bloc communautaire [le Règlement et la Directive ] et de 15 Droits étatiques différents, offrira des dissemblances. Ces dissemblances seront un facteur de complication. Elles se prêteront éventuellement au « Law shopping ». Elles atténueront un peu la portée du grand dessein défini par le considérant n° 2 du préambule : « créer un cadre juridique uniforme dans lequel les sociétés des différents Etats membres devront être en mesure de planifier et de mener à bien la réorganisation de leurs activités à l’échelle de la Communauté ». Ce grand dessein n’est aucunement remis en cause pour autant.La relative complexité qui résulte de la pluralité des rattachements de la SE était le prix à payer pour qu’elle voie le jour.Les avantages l’emportent largement sur les inconvénients.

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POURQUOI CREER UNE SOCIETE EUROPEENNE (SE) ?*

Françoise BLANQUET

I. Introduction

Après tant d'années d'efforts et de désillusions, enfin la Société européenne est mise à la disposition des entreprises qui souhaiteront l'utiliser pour déployer leurs activités dans l'ensemble de l'Union à partir du 8 octobre 2004.C'est ce moment béni qu'ont choisi certaines organisations patronales minoritaires et certains bons esprits parisiens pour manifester à l'égard de la SE un scepticisme destructeur du type : beaucoup de bruit pour rien - un Titanic fiscal - le cheval de Troie de la Participation. Pour avoir défendu ce texte depuis 1989 au Parlement européen, au Comité économique et social et au Conseil, il m'incombe de m'en tenir aux textes et de permettre aux chefs d'entreprises et à leurs conseillers juridiques - sociaux - fiscaux de comprendre tout l'intérêt que peut présenter la constitution d'une SE soit pour restructurer un groupe transnational, soit pour coopérer avec des sociétés d'Etats membres différents.Ni le nouveau Règlement9 sur les aspects droit des sociétés, ni la nouvelle directive10 qui vise l'information, la consultation et la participation des salariés de la SE ne s'imposeront aux entreprises non intéressées par ce nouveau Statut, qu'elles soient donc rassurées.En revanche, des entreprises intéressées par le Statut de SE ont ainsi formulé leur souhait:"une seule société opérant par le biais d'établissements dans les divers Etats membres et non plus un réseau complexe de filiales soumises à autant de droits qu'il y a d'Etats membres avec un seul bilan annuel, une seule déclaration fiscale, dans un seul cadre juridique, avec des salariés européens".

Avons nous réussi à les satisfaire au moins en partie ? 11

Nous allons l'examiner sous forme de triptyque :I. Le volet juridique

II. Le volet social

III. Le volet fiscal.

** Extrait du colloque « La société européenne, organisation juridique et fiscale, intérêt, perspectives », des 3 et 4 octobre 2002, à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne..9 JOCE n° L 294 du 10 novembre 2001, p. 110 JOCE n° L 294 du 10 novembre 2001, p. 22.11 Demande citée par F. Blanquet dans "Enfin la Société européenne "la SE" - Revue du droit de l'Union européenne, Editions Clément Juglar, Paris, n° 1 - 2001, footnote 15.

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II. Une seule structure juridique

A./ La nationalité de la SE

Nous pouvons souscrire à l'analyse de Christian Roth12 selon laquelle "à l'heure actuelle la multiplicité des droits nationaux applicables à la vie et aux activités des entreprises européennes est vécue par elles comme étant une contrariété superflue et une source de complexité bien coûteuse". "La caractéristique principale de la SE est qu'elle n'a aucun rattachement avec la nationalité d'un Etat membre. Il s'agit d'une société de nationalité européenne dont le fondement juridique est à trouver dans le droit communautaire".

Ainsi, par exemple, si une société allemande et une société française fusionnent, la société issue de la fusion par absorption ou par constitution d'une nouvelle société ne sera ni allemande ni française, mais européenne. Cet avantage psychologique est souvent souligné par les entreprises outre le fait que la décision de fusion transfrontalière ne devra plus être prise à l'unanimité, mais à la simple majorité qualifiée.

B./ Le droit applicable à la SE

Les considérants 6 et 7 soulignent qu'à côté des sociétés relevant d'un droit national est prévue "la création de sociétés dont la constitution et les activités sont régies par le droit résultant d'un règlement communautaire directement applicable dans tous les Etats membres" permettant ainsi "la création et la gestion de sociétés de dimension européenne en dehors de toute entrave résultant de la disparité et de l'application territoriale limitée du droit national des sociétés".

Effectivement ce règlement "SE" vise le droit des sociétés et non d'autres domaines du droit tels que la fiscalité, la concurrence, la propriété intellectuelle, l'insolvabilité, le droit social ou le droit du travail. Tous ces domaines ne sont pas couverts par le droit des sociétés des Etats membres. Il n'est dès lors pas très cohérent de critiquer le fait que le Règlement ne les vise pas.

Certes le Règlement ne couvre pas tous les aspects du droit des sociétés dans la mesure où ceux-ci ont été harmonisés par diverses directives en la matière : n'est il pas logique de se référer par exemple pour les comptes annuels ou consolidés (cf.article 61) à la loi du siège de la SE plutôt que d'avoir prévu une norme spécifique qui n'aurait pas eu la souplesse requise révélée par le renvoi pour toutes les sociétés cotées dès 2005 à l'application des normes comptables internationales, mesure nécessitée par les scandales Enron et autres13 ?

On peut ajouter que, dans les domaines du droit des sociétés, la SE bénéficiera de la liberté statutaire reconnue aux sociétés anonymes de l'Etat où elle décidera de fixer son

12 Christian ROTH. La "Societas europaea" un outil commun de l'Union économique et monétaire dans supplément Revue Lamy, Droit des affaires n° 48 - Avril 2002, 3129.13 Règlement CE n° 1606/2002 du 19 juillet 2002 JOCE n° L 243, pp. 1 à 4.

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siège : la SE se veut une société "sur mesure" et on peut penser que des Etats comme le Royaume-Uni où tout ce qui n'est pas expressément interdit est autorisé, attireront plus de sièges de SE que des Etats comme l'Allemagne où tout ce qui n'est pas expressément autorisé est interdit. A cet égard nous invitons les juristes à examiner toutes les libertés offertes par l'article 48 qui laisse aux Statuts le soin d'énumérer les catégories d'opérations soumises à autorisation par l'organe de surveillance ou à décision expresse de l'organe d'administration. Certes un Etat pourrait fixer lui-même les opérations devant au minimum figurer dans les statuts, mais on peut penser que certains Etats membres préféreront conserver au Règlement SE son caractère libéral.

De fait, il n'y aura pas comme le pensent certains commentateurs, autant de SE que d'Etats membres, mais autant de SE que de SE constituées. Toute l'ingéniosité et l'inventivité des bons juristes sera ainsi mise en exergue comme le dit très justement Claude Ducouloux Favard "Cette SE 2001 est un cadre très malléable conventionnellement sur lequel peuvent jouer les normes de quinze systèmes de droit" "le cadre de fond de cette SE est unitaire et les mille facettes qui peuvent lui venir par référence aux droits nationaux sont sans doute une source de richesse et de succès14".

Tel sera sûrement le cas du libre choix laissé à la SE entre le système moniste ou le système dualiste.

C./ Une seule structure d'administration

La liberté dont jouira la SE peut être illustrée par le choix laissé à ses fondateurs d'une structure moniste (avec conseil d'administration) ou d'une structure dualiste (avec directoire et conseil de surveillance) quel que soit l'Etat où elle fixera son siège. L'ensemble du Groupe pourra ainsi adopter la structure jugée préférable alors qu'avant la constitution de la SE les diverses sociétés étaient soumises, selon le droit qui leur était applicable à un système moniste ou à un système dualiste obligatoire.

Tous les Etats sont tenus d'accepter l'immatriculation sur leur territoire de SE dont la structure n'est pas conforme à leur droit national, mais ils ne sont pas tenus d'adopter "des mesures appropriées concernant les SE15". Cette formule est souvent mal comprise. En effet, la liberté contractuelle, très large dans certains Etats membres, autorise les sociétés à choisir un système différent du système traditionnel. Ces Etats ont indiqué qu'ils n'auront pas à adopter des mesures appropriées pour les SE qui jouiront d'une totale liberté contractuelle. En revanche, d'autres Etats comme par exemple l'Allemagne, où seul le système dualiste est autorisé pour les sociétés nationales, a annoncé qu'elle adopterait des mesures appropriées pour permettre aux SE immatriculées sur son territoire, d'opter pour une structure moniste.

D./ La mobilité de la SE

14 Supplément à la Revue Lamy - droit des affaires déjà citée n° 3128 - Longue histoire pour la naissance de la Société européenne.15 Voir article 39§5 ou 43§4 "Un Etat membre peut adopter les mesures appropriées concernant les SE".

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Non seulement la SE bénéficiera d'un seul corps de règles dans l'Etat de son immatriculation, mais elle jouira pour la première fois du droit à la mobilité dans l'ensemble de l'Union reconnu en vain par l'art. 220 du Traité de Rome :

1) "la possibilité de fusion de sociétés relevant de législations nationales différentes"

2) "le maintien de la personnalité juridique en cas de transfert de siège de pays en pays".

(1) La fusion transfrontalière permettra ainsi :a) des opérations de restructuration faisant réaliser à la SE des économies considérables. Il est par exemple indéniable qu'après fusion de ses 15 filiales dans 15 Etats différents, la SE n'aura plus à convoquer qu'une seule Assemblée générale et un seul conseil d'administration. Elle pourra n'avoir qu'un seul service financier - comptable - du personnel - de recherche et n'être soumise qu'à un droit applicable à la place des 15 antérieurs.Il est indéniable qu'elle pourra constituer à la majorité qualifiée une seule SE par ligne de produit, par secteur d'activité ou par secteur géographique, alors que le Groupe pouvait avoir acquis au fil des acquisitions "la simplicité d'un circuit électrique" selon l'expression du Professeur Viandier16.Il est indéniable que son management unifié sera plus efficace que la multiplicité des dirigeants des filiales souvent jaloux de leur autonomie et de leur autorité et que les décisions stratégiques seront plus rapidement exécutées par les gérants des établissements issus de la fusion.b) la fusion transfrontalière sera également la voie royale pour toutes les opérations de coopération entre sociétés d'Etats membres différents. Que l'on songe par exemple à une PME à la frontière française n'ayant pas les moyens d'acquérir un équipement coûteux fusionnant avec une PME à la frontière belge dans le même secteur d'activité. Chacune des sociétés pourra, à coûts partagés, développer son activité sur les deux territoires.

(2) Le transfert de siège social sera pour la première fois possible pour la SE à la majorité qualifiée sans dissolution et avec maintien de la personnalité juridique. Ainsi non seulement la SE pourra lors de sa constitution choisir librement le lieu de son siège dans n'importe quel Etat membre, mais après constitution il lui sera loisible de le déplacer si cette décision lui paraît conforme à ses intérêts.

E./ Une seule structure pour quels projets ?

(1) La SE sera le véhicule juridique privilégié pour la réalisation des grands projets frontaliers : lignes de TGV Lyon - Milan - Turin ou Narbonne - Barcelone. Tunnel sous les Alpes ou sous la Manche. Exploitation d'une ligne aérienne par 2 compagnies d'Etats membres différents, etc.

(2) La SE permettra de regrouper des grandes entreprises d'Etats membres différents dans le même secteur d'activité pour améliorer leur compétitivité et leur donner une dimension européenne : le Groupe Arcelor a ainsi annoncé qu'il s'immatriculerait en SE dès que ce serait possible en octobre 2004. Des grandes

16 Droit des sociétés - 10e édition, p. 635 in fine - éditions Litec.

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banques ou Compagnies d'Assurances ont le même projet, tout comme d'autres entreprises qui tiennent à préserver l'anonymat.

(3) La SE permettra d'attirer des capitaux privés grâce à la simplification de la structure des groupes qui donne plus de lisibilité aux marchés financiers.

(4) La SE permettra de lutter contre des OPA hostiles grâce à un regroupement en son sein d'entreprises "opéables".

(5) La SE permettra à certains groupes extra européens de brandir un drapeau européen: des entreprises japonaises, chinoises, suisses, américaines, australiennes ont ainsi l'intention de constituer des SE par fusion de certaines de leurs filiales dans divers Etats membres.La souplesse d'utilisation de la SE trouve un autre champ d'action puisque la directive lui permet par des accords sur mesure de constituer vraiment une seule structure sociale pour tous ses salariés dans les divers Etats membres.

III. L'établissement d'une seule structure sociale

Elle sera facilitée par le fait que la SE aura pu librement choisir une structure moniste ou dualiste. Ainsi sera-t-il apprécié par les fondateurs de pouvoir opter pour une structure dualiste pour l'ensemble de la SE si l'on préfère introduire des représentants des travailleurs dans un conseil de surveillance plutôt que de les introduire dans un conseil d'administration.

A./ La cogestion

Contrairement à ceux qui croient toujours que la SE sera le vecteur de la participation, voire un cheval de Troie, il est important de rappeler le Principe "Avant-Après" consacré solennellement pour la SE :

– si avant sa constitution aucune des sociétés participantes n'avait introduit de représentants des travailleurs dans son organe d'administration (système moniste) ou son organe de surveillance (système dualiste), la SE ne sera tenue que d'informer et consulter ses salariés et en aucune façon d'organiser leur participation à la gestion.

– si en revanche, avant la fusion un quart des salariés de la future SE étaient représentés dans les organes des sociétés participantes, (ou la majorité en cas de constitution d'une holding ou filiale commune), la SE devra organiser le même système de participation pour tous les salariés de la SE. Un Etat membre est toutefois libre de ne pas transposer ce principe dans sa législation dans la mesure ou il s'oppose à ce qu'une minorité puisse imposer son système à la majorité. Dans ce cas, une telle SE ne pourra être immatriculée sur son territoire. En tout état de cause, si l'Assemblée générale des actionnaires ne souhaite pas que la future SE organise la cogestion de ses salariés conformément à la directive, elle a la faculté de ne pas poursuivre l'immatriculation de la SE dans les cas où un accord des partenaires sociaux prévoirait cette cogestion ou, faute d'accord, dans le cas où l'application de l'annexe l'organiserait (cf. article 23§2 du Règlement en cas de fusion et 32§6 pour la holding SE).

Le dernier mot est ainsi laissé aux actionnaires puisque la SE ne peut être immatriculée que lorsqu'on s'est mis d'accord sur l'implication des travailleurs de la SE. C'est à dire

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leur information, leur consultation voire leur participation aux organes pour préserver les droits acquis des salariés.

B./ L'accord

Le volet social de la SE repose sur un accord conclu en toute "autonomie des parties" (article 4 de la directive). Cette autonomie totale devrait permettre à chaque SE d’avoir un système « sur mesure » selon la culture de l’entreprise en créant en outre un esprit de corps entre les « salariés européens » de la future SE. On peut légitimement penser que le système adopté par voie d’accord sera influencé par le lieu du siège de la future SE : une immatriculation dans l’un des 7 Etats « avec Participation » devrait favoriser des accords « avec Participation »alors qu’une immatriculation dans l’un des 8 Etats « sans Participation » ne devrait s’accompagner d’un accord sur la participation que si une proportion significative des salariés en bénéficiait avant cette constitution. Le Considérant n° 17 de la directive insiste à ce sujet sur « la garantie des droits acquis des travailleurs  comme « principe fondamental et objectif déclaré » ajoutant que « les droits des travailleurs existant avant la constitution des SE devraient être à la base de l’aménagement de leurs droits en matière d’implication dans la SE » (principe « avant-après »). L’article 4 § 3 de la Directive précise s’il en était besoin que l’accord n’est pas soumis aux dispositions de référence visées à l’annexe. Il n’y a donc pas de fixation d’un contenu minimum de l’accord conclu en toute autonomie des parties.

C./ Rapports avec la directive "Comité d'entreprise européen"

La directive "SE" paraît très compliquée c'est vrai, mais en réalité, l’information et la consultation visés par la directive sur l’implication des travailleurs dans la SE ont été directement inspirées par la directive concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen du 22 septembre 199417, qui vise également l’Information et la consultation des travailleurs des « entreprises ou groupes d’entreprises de dimension communautaire ». Ce texte prévoit la création d’un groupe spécial de négociation, la conclusion d’accords « dans un esprit de collaboration » en préservant « l’autonomie des parties » et faute d’accord, l’application de prescriptions subsidiaires devant satisfaire aux dispositions de l’annexe (copie conforme de celle retenue pour ce qui concerne l’Information et la consultation dans la SE).L’article 13 de la Directive « SE » prévoit ainsi que si la SE est une entreprise de dimension communautaire au sens de la directive 94/45/CE ou 97/74/CE18, le groupe spécial de négociation peut décider de ne pas entamer de négociations ou de clore des négociations déjà entamées. Dans ce cas, la SE continuera à appliquer l’accord conclu au niveau des sociétés participantes. On peut imaginer que telle sera la situation lorsque les accords conclus au niveau des sociétés participantes donnent toute satisfaction aux partenaires qui les ont conclus. Dans le cas contraire (ou si aucun accord n’avait pu être conclu), une nouvelle négociation sera engagée au moment de la constitution de la SE sur les mêmes bases pour ce qui concerne l'information et la consultation, et sur des bases nouvelles concernant la participation aux organes non prévue par les 2 directives susvisées.

17 Directive 94/45/CE – JOCE n° L 254/64 du 30.09.1994.18 Directive 97/74/CE – JOCE n° L 10 du 16.01.1998, p. 22.

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IV. Le volet fiscal

Quelle sera la fiscalité applicable à la SE ?C’est LA question première des responsables d’entreprises qui souhaitent qu’un Règlement communautaire s’accompagne d’avantages fiscaux en faveur de ceux qui opteront pour cette nouvelle structure communautaire.La question est également posée par ceux qui souhaitent que la SE s’accompagne au moins de mesures fiscales permettant d’opter pour le Statut de SE sans être pénalisé : traitement fiscal spécifique.Dans toutes ses initiatives la Commission veille à éviter des distorsions de concurrence entre entreprises et à assurer la neutralité du traitement fiscal quelle que soit la forme de la société : le choix de la SE ne devrait pas se faire en fonction de son intérêt fiscal, mais plutôt pour son intérêt intrinsèque en droit des sociétés qui permet la mise en place d’un cadre juridique communautaire à la place d’un réseau complexe et coûteux de filiales soumises aux divers droits nationaux. Toutefois, il faut éviter que la SE soit pénalisée.

a) Le principeLes sociétés européennes seront traitées comme n’importe quelle autre entreprise multinationale, c’est-à-dire qu’elles seront soumises à la législation fiscale nationale applicable au niveau de la société comme de ses établissements.

b) Les spécificitésLes SE constituées par voie de fusion, immatriculées dans un Etat membre particulier et exerçant leurs activités par l’intermédiaire d’établissements établis dans divers pays bénéficieront d’un avantage fiscal lié à cette multiplicité d’établissements. En effet, si leur bénéfice global est imposé dans l’Etat membre où elles ont leur siège, elles pourront compenser les pertes de certains établissements stables par les profits enregistrés par la société. En pratique, une telle compensation est rarement envisageable lorsque la société mère est constituée comme une entité indépendante, opérant par le biais de filiales dotées d’une personnalité juridique propre. Cette consolidation fiscale est commune dans les Etats membres pour ce qui concerne les établissements. Elle n'est possible en France (qui applique le principe de territorialité de l'impôt) que lorsque, par accord, l'administration fiscale a autorisé une consolidation mondiale (11 groupes bénéficient d'un tel système privilégié). Les SE constituées par voie de fusion seront le premier type de société à pouvoir bénéficier de la directive concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions intéressant des sociétés d’Etats membres différents (90/434/CEE)19. Ce texte prévoit la taxation des seules plus-values réalisées au moment de la fusion, mais non des plus-values latentes, dans la mesure où un établissement stable est maintenu dans l’Etat où la société était immatriculée avant la fusion. Il faudra toutefois procéder à une modification technique de cette directive pour ajouter les SE aux catégories de sociétés entrant dans son champ d’application.Il en sera de même pour éviter la double imposition en cas de distribution des bénéfices entre sociétés d’Etats membres différents, grâce à la directive 90/435/CEE20.La SE devra également être ajoutée à la liste des sociétés visées par la future directive visant à éviter la taxation, des intérêts et redevances payés entre sociétés d’un même groupe. Un accord politique a été obtenu sur cette directive au Conseil « écofin » des 26-27 novembre 2000.

19 JOCE L 225 du 20 août 1990.20 JOCE L 225 du 20 août 1990.

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Les SE bénéficieront en outre des conventions fiscales en vigueur dans les Etats membres où elles sont situées. Elles bénéficieront aussi de la convention d’arbitrage 90/436/CEE21 qui a pour objet d’éliminer la double imposition en cas de correction des bénéfices d’entreprises associées, qui s’applique à toutes les formes d’entreprises et donc également à la SE (article 4).Une fois constituée, la SE aura la possibilité de transférer son siège social dans un autre Etat membre avec maintien de sa personnalité juridique et sans dissolution. Il faudra éviter que les lois fiscales actuellement en vigueur dans certains Etats membres continuent à taxer ce transfert « comme s’il » s’agissait d’une dissolution. Si tel devait être le cas, des mesures fiscales devraient être adoptées par le Conseil dans la ligne de ce qui fut adopté en cas de fusion, pour que seules soient taxées les plus values réalisées, mais non les plus values latentes dans la mesure où serait maintenu un établissement stable dans l’Etat du siège d’origine. A ce sujet il est intéressant de rappeler la thèse très convaincante de M. Menjucq pour ce qui concerne les SE immatriculées en France22. L'article 221§3 du code général des impôts prévoit que le transfert de siège à l'étranger de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés n'est pas assimilé à une dissolution d'entreprise "lorsqu'il existe (par renvoi à l'article 225-97 du code de commerce) "une convention entre la France et l'Etat d'accueil assurant le maintien de la personnalité morale de la société". Or le Règlement, (article 8) prévoit expressément que "ce transfert ne donne lieu ni à dissolution ni à création d'une personne morale nouvelle". Ce texte prévoit incontestablement "le maintien de la personnalité morale de la société". On imagine mal qu'une loi fiscale nationale inférieure dans la hiérarchie des normes au texte d'un Règlement communautaire ignore un tel Règlement directement applicable dans 15 voire 25 Etats membres, alors qu'il eût fléchi devant une simple convention bilatérale qui se serait bornée à prévoir le maintien de la personnalité morale de la société que le Règlement organise précisément.La SE et les prix de transfert : Il serait intéressant d'examiner si les sociétés bénéficiant d'une consolidation mondiale (11 groupes en France) ou les sociétés des autres Etats membres bénéficiant d'une consolidation fiscale entre la société et ses établissements resteront tenues de payer les prix de transfert normalement dûs entre la société et ses filiales. Dans le cas contraire, des économies considérables pourraient être réalisées par les SE. Nous ne pouvons qu'encourager les experts fiscaux à examiner ce point au moment où ils envisageront de constituer une SE.

Il serait utile d'aller plus loin encore et d'obtenir que les taux d'imposition des sociétés soient rapprochés et que les SE soient taxées au niveau du siège, les Etats concernés se répartissant ce qui leur reviendrait. En réalité, la SE ayant le choix du lieu de son siège, qu'elle peut en outre transférer librement, saura choisir le régime fiscal qui lui paraîtra le meilleur. L'harmonisation fiscale qui n'aura pu être réalisée par la grande porte le sera par la petite, car les Etats qui ne se satisferont pas de la fuite des SE de leur territoire prendront les dispositions qui s'imposent. La Commission a proposé que la SE soit un "projet Pilote"23, mais il est trop tôt pour connaître l'issue de ce voeu qui permettrait aux SE de ne faire qu'une seule déclaration de bénéfices et de payer avec un seul chèque selon le souhait des entreprises.

21 JOCE L 225 du 20 août 1990.22 M. Menjucq - La Société européenne. Revue des Sociétés - Dalloz n° 2, Avril-Juin 200223 SEC(2001) 1681 octobre 2001 "La fiscalité des sociétés dans le Marché intérieur".

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CONCLUSIONSLe texte actuel de Règlement contient 70 articles. Les versions de 1970 et 1975 en comptaient près de 300. La SE n’est plus ce navire immense voguant hors des eaux territoriales loin des côtes des Etats membres et sur lequel personne ne pouvait monter. La SE est devenue un navire de croisière quittant son port d’attache pour longer les côtes des Etats membres et emmener à son bord tous ceux qui souhaitent profiter de ses avantages. Face aux critiques de certains théoriciens du Droit contre ce Statut nouveau, pourtant plus proche des entreprises et de leur environnement juridique et social, on songe à ces mots du Général De Gaulle « Eh oui, il y a toujours ceux qui regrettent le charme des lampes à huile et de la marine à voile" » ! Le Statut nouveau a incontestablement gagné en souplesse et simplicité. Il a été débarrassé

de ces contraintes que constituait le droit des groupes obligatoire (qui n’est inclus, encore aujourd’hui, que dans le droit allemand et le droit portugais) ou la participation obligatoire dans les organes de la société (que seuls 7 Etats membres ont introduite selon des modèles généralement minoritaires mis à part le modèle paritaire allemand) ou encore l’obligation d’opter pour un système dualiste (que très peu d’Etats ont consacré dans leur législation).

Le Statut nouveau a gagné en ouverture en particulier en faveur des PME : le capital minimum requis en 1970 était important en cas de fusion : 500.000 écus tombés à 250.000 dans la version de 1975. Il n’est plus que de 120.000 euros à la portée de la plupart des entreprises qui souhaitent développer leur activité transfrontalière. L’accès a même été ouvert aux sociétés étrangères ayant conservé hors de l’Union leur administration centrale, leurs centres de décisions stratégiques, à la seule condition qu’elles soient immatriculées dans un Etat membre et aient « un lien effectif et continu avec l’économie d’un Etat membre ». C’est à dire un simple établissement dans l’Union. On ne peut plus parler de « forteresse Europe ». Les filiales de groupes japonais ou américains ne s’y sont pas trompées, qui manifestent un intérêt sans cesse croissant pour ce nouveau véhicule juridique afin de conforter leur image de marque européenne , réduire leurs coûts de fonctionnement et améliorer leur efficacité. Le Statut nouveau a encore gagné en ouverture en autorisant la transformation en SE d’une société nationale qui prouve son caractère européen par une filiale depuis au moins 2 ans dans un autre Etat membre.

Le texte actuel de Directive a également été assoupli pour tenir compte de la diversité des traditions nationales. Un Etat est même autorisé à ne pas transposer dans sa législation les dispositions sur la participation des salariés en cas de fusion s’il préfère être privé du droit d’immatriculer une SE plutôt que de consacrer dans sa loi le droit d’une minorité à imposer son modèle de participation à une majorité des salariés de la SE. Des accords « sur mesure » conclus en toute autonomie des parties respectant la culture de l’entreprise et créant un esprit de corps entre ces « salariés européens » sont également un gage de cette souplesse nouvelle.Faute d’accord, les dispositions de référence tiennent également compte des traditions différentes. Ainsi l’objectif de la directive n’est pas d’exporter la participation là où elle n’existait pas, mais de préserver les droits acquis des salariés à cette participation selon le principe « avant-après » décrit dans le Considérant n° 17.

Le Statut nouveau a gagné en attrait : de nombreux groupes manifestent actuellement leur intérêt pour la SE. Ils insistent sur le fait que la simplification de la structure des groupes donnera plus de lisibilité aux marchés financiers et offrira aux SE une visibilité accrue sur la scène européenne et internationale. Ils estiment aussi que la constitution de SE permettra, en les renforçant, de permettre à certaines entreprises de ne pas subir des O.P.A. hostiles. Ils estiment également que la SE leur fera faire d’importantes économies d’échelle et des gains de productivité encore plus importants.

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Certes, il y a encore des prophètes de mauvais augure sur le manque d’intérêt de la SE, les Sociétés européennes créées les démentiront.

EUROPEAN COMMISSIONBrussels, 17.11.2010SEC(2010) 1391 final

COMMISSION STAFF WORKING DOCUMENTAccompanying document to the Report from the Commission to the European

Parliament and the Council on the application of Council Regulation 2157/2001 of 8 October 2001 on the Statute for a European Company (SE)

COM(2010) 6761. INTRODUCTION

The European Company Statute ("SE Regulation")1 was adopted on 8 October 2001 after more than 30 years of negotiations in the Council. It offered the possibility to create a new legal form called a European Company, also referred to as an SE after its Latin name Societas Europaea. The main idea behind the SE Regulation was to make it easier for companies and groups with a "European" dimension to combine, plan and carry out the reorganisation of their business on an EU scale.Article 69 of the SE Regulation requires the Commission to present a report on its application including proposals for amendments, where appropriate, five years after the entry into force.This Staff Working Document accompanies the Commission Report. It provides a description of the inventory of SEs and the implementation of the Member State options contained in the SE Regulation, as well as more detailed description of the practical problems encountered in the course of setting up or running an SE.2. APPLICATION OF THE SE STATUTE

2.1. The inventory of SEs and their characteristics2

As of 25 June 2010, 595 SEs were registered in the EU/EEA Member States. The number of SEs increased in an exponential way from 2004 to 2008. In 2009 fewer new SEs were created than in 2008, but in 2010 the trend was again an increased number of new SEs created. The number of new SEs set up each year from 2004 to mid-2010 was 9 in 2004, 16 in 2005, 35 in 2006, 88 in 2007, 179 in 2008, 156 in 2009 and 112 in 2010 as at 25 June3. Reportedly 6 SEs have been liquidated4 and 1 SE converted to a national legal form (German GmbH). For the purpose of the inventory of SEs, four types of SEs can be distinguished: (1) SEs with more than a few employees; (2) SEs that have activities but no or very few employees; (3) SEs that seem to be operating but on which there is no information on the number of employees; (4) shelf SEs, i.e. SEs with no activities or employees that are usually set up by professional company providers with the purpose of selling them afterwards to interested buyers. SEs mentioned in points (1)-(3) are hereafter referred to as "non-shelf" SEs. The presentation of the inventory of SEs below is supplemented with more detailed information in Annexes 1 to 6.As of 25 June 2010, SEs were registered in 21 out of the 30 EU/EEA Member States, with the vast majority (around 70%) in the Czech Republic or Germany. Very few SEs were registered in Southern European Member States, with the exception of Cyprus. Around 10% of the SEs were listed companies5. Approximately 25% of all SEs had five or more employees of which half were registered in Germany. 6% of all SEs, most of them registered in the Czech Republic, had less than 5 employees. 14% of all SEs were operating but seemed to have no employees. This type of SEs accounted for at least half

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of the SEs in the Netherlands, the United Kingdom, Ireland, Denmark, Poland and Spain. Around 42% of all SEs seemed to be operating but no information was available on the number of employees. A large majority of them were registered in the Czech Republic and a substantial percentage in France, Luxembourg, Cyprus, Belgium and Liechtenstein. The remaining 13% were shelf SEs not yet activated6 as at 25 June 2010. 95% of these shelf SEs were registered in the Czech Republic, Germany or Slovakia. Further 36% of all SEs were originally set up as shelf SEs but had been activated7.49 SEs had transferred their registered office from one Member State to another. Whereas the United Kingdom (13) and Cyprus (6) were the most frequently chosen destinations, the largest number of SEs moved away from the Netherlands (17), Luxembourg (9), Germany (7) and the Nordic countries (6). Almost all SEs that had transferred their registered office were operating SEs. Most of them had no employees, but at least 20% of the transfers involved SEs with 5 or more employees. More than 80% of the SEs of which activities were known were active in the services sector (55% in the financial services sector alone) and 8% in the metal sector. The trend shows an increase in seat transfers from year to year8.Concerning the method of creation of an SE the trends vary considerably from one Member State to the other and depend on whether or not setting up of shelf SEs is excluded from the calculation of statistics. If shelf SEs are excluded, setting up an SE through conversion of a public limited-liability company was in general the most frequently used method (40%), followed by a cross-border merger between public limited-liability companies (25%), setting up a common subsidiary SE (18%), setting up a SE subsidiary by an existing SE (10%) and setting up a holding SE (7%)9.Regarding the legal form of the founding companies, apart from public limited liability companies, also private limited-liability companies have participated in the creation of SEs when it was legally possible (i.e. creation of a holding SE and a common subsidiary SE).Private limited-liability companies, of which a majority were German, participated in almost 60% of the cases of the creation of (non-shelf) holding SEs and close to 80% of the cases of the establishment of (non-shelf) common subsidiary SEs10. Private limited-liability companies have also participated in setting up SEs through merger and conversion, but only after first having transformed into a public limited-liability company11. Other types of companies were seldom founders of SEs.Concerning the nationality of the founding companies there is a trend that in most cases where a German company participated in the founding of a non-shelf SE, the SE would be registered in Germany12. Only in 2% of all cases had an SE been set up in a Member State where neither of its founding companies was registered.The SE is typically a corporate form chosen by groups of companies. 75% of the non-shelf SEs were parent companies, whereas only around 20% of them were subsidiaries and less than 5% were independent companies13.The fields of activities for non-shelf SEs mirror to a large extent the sizes of the economic sectors in the EU. However, there were even more SEs in the services sector as a whole compared to the economy at large (85% vs. 72%). On the other hand, there were fewer SEs, for instance, in the construction sector compared to the economy at large (2% vs. 6%). The most dominant field of SEs' activities were finance and insurance (31%) and other services (27%). Other fields of activities were real estate (14%), manufacturing (12%) and wholesale and retail trade (11%)14.Concerning the board structure, in almost all Member States (except the Netherlands and Spain) a majority of non-shelf SEs had chosen the same board structure (one-tier15

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or twotier16) as the one available to or commonly used by the national public limited-liability companies in that Member State. Since most SEs were set up in Member States where the two-tier board structure is the most common system, the result is that a majority of SEs have also chosen a two-tier board structure. However, a one-tier board structure was chosen more often in Member States with a two-tier board system than the contrary. Furthermore in all Member States that allow both the one- and two-tier system for national public limited liability companies, a majority of the SEs had chosen the one-tier system. In general, very few SEs are set up in countries that already allow both systems. The one-tier board structure was preferred by a majority of the SEs without employees and by around 40% of the SEs with 5 or more employees17. Most often the size of the board remained the same (in the vast majority of cases the board before and after the SE creation was composed of 2-5 members). In cases where the board's size had changed, the number of board members had more often increased than decreased18.Almost 70% of all SEs, most of them shelf SEs, were created with a subscribed capital equal to the minimum capital requirement of €120,000. Around one third of all non-shelf SEs, most of which came from Germany, were set up with an initial subscribed capital of above €10 million. 8% of the SEs had raised their subscribed capital after their formation19.The average balance sheet total of non-shelf SEs was €524 million, the highest average coming from German SEs (€1,586 million). In countries like Belgium and Slovakia the average balance sheet total was much lower (€17 million and €4 million respectively). Based on the information on German SEs, the operating SEs with five or more employees had an average balance sheet total double the size of the overall average.The average net turn over of non-shelf SEs was €366 million, the highest average coming from the German SEs (€1,351 million). Several SEs had no net turnover according to the annual accounts20.Most SEs were set up without employees, mainly due to the fact that around half of all SEs were originally set up as shelf SEs. Around 34% of all non-shelf SEs were set up with more than 250 employees. Half of these SEs were German21. Due to insufficient data no comment can be provided on the developments as regards the number of employees after the formation of the SEs.2.2. The SE legislation applicable in the different Member StatesCouncil Regulation 2001/2157/EC on the Statute for a European Company (SE) contains not only provisions that are directly applicable in all Member States22, but also cross-references to the national legislation applicable to public limited-liability companies ("national companies")23 as well as several Member State options24. As a result the legislation applicable to SEs varies, sometimes considerably, from one Member State to the other.According to the external study conducted on behalf of the Commission25 in general Member States have implemented the SE options in such a way as to align the SE rules with the rules for national companies. However, for some Member States there are more exceptions to this trend than for others. An analysis of the flexibility26 of the rules applicable to the SE compared to the rules governing the national companies shows that the United Kingdom, Denmark, Belgium and Greece have adopted the most flexible approach for the SE, while Romania, Bulgaria, Slovenia, Portugal, France and Cyprus rate lowest. A comparison of this rating with the distribution of SEs shows that only for the United Kingdom (23 SEs), Belgium (9 SEs), Portugal (1 SE), Bulgaria, Romania and Slovenia (all with no SE) there may be some positive correlation. On the other hand, the

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relatively high flexibility rating for Greece (no SE), Denmark (2 SEs) and to some extent Spain (1 SE) and Italy (no SE) does not match with the low number of SEs in those countries, especially if compared to e.g. France (19 SEs) and Cyprus (12 SEs) who have a low rating and a relatively high number of SEs.The study also assessed the flexibility of the SE rules in each Member State compared to the SE rules in the other Member States. This assessment was based on how the Member States implemented the options provided for in the SE Statute and on the national legislation in cases where the SE Statute explicitly refers to it. The analysis indicates that Luxembourg, Italy and the United Kingdom have the most flexible rules for SEs and Cyprus, Germany, Portugal, Sweden, France and the Czech Republic have the least flexible rules compared to the other Member States. A comparison of this rating with the distribution of SEs shows that only for the United Kingdom (23 SEs), Luxembourg (16 SEs), Portugal (1 SE) and to a lesser extent, the Netherlands (24 SEs), Slovakia (22 SEs) and Belgium (9 SEs) is there some positive correlation. On the other hand, for the Czech Republic (281 SEs), Germany (134 SEs), France (19 SEs) and Cyprus (12 SEs), the correlation is rather negative and, therefore, the rating can not provide any explanation for the distribution of SEs in these Member States.The different implementation of the options and the different national company law rules applicable to SEs could thus be one amongst other explanations for the distribution of SEs in certain Member States. However, the results of the above legal analysis should be looked at taking into account the following limitations: (i) the method of assessing flexibility27; (ii) the fact that the aggregated legal analysis does not capture the relative importance of the analysed rules for companies28; (iii) the scope of the rules analysed, e.g. it does not include all company law rules and other areas such as tax, insolvency, employee involvement or social security law. Moreover, the legal analysis does not take into account any non-legal drivers that could partially explain the distribution of SEs across the Member States, e.g. differences in the value of the European image for companies in different Member States or differences in the averagesize of national companies.Close to half of the respondents to the public consultation stated that the content of national company law rules applicable to SEs does not seem to be the actual driver for choosing the SE form, however, according to many of them other rules such as fiscal law, labour law or the requirement on minimum capital could be important in assessing the attractiveness of national provisions applicable to SEs.

3. PRACTICAL PROBLEMS IN THE COURSE OF SETTING UP OR RUNNING AN SE29

In addition to the main problems highlighted in the Report, a more detailed presentation of the practical problems identified by the consulted stakeholders is provided below.3.1. Practical problems related to setting up of an SE3.1.1. Limited methods of setting up an SENo possibility to form an SE by way of cross-border division . It is argued that division is an obvious instrument for restructurings both within and across the boarders of a Member State and that a cross-border division whereby an SE will be formed would be easier and less time-consuming than the alternatives that already exist 30. It is also argued that although there is no legislation at EU level on cross-border divisions, the jurisprudence of the European Court of Justice has already made it possible to carry out a cross-border division when the companies involved are governed by the laws of different Member States31.

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Only public limited-liability companies can be transformed into an SE and participate in a merger to set up an SE. This makes the SE form more easily available only for larger entities, but makes it more difficult for smaller entities which would normally use a private limited-liability company form.3.1.2. The cross-border requirementThe period of at least two years during which the promoting or forming companies have had a subsidiary company or a branch in another Member State is considered an obstacle.3.1.3. The minimum capital requirementThe high level of the minimum capital requirement (€120,000) is a disincentive forSMEs to adopt the SE particularly in some Member States where SMEs account for about99% of all companies (e.g. Italy and Portugal).3.1.4. The date of creation of the SEFor a conversion into an SE, delays between the shareholders’ meeting approving the conversion and the registration of the SE in the registrar of the commercial court can be a problem, especially for listed companies (particularly when listed on several stock exchanges) where the time factor is of vital importance. Furthermore, the provisions of the Regulation differ from some national provisions, e.g. the effective date of conversion of French national companies can be the date of the shareholders’ meeting approving the conversion.3.1.5. The procedure on employee involvement in the SEThe requirement to conclude the negotiations on employee involvement before the registration of the SE was mentioned by several respondents as a practical problem, because it creates substantial delays and uncertainty in the registration of the SE (3 months to set up the Special Negotiation Body (hereinafter: ‘SNB’) and then potentially 6-12 months to negotiate an agreement). It can especially create substantial problems in a merger scenario.Registration of a ‘shelf’ SE. The SE Statute does not clearly regulate a situation where neither the SE nor any of the participating companies has employees at the time of establishing the SE. A clarification in the SE Statute is suggested.As well as the following ones concerning directly the SE Directive:The rules do not take into account if the group on a higher level than the SE already has a supranational employee involvement body, e.g. a European Works Council.National law is governing the rules for the establishment of the SNB and SE works council. However, the respective national rules differ considerably and there is uncertainty on how to calculate the number of employees relevant for the procedure. It is especially complex when the participating companies are large groups with several interdependent subsidiaries and branches in different countries.Limited number of employees (in the case of merger). The rules with respect to employee participation upon the formation of an SE by merger also have to be followed in case only a limited number of employees are involved. This is not necessarily the case for a cross-border merger based on the Cross-Border Merger Directive. In such a case, said rules will in some cases only have to be followed if certain thresholds are met. As a result, parties will have a strong preference for such a cross-border merger and will not opt for the use of an SE.Election of the member of the SNB. In some cases, it could be possible that none of the employees is eligible or wants to be elected a member of the SNB. In that case, negotiations cannot be started and, due to its non-existence, the SNB also cannot decide

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to open negotiations or to terminate negotiations already opened and to rely on the rules onthe information and consultation of employees in force in the Member States where the SE has employees. The absence of an agreement on arrangements for employee involvement or the absence of a decision not to open negotiations or to terminate negotiations would be an obstacle in the registration of the SE.3.1.6. Problems stemming from the lack of clarity and complexity of the SE Statute(interpretational issues)(i) Definition of a subsidiary:Definition of subsidiary (Article 2 of the SE Regulation). Article 2(3) and 2(4) make a reference to a ‘subsidiary’ but the Regulation contains no definition of this term. As a result the Member States have different definitions of a subsidiary. It is not clear if a subsidiary could also be a subsidiary of the company's subsidiary.(ii) Formation of an SE through cross-border merger:Article 17 of the SE Regulation in relation to Article 37(3). Article 17(2)(a) allows for the formation of an SE by means of a merger by acquisition. A relevant issue in practice is whether or not it is possible to do simultaneously a merger by acquisition and a transfer of the seat of the acquiring company to another Member State than the Member State of the acquiring company.Article 18 of the SE Regulation. It is not clear which national rules apply to the formation of an SE by merger. Article 18 refers to “the provisions of the law of the Member State to which it is subject that apply to mergers of public limited liability companies in accordance with Directive 78/855/EEC (the ‘Third Directive’)”. It is unclear if the provisions of the applicable national laws on mergers which are not based upon the Third Directive (or even may deviate from it, if the Third Directive provides so) will also apply to an SE merger or whether only the provisions of national laws on mergers which are based upon and are in accordance with the Third Directive will apply. Furthermore, after the entry into force of the SE Regulation, also the Cross-Border Merger Directive became effective. Through Article 10 of the SE Regulation, the provisions of the Cross-Border Merger Directive and the applicable national laws in which this Directive is implemented are also applicable to a formation of an SE by a cross-border merger. It is uncertain to which extent such provisions will have to be applied and similar questions as to the relationship of the national laws on mergers which are based upon the ThirdDirective can arise.Article 20 par 1(b) of the SE Regulation. The determination of the share exchange ratio (merger). Within the Member States different (mandatory) methods for determining the value of the companies are used (e.g. in Germany the capitalized earnings valuation method prevails, whereas in other countries valuation methods based on multiples prevail). The differences in the valuation methods may lead to different results which could lead to serious difficulties in determining the applicable share exchange ratio for the purposes of merger. In practice absorbing companies may need to acquire 100% of the share capital of the absorbed companies before conducting a merger.Article 25 par 2 of the SE Regulation. The Regulation does not provide for a minimum content of the certificate of legality to be issued by the competent authority (merger).This situation is a source of problems for the authority that should receive the certificate issued by authorities from other Member States for each merging company. The same

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applies to the report of the independent expert examining the draft terms of merger (Article 22 of the SE Regulation).The relation between the formation of an SE through a cross-border merger and Article 37(6) of the SE Regulation (which requires an expert report certifying, in the case of conversion into an SE, that the company has net assets at least equivalent to its capital plus the non-distributional reserves). In an Austrian case of setting up of an SE by cross-border merger it was disputed whether or not such an expert report was also required on top of the merger requirements. Although it could seem contrary to the intentions of the legislator the Austrian court decided that the formation by cross-border merger entails also a conversion from a public limited liability company into an SE and therefore the expert report mentioned in Article 37(3) was required in the particular case.Language and translation requirements. Such requirements increase the costs of setting up an SE through a cross-border merger. Another problem mentioned by one respondent is that some local laws apparently do not allow bilingual draft terms of merger, and if the laws allow bilingual draft terms of merger notarisation requirements can be another problem: it can be difficult to find a notary who will notarise bilingual terms of merger if the notary does not understand both languages.(iii) Formation of an SE through conversion of a public limited-liability company:Article 37(3) of the SE Regulation. The simultaneous conversion of a public limited liability company into an SE and the transfer of the registered office to another Member State is expressly prohibited, but a consecutive transfer is allowed. A simultaneous conversion and transfer of the registered office would be less timeconsuming and would reduce administrative burden for the company32. The current prohibition to transfer the registered office at the same time as the conversion might also not be in accordance with the freedom of establishment (article 43 EC) following the Cartesio case33.Article 37 par 4 of the SE Regulation. The Regulation is not clear as to whether both the report and the draft terms of conversion have to explain and justify the legal and economic aspects of the conversion and indicate the implications for the shareholders and employees of the adoption of the form of an SE.(iv) Formation of a Holding SE:The SE Regulation contains extensive provisions on the procedure for the formation of a holding SE in Articles 32 to 34 and references are made to the procedure in the case of a merger. However, it is not entirely clear how the holding SE to be formed becomes a shareholder of its – future – subsidiaries. On the face of Article 33 para. 1 it appears that the shares in the future subsidiaries of the holding SE will be contributed to the SE, but the way in which this contribution has to be structured is not described in the SE Regulation.The Regulation also does not provide practical and secure solutions in case one shareholder of the contributing company becomes insolvent or if his shares are or become attached by one of his creditors. Such procedure may stop the process of setting up the SE.(v) Formation of a Subsidiary SE:Contrary to the formation of a holding SE, the SE Regulation does not contain extensive provisions on the procedure for the formation of a subsidiary SE. One can assume that the SE Regulation assumes that the participating companies pay up for the shares in the subsidiary SE. However, due to the absence of a legal framework for the formation of a subsidiary SE in the SE Regulation, it can be argued that the

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participating companies can, not only form a subsidiary SE by paying up for its shares, but that they can also form a subsidiary SE e.g. by a national or cross-border division, however, it is not clear.3.2. Practical problems related to the functioning of an SE3.2.1. ‘Activation’ of a ‘shelf SE’The SE Directive does not contain specific rules on the role of employees when an SE is activated or structural changes occur after its formation, such as changes to the structure of the SE, or the employment of employees or the acquisition of (part of) another company and its employees. In this way, there is potentially a possibility to circumvent the rules on employee involvement by establishing a shelf SE or acquiring the shares of a shelf SE and then carrying out certain activities – also referred to as the ‘activation’ of a shelf SE. The national laws of the Member States concerning the subject of structural changes in the SE, such as the activation of a shelf SE, differ from each other. Therefore, it is not clear in all cases how it should be dealt with in practice if a shelf SE is activated. If the law of a Member State is not clear, this law could be interpreted in conformity with the SE Directive. However, the interpretation of the national laws of the Member States in conformity with the SE Directive offers little legal certainty. A clarification of the SE Regulation/Directive could resolve the current legal uncertainty and remove the potential risk of circumvention.3.2.2. The requirement that the registered office and the head office of an SE are located in the same Member StateAccording to Article 7 of the SE Regulation, the registered office and the head office of an SE shall be located in the same Member State. It has the consequence, that, if the head office of an SE is moved, also the registered office has to be moved and vice versa. This is considered by many stakeholders as an obstacle in practice which is contrary to the nature of an SE as an international legal form designed for cross-border business and contrary to the practice of national regulations authorising the board of directors or the management board of companies to be held through videoconferencing or telephone conferencing systems. It is also argued that this requirement may be contrary to the freedom of establishment as mentioned in Article 49 of the TFEU Treaty.1 Council Regulation (EC) No 2157/2001 of 8 October 2001 on the Statute for a European Company(SE).2 Facts and figures are extracted either from the database "The European Company (SE) Fact sheets" (hereinafter: "ETUI database") available at http://ecdb.worker-participation.eu/ (this database is managed and updated by the Research department of the European Trade Union Institute (ETUI), which is financially supported by the EU) or from the "Study on the operation and the impacts of the Statute for a European Company" of 2009, (hereinafter: "E&Y study") commissioned by the Commission to Ernst & Young (the complete study can be found at:http://ec.europa.eu/internal_market/company/se/index_en.htm).3 The figures for the years 2004 to 2008 are extracted from the E&Y study. The data for 2009 and 2010 rely on the ETUI database.4 2 German, 2 from Cayman Islands, 1 from UK, 1 Latvian5 E&Y study, page 200.6 i.e. had been sold and started to conduct activity.7 See Annex 1 for more details on the distribution of different types of SEs across the EU/EEA Member States.8 See Annex 2 for more details on the inventory of seat transfers.9 See Annex 3 for more details.10 These findings are extracted from the data contained in Appendix 2.3. of the E&Y study.11 According to several German sources this is quite common in Germany12 According to the information in the "Factsheets on established SEs" of the "Study on the operation and the impacts of the Statute for a European Company" this was true in 57 out of 62 cases.13 E&Y study, p. 206.

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14 E&Y study; p. 183-184.15 A board structure with only one administrative board.16 A board structure comprising a management board and a supervisory board.17 See Annex 4 for more details on the choice of board structure.18 E&Y study, p. 199.19 See Annex 5 for more details.20 These were mainly SEs without employees.21 See Annex 6 for more details.22 For example Articles 2 and 3(2) contain an exclusive list of the methods possible to create an SE. 23 For example Article 24(1) of the SE Regulation, regarding the protection of the interests of creditors in companies participating in a merger to set up an SE.24 For example Article 40(3) of the SE Regulation, concerning the minimum number of members in the supervisory organ.25 The "Study on the operation and the impacts of the Statute for a European Company" analyses the references and options contained in the SE Regulation, which concerns rules related to (1) the formation of an SE; (2) the transfer of the registered office of an SE; (3) the management/organisation of an SE; and (4) other specific company law issues such as the options on requiring the registered office and head office in the same place and on the expression of the SEs capital when the SE is registered in a Member State located outside the Euro-zone.The analysis performed in the Study includes information on whether or not the different Member States have implemented the different options, and a description of the relevant legislation applicable to SEs. It also includes an assessment on the main differences between the Member States and on the flexibility of the relevant legislation compared both to other Member States’ legislation (inter Member States analysis) and to the legislation applicable to national public limited-liability companies (intra Member States analysis). The analysis covered 25 out of the 30 EEA Member States. Ireland, Lithuania, Malta, Iceland and Liechtenstein were not included.26 Flexibility was assessed for each option by comparing on one side the rule applicable to the SE resulting from the implementation (or non-implementation) of the option and on the other side the equivalent rule applicable to national public limited-liability companies. Take for example the option in Article 43(2) (an option to fix a minimum and maximum number of members of the administrative organ of the SE) if a Member State has no fixed number applying to their national companies but nonetheless chose to have such a rule for SEs registered in their territory, the rule applicable to the SE would be assessed "less flexible" than the national rule. The assessment of « flexibility » was conducted on the basis of a majority shareholder perspective. If another perspective had been chosen, e.g. creditor or employee perspective, the assessment of « flexibility » would in some cases have been different.27 For some of the rules analysed it is not very clear which variety of implementation should be considered the relatively more flexible.28 For instance, if some companies find the rules on the management/organisation of the SE to be more important than the other rules analysed and if, as a result, differences in the Member States' rules on the management/organisation of the SE could (partially) explain the distribution of SEs across Member States, then the aggregated analysis would not capture this trend. In fact the Czech Republic and Italy have the most flexible rules in that area (both in the intra and inter Member State analysis). This could thus possibly partially explain the many SEs in the Czech Republic but not the 0 SE in Italy.29 The information is based on the public consultation on the Ernst&Young study (http://ec.europa.eu/internal_market/company/se/index_en.htm).30 The current alternatives are: (i) national division and a subsequent cross-border merger, which can be carried out on the basis of the SE Regulation or the Cross-Border Merger Directive and the national laws implementing this directive and – if the cross-border merger is carried out on the basis of the Cross-Border Merger Directive – finally a conversion of the acquiring company into an SE, or (ii) a national division, followed by a conversion of the acquiring company into an SE and a subsequent transfer of the registered office of the SE.31 See the "Sevic" Case (C-411/03).32 Currently: one month for the conversion (Article 37 paragraph 5 of the SE Regulation) and two months for the transfer of the registered office (Article 8 paragraph 6 of the SE Regulation).33 Case 210/06.

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THEME 5

LES PROCEDURES D’INSOLVABILITE

A. TEXTES

1. Règlement (CE) nº 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité JO n° L 160 du 30/06/2000 p. 1.

2. Règlement (UE) n° 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 (refonte) – C. Henry, « Le nouveau règlement insolvabilité : entre continuité et innovations », D. 2015.979

B. JURISPRUDENCE

1. HIGH COURT OF JUSTICE (CH.D) LEEDS DISTRICT REGISTRY 16 May 2003 (affaire DAISYTEK)

2. CJCE 2 mai 2006 (EUROFOOD) aff. C-341/04, note de J.-L. VALLENS, JCP éd. E 2006, n° 2071 p 1220 : « Le règlement européen sur les procédures d’insolvabilité à l’épreuve des groupes de sociétés : l’arbitrage de la CJCE »

3. CJUE 21 janvier 2010 (MG PROBUD) aff. C-444/07

4. CJUE 20 octobre 2011 (INTEREDIL SRL) aff. C-369/09, D. 2011.2915, note J.-L. VALLENS

5. CJUE 22 novembre 2012 (BANK HANDLOWY) aff. C-116/11, D. 2013.468, note R. DAMMANNet H. LECLAIR DE BELLEVUE

6. CJUE 4 septembre 2014 (BURGO GROUP SpA), aff. C-327/13, Bull. Joly sociétés 2014.714, note F. JAULT-SESEKE ET D. ROBINE

7. CJCE 11 juin 2015 (NORTEL NETWORKS), aff. C-649/13, Bull. Joly sociétés 2015.514 note F. JAULT-SESEKE ET D. ROBINE

Pistes de travail   :

1. Rechercher les arrêts de la Cour d’Appel de Versailles et de la Cour de cassation dans l’affaire DAISYTEK et présenter les faits et solutions retenues en les comparant à la décision de la High Court of Justice de Leeds

2. Au vu du Règlement de 2000 et du Règlement refondu et de la jurisprudence de la Cour de Justice , présenter la notion du centre des intérêts principaux du débiteur (on pourra utilement consulter l’article de M. RAIMON, « Centre des intérêts principaux et coordination des procédures dans la jurisprudence européenne sur le règlement relatif aux procédures d’insolvabilité » JDI 2005.739)

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A. TEXTES1. Règlement (CE) nº 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité JO n° L 160 du 30/06/2000 p. 1

LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 61, point c), et son article 67, paragraphe 1,vu l'initiative de la République fédérale d'Allemagne et de la République de Finlande,vu l'avis du Parlement européen(1),vu l'avis du Comité économique et social(2),considérant ce qui suit:

(1) L'union européenne s'est fixé pour but d'établir un espace de liberté, de sécurité et de justice.

(2) Le bon fonctionnement du marché intérieur exige que les procédures d'insolvabilité transfrontalières fonctionnent efficacement et effectivement et l'adoption du présent règlement est nécessaire pour atteindre cet objectif qui relève du domaine de la coopération judiciaire civile au sens de l'article 65 du traité.

(3) Les activités des entreprises ont de plus en plus souvent des effets transfrontaliers et sont dès lors de plus en plus réglementées par le droit communautaire. L'insolvabilité de telles entreprises affectant également le bon fonctionnement du marché intérieur, il est nécessaire d'établir un acte communautaire qui exige la coordination des mesures à prendre concernant le patrimoine d'un débiteur insolvable.

(4) Il est nécessaire, pour assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, d'éviter que les parties ne soient incitées à déplacer des avoirs ou des procédures judiciaires d'un État à un autre en vue d'améliorer leur situation juridique (forum shopping).

(5) Ces objectifs ne peuvent pas être réalisés d'une manière suffisante au niveau national et une action au niveau communautaire est donc justifiée.

(6) Conformément au principe de proportionnalité, le présent règlement devrait se limiter à des dispositions qui règlent la compétence pour l'ouverture de procédures d'insolvabilité et la prise des décisions qui dérivent directement de la procédure d'insolvabilité et qui s'y insèrent étroitement. Le présent règlement devrait, en outre, contenir des dispositions relatives à la reconnaissance de ces décisions et au droit applicable, qui satisfont également à ce principe.

(7) Les procédures d'insolvabilité relatives à la faillite d'entreprises insolvables ou d'autres personnes morales, les concordats et les autres procédures analogues sont exclues du champ d'application de la convention de Bruxelles de 1968 sur la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale(3), modifiée par les conventions relatives à l'adhésion à cette convention(4).

(8) Pour réaliser l'objectif visant à améliorer et à accélérer les procédures d'insolvabilité ayant des effets transfrontaliers, il paraît nécessaire et approprié que les dispositions relatives à la compétence, à la reconnaissance et au droit applicable dans ce domaine soient contenues dans un acte juridique communautaire qui soit obligatoire et directement applicable dans tout État membre.

(9) Le présent règlement devrait s'appliquer aux procédures d'insolvabilité, que le débiteur soit une personne physique ou morale, un commerçant ou un particulier. Les procédures d'insolvabilité auxquelles s'appliquent le présent règlement sont énumérées aux annexes. Les procédures d'insolvabilité qui concernent les entreprises d'assurance et les établissements de crédit, les entreprises d'investissement qui fournissent des services impliquant la détention de fonds ou de valeurs mobilières de tiers, ainsi que les organismes de placement collectif, devraient être exclues du champ d'application du présent règlement. Ces entreprises ne sont pas couvertes par le présent règlement parce qu'elles sont soumises à un régime particulier et que les autorités de contrôle nationales disposent, en partie, de pouvoirs d'intervention très étendus.

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(10) Les procédures d'insolvabilités n'impliquent pas nécessairement l'intervention d'une autorité judiciaire; l'expression "juridiction", utilisée dans le présent règlement devrait être prise au sens large et comprendre une personne ou un organe habilités par le droit national à ouvrir la procédure d'insolvabilité. Aux fins de l'application du présent règlement, les procédures (comprenant les actes et les formalités fixés par la loi) devraient non seulement se conformer aux dispositions du présent règlement, mais être officiellement reconnues et exécutoires dans l'État membre dans lequel les procédures d'insolvabilité sont ouvertes et être des procédures collectives d'insolvabilité qui entraînent le dessaisissement partiel ou total du débiteur ainsi que la désignation du syndic.

(11) Le présent règlement tient compte du fait que, en raison des divergences considérables entre les droits matériels, il n'est pas pratique de mettre en place une procédure d'insolvabilité unique ayant une portée universelle pour toute la Communauté. L'application sans exception du droit de l'État d'ouverture susciterait dès lors fréquemment des difficultés. Cela vaut notamment pour les sûretés très différenciées qui existent dans la Communauté. Par ailleurs, les droits préférentiels dont jouissent certains créanciers sont, dans certains cas, conçus de manière très différente. Le présent règlement devrait en tenir compte de deux manières en prévoyant, d'une part, des règles spéciales relatives à la loi applicable pour certains droits et situations juridiques particulièrement importants (par exemple, les droits réels et les contrats de travail) et en autorisant, d'autre part, outre une procédure d'insolvabilité principale de portée universelle, également des procédures nationales qui ne concernent que les actifs situés dans l'État d'ouverture.

(12) Le présent règlement permet d'ouvrir les procédures d'insolvabilité principales dans l'État membre où se situe le centre des intérêts principaux du débiteur. Ces procédures ont une portée universelle et visent à inclure tous les actifs du débiteur. En vue de protéger les différents intérêts, le présent règlement permet d'ouvrir des procédures secondaires parallèlement à la procédure principale. Des procédures secondaires peuvent être ouvertes dans l'État membre dans lequel le débiteur a un établissement. Les effets des procédures secondaires se limitent aux actifs situés dans cet État. Des règles impératives de coordination avec les procédures principales satisfont l'unité nécessaire au sein de la Communauté.

(13) Le centre des intérêts principaux devrait correspondre au lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est donc vérifiable par les tiers.

(14) Le présent règlement s'applique uniquement aux procédures dans lesquelles le centre des intérêts principaux du débiteur est situé dans la Communauté.

(15) Les règles de compétence contenues dans le présent règlement ne fixent que la compétence internationale, c'est-à-dire qu'elles désignent les États membres dont les juridictions peuvent ouvrir une procédure d'insolvabilité. La compétence territoriale au sein de cet État membre doit être déterminée par la loi nationale de l'État concerné.

(16) La juridiction compétente pour ouvrir une procédure d'insolvabilité principale devrait être habilitée à ordonner des mesures provisoires et conservatoires dès le moment de la demande d'ouverture de la procédure. Des mesures conservatoires ordonnées tant avant qu'après le début de la procédure d'insolvabilité sont très importantes pour en garantir l'efficacité. Le présent règlement devrait prévoir à cet égard deux possibilités: d'une part, la juridiction compétente pour la procédure principale peut ordonner des mesures conservatoires provisoires également en ce qui concerne les biens situés sur le territoire d'autres États membres, d'autre part, un syndic provisoire désigné avant l'ouverture de la procédure principale peut, dans les États membres dans lesquels le débiteur possède un établissement, demander les mesures conservatoires prévues par la loi de ces États.

(17) Avant l'ouverture de la procédure d'insolvabilité principale, l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité dans l'État membre où le débiteur a un établissement ne devrait pouvoir être demandée que par les créanciers locaux et les créanciers de l'établissement local ou lorsque le droit de l'État membre où le débiteur a son centre d'intérêt principal ne permet pas d'ouvrir une procédure principale. Cette limitation est justifiée par le fait que l'on vise à limiter au strict minimum les cas dans lesquels des procédures territoriales indépendantes sont demandées avant la procédure d'insolvabilité principale; si une procédure d'insolvabilité principale est ouverte, les procédures territoriales deviennent secondaires.

(18) Après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité principale, le présent règlement ne fait pas obstacle à la demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité dans l'État membre où le débiteur a un

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établissement. Le syndic de la procédure principale ou toute autre personne habilitée à cet effet par la législation nationale de cet État membre peut demander l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité secondaire.

(19) Hormis la protection des intérêts locaux, les procédures d'insolvabilité secondaires peuvent poursuivre d'autres objectifs. Ce pourrait être le cas lorsque le patrimoine du débiteur est trop complexe pour être administré en bloc, ou lorsque les différences entre les systèmes juridiques concernés sont à ce point importantes que des difficultés peuvent résulter de l'extension des effets de la loi de l'État d'ouverture aux autres États où se trouvent les actifs. Pour cette raison, le syndic de la procédure principale peut demander l'ouverture d'une procédure secondaire dans l'intérêt d'une administration efficace du patrimoine.

(20) Les procédures principales et les procédures secondaires ne peuvent, toutefois, contribuer à une réalisation efficace de la masse que si toutes les procédures parallèles en cours sont coordonnées. La condition principale ici est une coopération étroite entre les différents syndics qui doit notamment comprendre un échange d'informations suffisant. Pour garantir le rôle prédominant de la procédure principale, le syndic de cette procédure devrait se voir conférer plusieurs possibilités d'influer sur les procédures secondaires en cours. Il devrait pouvoir, par exemple, proposer un plan de redressement ou un concordat ou demander la suspension de la liquidation de la masse dans la procédure secondaire.

(21) Tout créancier, ayant sa résidence habituelle, son domicile ou son siège dans la Communauté, devrait avoir le droit de déclarer ses créances dans toute procédure d'insolvabilité pendante dans la Communauté en ce qui concerne les biens du débiteur. Cela devrait s'appliquer également aux autorités fiscales et aux organismes de sécurité sociale. Aux fins de l'égalité de traitement des créanciers, il faut, toutefois, coordonner la répartition du produit de la réalisation. Chaque créancier devrait pouvoir effectivement conserver ce qu'il a obtenu dans une procédure d'insolvabilité, mais il ne devrait pouvoir participer à la répartition de la masse effectuée dans une autre procédure tant que les créanciers du même rang n'auront pas obtenu, en pourcentage, un dividende équivalent.

(22) Le présent règlement devrait prévoir la reconnaissance immédiate des décisions relatives à l'ouverture, au déroulement et à la clôture d'une procédure d'insolvabilité qui relève de son champ d'application, ainsi que des décisions qui ont un lien direct avec cette procédure d'insolvabilité. La reconnaissance automatique devrait entraîner dès lors l'extension à tous les autres États membres des effets attribués à cette procédure par la loi de l'État d'ouverture de la procédure. La reconnaissance des décisions rendues par les juridictions des États membres devrait reposer sur le principe de la confiance mutuelle. À cet égard, les motifs de non-reconnaissance devraient être réduits au minimum nécessaire. Il convient également de régler conformément à ce principe tout conflit qui existe lorsque les juridictions de deux États membres se considèrent comme compétentes pour ouvrir une procédure principale. La décision de la juridiction qui ouvre la première la procédure devrait être reconnue dans tous les autres États membres, sans que ceux-ci aient la faculté de soumettre la décision de cette juridiction à un contrôle.

(23) Le présent règlement, dans les matières visées par celui-ci, devrait établir des règles de conflit de lois uniformes qui remplacent - dans le cadre de leur champ d'application - les règles nationales du droit international privé; sauf disposition contraire, la loi de l'État membre d'ouverture de la procédure devrait être applicable (lex concursus). Cette règle de conflit de lois devrait s'appliquer tant à la procédure principale qu'aux procédures locales. La lex concursus détermine tous les effets de la procédure d'insolvabilité, qu'ils soient procéduraux ou substantiels, sur les personnes et les rapports juridiques concernés. Cette loi régit toutes les conditions de l'ouverture, du déroulement et de la clôture de la procédure d'insolvabilité.

(24) La reconnaissance automatique d'une procédure d'insolvabilité à laquelle est normalement applicable la loi de l'État d'ouverture peut interférer avec les règles en vertu desquelles les transactions sont réalisées dans ces États. Pour protéger la confiance légitime et la sécurité des transactions dans des États différents de celui de l'ouverture, il convient de prévoir des dispositions visant un certain nombre d'exceptions à la règle générale.

(25) Il est particulièrement nécessaire de prévoir pour les droits réels un rattachement particulier qui déroge à la loi de l'État d'ouverture, étant donné que ces droits revêtent une importance considérable pour l'octroi de crédits. La justification, la validité et la portée d'un tel droit réel devraient se déterminer

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dès lors normalement en vertu de la loi du lieu où il est situé et ne pas être affectés par l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité. Le titulaire du droit réel devrait pouvoir ainsi continuer de faire valoir son droit de séparer la garantie de la masse. Si, en vertu de la loi de l'État de situation, les actifs sont soumis à des droits réels, mais que la procédure principale est effectuée dans un autre État membre, le syndic de la procédure principale devrait pouvoir demander l'ouverture d'une procédure secondaire dans la juridiction où sont nés les droits réels dans la mesure où le débiteur a un établissement dans cet État. Si une procédure secondaire n'est pas ouverte, l'excédent du produit de la vente du bien soumis aux droits réels doit être versé au syndic de la procédure principale.(26) Si la loi de l'État d'ouverture n'admet pas la compensation, un créancier a néanmoins droit à une compensation si celle-ci est possible en vertu de la loi applicable à la créance du débiteur insolvable. La compensation devient ainsi une sorte de garantie régie par une loi dont le créancier concerné peut se prévaloir au moment de la naissance de la créance.

(27) Il existe aussi un besoin de protection particulier en ce qui concerne les systèmes de paiement et les marchés financiers. Cela s'applique à la compensation et à la liquidation prévues dans ces systèmes, ainsi qu'à la cession de titres et aux sûretés constituées pour ces transactions, conformément, notamment, à la directive 98/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 1998 concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres(5). Seule la loi applicable au système ou au marché concerné devrait s'appliquer à ces transactions. Cette disposition vise à éviter toute modification des mécanismes de règlement et de liquidation des transactions prévus dans des systèmes de paiement ou de règlement ou sur les marchés financiers des États membres, en cas d'insolvabilité d'une des parties à une transaction. La directive 98/26/CE contient des dispositions particulières qui supplantent les dispositions générales du présent règlement.

(28) Aux fins de la protection des travailleurs et des emplois de travail, les effets de la procédure d'insolvabilité sur la poursuite ou la cessation des relations de travail et sur les droits et les obligations de chaque partie découlant de ces relations doivent être déterminés par la loi applicable au contrat en vertu des règles générales de conflit de lois. D'autres questions d'insolvabilité, telles que, par exemple, celle de savoir si les créances des travailleurs sont garanties par un privilège et quel est le rang éventuel de ce privilège, devraient être déterminées conformément à la loi de l'État d'ouverture.

(29) Dans l'intérêt des transactions, il convient, à la demande du syndic, de publier dans les autres États membres le contenu essentiel de la décision ouvrant la procédure. S'il existe un établissement sur le territoire de l'État membre concerné, une publication obligatoire peut être prescrite. Dans les deux cas, la publication ne devrait toutefois pas être une condition de la reconnaissance de la procédure menée dans un autre État membre.

(30) Dans certains cas, une partie des personnes concernées peut ne pas être au courant de l'ouverture de la procédure et agir de bonne foi en contradiction avec les nouvelles circonstances. Afin de protéger ces personnes qui, dans l'ignorance de l'ouverture de la procédure dans un autre État membre, exécutent une obligation au profit du débiteur alors qu'elle aurait dû être exécutée au profit du syndic de la procédure dans un autre État membre, il convient de prévoir le caractère libératoire de cette exécution ou de ce paiement.

(31) Le présent règlement devrait contenir des annexes qui concernent l'organisation des procédures d'insolvabilité. Ces annexes devant faire exclusivement référence à la législation des États membres, il existe des motifs spécifiques et légitimes pour que le Conseil se réserve le droit de les modifier afin de tenir compte de modifications éventuelles du droit interne des États membres.

(32) Conformément à l'article 3 du protocole sur la position du Royaume-Uni et de l'Irlande annexé au traité sur l'Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne, le Royaume-Uni et l'Irlande ont notifié leur souhait de participer à l'adoption et à l'application du présent règlement.

(33) Conformément aux articles 1er et 2 du protocole sur la position du Danemark, annexé au traité sur l'Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne, cet État membre ne participe pas à l'adoption du présent règlement. Par conséquent, le présent règlement ne lie pas le Danemark et n'est pas applicable à son égard,

A ARRÊTÉ LE PRÉSENT RÈGLEMENT:

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CHAPITRE I Dispositions générales

Article premier : Champ d'application1. Le présent règlement s'applique aux procédures collectives fondées sur l'insolvabilité du débiteur qui entraînent le dessaisissement partiel ou total de ce débiteur ainsi que la désignation d'un syndic.2. Le présent règlement ne s'applique pas aux procédures d'insolvabilité qui concernent les entreprises d'assurance et les établissements de crédit, les entreprises d'investissement qui fournissent des services impliquant la détention de fonds ou de valeurs mobilières de tiers, ainsi qu'aux organismes de placement collectif.

Article 2 : DéfinitionsAux fins du présent règlement, on entend par:a) "procédure d'insolvabilité": les procédures collectives visées à l'article 1er, paragraphe 1. La liste de ces procédures figure à l'annexe A; b) "syndic": toute personne ou tout organe dont la fonction est d'administrer ou de liquider les biens dont le débiteur est dessaisi ou de surveiller la gestion de ses affaires. La liste de ces personnes et organes figure à l'annexe C; c) "procédure de liquidation": une procédure d'insolvabilité au sens du point a) qui entraîne la liquidation des biens du débiteur, y compris lorsque cette procédure est clôturée par un concordat ou une autre mesure mettant fin à l'insolvabilité, ou est clôturée en raison de l'insuffisance de l'actif. La liste de ces procédures figure à l'annexe B; d) "juridiction": l'organe judiciaire ou toute autre autorité compétente d'un État membre habilité(e) à ouvrir une procédure d'insolvabilité ou à prendre des décisions au cours de cette procédure; e) "décision": lorsqu'il s'agit de l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité ou de la nomination d'un syndic, la décision de toute juridiction compétente pour ouvrir une telle procédure ou pour nommer un syndic; f) "moment de l'ouverture de la procédure": le moment où la décision d'ouverture prend effet, que cette décision soit ou non définitive; g) "État membre dans lequel se trouve un bien":- pour les bien corporels, l'État membre sur le territoire duquel le bien est situé,- pour les biens et les droits que le propriétaire ou le titulaire doit faire inscrire dans un registre public, l'État membre sous l'autorité duquel ce registre est tenu,- pour les créances, l'État membre sur le territoire duquel se trouve le centre des intérêts principaux du tiers débiteur, tel qu'il est déterminé à l'article C, paragraphe 1; h) "établissement": tout lieu d'opérations où le débiteur exerce de façon non transitoire une activité économique avec des moyens humains et des biens.

Article 3 : Compétence internationale1. Les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d'insolvabilité. Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu'à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire.2. Lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur est situé sur le territoire d'un État membre, les juridictions d'un autre État membre ne sont compétentes pour ouvrir une procédure d'insolvabilité à l'égard de ce débiteur que si celui-ci possède un établissement sur le territoire de cet autre État membre. Les effets de cette procédure sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce dernier territoire.3. Lorsqu'une procédure d'insolvabilité est ouverte en application du paragraphe 1, toute procédure d'insolvabilité ouverte ultérieurement en application du paragraphe 2 est une procédure secondaire. Cette procédure doit être une procédure de liquidation.4. Une procédure territoriale d'insolvabilité visée au paragraphe 2 ne peut être ouverte avant l'ouverture d'une procédure principale d'insolvabilité en application du paragraphe 1 que:a) si une procédure d'insolvabilité ne peut pas être ouverte en application du paragraphe 1 en raison des conditions établies par la loi de l'État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteurou

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b) si l'ouverture de la procédure territoriale d'insolvabilité est demandée par un créancier dont le domicile, la résidence habituelle ou le siège se trouve dans l'État membre sur le territoire duquel est situé l'établissement concerné, ou dont la créance a son origine dans l'exploitation de cet établissement.

Article 4 : Loi applicable1. Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à la procédure d'insolvabilité et à ses effets est celle de l'État membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte, ci-après dénommé "État d'ouverture".2. La loi de l'État d'ouverture détermine les conditions d'ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure d'insolvabilité. Elle détermine notamment:a) les débiteurs susceptibles de faire l'objet d'une procédure d'insolvabilité du fait de leur qualité; b) les biens qui font l'objet du dessaisissement et le sort des biens acquis par le débiteur après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité; c) les pouvoirs respectifs du débiteur et du syndic; d) les conditions d'opposabilité d'une compensation; e) les effets de la procédure d'insolvabilité sur les contrats en cours auxquels le débiteur est partie; f) les effets de la procédure d'insolvabilité sur les poursuites individuelles, à l'exception des instances en cours; g) les créances à produire au passif du débiteur et le sort des créances nées après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité; h) les règles concernant la production, la vérification et l'admission des créances; i) les règles de distribution du produit de la réalisation des biens, le rang des créances et les droits des créanciers qui ont été partiellement désintéressés après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité en vertu d'un droit réel ou par l'effet d'une compensation; j) les conditions et les effets de la clôture de la procédure d'insolvabilité, notamment par concordat; k) les droits des créanciers après la clôture de la procédure d'insolvabilité; l) la charge des frais et des dépenses de la procédure d'insolvabilité; m) les règles relatives à la nullité, à l'annulation ou à l'inopposabilité des actes préjudiciables à l'ensemble des créanciers.

Article 5 : Droits réels des tiers1. L'ouverture de la procédure d'insolvabilité n'affecte pas le droit réel d'un créancier ou d'un tiers sur des biens corporels ou incorporels, meubles ou immeubles - à la fois des biens déterminés et des ensembles de biens indéterminés dont la composition est sujette à modification - appartenant au débiteur, et qui se trouvent, au moment de l'ouverture de la procédure, sur le territoire d'un autre État membre.2. Les droits visés au paragraphe 1 sont notamment:a) le droit de réaliser ou de faire réaliser le bien et d'être désintéressé par le produit ou les revenus de ce bien, en particulier en vertu d'un gage ou d'une hypothèque; b) le droit exclusif de recouvrer une créance, notamment en vertu de la mise en gage ou de la cession de cette créance à titre de garantie; c) le droit de revendiquer le bien et/ou d'en réclamer la restitution entre les mains de quiconque le détient ou en jouit contre la volonté de l'ayant droit; d) le droit réel de percevoir les fruits d'un bien.3. Est assimilé à un droit réel, le droit, inscrit dans un registre public et opposable aux tiers, permettant d'obtenir un droit réel au sens du paragraphe 1.4. Le paragraphe 1 ne fait pas obstacle aux actions en nullité, en annulation ou en inopposabilité visées à l'article 4, paragraphe 2, point m).

Article 6 : Compensation1. L'ouverture de la procédure d'insolvabilité n'affecte pas le droit d'un créancier d'invoquer la compensation de sa créance avec la créance du débiteur, lorsque cette compensation est permise par la loi applicable à la créance du débiteur insolvable.2. Le paragraphe 1 ne fait pas obstacle aux actions en nullité, en annulation ou en inopposabilité visées à l'article 4, paragraphe 2, point m).

Article 7 : Réserve de propriété1. L'ouverture d'une procédure d'insolvabilité contre l'acheteur d'un bien n'affecte pas les droits du vendeur fondés sur une réserve de propriété, lorsque ce bien se trouve, au moment de l'ouverture de la procédure, sur le territoire d'un autre État membre que l'État d'ouverture.

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2. L'ouverture d'une procédure d'insolvabilité contre le vendeur d'un bien, après la livraison de ce bien, ne constitue pas une cause de résolution ou de résiliation de la vente et ne fait pas obstacle à l'acquisition par l'acheteur de la propriété du bien vendu, lorsque ce bien se trouve au moment de l'ouverture de la procédure sur le territoire d'un autre État membre que l'État d'ouverture.3. Les paragraphes 1 et 2 ne font pas obstacle aux actions en nullité, en annulation ou en inopposabilité visées à l'article 4, paragraphe 2, point m).

Article 8 : Contrat portant sur un bien immobilierLes effets de la procédure d'insolvabilité sur un contrat donnant le droit d'acquérir un bien immobilier ou d'en jouir sont régis exclusivement par la loi de l'État membre sur le territoire duquel ce bien est situé.

Article 9 : Systèmes de paiement et marchés financiers1. Sans préjudice de l'article 5, les effets de la procédure d'insolvabilité sur les droits et obligations des participants à un système de paiement ou de règlement ou à un marché financier sont régis exclusivement par la loi de l'État membre applicable audit système ou marché.2. Le paragraphe 1 ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action en nullité, en annulation ou en inopposabilité des paiements ou des transactions en vertu de la loi applicable au système de paiement ou au marché financier concerné.

Article 10 : Contrat de travailLes effets de la procédure d'insolvabilité sur un contrat de travail et sur le rapport de travail sont régis exclusivement par la loi de l'État membre applicable au contrat de travail.

Article 11 : Effets sur les droits soumis à enregistrementLes effets de la procédure d'insolvabilité concernant les droits du débiteur sur un bien immobilier, un navire ou un aéronef, qui sont soumis à inscription dans un registre public, sont régis par la loi de l'État membre sous l'autorité duquel ce registre est tenu.

Article 12 : Brevets et marques communautairesAux fins du présent règlement, un brevet communautaire, une marque communautaire, ou tout autre droit analogue établi par des dispositions communautaires ne peut être inclus que dans une procédure visée à l'article 3, paragraphe 1.

Article 13 : Actes préjudiciablesL'article 4, paragraphe 2, point m), n'est pas applicable lorsque celui qui a bénéficié d'un acte préjudiciable à l'ensemble des créanciers apporte la preuve que:- cet acte est soumis à la loi d'un autre État membre que l'État d'ouverture,et que- cette loi ne permet en l'espèce, par aucun moyen, d'attaquer cet acte.

Article 14 : Protection du tiers acquéreurLorsque, par un acte conclu après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité, le débiteur dispose à titre onéreux:- d'un bien immobilier,- d'un navire ou d'un aéronef soumis à inscription dans un registre public,ou- de valeurs mobilières dont l'existence suppose une inscription dans un registre prévu par la loi,la validité de cet acte est régie par la loi de l'État sur le territoire duquel ce bien immobilier est situé, ou sous l'autorité duquel ce registre est tenu.

Article 15 : Effets de la procédure d'insolvabilité sur les instances en coursLes effets de la procédure d'insolvabilité sur une instance en cours concernant un bien ou un droit dont le débiteur est dessaisi sont régis exclusivement par la loi de l'État membre dans lequel cette instance est en cours.

CHAPITRE IIReconnaissance de la procédure d'insolvabilité

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Article 16 : Principe1. Toute décision ouvrant une procédure d'insolvabilité prise par une juridiction d'un État membre compétente en vertu de l'article 3 est reconnue dans tous les autres États membres, dès qu'elle produit ses effets dans l'État d'ouverture.Cette règle s'applique également lorsque le débiteur, du fait de sa qualité, n'est pas susceptible de faire l'objet d'une procédure d'insolvabilité dans les autres États membres.2. La reconnaissance d'une procédure visée à l'article 3, paragraphe 1, ne fait pas obstacle à l'ouverture d'une procédure visée à l'article 3, paragraphe 2, par une juridiction d'un autre État membre. Dans ce cas cette dernière procédure est une procédure secondaire d'insolvabilité au sens du chapitre III.

Article 17 : Effets de la reconnaissance1. La décision d'ouverture d'une procédure visée à l'article 3, paragraphe 1, produit, sans aucune autre formalité, dans tout autre État membre les effets que lui attribue la loi de l'État d'ouverture, sauf disposition contraire du présent règlement et aussi longtemps qu'aucune procédure visée à l'article 3, paragraphe 2, n'est ouverte dans cet autre État membre.2. Les effets d'une procédure visée à l'article 3, paragraphe 2, ne peuvent être contestés dans les autres États membres. Toute limitation des droits des créanciers, notamment un sursis des paiements ou une remise de dette résultant de cette procédure, ne peut être opposée, quant aux biens situés sur le territoire d'un autre État membre, qu'aux créanciers qui ont exprimé leur accord.

Article 18 : Pouvoirs du syndic1. Le syndic désigné par une juridiction compétente en vertu de l'article 3, paragraphe 1, peut exercer sur le territoire d'un autre État membre tous les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi de l'État d'ouverture, aussi longtemps qu'aucune autre procédure d'insolvabilité n'y a été ouverte ou qu'aucune mesure conservatoire contraire n'y a été prise à la suite d'une demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité dans cet État. Il peut notamment déplacer les biens du débiteur hors du territoire de l'État membre sur lequel ils se trouvent, sous réserve des articles 5 et 7.2. Le syndic désigné par une juridiction compétente en vertu de l'article 3, paragraphe 2, peut, dans tout autre État membre faire valoir par voie judiciaire ou extrajudiciaire, qu'un bien mobilier a été transféré du territoire de l'État d'ouverture sur le territoire de cet autre État membre après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité. Il peut également exercer toute action révocatoire utile aux intérêts des créanciers.3. Dans l'exercice de ses pouvoirs, le syndic doit respecter la loi de l'État membre sur le territoire duquel il entend agir, en particulier quant aux modalités de réalisation des biens. Ces pouvoirs ne peuvent inclure l'emploi de moyens contraignants, ni le droit de statuer sur un litige ou un différend.

Article 19 : Preuve de la nomination du syndicLa nomination du syndic est établie par la présentation d'une copie, certifiée conforme à l'original, de la décision qui le nomme, ou par tout autre certificat établi par la juridiction compétente.Une traduction dans la langue officielle ou une des langues officielles de l'État membre sur le territoire duquel le syndic entend agir peut être exigée. Aucune légalisation ou autre formalité analogue n'est requise.

Article 20 : Restitution et imputation1. Le créancier qui, après l'ouverture d'une procédure visée à l'article 3, paragraphe 1, obtient par tout moyen, notamment par des voies d'exécution, satisfaction totale ou partielle en ce qui concerne sa créance sur des biens du débiteur qui se trouvent sur le territoire d'un autre État membre, doit restituer ce qu'il a obtenu au syndic, sous réserve des articles 5 et 7.2. Afin d'assurer un traitement égal des créanciers, le créancier qui a obtenu, dans une procédure d'insolvabilité, un dividende sur sa créance, ne participe aux répartitions ouvertes dans une autre procédure, que lorsque les créanciers de même rang ou de même catégorie ont obtenu, dans cette autre procédure, un dividende équivalent.

Article 21 : Publicité1. Le syndic peut demander que le contenu essentiel de la décision ouvrant la procédure d'insolvabilité et, le cas échéant, de la décision qui le nomme soit publié dans tout autre État membre, selon les modalités de publication prévues dans cet État. Ces mesures de publicité indiquent en outre le syndic désigné et précisent si la règle de compétence appliquée est celle de l'article 3, paragraphe 1 ou 2.

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2. Toutefois, la publication obligatoire peut être prévue par tout État membre sur le territoire duquel le débiteur a un établissement. Dans ce cas, le syndic ou toute autorité habilitée à cet effet dans l'État membre où la procédure visée à l'article 3, paragraphe 1, a été ouverte doit prendre les mesures nécessaires pour assurer cette publication.

Article 22 : Inscription dans un registre public1. Le syndic peut demander que la décision ouvrant une procédure visée à l'article 3, paragraphe 1, soit inscrite au livre foncier, au registre du commerce et à tout autre registre public tenu dans les autres États membres.2. Toutefois, l'inscription obligatoire peut être prévue par tout État membre. Dans ce cas, le syndic ou toute autorité habilitée à cet effet dans l'État membre où la procédure visée à l'article 3, paragraphe 1, a été ouverte doit prendre les mesures nécessaires pour assurer cette inscription.

Article 23 : FraisLes frais des mesures de publicité et d'inscription prévues aux articles 21 et 22 sont considérés comme des frais et dépenses de la procédure.

Article 24 : Exécution au profit du débiteur1. Celui qui, dans un État membre, exécute une obligation au profit du débiteur soumis à une procédure d'insolvabilité ouverte dans un autre État membre, alors qu'il aurait dû le faire au profit du syndic de cette procédure, est libéré s'il ignorait l'ouverture de la procédure.2. Celui qui a exécuté cette obligation avant les mesures de publicité prévues à l'article 21 est présumé, jusqu'à preuve contraire, avoir ignoré l'ouverture de la procédure d'insolvabilité; celui qui l'a exécutée après ces mesures de publicité est présumé jusqu'à preuve contraire, avoir eu connaissance de l'ouverture de la procédure.

Article 25 : Reconnaissance et caractère exécutoire d'autres décisions1. Les décisions relatives au déroulement et à la clôture d'une procédure d'insolvabilité rendues par une juridiction dont la décision d'ouverture est reconnue conformément à l'article 16 ainsi qu'un concordat approuvé par une telle juridiction sont reconnus également sans aucune autre formalité. Ces décisions sont exécutées conformément aux articles 31 à 51 (à l'exception de l'article 34, paragraphe 2) de la convention de Bruxelles concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, modifiée par les conventions relatives à l'adhésion à cette convention.Le premier alinéa s'applique également aux décisions qui dérivent directement de la procédure d'insolvabilité et qui s'y insèrent étroitement, même si elles sont rendues par une autre juridiction.Le premier alinéa s'applique également aux décisions relatives aux mesures conservatoires prises après la demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité.2. La reconnaissance et l'exécution des décisions autres que celles visées au paragraphe 1 sont régies par la convention visée au paragraphe 1, pour autant que cette convention soit applicable.3. Les États membres ne sont pas tenus de reconnaître ou d'exécuter une décision visée au paragraphe 1, qui aurait pour effet de limiter la liberté individuelle ou le secret postal.

Article 26 (6) : Ordre publicTout État membre peut refuser de reconnaître une procédure d'insolvabilité ouverte dans un autre État membre ou d'exécuter une décision prise dans le cadre d'une telle procédure, lorsque cette reconnaissance ou cette exécution produirait des effets manifestement contraires à son ordre public, en particulier à ses principes fondamentaux ou aux droits et aux libertés individuelles garantis par sa constitution.

CHAPITRE III Procédures secondaires d'insolvabilité

Article 27 : OuvertureLa procédure visée à l'article 3, paragraphe 1, qui est ouverte par une juridiction d'un État membre et reconnue dans un autre État membre (procédure principale) permet d'ouvrir, dans cet autre État membre, dont une juridiction serait compétente en vertu de l'article 3, paragraphe 2, une procédure secondaire d'insolvabilité sans que l'insolvabilité du débiteur soit examinée dans cet autre État. Cette procédure doit

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être une des procédures mentionnées à l'annexe B. Ses effets sont limités aux biens du débiteur situés sur le territoire de cet autre État membre.

Article 28 : Loi applicableSauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à la procédure secondaire est celle de l'État membre sur le territoire duquel la procédure secondaire est ouverte.

Article 29 : Droit de demander l'ouvertureL'ouverture d'une procédure secondaire peut être demandée par:a) le syndic de la procédure principale; b) toute autre personne ou autorité habilitée à demander l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité en vertu de la loi de l'État membre sur le territoire duquel l'ouverture de la procédure secondaire est demandée.

Article 30 : Avance de frais et dépensLorsque la loi de l'État membre où l'ouverture d'une procédure secondaire est demandée exige que l'actif du débiteur soit suffisant pour couvrir en tout ou en partie les frais et dépens de la procédure, la juridiction saisie d'une telle demande peut exiger du demandeur une avance de frais ou une garantie d'un montant approprié.

Article 31 : Devoir de coopération et d'information1. Sous réserve des règles limitant la communication de renseignements, le syndic de la procédure principale et les syndics des procédures secondaires sont tenus d'un devoir d'information réciproque. Ils doivent communiquer sans délai tout renseignement qui peut être utile à l'autre procédure, notamment l'état de la production et de la vérification des créances et les mesures visant à mettre fin à la procédure.2. Sous réserve des règles applicables à chacune des procédures, le syndic de la procédure principale et les syndics des procédures secondaires sont tenus d'un devoir de coopération réciproque.3. Le syndic d'une procédure secondaire doit en temps utile permettre au syndic de la procédure principale de présenter des propositions relatives à la liquidation ou à toute utilisation des actifs de la procédure secondaire.

Article 32 : Exercice des droits des créanciers1. Tout créancier peut produire sa créance à la procédure principale et à toute procédure secondaire.2. Les syndics de la procédure principale et des procédures secondaires produisent dans les autres procédures les créances déjà produites dans la procédure pour laquelle ils ont été désignés, dans la mesure où cette production est utile aux créanciers de la procédure pour laquelle ils ont été désignés et sous réserve du droit de ceux-ci de s'y opposer ou de retirer leur production, lorsque la loi applicable le prévoit.3. Le syndic d'une procédure principale ou secondaire est habilité à participer, au même titre que tout créancier, à une autre procédure, notamment en prenant part à une assemblée de créanciers.

Article 33 : Suspension de la liquidation1. La juridiction qui a ouvert la procédure secondaire suspend en tout ou en partie les opérations de liquidation, sur la demande du syndic de la procédure principale, sous réserve de la faculté d'exiger en ce cas du syndic de la procédure principale toute mesure adéquate pour garantir les intérêts des créanciers de la procédure secondaire et de certains groupes de créanciers. La demande du syndic de la procédure principale ne peut être rejetée que si elle est manifestement sans intérêt pour les créanciers de la procédure principale. La suspension de la liquidation peut être ordonnée pour une durée maximale de trois mois. Elle peut être prolongée ou renouvelée pour des périodes de même durée.2. La juridiction visée au paragraphe 1 met fin à la suspension des opérations de liquidation:- à la demande du syndic de la procédure principale,- d'office, à la demande d'un créancier ou à la demande du syndic de la procédure secondaire, si cette mesure n'apparaît plus justifiée, notamment par l'intérêt des créanciers de la procédure principale ou de ceux de la procédure secondaire.

Article 34 : Mesures mettant fin à la procédure secondaire d'insolvabilité1. Lorsque la loi applicable à la procédure secondaire prévoit la possibilité de clôturer cette procédure sans liquidation par un plan de redressement, un concordat ou une mesure comparable, une telle mesure peut être proposée par le syndic de la procédure principale.

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La clôture de la procédure secondaire par une mesure visée au premier alinéa ne devient définitive qu'avec l'accord du syndic de la procédure principale, ou, à défaut de son accord, lorsque la mesure proposée n'affecte pas les intérêts financiers des créanciers de la procédure principale.2. Toute limitation des droits des créanciers, tels qu'un sursis de paiement ou une remise de dette, découlant d'une mesure visée au paragraphe 1 et proposée dans une procédure secondaire ne peut produire ses effets sur les biens du débiteur qui ne sont pas visés par cette procédure qu'avec l'accord de tous les créanciers intéressés.3. Durant la suspension des opérations de liquidation ordonnée en vertu de l'article 33, seul le syndic de la procédure principale, ou le débiteur avec son accord, peut proposer dans la procédure secondaire des mesures prévues au paragraphe 1 du présent article; aucune autre proposition visant une telle mesure ne peut être soumise au vote ni homologuée.

Article 35 : Surplus d'actif de la procédure secondaireSi la liquidation des actifs de la procédure secondaire permet de payer toutes les créances admises dans cette procédure, le syndic désigné dans cette procédure transfère sans délai le surplus d'actif au syndic de la procédure principale.

Article 36 : Ouverture ultérieure de la procédure principaleLorsqu'une procédure visée à l'article 3, paragraphe 1, est ouverte après l'ouverture d'une procédure visée à l'article 3, paragraphe 2, dans un autre État membre, les articles 31 à 35 s'appliquent à la procédure ouverte en premier, dans la mesure où l'état de cette procédure le permet.

Article 37 (7) : Conversion de la procédure antérieureLe syndic de la procédure principale peut demander la conversion en une procédure de liquidation d'une procédure mentionnée à l'annexe A antérieurement ouverte dans un autre État membre, si cette conversion s'avère utile aux intérêts des créanciers de la procédure principale.La juridiction compétente en vertu de l'article 3, paragraphe 2, ordonne la conversion en une des procédures mentionnées à l'annexe B.

Article 38 : Mesures conservatoiresLorsque la juridiction d'un État membre compétente en vertu de l'article 3, paragraphe 1, désigne un syndic provisoire en vue d'assurer la conservation des biens du débiteur, ce syndic provisoire est habilité à demander toute mesure de conservation ou de protection sur les biens du débiteur qui se trouvent dans un autre État membre prévue par la loi de cet État, pour la période séparant la demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité de la décision d'ouverture.

CHAPITRE IV Information des créanciers et production de leurs créances

Article 39 : Droit de produire les créancesTout créancier qui a sa résidence habituelle, son domicile ou son siège dans un État membre autre que l'État d'ouverture, y compris les autorités fiscales et les organismes de sécurité sociale des États membres, ont le droit de produire leurs créances par écrit dans la procédure d'insolvabilité.

Article 40 : Obligation d'informer les créanciers1. Dès qu'une procédure d'insolvabilité est ouverte dans un État membre, la juridiction compétente de cet État ou le syndic nommé par celle-ci informe sans délai les créanciers connus qui ont leur résidence habituelle, leur domicile ou leur siège dans les autres États membres.2. Cette information, assurée par l'envoi individuel d'une note, porte notamment sur les délais à observer, les sanctions prévues quant à ces délais, l'organe ou l'autorité habilité à recevoir la production des créances et les autres mesures prescrites. Cette note indique également si les créanciers dont la créance est garantie par un privilège ou une sûreté réelle doivent produire leur créance.

Article 41 : Contenu de la production d'une créanceLe créancier envoie une copie des pièces justificatives, s'il en existe, et indique la nature de la créance, sa date de naissance et son montant; il indique également s'il revendique, pour cette créance, un privilège,

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une sûreté réelle ou une réserve de propriété, et quels sont les biens sur lesquels porte la garantie qu'il invoque.

Article 42 : Langues1. L'information prévue à l'article 40 est assurée dans la ou dans une des langue(s) officielle(s) de l'État d'ouverture. Un formulaire portant, dans toutes les langues officielles des institutions de l'Union européenne, le titre "Invitation à produire une créance. Délais à respecter", est utilisé à cet effet.2. Tout créancier qui a sa résidence habituelle, son domicile ou son siège dans un autre État membre que l'État d'ouverture peut produire sa créance dans la ou dans une des langue(s) officielle(s) de cet autre État. Dans ce cas, la production de sa créance doit néanmoins porter le titre "Production de créance" dans la ou dans une des langue(s) officielle(s) de l'État d'ouverture. En outre, une traduction dans la ou une des langue(s) officielle(s) de l'État d'ouverture peut lui être réclamée.

CHAPITRE VDispositions transitoires et finales

Article 43 : Application dans le tempsLes dispositions du présent règlement ne sont applicables qu'aux procédures d'insolvabilité ouvertes postérieurement à son entrée en vigueur. Les actes accomplis par le débiteur avant l'entrée en vigueur du présent règlement continuent d'être régis par la loi qui leur était applicable au moment où ils ont été accomplis.

Article 44 : Relations avec les conventions1. Après son entrée en vigueur, le présent règlement remplace dans les relations entre les États membres, pour les matières auxquelles il se réfère, les conventions conclues entre deux ou plusieurs de ces États, à savoir:a) la convention entre la Belgique et la France sur la compétence judiciaire, sur l'autorité et l'exécution des décisions judiciaires, des sentences arbitrales et des actes authentiques, signée à Paris, le 8 juillet 1899; b) la convention entre la Belgique et l'Autriche sur la faillite, le concordat et le sursis de paiement (avec protocole additionnel du 13 juin 1973), signée à Bruxelles le 16 juillet 1969; c) la convention entre la Belgique et les Pays-Bas sur la compétence judiciaire territoriale, sur la faillite, ainsi que sur l'autorité et l'exécution des décisions judiciaires, des sentences arbitrales et des actes authentiques, signée à Bruxelles, le 28 mars 1925; d) le traité entre l'Allemagne et l'Autriche en matière de faillite et de concordat, signé à Vienne le 25 mai 1979; e) la convention entre la France et l'Autriche sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de faillite, signée à Vienne le 27 février 1979; f) la convention entre la France et l'Italie sur l'exécution des jugements en matière civile et commerciale, signée à Rome, le 3 juin 1930; g) la convention entre l'Italie et l'Autriche en matière de faillite et de concordat, signée à Rome le 12 juillet 1977; h) la convention entre le Royaume des Pays-Bas et la République fédérale d'Allemagne sur la reconnaissance et l'exécution mutuelles des décisions judiciaires et autres titres exécutoires en matière civile et commerciale, signée à La Haye, le 30 août 1962; i) la convention entre le Royaume-Uni et le Royaume de Belgique sur l'exécution réciproque des jugements en matière civile et commerciale, et son protocole, signée à Bruxelles, le 2 mai 1934; j) la convention entre le Danemark, la Finlande, la Norvège, la Suède et l'Islande, relative à la faillite, signée à Copenhague le 11 novembre 1933; k) la convention européenne sur certains aspects internationaux de la faillite, signée à Istanbul le 5 juin 1990.2. Les conventions visées au paragraphe 1 continuent à produire leurs effets en ce qui concerne les procédures ouvertes avant l'entrée en vigueur du présent règlement.3. Le présent règlement n'est pas applicable:a) dans tout État membre, dans la mesure où il est incompatible avec les obligations en matière de faillite résultant d'une convention conclue antérieurement à son entrée en vigueur par cet État avec un ou plusieurs pays tiers;

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b) au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, dans la mesure où il est incompatible avec les obligations en matière de faillite et de liquidation de sociétés insolvables résultant d'accords avec le Commonwealth applicables au moment de l'entrée en vigueur du présent règlement.

Article 45 : Modification des annexesLe Conseil, statuant à la majorité qualifiée, à l'initiative d'un ou de plusieurs de ses membres ou sur proposition de la Commission, peut modifier les annexes.

Article 46 : RapportAu plus tard le 1er juin 2012, et ensuite tous les cinq ans, la Commission présente au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social un rapport relatif à l'application du présent règlement. Ce rapport est accompagné, le cas échéant, de propositions visant à adapter le présent règlement.

Article 47 : Entrée en vigueurLe présent règlement entre en vigueur le 31 mai 2002.

Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre conformément au traité instituant la Communauté européenne.

2. RÈGLEMENT (UE) 2015/848 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 20 mai 2015relatif aux procédures d'insolvabilité (refonte)LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment son article 81,vu la proposition de la Commission européenne,après transmission du projet d'acte législatif aux parlements nationaux,vu l'avis du Comité économique et social européen (1),statuant conformément à la procédure législative ordinaire (2),considérant ce qui suit:(1)Le 12 décembre 2012, la Commission a adopté un rapport sur l'application du règlement (CE) no 1346/2000 du Conseil (3). Dans son rapport, la Commission conclut que le règlement fonctionne bien en règle générale, mais qu'il conviendrait d'améliorer l'application de certaines de ses dispositions afin de renforcer l'efficacité de la gestion des procédures d'insolvabilité transfrontalières. Étant donné que ce règlement a été modifié à plusieurs reprises et que de nouvelles modifications s'imposent, il convient, dans un souci de clarté, de procéder à une refonte dudit règlement.(2)L'Union s'est fixé pour objectif d'établir un espace de liberté, de sécurité et de justice.(3)Le bon fonctionnement du marché intérieur exige que les procédures d'insolvabilité transfrontalières fonctionnent de manière efficace et effective. L'adoption du présent règlement est nécessaire pour atteindre cet objectif, qui relève du domaine de la coopération judiciaire civile au sens de l'article 81 du traité.(4)Les activités des entreprises ont de plus en plus souvent des effets transfrontaliers, et sont dès lors de plus en plus réglementées par le droit de l'Union. L'insolvabilité de telles entreprises affecte également le bon fonctionnement du marché intérieur, et il est nécessaire d'adopter un acte de l'Union qui impose la coordination des mesures à prendre concernant le patrimoine d'un débiteur insolvable.(5)Il est nécessaire, pour assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, d'éviter que les parties ne soient incitées à déplacer des avoirs ou des procédures judiciaires d'un État membre à un autre en vue d'améliorer leur situation juridique au détriment de la masse des créanciers («forum shopping»).(6)Le présent règlement devrait comprendre des dispositions régissant la compétence pour l'ouverture de procédures d'insolvabilité et d'actions qui découlent directement de procédures d'insolvabilité et qui y sont étroitement liées. Il devrait, en outre, contenir des dispositions relatives à la reconnaissance et à l'exécution de décisions rendues dans le cadre de ces procédures, ainsi que des dispositions concernant la loi applicable aux procédures d'insolvabilité. Par ailleurs, le présent règlement devrait fixer des règles

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relatives à la coordination des procédures d'insolvabilité qui se rapportent à un même débiteur ou à plusieurs membres d'un même groupe de sociétés.(7)Les faillites, les procédures relatives à la liquidation de sociétés ou autres personnes morales insolvables, les concordats et les autres procédures analogues, ainsi que les actions liées à de telles procédures sont exclus du champ d'application du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil (4). Ces procédures devraient être couvertes par le présent règlement. L'interprétation du présent règlement devrait, autant que possible, combler les lacunes réglementaires entre les deux instruments.Toutefois, le simple fait qu'une procédure nationale ne figure pas à l'annexe A du présent règlement ne devrait pas impliquer qu'elle relève du règlement (UE) no 1215/2012.(8)Pour atteindre l'objectif visant à améliorer et à accélérer les procédures d'insolvabilité ayant des effets transfrontaliers, il paraît nécessaire et approprié que les dispositions relatives à la compétence, à la reconnaissance et au droit applicable dans ce domaine soient contenues dans un acte de l'Union qui soit obligatoire et directement applicable dans tout État membre.(9)Le présent règlement devrait s'appliquer aux procédures d'insolvabilité qui remplissent les conditions fixées dans celui-ci, que le débiteur soit une personne physique ou morale, un commerçant ou un particulier. Ces procédures d'insolvabilité sont limitativement énumérées à l'annexe A. En ce qui concerne les procédures nationales qui figurent à l'annexe A, le présent règlement devrait s'appliquer sans que les juridictions d'un autre État membre examinent si les conditions fixées dans le présent règlement sont réunies. Les procédures d'insolvabilité nationales qui ne figurent pas à l'annexe A ne devraient pas relever du présent règlement.(10)Le champ d'application du présent règlement devrait être étendu aux procédures qui favorisent le redressement d'entreprises économiquement viables mais en difficulté, et qui donnent une seconde chance aux entrepreneurs. Il devrait, en particulier, être étendu aux procédures qui prévoient la restructuration d'un débiteur à un stade où il n'existe qu'une probabilité d'insolvabilité, et aux procédures qui laissent au débiteur le contrôle total ou partiel de ses actifs et de ses affaires. Le champ d'application devrait également être étendu aux procédures prévoyant la décharge ou l'ajustement de dettes en ce qui concerne des consommateurs et des indépendants, par exemple en réduisant le montant à payer par le débiteur ou en allongeant le délai de paiement qui lui est accordé. Étant donné que de telles procédures n'entraînent pas nécessairement la désignation d'un praticien de l'insolvabilité, elles devraient relever du présent règlement si elles sont menées sous le contrôle ou la surveillance d'une juridiction. Dans ce contexte, le terme «contrôle» devrait couvrir les situations dans lesquelles la juridiction n'intervient que sur recours d'un créancier ou d'autres parties intéressées.(11)Le présent règlement devrait également s'appliquer aux procédures qui prévoient l'octroi d'une suspension provisoire des actions en exécution engagées par des créanciers individuels lorsque ces actions pourraient nuire aux négociations et compromettre les possibilités de restructuration de l'entreprise du débiteur. Ces procédures ne devraient pas porter préjudice à la masse des créanciers et, si aucun accord ne peut être dégagé sur un plan de restructuration, elles devraient être préalables à d'autres procédures relevant du présent règlement.(12)Le présent règlement devrait s'appliquer aux procédures dont l'ouverture est rendue publique afin de permettre aux créanciers de prendre connaissance de la procédure et de produire leurs créances, ce qui garantit le caractère collectif de la procédure, et de leur donner la possibilité de contester la compétence de la juridiction qui a ouvert la procédure.(13)Par conséquent, les procédures d'insolvabilité qui sont confidentielles devraient être exclues du champ d'application du présent règlement. Même si ces procédures peuvent jouer un rôle important dans certains États membres, il est impossible à un créancier ou à une juridiction établi(e) dans un autre État membre de savoir que de telles procédures ont été ouvertes, du fait de leur caractère confidentiel, et il est donc difficile d'assurer la reconnaissance de leurs effets dans l'ensemble de l'Union.(14)Les procédures collectives qui relèvent du présent règlement devraient se dérouler avec la participation de la totalité ou d'une partie importante des créanciers auxquels le débiteur doit la totalité ou une part importante de ses dettes en cours, pour autant que cela ne porte pas préjudice aux créances des créanciers qui ne sont pas parties à ces procédures. Celles-ci devraient également englober les procédures

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auxquelles participent uniquement les créanciers financiers d'un débiteur. Les procédures qui sont engagées sans la participation de la totalité des créanciers d'un débiteur devraient viser au redressement du débiteur. Les procédures conduisant à la cessation définitive des activités du débiteur ou à la liquidation de ses actifs devraient se dérouler avec la participation de la totalité de ses créanciers. En outre, le fait que certaines procédures d'insolvabilité concernant des personnes physiques excluent la possibilité de décharge de dettes pour des catégories spécifiques de créances, telles que les créances alimentaires, ne devrait pas signifier que ces procédures ne sont pas des procédures collectives.(15)Le présent règlement devrait également s'appliquer aux procédures qui, en vertu du droit de certains États membres, sont ouvertes et menées pendant une certaine période, à titre intérimaire ou provisoire, avant qu'une juridiction ne rende une décision confirmant la poursuite de ces procédures à titre non provisoire. Bien qu'elles soient qualifiées de «provisoires», ces procédures devraient répondre à toutes les autres exigences du présent règlement.(16)Le présent règlement devrait s'appliquer aux procédures fondées sur des législations relatives à l'insolvabilité. Toutefois, les procédures fondées sur une disposition générale du droit des sociétés qui n'a pas été exclusivement prévue pour les situations d'insolvabilité ne devraient pas être considérées comme fondées sur des législations relatives à l'insolvabilité. De même, les procédures ayant pour objet un ajustement de dettes ne devraient pas englober les procédures spécifiques d'effacement des dettes d'une personne physique ayant de très faibles revenus et des actifs de très faible valeur, à condition que ce type de procédure ne prévoie en aucun cas le paiement de créanciers.(17)Le champ d'application du présent règlement devrait s'étendre aux procédures déclenchées par des situations dans lesquelles le débiteur rencontre des difficultés non financières, à condition que ces difficultés engendrent une menace réelle et grave pour la capacité actuelle ou future du débiteur à payer ses dettes à l'échéance. La période à prendre en considération aux fins de la détermination d'une telle menace peut être de plusieurs mois ou même davantage, afin de tenir compte des cas où le débiteur rencontre des difficultés non financières qui menacent la continuité de ses activités et, à moyen terme, ses liquidités. Tel peut être le cas, par exemple, si le débiteur a perdu un contrat qui revêt une importance capitale pour lui.(18)Le présent règlement ne devrait préjuger en rien des règles relatives à la récupération des aides d'État auprès de sociétés insolvables, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne.(19)Les procédures d'insolvabilité qui concernent les entreprises d'assurance, les établissements de crédit, les entreprises d'investissement et d'autres firmes, établissements ou entreprises couverts par la directive 2001/24/CE du Parlement européen et du Conseil (5) et les organismes de placement collectif devraient être exclues du champ d'application du présent règlement car ceux-ci sont tous soumis à un régime particulier et les autorités nationales de surveillance disposent de pouvoirs d'intervention étendus.(20)Les procédures d'insolvabilité n'impliquent pas nécessairement l'intervention d'une autorité judiciaire. Par conséquent, le terme «juridiction» employé dans le présent règlement devrait, dans certaines dispositions, être pris au sens large et viser également une personne ou un organe habilité par le droit national à ouvrir des procédures d'insolvabilité. Aux fins de l'application du présent règlement, les procédures (qui comprennent les actes et formalités inscrits dans la loi) devraient non seulement satisfaire aux dispositions du présent règlement, mais aussi être officiellement reconnues et être exécutoires dans l'État membre dans lequel les procédures d'insolvabilité sont ouvertes.(21)Les praticiens de l'insolvabilité sont définis dans le présent règlement et sont énumérés à l'annexe B. Les praticiens de l'insolvabilité qui sont désignés sans l'intervention d'une instance judiciaire devraient, en vertu du droit national, faire l'objet d'une réglementation appropriée et être dûment autorisés à agir dans le cadre des procédures d'insolvabilité. Le cadre réglementaire national devrait comporter des dispositions appropriées pour traiter d'éventuels conflits d'intérêts.(22)Le présent règlement tient compte du fait qu'en raison des divergences considérables qui existent entre les droits matériels, il n'est pas pratique de mettre en place une procédure d'insolvabilité ayant une portée universelle pour toute l'Union. Dans ce contexte, l'application sans exception du droit de l'État d'ouverture de la procédure susciterait fréquemment des difficultés. Cela vaut, par exemple, pour les lois nationales

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sur les sûretés qui présentent d'importantes divergences selon les États membres. Par ailleurs, les droits préférentiels dont jouissent certains créanciers dans les procédures d'insolvabilité sont, dans certains cas, conçus de manière très différente. Lors de la prochaine révision du présent règlement, il conviendra d'envisager de nouvelles mesures afin d'améliorer les droits préférentiels des travailleurs au niveau européen. Le présent règlement devrait tenir compte de telles divergences entre les législations nationales de deux manières distinctes. D'une part, il convient de prévoir des règles spéciales relatives à la loi applicable à certains droits et situations juridiques particulièrement importants (par exemple les droits réels et les contrats de travail). D'autre part, il y a également lieu d'autoriser, outre une procédure d'insolvabilité principale de portée universelle, des procédures nationales qui ne concernent que les actifs situés dans l'État d'ouverture de la procédure.(23)Le présent règlement permet d'ouvrir la procédure d'insolvabilité principale dans l'État membre où se situe le centre des intérêts principaux du débiteur. Cette procédure a une portée universelle et vise à inclure tous les actifs du débiteur. En vue de protéger les différents intérêts, le présent règlement permet d'ouvrir des procédures d'insolvabilité secondaires parallèlement à la procédure d'insolvabilité principale. Des procédures d'insolvabilité secondaires peuvent être ouvertes dans l'État membre dans lequel le débiteur a un établissement. Les effets des procédures d'insolvabilité secondaires se limitent aux actifs situés dans cet État. Des règles impératives de coordination avec les procédures d'insolvabilité principales satisfont l'unité nécessaire au sein de l'Union.(24)Lorsqu'une procédure d'insolvabilité principale a été ouverte à l'encontre d'une personne morale ou d'une société dans un État membre autre que celui dans lequel se situe son siège statutaire, il devrait être possible d'ouvrir une procédure d'insolvabilité secondaire dans l'État membre où se situe son siège statutaire, pour autant que le débiteur exerce une activité économique dans cet État, avec des moyens humains et des actifs, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne.(25)Le présent règlement s'applique uniquement aux procédures concernant un débiteur dont le centre des intérêts principaux est situé dans l'Union.(26)Les règles de compétence contenues dans le présent règlement ne fixent que la compétence internationale, c'est-à-dire qu'elles désignent l'État membre dont les juridictions peuvent ouvrir une procédure d'insolvabilité. La compétence territoriale au sein de cet État membre devrait être déterminée par le droit national de l'État concerné.(27)Avant d'ouvrir une procédure d'insolvabilité, la juridiction compétente devrait examiner d'office si le centre des intérêts principaux ou l'établissement du débiteur est réellement situé dans son ressort.(28)Lorsque l'on cherche à déterminer si le centre des intérêts principaux du débiteur est vérifiable par des tiers, il convient d'accorder une attention particulière aux créanciers et à la perception qu'ils ont du lieu où le débiteur gère ses intérêts. Il peut être nécessaire, dans le cas d'un déplacement du centre des intérêts principaux, d'informer les créanciers en temps utile du nouveau lieu à partir duquel le débiteur exerce ses activités, par exemple en attirant l'attention sur le changement d'adresse dans sa correspondance commerciale, ou en rendant publique la nouvelle localisation par d'autres moyens appropriés.(29)Le présent règlement devrait contenir un certain nombre de garanties visant à empêcher la recherche frauduleuse ou abusive de la juridiction la plus favorable.(30)Par conséquent, les présomptions selon lesquelles le siège statutaire, le lieu d'activité principal et la résidence habituelle constituent le centre des intérêts principaux devraient être réfragables, et la juridiction compétente d'un État membre devrait examiner attentivement si le centre des intérêts principaux du débiteur se situe réellement dans cet État membre. Pour une société, il devrait être possible de renverser cette présomption si l'administration centrale de la société est située dans un État membre autre que celui de son siège statutaire et si une appréciation globale de l'ensemble des éléments pertinents permet d'établir, d'une manière vérifiable par des tiers, que le centre effectif de direction et de contrôle de ladite société ainsi que de la gestion de ses intérêts se situe dans cet autre État membre. Pour une personne physique n'exerçant pas une profession libérale ou toute autre activité d'indépendant, il devrait être possible de renverser cette présomption, par exemple si la majeure partie des actifs du débiteur est située en dehors de l'État membre de résidence habituelle du débiteur, ou s'il peut être établi

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que le principal motif de son déménagement était d'ouvrir une procédure d'insolvabilité auprès de la nouvelle juridiction et si l'ouverture de cette procédure risque de nuire sérieusement aux intérêts des créanciers dont les relations avec le débiteur ont débuté avant le déménagement.(31)Dans le même objectif d'empêcher la recherche frauduleuse ou abusive de la juridiction la plus favorable, la présomption selon laquelle le centre des intérêts principaux est respectivement le lieu du siège statutaire, le lieu d'activité principal d'une personne physique ou sa résidence habituelle ne devrait pas s'appliquer lorsque, respectivement, dans le cas d'une société, d'une personne morale ou d'une personne physique exerçant une profession libérale ou toute autre activité d'indépendant, le débiteur a transféré son siège statutaire ou son lieu d'activité principal dans un autre État membre au cours des trois mois précédant la demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité ou, dans le cas d'une personne physique n'exerçant pas une profession libérale ou toute autre activité d'indépendant, le débiteur a déplacé sa résidence habituelle dans un autre État membre au cours des six mois précédant la demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité.(32)Dans tous les cas, si les circonstances de l'espèce suscitent des doutes quant à la compétence de la juridiction, celle-ci devrait exiger du débiteur un supplément de preuves à l'appui de ses allégations et, si la loi applicable aux procédures d'insolvabilité le permet, donner aux créanciers du débiteur l'occasion de présenter leur point de vue sur la question de la compétence.(33)Lorsque la juridiction saisie d'une demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité constate que le centre des intérêts principaux n'est pas situé sur le territoire de l'État dont elle relève, elle ne devrait pas ouvrir de procédure principale d'insolvabilité.(34)De plus, tout créancier du débiteur devrait disposer d'un droit de recours effectif contre la décision d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité. Les conséquences d'un recours contre la décision d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité devraient être régies par le droit national.(35)Les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel des procédures d'insolvabilité ont été ouvertes devraient également être compétentes à l'égard des actions qui découlent directement des procédures d'insolvabilité et qui y sont étroitement liées. Ces actions devraient englober les actions révocatoires engagées contre des défendeurs établis dans d'autres États membres, ainsi que les actions concernant des obligations qui naissent au cours d'une procédure d'insolvabilité, comme le paiement anticipé des frais de procédure. En revanche, les actions relatives à l'exécution des obligations résultant d'un contrat conclu par le débiteur avant l'ouverture de la procédure ne découlent pas directement de la procédure. Lorsqu'une telle action est liée à une autre action fondée sur les dispositions générales du droit civil et commercial, le praticien de l'insolvabilité devrait avoir la possibilité de porter les deux actions devant les juridictions du domicile du défendeur, s'il estime qu'il est plus efficace de porter l'action devant ces instances. Il pourrait en être ainsi, par exemple, si le praticien de l'insolvabilité souhaite combiner une action en responsabilité à l'encontre d'un dirigeant fondée sur le droit de l'insolvabilité avec une action fondée sur le droit des sociétés ou sur le droit de la responsabilité civile.(36)La juridiction compétente pour ouvrir une procédure d'insolvabilité principale devrait être habilitée à ordonner des mesures provisoires et conservatoires à compter de la demande d'ouverture de la procédure. Des mesures conservatoires ordonnées tant avant qu'après le début de la procédure d'insolvabilité sont importantes pour en garantir l'efficacité. Le présent règlement devrait prévoir, à cet égard, différentes possibilités. D'une part, la juridiction compétente pour la procédure d'insolvabilité principale devrait également pouvoir ordonner des mesures provisoires et conservatoires en ce qui concerne les biens situés sur le territoire d'autres États membres. D'autre part, un praticien de l'insolvabilité provisoire désigné avant l'ouverture de la procédure d'insolvabilité principale devrait pouvoir, dans les États membres dans lesquels le débiteur possède un établissement, demander les mesures conservatoires prévues par la loi de ces États membres.(37)Avant l'ouverture de la procédure d'insolvabilité principale, l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité dans l'État membre où le débiteur a un établissement ne devrait pouvoir être demandée que par les créanciers locaux et par les autorités publiques, ou lorsque le droit de l'État membre où se situe le centre des intérêts principaux du débiteur ne permet pas d'ouvrir une procédure d'insolvabilité principale. Cette limitation est justifiée par le fait que l'on vise à limiter au strict minimum les cas dans lesquels des

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procédures d'insolvabilité territoriales indépendantes sont demandées avant la procédure d'insolvabilité principale.(38)Après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité principale, le présent règlement ne fait pas obstacle à la demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité dans l'État membre où le débiteur a un établissement. Le praticien de l'insolvabilité de la procédure d'insolvabilité principale ou toute autre personne habilitée à cet effet par le droit national de cet État membre peut demander l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité secondaire.(39)Le présent règlement devrait prévoir des règles visant à déterminer la localisation des actifs du débiteur, lesquelles devraient s'appliquer lorsqu'il s'agit de déterminer quels sont les actifs qui relèvent de la procédure d'insolvabilité principale et ceux qui relèvent de la procédure d'insolvabilité secondaire, ainsi que dans les cas faisant intervenir les droits réels de tiers. En particulier, le présent règlement devrait prévoir que les brevets européens à effet unitaire, une marque communautaire ou tout autre droit analogue, comme le régime de protection communautaire des obtentions végétales ou les dessins ou modèles communautaires, devraient uniquement relever de la procédure d'insolvabilité principale.(40)Hormis la protection des intérêts locaux, les procédures d'insolvabilité secondaires peuvent poursuivre d'autres objectifs. Ce pourrait être le cas lorsque la masse de l'insolvabilité du débiteur est trop complexe pour être administrée en bloc, ou lorsque les différences entre les systèmes juridiques concernés sont à ce point importantes que des difficultés peuvent résulter de l'extension des effets de la loi de l'État d'ouverture de la procédure aux autres États membres où se trouvent les actifs. C'est la raison pour laquelle le praticien de l'insolvabilité de la procédure d'insolvabilité principale peut demander l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité secondaire dans l'intérêt d'une administration efficace de la masse de l'insolvabilité.(41)Les procédures d'insolvabilité secondaires peuvent également entraver la gestion efficace de la masse de l'insolvabilité. Par conséquent, le présent règlement prévoit deux situations spécifiques dans lesquelles la juridiction saisie d'une demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité secondaire devrait être en mesure, à la demande du praticien de l'insolvabilité de la procédure d'insolvabilité principale, de reporter ou de refuser l'ouverture d'une telle procédure.(42)Tout d'abord, le présent règlement confère au praticien de l'insolvabilité de la procédure d'insolvabilité principale la possibilité de prendre, à l'égard des créanciers locaux, l'engagement qu'ils seront traités comme si une procédure d'insolvabilité secondaire avait été ouverte. Cet engagement doit remplir un certain nombre de conditions énoncées dans le présent règlement; il doit notamment être approuvé par une majorité qualifiée de créanciers locaux. Lorsqu'un tel engagement a été pris, la juridiction saisie d'une demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité secondaire devrait être en mesure de refuser cette demande si elle a l'assurance que l'engagement protège correctement l'intérêt collectif des créanciers locaux. Lorsqu'elle procède à l'évaluation de cet intérêt collectif, la juridiction devrait tenir compte du fait que l'engagement a été approuvé par une majorité qualifiée de créanciers locaux.(43)Aux fins de prendre cet engagement à l'égard des créanciers locaux, les actifs et les droits se situant dans l'État membre où le débiteur a un établissement devraient constituer une sous-catégorie dans la masse de l'insolvabilité et, lors de la répartition de ceux-ci ou des produits résultant de leur réalisation, le praticien de l'insolvabilité de la procédure d'insolvabilité principale devrait respecter les droits de priorité qui auraient été conférés aux créanciers si une procédure d'insolvabilité secondaire avait été ouverte dans cet État membre.(44)Le droit national devrait être applicable, le cas échéant, en ce qui concerne l'approbation d'un engagement. En particulier, lorsque, en vertu du droit national, les règles de vote applicables à l'adoption d'un plan de restructuration exigent l'approbation préalable des créances des créanciers, celles-ci devraient être réputées approuvées aux fins du vote sur l'engagement. Si différentes procédures sont prévues pour l'adoption de plans de restructuration par le droit national, les États membres devraient désigner la procédure spécifique qui devrait être pertinente dans ce contexte.(45)Par ailleurs, le présent règlement devrait prévoir la possibilité, pour la juridiction, de suspendre provisoirement l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité secondaire lorsqu'une suspension provisoire des poursuites individuelles a été accordée dans le cadre de la procédure d'insolvabilité principale, de

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manière à préserver l'efficacité de la suspension accordée dans le cadre de la procédure d'insolvabilité principale. La juridiction devrait être en mesure d'accorder la suspension provisoire si elle a l'assurance que des mesures adéquates sont en place pour protéger l'intérêt général des créanciers locaux. Dans ce cas, tous les créanciers qui pourraient être affectés par les résultats des négociations relatives à un plan de restructuration devraient être informés de ces négociations et être autorisés à y participer.(46)Pour assurer une protection effective des intérêts locaux, le praticien de l'insolvabilité de la procédure d'insolvabilité principale ne devrait pas être en mesure de réaliser ou de déplacer, de manière abusive, les actifs se trouvant dans l'État membre où un établissement est situé, en particulier dans le but d'éluder la possibilité que ces intérêts puissent être effectivement satisfaits en cas d'ouverture ultérieure d'une procédure d'insolvabilité secondaire.(47)Le présent règlement ne devrait pas empêcher les juridictions de l'État membre dans lequel une procédure d'insolvabilité secondaire a été ouverte de sanctionner les dirigeants du débiteur pour violation de leurs obligations, pour autant que lesdites juridictions soient compétentes pour connaître de ces litiges en vertu de leur droit national.(48)La procédure d'insolvabilité principale et les procédures d'insolvabilité secondaires peuvent contribuer à la gestion efficace de la masse de l'insolvabilité du débiteur ou à la réalisation effective de la totalité des actifs s'il existe une bonne coopération entre les acteurs intervenant dans toutes les procédures parallèles. Une bonne coopération suppose une coopération étroite entre les différents praticiens de l'insolvabilité et les juridictions concernées, qui doit notamment comprendre un échange d'informations suffisant. Pour garantir le rôle prédominant de la procédure d'insolvabilité principale, il convient d'accorder au praticien de l'insolvabilité de cette procédure plusieurs possibilités d'intervention dans les procédures d'insolvabilité secondaires en cours au même moment. Le praticien de l'insolvabilité devrait notamment être en mesure de proposer un plan de restructuration ou un concordat, ou de demander la suspension de la réalisation des actifs dans le cadre des procédures d'insolvabilité secondaires. Dans le cadre de leur coopération, les praticiens de l'insolvabilité et les juridictions devraient tenir compte des meilleures pratiques en matière de coopération dans les affaires d'insolvabilité transfrontalières, telles qu'elles sont énoncées dans les principes et lignes directrices concernant la communication et la coopération adoptés par les organisations européennes et internationales actives dans le domaine du droit de l'insolvabilité, et en particulier dans les lignes directrices pertinentes élaborées par la Commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI).(49)À la lumière d'une telle coopération, les praticiens de l'insolvabilité et les juridictions devraient pouvoir conclure des accords et des protocoles aux fins de faciliter la coopération transfrontalière pour des procédures d'insolvabilité multiples ouvertes dans différents États membres en ce qui concerne le même débiteur ou des membres du même groupe de sociétés, lorsque cela est compatible avec les règles applicables à chacune des procédures. Ces accords et protocoles sont susceptibles de différer en ce qu'ils peuvent, en termes de forme, être écrits ou oraux, et en termes de champ d'application, varier de génériques à spécifiques, et ils peuvent être conclus par différentes parties. Les accords génériques simples peuvent insister sur la nécessité d'une étroite coopération entre les parties, sans traiter de questions spécifiques, tandis que les accords spécifiques, plus détaillés, peuvent établir un cadre de principes visant à régir les procédures d'insolvabilité multiples et peuvent être approuvés par les juridictions concernées, lorsque le droit national l'exige. Ils peuvent refléter un accord entre les parties visant à prendre, ou à s'abstenir de prendre, certaines mesures ou actions.(50)De même, les juridictions de différents États membres peuvent coopérer en coordonnant la désignation de praticiens de l'insolvabilité. Dans ce contexte, elles peuvent désigner un seul praticien de l'insolvabilité pour plusieurs procédures d'insolvabilité concernant le même débiteur ou pour différents membres d'un groupe de sociétés, pour autant ce soit compatible avec les règles applicables à chacune des procédures, en particulier avec les exigences éventuelles en matière de qualification et d'agrément du praticien de l'insolvabilité.(51)Le présent règlement devrait assurer la gestion efficace des procédures d'insolvabilité qui concernent différentes sociétés faisant partie d'un groupe de sociétés.(52)Lorsque des procédures d'insolvabilité concernant plusieurs sociétés d'un même groupe ont été ouvertes, il convient d'instaurer une bonne coopération entre les acteurs intervenant dans lesdites procédures. Les

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divers praticiens de l'insolvabilité et les juridictions concernées devraient donc être soumis à une obligation de coopérer et de communiquer entre eux similaire à celle incombant à ceux qui interviennent dans la procédure d'insolvabilité principale et les procédures d'insolvabilité secondaires concernant le même débiteur. La coopération entre les praticiens de l'insolvabilité ne devrait pas aller à l'encontre des intérêts des créanciers dans chacune des procédures, et l'objectif de cette coopération devrait être de trouver une solution qui fasse jouer les synergies au sein du groupe.(53)L'instauration de règles relatives aux procédures d'insolvabilité de groupes de sociétés ne devrait pas limiter la possibilité, pour une juridiction, d'ouvrir une procédure d'insolvabilité à l'égard de plusieurs sociétés d'un même groupe et d'exercer sa compétence en tant que juridiction unique, si elle constate que le centre des intérêts principaux de ces sociétés se situe dans un seul État membre. Dans un tel cas, la juridiction devrait également être en mesure de désigner, s'il y a lieu, le même praticien de l'insolvabilité dans toutes les procédures en cause, pour autant que ce ne soit pas incompatible avec les règles applicables à ces procédures.(54)En vue d'améliorer encore la coordination des procédures d'insolvabilité ouvertes à l'encontre des membres d'un groupe de sociétés, et afin de permettre une restructuration coordonnée du groupe, le présent règlement devrait introduire des règles de procédure relatives à la coordination des procédures d'insolvabilité ouvertes à l'encontre des membres d'un groupe de sociétés. Il convient, à cet égard, de s'efforcer de garantir l'efficacité de la coordination, tout en respectant la personnalité morale distincte de chaque membre du groupe.(55)Un praticien de l'insolvabilité désigné dans une procédure d'insolvabilité ouverte à l'encontre d'un membre d'un groupe de sociétés devrait pouvoir demander l'ouverture d'une procédure de coordination collective. Néanmoins, lorsque la loi applicable à l'insolvabilité l'exige, ce praticien de l'insolvabilité devrait être dûment agréé à cet effet avant de faire une telle demande. La demande devrait préciser les éléments essentiels de la coordination, et en particulier exposer les grandes lignes du programme de coordination, inclure une proposition concernant la personne qu'il convient de désigner en tant que coordinateur et donner un aperçu des coûts estimés de la coordination.(56)Afin de garantir la nature volontaire des procédures de coordination collective, les praticiens de l'insolvabilité concernés devraient pouvoir s'opposer à leur participation à la procédure dans un délai donné. Afin que les praticiens de l'insolvabilité concernés puissent décider en connaissance de cause de leur participation à la procédure de coordination collective, ils devraient être informés à un stade précoce des éléments essentiels de la coordination. Toutefois, tout praticien de l'insolvabilité qui s'est initialement opposé à une participation à la procédure de coordination collective devrait pouvoir demander ultérieurement à y participer. Dans cette éventualité, le coordinateur devrait prendre une décision concernant la recevabilité de la demande. Tous les praticiens de l'insolvabilité, y compris le praticien de l'insolvabilité requérant, devraient être informés de la décision du coordinateur et avoir la possibilité de contester cette décision devant la juridiction qui a ouvert la procédure de coordination collective.(57)Une procédure de coordination collective devrait toujours viser à faciliter la gestion efficace de la procédure d'insolvabilité ouverte à l'encontre des membres du groupe et à avoir une incidence globalement positive sur les créanciers. Le présent règlement devrait donc garantir que la juridiction saisie d'une demande d'ouverture d'une procédure de coordination collective procède à une évaluation de ces critères avant d'ouvrir une telle procédure.(58)Les coûts d'une procédure de coordination collective ne devraient pas l'emporter sur ses avantages. Il est, par conséquent, nécessaire de veiller à ce que les coûts de la coordination, ainsi que la répartition de ces coûts entre les membres du groupe, soient adéquats, proportionnés et raisonnables, et soient déterminés conformément au droit national de l'État membre dans lequel la procédure de coordination collective a été ouverte. Les praticiens de l'insolvabilité concernés devraient également avoir la possibilité de contrôler ces coûts à un stade précoce de la procédure. Lorsque le droit national l'exige, le contrôle des coûts à un stade précoce de la procédure pourrait impliquer, dans le chef du praticien de l'insolvabilité, de demander l'approbation d'une juridiction ou d'un comité de créanciers.(59)Lorsque le coordinateur estime que sa mission ne peut être accomplie sans une augmentation importante des coûts par rapport à l'estimation des coûts réalisée initialement et, en tout état de cause, dès lors que les coûts sont supérieurs de 10 % aux coûts estimés, le coordinateur devrait être autorisé par la

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juridiction qui a ouvert la procédure de coordination collective à dépasser ces coûts. Avant de prendre sa décision, la juridiction qui a ouvert la procédure de coordination collective devrait donner aux praticiens de l'insolvabilité participants la possibilité d'être entendus devant elle, afin qu'ils puissent communiquer leurs observations sur le bien-fondé de la demande du coordinateur.(60)Pour les membres d'un groupe de sociétés qui ne participent pas à une procédure de coordination collective, le présent règlement devrait également prévoir un autre mécanisme de coordination qui permette de mener à bien une restructuration coordonnée du groupe. Un praticien de l'insolvabilité désigné dans une procédure relative à un membre d'un groupe de sociétés devrait avoir qualité pour demander la suspension de toute mesure liée à la réalisation des actifs dans le cadre de la procédure ouverte à l'encontre d'autres membres du groupe qui ne font pas l'objet d'une procédure de coordination collective. Cette suspension ne devrait pouvoir être demandée que si un plan de restructuration est présenté pour les membres du groupe concernés, si le plan est dans l'intérêt des créanciers concernés par la procédure pour laquelle la suspension est demandée, et si la suspension est nécessaire pour garantir la bonne mise en œuvre du plan.(61)Le présent règlement ne devrait pas empêcher les États membres d'établir des règles nationales qui viendraient compléter les règles régissant la coopération, la communication et la coordination en ce qui concerne l'insolvabilité de membres de groupes de sociétés qui sont énoncées dans le présent règlement, pour autant que le champ d'application de ces règles nationales se limite à la compétence nationale et que leur mise en œuvre ne porte pas préjudice à l'efficacité des règles prévues par le présent règlement.(62)Les règles régissant la coopération, la communication et la coordination dans le cadre de l'insolvabilité de membres d'un groupe de sociétés prévues au présent règlement ne devraient s'appliquer que dans la mesure où les procédures concernant différents membres d'un même groupe de sociétés ont été ouvertes dans plus d'un État membre.(63)Tout créancier ayant sa résidence habituelle, son domicile ou son siège statutaire dans l'Union devrait avoir le droit de produire ses créances dans le cadre de chacune des procédures d'insolvabilité en cours dans l'Union en ce qui concerne les actifs du débiteur. Cela devrait s'appliquer également aux autorités fiscales et aux organismes de sécurité sociale. Le présent règlement ne devrait pas empêcher le praticien de l'insolvabilité de produire des créances au nom de certains groupes de créanciers, par exemple au nom des travailleurs, si le droit national le prévoit. Toutefois, afin d'assurer l'égalité de traitement des créanciers, il convient de coordonner la répartition du produit de la réalisation. Chaque créancier devrait pouvoir effectivement conserver ce qu'il a obtenu dans le cadre d'une procédure d'insolvabilité, mais il ne devrait pas pouvoir participer à la répartition de la totalité des actifs effectuée dans le cadre d'une autre procédure tant que les créanciers du même rang n'auront pas obtenu, en pourcentage, un dividende équivalent.(64)Il est essentiel que les créanciers ayant leur résidence habituelle, leur domicile ou leur siège statutaire dans l'Union soient informés de l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité portant sur les actifs de leur débiteur. Afin d'assurer une transmission rapide des informations aux créanciers, le règlement (CE) no 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil (6) ne devrait pas s'appliquer lorsque le présent règlement évoque l'obligation d'informer les créanciers. L'utilisation de formulaires uniformisés disponibles dans toutes les langues officielles des institutions de l'Union devrait faciliter la tâche des créanciers qui produisent leurs créances dans le cadre de procédures ouvertes dans un autre État membre. La question des conséquences découlant de la présentation d'un formulaire uniformisé incomplet devrait relever du droit national.(65)Le présent règlement devrait prévoir la reconnaissance immédiate des décisions relatives à l'ouverture, au déroulement et à la clôture d'une procédure d'insolvabilité qui relève de son champ d'application, ainsi que des décisions qui ont un lien direct avec cette procédure d'insolvabilité. La reconnaissance automatique devrait dès lors entraîner l'extension à tous les autres États membres des effets attribués à cette procédure par la loi de l'État membre d'ouverture de la procédure. La reconnaissance des décisions rendues par les juridictions des États membres devrait reposer sur le principe de la confiance mutuelle. À cet égard, les motifs de non-reconnaissance devraient être réduits au minimum nécessaire. Ce principe devrait également prévaloir lors de la résolution d'un conflit lorsque les juridictions de deux États membres se considèrent toutes deux compétentes pour ouvrir la procédure d'insolvabilité principale. La

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décision de la juridiction qui ouvre la première la procédure devrait être reconnue dans tous les autres États membres, sans que ceux-ci aient la faculté de soumettre la décision de cette juridiction à un contrôle.(66)Le présent règlement devrait, dans les matières visées par celui-ci, établir des règles de conflit de lois uniformes qui remplacent, dans le cadre de leur champ d'application, les règles nationales du droit international privé. Sauf disposition contraire, la loi de l'État membre d'ouverture de la procédure devrait être applicable (lex concursus). Cette règle de conflit de lois devrait s'appliquer tant à la procédure d'insolvabilité principale qu'aux procédures locales. La lex concursus détermine tous les effets de la procédure d'insolvabilité, qu'ils soient procéduraux ou substantiels, sur les personnes et les rapports juridiques concernés. Elle régit toutes les conditions liées à l'ouverture, au déroulement et à la clôture de la procédure d'insolvabilité.(67)La reconnaissance automatique d'une procédure d'insolvabilité à laquelle s'applique normalement la loi de l'État d'ouverture de la procédure peut interférer avec les règles en vertu desquelles les transactions sont réalisées dans d'autres États membres. Pour protéger la confiance légitime et la sécurité des transactions dans des États membres différents de celui de l'ouverture de la procédure, il convient de prévoir des dispositions visant un certain nombre d'exceptions à la règle générale.(68)Il est particulièrement nécessaire de prévoir, pour les droits réels, un rattachement particulier qui déroge à la loi de l'État d'ouverture de la procédure, étant donné que ces droits revêtent une importance considérable pour l'octroi de crédits. Dès lors, la justification, la validité et la portée des droits réels devraient normalement être déterminés en vertu de la loi du lieu de situation et ne pas être affectés par l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité. Le titulaire d'un droit réel devrait pouvoir ainsi continuer de faire valoir son droit de séparer la garantie de la masse. Si, en vertu de la loi du lieu de situation, les actifs sont soumis à des droits réels dans un État membre, mais la procédure d'insolvabilité principale est engagée dans un autre État membre, le praticien de l'insolvabilité de la procédure d'insolvabilité principale devrait pouvoir demander l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité secondaire dans l'État membre où sont nés les droits réels dans la mesure où le débiteur a un établissement dans cet État. Si aucune procédure d'insolvabilité secondaire n'est ouverte, tout excédent du produit de la vente d'un actif soumis à des droits réels devrait être versé au praticien de l'insolvabilité de la procédure d'insolvabilité principale.(69)Le présent règlement prévoit plusieurs dispositions permettant à une juridiction d'ordonner la suspension, soit d'une procédure d'ouverture, soit d'une procédure d'exécution. Une telle suspension ne devrait pas porter préjudice aux droits réels de créanciers ou de tiers.(70)Si la loi de l'État d'ouverture de la procédure n'autorise pas la compensation de créances, un créancier devrait néanmoins avoir droit à une compensation si celle-ci est possible en vertu de la loi applicable à la créance du débiteur insolvable. La compensation deviendrait ainsi une sorte de garantie régie par une loi dont le créancier concerné peut se prévaloir au moment de la naissance de la créance.(71)Il existe aussi un besoin de protection particulier en ce qui concerne les systèmes de paiement et les marchés financiers, par exemple en rapport avec la compensation et la liquidation prévues dans ces systèmes, ainsi que la cession de titres et les sûretés constituées pour ces transactions, conformément, notamment, à la directive 98/26/CE du Parlement européen et du Conseil (7). Seule la loi applicable au système ou au marché concerné devrait s'appliquer à ces transactions. Cette loi vise à éviter toute modification des mécanismes de paiement et de règlement des transactions, prévus dans des systèmes de paiement ou de règlement ou sur les marchés financiers réglementés des États membres, en cas d'insolvabilité d'une des parties à une transaction. La directive 98/26/CE contient des dispositions particulières qui devraient prévaloir sur les règles générales prévues par le présent règlement.(72)Aux fins de la protection des travailleurs et des emplois, les effets de la procédure d'insolvabilité sur la poursuite ou la cessation des relations de travail et sur les droits et les obligations de chaque partie à ces relations devraient être déterminés par la loi applicable au contrat de travail concerné en vertu des règles générales de conflit de lois. En outre, lorsque la résiliation des contrats de travail requiert l'approbation d'une juridiction ou d'une autorité administrative, l'État membre dans lequel se situe un établissement du débiteur devrait demeurer compétent pour donner cette approbation, même si aucune procédure d'insolvabilité n'a été ouverte dans cet État membre. Toute autre question relative à l'insolvabilité, telle que, par exemple, celle de savoir si les créances des travailleurs sont garanties par un privilège et quel est

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le rang éventuel de ce privilège, devrait être déterminée par la loi de l'État membre dans lequel la procédure d'insolvabilité (principale ou secondaire) a été ouverte, sauf si un engagement a été pris afin d'éviter une procédure d'insolvabilité secondaire, conformément au présent règlement.(73)La loi applicable aux effets de la procédure d'insolvabilité sur une action en justice ou une procédure arbitrale en cours concernant un bien ou un droit qui fait partie de la masse de l'insolvabilité du débiteur devrait être la loi de l'État membre dans lequel l'action en justice est en cours ou dans lequel l'instance arbitrale a son siège. Néanmoins, cette règle ne devrait pas affecter les règles nationales en vigueur en matière de reconnaissance et d'exécution des sentences arbitrales.(74)Afin de tenir compte des particularités procédurales des systèmes judiciaires de certains États membres, il convient de prévoir la souplesse nécessaire concernant certaines règles prévues par le présent règlement. Ainsi, lorsque, dans le présent règlement, il est fait référence à la notification adressée par une instance judiciaire d'un État membre, cela devrait inclure, si les règles de procédure de l'État membre le requièrent, la décision de ladite instance judiciaire de faire procéder à cette notification.(75)Dans l'intérêt des transactions, il convient, à la demande du praticien de l'insolvabilité, de publier le contenu essentiel de la décision d'ouverture de la procédure, dans un État membre autre que celui où se situe la juridiction qui a rendu ladite décision. S'il existe un établissement dans l'État membre concerné, la publication de cette information devrait être obligatoire. Dans les deux cas, la publication ne devrait toutefois pas être une condition préalable de la reconnaissance de la procédure menée dans un autre État membre.(76)Afin d'améliorer la communication d'informations aux créanciers et juridictions concernés et d'éviter l'ouverture de procédures d'insolvabilité parallèles, les États membres devraient être tenus de publier les informations pertinentes relatives aux affaires d'insolvabilité transfrontalières dans un registre électronique accessible à tous. Pour permettre aux juridictions et aux créanciers domiciliés ou établis dans d'autres États membres d'accéder aisément à cette information, le présent règlement devrait prévoir l'interconnexion de ces registres d'insolvabilité par l'intermédiaire du portail européen e-Justice. Les États membres devraient être libres de publier les informations pertinentes dans plusieurs registres, et il devrait être possible d'interconnecter plusieurs registres par État membre.(77)Le présent règlement devrait fixer les informations minimales à publier dans les registres d'insolvabilité. Les États membres ne devraient pas être empêchés d'y faire figurer d'autres informations. Lorsque le débiteur est une personne physique, les registres d'insolvabilité ne devraient obligatoirement indiquer qu'un numéro d'enregistrement si le débiteur exerce une profession libérale ou toute autre activité d'indépendant. Ce numéro d'enregistrement devrait s'entendre comme étant le numéro d'enregistrement unique de la profession libérale ou de toute autre activité d'indépendant exercée par le débiteur, publié au registre des sociétés, le cas échéant.(78)Les informations relatives à certains aspects de la procédure d'insolvabilité sont essentielles pour les créanciers, comme par exemple les délais fixés pour la production des créances ou pour attaquer les décisions. Le présent règlement ne devrait toutefois pas obliger les États membres à calculer ces délais au cas par cas. Les États membres devraient pouvoir s'acquitter des obligations qui leur incombent en ajoutant, sur le portail européen e-Justice, des hyperliens permettant d'obtenir des informations suffisamment explicites sur les critères à utiliser pour calculer ces délais.(79)Pour assurer une protection suffisante des informations relatives aux personnes physiques n'exerçant pas une profession libérale ou toute autre activité d'indépendant, les États membres devraient être en mesure de subordonner l'accès à ces informations à des critères de recherche supplémentaires tels que le numéro d'identification personnel du débiteur, son adresse, sa date de naissance ou le ressort de la juridiction compétente, ou subordonner cet accès à une demande adressée à l'autorité compétente ou à la vérification de l'existence d'un intérêt légitime.(80)Les États membres devraient également avoir la possibilité de ne pas faire figurer dans leurs registres d'insolvabilité des informations relatives aux personnes physiques n'exerçant pas une profession libérale ou toute autre activité d'indépendant. Dans ce cas, les États membres devraient veiller à ce que les informations pertinentes soient fournies aux créanciers par l'envoi individuel d'une note, et à ce que la procédure ne porte pas atteinte aux créances des créanciers qui n'ont pas reçu ces informations.

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(81)Il se peut qu'une partie des personnes concernées ne soit pas au courant de l'ouverture de la procédure d'insolvabilité et agisse de bonne foi en contradiction avec les nouvelles circonstances. Afin de protéger ces personnes qui, dans l'ignorance de l'ouverture de la procédure dans un autre État membre, effectuent un paiement au profit du débiteur au lieu du praticien de l'insolvabilité dans un autre État membre, il convient de prévoir le caractère libératoire de ce paiement.(82)Afin d'assurer des conditions uniformes d'exécution du présent règlement, il convient de conférer des compétences d'exécution à la Commission. Ces compétences devraient être exercées en conformité avec le règlement (UE) no 182/2011 du Parlement européen et du Conseil (8).(83)Le présent règlement respecte les droits fondamentaux et observe les principes consacrés par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Le présent règlement vise, en particulier, à encourager l'application des articles 8, 17 et 47 qui concernent, respectivement, la protection des données à caractère personnel, le droit de propriété et le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial.(84)La directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil (9) et le règlement (CE) no 45/2001 du Parlement européen et du Conseil (10) sont applicables au traitement des données à caractère personnel effectué dans le cadre du présent règlement.(85)Le présent règlement s'applique sans préjudice du règlement (CEE, Euratom) no 1182/71 du Conseil (11).(86)Étant donné que l'objectif du présent règlement ne peut pas être atteint de manière suffisante par les États membres mais peut, en raison de la création d'un cadre juridique pour la bonne administration des procédures d'insolvabilité transfrontalières, l'être mieux au niveau de l'Union, celle-ci peut prendre des mesures, conformément au principe de subsidiarité consacré à l'article 5 du traité sur l'Union européenne. Conformément au principe de proportionnalité tel qu'énoncé audit article, le présent règlement n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.(87)Conformément à l'article 3 et à l'article 4 bis, paragraphe 1, du protocole no 21 sur la position du Royaume-Uni et de l'Irlande à l'égard de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, annexé au traité sur l'Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ces États membres ont notifié leur souhait de participer à l'adoption et à l'application du présent règlement.(88)Conformément aux articles 1er et 2 du protocole no 22 sur la position du Danemark annexé au traité sur l'Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le Danemark ne participe pas à l'adoption du présent règlement et n'est pas lié par celui-ci ni soumis à son application.(89)Le Contrôleur européen de la protection des données a été consulté et a rendu un avis le 27 mars 2013 (12),ONT ADOPTÉ LE PRÉSENT RÈGLEMENT:CHAPITRE IDISPOSITIONS GÉNÉRALES

Article premier

Champ d'application

1. Le présent règlement s'applique aux procédures collectives publiques, y compris les procédures provisoires, qui sont fondées sur des législations relatives à l'insolvabilité et au cours desquelles, aux fins d'un redressement, d'un ajustement de dettes, d'une réorganisation ou d'une liquidation:a)un débiteur est totalement ou partiellement dessaisi de ses actifs et un praticien de l'insolvabilité est désigné;b)les actifs et les affaires d'un débiteur sont soumis au contrôle ou à la surveillance d'une juridiction; ouc)une suspension provisoire des poursuites individuelles est accordée par une juridiction ou de plein droit pour permettre des négociations entre le débiteur et ses créanciers, pour autant que la procédure pour

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laquelle la suspension est accordée prévoie des mesures adéquates pour protéger la masse des créanciers et, si aucun accord n'est dégagé, qu'elle soit préalable à l'une des procédures visées au point a) ou b).Lorsque les procédures visées au présent paragraphe peuvent être engagées dans des situations où il n'existe qu'une probabilité d'insolvabilité, leur objectif doit être d'éviter l'insolvabilité du débiteur ou la cessation de ses activités.La liste des procédures visées au présent paragraphe figure à l'annexe A.2. Le présent règlement ne s'applique pas aux procédures visées au paragraphe 1 qui concernent:a)les entreprises d'assurance;b)les établissements de crédit;c)les entreprises d'investissement et autres firmes, établissements ou entreprises, pour autant qu'ils relèvent de la directive 2001/24/CE; oud)les organismes de placement collectif.Article 2

Définitions

Aux fins du présent règlement, on entend par:1)«procédures collectives», les procédures auxquelles participe la totalité ou une partie importante des créanciers d'un débiteur, pour autant que, dans ce dernier cas, les procédures ne portent pas atteinte aux créances des créanciers qui ne sont pas parties à ces procédures;2)«organismes de placement collectifs», les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) au sens de la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil (13) et les fonds d'investissement alternatifs (FIA) au sens de la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil (14);3)«débiteur non dessaisi», un débiteur à l'encontre duquel une procédure d'insolvabilité a été ouverte, qui n'implique pas nécessairement la désignation d'un praticien de l'insolvabilité ou le transfert de l'ensemble des droits et des devoirs de gestion des actifs du débiteur à un praticien de l'insolvabilité et dans le cadre de laquelle le débiteur continue, dès lors, de contrôler en totalité ou au moins en partie ses actifs et ses affaires;4)«procédure d'insolvabilité», les procédures mentionnées sur la liste figurant à l'annexe A;5)«praticien de l'insolvabilité», toute personne ou tout organe dont la fonction, y compris à titre intérimaire, consiste à:i)vérifier et admettre les créances soumises dans le cadre d'une procédure d'insolvabilité;ii)représenter l'intérêt collectif des créanciers;iii)administrer, en tout ou en partie, les actifs dont le débiteur est dessaisi;iv)liquider les actifs visés au point iii); ouv)surveiller la gestion des affaires du débiteur.La liste des personnes et organes visés au premier alinéa figure à l'annexe B;6)«juridiction»:i)à l'article 1er, paragraphe 1, points b) et c), à l'article 4, paragraphe 2, aux articles 5 et 6, à l'article 21, paragraphe 3, à l'article 24, paragraphe 2, point j), aux articles 36 et 39 et aux articles 61 à 77, l'organe judiciaire d'un État membre;ii)

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dans tous les autres articles, l'organe judiciaire ou tout autre organe compétent d'un État membre habilité à ouvrir une procédure d'insolvabilité, à confirmer l'ouverture d'une telle procédure ou à prendre des décisions au cours d'une telle procédure;7)«décision d'ouverture de la procédure d'insolvabilité», une décision qui comprend:i)la décision de toute juridiction d'ouvrir une procédure d'insolvabilité ou de confirmer l'ouverture d'une telle procédure; etii)la décision d'une juridiction de désigner un praticien de l'insolvabilité;8)«moment de l'ouverture de la procédure», le moment auquel la décision d'ouverture de la procédure d'insolvabilité prend effet, que cette décision soit ou non définitive;9)«État membre dans lequel les actifs sont situés»:i)pour les actions nominatives de sociétés autres que celles visées au point ii), l'État membre sur le territoire duquel la société qui a émis les actions a son siège statutaire;ii)pour les instruments financiers dont la propriété est prouvée par une inscription dans un registre ou sur un compte tenu par un intermédiaire ou au nom d'un intermédiaire («titres en compte courant»), l'État membre dans lequel est tenu le registre ou le compte où figure l'inscription;iii)pour les espèces détenues sur des comptes ouverts auprès d'un établissement de crédit, l'État membre mentionné dans le code IBAN du compte ou, pour les espèces détenues sur des comptes ouverts auprès d'un établissement de crédit ne possédant pas de code IBAN, l'État membre dans lequel l'établissement de crédit détenant le compte a son administration centrale ou, si le compte est ouvert auprès d'une succursale, d'une agence ou d'un autre établissement, l'État membre dans lequel se situe la succursale, l'agence ou l'autre établissement;iv)pour les biens et les droits que le propriétaire ou le titulaire du droit inscrit dans un registre public autre que ceux visés au point i), l'État membre sous l'autorité duquel ce registre est tenu;v)pour les brevets européens, l'État membre pour lequel le brevet européen est délivré;vi)pour les droits d'auteur et les droits voisins, l'État membre sur le territoire duquel le titulaire de ces droits a sa résidence habituelle ou son siège statutaire;vii)pour les biens corporels autres que ceux visés aux points i) à iv), l'État membre sur le territoire duquel le bien est situé;viii)pour les créances sur des tiers autres que celles portant sur les actifs visés au point iii), l'État membre sur le territoire duquel se situe le centre des intérêts principaux du tiers débiteur, tel qu'il est déterminé conformément à l'article 3, paragraphe 1;10)«établissement», tout lieu d'opérations où un débiteur exerce ou a exercé au cours de la période de trois mois précédant la demande d'ouverture de la procédure d'insolvabilité principale, de façon non transitoire, une activité économique avec des moyens humains et des actifs;11)«créancier local», un créancier dont les créances sur un débiteur sont nées de l'exploitation d'un établissement situé dans un État membre autre que l'État membre où se situe le centre des intérêts principaux du débiteur, ou sont liées à cette exploitation;12)«créancier étranger», un créancier qui a sa résidence habituelle, son domicile ou son siège statutaire dans un État membre autre que l'État d'ouverture de la procédure, y compris les autorités fiscales et les organismes de sécurité sociale des États membres;13)«groupe de sociétés», une entreprise mère et l'ensemble de ses filiales;14)

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«entreprise mère», une entreprise qui contrôle, soit directement, soit indirectement, une ou plusieurs filiales. Une entreprise qui prépare des états financiers consolidés conformément à la directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil (15) est réputée être une entreprise mère.Article 3

Compétence internationale

1. Les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d'insolvabilité (ci-après dénommée «procédure d'insolvabilité principale»). Le centre des intérêts principaux correspond au lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est vérifiable par des tiers.Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu'à preuve du contraire, être le lieu du siège statutaire. Cette présomption ne s'applique que si le siège statutaire n'a pas été transféré dans un autre État membre au cours des trois mois précédant la demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité.Pour une personne physique exerçant une profession libérale ou toute autre activité d'indépendant, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu'à preuve du contraire, être le lieu d'activité principal de l'intéressé. Cette présomption ne s'applique que si le lieu d'activité principal de la personne physique n'a pas été transféré dans un autre État membre au cours des trois mois précédant la demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité.Pour toute autre personne physique, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu'à preuve du contraire, être la résidence habituelle de l'intéressé. Cette présomption ne s'applique que si la résidence habituelle n'a pas été transférée dans un autre État membre au cours des six mois précédant la demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité.2. Lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur est situé sur le territoire d'un État membre, les juridictions d'un autre État membre ne sont compétentes pour ouvrir une procédure d'insolvabilité à l'égard de ce débiteur que si celui-ci possède un établissement sur le territoire de cet autre État membre. Les effets de cette procédure sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce dernier territoire.3. Lorsqu'une procédure d'insolvabilité a été ouverte en application du paragraphe 1, toute procédure ouverte ultérieurement en application du paragraphe 2 est une procédure d'insolvabilité secondaire.4. La procédure d'insolvabilité territoriale visée au paragraphe 2 ne peut être ouverte avant l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité principale en application du paragraphe 1 que si:a)une procédure d'insolvabilité ne peut pas être ouverte en application du paragraphe 1 en raison des conditions établies par le droit de l'État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur; oub)l'ouverture de la procédure d'insolvabilité territoriale est demandée par:i)un créancier dont la créance est née de l'exploitation d'un établissement situé sur le territoire de l'État membre dans lequel l'ouverture de la procédure territoriale est demandée, ou est liée à celle-ci; ouii)une autorité publique qui, en vertu du droit de l'État membre sur le territoire duquel l'établissement est situé, a le droit de demander l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité.Lorsqu'une procédure d'insolvabilité principale est ouverte, la procédure d'insolvabilité territoriale devient une procédure d'insolvabilité secondaire.Article 4

Vérification de la compétence

1. La juridiction saisie d'une demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité examine d'office si elle est compétente en vertu de l'article 3. Dans sa décision d'ouverture de la procédure d'insolvabilité, la juridiction indique les fondements de sa compétence, et précise notamment si sa compétence est fondée sur le paragraphe 1 ou 2 de l'article 3.2. Sans préjudice du paragraphe 1, lorsqu'une procédure d'insolvabilité est ouverte conformément au droit national en dehors de toute décision juridictionnelle, les États membres peuvent charger le praticien de l'insolvabilité désigné dans ladite procédure d'examiner si l'État membre dans lequel une demande d'ouverture d'une procédure est en cours est compétent en vertu de l'article 3. Si tel est le cas, le praticien

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de l'insolvabilité indique, dans la décision d'ouverture de la procédure, les fondements de cette compétence, et précise notamment si ladite compétence est fondée sur le paragraphe 1 ou 2 de l'article 3.Article 5

Contrôle juridictionnel de la décision d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité principale

1. Le débiteur ou tout créancier peut attaquer devant une juridiction la décision d'ouverture de la procédure d'insolvabilité principale pour des motifs de compétence internationale.2. La décision d'ouverture de la procédure d'insolvabilité principale peut être attaquée par des parties autres que celles visées au paragraphe 1, ou pour des motifs autres que l'absence de compétence internationale, si le droit national le prévoit.Article 6

Compétence juridictionnelle pour une action qui découle directement de la procédure d'insolvabilité et qui y est étroitement liée

1. Les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel la procédure d'insolvabilité a été ouverte en application de l'article 3 sont compétentes pour connaître de toute action qui découle directement de la procédure d'insolvabilité et y est étroitement liée, telles les actions révocatoires.2. Lorsqu'une action visée au paragraphe 1 est liée à une action en matière civile et commerciale intentée contre le même défendeur, le praticien de l'insolvabilité peut porter les deux actions devant les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel le défendeur est domicilié ou, si l'action est dirigée contre plusieurs défendeurs, devant les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel l'un d'eux est domicilié, à condition que ces juridictions soient compétentes en vertu du règlement (UE) no 1215/2012.Le premier alinéa s'applique au débiteur non dessaisi, pour autant que le droit national l'autorise à intenter des actions au nom de la masse de l'insolvabilité.3. Sont réputées connexes, aux fins du paragraphe 2, les actions qui sont à ce point étroitement liées qu'il y a un intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter que ne soient rendues des décisions inconciliables, issues de procédures séparées.Article 7

Loi applicable

1. Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à la procédure d'insolvabilité et à ses effets est celle de l'État membre sur le territoire duquel cette procédure est ouverte (ci-après dénommé «État d'ouverture»).2. La loi de l'État d'ouverture détermine les conditions liées à l'ouverture, au déroulement et à la clôture de la procédure d'insolvabilité. Elle détermine notamment les éléments suivants:a)les débiteurs susceptibles de faire l'objet d'une procédure d'insolvabilité du fait de leur qualité;b)les biens qui font partie de la masse de l'insolvabilité et le sort des biens acquis par le débiteur ou qui lui reviennent après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité;c)les pouvoirs respectifs du débiteur et du praticien de l'insolvabilité;d)les conditions d'opposabilité d'une compensation;e)les effets de la procédure d'insolvabilité sur les contrats en cours auxquels le débiteur est partie;f)les effets de la procédure d'insolvabilité sur les procédures engagées par des créanciers individuels, à l'exception des instances en cours;g)les créances à produire au passif du débiteur et le sort des créances nées après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité;h)les règles régissant la production, la vérification et l'admission des créances;i)

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les règles régissant la distribution du produit de la réalisation des actifs, le rang des créances et les droits des créanciers qui ont été partiellement désintéressés après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité en vertu d'un droit réel ou par l'effet d'une compensation;j)les conditions et les effets de la clôture de la procédure d'insolvabilité, notamment par concordat;k)les droits des créanciers après la clôture de la procédure d'insolvabilité;l)la charge des frais et des dépenses de la procédure d'insolvabilité;m)les règles relatives à la nullité, à l'annulation ou à l'inopposabilité des actes juridiques préjudiciables à la masse des créanciers.Article 8

Droits réels des tiers

1. L'ouverture de la procédure d'insolvabilité n'affecte pas le droit réel d'un créancier ou d'un tiers sur des biens corporels ou incorporels, meubles ou immeubles, à la fois des biens déterminés et des ensembles de biens indéterminés dont la composition est sujette à modification, appartenant au débiteur et qui sont situés, au moment de l'ouverture de la procédure, sur le territoire d'un autre État membre.2. Les droits visés au paragraphe 1 sont notamment:a)le droit de réaliser ou de faire réaliser un bien et d'être désintéressé par le produit ou les revenus de ce bien, en particulier en vertu d'un gage ou d'une hypothèque;b)le droit exclusif de recouvrer une créance, notamment en vertu de la mise en gage ou de la cession de cette créance à titre de garantie;c)le droit de revendiquer un bien et/ou d'en réclamer la restitution entre les mains de quiconque le détient ou en jouit contre la volonté de l'ayant droit;d)le droit réel de percevoir les fruits d'un bien.3. Est assimilé à un droit réel le droit, inscrit dans un registre public et opposable aux tiers, sur le fondement duquel un droit réel au sens du paragraphe 1 peut être obtenu.4. Le paragraphe 1 ne fait pas obstacle aux actions en nullité, en annulation ou en inopposabilité visées à l'article 7, paragraphe 2, point m).Article 9

Compensation

1. L'ouverture de la procédure d'insolvabilité n'affecte pas le droit des créanciers d'invoquer la compensation de leurs créances avec les créances du débiteur, lorsque cette compensation est permise par la loi applicable à la créance du débiteur insolvable.2. Le paragraphe 1 ne fait pas obstacle aux actions en nullité, en annulation ou en inopposabilité visées à l'article 7, paragraphe 2, point m).Article 10

Réserve de propriété

1. L'ouverture d'une procédure d'insolvabilité à l'encontre de l'acheteur d'un bien n'affecte pas les droits des vendeurs qui sont fondés sur une réserve de propriété, lorsque ce bien est situé, au moment de l'ouverture de la procédure, sur le territoire d'un État membre autre que l'État d'ouverture.2. L'ouverture d'une procédure d'insolvabilité contre le vendeur d'un bien, après la livraison de ce bien, ne constitue pas une cause de résolution ou de résiliation de la vente et ne fait pas obstacle à l'acquisition par l'acheteur de la propriété du bien vendu, lorsque ce bien est situé au moment de l'ouverture de la procédure sur le territoire d'un État membre autre que l'État d'ouverture.3. Les paragraphes 1 et 2 ne font pas obstacle aux actions en nullité, en annulation ou en inopposabilité visées à l'article 7, paragraphe 2, point m).Article 11

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Contrats portant sur un bien immobilier

1. Les effets de la procédure d'insolvabilité sur un contrat donnant le droit d'acquérir un bien immobilier ou d'en jouir sont régis exclusivement par la loi de l'État membre sur le territoire duquel ce bien est situé.2. La juridiction qui a ouvert la procédure d'insolvabilité principale est compétente pour approuver la résiliation ou la modification des contrats visés dans le présent article, dans les cas où:a)la loi de l'État membre applicable à ces contrats exige que ce type de contrats ne peut être résilié ou modifié qu'avec l'approbation de la juridiction qui a ouvert la procédure d'insolvabilité; etb)si aucune procédure d'insolvabilité n'a été ouverte dans cet État membre.Article 12

Systèmes de paiement et marchés financiers

1. Sans préjudice de l'article 8, les effets de la procédure d'insolvabilité sur les droits et obligations des participants à un système de paiement ou de règlement ou à un marché financier sont régis exclusivement par la loi de l'État membre applicable audit système ou marché.2. Le paragraphe 1 ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action en nullité, en annulation ou en inopposabilité des paiements ou des transactions en vertu de la loi applicable au système de paiement ou au marché financier concerné.Article 13

Contrats de travail

1. Les effets de la procédure d'insolvabilité sur les contrats de travail et sur les relations de travail sont régis exclusivement par la loi de l'État membre applicable au contrat de travail.2. Les juridictions de l'État membre dans lequel une procédure d'insolvabilité secondaire peut être ouverte demeurent compétentes pour approuver la résiliation ou la modification des contrats visés au présent article, même si aucune procédure d'insolvabilité n'a été ouverte dans cet État membre.Le premier alinéa s'applique également à une autorité compétente en vertu du droit national pour approuver la résiliation ou la modification des contrats visés au présent article.Article 14

Effets sur les droits soumis à enregistrement

Les effets de la procédure d'insolvabilité sur les droits d'un débiteur sur un bien immobilier, un navire ou un aéronef qui sont soumis à inscription dans un registre public sont régis par la loi de l'État membre sous l'autorité duquel ce registre est tenu.Article 15

Brevets européens à effet unitaire et marques communautaires

Aux fins du présent règlement, un brevet européen à effet unitaire, une marque communautaire ou tout autre droit analogue établi par le droit de l'Union ne peut être inclus que dans la procédure visée à l'article 3, paragraphe 1.Article 16

Actes préjudiciables

L'article 7, paragraphe 2, point m), n'est pas applicable lorsque celui qui a bénéficié d'un acte préjudiciable à l'ensemble des créanciers apporte la preuve:a)que cet acte est soumis à la loi d'un État membre autre que l'État d'ouverture; etb)que la loi dudit État membre ne permet en l'espèce, par aucun moyen, d'attaquer cet acte.Article 17

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Protection du tiers acquéreur

Lorsque, par un acte conclu après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité, un débiteur dispose à titre onéreux:a)d'un bien immobilier;b)d'un navire ou d'un aéronef soumis à inscription dans un registre public; ouc)de valeurs mobilières dont l'existence nécessite une inscription dans un registre prévu par la loi,la validité de cet acte est régie par la loi de l'État sur le territoire duquel ce bien immobilier est situé, ou sous l'autorité duquel ce registre est tenu.Article 18

Effets de la procédure d'insolvabilité sur les instances ou les procédures arbitrales en cours

Les effets de la procédure d'insolvabilité sur une instance ou une procédure arbitrale en cours concernant un bien ou un droit qui fait partie de la masse de l'insolvabilité d'un débiteur sont régis exclusivement par la loi de l'État membre dans lequel l'instance est en cours ou dans lequel le tribunal arbitral a son siège.CHAPITRE IIRECONNAISSANCE DE LA PROCÉDURE D'INSOLVABILITÉ

Article 19

Principe

1. Toute décision ouvrant une procédure d'insolvabilité rendue par une juridiction d'un État membre compétente en vertu de l'article 3 est reconnue dans tous les autres États membres dès qu'elle produit ses effets dans l'État d'ouverture.La règle énoncée au premier alinéa s'applique également lorsqu'un débiteur, du fait de sa qualité, n'est pas susceptible de faire l'objet d'une procédure d'insolvabilité dans d'autres États membres.2. La reconnaissance de la procédure visée à l'article 3, paragraphe 1, ne fait pas obstacle à l'ouverture de la procédure visée à l'article 3, paragraphe 2, par une juridiction d'un autre État membre. Dans ce cas, cette dernière procédure est une procédure d'insolvabilité secondaire au sens du chapitre III.Article 20

Effets de la reconnaissance

1. La décision d'ouverture de la procédure d'insolvabilité visée à l'article 3, paragraphe 1, produit, sans aucune autre formalité, dans tout autre État membre les mêmes effets que ceux prévus par la loi de l'État d'ouverture, sauf disposition contraire du présent règlement et aussi longtemps qu'aucune procédure visée à l'article 3, paragraphe 2, n'est ouverte dans cet autre État membre.2. Les effets de la procédure visée à l'article 3, paragraphe 2, ne peuvent pas être contestés dans d'autres États membres. Toute limitation des droits des créanciers, notamment un sursis de paiement ou une remise de dette, ne peut être opposée, quant aux biens situés sur le territoire d'un autre État membre, qu'aux créanciers qui ont exprimé leur accord.Article 21

Pouvoirs du praticien de l'insolvabilité

1. Le praticien de l'insolvabilité désigné par une juridiction compétente en vertu de l'article 3, paragraphe 1, peut exercer dans un autre État membre tous les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi de l'État d'ouverture, aussi longtemps qu'aucune autre procédure d'insolvabilité n'a été ouverte dans cet autre État membre et qu'aucune mesure conservatoire contraire n'y a été prise à la suite d'une demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité dans cet État. Sous réserve des articles 8 et 10, le praticien de l'insolvabilité peut notamment déplacer les actifs du débiteur hors du territoire de l'État membre dans lequel ils se trouvent.2. Le praticien de l'insolvabilité désigné par une juridiction compétente en vertu de l'article 3, paragraphe 2, peut faire valoir dans tout autre État membre, par voie judiciaire ou extrajudiciaire, qu'un

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bien mobilier a été transféré du territoire de l'État d'ouverture sur le territoire de cet autre État membre après l'ouverture de la procédure d'insolvabilité. Le praticien de l'insolvabilité peut également exercer toute action révocatoire utile aux intérêts des créanciers.3. Dans l'exercice de ses pouvoirs, le praticien de l'insolvabilité respecte la loi de l'État membre sur le territoire duquel il entend agir, en particulier quant aux modalités de réalisation des actifs. Ces pouvoirs ne peuvent inclure l'emploi de moyens contraignants, à moins qu'ils ne soient ordonnés par une juridiction de cet État membre, ni le droit de statuer sur une action en justice ou un différend.Article 22

Preuve de la désignation du praticien de l'insolvabilité

La désignation du praticien de l'insolvabilité est établie par la présentation d'une copie, certifiée conforme à l'original, de la décision qui le nomme, ou par tout autre certificat établi par la juridiction compétente.Une traduction dans la langue officielle ou une des langues officielles de l'État membre sur le territoire duquel il entend agir peut être exigée. Aucune légalisation ou autre formalité analogue n'est requise.Article 23

Restitution et imputation

1. Le créancier qui, après l'ouverture de la procédure visée à l'article 3, paragraphe 1, obtient par tout moyen, notamment par des voies d'exécution, satisfaction totale ou partielle en ce qui concerne sa créance sur les biens du débiteur qui se situent sur le territoire d'un autre État membre restitue ce qu'il a obtenu au praticien de l'insolvabilité, sous réserve des articles 8 et 10.2. Afin d'assurer un traitement égal des créanciers, un créancier qui a obtenu, dans une procédure d'insolvabilité, un dividende sur sa créance ne participe aux répartitions ouvertes dans une autre procédure que lorsque les créanciers de même rang ou de même catégorie ont obtenu, dans cette autre procédure, un dividende équivalent.Article 24

Création de registres d'insolvabilité

1. Les États membres créent et tiennent, sur leur territoire, un ou plusieurs registres dans lesquels sont publiées des informations concernant les procédures d'insolvabilité (ci-après dénommés «registres d'insolvabilité»). Ces informations sont publiées dès que possible après l'ouverture de ces procédures.2. Les informations visées au paragraphe 1 du présent article sont rendues publiques, sous réserve des conditions prévues à l'article 27, et comportent les élément suivants (ci-après dénommés «informations obligatoires»):a)la date d'ouverture de la procédure d'insolvabilité;b)la juridiction qui ouvre la procédure d'insolvabilité et le numéro de référence de l'affaire, le cas échéant;c)le type de procédure d'insolvabilité visée à l'annexe A qui a été ouverte et, le cas échéant, tout sous-type pertinent de procédure ouverte conformément au droit national;d)l'indication selon laquelle la compétence pour l'ouverture d'une procédure est fondée sur l'article 3, paragraphe 1, 2 ou 4;e)si le débiteur est une société ou une personne morale, le nom du débiteur, son numéro d'enregistrement, son siège statutaire ou, si elle est différente, son adresse postale;f)si le débiteur est une personne physique exerçant une profession libérale ou toute autre activité d'indépendant, le nom du débiteur, son numéro d'enregistrement, le cas échéant, et son adresse postale ou, si l'adresse est protégée, son lieu et sa date de naissance;g)le nom, l'adresse postale ou l'adresse électronique du praticien de l'insolvabilité désigné, le cas échéant, dans la procédure;h)

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le délai fixé pour la production des créances, le cas échéant, ou une référence aux critères à utiliser pour calculer ce délai;i)la date de clôture de la procédure d'insolvabilité principale, le cas échéant;j)la juridiction devant laquelle et, le cas échéant, le délai dans lequel un recours contre la décision d'ouverture de la procédure d'insolvabilité doit être formé, conformément à l'article 5, ou une référence aux critères à utiliser pour calculer ce délai.3. Le paragraphe 2 n'empêche pas les États membres de faire figurer des documents ou d'autres informations dans leurs registres d'insolvabilité nationaux, tels que les déchéances de dirigeants liées à des situations d'insolvabilité.4. Les États membres ne sont pas tenus de faire figurer dans les registres d'insolvabilité les informations visées au paragraphe 1 du présent article concernant des personnes physiques n'exerçant pas une profession libérale ou toute autre activité d'indépendant, ni de rendre ces informations disponibles au public par l'intermédiaire du système d'interconnexion de ces registres, pour autant que des créanciers étrangers connus soient informés, conformément à l'article 54, des éléments visés au paragraphe 2, point j), du présent article.Lorsqu'un État membre fait usage de la possibilité visée au premier alinéa, la procédure d'insolvabilité n'affecte pas les créances des créanciers étrangers qui n'ont pas reçu les informations visées au premier alinéa.5. La publication d'informations dans les registres, réalisée en vertu du présent règlement, n'a pas d'autres effets juridiques que ceux définis dans le droit national et à l'article 55, paragraphe 6.Article 25

Interconnexion des registres d'insolvabilité

1. La Commission met en place, par voie d'actes d'exécution, un système décentralisé permettant l'interconnexion des registres d'insolvabilité. Ce système comporte les registres d'insolvabilité et le portail européen e-Justice, qui sert de point central d'accès public par voie électronique aux informations disponibles dans le système. Le système propose une fonction de recherche dans toutes les langues officielles des institutions de l'Union afin de permettre l'accès aux informations obligatoires ainsi qu'aux autres documents ou informations figurant dans les registres d'insolvabilité que les États membres décideraient de rendre disponibles par l'intermédiaire du portail européen e-Justice.2. Par voie d'actes d'exécution pris en conformité avec la procédure visée à l'article 87, la Commission adopte, au plus tard le 26 juin 2019:a)le cahier des charges précisant les modes de communication et d'échange d'informations par voie électronique compte tenu de la spécification d'interface retenue pour le système d'interconnexion des registres d'insolvabilité;b)les mesures techniques garantissant les normes minimales de sécurité des technologies de l'information pour la communication et la diffusion de l'information au sein du système d'interconnexion des registres d'insolvabilité;c)les critères minimaux de la fonction de recherche proposée par le portail européen e-Justice compte tenu des informations énoncées à l'article 24;d)les critères minimaux de présentation des résultats de ces recherches compte tenu des informations énoncées à l'article 24;e)les modalités et les conditions techniques de disponibilité des services fournis par le système d'interconnexion; etf)un glossaire comportant une explication de base des procédures nationales d'insolvabilité dont la liste figure à l'annexe A.Article 26

Coût de la création et de l'interconnexion des registres d'insolvabilité

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1. La création, la tenue et le développement futur du système d'interconnexion des registres d'insolvabilité sont financés sur le budget général de l'Union.2. Chaque État membre supporte les coûts de création et d'adaptation nécessaires pour permettre l'interopérabilité de ses registres d'insolvabilité nationaux avec le portail européen e-Justice, ainsi que les coûts de gestion, d'exploitation et de tenue de ces registres. Cela s'entend sans préjudice de la possibilité pour les États membres de solliciter l'octroi de subventions destinées au soutien de ces activités dans le cadre des programmes financiers de l'Union.Article 27

Conditions d'accès aux informations par l'intermédiaire du système d'interconnexion

1. Les États membres veillent à ce que les informations obligatoires visées à l'article 24, paragraphe 2, points a) à j), soient disponibles gratuitement par l'intermédiaire du système d'interconnexion des registres d'insolvabilité.2. Le présent règlement n'empêche pas les États membres de réclamer des droits raisonnables pour accorder l'accès aux documents ou autres informations visés à l'article 24, paragraphe 3, par l'intermédiaire du système d'interconnexion des registres d'insolvabilité.3. Les États membres peuvent subordonner l'accès aux informations obligatoires concernant des personnes physiques n'exerçant pas une profession libérale ou toute autre activité d'indépendant, ainsi que des personnes physiques exerçant une profession libérale ou toute autre activité d'indépendant lorsque la procédure d'insolvabilité n'est pas liée à cette activité, à des critères de recherche supplémentaires concernant le débiteur, en plus des critères minimaux visés à l'article 25, paragraphe 2, point c).4. Les États membres peuvent exiger que l'accès aux informations visées au paragraphe 3 soit subordonné à une demande adressée à l'autorité compétente. Ils peuvent subordonner cet accès à la vérification de l'existence d'un intérêt légitime à accéder à ces informations. La personne requérante doit avoir la possibilité de soumettre sa demande d'information par voie électronique, au moyen d'un formulaire uniformisé par l'intermédiaire du portail européen e-Justice. Lorsqu'un intérêt légitime est exigé, la personne requérante est autorisée à justifier sa demande en envoyant des copies électroniques des documents pertinents. La personne requérante reçoit une réponse de l'autorité compétente dans les trois jours ouvrables.La personne requérante n'est pas tenue de fournir des traductions des documents justifiant sa demande ni de prendre en charge les frais éventuels de traduction auxquels l'autorité compétente pourrait être exposée.Article 28

Publication dans un autre État membre

1. Le praticien de l'insolvabilité ou le débiteur non dessaisi demande que le contenu essentiel de la décision d'ouverture de la procédure d'insolvabilité et, le cas échéant, de la décision de désignation du praticien de l'insolvabilité soit publié dans tout autre État membre où est situé un établissement du débiteur, conformément aux modalités de publication prévues dans cet État membre. Cette publication mentionne, le cas échéant, le praticien de l'insolvabilité désigné et précise si la règle de compétence appliquée est celle du paragraphe 1 ou du paragraphe 2 de l'article 3.2. Le praticien de l'insolvabilité ou le débiteur non dessaisi peut demander que les informations visées au paragraphe 1 soient publiées dans tout autre État membre où le praticien de l'insolvabilité ou le débiteur non dessaisi le juge nécessaire, conformément aux modalités de publication prévues dans cet État membre.Article 29

Inscription dans les registres publics d'un autre État membre

1. Si la loi d'un État membre où est situé un établissement du débiteur et où cet établissement est inscrit dans un registre public de cet État membre, ou la loi d'un État membre dans lequel se situent des biens immobiliers appartenant au débiteur, exige que les informations relatives à l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité visée à l'article 28 soient publiées au registre foncier, au registre des sociétés ou dans tout autre registre public, le praticien de l'insolvabilité ou le débiteur non dessaisi prend toutes les mesures nécessaires pour procéder à cette inscription.

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2. Le praticien de l'insolvabilité ou le débiteur non dessaisi peut demander que cette inscription soit effectuée dans un autre État membre, pour autant que la loi de l'État membre dans lequel le registre est tenu l'autorise.Article 30

Frais

Les frais des mesures de publicité et d'inscription prévues aux articles 28 et 29 sont considérés comme des frais et dépenses de la procédure.Article 31

Exécution au profit du débiteur

1. Celui qui, dans un État membre, exécute une obligation au profit d'un débiteur soumis à une procédure d'insolvabilité ouverte dans un autre État membre, alors qu'il aurait dû le faire au profit du praticien de l'insolvabilité de cette procédure, est libéré s'il ignorait l'ouverture de la procédure.2. Celui qui a exécuté cette obligation avant les mesures de publicité prévues à l'article 28 est présumé, jusqu'à preuve du contraire, avoir ignoré l'ouverture de la procédure d'insolvabilité. Celui qui l'a exécutée après ces mesures de publicité est présumé, jusqu'à preuve du contraire, avoir eu connaissance de l'ouverture de la procédure.Article 32

Reconnaissance et caractère exécutoire d'autres décisions

1. Les décisions relatives au déroulement et à la clôture d'une procédure d'insolvabilité rendues par une juridiction dont la décision d'ouverture est reconnue conformément à l'article 19 ainsi que les concordats approuvés par une telle juridiction sont également reconnus sans autre formalité. Ces décisions sont exécutées conformément aux articles 39 à 44 et 47 à 57 du règlement (UE) no 1215/2012.Le premier alinéa s'applique également aux décisions qui découlent directement de la procédure d'insolvabilité et qui y sont étroitement liées, même si elles ont été rendues par une autre juridiction.Le premier alinéa s'applique également aux décisions relatives aux mesures conservatoires prises après la demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité ou en rapport avec celle-ci.2. La reconnaissance et l'exécution de décisions autres que celles visées au paragraphe 1 du présent article sont régies par le règlement (UE) no 1215/2012, pour autant que ledit règlement soit applicable.Article 33

Ordre public

Tout État membre peut refuser de reconnaître une procédure d'insolvabilité ouverte dans un autre État membre ou d'exécuter une décision rendue dans le cadre d'une telle procédure, lorsque cette reconnaissance ou cette exécution produirait des effets manifestement contraires à son ordre public, en particulier à ses principes fondamentaux ou aux droits et aux libertés individuelles garantis par sa constitution.CHAPITRE IIIPROCÉDURES D'INSOLVABILITÉ SECONDAIRES

Article 34

Ouverture de la procédure

Lorsqu'une procédure d'insolvabilité principale a été ouverte par une juridiction d'un État membre et reconnue dans un autre État membre, une juridiction de cet autre État membre qui est compétente en vertu de l'article 3, paragraphe 2, peut ouvrir une procédure d'insolvabilité secondaire conformément aux dispositions énoncées au présent chapitre. Lorsque la procédure d'insolvabilité principale exigeait que le débiteur soit insolvable, l'insolvabilité de ce dernier n'est pas réexaminée dans l'État membre dans lequel la procédure d'insolvabilité secondaire peut être ouverte. Les effets de la procédure d'insolvabilité secondaire sont limités aux actifs du débiteur se trouvant sur le territoire de l'État membre dans lequel ladite procédure a été ouverte.Article 35

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Loi applicable

Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à la procédure d'insolvabilité secondaire est celle de l'État membre sur le territoire duquel la procédure d'insolvabilité secondaire est ouverte.Article 36

Droit de prendre un engagement afin d'éviter une procédure d'insolvabilité secondaire

1. Afin d'éviter l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité secondaire, le praticien de l'insolvabilité de la procédure d'insolvabilité principale peut prendre un engagement unilatéral (ci-après dénommé «engagement») en ce qui concerne les actifs se trouvant dans l'État membre dans lequel une procédure d'insolvabilité secondaire pourrait être ouverte, selon lequel, lors de la répartition de ces actifs ou des produits provenant de leur réalisation, il respectera les droits de répartition et de priorité prévus par le droit national, qui auraient été conférés aux créanciers si une procédure d'insolvabilité secondaire avait été ouverte dans cet État membre. L'engagement précise les circonstances factuelles sur lesquelles il repose, notamment en ce qui concerne la valeur des actifs se trouvant dans l'État membre concerné et les différentes options disponibles pour réaliser ces actifs.2. Si un engagement a été pris conformément au présent article, la loi applicable à la répartition des produits résultant de la réalisation des actifs visés au paragraphe 1, au rang des créances des créanciers et aux droits des créanciers pour les actifs visés au paragraphe 1 est la loi de l'État membre dans lequel la procédure d'insolvabilité secondaire aurait pu être ouverte. Le moment pertinent auquel les actifs visés au paragraphe 1 sont recensés correspond au moment où l'engagement est pris.3. L'engagement est établi dans la langue officielle ou dans l'une des langues officielles de l'État membre dans lequel la procédure d'insolvabilité secondaire aurait pu être ouverte, ou, s'il y a plusieurs langues officielles dans cet État membre, dans la langue officielle ou dans l'une des langues officielles du lieu où la procédure d'insolvabilité secondaire aurait pu être ouverte.4. L'engagement est établi par écrit. Il est soumis à toute autre exigence de forme et obligation d'approbation des répartitions requises, le cas échéant, par l'État d'ouverture de la procédure d'insolvabilité principale.5. L'engagement est approuvé par les créanciers locaux connus. Les règles relatives à la majorité qualifiée et au vote qui s'appliquent à l'adoption de plans de restructuration, en vertu de la loi de l'État membre dans lequel une procédure d'insolvabilité secondaire aurait pu être ouverte, s'appliquent également à l'approbation de l'engagement. Lorsque le droit national les y autorise, les créanciers peuvent participer au vote en utilisant des moyens de communication à distance. Le praticien de l'insolvabilité informe les créanciers locaux connus de l'engagement, ainsi que des règles et des modalités pour l'approuver, et de son approbation ou de son refus de l'engagement.6. Un engagement pris et approuvé conformément au présent article est contraignant en ce qui concerne le patrimoine. Si une procédure d'insolvabilité secondaire est ouverte conformément aux articles 37 et 38, le praticien de l'insolvabilité de la procédure d'insolvabilité principale transfère tous les actifs qu'il a déplacés hors du territoire de cet État membre après que l'engagement a été pris ou, si les actifs ont déjà été réalisés, les produits qui en résultent au praticien de l'insolvabilité de la procédure d'insolvabilité secondaire.7. Lorsque le praticien de l'insolvabilité a pris un engagement, il informe les créanciers locaux de ses intentions en matière de répartition avant de procéder à la répartition des actifs et des produits visés au paragraphe 1. Si ces informations ne sont pas conformes aux termes de l'engagement ou aux dispositions de la loi applicable, tout créancier local a la possibilité de contester cette répartition devant les juridictions de l'État membre dans lequel la procédure d'insolvabilité principale a été ouverte, afin d'obtenir une répartition qui soit conforme aux termes de l'engagement et à la loi applicable. Dans ce cas, aucune répartition n'a lieu avant que la juridiction n'ait statué sur le recours.8. Les créanciers locaux peuvent s'adresser aux juridictions de l'État membre dans lequel la procédure d'insolvabilité principale a été ouverte afin de demander au praticien de l'insolvabilité de la procédure d'insolvabilité principale de prendre toutes les mesures adéquates nécessaires pour assurer le respect des termes de l'engagement prévues par la loi de l'État d'ouverture de la procédure d'insolvabilité principale.9. Les créanciers locaux peuvent également s'adresser aux juridictions de l'État membre dans lequel une procédure d'insolvabilité secondaire aurait pu être ouverte pour leur demander de prendre des mesures provisoires ou conservatoires en vue d'assurer le respect des termes de l'engagement par le praticien de l'insolvabilité.

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10. Le praticien de l'insolvabilité est responsable de tout dommage causé aux créanciers locaux par suite du non-respect, dans son chef, des obligations et des exigences énoncées dans le présent article.11. Aux fins du présent article, une autorité qui est établie dans l'État membre dans lequel une procédure d'insolvabilité secondaire aurait pu être ouverte et qui est tenue, en vertu de la directive 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil (16), de garantir le paiement des créances impayées des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail est réputée être un créancier local, si le droit national le prévoit.Article 37

Droit de demander l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité secondaire

1. L'ouverture d'une procédure d'insolvabilité secondaire peut être demandée par:a)le praticien de l'insolvabilité de la procédure d'insolvabilité principale;b)toute autre personne ou autorité habilitée à demander l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité en vertu de la loi de l'État membre sur le territoire duquel l'ouverture de la procédure d'insolvabilité secondaire est demandée.2. Lorsqu'un engagement est devenu contraignant en application de l'article 36, la demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité secondaire est introduite dans un délai de trente jours à compter de la réception de l'avis d'approbation de l'engagement.Article 38

Décision d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité secondaire

1. La juridiction saisie d'une demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité secondaire en informe immédiatement le praticien de l'insolvabilité ou le débiteur non dessaisi de la procédure d'insolvabilité principale et lui donne la possibilité d'être entendu au sujet de la demande.2. Lorsque le praticien de l'insolvabilité de la procédure d'insolvabilité principale a pris un engagement conformément à l'article 36, la juridiction visée au paragraphe 1 du présent article, à la demande du praticien de l'insolvabilité, n'ouvre pas de procédure d'insolvabilité secondaire si elle considère que l'engagement protège correctement l'intérêt général des créanciers locaux.3. Lorsqu'une suspension provisoire des poursuites individuelles a été accordée pour permettre des négociations entre le débiteur et ses créanciers, la juridiction, à la demande du praticien de l'insolvabilité ou du débiteur non dessaisi, peut suspendre l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité secondaire pour une période ne dépassant pas trois mois, pour autant que les mesures adéquates soient mises en place afin de protéger les intérêts des créanciers locaux.La juridiction visée au paragraphe 1 peut ordonner des mesures conservatoires pour protéger les intérêts des créanciers locaux en demandant au praticien de l'insolvabilité ou au débiteur non dessaisi de ne déplacer ni d'aliéner aucun des actifs qui se trouvent dans l'État membre dans lequel se situe l'établissement, à moins que cette opération ne s'inscrive dans le cadre de leurs activités habituelles. La juridiction peut également ordonner d'autres mesures afin de protéger les intérêts des créanciers locaux pendant une suspension, à moins que ce soit incompatible avec les règles de procédure civile applicables au niveau national.La suspension de l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité secondaire est levée par la juridiction d'office ou à la demande de tout créancier si, pendant la période de suspension, un accord est intervenu dans le cadre des négociations visées au premier alinéa.La suspension peut être levée par la juridiction d'office ou à la demande de tout créancier si le maintien de la suspension porte préjudice aux droits des créanciers, en particulier si les négociations ont été interrompues, s'il est devenu évident qu'elles ont peu de chances d'aboutir ou si le praticien de l'insolvabilité ou le débiteur non dessaisi a enfreint l'interdiction d'aliéner ses actifs ou de les déplacer hors du territoire de l'État membre dans lequel se situe l'établissement.4. À la demande du praticien de l'insolvabilité de la procédure d'insolvabilité principale, la juridiction visée au paragraphe 1 peut ouvrir un type de procédure d'insolvabilité mentionné sur la liste figurant à l'annexe A autre que celui qui a été demandé initialement, pour autant que les conditions d'ouverture de ce type de procédure prévues dans le droit national soient remplies et que ce type de procédure soit le plus approprié au regard des intérêts des créanciers locaux et de la cohérence entre les procédures d'insolvabilité principale et secondaire. L'article 34, deuxième phrase, s'applique.Article 39

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Contrôle juridictionnel de la décision d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité secondaire

Le praticien de l'insolvabilité de la procédure d'insolvabilité principale peut attaquer la décision d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité secondaire devant les juridictions de l'État membre dans lequel la procédure d'insolvabilité secondaire a été ouverte, au motif que la juridiction n'a pas respecté les conditions et exigences fixées à l'article 38.Article 40

Avance de frais et dépens

Lorsque la loi de l'État membre dans lequel l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité secondaire est demandée exige que les actifs du débiteur soient suffisants pour couvrir en tout ou en partie les frais et dépens de la procédure, la juridiction saisie d'une telle demande peut exiger du demandeur une avance de frais ou une garantie d'un montant approprié.Article 41

Coopération et communication entre praticiens de l'insolvabilité

1. Le praticien de l'insolvabilité de la procédure d'insolvabilité principale et le ou les praticiens de l'insolvabilité des procédures d'insolvabilité secondaires concernant le même débiteur coopèrent, pour autant que cette coopération ne soit pas incompatible avec les règles applicables à chacune des procédures. Cette coopération peut prendre n'importe quelle forme, dont la conclusion d'accords ou de protocoles.2. Dans le cadre de la mise en œuvre de la coopération visée au paragraphe 1, les praticiens de l'insolvabilité:a)se communiquent dès que possible toute information qui peut être utile aux autres procédures, notamment l'état de la production et de la vérification des créances et toutes les mesures visant au redressement ou à la restructuration du débiteur, ou visant à mettre fin à la procédure, à condition que des dispositions appropriées soient prises pour protéger les informations confidentielles;b)explorent la possibilité de restructurer le débiteur et, si une telle possibilité existe, coordonnent l'élaboration et la mise en œuvre d'un plan de restructuration;c)coordonnent la gestion de la réalisation ou de l'utilisation des actifs et des affaires du débiteur; le praticien de l'insolvabilité de la procédure d'insolvabilité secondaire permet en temps utile au praticien de l'insolvabilité de la procédure d'insolvabilité principale de présenter des propositions relatives à la réalisation ou à l'utilisation des actifs dans le cadre de la procédure d'insolvabilité secondaire.3. Les paragraphes 1 et 2 s'appliquent mutatis mutandis aux situations où, dans le cadre de la procédure d'insolvabilité principale ou de la procédure d'insolvabilité secondaire ou de toute procédure d'insolvabilité territoriale concernant le même débiteur et ouvertes en même temps, le débiteur n'est pas dessaisi de ses actifs.Article 42

Coopération et communication entre juridictions

1. Pour faciliter la coordination des procédures d'insolvabilité principale, territoriales et secondaires concernant le même débiteur, une juridiction devant laquelle une demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité est en cours ou qui a ouvert une telle procédure coopère avec toute autre juridiction devant laquelle une demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité est en cours ou qui a ouvert une telle procédure, dans la mesure où cette coopération n'est pas incompatible avec les règles applicables à chacune des procédures. À cette fin, les juridictions peuvent, au besoin, désigner une personne ou un organe indépendant agissant sur leurs instructions, pour autant que ce ne soit pas incompatible avec les règles applicables à ces procédures.2. Dans le cadre de la mise en œuvre de la coopération visée au paragraphe 1, les juridictions, ou toute personne ou tout organe désigné agissant en leur nom, dont il est fait mention au paragraphe 1, peuvent communiquer directement entre elles, ou se demander directement des informations ou de l'aide, à

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condition que cette communication respecte les droits procéduraux des parties à la procédure et la confidentialité des informations.3. La coopération visée au paragraphe 1 peut être mise en œuvre par tout moyen que la juridiction juge approprié. Elle peut notamment concerner:a)la coordination de la désignation des praticiens de l'insolvabilité;b)la communication d'informations par tout moyen jugé approprié par la juridiction;c)la coordination de la gestion et de la surveillance des actifs et des affaires du débiteur;d)la coordination du déroulement des audiences;e)la coordination de l'approbation des protocoles, si nécessaire.Article 43

Coopération et communication entre praticiens de l'insolvabilité et juridictions

1. Pour faciliter la coordination des procédures d'insolvabilité principale, territoriales et secondaires ouvertes à l'encontre du même débiteur:a)le praticien de l'insolvabilité d'une procédure d'insolvabilité principale coopère et communique avec toute juridiction devant laquelle une demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité secondaire est en cours ou qui a ouvert une telle procédure;b)le praticien de l'insolvabilité d'une procédure d'insolvabilité territoriale ou secondaire coopère et communique avec la juridiction devant laquelle une demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité principale est en cours ou qui a ouvert une telle procédure; etc)le praticien de l'insolvabilité d'une procédure d'insolvabilité territoriale ou secondaire coopère et communique avec la juridiction devant laquelle une demande d'ouverture d'autres procédures d'insolvabilité territoriales ou secondaires est en cours ou qui a ouvert de telles procédures,dans la mesure où cette coopération et cette communication ne sont pas incompatibles avec les règles applicables à chacune des procédures et où elles n'entraînent aucun conflit d'intérêts.2. La coopération visée au paragraphe 1 peut être mise en œuvre par tout moyen approprié, tels que ceux exposés à l'article 42, paragraphe 3.Article 44

Frais liés à la coopération et à la communication

Les exigences fixées aux articles 42 et 43 ne peuvent conduire à ce que les juridictions exigent l'une de l'autre des frais liés à la coopération et à la communication.Article 45

Exercice des droits des créanciers

1. Tout créancier peut produire sa créance à la procédure d'insolvabilité principale et à toute procédure d'insolvabilité secondaire.2. Les praticiens de l'insolvabilité de la procédure d'insolvabilité principale et de toute procédure d'insolvabilité secondaire produisent, dans le cadre des autres procédures, les créances déjà produites dans le cadre de la procédure pour laquelle ils ont été désignés, pour autant que cette production soit utile aux créanciers de la procédure pour laquelle ils ont été désignés, et sous réserve du droit de ceux-ci de s'y opposer ou de retirer la production de leurs créances lorsque la loi applicable le prévoit.3. Le praticien de l'insolvabilité d'une procédure d'insolvabilité principale ou secondaire est habilité à participer, au même titre que tout créancier, à une autre procédure, notamment en prenant part à des assemblées de créanciers.Article 46

Suspension de la procédure de réalisation des actifs

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1. La juridiction qui a ouvert la procédure d'insolvabilité secondaire suspend en tout ou en partie la procédure de réalisation des actifs, à la demande du praticien de l'insolvabilité de la procédure d'insolvabilité principale. Dans ce cas, elle peut exiger du praticien de l'insolvabilité de la procédure d'insolvabilité principale qu'il prenne toute mesure adéquate pour garantir les intérêts des créanciers de la procédure d'insolvabilité secondaire et de certains groupes de créanciers. La demande du praticien de l'insolvabilité ne peut être rejetée que si elle est manifestement sans intérêt pour les créanciers de la procédure d'insolvabilité principale. La suspension de la procédure de réalisation des actifs peut être ordonnée pour une durée maximale de trois mois. Elle peut être prolongée ou renouvelée pour des périodes de même durée.2. La juridiction visée au paragraphe 1 met fin à la suspension de la procédure de réalisation des actifs:a)à la demande du praticien de l'insolvabilité de la procédure d'insolvabilité principale;b)d'office, à la demande d'un créancier ou à la demande du praticien de l'insolvabilité de la procédure d'insolvabilité secondaire, si cette mesure n'apparaît plus justifiée, notamment par les intérêts des créanciers de la procédure d'insolvabilité principale ou de ceux de la procédure d'insolvabilité secondaire.Article 47

Pouvoir du praticien de l'insolvabilité de proposer des plans de restructuration

1. Lorsque la loi de l'État membre dans lequel la procédure d'insolvabilité secondaire a été ouverte prévoit la possibilité de clore cette procédure sans liquidation par un plan de restructuration, un concordat ou une mesure comparable, une telle mesure peut être proposée par le praticien de l'insolvabilité de la procédure d'insolvabilité principale, conformément à la procédure en vigueur dans cet État membre.2. Toute limitation des droits des créanciers, notamment un sursis de paiement ou une remise de dette, découlant d'une mesure visée au paragraphe 1 et proposée dans une procédure d'insolvabilité secondaire, ne produit ses effets sur les biens du débiteur qui ne sont pas concernés par cette procédure qu'avec l'accord de tous les créanciers intéressés.Article 48

Conséquences de la clôture de la procédure d'insolvabilité

1. Sans préjudice de l'article 49, la clôture de la procédure d'insolvabilité n'empêche pas la poursuite des autres procédures d'insolvabilité concernant le même débiteur qui sont toujours ouvertes à la date concernée.2. Lorsqu'une procédure d'insolvabilité concernant une personne morale ou une société dans l'État membre du siège statutaire de ladite personne morale ou société entraînerait la dissolution de la personne morale ou de la société, cette personne morale ou société ne cesse d'exister que lorsque toutes les autres procédures d'insolvabilité concernant le même débiteur ont été closes, ou lorsque le ou les praticiens de l'insolvabilité concernés par ces procédures ont donné leur accord à la dissolution.Article 49

Surplus d'actif de la procédure d'insolvabilité secondaire

Si la réalisation des actifs dans le cadre de la procédure d'insolvabilité secondaire permet de payer toutes les créances admises dans cette procédure, le praticien de l'insolvabilité désigné dans cette procédure transfère sans délai le surplus d'actif au praticien de l'insolvabilité de la procédure d'insolvabilité principale.Article 50

Ouverture ultérieure de la procédure d'insolvabilité principale

Lorsque la procédure visée à l'article 3, paragraphe 1, est ouverte après l'ouverture de la procédure visée à l'article 3, paragraphe 2, dans un autre État membre, les articles 41, 45, 46, 47 et 49 s'appliquent à la procédure ouverte en premier lieu, dans la mesure où l'état de cette procédure le permet.Article 51

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Conversion de la procédure d'insolvabilité secondaire

1. À la demande du praticien de l'insolvabilité de la procédure d'insolvabilité principale, la juridiction de l'État membre dans lequel la procédure d'insolvabilité secondaire a été ouverte peut ordonner la conversion de la procédure d'insolvabilité secondaire en un autre type de procédure d'insolvabilité mentionné à l'annexe A, pour autant que les conditions d'ouverture de ce type de procédure prévues dans le droit national soient remplies et que ce type de procédure soit le plus approprié au regard des intérêts des créanciers locaux et de la cohérence entre les procédures d'insolvabilité principale et secondaire.2. Lorsqu'elle examine la demande visée au paragraphe 1, la juridiction peut solliciter des informations auprès des praticiens de l'insolvabilité concernés par les deux procédures.Article 52

Mesures conservatoires

Lorsque la juridiction d'un État membre compétente en vertu de l'article 3, paragraphe 1, désigne un administrateur provisoire en vue d'assurer la conservation des biens d'un débiteur, cet administrateur provisoire est habilité à demander toute mesure de conservation et de protection des biens du débiteur qui se situent dans un autre État membre prévue par la loi de cet État membre, pour la période séparant la demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité de la décision d'ouverture.CHAPITRE IVINFORMATION DES CRÉANCIERS ET PRODUCTION DE LEURS CRÉANCES

Article 53

Droit de produire les créances

Tout créancier étranger peut produire ses créances dans le cadre de la procédure d'insolvabilité par tous les moyens de transmission qui sont acceptés par le droit de l'État d'ouverture. La représentation par un avocat ou un autre professionnel du droit n'est pas obligatoire aux seules fins de la production de créances.Article 54

Obligation d'informer les créanciers

1. Dès qu'une procédure d'insolvabilité est ouverte dans un État membre, la juridiction compétente de cet État ou le praticien de l'insolvabilité désigné par cette juridiction en informe sans délai les créanciers étrangers connus.2. L'information visée au paragraphe 1, assurée par l'envoi individuel d'une note, porte notamment sur les délais à observer, les sanctions prévues quant à ces délais, l'organe ou l'autorité habilité(e) à recevoir la production des créances et toute autre mesure prescrite. Cette note indique également si les créanciers dont les créances sont garanties par un privilège ou une sûreté réelle doivent produire leurs créances. La note comporte aussi une copie du formulaire uniformisé de production de créances visé à l'article 55 ou des informations indiquant où ce formulaire est disponible.3. Les éléments d'information visés aux paragraphes 1 et 2 du présent article sont communiqués au moyen du formulaire uniformisé élaboré conformément à l'article 88. Le formulaire est publié sur le portail européen e-Justice et porte l'intitulé «Note concernant la procédure d'insolvabilité» dans toutes les langues officielles des institutions de l'Union. Il est transmis dans la langue officielle de l'État d'ouverture ou, s'il y a plusieurs langues officielles dans cet État membre, dans la langue officielle ou dans l'une des langues officielles du lieu où la procédure d'insolvabilité a été ouverte, ou dans une autre langue que ledit État a déclaré pouvoir accepter, conformément à l'article 55, paragraphe 5, s'il est permis de penser que les créanciers étrangers comprendront plus facilement cette langue.4. Dans le cas où la procédure d'insolvabilité concerne une personne physique n'exerçant pas une profession libérale ou toute autre activité d'indépendant, le formulaire uniformisé visé au présent article ne doit pas obligatoirement être utilisé si les créanciers ne sont pas tenus de produire leurs créances pour que celles-ci soient prises en compte au cours de la procédure.Article 55

Procédure de production des créances

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1. Tout créancier étranger peut produire ses créances au moyen du formulaire de demande uniformisé à établir conformément à l'article 88. Le formulaire porte l'intitulé «Production de créances» dans toutes les langues officielles des institutions de l'Union.2. Les formulaires de demande uniformisés visés au paragraphe 1 comportent les informations suivantes:a)le nom, l'adresse postale, l'adresse électronique, le cas échéant, le numéro d'identification personnel, le cas échéant, et les coordonnées bancaires du créancier étranger visé au paragraphe 1;b)le montant de la créance, en spécifiant le montant en principal et, le cas échéant, les intérêts, ainsi que la date à laquelle celle-ci est née et la date à laquelle elle est devenue exigible, s'il s'agit d'une date différente;c)si des intérêts sont demandés, le taux d'intérêt, la nature légale ou contractuelle des intérêts, la période pour laquelle les intérêts sont demandés et le montant capitalisé des intérêts;d)si des frais exposés par le créancier pour faire valoir ses droits avant l'ouverture de la procédure sont demandés, le montant et le détail de ceux-ci;e)la nature de la créance;f)la question de savoir si un statut de créancier privilégié est revendiqué et le fondement de cette revendication;g)la question de savoir si le créancier allègue que sa créance est garantie par une sûreté réelle ou une réserve de propriété et, si tel est le cas, quels sont les actifs couverts par la sûreté qu'il invoque, la date à laquelle la sûreté a été octroyée et, si la sûreté a été enregistrée, le numéro d'enregistrement; eth)la question de savoir si une compensation est revendiquée et, dans ce cas, les montants des créances réciproques à la date d'ouverture de la procédure d'insolvabilité, la date à laquelle elles sont nées et le montant réclamé, après déduction de la compensation.Le formulaire de demande uniformisé est accompagné de copies de toute pièce justificative, le cas échéant.3. Le formulaire de demande uniformisé indique qu'il n'est pas obligatoire de fournir des informations concernant les coordonnées bancaires et le numéro d'identification personnel du créancier visés au paragraphe 2, point a).4. Si le créancier produit sa créance en utilisant d'autres moyens que le formulaire de demande uniformisé visé au paragraphe 1, la demande contient les informations visées au paragraphe 2.5. Les créances peuvent être produites dans n'importe quelle langue officielle des institutions de l'Union. La juridiction, le praticien de l'insolvabilité ou le débiteur non dessaisi peut demander au créancier de fournir une traduction dans la langue officielle de l'État d'ouverture ou, s'il y a plusieurs langues officielles dans cet État membre, dans la langue officielle ou dans l'une des langues officielles du lieu où la procédure d'insolvabilité a été ouverte, ou dans une autre langue que l'État membre concerné aura déclaré pouvoir accepter. Chaque État membre indique s'il accepte une langue officielle des institutions de l'Union autre que sa propre langue aux fins de la production de créances.6. Les créances sont produites dans le délai prévu par la loi de l'État d'ouverture. Pour un créancier étranger, ce délai n'est pas inférieur à trente jours suivant la publication de la décision d'ouverture de la procédure d'insolvabilité au registre d'insolvabilité de l'État d'ouverture. Lorsqu'un État membre invoque l'article 24, paragraphe 4, ce délai n'est pas inférieur à trente jours suivant le moment où un créancier a été informé en application de l'article 54.7. Lorsque la juridiction, le praticien de l'insolvabilité ou le débiteur non dessaisi a des doutes en ce qui concerne une créance produite conformément au présent article, il donne au créancier la possibilité de fournir des éléments complémentaires attestant l'existence de la créance et son montant.CHAPITRE VPROCÉDURES D'INSOLVABILITÉ CONCERNANT DES MEMBRES D'UN GROUPE DE SOCIÉTÉS

SECTION 1Coopération et communication

Article 56

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Coopération et communication entre praticiens de l'insolvabilité

1. Lorsque des procédures d'insolvabilité concernent deux membres ou plus d'un groupe de sociétés, le praticien de l'insolvabilité désigné dans la procédure relative à un membre du groupe coopère avec tout praticien de l'insolvabilité désigné dans la procédure visant un autre membre du même groupe, pour autant qu'une telle coopération soit de nature à faciliter la gestion efficace de ces procédures, ne soit pas incompatible avec les règles applicables à ces procédures et n'entraîne aucun conflit d'intérêts. Cette coopération peut prendre n'importe quelle forme, dont la conclusion d'accords ou de protocoles.2. Dans le cadre de la mise en œuvre de la coopération visée au paragraphe 1, les praticiens de l'insolvabilité:a)se communiquent dès que possible toute information qui peut être utile aux autres procédures, à condition que des dispositions appropriées soient prises pour protéger les informations confidentielles;b)examinent s'il existe des possibilités de coordonner la gestion et la surveillance des affaires des membres du groupe qui font l'objet de la procédure d'insolvabilité et, si tel est le cas, coordonnent cette gestion et cette surveillance;c)examinent s'il existe des possibilités de restructurer les membres du groupe qui font l'objet de la procédure d'insolvabilité et, si tel est le cas, coordonnent leurs efforts en vue de proposer et de négocier un plan de restructuration coordonné.Aux fins des points b) et c), tous les praticiens de l'insolvabilité visés au paragraphe 1, ou une partie d'entre eux, peuvent convenir de conférer des pouvoirs supplémentaires au praticien de l'insolvabilité désigné dans l'une des procédures, lorsque les règles applicables à chacune des procédures l'autorisent. Ils peuvent également marquer leur accord sur la répartition de certaines tâches entre eux, lorsque les règles applicables à chacune des procédures l'autorisent.Article 57

Coopération et communication entre juridictions

1. Lorsque des procédures d'insolvabilité concernent deux membres ou plus d'un groupe de sociétés, une juridiction qui a ouvert une telle procédure coopère avec toute autre juridiction devant laquelle une demande d'ouverture de procédure concernant un autre membre du même groupe est en cours ou qui a ouvert une telle procédure, pour autant que cette coopération soit de nature à faciliter la gestion efficace des procédures, ne soit pas incompatible avec les règles qui leur sont applicables et n'entraîne aucun conflit d'intérêts. À cette fin, les juridictions peuvent, au besoin, désigner une personne ou un organe indépendant agissant sur leurs instructions, pour autant que ce ne soit pas incompatible avec les règles applicables à ces juridictions.2. Dans le cadre de la mise en œuvre de la coopération visée au paragraphe 1, les juridictions, ou toute personne ou tout organe désigné agissant en leur nom, dont il est fait mention au paragraphe 1, peuvent communiquer directement entre elles, ou se demander directement des informations ou de l'aide, à condition que cette communication respecte les droits procéduraux des parties à la procédure et la confidentialité des informations.3. La coopération visée au paragraphe 1 peut être mise en œuvre par tout moyen que la juridiction estime approprié. Elle peut notamment concerner:a)la coordination de la désignation des praticiens de l'insolvabilité;b)la communication d'informations par tout moyen jugé approprié par la juridiction;c)la coordination de la gestion et de la surveillance des actifs et des affaires des membres du groupe;d)la coordination du déroulement des audiences;e)la coordination de l'approbation des protocoles, si nécessaire.Article 58

Coopération et communication entre praticiens de l'insolvabilité et juridictions

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Un praticien de l'insolvabilité désigné dans une procédure d'insolvabilité concernant un membre d'un groupe de sociétés:a)coopère et communique avec toute juridiction devant laquelle une demande d'ouverture de procédure à l'encontre d'un autre membre du même groupe de sociétés est en cours ou qui a ouvert une telle procédure; etb)peut demander à ladite juridiction des informations concernant la procédure relative à l'autre membre du groupe ou demander de l'aide concernant la procédure dans laquelle il a été désigné,pour autant que cette coopération et cette communication soient de nature à faciliter la gestion efficace des procédures, n'entraînent aucun conflit d'intérêts et ne soient pas incompatibles avec les règles applicables à ces procédures.Article 59

Frais liés à la coopération et à la communication dans les procédures concernant des membres d'un groupe de sociétés

Les frais liés à la coopération et à la communication prévues aux articles 56 à 60, supportés par un praticien de l'insolvabilité ou par une juridiction, sont considérés comme des frais et dépenses des procédures respectives.Article 60

Pouvoirs du praticien de l'insolvabilité dans les procédures concernant des membres d'un groupe de sociétés

1. Un praticien de l'insolvabilité désigné dans une procédure d'insolvabilité ouverte à l'encontre d'un membre d'un groupe de sociétés peut, pour autant ce soit de nature à faciliter la gestion efficace des procédures:a)être entendu dans toute procédure ouverte à l'encontre de tout autre membre du même groupe;b)demander une suspension de toute mesure liée à la réalisation des actifs dans le cadre de la procédure ouverte à l'encontre de tout autre membre du même groupe, à condition que:i)soit proposé un plan de restructuration pour tous les membres du groupe ou pour certains d'entre eux, à l'encontre desquels la procédure d'insolvabilité a été ouverte, conformément à l'article 56, paragraphe 2, point c), et que celui-ci ait des chances raisonnables de produire les résultats escomptés;ii)cette suspension soit nécessaire pour assurer la mise en œuvre correcte du plan de restructuration;iii)le plan de restructuration soit dans l'intérêt des créanciers concernés par la procédure pour laquelle la suspension est demandée; etiv)ni la procédure d'insolvabilité dans laquelle le praticien de l'insolvabilité visé au paragraphe 1 du présent article a été désigné ni la procédure pour laquelle la suspension est demandée ne font l'objet d'une coordination en application de la section 2 du présent chapitre;c)demander l'ouverture d'une procédure de coordination collective, conformément à l'article 61.2. La juridiction ayant ouvert la procédure visée au paragraphe 1, point b), suspend entièrement ou partiellement toute mesure relative à la réalisation des actifs dans le cadre de la procédure, si elle estime que les conditions visées au paragraphe 1, point b), sont remplies.Avant d'ordonner la suspension, la juridiction entend le praticien de l'insolvabilité désigné dans la procédure pour laquelle la suspension est demandée. La suspension peut être ordonnée pour toute période, ne dépassant pas trois mois, que la juridiction juge appropriée et qui est compatible avec les règles applicables à la procédure.La juridiction ordonnant la suspension peut exiger que le praticien de l'insolvabilité visé au paragraphe 1 prenne toute mesure prévue dans le droit national de nature à garantir les intérêts des créanciers de la procédure.

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La juridiction peut prolonger la durée de la suspension d'une ou de plusieurs nouvelles périodes, si elle l'estime approprié et si ces prolongations sont compatibles avec les règles applicables à la procédure, pour autant que les conditions visées au paragraphe 1, points b) ii) à iv), soient toujours remplies et que la durée totale de la suspension (période initiale plus prolongations éventuelles) ne dépasse pas six mois.SECTION 2Coordination

Sous-section 1Procédure

Article 61

Demande d'ouverture d'une procédure de coordination collective

1. L'ouverture d'une procédure de coordination collective peut être demandée auprès de toute juridiction compétente en matière de procédures d'insolvabilité à l'encontre d'un membre du groupe par un praticien de l'insolvabilité désigné dans une procédure d'insolvabilité ouverte à l'encontre d'un membre du groupe.2. La demande visée au paragraphe 1 est adressée conformément aux conditions prévues par la loi applicable à la procédure dans laquelle le praticien de l'insolvabilité a été désigné.3. La demande visée au paragraphe 1 est accompagnée des éléments suivants:a)une proposition indiquant le nom de la personne à nommer en qualité de coordinateur de groupe (ci-après dénommé «coordinateur»), précisant que celle-ci remplit les critères d'éligibilité prévus à l'article 71, comprenant des informations au sujet de ses qualifications ainsi que l'accord écrit de l'intéressé pour exercer la fonction de coordinateur;b)une description de la coordination collective proposée, précisant en particulier les raisons pour lesquelles les conditions énoncées à l'article 63, paragraphe 1, sont remplies;c)une liste des praticiens de l'insolvabilité désignés pour les membres du groupe et, le cas échéant, des juridictions et des autorités compétentes concernées par les procédures d'insolvabilité menées à l'encontre des membres du groupe;d)un aperçu de l'estimation des coûts de la coordination collective et une estimation de la part de ces coûts à acquitter par chacun des membres du groupe.Article 62

Règle de priorité

Sans préjudice de l'article 66, lorsque l'ouverture de la procédure de coordination collective est demandée auprès de juridictions de différents États membres, toute juridiction autre que celle saisie en premier lieu se déclare incompétente au profit de celle-ci.Article 63

Notification de la juridiction saisie

1. La juridiction saisie d'une demande d'ouverture d'une procédure de coordination collective notifie dans les meilleurs délais cette demande ainsi que le nom du coordinateur proposé aux praticiens de l'insolvabilité désignés pour les membres du groupe figurant dans la demande visée à l'article 61, paragraphe 3, point c), si elle estime:a)que l'ouverture d'une telle procédure est de nature à faciliter la gestion efficace de la procédure d'insolvabilité visant les différents membres du groupe;b)qu'aucun créancier d'un membre du groupe dont on prévoit la participation à la procédure n'est susceptible d'être financièrement désavantagé par l'inclusion de ce membre dans la procédure; etc)que le coordinateur proposé remplit les exigences prévues à l'article 71.

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Page 219: lewebpedagogique.comlewebpedagogique.com/aline2603/files/2017/01/FASCI… · Web viewEn conséquence, ils sont tenus de prendre en compte l' équivalence des diplômes (voir arrêt

2. La notification visée au paragraphe 1 du présent article mentionne les éléments énumérés à l'article 61, paragraphe 3, points a) à d).3. La notification visée au paragraphe 1 est envoyée par courrier recommandé avec accusé de réception.4. La juridiction saisie donne aux praticiens de l'insolvabilité concernés la possibilité d'être entendus.Article 64

Objections formulées par les praticiens de l'insolvabilité

1. Un praticien de l'insolvabilité désigné pour l'un des membres du groupe peut formuler des objections en ce qui concerne:a)l'inclusion, dans une procédure de coordination collective, de la procédure d'insolvabilité pour laquelle il a été désigné; oub)la personne proposée en qualité de coordinateur.2. Les objections formulées en vertu du paragraphe 1 du présent article sont introduites auprès de la juridiction visée à l'article 63 dans les trente jours à compter de la réception de la notification de la demande d'ouverture de la procédure de coordination collective par le praticien de l'insolvabilité visé au paragraphe 1 du présent article.Ces objections peuvent être formulées au moyen du formulaire uniformisé établi conformément à l'article 88.3. Avant de prendre la décision de participer ou non à la coordination en application du paragraphe 1, point a), le praticien de l'insolvabilité veille à obtenir tout agrément qui pourrait être requis en vertu de la loi de l'État d'ouverture de la procédure pour laquelle il a été désigné.Article 65

Conséquences des objections à l'inclusion dans une coordination collective

1. Lorsqu'un praticien de l'insolvabilité a formulé des objections à l'inclusion de la procédure pour laquelle il a été désigné dans une procédure de coordination collective, ladite procédure n'est pas incluse dans la procédure de coordination collective.2. Les compétences de la juridiction visées à l'article 68, ou du coordinateur, découlant de ladite procédure n'ont aucun effet en ce qui concerne ce membre et n'entraînent pas de coûts à charge de ce membre.Article 66

Choix de la juridiction pour une procédure de coordination collective

1. Lorsque les deux tiers au moins de tous les praticiens de l'insolvabilité désignés dans des procédures d'insolvabilité concernant les membres du groupe sont convenus qu'une juridiction compétente d'un autre État membre est la juridiction la plus appropriée pour ouvrir une procédure de coordination collective, ladite juridiction a une compétence exclusive.2. Le choix de la juridiction s'effectue sous la forme d'un accord mutuel écrit ou attesté par écrit. Il est possible jusqu'au moment où a lieu l'ouverture de la procédure de coordination collective conformément à l'article 68.3. Toute juridiction autre que celle qui est saisie en vertu du paragraphe 1 se déclare incompétente au profit de celle-ci.4. La demande d'ouverture d'une procédure de coordination collective est introduite auprès de la juridiction choisie conformément à l'article 61.Article 67

Conséquences des objections à l'encontre du coordinateur proposé

Lorsque des objections à la personne proposée en qualité de coordinateur ont été formulées par un praticien de l'insolvabilité qui ne fait pas objection pour autant à l'inclusion dans la procédure de coordination collective du membre pour lequel il a été désigné, la juridiction peut s'abstenir de désigner cette personne et inviter le praticien de l'insolvabilité qui a émis les objections à introduire une nouvelle demande conformément à l'article 61, paragraphe 3.Article 68

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Page 220: lewebpedagogique.comlewebpedagogique.com/aline2603/files/2017/01/FASCI… · Web viewEn conséquence, ils sont tenus de prendre en compte l' équivalence des diplômes (voir arrêt

Décision d'ouverture d'une procédure de coordination collective

1. Une fois écoulé le délai fixé à l'article 64, paragraphe 2, la juridiction peut ouvrir la procédure de coordination collective si elle estime que les conditions de l'article 63, paragraphe 1, sont remplies. Dans ce cas, la juridiction:a)désigne un coordinateur;b)rend une décision sur les grandes lignes de la coordination; etc)rend une décision sur l'estimation des coûts et la part des coûts à acquitter par les membres du groupe.2. La décision d'ouverture de la procédure de coordination collective est notifiée aux praticiens de l'insolvabilité participants et au coordinateur.Article 69

Participation volontaire ultérieure de praticiens de l'insolvabilité

1. Conformément à son droit national, tout praticien de l'insolvabilité peut demander, après que la décision judiciaire visée à l'article 68 a été rendue, l'inclusion de la procédure pour laquelle il a été désigné, lorsque:a)des objections quant à l'inclusion de la procédure d'insolvabilité dans la procédure de coordination collective ont été formulées; oub)une procédure d'insolvabilité à l'encontre d'un membre du groupe a été ouverte après que la juridiction a ouvert une procédure de coordination collective.2. Sans préjudice du paragraphe 4, le coordinateur peut accéder à cette demande après avoir consulté les praticiens de l'insolvabilité concernés:a)s'il estime que, compte tenu du stade atteint par la procédure de coordination collective au moment de la demande, les critères énoncés à l'article 63, paragraphe 1, points a) et b), sont remplis; oub)si tous les praticiens de l'insolvabilité concernés y consentent, sous réserve des conditions définies dans leur droit national.3. Le coordinateur informe la juridiction et les praticiens de l'insolvabilité participants de la décision qu'il prend en vertu du paragraphe 2, et des raisons de cette décision.4. Tout praticien de l'insolvabilité participant ou tout praticien de l'insolvabilité dont la demande d'inclusion dans la procédure de coordination collective a été rejetée peut contester la décision visée au paragraphe 2 conformément à la procédure prévue par la loi de l'État membre dans lequel la procédure de coordination collective a été ouverte.Article 70

Recommandations et programme de coordination collective

1. Les praticiens de l'insolvabilité conduisent leur procédure d'insolvabilité en tenant compte des recommandations du coordinateur et du contenu du programme de coordination collective visé à l'article 72, paragraphe 1.2. Le praticien de l'insolvabilité n'est pas tenu de suivre en tout ou en partie les recommandations du coordinateur ou le programme de coordination collective.S'il ne suit pas les recommandations du coordinateur ou le programme de coordination collective, il fait part de ses motifs aux personnes ou aux organes auxquels il doit rendre compte en vertu de son droit national, ainsi qu'au coordinateur.Sous-section 2Dispositions générales

Article 71

Le coordinateur

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Page 221: lewebpedagogique.comlewebpedagogique.com/aline2603/files/2017/01/FASCI… · Web viewEn conséquence, ils sont tenus de prendre en compte l' équivalence des diplômes (voir arrêt

1. Le coordinateur est une personne qui est habilitée, selon le droit d'un État membre, à agir en qualité de praticien de l'insolvabilité.2. Le coordinateur ne peut pas être l'un des praticiens de l'insolvabilité désignés pour un membre du groupe, et n'a aucun conflit d'intérêts à l'égard des membres du groupe, de leurs créanciers et des praticiens de l'insolvabilité désignés pour tout membre du groupe.Article 72

Missions et droits du coordinateur

1. Le coordinateur:a)définit et élabore des recommandations pour la conduite coordonnée des procédures d'insolvabilité;b)propose un programme de coordination collective servant à définir, à détailler et à recommander une série complète de mesures appropriées pour une approche intégrée de la résolution des insolvabilités des membres du groupe. Ce programme peut contenir en particulier des propositions concernant:i)les mesures à prendre afin de rétablir les performances économiques et la solidité financière du groupe ou d'une partie de celui-ci;ii)le règlement des litiges au sein du groupe pour ce qui est des transactions intragroupe et des actions révocatoires;iii)les accords entre les praticiens de l'insolvabilité des membres du groupe insolvables.2. Le coordinateur peut également:a)être entendu et participer, notamment en assistant aux réunions des créanciers, à toute procédure ouverte à l'encontre de tout membre du groupe;b)arbitrer tout litige qui pourrait survenir entre deux praticiens de l'insolvabilité des membres du groupe ou plus;c)présenter et expliquer son programme de coordination collective aux personnes ou aux organes auquel il doit rendre compte en vertu de son droit national;d)demander des informations à tout praticien de l'insolvabilité concernant tout membre du groupe, qui sont ou pourraient être utiles afin de définir et d'élaborer des stratégies et des mesures visant à coordonner les procédures; ete)demander une suspension, pour une durée maximale de six mois, de la procédure ouverte à l'encontre de tout membre du groupe, à condition que cette suspension soit nécessaire pour assurer la mise en œuvre correcte du programme et soit dans l'intérêt des créanciers concernés par la procédure pour laquelle la suspension est demandée; ou réclamer la levée de toute suspension existante. Une telle demande est introduite auprès de la juridiction qui a ouvert la procédure pour laquelle la suspension est demandée.3. Le programme visé au paragraphe 1, point b), ne comporte pas de recommandations concernant une consolidation des procédures ou des masses de l'insolvabilité.4. Les missions et les droits du coordinateur définis au présent article ne s'étendent à aucun membre du groupe qui ne participe pas à la procédure de coordination collective.5. Le coordinateur honore ses obligations de manière impartiale et avec la diligence requise.6. Lorsque le coordinateur estime que sa mission ne peut être accomplie sans une augmentation importante des coûts par rapport à l'estimation des coûts visée à l'article 61, paragraphe 3, point d), et, en tout état de cause, dès lors que les coûts sont 10 % plus élevés que les coûts estimés:a)il le fait savoir sans retard aux praticiens de l'insolvabilité participants; etb)il demande l'approbation préalable de la juridiction chargée d'ouvrir la procédure de coordination collective.Article 73

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Page 222: lewebpedagogique.comlewebpedagogique.com/aline2603/files/2017/01/FASCI… · Web viewEn conséquence, ils sont tenus de prendre en compte l' équivalence des diplômes (voir arrêt

Langues

1. Le coordinateur communique avec le praticien de l'insolvabilité d'un membre du groupe participant dans la langue convenue avec le praticien de l'insolvabilité ou, à défaut d'accord en la matière, dans la langue officielle ou l'une des langues officielles des institutions de l'Union, et de la juridiction qui a ouvert la procédure à l'encontre de ce membre du groupe.2. Le coordinateur communique avec une juridiction dans la langue officielle applicable à cette juridiction.Article 74

Coopération entre les praticiens de l'insolvabilité et le coordinateur

1. Les praticiens de l'insolvabilité désignés pour des membres d'un groupe et le coordinateur coopèrent dans la mesure où cette coopération n'est pas incompatible avec les règles applicables à chacune des procédures.2. En particulier, les praticiens de l'insolvabilité communiquent toute information utile au coordinateur pour l'accomplissement de ses missions.Article 75

Révocation du coordinateur

La juridiction révoque le coordinateur d'office ou à la demande du praticien de l'insolvabilité d'un membre du groupe participant, si:a)le coordinateur agit au détriment des créanciers d'un membre du groupe participant; oub)le coordinateur manque à ses obligations en vertu du présent chapitre.Article 76

Débiteur non dessaisi

Les dispositions applicables au praticien de l'insolvabilité au titre du présent chapitre s'appliquent aussi, s'il y a lieu, au débiteur non dessaisi.Article 77

Coûts et répartition

1. La rémunération du coordinateur est adéquate et proportionnée aux missions accomplies, et correspond à des dépenses raisonnables.2. Lorsqu'il a accompli ses missions, le coordinateur établit la déclaration finale des coûts et leur répartition entre les membres, et soumet cette déclaration à chacun des praticiens de l'insolvabilité participants ainsi qu'à la juridiction ayant ouvert la procédure de coordination.3. En l'absence d'objections de la part des praticiens de l'insolvabilité dans un délai de trente jours à compter de la réception de la déclaration mentionnée au paragraphe 2, les coûts et leur répartition entre les membres sont réputés acceptés. La déclaration est soumise à la juridiction ayant ouvert la procédure de coordination pour confirmation.4. Dans le cas où des objections sont formulées, la juridiction qui a ouvert la procédure de coordination collective décide, à la demande du coordinateur ou de tout praticien de l'insolvabilité participant, des coûts et de leur répartition entre les membres, selon les critères visés au paragraphe 1 du présent article et en tenant compte de l'estimation des coûts visée à l'article 68, paragraphe 1 et, le cas échéant, à l'article 72, paragraphe 6.5. Tout praticien de l'insolvabilité participant peut contester la décision visée au paragraphe 4 conformément à la procédure prévue par la loi de l'État membre dans lequel la procédure de coordination collective a été ouverte.CHAPITRE VIPROTECTION DES DONNÉES

Article 78

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Page 223: lewebpedagogique.comlewebpedagogique.com/aline2603/files/2017/01/FASCI… · Web viewEn conséquence, ils sont tenus de prendre en compte l' équivalence des diplômes (voir arrêt

Protection des données

1. Les règles nationales mettant en œuvre la directive 95/46/CE s'appliquent au traitement des données à caractère personnel effectué dans les États membres au titre du présent règlement, pour autant que les opérations de traitement visées à l'article 3, paragraphe 2, de ladite directive ne soient pas concernées.2. Le règlement (CE) no 45/2001 s'applique au traitement des données à caractère personnel effectué par la Commission au titre du présent règlement.Article 79

Responsabilités des États membres en ce qui concerne le traitement des données à caractère personnel dans les registres d'insolvabilité nationaux

1. Chaque État membre communique à la Commission le nom de la personne physique ou morale, de l'autorité publique, du service ou de tout autre organisme désigné par le droit national pour exercer les fonctions de responsable du traitement, conformément à l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, en vue de sa publication sur le portail européen e-Justice.2. Les États membres veillent à ce que les mesures techniques nécessaires pour assurer la sécurité des données à caractère personnel traitées dans leurs registres d'insolvabilité nationaux visés à l'article 24 soient mises en œuvre.3. Il appartient aux États membres de vérifier que le responsable du traitement, désigné par le droit national conformément à l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, assure le respect des principes relatifs à la qualité des données, en particulier l'exactitude et la mise à jour des données stockées dans les registres d'insolvabilité nationaux.4. Les États membres sont responsables, conformément à la directive 95/46/CE, de la collecte et du stockage des données dans les bases de données nationales ainsi que des décisions prises afin d'assurer la mise à disposition de ces données dans le registre interconnecté, qui peut être consulté sur le portail européen e-Justice.5. Dans le cadre des informations à fournir aux personnes concernées afin de leur permettre d'exercer leurs droits, et en particulier le droit à l'effacement des données, les États membres informent les personnes concernées de la période durant laquelle les données à caractère personnel stockées dans les registres d'insolvabilité sont accessibles.Article 80

Responsabilités de la Commission dans le cadre du traitement des données à caractère personnel

1. La Commission exerce la fonction de responsable du traitement, en application de l'article 2, point d), du règlement (CE) no 45/2001, conformément aux responsabilités qui lui incombent en vertu du présent article.2. La Commission définit les politiques nécessaires et applique les solutions techniques nécessaires pour exercer les responsabilités qui lui incombent dans le cadre de sa fonction de responsable du traitement.3. La Commission met en œuvre les mesures techniques requises pour assurer la sécurité des données à caractère personnel, en particulier la confidentialité et l'intégrité de toute transmission de données vers le portail européen e-Justice et à partir de celui-ci.4. Les obligations qui incombent à la Commission ne portent pas préjudice aux responsabilités des États membres et des autres organes en ce qui concerne le contenu et l'exploitation des bases de données nationales interconnectées gérées par leurs soins.Article 81

Obligation d'information

Sans préjudice des informations à communiquer aux personnes concernées conformément aux articles 11 et 12 du règlement (CE) no 45/2001, la Commission informe les personnes concernées, par voie de publication sur le portail européen e-Justice, de son rôle dans le traitement des données et des finalités pour lesquelles les données seront traitées.Article 82

Stockage des données à caractère personnel

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Page 224: lewebpedagogique.comlewebpedagogique.com/aline2603/files/2017/01/FASCI… · Web viewEn conséquence, ils sont tenus de prendre en compte l' équivalence des diplômes (voir arrêt

En ce qui concerne les informations provenant des bases de données nationales interconnectées, aucune donnée à caractère personnel relative aux personnes concernées n'est stockée sur le portail européen e-Justice. Toutes les données de ce type sont stockées dans les bases de données nationales gérées par les États membres ou par d'autres organes.Article 83

Accès aux données à caractère personnel par l'intermédiaire du portail européen e-Justice

Les données à caractère personnel stockées dans les registres d'insolvabilité nationaux visés à l'article 24 sont accessibles par l'intermédiaire du portail européen e-Justice aussi longtemps qu'elles demeurent accessibles en vertu du droit national.CHAPITRE VIIDISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES

Article 84

Application dans le temps

1. Les dispositions du présent règlement ne sont applicables qu'aux procédures d'insolvabilité ouvertes postérieurement au 26 juin 2017. Les actes accomplis par le débiteur avant cette date continuent d'être régis par la loi qui leur était applicable au moment où ils ont été accomplis.2. Nonobstant l'article 91 du présent règlement, le règlement (CE) no 1346/2000 continue de s'appliquer aux procédures d'insolvabilité relevant du champ d'application dudit règlement et qui ont été ouvertes avant le 26 juin 2017.Article 85

Relations avec les conventions

1. Le présent règlement remplace, dans les relations entre les États membres et pour les matières auxquelles il se réfère, les conventions conclues entre deux ou plusieurs de ces États, à savoir:a)la convention entre la Belgique et la France sur la compétence judiciaire, sur l'autorité et l'exécution des décisions judiciaires, des sentences arbitrales et des actes authentiques, signée à Paris le 8 juillet 1899;b)la convention entre la Belgique et l'Autriche sur la faillite, le concordat et le sursis de paiement (avec protocole additionnel du 13 juin 1973), signée à Bruxelles le 16 juillet 1969;c)la convention entre la Belgique et les Pays-Bas sur la compétence judiciaire territoriale, sur la faillite, ainsi que sur l'autorité et l'exécution des décisions judiciaires, des sentences arbitrales et des actes authentiques, signée à Bruxelles le 28 mars 1925;d)le traité entre l'Allemagne et l'Autriche en matière de faillite et de concordat, signé à Vienne le 25 mai 1979;e)la convention entre la France et l'Autriche sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de faillite, signée à Vienne le 27 février 1979;f)la convention entre la France et l'Italie sur l'exécution des jugements en matière civile et commerciale, signée à Rome le 3 juin 1930;g)la convention entre l'Italie et l'Autriche en matière de faillite et de concordat, signée à Rome le 12 juillet 1977;h)la convention entre le Royaume des Pays-Bas et la République fédérale d'Allemagne sur la reconnaissance et l'exécution mutuelles des décisions judiciaires et autres titres exécutoires en matière civile et commerciale, signée à La Haye le 30 août 1962;i)la convention entre le Royaume-Uni et le Royaume de Belgique sur l'exécution réciproque des jugements en matière civile et commerciale, et son protocole, signée à Bruxelles le 2 mai 1934;

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j)la convention entre le Danemark, la Finlande, la Norvège, la Suède et l'Islande, relative à la faillite, signée à Copenhague le 7 novembre 1933;k)la convention européenne sur certains aspects internationaux de la faillite, signée à Istanbul le 5 juin 1990;l)la convention entre la République fédérative socialiste de Yougoslavie et le Royaume de Grèce sur la reconnaissance et l'exécution des décisions, signée à Athènes le 18 juin 1959;m)l'accord entre la République fédérative socialiste de Yougoslavie et la République d'Autriche sur la reconnaissance et l'exécution réciproques des décisions et sentences arbitrales en matière commerciale, signé à Belgrade le 18 mars 1960;n)la convention entre la République fédérative socialiste de Yougoslavie et la République italienne relative à l'entraide judiciaire en matière civile et administrative, signée à Rome le 3 décembre 1960;o)l'accord entre la République fédérative socialiste de Yougoslavie et le Royaume de Belgique relatif à la coopération judiciaire en matière civile et commerciale, signé à Belgrade le 24 septembre 1971;p)la convention entre le gouvernement de la Yougoslavie et le gouvernement de la France relative à la reconnaissance et à l'exécution des décisions judiciaires en matière civile et commerciale, signée à Paris le 18 mai 1971;q)l'accord entre la République socialiste tchécoslovaque et la République hellénique sur l'assistance judiciaire en matière civile et pénale, signé à Athènes le 22 octobre 1980, toujours en vigueur entre la République tchèque et la Grèce;r)l'accord entre la République socialiste tchécoslovaque et la République de Chypre relatif à l'assistance judiciaire en matière civile et pénale, signé à Nicosie le 23 avril 1982, toujours en vigueur entre la République tchèque et Chypre;s)le traité entre le gouvernement de la République socialiste tchécoslovaque et le gouvernement de la République française relatif à l'entraide judiciaire, à la reconnaissance et à l'exécution des décisions, en matière civile, familiale et commerciale, signé à Paris le 10 mai 1984, toujours en vigueur entre la République tchèque et la France;t)le traité entre la République socialiste tchécoslovaque et la République italienne relatif à l'assistance judiciaire en matière civile et pénale, signé à Prague le 6 décembre 1985, toujours en vigueur entre la République tchèque et l'Italie;u)l'accord entre la République de Lettonie, la République d'Estonie et la République de Lituanie relatif à l'assistance judiciaire et les relations judiciaires, signé à Tallinn le 11 novembre 1992;v)l'accord entre l'Estonie et la Pologne relatif à l'entraide judiciaire et à l'établissement de relations judiciaires en matière civile, pénale et du travail, signé à Tallinn le 27 novembre 1998;w)l'accord entre la République de Lituanie et la République de Pologne relatif à l'entraide judiciaire et aux relations judiciaires en matière civile, familiale, pénale et du travail, signé à Varsovie le 26 janvier 1993;x)la convention entre la République socialiste de Roumanie et la République hellénique concernant l'entraide judiciaire en matière civile et pénale et son protocole, signés à Bucarest le 19 octobre 1972;y)la convention entre la République socialiste de Roumanie et la République française concernant l'entraide judiciaire en matière civile et commerciale, signée à Paris le 5 novembre 1974;z)l'accord entre la République populaire de Bulgarie et la République hellénique relatif à l'entraide judiciaire en matière civile et pénale, signé à Athènes le 10 avril 1976;aa)

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Page 226: lewebpedagogique.comlewebpedagogique.com/aline2603/files/2017/01/FASCI… · Web viewEn conséquence, ils sont tenus de prendre en compte l' équivalence des diplômes (voir arrêt

l'accord entre la République populaire de Bulgarie et la République de Chypre relatif à l'entraide judiciaire en matière civile et pénale, signé à Nicosie le 29 avril 1983;ab)l'accord entre le gouvernement de la République populaire de Bulgarie et le gouvernement de la République française relatif à l'entraide judiciaire en matière civile, signé à Sofia le 18 janvier 1989;ac)le traité entre la Roumanie et la République tchèque relatif à l'entraide judiciaire en matière civile, signé à Bucarest le 11 juillet 1994;ad)le traité entre la Roumanie et la République de Pologne relatif à l'entraide judiciaire et aux relations judiciaires dans les affaires civiles, signé à Bucarest le 15 mai 1999.2. Les conventions visées au paragraphe 1 continuent à produire leurs effets en ce qui concerne les procédures ouvertes avant l'entrée en vigueur du règlement (CE) no 1346/2000.3. Le présent règlement n'est pas applicable:a)dans tout État membre, dans la mesure où il est incompatible avec les obligations en matière de faillite résultant d'une convention conclue antérieurement à l'entrée en vigueur du règlement (CE) no 1346/2000 par cet État membre avec un ou plusieurs pays tiers;b)au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, dans la mesure où il est incompatible avec les obligations en matière de faillite et de liquidation de sociétés insolvables résultant d'accords avec le Commonwealth applicables au moment de l'entrée en vigueur du règlement (CE) no 1346/2000.Article 86

Informations sur le droit national et le droit de l'Union en matière d'insolvabilité

1. Les États membres fournissent, dans le cadre du réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale créé par la décision 2001/470/CE du Conseil (17), et dans le but de permettre l'accès de tous à l'information, une brève description de leur droit national et de leurs procédures dans le domaine de l'insolvabilité, notamment en ce qui concerne les éléments énumérés à l'article 7, paragraphe 2, du présent règlement.2. Les États membres actualisent régulièrement l'information visée au paragraphe 1.3. La Commission met les informations relatives au présent règlement à la disposition du public.Article 87

Établissement de l'interconnexion de registres

La Commission adopte des actes d'exécution visant à établir l'interconnexion des registres d'insolvabilité visée à l'article 25 du présent règlement. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 89, paragraphe 3.Article 88

Établissement et modification ultérieure des formulaires uniformisés

La Commission adopte des actes d'exécution visant à établir et, le cas échéant, à modifier les formulaires visés à l'article 27, paragraphe 4, aux articles 54 et 55 et à l'article 64, paragraphe 2, du présent règlement. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure consultative visée à l'article 89, paragraphe 2.Article 89

Comité

1. La Commission est assistée par un comité. Ledit comité est un comité au sens du règlement (UE) no 182/2011.2. Lorsqu'il est fait référence au présent paragraphe, l'article 4 du règlement (UE) no 182/2011 s'applique.3. Lorsqu'il est fait référence au présent paragraphe, l'article 5 du règlement (UE) no 182/2011 s'applique.Article 90

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Clause de réexamen

1. Au plus tard le 27 juin 2027, et tous les cinq ans par la suite, la Commission présente au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen un rapport relatif à l'application du présent règlement. Ce rapport est accompagné, le cas échéant, de propositions visant à adapter le présent règlement.2. Au plus tard le 27 juin 2022, la Commission présente au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen un rapport relatif à l'application de la procédure de coordination collective. Ce rapport est accompagné, le cas échéant, de propositions visant à adapter le présent règlement.3. Le 1er janvier 2016 au plus tard, la Commission présente au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen une étude concernant les problèmes transfrontaliers qui se posent dans le domaine de la responsabilité et des déchéances de dirigeants.4. Au plus tard le 27 juin 2020, la Commission présente au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen une étude concernant la question de la recherche abusive de la juridiction la plus favorable.Article 91

Abrogation

Le règlement (CE) no 1346/2000 est abrogé.Les références faites au règlement abrogé s'entendent comme faites au présent règlement et sont à lire selon le tableau de correspondance figurant à l'annexe D du présent règlement.Article 92

Entrée en vigueur

Le présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne.Il est applicable à partir du 26 juin 2017, à l'exception de:a)l'article 86, qui est applicable à partir du 26 juin 2016;b)l'article 24, paragraphe 1, qui est applicable à partir du 26 juin 2018; etc)l'article 25, qui est applicable à partir du 26 juin 2019.Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre conformément aux traités.Fait à Strasbourg, le 20 mai 2015.Par le Parlement européen

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B. JURISPRUDENCE1. HIGH COURT OF JUSTICE (CH.D) LEEDS DISTRICT REGISTRY 16 MAY 2003 AFFAIRE DAISYTEKHis Honour Judge McGonigal(...)3. The group of companies of which Daisytek-ISA Limited is the holding company (‘the Group’) is a pan-European reseller and wholesale distributor of electronic office supplies.About 50% of the business of the Group is as a wholesaler; the Group sells to large retailers, such as PC World or Tesco and to smaller retailers. The other 50% of the Group’s sales are to end users. The evidence shows that the trading companies in the group are managed to a large extent from Bradford and that they are managed and controlled as a group so that the activities of the group companies throughout Europe are co-ordinated by the head office in Bradford.(...)11. I was also satisfied that the three German companies and the French company were either insolvent at 16 May 2003 or likely to become insolvent within a short time and that the assets of those companies would probably be realised for a greater amount in administration than would be the case in the German or French equivalent of liquidation. I concluded that it was appropriate to make administration orders in respect of these German and French companies provided the English Court had jurisdiction to do so.12. The English Court has jurisdiction to open insolvency proceedings by making administration orders in respect of the German and French companies if ‘the centre of [the] debtor’s main interests’ is centred in England or Wales (Article 3(1) of Council Regulation 1346/2000 – ‘the Regulation’).Recital (l3) of the Regulation reads: ‘(13) The ‘centre of main interests’ shall correspond to the place where the debtor conducts the administration of his interests on a regular basis and is therefore ascertainable by third parties’.Article 3(1) provides that in the case of companies, ‘the place of the registered office shall be presumed to be the centre of its main interests in the absence of proof to the contrary’.Accordingly, before the English Court can open insolvency proceedings in respect of any of the German andFrench companies in the Group, the petitioning company must provide sufficient proof that its centre of main interests is in England to rebut the presumption in Article 3(1).(...)14. I am satisfied from this evidence that Bradford is a place where each of the German Companies conducts the administration of its interests on a regular basis (Recital(13)).Recital (13) refers to the place ‘where the debtor conducts the administration of its interests on a regular basis and is therefore ascertainable by third parties’, while Article 3(1) requires that the centre of the debtor’s main interests should be in this country if an English Court is to have jurisdiction to open insolvency proceedings. In my view the identification of ‘the debtors main interests’ requires the court to consider both the scale of the interests administered at a particular place and their importance and then consider the scale and importance of its interests administered at any other place which may be regarded as its centre of main interests, whether as a result of the presumption in Article 3(1) or otherwise.15. The requirement in Recital (13) that, as a result of the administration of its interests at a particular place, the fact that such place is the centre of the debtor’s main interests must therefore be ‘ascertainable by third parties’ is very important. In Geveran Trading Co Ltd/Skjevesland [2003] BCC 209 Registrar Jacques stated (at 223A) that‘It is the need for third parties to ascertain the centre of a debtor’s main interests that is important, because, if there are to be insolvency proceedings, the creditors need to know where to go to contact the debtor’.This reflects paragraph 75 of the Virgos-Schmidt Report which explained the rationale for the rule in these terms: ‘Insolvency is a foreseeable risk. It is therefore important that international jurisdiction (which, as we will see, entails the application of the insolvency laws of that Contracting State) be based on a place known to the debtor’s potential creditors. This enables the legal risks which would have to be assumed in the case of insolvency to be calculated’.16. In my view the most important ‘third parties’ referred to in Recital (13) are the potential creditors. In the case of a trading company the most important groups of potential creditors are likely to be its financiers and its trade suppliers. The evidence in this case is that the financing of the business of the German companies by a factoring agreement was organised for them by International in Bradford and that 70% of goods supplied to the German companies are supplied under contracts made by International in Bradford. It appears that a large majority of potential creditors by value (which I regard as the relevant criterion) know that Bradford is where many important functions of the German companies are carried

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out. It is clear that the functions carried out in Bradford are important and that the scale of those functions is very significant. By comparison the local functions of the German companies in Germany are limited. They require approval from Bradford to buy anything costing more than 5,000 euros. Only 30% of stock purchases are negotiated locally. These activities are the most relevant because they involve dealings with potential creditors. 85% of sales are negotiated by the German companies but those activities carry less weight as customers are normally debtors rather than creditors. I was therefore satisfied that Bradford is the centre of the main interests of each of the German companies.17. The French company, ISA Daisytek SAS, trades from premises which are also its registered office. The Bradford office of International operates in relation to the French company in the same way as it operates in relation to the German companies as set out in paragraph 13 above save that the French company also relies on financial support from International and the Chief Executive Officer spends 40% of his time (mainly in Bradford) on the management of the French company. The French company is controlled from Bradford in the same way as the German companies and International in Bradford carries out the same functions of the French company as it does for the German ones. For the reasons set out in paragraphs 14 to 16 above I was satisfied that Bradford is the centre of the main interests of the French company.

2. CJCE aff. C-341/04 2 mai 2006 EUROFOOD

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité (JO L 160, p. 1, ci-après le «règlement»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité concernant la société de droit irlandais Eurofood IFSC Ltd (ci-après «Eurofood»).

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 Aux termes de son article 1er, paragraphe 1, le règlement s’applique «aux procédures collectives fondées sur l’insolvabilité du débiteur qui entraînent le dessaisissement partiel ou total de ce débiteur ainsi que la désignation d’un syndic».

4 Selon l’article 2 du règlement, intitulé «Définitions»:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

«a) ‘procédure d’insolvabilité’: les procédures collectives visées à l’article 1er, paragraphe 1. La liste de ces procédures figure à l’annexe A;

b) ‘syndic’: toute personne ou tout organe dont la fonction est d’administrer ou de liquider les biens dont le débiteur est dessaisi ou de surveiller la gestion de ses affaires. La liste de ces personnes et organes figure à l’annexe C;

[…]

e) ‘décision’: lorsqu’il s’agit de l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité ou de la nomination d’un syndic, la décision de toute juridiction compétente pour ouvrir une telle procédure ou pour nommer un syndic;

f) ‘moment de l’ouverture de la procédure’: le moment où la décision d’ouverture prend effet, que cette décision soit ou non définitive;

[…]»

5 L’annexe A du règlement, relative aux procédures d’insolvabilité visées à l’article 2, sous a), de celui-ci, mentionne, sous Irlande, la procédure de liquidation forcée («compulsory winding up by the Court»).

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L’annexe C du même règlement indique, au titre des syndics visés audit article 2, sous b), le «provisional liquidator» en ce qui concerne cet État membre.

6 S’agissant de la détermination de la juridiction compétente, l’article 3, paragraphes 1 et 2, du règlement prévoit:

«1. Les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d’insolvabilité. Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire.

2. Lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur est situé sur le territoire d’un État membre, les juridictions d’un autre État membre ne sont compétentes pour ouvrir une procédure d’insolvabilité à l’égard de ce débiteur que si celui-ci possède un établissement sur le territoire de cet autre État membre. Les effets de cette procédure sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce dernier territoire.»

7 Pour ce qui est de la détermination de la loi applicable, l’article 4, paragraphe 1, du règlement dispose:

«Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à la procédure d’insolvabilité et à ses effets est celle de l’État membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte […]»

8 En ce qui concerne la reconnaissance de la procédure d’insolvabilité, l’article 16, paragraphe 1, du règlement énonce:

«Toute décision ouvrant une procédure d’insolvabilité prise par une juridiction d’un État membre compétente en vertu de l’article 3 est reconnue dans tous les autres États membres, dès qu’elle produit ses effets dans l’État d’ouverture.»

9 L’article 17, paragraphe 1, du règlement est libellé comme suit:

«La décision d’ouverture d’une procédure visée à l’article 3, paragraphe 1, produit, sans aucune autre formalité, dans tout autre État membre les effets que lui attribue la loi de l’État d’ouverture […]»

10 Toutefois, aux termes de l’article 26 du règlement:

«Tout État membre peut refuser de reconnaître une procédure d’insolvabilité ouverte dans un autre État membre ou d’exécuter une décision prise dans le cadre d’une telle procédure, lorsque cette reconnaissance ou cette exécution produirait des effets manifestement contraires à son ordre public, en particulier à ses principes fondamentaux ou aux droits et aux libertés individuelles garantis par sa constitution.»

11 Selon l’article 29, sous a), du règlement, le syndic de la procédure principale peut demander l’ouverture d’une procédure secondaire.

12 L’article 38 du règlement prévoit que le syndic provisoire désigné par la juridiction d’un État membre compétente en vertu de l’article 3, paragraphe 1, du même règlement «est habilité à demander toute mesure de conservation ou de protection sur les biens du débiteur qui se trouvent dans un autre État membre prévue par la loi de cet État, pour la période séparant la demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité de la décision d’ouverture».

La réglementation nationale

13 L’article 212 de la loi de 1963 sur les sociétés (Companies Act 1963, ci -après la «Companies Act») confère compétence à la High Court pour procéder à la liquidation de toute société.

14 L’article 215 de la Companies Act dispose que la liquidation d’une société débute par la présentation au tribunal, par la société ou par un ou plusieurs créanciers de celle-ci, d’une demande tendant à faire prononcer la liquidation de cette société.

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15 L’article 220 de la Companies Act prévoit:

«1) Si, avant la présentation d’une demande visant à obtenir la liquidation d’une société par le tribunal, la société a adopté une résolution aux fins de liquidation volontaire, la liquidation de la société est réputée avoir débuté à la date d’adoption de la résolution et, à moins que le tribunal ne juge opportun, sur preuve de la fraude ou de l’erreur, de procéder autrement, toutes les procédures menées dans le cadre de la liquidation volontaire sont réputées avoir été valablement menées.

2) En toute autre hypothèse, la liquidation d’une société par le tribunal est réputée débuter à la date de présentation de la demande de liquidation.»

16 L’article 226, paragraphe 1, de la Companies Act dispose que le tribunal peut désigner un syndic à titre provisoire, à tout moment après la présentation d’une demande de liquidation. Sinon, la désignation du syndic, prévue par l'article 225 de la même loi, intervient à la délivrance de l’ordonnance de liquidation. Une fois désigné, un «provisional liquidator» est obligé, selon l’article 229, paragraphe 1, de celle-ci, de «prendre en dépôt ou de placer sous son contrôle tous les biens tant corporels qu’incorporels en cause auxquels l’entreprise a droit ou semble avoir droit».

Les faits à l’origine du litige et les questions préjudicielles

17 Eurofood a été immatriculée en Irlande en 1997 en tant que «company limited by shares» (société en commandite par actions) ayant son siège statutaire à l’International Financial Services Center à Dublin. C’est une filiale à 100 % de Parmalat SpA, société de droit italien. Son objet principal était d’offrir des facilités de financement aux sociétés du groupe Parmalat.

18 Le 24 décembre 2003, en application du décret-loi n° 347, du 23 décembre 2003, relatif aux mesures urgentes en vue de la restructuration industrielle des grandes entreprises en état d’insolvabilité (GURI n° 298, du 24 décembre 2003, p. 4), le ministre des Activités de production italien a admis Parmalat SpA à la procédure d’administration extraordinaire et désigné M. Bondi en qualité d’administrateur extraordinaire de cette société.

19 Le 27 janvier 2004, la Bank of America NA a demandé à la High Court (Irlande) l’ouverture d’une procédure de liquidation forcée («compulsory winding up by the Court») à l’encontre d’Eurofood ainsi que la nomination d’un syndic provisoire. Cette demande était fondée sur l’allégation selon laquelle cette dernière société était insolvable.

20 Le même jour, la High Court, sur la base de cette demande, a désigné M. Farrell en qualité de syndic provisoire («provisional liquidator»), en lui conférant les pouvoirs de confisquer tous les actifs de cette société, de gérer les affaires de celle-ci, d’ouvrir un compte bancaire au nom de ladite société et de s’assurer les services d’un conseil.

21 Le 9 février 2004, le ministre des Activités de production italien a admis Eurofood à la procédure d’administration extraordinaire et a nommé M. Bondi en tant qu’administrateur extraordinaire.

22 Le 10 février 2004, a été déposée devant le Tribunale civile e penale di Parma (Italie) une demande tendant à faire constater l’insolvabilité d’Eurofood. L’audience a été fixée au 17 février 2004, date dont M. Farrell a été informé le 13 février. Le 20 février 2004, ladite juridiction, considérant que le centre des intérêts principaux d’Eurofood se trouvait en Italie, s’est estimé internationalement compétente pour constater l’état d’insolvabilité de cette société.

23 Par jugement du 23 mars 2004, la High Court a décidé que, selon la loi irlandaise, la procédure d’insolvabilité à l’encontre d’Eurofood avait été ouverte en Irlande à la date de la demande présentée à cet effet par la Bank of America NA, soit le 27 janvier 2004. Considérant que le centre des intérêts principaux d’Eurofood se trouvait en Irlande, la High Court a jugé que la procédure ouverte dans cet État membre était la procédure principale. Elle a également considéré que les conditions du déroulement de la procédure devant le Tribunale civile e penale di Parma étaient de nature à justifier, en application de l’article 26 du règlement, le refus des juridictions irlandaises de reconnaître la décision de ce tribunal.

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Constatant l’état d’insolvabilité d’Eurofood, la High Court a ordonné la liquidation de cette société et nommé M. Farrell en qualité de liquidateur.

24 M. Bondi ayant interjeté appel dudit jugement, la Supreme Court a estimé nécessaire, avant de se prononcer sur le litige dont elle est saisie, de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Lorsqu’une juridiction compétente en Irlande est saisie d’une demande tendant à faire prononcer la liquidation (‘winding up’) d’une entreprise insolvable et que, en attendant de prendre une ordonnance de liquidation, cette juridiction rend une ordonnance portant nomination d’un syndic à titre provisoire (‘provisional liquidator’) doté des pouvoirs de confisquer les actifs de l’entreprise, de gérer ses affaires, d’ouvrir un compte bancaire et de désigner un conseil, tout cela ayant, en droit, pour effet de priver les administrateurs de l’entreprise du pouvoir d’agir, cette ordonnance, combinée avec la présentation de la demande, constitue-t-elle une décision ouvrant une procédure d’insolvabilité (‘insolvency proceedings’) aux fins de l’article 16 du règlement […], interprété à la lumière de ses articles 1er et 2?

2) Si la réponse à la première question est négative, la présentation, en Irlande devant la High Court, d’une demande tendant à faire prononcer par cette juridiction la liquidation forcée (‘compulsory winding up’) d’une entreprise constitue-t-elle l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité (‘insolvency proceedings’) aux fins dudit règlement, en vertu de la disposition légale irlandaise [article 220 (2) de la Companies Act] qui considère que la liquidation de l’entreprise débute à la date de présentation de la demande?

3) L’article 3 dudit règlement, combiné avec l’article 16 de celui-ci, a-t-il pour effet qu’une juridiction d’un État membre autre que celui dans lequel est situé le siège statutaire de l’entreprise, et autre que celui où l’entreprise gère habituellement ses intérêts d’une manière vérifiable par les tiers, mais où la procédure d’insolvabilité est ouverte en premier lieu, est compétente pour ouvrir la procédure d’insolvabilité principale?

4) Lorsque

a) les sièges statutaires respectifs d’une société mère et de sa filiale sont situés dans deux États membres différents,

b) que la filiale gère habituellement ses intérêts d’une manière vérifiable par les tiers et dans le respect total et permanent de sa propre identité sociale dans l’État membre où est situé son siège statutaire et

c) que, en raison de sa participation et de son pouvoir de nommer les administrateurs, la société mère est en mesure de contrôler et contrôle effectivement la politique de la filiale,

lors de la détermination du ‘centre des intérêts principaux’, les facteurs déterminants sont-ils ceux mentionnés au point b) ci-dessus ou, au contraire, ceux mentionnés au point c) ci-dessus?

5) Lorsqu’il est manifestement contraire à l’ordre public d’un État membre d’autoriser qu’une décision judiciaire ou administrative produise des effets juridiques à l’égard de personnes ou d’organes dont le droit à des modalités de procédure et à un procès équitables n’est pas respecté lors de l’adoption d’une telle décision, cet État membre est-il tenu, en vertu de l’article 17 dudit règlement, de reconnaître une décision arrêtée par les juridictions d’un autre État membre, censée ouvrir une procédure d’insolvabilité à l’égard d’une entreprise, dans un cas où la juridiction du premier État membre est convaincue que la décision en cause a été rendue au mépris de ces principes et, en particulier, lorsque le demandeur dans le second État membre refuse, malgré les demandes et contrairement à l’ordonnance de la juridiction du second État membre, de fournir au ‘provisional liquidator’ de l’entreprise, dûment nommé conformément au droit du premier État membre, tout exemplaire des pièces essentielles fondant sa demande?»

25 Par ordonnance du président de la Cour du 15 septembre 2004, la demande de la Supreme Court visant à soumettre la présente affaire à la procédure accélérée prévue à l’article 104 bis, premier alinéa, du règlement de procédure a été rejetée.

Sur les questions préjudicielles

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Sur la quatrième question

26 Par sa quatrième question, qu’il convient d’examiner en premier lieu en tant qu’elle a trait, de manière générale, au système de détermination de la compétence des juridictions des États membres mis en place par le règlement, la juridiction de renvoi demande quel est, dans le contexte d’une société mère et de sa filiale ayant leurs sièges statutaires respectifs dans deux États membres différents, le facteur déterminant pour l’identification du centre des intérêts principaux de la filiale.

27 La juridiction de renvoi s’interroge sur la pondération à opérer entre, d’une part, le fait que la filiale gère habituellement ses intérêts, de manière vérifiable par les tiers et dans le respect de son identité propre en tant que société, dans l’État membre où se trouve son siège statutaire et, d’autre part, le fait que la société mère est en mesure, en raison de sa participation dans le capital et de son pouvoir de nommer les dirigeants de la filiale, de contrôler la politique de cette dernière.

28 L’article 3 du règlement prévoit deux types de procédures. La procédure d’insolvabilité ouverte, conformément au paragraphe 1 de cet article, par la juridiction compétente de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur, qualifiée de «procédure principale», produit des effets universels, en ce qu’elle s’applique aux biens du débiteur situés dans tous les États membres dans lesquels le règlement est applicable. Si, ultérieurement, une procédure peut, conformément au paragraphe 2 dudit article, être ouverte par la juridiction compétente de l’État membre où le débiteur possède un établissement, cette procédure, qualifiée de «procédure secondaire», produit des effets qui sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur le territoire de ce dernier État.

29 L’article 3, paragraphe 1, du règlement précise que, pour les sociétés, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve du contraire, être le lieu du siège statutaire.

30 Il s’ensuit que, dans le système de détermination de la compétence des juridictions des États membres mis en place par le règlement, il existe une compétence juridictionnelle propre pour chaque débiteur constituant une entité juridiquement distincte.

31 La notion de centre des intérêts principaux est propre au règlement. Partant, elle revêt une signification autonome et doit donc être interprétée de manière uniforme et indépendante des législations nationales.

32 La portée de cette notion est éclairée par le treizième considérant du règlement, qui indique que «[l]e centre des intérêts principaux devrait correspondre au lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est donc vérifiable par les tiers».

33 Il ressort de cette définition que le centre des intérêts principaux doit être identifié en fonction de critères à la fois objectifs et vérifiables par les tiers. Cette objectivité et cette possibilité de vérification par les tiers sont nécessaires afin de garantir la sécurité juridique et la prévisibilité concernant la détermination de la juridiction compétente pour ouvrir une procédure d’insolvabilité principale. Cette sécurité juridique et cette prévisibilité revêtent une importance d’autant plus grande que la détermination de la juridiction compétente entraîne, conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement, celle de la loi applicable.

34 Il s’ensuit que, pour la détermination du centre des intérêts principaux d’une société débitrice, la présomption simple prévue par le législateur communautaire au bénéfice du siège statutaire de cette société ne peut être écartée que si des éléments objectifs et vérifiables par les tiers permettent d’établir l’existence d’une situation réelle différente de celle que la localisation audit siège statutaire est censée refléter.

35 Tel pourrait être notamment le cas d’une société «boîte aux lettres» qui n’exercerait aucune activité sur le territoire de l’État membre où est situé son siège social.

36 En revanche, lorsqu’une société exerce son activité sur le territoire de l’État membre où est situé son siège social, le simple fait que ses choix économiques soient ou puissent être contrôlés par une société

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mère établie dans un autre État membre ne suffit pas pour écarter la présomption prévue par le règlement.

37 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la quatrième question que, lorsqu’un débiteur est une filiale dont le siège statutaire et celui de sa société mère sont situés dans deux États membres différents, la présomption énoncée à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement, selon laquelle le centre des intérêts principaux de cette filiale est situé dans l’État membre où se trouve son siège statutaire, ne peut être réfutée que si des éléments objectifs et vérifiables par les tiers permettent d’établir l’existence d’une situation réelle différente de celle que la localisation audit siège statutaire est censée refléter. Tel pourrait être notamment le cas d’une société qui n’exercerait aucune activité sur le territoire de l’État membre où est situé son siège social. En revanche, lorsqu’une société exerce son activité sur le territoire de l’État membre où est situé son siège social, le fait que ses choix économiques soient ou puissent être contrôlés par une société mère établie dans un autre État membre ne suffit pas pour écarter la présomption prévue par le règlement.

Sur la troisième question

38 Par sa troisième question, qu’il convient d’examiner en deuxième lieu en tant qu’elle concerne, de manière générale, le système de reconnaissance mis en place par le règlement, la juridiction de renvoi demande en substance si, en vertu des articles 3 et 16 du règlement, une juridiction d’un État membre, autre que celui dans lequel est situé le siège statutaire de l’entreprise et autre que celui où cette dernière gère habituellement ses intérêts d’une manière vérifiable par les tiers, mais dans lequel la procédure d’insolvabilité a été ouverte en premier lieu, doit être considérée comme compétente pour ouvrir la procédure d’insolvabilité principale. La juridiction de renvoi demande ainsi en substance si la compétence assumée par une juridiction d’un État membre pour ouvrir une procédure d’insolvabilité principale peut être contrôlée par une juridiction d’un autre État membre dans lequel la reconnaissance est demandée.

39 Ainsi qu’il ressort du vingt-deuxième considérant du règlement, la règle de priorité définie à l’article 16, paragraphe 1, de celui-ci, qui prévoit que la procédure d’insolvabilité ouverte dans un État membre est reconnue dans tous les États membres dès qu’elle produit ses effets dans l’État d’ouverture, repose sur le principe de la confiance mutuelle.

40 C’est cette confiance mutuelle qui a permis la mise en place d’un système obligatoire de compétences, que toutes les juridictions entrant dans le champ d’application du règlement sont tenues de respecter, et la renonciation corrélative par les États membres à leurs règles internes de reconnaissance et d’exequatur au profit d’un mécanisme simplifié de reconnaissance et d’exécution des décisions rendues dans le cadre de procédures d’insolvabilité [voir par analogie, à propos de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32, ci-après la «convention de Bruxelles»), arrêts du 9 décembre 2003, Gasser, C-116/02, Rec. p. I-14693, point 72, et du 27 avril 2004, Turner, C-159/02, Rec. p. I-3565, point 24].

41 Il est inhérent à ce principe de confiance mutuelle que la juridiction d’un État membre saisie d’une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité principale vérifie sa compétence au regard de l’article 3, paragraphe 1, du règlement, c’est-à-dire examine si le centre des intérêts principaux du débiteur se situe dans cet État membre. À cet égard, il y a lieu de souligner qu’un tel examen doit se dérouler dans le respect des garanties procédurales essentielles que requiert le déroulement d’un procès équitable (voir point 66 du présent arrêt).

42 En contrepartie, ainsi que le précise le vingt-deuxième considérant du règlement, le principe de confiance mutuelle exige que les juridictions des autres États membres reconnaissent la décision ouvrant une procédure d’insolvabilité principale, sans pouvoir contrôler l’appréciation portée par la première juridiction sur sa compétence.

43 Si une partie intéressée, considérant que le centre des intérêts principaux du débiteur se situe dans un État membre autre que celui dans lequel a été ouverte la procédure d’insolvabilité principale, entend contester la compétence assumée par la juridiction qui a ouvert cette procédure, il lui appartient d’utiliser, devant les juridictions de l’État membre où celle-ci a été ouverte, les recours prévus par le droit national de cet État membre à l’encontre de la décision d’ouverture.

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44 Il convient donc de répondre à la troisième question que l’article 16, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement doit être interprété en ce sens que la procédure d’insolvabilité principale ouverte par une juridiction d’un État membre doit être reconnue par les juridictions des autres États membres, sans que celles-ci puissent contrôler la compétence de la juridiction de l’État d’ouverture.

Sur la première question

45 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si la décision par laquelle une juridiction d’un État membre, saisie d’une demande tendant à faire prononcer la liquidation d’une entreprise insolvable, nomme, avant d’ordonner cette liquidation, un syndic provisoire doté de pouvoirs ayant, en droit, pour effet de priver les dirigeants de l’entreprise du pouvoir d’agir constitue une décision ouvrant une procédure d’insolvabilité au sens de l’article 16, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement.

46 Il ressort du libellé de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement que les procédures d’insolvabilité auxquelles celui-ci s’applique doivent répondre à quatre caractéristiques. Il doit s’agir d’une procédure collective, fondée sur l’insolvabilité du débiteur, qui entraîne un dessaisissement à tout le moins partiel de ce dernier et provoque la désignation d’un syndic.

47 Lesdites procédures sont énumérées à l’annexe A du règlement et la liste des syndics figure à l’annexe C de celui-ci.

48 Le règlement ne vise pas à mettre en place une procédure d’insolvabilité uniforme, mais, ainsi qu’il ressort de son deuxième considérant, à assurer que «les procédures d’insolvabilité transfrontalières fonctionnent efficacement et effectivement». À cet effet, il fixe des règles ayant pour objectif, comme l’indique son troisième considérant, «la coordination des mesures à prendre concernant le patrimoine d’un débiteur insolvable».

49 En exigeant que toute décision ouvrant une procédure d’insolvabilité principale prise par une juridiction d’un État membre compétente à cet effet soit reconnue dans tous les autres États membres, dès qu’elle produit des effets dans l’État où elle a été rendue, l’article 16, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement fixe une règle de priorité, fondée sur un critère chronologique, au bénéfice de la décision d’ouverture qui a été rendue en premier lieu. Ainsi que l’explique le vingt-deuxième considérant dudit règlement, «[l]a décision de la juridiction qui ouvre la première la procédure devrait être reconnue dans tous les autres États membres, sans que ceux-ci aient la faculté de soumettre la décision de cette juridiction à un contrôle».

50 Toutefois le règlement ne définit pas avec suffisamment de précision la notion de «décision ouvrant une procédure d’insolvabilité».

51 À cet égard, il convient de rappeler que les conditions et formalités requises pour l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité relèvent du droit national et varient considérablement d’un État membre à l’autre. Dans certains États membres, la procédure est ouverte très peu de temps après le dépôt de la demande, les vérifications nécessaires étant effectuées ultérieurement. Dans d’autres États membres, certaines constatations essentielles, pouvant nécessiter un temps assez long, doivent être opérées avant l’ouverture de la procédure. Dans certains droits nationaux, la procédure peut être ouverte «à titre provisoire» pendant plusieurs mois.

52 Ainsi que le fait valoir la Commission des Communautés européennes, il importe, aux fins d’assurer l’efficacité du système instauré par le règlement, que le principe de reconnaissance prévu à l’article 16, paragraphe 1, premier alinéa, de celui-ci puisse s’appliquer le plus tôt possible au cours de la procédure. Le mécanisme prévoyant que ne peut être ouverte qu’une seule procédure principale, produisant ses effets dans tous les États membres dans lesquels le règlement est applicable, pourrait être gravement perturbé si les juridictions de ces derniers, saisies concomitamment de demandes fondées sur l’insolvabilité d’un débiteur, pouvaient revendiquer pendant une période prolongée une compétence concurrente.

53 C’est au regard de cet objectif visant à assurer l’efficacité du système instauré par le règlement qu’il importe d’interpréter la notion de «décision ouvrant une procédure d’insolvabilité».

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54 Dans ces conditions, doit être considérée comme une «décision ouvrant une procédure d’insolvabilité» au sens du règlement non seulement une décision formellement qualifiée de décision d’ouverture par la réglementation de l’État membre dont relève la juridiction qui l’a rendue, mais encore la décision rendue à la suite d’une demande, fondée sur l’insolvabilité du débiteur, tendant à l’ouverture d’une procédure visée à l’annexe A du règlement, lorsque cette décision entraîne le dessaisissement du débiteur et porte nomination d’un syndic visé à l’annexe C dudit règlement. Un tel dessaisissement implique que le débiteur perde les pouvoirs de gestion qu’il détient sur son patrimoine. Dans un tel cas, en effet, les deux conséquences caractéristiques d’une procédure d’insolvabilité, à savoir la nomination d’un syndic visé à l’annexe C et le dessaisissement du débiteur, ont pris effet et, ainsi, tous les éléments constitutifs de la définition d’une telle procédure donnée à l’article 1er, paragraphe 1, du règlement sont réunis.

55 Contrairement à ce que font valoir M. Bondi et le gouvernement italien, cette interprétation ne saurait être infirmée par le fait que le syndic visé à l’annexe C du règlement peut être un syndic nommé à titre provisoire.

56 Tant M. Bondi que le gouvernement italien reconnaissent que, dans l’affaire au principal, le «provisional liquidator» nommé par la High Court, par décision du 27 janvier 2004, figure parmi les syndics mentionnés dans l’annexe C du règlement en ce qui concerne l’Irlande. Ils relèvent toutefois qu’il s’agit d’un syndic provisoire et que le règlement contient une disposition spécifique applicable dans ce cas. En effet, ainsi qu’ils le rappellent, l’article 38 dudit règlement habilite le syndic provisoire, défini au seizième considérant de ce règlement comme étant le syndic «désigné avant l’ouverture de la procédure principale», à demander des mesures conservatoires sur les biens du débiteur qui se trouvent dans un autre État membre pour la période séparant la demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité de la décision d’ouverture. M. Bondi et le gouvernement italien en déduisent que la nomination d’un syndic provisoire ne peut pas ouvrir la procédure d’insolvabilité principale.

57 À cet égard, il convient de relever que l’article 38 du règlement doit être lu en combinaison avec l’article 29 de celui-ci, selon lequel le syndic de la procédure d’insolvabilité principale a le droit de demander l’ouverture d’une procédure secondaire dans un autre État membre. Ledit article 38 vise ainsi la situation dans laquelle la juridiction compétente d’un État membre a été saisie d’une procédure d’insolvabilité principale, alors que cette juridiction, tout en désignant une personne ou un organe en vue de veiller à titre provisoire sur les biens du débiteur, n’a pas encore ordonné le dessaisissement de ce dernier ou nommé un syndic visé à l’annexe C du règlement. Dans ce cas, la personne ou l’organe en cause, quoique n’étant pas habilité à engager une procédure d’insolvabilité secondaire dans un autre État membre, peut demander que des mesures conservatoires soient prises sur les biens du débiteur situés dans cet État membre. Tel n’est toutefois pas le cas dans l’affaire au principal, dans laquelle la High Court a désigné un «provisional liquidator» visé à l’annexe C du règlement et ordonné le dessaisissement du débiteur.

58 Au vu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 16, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement doit être interprété en ce sens que constitue une décision d’ouverture de la procédure d’insolvabilité au sens de cette disposition la décision rendue par une juridiction d’un État membre saisie d’une demande à cet effet, fondée sur l’insolvabilité du débiteur et tendant à l’ouverture d’une procédure visée à l’annexe A du même règlement, lorsque cette décision entraîne le dessaisissement du débiteur et porte nomination d’un syndic visé à l’annexe C dudit règlement. Ce dessaisissement implique que le débiteur perde les pouvoirs de gestion qu’il détient sur son patrimoine.

Sur la deuxième question

59 Au vu de la réponse donnée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la deuxième question.

Sur la cinquième question

60 Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande en substance si un État membre est tenu, en vertu de l’article 17 du règlement, de reconnaître une procédure d’insolvabilité ouverte dans un

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autre État membre lorsque la décision ouvrant cette procédure a été rendue en méconnaissance de modalités procédurales garanties dans le premier État par les exigences de son ordre public.

61 Si le vingt-deuxième considérant du règlement déduit du principe de la confiance mutuelle que «les motifs de non-reconnaissance devraient être réduits au minimum nécessaire», l’article 26 de celui-ci prévoit qu’un État membre peut refuser de reconnaître une procédure d’insolvabilité ouverte dans un autre État membre lorsque cette reconnaissance produirait des effets manifestement contraires à son ordre public, en particulier à ses principes fondamentaux ou aux droits et aux libertés individuelles garantis par sa Constitution.

62 Dans le contexte de la convention de Bruxelles, la Cour a jugé que le recours à la clause de l’ordre public, figurant à l’article 27, point 1, de cette convention, en ce qu’il constitue un obstacle à la réalisation de l’un des objectifs fondamentaux de celle-ci, à savoir faciliter la libre circulation des jugements, ne doit jouer que dans des cas exceptionnels (arrêt du 28 mars 2000, Krombach, C-7/98, Rec. p. I-1935, points 19 et 21).

63 Se reconnaissant compétente pour contrôler les limites dans le cadre desquelles le juge d’un État contractant peut avoir recours à cette clause d’ordre public pour ne pas reconnaître une décision émanant d’une juridiction d’un autre État contractant, la Cour, dans le cadre de la convention de Bruxelles, a jugé qu’un recours à ladite clause n’est concevable que dans l’hypothèse où la reconnaissance ou l’exécution de la décision rendue dans un autre État contractant heurterait de manière inacceptable l’ordre juridique de l’État requis, en tant qu’elle porterait atteinte à un principe fondamental. L’atteinte devrait constituer une violation manifeste d’une règle de droit considérée comme essentielle dans l’ordre juridique de l’État requis ou d’un droit reconnu comme fondamental dans cet ordre juridique (arrêt Krombach, précité, points 23 et 37).

64 Cette jurisprudence est transposable à l’interprétation de l’article 26 du règlement.

65 En ce qui concerne le domaine de la procédure, il convient de rappeler que la Cour a reconnu expressément le principe général de droit communautaire selon lequel toute personne a droit à un procès équitable (arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C-185/95 P, Rec. p. I-8417, points 20 et 21; du 11 janvier 2000, Pays-Bas et Van der Wal/Commission, C-174/98 P et C-189/98 P, Rec. p. I-1, point 17, ainsi que Krombach, précité, point 26). Ce principe s’inspire des droits fondamentaux qui font partie intégrante des principes généraux du droit communautaire dont la Cour assure le respect en s’inspirant des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies notamment par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950.

66 S’agissant plus précisément du droit à obtenir communication des pièces de procédure et, plus généralement, du droit à être entendu auxquels fait référence la cinquième question posée par la juridiction de renvoi, il convient de relever qu’ils occupent une place éminente dans l’organisation et le déroulement d’un procès équitable. Dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité, le droit pour les créanciers ou leurs représentants de participer à la procédure dans le respect du principe de l’égalité des armes revêt une importance particulière. Si les modalités concrètes du droit à être entendu peuvent varier en fonction de l’urgence qu’il peut y avoir à statuer, toute restriction à l’exercice de ce droit doit être dûment justifiée et entourée de garanties procédurales assurant aux personnes concernées par une telle procédure une possibilité effective de contester les mesures adoptées dans l’urgence.

67 À la lumière de ces considérations, il convient de répondre à la cinquième question que l’article 26 du règlement doit être interprété en ce sens qu’un État membre peut refuser de reconnaître une procédure d’insolvabilité ouverte dans un autre État membre lorsque la décision d’ouverture a été prise en violation manifeste du droit fondamental à être entendue dont dispose une personne concernée par une telle procédure.

68 Le cas échéant, il appartient à la juridiction de renvoi d’établir si, dans l’affaire au principal, tel a été le cas lors du déroulement de la procédure devant le Tribunale civile e penale di Parma. À cet égard, il convient d’observer que ladite juridiction ne saurait se limiter à transposer sa propre conception de l’oralité des débats et du caractère fondamental que celle-ci revêt dans son ordre juridique, mais doit

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apprécier, au vu de l’ensemble des circonstances, si le «provisional liquidator» nommé par la High Court a bénéficié ou non d’une possibilité suffisante d’être entendu.

Sur les dépens

69 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

1) Lorsqu’un débiteur est une filiale dont le siège statutaire et celui de sa société mère sont situés dans deux États membres différents, la présomption énoncée à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, selon laquelle le centre des intérêts principaux de cette filiale est situé dans l’État membre où se trouve son siège statutaire, ne peut être réfutée que si des éléments objectifs et vérifiables par les tiers permettent d’établir l’existence d’une situation réelle différente de celle que la localisation audit siège statutaire est censée refléter. Tel pourrait être notamment le cas d’une société qui n’exercerait aucune activité sur le territoire de l’État membre où est situé son siège social. En revanche, lorsqu’une société exerce son activité sur le territoire de l’État membre où est situé son siège social, le fait que ses choix économiques soient ou puissent être contrôlés par une société mère établie dans un autre État membre ne suffit pas pour écarter la présomption prévue par ledit règlement.

2) L’article 16, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1346/2000 doit être interprété en ce sens que la procédure d’insolvabilité principale ouverte par une juridiction d’un État membre doit être reconnue par les juridictions des autres États membres, sans que celles-ci puissent contrôler la compétence de la juridiction de l’État d’ouverture.

3) L’article 16, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1346/2000 doit être interprété en ce sens que constitue une décision d’ouverture de la procédure d’insolvabilité au sens de cette disposition la décision rendue par une juridiction d’un État membre saisie d’une demande à cet effet, fondée sur l’insolvabilité du débiteur et tendant à l’ouverture d’une procédure visée à l’annexe A du même règlement, lorsque cette décision entraîne le dessaisissement du débiteur et porte nomination d’un syndic visé à l’annexe C dudit règlement. Ce dessaisissement implique que le débiteur perde les pouvoirs de gestion qu’il détient sur son patrimoine.

4) L’article 26 du règlement n° 1346/2000 doit être interprété en ce sens qu’un État membre peut refuser de reconnaître une procédure d’insolvabilité ouverte dans un autre État membre lorsque la décision d’ouverture a été prise en violation manifeste du droit fondamental à être entendue dont dispose une personne concernée par une telle procédure.

Note de Jean-Luc Vallens, JCP éd. E 2006, n° 2071 p 1220 : « Le règlement européen sur les procédures d’insolvabilité à l’épreuve des groupes de sociétés : l’arbitrage de la CJCE »

1 Introduction. La Cour de justice des Communautés européennes vient de rendre un arrêt attendu particulièrement important pour l'interprétation du règlement communautaire sur les procédures d'insolvabilité et son application aux groupes de sociétés. Derrière les questions posées par voie préjudicielle par la Cour suprême d'Irlande, c’est le droit des groupes qui est en cause, dans le contexte de la défaillance financière qui a frappé le groupe italien Parmalat en 2003. Les questions posées apparaissent relativement complexes, alors que la réalité procédurale qu'elles expriment est simple. La chronologie des faits et des actes de procédure qui ont conduit à la saisine des Juges de Luxembourg doit être rappelée, avant d'analyser l'arrêt et ses conséquences au vu des mécanismes prévus par le Règlement communautaire. 2 Les faits. Le groupe Parmalat (Parmalat Finanziaria SpA) contrôlait plus d'une centaine de sociétés en Europe et dans le monde et employait plus d’un million de salariés. Les difficultés financières du groupe avaient été provoquées par des causes multiples, dont des agissements frauduleux de ses dirigeants et des opérations

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hasardeuses des spéculations sur les titres dont les dirigeants et certaines banques avaient été les auteurs et les bénéficiaires. Ces difficultés ont conduit à la déconfiture des différentes entités du groupe. Une d'entre elles intéresse l'arrêt dont il s'agit : la société Eurofood Ltd, une filiale à 100 % de la société Parmalat SpA, établie en Irlande (1). C'est à son sujet que le règlement communautaire a révélé à la fois ses potentialités et ses limites.La situation obérée du groupe et ses conséquences financières et sociales ont naturellement inquiété les pouvoirs publics italiens, et conduit le gouvernement à promulguer au mois de décembre 2003, en avance sur la réforme de la législation sur l’insolvabilité alors à l’étude depuis plusieurs années (2), un décret modifiant les règles de la procédure existante créée en 1979, la procédure d’administration extraordinaire pour les entreprises d’au moins 500 salariés et ayant un endettement d’au moins 300 millions d’€ (3), afin de régler de manière coordonnée, sous l'autorité d'un commissaire nommé par le gouvernement, les différentes entités du groupe (4). Ce décret a été aussitôt mis en oeuvre par le ministère italien de l'industrie qui, dès le 24 décembre 2003, nommait un commissaire extraordinaire, qui saisissait aussitôt le tribunal civil de Parme, compétent du chef du siège social de la société Parmalat SpA. Ce tribunal a ouvert ainsi plusieurs procédures d'insolvabilité d'administration extraordinaire contre la société mère, mais aussi contre plusieurs filiales dont la société irlandaise Eurofood, en considérant que le centre des intérêts principaux de cette société était au siège de la maison mère (5). En théorie, cette décision devait être reconnue en Irlande en tant que procédure principale, le tribunal italien ayant apprécié sa compétence à l’égard de la société irlandaise, en raison du domicile des dirigeants, du lieu des décisions prises et de l’absence de locaux véritables en Irlande (6). La procédure d'administration extraordinaire ainsi confirmée aurait dû en théorie bénéficier d'une reconnaissance immédiate et effective dans les autres Etats de l'Union européenne, comme d'autres décisions rendues antérieurement par les tribunaux britanniques et continentaux l'avaient déjà été, cette procédure étant mentionnée aux annexes du règlement communautaire comme une procédure d’insolvabilité (7). Le litige soumis à la Cour de justice a surgi du fait d’une autre initiative engagée parallèlement par un des créanciers de la société Eurofood, une banque américaine la Bank of America NA. Celle-ci, qui avait par une succursale, un rôle d’administration de la société en vertu d’un accord de gestion) avait demandé l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire, et saisi à cette fin le tribunal de Dublin, qui était normalement compétent au titre du siège de la société débitrice. Ce siège était en effet présumé être le centre des intérêts principaux de cette société, faute de preuve contraire, par application des dispositions du règlement communautaire (8). Une telle procédure qualifiée par le règlement de procédure principale devait dès lors bénéficier également de la reconnaissance universelle dans les autres Etats membres. La même société se trouvait ainsi soumise à une procédure principale ouverte par des juridictions de deux Etats membres, situation que le règlement communautaire a exclu en préconisant la reconnaissance de la première procédure ouverte (9).C'est là qu'interviennent le droit national de chacun des Etats et la chronologie des procédures. Alors que la procédure d'administration extraordinaire a été ouverte par le tribunal de Parme le 20 février 2004, le tribunal irlandais se trouvait déjà saisi : la banque américaine avait en effet saisi ce tribunal dès le 27 janvier 2004, par une demande, aussitôt suivie de la désignation d'un liquidateur provisoire. Ce liquidateur était habilité aux termes de la loi irlandaise à appréhender les biens et geler le patrimoine de la société débitrice (10). Le juge n’examinait pas à ce stade sa compétence au regard du centre des intérêts principaux de la société Eurofood. Le juge irlandais devait ultérieurement, le 23 mars 2004, prononcer la liquidation judiciaire de la société, entraînant naturellement l'application du droit irlandais à celle-ci. Or, aux termes de la loi irlandaise sur les sociétés, les effets de la procédure d'insolvabilité sont réputés remonter à la date de la saisine initiale de la juridiction (11), donc avant la décision des juges italiens. Le conflit est ainsi né non seulement entre deux tribunaux s'estimant tous deux compétents, mais entre deux lois aux contenus opposés. Le juge irlandais a en outre estimé que la procédure suivie par le tribunal d'armes n'avait pas respecté la loyauté des débats : selon lui, le juge italien avait statué sans que le liquidateur provisoire intervenu devant lui ait été destinataire de tous les documents nécessaires à défendre les intérêts des créanciers de la procédure dans laquelle il était désigné.On comprend dès lors que la Cour suprême d'Irlande ait jugé indispensable d'interroger par la voie d'une question préjudicielle la Cour de Luxembourg en formulant plusieurs questions.

3. Les questions préjudicielles.

Ces questions peuvent être résumées comme suit (12) :1) La désignation d'un liquidateur provisoire combinée à la présentation d’une demande de liquidation constitue-t-elle une décision ouvrant valablement une procédure d'insolvabilité ?

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2) A défaut, la présentation d'une telle demande constitue-t-elle par elle-même l'ouverture d'une procédure, dans la mesure où la loi applicable considère que la procédure de liquidation commence dès la présentation de la demande ? 3) Le tribunal d'un autre Etat que celui dans lequel une société a son siège et gère habituellement ses intérêts d'une manière vérifiable par les tiers est-il compétent pour ouvrir une procédure d'insolvabilité principale, du seul fait qu'il a ouvert cette procédure en premier lieu ?4) Dans le cas d'un groupe de sociétés, faut-il faire prévaloir le fait que la filiale gère habituellement ses intérêts d'une manière vérifiable par les tiers, ou le fait que la société mère contrôle la politique de sa filiale ? 5) Si la procédure suivie devant la juridiction qui a ouvert la procédure en premier lieu a méconnu l'ordre public d'un autre Etat membre, notamment en ne fournissant pas au liquidateur provisoire des pièces essentielles invoquées devant elle, cet autre Etat membre est-il tenu de reconnaître la décision rendue ?

4. Rappel des dispositions communautaires. Le règlement n° 1346/2000 du 29 mai 2000 sur les procédures d'insolvabilité ne traite pas expressément des groupes de sociétés. Cela a été souligné dès l'adoption du texte et son entrée en vigueur, parfois même critiqué (13). Cette omission se justifiait par la difficulté d'élaborer des règles acceptables par tous : comment définir une gestion coordonnée du traitement des actifs et des dettes ? Où gérer une procédure centralisée d’un groupe d’entités relevant de droits étrangers ? Quel sort réserver aux actes des dirigeants sociaux accomplis avant l'ouverture d'une procédure collective contre l'une ou l'autre des sociétés du groupe ? Comment traiter les sûretés ayant pu être prises en garantie des dettes sur des patrimoines juridiquement distincts ? La seule brèche existant dans le règlement communautaire concernait le choix d'une autre juridiction compétente que celles situées dans l'Etat où le débiteur (une des sociétés d’un groupe) avait localisé son siège social : le règlement communautaire, en adoptant le critère du centre des intérêts principaux du débiteur, permettait en effet de déroger à la compétence naturelle des juridictions dans le ressort desquelles une société a son siège statutaire, à condition de combattre la présomption attachée à ce siège : « Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé jusqu'à preuve contraire être le lieu du siège statutaire » (14). Les juridictions britanniques, françaises, allemandes, belges et italiennes se sont engouffrées dans cette brèche : Elles ont ainsi au cours des trois premières années d'application du règlement communautaire ouvert des procédures d'insolvabilité à l'encontre de sociétés de droit étranger en considérant que leur siège se trouvait dans leur ressort (15). C'est ainsi que des tribunaux britanniques ont prononcé l'ouverture de procédures d'administration contre des sociétés françaises ou allemandes, que des tribunaux français en ont fait de même à l'égard de sociétés belges ou polonaises et des tribunaux allemands à l'égard de sociétés autrichiennes (16). C’est dans ce contexte que, à l’occasion de la déconfiture du groupe Parmalat, le tribunal italien de Parme en a fait de même, à l'égard des différentes sociétés du groupe dont la société Eurofood.Le centre des intérêts principaux d'un débiteur doit correspondre au lieu où celui-ci gère habituellement ses intérêts et qui est donc vérifiable par les tiers (17). Il s'agit d’un critère qui présente un caractère à la fois objectif, la localisation habituelle de la gestion des affaires, et subjectif, la connaissance par les créanciers de cette implantation (18). Dans le cas d'un groupe de sociétés cette question est cruciale : selon que la filiale d'un groupe présente une autonomie véritable ou restreinte, le centre de ses intérêts principaux pourra varier ; de même, les créanciers pourront considérer que leur partenaire relève d’un droit ou d'un autre. Mais il est pour le moins contestable de faire dépendre la localisation d'une société, serait-elle la filiale d'un groupe, de facteurs aussi imprécis. Le niveau d'autonomie ou d'intégration d'une filiale au sein d'un groupe ne suffit pas à déterminer par lui-même le lieu où les décisions sont prises. Quant au caractère notoire et vérifiable par les tiers du centre de direction de la société, rien n'indique quels créanciers sont déterminants à cet égard, ni quel moment leur appréciation doit être prise en compte (19). De là, viennent les incertitudes et les critiques légitimes que révèle l'application du critère de compétence adopté par le règlement communautaire. Les juridictions françaises ont pourtant, après leurs homologues britanniques, pris soin de rechercher des éléments objectifs, caractérisant le véritable centre de gravité d'une filiale (head of functions office), lorsqu'elles se trouvaient saisies d'une demande d'ouverture d'une procédure collective (20). Jusqu'à présent, les décisions publiées faisaient état d'initiatives prises par les dirigeants sociaux eux-mêmes, dirigeants du groupe ou dirigeants des filiales concernées. Il semble que l'affaire Eurofood soit une première, en ce sens que le tribunal irlandais a été saisi non par les dirigeants du groupe ou de la filiale irlandaise, mais par un des créanciers de cette dernière. On comprend mieux dès lors le conflit

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d'intérêts qui apparaît derrière les questions juridiques, opposant l'administrateur extraordinaire désigné en Italie et le liquidateur provisoire désigné en Irlande.L'arrêt rendu par la Cour de justice des communautés européennes répond avec pertinence à plusieurs des questions posées tout en retenant une analyse contestable des dispositions relatives à l’ouverture des procédures et des mesures provisoires.

5. Le centre des intérêts principaux d’une filiale étrangère. La Cour de justice a de manière opportune traité en premier lieu la question essentielle relative aux problèmes posés par la Cour suprême irlandaise dans sa quatrième question : le centre des intérêts principaux d'une filiale peut-il être fixé au siège de sa maison-mère ? Les juges de Luxembourg ont analysé les éléments caractérisant le centre des intérêts principaux dans l'optique du règlement communautaire. Si ce dernier n'a pas défini par lui-même cette notion, il en donne une interprétation équivalente dans ses considérants : c’est le lieu où le débiteur gère habituellement ses affaires et qui est vérifiable par les tiers (21). Par ailleurs le siège statutaire constitue pour une personne morale une présomption, de sorte que si le centre des intérêts principaux de la filiale doit être fixé ailleurs qu'au siège de la société, il faut combattre par des éléments de fait la présomption qui s'attache à cette localisation. Dans cette optique, la Cour estime qu'une interprétation uniforme du centre des intérêts principaux s'impose (22), et qu'elle requière des critères à la fois objectifs et vérifiables par les tiers, permettant d'écarter la compétence des juridictions du siège statutaire. Elle en déduit que « lorsqu’une société exerce son activité sur le territoire de l'Etat membre où est situé son siège social, le simple fait que ses choix économiques soient ou puissent être contrôlés par une société-mère établie dans un autre Etat membre ne suffit pas pour écarter la présomption prévue par le règlement » (23). On ne peut qu'approuver cette interprétation, favorable à la sécurité juridique et au crédit : le patrimoine d'une société constitue le gage de ses créanciers et détermine le droit applicable à ses relations avec ses partenaires commerciaux, ainsi que le droit normalement applicable à son redressement ou à la liquidation de ses biens. En présence d'une filiale d'un groupe de sociétés, le fait que la société en difficulté soit plus ou moins soumise au contrôle de sa maison mère n'est pas forcément connu des tiers. Et même s'il l’est, cela ne suffirait pas à écarter la compétence naturelle liée au siège social, compétence juridictionnelle pour le traitement des difficultés et compétence législative pour le sort des droits en cause (24). En outre un tel contrôle peut évoluer dans le temps…Les créanciers enfin ont pu eux-mêmes déterminer leur attitude vis-à-vis du débiteur en fonction de son siège et du droit normalement applicable : la prévisibilité du droit contribue aussi à la sécurité du crédit.Pour la Cour, la présomption en faveur du siège statutaire ne peut donc être écartée que «si des éléments objectifs et vérifiables par les tiers permettent d'établir l'existence d'une situation réelle différente de celle que la localisation audit siège statutaire est censée refléter » (25).La Cour de justice adopte ainsi une combinaison raisonnable des facteurs objectifs et subjectifs de la définition retenue, mais cette combinaison demeure aléatoire.Il est légitime de faire prévaloir la prévisibilité des règles de compétence et la sécurité juridique des tiers sur l'organisation interne d’un groupe, les relations entre les entités qui le composent, et le degré variable d'intégration des filiales. Il est plus délicat de privilégier un élément essentiellement subjectif comme la connaissance des tiers. Comment en effet définir à quel moment les tiers, notamment les créanciers, doivent identifier le centre des intérêts principaux de leur débiteur ? Est-ce au moment de la conclusion d'un contrat ? Mais alors il y aura autant d'approches subjectives que de créanciers. Est-ce au moment de l'ouverture ? Mais le groupe peut avoir subi des changements notables au cours de la vie sociale de chaque société. S’agit-il des principaux créanciers, dont le sentiment devrait prévaloir ? Mais on privilégiera alors les créanciers institutionnels au détriment des créanciers fournisseurs ou des créanciers légaux (fiscaux et parafiscaux). Par ailleurs, si la Cour évoque bien l’hypothèse d’une simple boîte aux lettres sans activité économique, elle n’aborde pas (ce qu’elle aurait pu faire de manière incidente) la problématique d’une holding : considérera-t-on que la holding, même connue des tiers, a une activité, alors que la direction effective du groupe est localisé au siège de la société commerciale qui en dépend ?Il en allait ainsi pour un groupe international, pour lequel un tribunal français a ouvert plusieurs procédures parallèles, sans s’arrêter au fait qu’il était structuré autour d’une holding de droit néerlandais (26).Cet arrêt cependant ne condamne pas totalement la jurisprudence élaborée au cours des trois dernières années par les tribunaux européens, qui est fondée sur une analyse pragmatique de la situation des groupes en difficulté. Un grand nombre des décisions rendues à l’égard de groupes ont en effet privilégié la nécessité d'une gestion coordonnée des entreprises liées par des liens de capital ou de contrôle, dès lors que la structure du groupe et que son centre de décision apparaissaient clairement (27). Mais il constitue un rappel utile aux tribunaux, saisis de demandes dirigées contre des sociétés de droit étranger, ou tentés eux-mêmes de confier à un même administrateur judiciaire le traitement des difficultés des filiales d’un

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même groupe : cela ne peut se faire au détriment des intérêts des créanciers. La Cour de justice attire ici l'attention des juges sur la finalité essentielle parfois oubliée : la procédure collective d’insolvabilité répond d'abord à une nécessité, celle de répondre aux attentes légitimes des fournisseurs de crédits et de biens.

6. Le contrôle de la compétence du tribunal étranger.La troisième question posée par la Cour suprême d'Irlande (28) a été reformulée par la Cour de justice comme suit : « La juridiction de renvoi demande en substance si la compétence assumée par une juridiction d'un Etat membre pour ouvrir une procédure d'insolvabilité principale peut être contrôlée par une juridiction d'un autre Etat membre dans lequel la reconnaissance est demandée (29). Cette question renvoie aux principes établis par le règlement sur les procédures d'insolvabilité, en faveur de la reconnaissance et de l'exécution des décisions rendues dans ce domaine. Aux termes du règlement, la procédure d'insolvabilité principale ouverte conformément à l'article 3 du règlement sur la base du centre des intérêts principaux du débiteur doit être reconnue de plein droit et produire ses effets dans les autres Etats membres (30). Ce mécanisme assure l'effectivité de la procédure d'insolvabilité principale, et s'inspire naturellement d’une conception universelle de la faillite. Il repose sur un principe de confiance mutuelle d'ailleurs exprimé en tête du règlement (31). Les tribunaux des autres Etats membres doivent assurer l'efficacité directe des jugements rendus au centre des intérêts principaux du débiteur. C’est pourquoi la Cour de justice affirme que la procédure ouverte dont être reconnue sans que les juridictions des autres Etats membres puissent contrôler la compétence de la juridiction d’ouverture, alors que les termes du règlement pouvaient conduire à une autre analyse, la reconnaissance bénéficiant à la décision « prise par une juridiction compétente en vertu de l’article 3 » (32).Le problème n’est pas réglé pour autant. La compétence du tribunal qui ouvre ainsi la procédure peut-elle être vérifiée, lorsque le syndic désigné prétend exercer ses pouvoirs dans les autres Etats membres ? La réponse découle en théorie d’un postulat incontestable : les tribunaux doivent reconnaître la décision dans tous ses aspects, y compris la compétence du juge étranger qui l’a rendue. On peut comparer ce principe à celui affirmé par la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 qui dérogeait au principe général d’un contrôle de la compétence du juge étranger (33), et aujourd'hui par le règlement du 22 décembre 2000 qui l’a remplacée depuis le 1er mars 2002 (34). Ces traités interdisent sauf dans des domaines spécifiques, la révision de la compétence du juge étranger. Ce principe est nécessaire pour garantir l'effectivité des décisions (on n’ignore pas ici la nécessité d’une appréhension rapide des actifs du débiteur et de l'arrêt des poursuites individuelles). Il s’appuie néanmoins sur un présupposé : que le tribunal ayant ouvert la procédure ait réellement vérifié sa propre compétence. C'est là que l’arrêt de la Cour de justice suscite la perplexité. Lorsque le tribunal irlandais est saisi par un créancier américain d’une demande en vue d'ouvrir une procédure de liquidation contre la société, sa décision est légitimement fondée sur le droit irlandais applicable, ainsi que sur le règlement communautaire, qui établit une présomption en faveur du siège statutaire de la société. Qu’il exprime ou pas cette analyse dans sa décision, il faut admettre que le juge irlandais a vérifié sa compétence, lorsqu’il ouvre la procédure, s'agissant d'une disposition généralement d'ordre public.Mais la confiance mutuelle peut-elle autoriser pour autant le juge étranger à vérifier la compétence du tribunal, lorsque ce dernier semble ne pas l’avoir fait ? Littéralement interprété, le règlement communautaire permettrait une réponse positive : ne sont reconnues que les décisions rendues conformément à l'article 3.1 du règlement (35), mais une telle réponse serait contraire à l'économie générale du règlement et à ses considérants. Elle serait aussi contraire à l’esprit de confiance mutuelle, prescrit par le règlement de permettre d’écarter le constat opéré par le juge étranger de sa propre compétence, serait-ce au nom de l’ordre public (36.On peut sans doute distinguer ici deux hypothèses, suivant que le tribunal ait fondé sa compétence sur la présence du siège statutaire ou sur des éléments de fait contraires à la présomption établie en sa faveur. Dans le premier cas, le juge, en l'absence d'indices discordants, fonde naturellement sa décision sur la présence dans son for du siège de la société débitrice. Il n'y a pas lieu à cet égard de vérifier la compétence du juge de l'Etat d'ouverture, hormis dans le cas d’un recours exercé contre la décision d'ouverture. En revanche, si le juge a écarté la présomption établie par le règlement en faveur du siège, il ne doit le faire qu’après un examen véritable des éléments de fait qui lui sont soumis, et sa décision doit comporter la trace de cet examen. La motivation des jugements, qui figure dans les principes généraux du procès civil et contribue à l’équité du procès, est ici plus que jamais nécessaire (37).

7. L’exception d’ordre public. Un troisième aspect, découlant de la dernière des questions posées par la Cour suprême de Dublin porte sur l'exception d'ordre public, pour laquelle la Cour de justice adresse un message clair aux Etats

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membres. Le règlement communautaire sur les procédures d'insolvabilité établit en faveur des décisions d'ouverture, le principe de la reconnaissance et de l'exécution sans exequatur, et pour les décisions ultérieures, rendues dans le cadre de telles procédures, un mécanisme de reconnaissance et d'exécution simplifié, conforme aux règles qui ont été définies par la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, ou, suivant l'interprétation qui en est donnée généralement en Europe, par le règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000 qui l’a remplacée (38). Le règlement communautaire a parallèlement établi des règles de protection pour se prémunir des solutions et des effets indésirables d'une telle universalité. Parmi ces mécanismes de protection, figure une exception d'ordre public : les Etats membres ne sont pas tenus de reconnaître et d’exécuter des décisions dont les effets seraient manifestement contraires à leur ordre public 39 39 (art. 26). Le recours à cette exception qui découle d’une conception d’un « effet atténué » de l’ordre public, ne doit jouer que dans des cas exceptionnels et ne pas être utilisé pour contrôler la compétence du juge étranger, comme le souligne d’ailleurs l’article 35 3 du règlement CE n° 44 /2001 du 22 décembre 2000. À cet égard, le règlement communautaire n'a fait que consacrer la jurisprudence de la Cour de justice adoptée en application de la Convention de Bruxelles de 1968 (40), consécration qui figure également de manière formelle dans le règlement du 22 décembre 2000 (41). Comme le souligne la Cour, cette jurisprudence est transposable à l'interprétation de l'article 26 du règlement (42). Cela conduit à admettre que le tribunal irlandais pouvait refuser de reconnaître une procédure d'insolvabilité ouverte dans un autre Etat membre, lorsque la décision d'ouverture avait été prise en violation manifeste du droit fondamental à être entendu dont disposent les personnes concernées par une telle procédure (43). Dans les faits, le syndic irlandais n’avait semble-t-il pas reçu toutes les pièces de la procédure sur lesquelles le tribunal italien s'était fondé pour ouvrir une procédure contre la société Eurofood. Ce que l'on peut retenir de l'arrêt c'est moins la solution indiquée au juge irlandais, que la consécration comme un principe général communautaire du droit au procès équitable, déjà affirmé, la Cour le rappelle, par plusieurs arrêts antérieurs (44) Ce principe constitue ainsi un principe général de droit communautaire inspiré des droits fondamentaux dont la Cour assure le respect, et des indications fournies par la Convention européenne des droits de l'homme de 1950 (45). Est aussi confirmée ainsi de manière naturelle la réalité d’un ordre public communautaire, bien plus que ne l’exigeaient le règlement sur les procédures d’insolvabilité et sa référence à l'ordre public des Etats membres. On ne peut qu’approuver cette affirmation sereine d’une intégration des principes de la Convention européenne des droits de l'homme dans l'ordre communautaire.Il est intéressant de souligner que la Cour de justice n'a pas le moins du monde examiné dans sa réponse si le droit irlandais prescrivait ou non la communication de pièces au liquidateur provisoire. La Cour suprême irlandaise avait d’ailleurs pris soin d’indiquer dans sa question que le demandeur italien avait refusé (malgré une ordonnance en ce sens du tribunal irlandais) de fournir les pièces essentielles, mais invoquait elle-même le principe conventionnel du caractère équitable du procès, et non le droit procédural irlandais. La Cour de justice considère par là que ce principe faisait partie intégrante de l'ordre public irlandais, eu égard à la supériorité de la norme conventionnelle, sans analyser l'exception d'ordre public par rapport à une conception nationale applicable en Irlande : c’est là l’expression d'un ordre public communautaire en cette matière. Et pour exclure tout ambiguïté elle a ajouté, par un motif de caractère pédagogique, que le juge irlandais de renvoi « ne saurait se limiter à transposer sa propre conception de l’oralité des débats et du caractère fondamental que celle-ci revêt dans son ordre juridique, mais (devait) apprécier au vu de l'ensemble des circonstances si le liquidateur provisoire nommé par la High Court a bénéficié ou non d'une possibilité suffisante d'être entendu » (46). Il n'est pas nécessaire de souligner l'apport significatif de cet arrêt au regard de la conception de l’ordre public des Etats membres. Il illustre le partage déjà affirmé entre les compétences des Etats et celles de la Cour : les Etats sont libres de déterminer les exigences de leur ordre public mais les limites de cette notion relèvent de l’interprétation de la convention (47).

8. La désignation d’un liquidateur provisoire.L'arrêt de la Cour de justice suscite en revanche des réserves sur un des points qui lui étaient soumis, contenus dans la première question : la nomination d'un syndic provisoire combinée avec une demande de liquidation judiciaire constitue-t-elle une décision ouvrant une procédure ? Les juges de Luxembourg ont répondu par l’affirmative, en allant au-delà des dispositions du règlement (48). Force est donc de revenir sur l’interprétation excessive des dispositions communautaires applicables. Le règlement communautaire s'applique aux procédures d’insolvabilité ouvertes dans les différents Etats membres en donnant une définition de celle-ci : il s'agit d'une procédure collective fondée sur l'insolvabilité du

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débiteur et entraînant un dessaisissement total ou partiel de celui-ci ainsi que la désignation d'un syndic (49). Les procédures couvertes par le règlement sont énumérées aux annexes A et B, l’annexe A contenant les procédures susceptibles d’être reconnues comme procédures principales d’insolvabilité (50).Quant au syndic mentionné, il est défini comme étant toute personne ou tout organe chargé d'administrer les biens du débiteur ou de réaliser ses actifs (51), et figure dans une troisième liste annexée au règlement, sur laquelle chacun des Etats membres a indiqué les professionnels dont le titre et les qualités sont mentionnées pour exercer ces fonctions. Ainsi chaque Etat membre de l'Union européenne sait identifier les procédures ouvertes dans les autres Etats et les professionnels désignés pour administrer les biens ou les réaliser au nom des tribunaux compétents (52).Ces listes étaient fondamentales en 2002. Elles le sont plus encore aujourd’hui après l'élargissement de l'Union européenne (53) car les Etats membres doivent être en mesure de vérifier aisément et sans délai la désignation des syndics habilités dans des Etats aux systèmes différents, et les pouvoirs découlant du droit de l’insolvabilité de l'Etat d'ouverture. Enfin, cette rigueur est une véritable exigence, car elle fonde la confiance mutuelle qui est le socle du règlement communautaire. A cet égard, l'arrêt de la Cour de justice crée des incertitudes et des risques. Il est constant que l'ouverture de la procédure d'insolvabilité est un moment déterminant pour assurer l’effectivité d’une procédure principale d’insolvabilité, ouverte au centre des intérêts principaux du débiteur. Celle-ci est reconnue dès qu'elle produit ses effets dans l'Etat d'ouverture (54). Elle fait en outre obstacle à une autre procédure principale, toute procédure d'insolvabilité ouverte postérieurement dans un autre Etat membre ne pouvant être qu'une procédure secondaire susceptible de s'appliquer à un établissement du débiteur (55). Prime donc la décision qui ouvre la première la procédure (56). Il est exact comme le relève la Cour, en le regrettant, que le règlement ne définit pas avec précision la notion de décision ouvrant une procédure d'insolvabilité (57). Mais une telle définition ne s'imposait pas. L'ouverture requiert par hypothèse une décision, donc l'intervention d'une autorité habilitée par la loi à la prononcer, en vertu de la loi applicable, et à déclencher la procédure et ses effets. Il ne s'agit pas certes nécessairement d'un tribunal, et la définition du terme « juridiction » est d'ailleurs suffisamment large pour englober les décisions d'autres organes (58). Mais une décision positive ouvrant une procédure avait été considérée comme une condition nécessaire, pour faire produire à la procédure d’insolvabilité des effets dans l'Etat d'ouverture et dans les autres Etats membres (59). Par ailleurs, l'intérêt de recourir à des mesures provisoires a été pris en considération par le règlement, pour répondre aux besoins d'intervention urgente, par définition avant d'ouvrir une procédure proprement dite. Si l'adoption de mesures conservatoires équivalait à l'ouverture de la procédure elle-même, le règlement n'aurait pas contenu des dispositions de sauvegarde de l'actif du débiteur (60). On ne peut non plus confondre la date de la décision et les effets de celle-ci. Ces derniers dépendent du droit national applicable, comme en témoigne ici la question préjudicielle n° 2 à laquelle la Cour n’a pas répondu (61).Enfin, il n’y a procédure que si les mesures prises répondent à la définition contenue à l'article 1er du règlement, et constituent bien un ensemble de règles définissant les droits respectifs du débiteur, du syndic et des créanciers et s'achevant par le redressement ou la liquidation de l'entreprise. De telles procédures sont énumérées dans les listes figurant aux annexes A et B du règlement, avec la même valeur que celui-ci (62). Certains Etats connaissent des procédures provisoires, d'autres pas. L’Irlande en particulier n'a pas adopté ni a fortiori indiqué de telles procédures dans la liste portée en annexe du règlement (63). La Cour de justice néanmoins adopte une autre approche, en considérant « aux fins d’assurer l’efficacité du système instauré par le règlement, que le principe de reconnaissance puisse appliquer le plus tôt possible au cours de la procédure » (64). Elle fait ainsi prévaloir la finalité de la règle sur la règle elle-même. Complétant son raisonnement, elle considère que ce mécanisme pourrait être perturbé si les juridictions des autres Etats membres, saisis concomitamment, pouvaient revendiquer pendant une période prolongée une compétence concurrente (65). Aussi pour la Cour, « doit être considérée comme une décision ouvrant une procédure d’ insolvabilité non seulement une décision formellement qualifiée de décision d’ouverture par la réglementation de l’Etat membre dont relève la juridiction qui l’a rendue, mais encore la décision rendue à la suite d'une demande fondée sur l’insolvabilité du débiteur tendant à l'ouverture d'une procédure visée à l'annexe A du règlement, lorsque cette décision entraîne le dessaisissement du débiteur et porte nomination d'un syndic visé à l'annexe C du dit règlement » (66) ;.Les avantages d'une telle interprétation semblent moindres que ses inconvénients, au regard de la sécurité juridique et des attentes légitimes des tiers. La demande d'ouverture, par principe ignorée des tiers, saisit une juridiction aux fins de voir ouvrir une procédure d’insolvabilité. Toute décision prise entre cet acte de saisine et la décision statuant sur l'ouverture ne peut être elle-même considérée comme une

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décision d’ouverture, alors surtout que les mesures prises ne sont pas qualifiées comme telles par la loi applicable et ne sont pas mentionnées dans la liste des procédures d’insolvabilité de l'Etat considéré. La décision ayant désigné un syndic provisoire a été de plus prise sans un examen (cela est admis), de la compétence du tribunal : l’urgence des mesures provisoires à prendre peut il est vrai justifier un examen sommaire de la demande. Mais la question de la compétence reste soumise au juge du fond, qui le cas échéant, ouvrira la procédure. Ni la demande d'ouverture d'une liquidation ni la désignation d'un syndic provisoire ne sont portées à la connaissance des tiers, du moins aussi longtemps que le syndic provisoire n’exerce pas ses pouvoirs.La Cour de justice s'est pourtant fondée, pour assimiler la prise de mesures provisoires à l’ouverture d’une procédure d'insolvabilité, au sens du règlement, sur deux éléments.D'une part, le syndic provisoire désigné par le juge figurait dans la liste des syndics habilités à exercer des pouvoirs sur les biens du débiteur (67). D'autre part, les mesures prises par ce syndic provisoire entraînaient un certain dessaisissement du débiteur, dans la mesure où le liquidateur pouvait selon la loi irlandaise, gérer ses actifs et devait prendre en dépôt, ou placer sous son contrôle, tous les biens corporels et incorporels du débiteur. Elle en déduit que la nomination d'un syndic provisoire et le dessaisissement du débiteur qui en résulte suffisaient à répondre à la définition de l’ouverture de la procédure d'insolvabilité. Au nom de l’effet utile du règlement, elle a négligé volontairement le fait qu’une procédure n'était toujours pas ouverte, qu’elle ne le serait que quelques semaines plus tard, et que les mesures provisoires ne figuraient pas en tant que procédure dans la liste de l’annexe A du règlement. Cette décision, loin d'apaiser les difficultés d'interprétation du règlement, porte atteinte à l'équilibre voulu par celui-ci entre la procédure principale et les droits des tiers. Sans devoir procéder à un examen de sa compétence, et sans vérifier si une autre demande dans un autre for avait ou n'avait pas été présentée, le juge saisi en premier lieu attribuerait ainsi à un syndic provisoire des pouvoirs importants en ouvrant, en quelque sorte à son insu, une véritable procédure produisant ses effets dans les autres Etats membres. Ajoutons que si l’on peut admettre que la nécessité de prendre des mesures urgentes dispenserait le juge de motiver sa décision, une telle décision pourrait se voir jugée contraire à l’ordre public des autres Etats membres (68).Or dans cette phase intermédiaire, rien n'interdit à un autre créancier ou au débiteur lui-même qui estimerait que le centre des intérêts principaux de l’entreprise est en réalité dans une autre juridiction, de saisir les tribunaux qu’il estimerait compétents. Faut-il alors attendre un conflit de juridictions à l’occasion des initiatives des syndics respectifs pour rechercher le moment où la procédure principale (unique) avait été valablement ouverte ? Le recours à un tribunal dont le droit national prévoit des mesures provisoires pourrait en outre bloquer une initiative parallèle, engagée devant une autre juridiction dont le droit n'aurait pas prévu les mêmes mesures. A supposer que le juge premier saisi n'ait pas compétence au regard du critère du centre des intérêts principaux du débiteur (hypothèse d’une boîte aux lettres, d'un siège social fictif ou d'un transfert du siège peu avant la saisine), la deuxième décision prise sur la base du centre des intérêts principaux serait néanmoins rendue caduque, contrairement aux finalités du règlement communautaire. La décision provisoire du premier tribunal primant dans le temps, le deuxième juge, alors même qu'il ignorait la décision antérieure ayant nommé le syndic provisoire, se trouverait incompétent, tout en ayant appliqué scrupuleusement les dispositions du règlement communautaire. La décision rendue favorise ainsi le forum shopping au lieu de l'éviter. Une décision différente aurait-elle été adoptée, si l'Avocat général et la Cour n’avaient été sensibles avant tout au pragmatisme supposé de la législation irlandaise, et à la nécessité d’assurer à tout prix l'effectivité des mesures prises par le syndic provisoire ?

9. La demande d’ouverture.Grâce à l'interprétation retenue pour répondre à la première question, la Cour de justice a évité de répondre à la deuxième question, également importante : une demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité équivaut-elle à l'ouverture même, lorsque la loi de l'Etat considère que la liquidation commente à la date de présentation d'une telle demande ? (69). Cette approche peut surprendre les juristes continentaux habitués à distinguer soigneusement la saisine d'une juridiction de la décision rendue par celle-ci. Il est vrai que la rétroactivité d'une décision n'est pas ignorée en Europe. Les tribunaux accordent fréquemment des montants assortis d’intérêts à compter de la demande, et fixent le point de départ de certains effets de leurs décisions en amont. Quant aux procédures collectives, l’ouverture produit elle-même des effets rétroactifs, comme l’effectivité du jugement d'ouverture à la première heure de sa date (70), ou l'annulation de droit de certains actes irréguliers de la période suspecte (71). En droit international privé, il en va de même pour un jugement accordant l’exequatur à une décision étrangère, dont certains effets peuvent remonter à la décision étrangère (72). Mais il n'est

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pas aussi aisé d’admettre que la procédure elle-même produise tous ses effets (arrêt des poursuites, dessaisissement du débiteur et pouvoirs du syndic) dès la demande, indépendamment de la décision d'ouverture. Tel est pourtant le cas en l’espèce. Le droit irlandais prévoit, on l’a vu, que la procédure une fois ouverte était réputée produire ses effets à la date de la demande. Il en découle alors une difficulté majeure, relevant du conflit de lois.Le règlement communautaire déclare de manière naturelle que la loi de l'Etat d'ouverture est applicable aux conditions d'ouverture et aux effets d'une procédure d'insolvabilité (72), mais cela peut conduire à la situation paradoxale du cas Eurofood. Dans un Etat, l'Italie, une procédure est valablement ouverte par une juridiction au centre des intérêts principaux de la société, suivant l'appréciation qui en est faite par le juge italien, alors que dans un autre Etat, l’Irlande, une demande était déjà déposée aux mêmes fins devant le tribunal dans le ressort duquel était situé le siège social de la société. Dans les deux cas, les tribunaux s'estimaient compétents, le premier sur la base du centre réel de décision des activités de la filiale irlandaise, le second sur la base du siège social de celle-ci. L'absence de règles de litispendance dans le règlement communautaire d'une part (73), et les différences entre les droits nationaux d'autre part, conduisent ainsi à un conflit positif de compétences, alors que les juridictions de chaque Etat appliquent à la fois les règles communautaires et leur propre droit. La Cour de justice n'a pas eu à trancher cette difficulté, ayant considéré que la désignation d'un syndic provisoire combiné à la demande de liquidation présentée par le créancier américain avait entraîné l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité. Peut-être aura-t-elle à se pencher plus tard sur la question posée, à l’occasion d'un litige similaire. La réponse donnée à la troisième question ne permet pas de juger en l’état de sa décision. Il existait pourtant une issue. Dans le cas d'espèce, la loi irlandaise ne fait produire un effet rétroactif à la décision d'ouverture qu’à condition qu'une procédure soit effectivement ouverte : le juge irlandais devait, suivant les règles communautaires, reconnaître la décision rendue par le tribunal italien avant son propre jugement prononçant la liquidation. De la sorte, aucun effet rétroactif ne pouvait s'attacher à sa décision. Tel n'a pas été le cas, le juge irlandais ayant estimé que la décision du tribunal de Parme ne pouvait tenir en échec les mesures déjà prises. Une autre solution, de lege ferenda, conduirait à lier l’effet des décisions d’ouverture à leur publication de sorte que l’opposabilité des décisions et des mesures provisoires soient connues des autres tribunaux et évitent le risque de conflit de compétences.Une autre voie pourrait être de laisser une place à l’arbitrage en ce domaine, afin qu’un tiers reconnu des deux juridictions définisse le forum conveniens : le choix d’une juridiction éviterait les recours éventuels serait de nature à donner confiance aux créanciers et aux entreprises concernées (74). L’ordre public et les règles de compétence exclusive du tribunal en charge d’une procédure sont-ils des obstacles véritables à cette solution ?

1. La société en Irlande avait été localisée en Irlande pour des raisons fiscales,en vue de mener à bien des opérations financières dans l'intérêt des différentes entités du groupe2. D.-L. n°347 du 23 déc. 2003, compl. par D.-L. n°39 du 18 févr. 2004, modifié par une loi ultérieure n° 166 de 2004, entrée en vigueur le 7 juillet 2004. 3. Mais le texte réglementaire consacré par le Parlement italien a été jugé par certains anticonstitutionnel, du fait que des actions en nullité seraient possibles alors que l’entreprise opère toujours sur le marché. Une nouvelle loi réformant le texte ancien de 1942 a été adoptée par le législateur le 22 décembre 2005.4. Le droit antérieur de 1942 ne permettait pas de restructurer les entreprises ni d’anticiper sur l’insolvabilité par un traitement préventif. Aussi une loi de 1979, modifiée en 1999, a-t-elle créé une procédure d’administration extraordinaire, offrant un meilleur cadre au redressement préventif, en raison de la tutelle des pouvoirs publics et des possibilités de rééchelonnement des dettes en cas de difficultés temporaires (V Schiavon, Les procédures d’insolvabilité en Italie, Petites affiches, 23 mars 2005 n°58 p 5 ; Sciuto, Les projets de réforme du droit italien des entreprises en difficulté, RJCom 2003 p 123) .5. Le juge italien savait qu’un liquidateur provisoire venait d’être désigné en Irlande (voir infra) mais considéra que cette mesure n’équivalait pas à l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité au sens du règlement.6. La société était installée dans les locaux d’un cabinet d’avocat au sein d’un centre d’affaires international. 7. Règl Annexe A 8. Règl art 3.1 9. Règl art 3.3 et 1610.Companies Act, § 226 11. « La liquidation d’une société par le tribunal est réputée débuter à la date de présentation de la demande de liquidation » (Companies Act § 220). 12. Texte des questions :1) Lorsqu'une juridiction compétente en Irlande est saisie d'une demande tendant à faire prononcer la liquidation d'une entreprise insolvable et que, en attendant de prendre une ordonnance de liquidation, cette juridiction rend une ordonnance portant nomination d'un syndic à titre provisoire doté des pouvoirs de confisquer les actifs de l'entreprise, de gérer ses affaires, d'ouvrir un compte bancaire et de désigner un conseil, tout cela ayant en droit pour effet de priver les administrateurs de l'entreprise du pouvoir d'agir, cette ordonnance, combinée à la présentation de la demande, constitue-t-elle une décision ouvrant une procédure d'insolvabilité aux fins de l'article 16 du règlement, interprété à la lumière de ses articles 1er et 2 ?2) Si la réponse à la question 1) est négative, la présentation en Irlande devant la High Court d'une demande tendant à faire prononcer par cette juridiction la liquidation forcée d'une entreprise constitue-t-elle l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité aux fins dudit règlement, en vertu de la disposition légale irlandaise (art 220(2) du Companies Act, 1963), qui considère que la liquidation de l'entreprise débute à la date de présentation de la demande ?

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3) L'article 3 dudit règlement, combiné à son article 16, a-t-il pour effet qu'une juridiction d'un Etat membre autre que celui dans lequel est situé le siège statutaire de l'entreprise, et autre que celui où l'entreprise gère habituellement ses intérêts d'une manière vérifiable par les tiers, mais où la procédure d'insolvabilité est ouverte en premier lieu, est compétente pour ouvrir la procédure d'insolvabilité principale ?4) Lorsque a) les sièges statutaires respectifs d'une société mère et de sa filiale sont situés dans deux Etats membres différents,b) que la filiale gère habituellement ses intérêts d'une manière vérifiable par les tiers et dans le respect total et permanent de sa propre identité sociale dans l'Etat membre où est situé son siège statutaire et c) que, en raison de sa participation et de son pouvoir de nommer les administrateurs, la société mère est en mesure de contrôler et qu'elle contrôle effectivement la politique de sa filiale,lors de la détermination du « centre des intérêts principaux », les facteurs déterminants sont-ils ceux mentionnés au point b) ci-dessus, ou, au contraire, ceux mentionnés au point c) ci-dessus ?5) Lorsqu'il est manifestement contraire à l'ordre public d'un Etat membre d'autoriser qu'une décision judiciaire ou administrative produise des effets juridiques à l'égard de personnes ou d'organes dont le droit à des modalités de procédure et à un procès équitable n’est pas respecté lors de l'adoption d'une telle décision, cet Etat membre est-il tenu, en vertu de l'article 17 dudit règlement, de reconnaître une décision arrêtée par les juridictions d'un autre Etat membre, censée ouvrir une procédure d'insolvabilité à l’égard d'une entreprise, dans un cas où la juridiction du premier Etat membre est convaincue que la décision en cause a été rendue au mépris de ces principes et, en particulier, lorsque le demandeur dans le second Etat membre refuse, malgré les demandes et contrairement à l'ordonnance de la juridiction du second Etat membre, de fournir au liquidateur provisoire de l'entreprise, dûment nommé conformément au droit du premier Etat membre, tout exemplaire des pièces essentielles fondant sa demande ? »13 V. sur les limites du texte : Coviaux Présentation générale du règlement 1346/2000, Petites affiches 20 nov. 2001 n° 213 p 17 ; V. sur les préoccupations de la Commission européenne : Bolkestein, Rapport sur la modernisation du droit des sociétés et de la gouvernance d’entreprise dans l’Union européenne, COM(2003) 284/5 20 mai 2003 ; V. sur la problématique plus générale des groupes : Paillusseau, La notion de groupe de sociétés et d’entreprise en droit des activités économiques, D 2003 p 2346 ;14. Règl art 3.115. Par une conception extensive de la notion de centre des intérêts principaux du débiteur. Pour une comparaison entre cette conception et la prudence des tribunaux français, V. Mélin, Une nouvelle application controversée du règlement n°1346/2000 relatif aux procédures d’insolvabilité aux groupes de sociétés, JCP éd E 2005 n°1412 et Dammann L’évolution du droit européen des procédures d’insolvabilité et ses conséquences sur le projet de loi de sauvegarde, Revue Lamy Droit des affaires, avril 2005, p 18 . 16. CA Versailles 4 sept 2003 D 2003 p 2352 comm Vallens, JCP éd G 2004 II 10007 comm Menjuc, RCDIP 2003 p 655 note Khairallah, Rev sociétes 2003 p 891 note Rémery.V. aussi Dammann, précité note 15 ;; Raimon, Centre des intérêts principaux et coordination des procédures dans la jurisprudence européenne sur le règlement relatif aux procédures d’insolvabilité JDI Clunet 2005 p 739, Wautelet, Le règlement 1346/2000 dans les jurisprudences belge et néerlandaise, Rev. Belge Droit des affaires, éd. Larcier 2005 p 301 ; Wessels, The EC Insolvency regulation : Three years in force, European Company Law 2005/2 ; Fasquelle, Les faillites de groupes de sociétés dans l’Union européenne : la difficile conciliation entre approche économique et approche juridique, Bull Joly 2006 p 151.17. Règl Considérant n° 17. Pour le gouvernement français, le centre des intérêts principaux du débiteur correspond au centre effectif de direction de ses affaires.18. On rappellera que selon le rapport (non publié) rédigé par MM Virgos et Schmit à la suite de la Convention du 23 novembre 1995 dont découle le règlement sur les procédures d'insolvabilité, cet aspect est primordial : « Il est important de rattacher la compétence internationale à un lieu connu des futurs créanciers du débiteur. Cela permet de calculer le risque à assumer en cas d'insolvabilité (Rapport Virgos Schmit, n° 75).19. Mais comment justifier de privilégier les principaux créanciers comme l’ont fait des tribunaux britanniques à l’égard des sociétés du groupe Daisytek (High court 16 mai 2003, [2003] BCC . 562 cité par Raimon, précité) ? Dans son arrêt du 17 février 2006, la Cour de justice a estimé que c'est au moment de nouer des relations juridiques avec le débiteur que ses créanciers doivent identifier le centre de ses intérêts principaux (CJCE 17 févr 2006, Arrêt Staubitz-Schreiber, point 27, Rev Sociétés 2006 p…, note Vallens.20 Trib. Com Nanterre 15 févr 2006, D 2006 p 793 note Vallens, Rev. Proc. Coll. 2006 p 241 comm Menjucq21. Règl Cons. 13. 22 Arrêt motif n° 31 23 Arrêt motif n° 36. 24. En ce sens v. Rép min n°40288 JOAN Q 3 août 2004, p 6104, D 2004 p 2212.25 Arrêt motif n°34.26. Trib. Com Nanterre 15 févr 2006, précité note 2027. Sur les différents niveaux d'intégration des sociétés, V. Dammann, L’application du règlement CE n° 1346/2000 à l'insolvabilité d'un groupe de sociétés après les arrêts Staubitz-Schreiber et Eurofood de la CJCE, D 2006 p….28. V. supra la note n°29. Arrêt motif n° 38. 30. Règl art 16.1 et 17.1 31. Règl. Considérants n° 12 et 22. 32. Règl art 3 ; arrêt motif n° 3433. Conv Bruxelles 27 sept 1968 art 28 al 3 ; comp. : Arrêt Simitch Cass. Civ. 1ère 6 févr. 1985 RCDIP 1985 p 369 chron. Franceskakis, JDI 1985 p 460 note Huet 34. Régl CE n° 44/2001 22 déc. 2000 art 35. 35. Circ. Min. 17 mars 2003, chap. 2 Introd36..ibid.37 CEDH 16 déc 1992, arrêt Hadjianassou Série A n° 252 § 33 ; CEDH 19 avril 1994, arrêt Van de Hurk, Série A n°288 § 61 ; sur l'obligation de motiver, voir Trechsel, L'application de l'article 6 1 de la convention européenne des droits de l’homme in Les principes communs d’une justice des Etats de l'Union européenne, Colloque Cour de cassation, éd La Documentation française, 2001, p 16338 Circ. Min. 17 mars 2003 Chap V Introd. Pour les autres Etats membres, V. les référence indiquées par Mélin, La faillite internationale éd LGDJ 2004, p 187; Rémery, L’effet à l'étranger des solutions des procédures collectives, in L’effet international de la faillite : une réalité ? sous la dir. de F Jault-Seseke et D Robine, éd Dalloz p 109 not p 116. V. en même sens : Bofanti, Diritto del

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commerco internazionale, 2003 p 411, Bos, Netherland Law Review 2003 n°1 p 41 et Moss, Fletcher et Isaacs, The EC Regulation on insolvency proceedings, A Commentary and annotated guide, éd Oxford University Press, 2002, n°8.1.39. Règl art. 26 40. CJCE 28 mars 2000 Krombach, aff C 7-78, Rec CJCE 2000 I, p 1935, RCDIP 2000 p481 note H Muir-Watt, JDI 2001, p 690 41 Règl 44/2001 22 déc 2000 art 34-1 ou 35-1) ; V. CJCE 4 févr 1988 arrêt Hoffmann RCDIP 1988, p 605 JDI 1989 449 note Huet42. Arrêt motif n°64 43 Arrêt motif n° 67 44. CJCE 17 déc 1998, Baustahlgewerbe/ Comm., Arrêt C 185/95 Rec p 1-8417 points 20 et 21 ; CJCE 11 janv 2000, Pays-Bas et Van der Wal, arrêt C 174/98 et C 189/98 Rec p I-1 point 7 et CJCE 28 mars 2000 Arrêt Krombach, précité, note 40. 45. Etant rappelé que l’ordre public procédural relève aussi de l’article 6 de la Convention (CEDH 20 juillet 2001, arrêt Pellegrini, Req n° 30882/96 RTDH n°50, 2002, Petites affiches 18 avril 2002, n°78 p 11 obs Flauss 46. Arrêt motif n°6847. CJCE 11 mai 2000 Renault, Aff C 38-98, Rec. CJCE 2000 I p 2973, JDI 2001 p 697, note Huet, RCDIP 2000 p 497 note Gaudemet-Tallon. 48. Le règlement communautaire prévoit en effet formellement que les règles de reconnaissance et d'exécution applicables aux décisions relatives au déroulement et à la clôture d’une procédure (soumises, selon l’interprétation adoptée, à la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ou au règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000) s'appliquent également aux décisions relatives aux mesures conservatoires prises après la demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité (Règl art 25.1) : on ne pouvait mieux distinguer la demande, la décision d’ouverture et les mesures provisoires…49 Règl art 1er 150 Règl art 2 a).51 Règl art 2 b),52 Règl Annexe C53 Voir les listes modifiées des procédures et des syndics, Règl CE n° 603/2005 12 avril 2005, JOUE L 160 30 juin54 Règl art 16 et 17. 55 Règl art 3.3.56 Règl Considérant n° 2257 Arrêt motif n° 50. 58 Règl art 2 d) 59. Règl art 16 ; V la définition du moment de l’ouverture d’une procédure : « le moment où la décision d’ouverture prend effet, que cette décision soit ou non définitive » (Règl art 2 f).60. Règl art 25.1 3ème al et art 38. L'intérêt de telles mesures était aussi souligné dans les Considérants, estimant que la juridiction compétente pour ouvrir une procédure principale devait être habilitée à les ordonner, y compris dans les autres Etats (Règl Considérant n° 16).61 V. infra point 9 62. Règl art 2 a) et 2 b) et Considérant n° 2263. L’Irlande n'avait ainsi mentionné que les accords conclus sous le contrôle des tribunaux, comprenant un transfert total ou partiel du patrimoine du débiteur à un liquidateur en vue de sa réalisation et de la distribution du prix (Règl Annexe A). Bien plus, la Cour suprême d’Irlande n'a pas indiqué dans sa demande d'avis que le droit irlandais considérait la désignation d’un syndic provisoire équivalait à l'ouverture d'une procédure.64. Arrêt motif n° 52 65. Arrêt motif n°5266 Arrêt motif n° 54.67. Règl art 2b) et Annexe C. 68 Conf. Cass. 1ère civ. 17 mai 1978, Bull civ. I n° 191, JDI 1979 p 380 note Holleaux; Cass 1ère civ. 9 oct. 1991, RCDIP 1992 p 517 note Gaudemet-Tallon).°69 Companies Act, § 220 al 2. V supra note n° 11. Dans le même sens, on rappellera que le droit américain attribue également des effets juridiques immédiats au dépôt d'une demande volontaire notamment un arrêt général des poursuites individuelles, sans un contrôle judiciaire préalable, et la Cour de cassation a admis néanmoins que cette procédure pouvait bénéficier de l’exequatur (Cass 1ère civ 17 oct. 2000, Bull civ I n° 245 p 161 Act. Proc. Coll. 2001 n° 7 n° 96 obs Dom).70. D 28 déc 2005, art 55 71. C Com art L 632-1 72 Cass 1ère civ 25 févr 1986 Bull civ I n° 38 JCP éd G 1987 II note Rémery, RCDIP 1987 p 589 note Synvet)72. Règl art 473 Hormis le Considérant n° 22, qui préconise de reconnaître la décision de la juridiction qui ouvre la première la procédure.74 V. Giorgini, Arbitrage et droit européen des faillites, Rev Affaires européennes, 2005/2 p 259

3. CJUE 21 janvier 2010 aff. C-444/07, MG PROBUD

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de certaines dispositions du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité (JO L 160, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) nº 603/2005 du Conseil, du 12 avril 2005 (JO L 100, p. 1, ci-après le «règlement»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure engagée par le syndic polonais chargé de la liquidation de MG Probud Gdynia sp. z o.o. (ci-après «MG Probud») et tendant à la récupération, au profit de la masse de l’insolvabilité, de biens de cette société ayant fait l’objet d’une saisie en Allemagne.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

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3 L’article 3 du règlement, intitulé «Compétence internationale», est libellé comme suit:

«1. Les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d’insolvabilité. Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire.

2. Lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur est situé sur le territoire d’un État membre, les juridictions d’un autre État membre ne sont compétentes pour ouvrir une procédure d’insolvabilité à l’égard de ce débiteur que si celui-ci possède un établissement sur le territoire de cet autre État membre. Les effets de cette procédure sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce dernier territoire.

[…]»

4 L’article 4 du règlement, intitulé «Loi applicable», dispose:

«1. Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à la procédure d’insolvabilité et à ses effets est celle de l’État membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte, ci-après dénommé ‘État d’ouverture’.

2. La loi de l’État d’ouverture détermine les conditions d’ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure d’insolvabilité. Elle détermine notamment:

a) les débiteurs susceptibles de faire l’objet d’une procédure d’insolvabilité du fait de leur qualité;

b) les biens qui font l’objet du dessaisissement et le sort des biens acquis par le débiteur après l’ouverture de la procédure d’insolvabilité;

c) les pouvoirs respectifs du débiteur et du syndic;

[…]

f) les effets de la procédure d’insolvabilité sur les poursuites individuelles, à l’exception des instances en cours;

[…]»

5 Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, du règlement, «[l]’ouverture de la procédure d’insolvabilité n’affecte pas le droit réel d’un créancier ou d’un tiers sur des biens corporels ou incorporels, meubles ou immeubles […] appartenant au débiteur, et qui se trouvent, au moment de l’ouverture, de la procédure, sur le territoire d’un autre État membre».

6 L’article 10 du règlement prévoit:

«Les effets de la procédure d’insolvabilité sur un contrat de travail et sur le rapport de travail sont régis exclusivement par la loi de l’État membre applicable au contrat de travail.»

7 Sous le chapitre II du règlement, intitulé «Reconnaissance de la procédure d’insolvabilité», l’article 16, paragraphe 1, de ce dernier dispose:

«Toute décision ouvrant une procédure d’insolvabilité prise par une juridiction d’un État membre compétente en vertu de l’article 3 est reconnue dans tous les autres États membres, dès qu’elle produit ses effets dans l’État d’ouverture.

[…]»

8 L’article 17 du règlement, intitulé «Effets de la reconnaissance», énonce:

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«1. La décision d’ouverture d’une procédure visée à l’article 3, paragraphe 1, produit, sans aucune autre formalité, dans tout autre État membre les effets que lui attribue la loi de l’État d’ouverture, sauf disposition contraire du présent règlement et aussi longtemps qu’aucune procédure visée à l’article 3, paragraphe 2, n’est ouverte dans cet autre État membre.

[…]»

9 L’article 18 du règlement, intitulé «Pouvoirs du syndic», dispose:

«1. Le syndic désigné par une juridiction compétente en vertu de l’article 3, paragraphe 1, peut exercer sur le territoire d’un autre État membre tous les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi de l’État d’ouverture, aussi longtemps qu’aucune autre procédure d’insolvabilité n’y a été ouverte ou qu’aucune mesure conservatoire contraire n’y a été prise à la suite d’une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité dans cet État. Il peut notamment déplacer les biens du débiteur hors du territoire de l’État membre sur lequel ils se trouvent, sous réserve des articles 5 et 7.

[…]»

10 L’article 25 du règlement est libellé comme suit:

«1. Les décisions relatives au déroulement et à la clôture d’une procédure d’insolvabilité rendues par une juridiction dont la décision d’ouverture est reconnue conformément à l’article 16 ainsi qu’un concordat approuvé par une telle juridiction sont reconnus également sans aucune autre formalité. Ces décisions sont exécutées conformément aux articles 31 à 51 (à l’exception de l’article 34, paragraphe 2) de la convention [du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32)], modifiée par les conventions relatives à l’adhésion à cette convention [(ci-après la ‘convention de Bruxelles’)].

Le premier alinéa s’applique également aux décisions qui dérivent directement de la procédure d’insolvabilité et qui s’y insèrent étroitement, même si elles sont rendues par une autre juridiction.

Le premier alinéa s’applique également aux décisions relatives aux mesures conservatoires prises après la demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité.

2. La reconnaissance et l’exécution des décisions autres que celles visées au paragraphe 1 sont régies par la convention visée au paragraphe 1, pour autant que cette convention soit applicable.

3. Les États membres ne sont pas tenus de reconnaître ou d’exécuter une décision visée au paragraphe 1, qui aurait pour effet de limiter la liberté individuelle ou le secret postal.»

11 Aux termes de l’article 26 du règlement, «[t]out État membre peut refuser de reconnaître une procédure d’insolvabilité ouverte dans un autre État membre ou d’exécuter une décision prise dans le cadre d’une telle procédure, lorsque cette reconnaissance ou cette exécution produirait des effets manifestement contraires à son ordre public, en particulier à ses principes fondamentaux ou aux droits et aux libertés individuelles garantis par sa constitution.»

La réglementation nationale

12 En Pologne, les procédures d’insolvabilité sont régies par la loi relative à l’insolvabilité et à l’assainissement (Prawo upadłościowe i naprawcze), du 28 février 2003 (Dz. U. de 2003, n° 60, position 535), telle que modifiée.

13 En vertu de l’article 146, paragraphes 1 et 2, de ladite loi, une procédure d’exécution, judiciaire ou administrative, ouverte contre le débiteur avant la déclaration d’insolvabilité, doit être suspendue de plein droit à la date de la déclaration d’insolvabilité et les sommes issues d’une procédure d’exécution suspendue qui n’ont pas été distribuées doivent être transmises à la masse.

14 Conformément audit article 146, paragraphe 3, les mêmes dispositions s’appliquent lorsqu’une garantie a été constituée sur les biens du débiteur dans le cadre d’une procédure conservatoire.

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15 Selon le même article 146, paragraphe 4, une fois la procédure d’insolvabilité ouverte, il n’est plus possible d’introduire contre le débiteur des procédures d’exécution portant sur les biens de la masse.

Les faits au principal et les questions préjudicielles

16 Il ressort de la décision de renvoi que le Sąd Rejonowy Gdańsk-Północ w Gdańsku a prononcé, par une décision du 9 juin 2005, l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité à l’égard de MG Probud, entreprise du secteur du bâtiment ayant son siège social en Pologne, mais exerçant, dans le cadre des activités d’une succursale, des travaux de construction en Allemagne.

17 À la demande du Hauptzollamt Saarbrücken (administration des douanes de Sarrebruck) (Allemagne), l’Amtsgericht Saarbrücken a, par une décision du 11 juin 2005, ordonné la saisie-arrêt des avoirs en banque de ladite entreprise pour un montant de 50 683,08 euros ainsi que la saisie conservatoire de diverses créances que cette dernière détenait sur des cocontractants allemands. Ces mesures ont été prises par suite de la procédure engagée par le Hauptzollamt Saarbrücken à l’encontre du directeur de la succursale allemande de MG Probud, ce dernier étant soupçonné d’avoir enfreint la législation sur le détachement des travailleurs en raison du non-paiement de la rémunération et des cotisations sociales de plusieurs ouvriers polonais.

18 L’appel interjeté contre cette décision a été rejeté par ordonnance du Landgericht Saarbrücken du 4 août 2005. Dans la motivation de sa décision, cette juridiction indiquait notamment que, en raison de l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité en Pologne, il y avait lieu de craindre que les responsables de MG Probud encaissent rapidement les créances exigibles et transfèrent les sommes correspondantes en Pologne afin d’empêcher les autorités allemandes d’avoir accès à celles-ci. Le Landgericht Saarbrücken a considéré que l’ouverture de cette procédure d’insolvabilité visant les biens de MG Probud ne faisait pas obstacle à une saisie effectuée en Allemagne. En effet, selon cette juridiction, les procédures nationales d’insolvabilité ouvertes dans d’autres États membres doivent être reconnues en Allemagne lorsqu’elles remplissent les conditions posées à l’article 1er, paragraphe 1, du règlement et qu’elles sont mentionnées sur la liste figurant à l’annexe A de ce règlement. Or, la copie de la décision jointe au recours n’aurait pas permis d’apprécier s’il s’agissait effectivement d’une procédure d’insolvabilité ouverte en Pologne qui devait être reconnue en Allemagne en application de cette annexe A.

19 Dans le cadre de la procédure d’insolvabilité, le Sąd Rejonowy Gdańsk-Północ w Gdańsku s’interroge sur la légalité des saisies effectuées par les autorités allemandes, dès lors que le droit polonais, qui constitue la loi applicable à la procédure d’insolvabilité en raison du fait que la République de Pologne est l’État d’ouverture de cette procédure, n’admettrait pas de telles saisies après que l’insolvabilité de l’entreprise a été déclarée.

20 Dans ces conditions, le Sąd Rejonowy Gdańsk-Północ w Gdańsku a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Compte tenu des articles 3, 4, 16, 17 et 25 du règlement […], c’est-à-dire à la lumière des règles concernant la compétence du tribunal de l’État d’ouverture de la procédure d’insolvabilité, de la loi applicable à cette procédure ainsi que des conditions et des effets de la reconnaissance de la procédure d’insolvabilité, les autorités administratives d’un État membre sont-elles en droit de saisir des fonds se trouvant sur le compte en banque d’un opérateur économique après que ce dernier a été déclaré insolvable dans un autre État membre (mise en œuvre d’une saisie conservatoire), malgré les dispositions du droit national de l’État d’ouverture de la procédure (article 4 du règlement [...]), et alors que les conditions d’application des dispositions des articles 5 et 10 dudit règlement ne sont pas remplies?

2) À la lumière de l’article 25, paragraphes 1 et suivants, du règlement […], les autorités administratives d’un État membre, sur le territoire duquel aucune procédure secondaire d’insolvabilité n’a été ouverte mais qui est soumis à une obligation de reconnaissance en vertu de l’article 16 dudit règlement, peuvent-elles, en s’appuyant sur des dispositions nationales, refuser de reconnaître, conformément aux articles 31 à 51 de la convention de Bruxelles [...], les décisions de l’État membre d’ouverture qui sont relatives au déroulement et à la clôture d’une procédure d’insolvabilité?»

Sur les questions préjudicielles

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21 Par ses questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande en substance si, dans une situation telle que celle au principal, après l’ouverture d’une procédure principale d’insolvabilité dans un État membre, les autorités compétentes d’un autre État membre sont autorisées, conformément à leur législation, d’une part, à ordonner la saisie de biens du débiteur déclaré insolvable situés sur le territoire de ce dernier État membre, et, d’autre part, à refuser de reconnaître et, le cas échéant, d’exécuter les décisions relatives au déroulement et à la clôture d’une procédure d’insolvabilité ouverte dans le premier État membre.

22 En vue de répondre aux questions ainsi reformulées, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que l’article 3 du règlement prévoit deux types de procédures d’insolvabilité. La procédure d’insolvabilité ouverte, conformément au paragraphe 1 de cet article, par la juridiction compétente de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur, qualifiée de «procédure principale», produit des effets universels en ce qu’elle s’applique aux biens du débiteur situés dans tous les États membres dans lesquels le règlement est applicable. Si, ultérieurement, une procédure peut, conformément au paragraphe 2 dudit article, être ouverte par la juridiction compétente de l’État membre où le débiteur possède un établissement, cette procédure, qualifiée de «procédure secondaire», produit des effets qui sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur le territoire de ce dernier État (voir arrêt du 2 mai 2006, Eurofood IFSC, C-341/04, Rec. p. I-3813, point 28).

23 La portée universelle de la procédure principale d’insolvabilité influe également sur les pouvoirs du syndic, puisque, conformément à l’article 18, paragraphe 1, du règlement, le syndic désigné par une juridiction compétente en vertu de l’article 3, paragraphe 1, du règlement peut exercer sur le territoire d’un autre État membre tous les pouvoirs qui lui sont conférés, notamment aussi longtemps qu’aucune autre procédure d’insolvabilité n’y a été ouverte.

24 Il en découle que seule l’ouverture d’une procédure secondaire d’insolvabilité est susceptible de restreindre la portée universelle de la procédure principale d’insolvabilité.

25 Au surplus, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, du règlement, la détermination de la juridiction compétente entraîne celle de la loi applicable. En effet, tant en ce qui concerne la procédure principale d’insolvabilité que la procédure secondaire d’insolvabilité, la loi de l’État membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte, dénommé «État d’ouverture», est applicable à la procédure d’insolvabilité et à ses effets. À ce titre, l’article 4, paragraphe 2, du règlement comporte une énumération non exhaustive des différents points de la procédure qui sont régis par la loi de l’État d’ouverture, parmi lesquels figurent, notamment, sous b), les biens qui font l’objet du dessaisissement, sous c), les pouvoirs respectifs du débiteur et du syndic ainsi que, sous f), les effets de la procédure d’insolvabilité sur les poursuites individuelles.

26 En outre, il résulte de la lecture combinée des articles 16, paragraphe 1, et 17, paragraphe 1, du règlement que la décision d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité dans un État membre est reconnue dans tous les autres États membres dès qu’elle produit ses effets dans l’État d’ouverture, et elle produit, sans aucune autre formalité, dans tout autre État membre, les effets que lui attribue la loi de l’État d’ouverture. Conformément à l’article 25 du règlement, la reconnaissance de toutes les décisions autres que celle relative à l’ouverture de la procédure d’insolvabilité a lieu également de façon automatique.

27 Ainsi qu’il ressort du vingt-deuxième considérant du règlement, la règle de priorité définie à l’article 16, paragraphe 1, de celui-ci, qui prévoit que la procédure d’insolvabilité ouverte dans un État membre est reconnue dans tous les États membres dès qu’elle produit ses effets dans l’État d’ouverture, repose sur le principe de la confiance mutuelle (arrêt Eurofood IFSC, précité, point 39).

28 C’est, en effet, cette confiance mutuelle qui a permis non seulement la mise en place d’un système obligatoire de compétences que toutes les juridictions entrant dans le champ d’application du règlement sont tenues de respecter, mais encore la renonciation corrélative par les États membres à leurs règles internes de reconnaissance et d’exequatur au profit d’un mécanisme simplifié de reconnaissance et d’exécution des décisions rendues dans le cadre de procédures d’insolvabilité (arrêt Eurofood IFSC, précité, point 40, ainsi que, par analogie, en ce qui concerne la convention de Bruxelles, arrêts du 9 décembre 2003, Gasser, C-116/02, Rec. p. I-14693, point 72, et du 27 avril 2004, Turner, C-159/02, Rec. p. I-3565, point 24).

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Page 253: lewebpedagogique.comlewebpedagogique.com/aline2603/files/2017/01/FASCI… · Web viewEn conséquence, ils sont tenus de prendre en compte l' équivalence des diplômes (voir arrêt

29 La Cour a précisé, à cet égard, qu’il est inhérent audit principe de confiance mutuelle que la juridiction d’un État membre saisie d’une demande d’ouverture d’une procédure principale d’insolvabilité vérifie sa compétence au regard de l’article 3, paragraphe 1, du règlement, c’est-à-dire examine si le centre des intérêts principaux du débiteur se situe dans cet État membre. En contrepartie, les juridictions des autres États membres reconnaissent la décision ouvrant une procédure principale d’insolvabilité, sans pouvoir contrôler l’appréciation portée par la première juridiction sur sa compétence (arrêt Eurofood IFSC, précité, points 41 et 42).

30 S’agissant de l’exécution des décisions relatives à une procédure d’insolvabilité, il y a lieu de relever que le règlement ne contient pas de règles spécifiques, mais renvoie, à son article 25, paragraphe 1, au système de l’exequatur mis en place par les articles 31 à 51 de la convention de Bruxelles, en excluant toutefois les motifs de rejet prévus par cette convention pour y substituer ses propres motifs de refus.

31 Ainsi, conformément au vingt-deuxième considérant du règlement, selon lequel les motifs de refus doivent être réduits au minimum nécessaire, il n’en existe que deux.

32 D’une part, en vertu de l’article 25, paragraphe 3, du règlement, les États membres ne sont pas tenus de reconnaître ou d’exécuter une décision relative au déroulement et à la clôture d’une procédure d’insolvabilité qui aurait pour effet de limiter la liberté individuelle ou le secret postal.

33 D’autre part, en vertu de l’article 26 du règlement, tout État membre peut refuser de reconnaître une procédure d’insolvabilité ouverte dans un autre État membre ou d’exécuter une décision prise dans le cadre d’une telle procédure, lorsque cette reconnaissance ou cette exécution produirait des effets manifestement contraires à son ordre public, en particulier à ses principes fondamentaux ou aux droits et aux libertés individuelles garantis par sa Constitution.

34 S’agissant de ce second motif de refus, la Cour avait déjà précisé, dans le contexte de la convention de Bruxelles, que le recours à la clause de l’ordre public, figurant à l’article 27, point 1, de cette convention, en ce qu’il constitue un obstacle à la réalisation de l’un des objectifs fondamentaux de celle-ci, à savoir faciliter la libre circulation des jugements, ne doit jouer que dans des cas exceptionnels (arrêts du 28 mars 2000, Krombach, C-7/98, Rec. p. I-1935, points 19 et 21, ainsi que Eurofood IFSC, précité, point 62). Or, la jurisprudence relative à l’article 27, point 1, de cette convention est transposable à l’interprétation de l’article 26 du règlement (arrêt Eurofood IFSC, précité, point 64).

35 C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de statuer sur les questions posées par la juridiction de renvoi.

36 En l’espèce, il est constant que le siège social de MG Probud se trouve en Pologne et que, par une décision du 9 juin 2005, celle-ci a été déclarée insolvable par une juridiction polonaise.

37 Il résulte de l’article 3, paragraphe 1, du règlement que, pour les sociétés, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve du contraire, être le lieu du siège statutaire. À cet égard, la Cour a précisé que la présomption simple prévue par le législateur communautaire au bénéfice du siège statutaire d’une société ne peut être écartée que si des éléments objectifs et vérifiables par les tiers permettent d’établir l’existence d’une situation réelle différente de celle que la localisation audit siège statutaire est censée refléter (arrêt Eurofood IFSC, précité, point 34). Tel pourrait être notamment le cas d’une société qui n’exercerait aucune activité sur le territoire de l’État membre où est situé son siège social. En revanche, lorsqu’une société exerce son activité sur le territoire de l’État membre où est situé son siège social, le fait que ses choix économiques soient ou puissent être contrôlés par une société mère établie dans un autre État membre ne suffit pas pour écarter la présomption prévue par le règlement (arrêt Eurofood IFSC, précité, point 37).

38 Or, le dossier à la disposition de la Cour ne comportant aucun élément de nature à remettre en cause la présomption énoncée à l’article 3, paragraphe 1, du règlement, il apparaît que le centre des intérêts principaux de MG Probud se situe en Pologne.

39 Conformément au libellé de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement, les procédures d’insolvabilité auxquelles celui-ci s’applique doivent répondre à quatre caractéristiques. Il doit s’agir d’une procédure

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Page 254: lewebpedagogique.comlewebpedagogique.com/aline2603/files/2017/01/FASCI… · Web viewEn conséquence, ils sont tenus de prendre en compte l' équivalence des diplômes (voir arrêt

collective, fondée sur l’insolvabilité du débiteur, qui entraîne un dessaisissement à tout le moins partiel de ce dernier et provoque la désignation d’un syndic. Lesdites procédures sont énumérées à l’annexe A du règlement et la liste des syndics figure à l’annexe C de celui-ci (arrêt Eurofood IFSC, précité, points 46 et 47).

40 Dans la mesure où la procédure d’insolvabilité ouverte à l’égard de MG Probud se trouve énumérée à l’annexe A du règlement, il résulte de l’application de l’article 3 de ce règlement que les juridictions polonaises sont compétentes pour ouvrir une procédure principale d’insolvabilité et pour prendre toutes les décisions relatives au déroulement ainsi qu’à la clôture de cette dernière. En outre, il découle de l’application de l’article 4 dudit règlement que la loi polonaise est applicable à ladite procédure d’insolvabilité et à ses effets.

41 Par ailleurs, le syndic désigné par la juridiction polonaise, à condition qu’il figure à l’annexe C du règlement, peut, conformément à l’article 18 de ce dernier, exercer sur le territoire des autres États membres tous les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi polonaise, et, notamment, déplacer les biens du débiteur hors du territoire de l’État membre sur lequel ils se trouvent.

42 Ainsi qu’il a été relevé par plusieurs intéressés ayant soumis des observations écrites à la Cour, aucune procédure secondaire n’a été, en l’occurrence, ouverte et aucune des exceptions prévues aux articles 5 à 15 du règlement, et plus particulièrement aucune de celles figurant aux articles 5 et 10 de ce dernier, expressément visées par la juridiction de renvoi, n’est applicable dans le cadre de l’affaire au principal.

43 Au vu de ces éléments, et en raison de la portée universelle qui doit être attribuée à toute procédure principale d’insolvabilité, la procédure d’insolvabilité ouverte en Pologne inclut tous les actifs de MG Probud, y compris ceux situés en Allemagne, et la loi polonaise détermine non seulement l’ouverture de la procédure d’insolvabilité, mais également le déroulement ainsi que la clôture de celle-ci. À ce titre, cette loi est appelée à régir le sort des biens situés dans les autres États membres ainsi que les effets de la procédure d’insolvabilité sur les mesures dont ces biens sont susceptibles de faire l’objet.

44 Étant donné que la loi polonaise du 28 février 2003 relative à l’insolvabilité et à l’assainissement, telle que modifiée, ne permet pas, postérieurement à l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, d’engager à l’encontre du débiteur des procédures d’exécution portant sur les biens composant la masse de l’insolvabilité, les autorités allemandes compétentes ne pouvaient valablement ordonner, en application de la législation allemande, des mesures d’exécution portant sur les biens de MG Probud situés en Allemagne.

45 En effet, ainsi qu’il résulte des articles 16 et 17 du règlement, la décision d’ouverture de la procédure d’insolvabilité adoptée en Pologne doit être automatiquement reconnue dans tous les autres États membres, sans aucune autre formalité, avec tous les effets que lui attribue la loi polonaise.

46 De surcroît, dans la mesure où aucun élément du dossier soumis à la Cour ne permet de conclure à l’existence de l’un des motifs de refus énoncés aux points 32 et 33 du présent arrêt, la juridiction allemande saisie était tenue de reconnaître non seulement la décision d’ouverture de la procédure d’insolvabilité adoptée par la juridiction polonaise compétente, mais également toutes les autres décisions relatives à cette procédure, et elle ne saurait, partant, s’opposer à l’exécution de ces dernières en application des articles 31 à 51 de la convention de Bruxelles.

47 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que le règlement, notamment ses articles 3, 4, 16, 17 et 25, doit être interprété en ce sens que, dans une affaire telle que celle au principal, postérieurement à l’ouverture d’une procédure principale d’insolvabilité dans un État membre, les autorités compétentes d’un autre État membre, dans lequel aucune procédure secondaire d’insolvabilité n’a été ouverte, sont tenues, sous réserve des motifs de refus tirés des articles 25, paragraphe 3, et 26 du règlement, de reconnaître et d’exécuter toutes les décisions relatives à cette procédure principale d’insolvabilité et, partant, ne sont pas en droit d’ordonner, en application de la législation de cet autre État membre, des mesures d’exécution portant sur les biens du débiteur déclaré insolvable situés sur le territoire dudit autre État membre, lorsque la législation de l’État d’ouverture ne le permet pas et que les conditions auxquelles est soumise l’application des articles 5 et 10 du règlement ne sont pas remplies.

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Sur les dépens

48 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

Le règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, notamment ses articles 3, 4, 16, 17 et 25, doit être interprété en ce sens que, dans une affaire telle que celle au principal, postérieurement à l’ouverture d’une procédure principale d’insolvabilité dans un État membre, les autorités compétentes d’un autre État membre, dans lequel aucune procédure secondaire d’insolvabilité n’a été ouverte, sont tenues, sous réserve des motifs de refus tirés des articles 25, paragraphe 3, et 26 de ce règlement, de reconnaître et d’exécuter toutes les décisions relatives à cette procédure principale d’insolvabilité et, partant, ne sont pas en droit d’ordonner, en application de la législation de cet autre État membre, des mesures d’exécution portant sur les biens du débiteur déclaré insolvable situés sur le territoire dudit autre État membre, lorsque la législation de l’État d’ouverture ne le permet pas et que les conditions auxquelles est soumise l’application des articles 5 et 10 dudit règlement ne sont pas remplies.

4. CJUE, aff. C-369/09, 20 octobre 2011, INTEREDIL SRL

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3 du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité (JO L 160, p. 1, ci-après le «règlement»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Interedil Srl, en liquidation (ci-après «Interedil»), à Fallimento Interedil Srl et à Intesa Gestione Crediti SpA (ci-après «Intesa»), aux droits de laquelle a succédé Italfondario SpA, au sujet d’une action en déclaration de faillite engagée par Intesa à l’encontre d’Interedil.

Le cadre juridique Le droit de l’Union

3 Le règlement a été arrêté sur le fondement, notamment, des articles 61, sous c), CE et 67, paragraphe 1, CE.

4 L’article 2 du règlement, consacré aux définitions, dispose:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

a) ‘procédure d’insolvabilité’: les procédures collectives visées à l’article 1er, paragraphe 1. La liste de ces procédures figure à l’annexe A;

[...]

h) ‘établissement’: tout lieu d’opérations où le débiteur exerce de façon non transitoire une activité économique avec des moyens humains et des biens.»

5 La liste figurant à l’annexe A du règlement mentionne notamment, en ce qui concerne l’Italie, la procédure de «fallimento».

6 L’article 3 du règlement, qui traite de la compétence internationale, prévoit:

«1. Les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d’insolvabilité. Pour les sociétés et les personnes

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morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire.

2. Lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur est situé sur le territoire d’un État membre, les juridictions d’un autre État membre ne sont compétentes pour ouvrir une procédure d’insolvabilité à l’égard de ce débiteur que si celui-ci possède un établissement sur le territoire de cet autre État membre. Les effets de cette procédure sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce dernier territoire.

[...]»

7 Le treizième considérant du règlement indique que «le centre des intérêts principaux devrait correspondre au lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est donc vérifiable par les tiers».

Le droit national

8 L’article 382 du code de procédure civile italien (codice di procedura civile), relatif à la résolution par la Corte suprema di cassazione des questions de compétence, dispose:

«La Corte, quand elle se prononce sur une question de compétence, statue sur celle-ci en déterminant, le cas échéant, la juridiction compétente [...]»

9 Il ressort de la décision de renvoi que, selon une jurisprudence établie, la décision rendue par la Corte suprema di cassazione sur le fondement de cette disposition est définitive et contraignante pour la juridiction qui est saisie de l’affaire au fond.

Le litige au principal et les questions préjudicielles10 Interedil a été constituée sous la forme juridique d’une «società a responsabilità limitata» de droit italien, dont le siège statutaire était établi à Monopoli (Italie). Le 18 juillet 2001, son siège statutaire a été transféré à Londres (Royaume-Uni). À cette même date, elle a été rayée du registre des entreprises de l’État italien. À la suite du transfert de son siège, Interedil a été inscrite au registre des sociétés du Royaume-Uni avec la mention «FC» («Foreign Company», société étrangère).

11 Selon les déclarations d’Interedil, telles que reprises dans la décision de renvoi, cette société a procédé, en même temps qu’au transfert de son siège, à des opérations consistant en son acquisition par le groupe britannique Canopus ainsi qu’en la négociation et en la conclusion de contrats de cession d’entreprises. D’après Interedil, quelques mois après le transfert de son siège statutaire, la propriété des immeubles qu’elle détenait à Tarente (Italie) a été transférée à Windowmist Limited, en tant qu’éléments faisant partie de l’entreprise transférée. Interedil a également indiqué qu’elle a été radiée du registre des sociétés du Royaume-Uni le 22 juillet 2002.

12 Le 28 octobre 2003, Intesa a demandé au Tribunale di Bari d’ouvrir une procédure de faillite («fallimento») à l’encontre d’Interedil.

13 Interedil a contesté la compétence de cette juridiction au motif que, en raison du transfert de son siège statutaire au Royaume-Uni, seules les juridictions de ce dernier État membre étaient compétentes pour ouvrir une procédure d’insolvabilité. Le 13 décembre 2003, Interedil a demandé que la Corte suprema di cassazione statue à titre préalable sur la question de la compétence.

14 Le 24 mai 2004, sans attendre la décision de la Corte suprema di cassazione, le Tribunale di Bari, estimant que l’exception d’incompétence des juridictions italiennes était manifestement non fondée et que l’insolvabilité de l’entreprise en cause était établie, a déclaré la faillite d’Interedil.

15 Le 18 juin 2004, Interedil a introduit un recours contre ce jugement déclaratif de faillite devant la juridiction de renvoi.

16 Le 20 mai 2005, la Corte suprema di cassazione a statué par voie d’ordonnance sur la question préalable de compétence qui lui avait été déférée et a jugé que les juridictions italiennes étaient compétentes. Elle a considéré que la présomption prévue à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du

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règlement, selon laquelle le centre des intérêts principaux correspond au lieu du siège statutaire, pouvait être renversée en raison de diverses circonstances, à savoir la présence, en Italie, de biens immobiliers appartenant à Interedil, l’existence d’un contrat de location relatif à deux complexes hôteliers et d’un contrat conclu avec une institution bancaire ainsi que l’absence de communication du transfert du siège statutaire au registre des entreprises de Bari.

17 Doutant du bien-fondé de cette appréciation de la Corte suprema di cassazione au regard des critères dégagés par la Cour dans son arrêt du 2 mai 2006, Eurofood IFSC (C-341/04, Rec. p. I-3813), le Tribunale di Bari a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) La notion de ‘centre des intérêts principaux du débiteur’ visée à l’article 3, paragraphe 1, du règlement [...] doit-elle être interprétée conformément au droit communautaire ou au droit national et, en cas de réponse affirmative à la première branche de l’alternative, en quoi cette notion consiste-t-elle et quels sont les facteurs ou éléments déterminants pour identifier le ‘centre des intérêts principaux’?

2) La présomption instaurée par l’article 3, paragraphe 1, du règlement [...], aux termes de laquelle ‘pour les sociétés, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire’ peut-elle être renversée par la constatation d’une activité effective de l’entreprise dans l’État qui n’est pas celui où se trouve le siège statutaire de la société ou, pour que la présomption puisse être renversée, est-il nécessaire de constater que la société n’a exercé aucune activité entrepreneuriale dans l’État dans lequel elle a son siège statutaire?

3) L’existence, dans un État membre autre que celui où se trouve le siège statutaire de la société, de biens immobiliers appartenant à la société, l’existence d’un contrat de location relatif à deux complexes hôteliers, conclu par la société débitrice avec une autre société, ainsi que celle d’un contrat conclu par la société avec une institution bancaire sont-elles des éléments ou des facteurs permettant de considérer comme renversée la présomption prévue à l’article 3 du règlement [...] en faveur du ‘siège statutaire’ de la société et ces circonstances sont-elles suffisantes pour considérer que la société possède un ‘établissement’ dans cet État, au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement [...]?

4) Dans le cas où la position adoptée par la Corte [suprema] di cassazione sur la compétence dans l’ordonnance [...] précitée se baserait sur une interprétation de l’article 3 du règlement [...] différente de celle de la Cour, l’article 382 du code de procédure civile italien, aux termes duquel la Corte [suprema] di cassazione se prononce sur la compétence par un arrêt définitif et contraignant, fait-il obstacle à l’application de cette disposition communautaire, telle qu’interprétée par la Cour?»

Sur les questions préjudicielles (…) Sur la première partie de la première question

41 Par la première partie de la première question, la juridiction de renvoi demande si la notion de «centre des intérêts principaux» du débiteur, visée à l’article 3, paragraphe 1, du règlement, doit être interprétée par référence au droit de l’Union ou au droit national.

42 Selon une jurisprudence constante, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (voir, notamment, arrêt du 29 octobre 2009, NCC Construction Danmark, C-174/08, Rec. p. I-10567, point 24 et jurisprudence citée).

43 En ce qui concerne plus précisément la notion de «centre des intérêts principaux» du débiteur au sens de l’article 3, paragraphe 1, du règlement, la Cour a jugé, au point 31 de son arrêt Eurofood IFSC, précité, qu’il s’agit d’une notion propre au règlement qui, partant, revêt une signification autonome et doit donc être interprétée de manière uniforme et indépendante des législations nationales.

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44 Il convient donc de répondre à la première partie de la première question que la notion de «centre des intérêts principaux» du débiteur, visée à l’article 3, paragraphe 1, du règlement, doit être interprétée par référence au droit de l’Union.

Sur la seconde partie de la première question, sur la deuxième question et sur la première partie de la troisième question

45 Par la seconde partie de la première question, la deuxième question et la première partie de la troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, comment doit être interprété l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement aux fins de déterminer le centre des intérêts principaux d’une société débitrice.

46 Compte tenu de la circonstance qu’Interedil, selon les indications figurant dans la décision de renvoi, a transféré son siège statutaire de l’Italie vers le Royaume-Uni au cours de l’année 2001, puis a été radiée du registre des sociétés de ce dernier État membre au cours de l’année 2002, il conviendra également, afin de fournir une réponse complète à la juridiction de renvoi, de préciser la date pertinente pour déterminer le centre des intérêts principaux du débiteur en vue d’identifier la juridiction compétente pour ouvrir la procédure d’insolvabilité principale.

Les critères pertinents pour la détermination du centre des intérêts principaux du débiteur

47 Si le règlement ne fournit pas de définition de la notion de centre des intérêts principaux du débiteur, la portée de cette dernière est toutefois, ainsi que la Cour l’a relevé au point 32 de l’arrêt Eurofood IFSC, précité, éclairée par le treizième considérant du règlement, aux termes duquel «[l]e centre des intérêts principaux devrait correspondre au lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est donc vérifiable par les tiers».

48 Ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 69 de ses conclusions, la présomption prévue en faveur du siège statutaire à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement et la référence faite dans le libellé du treizième considérant de ce dernier au lieu de gestion des intérêts traduisent la volonté du législateur de l’Union de privilégier le lieu de l’administration centrale de la société en tant que critère de compétence.

49 En référence au même considérant, la Cour a par ailleurs précisé, au point 33 de l’arrêt Eurofood IFSC, précité, que le centre des intérêts principaux du débiteur doit être identifié en fonction de critères à la fois objectifs et vérifiables par les tiers, afin de garantir la sécurité juridique et la prévisibilité concernant la détermination de la juridiction compétente pour ouvrir la procédure d’insolvabilité principale. Il y a lieu de considérer que cette exigence d’objectivité et cette possibilité de vérification sont satisfaites lorsque les éléments matériels pris en considération pour établir le lieu où la société débitrice gère habituellement ses intérêts ont fait l’objet d’une publicité ou, à tout le moins, ont été entourés d’une transparence suffisante pour que les tiers, c’est-à-dire notamment les créanciers de cette société, aient pu en avoir connaissance.

50 Il s’ensuit que, dans l’hypothèse où les organes de direction et de contrôle d’une société se trouvent au lieu de son siège statutaire et que les décisions de gestion de cette société sont prises, de manière vérifiable par les tiers, en ce lieu, la présomption prévue à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement, selon laquelle le centre des intérêts principaux de la société se situe en ce lieu, trouve pleinement à s’appliquer. Dans une telle hypothèse, comme Mme l’avocat général l’a relevé au point 69 de ses conclusions, une autre localisation des intérêts principaux de la société débitrice est exclue.

51 Un renversement de la présomption prévue à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement est toutefois possible lorsque, du point de vue des tiers, le lieu de l’administration centrale d’une société ne se trouve pas au siège statutaire. Ainsi que la Cour l’a jugé au point 34 de l’arrêt Eurofood IFSC, précité, la présomption simple prévue par le législateur de l’Union au bénéfice du siège statutaire de cette société peut être écartée si des éléments objectifs et vérifiables par les tiers permettent d’établir l’existence d’une situation réelle différente de celle que la localisation audit siège statutaire est censée refléter.

52 Parmi les éléments à prendre en considération figurent, notamment, l’ensemble des lieux où la société débitrice exerce une activité économique et de ceux où elle détient des biens, pour autant que ces

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lieux soient visibles pour les tiers. Ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 70 de ses conclusions, l’appréciation qu’appellent ces éléments doit être portée de manière globale, en ayant égard aux circonstances propres à chaque situation.

53 Dans ce contexte, la localisation, dans un État membre autre que celui du siège statutaire, de biens immobiliers appartenant à la société débitrice, pour lesquels celle-ci a conclu des contrats de bail, ainsi que l’existence, dans ce même État membre, d’un contrat conclu avec un établissement financier, circonstances évoquées par la juridiction de renvoi, peuvent être considérées comme des éléments objectifs et, eu égard à la publicité que ceux-ci sont susceptibles de revêtir, comme des éléments vérifiables par les tiers. Il n’en demeure pas moins que la présence d’actifs sociaux comme l’existence de contrats relatifs à leur exploitation financière dans un État membre autre que celui du siège statutaire de cette société ne sauraient être considérées comme des éléments suffisants pour renverser la présomption posée par le législateur de l’Union qu’à la condition qu’une appréciation globale de l’ensemble des éléments pertinents permette d’établir que, de manière vérifiable par les tiers, le centre effectif de direction et de contrôle de ladite société ainsi que de la gestion de ses intérêts se situe dans cet autre État membre.

La date pertinente pour la localisation du centre des intérêts principaux du débiteur

54 À titre liminaire, il convient de relever que le règlement ne comporte pas de dispositions explicites en ce qui concerne le cas particulier d’un transfert du centre des intérêts du débiteur. Eu égard aux termes généraux dans lesquels est rédigé l’article 3, paragraphe 1, du règlement, il y a donc lieu de considérer que c’est le dernier lieu où se trouve ce centre qui doit être considéré comme pertinent aux fins de déterminer la juridiction compétente pour ouvrir une procédure d’insolvabilité principale.

55 Cette interprétation est corroborée par la jurisprudence de la Cour. Celle-ci a en effet jugé que, dans l’hypothèse d’un transfert du centre des intérêts principaux du débiteur après l’introduction d’une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, mais avant l’intervention de l’ouverture de ladite procédure, les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel était situé le centre des intérêts principaux au moment de l’introduction de la demande demeurent compétentes pour statuer sur celle-ci (arrêt du 17 janvier 2006, Staubitz-Schreiber, C-1/04, Rec. p. I-701, point 29). Il convient d’en déduire que c’est, en principe, la localisation du centre des intérêts principaux du débiteur à la date de l’introduction de la demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité qui est pertinente pour déterminer la juridiction compétente.

56 Dans le cas, comme dans l’affaire au principal, d’un transfert du siège statutaire avant l’introduction d’une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, c’est donc au nouveau siège statutaire que, conformément à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement, est présumé se trouver le centre des intérêts principaux du débiteur et ce sont, en conséquence, les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel se trouve ce nouveau siège qui, en principe, deviennent compétentes pour ouvrir une procédure d’insolvabilité principale, à moins que la présomption énoncée à l’article 3, paragraphe 1, du règlement ne soit renversée par la preuve que le centre des intérêts principaux n’a pas suivi le changement de siège statutaire.

57 Les mêmes règles doivent trouver à s’appliquer dans l’hypothèse où, à la date de l’introduction de la demande d’ouverture de la procédure d’insolvabilité, la société débitrice était radiée du registre des sociétés et où, comme le soutient Interedil dans ses observations, elle avait cessé toute activité.

58 En effet, ainsi qu’il ressort des points 47 à 51 du présent arrêt, la notion de centre des intérêts principaux répond au souci d’établir un rattachement au lieu avec lequel la société a, objectivement et de manière visible pour les tiers, les rapports les plus étroits. Il est donc logique de privilégier, dans une telle hypothèse, le lieu du dernier centre des intérêts principaux au moment de la radiation de la société débitrice et de la cessation de toute activité de sa part.

59 Il y a donc lieu de répondre à la seconde partie de la première question, à la deuxième question et à la première partie de la troisième question que, aux fins de déterminer le centre des intérêts principaux d’une société débitrice, l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement doit être interprété de la façon suivante:

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– le centre des intérêts principaux d’une société débitrice doit être déterminé en privilégiant le lieu de l’administration centrale de cette société, tel qu’il peut être établi par des éléments objectifs et vérifiables par les tiers. Dans l’hypothèse où les organes de direction et de contrôle d’une société se trouvent au lieu de son siège statutaire et que les décisions de gestion de cette société sont prises, de manière vérifiable par les tiers, en ce lieu, la présomption prévue à cette disposition ne peut pas être renversée. Dans l’hypothèse où le lieu de l’administration centrale d’une société ne se trouve pas au siège statutaire de celle-ci, la présence d’actifs sociaux comme l’existence de contrats relatifs à leur exploitation financière dans un État membre autre que celui du siège statutaire de cette société ne peuvent être considérées comme des éléments suffisants pour renverser cette présomption qu’à la condition qu’une appréciation globale de l’ensemble des éléments pertinents permette d’établir que, de manière vérifiable par les tiers, le centre effectif de direction et de contrôle de ladite société ainsi que de la gestion de ses intérêts se situe dans cet autre État membre;

– dans le cas d’un transfert du siège statutaire d’une société débitrice avant l’introduction d’une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, le centre des intérêts principaux de cette société est présumé se trouver au nouveau siège statutaire de celle-ci.

Sur la seconde partie de la troisième question

60 Par la seconde partie de la troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, comment doit être interprétée la notion d’«établissement» au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement.

61 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 2, sous h), du règlement définit la notion d’établissement comme visant tout lieu d’opérations où le débiteur exerce de façon non transitoire une activité économique avec des moyens humains et des biens.

62 Le fait que cette définition lie l’exercice d’une activité économique à la présence de ressources humaines démontre qu’un minimum d’organisation et une certaine stabilité sont nécessaires. Il s’ensuit que, a contrario, la seule présence de biens isolés ou de comptes bancaires ne répond pas, en principe, aux exigences requises pour la qualification d’«établissement».

63 Dans la mesure où, conformément à l’article 3, paragraphe 2, du règlement, la présence d’un établissement sur le territoire d’un État membre confère aux juridictions de cet État membre compétence pour ouvrir une procédure secondaire d’insolvabilité à l’égard du débiteur, il y a lieu de considérer que, afin de garantir la sécurité juridique et la prévisibilité concernant la détermination des juridictions compétentes, l’existence d’un établissement doit être appréciée, à l’instar de la localisation du centre des intérêts principaux, sur le fondement d’éléments objectifs et vérifiables par les tiers.

64 Il y a donc lieu de répondre à la seconde partie de la troisième question que la notion d’«établissement» au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement doit être interprétée en ce sens qu’elle requiert la présence d’une structure comportant un minimum d’organisation et une certaine stabilité en vue de l’exercice d’une activité économique. La seule présence de biens isolés ou de comptes bancaires ne répond pas, en principe, à cette définition.Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:( …)2) La notion de «centre des intérêts principaux» du débiteur, visée à l’article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprétée par référence au droit de l’Union.

3) Aux fins de déterminer le centre des intérêts principaux d’une société débitrice, l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement n° 1346/2000 doit être interprété de la façon suivante:

– le centre des intérêts principaux d’une société débitrice doit être déterminé en privilégiant le lieu de l’administration centrale de cette société, tel qu’il peut être établi par des éléments objectifs et vérifiables par les tiers. Dans l’hypothèse où les organes de direction et de contrôle d’une société se trouvent au lieu de son siège statutaire et que les décisions de gestion de cette société sont prises, de manière vérifiable par les tiers, en ce lieu, la présomption prévue à cette disposition ne peut pas être renversée. Dans l’hypothèse où le lieu de l’administration centrale d’une société ne se trouve pas au siège statutaire de

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celle-ci, la présence d’actifs sociaux comme l’existence de contrats relatifs à leur exploitation financière dans un État membre autre que celui du siège statutaire de cette société ne peuvent être considérées comme des éléments suffisants pour renverser cette présomption qu’à la condition qu’une appréciation globale de l’ensemble des éléments pertinents permette d’établir que, de manière vérifiable par les tiers, le centre effectif de direction et de contrôle de ladite société ainsi que de la gestion de ses intérêts se situe dans cet autre État membre;

– dans le cas d’un transfert du siège statutaire d’une société débitrice avant l’introduction d’une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, le centre des intérêts principaux de cette société est présumé se trouver au nouveau siège statutaire de celle-ci.

4) La notion d’«établissement» au sens de l’article 3, paragraphe 2, du même règlement doit être interprétée en ce sens qu’elle requiert la présence d’une structure comportant un minimum d’organisation et une certaine stabilité en vue de l’exercice d’une activité économique. La seule présence de biens isolés ou de comptes bancaires ne répond pas, en principe, à cette définition.

5. CJUE Bank Handlowy 22 nov. 2012, aff. C-116/11

LA COUR : - 1 - La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation des articles 4, paragraphes 1 et 2, sous j), ainsi que 27 du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité (JO L 160, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 788/2008 du Conseil, du 24 juillet 2008 (JO L 213, p. 1, ci-après le « règlement »).

2 - Cette demande a été présentée dans le cadre d'une procédure tendant à l'ouverture en Pologne, à la demande de Bank Handlowy w Warszawie SA (ci-après « Bank Handlowy ») et de PPHU « ADAX »/Ryszard Adamiak (ci-après « Adamiak »), d'une procédure d'insolvabilité à l'encontre de Christianapol sp. z o.o. (ci-après « Christianapol »), société de droit polonais à l'égard de laquelle une procédure de sauvegarde avait antérieurement été ouverte en France.

Le cadre juridique

Le droit de l'Union

3 - Les considérants 2, 12, 19, 20 et 23 du règlement prévoient respectivement :

« (2) Le bon fonctionnement du marché intérieur exige que les procédures d'insolvabilité transfrontalières fonctionnent efficacement et effectivement et l'adoption du présent règlement est nécessaire pour atteindre cet objectif qui relève du domaine de la coopération judiciaire civile au sens de l'article 65 du traité.

(...)

(12) Le présent règlement permet d'ouvrir les procédures d'insolvabilité principales dans l'Etat membre où se situe le centre des intérêts principaux du débiteur. Ces procédures ont une portée universelle et visent à inclure tous les actifs du débiteur. En vue de protéger les différents intérêts, le présent règlement permet d'ouvrir des procédures secondaires parallèlement à la procédure principale. Des procédures secondaires peuvent être ouvertes dans l'Etat membre dans lequel le débiteur a un établissement. Les effets des procédures secondaires se limitent aux actifs situés dans cet Etat. Des règles impératives de coordination avec les procédures principales satisfont l'unité nécessaire au sein de la Communauté.

(...)

(19) Hormis la protection des intérêts locaux, les procédures d'insolvabilité secondaires peuvent poursuivre d'autres objectifs. Ce pourrait être le cas lorsque le patrimoine du débiteur est trop complexe pour être administré en bloc, ou lorsque les différences entre les systèmes juridiques concernés sont à ce point importantes que des difficultés peuvent résulter de l'extension des effets de la loi de l'Etat d'ouverture aux autres Etats où se trouvent les actifs. Pour cette raison, le syndic de la procédure

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principale peut demander l'ouverture d'une procédure secondaire dans l'intérêt d'une administration efficace du patrimoine.

(20) Les procédures principales et les procédures secondaires ne peuvent, toutefois, contribuer à une réalisation efficace de la masse que si toutes les procédures parallèles en cours sont coordonnées. (...) Pour garantir le rôle prédominant de la procédure principale, le syndic de cette procédure devrait se voir conférer plusieurs possibilités d'influer sur les procédures secondaires en cours. Il devrait pouvoir, par exemple, proposer un plan de redressement ou un concordat ou demander la suspension de la liquidation de la masse dans la procédure secondaire.

(...)

(23) Le présent règlement, dans les matières visées par celui-ci, devrait établir des règles de conflit de lois uniformes qui remplacent - dans le cadre de leur champ d'application - les règles nationales du droit international privé; sauf disposition contraire, la loi de l'Etat membre d'ouverture de la procédure devrait être applicable (lex concursus). Cette règle de conflit de lois devrait s'appliquer tant à la procédure principale qu'aux procédures locales. La lex concursus détermine tous les effets de la procédure d'insolvabilité, qu'ils soient procéduraux ou substantiels, sur les personnes et les rapports juridiques concernés. Cette loi régit toutes les conditions de l'ouverture, du déroulement et de la clôture de la procédure d'insolvabilité ».

4 - Aux termes de l'article 1er, paragraphe 1, du règlement, celui-ci s'applique « aux procédures collectives fondées sur l'insolvabilité du débiteur qui entraînent le dessaisissement partiel ou total de ce débiteur ainsi que la désignation d'un syndic ».

5 - Par « procédure d'insolvabilité », il convient d'entendre, conformément à l'article 2, sous a), du règlement, « les procédures collectives visées à l'article 1er, paragraphe 1 ». La même disposition précise que « [l]a liste de ces procédures figure à l'annexe A ».

6 - La liste des procédures figurant à l'annexe A du règlement reprend, pour la France, la « procédure de sauvegarde ».

7 - L'article 3 du règlement dispose :

« 1. Les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d'insolvabilité. Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu'à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire.

2. Lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur est situé sur le territoire d'un Etat membre, les juridictions d'un autre Etat membre ne sont compétentes pour ouvrir une procédure d'insolvabilité à l'égard de ce débiteur que si celui-ci possède un établissement sur le territoire de cet autre Etat membre. Les effets de cette procédure sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce dernier territoire.

3. Lorsqu'une procédure d'insolvabilité est ouverte en application du paragraphe 1, toute procédure d'insolvabilité ouverte ultérieurement en application du paragraphe 2 est une procédure secondaire. Cette procédure doit être une procédure de liquidation.

(...) ».

8 - L'article 4 du règlement prévoit :

« 1. Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à la procédure d'insolvabilité et à ses effets est celle de l'Etat membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte, ci-après dénommé "Etat d'ouverture".

2. La loi de l'Etat d'ouverture détermine les conditions d'ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure d'insolvabilité. Elle détermine notamment :

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(...)

j) les conditions et les effets de la clôture de la procédure d'insolvabilité, notamment par concordat ;

(...) ».

9 - L'article 16 du règlement pose le principe de la reconnaissance de la procédure d'insolvabilité en ces termes :

« 1. Toute décision ouvrant une procédure d'insolvabilité prise par une juridiction d'un Etat membre compétente en vertu de l'article 3 est reconnue dans tous les autres Etats membres, dès qu'elle produit ses effets dans l'Etat d'ouverture.

(...) ».

10 - L'article 25 du règlement précise le champ d'application de ce principe de la manière suivante:

« 1. Les décisions relatives au déroulement et à la clôture d'une procédure d'insolvabilité rendues par une juridiction dont la décision d'ouverture est reconnue conformément à l'article 16 ainsi qu'un concordat approuvé par une telle juridiction sont reconnus également sans aucune autre formalité (...) ».

11 - L'article 26 du règlement prévoit une exception à ce principe et permet à un Etat membre de refuser de reconnaître une procédure d'insolvabilité ouverte dans un autre Etat membre, lorsque cette reconnaissance « produirait des effets manifestement contraires à son ordre public, en particulier à ses principes fondamentaux ou aux droits et aux libertés individuelles garantis par sa constitution ».

12 - L'article 27 du règlement dispose:

« La procédure visée à l'article 3, paragraphe 1, qui est ouverte par une juridiction d'un Etat membre et reconnue dans un autre Etat membre (procédure principale) permet d'ouvrir, dans cet autre Etat membre, dont une juridiction serait compétente en vertu de l'article 3, paragraphe 2, une procédure secondaire d'insolvabilité sans que l'insolvabilité du débiteur soit examinée dans cet autre Etat. Cette procédure doit être une des procédures [de liquidation] mentionnées à l'annexe B. Ses effets sont limités aux biens du débiteur situés sur le territoire de cet autre Etat membre ».

13 - Le déroulement de la procédure secondaire est régi par les articles 28 à 38 du règlement. Afin d'assurer la coordination entre procédure principale et procédure secondaire, l'article 31, paragraphe 1, prévoit un devoir de coopération et d'information entre le syndic de la procédure principale et celui de la procédure secondaire.

14 - L'article 33, paragraphe 1, du règlement permet la suspension de la procédure secondaire. Il dispose :

« La juridiction qui a ouvert la procédure secondaire suspend en tout ou en partie les opérations de liquidation, sur la demande du syndic de la procédure principale, sous réserve de la faculté d'exiger en ce cas du syndic de la procédure principale toute mesure adéquate pour garantir les intérêts des créanciers de la procédure secondaire et de certains groupes de créanciers. La demande du syndic de la procédure principale ne peut être rejetée que si elle est manifestement sans intérêt pour les créanciers de la procédure principale. La suspension de la liquidation peut être ordonnée pour une durée maximale de trois mois. Elle peut être prolongée ou renouvelée pour des périodes de même durée ».

15 - L'article 34, paragraphe 1, du règlement, qui a trait à la clôture de la procédure secondaire, prévoit:

« Lorsque la loi applicable à la procédure secondaire prévoit la possibilité de clôturer cette procédure sans liquidation par un plan de redressement, un concordat ou une mesure comparable, une telle mesure peut être proposée par le syndic de la procédure principale.

La clôture de la procédure secondaire par une mesure visée au premier alinéa ne devient définitive qu'avec l'accord du syndic de la procédure principale, ou, à défaut de son accord, lorsque la mesure proposée n'affecte pas les intérêts financiers des créanciers de la procédure principale ».

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Le droit national

16 - En droit français, la procédure de sauvegarde des entreprises est régie par les articles L. 620-1 et suivants du code de commerce. Dans sa version résultant de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, applicable dans l'espèce au principal, l'article L. 620-1 prévoyait :

« Il est institué une procédure de sauvegarde ouverte sur demande d'un débiteur mentionné à l'article L. 620-2 qui justifie de difficultés, qu'il n'est pas en mesure de surmonter, de nature à le conduire à la cessation des paiements. Cette procédure est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif.

La procédure de sauvegarde donne lieu à un plan arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation (...) ».

Les faits à l'origine du litige et les questions préjudicielles

17 - Christianapol, dont le siège statutaire est situé à Lowyn (Pologne), se présente comme étant la filiale à 100 % d'une société allemande, elle-même détenue à 90 % par une société française.

18 - Par jugement du 1er octobre 2008, le tribunal de commerce de Meaux (France) a ouvert une procédure d'insolvabilité à l'encontre de Christianapol. Cette juridiction a fondé sa compétence sur la constatation que le centre des intérêts principaux du débiteur se situe en France. La juridiction a ouvert une procédure de sauvegarde, motivée par la constatation que le débiteur n'était pas en état de cessation des paiements, mais qu'il se trouverait dans cet état en l'absence de restructuration financière rapide.

19 - Les 21 avril et 26 juin 2009, Bank Handlowy, établie à Varsovie (Pologne), a, en qualité de créancier de Christianapol, demandé à la juridiction de renvoi d'ouvrir une procédure secondaire d'insolvabilité à l'égard de cette société sur le fondement des dispositions de l'article 27 du règlement. A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le jugement du tribunal de commerce de Meaux du 1eroctobre 2008 serait jugé contraire à l'ordre public en application de l'article 26 de ce même règlement, elle a demandé l'ouverture d'une procédure de liquidation régie par la loi polonaise.

20 - Le 20 juillet 2009, le tribunal de commerce de Meaux a arrêté un plan de sauvegarde de Christianapol, prévoyant un paiement des dettes étalé sur dix ans et prononçant une interdiction de cession de l'entreprise sise à Lowyn ainsi que de certains biens définis du débiteur. La juridiction française a maintenu les mandataires judiciaires désignés antérieurement jusqu'à la fin de la procédure de vérification de créances et la remise de leur compte rendu de fin de mission. Elle a en outre désigné, dans son jugement, un commissaire à l'exécution du plan.

21 - Le 2 août 2009, un autre créancier, Adamiak, établi à Leczyca (Pologne), a également demandé l'ouverture d'une procédure de liquidation régie par la loi polonaise.

22 - Christianapol a initialement conclu au rejet de la demande d'ouverture en Pologne d'une procédure secondaire d'insolvabilité, au motif que celle-ci serait contraire aux objectifs et à la nature de la procédure de sauvegarde. Après l'arrêt du plan de sauvegarde par la juridiction française, elle a fait valoir qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la procédure relative à l'ouverture d'une procédure secondaire d'insolvabilité dans la mesure où la procédure principale était close. Elle a indiqué qu'elle s'acquitte de ses obligations conformément au plan arrêté par la juridiction française. Cela signifierait que, au regard du droit polonais, elle n'est redevable d'aucune obligation pécuniaire, de sorte qu'il n'existerait aucun motif justifiant une déclaration d'insolvabilité à son égard.

23 - La juridiction de renvoi s'est adressée au tribunal de commerce de Meaux pour qu'il lui indique si la procédure d'insolvabilité dont il était saisi, qui constituait la procédure principale au sens du règlement, était toujours pendante. La réponse de la juridiction française n'a pas apporté l'éclaircissement nécessaire. La juridiction de renvoi a eu alors recours à un expert.

24 - C'est dans ces conditions que le Sad Rejonowy Poznan-StareMiasto w Poznaniu a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

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« 1) L'article 4, paragraphes 1 et 2, sous j), du [règlement] doit-il être interprété en ce sens que la notion de "clôture de la procédure d'insolvabilité" utilisée dans cette disposition doit recevoir une signification autonome, qui ne dépend pas des réglementations applicables dans les systèmes juridiques des différents Etats membres, ou bien appartient-il au seul droit national de l'Etat d'ouverture de déterminer à quel moment intervient la clôture de cette procédure ?

2) L'article 27 du [règlement] doit-il être interprété en ce sens que la juridiction nationale saisie d'une demande tendant à l'ouverture d'une procédure secondaire d'insolvabilité ne peut en aucun cas examiner l'insolvabilité du débiteur à l'encontre duquel une procédure principale d'insolvabilité a été ouverte dans un autre Etat membre, ou bien en ce sens que la juridiction nationale peut, dans certains cas, examiner la question de l'existence de l'insolvabilité du débiteur, en particulier lorsque la procédure principale est une procédure protectrice dans laquelle le juge a constaté que le débiteur n'est pas insolvable (procédure française de sauvegarde) ?

3) L'article 27 du [règlement], tel qu'interprété, permet-il d'ouvrir une procédure secondaire d'insolvabilité - dont la nature est définie à l'article 3, paragraphe 3, deuxième phrase, [de ce] règlement - dans l'Etat membre sur le territoire duquel se trouve l'ensemble des biens du débiteur concerné, alors que la procédure principale, qui bénéficie d'une reconnaissance automatique, est de nature protectrice (procédure française de sauvegarde), qu'un plan de remboursement a été adopté et entériné dans le cadre de cette procédure, que ce plan est mis en oeuvre par le débiteur, et que le juge a interdit toute aliénation des biens du débiteur ? ».

Sur la demande de réouverture de la procédure orale

25 - La procédure orale a été clôturée le 24 mai 2012 à la suite de la présentation des conclusions de Mmel'avocat général.

26 - Par lettre du 29 juin 2012, parvenue à la Cour le même jour, Christianapol a demandé à la Cour d'ordonner la réouverture de la procédure orale.

27 - A l'appui de cette demande, il est fait valoir que les conclusions de Mme l'avocat général ont soulevé plusieurs questions relatives au rôle et à l'influence du syndic de la procédure principale d'insolvabilité par rapport à la procédure secondaire, au point de savoir si la procédure de sauvegarde du droit français est une procédure d'insolvabilité au sens du règlement ainsi qu'à la possibilité, pour la juridiction saisie d'une demande d'ouverture d'une procédure secondaire, de vérifier l'insolvabilité du débiteur.

28 - A cet égard, il convient de relever que la Cour peut, à tout moment, l'avocat général entendu, ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure, conformément à l'article 83 de son règlement de procédure, notamment si elle considère qu'elle est insuffisamment éclairée ou encore lorsque l'affaire doit être tranchée sur la base d'un argument qui n'a pas été débattu entre les parties ou les intéressés visés à l'article 23 du statut de la Cour de justice (V., en ce sens, à propos de l'article 61 du règlement de procédure dans sa version en vigueur avant le 1er nov. 2012, CJUE, ord., 4 juill. 2012, aff. C-62/11, Feyerbacher, pt 6 et jurisprudence citée).

29 - En l'espèce, la Cour, l'avocat général entendu, considère qu'elle dispose de tous les éléments nécessaires pour répondre aux questions posées et que ces éléments ont fait l'objet des débats menés devant elle.

30 - Dès lors, la demande de Christianapol tendant à obtenir la réouverture de la procédure orale doit être rejetée.

Sur les questions préjudicielles

Observations liminaires

31 - A titre liminaire, il y a lieu de rappeler le champ d'application du règlement.

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32 - A cet égard, il convient de relever que, aux termes de son article 1er, paragraphe 1, le règlement s'applique aux procédures collectives fondées sur l'insolvabilité du débiteur qui entraînent le dessaisissement partiel ou total de ce débiteur ainsi que la désignation d'un syndic. Par « procédure d'insolvabilité », l'article 2, sous a), de ce règlement entend les procédures collectives visées à cet article 1er, paragraphe 1, et précise que leur liste figure à l'annexe A du même règlement.

33 - Il s'ensuit que, dès lors qu'une procédure est inscrite à l'annexe A du règlement, elle doit être considérée comme relevant du champ d'application du règlement. Cette inscription bénéficie de l'effet direct et obligatoire attaché aux dispositions d'un règlement.

34 - Il est constant que la procédure de sauvegarde ouverte, dans l'espèce au principal, par le tribunal de commerce de Meaux figure parmi les procédures inscrites, pour la France, à l'annexe A du règlement.

35 - Il découle de cette inscription, dont le bien-fondé ne fait pas l'objet d'une question préjudicielle, d'une part, que la procédure française de sauvegarde relève du champ d'application du règlement et, d'autre part, que la situation d'un débiteur tel que Christianapol, à l'égard duquel une procédure de ce type a été ouverte, doit être considérée comme une situation d'insolvabilité aux fins de l'application de ce règlement.

Sur la première question

36 - Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 4, paragraphe 2, sous j), du règlement doit être interprété en ce sens que la notion de « clôture de la procédure d'insolvabilité » revêt une signification autonome, propre au règlement, ou s'il appartient au droit national de l'Etat membre dans lequel la procédure d'insolvabilité a été ouverte de déterminer à quel moment intervient la clôture de cette procédure.

37 - La juridiction de renvoi explique que la réponse à cette question est essentielle aux fins de déterminer si la procédure principale d'insolvabilité ouverte en France à l'encontre de Christianapol est encore en cours et pour lui permettre de se prononcer sur les demandes, présentées par Bank Handlowy et par Adamiak, tendant à l'ouverture en Pologne, à l'encontre du même débiteur, d'une seconde procédure principale d'insolvabilité. La juridiction de renvoi considère que, dans l'hypothèse où la procédure principale d'insolvabilité ouverte en France serait clôturée, elle pourrait accueillir, après vérification au regard de son droit national de l'état d'insolvabilité de Christianapol, les demandes de Bank Handlowy et d'Adamiak.

38 - Ces considérations appellent les remarques suivantes.

39 - C'est à juste titre que la juridiction de renvoi a qualifié la procédure d'insolvabilité ouverte en France de procédure principale. En effet, cette dernière a été ouverte au titre de l'article 3, paragraphe 1, du règlement.

40 - Ainsi que l'a relevé la juridiction de renvoi, une telle procédure produit des effets universels en ce qu'elle s'applique aux biens du débiteur situés dans tous les Etats membres. Tant qu'une procédure principale d'insolvabilité est en cours, aucune autre procédure principale ne peut être ouverte. Ainsi que l'indique l'article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement, toute procédure d'insolvabilité ouverte pendant cette période ne peut être qu'une procédure secondaire, dont les effets sont limités aux biens du débiteur situés dans l'Etat membre dans lequel cette procédure est ouverte (V., en ce sens, CJUE 15 déc. 2011, aff. C-191/10, Rastelli Davide e C., non encore publié au Recueil, pt 15 et jurisprudence citée).

41 - En vertu de l'article 16, paragraphe 1, du règlement, la procédure principale d'insolvabilité ouverte dans un Etat membre est reconnue dans tous les Etats membres dès qu'elle produit ses effets dans l'Etat d'ouverture. Cette règle implique que les juridictions des autres Etats membres reconnaissent la décision ouvrant une procédure d'insolvabilité sans pouvoir contrôler l'appréciation portée par la première juridiction sur sa compétence (V., en ce sens, CJCE 2 mai 2006, aff. C-341/04, Eurofood IFSC, Rec. p. I-3813, pts 39 et 42, ainsi que CJUE 21 janv. 2010, aff. C-444/07, MG Probud Gdynia, Rec. p. I-417, pts 27 et 29). L'article 25 du règlement étend cette règle de reconnaissance à toutes les décisions relatives au déroulement et à la clôture de la procédure.

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Page 267: lewebpedagogique.comlewebpedagogique.com/aline2603/files/2017/01/FASCI… · Web viewEn conséquence, ils sont tenus de prendre en compte l' équivalence des diplômes (voir arrêt

42 - Dans l'espèce au principal, l'ouverture de la procédure principale d'insolvabilité par le tribunal de commerce de Meaux était fondée, notamment, sur la constatation que le centre des intérêts principaux du débiteur, critère exclusif de compétence internationale prévu par l'article 3, paragraphe 1, du règlement, se trouvait en France. Comme l'a relevé Mme l'avocat général au point 44 de ses conclusions, cette constatation relève du principe de reconnaissance qui s'impose à la juridiction de renvoi.

43 - Il s'ensuit que, dans l'hypothèse où la procédure principale d'insolvabilité ouverte en France à l'encontre de Christianapol devrait être considérée comme étant clôturée, la juridiction de renvoi ne pourrait ouvrir une seconde procédure principale en Pologne que pour autant qu'il pourrait être établi que, postérieurement à l'ouverture de la première procédure principale en France, le centre des intérêts principaux de Christianapol a été transféré en Pologne.

44 - C'est sous le bénéfice de ces remarques qu'il convient de rechercher comment doit être établie la signification de la notion de « clôture de la procédure d'insolvabilité ».

45 - Ainsi que la Cour l'a rappelé, le règlement vise non pas à mettre en place une procédure d'insolvabilité uniforme, mais, comme il ressort du considérant 2 de celui-ci, à assurer que les procédures d'insolvabilité transfrontalières fonctionnent efficacement et effectivement (arrêt Eurofood IFSC, préc., pt 48). A cet effet, il fixe des règles de compétence et de reconnaissance ainsi que des règles relatives au droit applicable dans ce domaine.

46 - La question de la loi applicable à une procédure d'insolvabilité est régie par l'article 4 du règlement qui, à son paragraphe 1, désigne à cet effet la loi de l'Etat membre sur le territoire duquel la procédure a été ouverte. Le paragraphe 2, sous j), dudit article précise que cette loi détermine notamment les conditions et les effets de la clôture de la procédure d'insolvabilité.

47 - L'article 4 du règlement se présente ainsi comme une règle de conflit de lois, qualification confirmée par le considérant 23 du règlement, qui indique que les règles de conflit uniformes prévues par le règlement remplacent les règles nationales du droit international privé.

48 - Ainsi que l'a observé Mme l'avocat général au point 32 de ses conclusions, une règle de conflit a pour caractéristique qu'elle ne répond pas elle-même à une question de droit matériel, mais qu'elle se borne à désigner la loi dont dépend la réponse à cette question.

49 - S'il est vrai que, en cas de doute, sur leur libellé, les dispositions du droit de l'Union doivent recevoir une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l'objectif poursuivi par la réglementation en cause, la Cour a toutefois jugé que ce principe ne vaut que pour les dispositions qui ne comportent aucun renvoi exprès au droit des Etats membres pour déterminer leur sens et leur portée (V., en ce sens, CJUE 20 oct. 2011, Interedil, aff. C-396/09, non encore publié au Recueil, pt 42 et jurisprudence citée).

50 - Dès lors, les questions telles que les conditions et les effets de la clôture de la procédure d'insolvabilité, à propos desquelles l'article 4, paragraphe 2, sous j), du règlement contient un renvoi exprès au droit national, ne peuvent faire l'objet d'une interprétation autonome, mais doivent être tranchées en application de la lex concursus désignée comme applicable.

51 - Cette analyse n'est pas en contradiction avec le fait que, au point 54 de son arrêt Eurofood IFSC, précité, sur lequel se sont appuyés Christianapol et le gouvernement français, la Cour a jugé que la notion de « décision ouvrant une procédure d'insolvabilité » au sens de l'article 16, paragraphe 1, du règlement doit être définie en fonction de deux critères propres au règlement. En effet, à la différence de l'article 4 du règlement, ledit article 16, paragraphe 1, ne contient pas de renvoi exprès au droit national, mais fixe une règle immédiatement applicable, sous la forme d'un principe de reconnaissance au bénéfice de la décision d'ouverture qui a été rendue en premier lieu.

52 - Au vu de ces considérations, il y a lieu de répondre à la première question que l'article 4, paragraphe 2, sous j), du règlement doit être interprété en ce sens qu'il appartient au droit national de l'Etat membre dans lequel la procédure d'insolvabilité a été ouverte de déterminer à quel moment intervient la clôture de cette procédure.

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Sur la troisième question

53 - Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 27 du règlement doit être interprété en ce sens qu'il permet l'ouverture d'une procédure secondaire d'insolvabilité dans l'Etat membre dans lequel se trouve l'intégralité des biens du débiteur, alors que la procédure principale poursuit une finalité protectrice.

54 - A titre liminaire, il convient de relever que la réponse à cette question ne peut être pertinente pour trancher le litige au principal que dans l'hypothèse où la procédure principale d'insolvabilité ouverte en France est encore en cours, ce qu'il incombe à la juridiction de renvoi d'établir au regard de la réponse apportée à la première question.

55 - En disposant que l'ouverture d'une procédure principale d'insolvabilité dans un Etat membre permet d'ouvrir une procédure secondaire dans un autre Etat membre sur le territoire duquel le débiteur possède un établissement, l'article 27, première phrase, du règlement n'établit aucune distinction en fonction de la finalité de la procédure principale.

56 - La même généralité de termes se retrouve à l'article 3, paragraphe 3, du règlement, qui prévoit que, lorsqu'une procédure principale a été ouverte, toute procédure d'insolvabilité ouverte ultérieurement par une juridiction fondant sa compétence sur la présence d'un établissement du débiteur est une procédure secondaire.

57 - Ces dispositions doivent donc être lues en ce sens qu'elles autorisent l'ouverture d'une procédure secondaire également lorsque la procédure principale, à l'instar de la procédure française de sauvegarde, a une finalité protectrice.

58 - L'interprétation soutenue par Christianapol et le gouvernement français, selon laquelle l'ouverture d'une procédure principale à finalité protectrice ferait obstacle à l'ouverture d'une procédure secondaire, outre qu'elle serait inconciliable avec le libellé des dispositions en cause, irait à l'encontre de la place reconnue, dans le système mis en place par le règlement, aux procédures secondaires. A cet égard, il convient de souligner que, si les procédures secondaires visent, notamment, à assurer la protection des intérêts locaux, elles peuvent poursuivre également, comme le rappelle le considérant 19 du règlement, d'autres objectifs. C'est la raison pour laquelle elles peuvent être ouvertes à la demande du syndic de la procédure principale, lorsque cette mesure répond à l'intérêt d'une administration efficace du patrimoine.

59 - Il n'en demeure pas moins que, comme l'a souligné la juridiction de renvoi, l'ouverture d'une procédure secondaire, qui, conformément à l'article 3, paragraphe 3, du règlement, doit être une procédure de liquidation, risque d'aller à l'encontre de la finalité poursuivie par une procédure principale de nature protectrice.

60 - A cet égard, il convient de relever que le règlement prévoit un certain nombre de règles impératives de coordination destinées à assurer, comme l'exprime son considérant 12, l'unité nécessaire au sein de la Communauté. Dans ce système, la procédure principale occupe, par rapport à la procédure secondaire, ainsi que le précise le considérant 20 du règlement, un rôle prédominant.

61 - Le syndic de la procédure principale dispose ainsi de certaines prérogatives qui lui donnent la possibilité d'influer sur la procédure secondaire de façon à ce que cette dernière ne mette pas en péril la finalité protectrice de la procédure principale. En vertu de l'article 33, paragraphe 1, du règlement, il peut demander la suspension des opérations de liquidation, pour une période certes limitée à trois mois, mais qui peut être prolongée ou renouvelée pour des périodes de même durée. Conformément à l'article 34, paragraphe 1, du même règlement, le syndic de la procédure principale peut proposer de clôturer la procédure secondaire par un plan de redressement, un concordat ou une mesure comparable. Pendant la période de suspension prévue par l'article 33, paragraphe 1, du règlement, le syndic de la procédure principale, ou le débiteur avec son accord, sont, en vertu dudit article 34, paragraphe 3, seuls habilités à faire cette proposition.

62 - En vertu du principe de coopération loyale inscrit à l'article 4, paragraphe 3, UE, il incombe à la juridiction compétente pour ouvrir une procédure secondaire, lorsqu'elle applique ces dispositions, de prendre en considération les objectifs de la procédure principale et de tenir compte de l'économie du

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règlement, lequel vise, comme il a été rappelé aux points 45 et 60 du présent arrêt, à assurer un fonctionnement efficace et effectif des procédures d'insolvabilité transfrontalières par une coordination impérative des procédures principale et secondaire garantissant la primauté de la procédure principale.

63 - Il y a donc lieu de répondre à la troisième question que l'article 27 du règlement doit être interprété en ce sens qu'il permet l'ouverture d'une procédure secondaire d'insolvabilité dans l'Etat membre dans lequel se trouve un établissement du débiteur, alors que la procédure principale poursuit une finalité protectrice. Il incombe à la juridiction compétente pour ouvrir une procédure secondaire de prendre en considération les objectifs de la procédure principale et de tenir compte de l'économie du règlement dans le respect du principe de coopération loyale.

Sur la deuxième question

64 - Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l'article 27 du règlement doit être interprété en ce sens que la juridiction saisie d'une demande d'ouverture d'une procédure secondaire d'insolvabilité ne peut pas examiner l'insolvabilité du débiteur à l'encontre duquel une procédure principale a été ouverte dans un autre Etat membre, même si cette dernière procédure poursuit une finalité protectrice.

65 - Selon l'article 27, première phrase, du règlement, l'ouverture d'une procédure principale d'insolvabilité dans un Etat membre « permet d'ouvrir » une procédure secondaire dans un autre Etat membre sur le territoire duquel le débiteur possède un établissement, « sans que l'insolvabilité du débiteur soit examinée dans cet autre Etat ».

66 - Comme l'a reconnu Mme l'avocat général au point 75 de ses conclusions, la formulation ainsi utilisée est empreinte d'une certaine ambiguïté quant au point de savoir si, lors de l'ouverture d'une telle procédure, l'examen de l'insolvabilité du débiteur n'est pas nécessaire, mais demeure possible, ou bien n'est pas autorisé.

67 - Dans ces conditions, il convient d'interpréter la formulation utilisée à l'article 27, première phrase, du règlement à la lumière de l'économie générale et de la finalité du règlement dans lequel elle s'insère (V., en ce sens, CJCE 19 juin 1980, aff. 803/79, Roudolff, Rec. p. 2015, pt 7).

68 - A cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu'il a été jugé au point 32 du présent arrêt, le règlement ne s'applique qu'aux procédures fondées sur l'insolvabilité. S'agissant des critères permettant de constater concrètement l'existence d'une telle situation, il renvoie, faute de donner une définition de la notion d'insolvabilité, au droit national. Il s'ensuit que l'ouverture d'une procédure principale requiert préalablement la vérification par la juridiction compétente de l'état d'insolvabilité du débiteur au regard de son droit national.

69 - Il y a lieu de rappeler également que, en vertu de l'article 16, paragraphe 1, du règlement, la procédure principale d'insolvabilité ouverte dans un Etat membre est reconnue dans tous les Etats membres dès qu'elle produit ses effets dans l'Etat d'ouverture.

70 - Dans ces conditions, comme l'ont soutenu les gouvernements espagnol et français, l'appréciation portée sur l'état d'insolvabilité du débiteur par la juridiction compétente pour ouvrir la procédure principale s'impose aux juridictions éventuellement saisies d'une demande d'ouverture d'une procédure secondaire.

71 - Cette interprétation est la seule de nature à éviter les difficultés inéluctables qui résulteraient, en l'absence de définition de la notion d'insolvabilité dans le règlement, de l'application par des juridictions différentes de conceptions nationales divergentes de la notion d'insolvabilité. En outre, comme l'a fait observer le gouvernement français, l'insolvabilité doit faire l'objet d'une appréciation d'ensemble, au regard de la situation patrimoniale du débiteur telle qu'elle se présente globalement dans l'ensemble des Etats membres, et non d'appréciations isolées, limitées à la prise en compte d'actifs localisés sur un territoire donné.

72 - Les divergences d'appréciation d'une juridiction à l'autre seraient incompatibles avec l'objectif d'un fonctionnement efficace et effectif des procédures d'insolvabilité transfrontalières que le règlement veut

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réaliser par la coordination des procédures principale et secondaire dans le respect de la primauté de la procédure principale. A cet égard, il convient de rappeler que, ainsi que cela ressort du point 58 du présent arrêt, si l'ouverture d'une procédure secondaire peut être demandée, notamment, par des créanciers locaux, elle peut également être demandée par le syndic de la procédure principale dans l'intérêt d'une gestion plus efficace du patrimoine du débiteur.

73 - Il convient toutefois de souligner que, lorsqu'elle tire les conséquences de la constatation de l'insolvabilité effectuée dans le cadre de la procédure principale, la juridiction saisie d'une demande tendant à l'ouverture d'une procédure secondaire doit prendre en considération les objectifs de ladite procédure principale et tenir compte de l'économie du règlement ainsi que des principes sur lesquels il repose.

74 - Il y a donc lieu de répondre à la deuxième question que l'article 27 du règlement doit être interprété en ce sens que la juridiction saisie d'une demande d'ouverture d'une procédure secondaire d'insolvabilité ne peut pas examiner l'insolvabilité du débiteur à l'encontre duquel une procédure principale a été ouverte dans un autre Etat membre, même si cette dernière poursuit une finalité protectrice.

Sur les dépens

75 - La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

1) L'article 4, paragraphe 2, sous j), du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité, tel que modifié par le règlement (CE) n° 788/2008 du Conseil, du 24 juillet 2008, doit être interprété en ce sens qu'il appartient au droit national de l'Etat membre dans lequel la procédure d'insolvabilité a été ouverte de déterminer à quel moment intervient la clôture de cette procédure.

2) L'article 27 du règlement n° 1346/2000, tel que modifié par le règlement n° 788/2008, doit être interprété en ce sens qu'il permet l'ouverture d'une procédure secondaire d'insolvabilité dans l'Etat membre dans lequel se trouve un établissement du débiteur, alors que la procédure principale poursuit une finalité protectrice. Il incombe à la juridiction compétente pour ouvrir une procédure secondaire de prendre en considération les objectifs de la procédure principale et de tenir compte de l'économie du règlement dans le respect du principe de coopération loyale.

3) L'article 27 du règlement n° 1346/2000, tel que modifié par le règlement n° 788/2008, doit être interprété en ce sens que la juridiction saisie d'une demande d'ouverture d'une procédure secondaire d'insolvabilité ne peut pas examiner l'insolvabilité du débiteur à l'encontre duquel une procédure principale a été ouverte dans un autre Etat membre, même si cette dernière poursuit une finalité protectrice.

6. CJUE BURGO GROUP SpA, 4 septembre 2014, aff. C-327/13

Arrêt

1La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 3, 16 et 27 à 29 du règlement (CE) no 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité (JO L 160, p. 1, ci-après le «règlement»).2Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Burgo Group SpA (ci-après «Burgo Group») à Illochroma SA (ci-après «Illochroma»), en liquidation, et à Me Theetten, agissant en qualité de liquidateur d’Illochroma, au sujet de l’ouverture, en Belgique, d’une procédure secondaire d’insolvabilité (ci-après la «procédure secondaire») portant sur les biens d’Illochroma.Le cadre juridique

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3Les considérants 11, 12 et 17 à 19 du règlement énoncent:«(11)Le présent règlement tient compte du fait que, en raison des divergences considérables entre les droits matériels, il n’est pas pratique de mettre en place une procédure d’insolvabilité unique ayant une portée universelle pour toute la Communauté. L’application sans exception du droit de l’État d’ouverture susciterait dès lors fréquemment des difficultés. [...] Le présent règlement devrait en tenir compte [...] en autorisant [...], outre une procédure d’insolvabilité principale [ci-après la «procédure principale»] de portée universelle, également des procédures nationales qui ne concernent que les actifs situés dans l’État d’ouverture.(12)[...] En vue de protéger les différents intérêts, le présent règlement permet d’ouvrir des procédures secondaires parallèlement à la procédure principale. Des procédures secondaires peuvent être ouvertes dans l’État membre dans lequel le débiteur a un établissement. [...][...](17)Avant l’ouverture de la procédure [...] principale, l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité dans l’État membre où le débiteur a un établissement ne devrait pouvoir être demandée que par les créanciers locaux et les créanciers de l’établissement local ou lorsque le droit de l’État membre où le débiteur a son centre d’intérêt principal ne permet pas d’ouvrir une procédure principale. Cette limitation est justifiée par le fait que l’on vise à limiter au strict minimum les cas dans lesquels des procédures territoriales indépendantes sont demandées avant la procédure [...] principale; si une procédure [...] principale est ouverte, les procédures territoriales deviennent secondaires.(18)Après l’ouverture de la procédure [...] principale, le présent règlement ne fait pas obstacle à la demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité dans l’État membre où le débiteur a un établissement. Le syndic de la procédure principale ou toute autre personne habilitée à cet effet par la législation nationale de cet État membre peut demander l’ouverture d’une procédure [...] secondaire.(19)Hormis la protection des intérêts locaux, les procédures [...] secondaires peuvent poursuivre d’autres objectifs. Ce pourrait être le cas lorsque le patrimoine du débiteur est trop complexe pour être administré en bloc, ou lorsque les différences entre les systèmes juridiques concernés sont à ce point importantes que des difficultés peuvent résulter de l’extension des effets de la loi de l’État d’ouverture aux autres États où se trouvent les actifs. Pour cette raison, le syndic de la procédure principale peut demander l’ouverture d’une procédure secondaire dans l’intérêt d’une administration efficace du patrimoine.»4L’article 2 du règlement, intitulé «Définitions», prévoit:«Aux fins du présent règlement, on entend par:[...]h)‘établissement’: tout lieu d’opérations où le débiteur exerce de façon non transitoire une activité économique avec des moyens humains et des biens.»5L’article 3 du règlement, intitulé «Compétence internationale», dispose:«1. Les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d’insolvabilité. Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire.2. Lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur est situé sur le territoire d’un État membre, les juridictions d’un autre État membre ne sont compétentes pour ouvrir une procédure d’insolvabilité à l’égard de ce débiteur que si celui-ci possède un établissement sur le territoire de cet autre État membre. Les effets de cette procédure sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce dernier territoire.3. Lorsqu’une procédure d’insolvabilité est ouverte en application du paragraphe 1, toute procédure d’insolvabilité ouverte ultérieurement en application du paragraphe 2 est une procédure secondaire. Cette procédure doit être une procédure de liquidation.4. Une procédure territoriale d’insolvabilité visée au paragraphe 2 ne peut être ouverte avant l’ouverture d’une procédure principale [...] en application du paragraphe 1 que:[...]

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b)si l’ouverture de la procédure territoriale d’insolvabilité est demandée par un créancier dont le domicile, la résidence habituelle ou le siège se trouve dans l’État membre sur le territoire duquel est situé l’établissement concerné, ou dont la créance a son origine dans l’exploitation de cet établissement.»6Selon l’article 16, paragraphe 1, du règlement, «[t]oute décision ouvrant une procédure d’insolvabilité prise par une juridiction d’un État membre compétente en vertu de l’article 3 est reconnue dans tous les autres États membres, dès qu’elle produit ses effets dans l’État d’ouverture».7L’article 27 du règlement, intitulé «Ouverture», prévoit:«La procédure visée à l’article 3, paragraphe 1, qui est ouverte par une juridiction d’un État membre et reconnue dans un autre État membre (procédure principale) permet d’ouvrir, dans cet autre État membre, dont une juridiction serait compétente en vertu de l’article 3, paragraphe 2, une procédure secondaire [...] sans que l’insolvabilité du débiteur soit examinée dans cet autre État. [...] Ses effets sont limités aux biens du débiteur situés sur le territoire de cet autre État membre.»8L’article 28 du règlement, intitulé «Loi applicable», dispose:«Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à la procédure secondaire est celle de l’État membre sur le territoire duquel la procédure secondaire est ouverte.»9L’article 29 du règlement, intitulé «Droit de demander l’ouverture», énonce:«L’ouverture d’une procédure secondaire peut être demandée par:a)le syndic de la procédure principale;b)toute autre personne ou autorité habilitée à demander l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité en vertu de la loi de l’État membre sur le territoire duquel l’ouverture de la procédure secondaire est demandée.»10L’article 40, paragraphe 1, du règlement dispose:«Dès qu’une procédure d’insolvabilité est ouverte dans un État membre, la juridiction compétente de cet État ou le syndic nommé par celle-ci informe sans délai les créanciers connus qui ont leur résidence habituelle, leur domicile ou leur siège dans les autres États membres.»Le litige au principal et les questions préjudicielles

11Le 21 avril 2008, le tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing (France) a mis toutes les sociétés du groupe Illochroma, en ce compris Illochroma, établie à Bruxelles (Belgique), en redressement judiciaire et a désigné Me Theetten en qualité de mandataire. Le 25 novembre 2008, ce même tribunal a mis Illochroma en liquidation judiciaire et a désigné Me Theetten en qualité de liquidateur.12Burgo Group, établie à Altavilla-Vicentina-Vicenza (Italie), est créancière d’Illochroma pour la livraison de marchandises demeurées impayées. Le 4 novembre 2008, Burgo Group a adressé à Me Theetten une déclaration de créance d’un montant de 359778,48 euros.13Par courrier du 5 novembre 2008, Me Theetten a informé Burgo Group qu’il ne pouvait pas prendre en considération cette déclaration de créance au motif de sa tardiveté.14Le 15 janvier 2009, Burgo Group a demandé l’ouverture d’une procédure secondaire à l’encontre d’Illochroma devant le tribunal de commerce de Bruxelles (Belgique). Cette demande ayant été rejetée en première instance, Burgo Group a interjeté appel devant la juridiction de renvoi, réitérant sa demande originaire.15La juridiction de renvoi fait observer à cet égard que le règlement définit l’«établissement» comme tout lieu où le débiteur exerce de façon non transitoire une activité économique avec des moyens humains et des biens, ce qui serait le cas en l’espèce. En effet, Illochroma aurait deux sièges d’exploitation en Belgique, y serait propriétaire d’un immeuble, y achèterait et y revendrait des marchandises et y emploierait du personnel.16

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En revanche, les défendeurs au principal soutiennent que, dès lors qu’Illochroma a son siège social en Belgique, elle ne peut être considérée comme un établissement au sens du règlement. En effet, les procédures secondaires seraient réservées aux établissements ne disposant pas de la personnalité juridique.17Selon la juridiction de renvoi, aux termes de la loi belge applicable en l’espèce, tout créancier, même établi en dehors de la Belgique, peut citer son débiteur en faillite devant un tribunal belge. Or, Illochroma soutiendrait que ce droit est réservé aux créanciers établis dans l’État membre de la juridiction saisie de la demande d’ouverture de la procédure secondaire, cette procédure n’ayant pour objectif que de protéger des intérêts locaux.18Enfin, la juridiction de renvoi observe que le règlement ne précise pas si la faculté ouverte aux personnes visées à son article 29 de solliciter, dans l’État membre où est situé l’établissement, l’ouverture d’une procédure secondaire, est un droit qui doit être reconnu par la juridiction compétente ou si cette dernière dispose d’une faculté d’appréciation de l’opportunité d’y faire droit, notamment en vue de protéger des intérêts locaux.19C’est dans ces conditions que la cour d’appel de Bruxelles a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:«Le règlement [...], notamment ses articles 3, 16, 27 [à] 29, doit-il être interprété en ce sens que:1)‘l’établissement’ dont il est question à l’article 3[, paragraphe] 2[,] doit s’entendre comme une succursale du débiteur à l’encontre duquel la procédure principale a été ouverte et s’oppose à ce que, dans le cadre de la mise en liquidation concomitante de plusieurs sociétés appartenant à un même groupe, celles-ci puissent faire l’objet d’une procédure secondaire dans l’État membre dans lequel elles ont leur siège social, au motif qu’elles sont dotées d’une personnalité juridique;2)la personne ou autorité habilitée à demander l’ouverture d’une procédure secondaire doit être domiciliée ou avoir son siège social sur le territoire de la juridiction de l’État membre à laquelle cette procédure est demandée ou ce droit doit-il être réservé à tous les ressortissants de l’Union, pour autant qu’ils démontrent l’existence d’un lien de droit avec l’établissement concerné, et3)dès lors que la procédure [...] principale est une procédure de liquidation, l’ouverture d’une procédure secondaire [...] d’un établissement ne peut être ordonnée que si elle répond à des critères d’opportunité laissés à l’appréciation de la juridiction de l’État membre devant laquelle la procédure secondaire est introduite?»Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

20Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 2, du règlement doit être interprété en ce sens que, dans le cadre de la mise en liquidation d’une société dans un État membre autre que celui dans lequel elle a son siège social, cette société peut également faire l’objet d’une procédure secondaire dans l’autre État membre, où elle a son siège social et où elle est dotée d’une personnalité juridique.21Burgo Group, les gouvernements allemand, grec, espagnol et polonais ainsi que la Commission européenne soutiennent que les dispositions du règlement ne s’opposent pas, dans un cas tel que celui en cause au principal, à l’ouverture d’une procédure secondaire.22En particulier, Burgo Group considère que la définition de la notion d’«établissement», figurant à l’article 2, sous h), du règlement, est claire et ne prend en compte ni la notion de «succursale» ni celle de la «personnalité juridique». En outre, le libellé de l’article 3, paragraphe 2, du règlement ne ferait pas obstacle à ce qu’une procédure secondaire soit ouverte à l’encontre d’une personne morale dont le siège social est situé sur le même territoire que l’unité d’établissement qui justifie la compétence du juge saisi de cette procédure secondaire, dès lors qu’il est établi que le centre des intérêts principaux de cette personne morale est situé dans un autre État membre.23

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Les défendeurs au principal font valoir, en revanche, qu’Illochroma ne dispose pas d’un «établissement» en Belgique. Illochroma serait une personne morale de droit belge et donc, en Belgique, seule l’ouverture d’une procédure principale à son égard aurait été possible, si une telle procédure n’avait pas déjà été ouverte en France, où se trouverait le centre des intérêts principaux de cette société.24Le gouvernement belge ajoute que la procédure principale ouverte en France l’a été à tort, le centre des intérêts principaux d’Illochroma se trouvant en Belgique.25Le gouvernement polonais, lors de l’audience, a souligné que, si l’article 3, paragraphe 2, du règlement doit être interprété en ce sens qu’il permet, dans des conditions telles que celles en cause au principal, l’ouverture d’une procédure secondaire, il convient de veiller à ce que le lieu où se trouve le centre des intérêts principaux d’une société soit déterminé strictement en fonction des critères établis par la Cour dans l’arrêt Eurofood IFSC (C-341/04, EU:C:2006:281).26À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 3, paragraphe 1, du règlement, les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure principale.27Dans ce contexte, en vertu de l’article 16, paragraphe 1, du règlement, la procédure principale ouverte dans un État membre est reconnue dans tous les États membres dès qu’elle produit ses effets dans l’État d’ouverture. Cette règle implique que les juridictions des autres États membres reconnaissent la décision ouvrant une procédure d’insolvabilité sans pouvoir contrôler l’appréciation portée par la première juridiction sur sa compétence (arrêt Bank Handlowy et Adamiak, C-116/11, EU:C:2012:739, point 41 ainsi que jurisprudence citée).28Il en découle que la décision, prise par une juridiction d’un État membre, d’ouvrir une procédure principale à l’encontre d’une société débitrice ainsi que la constatation, au moins implicite, du fait que le centre des intérêts principaux de cette société se trouve dans cet État ne sauraient en principe être remises en cause par les juridictions des autres États membres.29En ce qui concerne ce centre des intérêts principaux, l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement prévoit que, pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire. Il ressort ainsi du libellé même de cette disposition que ledit centre des intérêts principaux d’une société peut ne pas coïncider, aux fins de l’application du règlement, avec le lieu du siège statutaire de celle-ci.30En outre, il convient de rappeler que, en vertu du considérant 18 du règlement, après l’ouverture de la procédure principale, le règlement ne fait pas obstacle à la demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité dans l’État membre où le débiteur a un établissement. Ainsi, l’article 3, paragraphe 2, du règlement prévoit que, dans un tel cas, les juridictions d’un autre État membre ne sont compétentes pour ouvrir une procédure secondaire que si le débiteur possède un établissement sur le territoire de cet autre État membre.31S’agissant, dans ce contexte, de la notion d’«établissement», celle-ci est définie à l’article 2, sous h), du règlement comme «tout lieu d’opérations où le débiteur exerce de façon non transitoire une activité économique avec des moyens humains et des biens». Or, ainsi qu’il a déjà été jugé par la Cour, le fait que cette définition lie l’exercice d’une activité économique à la présence de ressources humaines démontre qu’un minimum d’organisation et une certaine stabilité sont nécessaires et qu’il s’ensuit que, a contrario, la seule présence de biens isolés ou de comptes bancaires ne répond pas, en principe, aux exigences requises pour la qualification d’«établissement» (arrêt Interedil, C-396/09, EU:C:2011:671, point 62).32En revanche, il est constant que la définition figurant à l’article 2, sous h), du règlement ne contient aucune référence au lieu du siège statutaire d’une société débitrice ou à la forme juridique que revêt le lieu d’opérations en cause. Elle n’exclut donc pas, eu égard à son libellé, qu’un établissement, aux fins de cette disposition, puisse être doté d’une personnalité juridique et se trouver dans l’État membre où cette société a ledit siège, à condition qu’il remplisse les critères prévus par cette disposition.33Une telle interprétation est également corroborée par les objectifs liés à la possibilité, prévue notamment à l’article 29, sous b), du règlement, de demander l’ouverture d’une procédure secondaire.

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34En effet, le considérant 11 du règlement énonce que, «en raison des divergences considérables entre les droits matériels, il n’est pas pratique de mettre en place une procédure d’insolvabilité unique ayant une portée universelle pour toute la Communauté», que «[l]’application sans exception du droit de l’État d’ouverture susciterait dès lors fréquemment des difficultés» et que, enfin, le règlement devrait en tenir compte, notamment, «en autorisant [...] également des procédures nationales qui ne concernent que les actifs situés dans l’État d’ouverture». Aussi, le considérant 12 du règlement précise-t-il que l’ouverture de procédures secondaires est permise, notamment, «[e]n vue de protéger les différents intérêts», le considérant 19 du règlement ajoutant que, hormis la protection des intérêts locaux, les procédures secondaires peuvent poursuivre d’«autres objectifs».35De ce fait, si la notion d’«établissement» devait être interprétée en ce sens qu’elle ne peut pas englober un lieu d’opérations d’une société débitrice, lieu qui remplit les critères expressément prévus à l’article 2, sous h), du règlement et se trouve sur le territoire de l’État membre dans lequel le siège statutaire de cette société est situé, les «intérêts locaux», dont notamment les intérêts des créanciers établis dans cet État membre, se verraient refuser la protection prévue par le règlement, sous forme de l’ouverture, dans ledit État membre, d’une procédure secondaire.36À cet égard, il y a lieu de préciser que, d’une part, si la protection des créanciers locaux, certes, n’est pas le seul objectif poursuivi par la possibilité d’ouvrir une procédure secondaire, il n’en demeure pas moins qu’une interprétation telle que celle évoquée au point précédent irait clairement à l’encontre de cet objectif essentiel du règlement, d’autant plus que, généralement, il semble probable que des intérêts «locaux» méritant la protection accordée par les dispositions du règlement se matérialisent précisément dans l’État membre dans lequel se trouve le siège statutaire de la société débitrice concernée, et ce même dans l’hypothèse où le centre des intérêts principaux de cette société se trouve dans un autre État membre.37En effet, de tels intérêts peuvent résider, notamment, dans la confiance légitime d’un créancier de pouvoir demander la réalisation d’un droit réel sur les biens du débiteur faisant partie de l’établissement concerné, ou de bénéficier de l’application d’autres droits préférentiels, selon les règles en vigueur dans l’État membre où cet établissement est situé, ces règles étant prévisibles pour le créancier au moment où il entre dans une relation commerciale avec le débiteur.38D’autre part, une interprétation telle que celle évoquée au point 35 du présent arrêt serait susceptible d’engendrer un traitement discriminatoire des créanciers établis dans l’État membre où la société débitrice a son siège social par rapport, notamment, aux créanciers établis dans d’autres États membres dans lesquels se trouvent, le cas échéant, d’autres établissements du débiteur.39Dans ces conditions, il convient de répondre à la première question que l’article 3, paragraphe 2, du règlement doit être interprété en ce sens que, dans le cadre de la mise en liquidation d’une société dans un État membre autre que celui dans lequel elle a son siège social, cette société peut également faire l’objet d’une procédure secondaire dans l’autre État membre, où elle a son siège social et où elle est dotée d’une personnalité juridique.Sur la deuxième question

40Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 29, sous b), du règlement doit être interprété en ce sens que la personne ou l’autorité habilitée à demander l’ouverture d’une procédure secondaire doit être domiciliée ou avoir son siège social dans l’État membre sur le territoire duquel cette procédure est demandée, ou bien que l’ouverture d’une telle procédure peut être demandée par tout ressortissant dont la créance trouve son origine dans l’activité de cet établissement.41Burgo Group et, en substance, les gouvernements belge et grec ainsi que la Commission soutiennent à cet égard qu’il n’est pas nécessaire, pour le créancier demandant l’ouverture d’une procédure secondaire, d’être domicilié ou d’avoir son siège social dans l’État membre de l’établissement concerné ou de justifier que sa créance trouve son origine dans l’activité de cet établissement. Ces conditions ne s’appliqueraient, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, sous b), du règlement, que dans l’hypothèse où l’ouverture d’une procédure territoriale indépendante est demandée avant l’ouverture d’une procédure principale dans un autre État membre. En revanche, après l’ouverture d’une procédure principale, les conditions pour

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l’ouverture d’une procédure secondaire seraient en principe régies par le droit national de l’État membre où se trouve l’établissement concerné.42Les défendeurs au principal, en revanche, font valoir que, selon le droit belge, une demande d’ouverture d’une procédure secondaire ne peut être introduite valablement que par un créancier domicilié ou ayant son siège en Belgique, la Cour n’étant pas compétente pour interpréter les dispositions du droit belge, seules déterminantes dans l’affaire au principal.43Selon le gouvernement allemand, il résulte notamment des objectifs poursuivis par le règlement que, si c’est le droit national qui est déterminant en ce qui concerne la question de savoir qui, outre le syndic désigné dans la procédure principale, est habilité à demander l’ouverture d’une procédure secondaire, ce droit ne peut se fonder sur le siège social ou le domicile, dans l’État membre concerné, du créancier ou de l’autorité demandant cette ouverture.44Le gouvernement espagnol ajoute que, les procédures secondaires n’ayant pas seulement pour objet de protéger les intérêts locaux, la qualité pour agir ne peut pas être limitée aux personnes ayant un lien «local».45À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 29, sous b), du règlement, hormis le syndic de la procédure principale, l’ouverture d’une procédure secondaire peut être demandée par «toute autre personne ou autorité habilitée à demander l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité en vertu de la loi de l’État membre sur le territoire duquel l’ouverture de la procédure secondaire est demandée». Il ressort donc clairement de cette disposition que le droit de demander l’ouverture d’une procédure secondaire doit être apprécié, en premier lieu, sur le fondement du droit national en cause.46Toutefois, en adoptant les dispositions nationales régissant la question de savoir quelles personnes sont autorisées à demander l’ouverture d’une procédure secondaire, les États membres sont tenus, selon une jurisprudence constante, de veiller à ce que l’effet utile du règlement, compte tenu de son objet, soit assuré (voir en ce sens, notamment, arrêt Endress, C-209/12, EU:C:2013:864, point 23 et jurisprudence citée).47Or, d’une part, comme il ressort du point 34 du présent arrêt, les dispositions du règlement concernant le droit d’un créancier de demander l’ouverture d’une procédure secondaire visent, notamment, à pallier les effets de l’application universelle du droit de l’État membre sur le territoire duquel la procédure principale est ouverte, en autorisant, sous certaines conditions, l’ouverture de procédures secondaires en vue de protéger «les différents intérêts» qui incluent des intérêts autres que les «intérêts locaux».48D’autre part, il ressort des considérants 17 et 18 ainsi que de l’article 3, paragraphes 2 et 4, du règlement que ce dernier fait une nette différence entre les procédures territoriales ouvertes avant l’ouverture d’une procédure principale et les procédures secondaires. Or, c’est seulement par rapport aux premières procédures que le droit de demander leur ouverture n’est accordé qu’aux créanciers dont le domicile, la résidence habituelle ou le siège se trouvent dans l’État membre sur le territoire duquel est situé l’établissement concerné, ou dont la créance a son origine dans l’exploitation de cet établissement (voir, en ce sens, arrêt Zaza Retail, C-112/10, EU:C:2011:743, point 30). Il en découle, a contrario, que ces limitations ne s’appliquent pas aux procédures secondaires.49Enfin, s’agissant plus précisément d’une possible limitation du droit de demander l’ouverture d’une procédure secondaire aux seuls créanciers locaux, il y a lieu de constater qu’une telle limitation comporterait une distinction fondée sur des critères qui risquent de jouer principalement au détriment des ressortissants d’autres États membres, dans la mesure où les non-résidents sont le plus souvent des non-nationaux. Or, une telle distinction constituerait une discrimination indirecte fondée sur la nationalité qui, selon une jurisprudence constante, est en principe interdite (voir, notamment, arrêt Commission/Italie, C-388/01, EU:C:2003:30, point 14 et jurisprudence citée).50Or, si le règlement, à son considérant 17, évoque une justification expresse pour le traitement préférentiel, prévu à l’article 3, paragraphe 4, sous b), du règlement, des créanciers domiciliés ou ayant leur siège social dans l’État membre sur le territoire duquel est situé l’établissement concerné, et des créanciers dont la créance a son origine dans l’exploitation de cet établissement, en ce qui concerne l’ouverture d’une procédure territoriale avant l’ouverture d’une procédure principale, justification qui tient au souci de limiter l’ouverture de procédures territoriales indépendantes avant la procédure principale au strict

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minimum, une telle justification n’est pas avancée ni saurait, sur le fondement des dispositions du règlement, être retenue en ce qui concerne les procédures secondaires.51Au vu de tout ce qui précède, il convient de répondre à la deuxième question que l’article 29, sous b), du règlement doit être interprété en ce sens que la question de savoir quelle personne ou autorité est habilitée à demander l’ouverture d’une procédure secondaire doit être appréciée sur le fondement du droit national de l’État membre sur le territoire duquel l’ouverture de cette procédure est demandée. Le droit de demander l’ouverture d’une procédure secondaire ne peut toutefois pas être limité aux seuls créanciers domiciliés ou ayant leur siège social dans l’État membre sur le territoire duquel est situé l’établissement concerné ou aux seuls créanciers dont la créance a son origine dans l’exploitation de cet établissement.Sur la troisième question

52Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’ouverture d’une procédure secondaire à l’encontre d’un établissement, dès lors que la procédure principale est une procédure de liquidation, doit être limitée par des critères d’opportunité laissés à l’appréciation de la juridiction de l’État membre devant laquelle la procédure secondaire est introduite.53Burgo Group fait valoir que le droit, et non pas la simple faculté, de demander l’ouverture d’une procédure secondaire est un correctif au principe d’universalité de la faillite consacré par le règlement et celui-ci ne prévoit pas l’examen, par la juridiction saisie d’une demande tendant à l’ouverture d’une procédure secondaire, de motifs d’opportunité.54Les défendeurs au principal, en revanche, soutiennent que l’ouverture d’une procédure secondaire est une simple faculté offerte aux juridictions et le demandeur en faillite doit justifier d’un intérêt à l’ouverture de cette procédure ainsi que démontrer que l’ouverture de ladite procédure lui permet d’invoquer un meilleur rang ou un autre droit préférentiel.55Le gouvernement belge rappelle le large pouvoir d’appréciation, en ce qui concerne l’ouverture d’une procédure secondaire, dont jouit la juridiction saisie de la demande d’ouverture conformément à l’article 29 du règlement.56Les gouvernements allemand et grec se rallient, en substance, à la position prise par Burgo Group. L’économie et les objectifs des dispositions du règlement militeraient en faveur d’une interprétation selon laquelle la juridiction concernée ne peut pas examiner des questions d’opportunité dans ce contexte. Ne serait pas déterminant, à cet égard, le point de savoir si la procédure principale déjà ouverte est une procédure de liquidation ou de redressement.57Le gouvernement espagnol souligne que, contrairement à ce qui était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Bank Handlowy et Adamiak (EU:C:2012:739, point 63), la procédure principale en cause dans la présente affaire est une procédure de liquidation. En outre, dans cet arrêt, la Cour se serait référée non pas à la faculté d’ouvrir ou non la procédure secondaire, mais seulement à la fonction du juge, une fois ouverte la procédure secondaire.58La Commission infère de l’arrêt Bank Handlowy et Adamiak (EU:C:2012:739) que le règlement n’oblige pas à ouvrir une procédure secondaire, mais prévoit seulement la faculté de le faire. Dans l’hypothèse où le créancier demandant l’ouverture de la procédure secondaire n’a pas respecté le délai pour présenter sa créance à la procédure principale, son intérêt à la présenter dans la procédure secondaire ne pourrait être admis que lorsqu’il n’a pas été dûment informé, en conformité avec l’article 40 du règlement, de l’ouverture de la procédure principale.59Afin de répondre à la troisième question, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, en vertu de l’article 27 du règlement, l’ouverture de la procédure principale permet d’ouvrir, dans un autre État membre, dont une juridiction serait compétente en vertu de l’article 3, paragraphe 2, du règlement, une procédure secondaire. Comme il ressort de la jurisprudence de la Cour, l’ouverture d’une telle procédure est possible tant au cas où la procédure principale poursuivrait une finalité protectrice que, a fortiori, au cas où cette dernière procédure est une procédure de liquidation (voir, en ce sens, arrêt Bank Handlowy et Adamiak, EU:C:2012:739, point 63).

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60Par ailleurs, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 28 du règlement, sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à la procédure secondaire est celle de l’État membre sur le territoire duquel la procédure secondaire est ouverte.61À cet égard, il convient de souligner également que le considérant 12 et l’article 27 du règlement se limitent à permettre l’ouverture d’une procédure secondaire, sur demande des personnes visées à l’article 29 du règlement, sans toutefois conférer expressément aux juridictions compétentes, indépendamment du droit national applicable, un pouvoir d’appréciation quant à la prise en compte d’éléments d’opportunité dans ce contexte.62En outre, si le règlement, dans son chapitre III, intitulé «Procédures secondaires d’insolvabilité», contient, certes, une série de dispositions portant, notamment, sur la coopération entre les syndics désignés respectivement dans la procédure principale et la ou les procédures secondaires pendantes, il ne contient pas la moindre indication en ce qui concerne les possibles critères d’«opportunité» dont la juridiction saisie d’une demande visant à l’ouverture d’une procédure secondaire devrait tenir compte.63Il en découle que, en principe, pour autant que le règlement ne contient pas de disposition imposant ou interdisant, dans certaines conditions, à la juridiction saisie d’ouvrir une procédure secondaire, la question de savoir si cette juridiction jouit d’un pouvoir d’appréciation à cet égard, lui permettant notamment de tenir compte d’éléments d’opportunité, relève du droit national de l’État membre sur le territoire duquel l’ouverture de cette procédure est demandée.64Toutefois, il y a lieu de rappeler dans ce contexte, premièrement, que les États membres, quand ils fixent les conditions pour l’ouverture d’une procédure secondaire, doivent respecter le droit de l’Union et, notamment, les principes généraux de celui-ci ainsi que les dispositions du règlement (voir, en ce sens, arrêt Deutsche Lufthansa, C-109/09, EU:C:2011:129, point 37 et jurisprudence citée). Les États membres ne sauraient donc, notamment, prévoir des conditions pour l’ouverture d’une procédure secondaire qui différencieraient, en violation du principe de non-discrimination, les créanciers demandant l’ouverture de cette procédure en fonction de leur domicile ou de leur siège statutaire.65Deuxièmement, le juge saisi d’une demande tendant à l’ouverture d’une procédure secondaire doit tenir compte, en appliquant son droit national, des objectifs poursuivis par la possibilité d’ouvrir une telle procédure, comme ils ont été rappelés au point 34 du présent arrêt.66Troisièmement, il convient de souligner que, après l’ouverture d’une procédure secondaire, la juridiction ayant ouvert cette procédure doit prendre en considération les objectifs de la procédure principale et tenir compte de l’économie du règlement dans le respect du principe de coopération loyale (arrêt Bank Handlowy et Adamiak, EU:C:2012:739, point 63).67Au vu de tout ce qui précède, il convient de répondre à la troisième question que le règlement doit être interprété en ce sens que, dès lors que la procédure principale est une procédure de liquidation, la prise en compte de critères d’opportunité par la juridiction saisie d’une demande tendant à l’ouverture d’une procédure secondaire relève du droit national de l’État membre sur le territoire duquel l’ouverture de cette procédure est demandée. Les États membres, quand ils fixent les conditions pour l’ouverture d’une telle procédure, doivent toutefois respecter le droit de l’Union et, notamment, les principes généraux de celui-ci ainsi que les dispositions du règlement.Sur les dépens

68La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit: 1)L’article 3, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que, dans le cadre de la mise en liquidation

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d’une société dans un État membre autre que celui dans lequel elle a son siège social, cette société peut également faire l’objet d’une procédure secondaire d’insolvabilité dans l’autre État membre, où elle a son siège social et où elle est dotée d’une personnalité juridique. 2)L’article 29, sous b), du règlement no 1346/2000 doit être interprété en ce sens que la question de savoir quelle personne ou autorité est habilitée à demander l’ouverture d’une procédure secondaire d’insolvabilité doit être appréciée sur le fondement du droit national de l’État membre sur le territoire duquel l’ouverture de cette procédure est demandée. Le droit de demander l’ouverture d’une procédure secondaire d’insolvabilité ne peut toutefois pas être limité aux seuls créanciers domiciliés ou ayant leur siège social dans l’État membre sur le territoire duquel est situé l’établissement concerné ou aux seuls créanciers dont la créance a son origine dans l’exploitation de cet établissement. 3)Le règlement no 1346/2000 doit être interprété en ce sens que, dès lors que la procédure principale d’insolvabilité est une procédure de liquidation, la prise en compte de critères d’opportunité par la juridiction saisie d’une demande tendant à l’ouverture d’une procédure secondaire d’insolvabilité relève du droit national de l’État membre sur le territoire duquel l’ouverture de cette procédure est demandée. Les États membres, quand ils fixent les conditions pour l’ouverture d’une telle procédure, doivent toutefois respecter le droit de l’Union et, notamment, les principes généraux de celui-ci ainsi que les dispositions du règlement no 1346/2000.

7. CJUE NORTEL NETWORKS, 11 juin 2015, aff. C-649/13

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2, sous g), 3, paragraphe 2, et 27 du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité (JO L 160, p. 1).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre, d’une part, d’un litige opposant le comité d’entreprise de Nortel Networks SA (ci-après «NNSA») e.a. à Me Rogeau, agissant en qualité de liquidateur judiciaire dans la procédure secondaire d’insolvabilité ouverte en France contre NNSA (ci-après la «procédure secondaire»), au sujet d’une action tendant, notamment, au versement d’une indemnité d’aide au départ et, d’autre part, d’un litige opposant Me Rogeau, agissant en qualité de liquidateur judiciaire dans la procédure secondaire, à MM. Bloom, Hudson, Harris et Wilkinson Hill, agissant en qualité de syndics conjoints («joint administrators», ci-après les «cosyndics») dans la procédure principale d’insolvabilité ouverte au Royaume-Uni contre NNSA (ci-après la «procédure principale»), ayant pour objet une action en intervention forcée.

Le cadre juridique

Le règlement n° 1346/2000

3 Les considérants 6 et 23 du règlement n° 1346/2000 énoncent:

«(6) Conformément au principe de proportionnalité, le présent règlement devrait se limiter à des dispositions qui règlent la compétence pour l’ouverture de procédures d’insolvabilité et la prise des décisions qui dérivent directement de la procédure d’insolvabilité et qui s’y insèrent étroitement. Le présent règlement devrait, en outre, contenir des dispositions relatives à la reconnaissance de ces décisions et au droit applicable, qui satisfont également à ce principe.

[...]

(23) Le présent règlement, dans les matières visées par celui-ci, devrait établir des règles de conflit de lois uniformes qui remplacent – dans le cadre de leur champ d’application – les règles nationales du droit international privé; sauf disposition contraire, la loi de l’État membre d’ouverture de la procédure devrait être applicable (lex concursus). Cette règle de conflit de lois devrait s’appliquer tant à la procédure principale qu’aux procédures locales. La lex concursus détermine tous les effets de la procédure d’insolvabilité, qu’ils soient procéduraux ou substantiels, sur les personnes et les rapports juridiques

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concernés. Cette loi régit toutes les conditions de l’ouverture, du déroulement et de la clôture de la procédure d’insolvabilité.»

4 L’article 2 du règlement n° 1346/2000, intitulé «Définitions», prévoit:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

[...]

g) ‘État membre dans lequel se trouve un bien’:

– pour les biens corporels, l’État membre sur le territoire duquel le bien est situé,

– pour les biens et les droits que le propriétaire ou le titulaire doit faire inscrire dans un registre public, l’État membre sous l’autorité duquel ce registre est tenu,

– pour les créances, l’État membre sur le territoire duquel se trouve le centre des intérêts principaux du tiers débiteur, tel qu’il est déterminé à l’article [3], paragraphe 1;

[...]»

5 Aux termes de l’article 3 du règlement, intitulé «Compétence internationale»:

«1. Les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d’insolvabilité. Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire.

2. Lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur est situé sur le territoire d’un État membre, les juridictions d’un autre État membre ne sont compétentes pour ouvrir une procédure d’insolvabilité à l’égard de ce débiteur que si celui-ci possède un établissement sur le territoire de cet autre État membre. Les effets de cette procédure sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce dernier territoire.

[...]»

6 L’article 25 dudit règlement, intitulé «Reconnaissance et caractère exécutoire d’autres décisions», dispose:

«1. Les décisions relatives au déroulement et à la clôture d’une procédure d’insolvabilité rendues par une juridiction dont la décision d’ouverture est reconnue [...] ainsi qu’un concordat approuvé par une telle juridiction sont reconnus également sans aucune autre formalité. Ces décisions sont exécutées conformément aux articles 31 à 51 (à l’exception de l’article 34, paragraphe 2) de la convention [du 27 septembre 1968] concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale [(JO 1972, L 299, p. 32), telle que modifiée par les conventions successives relatives à l’adhésion des nouveaux États membres à cette convention].

Le premier alinéa s’applique également aux décisions qui dérivent directement de la procédure d’insolvabilité et qui s’y insèrent étroitement, même si elles sont rendues par une autre juridiction.

[...]

2. La reconnaissance et l’exécution des décisions autres que celles visées au paragraphe 1 sont régies par la convention visée au paragraphe 1, pour autant que cette convention soit applicable.

[...]»

7 L’article 27 du règlement n° 1346/2000, intitulé «Ouverture», prévoit:

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«La procédure visée à l’article 3, paragraphe 1, qui est ouverte par une juridiction d’un État membre et reconnue dans un autre État membre (procédure principale) permet d’ouvrir, dans cet autre État membre, dont une juridiction serait compétente en vertu de l’article 3, paragraphe 2, une procédure secondaire d’insolvabilité [...]Ses effets sont limités aux biens du débiteur situés sur le territoire de cet autre État membre.»

Le règlement (CE) n° 44/2001

8 L’article 1er du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1), définit le champ d’application de ce dernier dans ces termes:

«1. Le présent règlement s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne recouvre notamment pas les matières fiscales, douanières ou administratives.

2. Sont exclus de son application:

[...]

b) les faillites, concordats et autres procédures analogues;

[...]»

Les litiges au principal et la question préjudicielle

9 Le groupe Nortel était fournisseur de solutions techniques destinées aux réseaux de télécommunication. Nortel Networks Limited (ci-après «NNL»), établie à Mississauga (Canada), détenait la plupart des filiales du groupe Nortel dans le monde, dont NNSA, établie dans les Yvelines (France).

10 La quasi-totalité de la propriété intellectuelle issue de l’activité de recherche et de développement des filiales spécialisées du groupe Nortel était enregistrée, principalement en Amérique du Nord, au nom de NNL qui octroyait à ces filiales, dont NNSA, des licences exclusives gratuites pour l’exploitation de la propriété intellectuelle de ce groupe. Lesdites filiales devaient également conserver la propriété économique («beneficial ownership») sur cette propriété intellectuelle, à hauteur de leurs contributions respectives. Une convention intragroupe, dénommée «Master R&D Agreement» (ci-après l’«accord MRDA»), organisait les rapports juridiques entre NNL et les mêmes filiales.

11 Le groupe Nortel étant confronté, au cours de l’année 2008, à de graves difficultés financières, ses dirigeants ont décidé de déclencher l’ouverture simultanée de procédures d’insolvabilité au Canada, aux États-Unis et dans l’Union européenne. Par la décision du 14 janvier 2009, la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Royaume-Uni), a ouvert une procédure principale d’insolvabilité de droit anglais contre l’ensemble des sociétés du groupe Nortel établies dans l’Union, dont NNSA, en application de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000.

12 Sur requête conjointe déposée par NNSA et les co-syndics, la juridiction de renvoi a, par jugement du 28 mai 2009, ouvert la procédure secondaire contre NNSA et désigné Me Rogeau comme liquidateur judiciaire dans cette procédure.

13 Le 21 juillet 2009, un protocole d’accord de fin de conflit a mis un terme à un conflit social au sein de NNSA (ci-après le «protocole de fin de conflit»). Cet accord prévoyait le paiement d’une indemnité d’aide au départ dont une partie était payable immédiatement et une autre, dénommée «indemnité d’aide au départ différée» (ci-après l’«IAD différée»), devait être payée, une fois l’exploitation arrêtée, sur les fonds disponibles provenant de la vente des actifs, après paiement des coûts occasionnés par la poursuite de l’activité de NNSA au cours des procédures principale et secondaire ainsi que des frais de gestion («administration expenses»).

14 Le 1er juillet 2009, un protocole de coordination des procédures principale et secondaire a été signé par les organes des deux procédures (ci-après le «protocole de coordination»), aux termes duquel, notamment, les frais de gestion devaient être payés en totalité, par priorité, quel que fût le lieu de

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situation des actifs vendus. Par jugement du 24 septembre 2009, la juridiction de renvoi a homologué, notamment, les protocoles de coordination et de fin de conflit.

15 Afin d’assurer une meilleure valorisation des actifs du groupe Nortel, les syndics des différentes procédures d’insolvabilité ouvertes dans le monde ont convenu de vendre ces actifs de façon globale, par branches d’activité. Selon un accord intitulé «Interim Funding and Settlement Agreement» (ci-après l’«accord IFSA»), conclu le 9 juin 2009 entre NNL et plusieurs filiales du groupe Nortel, ces filiales renonceraient en temps utile à leurs droits de propriété industrielle et intellectuelle couverts par l’accord MRDA. En revanche, les droits de licence dont les filiales bénéficiaient seraient maintenus jusqu’au terme des opérations de liquidation et de cession, et les droits desdites filiales en tant que propriétaires économiques de la propriété intellectuelle concernée seraient maintenus.

16 En vertu de l’accord IFSA, les produits des cessions d’actifs du groupe Nortel seraient placés sur des comptes séquestres, dits «lockbox» (ci-après la «lockbox»), auprès d’établissements de crédit établis aux États-Unis et aucune distribution des sommes versées dans la «lockbox» ne pourrait intervenir en l’absence d’un accord conclu par l’ensemble des entités concernées de ce groupe. NNSA est devenue partie à l’accord IFSA au moyen d’un accord d’accession conclu le 11 septembre 2009. Les produits des cessions ont été séquestrés comme il avait été prévu par l’accord IFSA, sans toutefois qu’un accord sur leur répartition soit encore intervenu.

17 Le 23 novembre 2010, un rapport établi par Me Rogeau dans le cadre de la procédure secondaire faisait état d’un avoir de 38 980 313 euros sur les comptes bancaires de NNSA au 30 septembre 2010, permettant d’envisager, à compter du mois de mai 2011, un premier paiement de l’IAD différée. Cependant, après une mise en demeure par le comité d’entreprise de NNSA, Me Rogeau lui a indiqué, par courrier du 18 mai 2011, qu’il était dans l’impossibilité d’appliquer les termes du protocole de fin de conflit, une prévision de trésorerie faisant apparaître un montant négatif de près de 6 millions d’euros, notamment du fait de plusieurs demandes de paiement de la part des cosyndics, au titre, notamment, des frais occasionnés par la poursuite des activités du groupe Nortel pendant la procédure ainsi que par la cession de certains actifs.

18 Contestant cet état de fait, le comité d’entreprise de NNSA et des anciens salariés de NNSA ont introduit un recours devant le tribunal de commerce de Versailles (France), tendant, d’une part, à la constatation que la procédure secondaire leur permet de disposer d’un droit exclusif et direct sur la quote-part du prix de cession global des actifs du groupe Nortel revenant à NNSA, et, d’autre part, à la condamnation de Me Rogeau, en sa qualité de liquidateur judiciaire, à procéder immédiatement au paiement, notamment, de l’IAD différée à hauteur des sommes disponibles de NNSA.

19 Par la suite, Me Rogeau a assigné les cosyndics en intervention forcée devant la juridiction de renvoi. Ces derniers ont toutefois demandé au tribunal de commerce de Versailles, notamment, de se déclarer internationalement incompétent au profit de la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division. À titre subsidiaire, les cosyndics ont demandé à la juridiction de renvoi, notamment, de se déclarer incompétente pour statuer sur les biens et les droits qui n’étaient pas situés en France, au sens de l’article 2, sous g), du règlement n° 1346/2000, à la date de l’adoption de la décision d’ouverture de la procédure secondaire.

20 La juridiction de renvoi expose que, pour statuer sur les demandes dont elle a été saisie, elle devra, tout d’abord, statuer sur sa compétence pour déterminer le périmètre des effets de la procédure secondaire. Elle estime, également, qu’elle sera amenée à déterminer si les effets d’une procédure secondaire peuvent s’étendre aux biens du débiteur situés hors de l’Union.

21 Dans ces conditions, le tribunal de commerce de Versailles a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«La juridiction de l’État d’ouverture d’une procédure secondaire est-elle compétente, exclusivement ou alternativement avec la juridiction de l’État d’ouverture de la procédure principale, pour statuer sur la détermination des biens du débiteur entrant dans le périmètre des effets de la procédure secondaire en application des articles 2, sous g), 3, paragraphe 2, et 27 du règlement n° 1346/2000, et, dans le cas d’une compétence exclusive ou alternative, le droit applicable est-il celui de la procédure principale ou celui de la procédure secondaire?»

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Page 283: lewebpedagogique.comlewebpedagogique.com/aline2603/files/2017/01/FASCI… · Web viewEn conséquence, ils sont tenus de prendre en compte l' équivalence des diplômes (voir arrêt

Sur la question préjudicielle

22 La question posée se subdivise en deux parties qu’il convient d’examiner séparément. Ainsi, la première partie de la question porte sur la répartition de la compétence juridictionnelle entre le juge de la procédure principale et celui de la procédure secondaire, tandis que la seconde partie vise à identifier le droit applicable à la détermination des biens du débiteur entrant dans le périmètre des effets de la procédure secondaire.

Sur la première partie de la question

23 Par la première partie de sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 3, paragraphe 2, et 27 du règlement n° 1346/2000 doivent être interprétés en ce sens que les juridictions de l’État membre d’ouverture d’une procédure secondaire d’insolvabilité sont compétentes, exclusivement ou alternativement avec les juridictions de l’État membre d’ouverture de la procédure principale d’insolvabilité, pour statuer sur la détermination des biens du débiteur entrant dans le périmètre des effets de cette procédure secondaire.

24 À cet égard, bien que la question porte uniquement sur le règlement n° 1346/2000, il conviendra néanmoins d’identifier, tout d’abord, si la compétence de la juridiction de renvoi dans ce contexte est régie par ce règlement ou par le règlement n° 44/2001. Ensuite, il conviendra de vérifier si, sur le fondement des dispositions du règlement applicable, la compétence de cette juridiction est établie dans un cas tel que celui en cause au principal. Enfin, sera examinée la question de savoir si une telle compétence doit être considérée comme ayant un caractère exclusif ou alternatif.

Sur l’applicabilité des règlements nos 1346/2000 et 44/2001

25 Il convient de rappeler que les litiges au principal s’inscrivent dans le cadre de l’application d’une multiplicité d’accords conclus par ou entre les parties au principal, dont, notamment, les accords IFSA et MRDA ainsi que les protocoles de coordination et de fin de conflit. Dans le cadre d’un litige portant sur l’interprétation d’un ou de plusieurs de ces accords, la compétence pour statuer sur ce litige peut être régie par les dispositions du règlement n° 44/2001, même si ledit litige oppose les liquidateurs de deux procédures d’insolvabilité, l’une principale et l’autre secondaire, qui relèvent chacune du règlement n° 1346/2000.

26 À cet égard, la Cour a déjà jugé que les règlements nos 44/2001 et 1346/2000 doivent être interprétés de manière à éviter tout chevauchement entre les règles de droit que ces textes énoncent ainsi que tout vide juridique. Ainsi, les actions exclues, au titre de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 44/2001, du champ d’application de ce dernier, en tant qu’elles relèvent des «faillites, concordats et autres procédures analogues», entrent dans le champ d’application du règlement n° 1346/2000. Symétriquement, les actions qui n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000 relèvent du champ d’application du règlement n° 44/2001 (arrêt Nickel & Goeldner Spedition, C-157/13, EU:C:2014:2145, point 21 et jurisprudence citée).

27 La Cour a également jugé que le champ d’application du règlement n° 1346/2000 ne doit pas faire l’objet d’une interprétation large et que seules les actions qui dérivent directement d’une procédure d’insolvabilité et qui s’y insèrent étroitement (ci-après les «actions annexes») sont exclues du champ d’application du règlement n° 44/2001. Par voie de conséquence, seules ces actions entrent dans le champ d’application du règlement n° 1346/2000 (voir arrêt Nickel & Goeldner Spedition, C-157/13, EU:C:2014:2145, points 22 et 23 ainsi que jurisprudence citée).

28 Enfin, la Cour a retenu comme critère déterminant pour identifier le domaine dont relève une action non pas le contexte procédural dans lequel s’inscrit cette action, mais le fondement juridique de cette dernière. Selon cette approche, il convient de rechercher si le droit ou l’obligation qui sert de base à l’action trouve sa source dans les règles communes du droit civil et commercial ou dans des règles dérogatoires, spécifiques aux procédures d’insolvabilité (arrêt Nickel & Goeldner Spedition, C-157/13, EU:C:2014:2145, point 27).

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29 En l’occurrence, s’il incombe à la juridiction de renvoi d’apprécier le contenu des divers accords conclus par les parties au principal, il apparaît néanmoins que les droits ou les obligations sur lesquels sont fondées les actions au principal dérivent directement d’une procédure d’insolvabilité, s’y insèrent étroitement et trouvent leur source dans des règles spécifiques aux procédures d’insolvabilité.

30 En effet, la solution des litiges au principal dépend, notamment, de la répartition du produit de la vente des actifs de NNSA entre la procédure principale et la procédure secondaire. Comme il apparaît résulter du protocole de coordination, et ainsi que les parties au principal l’ont confirmé lors de l’audience, cette répartition devra s’effectuer, en substance, en appliquant les dispositions du règlement n° 1346/2000, sans que ledit protocole ou les autres accords en cause au principal tendent à en modifier le contenu. Les droits ou les obligations sur lesquels sont fondées les actions au principal trouvent donc leur source dans les articles 3, paragraphe 2, et 27 du règlement n° 1346/2000, si bien que ce règlement trouve à s’appliquer.

Sur les règles de compétence prévues par le règlement n° 1346/2000

31 En ce qui concerne la compétence de la juridiction ayant ouvert une procédure secondaire d’insolvabilité, pour statuer sur la détermination des biens du débiteur entrant dans le périmètre des effets de cette procédure, il est de jurisprudence constante que l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000 doit être interprété en ce sens qu’il attribue une compétence internationale à l’État membre sur le territoire duquel a été ouverte la procédure d’insolvabilité pour connaître des actions annexes (voir, notamment, arrêt F-Tex, C-213/10, EU:C:2012:215, point 27 et jurisprudence citée).

32 Si la Cour, jusqu’à présent, n’a reconnu que la compétence internationale pour statuer sur une action annexe de l’État membre dont les juridictions sont compétentes en vertu de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000, une interprétation analogue de l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1346/2000 s’impose.

33 En effet, eu égard à l’économie et à l’effet utile du règlement n° 1346/2000, l’article 3, paragraphe 2, de ce règlement doit être considéré comme attribuant aux juridictions de l’État membre sur le territoire duquel une procédure secondaire d’insolvabilité a été ouverte une compétence internationale pour connaître des actions annexes, dans la mesure où ces actions portent sur les biens du débiteur qui se trouvent sur le territoire de ce dernier État.

34 D’une part, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 32 de ses conclusions, l’article 25, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1346/2000 prévoit une obligation pour les États membres de reconnaître et d’exécuter les décisions relatives au déroulement et à la clôture d’une procédure d’insolvabilité rendues tant par les juridictions compétentes en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement que par celles dont la compétence se fonde sur le paragraphe 2 de cet article 3, alors que l’article 25, paragraphe 1, deuxième alinéa, dudit règlement précise que le premier alinéa de cette dernière disposition s’applique également aux «décisions qui dérivent directement de la procédure d’insolvabilité et qui s’y insèrent étroitement», à savoir aux décisions statuant, notamment, sur une action annexe.

35 Or, en prévoyant une obligation de reconnaissance des décisions «annexes» adoptées par les juridictions compétentes en vertu de l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1346/2000, ce règlement apparaît attribuer, au moins implicitement, à ces dernières juridictions la compétence pour adopter ces décisions.

36 D’autre part, il convient de rappeler que l’un des objectifs essentiels poursuivis par la possibilité, prévue à l’article 27 du règlement n° 1346/2000, d’ouvrir une procédure secondaire d’insolvabilité consiste, notamment, dans la protection des intérêts locaux, nonobstant le fait que cette procédure peut également poursuivre d’autres objectifs (voir, en ce sens, arrêt Burgo Group, C-327/13, EU:C:2014:2158, point 36).

37 Or, une action annexe, telle que celle en cause au principal, tendant à faire constater que des biens déterminés relèvent d’une procédure secondaire d’insolvabilité, vise précisément à protéger ces intérêts. Cette protection et, partant, l’effet utile, notamment, de l’article 27 de ce règlement seraient sensiblement

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affaiblis si cette action annexe ne pouvait pas être introduite devant les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel la procédure secondaire a été ouverte.

38 Il y a lieu, dès lors, de conclure que les juridictions de l’ État membre d’ouverture d’une procédure secondaire d’insolvabilité sont compétentes, sur le fondement de l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1346/2000, pour statuer sur la détermination des biens du débiteur entrant dans le périmètre des effets de cette procédure.

Sur le caractère exclusif ou alternatif de la compétence internationale pour statuer sur la détermination des biens du débiteur entrant dans le périmètre des effets d’une procédure secondaire d’insolvabilité

39 S’agissant, enfin, de la question de savoir si la compétence des juridictions de l’État membre d’ouverture d’une procédure secondaire d’insolvabilité, pour statuer sur la détermination des biens du débiteur entrant dans le périmètre des effets de cette procédure, a un caractère exclusif ou alternatif, il convient de rappeler que la jurisprudence de la Cour reconnaissant la compétence des juridictions, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000, pour statuer sur les actions annexes est principalement fondée sur l’effet utile de ce règlement (voir, en ce sens, arrêts Seagon, C-339/07, EU:C:2009:83, point 21, et F-Tex, C-213/10, EU:C:2012:215, point 27). Tel qu’il ressort du point 37 du présent arrêt, il en va de même en ce qui concerne la compétence analogue des juridictions compétentes sur le fondement du paragraphe 2 de cet article 3.

40 Par conséquent, afin de déterminer le caractère exclusif ou alternatif de la compétence internationale pour statuer sur les actions annexes, et donc la portée de chacun des paragraphes 1 et 2 dudit article 3, il y a lieu, également, d’assurer l’effet utile de ces dispositions.

41 Ainsi, s’agissant d’une action visant à faire constater que certains biens du débiteur entrent dans le périmètre des effets de la procédure secondaire d’insolvabilité, telle que les actions en cause au principal, force est de constater que celle-ci a, à l’évidence, une incidence directe sur les intérêts administrés dans le cadre de la procédure principale d’insolvabilité, dès lors que la constatation demandée impliquerait nécessairement que les biens en cause ne relèvent pas de la procédure principale. Toutefois, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 57 de ses conclusions, les juridictions de l’État membre d’ouverture de la procédure principale sont, elles aussi, compétentes pour statuer sur les actions annexes et donc pour déterminer le périmètre des effets de cette dernière procédure.

42 Dans ces conditions, une compétence exclusive des juridictions de l’État membre d’ouverture d’une procédure secondaire d’insolvabilité, pour statuer sur la détermination des biens du débiteur entrant dans le périmètre des effets de cette procédure, priverait l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000, pour autant que cette disposition prévoit une compétence internationale pour statuer sur les actions annexes, de son effet utile et, partant, ne saurait être retenue.

43 Par ailleurs, il ne ressort pas des dispositions du règlement n° 1346/2000 que celui-ci attribue à la juridiction saisie en premier lieu la compétence pour statuer sur une action annexe. Contrairement à ce qu’a fait valoir le comité d’entreprise de NNSA, une telle attribution ne découle pas non plus de l’arrêt Staubitz-Schreiber (C-1/04, EU:C:2006:39) qui porte sur un cas différent, à savoir sur celui de l’attribution de la compétence pour ouvrir une procédure principale d’insolvabilité, et donc sur l’attribution d’une compétence qui, en vertu des dispositions de ce règlement, est exclusive.

44 Certes, comme l’ont fait valoir plusieurs intéressés, la reconnaissance, dans ce contexte, d’une compétence juridictionnelle «alternative» implique le risque de décisions concurrentes et, potentiellement, inconciliables.

45 Toutefois, ainsi que l’a observé M. l’avocat général au point 60 de ses conclusions, l’article 25, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000 permettra d’éviter le risque de décisions inconciliables, en imposant à toute juridiction saisie d’une action annexe, telles celles en cause au principal, de reconnaître une décision antérieure adoptée par une autre juridiction compétente en vertu de l’article 3, paragraphe 1 ou, le cas échéant, paragraphe 2, de ce règlement.

46 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première partie de la question posée que les articles 3, paragraphe 2, et 27 du règlement n° 1346/2000 doivent être

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interprétés en ce sens que les juridictions de l’État membre d’ouverture d’une procédure secondaire d’insolvabilité sont compétentes, alternativement avec les juridictions de l’État membre d’ouverture de la procédure principale, pour statuer sur la détermination des biens du débiteur entrant dans le périmètre des effets de cette procédure secondaire.

Sur la seconde partie de la question

47 Par la seconde partie de sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, quel droit est applicable à la détermination des biens du débiteur entrant dans le périmètre des effets d’une procédure secondaire d’insolvabilité.

48 À cet égard, il convient de rappeler, d’une part, que les effets d’une procédure secondaire d’insolvabilité sont limités, ainsi qu’il découle des articles 3, paragraphe 2, et 27 du règlement n° 1346/2000, aux biens du débiteur qui se trouvaient, à la date de l’ouverture de la procédure d’insolvabilité, sur le territoire de l’État membre d’ouverture de la procédure secondaire.

49 D’autre part, il ressort des considérants 6 et 23 du règlement n° 1346/2000, premièrement, que ce règlement établit des règles de conflit de lois uniformes qui remplacent les règles nationales du droit international privé et, deuxièmement, que ce remplacement se limite, conformément au principe de proportionnalité, au champ d’application des règles prévues par ce règlement. Ainsi, ledit règlement n’exclut pas, en principe, toute application, dans le cadre d’une action annexe, telles celles en cause au principal, de la législation de l’État membre dont relève la juridiction devant laquelle cette action annexe est pendante, portant sur le droit international privé de cet État, dans la mesure où le règlement n° 1346/2000 ne contient pas de règle uniforme régissant la situation en cause.

50 Toutefois, s’agissant de la question de savoir si, aux fins de l’application du règlement n° 1346/2000, un bien doit être considéré comme s’étant trouvé sur le territoire d’un État membre à la date de l’ouverture de la procédure d’insolvabilité, il y a lieu de constater que ce règlement prévoit effectivement des règles uniformes, excluant, dans cette mesure, tout recours au droit national.

51 En effet, il ressort de l’article 2, sous g), du règlement n° 1346/2000 que, aux fins de ce règlement, l’«État membre dans lequel se trouve un bien» est, pour les biens corporels, l’État membre sur le territoire duquel le bien est situé, pour les biens et les droits que le propriétaire ou le titulaire doit faire inscrire dans un registre public, l’État membre sous l’autorité duquel ce registre est tenu, et, enfin, pour les créances, l’État membre sur le territoire duquel se trouve le centre des intérêts principaux du tiers débiteur, tel qu’il est déterminé à l’article 3, paragraphe 1, dudit règlement. Malgré la complexité de la situation juridique en cause au principal, cette règle doit permettre à la juridiction de renvoi de localiser les biens, les droits ou les créances concernés.

52 Il convient d’ajouter à cet égard que, bien que l’article 2, sous g), du règlement n° 1346/2000 ne fasse expressément référence qu’aux biens, aux droits et aux créances situés dans un État membre, il ne saurait en être déduit que cette disposition n’est pas applicable dans l’hypothèse où le bien, le droit ou la créance en question doivent être considérés comme étant situés dans un État tiers.

53 En effet, pour identifier les biens relevant d’une procédure secondaire d’insolvabilité, il suffit de vérifier si, à la date de l’ouverture de la procédure d’insolvabilité, ceux-ci se trouvaient, au sens de l’article 2, sous g), du règlement n° 1346/2000, sur le territoire de l’État membre dans lequel cette procédure a été ouverte, sans que la question de savoir, le cas échéant, dans quel autre État se sont trouvés ces biens à un stade ultérieur ait une incidence à cet égard.

54 Par conséquent, s’agissant des litiges au principal, il incombera à la juridiction de renvoi de vérifier, d’abord, si les biens en cause, qui n’apparaissent pas pouvoir être considérés comme des biens corporels, constituent des biens ou des droits que le propriétaire ou le titulaire doit faire inscrire dans un registre public, ou s’ils doivent être considérés comme étant des créances. Ensuite, il incombera à la même juridiction de déterminer, respectivement, si l’État membre sous l’autorité duquel ce registre est tenu est celui de l’ouverture de la procédure secondaire d’insolvabilité, en l’occurrence la République française, ou si, le cas échéant, l’État membre sur le territoire duquel se trouve le centre des intérêts principaux du tiers débiteur est la République française. C’est seulement au cas où l’une de ces vérifications aboutirait à un

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résultat positif que les biens en cause relèveront de la procédure secondaire d’insolvabilité ouverte en France.

55 Dans ces conditions, il convient de répondre à la seconde partie de la question posée que la détermination des biens du débiteur entrant dans le périmètre des effets d’une procédure secondaire d’insolvabilité doit être effectuée conformément aux dispositions de l’article 2, sous g), du règlement n° 1346/2000.

Sur les dépens

56 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

Les articles 3, paragraphe 2, et 27 du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doivent être interprétés en ce sens que les juridictions de l’État membre d’ouverture d’une procédure secondaire d’insolvabilité sont compétentes, alternativement avec les juridictions de l’État membre d’ouverture de la procédure principale, pour statuer sur la détermination des biens du débiteur entrant dans le périmètre des effets de cette procédure secondaire.

La détermination des biens du débiteur entrant dans le périmètre des effets d’une procédure secondaire d’insolvabilité doit être effectuée conformément aux dispositions de l’article 2, sous g), du règlement n° 1346/2000.

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