Jean-Daniel ZELLER A qui appartient la responsabilité de conserver les blogues ?

Groupe des archivistes de la région de Montréal (GARM)24ème Séminaire annuel - 22 et 23 février 2011 - Université Concordia, MontréalLes archives de l’intimité : des journaux intimes aux blogues

À qui appartient la responsabilité de conserver les blogues : bibliothécaires, archivistes ou particuliers ?Jean-Daniel ZELLERArchiviste principal des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG)Enseignant vacataire à la Haute école de gestion de GenèveMembre du groupe de travail « records management et archives électroniques »de l’Association des archivistes suisses

Table des matières

1. Le blog un journal intime ou extime ?2. Typologie des blogs3. Que conserver ?4. Qui doit conserver ?5. Comment conserver ?6. Avec quels instruments de recherche ?7. Et pour la suite… Twitter and co.

1. Le blog un journal intime ou extime ?

Un blog ou blogue1 est un site Web constitué par la réunion de billets agglomérés au fil du temps et souvent classés par ordre antéchronologique (les plus récents en premier). Chaque billet (appelé aussi « note » ou « article ») est, à l'image d'un journal de bord ou d'un journal intime, un ajout au blog ; la blogueuse/le blogueur (personne s'occupant du blog) y délivre un contenu souvent textuel, enrichi d'hyperliens et d'éléments multimédias, sur lequel chaque lecteur peut généralement apporter des commentaires. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Blog)

Selon cette définition le blog est un journal par définition puisque chaque billet est daté et classé en chronologie inverse par défaut. Cependant cette définition par rapport à une modalité de classification qui reviendrait, dans le monde du papier, à se poser la question de savoir si le carnet Moleskine, le cahier à anneau ou le bloc de papier Canson sont des journaux intimes. Le blog en lui-même est une application informatique qui, si elle impose certaines contraintes et fonctionnalités pré-établies (chronologie, catégorisation, tags, etc.) ne préjuge en rien du type de son contenu, qui peut être fort divers comme l’indique la suite de la définition :

Que prétend regrouper le terme blog ? Les œuvres d'un dessinateur, un journal intime anonyme, l'opinion d'une journaliste, le carnet de bord d'un photographe, des

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satires d'hommes politiques, les vidéos d'une classe de collège, un roman en construction, les anecdotes quotidiennes d'une mère de famille, etc.

La notion d’extime, a été exprimée par Lacan en 1968 dans le contexte psychologique de la perversion et il la défini comme « la conjonction de l’intime à la radicale extériorité », notion qu’il n’explicite pas plus loin [LAC, 2006]. Elle a été reprise en 2001 par Serge Tisseron [TIS, 2001] à propos des émissions de téléréalités (http://fr.wikipedia.org/wiki/Extimit%C3%A9) et redéfinie comme « le mouvement qui pousse chacun à mettre en avant une partie de sa vie intime, autant physique que psychique. Ce mouvement est longtemps passé inaperçu bien qu’il soit essentiel à l'être humain. Il consiste dans le désir de communiquer sur son monde intérieur. Mais ce mouvement serait incompréhensible s'il ne s'agissait que "d'exprimer"». Elle a ensuite été reprise pour décrire certains aspects des réseaux sociaux, sans forcément bénéficier d’une réflexion très étayée.

Plusieurs blogueurs se sont réclamés de cette expression, soit en l’utilisant comme titre, soit en définissant leur activité sous cette étiquette, par exemple :

Journal extime : le blog de Muriel Romana, se définissant comme « Un journal extime, c'est l'inverse du journal intime. C'est l'écriture ouverte. » (http://ecrire.over-blog.com/)

Journal extime (http://maeveenroute.livejournal.com/)

A fleur de net (http://www.afleurdenet.com/)

La République des livres, blog de Pierre Assouline, en référence à Michel Tournier [TOU, 2002]. (http://passouline.blog.lemonde.fr/livres/2005/04/journal_extime.html)

2. Typologie des blogs

Ces deux remarques liminaires nous amènent à tenter de trouver une typologie des blogs qui ne soit pas technologique mais liée au contenu (ou à leur valeur d’usage).

Cette analyse a été effectuée en 2006 par D. Cardon et H. Delaunay-Teterel [CAR, 2006] qui distinguent 4 modèles de blogs en fonction de la relation entre l’énonciateur et l’énoncé et les formes relationnelles qui en dérivent, modèles résumés dans le tableau 1 ci-dessous.

A la lecture de ce tableau on voit que seule une petite partie des blogs répondent à la définition du journal intime (modèle I et partiellement II) et que l’on peut considérer le modèle IV comme un avatar du journal intime d’auteur, destiné in fine à la publication.

Dans le cadre de cette analyse, on peut concevoir que le critère de l’intimité n’est pas ici l’intériorité de la réflexion mais le cercle restreint de lecteur.

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In : D. Cardon et H. Delaunay-Teterel, La production de soi comme technique relationnelle. Un essai de typologie des blogs par leurs publics, Réseaux 2006/4, n° 138, p. 29

2.1. Les journaux intimes (au sens propre) (modèle I)

En tant que tels, ces blogs ne sont à priori pas accessibles à l’archivage puisqu’ils ne sont accessibles qu’à leur auteur ou quelques personnes choisies. Ils ne seraient potentiellement archivables que si les hébergeurs étaient sollicités pour livrer ces documents. Aujourd’hui la question de la maîtrise des données déposées sur les réseaux sociaux a rebondi avec la

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discussion à propos des données sur Facebook (Voir [ERT, 2010]), et cette question est loin d’être close.

2.2. Les blogs d’adolescent ou familiaux (modèle II)

Ces blogs sont une extension du modèle I. On pourrait les dénommer « journaux intimes de groupe », ils posent les mêmes questions d’archivage que ceux du modèle I. Une solution possible pour l’archivage de ces productions à visibilité limitée est l’auto-archivage car les technologies existent aujourd'hui (voir Internet Archives). Cette démarche n’est pas spécifique au monde électronique. Philippe Lejeune, à travers l’Association pour l'autobiographie et le Patrimoine Autobiographique promeut le dépôt des journaux intimes en vue de leur partage ([APA])

2.3. Les blogs de collectionneurs, de fans, de critiques (modèle III)

Ces blogs peuvent être qualifiés « d’extimes » dans la mesure leurs auteurs se protègent en général par un pseudonyme, tout en laissant la possibilité d’être reconnus car en s’adressant à une communauté d’intérêt ciblée le pseudonymat ne résiste pas longtemps à une exposition sur le réseau. Ce que l’on pourrait assimiler à une « coquetterie », une fausse modestie, n’est cependant pas sans signification. Ainsi certains pseudonymes utilisés sont significatifs de la posture de l’auteur vis-à-vis de la thématique qu’il entend traiter, qui peut être en décalage avec son identité personnelle et/ou professionnelle. Ces sites sont en général largement publicisés et pourrait donc faire l’objet de processus d’archivage tels que ceux utilisés pour la collecte des sites internet en général.

2.4. Les blogs de journalistes, de politiques, de citoyens (modèle IV)

Ces blogs sont actuellement assimilés à des publications. Dans les pays qui ont développés des politiques d’archivage du Web, ils sont en général sélectionnés en fonction de leur représentativité dans la vie sociale et moissonnés au même titre que les autres sites Internet.

2.5. Un modèle émergeant : le blog d’entreprise

La création blog d’entreprise est d’un usage récent, ils ne figurent pas dans la typologie proposée. Il se peut qu’il ne soit qu’un effet de mode. On peut pour l’heure les considérer comme une discussion interne et qu’ils ne sont par conséquent pas archivables. Il faut cependant continuer d’observer l’évolution ses usages qui, en combinaison avec les wikis, pourraient aboutir à une valeur institutionnelle plus marquée et par conséquent à reconsidérer leur « archivabilité ».

2.6. Usages des blogs

L’usage des blogs, de par sa relative nouveauté, est évidement une pratique de jeunes. On considère par exemple que les internautes usagers des réseaux sociaux se répartissent de la manière suivante par tranche d’âge : Moins de 30 ans : 49%, 30-44 ans : 16%, 45-59 ans : 12%, 60 ans et + : 6%

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Figure1 : Répartition des usagers des réseau sociaux par tranche d’âge(Source : Point sur les usages d’internet, oct. 2010,

http://marsouin.telecom-bretagne.eu/spip.php?article385)

Mais on constate également actuellement un abandon relatif de cette pratique par les jeunes (Non, les blogs ne sont pas morts, bien au contraire !) qui se tournent de plus en plus vers le micro-blogging (Tweeter) et il sera intéressant de voir l’évolution de ces pratiques (en particulier l’évolution des statistiques du site d’hébergement Skyrock, qui semble voir un léger tassement de ses volumes en 2010). Je pronostique personnellement un étalement des usages dans toutes les tranches d’âge aux alentours de 10-15% de bloggeurs et une augmentation de la qualité du contenu à terme, l’utilisation des blogs comme expression de l’humeur et instrument d’identité communautaire (modèle II) se transférant vers les tweets ou les média sociaux.

2.7. Une typologie par les contenus

Une autre typologie des journaux intimes en ligne a été réalisée par Matthieu Paldacci [PAL, 2003]. Elle est intéressante car elle se base non pas sur une typologie externe (ou plus précisément des liens entre blogs) mais sur une analyse factorielle du contenu de ces journaux, dont 30% du corpus analysé (8/25) sont des blogs. Elle recouvre partiellement la typologie précédente puisque la répartition thématique trouvée est la suivante :

44% Le monde de l’intime17% Le monde du familier25% Le monde du public et de l’activité sociale14% L’espace du diarisme

Les deux premières catégories recouvrent celles de Cardon et Delaunay, la troisième semble regrouper les modèles III et IV de la typologie précédente, et la quatrième apparaît comme une « société des diaristes » dont le centre d’intérêt est le journal intime lui-même. L’apparition de cette dernière catégorie me semble liée à la manière dont l’auteur a constitué son corpus, au demeurant très limité. Par contre, il expose un schéma d’analyse factorielle très intéressant qui montre les zones de recouvrement de ces zones en fonction des 2 axes intime-extime et proche-public.

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Ce tableau montre explicitement que les catégorisations proposées sont intuitivement correctes mais seront extrêmement difficiles à mettre en œuvre de manière explicite dans le cadre d’une collecte automatisée.

Figure 2 : analyse factorielle de correspondance des termes utilisés dans les journaux intimes en ligne

(source : Matthieux Paldacci, Les 4 mondes du journal intime en ligne)

3. Quels blogs conserver ?

Cette réflexion en est à ses balbutiements, elle a néanmoins déjà fait l’objet d’un travail, certes limité aux blogs adolescents mais qui nous sera un point de départ utile à la réflexion. Il s’agit de Dépôt légal numérique : l’archivage des blogs adolescents de Carole Daffini [DAF, 2010]. Dans son chapitre 3 elle pose la question « faut-il archiver les blogs adolescent ? ». Elle détaille la problématique en deux questions principales :

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- Faut-il archiver alors que ce n’est pas forcément souhaité (protection de la vie privée) ?

- Faut-il archiver des blogs ne présentant, pour la plupart, aucun intérêt ni esthétique ni scientifique ?

Elle argumente avec des principes classiques de l’évaluation archivistique qui veulent qu’un blog en soit ne représente pas un intérêt intrinsèque extraordinaire mais que par contre, la collection raisonnée de blogs est significative d’un phénomène social qui mérite attention. Ayant justifié cette conservation, elle se penche dans le chapitre suivant sur les critères de sélection des blogs à archiver. Les questions qu’elle adresse sont les suivantes :

1/ Couverture géographique2/ Profondeur de capture3/ Datation des documents4/ Documentation de l’auteur5/ Sélection (analyse de la valeur)

Les quatre premières sont plutôt des questions d’ordre technique, qui sont commune à la problématique de la conservation des sites web en général. Je ne développerais ici que le dernier point. L’auteure propose de se baser sur la typologie de Cardon et Delaunay. Ensuite pour chacune de ces catégories, elle propose de choisir les thématiques les plus représentatives, dont elle fourni une première esquisse (env. 25 thèmes). Enfin elle propose la sélection de blog représentatif en fonction de l’âge et du genre des bloggeurs. Cela l’amène à la conclusion qu’une sélection d’env. 300 blogs semble être un échantillon acceptable au vu des capacités de la BNF (qui a mandaté son étude), ceci uniquement pour les blogs adolescents, qu’elle rapporte au nombre de blogs actuellement existant sur Skyrock le principal hébergeur francophone de ceux-ci, et qui en compte près de 30 millions. On peut évidemment discuter de la représentativité d’un échantillon de 1 :100'000.

Cette question de la représentativité reste ouverte, puisque nous devons penser à y inclure d’autres types de blogs dans le domaine des journaux intimes et que d’autre part, il est manifeste que la durée de vie de ces blogs reste aléatoire et que si l’on veut maintenir une représentativité thématique dans le temps, cela nécessitera probablement une veille permanente dont les moyens sont tout sauf garantis.

4. Qui doit conserver ?

Au vu de ce qui a été exposé quant à la typologie différenciée des blogs, on ne peut répondre à cette question par une réponse unique. Je reprends donc la typologie de Cardon et Delaunay pour répondre de manière nuancée à cette question.

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4.1. Les journaux intimes (au sens propre) (modèle I)

Ces blogs ont la même destinée que les journaux intimes traditionnels. Soit on les brûle, soit on les confie à un autre intime qui en fera « bon usage ». La différence tient en deux caractéristiques du monde électronique. Premièrement, le journal est déjà accessible et peut donc être copié à l’insu de son auteur, comme l’évoque Philippe Lejeune dans Cher Ecran [LEJ, 2000]. Deuxièmement le journal clos déposé est également directement accessible, à moins de le confier à un dépôt qui respectera un délai de protection. C’est le propos de l’Association pour l'autobiographie et le Patrimoine Autobiographique (APA), mais cela est nécessairement aussi assumé par les dépôts d’archives publics. On sera nettement plus réservé si on les confie à des acteurs commerciaux comme Internet Archives, voire Google Docs ! Il existe cependant des services d’archives qui n’ont pas hésité à faire appel au service Archive-It (http://www.archive-it.org/) d’Internet Archives (voir par exemple : http://www.archive-it.org/public/collection.html?id=1532) Le modèle théorique semble donc être le versement volontaire, mais qui n’est pas sans poser des problèmes techniques, compte tenu de la structure informatique des blogs.

4.2. Les blogs d’adolescent ou familiaux (modèle II)

Carole Daffini conclu à la faisabilité d’un échantillonnage de ces blogs par la BNF. Dans le même fil, la BNF a récemment conclut un accord avec l’APA pour l’archivage de journaux électroniques intimes (voir [MAS, 2010]). La solution ici semble clairement être le moissonnage par les bibliothèques nationales.

4.3. Les blogs de collectionneurs, de fans, de critiques (modèle III)Les blogs de journalistes, de politiques, de citoyens (modèle IV)

On peut considérer ces deux catégories comme ressortant du monde de l’édition de périodiques, même si la périodicité est loin d’être celle que la publication éditoriale exige. Cependant, elles sont d’autant plus fragiles que l’éditeur est ici également l’auteur, qui n’a pas à sa disposition l’infrastructure garantissant la pérennité éditoriale (qui soit dit en passant devient problématique avec le numérique, même chez les éditeurs professionnels). Il apparaît à l’évidence que ces sites devraient être moissonnés à titre du dépôt légal au sein des Bibliothèques nationales, qui développent toutes des politiques d’archivage du Web.

Quant aux blogs d’entreprise on peut également les assimiler à des publications internes/externes et leur appliquer les règles des calendriers de conservation ad-hoc, avant des les verser aux services d’archives qui les reçoivent traditionnellement. Ceci bien entendu sous réserve que ces services se soient équipés de l’infrastructure informatique adéquate.

5. Comment conserver ?

Actuellement deux types de structures institutionnelles peuvent prétendre à la conservation technique des blogs. Soit les associations littéraires traditionnellement consacrées à la conservation des manuscrits d’auteurs, on peut penser ici par exemple à l’Association pour

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l'autobiographie et le Patrimoine Autobiographique [APA, 2010], soit les bibliothèques nationales, qui ont déjà développés des infrastructures pour accueillir des sites web, dont les blogs ne sont qu’une catégorie du point de vue technique.

Cependant, on peut supposer que les modalités techniques de conservation seront construites différemment ; les milieux littéraires ayant plutôt tendance à privilégier le travail d’auteur et la fouille du texte alors que l’archivage du web établi par les bibliothèques aura tendance à privilégier la maîtrise des métadonnées. Toutefois ces axes sont loin d’être figés compte tenu de la nouveauté de la problématique. On voit même des collaborations s’établir entre ces différents partenaires. C’est en tout cas le cas en France avec la récente collaboration mise en place entre l’APA et la BNF (voir [MAS, 2008] et [MAS, 2010]).

La question la plus cruciale en la matière et celles de la maîtrise des liens entre blogs. Cela concerne principalement la catégorie des blogs professionnels et journalistiques et a été mis en avant comme étant une caractéristique intrinsèque du blog. Il faut cependant nuancer cette idée reçue, ainsi selon une étude de Herring et al. [HER, 2004] seul 9.8% des billets des blogs contiennent des liens vers d’autres billets de blog (interne ou externe), et 38% vers des sites web, selon la distribution suivante :

Type de liens Fréquence Pourcentage

vers d’autre websites

vers des sites de news

vers d’autres blogs

vers d’autres billets du blog

vers des websites créés par ou à propos de l’auteur

54

16

13

6

4

27.7

8.2

6.7

3.1

2.1

Ce monde étant extrêmement évolutif et l’étude datant déjà de plus de 5 ans, il faut évidemment prendre ces chiffres avec circonspection. Cependant ils paraissent cohérents avec l’expérience de l’utilisateur moyen des blogs que je suis. Cela signifie que près de la moitié de blogs ne pointent pas vers des liens externes et on peut se poser la question de conserver les liens vers des sites web qui pourraient être conservés par ailleurs. Environs 10% pointent vers d’autres blogs et il ne devrait pas être très compliqué d’identifier les blogs qui présentent ces caractéristiques (ceux qui ont en moyenne plus de 3 liens dans leurs billets) pour les identifier comme tels et choisir de préserver la constellation de blogs qui leurs sont associés. Pour prendre un exemple dans notre milieu professionnel, sélectionner les blogs francophones référencés par les Archiveilleurs (http://www.souslapoussiere.org/archiveilleurs/index.html) pourrait être une bonne stratégie pour avoir une idée de la blogosphère archivistique francophone.

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6. Avec quels instruments de recherche ?

6.1. Une solution de facilité : Google

Compte tenu de la labilité du monde du blog, l’idée d’une description structurée paraît utopique. La tentation est donc grande de se rabattre sur un moteur de recherche comme Google. C’est une posture défendue de manière provocante par Steve Bailey dans son ouvrage Managing the crowd [BAI, 2010], solution qu’il préconise pour tout le monde né-numérique.

Cela n’est pas sans poser un problème de bruit. Une requête sur le terme « archives » dans Google blogs1 nous fournis plus des sites qui ont une fonction d’archivage sur leurs pages que des sites dont le propos est de traiter d’archives. La requête sur « archivage » donne un résultat un peu plus pertinent.2

Par ailleurs, Google indexe le contenu des billets mais il n’est pas possible de faire des recherches sur les métadonnées, à l’exclusion de la langue ou du domaine.

6.2. Une alternative : Dublin Core transcrit en ISAD(G)

Une possibilité de description est d’utiliser le Dublin Core pour décrire les blogs. La correspondance entre le Dublin Core et ISAD(G) est possible mais pose certains problèmes dans certains champs comme le montre le tableau 2. Il existe une étude plus détaillée fait par Ahmed Abu Zayed [ABU, 2008] mais dans le sens d’une conversion d’ISAG(G) vers le Dublin Core, qui semble plus aisée à réaliser.

Pour appliquer cette stratégie il existe des problèmes sur plusieurs plans. Premièrement la plupart des blogs ne sont pas décrit avec le Dublin Core, qui plus est au niveau de chaque billet, ce qui semble la granularité pertinente. Deuxièmement, les données identifiant les auteurs se trouvent dans les profils des sites qui hébergent les blogs et ne sont donc pas accessibles directement par les outils de moissonnage des sites web. Enfin cette option ne permet pas d’utiliser les catégories et les tags attachés aux billets qu’ils faudrait réccuppérer dans les billets eux-mêmes et traiter par une application pour pouvoir constituer des séries organique, telles qu’elles sont esquissées dans le tableau 3 ci-après.

1 http://blogsearch.google.ch/blogsearch?as_q=archives&num=10&hl=fr&ie=UTF-8&ctz=-60&c2coff=1&btnG=Rechercher&as_epq=&as_oq=&as_eq=&bl_pt=&bl_bt=&bl_url=&bl_auth=&as_drrb=q&as_qdr=a&as_mind=1&as_minm=1&as_miny=2000&as_maxd=3&as_maxm=1&as_maxy=2011&lr=lang_fr&safe=active

2 http://blogsearch.google.ch/blogsearch?as_q=archivage&num=10&hl=fr&ie=UTF-8&ctz=-60&c2coff=1&as_epq=&as_oq=&as_eq=&as_drrb=q&as_qdr=a&as_mind=1&as_minm=1&as_miny=2000&as_maxd=3&as_maxm=1&as_maxy=2011&lr=lang_fr&safe=active&q=archivage&sa=N&start=10

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Tableau 2 : Comparaison des champs Dublin Core et ISAD(G) (commentaires en italique)

Dublin Core ISAD(G)3.1 ZONE D'IDENTIFICATION

10. Identifiant de la ressourceRéférencement au moment de l’archivage,transformation d’un URL vers un PURL

3.1.1 Référence

1. Titre8. Type de ressource4. Description

3.1.2 Intitulé / analyse (comment gérer la fusion des champs du DC ?)

7. Date 3.1.3 Dates Par défaut : 1 page web = 1 pièce ?? Voir tableau 3 ci-dessous

3.1.4 Niveau de description

Calcul au moment du versement (exprimée en Mo)

3.1.5 Importance matérielle et support de l'unité de description (quantité, volume ou dimension)

3.2 ZONE DU CONTEXTE.2. Créateur 3.2.1 Nom du producteur

5. Éditeur6. Contributeur

3.2.2 Histoire administrative/Notice biographique Pourraient renvoyer à une notice ISAAR(CPF) mais comment l’effectuer au moment de la collecte

3.2.3 Historique de la conservationPar défaut : versement/collecte 3.2.4 Modalités d'entrée

3.3 ZONE DU CONTENU ET DE LA STRUCTURE3. Sujet ou mots clés 3.3.1 Présentation du contenu Documentation sur les modalités de collecte 3.3.2 Évaluation, tris et éliminations, sort finalDocumentation sur les modalités de collecte 3.3.3 Accroissements Chronologie par défaut + tags (comment unifier les tags ?)

3.3.4 Mode de classement

3.4 ZONE DES CONDITIONS D'ACCÈS ET D'UTILISATION

15. Droits3.4.1 Conditions d’accès (comment gérer la séparation du

champ 15 du DC)

15. Droits3.4.2 Conditions de reproduction (comment gérer la séparation

du champ 15 du DC)12. Langue 3.4.3 Langue et écriture des documents 9. Format 3.4.4 Caractéristiques matérielles et contraintes techniques Google !!! Archives.org !!! 3.4.5 Instruments de recherche

3.5 ZONE DES SOURCES COMPLÉMENTAIRES 3.5.1 Existence et lieu de conservation des originaux3.5.2 Existence et lieu de conservation de copies3.5.3 Sources complémentaires 3.5.4. Bibliographie3.6 ZONE DES NOTES3.6.1 Notes3.7 ZONE DU CONTRÔLE DE LA DESCRIPTION 3.7.1 Notes de l’archiviste3.7.2 Règles ou conventions3.7.3 Date(s) de la description

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Tableau 3 : Arborescence des Blogs et des niveaux de description d’ISAD(G)

BLOGS ISAD

Blog (en entier) Fonds

Tag (et ses billets associés) Série thématique (dynamique)

Billet et ses commentaires Dossier

Billet et commentaire pris individuellement Pièces

Liens sortant du billet (internes et/ou externes au blog)

= Citation (à inclure dans la bibliographie ?)

Liens arrivant au billet (pingback) Idem ???

Ce tableau est une esquisse que ce pourrait être la structuration descriptive d’un blog. L’identification du blog au niveau fonds semble être l’évidence. Comme vu plus haut la structuration par les tags, si elle semble judicieuse en terme de recherche sur un thème donné (et permettre idéalement la comparaison d’une même thématique dans différents blogs) se heurte à des problèmes techniques pour récupérer les tags de manière structurée. Par ailleurs, les billets sont souvent indexés par plusieurs tags, ce qui contredit la structuration arborescente stricte d’ISAD(G), un billet pouvant appartenir à plusieurs séries au sens archivistique du terme. Le billet et ses commentaires peuvent être associés à un dossier, il possède un titre et les dates limites sont clairement identifiables. J’ai inscrit le niveau de la pièce mais je doute qu’il soit vraiment utile de décrire à ce niveau compte tenu de la nature même du blog, qui est fondamentalement le lien d’un billet avec ses commentaires et d’autres billets, en principe indexés par les mêmes tags.

Les deux dernières lignes illustrent la problématique de la gestion des liens. On peut soit considérer qu’il s’agit là juste d’information complémentaires et ne récupérer ces données que sous forme de texte en note ; soit tenter de récupérer les contenus associés de proche en proche. Cette dernière option permet de reconstituer le réseau constitué par les blogs se citant réciproquement et est techniquement réalisable par les « moissonneurs » utilisé pour la collecte du web.

7. Et pour la suite … Twitter and Co

En avril 2010, la Bibliothèque du Congrès a annoncé qu’elle archiverait la totalité du site de micro-blogging Twitter [RAY, 2010]. Ce choix interroge plusieurs aspects de notre pratique archivistique.

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J’ai souligné plus haut l’importance attachée aux liens dans ce type d’applications. Le choix d’archiver l’intégralité des messages en est une conséquence assumée, rendue possible par le faits qu’ils sont très courts, mais néanmoins très nombreux (50 millions de tweets quotidiens). Par contre, la Bibliothèques du Congrès a annoncé qu’elle ne maintiendrait pas les fonctionnalités de l’application Twitter, ce qui paraît paradoxal car accéder « platement » à ces messages sans pouvoir en saisir les liens dynamique dans le temps en réduit considérablement l’intérêt. Comme en plus, pour des raisons de protection des donnés personnelles, ces fonds ne seront pas immédiatement accessibles on se demande comment l’on pourra exploiter ces données dans quelques décennies.

Une autre actualité des réseaux sociaux interroge également la pratique archivistique. C’est l’annonce à la fin 2010 de l’abandon programmé de Delicious, l’application de signet partagé propriété de Yahoo. La levée de boucliers que cette annonce a provoqué laisse entrevoir que Yahoo fera éventuellement machine arrière mais cela est encore incertain à ce jour. Il est intéressant de suivre l’agitation qui s’est emparé de certains milieux d’utilisateurs. On peut les résumer grossièrement ainsi (mais cela mériterait une analyse plus fine que je ne puis entreprendre ici) la problématique n’est pas tellement celle de l’archivage (un tas de liens morts stocké dans une boîte fut-elle numérique n’est pas considéré comme utile) mais celle de la continuité de service, avec éventuellement la migration vers un autre prestataire, ce qui renvoie à la normalisation des formats et à la gestion des migrations.

Ces questions agitent une population nettement plus large que celle des archivistes. C’est à la fois une opportunité et un risque. Une opportunité car c’est l’occasion pour nous de faire valoir notre expertise dans le domaine de la gestion de la mémoire (plus que de la conservation qui est liée à des aspects plus techniques). Un risque car cela produit un maelström d’idée farfelues et déconnectées de la réalité de conservation possible, qui disparaîtront certainement à long terme mais qui occultent aux yeux des publics concernés les solutions réalistes (et/ou réalisables) que les professionnel pourraient proposer.

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Bibliographie

[ABU; 2008] ABU-ZAYED Ahmed, Mapping ISAD(G) to Dublin Core, University of Exeter, nov. 2008http://eric.exeter.ac.uk/exeter/bitstream/10036/78145/1/ISADG2DC%20v4.pdf

[BAI, 2010] BAILEY Steve, Managing the crowd, rethinking records management for the web 2.0 world, Facet Publishing, 2010, ISBN: 978-1-85604-641-1

[CAR, 2006] CARDON Dominique; DELAUNAY-TETEREL Hélène, La production de soi comme technique relationnelle. Un essai de typologie des blogs par leurs publics, Réseaux 2006/4, n° 138, pp. 15-71http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=RES&ID_NUMPUBLIE=RES_138&ID_ARTICLE=RES_138_0015

[DAF, 2010] DAFINI Carole, Dépôt légal numérique : l’archivage des blogs adolescents, Mémoire d’étude ENSSIB, janvier 2010, http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/document-48192

[HEN, 2003] HENNING, J. (2003, October 4). The Blogging Iceberg, http://www.perseus.com/blogsurvey/thebloggingiceberg.html (lien HS)

[HER, 2004] HERRING, S., SCHEIDT, L.A., BONUS, S., & WRIGHT, E., Bridging the gap: A genre analysis of weblogs, http://web.archive.org/web/*/http://www.blogninja.com/DDGDD04.doc.

[LAC, 2006] LACAN Jacques, Le séminaire XVI, Paris, Seuil, 2006, pp. 249, ISBN : 2020827050

[MAS, 2008] MASSIP Bernard, Une collaboration entre l’APA et la BnF : L’archivage des journaux personnels en ligne, La Faute à Rousseau n° 47, février 2008, http://www.sitapa.org/doc/articleCollab_bnf_apa.pdf

[MAS, 2010] MASSIP Bernard, L’archivage des Blogs d’expression française à la Bibliothèque Nationale de France, in : Itinéraires. Littérature, textes, cultures, Editions L'Harmattan, 2010, pp. 65-72

[MIL, 2010] MILLER Carolyn R. and SHEPHERD Dawn, Blogging as Social Action: A Genre Analysis of the Weblog, in: Into the Blogosphere [Rhetoric,Community and Culture of Weblogs] http://blog.lib.umn.edu/blogosphere/blogging_as_social_action_a_genre_analysis_of_the_weblog.html

[PAL, 2003] PALDACCI Matthieu, Les quatre mondes du journal intime en ligne. Analyse statistique d’un corpus de journaux intime écrits et publiés sur Internet, Terrains & Travaux, 2003/2 no 5, pp. 7-30, http://www.cairn.info/revue-terrains-et-travaux-2003-2-page-7.htm

[TOU, 2002] TOURNIER Michel, Journal extime, Paris : La Musardine, 2002, ISBN : 2842711726

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Jean-Daniel ZELLER A qui appartient la responsabilité de conserver les blogues ?

Liens Internet

[APA, 2010] Association pour l'autobiographie et le Patrimoine Autobiographique (APA), http://www.sitapa.org/accueil.php

[BNF, 2010] Blog Lecteurs de la BNF, http://blog.bnf.fr/lecteurs/index.php/2009/04/06/du-journal-intime-au-blog/

[ERT, 2010] ERTZSCHEID Olivier, 650 téraoctets de données personnelles, et moi et moi et moi ?, in Affordance.info, novembre 2010, http://affordance.typepad.com/mon_weblog/2010/11/recuperation-donnees-personnelles-facebook.html[REY, 2010] RAYMOND Matt, How Tweet It Is!: Library Acquires Entire Twitter Archive, April 14th, 2010http://blogs.loc.gov/loc/2010/04/how-tweet-it-is-library-acquires-entire-twitter-archive/

[ZEL, 2010] ZELLER Jean-Daniel, Blog today, gone tomorrow ? Sur la conservation des Weblogs, in Le Regard de Janus, juillet 2010, http://regarddejanus.wordpress.com/2010/07/11/blog-today-gone-tomorrow-sur-la-conservation-des-weblogs/

Bibliographie complémentaire sur l’intimité et le journal intime

[COU, 2006] COUDREUSE Anne et SIMONET-TENANT Françoise (sous la direction de), Pour une histoire de l’intime et de ses variations, L’Harmattan, 2009, Paris, ISBN : 2296107915

[COU, 2010] COULEAU Christelle et HELLEGOUR’CH Pascale (sous la direction de), Les blogs. Ecritures d'un nouveau genre ? In : Itinéraires, Littérature, texte, culture, No 2, juin 2010, Editions L’Harmattan, ISBN : 978-2-296-12012-9,Centre d'étude des nouveaux espaces littéraires (Villetaneuse, Seine-Saint-Denis)

[DER, 2009] DEVIN Fred Der, ABBAS Yasmin (sou la direction de) Technologies numériques du soi et (co)construction identitaire, L’Harmattan, 2009, ISBN : 978-2-296-10622-2 (fapse uni-mail 654 TEC 2)

[KUN, 2005] KUNZ-WESTERHOFF Dominique, Le Journal intime, Méthode et problématiques, Cours du département de français moderne, Université de Genève, 2005, http://www.unige.ch/lettres/framo/enseignements/methodes/journal/index.html

[LEJ, 1989] LEJEUNE Philippe (recueilli et présenté par), ""Cher cahier..." : témoignages sur le journal personnel / recueillis et présentés par Philippe Lejeune, Paris, Gallimard, 1989. ISBN : 2-07-071807-7

[LEJ, 2000] LEJEUNE Philippe, "Cher écran..." : journal personnel, ordinateur, Internet, Paris, Seuil, 2000. ISBN : 2-02-041251-9

[LEJ, 2006] LEJEUNE Philippe et BOGAERT Catherine, Le Journal intime, Histoire et anthologie, Les éditions Textuel, 2006, ISBN : 2-84597-1777-X

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Jean-Daniel ZELLER A qui appartient la responsabilité de conserver les blogues ?

[MUR, 2002] MURA-BRUNEL Aline et SCHUEREWEGEN Franc (études réunie par), L'Intime, l'extime, Ed. Rodopi, Amsterdam, 2002, ISBN : 90-420-0914-4

[TIS, 2001] TISSERON Serge, L’intimité surexposée, Ramsay, 2001, rééd. Hachette Littératures, 2008, ISBN : 9782012790650

[WIN, 2008] WINTERMEYER Rolf et BOUILLOT Corine, Moi public et moi privé: dans les mémoires et les écrits autobiographiques du XVIIe siècle à nos jours, Publication Univ Rouen Havre, 2008 -  443 pages, ISBN : 978-2-87775-452-1 Université de Rouen. Centre de recherche sur l'Allemagne et l'Autriche

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