7
Les nombres congruents : (Première version de la première partie : partie classique) Introduction : On s’intéresse au problème de l’existence d’un test simple qui déterminerait si un entier naturel n est l’aire d’un triangle rectangle dont les trois côtés sont de longueurs rationnels. Un tel entier est dit congruent. On désignera par triangle rationnel un triangle dont les trois côtés sont de longueurs rationnels. On cherche donc les entiers qui sont l’aire d’un triangle rectangle rationnel. Ce problème était connu des Grecs mais c’est au 10 ième siècle que les arabes en firent une étude systématique. Signalons qu’il s’agit toujours d’un problème ouvert dans la mesure où le résultat majeur dans la caractérisation des nombres congruents, le théorème de Tunnell en 1983, donne une condition nécessaire et suffisante simple pour qu’un nombre soit congruent à la condition qu’une forme faible de la conjecture de Birch Swinnerton Dyer soit vraie (pour que la condition suffisante soit vérifiée). Or cette conjecture constitue aujourd’hui en elle-même un problème extrêmement difficile. Donnons tout de suite la transcription algébrique directe de cette définition : Un entier naturel n est dit congruent s’il existe un triplet ( a,b,c) de rationnels strictement positifs tels que : ( S) { a 2 +b 2 =c 2 ( 1) 1 2 ab=n ( 2) De tels entiers existent, en effet le triangle de côtés 3 , 4 et 5 est rectangle et son aire vaut 1 2 × 3 × 4=6 . Donc 6 est un nombre congruent.

Web viewsiècle que les arabes en . ... as 2 + bs 2 = cs 2 1 2 as bs =n s 2 donc ... 24, 54, 96 En gardant les mêmes notations, on a en fait (n s 2 congruent

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Web viewsiècle que les arabes en . ... as 2 + bs 2 = cs 2 1 2 as bs =n s 2 donc ... 24, 54, 96 En gardant les mêmes notations, on a en fait (n s 2 congruent

Les nombres congruents : (Première version de la première partie : partie classique)

Introduction :

On s’intéresse au problème de l’existence d’un test simple qui déterminerait si un entier naturel n est l’aire d’un triangle rectangle dont les trois côtés sont de longueurs rationnels.Un tel entier est dit congruent.

On désignera par triangle rationnel un triangle dont les trois côtés sont de longueurs rationnels.On cherche donc les entiers qui sont l’aire d’un triangle rectangle rationnel.

Ce problème était connu des Grecs mais c’est au 10ième siècle que les arabes en firent une étude systématique. Signalons qu’il s’agit toujours d’un problème ouvert dans la mesure où le résultat majeur dans la caractérisation des nombres congruents, le théorème de Tunnell en 1983, donne une condition nécessaire et suffisante simple pour qu’un nombre soit congruent à la condition qu’une forme faible de la conjecture de Birch Swinnerton Dyer soit vraie (pour que la condition suffisante soit vérifiée). Or cette conjecture constitue aujourd’hui en elle-même un problème extrêmement difficile.

Donnons tout de suite la transcription algébrique directe de cette définition :

Un entier naturel n est dit congruent s’il existe un triplet (a ,b , c ) de rationnels strictement

positifs tels que : (S) {a2+b2=c2(1)12ab=n(2)

De tels entiers existent, en effet le triangle de côtés 3 ,4 et 5 est rectangle et son aire vaut 12×3×4=6. Donc 6 est un nombre congruent.

Remarque : Si n est un nombre congruent et si s est un entier naturel non nul, alors n s2 est un nombre congruent. En effet on multiplie (1) et (2) par s2 et on obtient :

{(as )2+(bs )2=( cs )2

12

(as ) (bs )=ns2 donc comme as ,bs et cs sont des nombres rationnels strictement

positifs on a bien n s2 entier congruent.

De cette remarque on déduit deux choses :

1) Comme 6 est un nombre congruent, alors pour tout s∈N¿ on a 6 s2 congruent, et donc il existe une infinité de nombres congruents. A savoir : 6 ,24 ,54 ,96…

2) En gardant les mêmes notations, on a en fait (n s2congruent)⇔(ncongruent ), dans un sens on multiplie notre système par s2 et dans l’autre sens on le divise par s2. Ainsi

Page 2: Web viewsiècle que les arabes en . ... as 2 + bs 2 = cs 2 1 2 as bs =n s 2 donc ... 24, 54, 96 En gardant les mêmes notations, on a en fait (n s 2 congruent

on pourra maintenant s’intéresser seulement à savoir si des entiers sans facteurs carrés sont congruents.

Les triangles Pythagoriciens :

Un triangle rectangle dont les trois côtés sont des entiers est dit Pythagoricien et le triplet formé de ses trois côtés est un triplet Pythagoricien. Comme on l’a vue sur le cas de 6 est congruent, de tels triplets existent. La proposition suivante en donne même une description complète (on verra dans la seconde partie traitant des courbes elliptiques une seconde démonstration de ce résultat).

Proposition 1 :

Soient X , Y et Z les côtés d’un triangle Pythagoricien avec Z hypoténuse et tel que PGCD (X ,Y ,Z )=1. Alors il existe p et q entiers naturels avec PGCD (p ,q )=1 et p+q impair tels que {X ,Y }={p2−q2,2 pq } et Z=p2+q2. La réciproque est trivialement vraie.

Remarque : Il n’y a aucune perte de généralité à considérer que PGCD (X ,Y ,Z )=1 puisque sinon on diviserait par le carré de ce PGCD la relation X2+Y 2=Z2 pour se ramener à ce cas. Un tel triplet Pythagoricien est dit primitif.

Démonstration : On a PGCD (X ,Y )=1 sinon un facteur premier commun à X et Y diviserait Z et cela contredit PGCD (X ,Y ,Z )=1. De même PGCD (X ,Z )=1 et PGCD (Y , Z )=1. De plus X et Y non tous deux impairs sinon on a X2≡Y 2≡1 [4] et donc Z2=X2+Y 2≡2[4 ] ce qui est absurde puisqu’un carré est congrus à 0 ou 1 modulo 4 . On peut supposer X impair et Y pair. Il suit que Z est impair et que Z−X et Z+X sont tous les deux pairs. De plus PGCD (Z−X ,Z+X )=2 car si p>2 premier est un diviseur commun de Z−X et Z+X alors p divise leur somme et leur différence, c’est-à-dire p ∣2Z et p ∣2 X et comme PGCD (p ,2 )=1

on aurait PGCD (X ,Z )>1 ce qui est absurde. Donc PGCD (Z−X2

, Z+X2 )=1 .

Comme Y 2=Z2−X2 on a (Y2 )2

= Z−X2

⋅ Z+X2 et on se retrouve avec le produit de deux

entiers naturels premiers entre eux qui est un carré d’entier. Donc il existe p et q entiers

avec PGCD (p ,q )=1 tels que Z+X

2=p2 et

Z−X2

=q2 . Donc X=p2−q2, Y=2 pq, Z=p2+q2.

De plus comme X est impair on a p2 et q2 de parités opposés donc de même pour p et q et donc p+q est impair.

Les triangles Pythagoriciens permettent d’obtenir des nombres congruents. Par exemples le triangle de côtés (3,4,5) est rectangle et d’aire 6, celui de côtés (8,6,10) est rectangle et d’aire 24. Mais comme 24=4×6=22×6 et qu’on savait déjà que 6 est congruent, on savait déjà que 24 l’était également et on pouvait même donner un triangle rectangle rationnel (même entier ici) qui convenait. Ainsi le premier problème de l’utilisation des triplets

Page 3: Web viewsiècle que les arabes en . ... as 2 + bs 2 = cs 2 1 2 as bs =n s 2 donc ... 24, 54, 96 En gardant les mêmes notations, on a en fait (n s 2 congruent

Pythagoriciens dans l’obtention des nombres congruents est qu’ils ne fournissent pas toujours de nouveaux nombres congruents dans le sens où on peut tomber à multiplication près par un carré d’entier sur un nombre congruent déjà connu.

De plus si on veut savoir si n sans facteurs carrés est congruent et qu’aucun triplet Pythagoricien ne fournit pour aire du triangle rectangle correspondant n s2 où s∈N¿ aussi loin que l’on cherche, qui nous dit qu’en continuant à générer des triplets Pythagoriciens encore plus grand on ne va pas tomber sur une telle aire ? De plus certains nombres congruents qui sont obtenues par des triplets Pythagoriciens le sont avec des triplets énormes et donc cet algorithme est un semi algorithme (il ne s’arrête pas forcément) et peu efficace. Donc les triplets Pythagoriciens ne permettent pas de répondre à notre problème initial.

Exemple de nombre congruent : 5 est un nombre congruent (c’est même le plus petit nombre congruent…) car le triplet Pythagoricien (9,40,41) montre que 180=5×62 est congruent et donc que 5 l’est, avec par exemple comme triangle rectangle rationnel

correspondant ( 32, 20

3, 41

6 ). C’est Fermat le premier qui montra qu’il existe des nombres non congruents. Il démontra que 1 n’est pas un nombre congruent. Pour cela il inventa la méthode de la descente infinie. Notons que ce résultat mit fin à l’interrogation de son temps de savoir s’il existait un triangle rectangle rationnel d’aire un carré.

Théorème (Fermat 1640) : 1 n’est pas un nombre congruent.

Remarque : on montre similairement que 2 et 3 ne sont pas congruents. Puisque 4=22×1 on a également 4 non congruent. Donc 5 est le plus petit nombre congruent.

Démonstration : On suppose par l’absurde que 1 est un nombre congruent. Il existe alors

( A ,B ,C )∈(Q¿¿+¿)3 ¿ tels que {A2+B2=C2

12AB=1 et en notant d le produit des dénominateurs de

A, B et C (écrits sous forme irréductibles) on a après multiplication des deux équations de notre système par d2 , en notant a=dA, b=dB et c=dC , un 4-uplet (a ,b , c , d )∈ ¿ tel que

{a2+b2=c2

ab=2d2 . On supposera que PGCD (a ,b )=1 car s’il existe g≥2 diviseur commun de a et b

alors on a g2 ∣c2 et donc g ∣c. De plus g2 ∣2d2 et donc g ∣d (par exemple en s’intéressant à la valuation 2-adique) et donc on pourrait diviser les deux équations de notre système par g2

pour obtenir un nouveau 4-uplet d’entiers solutions. On vérifie facilement que la première

Page 4: Web viewsiècle que les arabes en . ... as 2 + bs 2 = cs 2 1 2 as bs =n s 2 donc ... 24, 54, 96 En gardant les mêmes notations, on a en fait (n s 2 congruent

équation de notre système correspond à un triplet Pythagoricien primitif (a ,b , c ). Ainsi par la proposition 1 on déduit l’existence de deux entiers naturels p et q avec PGCD (p ,q )=1 et p+q impair tels que (on suppose a pair et b impair) :

a=2 pq, b=p2−q2, c=p2+q2

La deuxième équation de notre système est alors pq (p−q ) (p+q )=d2 et comme p, q, p−q et p+q sont des entier naturels premiers entre eux deux à deux et que leur produit d2 est un carré d’entier, on déduit l’existence de quatre entiers naturels x, y, u et v tels que :

p=x2, q= y2, p+q=u2, p−q=v2

Comme p+q est impair on a p−q impair. Donc u et v sont impairs et donc PGCD (u , v )=1 sinon il existerait g≥3 premier tel que g ∣u2+v2=2 p et g ∣u2−v2=2q et ceci contredirait PGCD (p ,q )=1. Donc on a PGCD (u+v ,u−v )=2.

Comme u2−v2=2q=2 y2 et u2−v2=(u+v )(u−v ) on a 2 y2=(u+v )(u−v ).

On a 4 ∣ (u+v ) (u−v )=2 y2 donc 2 ∣ y2 et donc 2 ∣ y. On écrit alors :

2( y2 )2

=u+v2

⋅ u−v2

. Mais comme y2∈N et PGCD ( u+v2

, u−v2 )=1 il vient qu’il existe deux

entiers naturels r et s tels que ou bien ( u+v2, u−v

2 )=(2 r2 , s2) ou bien

( u+v2, u−v

2 )=(r 2,2 s2). Dans le premier cas on a (u , v )=(2 r2+s2 ,2 r2−s2) et donc

x2=p=u2+v2

2=4 r4+s4. C’est-à-dire x2=(2 r2 )2+( s2 )2 , ce qui correspond à un triangle

rectangle d’aire (rs )2 et d’hypoténuse x=√ p< p2+q2=c qui était l’hypoténuse de notre solution de départ. Dans l’autre cas le résultat est analogue.

En partant d’un triangle rectangle de côtés entiers non nuls et dont l’aire est un carré d’entier (voir notre dernier système) on a construit un nouveau triangle rectangle de côtés entiers non nuls dont l’aire est aussi un carré mais dont l’hypoténuse est strictement plus petit. Par principe de descente infinie (une propriété vraie sur un ensemble d’entiers naturels non nuls qui est non vide admet un plus petit élément par axiome) on conclut que l’hypothèse de départ, 1 est un nombre congruent, est absurde.

Comme annoncé dans l’introduction on pense avoir trouvé un critère simple pour savoir si un entier est congruent. Le résultat suivant, dû à Zagier, nous indique au travers d’un exemple qu’un nombre congruent petit (ici 157) peut avoir des triangles rectangles associés tous extrêmement « compliqués » :

Exemple(Zagier) : 157 est un nombre congruent mais le triangle rectangle (a ,b , c ) le plus simple qui le génère s’écrit :

Page 5: Web viewsiècle que les arabes en . ... as 2 + bs 2 = cs 2 1 2 as bs =n s 2 donc ... 24, 54, 96 En gardant les mêmes notations, on a en fait (n s 2 congruent

a=6803298487826435051217540411340519227716149383203

, b=41134051922771614938320321666555693714761309610

,

c=2244035177043369699245575130906748631609484720418912332268928859588025535178967163570016480830

Voici une formulation équivalente du problème des nombres congruents (connue des Arabes et des Grecs) :

Se donnant un entier naturel n, peut-on trouver un nombre rationnel x tel que : { x2+n=r2

x2−n=p2

où r, p∈Q

En fait n est congruent si et seulement s’il existe des x∈Q tel que x, x+n et x−n sont des carrés de nombres rationnels.

En effet on a la proposition suivante :

Proposition 2 :

Soit n∈N ¿ fixé, sans facteurs carrés. Soient X , Y , Z, x des éléments de Q+¿ avec X<Y <Z . Il y a une correspondance bijective entre les triangles rectangles de côtés X et Y et d’hypoténuse Z et d’aire n et les nombres x pour lesquels x, x+n et x−n sont chacun des carrés de nombre rationnel. La bijection est :

X ,Y ,Z→ x=(Z2 )2

x→X=√x+n−√ x−n ,Y=√ x+n+√ x−n ,Z=2√ x

Démonstration : Pour la première application si (X ,Y ,Z ) a les propriétés désirées on a

(Z2 )2

∓n=( X2 )2

+(Y2 )2

∓ 12XY=( X∓Y

2 )2

. Pour la seconde on vérifie que X2+Y 2=Z2 et

12XY=n et que X , Y et Z sont rationnels strictement positif. On termine la démonstration

en montrant que les deux applications sont bien inverses l’une de l’autre.