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Cet article est disponible en ligne à l’adresse : http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=ARCH&ID_NUMPUBLIE=ARCH_081&ID_ARTICLE=ARCH_081_0003 La circulation de la céramique du « wild goat style » (mwgs i), de la mer noire à l’occident. Les contextes de réception et de destination par Mario DENTI | Presses Universitaires de France | Revue archéologique 2008/1 - n° 45 ISSN 0035-0737 | ISBN 9782130570028 | pages 3 à 36 Pour citer cet article : — Denti M., La circulation de la céramique du « wild goat style » (mwgs i), de la mer noire à l’occident. Les contextes de réception et de destination, Revue archéologique 2008/1, n° 45, p. 3-36. Distribution électronique Cairn pour Presses Universitaires de France . © Presses Universitaires de France . Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

Wild Goat Style

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La circulation de la céramique du « wild goat style » (mwgs i), de la mer noire à l’occident. Les contextes de réception et de destinationpar Mario DENTI

| Presses Universitaires de France | Revue archéologique2008/1 - n° 45ISSN 0035-0737 | ISBN 9782130570028 | pages 3 à 36

Pour citer cet article : — Denti M., La circulation de la céramique du « wild goat style » (mwgs i), de la mer noire à l’occident. Les contextes de réception et de destination, Revue archéologique 2008/1, n° 45, p. 3-36.

Distribution électronique Cairn pour Presses Universitaires de France .© Presses Universitaires de France . Tous droits réservés pour tous pays.La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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LA CIRCULATION DE LA CÉRAMIQUEDU « WILD GOAT STYLE » (MWGS I),

DE LA MER NOIRE À L’OCCIDENT.LES CONTEXTES DE RÉCEPTION

ET DE DESTINATION

par Mario Denti*

La circulation de la céramique orientalisante de la Grèce de l’Est apporte un témoignageprivilégié sur les horizons culturels et les choix idéologiques de ses commanditaires, les com-munautés aristocratiques grecques et indigènes installées sur les côtes de la Méditerranée et de

REV. ARCH. 1/2008

Résumé. – L’auteur étudie un groupe de vases du« Middle Wild Goat Style » I (notamment des œno-choés et des deinoi) attribuables à un même atelier actifen Ionie méridionale pendant le troisième quart duVIIe siècle av. J.-C. Ces produits de prestige, caractériséspar une décoration figurée de très haute qualité, étaientdestinés à l’exportation : ils ont été découverts dans lesétablissements indigènes et grecs de la mer Noire(Temir Gora), de la Méditerranée occidentale (Vulci,Incoronata, Siris, Géla) et à l’Héraion de Samos. Leurcirculation, qui illustre le phénomène de l’hellénisationdes élites du début de l’époque archaïque, à caractèreorientalisant, permet d’en saisir la destination et lafonction : les lieux de découverte – exclusivement lessanctuaires et les nécropoles – nous amènent à situerl’utilisation de ces céramiques dans le cadre de prati-ques rituelles. Leur diffusion a également eu des consé-quences importantes sur l’activité des céramistes émi-grés de la Grèce de l’Est vers l’Occident ( « Wild GoatStyle d’Occident » ).

Mots clés. – Monde grec. Grèce de l’Est. Ionie. Grèced’Occident. Mer Noire. Vulci. Incoronata. Siris. Géla.Samos. Temir Gora. Céramique orientalisante. WildGoat Style. VII

e siècle av. J.-C.

The circulation of Wild Goat Style pottery (MWGS I)from the Black Sea to Western Greece : reception anddestination.

Abstract. – The author studies a group of Middle WildGoat Style I pottery (mainly oinochoai and dinoi) thatcan be assigned to one workshop, active in South Ioniain the third quarter of the 7th century BC. These areprestigious products with decoration of high qualityand intended for export, being found in both indige-nous and Greek settlements in the Black Sea area(Temir Gora), the Western Mediterranean (Vulci,Incoronata, Siris, Gela) and at the Samian Heraion.Their circulation, typical of hellenisation of earlyarchaic elites in the orientalising manner, helps us tounderstand their destinations and function. Contexts,exclusively sanctuaries and cemeteries, allows us todefine the use of this pottery as for ritual. Their distri-bution also had an important effect on potters who hademigrated from Eastern Greece to Western Greece( « West Wild Goat Style » ).

Key-words. – Greek world. Eastern Greece. Ionia. Wes-tern Greece. Black Sea. Vulci. Incoronata. Siris. Gela.Samos. Temir Gora. Orientalising ceramic. Wild GoatStyle. 7th century BC.

* Je remercie Fr. Croissant et M.-Chr. Hellmann pourla relecture du manuscrit et pour leurs suggestions.

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la mer Noire au cours du VIIe siècle av. J.-C.1. Le dossier présenté ici comprend un groupe devases – œnochoés et deinoi – que nous avons pu reconnaître comme issus d’un même ateliergréco-oriental travaillant dans le troisième quart du VIIe siècle av. J.-C. Ces objets s’inscriventdans la production conventionnellement dite « Middle Wild Goat Style » I (abrégé MWGS I)2,actuellement considérée comme fabriquée dans la zone méridionale de l’Ionie, notamment àMilet3. Ils ont été trouvés dans le sanctuaire de Samos, sur un des sites « indigènes » de la merNoire et dans quelques-uns des plus importants établissements de la Méditerranée occiden-tale : l’Incoronata et Siris, en Grande-Grèce ; Géla, en Sicile ; Vulci, en Étrurie. Un seulexemplaire est de provenance inconnue.

L’occasion qui nous est offerte d’inscrire ces documents, d’une qualité exceptionnelle,dans leur contexte précis de réception et de destination – fondamentalement cérémonielle,comme on verra – fournit une clé essentielle pour la compréhension de la logique profondede cette phase du processus d’hellénisation « orientalisante » des régions situées aux limitesextrêmes du monde grec. L’analyse de la documentation archéologique devrait en effet nouspermettre d’esquisser une interprétation globale du phénomène de l’exportation et de la récep-tion de ces vases, à travers laquelle apparaîtront en filigrane un certain nombre de probléma-tiques : la présence récurrente de ce type d’objets dans des lieux géographiquement et fonc-tionnellement spécifiques ; la récurrence de leur destination, qui dessinera les contours d’unmode d’utilisation unitaire ; les critères de choix des commanditaires, pour tenter d’entrevoirla nature des relations entretenues avec les ateliers de production de l’Égée orientale ; enfin,les conséquences de la circulation de ces produits sur les ateliers locaux, actifs dans les diffé-rents sites où ils sont documentés.

UN ATELIER DU MWGS I SPÉCIALISÉ DANS L’EXPORTATION

Notre enquête commencera sur la colline de l’Incoronata près de Métaponte, où, aumilieu d’un énorme dépôt d’amphores importées et de vases orientalisants produits sur place,Dinu Adamesteanu découvrait, au début des années 1970, un fragment de deinos figuré

4 Mario Denti

1. Kopeikina, 1972 ; Les céramiques de la Grèce de l’Est,1978 ; Alexandrescu, 1978 ; Guzzo, 1978 ; Martelli,1978 ; Orlandini, 1978 ; V. Korpusova, A Rhodian-IonianPainted Oinochoe from Crimea, VDI, 1980, 2, p. 98-104 ;La Genière, 1982, p. 168 ; Lemos, 1991, p. 191-208 ;Tsetskhladze, 1994 ; Vakhtina, 2006.

2. Sur cette production de la Grèce de l’Est, la biblio-graphie fondamentale est la suivante : Schiering, 1957 ;R. M. Cook, Greco-orientali, centri e tradizioni, dans Enci-clopedia Universale dell’Arte, VI, Florence, 1958, col. 839-871 ; Kardara, 1963 ; Walter, 1968 ; Lemos, 1991 ; Cook,

1994 ; Cook, 1997, p. 111-119 ; Cook, Dupont, 1998,p. 32 sq. ; Boardman, 1998, p. 141 sq.

3. P. Dupont, Une approche en laboratoire des problè-mes de la céramique de Grèce de l’Est, dans Les céramiquesde la Grèce de l’Est, 1978, p. 290-297 ; Dupont, 1983 ;P. Dupont, Naturwissenschaftliche Bestimmung der ar-chaischen Keramik Milets, dans Milet 1899-1980, Ergeb-nisse, Probleme und Perspektiven einer Ausgrabung, Kollo-quium Frankfurt am Main 1980, Ist. Mitt., Beiheft 31,Tübingen, 1986, p. 57-61 ; La Rocca, 1985, p. 40 et 42 ;Cook, Dupont, 1998, p. 32.

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importé de Grèce de l’Est (fig. 1)4. Sur la paroi conservée de la panse du vase, décorée avecune rare finesse, on voit, de gauche à droite : un taureau passant vers la gauche ; un griffonassis vers la droite ; un oiseau appuyé sur la queue de celui-ci ; une oie entre ses pattes ; une« chèvre sauvage » cabrée vers son poitrail, la tête retournée ; un motif végétal très élaboré, oùs’épanouissent une série de palmettes : il s’agit du motif bien connu de l’arbre de vie, très fré-quent dans le répertoire des peintres de la Grèce de l’Est, des Cyclades et aussi dans celui desateliers de l’Incoronata5. Sur la base de nombreuses comparaisons, nous pouvons restituer au-delà de ce motif, dans un schéma héraldique, la présence d’un autre griffon, symétrique decelui qui est conservé. La file d’animaux est délimitée en haut par une frise de godrons entredeux filets, et en bas par une bande faite d’un méandre sinueux entre deux doubles lignes hori-zontales. Au-dessous est conservé un chien courant vers la droite, qui devait faire partie d’unefile de chiens, souvent associés à des lièvres et/ou à des chèvres sauvages. Le remplissage desespaces libres, très dense, est assuré par des rosettes à huit pétales réservés et en silhouette, desmotifs floraux stylisés à quatre pétales en silhouette, des svastikas.

Le deinos est attribuable au MWGS I, sur la base de comparaisons précises avec la produc-tion « sud-ionienne » de coupes, de cratères (deinoi) et, surtout, d’œnochoés (avec un corpsplus trapu et un col cylindrique au début de la période6 – comme sur la figure 2 – et un corpsplus haut, un col au profil supérieur trilobé, une anse remontante, à la fin de la période7), quel’on date aujourd’hui avec plus de précision vers 640-630 av. J.-C.8. L’extrême qualité du tra-vail, la finesse des détails, la fraîcheur et la délicatesse de la décoration picturale font de notreexemplaire l’un des meilleurs produits de cette phase du WGS. Et il faut souligner qu’en der-nier lieu cette chronologie se trouve confirmée par une donnée « occidentale », fournie juste-ment par les fouilles de l’Incoronata, car notre deinos a été découvert dans un contexte où lestessons protocorinthiens les plus récents appartiennent au Protocorinthien Tardif 9.

Toutefois, ce deinos, dont Enrico Paribeni n’avait pas hésité à dire qu’il était « di stra-ordinaria raffinatezza »10, n’est pas le seul exemplaire issu de cet atelier qui ait été exporté enOccident.

La circulation de la céramique du « Wild Goat Style » (MWGS I) 5

4. Musée archéologique national de Métaponte, inv.St 25640. H. 15 cm, diam. max. 45 cm. Sur le bord,tresse ; en dessous, file de triangles opposés. Adamesteanu,1973, pl. XXI, 3 ; D. Adamesteanu, La Basilicata antica :storia e monumenti, Cava dei Tirreni, 1974, p. 72-73 ; Pari-beni, 1973, p. 137 ; Guzzo, 1987, p. 108, pl. LXII, fig. 5 ;Paribeni, 1978, p. 241 et 321 ; Ciafaloni, 1986, p. 123,133, n. 72, pl. 49 ; Orlandini, 1988, p. 5, fig. 7.

5. Le thème a été approfondi dans Denti, 2002, en par-ticulier p. 44 sq., fig. 4, 6, 7, 9 (Incoronata), 5 et 10 (WGS),11 (Cyclades).

6. Sur l’évolution de cette forme, qui commence à la findu Géométrique, cf. Cook, 1997, p. 113.

7. Un exemple très célèbre de cette typologie plus tar-dive est l’ « œnochoé Lévy », au Musée du Louvre (630av. J.-C.), qui pourrait également provenir d’Étrurie :Schiering, 1957, passim, pl. 13, 1 et 16, 5 ; Walter, 1968,

p. 126, no 592, pl. 116-117 ; Martelli, 1978, p. 158, no 2(avec bibliogr. antérieure) ; Boardman, 1998, p. 153,fig. 287.

8. Cook, Dupont, 1998, p. 36, phase correspondant au« Later Orientalising Rhodian style » de Kardara, 1963. Onpeut tenir pour inacceptable l’attribution de la pièce à unatelier de Chio (Ciafaloni, 1986, p. 123) sur des basestechniques, iconographiques et stylistiques (Lemos, 1991,passim ; Cook, Dupont, 1998, passim) et même sur unebase chronologique, dès lors que le WGS de Chio ne com-mence qu’au dernier quart du VIIe s. (datation appuyée surdes indices stratigraphiques sûrs : Cook, Dupont, 1998,p. 47), c’est-à-dire à une époque où l’Incoronata avait ces-sé d’exister.

9. P. Orlandini, Intervention, dans Les céramiques de laGrèce de l’Est, 1978, p. 306 ; Ciafaloni, 1986, p. 122.

10. Paribeni, 1973, p. 137.

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Une œnochoé du WGS Moyen I, provenant de Vulci et conservée au Musée de la VillaGiulia, que l’on date de la même décennie (fig. 2 à 4)11, peut être attribuée à la même main. Levase, jugé par son éditeur « eccezionale per impegno e qualità tecnica »12, est recouvert d’unedécoration complexe comprenant une frise animalière sur l’épaule, avec trois chèvres sauvages(celle de l’extrême droite est cabrée sur un arbre à volutes avec palmettes) à côté du motif cen-tral, qui consiste en deux griffons assis en position héraldique face à un « trophée » végétalcomplexe, composé d’une double volute symétrique d’où surgissent des palmettes (arbre de

6 Mario Denti

11. Musée national de la Villa Giulia, inv. 97994. Pro-venant des alentours de Vulci, séquestre L. Sabatini, 1961.H. 24 cm ; diam. max. 25,5 ; diam. pied 16. Giuliano,1975 a ; Giuliano, 1975 b, p. 4, fig. 1, et p. 8, note 1, no 5 ;

Martelli, 1978, p. 157, cat. no 1, pl. LXXVII, fig. 10 ; Mar-telli, 1985, p. 206, no 3, fig. à la p. 207 ; Cook, 1994,fig. 1033.

12. Giuliano, 1975 a, p. 165.

1. Incoronata, fragment de deinos MWGS I. Cl. © Musée archéologique de Métaponte.

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vie) ; devant les griffons, une oie. La panse est décorée d’un gigantesque méandre obliquerempli par des lignes parallèles verticales, avec des doubles triangles (remplis par des lignesparallèles horizontales) qui l’encadrent en haut et en bas. La frise supérieure est encadrée pardes godrons et séparée de la frise inférieure par le motif linéaire du méandre sinueux, qui estrépété en bas, sous la frise inférieure, et suivi à nouveau d’une série de godrons qui remontentdu pied : cinq godrons remplis alternent avec quatre godrons vides. Le col présente un énormeméandre, sur un fond rempli par des lignes parallèles obliques, encadré en haut et en bas par lemotif linéaire du méandre sinueux. Au-dessus de la zone de l’anse, la frise décorée de l’épaules’interrompt pour laisser place à un motif décoratif constitué d’une série de six rayons aigusdescendant parallèlement, placés au centre de la partie inférieure d’un panneau noir. L’anse,trifide, se termine en haut par un cylindre doté de deux rondelles.

L’identité technique, stylistique et iconographique de cette œnochoé avec le deinos del’Incoronata est totale. Dans la décoration secondaire, observons d’abord l’encadrement de la

La circulation de la céramique du « Wild Goat Style » (MWGS I) 7

2. Vulci, œnochoé MWGS I.D’après Grecs en Occident,G. Pugliese Carratelli éd.,Milan, 1996.

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frise entre des godrons en haut et le méandre sinueux en bas ; la forme, les proportions et le trai-tement des différents types de rosettes, des motifs floraux stylisés à quatre pétales, des svastikas,absolument semblables sur les deux vases ; dans la partie figurée, relevons l’étroite analogie dutraitement du « trophée végétal » avec les zones pointillées et les parties remplies de vernis, quisont clairement issues de la même main ; l’identité parfaite dans la réalisation d’un des motifs-signatures de ces œuvres : le griffon (fig. 1 et 3), où l’on notera la même façon de dessiner latête, la boucle réservée sur le cou, le profil du cou, celui de l’épaule et de la partie supérieure dela patte antérieure, pointillée ; la forme et le profil des ailes, avec la même alternance de plumespointillées et de plumes noires, et le même type de profil ; la forme des pattes et le profil réservéde la patte postérieure repliée. Mais c’est surtout l’identité de l’expression de la tête des deux grif-fons – un aspect du travail du peintre extrêmement profond et pour nous particulièrement par-lant – qui permet de reconnaître la main d’un seul artiste. Les mêmes observations peuvent êtrefaites pour l’oie – présente sous le griffon à l’Incoronata et devant le griffon à Vulci – ainsi quepour le traitement de la tête des chèvres sauvages, qui partagent la fine élégance des traits, l’ex-pression du museau, ou encore la forme de l’oreille, petite et allongée, à côté de la corne.

Un autre vase peut être attribué à ce peintre, et il s’agit encore d’un véritable « chef-d’œuvre » de la production du WGS Moyen I : la célèbre œnochoé conservée à Saint-

8 Mario Denti

3. Vulci, œnochoé MWGS I, détail. Cl. © Musée de la Villa Giulia, Rome.

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Pétersbourg, provenant de la côte septentrionale de la mer Noire. Elle a été trouvée dans l’undes plus anciens et importants tumulus scythes de la région, celui de Temir Gora (près deKertch, à l’extrémité orientale de la Crimée) (fig. 5-7)13. Elle porte une riche décoration com-prenant une frise animalière sur l’épaule, avec une chèvre sauvage de chaque côté du groupeprincipal, constitué d’une panthère et d’un taureau, au milieu desquels se trouve un animalqui ressemble à un renard (plutôt qu’à un chien, si l’on en juge par la forme de la queue, icibeaucoup plus large que celle des chiens courants) ; sur la panse, des animaux courants,lièvres et chèvres sauvages. La frise supérieure est encadrée par des godrons et séparée de l’in-

La circulation de la céramique du « Wild Goat Style » (MWGS I) 9

13. Fouilles 1870. Musée de l’Ermitage, inv. TG 12.H. 27 cm. Schiering, 1957, pl. 15, fig. 1 ; Kardara, 1963,p. 120, pl. 1 ; Walter, 1968, p. 120 ( « production sa-mienne » ), no 503, pl. 94-96 ; Kopeikina, 1972 ; X. Gor-bunova, I. Saverkina, Greek and Roman Antiquities in theHermitage, Léningrad, 1975, p. 6, no 2, pl. 2 ; Alexan-

drescu, 1978, p. 53 ; Tsetskhladze, 1994, p. 119 (avecchronologie trop récente) ; cité dans Schiltz, 1994, p. 116 ;Boardman, 1998, p. 143, fig. 285 ( « production milé-sienne » ) ; Cook, Dupont, 1998, p. 36, fig. 8 . 5 ( « pro-duction sud-ionienne » ). Sur le lieu de la découverte, voirinfra, notes 42 et 43.

4. Vulci, œnochoé MWGS I, dessin. D’après Giuliano, 1975 a.

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férieure par le motif linéaire du méandre sinueux, qui est répété en bas, sous la frise inférieure,suivi de nouveau par une série de godrons qui remontent du pied ; une série de godrons rem-plis alterne avec une série de godrons vides, qui sont au nombre de sept. Le col présente ungrand méandre, sur un fond hachuré, encadré en haut et en bas par le motif linéaire duméandre sinueux. Au-dessus de la zone de l’anse, la frise décorée de l’épaule s’interromptpour faire place à un motif décoratif constitué d’une série de neuf rayons aigus descendantparallèlement, placés au centre de la partie inférieure d’un panneau noir.

L’attribution à la main qui a réalisé les deux vases précédents s’impose aisément, si l’onconsidère le traitement de la décoration peinte, qui est identique, et plusieurs détails tech-

10 Mario Denti

5. Temir Gora, œnochoé MWGS I.D’après X. Gorbunova, I. Saverkina, Greek and Roman Antiquities in the Hermitage, Leningrad, 1975.

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niques ainsi qu’iconographiques. Observons notamment la façon particulière de dessiner lesdétails de l’encolure, de la crinière et de la queue du taureau sur le deinos de l’Incoronata et surcette œnochoé (fig. 1 et 5) : il s’agit apparemment, là encore, de l’un des « motifs-signatures »de l’artiste. Et l’on en dira autant de la décoration « secondaire » : rosettes réservées, rosettesen silhouette, svastikas, motif floral stylisé à quatre pétales. L’œnochoé de la mer Noire révèleen outre plusieurs points communs avec celle de Vulci : au-delà d’une extraordinaire parentédans le traitement du répertoire animalier et végétal, on peut constater une véritable identitédans la forme des rosettes à quatre pétales, des rosettes à huit pétales, des motifs floraux styli-sés, des svastikas, aussi bien que des petits groupes de quatre losanges.

Il suffira également de comparer la forme très particulière des deux vases, que leur profilet leurs proportions identiques différencient d’emblée d’autres œnochoés contemporaines(dont la forme est pourtant analogue)14, l’organisation de l’espace peint tout autour de la zonedécorée du col (entourée en bas et à l’arrière par un fond noir, en correspondance avec l’anse),ou encore la façon d’interrompre la frise décorée sur l’épaule, à la hauteur de la zone de l’anse,par une série de rayons aigus descendant parallèlement d’un panneau noir, dont les extrémitésencadrent aussi les rayons (fig. 7). Certes, il s’agit d’un schéma que nous pouvons parfois ren-contrer sur d’autres œnochoés WGS de la même période15, mais il est réalisé sur nos exemplai-res d’une façon différente de toutes les autres et en même temps spécifique de ce groupe : ilreprésente donc une dernière « marque de fabrique », identifiable et identifiante. On peut rele-ver les mêmes analogies profondes dans les éléments choisis pour encadrer les zones figurées,des éléments qui sont d’ailleurs réalisés dans la même technique : des godrons à la base du col,le méandre linéaire sinueux pour encadrer la frise inférieure, de nouveau des godrons remon-tant du pied, avec alternance de godrons pleins et vides. Les mêmes observations valent pourla décoration du col (grand méandre entre deux méandres sinueux) et pour la forme, trifide,de l’anse, se terminant en haut par un cylindre doté de deux rondelles aux extrémités.

Si nous restons dans le domaine spécifique de la structure du vase et du répertoire déco-ratif, il semblerait possible (mais peut-être avec quelques réserves) d’attribuer à cette série uneautre œnochoé contemporaine des précédentes : conservée au Musée du Louvre et apparte-nant à la collection Campana, elle est malheureusement de provenance inconnue (fig. 8)16,mais elle s’inscrit dans la production du MWGS I17. Et nous y retrouvons nombre des caractéris-tiques qui ont permis d’identifier progressivement, derrière les réalisations que nous venonsd’analyser, la personnalité d’un artiste défini. Avec les exemplaires de l’Incoronata, de Vulci etde la mer Noire, l’œnochoé du Louvre partage notamment la forme du vase, le type de l’anse,

La circulation de la céramique du « Wild Goat Style » (MWGS I) 11

14. Cf. par ex. l’œnochoé de Camiros à Berlin : Walter,1968, p. 127, no 621, pl. 127 ; Boardman, 1998, p. 152,fig. 284.

15. Cf. par ex. l’œnochoé de la collection Vlastos, àAthènes : Schiering, 1957, pl. 4 ; ou, encore, dans l’ « œno-choé Lévy » du Musée du Louvre (voir note 7), l’évolutionque le motif subira quelques années plus tard, avec la sché-matisation et la réduction des proportions des rayons, tousplacés en correspondance avec la base de l’anse.

16. Musée du Louvre, inv. CP 263-S 1838. Schiering,1957, p. 8, no 25, pl. 3, no 2 ; Kardara, 1963, fig. 34 ;Walter, 1968, p. 126, pl. 118, no 596 (production « éphé-sienne »).

17. Cook, Dupont, 1998, p. 196, no 5, la placent étran-gement au sein de la liste des œnochoés du WGS initial. Lerapprochement avec l’exemplaire de Temir Gora avait étédéjà proposé par Kopeikina, 1972, p. 150.

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le décor à rayon sous l’anse encadré et surmonté par un panneau noir, le fond noir qui encadrela décoration du col. Celle-ci la rapproche d’ailleurs beaucoup des deux autres œnochoés, avecle même double méandre linéaire sinueux qui encadre ici (au lieu d’un méandre) un motifconstitué de trois bandes horizontales parallèles, remplies par des segments noirs verticaux. Ladécoration de l’épaule comprend des chèvres sauvages et des ornements de remplissage (lesdeux différents types de rosettes, les motifs floraux stylisés à quatre pétales, les svastikas) dontle traitement et la typologie sont strictement identiques aux précédents. La décoration de lapanse, laquelle change d’ailleurs sur chaque exemplaire, est différente, mais analogue du pointde vue du traitement : à partir du haut se succèdent huit lignes parallèles, le méandre linéairesinueux, neuf lignes parallèles, des rayons qui remontent du fond.

Il semble évidemment possible d’attribuer d’autres vases à cet atelier, même si la taillefortement réduite de certains fragments conservés impose une certaine prudence. Quelquesexemples pourraient en tout cas nous aider dans ce sens, en fournissant en même temps d’im-portants indices sur la question fondamentale du contexte de provenance de ce type d’objets.

12 Mario Denti

6. Temir Gora, œnochoé MWGS I, détail. D’après Walter, 1968.

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Commençons d’abord par l’Occident. De Siris-Polieion – un site proche, voire « cousin »de l’Incoronata – proviennent de manière très significative des fragments appartenant au cold’une œnochoé figurée du MWGS I (fig. 9)18. Il s’agit du même type que les autres œnochoésconsidérées, caractérisé par le même répertoire décoratif et surtout par un traitement iden-tique : nous y retrouvons en effet le motif du grand méandre, réalisé ici avec des lignes obli-ques à l’intérieur (et non sur le fond, comme dans les autres cas), selon une tradition bienattestée par de nombreux exemplaires provenant de l’Héraion de Samos19 ; le méandre linéairesinueux au-dessus ; le fond noir qui entoure cette décoration. De nouveau, il faut soulignerque l’exemplaire provient d’un sanctuaire.

On observera avec intérêt comment un grand savant, E. Paribeni, avait compris parintuition l’enjeu de tels rapprochements, quand il présenta en 1973 le fragment du deinos de

La circulation de la céramique du « Wild Goat Style » (MWGS I) 13

18. Musée archéologique national de la Siritide, Poli-coro. Inv. 44087. Fouilles au sanctuaire de Déméter,1964-1967. H. 5,5 cm ; largeur de chaque fragment5,7 cm ; épaisseur 0,4 cm. Argile beige rosé. Guzzo, 1978,p. 107, note 4.

19. Walter, 1968, p. 121, nos 511-513, pl. 98 ; p. 124,no 563, pl. 108-109 ; Kopke, 1968, p. 261, no 27, pl. 97,fig. 3 (cratère).

7. Temir Gora, œnochoé MWGS I, détail. D’après Walter, 1968.

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l’Incoronata20 : « Di questa classe non saprei indicare in Italia altro che una splendidaoinochoe da Vulci in cui il motivo araldico della palmetta affiancata da grifi ritorna in formeestremamente simili a un collo di oinochoe da Policoro [justement, celle que nous venons deconsidérer]. Il significato di un importo così raro e cospicuo si intende meglio se affiancatodalla produzione autoctona orientalizzante, estremamente notevole per il numero, la qualità ela monumentalità dei pezzi. »

Les mêmes soupçons (très forts) en faveur d’une attribution à notre groupe sont justifiéspour un fragment d’œnochoé provenant de Géla (fig. 10)21. De la décoration ne sont conser-

14 Mario Denti

20. Paribeni, 1973, p. 137. 21. Schiering, 1957, p. 12, 96, 100 ; Walter, 1968,p. 111, n. 351, pl. 59 ( « samienne » ) ; Orlandini, 1978,p. 95, pl. LIV, fig. 9.

8. Paris, Musée du Louvre,collection Campana,

œnochoé MWGS I.D’après Schiering, 1957.

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vées que la partie postérieure d’un griffon assis et celle du motif oriental du lion portant sur ledos le corps d’un animal mort. Le traitement, les proportions, le profil et les détails de la figuredu griffon (en particulier de l’aile et de la ligne blanche qui en délimite la cuisse) le rappro-chent des griffons présents sur le deinos de l’Incoronata et sur l’œnochoé de Vulci. La zonefigurée est encadrée en bas par le même motif que sur le col de l’œnochoé du Louvre (fig. 8) :entre deux lignes parallèles, trois petites bandes horizontales remplies par des segments noirsverticaux. Le fragment a été trouvé – on remarquera de nouveau cette circonstance parti-culière – dans un contexte sacré, celui des sanctuaires de l’acropole22.

Si nous revenons maintenant en Grèce de l’Est, il paraîtra au contraire difficile de prendreen compte le fragment du MWGS I de Nemirov (mer Noire), attribué par L. V. Kopeikina aumême atelier que l’œnochoé de Temir Gora, en raison de l’exiguïté de la partie conservée et dela banalité du sujet représenté (la chèvre sauvage), qui découragent toute identification23.

D’un autre lieu sacré – l’Héraion de Samos – provient en revanche un exemplaire quenous devons très probablement attribuer à notre groupe. Il s’agit d’une œnochoé figurée,conservée en de nombreux fragments, dont subsiste la représentation d’un taureau, d’un lionet d’un sphinx24 (ou, mieux, d’un griffon, compte tenu de la patte gauche rampante) (fig. 11-12)25. Ces motifs sont très proches par le style des réalisations précédentes, en particulier dansles détails de la représentation des animaux : regardons de près le traitement qui nous estdésormais familier, celui du profil de l’aile du griffon (fig. 12). Le répertoire décoratif est sem-blable, avec le méandre linéaire sinueux et le grand méandre, sur un fond hachuré, qui couvre

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22. NSc., 1960, p. 148, fig. 13 ; Orlandini, 1978, p. 95.23. Kopeikina, 1972, p. 158, fig. 5 b.24. Ainsi Walter, 1968, p. 120.

25. H. 28 cm. Walter, 1968, p. 120, no 502, pl. 91-93(reconstruction).

Fig. 9. Siris,fragment d’œnochoé MWGS I.Cl. © M. Denti.

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16 Mario Denti

10. Géla, fragment d’œnochoé MWGS I.D’après Walter, 1968.

11. Samos,Héraion, œnochoé MWGS I,

reconstruction.D’après Walter, 1968.

Page 16: Wild Goat Style

la panse (comme à Vulci) et le col (comme à Vulci et à Temir Gora) ; sur le fond de la pansedu vase, nous retrouvons les mêmes godrons présents sur les autres exemplaires : une série detrois godrons remplis alterne avec une série de trois godrons vides. Il s’agit d’un détail percep-tible également sur les fragments d’autres œnochoés de l’Héraion, toutefois trop mal conser-vées pour pouvoir être attribuées à cette série26.

Antonio Giuliano avait déjà eu l’occasion de remarquer l’identité stylistique de l’exem-plaire samien et de l’œnochoé de la Villa Giulia27. En ce sens, il faut souligner, au niveau

La circulation de la céramique du « Wild Goat Style » (MWGS I) 17

26. Walter, 1968, p. 121, no 510, pl. 97 (alternance de7 languettes vides) = Kopke, 1968, no 35, pl. 99,3 ; Walter,1968, p. 121, no 519, pl. 98 (3 languettes vides) = Kopke,1968, no 29, pl. 97,5.

27. Giuliano, 1975 a, p. 165 : « La oinochoe di VillaGiulia sembra quasi identica a quella di Samo ».

12. Samos, Héraion,œnochoé MWGS Il.D’après Walter, 1968.

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méthodologique, que l’opportunité de reconnaître des analogies si ponctuelles, voire des coïn-cidences exactes, dans le traitement de ces nombreux détails iconographiques, stylistiques ettechniques, trouve sa justification dans l’analyse globale des produits contemporains issus desateliers du MWGS I. Cette dernière permet en effet d’identifier sans trop de difficultés la maind’un artiste ou, si l’on préfère, d’un atelier28. Le répertoire animalier (chèvres, griffons, lions,taureaux, oies, chiens, etc.), les éléments de « remplissage » (rosettes, svastikas, éléments flo-raux), les proportions et le profil des vases (notamment des œnochoés), la forme des anses ontdes caractères très spécifiques, qui autorisent à reconnaître l’existence d’une même main der-rière une série de vases29. Il ne faut pas oublier, à ce propos, que ce que nous avons devantnous est le reste d’une production de toute façon extrêmement précieuse et quantitativementfaible, dont la rareté ne tient pas seulement à l’état de nos connaissances30.

Ce dossier est donc assez abondant pour être susceptible d’une analyse cohérente. Sinous observons par exemple les reproductions d’un thème toujours récurrent dans nos exem-plaires occidentaux – le griffon –, nous pouvons constater l’existence de différences précisesentre les griffons appartenant à notre groupe et de nombreux autres, même s’ils semblent àpremière vue très similaires. Un deinos fragmentaire de l’Héraion de Samos, où sont représen-tés une oie, un griffon et une biche (fig. 13)31, en témoigne. Malgré de profondes affinités ico-nographiques et stylistiques, les proportions de l’animal, les détails de la tête, et surtout le trai-tement et le profil de l’aile, comparés à ce que l’on voit sur le deinos de l’Incoronata (fig. 1),nous empêchent de l’attribuer à notre peintre. La même observation vaut pour une autre œno-choé du MWGS I, provenant de Rhodes et conservée à Berlin32, qui a pu être intégrée33 à la listedes œuvres les plus proches des œnochoés considérées ici (Vulci, Temir Gora, Samos). Dansce cas, il n’y a pas seulement de remarquables différences stylistiques et iconographiques, maisc’est la construction même de la forme du vase qui l’éloigne fortement de nos exemplaires.

Ce parcours nous a donc amené à reconnaître la personnalité d’un peintre qui travailledans le troisième quart du VIIe siècle. Au sein de la production des ateliers du MWGS I, ces vases

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28. Voir la liste des œnochoés à placer à côté de celle dela Villa Giulia, liste proposée par A. Giuliano, qui restaitquand même sceptique quant à la possibilité d’y recon-naître un atelier ou une personnalité artistique : Giuliano,1975 a, p. 165 (en cela, il sera suivi par La Rocca, 1985,p. 38). Remarquons d’ailleurs que l’auteur signalait très si-gnificativement, dans le même contexte, un vase qui venaità l’époque d’être découvert : notre deinos MWGS I de l’Inco-ronata. Voir également les comparaisons proposées parM. Martelli, toujours pour l’œnochoé de la Villa Giulia,qui correspondent de nouveau aux nôtres (Samos, Ermi-tage, Louvre) : Martelli, 1978, p. 158. Une procédure ana-logue d’identification d’un atelier WGS a été suivie parR. Cook : R. M. Cook, A Carian Wild Goat Style Work-shop, Oxf. JA, 12/1, 1993, p. 109-115.

29. Voir par ex. la série d’images comparées dans Schie-ring, 1957 : pour les chèvres, pl. 12 et 13, où nous recon-naîtrons « notre » chèvre à la fig. 2 (Saint-Pétersbourg) ;pour les taureaux, pl. 15 (taureau de Saint-Pétersbourg,

fig. 1) ; pour les griffons, pl. 16. Ou encore la façon diffé-rente de réaliser l’image du griffon sur l’œnochoé de Iasos(La Rocca, 1985, pl. VIII, a-b), dont on relèvera, au seind’un même schéma iconographique, les profondes diversi-tés de traitement de chaque détail, si on le compare à celuide notre peintre (observons notamment l’expression dumuseau de l’animal). Voir également le riche répertoireiconographique du WGS présenté par Walter, 1968,pl. 90 sq., ou, pour une rapide vue d’ensemble, les imagesdes œnochoés MWGS confrontées aux p. 152 et 153 deBoardman, 1998.

30. Martelli, 1978, p. 158. Nous y reviendrons plusamplement par la suite.

31. Walter, 1968, p. 123, no 556, pl. 105 ; Kopke, 1968,p. 261, no 26, pl. 97, fig. 2. Cf. également ibid., no 27,fig. 3.

32. Walter, 1968, p. 127, no 621, pl. 127 ; Boardman,1989, no 284, fig. à la p. 152.

33. Kopeikina, 1972, p. 150 ; Giuliano, 1975 a, p. 165.

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La circulation de la céramique du « Wild Goat Style » (MWGS I) 19

13. Samos, Héraion, deinos MWGS I, détail. D’après Walter, 1968.

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se détachent remarquablement de la moyenne des réalisations contemporaines par la finesse etl’élégance de la décoration peinte. Les animaux représentés semblent véritablement prendrevie, surtout si on les compare à d’autres figures analogues issues des ateliers WGS contempo-rains, dont l’allure est plus figée et les formes plus stylisées34. Le ductus du pinceau de cetartiste est tellement délicat, subtil et frais, que la surface de ses vases semble vivre et refléter lalumière, à la manière d’une véritable fibre textile35. Autre caractéristique notable de cet ate-lier : ses produits – œnochoés et deinoi – sont destinés à l’exportation et orientés vers un mar-ché bien défini ; ils atteignent en effet des lieux, grecs ou indigènes, directement ou indirecte-ment touchés par la colonisation grecque, en Orient comme en Occident.

Pour simplifier, et plus par commodité que dans une réelle perspective d’attribution,nous donnerons à cet artiste le nom de « Peintre des griffons voyageurs ». Cela en raison desdeux caractères majeurs de ses productions : le fait que, sur les trois exemplaires exportés enOccident que nous connaissons (Vulci, Géla, Incoronata36), le motif des griffons est toujoursprésent, en représentant en même temps l’un de ses principaux motifs-signatures, et le fait queces vases ont tous été trouvés hors de leur centre de production. Évidemment, cela ne peutsignifier que, une fois créés par le peintre, ces griffons se sont tout de suite envolés pour unlong voyage, jusqu’aux eschatiai du monde hellénisé. Essayons maintenant de comprendrepourquoi.

LES LIEUX ET LES CONTEXTES DE LA RÉCEPTION

Après avoir analysé les exemplaires que nous avons pu reconnaître comme appartenant àun même groupe, il faut maintenant affronter les problèmes de fond, qui se résument à laquestion suivante : pourquoi les griffons voyagent-ils ? Autrement dit : pour quelles raisons lesvases produits dans notre atelier partent-ils, et, surtout, où arrivent-ils ?

Il faut d’abord rappeler que le phénomène que nous essayons de comprendre n’est pasnouveau. Avant la diffusion en Occident des vases figurés du MWGS I, nous assistons à l’impor-tation, dans les régions considérées, de produits « de luxe » de la Grèce de l’Est, datant de lafin du VIIIe siècle et du début du VIIe siècle, qui peuvent être attribués au travail d’un même ate-lier. Il suffira d’observer, par exemple, ce qui se passe en Italie du Sud sur la côte de la merIonienne. L’Incoronata voit en effet arriver une œnochoé « nord-ionienne » du GéométriqueTardif, avec embouchure trilobée, décorée du motif de l’ « arbre à méandre »37, un oiseau et un

20 Mario Denti

34. Comparons le trait de notre peintre avec lamoyenne de la production contemporaine, dans les pagesde grands répertoires comme Walter, 1968, Les céramiquesde la Grèce de l’Est, 1978, ou Boardman, 1998.

35. Cf. Cook, Dupont, 1998, p. 38.

36. Le fragment de Siris (fig. 9) comprend la seule zonedu col.

37. Discussion sur ce motif, avec la bibliogr. précé-dente, dans Denti, 2000, p. 796 sq.

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grand losange contenant cinq losanges plus petits quadrillés (fig. 14)38. Elle est sans doutesortie de la même main qu’une œnochoé exhumée dans le sanctuaire d’Athéna au Timponedella Motta, à Francavilla Marittima de Sybaris, dont il subsiste des fragments (fig. 15)39 :nous pouvons constater une identité technique et stylistique véritablement étonnante, jusquedans la façon dont le peintre a tenu le pinceau au moment de tracer les lignes parallèles(condensation de la peinture, à la fin du trait, aux mêmes endroits).

Le phénomène de la circulation en Occident des vases figurés produits dans les ateliersde la Grèce de l’Est se développe donc tout au long du VIIe siècle selon des caractéristiquesrécurrentes. Et l’une des plus frappantes est certainement la concentration des commandesauprès d’un nombre assez restreint d’ateliers. Il s’agit d’un phénomène également documentéà la limite Nord du monde grec, dans les régions du Pont-Euxin. Pour la période qui nousconcerne (le troisième quart du VIIe siècle), l’œnochoé de Temir Gora, que nous avons exa-minée (fig. 5), ne constitue pas du tout un cas isolé. Elle trouve en effet des parallèles précisdans des fragments découverts sur un autre site de la mer Noire, Nemirov, qui ont conduit lesarchéologues russes à les identifier comme étant les produits d’un même atelier40.

L’importation de la céramique du MWGS I (650-630 av. J.-C.), toujours figurée, estd’abord réservée à des exemplaires de très grande valeur. Il s’agit de pièces qui s’inscriventdans l’importation de produits d’exception, réalisés par un nombre très restreint d’ateliers. Lecas étudié ici, celui du « Peintre des griffons voyageurs », semble être l’un des plus significatifs,mais il n’était probablement pas le seul41.

Sur le plan historique et géographique, cette production est destinée aux élites grecqueset indigènes des régions placées aux extrêmes limites du monde hellénisé. Mis à part le casspécifique de l’Héraion de Samos (qui peut s’expliquer par la proximité de ce grand sanctuaireavec les lieux de production), œnochoés et cratères issus de notre atelier se retrouvent sur dessites clés de la colonisation grecque (Incoronata, Siris, Géla), ainsi que dans le milieu indigènede l’Italie (Vulci) et de la mer Noire (Temir Gora). Le manque de connaissances précises surle contexte d’utilisation des vases provenant de l’Étrurie (contexte que nous devons, en toutcas, imaginer comme funéraire) peut être efficacement compensé par la situation à l’Est de laMéditerranée, ces produits étant déposés au sein des grands tumuli « royaux » des populationsscythes sur la côte de la mer Noire, profondément nourris de culture grecque depuis le

La circulation de la céramique du « Wild Goat Style » (MWGS I) 21

38. Musée archéologique national de Métaponte,inv. St 125081. P. Panzeri, Oinochoe tardogeometricadall’Incoronata, ACME, XXXIV, III, sett.-dic. 1981,p. 579-582 ; P. Orlandini, Scavi e scoperte di VIII eVII sec. a.C. in località Incoronata tra Siris e Metaponto,An. Sc. Atene, LX, N.S., XLIV, 1982, p. 315-327 ; p. 326,fig. 21 ; P. Orlandini, Incoronata (Metaponto), Campagnedi scavo 1977-1978, Quaderni de « La ricerca scientifica »,112, 1985, p. 217-236 ; p. 231, fig. 25 ; I Greci sul Basento,1986, p. 131, no 68, pl. 48 ; Denti, 2000, p. 798 ; Ricerchearcheologiche all’Incoronata di Metaponto, 4, L’oikos delgrande perirrhanterion nel contesto del saggio G, Milan,2000, p. 49, fig. 52 a, 52 b, 182, 183.

39. Musée archéologique national de la Sibaritide, inv.FM 65613, fouilles Stoop à Francavilla Marittima, 1963-1969. Guzzo, 1978, p. 109, no 28 bis ; M. W. Stoop, Notesugli scavi nel santuario di Atena sul Timpone della Motta(Francavilla Marittima – Calabria), 1-2, Ba. Besch., 54,1979, p. 77-97, p. 82, pl. IV, 7 ; P. G. Guzzo, La Sibari-tide e Sibari nell’VIII e nel VII secolo a.C., An. Sc. Atene,LX, N.S., XLIV, 1982, p. 237-250 ; p. 245, fig. 12.

40. Voir note 23 et Vakhtina, 2006.41. La présence en Occident de pièces également ex-

ceptionnelles, un peu plus tardives, telles que l’ « œnochoéLévy », ne doit pas constituer un épisode isolé. Voir supra,note 7.

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VIIe siècle42. Leur destination cérémonielle est confirmée par le niveau exceptionnel des objetsretrouvés dans le grandiose tumulus de Temir Gora, qui a livré, entre autres, un bâton enbronze recouvert d’or, des enjoliveurs avec frises d’animaux, ainsi que de spectaculaires déco-rations d’arc et de carquois en os43.

Le degré d’hellénisation des communautés aristocratiques du milieu non grec, enÉtrurie44 comme en mer Noire45, peut constituer la clé de la présence de ce type d’objets, véri-tables marqueurs d’un prestige qui se jouait à l’aune de leur participation à l’horizon culturelgrec. Mieux : à un horizon grec assez précis, celui de la Grèce de l’Est. Ce n’est pas un hasardsi aucune diffusion de produits du WGS n’est attestée, à cette époque, auprès des communau-tés indigènes de l’intérieur.

22 Mario Denti

42. K. Schefold, Der skythische Tierstil in Südrussland,ESAI, XII, 1938, p. 7 ; Kopeikina, 1972, p. 147 ; Aman-dry, 1975 ; Alexandrescu, 1978 ; Tsetskhladze, 1994 ;Vinogradov, 2001.

43. Kopeikina, 1972, p. 147 ; Schiltz, 1994, fig. 11et 86. Cf. aussi V. Schiltz, Histoires de Kourganes, La décou-verte de l’or des Scythes, Paris, 1991, en part. p. 73.

44. Martelli, 1985, p. 178. Voir aussi notre p. 29 sq.45. Amandry, 1975 ; Vinogradov, 2001.

14. Incoronata,œnochoé « nord-ionienne »,

du Géométrique Tardif.Cl. © M. Denti.

Page 22: Wild Goat Style

Plus particulièrement, la qualité exceptionnelle des vases issus de notre atelier, si on lescompare à la moyenne des produits contemporains de la même école, les désigne comme étantde véritables « pièces uniques », des objets très précieux. Rappelons-nous à ce propos que lesproduits d’importation du WGS en Occident sont en général très rares46 : vers le milieu duVIIe siècle, l’Étrurie n’en connaît qu’une dizaine d’exemplaires47. Si nous nous reportons auxlistes de ces mêmes objets exportés en Grande-Grèce et en Sicile, la situation n’est pas très dif-férente48. La présence des vases de Chio en Occident (Étrurie et France méridionale comprise)se limite à 19 exemplaires49.

En Grèce de l’Est est donc attestée l’existence d’au moins un atelier spécialisé qui réa-lise, au cours du troisième quart du VIIe siècle, une production de vases figurés très limitée, etspécialement destinée à l’exportation50. Du point de vue géographique, comme nous l’avonsvu, la région milésienne semble actuellement le meilleur candidat pour son emplacement.Pour mieux essayer d’en comprendre les caractéristiques, il faudra d’abord approfondir lesmodalités de la manifestation de ce cas particulier dans le cadre général de l’exportation desproduits du WGS.

Eugenio La Rocca avait évoqué à cet égard un argument à caractère « économiste » : lesintérêts commerciaux milésiens auraient pu être à la base des trafics entre Milet et la Grande-Grèce et la Sicile à cette époque. Il se demandait en effet51 si, derrière la présence de nos produitsdu MWGS I à Géla et à l’Incoronata, nous ne pouvions pas trouver la fourniture de blé à Milet dela part de ces deux régions fertiles, dès lors que la cité ionienne était, à cette date, obligée de l’im-

La circulation de la céramique du « Wild Goat Style » (MWGS I) 23

46. Cook, Dupont, 1998, p. 38.47. Martelli, 1978, p. 157 sq. ; Cook, 1989, p. 163.48. Guzzo, 1978, p. 107-109.49. Lemos, 1991, p. 195 sq.

50. Sur la détermination de provenance des céramiquesde la Grèce de l’Est dans la région de la mer Noire, voirDupont, 1983.

51. La Rocca, 1985, no 47.

15. FrancavillaMarittima,fragmentd’œnochoé.Cl. © M. Denti.

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porter. Si, en ce qui concerne la mer Noire – où la plupart des fondations coloniales sont juste-ment milésiennes52 –, il semble permis de faire appel à des raisons politico-historiques, nous nepouvons évidemment pas appliquer les mêmes critères dans le cas de la péninsule italienne. Deplus, ce n’est pas à une approche « économiste » que nous devons recourir pour expliquer unphénomène comme celui de l’importation de pièces de céramiques peintes de qualité exception-nelle, phénomène plutôt impliqué dans la sphère idéologique et cultuelle.

Marina Martelli a invoqué ici un argument de type esthétique et qualitatif. En traitant denotre œnochoé de Vulci et d’une autre, encore plus célèbre, l’ « œnochoé Lévy », elle les quali-fiait comme deux des « maggiori documenti del commercio greco-orientale che, intorno allametà del VII secolo, esporta in Occidente (Magna Grecia e Etruria) pezzi di altissima qualità,inviati forse come campionario della eccezionale capacità raggiunta dall’artigianato greco »53.C’est évidemment un argument à considérer, et qui a sans doute compté dans les critères dechoix, mais qui, pris isolément, paraît tout de même trop général et formaliste.

L’archéologie, en revanche, est probablement en mesure de nous donner une réponseplus structurée, en nous permettant de saisir un élément fondamental : les contextes d’utilisa-tion des pièces. Il est en effet possible de vérifier que tous ces vases ont été découverts exclusi-vement dans deux types d’emplacements, les sanctuaires et les nécropoles. D’un lieu de culteproviennent en effet les exemplaires de Samos (fig. 11), Géla (fig. 10), Siris (fig. 9), Franca-villa Marittima (fig. 15). D’un tombeau princier, celui de la mer Noire (fig. 5) et, très vraisem-blablement – compte tenu du très bon état de conservation des vases et de leur provenance« étrusque » –, les exemplaires de Vulci (fig. 2) et de la collection Campana au Louvre (fig. 8).

On sait, d’ailleurs, que les « chefs-d’œuvre » se retrouvent normalement dans les lieux deculte et dans les tombes, jamais dans des habitations54. Ce type de produit a, en effet, toujoursgardé sa nature de céramique destinée à des fonctions cultuelles spécifiques, ou encore sasignification rituelle au sein des cérémonies funéraires, même dans les nouvelles terres d’im-portation55. La demande constante de deux formes – le deinos et l’œnochoé – est déjà très ins-tructive à cet égard, puisqu’elle se concentre sur des vases qui s’inscrivent dans les pratiquescérémonielles. Si nous nous tournons, ensuite, vers l’horizon figuratif propre à ces objets pré-cieux, la profusion d’images telles que l’arbre de vie, les taureaux, les chèvres sauvages et lesoiseaux, mais surtout les griffons, ne fait que confirmer la cohérence du contexte de décou-verte : prestigieux composants de la gestuelle dans la sphère du rituel aristocratique méditerra-néen, nos vases se présentaient comme des véhicules précis de la transmission de l’imagerie« royale » de tradition gréco-orientale.

Tout en évitant de créer des schémas d’interprétation trop figés, nous ne pouvons quandmême pas nous empêcher d’observer que la circulation des produits du MWGS s’articule selondeux axes fonctionnels majeurs : au sein du milieu grec (Grande-Grèce et Sicile), ces vases

24 Mario Denti

52. Tsetskhladze, 1994.

53. Martelli, 1985, p. 206.

54. Scheibler, 2004, p. 65. P. Orlandini le souligne pourles importations WGS en Sicile : Orlandini, 1978, p. 95.

55. Scheibler, 2004, p. 213.

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semblent avoir été utilisés dans des contextes sacrés, et au sein du milieu non grec (en Étruriecomme en mer Noire), dans des contextes funéraires. Dans les deux cas, leur fonction resterituelle.

La destination cultuelle des vases du WGS est habituellement attestée dans les établisse-ments grecs de la Méditerranée, comme le montrent notamment les très nombreux exem-plaires de l’Héraion de Samos (que nous venons de considérer)56, les données du sanctuaire deLabraunda57, de l’Artémision et du sanctuaire d’Athéna Poliouchos à Thasos58, sans oublier lecas de la coupe spectaculaire du MWGS II de Chio dédiée à Aphrodite par Sostratos, trouvée àNaucratis59. Rappelons également, ici, le célèbre « calice » du VIIe siècle découvert à Emporio(Chio), portant la signature du potier (Nikésamos)60.

Les découvertes d’Occident ne font pas, à cet égard, exception. Lorsque la provenanceest connue, nous constatons de nouveau que les produits de la Grèce de l’Est sont constam-ment dédiés dans un espace sacré, ou déposés dans une tombe.

La liste des exemplaires du premier groupe est longue : du sanctuaire de Bitalemi à Gélaproviennent, entre autres, un grand deinos du WGS de Chio et les fragments d’un autre61 ; dusanctuaire de la Malophoros à Sélinonte, des fragments de calices chiotes62 ; d’un dépôt votifdu sanctuaire de Déméter à Catane, au moins une vingtaine de calices, un fragment de cra-tère, une phiale mésomphalos et des coupes, tous de production chiote63 ; de l’Athénaion deSyracuse, une œnochoé du LWGS64 ; d’une zone de culte à Ortygie, des fragments de deinos,d’assiette et d’œnochoés du LWGS65 ; de la zone sacrée de Griso-Laboccetta à Rhégion, unecoupe à oiseaux, les fragments d’une œnochoé, trois fragments appartenant au « style d’Eu-phorbe »66 et un calice avec une représentation de comastes, de Chio67 ; du sanctuaired’Athéna à Francavilla de Sybaris, deux œnochoés du LWGS68 et des fragments de Chio69 ; dusanctuaire de S. Biagio à Métaponte, une olpé « rhodienne orientalisante »70 ; du sanctuaire

La circulation de la céramique du « Wild Goat Style » (MWGS I) 25

56. À côté de la bibliographie considérée précédem-ment, voir des observations importantes dans H. P. Isler,Samos : la ceramica arcaica, dans Les céramiques de la Grècede l’Est, 1978, p. 71-84.

57. J.-J. Jully, Les céramiques archaïques du sanctuairecarien de Labraunda, dans Les céramiques de la Grèce del’Est, 1978, p. 31-33.

58. F. Salviat, La céramique de style chiote à Thasos,dans Les céramiques de la Grèce de l’Est, 1978, p. 87-92.

59. Lemos, 1991, p. 73, no 252, pl. 24-27 ; Boardman,1998, no 311, fig. à la p. 160.

60. Lemos, 1991, p. 7, no 35, pl. 4. Sur la céramique fi-gurée ionienne dans des lieux de culte, voir en dernier lieudifférentes contributions (entre autres, de T. Carl et deU. Schlotzhauer) dans Maiandros, Festschrift für Volkmarvon Graeve, R. Biering, V. Brinkmann, U. Schlotzhauer,B. F. Weber éd., Munich, 2006, et, enfin, Th. G. Schatt-ner, Didyma, III, 4, Die Fundkeramik vom 8. bis zum4. Jahrhundert v. Chr., Mayence, 2007 (nous n’avons putenir compte de cette publication tardive).

61. Lemos, 1991, p. 19, no 303, et p. 196, no 10, pl. 37-40, qui les considère comme votifs ; Orlandini, 1978.

62. Lemos, 1991, p. 196, no 11 (votifs).

63. De la place S. Francesco à Catane (calice LWGS deChio ; plat LWGS nord-ionien ; calice de Chio de l’ « Ani-mal Chalice Style ») : Wild Goat Style, La ceramica greco-orientale del VII secolo a.C., catalogo della Mostra, Gela, MuseoArcheologico regionale, 2006 (sous presse) ; Lemos, 1991,p. 195, no 7.

64. Wild Goat Style, La ceramica greco-orientale del VII se-colo a.C., catalogo della Mostra, Gela, Museo Archeologico re-gionale, 2006 (sous presse).

65. F. Fouilland, Fragments du « Wild Goat Style » àSyracuse, Ortygie, dans Damarato, 2000, p. 115-118, quicite (p. 116, avec bibliogr.) l’existence d’autres découvertesde WGS à Ortygie, encore partiellement inédites. Cf. Le-mos, 1991, p. 196, no 9, fig. 417-418 : deux fragmentsdu WGS de Chio à Ortygie.

66. Guzzo, 1978, p. 108.67. Guzzo, 1978, p. 114 ; Lemos, 1991, p. 196, no 13.68. M. W. Stoop, Francavilla Marittima, Santuario di

Atena sul Timpone della Motta, ASMG, XI-XII, 1970-1971, p. 38-66 ; p. 60 sq., nos 8 et 9, pl. XXIV ; Guzzo,1978, p. 109.

69. Lemos, 1991, p. 196, no 17.70. Guzzo, 1978, p. 108.

Page 25: Wild Goat Style

d’Aphrodite à Gravisca, entre autres, les fragments d’un deinos du LWGS et deux calices deChio71 ; les nombreux fragments de production chiote du VIe siècle à Marseille ont vraisembla-blement tous été découverts dans des sanctuaires72.

S’agissant des provenances funéraires, il suffira de considérer la longue liste des cérami-ques de la Grèce de l’Est trouvées dans les nécropoles étrusques (où leur présence est déjà biendocumentée à l’époque géométrique)73, de Sicile (Sélinonte, Géla)74 et de Grande-Grèce(notamment Tarente)75, ou des importations de Chio dans les nécropoles de Locres (Man-nella), Tarente, Caere, Vulci, Gavorrano (Grosseto)76.

En ce qui concerne plus spécialement le groupe du MWGS I étudié ici, la destinationrituelle des objets de l’Héraion de Samos, associée aux exemplaires trouvés dans les sanc-tuaires de Géla, Siris et Francavilla Marittima, aussi bien que dans les nécropoles étrusques ouscythes, nous oblige à suivre le même fil rouge pour essayer de décrypter la raison de la pré-sence de ces produits rares sur les sites pour lesquels nous manquons d’indications de prove-nance précises.

À cet égard, il faut nous retourner un instant vers le seul contexte que nous n’avonspas encore analysé, car il ne semblait pas fournir des informations suffisamment claires :celui de l’Incoronata, où a été découvert le fragment du très beau deinos réalisé par notrepeintre (fig. 1). Traditionnellement, les dépôts de céramiques présents sur la colline, conte-nant des dizaines de pièces de même valeur que celui-ci (la plupart de production locale),ont été interprétés comme appartenant à des « maisons-magasins », dans un habitat77. Toute-fois, le récent réexamen critique du dossier constitué par les nombreux périrrhanteria figurés,portant un splendide décor en relief (une autre classe de vases destinés sans équivoque à unefonction rituelle)78, ainsi que les résultats des dernières recherches et des nouvelles cam-pagnes de fouille79, nous ont permis d’ouvrir la voie à une nouvelle interprétation. Dès lorsqu’aucune nécropole n’y est documentée, il ne nous reste guère en effet qu’à imaginer ce site

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71. F. Boitani Visentini, Le ceramiche decorate di im-portazione greco-orientale di Gravisca, dans Les céramiquesde la Grèce de l’Est, 1978, p. 216-222 ; Lemos, 1991,p. 197, no 22.

72. Lemos, 1991, p. 196, no 25.73. Martelli, 1978.74. A. Rallo, Le importazioni greco-orientali a Seli-

nunte a seguito dei più recenti scavi, dans Les céramiques dela Grèce de l’Est, 1978, p. 99-103 ; Orlandini, 1987.

75. F. G. Lo Porto, Le importazioni della Greciadell’Est in Puglia, dans Les céramiques de la Grèce de l’Est,1978, p. 131-136.

76. Lemos, 1991, p. 197, nos 14, 19, 21, 23, 24.77. Dans la très riche bibliogr., voir le volume de syn-

thèse I Greci sul Basento, 1986, en part. p. 29-39 (P. Or-landini).

78. M. Denti, Perirrhanteria figurati a rilievo nei depositidi ceramica sulla collina dell’Incoronata di Metaponto,Tracce di un’attività rituale ?, Siris, 6, 2005, p. 173-186.

79. Les fouilles à l’Incoronata ont été reprises en 2003par l’équipe de l’Université de Rennes 2, sous ma direction.Notices dans Atti Taranto XXXXIII, 2003, Tarente, 2004,p. 956 ; Atti Taranto XXXXIV, 2004, Tarente, 2005,p. 332-336 ; Atti Taranto XXXXV, 2005, Tarente, 2006,p. 735 ; Atti Taranto XXXXVI, 2006, Tarente, 2007 (à pa-raître). Articles : M. Denti, Grecs et indigènes à la frontièrede l’Occident, L’occupation du territoire du Métapontin auVIIe siècle avant J.-C., dans Actes du Colloque « Pouvoir et ter-ritoire I (Antiquité-Moyen Âge) », Saint-Étienne, 2005, Saint-Étienne, 2007, p. 225-244 ; M. Denti, I contesti di produ-zione della ceramica enotria nel quadro della più antica fasedi occupazione dell’Incoronata, dans Actes du Colloque « Pri-ma delle colonie : organizzazione territoriale e produzioni cera-miche specializzate in Basilicata e in Calabria settentrionale io-nica nella prima età del Ferro », Matera, 2007 (sous presse).Pour l’interprétation des dépôts de céramique : M. Denti,Ph. Lanos, Rouges, non rougis, les briques de l’Incoronataet le problème de l’interprétation des dépôts de céramique,MEFRA, 119/2, 2007, p. 445-481.

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archéologique crucial comme un lieu, au moins dans sa phase la plus récente80, de pratiquesrituelles. La qualité extrêmement élevée de la céramique figurée mise au jour, aussi bien quesa remarquable quantité, nous conduisent sans difficulté vers une telle interprétation. Parconséquent, l’existence à l’Incoronata d’un exemplaire de vase du MWGS I comme notre dei-nos (maintenant mieux inscrit au sein de son réseau de production et de fonctionnementinternational) rend encore plus difficile la lecture traditionnelle de son lieu de provenancecomme étant un habitat. En revanche, dans un contexte cultuel, ce fragment retrouve, àl’intérieur des gigantesques dépôts de céramique figurée orientalisante de l’Incoronata, sacohérence fonctionnelle.

Le croisement des données relatives aux provenances des pièces avec celles des comman-ditaires pose divers problèmes. En premier lieu, pouvons-nous préciser à quel type de commu-nauté aristocratique appartenaient les dédicants81 ? Si la situation est suffisamment claire dansle cas des nécropoles, pour les sanctuaires – à Géla, à Francavilla Marittima, dans la Siritide etle Métapontin – nous pouvons imaginer plusieurs possibilités : des Grecs résidents, des non-Grecs ou bien des Grecs qui, venant de la Grèce de l’Est, emportaient avec eux leur précieusecargaison et la dédiaient finalement dans un sanctuaire d’Occident.

Pour répondre à cette question, il faut en fait résoudre un autre problème : celui de lasignification du choix de ce type d’offrande. À cette époque-là, le très beau vase figuré du WGS

était-il chargé d’un prestige générique, dû à ses qualités intrinsèques, ou bien était-il doté dequelques caractéristiques précises qui lui conféraient une valeur d’identification, au sens com-munautaire et/ou culturel ? Le choix d’exhiber du « Wild Goat Style » comme décor d’un vasedédié dans un sanctuaire du lointain Occident pouvait-il indiquer l’identité du commandi-taire ? Autrement dit, et pour revenir à la question fondamentale sur le terrain méthodolo-gique, le style – en tant que « langage figuratif » – exprime-t-il une identité82 ? Il faut préciserque nous entendons ici le terme « identité » au sens culturel (comme manifestation de l’appar-tenance à un réseau spécifique de relations internationales), et non nécessairement au sensethnique.

Si nous donnons à cette question une réponse positive83, le milieu funéraire fournit demeilleurs éléments de compréhension. En effet, l’option de l’aristocrate étrusque qui, dans laVulci de la moitié du VIIe siècle, choisit d’exhiber dans son mobilier funéraire une œnochoéfigurée fabriquée en Grèce de l’Est, pourrait s’expliquer d’une manière générale par des rai-sons de prestige : à travers ce chef-d’œuvre de la céramique gréco-orientale, il entendait affi-cher son appartenance au réseau de la culture orientalisante la plus prisée à l’époque. Mais

La circulation de la céramique du « Wild Goat Style » (MWGS I) 27

80. L’association des produits du WGS, comme notredeinos, à la céramique grecque de production locale et auProtocorinthien Tardif permet de dater ces dépôts du troi-sième quart du VIIe s., c’est-à-dire dans la phase finale de lavie de l’établissement.

81. La question ne revêt pas en elle-même une grandeimportance. Ce qui compte réellement, c’est de vérifierque l’ensemble des communautés aristocratiques de la Mé-

diterranée et de la mer Noire, caractérisées par un certaindegré d’hellénisation, participent à cette époque d’unmême horizon culturel de référence.

82. Croissant, 1983.83. Le problème est d’ordre méthodologique. Une lec-

ture de ce type a été tentée, pour la céramique « coloniale »du VIIe s. dans la Siritide et le Métapontin, dans Denti,2002.

Page 27: Wild Goat Style

pourrions-nous légitimer l’interprétation de son choix par l’intention d’exprimer quelquechose de plus spécifique, qui soit précisément reconnaissable par le public contemporain ? Untrait immédiatement identifiable, qui pouvait indiquer que ce commanditaire partageait dansune certaine mesure non seulement un horizon culturel, mais fort probablement des relationsconcrètes avec le monde – celui de la Grèce de l’Est – évoqué par un objet produit dans cemilieu ?

Le vase pouvait alors être là pour affirmer les liens précis entre notre atelier gréco-oriental et son commanditaire étrusque, scythe ou grec occidental ; des liens dont la naturenous reste pour le moment inconnue, mais qui reposaient fondamentalement sur uneprofonde communauté idéologique. En ce sens, le WGS (tout comme le Proto-corinthien oule Proto-attique) peut être considéré comme un véritable langage figuratif, capable de parler,et même d’exprimer beaucoup de choses. Je continue à avoir du mal à penser qu’une civilisa-tion aussi raffinée que celle de nos aristocrates « orientalisants » du VIIe siècle n’avait pasconscience de la valeur culturelle et idéologique des véhicules figurés dont elle demandait laproduction84.

Tout au long de notre recherche d’interprétation, nous pouvons nous demander si nousne serons pas capables un jour de trouver la piste conduisant à une meilleure compréhensionde la nature des relations qui pouvaient être entretenues – d’un bout à l’autre des routes mari-times méditerranéennes – entre notre atelier et ses commanditaires. Il est évident qu’en l’étatactuel de nos connaissances il n’est pas encore possible de répondre à cette question. Maisl’essentiel est d’avoir commencé à recréer, autour de ces produits, leur cadre d’utilisation et dedestination. Pour le cas spécifique de Vulci, par exemple, nous pouvons confirmer la solidité eten même temps la longue durée de ces relations, en rappelant que l’importation de piècesabsolument exceptionnelles y continuera tout au long du VIIe siècle : dans la liste des pro-duits WGS de ce seul centre figurent au moins l’ « œnochoé Lévy »85 et le calice MWGS II deChio conservé à Würzbourg86.

Là où l’identité des commanditaires reste inconnue, comme sur les lieux de culte, cetype d’interprétation permet d’éviter de s’égarer dans une démarche méthodologique erronée :l’association d’un vase produit dans un atelier déterminé (dans notre cas, très probablementmilésien) avec un commanditaire lié du point de vue ethnique à cette région, la présence d’un

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84. Puisque nous sommes actuellement en mesure delire les choix iconographiques et stylistiques de la produc-tion figurée des époques classique et hellénistique en ter-mes identitaires et/ou idéologiques (nous le faisons égale-ment pour l’époque archaïque), je ne vois pas pourquoinous devrions nous abstenir pour les périodes antérieuresau VIe siècle. Cette lecture est encore plus valable pour unecivilisation comme celle que nous appelons « orientali-sante », qui sélectionne chaque élément provenant del’Orient avec une logique précise et rigoureuse, à travers la-quelle chaque petit détail iconographique est tout sauf insi-gnifiant. Le fait de ne pas savoir encore l’interpréter n’im-plique pas que nous devrions renoncer à essayer de le faire.

Cf. par ex. l’étude de la réception et de l’élaboration« locale » de l’iconographie de la Gorgone de traditionproche-orientale (à savoir, « équine ») dans le répertoire descéramistes grecs de la Siritide et du Métapontin, dansM. Denti, Un frammento di deinos del VII secolo a.C. configura mitologica da Siris-Polieion, Rend. Lincei, s. 9, 11, 3,2000, p. 475-497. Sur le problème : M. Denti, Le attesta-zioni del mito in Magna Grecia e in Sicilia nell’VIII eVII sec. a.C., dans Immagine e mito nella Basilicata antica,Venosa, 2002, p. 22-34.

85. Voir supra, note 7.86. Lemos, 1991, no 236, pl. 19-20 ; Cook, Dupont,

1998, p. 47, fig. 8, 15 ; Boardman, no 310, fig. à la p. 159.

Page 28: Wild Goat Style

vase WGS signalant simplement celle d’un Grec de l’Est. La manifestation d’identité, on l’a vu,est en premier lieu culturelle, et non ethnique.

La chance qui nous a été donnée de reconnaître l’existence de relations privilégiées entredes commanditaires installés dans des régions hellénisées fort éloignées et au moins un atelier,qui était en mesure de leur fournir les mêmes produits WGS de première qualité, deviendraitalors un argument majeur pour certifier des contacts spécifiques entre ces deux mondes. Laprésence d’une œnochoé ou d’un deinos du MWGS I dans une tombe aristocratique, ou dans unsanctuaire, pourrait-elle alors signifier l’existence d’une « liaison particulière » du commandi-taire avec ce milieu historique et culturel ?

« WILD GOAT STYLE D’OCCIDENT »

L’analyse des conséquences de l’arrivée de ce type de produits sur les ateliers de céra-mique actifs en Occident devrait maintenant nous permettre d’affiner la compréhension desrelations entre commanditaires et ateliers gréco-orientaux.

Au sein de la dynamique historico-culturelle sur laquelle s’appuie l’enchaînement entrel’importation des objets, l’élaboration locale des modèles et la migration des céramistes enMéditerranée occidentale87, la série de vases qui a fait l’objet de notre étude se révèle apparte-nir à la phase initiale de circulation de la céramique du WGS : celle de l’importation des pro-duits du MWGS I, qui correspond à la période pendant laquelle notre peintre travaille, autourde la décennie 640-630 av. J.-C. Viennent ensuite les timides débuts de l’activité des céra-mistes émigrés de la Grèce de l’Est, qui exploiteront au sein des établissements occidentaux lebagage artistique et technique apporté de la mère patrie : comme on le verra mieux dans uninstant, l’Italie est un témoin privilégié de cette activité, dans le Sud (atelier local WGS del’Incoronata), en Sicile (atelier local WGS de Géla)88, en Étrurie (« Peintre des hirondelles »,dernier quart du VIIe siècle89). Cette phase – celle de l’élaboration locale, ou de l’ « imitation »du WGS loin des ateliers d’origine90 – va recouvrir partiellement l’activité des céramistes grecsqui, à partir du dernier quart du siècle, se seront implantés définitivement en Étrurie, commele « Peintre de la sphinge barbue » et son entourage (610-600 av. J.-C.)91. Ce phénomène estcaractérisé par la présence d’ateliers qui travaillent désormais de manière autonome, en créantun langage nouveau par rapport aux modèles d’origine.

La circulation de la céramique du « Wild Goat Style » (MWGS I) 29

87. Giuliano, 1963 ; Martelli, 1978, p. 25 ; Guzzo,1978 ; Martelli, 1978 ; Orlandini, 1978 ; Martelli, 1985 ;Cook, 1989 ; F. Gaultier, Le ceramiche dipinte di età ar-caica, dans Gli Etruschi (sous la dir. de M. Torelli), Milan,2000, p. 421-437. Pour le phénomène dans les régions duPont-Euxin, voir n. 3.

88. Denti, 2000, p. 816 sq.

89. Giuliano, 1963 ; Giuliano, 1975 b ; Martelli, 1987,p. 25, 275, nos 58, 59 ; Cook, Dupont, 1998, p. 68 ; plusrécemment, Giuliano, 2000, avec la bibliogr. antérieure.

90. Cook, Dupont, 1998, p. 38 et 66 ; Denti, 2000,p. 816.

91. Giuliano, 1963, p. 197 sq. ; Martelli, 1987, p. 25 et276 sq., nos 60, 1-2, 61, 62 ; Cook, 1989 ; Giuliano, 2000.

Page 29: Wild Goat Style

Il faudrait bien évidemment considérer ces trois moments avec souplesse, et non commedes phases toujours successives – les chronologies non contemporaines des exemplaires del’Incoronata (ante 640-630) et d’Étrurie (620-610) le prouvent –, mais plutôt comme diffé-rentes modalités de l’activité artisanale et artistique développée au sein des communautésd’Occident, grecques et indigènes.

Il faut relever comme un fait important que, sur presque tous les sites touchés par le phé-nomène de l’importation des vases du MWGS I en Occident – en Étrurie, en Sicile, en Grande-Grèce –, on assiste à l’installation d’un atelier qui commencera à réaliser du WGS sur place. Ilen résulte des objets suffisamment reconnaissables, sur le plan stylistique, pour que nous puis-sions parler de « WGS d’Occident »92. Il s’agit de produits issus d’ateliers « secondaires » (pourutiliser un terme anglo-saxon), qui n’ont pas encore bénéficié d’une attention suffisante de lapart des spécialistes93 ; en effet, les « imitations coloniales » habituellement évoquées sont sur-tout celles d’Histria, d’Olbia, de Bérézan et de Naucratis94.

Pour l’instant, il est possible de détecter au moins trois ateliers principaux. Le pluscélèbre est celui qui, à Vulci, réalise des vases du MWGS II pendant le dernier quart duVIIe siècle. Il s’agit du « Peintre des hirondelles », un artiste qui s’est formé dans un ateliergréco-oriental et qui, émigré en Étrurie, y a installé son propre atelier95.

Le deuxième peut être localisé à Géla. De la nécropole de Villa Garibaldi provient unstamnos de production locale, daté en gros de la deuxième moitié du VIIe siècle (fig. 16)96. Ladécoration, qui appartient du point de vue du style au MWGS I, montre entre les anses une sériede cercles concentriques d’inspiration cycladique ; en dessous, entre des lignes parallèles, lemotif des chiens poursuivant des chèvres sauvages (qui caractérise les frises « secondaires » desproduits WGS de l’époque) est synthétisé dans celui d’un seul chien qui poursuit une seulechèvre ; les figures sont ainsi tellement étirées que les deux animaux couvrent à eux seulsl’espace métopal de la panse du vase, sans qu’aucun remplissage ne vienne s’ajouter à la repré-sentation. La remarquable finesse du dessin, le traitement très sûr des détails des deux figures,la correspondance parfaite avec les conventions iconographiques du milieu d’origine concou-rent à tracer le profil d’un peintre « milésien » qui, comme dans le cas de Vulci, a implanté sonatelier à Géla.

Or, ces mêmes traits peuvent être observés sur deux petits cratères du WGS, produitsdans un atelier de l’Incoronata juste avant 640-63097, une datation qui s’appuie sur de clairesraisons stylistiques, mais surtout sur des arguments archéologiques sans équivoque98. Commeon peut le vérifier sur le vase le mieux conservé (fig. 17), la chèvre sauvage qui couvre, isolée,

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92. Denti, 2000, p. 816 sq. Cf. Dupont, 1983, no 2.93. Cook, Dupont, 1998, p. 38 : « Such secondary

schools are apparent from finds at Ephesus and on Chiosand others may turns up as exploration proceeds. »

94. Cook, Dupont, 1998, p. 66. Cf. Dupont, 1983,p. 18.

95. La vaste bibliographie concernant ce peintre (voirci-dessus note 89) peut dispenser d’y revenir ici en détail.

96. D. Adamesteanu, Vasi gelesi arcaici di produzionelocale, Arch. Cl., 5, 1953, p. 244-247 ; p. 246, pl. CVIII,2 ; Orlandini, 1978, p. 96, pl. LV, fig. 18 ; Denti, 2000,p. 822, fig. 16.

97. Denti, 2000, p. 816, fig. 13 et 14.

98. Voir supra, note 9 et 80.

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tout l’espace métopal est représentée avec des traits fort simplifiés, dans son contour commedans la façon d’appliquer la peinture. D’autres éléments permettent d’y reconnaître la maind’un peintre émigré de Grèce de l’Est, profondément « imprégné » par les moyens d’expressionappris dans son école d’origine, mais réinterprétés dans son nouveau milieu de travail : l’ab-sence des ornements de remplissage ; le processus de simplification iconographique du réper-toire WGS ; une certaine « fraîcheur », unie à une relative nonchalance dans le traitement desformes, ainsi que l’expression de l’animal ; la façon particulière de reproduire le détail descornes de la chèvre, par association des deux techniques (la silhouette pour la section infé-rieure et la « zone réservée » pour la supérieure)99 ; l’absence d’engobe.

Mais ces caractéristiques sont également présentes sur les autres vases figurés réalisés parles céramistes grecs de l’Incoronata, capables de reproduire les différents styles en vogue àl’époque (Protocorinthien, Proto-attique, Cycladique, Grec de l’Est100), parfois sur un seul etmême vase101. Plus particulièrement, ce peintre de formation gréco-orientale a opéré unesélection des motifs issus de son propre répertoire, en expérimentant, en « inventant » littérale-ment de nouveaux produits. S’ils ne ressemblent plus exactement à leurs modèles, ses vases enrappelaient toutefois constamment avec précision, au commanditaire comme au public, l’ori-gine culturelle et géographique.

Ces nouveaux ateliers « périphériques » du WGS, actifs en Occident, n’auront pas unegrande longévité ; l’histoire politique, et donc artistique, du VIe siècle leur imposera une finrapide. Mais leur volonté d’exprimer un lien si fort avec leurs « maîtres » de la mère patriedoit aujourd’hui constituer pour nous un thème de réflexion majeur. Nos céramistes gréco-orientaux installés à Géla, à l’Incoronata ou à Vulci pourraient donc représenter beaucoupplus qu’une présence aléatoire ? Ces petits groupes de peintres étaient-ils en mesure d’éla-borer des instruments pour la construction du parcours identitaire sollicité par leurs com-manditaires ? Leur récurrence systématique dans les lieux correspondant chaque fois auxsites qui, peu après la moitié du VIIe siècle, enregistrent la plus forte importation de produits« originaux » du WGS, ne peut que corroborer l’hypothèse présentée précédemment : celle dela possible existence d’une importante série de relations, très concrètes et spécifiques (maisdont la nature reste à déterminer), entre des commanditaires occidentaux et des ateliersgréco-orientaux.

L’atelier du « Peintre des griffons voyageurs » était vraisemblablement déterminant dansle flux de ces relations. Il a été capable d’approvisionner avec régularité des commandes, tou-jours majeures, venant de la Méditerranée occidentale, de la mer Noire, ou encore pour le plus

La circulation de la céramique du « Wild Goat Style » (MWGS I) 31

99. Véritable « variation technico-stylistique » du trai-tement d’un détail de l’animal éponyme de cette produc-tion (dont les cornes sont normalement réalisées en sil-houette) : Denti, 2000, p. 820.

100. Un autre témoignage important de la réception del’iconographie WGS du griffon est le grand aryballe globu-laire de l’Incoronata décoré avec le motif des deux griffonsà côté d’une palmette, sur la surface duquel ne sont pas ab-

sents des modes de travail corinthiens : Orlandini, 1988,pl. 1 ; Denti, 2000, p. 814 ; F. Croissant, Sur la diffusionde quelques modèles stylistiques corinthiens dans lemonde colonial de la deuxième moitié du VIIe siècle, RA,2003, p. 227-254, p. 238-239, fig. 13-14.

101. Sur ce problème, voir les observations de Denti,2000, et Denti, 2002, avec état de la question et bibliogr.antérieure.

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important sanctuaire de la Grèce de l’Est, l’Héraion de Samos : des commandes liées à deslieux cruciaux dans le processus de diffusion de la culture orientalisante grecque du milieu duVIIe siècle av. J.-C. Les griffons présents sur ses vases, une fois sortis du pinceau de l’artiste,s’envolaient donc rapidement vers le lointain Occident et vers le Bosphore. En emportant cesproduits splendides et raffinés, ils prenaient la route vers les eschatiai, où ils pouvaient exercerleur énergie surnaturelle avec encore plus de force102. À leur arrivée, ils devenaient les vigilants

32 Mario Denti

102. « Au nord de la mer Noire, loin à l’intérieur desterres, aux confins du monde tel que l’imaginaient lesAnciens, on rencontrait les Arimaspes, qui n’avaient qu’un

œil, les griffons gardiens de l’or, les Hyperboréens »(Amandry, 1975, p. 25).

16. Géla, stamnos MWGS I, production locale. D’après G. Rizza, E. De Miro, Le arti figurative dalleorigine al V secolo, dans Sikanie, Storia e civiltà della Sicilia greca, Milan, 1986.

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gardiens du rite, au milieu des gestes accomplis pour le culte des défunts ou pour l’offrandeaux divinités. Dans l’horizon aristocratico-héroïque où étaient utilisées nos céramiques, lasignification la plus profonde de l’iconographie de cet animal fantastique103 n’était évidem-ment pas anodine.

Mario DENTI,Université de Haute-Bretagne - Rennes 2,

Campus Villejean,Place du Recteur Henri-Le-Moal,

CS 34307,35043 Rennes Cedex.

[email protected]

P.S. — Après avoir achevé la rédaction de cet article, j’ai eu connaissance d’une œnochoé duMWGS I découverte dans la nécropole archaïque de Naxos, en Sicile : M. C. Lentini, Unaoinochoe Middle Wild Goat I da Naxos in Sicilia, dans Die Ägaïs und das westliche Mittelmeer. Bezie-hungen und Wechselwirkungen 8. bis 5. Jh. v. Chr. Akten des Symposions, Wien 1999, F. Krinzigerdir., Vienne, 2000, p. 425-428. L’auteur la rapproche avec justesse de celles de Temir-Gora et deVulci. Si le style et la finesse du traitement de la décoration peuvent suggérer l’appartenance decette pièce au groupe des céramiques produites par notre atelier, les dimensions très réduites desfragments conservés n’autorisent pas à confirmer cette hypothèse. Cependant, cette importante

La circulation de la céramique du « Wild Goat Style » (MWGS I) 33

103. A. M. Bisi, Il grifone, Storia di un motivo iconograficonell’antico Oriente mediterraneo, Rome, 1965.

17. Incoronata, petit cratère WGS, production locale. Cl. © M. Denti.

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découverte permet de renforcer la connaissance de la circulation de ces produits de prestige dansla Méditerranée occidentale, ainsi que la récurrence de leurs lieux de destination (dans ce cas,funéraire).

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La circulation de la céramique du « Wild Goat Style » (MWGS I) 35

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La circolazione della ceramica del Wild Goat Style (MWGS I), dal Mar Nero all’Occidente, I contesti di ricezione e didestinazione

Riassunto. – L’autore affronta lo studio di un gruppo di vasi del « Middle Wild Goat Style » I (in particolare oinochoai e dei-noi) che si rivelano attribuibili a uno stesso atelier, attivo nella Ionia meridionale nel corso del terzo quarto del VII secolo a.C.Questi prodotti di prestigio, che si caratterizzano per una decorazione figurata di qualità formale molto alta, erano destinatiall’esportazione : sono stati ritrovati infatti nei siti indigeni e greci del Mar Nero (Temir Gora), del Mediterraneo occidentale(Vulci, Incoronata, Siris, Gela) e nell’Heraion di Samo. La loro circolazione, che costituisce un interessante capitolo del feno-meno dell’ « ellenizzazione orientalizzante » delle élites proto-arcaiche, permette di comprenderne la destinazione funzionale :i contesti di rinvenimento – esclusivamente santuari e necropoli – inducono a identificare l’impiego di queste ceramiche nelquadro di pratiche a carattere rituale. La loro diffusione ha implicato inoltre una serie di importanti conseguenze nell’ambitodelle attività dei ceramisti emigrati dalla Grecia dell’Est in Occidente ( « Wild Goat Style d’Occidente » ).

Parole chiave. – Mondo Greco. Grecia dell’Est. Ionia. Grecia d’Occidente. Mar Nero. Vulci. Incoronata. Siris. Gela.Samos. Temir Gora. Ceramica orientalizzante. Wild Goat Style. VII secolo a.C.

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