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  • AUDITION PUBLIQUE

    FEMMES ET SPIRITUALITSOUS LA PRSIDENCE DE ERNA HENNICOT-SCHOEPGES, MdPE, RAPPORTEUR DE LANNE EUROPENNE DU DIALOGUE INTERCULTUREL 2008 JEUDI 13 NOVEMBRE 2008

  • 1A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    AUDITION

    DU GROUPE DU PPE-DE

    SUR

    LES FEMMES

    ET LA SPIRITUALIT

  • 2 3

    A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    TABLE DES MATIRES

    Programme 7

    Discours de bienvenue de Joseph Daul, MdPE, Prsident du Groupe du PPE-DE au Parlement europen 11

    Introduction de Erna Hennicot-Schoepges, MdPE 17

    Expos de Pavol Kossey, Reprsentant du Cabinet du Commissaire Jn Fige 21

    Expos de Franck Debi, Directeur gnral de la Fondation pour linnovation politique, Paris 25

    Expos de Sona Khan, Avocate la Cour suprme de lInde New Delhi 33

    Expos de Claudine Shinoda, Prsidente de lUnion bouddhiste europenne, Belgique 45

    Expos de Judit Vincze, Pasteur, enseignante et directrice de luvre des femmes roumaines 51

    Expos de Katerina Karkala-Zorba, Membre du comit excutif de la Commission pour lglise et la socit et co-prsidente du Forum cumnique des femmes chrtiennes dEurope 59

    Expos de Jean-Paul Lehners, Professeur, spcialiste des droits humains et ancien vice-recteur de lUniversit du Luxembourg 69

    Conclusions par Erna Hennicot-Schoepges, MdPE 81

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    A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    Mesdames et Messieurs,

    Jai lhonneur de vous prsenter la brochure de lAudition Femmes et spiritualit.

    Droits des femmes, droits humains, droits religieux: un triangle sacr?, qui sest tenue

    dans le cadre de lAnne europenne du dialogue interculturel. Laudition, qui a eu lieu

    le 13 novembre 2008 au Parlement europen, faisait suite laudition du Groupe du

    PPE-DE de janvier 2008 sur la Diversit culturelle, (le) dialogue et (la) religion.

    la veille de cette anne symbolique, il importait que nous laborions le dbat et que

    nous approchions limportance des femmes dans la religion. Plus important, nous

    souhaitions aborder limpact positif des femmes par le dialogue, et la manire dont

    elles parviennent concilier manque de tolrance et acceptation.

    Pour tenter de raliser cet objectif, nous avons invit des femmes et des hommes

    expriments et actifs venus dInde, de Grce et de Roumanie, entre autres. Deux

    hommes ont accept notre invitation se pencher sur les aspects scientifiques du

    thme, et quatre femmes ont accept de nous parler des expriences personnelles

    quelles ont vcues dans leur pays. Toutes les interventions se sont compltes pour

    parvenir suggrer des outils faisables susceptibles de nous aider surmonter la

    ngligence, du point de vue fminin, dans les questions religieuses. En outre, le grand

    public, travers nombre de reprsentants varis de diffrentes fondations, telles que

    Women for Peace, ont particip trs activement et contribu instaurer un dbat

    vivant qui a dbouch sur des conclusions concrtes.

    Jespre que laudition a t en mesure de faire avancer le dbat, contribuera relever

    les dfis futurs et rpondre la question de savoir si, effectivement, on peut parler

    dun triangle sacr. La confrence a dmontr par des exemples trs concrets que

    lapport des femmes sest avr trs efficace, et que leur participation est un outil

    indispensable si nous souhaitons amliorer notre cohabitation dans une socit

    interculturelle. Cela explique pourquoi il importe que lAnne europenne du dialogue

    interculturel ne prenne pas fin avec lanne 2008.

    Erna Hennicot-Schoepges, MdPE

  • 6 7

    A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    PROGRAMME

    Jeudi 13 novembre 2008, de 9 h 30 13 heures dans la salle A3E-2

    9 h 30 Ouverture de la session

    Discours de bienvenue par: > M. Joseph Daul, Prsident du Groupe du PPE-DE

    au Parlement europen

    > M. Pavol Kossey, reprsentant de Cabinet,

    Commissaire Jn Fige

    Introduction par: > Mme Erna Hennicot-Schoepges, dpute

    europenne et rapporteure pour lAnne

    europenne du dialogue interculturel 2008

    1re SESSIONLES FEMMES ET LES SPIRITUALITS DANS LE MONDE 9 h 45 Femmes: droits sculiers et spirituels

    Expos de: > Dr. Franck Debi, Directeur gnral

    de la Fondation pour linnovation politique, Paris

    10 h 05 Femmes, spiritualit et islam en Asie du Sud

    Expos de: > Mme Sona Khan, avocate la Cour suprme

    de lInde New Delhi

    10 h 25 Linfluence des femmes sur la foi bouddhiste

    Expos de: > Mme Claudine Shinoda, prsidente de lUnion

    bouddhiste europenne, Belgique

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    A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    10 h 45 Dbat avec les participants

    Invits: > Dr. Atlanta Filos, Institut Max Planck,

    et Yolande Iliano, Religions pour la paix

    2e SESSIONLES FEMMES ET LES SPIRITUALITS EN EUROPE 11 h 15 Les femmes dans lglise protestante

    et la faon dont elles peuvent influencer

    positivement la socit du 21e sicle

    Expos de: > Mme Judit Vincze, pasteur, enseignante

    et directrice de luvre des femmes roumaines

    11 h 35 Le rle des femmes dans lglise orthodoxe daujourdhui

    Expos de: > Mag. Katerina Karkala-Zorba, membre du comit

    excutif de la Commission pour lglise et la

    socit et co-prsidente du Forum cumnique

    des femmes chrtiennes dEurope

    11 h 55 Droits de la femme, droits humains et droits religieux: un triangle sacr?

    Expos de: > Prof. Dr. Jean-Paul Lehners, spcialiste des droits

    humains et ancien vice-recteur de lUniversit

    du Luxembourg

    12 h 15 Dbat avec les participants

    12 h 45 Conclusions par Erna Hennicot-Schoepges

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    A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    Discours de bienvenue

    Cest un grand plaisir pour moi douvrir cette audition sur Les femmes et la

    spiritualit, organise linitiative dErna Hennicot-Schoepges. Je la remercie davoir

    choisi un thme qui parat, au premier abord, difficile, rserv des spcialistes et

    peut-tre mme loign de notre activit. A la rflexion, il nen est rien.

    Depuis le dbut de cette anne 2008 du Dialogue interculturel, Erna, rapporteur du

    Parlement Europen, a organis plusieurs colloques afin dapprofondir ce dialogue et

    faire en sorte quil ne sarrte pas la fin de lanne. Le 6 mars dernier, loccasion

    de la journe internationale des Femmes, Erna soulignait dj la place cruciale

    des femmes dans le dialogue interculturel et leur action spcifique dans lactivit

    parlementaire.

    Je dois avouer que, lorsque jai pris connaissance du programme de la manifestation

    daujourdhui, jai t un peu perplexe. Lexpression Femmes et spiritualit voque

    bien sr:

    > Hildegarde von Bingen, bien connue des mlomanes et des amateurs de BD

    > Hadewijch dAnvers, dont le nom est li aux bguines

    > Catherine de Sienne, patronne des professionnels de la communication

    > Sainte Thrse dAvile

    > en remontant plus loin, Sainte Catherine du mont Sina, patronne des

    parlementaires, qui vivait selon ses hagiographes en Egypte, au premier sicle et

    qui avait su tenir tte une cinquantaine de philosophes avant dtre condamne au

    supplice de la roue

    > quelques musulmanes rvles, par les travaux dAnne-Marie Schimmel et dEva

    de Vitray-Meyerovitch, par exemple Rabia Basri, qui vivait au 7me sicle et qui est

    encore une rfrence au Moyen Orient et en Europe pour les musulmanes luttant

    contre les tentatives visant les exclure de toute vie publique ou spirituelle.

    Mais ces figures exceptionnelles, ne rsument pas elles seules, le thme Femmes

    et spiritualit.

    Les rfrences la spiritualit dans notre activit quotidienne sont rares. Ou elles sont

    parfois exprimes dans un climat de confrontation, comme certains dbats lors de

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    A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    Il est certes toujours difficile de traiter des questions concernant les femmes.

    Je voudrai remercier les membres du Groupe - Uniquement des femmes et il est

    possible de le regretter - activement engags dans les travaux de la Commission des

    droits de la femme. Nos collgues ont une tche ingrate, demandant normment

    defforts pour des rsultats peu visibles.

    Mais leur tche est indispensable - et pas seulement parce que la moiti des lecteurs

    de lUnion Europenne - sont des lectrices.

    Ces dbats sont encore plus difficiles dans dautres parties du monde: grce Rodi

    Kratsa, une universitaire marocaine Malika Benradi, est la prsidente dune association

    fminine ymnite Amal Al-Basha, ont expos, jeudi dernier Bruxelles, les dbats,

    forts houleux, mens dans leur pays - y compris au sein des organisations fminines -

    sur la sharia, le voile, le Code de la famille ou linterprtation des prceptes coraniques

    dans le monde daujourdhui.

    Lenjeu spirituel de la construction europenne tait une vidence pour les Pres de

    lEurope: Robert Schuman, Konrad Adenauer ou encore Alcide de Gasperi, pour ne

    citer queux.

    Une soixantaine dannes plus tard dans notre 21me sicle, qui nest dj plus si

    jeune, cet enjeu reprend toute sa force.

    LEurope, le monde aussi, ont t totalement bouleverss depuis la fin des annes

    1980: la chute du mur de Berlin et la runification allemande, leffondrement du

    communisme, les vnements dans lEx-Yougoslavie, le Caucase, en Ukraine, au

    Moyen-Orient, en Afghanistan, lessor de la mondialisation ont radicalement chang

    notre environnement.

    En 2008, lchec du rfrendum en Irlande, la crise financire, les perspectives difficiles

    de lemploi exigent des dirigeants politiques, hommes et femmes, un engagement

    total pour dfinir les objectifs et les moyens de leurs actions moyen terme.

    llaboration de la Charte des Droits fondamentaux ou de la Convention pour lEurope

    lont montr.

    Pourtant les Europens expriment largement leur besoin de spiritualit, y compris

    dans un cadre profane: il suffit de regarder les programmes des concerts, dcouter la

    radio, de parcourir les rayons des libraires et des magasins de disques pour constater

    que les questions, lies la spiritualit, sont toujours trs prsentes.

    Alors que certains prdisaient, il y a quelques annes, le choc des civilisations, il est

    rconfortant de constater que les Europens ne se limitent pas la spiritualit de leur

    culture dorigine.

    Ainsi la chanteuse ouzbque Monajat Yultchieva a remport, le 18 octobre Paris,

    un norme succs. Pourtant rien ne semblait prdisposer la fille dun camionneur de

    Kolkhoze de la rgion dAndijan, interprter des chansons spirituels soufis - un art

    considr comme masculin - et leur donner une audience internationale.

    La religieuse libanaise, Marie Keyrouz, a fait dcouvrir au monde les rpertoires des

    Eglise byzantine, maronite et melchite.

    La semaine dernire, ici dans notre Parlement, il tait possible dadmirer les travaux

    dune jeune artiste, originaire du Kowet et vivant en Suisse, Fara Behbehani. Ses

    calligraphies, accompagnes de leurs reprsentations gomtriques, voquant les

    grands matres de la Renaissance, illustrent avec une matrise exceptionnelle lune des

    oeuvres majeures de la spiritualit musulmane Le dialogue des oiseaux dAttar, crit

    au 12me sicle.

    Je veux rassurer les hommes prsents ici, en ce qui concerne la parit: un autre

    calligraphe remarquable, un homme, Hassan Massoudy, dorigine irakienne et vivant

    Paris, se trouvait aussi au Parlement - vous lavez vu exercer son art - il a galement

    illustr Le dialogue des oiseaux dAttar.

    Erna a souhait organiser cette audition car elle regrettait, que les prcdentes

    manifestations aient rserv la portion congrue aux femmes.

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    A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    Cet engagement total ne peut pas faire abstraction des questions spirituelles ni ignorer

    la contribution que les femmes peuvent y apporter.

    Lexpression de spiritualit peut tre comprise de bien des faons. Nous sommes

    donc impatient dentendre ce que Erna et les orateurs vont nous dire. Nous les

    couterons avec beaucoup dattention et les remercions denrichir notre rflexion pour

    notre pratique politique.

    Avant de donner la parole Erna, je voudrais citer quelques mots de lcrivain,

    dorigine libanaise vivant en France, Amin Maalouf. Cet homme si sensible aux

    relations entre les cultures et si conscient des menaces pesant sur les femmes,

    crivait, dans la brochure du CD Orient-Occident, enregistr en 2006 par lensemble

    de Jordi Savall: Pour redonner notre humanit dboussole quelques signes

    despoir, il faut aller bien au-del dun dialogue des cultures et des croyances. Il faut

    aller vers un dialogue des mes.

    Joseph Daul, MdPE,

    Prsident du Groupe du PPE-DE

    au Parlement europen

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    A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    Introduction

    Tout au long de lanne 2008, nous avons assist de nombreux dbats et

    confrences. Paralllement, la veille de lanne 2009, nous devons nous demander

    si le travail fourni sachvera avec la fin de lanne 2008 ou si nous devons continuer

    au-del.

    Pour poursuivre nos efforts, nous devons nous souvenir des enseignements tirs

    tout au long de lanne, des instruments que nous avons labors afin de mieux

    comprendre le pluralisme culturel et religieux, pour dpasser le stade de la tolrance

    et aller vers lacceptation, et adapter notre lgislation si ncessaire.

    Cette anne devrait tre marque par des rsultats concrets, de vritables mcanismes

    qui nous aideront mieux nous connatre et vivre ensemble. Ds lors, nous devrions

    rtudier notre histoire commune. Il est indispensable de dvelopper une nouvelle

    mthodologie pour enseigner lhistoire, en nous rappelant que la victoire de lun

    correspondait la dfaite de lautre. Nous devons trouver un moyen de transmettre

    ces valeurs la jeune gnration. Les sentiments de haine et dexclusion qui persistent

    constituent un vritable dfi au dialogue.

    La coducation et le multilinguisme prcoces devraient tre encourags dans lintrt

    de la vie commune, comme les coles europennes qui sont devenues un rel modle

    dintgration. Si nous voulons construire une Europe unie, nous devons dsormais

    nous investir dans des activits de dialogue diffrentes o les femmes auraient une

    participation plus active. Nous devons soutenir la diversit en la comprenant et en

    lintgrant aux dimensions culturelle, spirituelle et religieuse.

    Le langage est source de malentendus, disait le renard au petit prince dans le livre

    du mme nom de lcrivain franais Saint-Exupry, et il avait raison. Ne devrions-nous

    pas utiliser nos comptences de communication non-verbale, les moments de paix

    et de quitude que lon retrouve dans diffrents cultes, mais rarement dans nos vies

    quotidiennes?

    En ce qui concerne le dialogue interreligieux, les femmes doivent prendre leurs

    responsabilits, elles ont leur mot dire sur les questions ayant trait la religion.

  • 18 19

    A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    Lanne 2008 restera dans les mmoires comme lanne de la crise financire, du

    changement climatique et de llection du 44e prsident des tats-Unis, Barack Obama!

    Mais nous souviendrons-nous des conflits arms au Congo, en Irak, au Moyen-Orient,

    au Darfour et dans tous les autres endroits en guerre? Je suis certaine que nous

    nous souviendrons des Jeux olympiques de Pkin, mais penserons-nous toujours

    lemprisonnement des moines au Myanmar et au Tibet? Je doute sincrement que

    dans vingt ans, nous nous souviendrons de 2008 comme de lanne du dialogue

    interculturel, moins de russir progresser ds maintenant avec de nouvelles

    politiques.

    Un battement dailes peut parfois dclencher une tornade! Comme la raction dune

    femme, Rosa Parks, qui en dcembre 1955, il y a 53 ans, a refus de cder son sige

    un homme blanc dans un autobus. La lutte contre la sgrgation raciale qui a suivi

    tait le dbut dun changement politique denvergure plantaire.

    Laudition daujourdhui aborde les droits des femmes, les droits humains et les droits

    religieux et nous verrons sils constituent un triangle sacr.

    Jaimerais remercier tous nos intervenants et lensemble de lquipe qui a contribu

    la prparation de cette audition, en particulier M. Licandro et le groupe de travail

    sur lislam, le secrtariat de la commission de la culture reprsent par Vronique

    Donck et Mateja Miksa, les interprtes bien entendu, toute mon quipe et notamment

    Jennifer Jenkins qui a organis cette audition avec une trs grande efficacit, ainsi que

    lensemble les collaborateurs du PPE-DE.

    Erna Hennicot-Schoepges, MdPE

  • 20 21

    A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    Expos de Kossey Pavol,

    Reprsentant du Cabinet du Commissaire Jn Fige

    Monsieur le Prsident Daul, Mesdames et Messieurs, le commissaire Fige regrette

    vivement de ne pouvoir tre parmi vous aujourdhui, mais au moment o nous

    parlons, il rentre dInde. Nanmoins, Madame Hennicot, il se flicite grandement de

    vos efforts et contributions en faveur de lAnne europenne du dialogue interculturel

    et, aujourdhui, en choisissant pour thme Les femmes et la spiritualit, vous plongez

    au cur mme de la culture et du dialogue. Je voudrais profiter de loccasion pour

    signaler que Mme Erna Hennicot-Schoepges a t dun soutien remarquable dans

    toutes les questions lies au dialogue interculturel. Merci beaucoup pour tout le

    travail que vous avez effectu au cours de lanne, et nous sommes certains que vous

    poursuivrez vos efforts.

    Il va sans dire que lEurope est de plus en plus diverse du fait de la mondialisation, de

    la migration et de la mobilit intrieure. Une socit plus complexe passe en gnral

    pour une socit plus riche. Mais, et ce point est important, il y a une condition

    lexploitation de cette richesse, et cest de vivre dans lharmonie, le respect mutuel

    et la comprhension. Lorsque ces conditions sont remplies, la diversit est source de

    richesse et il est bon que nous mettions profit cet atout de lEurope. Cette Anne

    europenne vise aider tous ceux qui vivent en Europe mieux faire face cette

    diversit, non pas simplement coexister, mais vivre ensemble.

    Jose dire que lAnne a t et reste une russite, et je tiens souligner les efforts

    concerts de la Commission et des autres institutions europennes, avec la

    contribution spciale du Parlement europen, des tats membres, des rgions, des

    communauts locales et, bien sr, de la socit civile. Plus de 1 000 organisations

    se sont inscrites en tant que partenaires de lAnne, et des centaines dorganisations

    ont adopt le logo de lAnne dans plusieurs milliers dvnements. Plus de 10 000

    bulletins dans la presse ont t recenss, et notre page web a reu plus dun demi-

    million de visites.

    Lducation de lesprit sans lducation du cur nest pas une ducation, disait

    Aristote. Comme lont admis les ministres de lducation et de la jeunesse en mai

    dernier, nous devons nourrir nos comptences interculturelles et donc nos aptitudes

    sociales et civiques, nos capacits de communication, nos comptences linguistiques

  • 22 23

    A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    et notre sentiment culturel didentit. Sans de telles comptences, le dialogue restera

    une proposition difficile et dcourageante pour de nombreux Europens. Cet accord

    transversal indique la voie suivre pour dvelopper une approche globale long

    terme. Nous insistons rellement sur le rle crucial de lducation pour le dialogue

    interculturel et le respect aujourdhui et demain. Le soutien en faveur du dialogue

    interculturel ne disparatra pas la fin de lanne. Lengagement de la Commission

    europenne en faveur de la promotion du dialogue interculturel se poursuivra.

    Je voudrais souligner que la question du dialogue interculturel est inscrite en

    permanence dans de nombreux programmes communautaires. Naturellement, dans

    les programmes relevant du portefeuille de M. Fige, tels que lapprentissage tout

    au long de la vie, la culture, lEurope des citoyens et la jeunesse en action. Nous

    avons labor une brochure sur les financements europens destins au dialogue

    interculturel. Elle sera prsente la semaine prochaine Paris, o se tiendra une

    confrence pour clturer lAnne. Cette brochure montrera que plus de 20 programmes

    communautaires sont lis au dialogue interculturel, pour nen citer que quelques-uns:

    les relations extrieures, la politique de recherche, le dveloppement rgional et rural.

    Pour terminer je dirais ceci: ce qui fonctionne vraiment, cest de changer lesprit et

    le cur des gens lgard de lautre. Toute lAnne a donc servi de tremplin pour le

    changement, et ce sont l ses vritables fruits. Comme lun des ambassadeurs de

    lAnne, le chanteur Anu Malik, la dclar: parce que comprendre lautre, au fond,

    cest se comprendre soi-mme.

    Je vous remercie.

  • 24 25

    A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    Expos de Dr. Franck Debi,

    Directeur gnral de la Fondation pour linnovation politique, Paris

    Monsieur le Prsident Daul,

    Madame le Dpute,

    Mesdames, Messieurs,

    Cest un honneur et une responsabilit de sexprimer devant les membres du

    Parlement europen et ceux qui, issus dhorizons trs divers, contribuent clairer

    leur travail.

    Le sujet qui est propos notre rflexion de ce matin est difficile mais essentiel.

    Je me propose de laborder avec vous, en toute libert, partir de plusieurs points:

    > les droits spirituels dans lespace public;

    > la coexistence des droits spirituels diffrents;

    > le libre-arbritre, comme principe des droits spirituels;

    > la dimension spirituelle des droits conomiques et sociaux;

    Ces points ne concernent pas seulement les femmes; mais ils prennent pour elles, en

    de nombreux endroits, une acuit particulire.

    Pour entrer dans le sujet je mappuierai librement sur plusieurs traditions issues

    dunivers culturels diffrents mais lies entre elles:

    > la tradition catholique sur lanthropologie de la foi rappele par le Pape Benot XVI

    dans sa dernire encyclique;

    > la tradition de la Common Law telle quelle est pratique par les Cours canadiennes

    en matire daccommodement raisonnable;

    > la tradition des Chrtiens dOrient et des Chrtiens orthodoxes propos dune

    femme martyre dans lArabie du Sud au sixime sicle, figure exemplaire de libert

    fmine et spirituelle.

    > la tradition soufie maghrbine propos du travail.

  • 26 27

    A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    Nous nous loignons ainsi progressivement dune vision purement prive, et souvent

    pjorative, de la foi comme reprsentation - voire illusion - personnelle laquelle

    sajoute un ensemble de pratiques rituelles qui ne doivent pas dborder de la sphre

    prive. Un consensus nouveau merge sur le caractre galement public des droits

    spirituels: pouvoir vivre dans lespoir public en conformit avec ses principes et ses

    esprances.

    Ds lors se trouve pose la question de la coexistence des fois et des traditions dans

    lespace public. Comment lorganiser ?

    2) Laccommodement raisonnable des droits spirituelsDans plusieurs tudes, la Fondation pour lInnovation politique, un think tank

    parisien proche du PPE, a eu loccasion de revenir sur lexprience canadienne des

    accommodements raisonnables dans un pays o la coexistence des cultures a un

    caractre quasi-constitutionnel.

    Laccommodement raisonnable est une procdure juridique.

    Il permet au membre dune foi ou dune tradition qui se sent empch de vivre sa foi

    dans lespace public de demander une Cour une autorisation.

    Ainsi un Sikh a-t-il demand une Cour lautorisation de porter le turban, symbole

    de sa foi, dans la police canadienne qui nautorisait pas ce couvre-chef dans son

    uniforme.

    La Cour statue sur ces requtes personnelles selon deux critres:

    > labsence de caractre dommageable pour les individus;

    > la valeur de la dcision au regard de lintgration des individus qui par la voix de

    lun dentre eux en font la demande.

    1) Les droits spirituels dans lespace public.Dans sa rcente encyclique Spe Salvi, Sauvs dans lEsprance, le Saint Pre exhorte

    les Catholiques mditer nouveau la dfinition de la foi elle-mme, exprience qui

    distingue les croyants des non-croyants, en sappuyant sur Saint-Augustin: Fides, res

    sperandarum substantia. La foi est comme la substance dj prsente des choses que

    lon doit esprer. La foi nest pas seulement limagination, le dsir, la vision subjective

    des choses de lau-del. La foi nest pas seulement une donne de la conscience. Non,

    la foi cre dj pour le croyant une ralit nouvelle ds prsent, ici et maintenant.

    Elle nest pas pour le croyant une chimre, une illusion pleine davenir au sens de

    Freud. Elle est pour le croyant une ralit trs actuelle, quelque chose que lon vit et

    que lon veut vivre dans toutes les dimensions de la vie: la vie prive comme la vie

    publique. Non argumentum sed substantia: non pas un discours mais une ralit

    qui demande tre vcue y compris dans le vtement, la dite, la sexualit...

    Il y a ainsi un grand malentendu sur lattente des croyants. Ils ne rclament pas

    seulement une libert de conscience et une libert de culte que les rgimes lacs

    dmocratiques sont en gnral tout prt leur reconnatre. Ils rclament de pouvoir

    vivre leur foi comme une esprance dj partiellement concrtisable dans tous les

    dimensions de leur vie. La foi demande naturellement saffirmer dans la vie sociale,

    conomique et mme politique. Cette aspiration est indissociable de lesprance totale

    quelle porte et qui ne peut jamais accepter compltement de se cantonner une

    croyance et un culte priv.

    Dans les essais encore hsitants pour redfinir une lacit positive, il y a la

    reconnaissance de ce fait anthropologique: les croyants ne peuvent se satisfaire de

    la seule libert de conscience et de culte; ils veulent pouvoir vivre leur foi dans toutes

    ses dimensions dans lespace public. Et au nom de leur foi, ils contribuent dailleurs

    souvent, de manire positive la vie sociale, ducative... Cest ce que le Prsident de

    la Rpublique franaise qui ne reconnat aucun culte a rappel au Palais du Latran.

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    A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    3) Le primat du libre-arbitreLa tradition des Chrtiens dOrient de langue syriaque, une tradition qui a des

    chos dans les chroniques grecques, raconte la perscution des Chrtiens de la ville

    de Najran dans le Sud de lArabie. Le roi de la ville, qui sest converti au judasme,

    demande ses sujets de se convertir sous peine de mort. Une femme se distingue et la

    tradition a gard son souvenir. Rompant avec les codes culturels de son poque, cette

    chrtienne fait ce qui ne se fait pas habituellement: elle se dcouvre, tombe le voile,

    et parle la tte nue sur lagora de la ville tenant tte au roi. Elle lui explique quelle

    souhaite que chacun la voit, retienne son nom, mme au mpris des convenances,

    quelle est elle-mme, et prend par elle-mme, et en son nom propre, une dcision qui

    nappartient qu elle: elle refuse dapostasier sa foi chrtienne. La mmoire collective

    a retenu laudace de cette femme et son nom.

    Son histoire nous claire: il ny a pas de droit spirituel qui ne suppose une rupture

    pralable, une affirmation de soi, une capacit exercer son libre-arbitre au mpris

    de la tradition. Affirmer ses droits spirituels ce nest pas se couler dans la tradition,

    accepter ce qui sest toujours fait. Affirmer ses droits spirituels est une dmarche

    volontaire, personnelle, une dmarche qui supposent que lmancipation par rapport

    la tradition, la norme sociale soit possible.

    Nous devons nous rjouir que certaines femmes militent pour faire reconnatre

    leurs droits spirituels dans lespace public. Mais nous devons nous assurer que les

    conditions soient remplies pour que cette affirmation rsulte bel et bien dun choix

    personnel, libre et sans contraintes.

    Do lide de la loi sur le voile en France: viter aux adolescentes encore trop

    malables de faire un choix un moment o toutes les conditions de leur libre-arbitre

    ne sont pas remplies.

    Do aussi un certain nombre dautres problmes au sein mme de lEurope: la

    tolrance qui entoure la pratique de la circoncision pour des enfants qui ne peuvent

    pas exercer leur libre-arbitre.

    Ainsi le port du turban dans la police, ou du voile islamique pour les personnels

    enseignants semblant plutt concourir lintgration, la Cour sest-elle prononce

    positivement. En revanche, la demande dhoraires spars dans les piscines

    publiques pour les femmes musulmanes a t moins bien reue dans la mesure o

    elle aboutissait mettre un groupe particulier lcart, crer un ghetto. Il en va de

    mme pour lapplication du droit talmuldique aux Isralites pratiquants dans certaines

    affaires de la vie prive. Les demandes allant dans ce sens ont plutt rencontr la

    rsistance des Cours.

    Laccommodement raisonnable est issu dune pratique du droit ngoci qui est une

    des racines de la Common Law. Il nest pas sans poser des problmes. Les volutions

    ne sont jamais univoques et les Canadiens eux-mmes dplorent parfois les effets

    excessifs de son application. Il nen reste pas moins vrai quil apporte une rponse

    de procdure au besoin de coexistence de spiritualits et de traditions culturelles

    diffrentes au sein du mme espace public. En tant que tel, il devrait tre mieux tudi

    en Europe.

    Si le principe daccommodement raisonnable avait t appliqu en France au cas des

    jeunes filles musulmanes souhaitant porter le voile lcole, il est possible dimaginer

    que les Cours auraient autoris le port du voile, afin de ne pas renvoyer ces filles

    vers le seul enseignement confessionnel islamique (le voile est autoris dans les

    coles musulmanes sous contrat avec lEtat ou sans contrat) et afin de favoriser leur

    intgration au sein de lcole rpublicaine. Mais au nom du mme principe, les Cours

    auraient pu, en revanche, interdire les horaires de piscines spars (hommes/femmes)

    que de nombreuses municipalits franaises pratiquent dsormais sans recul la

    demande dassociation musulmanes.

    En effet, le mrite du principe daccommodement raisonnable est de soumettre les

    autorisations un principe rgulateur extrieur et non-spirituel: lintgration. Ce

    principe politique peut-il cependant tout rguler ?

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    A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    vit une condition malheureuse, quil faut dplorer, et dont il faut, si possible, encadrer

    les abus. Ainsi se dgage, depuis longtemps, dans cette tradition particulire, une

    certaine ide du travail, des garde-fous dont il faut lentourer, des formes idales

    quil devrait revtir. Comment stonner que les droits au repos, la formation,

    la reprsentation syndicale, le droit la cration dentreprise.... que tous ces droits

    conomiques noncs dans des textes sans horizon spirituel veillent un cho chez

    ceux qui croient que lhomme, par un travail libre, est fait pour prolonger par son

    talent propos llan crateur de Dieu ?

    Aussi la promotion des droits spirituels peut-elle passer par une promotion plus active

    de droits qui nont pas un contenu religieux, droits sociaux notamment dont la mise

    en oeuvre reste si souvent un voeu pieux.

    Que peuvent faire les femmes pour faire progresser leurs droits spirituels:

    > rappeler que lexpression de ses droits ne peut tre cantonne hypocritement dans

    lespace priv;

    > rclamer partout des garanties pour le libre-arbitre spirituel, notamment pour

    la protection des enfants et des jeunes filles: une pratique religieuse impose est

    toujours une violence, le droit des parents doit tre encadr;

    > rclamer avec force une libert spirituelle effective en condamnant le pays qui

    pnalisent lapostasie;

    > acclrer la mise en oeuvre des droits conomiques et sociaux qui incorporent en

    leur sein une partie de lesprance des grandes traditions spirituelles de construire

    ds ici-bas un monde meilleur.

    Do lpineuse question de la rglementation des sectes: O sachve le libre-

    arbitre ? O commence la manipulation mentale ?

    Do la question trs centrale de nos rapports, nous Europens, avec les pays qui

    bafouent le libre-arbitre et interdise, sous peine de mort et de torture, le proslytisme

    et lapostasie. Pensons lIran. Le respect des minorits religieuses ne suffit pas. Il faut

    pouvoir changer de foi en toute impunit. Notre conditionnalit europenne prend-elle

    suffisamment cet aspect en compte dans ces rapports avec les pays tiers ?

    4) Le contenu spirituel des droits sociauxLes droits sociaux contenus dans la Dclaration universelles des Droits de lHomme

    des Nations Unies et dans la Charte europenne des Droits Fondamentaux ne tournent

    pas le dos aux droits spirituels. Ceux-ci sont prsents dans des articles qui ne traitent

    pas explicitement pas de la libert religieuse. Car les grandes traditions religieuses

    dont nous sommes issus ont faonn une certaine vision de la vie conomique et de

    la vie en socit. Les Dclarations sont, entre autres, les rceptacles de cet idal. Cest

    pourquoi beaucoup de croyants sy reconnaissent. Beaucoup dautorits spirituelles y

    font rfrence alors quil sagit de textes lacs.

    Dans la pense soufie, une tradition trs implante dans les milieux de lartisanat et du

    commerce, les souvenirs de Mdine rapports par la tradition proposent une certaine

    vision du travail. Ces souvenirs rapportent la reconnaissance des compagnons du

    Prophte et du Prophte lui-mme vis--vis des habitants de Mdine qui leur avaient

    fourni des prts (quel erreur de croire que lIslam les interdit) prt grce auxquels

    ils avaient pu reprendre une activit de ngociants et se remettre gagner leur vie.

    De ce souvenir, la sagesse soufie tire une valorisation du travail indpendant, o

    chacun dispose dune certaine matrise sur son outil de production, dune certaine

    autonomie qui lui permet dexprimer son talent, son intelligence, sa ruse... Heureux

    lentrepreneur. Heureux celui qui peut gagner sa vie par lui-mme. En revanche, le

    salari, qui dpend dun autre pour sa subsistance, qui ne dispose daucun autonomie

    dans lexcution de sa tche, qui se trouve, comme le manoeuvre, corvable merci,

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    A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    Expos de Sona Khan,

    Avocate la Cour suprme de lInde New Delhi

    Toutes les religions ont eu la chance dengendrer de grands saints, y compris des

    femmes. De tout temps, il y a eu des femmes spirituelles, certaines ayant acquis une

    certaine reconnaissance et dautres restant dans lanonymat. Leur comprhension de

    lunivers et de la vie humaine jusqu prsent nous donne rflchir. Ayant compris

    que la vie spirituelle entrane des responsabilits correspondantes, elles ont cherch

    comment rorganiser leurs vies matrielle et spirituelle en vitant autant que possible

    les conflits. Dcouvrir une vritable spiritualit nest pas ais notre poque moderne

    parce que la lacisation a relgu la religion au domaine priv. Pour pouvoir prendre

    conscience de la vrit et de son moi intrieur, il est nanmoins essentiel de

    transmettre la connaissance traditionnelle. toutes les poques, la modernisation de

    la pense et des pratiques a toujours trouv sa source en Europe, en tant que sige

    du christianisme catholique et des principaux patriarcats du christianisme orthodoxe,

    ou que thtre des analyses de Dieu ou de la super puissance, ou encore du principe

    de la libert individuelle. Actuellement, cest la religion islamique qui se dveloppe

    considrablement, laquelle ne peut tre associe uniquement lOrient mais constitue

    une donne que lEurope a du mal prendre en compte. De nombreux musulmans

    europens sont la recherche de spiritualit islamique. Le rle des musulmanes dans

    la pense islamique a toujours t extrmement prcieux. Aprs avoir connu une forte

    stagnation intellectuelle, les socits entraves par les traditions sont maintenant

    prtes pour une volution de changements sociaux dicte par la modernit. La

    spiritualit aide prserver et conserver les biens sacrs, en les protgeant comme

    un hritage cder aux gnrations futures.

    En Asie du Sud et partout dans le monde aujourdhui, de nombreux dfis attendent

    les femmes pieuses sefforant de vivre une vie spirituelle dans un monde moderne.

    La plupart dcoulent des liens les attachant leur environnement et la communaut

    dans laquelle elles voluent. La socit moderne, oriente vers les consommateurs,

    subit une grave dcadence intellectuelle, et lexploitation galopante des aspects

    formels de la religion la vide de son contenu spirituel. Compte tenu de cette

    situation, il est difficile dchapper la logique dtalage et linfluence de tout ce

    que le consumrisme a offrir. Par consquent, vivre sa spiritualit et agir selon ses

    prcieuses valeurs, en dpassant la simple comprhension de lidologie acadmique

    pure, nest pas chose aise. Ainsi, le voile, qui couvre la tte et se veut symbole des

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    A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    au prorata de la ralisation dune position extrieure, confondant le mandant de

    lautorit avec lexercice du pouvoir personnel. Le problme engendr nest pas tant

    celui de la relation entre les hommes et les femmes, mais celui de la nature masculine

    et fminine que tout un chacun porte en soi. Par consquent, le fait quaujourdhui

    les hommes sont gnralement devenus faibles et incapables de sorienter eux-

    mmes et autrui avec droiture semble confirmer les exigences de ces femmes. Or,

    il est dangereux dadapter la religion ses propres schmas, en favorisant certaines

    traditions prophtiques par rapport dautres et en prenant ses distances par rapport

    au contexte traditionnel qui rgit la vie de tout musulman.

    La tradition, si lon y croit, est une composante vivante qui doit forcment

    communiquer avec des ralits dpassant les limites temporelles ou celles de

    lindividualit humaine. Il ne sagit pas dans cette optique de perdre son temps avec

    des questions inutiles relatives la supriorit de lhomme sur la femme ou de

    certaines personnes sur dautres, mais plutt dacqurir une nouvelle sensibilit au

    contexte traditionnel, la seule faon dassurer cette communication avec les ralits

    spirituelles. Les sages affirment que nous ne pouvons tre matres de nous-mmes,

    et lislam prserve heureusement les moyens de la contemplation via une association

    initiatrice avec des matres encore de ce monde.

    la question qui est automatiquement pose, savoir pourquoi ces matres sont

    obligatoirement des hommes, linstar de tous les prophtes, dAdam Mahomet,

    jaimerais demander en retour pourquoi certaines femmes, avec la complicit de

    certains hommes, souhaiteraient ajouter un lment fminin la doctrine. On

    commence penser que la femme peut en soi compenser les dfauts des hommes, ou,

    pire encore, que la fonction magistrale de certaines autorits requiert un complment,

    une muse stimulante venant sajouter Dieu, alors que Dieu est la seule source

    dont mane lautorit. Si personne ne peut nier limportance de lintuition fminine

    qui a historiquement et traditionnellement soutenu les saints et les prophtes, il est

    primordial que la spiritualit fminine ne devienne pas un matriarcat. Lexemple fourni

    par la vie des saints musulmans peut nous aider trouver le discernement appropri.

    valeurs considres comme fminines, telles que la discrtion et la modestie, est

    associ tort de la passivit et de la sgrgation.

    Depuis lapparition des communauts agricoles sdentaires ncessitant des forces

    physiques pour protger leurs biens, ces communauts se sont efforces de dformer

    la nature de la femme, notamment en induisant des pratiques idoltres par rapport

    au corps fminin et en insistant pour que la femme reste lie la tradition et quelle

    ne remette pas en cause lorganisation de son image, sans exiger la mme chose de

    lhomme. Le maintien du statu quo aide les forces patriarcales contrler la situation

    et prendre la direction des oprations facilement. Cette situation a donn lieu

    une sorte de rbellion et a conduit les individus recourir lintelligence de manire

    originale et dans une logique de dfi pour prendre part une comptition dialectique

    en vue dy exceller de manire indpendante dans tous les aspects de la vie. Ces

    tendances exaltent lindividualisme, hommes et femmes tant en comptition pour

    tablir qui domine qui et qui exerce la plus grande sduction ou le plus grand pouvoir

    sur lautre. Chez les femmes, une sorte dintuition fminine semble avoir prvalu:

    en fonction de lindividu, cela ne souligne quune des composantes ontologiques de

    ltre humain au dtriment de lquilibre de lensemble. Certaines femmes estiment

    donc tre investies dune mission spirituelle, tandis que dautres prnent lgalit des

    chances ou se veulent nouvelles desses dun Olympe artificiel.

    Partant, lune des responsabilits de la femme consiste trouver un quilibre

    harmonieux entre lesprit, lme et le corps en vue de reconnatre lunit de la cration

    et daccder la vritable spiritualit, et dans cette qute, les femmes musulmanes ne

    sont pas la trane. En fait, la poursuite et la ralisation de cet quilibre ne peuvent

    tre dlgues dautres, quils soient parents, maris, enfants ou autorits religieuses:

    elles constituent une responsabilit personnelle de lhomme et de la femme, que Dieu

    a investis du pouvoir du libre arbitre.

    Aujourdhui, de nombreuses musulmanes exigent la lgitimation de leur indpendance

    et de leur autorit, sparment du contexte traditionnel de la communaut

    musulmane, en vertu dune prtendue appropriation individuelle de la doctrine et

    des pratiques religieuses. Elles pensent pouvoir mesurer leur vocation intrieure

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    A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    prsent de la part dune femme soufie. Fatima rpondit: Il ny a dans le monde point

    de soufi plus faible que celui qui doute des intentions dun autre. Par la suite, lorsque

    quelquun demandait Dhu an-Nun al-Misri qui tait la meilleure personne quil ait

    jamais rencontre, la rponse tait la suivante: Une femme que jai rencontre la

    Mecque, Fatima de Nishapur, qui pouvait converser merveilleusement des thmes

    lis la signification du Saint Coran. La transmission de ces histoires a permis aux

    lments de la spiritualit de se propager jusqu ce jour.

    Le contenu des enseignements diffuss par ces femmes trs sages considrait

    la dvotion comme un moyen de se rapprocher de Dieu, de la saintet et de Sa

    connaissance. Ces thmes sont ceux qui ont t les plus chers aux matres et aux

    saints au fil des sicles. Ce ntait donc pas un discours sur les femmes ou pour les

    femmes, mais plutt une expression des principes mtaphysiques de la religion qui ne

    sont ni masculins ni fminins, mais qui, pour se raliser, doivent ncessairement tre

    expriments par tout un chacun, homme ou femme.

    En dpit de linfluence norme de la religion en tant que style de vie et des murs

    connexes qui guident la conduite sociale de la socit, bien peu de choses semblent

    tre ralises pour ce qui est de la violence faite aux femmes. Les normes religieuses

    sont mises en pratique tous les jours et la spiritualit joue un rle prpondrant

    dans le sud asiatique, o il faut tenir compte de la question de la scurit des

    femmes chez elles et lextrieur. Les questions se poser sont les suivantes: la

    scurit personnelle, sociale, conomique et politique des femmes nest-elle plus

    la responsabilit de ltat? Les efforts de ltat sont-ils suffisants? Quel rle doivent

    jouer les autres acteurs, tels que les ONG et les mdias, pour veiller sur la vie et la

    dignit des femmes? Notre politique publique reflte-t-elle le problme de la scurit

    des femmes? Faute dun mouvement rgional efficace en faveur des femmes, il faudra

    normment de temps pour faire changer vritablement la situation sur le terrain.

    La scurit des femmes est une question qui relve de la lacit, mme si notre

    administration est hautement pluraliste et religieusement et culturellement diverse. La

    vie humaine est prcieuse et ne doit pas tre autorise tomber dans la dchance:

    il sagit dun des mandats fondamentaux de la Constitution. Cette dchance peut

    Luvre dAby Abd ar-Rahman as-Sulami traduite en anglais sous le nom dEarly Sufi

    Women (Premires femmes soufies) dcrit la vie et les enseignements dune srie

    de grandes femmes ayant vcu entre le septime et le dixime sicle dans diffrentes

    parties du monde islamique. Il ressort de ces tmoignages une profonde image de foi

    et de pit personnifie par des femmes exceptionnelles, toutes caractrises par une

    profonde servitude spirituelle. Le sens profond du terme islam se traduit en fait par

    servitude, en tant que soumission Dieu et accs la paix. Le livre illustre comment

    ces femmes taient des spcialistes de la doctrine religieuse et des pratiques du culte,

    quelles excutaient elles-mmes, et prenaient part des changes et rflexions avec

    les matres de lpoque. Dans ce rle denseignement public, on les appelait par un

    nom masculin, ustadh (professeurs), dpassant donc les restrictions sociales de

    lpoque qui empchaient les femmes de voyager ou de sexprimer en public.

    Le terme masculin ustadh ctoyait le terme fminin muaddiba (professeur au bon

    comportement), quAby Abd ar-Rahman as-Salumi attribue dautres femmes, et

    particulirement Rabia al-Adawiya, au VIIIe sicle. Le but ntait pas de faire une

    distinction hirarchique, mais dindiquer les diffrentes faons par lesquelles ces

    femmes avaient acquis leur connaissance et lavaient transmise dautres. Le terme

    adab (comportement traditionnel) dsigne en fait lclaircissement dune srie

    denseignements doctrinaux et reprsente une synthse de la connaissance thorique

    et de son application dans la vie de tous les jours. Il recouvre en mme temps la forme

    et le fond et nest jamais une simple tiquette, parce que le comportement traditionnel

    ne se soucie pas de ce que pensent les hommes mais trouve plutt partout une

    correspondance avec lessence de Dieu et de son prophte. Dans cette optique, ladab

    est la fois le gardien et le diffuseur de la connaissance et peut donc constituer une

    voie efficace denseignement et dducation traditionnelle. Dans le cas des femmes

    mentionnes par Aby Abd ar-Rahman as-Sulami, elles partageaient lhritage spirituel

    rvl par leur enseignement en faisant preuve non seulement dune grande humilit

    mais galement dune grande force.

    Parmi les diffrentes histoires recueillies, il est rapport quun jour, lune de ces

    femmes pieuses, Fatima de Nishapur, envoya un prsent Dhu an-Nun al-Misri, qui

    le lui renvoya en disant: Cest une marque dhumiliation et de faiblesse daccepter un

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    A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    ses obligations, comme lillustrent les arrts clbres rendus dans les affaires Tahira

    bi, Shah Bano, Sarla Mudgal, Mathura (viol) ou dans des dizaines dautres.

    Malheureusement, depuis les annes 70, les dirigeants musulmans sefforcent de

    sortir du giron de la lacit, par des interventions lgislatives visant annuler les

    effets de plusieurs jugements et dispositions de la loi personnelle musulmane, malgr

    le mandat et la compatibilit des versets du Coran en la matire. Ces jugements

    reposaient sur les textes coraniques. Dans certains cas, le processus de restauration

    de ces mmes principes de la loi personnelle a t long, laborieux et empreint de

    frustrations.

    Jai contest la validit des droits des femmes musulmanes dcoulant de la loi sur le

    divorce de 1986, promulgue pour annuler les effets du jugement rendu dans laffaire

    Shah Bano. Aprs quinze ans de lutte et dattente solitaires, les cinq juges de la Cour

    constitutionnelle ont accord en septembre 2001 une femme musulmane le droit de

    percevoir une pension du mari dont elle est divorce, au titre de la loi personnelle

    (conformment au commandement de Dieu apparaissant dans le verset 241 du IIe

    chapitre du Saint Coran et soutenant le mandat accord dans laffaire Shah Bano),

    jusqu sa mort ou son remariage. Les mdias nont pas accord la moindre attention

    cet arrt. Les dirigeants de la communaut font de leur mieux pour dissimuler son

    importance aux membres de leur communaut.

    Il est vrai que le droit de percevoir une pension au titre des dispositions sculires

    de la section 125 du code de procdure pnale (CPP) na pas t accord par ledit

    jugement. La bataille juridique consistant supprimer les discriminations fondes

    sur des motifs religieux dans le CPP et protger le droit lgalit et la protection

    juridique quitable des femmes musulmanes na pas encore t remporte dans le

    domaine des pensions, et je continuerai mefforcer datteindre cette forme dgalit

    pour les femmes musulmanes indiennes. Ladite section du CPP fait partie du droit

    administratif et lapplicabilit des dispositions sculires aux femmes musulmanes

    dans le domaine de la prvention de lindigence et du vagabondage ferait des femmes

    musulmanes des bnficiaires du droit administratif sculier galement.

    tre physique ou mentale. Si la communaut, la communaut religieuse, sarroge la

    responsabilit du bien-tre et de la protection des femmes pauvres vivant en zone

    rurale, notamment pour les questions lies la famille, cela ne constitue-t-il pas

    une subversion des liberts individuelles des femmes? La prservation du mandat

    constitutionnel (mettre fin la dchance de la vie humaine) doit-elle incomber la

    communaut, lorsque la vie en question est celle des femmes?

    En lieu et place de cela, on justifie des applications illgales flagrantes de traditions

    et de pratiques dpasses, attribues tort telle ou telle religion et alimentant une

    identit communautaire distincte. La procdure judiciaire ordinaire en vigueur dans

    une rpublique dmocratique souveraine peut-elle tolrer de tels abus et injustices?

    Quelles sont les limites (hadd) poses aux forces patriarcales en Inde? Les limites

    poses aux femmes musulmanes indiennes sont-elles encore plus strictes que la

    situation apparue aprs la proclamation des ordonnances Hudood par le prsident

    Zia-ul Haq au Pakistan en 1980? Daucuns pensent que les initiatives en faveur de

    rformes pour le respect des traditions, hostiles aux concepts fondamentaux des

    droits individuels et de la libert en tant que droit fondamental, doivent venir de la

    communaut elle-mme. Les exigences de traitement quitable tel que prescrit

    par la loi sont souvent snobes par ces prtendues traditions. Revoir les liberts

    fondamentales des femmes dune communaut minoritaire dans une situation o les

    forces patriarcales travaillent dur pour les empcher daccder lquit dans un cadre

    juridique laque peut constituer un grand dfi pour tout gouvernement.

    La scurit des femmes est avant tout une question de loi et dordre public, un sujet

    sur la liste des devoirs de ltat, comme le stipule la Constitution indienne. Les

    branches administratives de ltat sont responsables de ce bandobust (arrangement

    de devoirs) de manire significative. Au lieu de prendre des mesures administratives

    appropries en laborant une politique sense et en investissant dans des mesures

    de scurit en faveur des femmes, ltat a souvent prtendu navoir aucun pouvoir

    face aux traditions dominantes et au droit coutumier. Avec le temps, les tribunaux

    ont affirm que les traditions sopposant aux droits fondamentaux du citoyen ne

    peuvent plus tre maintenues et ils se sont tourns vers ltat pour quil remplisse

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    A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    les normes requises de sincrit dans la conduite matrimoniale, et le degr de saintet

    et de pit attach au mariage, ils peuvent mutuellement dcider dannuler le contrat

    de mariage qui les lie. Aucune institution ou autorit religieuse ne peut dclarer illgal

    un mariage prcdemment reconnu valide. Lislam prvoit que tout un chacun est en

    dernier ressort responsable devant Allah de ses actes et que justice sera rendue aprs

    dernire analyse. Entre-temps, seule lautorit dun tat dment tabli peut statuer en la

    matire, en accord avec la procdure judiciaire ordinaire.

    La question juridique importante comprendre ici est que mme si des traditions

    insenses existent autre part (par exemple dans les pays voisins), elles ne peuvent

    tre, mme en thorie, ajoutes aux lois personnelles des socits musulmanes

    rgies par une constitution crite, et encore moins appliques, mme si les victimes

    y consentent. Importer ces traditions trangres atroces, oublies depuis longtemps

    dans leurs pays dorigine, au nom des droits des minorits prvus aux articles 25 30

    de la Constitution, est illgal et anticonstitutionnel, en plus dtre contraire lislam.

    Sinon, la communaut est prive des bnfices de la procdure judiciaire ordinaire du

    droit sculier.

    Une rcente fatwa (dcret rendu par des thologiens musulmans) mise par des

    ulemas (thologiens) malaisien et indonsiens dclarant que le yoga est contraire

    lislam nest rien dautre quune mauvaise comprhension et interprtation du fait

    que le yoga et le namaz (art musulman de la prire) sont pratiquement identiques.

    Ces rudits et intellectuels si mal informs sont en fait responsables de la plupart

    des maux prvalant dans les socits musulmanes, responsables du retard des

    musulmans. Le yoga peut facilement tre intgr au mode de vie islamique. Lislam

    et le yoga sont complmentaires. Ensemble, ils constituent une synergie holistique

    qui bnficie aux deux. Le corps est important pour la ralisation spirituelle car cest

    un moyen datteindre la spiritualit et le salut, mme si lidentit primaire de ltre

    humain rside non pas dans le corps, mais dans lesprit ternel. Lislam exige de tout

    musulman quil maintienne son corps en bonne sant car le corps est un don dAllah.

    Le yoga et le tariqat-e-naqshbandi (mode de vie soufi) poursuivent apparemment

    le mme but puisquen fin de compte, ils cherchent tous deux atteindre une union

    mystique avec lUltime.

    Dans ses nombreux jugements, la Cour suprme indienne a fond ses dcisions

    relatives des questions du droit musulman sur un mandat coranique car il est

    compatible avec les dispositions de notre Constitution. Les interventions lgislatives

    politiquement motives visant faire annuler la loi rendue dans les jugements de

    la Cour suprme ne sont ni dans lintrt du pays ni dans celui de la communaut

    musulmane. Ces tentatives ne font que renforcer le retard de la communaut. Leur

    reconnaissance par les autorits est dcrite comme une mesure dapaisement

    communautaire. Vides de toute vision ou sagesse pluraliste, les leaders musulmans

    ont tout simplement concentr leurs efforts sur la cration dun tat minoritaire au

    sein dun autre tat, favorable leurs propres intrts personnels. Ils se fondent sans

    le savoir sur les dispositions des articles 25 30 de la Constitution, sans se rendre

    compte rellement de leur signification.

    Appliquer les normes du droit musulman dune manire contraire la conduite

    humaine ne dpend en rien du Coran ou de la thologie islamique. Il est clairement

    stipul que les musulmans doivent mener leurs affaires selon la manire prescrite,

    et lorsquune personne ne comprend pas ce quelle est cense faire, elle doit suivre

    son raisonnement, en respectant les intentions (niyat) qui lui ont t ordonnes. Cest

    laction requise pour reflter la beaut de la conduite individuelle parce que cest

    ce qui plat Allah. La bonne conduite (husne adula) inclurait la justice, lquit et

    limpartialit, fondes sur les principes de la justice naturelle. Par consquent, toute

    action humaine, pour tre acceptable aux yeux dAllah, doit russir le test dhusne

    adula. Ce que les talibans ont fait subir aux femmes est tout sauf islamique. Nous

    devons sauver les femmes dun malheur similaire.

    Les rudits qui affirment se fonder sur les traditions doivent rvler leurs sources

    de droit, car ils sont tenus de justifier leur opinion. Ils doivent tablir les textes et

    traditions quils citent. Ces traditions, quand, o, dans quel contexte et par qui ont-

    elles avances?

    Le mariage musulman et toutes les questions lies sa validit sont lobjet dun contrat

    de mariage convenu entre deux adultes consentants, dans le cadre du droit national

    en vigueur. Si lun des deux poux dcouvre/juge/prsume que lautre ne respecte pas

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    A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    procdure judiciaire normale. Accepter des juridictions parallles et faire appliquer des

    conceptions tranges et inacceptables de conduite sociale ne peut tre tolr au nom

    de la libert de religion et nuit au processus de protection des droits des minorits.

    cette fin, nous devons nous doter dun protocole international pour protger les

    femmes des pratiques cruelles promues par des dirigeants de la communaut pour

    faire appliquer des traditions inacceptables.

    Selon le livre dAshraf F. Nizami intitul Namaz, the Yoga of Islam (publi par D.B.

    Taraporevala, Bombay, 1977), le yoga nest pas une religion mais simplement un

    ensemble de techniques et daptitudes renforant la pratique de toute religion. Nizami

    dcrit plusieurs lments constitutifs du namaz, comme le sijdah (fait de se prosterner

    devant le Tout-Puissant lors de la prire et de toucher le sol avec son front), similaire

    la demi-posture shirshasana (exercice de yoga), ou le qiyam (pratique mditative

    musulmane), associ la posture vajrasana (autre exercice de yoga) au mme titre que

    le ruku (partie de la prire musulmane) est associ la posture paschimothanasana

    (autre exercice de yoga). Mme le rvrend pre Dechanel a crit un livre sur le

    yoga chrtien affirmant quil faudrait encourager la pratique du yoga en tant que

    technique sinscrivant dans la ralisation des enseignements chrtiens. Le yoga est

    similaire au salat (les cinq prires quotidiennes obligatoires pour les musulmans)

    dans les exercices physiques des asanas de yoga (formes dexercice). Le terme

    salat signifie courber le bas du dos, comme dans le yoga; les Perses ont traduit

    ce concept par le mot namaz, partir dune racine verbale signifiant se pencher,

    lie tymologiquement au terme sanskrit namaste (forme asiatique de salut). Dans le

    yoga, la mtaphysique dadvaita vedanta (danciennes critures hindoues) saccorde

    parfaitement la doctrine islamique du tauhid (unit de Dieu).

    La vie, du dbut la fin, est un seul ensemble continu de pratiques respiratoires. Or,

    la pratique respiratoire a toujours fait partie du tariqat-e-naqshabandiyah, la tradition

    soufie de lislam. Lislam et le yoga sont donc parfaitement compatibles et le yoga peut

    tre un mode de vie pour les adeptes de toute religion.

    Que les dirigeants communautaires sapproprient le pouvoir de statuer sur les

    questions de libert individuelle ou les questions familiales sans en avoir lautorit

    est un sujet de grave proccupation nationale. Ajouter foi ces tentatives aurait

    pour consquence de diviser le pays selon des bases religieuses et sociales, ce qui

    est une tendance dangereuse, tant au niveau constitutionnel que politique. Les courts

    et tribunaux doivent de leur propre chef prendre connaissance des reportages, faire

    des communications aux parties et, conformment la loi en vigueur, rendre des

    arrts visant tuer dans luf les efforts de dstabilisation du rgime des droits

    de la femme, mettre de ct toutes les controverses et soutenir la suprmatie de la

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    A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    Expos de Claudine Shinoda,

    Prsidente de lUnion bouddhiste europenne, Belgique

    Le rle de la femme dans le bouddhismeJai eu la chance de rencontrer le bouddhisme au Japon, par lintermdiaire dun

    mouvement laque dont les fondateurs taient un homme et une femme, galement

    respects. Ces conditions de lacit et dgalit des sexes ont sans aucun doute jou

    un rle significatif dans mon investissement enthousiaste la dcouverte de ce

    chemin dveil totalement intgr dans le rel.

    Cest mon cheminement aux cts de nombreux compagnons et compagnes de

    pratique qui me permet de tmoigner aujourdhui de la place essentielle que la femme

    doit prendre dans la spiritualit et de linfluence bnfique quelle exerce alors au sein

    de la famille, dans la socit et dans tous les domaines, en faveur de lharmonie, du

    progrs et de la paix.

    manant de la vision dun homme parfaitement veill, lenseignement bouddhiste

    propose une voie damlioration individuelle qui conduit une transformation

    fondamentale, capable de surcrot de gnrer une transformation du monde.

    Le Bouddha ne demande pas de croire aveuglment en son enseignement, encore

    moins de le vnrer lui-mme. Son souhait profond, quand il dcida de transmettre

    son exprience, fut de permettre tous les tres datteindre le mme tat de

    ralisation spirituelle auquel il tait lui-mme parvenu, et ce faisant, de purifier le

    monde de la haine, de la violence et des autres flaux, crs par lignorance, cause de

    la souffrance des tres humains.

    Cet enseignement profondment humaniste tait totalement rvolutionnaire

    lpoque du Bouddha, il y a 2500 ans environ, et le demeure encore bien des points

    de vue. Il est, en particulier, universel et galitaire. Les tres humains sont divers mais

    quel que soit leur niveau actuel de conscience, quel que soit leur sexe, leur race, leur

    culture, leur ge, leurs croyances, ils peuvent travailler perfectionner leur humanit

    vers son degr ultime.

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    A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    La pratique laque, au sein de la vie quotidienne, est aussi une caractristique rcente

    de lvolution de la pratique bouddhiste dans certaines traditions orientales et, en

    Occident, dans de nombreuses traditions. Cette volution, due au progrs social, la

    dmocratie et lducation obligatoire pour tous, a aussi largement et concrtement

    ouvert le chemin spirituel aux femmes, en toute galit.

    Force est de reconnatre cependant qu limage de ce qui se passe dans nos socits,

    les femmes, malgr une galit de droit, restent souvent en retrait, prisonnires des

    schmas dexcellence et de supriorit masculines inscrits dans leur psychisme depuis

    des gnrations.

    Je suis ne au bord de la mer, au pays des temptes et, dans mon enfance, jai

    souvent entendu, lapproche du crachin breton, ce dicton Petite pluie abat

    grand vent. Malgr nos capacits videntes, mes compagnes de pratique et moi-

    mme tions toutes plus ou moins comme ce grand vent: un simple froncement

    de sourcils de notre poux, de notre pre, de notre frre, agissait bien souvent sur

    nous comme ces quelques gouttes de pluie capables dabattre la tempte. Mais

    encourages par cet enseignement que tous les tres ont un potentiel illimit, nous

    nous sommes appropries cet objectif dveil et nous nous efforons, pour y parvenir,

    daccomplir la pratique de bodhisattva, expos par le Bouddha dans le Grand

    Vhicule. Les bodhisattvas, ces aspirants lveil, sont souvent qualifis de hros,

    tant la dtermination quils construisent pour atteindre leur but est inbranlable,

    tant les vertus quils dveloppent petit petit dans leur relation aux autres sont

    exceptionnelles, tant la sagesse quils retirent de leurs actions est vaste linstar de

    lenseignement du Bouddha.

    Or, dans lexercice de cette pratique de bodhisattva, accompagne dhommes et de

    femmes, jai trouv que les femmes taient particulirement doues et cratives.

    Dabord dans leur aptitude sinvestir dans des relations profondes avec les autres,

    les couter avec respect, douceur et gnrosit, les encourager chaleureusement,

    dployer une nergie bienveillante. Jai vu aussi combien elles progressaient

    rapidement dans leur docilit, au sens tymologique du terme, cest dire leur envie

    Dans les soutras, le Bouddha sadresse aux moines, aux nonnes et, je cite, aux fils

    et filles de bonne famille, formule par laquelle il dsigne les pratiquants laques,

    hommes et femmes. Il affirme ainsi lgalit des sexes quant aux possibilits et au

    potentiel des femmes et des hommes de pratiquer son enseignement et datteindre la

    perfection. Dans le Soutra du Lotus, par exemple, enseignement ultime du Bouddha

    Sakyamuni, beaucoup de femmes jouent un rle prpondrant. Afin de dissiper les

    prjugs profondment ancrs dans lesprit des tres de son poque, et mme des

    membres du clerg bouddhiste, le Bouddha y met en scne une fillette de douze

    ans. Elle atteint lveil sous les yeux stupfaits de grands matres trs dvous la

    pratique et trs renomms pour leur sagesse, mais qui ne pouvaient admettre lide

    quune femme puisse atteindre lveil, encore moins une fillette. On trouve des rcits

    semblables dans bien dautres soutras.

    Le Bouddha a enseign aux tres humains par le biais de moyens habiles: il prchait

    en effet en fonction des tres et des circonstances, conscient que la vrit de son

    message ne pouvait tre accepte par tous. Ainsi apparurent diverses coles, et en

    particulier, deux grands courants nomms le Vhicule des Anciens ou Theravada et

    le Grand Vhicule ou Mahayana. Le Vhicule des Anciens est plus restrictif lgard

    des femmes: elles ny occupent pas la mme place ni ne bnficient de la mme

    reconnaissance que les hommes. Cest cependant plus encore cause du contexte

    culturel et social au sein duquel cet enseignement sest dvelopp en Asie, que les

    femmes ont rarement eu des chances gales dducation et dentranement spirituel,

    ce qui est contraire lenseignement mme du Bouddha. Lingalit est donc flagrante

    et le monde bouddhiste traditionnel est, en Orient, caractris par la domination des

    hommes.

    En Occident, les femmes intresses par la pratique du bouddhisme, jouissent dun

    statut galitaire, sur le modle de nos socits. Les traditions bouddhistes orientales,

    quand elles simplantent en Occident, se dpouillent petit petit des prjugs divers

    dus leur contexte culturel et social. Les nonnes et les femmes laques bouddhistes

    revendiquent et obtiennent progressivement les mmes droits et la mme

    reconnaissance que les moines et les hommes.

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    A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    Jaimerai terminer par une anecdote. Alors que je reprsentais le bouddhisme

    europen la crmonie annuelle bouddhiste organise par lONU au Vietnam,

    quelquun a pos une question sur la place de la femme dans le bouddhisme: il faisait

    remarquer en effet que les intervenants sur la scne ntaient que des moines et que

    limmense hall de confrence, plein de milliers de moines, asiatiques dans lensemble,

    ne comptaient que quelques centaines de nonnes. La rponse des intervenants sur

    scne fut vague et jai ressenti la ncessit de tmoigner de la place de la femme

    en Europe en voquant dailleurs lintervention que je devais faire aujourdhui au

    Parlement Europen. Jai vivement encourag lauditoire ouvrir plus grandes les

    portes aux femmes en Asie et croire en leur potentiel. Ctait lultime question de ce

    rassemblement de trois jours et ce furent les dernires paroles. Jai t soudainement

    entoure dune nue de nonnes et de femmes bouddhistes qui mont remercie

    chaleureusement et mont invite les aider pour la reconnaissance de leurs droits.

    dapprendre, leur souhait dentendre les enseignements avec curiosit et de remettre

    en cause leurs conceptions sur la ralit et leur conduite. Jai admir leurs capacits

    dvelopper patience, persvrance, courage. Comme si toutes ces qualits ne

    demandaient qu spanouir. Jai mieux compris alors ce que mes ans de pratique

    japonais me transmettaient depuis longtemps sur la puissance de la femme, sur le

    rle central et primordial que le dveloppement de son intriorit et de son humanit

    lui permettrait de jouer en faveur du dialogue et de la paix.

    Jai constat des transformations dans la famille de ces femmes, lapaisement de

    certains conflits, la restauration de la communication entre les gnrations, par

    exemple. Beaucoup dentre elles travaillent comme institutrices ou professeurs: grce

    leur coute bienveillante et la conscience du potentiel immense de chaque individu,

    elles transmettent aux enfants, au-del du savoir, la confiance en eux-mmes et en

    leur avenir, le sens de leffort, le courage. Dautres travaillent dans le milieu mdical ou

    social: remarques pour leurs qualits et leur dvouement, on leur propose souvent

    daccder des postes de responsabilit.

    Jai depuis trs longtemps t interpele par lide de lEurope. Grce

    lenseignement bouddhiste de la production conditionne des causes et des effets,

    jai pris plus profondment conscience du caractre inluctable de la reproduction

    des vnements dans lhistoire - moins que les tres humains ne progressent dans

    leur conscience et dans leur cur . Jai donc dcid de minvestir dans les travaux

    de lUnion Bouddhiste Europenne afin daider au dveloppement harmonieux du

    bouddhisme en Europe et de permettre aux bouddhistes de ses diffrents pays de se

    rencontrer et de crer ensemble divers projets lchelle europenne. Le dialogue

    interculturel et inter traditions est donc au cur de lUnion Bouddhiste Europenne,

    car si lEurope est multiple, le bouddhisme europen, prsent en Europe sous forme

    de nombreuses coles venues de pays asiatiques diffrents, lest aussi. Jai eu la

    chance dexercer la fonction de prsidente ces trois dernires annes et cest aussi

    cette exprience qui mincite tre optimiste pour lavenir quant la place de la

    femme dans le bouddhisme europen et en Europe car nombreuses sont les femmes

    qui sy investissent et prennent des responsabilits.

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    A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    Expos de Judith Vincze,

    Pasteur, enseignante et directrice de luvre des femmes roumaines

    La spiritualit des femmes protestantes et son rle au XXIe sicle 1. Expos

    Pourquoi faut-il vraiment parler de morale et de spiritualit aujourdhui?

    Nous vivons effectivement une poque postmoderne o le matrialisme est roi.

    Lesprit carpe diem prvaut, le profit est essentiel.

    (mais voil que la faillite, leffondrement matriel et financier menacent, que va-t-il

    donc rester, que pourrait-il rester de tout cela? - souvenez-vous de la crise financire

    rcente!)

    Il faut en parler car lhomme a adopt, il est vrai involontairement, un style de vie

    qui lui porte fortement prjudice. Au cours dun reportage radiophonique, japprenais

    que lhomme du XXIe sicle communiquait plus facilement par tlphone portable ou

    ordinateur quavec une personne assise en face de lui.

    Les enfants ne sont dsormais plus capables de vivre sans musique et sans bruit car

    pour eux la vie est vide sans ces accessoires.

    Il marrive de dire mes propres enfants: teignez la musique afin davoir loccasion

    de faire votre propre connaissance!

    En effet, il faut parler de la spiritualit, car elle brille par son absence. Ne parlons-nous

    pas des mdicaments sils viennent nous manquer lorsque nous sommes malades?

    Cest ce qui saute aux yeux en observant la vie humaine, en examinant la vie sociale

    dont nous sommes, nous-mmes, les artisans, mais quels artisans???

    2. La spiritualit dun point de vue fminin.

    Les premiers signes du protestantisme apparurent au dbut du XVIe sicle. Le

    message du protestantisme est le suivant: faire parvenir lhomme la Parole pure.

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    A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    Mon exprience me porte croire que notre spiritualit habite nos activits

    quotidiennes, nos attitudes, nos modes de penses, nos discussions. Laction

    est, en vrit, la concrtisation, limpact de la spiritualit. Car cest ce qui mhabite

    spirituellement qui apparat inexorablement travers mes mots et mes gestes.

    Il dcoule de cela que la spiritualit bien quinsaisissable et invisible, devient

    immdiatement identifiable par nos organes sensoriels dune manire ou dune autre

    puisquelle se dclare par des mots et des actes.

    Nous arrivons l lessentiel: lev dans lapprentissage de la parole de Dieu, je peux

    affirmer dun point de vue chrtien, quau fond, la spiritualit et la chrtient ne font quun.

    Le Christ, en rendant visite Marie et Marthe Bthanie (Luc 10.38-42), nous met sur la voie

    de quelque chose dessentiel en matire de spiritualit. Marie en apparence, humainement

    et du point de vue de Marthe, est oisive, vritablement fainante. Cependant, selon le Christ,

    cest elle qui est du bon ct, car elle choisit lessentiel, la meilleure part, celle que personne

    ne peut lui enlever, ce qui a de lavenir. Autrement dit, le Christ fait l un parallle entre la

    vision spirituelle et matrielle des choses. Cest en partant de cette constatation quil indique

    lordre juste des valeurs humaines. Marthe met en place un ordre des valeurs pour sa vie

    qui la mne vers un avenir dont elle peut tre satisfaite.

    La foi en Dieu est invisible, indcelable, toutefois, si la foi est aussi pour moi cet amour

    dont Dieu me fait don alors oui cet amour en moi sera tout fait visible aux yeux

    de mes semblables par toutes mes manifestations. Selon lthique et la dogmatique

    chrtiennes protestantes, lhomme ne transmet pas ce qui est en lui mais ce quil a

    reu de Dieu. Cest selon cette spiritualit que je vis, parle et agis, celle que jai reue

    de Jsus Christ dans ma relation verticale avec Lui. Car cest de la plnitude du cur

    que la bouche parle.. Luc 6,45. Plus je reois de Dieu et plus je suis capable de donner

    mon prochain et ceux dont jai la charge.

    La foi et lamour, cependant, doivent tre nourris jour aprs jour. Afin que je puisse

    vivre deux, je dois rester en relation avec la Source en permanence.

    De par mon exprience et ma foi personnelles, il en est de mme en matire de

    spiritualit qui doit tre nourrie sans cesse afin de pouvoir affronter les preuves

    Ce qui mes yeux signifie aussi: implanter en tout tre humain la spiritualit selon

    Dieu. Lglise historique assiste lhomme afin quil puisse vivre selon les lois divines si

    tel est son dsir. De toute vidence, car le libre arbitre est aussi un don de Dieu.

    Ces enseignements parvinrent galement en Transylvanie grce aux tudiants

    voyageurs de lpoque. Il se trouva quelques souverains qui adoptrent et soutinrent

    de bon cur cette vision de la vie. Il en fut ainsi du souverain Rkczy Gyrgy 1er,

    poux de Lorntffy Zsuzsanna, qui accueillit et soutint la spiritualit protestante.

    Fonde sur les enseignements bibliques, lducation religieuse de la souveraine

    Lorntffy Zsuzsanna pesa de tout son poids sur sa vie et sa spiritualit. Elle laissa

    ainsi une empreinte profonde dans la vie socitale de lpoque. Loin de mener une

    vie douillette de souveraine, elle sactiva fivreusement, enseignant, duquant, se

    consacrant des tches caritatives envers ceux qui lentouraient.

    Elle naquit en 1600 et mourut en 1660. Ce fut lors de son sjour au chteau de

    Nagyvrad prcisment quelle remodela, organisa lducation des filles; elle ne

    les introduisit pas seulement aux tches domestiques et au soin des familles, mais

    mit aussi fortement laccent sur lducation littraire et religieuse de ces jeunes

    demoiselles. Elles apprirent lire, crire et compter, prirent connaissance des

    enseignements bibliques et divins. Ce fut ce moment-l prcisment que commena

    vritablement lducation protestante des jeunes filles et des femmes. (La bible de

    Vrad ne fut pas une copie de celle Vizsoly mais une traduction tout fait nouvelle, et

    ceci aussi fut son uvre).

    La machine tait lance, dautres femmes qui de par leur naissance se situaient en

    haut de lchelle sociale prirent le relais et oeuvrrent pour le plus grand nombre.

    Lvocation du pass est indispensable pour comprendre la spiritualit de chacun, ses

    origines, ses transformations.

    Quels sont les signes apparents de la spiritualit dans la vie quotidienne?

    De quoi se nourrit-elle?

    Doit-elle tre nourrie vritablement?

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    A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    et de par la position quelle occupe dans la socit. Ex.: tableau de la Sainte Famille du

    peintre italien Corregio: la lumire clatante sur le Christ rayonne tout dabord sur Marie

    et seulement ensuite sur Joseph puis sur les autres personnes prsentes dans ltable

    3. Linfluence de la spiritualit dans la socit contemporaine

    Il me faut parler de linfluence dune chose que jai mentionne pralablement

    comme tant invisible et insaisissable. En revanche, elle est parfaitement ressentie,

    perceptible, voire mesurable grce aux manifestations de lhomme en toute poque.

    La spiritualit de la femme protestante est dfinie par la Parole Divine et la Bible

    puis par lducation base sur celles-ci et par toute littrature ou moyen considrant

    lducation chrtienne comme primordiale.

    Dans une famille, cest la mre, la femme qui duque en premier lieu, vraisembla-

    blement en harmonie avec le pre, dans le meilleur des cas.

    John Thissen fait savoir ce qui suit propos de sa mre qui stait occupe de son

    ducation et de la formation de sa spiritualit: Ma mre a t la meilleure traductrice

    de la Bible. Car elle me la traduit dans le langage de la vie.

    Voil donc linfluence de lducation, et cest pareil pour toutes autres enseignements,

    elle nexiste que si elle est vcue et non pas nonce uniquement.

    Cest en passant normment de temps inutile en compagnie de nos enfants quils

    acquerront un mode de vie adquat, thique, moral et optimiste et non pas en leur

    ordonnant lapprentissage par cur de thories et de matires.

    Selon le psychologue Vekerdy Tams Les enfants daujourdhui ont surtout besoin de

    ce temps inutile quils devraient passer avec leurs parents.

    Face cela, notre poque postmoderne ordonne qui veut lentendre: cherche le profit, le

    bien-tre matriel et la scurit. Ainsi, nous voil nous hter au quotidien, courir aprs

    le temps utile en perdant au mme moment ce qui a le plus de valeur, la vie humaine.

    quotidiennes de la vie, faire face aux dfis avec assiduit, vitalit et entrain. Mais je ne

    suis pas seul dans cette affirmation, il y a aussi ces trois femmes auxquelles jai pos

    les questions concrtes suivantes:

    > Que signifie pour toi le terme spiritualit?

    Toutes les trois mont fait la rponse suivante: ce qui est lintrieur de moi, ce que je

    suis, sur mon lieu de travail, la maison parmi les miens, dans la rue ou quelque soit

    lendroit o je suis. Cest essentiel, car cela donne un contenu mon moi, cest ce qui fait

    que je suis. Grce la spiritualit, toute personne devient un individu, une personnalit.

    > Quest-ce qui dtermine la spiritualit de lhomme, de lindividu?

    La rponse fut unanime: le mode dducation de la personne depuis lenfance.

    Lducation, les exemples de vie, la vie au quotidien, les discussions de groupe, les

    conseils, la faon selon laquelle la rencontre a eu lieu.

    > Avons-nous besoin de spiritualit?

    Oui. Sans me, sans spiritualit non seulement le corps est vide mais lindividu aussi

    en tant quhomme. La vie na alors plus de teneur, elle est sans sensation, sans joie.

    > Est-ce que cela taide dans la vie de tous les jours?

    Toutes les trois dclarrent avec force que la spiritualit, le plus dme et le fait quelles

    sont en relation avec Dieu, la source de lme, reprsentent une telle sensation de

    scurit quelles ne pourraient imaginer la lutte dans la vie de tous les jours sans cela.

    Pourquoi la femme sexprime-t-elle ainsi?

    Je pourrais rpondre brivement en disant que cest dans sa nature, quelle est voue

    une telle forme de vie. Dieu lui a fait don dun temprament particulier afin quelle

    puisse justement tre rsistante, tenace et forte. (PPS la femme).

    Ce sont les femmes qui portent le drapeau de la spiritualit dans le monde de la plus

    petite communaut jusqu la plus grande. Elle la reprsente en tant que femme, mre

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    A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T A U D I T I O N D U G R O U P E D U P P E - D E S U R L E S F E M M E S E T L A S P I R I T U A L I T

    de lhomme est traverse de conflits succ