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L a tradition rabbinique, nous enseigne que l’unique façon d’effacer, le jour de Kippour, les fautes commises vis-à-vis de son prochain, consiste à obtenir le par- don de la personne offensée. A cette fin, nous disent nos sages, tous les moyens doi- vent être mis en œuvre pour restaurer la re- lation humaine et ainsi faire la paix : il nous incombe de multiplier les gestes apai- sants, les paroles de conciliation, d’intensi- fier les signaux en direction de notre sem- blable, censés refléter notre sincérité sans équivoque possible. Cette quête du pardon de l’autre est le préalable de la quête du pardon de D.ieu. La question de la proximité avec D.ieu est évoquée dans le verset biblique : « Et vous, qui vous êtes attachés à l’Eternel, vo- tre D.ieu, vous êtes aujourd’hui tous en- semble vivants » (Deutéronome IV,4). Pour en comprendre le sens profond, le Rav Kook suggère la lecture suivante: on adhérerait donc à D.ieu en se rapprochant des hommes, en visant le rassemblement, l’unité -« tous ensemble ». Il est vrai que la foule qui se presse avec ferveur dans nos synagogues lors des fêtes de Tichri nous porte à croire que nous touchons au but : celui de constituer une assemblée à l’instar de celle qui s’est tenue devant le mont Si- naï, pour recevoir la Torah dans l’unité et l’harmonie. Ce ras- semblement du Sinaï a pu avoir lieu, car avant de constituer un mou- vement vers D.ieu, il était le fruit d’un élan formidable vers au- trui, chacun se préoc- cupant de la place de son voisin face à la montagne. Le premier exemple de « dvekout », de l’at- tachement à D.ieu se traduisant d’abord et avant tout par le souci des autres, nous est donné par le patriarche Abraham. Il est inté- ressant, à l’occasion des solennités de Tichri, de constater, que le rituel met l’ac- cent sur le lien qui nous unit à notre patriar- che Abraham. Nous proclamons, que nous sommes ses héritiers spirituels, pleinement dignes de recevoir la bénédiction que D.ieu lui a prodiguée ainsi qu’à ses descendants juste après la ligature d’Isaac. Le texte rela- tant cette promesse que nous lisons le jour de Roch Hachana nous rappelle qu’Abra- ham est à la fois le premier ancêtre du peu- ple juif et le père de toutes les Nations de la terre qui seront bénies par sa postérité. Le nouvel an juif a ceci de particulier : il place la question de l’humain au centre des préoccu- pations des juifs qui s’adressent au Créateur en ce début d’année. Si Abraham occupe une place exception- nelle dans l’histoire juive et dans celle de l’humanité, c’est parce que sa relation à Dieu s’inscrivait dans le prolongement de celle qu’il entretenait avec tout homme. Abraham et Sarah cherchèrent tous deux à faire des disciples : ils étaient des « fai- seurs d’âmes », désirant faire le bien et se- courir les voyageurs égarés ou affamés dans le désert. Ceux qui se revendiquaient comme étant les héritiers de l’enseignement d’Abra- ham, devaient répondre à certaines exigen- ces morales (Maximes des Pères (5,22). L’héritage d’Abraham ne s'applique plus seulement au spirituel mais concerne aussi la morale, l’éthique et l'attention que nous portons à notre prochain. Le Maharal de Prague ( Netivot Olam) explique qu’Abraham ne s’est jamais abs- trait du monde , ni de la société qui l’en- tourait pour améliorer son rapport avec Dieu ; bien au contraire, en toute chose, il faisait preuve de derekh eretz ( savoir-vi- vre) en ayant à cœur de conduire ses affai- res avec honnêteté et respect.Ce comporte- ment doit inspirer notre travail de repen- tance et nous permettre ainsi de renforcer notre relation à D.ieu tout en apaisant notre lien avec nos contemporains. Que l’année 5778 voie s’épanouir le derekh eretz dans notre société et que l’unité de tout le peuple d’Israël hâte la réalisation des textes prophétiques annonçant l’avènement de la paix. RÉFLEXION SUR LA NATURE HUMAINE Viser le rassemblement N° 1447 DU J EUDI 14 S EPTEMBRE 2017 14 WWW.ACTUJ.COM Le pardon : un chemin vers le divin En cette période troublée qui voit se développer des actes de rejet et de haine de l’autre à tous les niveaux de la société, il semble essentiel d’interroger nos textes. GRAND RABBIN OLIVIER KAUFMANN DIRECTEUR DU SÉMINAIRE ISRAÉLITE DE FRANCE RABBIN DE LA SYNAGOGUE DE LA PLACE DES VOSGES Constituer une assemblée D.R.

WWW ACTUJ Le pardon : un chemin vers le divin€¦ · Cette quête du pardon de l’autre est le préalable de la quête du pardon de D.ieu. La question de la proximité avec D.ieu

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Page 1: WWW ACTUJ Le pardon : un chemin vers le divin€¦ · Cette quête du pardon de l’autre est le préalable de la quête du pardon de D.ieu. La question de la proximité avec D.ieu

La tradition rabbinique, nous enseigneque l’unique façon d’effacer, le jour deKippour, les fautes commises vis-à-vis

de son prochain, consiste à obtenir le par-don de la personne offensée. A cette fin,nous disent nos sages, tous les moyens doi-vent être mis en œuvre pour restaurer la re-lation humaine et ainsi faire la paix : ilnous incombe de multiplier les gestes apai-sants, les paroles de conciliation, d’intensi-fier les signaux en direction de notre sem-blable, censés refléter notre sincérité sanséquivoque possible. Cette quête du pardonde l’autre est le préalable de la quête dupardon de D.ieu.

La question de la proximité avec D.ieuest évoquée dans le verset biblique : « Etvous, qui vous êtes attachés à l’Eternel, vo-tre D.ieu, vous êtes aujourd’hui tous en-semble vivants » (Deutéronome IV,4).

Pour en comprendre le sens profond, leRav Kook suggère la lecture suivante: onadhérerait donc à D.ieu en se rapprochantdes hommes, en visant le rassemblement,

l’unité -« tous ensemble ». Il est vrai que lafoule qui se presse avec ferveur dans nossynagogues lors des fêtes de Tichri nousporte à croire que nous touchons au but :celui de constituer une assemblée à l’instarde celle qui s’est tenue devant le mont Si-naï, pour recevoir laTorah dans l’unité etl’harmonie. Ce ras-semblement du Sinaï apu avoir lieu, car avantde constituer un mou-vement vers D.ieu, ilétait le fruit d’un élanformidable vers au-trui, chacun se préoc-cupant de la place deson voisin face à lamontagne.

Le premier exemplede « dvekout », de l’at-tachement à D.ieu setraduisant d’abord etavant tout par le soucides autres, nous estdonné par le patriarcheAbraham. Il est inté-ressant, à l’occasion des solennités deTichri, de constater, que le rituel met l’ac-cent sur le lien qui nous unit à notre patriar-che Abraham. Nous proclamons, que noussommes ses héritiers spirituels, pleinementdignes de recevoir la bénédiction que D.ieu

lui a prodiguée ainsi qu’à ses descendantsjuste après la ligature d’Isaac. Le texte rela-tant cette promesse que nous lisons le jourde Roch Hachana nous rappelle qu’Abra-ham est à la fois le premier ancêtre du peu-ple juif et le père de toutes les Nations de la

terre qui seront béniespar sa postérité. Lenouvel an juif a ceci departiculier : il place laquestion de l’humainau centre des préoccu-pations des juifs quis’adressent au Créateuren ce début d’année.

Si Abraham occupeune place exception-nelle dans l’histoirejuive et dans celle del’humanité, c’estparce que sa relation àDieu s’inscrivait dansle prolongement decelle qu’il entretenaitavec tout homme.Abraham et Sarahcherchèrent tous deux

à faire des disciples : ils étaient des « fai-seurs d’âmes », désirant faire le bien et se-courir les voyageurs égarés ou affamésdans le désert.

Ceux qui se revendiquaient comme étantles héritiers de l’enseignement d’Abra-

ham, devaient répondre à certaines exigen-ces morales (Maximes des Pères (5,22).L’héritage d’Abraham ne s'applique plusseulement au spirituel mais concerne aussila morale, l’éthique et l'attention que nousportons à notre prochain.

Le Maharal de Prague ( Netivot Olam)explique qu’Abraham ne s’est jamais abs-trait du monde , ni de la société qui l’en-tourait pour améliorer son rapport avecDieu ; bien au contraire, en toute chose, ilfaisait preuve de derekh eretz ( savoir-vi-vre) en ayant à cœur de conduire ses affai-res avec honnêteté et respect.Ce comporte-ment doit inspirer notre travail de repen-tance et nous permettre ainsi de renforcernotre relation à D.ieu tout en apaisant notrelien avec nos contemporains. !

Que l’année 5778 voie s’épanouirle derekh eretz dans notre sociétéet que l’unité de tout le peupled’Israël hâte la réalisation des textes prophétiques annonçantl’avènement de la paix.

RÉFLEXION SUR LA NATURE HUMAINEViser le rassemblement

N° 1447 D U JE U D I

14 SE P T E M B R E 2017

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Le pardon : un chemin vers le divin" En cette période troublée quivoit se développer des actes derejet et de haine de l’autre à tousles niveaux de la société, il sembleessentiel d’interroger nos textes.

GRAND RABBIN OLIVIER KAUFMANNDIRECTEUR DU SÉMINAIRE

ISRAÉLITE DE FRANCERABBIN DE LA SYNAGOGUE DE

LA PLACE DES VOSGES

Constituer uneassemblée

D.R.