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1 XXIIème COLLOQUE ADDES Paris, 10 mars 2009 GOUVERNANCE ET PERFORMANCE : QUELLES EXIGENCES DE L’ECONOMIE SOCIALE ? INTERÊT GENERAL, UTILITE PUBLIQUE OU UTILITE SOCIALE : QUEL MODE DE RECONNAISSANCE POUR LE SECTEUR ASSOCIATIF ? Colas AMBLARD - NPS Consulting

XXIIème COLLOQUE ADDESaddes.asso.fr/wp-content/uploads/2015/03/2009-4_Amblard.pdf · GOUVERNANCE ET PERFORMANCE : QUELLES EXIGENCES DE L’ECONOMIE SOCIALE ? ... CE, ass., 13 mai

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XXIIegraveme COLLOQUE ADDES

Paris 10 mars 2009

GOUVERNANCE ET PERFORMANCE QUELLES EXIGENCES DE LrsquoECONOMIE SOCIALE

INTEREcircT GENERAL UTILITE PUBLIQUE OU UTILITE SOCIALE QUEL MODE DE RECONNAISSANCE POUR

LE SECTEUR ASSOCIATIF

Colas AMBLARD - NPS Consulting

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INTEREcircT GENERAL UTILITE PUBLIQUE OU UTILITE SOCIALE QUEL MODE DE RECONNAISSANCE POUR

LE SECTEUR ASSOCIATIF

Colas AMBLARD Docteur en droit ndash Avocat au Barreau de LYON

NPS CONSULTING Socieacuteteacute drsquoavocats

CONTRIBUTION ADDES

PARIS le 10 mars 2009 Cette contribution a pour objet de mettre en perspective les diffeacuterents modes de reconnaissance (institutionnelle) de la vie associative afin drsquoidentifier les interactions entre les processus existant de reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (RIG) tout comme le rocircle deacuteterminant joueacute par la notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale (I) Par ailleurs nous verrons que des questions nombreuses se posent concernant la pertinence du choix de la proceacutedure RUP pour les associations notamment depuis la creacuteation des fonds de dotation1 nouvelle entiteacute juridique laquo situeacutee agrave mi-chemin entre association et fondation RUP raquo2 De la mecircme faccedilon nous preacutesenterons une analyse critique portant sur la position restrictive de lrsquoAdministration fiscale srsquoagissant de lrsquoapplication des critegraveres de reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral comme sur le rocircle tregraves important ndash si ce nrsquoest deacutecisif ndash joueacute par cette derniegravere au sein des diffeacuterents modes de reconnaissance institutionnelle En deacutefinitive il srsquoagira de srsquointerroger sur les perspectives drsquoaccegraves de toutes les associations loi 1901 agrave la laquo grande capaciteacute juridique raquo et sur la neacutecessiteacute de proceacuteder agrave une simplification des proceacutedures de reconnaissance de lrsquoaction associative (II) Pas simplement en reacuteaction aux nombreuses initiatives de labellisation priveacutee en cours mais aussi ndash et surtout ndash dans un but drsquoadaptation du processus relationnel laquo associations - puissance publique raquo (III) en tenant compte de lrsquoinfluence des politiques budgeacutetaires actuelles (LOLF RGPP) et de lrsquoimpact du droit communautaire (directive laquo services raquo) 1 Loi de modernisation de lrsquoeacuteconomie ndeg2008-776 du 4 aoucirct 2008 art 140 (JO du 05 aoucirct) 2 C Amblard Fonds de dotation encore du nouveau sur le front du meacuteceacutenat Lamy Associations bulletins actualiteacutes ndeg165 novembre 2008

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I ndash MISE EN PERSPECTIVE DES INTERACTIONS EXISTANTES ENTRE LES DIFFERENTS MODES DE RECONNAISSANCE INSTITUTIONNELLE DE LA VIE ASSOCIATIVE Les modes de reconnaissance institutionnelle de la vie associative apparaissent fortement imbriqueacutes ce qui contribue agrave les rendre difficilement compreacutehensibles du grand public En effet la pratique associative deacutemontre qursquoune grande confusion regravegne dans lrsquoesprit des beacuteneacutevoles associatifs eux mecircmes les processus de reconnaissance drsquoutiliteacute publique (A) drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (B) voire de reconnaissance (fiscale) drsquoutiliteacute sociale (C) ont tendance agrave ecirctre confondus Par ailleurs en dehors de quelques speacutecialistes combien sont-ils agrave connaicirctre pour les maicirctriser tous les avantages juridiques et fiscaux que procure chacune de ces reconnaissances Une mise en perspective juridique (syntheacutetique) des diffeacuterents modes de reconnaissance des associations devrait permettre drsquoidentifier les caracteacuteristiques et de preacutesenter les avantages proposeacutes par chacun drsquoentre eux afin drsquoidentifier les interactions existants entre ces proceacutedures A - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE PUBLIQUE (RUP) Le droit administratif a encore freacutequemment recours agrave la notion juridique drsquoutiliteacute publique (eacutetablissements drsquoutiliteacute publique expropriation drsquoutiliteacute publique etc) mecircme si cette notion est quelque peu tombeacutee en deacutesueacutetude Notre propos ne consistera pas agrave entrer dans la deacutefinition juridique administrative de la notion drsquoutiliteacute publique pour se concentrer sur ce mode de reconnaissance speacutecifiquement applicable aux associations et aux fondations En guise drsquointroduction il importe de distinguer les associations reconnues drsquoutiliteacute publique3 voire mecircme les eacutetablissements drsquoutiliteacute publique4 qui sont des personnes morales de droit priveacute avec les eacutetablissements publics personnes morales de droit public constituant des deacutemembrements de la puissance publique et relevant drsquoun ministegravere de tutelle Avec lavegravenement de la theacuteorie du service public sont eacutegalement apparues vers les anneacutees 1930 des personnes priveacutees chargeacutees de missions de service public5 Lagrave encore il convient drsquoeacuteviter tout amalgame dautant plus quil existe des eacutetablissements publics ne geacuterant pas de services publics6 3 Cass civ 5 mars 1856 DP 1856 1 p 121 S 1856 1 517 4 T confl 9 deacutec 1899 Assoc syndicale canal Gignac Rec CE 1899 p 731 S 1900 3 p 49 note M Hauriou une association peut toutefois ecirctre reconnue comme eacutetant un eacutetablissement public en raison des preacuterogatives de puissance publique qui leur sont confeacutereacutees 5 CE ass 13 mai 1938 Caisse primaire Aide et protection Rec CE 1938 p 417 DP 1939 3 p 65 concl R Latournerie note D Peacutepy RD publ 1938 p 830 concl 6 L 17 mai 1946 relative aux Charbonnages de France et aux Houillegraveres de bassin

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En matiegravere de RUP aucun texte ne deacutefinit les critegraveres drsquoutiliteacute publique lesquels reposent exclusivement sur la pratique administrative et les avis rendus par le Conseil drsquoEtat La technique requise par lrsquoAdministration a permis de deacutegager un faisceau drsquoindices exigeacute de lrsquoassociation qui sollicite la RUP

1 - Caracteacuteristiques de la RUP Il existait au 1er juin 2008 1972 associations reconnues drsquoutiliteacute publique7 (alors mecircme qursquoen 2007 on deacutenombrait 11 millions drsquoassociations8) ce qui finalement est assez peu La proceacutedure RUP figure au titre des articles 10 et 11 de la loi 1901 et 8 agrave 15 du deacutecret du 16 aoucirct 1901 Elle distingue principalement sur un plan patrimonial les associations simplement deacuteclareacutees en Preacutefecture des associations RUP puisque seules ces derniegraveres laquo peuvent recevoir des dons et des legs dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle 910 du Code civil raquo9 Lrsquoassociation simplement deacuteclareacutee est initialement reconnue par la loi du 1er juillet 1901 comme un groupement licite de personnes sans pour autant ecirctre pourvu des moyens juridiques et financiers neacutecessaires agrave la poursuite de ses objectifs10 Deux raisons principales justifient cette capaciteacute juridique restreinte en premier lieu lrsquoinfluence de la conception civiliste franccedilaise11 selon laquelle la personnaliteacute morale de lrsquoassociation ne va pas neacutecessairement de pair avec la reconnaissance de lrsquoassociation12 en qualiteacute de personne morale ce qui explique que la capaciteacute patrimoniale de cette derniegravere ait eacuteteacute drsquoembleacutee restreinte En effet lrsquoassociation est conccedilue comme laquo une convention par laquelle [des] personnes mettent en commun leurs connaissances ou leur activiteacute raquo Degraves lors la mise en commun de moyens financiers appelait plutocirct pour son auteur Waldeck Rousseau le recours agrave drsquoautres structures telles que les fondations par exemple en second lieu lrsquoempreinte du libeacuteralisme eacuteconomique dominant cette peacuteriode justifie cette crainte de voir des associations - agrave dureacutee indeacutetermineacutee ndash soustraire un patrimoine consideacuterable de la circulation des richesses

7 Reacutep Min inteacuter AN 15 juillet 2008 ndeg16885 8 V Tchernonog Les Associations en France poids profils et eacutevolutions CNRS nov 2007 9 Loi du 1er juillet 1901 art 11 10 Conseil drsquoEtat Rapport public 2000 Reacuteflexion sur les associations et la loi de 1901 cent ans apregraves La documentation franccedilaise Etudes et documents ndeg51 pp 256-257 11 JC Bardout Lrsquohistoire eacutetonnante de la loi 1901 le droit drsquoassociation en France avant et apregraves Waldeck-Rousseau Editions Juris 2001 p 175 selon JC Bardout citant la formule drsquoA Laineacute laquo les personnes morales ou civiles ne sont pas autres choses que des modaliteacutes de la vie juridique des personnes naturelles raquo

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Cette seconde raison (la hantise de la mainmorte ou de la laquo possession-morte raquo) se retrouve tregraves clairement dans les propos de Waldeck Rousseau lui-mecircme13 qui dans son projet initial envisageait drsquoailleurs que lrsquoassociation puisse disposer de certains biens14 pour atteindre son objet mais que la plupart soient apporteacutes agrave une socieacuteteacute de biens speacutecialement conccedilue agrave cet effet Cependant et comme le souligne le Conseil Economique et social (CES) dans son rapport de 199315 laquo drsquoautres thegraveses deacutefendront le droit pour une association de pouvoir posseacuteder car la proprieacuteteacute garantit agrave la fois sa permanence et la capaciteacute de reacutealiser son objet social raquo Citant P Nourrisson16 le CES rappelle qursquolaquo au point de vue social en effet nrsquoest-ce pas lrsquoassociation posseacutedant crsquoest-agrave-dire capable de poursuivre une activiteacute durable qui pourra rendre de veacuteritables services agrave la collectiviteacutehellip La liberteacute de bienfaisance que nous consideacuterons comme la liberteacute primordiale peut-elle srsquoexercer utilement si ce nrsquoest au moyen drsquoassociations posseacutedant un patrimoinehellip raquo 2 ndash Conditions et proceacutedure de la RUP A lrsquooccasion drsquoune reacuteponse ministeacuterielle publieacutee le 15 juillet 2008 au Journal Officiel17 le Ministre de lrsquointeacuterieur vient rappeler les conditions drsquoobtention de la RUP

- peacuteriode probatoire de trois ans ce deacutelai pouvant exceptionnellement ecirctre reacuteduit si leacutequilibre financier preacutevisible est assureacute - objet statutaire preacutesentant un caractegravere dinteacuterecirct geacuteneacuteral (voir infra) distinct des inteacuterecircts particuliers des membres

- rayonnement suffisant dans le champ dactiviteacute deacutepassant un simple cadre local

13 laquo Tandis que dans les socieacuteteacutes ordinaires a-t-on dit les biens appartiennent au fond aux associeacutes qui se partageront le fonds commun au moment ougrave la socieacuteteacute parviendra agrave lrsquoexpiration de sa dureacutee dans lrsquoassociation ce qui effraie crsquoest la perpeacutetuiteacute de lrsquoassociation survivant agrave ses membres distincte de tous et de chacun posseacutedant pour le compte drsquoun ecirctre de raison et arrivant par la peacuterenniteacute de son institution agrave constituer une mainmorte agrave soustraire ses biens agrave cette loi eacuteconomique fondamentale essentielle le partage la communicationhellip raquo citeacute in Rapport du Conseil Economique et social Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi 1901 ndeg4 JO 1er avril 1993 p 42 14 La loi du 1er juillet 1901 cite notamment les dons manuels les dons des eacutetablissements publics les subventions les cotisations les immeubles strictement neacutecessaires agrave lrsquoaccomplissement du but qursquoelle se propose (art 6) 15 Rapport du Conseil Economique et Social Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 preacutesenteacute par MT Cheroutre lors des seacuteances du 23 et 24 feacutevrier 1993 JO Avis et rapports du CES ndeg4 1er avril 1993 16 P Nourrisson Histoire leacutegale des congreacutegations religieuses Sirey 1992 17 Reacutep Min inteacuter AN 15 juillet 2008 preacuteciteacutee

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- nombre minimum dadheacuterents fixeacute agrave 200

- montant annuel minimum de ressources estimeacute agrave 46 000 euros provenant en majoriteacute de ressources propres et non de subventions publiques et par labsence de deacuteficit sur les trois derniers exercices

- statuts conformes aux statut-type approuveacutes par le Conseil dEtat garantissant lexistence de regravegles de fonctionnement deacutemocratique et de transparence financiegravere opposables aux membres

En outre il est indiqueacute que laquo le statut dutiliteacute publique est perccedilu par le monde associatif comme un label officiel confeacuterant une leacutegitimiteacute particuliegravere nationale voir internationale vis-agrave-vis notamment des donateurs Ce statut implique un certain nombre dobligations agrave leacutegard de la puissance publique qui dispose dun pouvoir de tutelle et de controcircle tutelle sur les statuts et le regraveglement inteacuterieur de lassociation ainsi que sur lensemble des actes de disposition (alieacutenation de biens emprunts hypothegraveques) obligation denvoi des comptes-rendus dactiviteacute et documents comptables annuels droit de visite des ministegraveres de tutelle raquo Elle est deacutelivreacutee selon la proceacutedure suivante

‐ par deacutecret du Premier Ministre ‐ apregraves instruction du Ministegravere de lrsquoInteacuterieur

‐ sur avis du Conseil drsquoEtat

Lrsquoinstruction de la demande de RUP est effectueacutee par lrsquoautoriteacute publique de faccedilon discreacutetionnaire agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode moyenne allant de 6 agrave 18 mois 3 ndash Principaux avantages de la RUP La conseacutequence essentielle de la reconnaissance dutiliteacute publique est lacquisition permanente de la laquo grande capaciteacute juridique raquo permettant notamment de recevoir des libeacuteraliteacutes (dons et legs) exoneacutereacutees des droits de mutation agrave titre gratuit18 et de deacutetenir des immeubles laquo neacutecessaires raquo agrave son activiteacute19 (agrave la diffeacuterence des associations simplement deacuteclareacutees qui doivent deacutetenir des immeubles laquo strictement neacutecessaires raquo agrave leur activiteacute en application de lrsquoarticle 6 de la loi 1901)

18 CGI art 7952deg 19 Loi 1er juillet 1901 art 11

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Pour pouvoir beacuteneacuteficier de ces exoneacuterations lrsquoassociation RUP doit non seulement remplir les critegraveres drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral deacutefinis par la doctrine administrative du Conseil drsquoEtat (voir infra) mais eacutegalement exercer une activiteacute entrant dans le champ drsquoapplication de lrsquoarticle 238 bis a du Code geacuteneacuteral des impocircts (CGI) au regard de son domaine drsquoactiviteacute (qui doit ecirctre laquo agrave caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique social humanitaire sportif familial culturel ou concourant agrave la mise en valeur du patrimoine artistique agrave la deacutefense de lenvironnement naturel ougrave agrave la diffusion de la culture de la langue et des connaissances scientifiques franccedilaises raquo) Reste agrave savoir srsquoil existe encore un inteacuterecirct agrave srsquoengager dans cette voie au regard drsquoune part de la lourdeur administrative drsquoune telle proceacutedure et drsquoautre part de la possibiliteacute pour les associations de beacuteneacuteficier des mecircmes avantages consentis par la RUP par la possibiliteacute de recourir agrave des techniques juridiques et fiscales relativement facile agrave mettre en œuvre pour contourner lrsquointerdiction de percevoir des dons (voir infra) Synthegravese RUP

‐ Pour obtenir la RUP une association doit preacutesenter un caractegravere drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au sens de lrsquoarticle 200 et 238 bis du CGI

‐ Bien que relevant de deux ministegraveres de tutelle diffeacuterents la RUP et la

RIG procegravedent sensiblement du mecircme mode drsquoanalyse agrave partir des articles preacuteciteacutes du CGI et de la doctrine du Conseil drsquoEtat

‐ En revanche nous allons voir ci-apregraves qursquoune association drsquointeacuterecirct

geacuteneacuteral ne beacuteneacuteficie pas automatiquement de la RUP (la RUP est reacuteserveacutee agrave une laquo eacutelite raquo)

B ndash LA RECONNAISSANCE DrsquoINTEREcircT GENERAL Il ne srsquoagit pas drsquoentrer dans des deacutebats sans fin concernant la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral mais au contraire de circonscrire avec preacutecision la dimension restrictive donneacutee par lrsquoAdministration fiscale de ce concept juridique 1 - Caracteacuteristiques de la RIG Comme nous lrsquoa reacutecemment preacuteciseacute le Ministre de lrsquoInteacuterieur20 laquo la notion drsquoassociation drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral est par contre une notion fiscale viseacutee dans les articles 200 et 238 bis du Code geacuteneacuteral des impocircts raquo Elle permet drsquoautoriser certains organismes agrave eacutemettre des reccedilus fiscaux au beacuteneacutefice de leurs donateurs particuliers ou entreprises

20 Reacutep min inteacuter AN 15 juillet 2008 preacutec

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Certes lrsquo laquo inteacuterecirct geacuteneacuteral raquo demeure un concept juridique difficile agrave appreacutehender21 sur le plan ideacuteologique mais au cours de la discussion de la premiegravere loi sur le meacuteceacutenat le Ministre chargeacute du budget avait preacuteciseacute que le texte laquo avait vocation agrave ecirctre entendu de faccedilon large raquo22 sur le plan fiscal Cette appreacuteciation fut par la suite reprise par son successeur dans les deacutebats ayant abouti au vote de la loi du 1er aoucirct 2003 relative au meacuteceacutenat23 laquo ce projet est de porteacutee geacuteneacuterale Ne commenccedilons pas agrave eacutenumeacuterer des groupes drsquoassociations raquo Or malgreacute ces recommandations explicites du leacutegislateur la doctrine de lrsquoadministration fiscale est demeureacutee excessivement restrictive Il reacutesulte de cette situation un certain nombre de probleacutematiques (voir infra) mais commenccedilons par eacutenumeacuterer les conditions qui preacutesident agrave la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral pour un organisme sans but lucratif 2 - Conditions et proceacutedure de la RIG Pour lrsquoAdministration fiscale un organisme preacutesente un caractegravere drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral si les conditions suivantes sont cumulativement reacuteunies24

‐ Avoir laquo un caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique social humanitaire sportif familial culturel ou concourant agrave la mise en œuvre du patrimoine artistique agrave la deacutefense de lrsquoenvironnement naturel ou agrave la diffusion de la culture de la langue et des connaissances scientifiques raquo25

‐ Avoir une gestion deacutesinteacuteresseacutee et ne pas exercer drsquoactiviteacute lucrative

de maniegravere preacutepondeacuterante26 cette condition pose en creux la question de la distinction entre activiteacute eacuteconomique et activiteacute lucrative27 au sein de laquelle le recours agrave la notion fiscale drsquoutiliteacute sociale (voir infra) apparaicirct tout agrave fait essentiel

‐ Ne pas fonctionner au profit drsquoun cercle restreint de personnes

autrement dit lrsquoassociation doit ecirctre laquo ouverte raquo28

21 Dans un compte rendu de reacuteunion du 24 janvier 2005 le Conseil drsquoOrientation de la Simplification Administrative (COSA) faisait part de ses observations quant aux mesures proposeacutees en matiegravere de seacutecurisation de la fiscaliteacute et estimait laquo qursquoil fallait proposer une deacutefinition plus claire de la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral de lrsquoarticle 200 du CGI et si possible eacutetendre le champ des activiteacutes viseacutees par lrsquoarticle 200 du CGI raquo (source rapport au premier ministre JP Decool mai 2005 p47) 22 JOAN CR Deacutebats du 23 juin 1987 2egraveme seacuteance p 3071 agrave 3076 23 Loi ndeg2003-709 du 1er aoucirct 2003 relative au meacuteceacutenat aux associations et aux fondations 24 D adm 5 B-3311 ndeg12 et s et 4 C-712 ndeg11 et s 25 CGI art 200 et 238 bis 26 Instr fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 27 C Amblard Activiteacutes eacuteconomiques et commerciales des associations Lamy Associations (Etude 246) juillet 2008 28 Reacutep min Zimmermann JO Ass nat du 10 janv 2006 p 261 ndeg72466

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Srsquoagissant de cette derniegravere condition lrsquoAdministration fiscale a tendance a adopter une position eacuteminemment restrictive au point que des associations drsquoanciens combattants29 voire mecircme drsquoanciens eacutelegraveves30 ou encore des associations de deacutefense des contribuables31 ou ayant pour objet la sauvegarde des retraites32 se sont vues refuser la RIG Par ailleurs sont reconnues comme eacutetant drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral les associations et fondations reconnues drsquoutiliteacute publique et qui exercent une activiteacute deacutecrite agrave lrsquoarticle 200 du CGI mais eacutegalement des organismes limitativement eacutenumeacutereacutes par la loi ou certaines dispositions du code geacuteneacuteral des impocircts tels que les eacutetablissements drsquoenseignement supeacuterieur33 les organismes ayant pour objet le financement des PME34 les associations cultuelles ou de bienfaisance35 ou encore les organismes ayant pour objet lrsquoorganisation de spectacles ou drsquoexposition drsquoart contemporain36hellip En ce qui concerne la proceacutedure agrave suivre il faut savoir que le beacuteneacutefice droit de du reacutegime fiscal de faveur lieacute au meacuteceacutenat (Loi laquo Aillagon raquo du 1er aoucirct 2003) nrsquoest pas lieacute agrave un agreacutement preacutealable de lrsquoAdministration fiscale En drsquoautres termes toute association peut deacutelivrer des reccedilus fiscaux37 aux donateurs le controcircle des services fiscaux eacutetant susceptible drsquointervenir a posteriori Neacuteanmoins il est possible drsquointerroger lrsquoAdministration fiscale a priori pour seacutecuriser lrsquoopeacuteration (proceacutedure de rescrit) lrsquoabsence de reacuteponse de la part de cette derniegravere agrave lrsquoissue drsquoun deacutelai de six mois valant reacuteponse positive pour la situation deacutecrite38 3 - Principaux avantages de la RIG Ils sont drsquoordres juridiques et fiscaux

‐ Sur le plan juridique

bull Le reacutegime du meacuteceacutenat permet aux associations non reconnues drsquoutiliteacute publique drsquoaccroicirctre leur capaciteacute juridique et ainsi de beacuteneacuteficier de dons autres que les dons manuels

‐ Sur le plan fiscal

bull Pour lrsquoassociation ou lrsquoorganisme sans but lucratif beacuteneacuteficiaire

29 Reacutep Reitzer AN 27 juillet 2004 p 5810 ndeg38660 30 CE 7 feacutevrier 2007 ndeg287949 RJF 407 ndeg386 31 Reacutep Blum AN 30 novembre 2004 p 9432 ndeg2499 32 Reacutep Deprez AN 20 juin 2006 p 6564 ndeg90872 33 Loi 2007-1199 du 10 aoucirct 2007 art 38 34 CGI art 238 bis-4 35 CGI art 200 1-e D adm 5 B-3311 ndeg54 36 Reacutep min culture et communication Girard AN 10 feacutevrier 2004 p 1025 ndeg30957 instruction fiscale du 9 deacutecembre 2008 5 B-19-08 37 Arrecircteacute du 28 juin 2008 JORF ndeg0150 du 28 juin 2008 page 10396 38 Instr fisc BOI 13 L-5-04 du 19 octobre 2004

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‐ Les ressources tireacutees du meacuteceacutenat nrsquoentrent pas dans le champ drsquoapplication de la TVA de lrsquoimpocirct sur les socieacuteteacutes ou de la taxe professionnelle

‐ Les dons sont en outre exoneacutereacutes de droit

drsquoenregistrement39 au mecircme titre que les associations et fondations RUP (voir supra)

bull Pour les meacutecegravenes (particuliers ou entreprises)

‐ Particuliers reacuteduction drsquoimpocircts sur le revenu eacutequivalente agrave 66 de la valeur du don dans la limite de 20 du revenu annuel (amendement laquo Coluche raquo 75 dans la limite forfaitaire de 495 euro pour les associations drsquoaide aux personnes en difficulteacute en 200840)

‐ Entreprises reacuteduction drsquoimpocircts sur les socieacuteteacutes

eacutequivalente agrave 60 de la valeur du don dans la limite de 05 du CA de lrsquoentreprise (outre contreparties institutionnelles telles que le droit pour lrsquoentreprise de beacuteneacuteficier de la qualiteacute de membre de lrsquoassociation ou drsquoimage41 dans la limite de 25 de la valeur du don42)

Synthegravese de la RIG ‐ Compte tenu du caractegravere relativement flou de la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (lrsquoarticle 200 du CGI se contentant drsquoeacutenumeacuterer des secteurs drsquoactiviteacutes) lrsquoAdministration fiscale dispose finalement drsquoun large pouvoir drsquoappreacuteciation en matiegravere de deacutefinition des contours de la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral sous reacuteserve de la doctrine du Conseil drsquoEtat ‐ La proceacutedure de RIG ouvre la capaciteacute juridique des associations simplement deacuteclareacutees (dons sous forme de meacuteceacutenat) sans que ces derniegraveres ne puissent toutefois preacutetendre agrave la laquo grande capaciteacute juridique raquo dont beacuteneacuteficient les associations RUP (legs deacutetention de biens immobiliers) ‐ Le beacuteneacutefice des avantages fiscaux offerts par la RIG deacutependent de la non lucrativiteacute des activiteacutes de lrsquoassociation ce qui suppose ou que lrsquoassociation nrsquoexerce aucune activiteacute lucrative (cas des associations dont les ressources se composent uniquement de cotisations ou de subventions par exemple) ou que lrsquoassociation exerce des activiteacutes eacuteconomiques reconnues comme eacutetant drsquoutiliteacute sociale par lrsquoAdministration fiscale (voir infra les critegraveres fiscaux de la laquo reconnaissance drsquoutiliteacute sociale raquo)

39 CGI art 757 al 3 40 Loi 2007-1822 du 24 deacutecembre 2007 art 2 I 41 CGI art 238 bis 1 a 42 Instr fisc 4 C-2-00 ndeg5 agrave 7

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C ndash LA RECONNAISSANCE (FISCALE) DrsquoUTILITE SOCIALE Il nrsquoexiste pas de proceacutedure de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (RUS) agrave proprement parler crsquoest-agrave-dire ouvrant droit pour les associations agrave des avantages particuliers agrave llsquoinstar de la RUP ou de la RIG Tout au plus cette notion juridique rencontre deux modes drsquoapplication concregravete dans notre droit interne (1) que nous allons preacutesenter en guise drsquoillustration Nous verrons ainsi comment la meacutethodologie retenue par lrsquoAdministration fiscale agit comme une forme de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale preacutealable indispensable au maintien du caractegravere non lucratif de lrsquoassociation (2) 1 ndash Utiliteacute sociale deux exemples drsquoapplication concregravete Le premier exemple drsquoapplication concerne les socieacuteteacutes coopeacuteratives drsquointeacuterecircts collectifs (SCIC) instaureacutees par lrsquoarticle 36 de la loi 2001-624 du 17 juillet 2001 et lrsquoarticle 19 de la loi 47-1775 du 10 septembre 1947 Cet exemple peut apparaicirctre a priori eacuteloigneacute de notre preacutesentation sauf qursquoen autorisant la transformation des associations en SCIC nous verrons que ce dispositif leacutegislatif contribue agrave eacutelargir la capaciteacute juridique de ces derniegraveres tout en opeacuterant un rapprochement avec la notion drsquoutiliteacute sociale (11) Le second exemple drsquoapplication concregravete concerne la meacutethodologie retenue par lrsquoAdministration fiscale ndash encore elle ndash depuis lrsquoinstruction fiscale BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 199843 pour accorder aux associations (fiscalement) laquo reconnues drsquoutiliteacute sociale raquo la capaciteacute drsquoexercer des activiteacutes eacuteconomiques non assujetties aux impocircts commerciaux (12) 11 - Une premiegravere utilisation concregravete de la notion drsquoutiliteacute sociale le statut de SCIC Les Socieacuteteacutes Coopeacuteratives drsquoInteacuterecirct Collectifs (SCIC) socieacuteteacutes coopeacuteratives sous la forme de SA ou de SARL (hellip) ont pour objectif laquo la production ou la fourniture de biens et de services drsquointeacuterecirct collectif qui preacutesentent un caractegravere drsquoutiliteacute sociale raquo La proceacutedure drsquohabilitation relegraveve de la compeacutetence preacutefectorale Ce nouveau statut juridique a eacuteteacute creacuteeacute pour reacutepondre aux attentes des acteurs de lrsquoEconomie sociale et solidaire crsquoest-agrave-dire de disposer drsquoun cadre drsquoentreprise adapteacute au deacuteveloppement entrepreneurial tout en prenant en compte la dimension eacutethique des activiteacutes qui relegravevent de cette Economie

43 Reprise par lrsquoinstruction fiscale de synthegravese BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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Pour le Secreacutetaire drsquoEtat agrave lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire laquo la SCIC doit ecirctre comprise comme le chaicircnon manquant entre lrsquoassociation et la coopeacuterative avec la possibiliteacute drsquointeacutegrer de nouveaux partenaires raquo (F Morin conseiller technique du cabinet de G Hascoeumlt) 44 Du cocircteacute de lrsquoEtat pour le Ministegravere de lrsquoemploi et le secreacutetariat agrave lrsquoeacuteconomie solidaire laquo cette nouvelle structure doit deacuteboucher sur la creacuteation drsquoemplois en plus de ceux occupeacutes aujourdrsquohui dans lrsquoentreprise drsquoinsertion qui restera pour lrsquoinstant en lrsquoeacutetat raquo

12 ndash Une deuxiegraveme utilisation concregravete de la notion drsquoutiliteacute sociale la reconnaissance de la non lucrativiteacute des activiteacutes eacuteconomiques reacutealiseacutees par les associations non assujetties aux impocircts commerciaux Depuis lrsquoinstruction fiscale BOI 4 h-5-98 du 15 septembre 1998 pour lrsquoAdministration fiscale il est deacutesormais laquo leacutegitime quun organisme non lucratif deacutegage dans le cadre de son activiteacute des exceacutedents reflet dune gestion saine et prudente Cependant lorganisme ne doit pas les accumuler dans le but de les placer Les exceacutedents reacutealiseacutes voire temporairement accumuleacutes doivent ecirctre destineacutes agrave faire face agrave des besoins ulteacuterieurs ou agrave des projets entrant dans le champ de son objet non lucratif raquo Parallegravelement lrsquoinstruction fiscale consacrait le principe de non assujettissement des associations et organismes sans but lucratif aux impocircts commerciaux Il convenait donc de clarifier une situation confuse compte tenu de lrsquoeacutevolution du monde associatif notamment au regard de la pleine et entiegravere capaciteacute juridique des associations (simplement deacuteclareacutees) en matiegravere drsquoexercice drsquoactiviteacutes eacuteconomiques ou commerciales45 Crsquoest dans ce cadre que lrsquoAdministration fiscale a eacuteteacute ameneacutee agrave proposer une laquo grille de lecture raquo concernant lrsquoexercice de ce type drsquoactiviteacutes eacutetant entendu que si lrsquoassociation adopte des comportements identiques agrave ceux des entreprises commerciales sur un mecircme marcheacute le principe de non assujettissement ne pouvant ecirctre maintenu celle-ci recouvrait immeacutediatement son statut drsquoentreprise assujettie aux impocircts commerciaux Pour savoir si une association exerce son activiteacute dans des conditions similaires agrave celle drsquoune entreprise et si de ce fait elle doit ecirctre soumise aux impocircts commerciaux lrsquoAdministration fiscale preacuteconise une analyse en plusieurs eacutetapes

minus Etape 1 la gestion de lrsquoorganisme est-elle deacutesinteacuteresseacutee (les

dirigeants ne peuvent reacutemuneacutereacutes (sauf cas deacuterogatoires limitativement eacutenumeacutereacutes) les beacuteneacutefices et le patrimoine de lrsquoassociation ne peuvent ecirctre attribueacutes aux membres)

44 C Amblard SCIC un nouvel outil pour lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Revue Le Tout Lyon 2001 45 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit Universiteacute Versailles ndash St Quentin 1998 (410 pages) C Amblard Lrsquoentreprise associative Editions territoriales 2006 C Amblard Activiteacutes eacuteconomiques et commerciales des associations Lamy Associations Etude 246 preacutec

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‐ Etape 2 lrsquoorganisme concurrence-t-il une entreprise ‐ Etape 3 lrsquoorganisme exerce-t-il son activiteacute dans des conditions

similaires agrave celles drsquoune entreprise (analyse par application de la regravegle des quatre laquo P raquo les indices eacutetant classeacutes par ordre deacutecroissant drsquoimportance) bull Le laquo produit raquo proposeacute bull Le laquo public raquo beacuteneacuteficiaire bull Les laquo prix raquo pratiqueacutes bull La laquo publiciteacute raquo reacutealiseacutee

Srsquoagissant plus particuliegraverement des deux premiers critegraveres (laquo Produit raquo et laquo Public raquo) il convient de souligner que lrsquoinstruction fiscale procegravede agrave leur laquo reacuteunification raquo sous le vocable drsquo laquo utiliteacute sociale raquo En drsquoautres termes il y a bien reconnaissance drsquoutiliteacute sociale lorsque lrsquoassociation

‐ intervient dans un domaine ougrave les besoins sont insuffisamment couverts par le secteur lucratif ‐ ou46 srsquoadresse agrave un public qui ne peut normalement acceacuteder aux services du secteur concurrentiel

La recherche de lrsquoutiliteacute sociale conduit donc agrave mettre en correacutelation le produit et le service fourni par lrsquoassociation avec le public viseacute En effet une attention toute particuliegravere est attacheacutee agrave ces critegraveres et agrave lrsquoaffectation des exceacutedents pour deacuteterminer si lrsquoassociation exerce ou non une activiteacute suivant des modaliteacutes similaires agrave celles utiliseacutees par une entreprise

- Le produit est drsquoutiliteacute sociale laquo lrsquoactiviteacute qui tend agrave satisfaire un besoin qui nrsquoest pas pris en compte par le marcheacute ou qui lrsquoest de faccedilon peu satisfaisante raquo

- Le public sont susceptibles drsquoecirctre drsquoutiliteacute sociale laquo les actes

payant reacutealiseacutes principalement au profit de personnes justifiant lrsquooctroi drsquoavantages particuliers au vue de leur situation eacuteconomique sociale ou humaine (chocircmeurs personnes handicapeacutees notammenthellip) Ce critegravere ne doit pas srsquoentendre seulement agrave des situations de deacutetresse physique ou morale raquo

46 Le critegravere alternatif des deux eacuteleacutements produit et public a eacuteteacute affirmeacute par la jurisprudence CE 3 deacutecembre 1999 ndeg 133291 RJF 100 ndeg 35

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2 ndash Lrsquoapproche (fiscale) de la notion drsquoutiliteacute sociale un rocircle preacutepondeacuterant dans les proceacutedures de reconnaissance du secteur associatif Nous avons vu preacuteceacutedemment que

‐ La RUP suppose que lrsquoassociation exerce des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au sens de lrsquoarticle 200 et 238 bis du CGI ‐ La RIG commande pour les associations eacutevoluant dans la sphegravere eacuteconomique que ces derniegraveres exercent agrave titre preacutepondeacuterant des activiteacutes non lucratives ce qui suppose drsquoecirctre reconnues par lrsquoAdministration fiscale comme eacutetant drsquoutiliteacute sociale

Il existe bien par conseacutequent des interactions entre les diffeacuterents modes de reconnaissance et lrsquoapproche fiscale de la notion drsquoutiliteacute sociale Bien plus en insistant sur lrsquoimportance deacutecroissante des critegraveres retenus par la regravegle des 4 laquo P raquo lrsquoAdministration fiscale amplifie le rocircle joueacute par les deux premiers critegraveres (laquo Produit raquo et laquo Public raquo) et par conseacutequent lrsquoinfluence de cette notion au sein des modes de reconnaissance de la vie associative Autre eacuteleacutement important agrave ce stade de la reacuteflexion le rocircle non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat ou les autres administrations dans la laquo reconnaissance raquo drsquoutiliteacute sociale des associations en effet lrsquoinstruction fiscale47 preacutecise explicitement que ce type drsquoagreacutement laquo nrsquoest qursquoun eacuteleacutement parmi drsquoautres de lrsquoappreacuteciation de son utiliteacute sociale raquo Neacuteanmoins lrsquoinstruction preacutecise que laquo srsquoils prennent en compte la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y ait fait face ces agreacutements peuvent contribuer agrave lrsquoappreacuteciation de lrsquoutiliteacute sociale raquo Mais dans tous les cas lrsquoAdministration fiscale considegravere qursquolaquo ils ne sont ni neacutecessaires ni suffisants pour eacutetablir le caractegravere drsquoutiliteacute sociale de lrsquoassociation raquo Synthegravese de la RUS ‐ La notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale ouvre la capaciteacute des associations agrave intervenir dans la sphegravere eacuteconomique tout en preacuteservant leur statut drsquoorganismes sans but lucratif non soumis aux impocircts commerciaux ‐ In fine cette notion constitue un preacutealable indispensable agrave la mise en œuvre de la RIG (absence drsquoactiviteacute lucrative) et exerce une influence non neacutegligeable dans le mode de deacutelivrance de la RUP (reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et neacutecessiteacute de disposer de ressources suffisantes hors financement public) ‐ En lrsquoeacutetat actuel la reconnaissance (fiscale) drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre assimileacutee agrave une proceacutedure de reconnaissance institutionnelle de type RUP

47 Instr fisc 4 H-5-06 preacuteciteacutee ndeg63

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ou RIG instaureacutee par le leacutegislateur neacuteanmoins elle donne lieu agrave une appreacuteciation souveraine de lrsquoadministration fiscale dans le cadre de la proceacutedure de rescrit fiscal applicable depuis lrsquoinstruction fiscale preacuteciteacutee du 15 septembre 1998 En effet la reacuteponse du correspondant associations au questionnaire visant agrave deacuteterminer le reacutegime fiscal applicable au regard des impocircts vaut prise de position formelle de lrsquoadministration au sens de lrsquoarticle L 80 B du Livre des proceacutedures fiscales (opposabiliteacute) ‐ Telle que preacutevue par lrsquoinstruction fiscale du 18 deacutecembre 2006 preacuteciteacutee la notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale donne encore lieu agrave une appreacuteciation discreacutetionnaire et unilateacuterale de lrsquoadministration fiscale (sous reacuteserve du controcircle juridictionnel administratif)

bull Concernant lrsquoappreacuteciation discreacutetionnaire elle ressort drsquoune part de la dimension reacuteductrice des critegraveres retenus par lrsquoadministration fiscale48 et drsquoautre part de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation49 objective crsquoest-agrave-dire reposant sur lrsquoexistence de reacutefeacuterentiels qualitatifs et quantitatifs admis et partageacutes par tous50

bull Concernant lrsquoappreacuteciation unilateacuterale elle est induite par le caractegravere non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat (Ministegravere de tutelle) ou toute autre Administration y compris lorsque ces proceacutedures drsquoagreacutement preacutevoient des critegraveres permettant la prise en compte de la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y est fait face51 Or comme le soulignait deacutejagrave en 1993 MT

48 Lrsquoanalyse de la deacutecision rendue par lrsquoarrecirct Jeune France du 1er octobre 1999 (CE 1101999 ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354) permet eacutegalement de souligner la dimension neacutegative donneacutee agrave ces critegraveres dans la mesure ougrave ils servent agrave appreacutecier la speacutecificiteacute des associations et autres organismes sans but lucratif essentiellement au regard de regravegles de la concurrence 49 F Rousseau Lrsquoeacutevaluation laquo regravegle du jeu raquo entre associations et pouvoirs publics Juris Associations 1er avril 2008 ndeg376 p 16 et 17 lrsquoauteur souligne qursquoil convient de retenir laquo la diffeacuterence essentielle entre drsquoune part lrsquoeacutevaluation des activiteacutes associatives selon une logique drsquoeacutevaluation des politiques et drsquoautre part la deacutemarche de coconstruction drsquoune meacutethodologie drsquoeacutevaluation qui associe[rait[ les acteurs locaux (eacutelus techniciens militants associatifs chercheurs etc raquo 50 A souligner les nombreux travaux sur ces questions (liste non exhaustive) laquo Economie sociale et solidaire en reacutegion raquo (programme de recherche coordonneacute par la DIES et la Mire entre 2001 et 2003) P VIVERET Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 J GADREY 2003 Lrsquoutiliteacute sociale et organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE version provisoire 133 pages Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREE du 11 janvier 2005 La reconfiguration de lrsquoaction publique entre lrsquoEtat associations et participation citoyenne X ENGELS (Dir) M HELY A PERRIN H TROUVE De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne LrsquoHarmattan 2006 Guide meacutethodologique Fonda Rhocircne-Alpes (reacutealiseacute avec le concours de la Reacutegion Rhocircne-Alpes) Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective 2006 H TROUVE Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale de son activiteacute 124 pages wwwaviseorg Seacuteminaire Avise Evaluer lrsquoutiliteacute sociale deacutemarche meacutethodologie expeacuteriences Paris 6 deacutecembre 2007 51 Ibidum

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Cheroutre52 lors de sa preacutesentation du rapport du Conseil Economique et social laquo lrsquooctroi drsquoun agreacutement ou drsquoune habilitation est la marque de reconnaissance par les pouvoirs publics de la fonction remplie par lrsquoassociation ce qui implique des controcircles et drsquoeacuteventuels retraits si le contrat nrsquoest pas rempli raquo53

‐ Dans ces conditions et compte tenu des arguments qui preacutecegravedent il y a lieu de srsquointerroger sur la neacutecessiteacute drsquoune simplification des proceacutedures de reconnaissance de la vie associative (II) De faccedilon plus cruciale encore des questions se posent quant agrave la capaciteacute des acteurs agrave laquo coconstruire raquo leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation dans le cadre drsquoune deacutemarche partageacutee A ce propos nous assistons drsquoailleurs agrave un deacuteplacement du deacutebat national vers un cadre de reacuteflexion engageacute par les instances communautaires en matiegravere de transposition de la directive laquo services raquo et de deacutefinition de service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) II ndash VERS UNE SIMPLIFICATION DES MODES DE RECONNAISSANCE

A - La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) une utiliteacute

Dans une eacutetude adopteacutee le 25 octobre 2000 par la section du rapport et des eacutetudes du Conseil drsquoEtat54 il est rappeleacute qursquo laquo il nrsquoest pas aujourdrsquohui drsquoavantage patrimonial ou fiscal qui soit reacuteserveacute aux seules associations reconnues drsquoutiliteacute publique Il nrsquoy aurait donc pas drsquointeacuterecirct pour une association agrave ecirctre reconnue raquo En effet la plupart des associations simplement deacuteclareacutees perccediloivent des dons manuels55 ou encore sont en capaciteacute de beacuteneacuteficier de ce type de ressources sans aucune limitation soit directement sous la forme de meacuteceacutenat56 (dons uniquement) soit indirectement par la creacuteation drsquoun fonds de dotation57 ou en srsquoaffiliant agrave une union ou un organisme drsquoutiliteacute publique (dons et legs)58 52 Ibidum 53 La loi de finances rectificative pour 2008 (Loi ndeg2008-1443 du 30 deacutecembre 2008) a pris plusieurs mesures en vue de renforcer la seacutecuriteacute juridique des contribuables Lrsquoarticle 50 de la loi de finances rectificative pour 2008 creacuteeacute ainsi un recours devant lrsquoadministration pour les deacutecisions formelles prises en vertu des articles L80 B 1deg agrave 6deg et 8deg et L80 C du Livre des proceacutedures fiscales (LPF) applicable aux demandes deacuteposeacutees agrave partir du 1er juillet 2009 54 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique La documentation franccedilaise 2000 p15 55 Cass com 5 octobre 2004 ndeg03-15709 Bull civ IV ndeg178 56 Loi Aillagon du 1er aoucirct 2003 57 C Amblard Fonds de dotation encore du nouveau sur le front du meacuteceacutenat preacutec 58 Loi 1er juillet 1901 art 6 al1

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Degraves lors crsquoest tout naturellement et sans ambiguiumlteacute que le Conseil drsquoEtat srsquoest poseacute la question suivante laquo faut-il supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo (pour une meilleure lisibiliteacute de lrsquoaction associative et une simplification des proceacutedures de reconnaissance) Une telle proposition nrsquoa toutefois pas eacuteteacute retenue par lrsquoeacutetude des statistiques du Ministegravere de lrsquoInteacuterieur laquo il semble qursquoen deacutepit de la faiblesse des avantages qursquoelles peuvent en retirer et des contraintes que cela engendre pour elles des associations continuent chaque anneacutee de solliciter la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo Quelles peuvent-elles ecirctre les motivations des associations qui souhaiteraient beacuteneacuteficier de cette forme de reconnaissance Dans son rapport public de 200059 le Conseil drsquoEtat souligne avant tout laquo la force symboliques que srsquoaccordent agrave y voir les repreacutesentants du monde associatif raquo En effet il ressort que ceux-ci sont avant tout laquo agrave la recherche drsquoun label raquo60 La RUP laquo fait en quelque sorte agrave leurs yeux figure de label officiel qui consacre la leacutegitimiteacute de lrsquoassociation qui en beacuteneacuteficie et qui sanctionne la qualiteacute des actions qursquoelle megravene raquo Ainsi laquo [il] est un signe pour leurs partenaires et une garantie pour eux raquo Cependant le Conseil drsquoEtat croit bon attirer notre attention sur le fait que laquo cette force symbolique de la RUP nrsquoest toutefois pas deacutenueacutee drsquoeffets pratiques puisqursquoil apparaicirct que de 1991 agrave 1996 les associations et les fondations drsquoutiliteacute publique ont reccedilu 84 des dons deacuteclareacutes par les contribuables Pour les associations qui font appel agrave la geacuteneacuterositeacute publique la RUP vaut garantie que les sommes collecteacutees ne feront pas en principe lrsquoobjet drsquoune utilisation abusive ou frauduleuse raquo Cette garantie existe-t-elle vraiment srsquoagissant des associations RUP Preacuteciseacutement pour le Conseil drsquoEtat laquo cela peut paraicirctre paradoxal de rechercher le controcircle de lrsquoEtat pour pouvoir ensuite souligner qursquoelles srsquoy sont soumises et offrent donc toutes les garanties de bon fonctionnement raquo drsquoautant plus que pour lui laquo le controcircle de lrsquoEtat (hellip) est insuffisant raquo Crsquoest ainsi que dans son dernier rapport sur les associations RUP datant de 200061 ce dernier preacuteconisait dans ses conclusions laquo drsquointroduire dans la loi du 1er juillet 1901 (ou agrave lrsquoarticle L612-4 du Code de commerce) lrsquoobligation pour toute association reconnue drsquoutiliteacute publique drsquoavoir recours agrave un commissaire aux comptes dans les conditions preacutevues aux articles L 225-218 et suivants du Code de commerce raquo

59 Conseil drsquoEtat Les associations et la loi de 1901 cent ans apregraves Rapport public 2000 La documentation franccedilaise Etudes et Documents ndeg51 p307 60 Conseil drsquoEtat Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec 61 Ibidum

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Or agrave ce jour force est de constater qursquoaucune reacuteforme nrsquoest intervenue en ce sens En effet il nrsquoexiste ni dans la loi du 1er juillet 1901 ni dans les statuts-types des associations RUP ni mecircme dans aucun dispositif leacutegislatif speacutecifique ndash en dehors du dispositif applicable en matiegravere drsquoappel agrave la geacuteneacuterositeacute publique62 - drsquoobligation imposant la preacutesence drsquoun commissaire aux comptes au sein des associations RUP Aussi et toujours pour le Conseil drsquoEtat laquo srsquoil nrsquoy a donc pas de motif deacuteterminant de supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique il convient de reacutefleacutechir aux ameacuteliorations pouvant ecirctre apporteacutees agrave son reacutegime drsquoutiliteacute publique et aux reacutegimes voisins raquo En tout eacutetat de cause la pertinence du maintien de la RUP se pose si lrsquoon en juge les reacutesultats de deux rapports ministeacuteriels reacutecents sur cette question en effet pour le rapport Morange63 laquo les avantages mateacuteriels de la RUP sont deacutesormais drsquoune porteacutee quasi theacuteorique raquo Quant agrave lrsquoavantage moral de la RUP pour le deacuteputeacute P Morange il demeure laquo important mais il ne justifie pas la lourdeur de la proceacutedure raquo Le rapport Langlais64 parle lui de laquo proceacutedure eacutelitiste raquo qui laquo nrsquoa pas su srsquoadapter aux eacutevolutions de la socieacuteteacute raquo Pourquoi degraves lors vouloir absolument maintenir un systegraveme de reconnaissance qui agrave notre avis pose deux probleacutematiques majeures

‐ La premiegravere probleacutematique porte sur la capaciteacute patrimoniale des associations qui preacuteciseacutement ne beacuteneacuteficient pas de cette forme de reconnaissance en effet est-il toujours leacutegitime que pregraves drsquoun million de structures associatives disposent par contrecoup drsquoune capaciteacute juridique reacuteduite Deacutejagrave en 1993 agrave propos de la capaciteacute patrimoniale des associations simplement deacuteclareacutees le Conseil Economique et social65 soulignait que laquo le contexte drsquoaujourdrsquohui eacutelargissant les missions de nombreuses associations met davantage lrsquoaccent sur les enjeux eacuteconomiques et sociaux qui leur demandent de mobiliser agrave la fois des moyens eacuteconomiques financiers et humains On peut donc agrave juste titre se demander si les carcans drsquoune autre eacutepoque ne pourraient ecirctre leveacutes raquo Les choses ont peu eacutevolueacute depuis au deacutetriment drsquoun secteur associatif dont lrsquoessentiel de ses forces vives consacre une bonne partie de leur temps et de leur eacutenergie agrave rechercher des

62 Loi ndeg91-772 du 7 aoucirct 1991 art 3 et encore il convient de noter que lrsquointervention du commissaire aux comptes ne srsquoimpose que pour les associations ayant nommeacute un commissaire aux comptes pour drsquoautres motifs Anteacuterieurement le compte emploi des ressources (CER) constituait un document autonome agrave deacuteposer au siegravege de lrsquoassociation et agrave tenir agrave disposition des adheacuterents En cas de controcircle par un commissaire aux comptes ce dernier eacutetait tenu drsquoeacutetablir une attestation Depuis le 1er janvier 2006 le CER est devenu un eacuteleacutement annexe aux comptes Lrsquoattestation du commissaire aux comptes nrsquoa donc plus lieu drsquoecirctre (cf Meacutemento pratique F Lefebvre Associations 2008-2009 ndeg71400 p976) 63 P Morange Rapport drsquoinformation sur la gouvernance et le financement des structures associatives ndeg134 assembleacutee nationale 1er octobre 2008 p41 et 42 64 JL Langlais Pour un partenariat renouveleacute entre lrsquoEtat et les associations rapport ministeacuteriel juin 2008 p 26 65 Ibidum p 82

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financements Sur ce point il convient de noter les propositions drsquoeacutevolutions importantes figurant dans le rapport Morange lequel suggegravere aux associations simplement deacuteclareacutees de beacuteneacuteficier de la capaciteacute juridique de recevoir des dons ‐ La seconde probleacutematique renvoit directement aux besoins exprimeacutes en matiegravere de simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif en effet le rapport Langlais66 souligne agrave juste titre que laquo la principale source de complexiteacute tient agrave lrsquoeacuteclatement des modes de reconnaissance du fait associatif par la puissance publique La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) existe toujours elle nrsquoa pas varieacute depuis un siegravecle (hellip) elle est de plus en plus concurrenceacutee par drsquoautres formes de reconnaissance et certains nrsquoheacutesitent pas agrave la consideacuterer comme deacutemodeacutee voire obsolegravete La reconnaissance drsquoutiliteacute publique est accordeacutee sans limitation de dureacutee et il existe probablement comme pour les associations deacuteclareacutees mais en beaucoup plus faible proportion des ARUP qui figurent toujours dans les chiffres officiels bien qursquoelles nrsquoaient plus drsquoexistence reacuteelle raquo De son cocircteacute le deacuteputeacute P Morange propose de deacutelivrer la RUP pour une dureacutee deacutesormais limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans

Il convient par conseacutequent drsquoenvisager une simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif drsquoautant plus que sont apparus agrave cocircteacute de la RUP de nombreuses autres formes de reconnaissance plus ou moins officielle tels que les agreacutements ou les labels priveacutes (Comiteacute de la Charte voire mecircme la proposition de labellisation AFNOR) Nous verrons infra que ce processus de simplification doit ecirctre lrsquooccasion drsquoun dialogue renouveleacute entre les acteurs du monde associatif et les pouvoirs publics en vue de la mise en œuvre drsquoune deacutemarche partageacutee

66 Ibidum

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B - LA SIMPLIFICATION DES PROCESSUS DE RECONNAISSANCE VERS UNE RECONNAISSANCE UNIQUE DrsquoUTILITE SOCIALE

1 ndash Les propositions reacutecemment formuleacutees par les rapports Langlais et Morange de 2008

Sur ce point les deux rapports srsquoaccordent pour distinguer trois types drsquoassociations

11 - Les associations deacuteclareacutees

Pour JL Langlais il srsquoagirait de reconnaicirctre la capaciteacute creacuteatrice de ces associations locales par lrsquooctroi de subventions symboliques et uniquement deacutelivreacutees par les collectiviteacutes territoriales correspondant agrave leur aire drsquoinfluence P Morange propose quant agrave lui drsquoouvrir la capaciteacute juridique de ces laquo petites raquo associations en leur permettant de percevoir des dons (autres que manuels) et de les soumettre aux controcircles drsquoun commissaire aux comptes et aux controcircles meneacutes par les services deacuteconcentreacutes degraves lors qursquoelles beacuteneacuteficieraient de subventions publiques

12 - Les associations reconnues drsquoutiliteacute sociale ou

drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

Pour JL Langlais ces associations pourraient beacuteneacuteficier drsquoune reconnaissance drsquointeacuterecirct laquo social ou geacuteneacuteral raquo

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce sont en gros les 4 conditions

requises pour lrsquoobtention de lrsquoagreacutement fiscal (cf supra) Drsquoailleurs il est proposeacute que cet agreacutement soit deacutecerneacute par lrsquoAdministration fiscale Une condition suppleacutementaire pourrait ecirctre poseacutee relative au beacuteneacutevolat sans neacutecessairement fixer de seuil a priori on devrait exiger que le beacuteneacutevolat soit nettement preacutepondeacuterant dans le fonctionnement de lrsquoassociation

Avantages consentis possibiliteacute de recevoir des subventions y

compris des subventions de fonctionnement capaciteacute agrave recevoir des dons (nrsquoexceacutedant pas un certain montant) agrave faire beacuteneacuteficier aux donateurs de lrsquoexoneacuteration fiscale au taux de droit commun

Obligations ecirctre agrave jour de leurs obligations deacuteclaratives

obligation de justifier lrsquoemploi des fonds reccedilus de deacuteposer leurs comptes en Preacutefecture de se soumettre aux controcircles aleacuteatoires ou programmeacutes de la puissance publique certification obligatoire des comptes au-delagrave de 153 000 euro de financement annuel

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Pour P Morange laquo cette cateacutegorie recouvre les associations subventionneacutees ou qui beacuteneacuteficient drsquoavantages fiscaux et oeuvrent au service de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo Selon lui laquo il serait envisageable comme en Grande Bretagne drsquoeacutetablir des listes de secteurs dans lesquels ces associations interviennent et de les soumettre agrave un certain nombre drsquoobligations en srsquoinspirant par exemple de la pratique fiscale (voir supra) Ainsi lrsquoassociation devrait poursuivre un but drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral ecirctre soumise agrave un controcircle financier et une eacutevaluation reacuteguliegravere au niveau deacutecentraliseacute raquo Enfin laquo lrsquoassociation devrait se doter drsquoun commissaire aux comptes raquo

13 Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique Pour JL Langlais seules les associations qui se consacrent exclusivement agrave des actions drsquoassistance ou de bienfaisance pourraient beacuteneacuteficier drsquoune RUP

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce seraient les mecircmes que pour la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral mais avec 3 nuances - toute lrsquoactiviteacute doit ecirctre tendue vers lrsquoobjet social - un degreacute plus eacuteleveacute de professionnalisation (et donc de salariat) serait acceptable - mais un moindre degreacute drsquoouverture exigeacute (une association pourrait ecirctre reconnue drsquoutiliteacute publique alors qursquoelle fonctionne au beacuteneacutefice drsquoun public fermeacute67)

Avantages les avantages seraient ceux du reacutegime actuel le

plus favorable dons et legs (reacutegime RUP) exoneacuteration au taux le plus favorable (laquo amendement Coluche raquo) subventions sur une base pluriannuelle

Obligations toutes les obligations du reacutegime preacuteceacutedant avec en plus lrsquoobligation de deacuteposer des comptes certifieacutes

JL Langlais poursuit en proposant que la reconnaissance drsquoutiliteacute publique soit laquo deacutecerneacutee pour une dureacutee limiteacutee soit par le ministegravere de lrsquointeacuterieur soit par le ministegravere en charge de la vie associative (et les preacutefets agrave lrsquoeacutechelon deacuteconcentreacute) soit encore par une agence nationale agrave creacuteer raquo Pour P Morange la RUP laquo serait deacutelivreacutee par le Conseil drsquoEtat comme crsquoest le cas actuellement et controcircleacutee par la Cour des comptes avec le concours de lrsquoIGAS et de lrsquoIGA pour une dureacutee limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans raquo A titre subsidiaire les auteurs proposent eacutegalement drsquoeacutetablir une laquo situation speacutecifique raquo pour les associations engageacutees dans la gestion drsquoune mission de service public tandis que P Morange envisage cette situation sous lrsquoangle de la seacutecurisation des rapports engageacutes par ces derniegraveres avec lrsquoadministration JL Langlais quant agrave lui considegravere dans une telle situation que laquo la forme juridique [drsquoassociation] nrsquoest alors qursquoune fiction raquo et que degraves lors laquo lrsquoEtat doit pouvoir les financer mais aussi les controcircler et les diriger comme il le

67 Lrsquoauteur propose de revenir sur la jurisprudence CE 7 feacutevr 2007 ndeg 287949 Steacute des anciens eacutelegraveves de lrsquoEacutecole Nationale Supeacuterieure drsquoArts et Meacutetiers et a

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ferait de ses propres services en attendant de trouver une structure juridique adeacutequate raquo Une mise en conformiteacute des proceacutedures drsquoagreacutement avec les nouvelles contraintes communautaires est eacutegalement envisageacutee

2 ndash Nos pistes de reacuteflexions

21 - Concernant le devenir de la proceacutedure RUP

Nous avons vu preacuteceacutedemment que cette proceacutedure deacutesormais consideacutereacutee comme eacutetant laquo obsolegravete raquo par la plupart des observateurs (voir supra) ne preacutesentait plus guegravere drsquointeacuterecirct sur un plan technique (voir supra) Degraves lors et en raison de la forte concentration de financements priveacutes (pregraves de 90 sous la forme de dons deacuteclareacutes par les contribuables ndash voir supra) sur un nombre extrecircmement limiteacute drsquoassociations et de fondations RUP de cette laquo proceacutedure eacutelitiste raquo la question de son devenir se pose de faccedilon cruciale En effet au 15 juillet 2000 le Conseil drsquoEtat deacutenombrait 1960 associations RUP laquo dont 200 nrsquoauraient selon lui aucune activiteacute sinon plus aucune existence raquo68 Force est de constater que presque 10 ans plus tard ce nombre nrsquoa quasiment pas augmenteacute puisque le dernier recensement effectueacute en deacutecembre 200869 par le Ministegravere de lrsquointeacuterieur fait eacutetat de 1966 associations RUP Lrsquourgence consiste donc bien agrave mettre un terme agrave cette situation laquo monopolistique raquo ougrave agrave tout le moins agrave instaurer des proceacutedures de controcircle agrave la fois plus preacutecises et plus contraignantes que celles existantes actuellement Sur ce point les propositions tendant agrave limiter la deacutelivrance de la RUP pour une dureacutee limiteacutee formuleacutees dans les rapports Langlais et Morange nous semblent parfaitement approprieacutees Ces propositions seront agrave rapprocher de celle proposeacutee par P Morange visant offrir agrave lrsquoensemble des associations la laquo grande capaciteacute juridique raquo particuliegraverement en matiegravere de dons

22 - Concernant la probleacutematique du rapprochement entre reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale)

Il ne srsquoagit pas de revenir sur les nombreux travaux drsquoores et deacutejagrave existants en matiegravere de rapprochement des concepts drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et drsquoutiliteacute sociale Parmi les plus importants lrsquoon peut citer ceux de J Gadrey en 200470 ceux reacutesultant de la journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF en 200571 ou encore la contribution commune de X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute publieacutee en 200672 A la lumiegravere de ces travaux il

68 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec p15 69 Site du ministegravere de lrsquointeacuterieur (publication du 08 avril 2008) httpwwwinterieurgouvfrsectionsa_la_unepublicationscultes-associations 70 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale des organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE feacutevrier 2004 71 Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Paris 11 janvier 2005 72 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Editions LrsquoHarmattan Paris 2006

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semble bien que lrsquoon assiste agrave laquo un basculement vers la notion plus large drsquoutiliteacute sociale notion qui par ailleurs entretient une filiation juridique avec le concept drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo73 Sur un plan juridique ces travaux montrent notamment qursquoil existe laquo un rapport assez eacutetroit agrave certains eacutegards entre la notion drsquoutiliteacute sociale et celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo si lrsquoon considegravere lrsquoanalyse de la jurisprudence des dix derniegraveres anneacutees74 Dans cette perspective la deacutemarche de rapprochement entre la proceacutedure RIG et RUS proposeacutee par les rapports de JL Langlais et P Morange trouverait une explication rationnelle

23 - Concernant lrsquoapproche du concept mecircme drsquoutiliteacute sociale

Comme le souligne J Gadrey75 laquo lrsquoutiliteacute sociale des organisations drsquoeacuteconomie sociale (OES) nrsquoa guegravere drsquoexistence en tant que probleacutematique geacuteneacuterale en dehors des deacutebats concernant le rocircle eacuteconomique et social actuel et futur de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Crsquoest une ideacutee qui a eacuteteacute forgeacutee pour deacutefendre lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire face agrave certaines menaces ou pour promouvoir le deacuteveloppement de regravegles favorables76 raquo Pour ce dernier en effet laquo il y a rien de naturel agrave soulever la question de lrsquoutiliteacute sociale des OES et qursquoil srsquoagit bien drsquoune convention socio-politique historiquement et geacuteographiquement contingente77 raquo Neacuteanmoins si le concept demeure aujourdrsquohui encore relativement flou paradoxalement il reccediloit dans notre droit interne une application de plus en plus freacutequente par les tribunaux78 et lrsquoAdministration fiscale79 De son cocircteacute et mecircme si pour lrsquoinstant le leacutegislateur srsquoest toujours refuseacute de srsquoorienter vers la voie drsquoune reconnaissance drsquoutiliteacute sociale80 celui-ci fait de plus reacutefeacuterence agrave ce concept81 drsquoougrave la neacutecessiteacute de privileacutegier une approche visant agrave circonscrire lrsquo laquo halo socieacutetal raquo82 des OES plutocirct que de chercher drsquoune maniegravere 73 A Euillet Lrsquoutiliteacute sociale une notion deacuteriveacutee de celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Revue de droit sanitaire et social ndeg2 avril-juin 2002 pp 2007 - 228 74 J Gadrey preacutec p 30 75 Ibidum 76 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques thegravese de droit 1998 preacutec Lrsquoauteur envisage la mise en œuvre drsquoune affirmative action en faveur des associations reconnues drsquoutiliteacute sociale 77 Si lrsquoon prend lrsquoexemple des services agrave domicile aux personnes acircgeacutees en Suegravede on peut observer que ceux-ci sont majoritairement produits par des organisations publiques locales tandis qursquoaux Etats-Unis - ougrave le laquo non profit sector raquo se construit le plus souvent comme une puissance alternative priveacutee face agrave un Etat providence laquo diaboliseacute raquo (Salamon) ils sont majoritairement financeacutes par des fonds priveacutes (beacuteneacuteficiant drsquoavantages fiscaux) 78 Voir par exemple CE 24 octobre 1979 CAA Paris 1er deacutecembre 1989 CAA Nancy 19 novembre 1992 79 Instr Fisc BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 1998 Instr Fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 (synthegravese) 80 Reacutep min du 01 juillet 1999 JO Seacutenat p 2224 81 Voir par exemple Loi ndeg2002-2 du 2 janvier 2002 relative agrave lrsquoaction sociale et meacutedico-sociale Loi ndeg 97-940 du 16 octobre 1997 relative au deacuteveloppement dactiviteacutes pour lemploi des jeunes (JO du 17 Octobre) LOI ndeg 9 8-657 du 29 juillet 1998 drsquoorientation relative agrave la lutte contre les exclusions 8282 A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport final relatif agrave la lettre de mission de Madame la Ministre de lrsquoEmploi et de la Solidariteacute 2000 pour A Lipietz il srsquoagirait de deacutefinir les contours du tiers secteur par un laquo label drsquoutiliteacute sociale et solidaire fondeacutes sur deux types de critegraveres quant aux

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improbable une deacutefinition qui serait unanimement admise par les acteurs des OES Finalement il ne srsquoagirait rien moins que de reconnaicirctre les OES afin de soutenir lrsquoeffort particulier de ces entiteacutes juridiques dont les laquo speacutecificiteacutes meacuteritoires raquo83 rejaillissent sur lrsquoensemble de la collectiviteacute Mais limiter le concept au seul beacuteneacutefice des OES serait par trop reacuteducteur et la mesure de lrsquoutiliteacute sociale doit eacutegalement ecirctre envisageacutee en tant qursquooutil de reacutegulation des politiques publiques84

24 - Concernant les difficulteacutes lieacutees agrave la mise en œuvre drsquoune proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale

Sur ce point il importe de tenir compte des critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de la proposition de mise en place drsquoun systegraveme unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale des OES (tel qursquoimagineacute par le CNVA dans son rapport datant de 1995) A cette eacutepoque le CNVA contestait laquo lrsquoambiguiumlteacute de lrsquointerpreacutetation juridique et fiscale de lrsquoutiliteacute sociale en particulier en raison de confusions constateacutees entre le critegravere de non lucrativiteacute et les vrais critegraveres drsquoutiliteacute sociale La reacuteflexion associative commence alors agrave se preacuteciser sur les critegraveres de non lucrativiteacute drsquoun cocircteacute sur les critegraveres drsquoutiliteacute sociale de lrsquoautre avec une insistance sur la neacutecessiteacute de ne pas confondre ces deux dimensions Parallegravelement le CNVA conteste lrsquoideacutee alors assez preacutesente du cocircteacute de lrsquoadministration selon laquelle un critegravere essentiel de lrsquoutiliteacute sociale serait que les besoins auxquels reacutepond lrsquoactiviteacute ne sont pas normalement (ou pas suffisamment) pris en compte par le marcheacute Cette deacutefinition purement neacutegative signifierait en effet soit que lrsquoutiliteacute sociale drsquoune association disparaicirct si le marcheacute srsquoinstalle sur un champ de besoins deacutejagrave deacutefricheacutes par les œuvres soit que lrsquoassociation devient alors automatiquement lucrative raquo85 Depuis lors un tel risque nous semble ecirctre leveacute dans la mesure ougrave le laquo reacutefeacuterentiel raquo drsquoutiliteacute sociale doit deacutesormais tenir compte de la jurisprudence du Conseil drsquoEtat en matiegravere fiscale En effet lrsquoarrecirct rendu en date du 1er octobre 199986 est venu preacuteciser qursquoun organisme sans but lucratif ne concurrence une entreprise que si les services qursquoil rend sont laquo offerts en concurrence dans la mecircme zone geacuteographique drsquoattraction avec ceux proposeacutes au mecircme public par des entreprises commerciales exerccedilant une activiteacute identique raquo Il a eacuteteacute eacutegalement preacuteciseacute depuis que laquo le critegravere du public ne doit pas srsquoentendre uniquement des situations de deacutetresse physique ou morale raquo87 buts (ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie solidaire) et quant aux modes drsquoorganisation interne (notamment lucrativiteacute limiteacutee le caractegravere deacutemocratique et multipartenariale de sa direction) ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie sociale raquo J Gadrey parle plus volontiers drsquoutiliteacute sociale externe et drsquoutiliteacute sociale interne preacutec p 37 83 F Bloch-Laineacute Identifier les associations de service social RECMA 1994 ndeg251 p 61 84 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne ibidum selon L Fraisse laquo lrsquoapparition drsquoun deacutebat sur lrsquoutiliteacute sociale peut aussi srsquointerpreacuteter comme un nouveau critegravere de politique publique agrave mecircme de preacuteciser les contours et de renforcer lrsquoinstitutionnalisation des activiteacutes et lrsquoeacuteconomie solidaire raquo voir eacutegalement N Richez-Battesti Les collectiviteacutes territoriales face agrave lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale Juris Associations ndeg376 1er avril 2008 pp 17-19 85 J Gadrey preacutec p 31 86 CE 1er octobre 1999 Association Jeune France ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354 87 Instr fisc BOI 4 H-5-06 preacutec

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Par ailleurs le CNVA soulignait le caractegravere laquo eacutevolutif voire conjoncturel raquo du concept drsquoutiliteacute sociale dans la mise en œuvre drsquoune seacuterie de dix indicateurs (voir infra) Pour lrsquoessentiel G Goulard88 consideacuterait qursquoen lrsquoeacutetat actuel ce concept eacutetait laquo encore plus subjectif que les critegraveres jurisprudentiels en vigueur raquo et qursquoune telle situation laquo risqu[ait] drsquoecirctre interpreacuteteacutee dans un sens reacuteducteur deacutefavorable aux associations dont lrsquoutiliteacute nrsquoest pas sociale mais intellectuelle culturelle spirituelle politique historique eacuteconomique etc raquo Srsquoil est vrai qursquoen 1998 de tels arguments nrsquoeacutetaient pas neacutegligeables il apparaicirct que certains drsquoentre eux apparaissaient forts contestables En effet comme le souligne J Gadrey dans son rapport de 2004 laquo la subjectiviteacute de la notion drsquoutiliteacute sociale peut fort bien ecirctre compatible avec sa consolidation comme reacutefeacuterence en droit (la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral srsquoest bien imposeacutee en deacutepit drsquoun flou aussi consideacuterable) raquo En effet il convient drsquoobserver que drsquoautres notions fondamentales agrave lrsquoinstar du droit commercial sont fondeacutees sur lrsquoarbitraire comme a deacutejagrave pu le souligner le Professeur Y Guyon laquo le droit commercial nrsquoest pas une construction fondeacutee sur la raison mais une approche fondamentalement arbitraire raquo89 Ainsi poursuit J Gadrey laquo le fait que des associations qui ne font pas partie du champ de lrsquoaction sociale (au sens strict) auraient des difficulteacutes agrave faire connaicirctre leur utiliteacute sociale nrsquoa rien drsquoineacuteluctable et deacutepend de la faccedilon dont la convention drsquoutiliteacute sociale se construit sur un mode restrictif ou au contraire extensif raquo De fait il apparaicirct que le concept drsquoutiliteacute sociale deacutepend moins de notre capaciteacute agrave deacutefinir des critegraveres distinctifs que de celle favorisant lrsquoeacutemergence drsquoune convention sociopolitique (voir infra) portant sur lrsquoutiliteacute sociale (convention drsquoutiliteacute sociale) Une telle approche preacutesenterait en outre deux avantages principaux en premier lieu celui du maintien du caractegravere eacutevolutif de ce concept en second lieu celui de la reacuteciprociteacute entretenue entre les associations et les pouvoirs publics dans la construction et lrsquoacceptation du concept mecircme

88 Rapport Goulard mars 1998 89 Y Guyon Droit des affaires Economica 5egraveme eacuted 1988 agrave rapprocher de M Despax Lrsquoentreprise et le droit Bibl Dr Priv T1 Paris 1954 p34 selon lrsquoauteur laquo le droit commercial (hellip) est neacute de la pratique Ses normes sont la conseacutecration drsquousages peu agrave peu eacutetablis et non la construction de la raison de lagrave cette difficulteacute souvent eacuteprouveacutee pour les juristes agrave les expliquer raquo

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III - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE

SOCIALE (OU SOCIETALE) UNE DEMARCHE PARTAGEE

A ndash LA PROCEDURE DE RUS PRESENTE-T-ELLE ENCORE UN INTERET

Comme le suggegravere le rapport Morange90 la proposition formuleacutee par JP Decool en mai 200591 laquo meacuterite drsquoecirctre approfondie raquo En effet pour ce dernier il convient de mettre en place une proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute socieacutetale comme substitut agrave la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral jugeacutee laquo deacutesuegravete et vague raquo laquo il serait donc opportun afin de donner une nouvelle dimension au monde associatif (hellip) de redonner au citoyen toute sa place au sein de la socieacuteteacute Lui permettre de srsquoexprimer et de manifester son deacutesir de donner ou de partager des valeurs communes Ainsi peut-on envisager le rocircle de lrsquoassociation dans la socieacuteteacute raquo A ce stade il nous semble que la meacutethode preacuteconiseacutee par le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) depuis son rapport du 4 feacutevrier 198692 demeure toujours drsquoactualiteacute93 Ce dernier preacuteconisait lrsquointroduction drsquoun systegraveme de reconnaissance a priori qui permettrait aux associations reconnues drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) de lever laquo toute incertitude durant une peacuteriode deacutefinie tant que les conditions drsquoexercice de leur activiteacute au vu desquelles elles ont obtenu lrsquoagreacutement ne seraient pas modifieacutees raquo94 Selon le projet du CNVA cette reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) devait ecirctre accordeacutee non pas par le pouvoir exeacutecutif mais par une veacuteritable juridiction ou commission paritaire composeacutee de repreacutesentants des associations des administrations concerneacutees (Ministegravere de tutelle et Administration fiscale) et preacutesideacutee par un magistrat95 Celle-ci pourrait eacutegalement comprendre un certain nombre drsquoexperts qualifieacutes et issus de la socieacuteteacute civile ainsi qursquoun repreacutesentant des collectiviteacutes locales deacutecentraliseacutees96 90 Ibidum 91 JP Decool Des associations en geacuteneacuteral vers une eacutethique socieacutetale rapport au 1er ministre mai 2005 92 Voir eacutegalement les Rapports et Avis du 12 juin 1991 et 15 juin 1995 93 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit 1998 preacutec 94 CNVA Bilan de la vie associative en 1990-1991 La documentation franccedilaise Paris 1992 Rapport et avis adopteacutes en session pleacuteniegravere du CNVA le 15 juin 1995 sur laquo lrsquoutiliteacute sociale des associations et ses conseacutequences en matiegravere eacuteconomique fiscale et financiegravere raquo 95 On peut noter la proximiteacute de cette composition avec celle de la laquo Charity Commission raquo de Grande-Bretagne composeacutee de fonctionnaires dont deux doivent ecirctre des juges dont le rocircle drsquoinformation de conseil de controcircle srsquoexerce aupregraves des laquo Charities raquo auxquelles la Commission donne le label qui ouvre droit agrave des faciliteacutes fiscales et financiegraveres 96 Voir la composition du comiteacute strateacutegique des fonds de dotation creacuteeacute le 19 novembre 2008 preacutesideacute par JJ Hyest Preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat

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Les deacutecisions de cette instance pourraient faire lrsquoobjet drsquoun recours devant les juridictions compeacutetentes (ce qui aurait eu pour effet de laquo judiciariser raquo le concept drsquoutiliteacute sociale) La reconnaissance serait attribueacutee pour une dureacutee de cinq anneacutees agrave lrsquoissue drsquoun rapport drsquoaudit baseacute sur des critegraveres drsquoeacutevaluation (pour ce qui concerne lrsquoutiliteacute sociale externe) Les critegraveres drsquoeacutevaluation pourraient faire lrsquoobjet drsquoune deacutemarche partageacutee (voir infra) et contractualiseacutee avec les diffeacuterents acteurs agrave partir de critegraveres quantitatifs et qualitatifs neacutegocieacutes En effet le CNVA nrsquoa pas souhaiteacute mettre en place un systegraveme unique et isoleacute de reconnaissance drsquoune cateacutegorie particuliegravere drsquoassociations qui serait reconnue drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) agrave lrsquoinstar de ce qui a par exemple eacuteteacute conccedilu pour la reconnaissance drsquoutiliteacute publique Il preacuteconise plutocirct laquo le recours agrave de multiples dispositifs susceptibles drsquoaccorder aux associations (en tant qursquoopeacuterateurs) ou agrave leurs activiteacutes (en tant qursquoopeacuteration97) la reconnaissance et le soutien en fonction et dans le respect de la diversiteacute des speacutecificiteacutes associatives raquo Lrsquoensemble de ces speacutecificiteacutes doit pouvoir ecirctre appreacutehendeacute agrave travers un certain nombre drsquoindicateurs avec la mise en place de la technique du faisceau drsquoindices Les critegraveres deacutegageacutes98 formeraient ainsi une liste (non exhaustive) qui permettant de mieux cerner les contours de lrsquoutiliteacute sociale

- La primauteacute du projet finaliteacute de lrsquoaction associative99

- Le fonctionnement deacutemocratique - Lrsquoapport social de lrsquoassociation100 - La non-lucrativiteacute qui par essence marque la

diffeacuterence par rapport au secteur commercial - La gestion deacutesinteacuteresseacutee101 ce qui nrsquoexclut ni la

rigueur ni la transparence financiegravere - La capaciteacute agrave mobiliser la geacuteneacuterositeacute humaine

(beacuteneacutevolat) ou financiegravere (dons) - Le mixage des publics et lrsquoouverture

qui a pour mission de suivre lrsquoeacutevolution des fonds de dotation 1 repreacutesentant du MINEFI 3 magistrats 7 personnaliteacutes qualifieacutees A ce titre il pourra eacutelaborer des recommandations de bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion et faire toutes les propositions qui lui sembleront neacutecessaires pour favoriser le deacuteveloppement des fonds de dotation (Sources MINEFI 14 janvier 2009) 97 Cette solution preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre neutre sur le plan concurrentiel et vis-agrave-vis des autres opeacuterateurs eacuteconomiques 98 Le CNVA preacutecise dans son rapport du 15 juin 1995 preacutec que ces critegraveres sont laquo non exclusifs non cumulatifs et non exhaustifs les uns par rapport aux autres raquo 99 La FONDA dans un seacuteminaire en date du 17 octobre 1992 suggeacuterait et explicitait ces trois premiers critegraveres agrave partir desquels elle se fondait pour identifier les associations drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral 100 Ce critegravere ainsi que les critegraveres 6 7 et 8 relegravevent de la notion drsquoutiliteacute sociale externe qui selon nous devrait faire lrsquoobjet drsquoune contractualisation pluri annuelle dans le cadre drsquoune deacutemarche de construction et drsquoeacutevaluation partageacutee (voir infra) 101 Sur cette notion voir Instr fisc (Synthegravese) BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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- Les secteurs drsquointervention pas ou mal couverts par les autres agents eacuteconomiques ou par les collectiviteacutes publiques

- Lrsquoexistence de financements publics ou parapublics

- Lrsquoexistence drsquoun agreacutement ministeacuteriel (Ministegravere de rattachement) ou drsquoune habilitation102

La reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) pourrait ecirctre attribueacutee aux associations laquo dont les statuts le mode de fonctionnement et les modaliteacutes drsquoexercice de leur activiteacute caracteacuterisent suffisamment leur utiliteacute sociale aux yeux de cette juridiction Elle pourrait agrave lrsquoinverse ecirctre retireacutee par cette mecircme juridiction ou commission paritaire degraves lors que les conditions ayant preacutesideacute agrave son attribution ne seraient plus reacuteunies Lrsquoabsence de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre invoqueacutee pour creacuteer une preacutesomption de lucrativiteacute pour lrsquoassociation qui nrsquoen beacuteneacuteficierait pas raquo Agrave ce jour nombreux sont les acteurs srsquoeacutetant prononceacutes en faveur de lrsquoeacutelaboration drsquoune reconnaissance unique drsquoutiliteacute sociale (RUS) Nous avons vu preacuteceacutedemment que les derniers rapports ministeacuteriels et parlementaires se montrent favorables agrave la mise en œuvre drsquoune telle proceacutedure Pour MT Cheacuteroutre103 laquo lrsquoattribution drsquoune reconnaissance par les pouvoirs publics aux organismes susceptibles drsquoecirctre exoneacutereacutes apparaicirct eacuteminemment souhaitable Cette reconnaissance accordeacutee pour une dureacutee deacutetermineacutee apporterait agrave ces derniers une garantie drsquoexoneacuteration du moins aussi longtemps qursquoil ne serait pas prouveacute par lrsquoadministration qursquoils ne respectent plus les conditions pour lesquelles ils ont obtenu ladite reconnaissance raquo De son cocircteacute la FONDA104 a eacutegalement exprimeacute son souhait drsquoassurer laquo une meilleure seacutecuriteacute financiegravere aux associations relevant de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et srsquoest montreacutee laquo favorable agrave la creacuteation drsquoune RUS attribueacutee par une commission tripartite (Etat Magistrats Associations) raquo Agrave notre connaissance deux projets de loi105 ont eacuteteacute deacuteposeacutes en ce sens pour ecirctre rapidement abandonneacutes par la suite faute de reacuteelle volonteacute politique En effet comme le souligne le CNVA agrave propos de la mise en œuvre de la RUS

102 Notamment lorsque lrsquoobjet de lrsquoassociation consiste agrave reacutealiser des activiteacutes reacuteglementeacutees 103 MT Cheacuteroute Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 rapport au nom du conseil eacuteconomique et social ndeg4 JO du 1er avril 1993 104 La FONDA Pour une eacutethique des rapports entre pouvoirs publics et citoyens seacuteminaire Paris 17 octobre 1992 105 Projet de loi A Henry RTD com 192 447 en janvier 2002 ce projet avait lanceacute une vaste consultation autour du concept drsquoutiliteacute sociale dans le but de deacutelimiter les associations auxquelles seraient accordeacutees le label Proposition de loi ndeg2779 AN 1996 art 2 laquo Les associations peuvent ecirctre reconnues drsquoutiliteacute sociale agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode probatoire de fonctionnement drsquoune dureacutee au moins eacutegale agrave trois ans lorsqursquoelles satisfont cumulativement aux conditions suivantes avoir un objet social de caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique humanitaire sportif familial culturel ou drsquoaction sociale ou de mise en œuvre du patrimoine artistique ou de deacutefense de lrsquoenvironnement ou de diffusion de la culture ou de la langue franccedilaise Exercer conformeacutement agrave cet objet des activiteacutes ouvertes agrave des personnes qui lui sont exteacuterieures raquo

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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INTEREcircT GENERAL UTILITE PUBLIQUE OU UTILITE SOCIALE QUEL MODE DE RECONNAISSANCE POUR

LE SECTEUR ASSOCIATIF

Colas AMBLARD Docteur en droit ndash Avocat au Barreau de LYON

NPS CONSULTING Socieacuteteacute drsquoavocats

CONTRIBUTION ADDES

PARIS le 10 mars 2009 Cette contribution a pour objet de mettre en perspective les diffeacuterents modes de reconnaissance (institutionnelle) de la vie associative afin drsquoidentifier les interactions entre les processus existant de reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (RIG) tout comme le rocircle deacuteterminant joueacute par la notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale (I) Par ailleurs nous verrons que des questions nombreuses se posent concernant la pertinence du choix de la proceacutedure RUP pour les associations notamment depuis la creacuteation des fonds de dotation1 nouvelle entiteacute juridique laquo situeacutee agrave mi-chemin entre association et fondation RUP raquo2 De la mecircme faccedilon nous preacutesenterons une analyse critique portant sur la position restrictive de lrsquoAdministration fiscale srsquoagissant de lrsquoapplication des critegraveres de reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral comme sur le rocircle tregraves important ndash si ce nrsquoest deacutecisif ndash joueacute par cette derniegravere au sein des diffeacuterents modes de reconnaissance institutionnelle En deacutefinitive il srsquoagira de srsquointerroger sur les perspectives drsquoaccegraves de toutes les associations loi 1901 agrave la laquo grande capaciteacute juridique raquo et sur la neacutecessiteacute de proceacuteder agrave une simplification des proceacutedures de reconnaissance de lrsquoaction associative (II) Pas simplement en reacuteaction aux nombreuses initiatives de labellisation priveacutee en cours mais aussi ndash et surtout ndash dans un but drsquoadaptation du processus relationnel laquo associations - puissance publique raquo (III) en tenant compte de lrsquoinfluence des politiques budgeacutetaires actuelles (LOLF RGPP) et de lrsquoimpact du droit communautaire (directive laquo services raquo) 1 Loi de modernisation de lrsquoeacuteconomie ndeg2008-776 du 4 aoucirct 2008 art 140 (JO du 05 aoucirct) 2 C Amblard Fonds de dotation encore du nouveau sur le front du meacuteceacutenat Lamy Associations bulletins actualiteacutes ndeg165 novembre 2008

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I ndash MISE EN PERSPECTIVE DES INTERACTIONS EXISTANTES ENTRE LES DIFFERENTS MODES DE RECONNAISSANCE INSTITUTIONNELLE DE LA VIE ASSOCIATIVE Les modes de reconnaissance institutionnelle de la vie associative apparaissent fortement imbriqueacutes ce qui contribue agrave les rendre difficilement compreacutehensibles du grand public En effet la pratique associative deacutemontre qursquoune grande confusion regravegne dans lrsquoesprit des beacuteneacutevoles associatifs eux mecircmes les processus de reconnaissance drsquoutiliteacute publique (A) drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (B) voire de reconnaissance (fiscale) drsquoutiliteacute sociale (C) ont tendance agrave ecirctre confondus Par ailleurs en dehors de quelques speacutecialistes combien sont-ils agrave connaicirctre pour les maicirctriser tous les avantages juridiques et fiscaux que procure chacune de ces reconnaissances Une mise en perspective juridique (syntheacutetique) des diffeacuterents modes de reconnaissance des associations devrait permettre drsquoidentifier les caracteacuteristiques et de preacutesenter les avantages proposeacutes par chacun drsquoentre eux afin drsquoidentifier les interactions existants entre ces proceacutedures A - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE PUBLIQUE (RUP) Le droit administratif a encore freacutequemment recours agrave la notion juridique drsquoutiliteacute publique (eacutetablissements drsquoutiliteacute publique expropriation drsquoutiliteacute publique etc) mecircme si cette notion est quelque peu tombeacutee en deacutesueacutetude Notre propos ne consistera pas agrave entrer dans la deacutefinition juridique administrative de la notion drsquoutiliteacute publique pour se concentrer sur ce mode de reconnaissance speacutecifiquement applicable aux associations et aux fondations En guise drsquointroduction il importe de distinguer les associations reconnues drsquoutiliteacute publique3 voire mecircme les eacutetablissements drsquoutiliteacute publique4 qui sont des personnes morales de droit priveacute avec les eacutetablissements publics personnes morales de droit public constituant des deacutemembrements de la puissance publique et relevant drsquoun ministegravere de tutelle Avec lavegravenement de la theacuteorie du service public sont eacutegalement apparues vers les anneacutees 1930 des personnes priveacutees chargeacutees de missions de service public5 Lagrave encore il convient drsquoeacuteviter tout amalgame dautant plus quil existe des eacutetablissements publics ne geacuterant pas de services publics6 3 Cass civ 5 mars 1856 DP 1856 1 p 121 S 1856 1 517 4 T confl 9 deacutec 1899 Assoc syndicale canal Gignac Rec CE 1899 p 731 S 1900 3 p 49 note M Hauriou une association peut toutefois ecirctre reconnue comme eacutetant un eacutetablissement public en raison des preacuterogatives de puissance publique qui leur sont confeacutereacutees 5 CE ass 13 mai 1938 Caisse primaire Aide et protection Rec CE 1938 p 417 DP 1939 3 p 65 concl R Latournerie note D Peacutepy RD publ 1938 p 830 concl 6 L 17 mai 1946 relative aux Charbonnages de France et aux Houillegraveres de bassin

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En matiegravere de RUP aucun texte ne deacutefinit les critegraveres drsquoutiliteacute publique lesquels reposent exclusivement sur la pratique administrative et les avis rendus par le Conseil drsquoEtat La technique requise par lrsquoAdministration a permis de deacutegager un faisceau drsquoindices exigeacute de lrsquoassociation qui sollicite la RUP

1 - Caracteacuteristiques de la RUP Il existait au 1er juin 2008 1972 associations reconnues drsquoutiliteacute publique7 (alors mecircme qursquoen 2007 on deacutenombrait 11 millions drsquoassociations8) ce qui finalement est assez peu La proceacutedure RUP figure au titre des articles 10 et 11 de la loi 1901 et 8 agrave 15 du deacutecret du 16 aoucirct 1901 Elle distingue principalement sur un plan patrimonial les associations simplement deacuteclareacutees en Preacutefecture des associations RUP puisque seules ces derniegraveres laquo peuvent recevoir des dons et des legs dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle 910 du Code civil raquo9 Lrsquoassociation simplement deacuteclareacutee est initialement reconnue par la loi du 1er juillet 1901 comme un groupement licite de personnes sans pour autant ecirctre pourvu des moyens juridiques et financiers neacutecessaires agrave la poursuite de ses objectifs10 Deux raisons principales justifient cette capaciteacute juridique restreinte en premier lieu lrsquoinfluence de la conception civiliste franccedilaise11 selon laquelle la personnaliteacute morale de lrsquoassociation ne va pas neacutecessairement de pair avec la reconnaissance de lrsquoassociation12 en qualiteacute de personne morale ce qui explique que la capaciteacute patrimoniale de cette derniegravere ait eacuteteacute drsquoembleacutee restreinte En effet lrsquoassociation est conccedilue comme laquo une convention par laquelle [des] personnes mettent en commun leurs connaissances ou leur activiteacute raquo Degraves lors la mise en commun de moyens financiers appelait plutocirct pour son auteur Waldeck Rousseau le recours agrave drsquoautres structures telles que les fondations par exemple en second lieu lrsquoempreinte du libeacuteralisme eacuteconomique dominant cette peacuteriode justifie cette crainte de voir des associations - agrave dureacutee indeacutetermineacutee ndash soustraire un patrimoine consideacuterable de la circulation des richesses

7 Reacutep Min inteacuter AN 15 juillet 2008 ndeg16885 8 V Tchernonog Les Associations en France poids profils et eacutevolutions CNRS nov 2007 9 Loi du 1er juillet 1901 art 11 10 Conseil drsquoEtat Rapport public 2000 Reacuteflexion sur les associations et la loi de 1901 cent ans apregraves La documentation franccedilaise Etudes et documents ndeg51 pp 256-257 11 JC Bardout Lrsquohistoire eacutetonnante de la loi 1901 le droit drsquoassociation en France avant et apregraves Waldeck-Rousseau Editions Juris 2001 p 175 selon JC Bardout citant la formule drsquoA Laineacute laquo les personnes morales ou civiles ne sont pas autres choses que des modaliteacutes de la vie juridique des personnes naturelles raquo

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Cette seconde raison (la hantise de la mainmorte ou de la laquo possession-morte raquo) se retrouve tregraves clairement dans les propos de Waldeck Rousseau lui-mecircme13 qui dans son projet initial envisageait drsquoailleurs que lrsquoassociation puisse disposer de certains biens14 pour atteindre son objet mais que la plupart soient apporteacutes agrave une socieacuteteacute de biens speacutecialement conccedilue agrave cet effet Cependant et comme le souligne le Conseil Economique et social (CES) dans son rapport de 199315 laquo drsquoautres thegraveses deacutefendront le droit pour une association de pouvoir posseacuteder car la proprieacuteteacute garantit agrave la fois sa permanence et la capaciteacute de reacutealiser son objet social raquo Citant P Nourrisson16 le CES rappelle qursquolaquo au point de vue social en effet nrsquoest-ce pas lrsquoassociation posseacutedant crsquoest-agrave-dire capable de poursuivre une activiteacute durable qui pourra rendre de veacuteritables services agrave la collectiviteacutehellip La liberteacute de bienfaisance que nous consideacuterons comme la liberteacute primordiale peut-elle srsquoexercer utilement si ce nrsquoest au moyen drsquoassociations posseacutedant un patrimoinehellip raquo 2 ndash Conditions et proceacutedure de la RUP A lrsquooccasion drsquoune reacuteponse ministeacuterielle publieacutee le 15 juillet 2008 au Journal Officiel17 le Ministre de lrsquointeacuterieur vient rappeler les conditions drsquoobtention de la RUP

- peacuteriode probatoire de trois ans ce deacutelai pouvant exceptionnellement ecirctre reacuteduit si leacutequilibre financier preacutevisible est assureacute - objet statutaire preacutesentant un caractegravere dinteacuterecirct geacuteneacuteral (voir infra) distinct des inteacuterecircts particuliers des membres

- rayonnement suffisant dans le champ dactiviteacute deacutepassant un simple cadre local

13 laquo Tandis que dans les socieacuteteacutes ordinaires a-t-on dit les biens appartiennent au fond aux associeacutes qui se partageront le fonds commun au moment ougrave la socieacuteteacute parviendra agrave lrsquoexpiration de sa dureacutee dans lrsquoassociation ce qui effraie crsquoest la perpeacutetuiteacute de lrsquoassociation survivant agrave ses membres distincte de tous et de chacun posseacutedant pour le compte drsquoun ecirctre de raison et arrivant par la peacuterenniteacute de son institution agrave constituer une mainmorte agrave soustraire ses biens agrave cette loi eacuteconomique fondamentale essentielle le partage la communicationhellip raquo citeacute in Rapport du Conseil Economique et social Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi 1901 ndeg4 JO 1er avril 1993 p 42 14 La loi du 1er juillet 1901 cite notamment les dons manuels les dons des eacutetablissements publics les subventions les cotisations les immeubles strictement neacutecessaires agrave lrsquoaccomplissement du but qursquoelle se propose (art 6) 15 Rapport du Conseil Economique et Social Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 preacutesenteacute par MT Cheroutre lors des seacuteances du 23 et 24 feacutevrier 1993 JO Avis et rapports du CES ndeg4 1er avril 1993 16 P Nourrisson Histoire leacutegale des congreacutegations religieuses Sirey 1992 17 Reacutep Min inteacuter AN 15 juillet 2008 preacuteciteacutee

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- nombre minimum dadheacuterents fixeacute agrave 200

- montant annuel minimum de ressources estimeacute agrave 46 000 euros provenant en majoriteacute de ressources propres et non de subventions publiques et par labsence de deacuteficit sur les trois derniers exercices

- statuts conformes aux statut-type approuveacutes par le Conseil dEtat garantissant lexistence de regravegles de fonctionnement deacutemocratique et de transparence financiegravere opposables aux membres

En outre il est indiqueacute que laquo le statut dutiliteacute publique est perccedilu par le monde associatif comme un label officiel confeacuterant une leacutegitimiteacute particuliegravere nationale voir internationale vis-agrave-vis notamment des donateurs Ce statut implique un certain nombre dobligations agrave leacutegard de la puissance publique qui dispose dun pouvoir de tutelle et de controcircle tutelle sur les statuts et le regraveglement inteacuterieur de lassociation ainsi que sur lensemble des actes de disposition (alieacutenation de biens emprunts hypothegraveques) obligation denvoi des comptes-rendus dactiviteacute et documents comptables annuels droit de visite des ministegraveres de tutelle raquo Elle est deacutelivreacutee selon la proceacutedure suivante

‐ par deacutecret du Premier Ministre ‐ apregraves instruction du Ministegravere de lrsquoInteacuterieur

‐ sur avis du Conseil drsquoEtat

Lrsquoinstruction de la demande de RUP est effectueacutee par lrsquoautoriteacute publique de faccedilon discreacutetionnaire agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode moyenne allant de 6 agrave 18 mois 3 ndash Principaux avantages de la RUP La conseacutequence essentielle de la reconnaissance dutiliteacute publique est lacquisition permanente de la laquo grande capaciteacute juridique raquo permettant notamment de recevoir des libeacuteraliteacutes (dons et legs) exoneacutereacutees des droits de mutation agrave titre gratuit18 et de deacutetenir des immeubles laquo neacutecessaires raquo agrave son activiteacute19 (agrave la diffeacuterence des associations simplement deacuteclareacutees qui doivent deacutetenir des immeubles laquo strictement neacutecessaires raquo agrave leur activiteacute en application de lrsquoarticle 6 de la loi 1901)

18 CGI art 7952deg 19 Loi 1er juillet 1901 art 11

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Pour pouvoir beacuteneacuteficier de ces exoneacuterations lrsquoassociation RUP doit non seulement remplir les critegraveres drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral deacutefinis par la doctrine administrative du Conseil drsquoEtat (voir infra) mais eacutegalement exercer une activiteacute entrant dans le champ drsquoapplication de lrsquoarticle 238 bis a du Code geacuteneacuteral des impocircts (CGI) au regard de son domaine drsquoactiviteacute (qui doit ecirctre laquo agrave caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique social humanitaire sportif familial culturel ou concourant agrave la mise en valeur du patrimoine artistique agrave la deacutefense de lenvironnement naturel ougrave agrave la diffusion de la culture de la langue et des connaissances scientifiques franccedilaises raquo) Reste agrave savoir srsquoil existe encore un inteacuterecirct agrave srsquoengager dans cette voie au regard drsquoune part de la lourdeur administrative drsquoune telle proceacutedure et drsquoautre part de la possibiliteacute pour les associations de beacuteneacuteficier des mecircmes avantages consentis par la RUP par la possibiliteacute de recourir agrave des techniques juridiques et fiscales relativement facile agrave mettre en œuvre pour contourner lrsquointerdiction de percevoir des dons (voir infra) Synthegravese RUP

‐ Pour obtenir la RUP une association doit preacutesenter un caractegravere drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au sens de lrsquoarticle 200 et 238 bis du CGI

‐ Bien que relevant de deux ministegraveres de tutelle diffeacuterents la RUP et la

RIG procegravedent sensiblement du mecircme mode drsquoanalyse agrave partir des articles preacuteciteacutes du CGI et de la doctrine du Conseil drsquoEtat

‐ En revanche nous allons voir ci-apregraves qursquoune association drsquointeacuterecirct

geacuteneacuteral ne beacuteneacuteficie pas automatiquement de la RUP (la RUP est reacuteserveacutee agrave une laquo eacutelite raquo)

B ndash LA RECONNAISSANCE DrsquoINTEREcircT GENERAL Il ne srsquoagit pas drsquoentrer dans des deacutebats sans fin concernant la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral mais au contraire de circonscrire avec preacutecision la dimension restrictive donneacutee par lrsquoAdministration fiscale de ce concept juridique 1 - Caracteacuteristiques de la RIG Comme nous lrsquoa reacutecemment preacuteciseacute le Ministre de lrsquoInteacuterieur20 laquo la notion drsquoassociation drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral est par contre une notion fiscale viseacutee dans les articles 200 et 238 bis du Code geacuteneacuteral des impocircts raquo Elle permet drsquoautoriser certains organismes agrave eacutemettre des reccedilus fiscaux au beacuteneacutefice de leurs donateurs particuliers ou entreprises

20 Reacutep min inteacuter AN 15 juillet 2008 preacutec

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Certes lrsquo laquo inteacuterecirct geacuteneacuteral raquo demeure un concept juridique difficile agrave appreacutehender21 sur le plan ideacuteologique mais au cours de la discussion de la premiegravere loi sur le meacuteceacutenat le Ministre chargeacute du budget avait preacuteciseacute que le texte laquo avait vocation agrave ecirctre entendu de faccedilon large raquo22 sur le plan fiscal Cette appreacuteciation fut par la suite reprise par son successeur dans les deacutebats ayant abouti au vote de la loi du 1er aoucirct 2003 relative au meacuteceacutenat23 laquo ce projet est de porteacutee geacuteneacuterale Ne commenccedilons pas agrave eacutenumeacuterer des groupes drsquoassociations raquo Or malgreacute ces recommandations explicites du leacutegislateur la doctrine de lrsquoadministration fiscale est demeureacutee excessivement restrictive Il reacutesulte de cette situation un certain nombre de probleacutematiques (voir infra) mais commenccedilons par eacutenumeacuterer les conditions qui preacutesident agrave la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral pour un organisme sans but lucratif 2 - Conditions et proceacutedure de la RIG Pour lrsquoAdministration fiscale un organisme preacutesente un caractegravere drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral si les conditions suivantes sont cumulativement reacuteunies24

‐ Avoir laquo un caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique social humanitaire sportif familial culturel ou concourant agrave la mise en œuvre du patrimoine artistique agrave la deacutefense de lrsquoenvironnement naturel ou agrave la diffusion de la culture de la langue et des connaissances scientifiques raquo25

‐ Avoir une gestion deacutesinteacuteresseacutee et ne pas exercer drsquoactiviteacute lucrative

de maniegravere preacutepondeacuterante26 cette condition pose en creux la question de la distinction entre activiteacute eacuteconomique et activiteacute lucrative27 au sein de laquelle le recours agrave la notion fiscale drsquoutiliteacute sociale (voir infra) apparaicirct tout agrave fait essentiel

‐ Ne pas fonctionner au profit drsquoun cercle restreint de personnes

autrement dit lrsquoassociation doit ecirctre laquo ouverte raquo28

21 Dans un compte rendu de reacuteunion du 24 janvier 2005 le Conseil drsquoOrientation de la Simplification Administrative (COSA) faisait part de ses observations quant aux mesures proposeacutees en matiegravere de seacutecurisation de la fiscaliteacute et estimait laquo qursquoil fallait proposer une deacutefinition plus claire de la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral de lrsquoarticle 200 du CGI et si possible eacutetendre le champ des activiteacutes viseacutees par lrsquoarticle 200 du CGI raquo (source rapport au premier ministre JP Decool mai 2005 p47) 22 JOAN CR Deacutebats du 23 juin 1987 2egraveme seacuteance p 3071 agrave 3076 23 Loi ndeg2003-709 du 1er aoucirct 2003 relative au meacuteceacutenat aux associations et aux fondations 24 D adm 5 B-3311 ndeg12 et s et 4 C-712 ndeg11 et s 25 CGI art 200 et 238 bis 26 Instr fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 27 C Amblard Activiteacutes eacuteconomiques et commerciales des associations Lamy Associations (Etude 246) juillet 2008 28 Reacutep min Zimmermann JO Ass nat du 10 janv 2006 p 261 ndeg72466

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Srsquoagissant de cette derniegravere condition lrsquoAdministration fiscale a tendance a adopter une position eacuteminemment restrictive au point que des associations drsquoanciens combattants29 voire mecircme drsquoanciens eacutelegraveves30 ou encore des associations de deacutefense des contribuables31 ou ayant pour objet la sauvegarde des retraites32 se sont vues refuser la RIG Par ailleurs sont reconnues comme eacutetant drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral les associations et fondations reconnues drsquoutiliteacute publique et qui exercent une activiteacute deacutecrite agrave lrsquoarticle 200 du CGI mais eacutegalement des organismes limitativement eacutenumeacutereacutes par la loi ou certaines dispositions du code geacuteneacuteral des impocircts tels que les eacutetablissements drsquoenseignement supeacuterieur33 les organismes ayant pour objet le financement des PME34 les associations cultuelles ou de bienfaisance35 ou encore les organismes ayant pour objet lrsquoorganisation de spectacles ou drsquoexposition drsquoart contemporain36hellip En ce qui concerne la proceacutedure agrave suivre il faut savoir que le beacuteneacutefice droit de du reacutegime fiscal de faveur lieacute au meacuteceacutenat (Loi laquo Aillagon raquo du 1er aoucirct 2003) nrsquoest pas lieacute agrave un agreacutement preacutealable de lrsquoAdministration fiscale En drsquoautres termes toute association peut deacutelivrer des reccedilus fiscaux37 aux donateurs le controcircle des services fiscaux eacutetant susceptible drsquointervenir a posteriori Neacuteanmoins il est possible drsquointerroger lrsquoAdministration fiscale a priori pour seacutecuriser lrsquoopeacuteration (proceacutedure de rescrit) lrsquoabsence de reacuteponse de la part de cette derniegravere agrave lrsquoissue drsquoun deacutelai de six mois valant reacuteponse positive pour la situation deacutecrite38 3 - Principaux avantages de la RIG Ils sont drsquoordres juridiques et fiscaux

‐ Sur le plan juridique

bull Le reacutegime du meacuteceacutenat permet aux associations non reconnues drsquoutiliteacute publique drsquoaccroicirctre leur capaciteacute juridique et ainsi de beacuteneacuteficier de dons autres que les dons manuels

‐ Sur le plan fiscal

bull Pour lrsquoassociation ou lrsquoorganisme sans but lucratif beacuteneacuteficiaire

29 Reacutep Reitzer AN 27 juillet 2004 p 5810 ndeg38660 30 CE 7 feacutevrier 2007 ndeg287949 RJF 407 ndeg386 31 Reacutep Blum AN 30 novembre 2004 p 9432 ndeg2499 32 Reacutep Deprez AN 20 juin 2006 p 6564 ndeg90872 33 Loi 2007-1199 du 10 aoucirct 2007 art 38 34 CGI art 238 bis-4 35 CGI art 200 1-e D adm 5 B-3311 ndeg54 36 Reacutep min culture et communication Girard AN 10 feacutevrier 2004 p 1025 ndeg30957 instruction fiscale du 9 deacutecembre 2008 5 B-19-08 37 Arrecircteacute du 28 juin 2008 JORF ndeg0150 du 28 juin 2008 page 10396 38 Instr fisc BOI 13 L-5-04 du 19 octobre 2004

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‐ Les ressources tireacutees du meacuteceacutenat nrsquoentrent pas dans le champ drsquoapplication de la TVA de lrsquoimpocirct sur les socieacuteteacutes ou de la taxe professionnelle

‐ Les dons sont en outre exoneacutereacutes de droit

drsquoenregistrement39 au mecircme titre que les associations et fondations RUP (voir supra)

bull Pour les meacutecegravenes (particuliers ou entreprises)

‐ Particuliers reacuteduction drsquoimpocircts sur le revenu eacutequivalente agrave 66 de la valeur du don dans la limite de 20 du revenu annuel (amendement laquo Coluche raquo 75 dans la limite forfaitaire de 495 euro pour les associations drsquoaide aux personnes en difficulteacute en 200840)

‐ Entreprises reacuteduction drsquoimpocircts sur les socieacuteteacutes

eacutequivalente agrave 60 de la valeur du don dans la limite de 05 du CA de lrsquoentreprise (outre contreparties institutionnelles telles que le droit pour lrsquoentreprise de beacuteneacuteficier de la qualiteacute de membre de lrsquoassociation ou drsquoimage41 dans la limite de 25 de la valeur du don42)

Synthegravese de la RIG ‐ Compte tenu du caractegravere relativement flou de la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (lrsquoarticle 200 du CGI se contentant drsquoeacutenumeacuterer des secteurs drsquoactiviteacutes) lrsquoAdministration fiscale dispose finalement drsquoun large pouvoir drsquoappreacuteciation en matiegravere de deacutefinition des contours de la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral sous reacuteserve de la doctrine du Conseil drsquoEtat ‐ La proceacutedure de RIG ouvre la capaciteacute juridique des associations simplement deacuteclareacutees (dons sous forme de meacuteceacutenat) sans que ces derniegraveres ne puissent toutefois preacutetendre agrave la laquo grande capaciteacute juridique raquo dont beacuteneacuteficient les associations RUP (legs deacutetention de biens immobiliers) ‐ Le beacuteneacutefice des avantages fiscaux offerts par la RIG deacutependent de la non lucrativiteacute des activiteacutes de lrsquoassociation ce qui suppose ou que lrsquoassociation nrsquoexerce aucune activiteacute lucrative (cas des associations dont les ressources se composent uniquement de cotisations ou de subventions par exemple) ou que lrsquoassociation exerce des activiteacutes eacuteconomiques reconnues comme eacutetant drsquoutiliteacute sociale par lrsquoAdministration fiscale (voir infra les critegraveres fiscaux de la laquo reconnaissance drsquoutiliteacute sociale raquo)

39 CGI art 757 al 3 40 Loi 2007-1822 du 24 deacutecembre 2007 art 2 I 41 CGI art 238 bis 1 a 42 Instr fisc 4 C-2-00 ndeg5 agrave 7

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C ndash LA RECONNAISSANCE (FISCALE) DrsquoUTILITE SOCIALE Il nrsquoexiste pas de proceacutedure de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (RUS) agrave proprement parler crsquoest-agrave-dire ouvrant droit pour les associations agrave des avantages particuliers agrave llsquoinstar de la RUP ou de la RIG Tout au plus cette notion juridique rencontre deux modes drsquoapplication concregravete dans notre droit interne (1) que nous allons preacutesenter en guise drsquoillustration Nous verrons ainsi comment la meacutethodologie retenue par lrsquoAdministration fiscale agit comme une forme de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale preacutealable indispensable au maintien du caractegravere non lucratif de lrsquoassociation (2) 1 ndash Utiliteacute sociale deux exemples drsquoapplication concregravete Le premier exemple drsquoapplication concerne les socieacuteteacutes coopeacuteratives drsquointeacuterecircts collectifs (SCIC) instaureacutees par lrsquoarticle 36 de la loi 2001-624 du 17 juillet 2001 et lrsquoarticle 19 de la loi 47-1775 du 10 septembre 1947 Cet exemple peut apparaicirctre a priori eacuteloigneacute de notre preacutesentation sauf qursquoen autorisant la transformation des associations en SCIC nous verrons que ce dispositif leacutegislatif contribue agrave eacutelargir la capaciteacute juridique de ces derniegraveres tout en opeacuterant un rapprochement avec la notion drsquoutiliteacute sociale (11) Le second exemple drsquoapplication concregravete concerne la meacutethodologie retenue par lrsquoAdministration fiscale ndash encore elle ndash depuis lrsquoinstruction fiscale BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 199843 pour accorder aux associations (fiscalement) laquo reconnues drsquoutiliteacute sociale raquo la capaciteacute drsquoexercer des activiteacutes eacuteconomiques non assujetties aux impocircts commerciaux (12) 11 - Une premiegravere utilisation concregravete de la notion drsquoutiliteacute sociale le statut de SCIC Les Socieacuteteacutes Coopeacuteratives drsquoInteacuterecirct Collectifs (SCIC) socieacuteteacutes coopeacuteratives sous la forme de SA ou de SARL (hellip) ont pour objectif laquo la production ou la fourniture de biens et de services drsquointeacuterecirct collectif qui preacutesentent un caractegravere drsquoutiliteacute sociale raquo La proceacutedure drsquohabilitation relegraveve de la compeacutetence preacutefectorale Ce nouveau statut juridique a eacuteteacute creacuteeacute pour reacutepondre aux attentes des acteurs de lrsquoEconomie sociale et solidaire crsquoest-agrave-dire de disposer drsquoun cadre drsquoentreprise adapteacute au deacuteveloppement entrepreneurial tout en prenant en compte la dimension eacutethique des activiteacutes qui relegravevent de cette Economie

43 Reprise par lrsquoinstruction fiscale de synthegravese BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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Pour le Secreacutetaire drsquoEtat agrave lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire laquo la SCIC doit ecirctre comprise comme le chaicircnon manquant entre lrsquoassociation et la coopeacuterative avec la possibiliteacute drsquointeacutegrer de nouveaux partenaires raquo (F Morin conseiller technique du cabinet de G Hascoeumlt) 44 Du cocircteacute de lrsquoEtat pour le Ministegravere de lrsquoemploi et le secreacutetariat agrave lrsquoeacuteconomie solidaire laquo cette nouvelle structure doit deacuteboucher sur la creacuteation drsquoemplois en plus de ceux occupeacutes aujourdrsquohui dans lrsquoentreprise drsquoinsertion qui restera pour lrsquoinstant en lrsquoeacutetat raquo

12 ndash Une deuxiegraveme utilisation concregravete de la notion drsquoutiliteacute sociale la reconnaissance de la non lucrativiteacute des activiteacutes eacuteconomiques reacutealiseacutees par les associations non assujetties aux impocircts commerciaux Depuis lrsquoinstruction fiscale BOI 4 h-5-98 du 15 septembre 1998 pour lrsquoAdministration fiscale il est deacutesormais laquo leacutegitime quun organisme non lucratif deacutegage dans le cadre de son activiteacute des exceacutedents reflet dune gestion saine et prudente Cependant lorganisme ne doit pas les accumuler dans le but de les placer Les exceacutedents reacutealiseacutes voire temporairement accumuleacutes doivent ecirctre destineacutes agrave faire face agrave des besoins ulteacuterieurs ou agrave des projets entrant dans le champ de son objet non lucratif raquo Parallegravelement lrsquoinstruction fiscale consacrait le principe de non assujettissement des associations et organismes sans but lucratif aux impocircts commerciaux Il convenait donc de clarifier une situation confuse compte tenu de lrsquoeacutevolution du monde associatif notamment au regard de la pleine et entiegravere capaciteacute juridique des associations (simplement deacuteclareacutees) en matiegravere drsquoexercice drsquoactiviteacutes eacuteconomiques ou commerciales45 Crsquoest dans ce cadre que lrsquoAdministration fiscale a eacuteteacute ameneacutee agrave proposer une laquo grille de lecture raquo concernant lrsquoexercice de ce type drsquoactiviteacutes eacutetant entendu que si lrsquoassociation adopte des comportements identiques agrave ceux des entreprises commerciales sur un mecircme marcheacute le principe de non assujettissement ne pouvant ecirctre maintenu celle-ci recouvrait immeacutediatement son statut drsquoentreprise assujettie aux impocircts commerciaux Pour savoir si une association exerce son activiteacute dans des conditions similaires agrave celle drsquoune entreprise et si de ce fait elle doit ecirctre soumise aux impocircts commerciaux lrsquoAdministration fiscale preacuteconise une analyse en plusieurs eacutetapes

minus Etape 1 la gestion de lrsquoorganisme est-elle deacutesinteacuteresseacutee (les

dirigeants ne peuvent reacutemuneacutereacutes (sauf cas deacuterogatoires limitativement eacutenumeacutereacutes) les beacuteneacutefices et le patrimoine de lrsquoassociation ne peuvent ecirctre attribueacutes aux membres)

44 C Amblard SCIC un nouvel outil pour lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Revue Le Tout Lyon 2001 45 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit Universiteacute Versailles ndash St Quentin 1998 (410 pages) C Amblard Lrsquoentreprise associative Editions territoriales 2006 C Amblard Activiteacutes eacuteconomiques et commerciales des associations Lamy Associations Etude 246 preacutec

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‐ Etape 2 lrsquoorganisme concurrence-t-il une entreprise ‐ Etape 3 lrsquoorganisme exerce-t-il son activiteacute dans des conditions

similaires agrave celles drsquoune entreprise (analyse par application de la regravegle des quatre laquo P raquo les indices eacutetant classeacutes par ordre deacutecroissant drsquoimportance) bull Le laquo produit raquo proposeacute bull Le laquo public raquo beacuteneacuteficiaire bull Les laquo prix raquo pratiqueacutes bull La laquo publiciteacute raquo reacutealiseacutee

Srsquoagissant plus particuliegraverement des deux premiers critegraveres (laquo Produit raquo et laquo Public raquo) il convient de souligner que lrsquoinstruction fiscale procegravede agrave leur laquo reacuteunification raquo sous le vocable drsquo laquo utiliteacute sociale raquo En drsquoautres termes il y a bien reconnaissance drsquoutiliteacute sociale lorsque lrsquoassociation

‐ intervient dans un domaine ougrave les besoins sont insuffisamment couverts par le secteur lucratif ‐ ou46 srsquoadresse agrave un public qui ne peut normalement acceacuteder aux services du secteur concurrentiel

La recherche de lrsquoutiliteacute sociale conduit donc agrave mettre en correacutelation le produit et le service fourni par lrsquoassociation avec le public viseacute En effet une attention toute particuliegravere est attacheacutee agrave ces critegraveres et agrave lrsquoaffectation des exceacutedents pour deacuteterminer si lrsquoassociation exerce ou non une activiteacute suivant des modaliteacutes similaires agrave celles utiliseacutees par une entreprise

- Le produit est drsquoutiliteacute sociale laquo lrsquoactiviteacute qui tend agrave satisfaire un besoin qui nrsquoest pas pris en compte par le marcheacute ou qui lrsquoest de faccedilon peu satisfaisante raquo

- Le public sont susceptibles drsquoecirctre drsquoutiliteacute sociale laquo les actes

payant reacutealiseacutes principalement au profit de personnes justifiant lrsquooctroi drsquoavantages particuliers au vue de leur situation eacuteconomique sociale ou humaine (chocircmeurs personnes handicapeacutees notammenthellip) Ce critegravere ne doit pas srsquoentendre seulement agrave des situations de deacutetresse physique ou morale raquo

46 Le critegravere alternatif des deux eacuteleacutements produit et public a eacuteteacute affirmeacute par la jurisprudence CE 3 deacutecembre 1999 ndeg 133291 RJF 100 ndeg 35

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2 ndash Lrsquoapproche (fiscale) de la notion drsquoutiliteacute sociale un rocircle preacutepondeacuterant dans les proceacutedures de reconnaissance du secteur associatif Nous avons vu preacuteceacutedemment que

‐ La RUP suppose que lrsquoassociation exerce des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au sens de lrsquoarticle 200 et 238 bis du CGI ‐ La RIG commande pour les associations eacutevoluant dans la sphegravere eacuteconomique que ces derniegraveres exercent agrave titre preacutepondeacuterant des activiteacutes non lucratives ce qui suppose drsquoecirctre reconnues par lrsquoAdministration fiscale comme eacutetant drsquoutiliteacute sociale

Il existe bien par conseacutequent des interactions entre les diffeacuterents modes de reconnaissance et lrsquoapproche fiscale de la notion drsquoutiliteacute sociale Bien plus en insistant sur lrsquoimportance deacutecroissante des critegraveres retenus par la regravegle des 4 laquo P raquo lrsquoAdministration fiscale amplifie le rocircle joueacute par les deux premiers critegraveres (laquo Produit raquo et laquo Public raquo) et par conseacutequent lrsquoinfluence de cette notion au sein des modes de reconnaissance de la vie associative Autre eacuteleacutement important agrave ce stade de la reacuteflexion le rocircle non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat ou les autres administrations dans la laquo reconnaissance raquo drsquoutiliteacute sociale des associations en effet lrsquoinstruction fiscale47 preacutecise explicitement que ce type drsquoagreacutement laquo nrsquoest qursquoun eacuteleacutement parmi drsquoautres de lrsquoappreacuteciation de son utiliteacute sociale raquo Neacuteanmoins lrsquoinstruction preacutecise que laquo srsquoils prennent en compte la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y ait fait face ces agreacutements peuvent contribuer agrave lrsquoappreacuteciation de lrsquoutiliteacute sociale raquo Mais dans tous les cas lrsquoAdministration fiscale considegravere qursquolaquo ils ne sont ni neacutecessaires ni suffisants pour eacutetablir le caractegravere drsquoutiliteacute sociale de lrsquoassociation raquo Synthegravese de la RUS ‐ La notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale ouvre la capaciteacute des associations agrave intervenir dans la sphegravere eacuteconomique tout en preacuteservant leur statut drsquoorganismes sans but lucratif non soumis aux impocircts commerciaux ‐ In fine cette notion constitue un preacutealable indispensable agrave la mise en œuvre de la RIG (absence drsquoactiviteacute lucrative) et exerce une influence non neacutegligeable dans le mode de deacutelivrance de la RUP (reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et neacutecessiteacute de disposer de ressources suffisantes hors financement public) ‐ En lrsquoeacutetat actuel la reconnaissance (fiscale) drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre assimileacutee agrave une proceacutedure de reconnaissance institutionnelle de type RUP

47 Instr fisc 4 H-5-06 preacuteciteacutee ndeg63

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ou RIG instaureacutee par le leacutegislateur neacuteanmoins elle donne lieu agrave une appreacuteciation souveraine de lrsquoadministration fiscale dans le cadre de la proceacutedure de rescrit fiscal applicable depuis lrsquoinstruction fiscale preacuteciteacutee du 15 septembre 1998 En effet la reacuteponse du correspondant associations au questionnaire visant agrave deacuteterminer le reacutegime fiscal applicable au regard des impocircts vaut prise de position formelle de lrsquoadministration au sens de lrsquoarticle L 80 B du Livre des proceacutedures fiscales (opposabiliteacute) ‐ Telle que preacutevue par lrsquoinstruction fiscale du 18 deacutecembre 2006 preacuteciteacutee la notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale donne encore lieu agrave une appreacuteciation discreacutetionnaire et unilateacuterale de lrsquoadministration fiscale (sous reacuteserve du controcircle juridictionnel administratif)

bull Concernant lrsquoappreacuteciation discreacutetionnaire elle ressort drsquoune part de la dimension reacuteductrice des critegraveres retenus par lrsquoadministration fiscale48 et drsquoautre part de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation49 objective crsquoest-agrave-dire reposant sur lrsquoexistence de reacutefeacuterentiels qualitatifs et quantitatifs admis et partageacutes par tous50

bull Concernant lrsquoappreacuteciation unilateacuterale elle est induite par le caractegravere non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat (Ministegravere de tutelle) ou toute autre Administration y compris lorsque ces proceacutedures drsquoagreacutement preacutevoient des critegraveres permettant la prise en compte de la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y est fait face51 Or comme le soulignait deacutejagrave en 1993 MT

48 Lrsquoanalyse de la deacutecision rendue par lrsquoarrecirct Jeune France du 1er octobre 1999 (CE 1101999 ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354) permet eacutegalement de souligner la dimension neacutegative donneacutee agrave ces critegraveres dans la mesure ougrave ils servent agrave appreacutecier la speacutecificiteacute des associations et autres organismes sans but lucratif essentiellement au regard de regravegles de la concurrence 49 F Rousseau Lrsquoeacutevaluation laquo regravegle du jeu raquo entre associations et pouvoirs publics Juris Associations 1er avril 2008 ndeg376 p 16 et 17 lrsquoauteur souligne qursquoil convient de retenir laquo la diffeacuterence essentielle entre drsquoune part lrsquoeacutevaluation des activiteacutes associatives selon une logique drsquoeacutevaluation des politiques et drsquoautre part la deacutemarche de coconstruction drsquoune meacutethodologie drsquoeacutevaluation qui associe[rait[ les acteurs locaux (eacutelus techniciens militants associatifs chercheurs etc raquo 50 A souligner les nombreux travaux sur ces questions (liste non exhaustive) laquo Economie sociale et solidaire en reacutegion raquo (programme de recherche coordonneacute par la DIES et la Mire entre 2001 et 2003) P VIVERET Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 J GADREY 2003 Lrsquoutiliteacute sociale et organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE version provisoire 133 pages Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREE du 11 janvier 2005 La reconfiguration de lrsquoaction publique entre lrsquoEtat associations et participation citoyenne X ENGELS (Dir) M HELY A PERRIN H TROUVE De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne LrsquoHarmattan 2006 Guide meacutethodologique Fonda Rhocircne-Alpes (reacutealiseacute avec le concours de la Reacutegion Rhocircne-Alpes) Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective 2006 H TROUVE Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale de son activiteacute 124 pages wwwaviseorg Seacuteminaire Avise Evaluer lrsquoutiliteacute sociale deacutemarche meacutethodologie expeacuteriences Paris 6 deacutecembre 2007 51 Ibidum

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Cheroutre52 lors de sa preacutesentation du rapport du Conseil Economique et social laquo lrsquooctroi drsquoun agreacutement ou drsquoune habilitation est la marque de reconnaissance par les pouvoirs publics de la fonction remplie par lrsquoassociation ce qui implique des controcircles et drsquoeacuteventuels retraits si le contrat nrsquoest pas rempli raquo53

‐ Dans ces conditions et compte tenu des arguments qui preacutecegravedent il y a lieu de srsquointerroger sur la neacutecessiteacute drsquoune simplification des proceacutedures de reconnaissance de la vie associative (II) De faccedilon plus cruciale encore des questions se posent quant agrave la capaciteacute des acteurs agrave laquo coconstruire raquo leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation dans le cadre drsquoune deacutemarche partageacutee A ce propos nous assistons drsquoailleurs agrave un deacuteplacement du deacutebat national vers un cadre de reacuteflexion engageacute par les instances communautaires en matiegravere de transposition de la directive laquo services raquo et de deacutefinition de service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) II ndash VERS UNE SIMPLIFICATION DES MODES DE RECONNAISSANCE

A - La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) une utiliteacute

Dans une eacutetude adopteacutee le 25 octobre 2000 par la section du rapport et des eacutetudes du Conseil drsquoEtat54 il est rappeleacute qursquo laquo il nrsquoest pas aujourdrsquohui drsquoavantage patrimonial ou fiscal qui soit reacuteserveacute aux seules associations reconnues drsquoutiliteacute publique Il nrsquoy aurait donc pas drsquointeacuterecirct pour une association agrave ecirctre reconnue raquo En effet la plupart des associations simplement deacuteclareacutees perccediloivent des dons manuels55 ou encore sont en capaciteacute de beacuteneacuteficier de ce type de ressources sans aucune limitation soit directement sous la forme de meacuteceacutenat56 (dons uniquement) soit indirectement par la creacuteation drsquoun fonds de dotation57 ou en srsquoaffiliant agrave une union ou un organisme drsquoutiliteacute publique (dons et legs)58 52 Ibidum 53 La loi de finances rectificative pour 2008 (Loi ndeg2008-1443 du 30 deacutecembre 2008) a pris plusieurs mesures en vue de renforcer la seacutecuriteacute juridique des contribuables Lrsquoarticle 50 de la loi de finances rectificative pour 2008 creacuteeacute ainsi un recours devant lrsquoadministration pour les deacutecisions formelles prises en vertu des articles L80 B 1deg agrave 6deg et 8deg et L80 C du Livre des proceacutedures fiscales (LPF) applicable aux demandes deacuteposeacutees agrave partir du 1er juillet 2009 54 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique La documentation franccedilaise 2000 p15 55 Cass com 5 octobre 2004 ndeg03-15709 Bull civ IV ndeg178 56 Loi Aillagon du 1er aoucirct 2003 57 C Amblard Fonds de dotation encore du nouveau sur le front du meacuteceacutenat preacutec 58 Loi 1er juillet 1901 art 6 al1

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Degraves lors crsquoest tout naturellement et sans ambiguiumlteacute que le Conseil drsquoEtat srsquoest poseacute la question suivante laquo faut-il supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo (pour une meilleure lisibiliteacute de lrsquoaction associative et une simplification des proceacutedures de reconnaissance) Une telle proposition nrsquoa toutefois pas eacuteteacute retenue par lrsquoeacutetude des statistiques du Ministegravere de lrsquoInteacuterieur laquo il semble qursquoen deacutepit de la faiblesse des avantages qursquoelles peuvent en retirer et des contraintes que cela engendre pour elles des associations continuent chaque anneacutee de solliciter la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo Quelles peuvent-elles ecirctre les motivations des associations qui souhaiteraient beacuteneacuteficier de cette forme de reconnaissance Dans son rapport public de 200059 le Conseil drsquoEtat souligne avant tout laquo la force symboliques que srsquoaccordent agrave y voir les repreacutesentants du monde associatif raquo En effet il ressort que ceux-ci sont avant tout laquo agrave la recherche drsquoun label raquo60 La RUP laquo fait en quelque sorte agrave leurs yeux figure de label officiel qui consacre la leacutegitimiteacute de lrsquoassociation qui en beacuteneacuteficie et qui sanctionne la qualiteacute des actions qursquoelle megravene raquo Ainsi laquo [il] est un signe pour leurs partenaires et une garantie pour eux raquo Cependant le Conseil drsquoEtat croit bon attirer notre attention sur le fait que laquo cette force symbolique de la RUP nrsquoest toutefois pas deacutenueacutee drsquoeffets pratiques puisqursquoil apparaicirct que de 1991 agrave 1996 les associations et les fondations drsquoutiliteacute publique ont reccedilu 84 des dons deacuteclareacutes par les contribuables Pour les associations qui font appel agrave la geacuteneacuterositeacute publique la RUP vaut garantie que les sommes collecteacutees ne feront pas en principe lrsquoobjet drsquoune utilisation abusive ou frauduleuse raquo Cette garantie existe-t-elle vraiment srsquoagissant des associations RUP Preacuteciseacutement pour le Conseil drsquoEtat laquo cela peut paraicirctre paradoxal de rechercher le controcircle de lrsquoEtat pour pouvoir ensuite souligner qursquoelles srsquoy sont soumises et offrent donc toutes les garanties de bon fonctionnement raquo drsquoautant plus que pour lui laquo le controcircle de lrsquoEtat (hellip) est insuffisant raquo Crsquoest ainsi que dans son dernier rapport sur les associations RUP datant de 200061 ce dernier preacuteconisait dans ses conclusions laquo drsquointroduire dans la loi du 1er juillet 1901 (ou agrave lrsquoarticle L612-4 du Code de commerce) lrsquoobligation pour toute association reconnue drsquoutiliteacute publique drsquoavoir recours agrave un commissaire aux comptes dans les conditions preacutevues aux articles L 225-218 et suivants du Code de commerce raquo

59 Conseil drsquoEtat Les associations et la loi de 1901 cent ans apregraves Rapport public 2000 La documentation franccedilaise Etudes et Documents ndeg51 p307 60 Conseil drsquoEtat Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec 61 Ibidum

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Or agrave ce jour force est de constater qursquoaucune reacuteforme nrsquoest intervenue en ce sens En effet il nrsquoexiste ni dans la loi du 1er juillet 1901 ni dans les statuts-types des associations RUP ni mecircme dans aucun dispositif leacutegislatif speacutecifique ndash en dehors du dispositif applicable en matiegravere drsquoappel agrave la geacuteneacuterositeacute publique62 - drsquoobligation imposant la preacutesence drsquoun commissaire aux comptes au sein des associations RUP Aussi et toujours pour le Conseil drsquoEtat laquo srsquoil nrsquoy a donc pas de motif deacuteterminant de supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique il convient de reacutefleacutechir aux ameacuteliorations pouvant ecirctre apporteacutees agrave son reacutegime drsquoutiliteacute publique et aux reacutegimes voisins raquo En tout eacutetat de cause la pertinence du maintien de la RUP se pose si lrsquoon en juge les reacutesultats de deux rapports ministeacuteriels reacutecents sur cette question en effet pour le rapport Morange63 laquo les avantages mateacuteriels de la RUP sont deacutesormais drsquoune porteacutee quasi theacuteorique raquo Quant agrave lrsquoavantage moral de la RUP pour le deacuteputeacute P Morange il demeure laquo important mais il ne justifie pas la lourdeur de la proceacutedure raquo Le rapport Langlais64 parle lui de laquo proceacutedure eacutelitiste raquo qui laquo nrsquoa pas su srsquoadapter aux eacutevolutions de la socieacuteteacute raquo Pourquoi degraves lors vouloir absolument maintenir un systegraveme de reconnaissance qui agrave notre avis pose deux probleacutematiques majeures

‐ La premiegravere probleacutematique porte sur la capaciteacute patrimoniale des associations qui preacuteciseacutement ne beacuteneacuteficient pas de cette forme de reconnaissance en effet est-il toujours leacutegitime que pregraves drsquoun million de structures associatives disposent par contrecoup drsquoune capaciteacute juridique reacuteduite Deacutejagrave en 1993 agrave propos de la capaciteacute patrimoniale des associations simplement deacuteclareacutees le Conseil Economique et social65 soulignait que laquo le contexte drsquoaujourdrsquohui eacutelargissant les missions de nombreuses associations met davantage lrsquoaccent sur les enjeux eacuteconomiques et sociaux qui leur demandent de mobiliser agrave la fois des moyens eacuteconomiques financiers et humains On peut donc agrave juste titre se demander si les carcans drsquoune autre eacutepoque ne pourraient ecirctre leveacutes raquo Les choses ont peu eacutevolueacute depuis au deacutetriment drsquoun secteur associatif dont lrsquoessentiel de ses forces vives consacre une bonne partie de leur temps et de leur eacutenergie agrave rechercher des

62 Loi ndeg91-772 du 7 aoucirct 1991 art 3 et encore il convient de noter que lrsquointervention du commissaire aux comptes ne srsquoimpose que pour les associations ayant nommeacute un commissaire aux comptes pour drsquoautres motifs Anteacuterieurement le compte emploi des ressources (CER) constituait un document autonome agrave deacuteposer au siegravege de lrsquoassociation et agrave tenir agrave disposition des adheacuterents En cas de controcircle par un commissaire aux comptes ce dernier eacutetait tenu drsquoeacutetablir une attestation Depuis le 1er janvier 2006 le CER est devenu un eacuteleacutement annexe aux comptes Lrsquoattestation du commissaire aux comptes nrsquoa donc plus lieu drsquoecirctre (cf Meacutemento pratique F Lefebvre Associations 2008-2009 ndeg71400 p976) 63 P Morange Rapport drsquoinformation sur la gouvernance et le financement des structures associatives ndeg134 assembleacutee nationale 1er octobre 2008 p41 et 42 64 JL Langlais Pour un partenariat renouveleacute entre lrsquoEtat et les associations rapport ministeacuteriel juin 2008 p 26 65 Ibidum p 82

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financements Sur ce point il convient de noter les propositions drsquoeacutevolutions importantes figurant dans le rapport Morange lequel suggegravere aux associations simplement deacuteclareacutees de beacuteneacuteficier de la capaciteacute juridique de recevoir des dons ‐ La seconde probleacutematique renvoit directement aux besoins exprimeacutes en matiegravere de simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif en effet le rapport Langlais66 souligne agrave juste titre que laquo la principale source de complexiteacute tient agrave lrsquoeacuteclatement des modes de reconnaissance du fait associatif par la puissance publique La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) existe toujours elle nrsquoa pas varieacute depuis un siegravecle (hellip) elle est de plus en plus concurrenceacutee par drsquoautres formes de reconnaissance et certains nrsquoheacutesitent pas agrave la consideacuterer comme deacutemodeacutee voire obsolegravete La reconnaissance drsquoutiliteacute publique est accordeacutee sans limitation de dureacutee et il existe probablement comme pour les associations deacuteclareacutees mais en beaucoup plus faible proportion des ARUP qui figurent toujours dans les chiffres officiels bien qursquoelles nrsquoaient plus drsquoexistence reacuteelle raquo De son cocircteacute le deacuteputeacute P Morange propose de deacutelivrer la RUP pour une dureacutee deacutesormais limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans

Il convient par conseacutequent drsquoenvisager une simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif drsquoautant plus que sont apparus agrave cocircteacute de la RUP de nombreuses autres formes de reconnaissance plus ou moins officielle tels que les agreacutements ou les labels priveacutes (Comiteacute de la Charte voire mecircme la proposition de labellisation AFNOR) Nous verrons infra que ce processus de simplification doit ecirctre lrsquooccasion drsquoun dialogue renouveleacute entre les acteurs du monde associatif et les pouvoirs publics en vue de la mise en œuvre drsquoune deacutemarche partageacutee

66 Ibidum

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B - LA SIMPLIFICATION DES PROCESSUS DE RECONNAISSANCE VERS UNE RECONNAISSANCE UNIQUE DrsquoUTILITE SOCIALE

1 ndash Les propositions reacutecemment formuleacutees par les rapports Langlais et Morange de 2008

Sur ce point les deux rapports srsquoaccordent pour distinguer trois types drsquoassociations

11 - Les associations deacuteclareacutees

Pour JL Langlais il srsquoagirait de reconnaicirctre la capaciteacute creacuteatrice de ces associations locales par lrsquooctroi de subventions symboliques et uniquement deacutelivreacutees par les collectiviteacutes territoriales correspondant agrave leur aire drsquoinfluence P Morange propose quant agrave lui drsquoouvrir la capaciteacute juridique de ces laquo petites raquo associations en leur permettant de percevoir des dons (autres que manuels) et de les soumettre aux controcircles drsquoun commissaire aux comptes et aux controcircles meneacutes par les services deacuteconcentreacutes degraves lors qursquoelles beacuteneacuteficieraient de subventions publiques

12 - Les associations reconnues drsquoutiliteacute sociale ou

drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

Pour JL Langlais ces associations pourraient beacuteneacuteficier drsquoune reconnaissance drsquointeacuterecirct laquo social ou geacuteneacuteral raquo

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce sont en gros les 4 conditions

requises pour lrsquoobtention de lrsquoagreacutement fiscal (cf supra) Drsquoailleurs il est proposeacute que cet agreacutement soit deacutecerneacute par lrsquoAdministration fiscale Une condition suppleacutementaire pourrait ecirctre poseacutee relative au beacuteneacutevolat sans neacutecessairement fixer de seuil a priori on devrait exiger que le beacuteneacutevolat soit nettement preacutepondeacuterant dans le fonctionnement de lrsquoassociation

Avantages consentis possibiliteacute de recevoir des subventions y

compris des subventions de fonctionnement capaciteacute agrave recevoir des dons (nrsquoexceacutedant pas un certain montant) agrave faire beacuteneacuteficier aux donateurs de lrsquoexoneacuteration fiscale au taux de droit commun

Obligations ecirctre agrave jour de leurs obligations deacuteclaratives

obligation de justifier lrsquoemploi des fonds reccedilus de deacuteposer leurs comptes en Preacutefecture de se soumettre aux controcircles aleacuteatoires ou programmeacutes de la puissance publique certification obligatoire des comptes au-delagrave de 153 000 euro de financement annuel

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Pour P Morange laquo cette cateacutegorie recouvre les associations subventionneacutees ou qui beacuteneacuteficient drsquoavantages fiscaux et oeuvrent au service de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo Selon lui laquo il serait envisageable comme en Grande Bretagne drsquoeacutetablir des listes de secteurs dans lesquels ces associations interviennent et de les soumettre agrave un certain nombre drsquoobligations en srsquoinspirant par exemple de la pratique fiscale (voir supra) Ainsi lrsquoassociation devrait poursuivre un but drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral ecirctre soumise agrave un controcircle financier et une eacutevaluation reacuteguliegravere au niveau deacutecentraliseacute raquo Enfin laquo lrsquoassociation devrait se doter drsquoun commissaire aux comptes raquo

13 Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique Pour JL Langlais seules les associations qui se consacrent exclusivement agrave des actions drsquoassistance ou de bienfaisance pourraient beacuteneacuteficier drsquoune RUP

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce seraient les mecircmes que pour la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral mais avec 3 nuances - toute lrsquoactiviteacute doit ecirctre tendue vers lrsquoobjet social - un degreacute plus eacuteleveacute de professionnalisation (et donc de salariat) serait acceptable - mais un moindre degreacute drsquoouverture exigeacute (une association pourrait ecirctre reconnue drsquoutiliteacute publique alors qursquoelle fonctionne au beacuteneacutefice drsquoun public fermeacute67)

Avantages les avantages seraient ceux du reacutegime actuel le

plus favorable dons et legs (reacutegime RUP) exoneacuteration au taux le plus favorable (laquo amendement Coluche raquo) subventions sur une base pluriannuelle

Obligations toutes les obligations du reacutegime preacuteceacutedant avec en plus lrsquoobligation de deacuteposer des comptes certifieacutes

JL Langlais poursuit en proposant que la reconnaissance drsquoutiliteacute publique soit laquo deacutecerneacutee pour une dureacutee limiteacutee soit par le ministegravere de lrsquointeacuterieur soit par le ministegravere en charge de la vie associative (et les preacutefets agrave lrsquoeacutechelon deacuteconcentreacute) soit encore par une agence nationale agrave creacuteer raquo Pour P Morange la RUP laquo serait deacutelivreacutee par le Conseil drsquoEtat comme crsquoest le cas actuellement et controcircleacutee par la Cour des comptes avec le concours de lrsquoIGAS et de lrsquoIGA pour une dureacutee limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans raquo A titre subsidiaire les auteurs proposent eacutegalement drsquoeacutetablir une laquo situation speacutecifique raquo pour les associations engageacutees dans la gestion drsquoune mission de service public tandis que P Morange envisage cette situation sous lrsquoangle de la seacutecurisation des rapports engageacutes par ces derniegraveres avec lrsquoadministration JL Langlais quant agrave lui considegravere dans une telle situation que laquo la forme juridique [drsquoassociation] nrsquoest alors qursquoune fiction raquo et que degraves lors laquo lrsquoEtat doit pouvoir les financer mais aussi les controcircler et les diriger comme il le

67 Lrsquoauteur propose de revenir sur la jurisprudence CE 7 feacutevr 2007 ndeg 287949 Steacute des anciens eacutelegraveves de lrsquoEacutecole Nationale Supeacuterieure drsquoArts et Meacutetiers et a

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ferait de ses propres services en attendant de trouver une structure juridique adeacutequate raquo Une mise en conformiteacute des proceacutedures drsquoagreacutement avec les nouvelles contraintes communautaires est eacutegalement envisageacutee

2 ndash Nos pistes de reacuteflexions

21 - Concernant le devenir de la proceacutedure RUP

Nous avons vu preacuteceacutedemment que cette proceacutedure deacutesormais consideacutereacutee comme eacutetant laquo obsolegravete raquo par la plupart des observateurs (voir supra) ne preacutesentait plus guegravere drsquointeacuterecirct sur un plan technique (voir supra) Degraves lors et en raison de la forte concentration de financements priveacutes (pregraves de 90 sous la forme de dons deacuteclareacutes par les contribuables ndash voir supra) sur un nombre extrecircmement limiteacute drsquoassociations et de fondations RUP de cette laquo proceacutedure eacutelitiste raquo la question de son devenir se pose de faccedilon cruciale En effet au 15 juillet 2000 le Conseil drsquoEtat deacutenombrait 1960 associations RUP laquo dont 200 nrsquoauraient selon lui aucune activiteacute sinon plus aucune existence raquo68 Force est de constater que presque 10 ans plus tard ce nombre nrsquoa quasiment pas augmenteacute puisque le dernier recensement effectueacute en deacutecembre 200869 par le Ministegravere de lrsquointeacuterieur fait eacutetat de 1966 associations RUP Lrsquourgence consiste donc bien agrave mettre un terme agrave cette situation laquo monopolistique raquo ougrave agrave tout le moins agrave instaurer des proceacutedures de controcircle agrave la fois plus preacutecises et plus contraignantes que celles existantes actuellement Sur ce point les propositions tendant agrave limiter la deacutelivrance de la RUP pour une dureacutee limiteacutee formuleacutees dans les rapports Langlais et Morange nous semblent parfaitement approprieacutees Ces propositions seront agrave rapprocher de celle proposeacutee par P Morange visant offrir agrave lrsquoensemble des associations la laquo grande capaciteacute juridique raquo particuliegraverement en matiegravere de dons

22 - Concernant la probleacutematique du rapprochement entre reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale)

Il ne srsquoagit pas de revenir sur les nombreux travaux drsquoores et deacutejagrave existants en matiegravere de rapprochement des concepts drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et drsquoutiliteacute sociale Parmi les plus importants lrsquoon peut citer ceux de J Gadrey en 200470 ceux reacutesultant de la journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF en 200571 ou encore la contribution commune de X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute publieacutee en 200672 A la lumiegravere de ces travaux il

68 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec p15 69 Site du ministegravere de lrsquointeacuterieur (publication du 08 avril 2008) httpwwwinterieurgouvfrsectionsa_la_unepublicationscultes-associations 70 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale des organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE feacutevrier 2004 71 Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Paris 11 janvier 2005 72 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Editions LrsquoHarmattan Paris 2006

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semble bien que lrsquoon assiste agrave laquo un basculement vers la notion plus large drsquoutiliteacute sociale notion qui par ailleurs entretient une filiation juridique avec le concept drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo73 Sur un plan juridique ces travaux montrent notamment qursquoil existe laquo un rapport assez eacutetroit agrave certains eacutegards entre la notion drsquoutiliteacute sociale et celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo si lrsquoon considegravere lrsquoanalyse de la jurisprudence des dix derniegraveres anneacutees74 Dans cette perspective la deacutemarche de rapprochement entre la proceacutedure RIG et RUS proposeacutee par les rapports de JL Langlais et P Morange trouverait une explication rationnelle

23 - Concernant lrsquoapproche du concept mecircme drsquoutiliteacute sociale

Comme le souligne J Gadrey75 laquo lrsquoutiliteacute sociale des organisations drsquoeacuteconomie sociale (OES) nrsquoa guegravere drsquoexistence en tant que probleacutematique geacuteneacuterale en dehors des deacutebats concernant le rocircle eacuteconomique et social actuel et futur de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Crsquoest une ideacutee qui a eacuteteacute forgeacutee pour deacutefendre lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire face agrave certaines menaces ou pour promouvoir le deacuteveloppement de regravegles favorables76 raquo Pour ce dernier en effet laquo il y a rien de naturel agrave soulever la question de lrsquoutiliteacute sociale des OES et qursquoil srsquoagit bien drsquoune convention socio-politique historiquement et geacuteographiquement contingente77 raquo Neacuteanmoins si le concept demeure aujourdrsquohui encore relativement flou paradoxalement il reccediloit dans notre droit interne une application de plus en plus freacutequente par les tribunaux78 et lrsquoAdministration fiscale79 De son cocircteacute et mecircme si pour lrsquoinstant le leacutegislateur srsquoest toujours refuseacute de srsquoorienter vers la voie drsquoune reconnaissance drsquoutiliteacute sociale80 celui-ci fait de plus reacutefeacuterence agrave ce concept81 drsquoougrave la neacutecessiteacute de privileacutegier une approche visant agrave circonscrire lrsquo laquo halo socieacutetal raquo82 des OES plutocirct que de chercher drsquoune maniegravere 73 A Euillet Lrsquoutiliteacute sociale une notion deacuteriveacutee de celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Revue de droit sanitaire et social ndeg2 avril-juin 2002 pp 2007 - 228 74 J Gadrey preacutec p 30 75 Ibidum 76 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques thegravese de droit 1998 preacutec Lrsquoauteur envisage la mise en œuvre drsquoune affirmative action en faveur des associations reconnues drsquoutiliteacute sociale 77 Si lrsquoon prend lrsquoexemple des services agrave domicile aux personnes acircgeacutees en Suegravede on peut observer que ceux-ci sont majoritairement produits par des organisations publiques locales tandis qursquoaux Etats-Unis - ougrave le laquo non profit sector raquo se construit le plus souvent comme une puissance alternative priveacutee face agrave un Etat providence laquo diaboliseacute raquo (Salamon) ils sont majoritairement financeacutes par des fonds priveacutes (beacuteneacuteficiant drsquoavantages fiscaux) 78 Voir par exemple CE 24 octobre 1979 CAA Paris 1er deacutecembre 1989 CAA Nancy 19 novembre 1992 79 Instr Fisc BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 1998 Instr Fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 (synthegravese) 80 Reacutep min du 01 juillet 1999 JO Seacutenat p 2224 81 Voir par exemple Loi ndeg2002-2 du 2 janvier 2002 relative agrave lrsquoaction sociale et meacutedico-sociale Loi ndeg 97-940 du 16 octobre 1997 relative au deacuteveloppement dactiviteacutes pour lemploi des jeunes (JO du 17 Octobre) LOI ndeg 9 8-657 du 29 juillet 1998 drsquoorientation relative agrave la lutte contre les exclusions 8282 A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport final relatif agrave la lettre de mission de Madame la Ministre de lrsquoEmploi et de la Solidariteacute 2000 pour A Lipietz il srsquoagirait de deacutefinir les contours du tiers secteur par un laquo label drsquoutiliteacute sociale et solidaire fondeacutes sur deux types de critegraveres quant aux

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improbable une deacutefinition qui serait unanimement admise par les acteurs des OES Finalement il ne srsquoagirait rien moins que de reconnaicirctre les OES afin de soutenir lrsquoeffort particulier de ces entiteacutes juridiques dont les laquo speacutecificiteacutes meacuteritoires raquo83 rejaillissent sur lrsquoensemble de la collectiviteacute Mais limiter le concept au seul beacuteneacutefice des OES serait par trop reacuteducteur et la mesure de lrsquoutiliteacute sociale doit eacutegalement ecirctre envisageacutee en tant qursquooutil de reacutegulation des politiques publiques84

24 - Concernant les difficulteacutes lieacutees agrave la mise en œuvre drsquoune proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale

Sur ce point il importe de tenir compte des critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de la proposition de mise en place drsquoun systegraveme unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale des OES (tel qursquoimagineacute par le CNVA dans son rapport datant de 1995) A cette eacutepoque le CNVA contestait laquo lrsquoambiguiumlteacute de lrsquointerpreacutetation juridique et fiscale de lrsquoutiliteacute sociale en particulier en raison de confusions constateacutees entre le critegravere de non lucrativiteacute et les vrais critegraveres drsquoutiliteacute sociale La reacuteflexion associative commence alors agrave se preacuteciser sur les critegraveres de non lucrativiteacute drsquoun cocircteacute sur les critegraveres drsquoutiliteacute sociale de lrsquoautre avec une insistance sur la neacutecessiteacute de ne pas confondre ces deux dimensions Parallegravelement le CNVA conteste lrsquoideacutee alors assez preacutesente du cocircteacute de lrsquoadministration selon laquelle un critegravere essentiel de lrsquoutiliteacute sociale serait que les besoins auxquels reacutepond lrsquoactiviteacute ne sont pas normalement (ou pas suffisamment) pris en compte par le marcheacute Cette deacutefinition purement neacutegative signifierait en effet soit que lrsquoutiliteacute sociale drsquoune association disparaicirct si le marcheacute srsquoinstalle sur un champ de besoins deacutejagrave deacutefricheacutes par les œuvres soit que lrsquoassociation devient alors automatiquement lucrative raquo85 Depuis lors un tel risque nous semble ecirctre leveacute dans la mesure ougrave le laquo reacutefeacuterentiel raquo drsquoutiliteacute sociale doit deacutesormais tenir compte de la jurisprudence du Conseil drsquoEtat en matiegravere fiscale En effet lrsquoarrecirct rendu en date du 1er octobre 199986 est venu preacuteciser qursquoun organisme sans but lucratif ne concurrence une entreprise que si les services qursquoil rend sont laquo offerts en concurrence dans la mecircme zone geacuteographique drsquoattraction avec ceux proposeacutes au mecircme public par des entreprises commerciales exerccedilant une activiteacute identique raquo Il a eacuteteacute eacutegalement preacuteciseacute depuis que laquo le critegravere du public ne doit pas srsquoentendre uniquement des situations de deacutetresse physique ou morale raquo87 buts (ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie solidaire) et quant aux modes drsquoorganisation interne (notamment lucrativiteacute limiteacutee le caractegravere deacutemocratique et multipartenariale de sa direction) ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie sociale raquo J Gadrey parle plus volontiers drsquoutiliteacute sociale externe et drsquoutiliteacute sociale interne preacutec p 37 83 F Bloch-Laineacute Identifier les associations de service social RECMA 1994 ndeg251 p 61 84 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne ibidum selon L Fraisse laquo lrsquoapparition drsquoun deacutebat sur lrsquoutiliteacute sociale peut aussi srsquointerpreacuteter comme un nouveau critegravere de politique publique agrave mecircme de preacuteciser les contours et de renforcer lrsquoinstitutionnalisation des activiteacutes et lrsquoeacuteconomie solidaire raquo voir eacutegalement N Richez-Battesti Les collectiviteacutes territoriales face agrave lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale Juris Associations ndeg376 1er avril 2008 pp 17-19 85 J Gadrey preacutec p 31 86 CE 1er octobre 1999 Association Jeune France ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354 87 Instr fisc BOI 4 H-5-06 preacutec

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Par ailleurs le CNVA soulignait le caractegravere laquo eacutevolutif voire conjoncturel raquo du concept drsquoutiliteacute sociale dans la mise en œuvre drsquoune seacuterie de dix indicateurs (voir infra) Pour lrsquoessentiel G Goulard88 consideacuterait qursquoen lrsquoeacutetat actuel ce concept eacutetait laquo encore plus subjectif que les critegraveres jurisprudentiels en vigueur raquo et qursquoune telle situation laquo risqu[ait] drsquoecirctre interpreacuteteacutee dans un sens reacuteducteur deacutefavorable aux associations dont lrsquoutiliteacute nrsquoest pas sociale mais intellectuelle culturelle spirituelle politique historique eacuteconomique etc raquo Srsquoil est vrai qursquoen 1998 de tels arguments nrsquoeacutetaient pas neacutegligeables il apparaicirct que certains drsquoentre eux apparaissaient forts contestables En effet comme le souligne J Gadrey dans son rapport de 2004 laquo la subjectiviteacute de la notion drsquoutiliteacute sociale peut fort bien ecirctre compatible avec sa consolidation comme reacutefeacuterence en droit (la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral srsquoest bien imposeacutee en deacutepit drsquoun flou aussi consideacuterable) raquo En effet il convient drsquoobserver que drsquoautres notions fondamentales agrave lrsquoinstar du droit commercial sont fondeacutees sur lrsquoarbitraire comme a deacutejagrave pu le souligner le Professeur Y Guyon laquo le droit commercial nrsquoest pas une construction fondeacutee sur la raison mais une approche fondamentalement arbitraire raquo89 Ainsi poursuit J Gadrey laquo le fait que des associations qui ne font pas partie du champ de lrsquoaction sociale (au sens strict) auraient des difficulteacutes agrave faire connaicirctre leur utiliteacute sociale nrsquoa rien drsquoineacuteluctable et deacutepend de la faccedilon dont la convention drsquoutiliteacute sociale se construit sur un mode restrictif ou au contraire extensif raquo De fait il apparaicirct que le concept drsquoutiliteacute sociale deacutepend moins de notre capaciteacute agrave deacutefinir des critegraveres distinctifs que de celle favorisant lrsquoeacutemergence drsquoune convention sociopolitique (voir infra) portant sur lrsquoutiliteacute sociale (convention drsquoutiliteacute sociale) Une telle approche preacutesenterait en outre deux avantages principaux en premier lieu celui du maintien du caractegravere eacutevolutif de ce concept en second lieu celui de la reacuteciprociteacute entretenue entre les associations et les pouvoirs publics dans la construction et lrsquoacceptation du concept mecircme

88 Rapport Goulard mars 1998 89 Y Guyon Droit des affaires Economica 5egraveme eacuted 1988 agrave rapprocher de M Despax Lrsquoentreprise et le droit Bibl Dr Priv T1 Paris 1954 p34 selon lrsquoauteur laquo le droit commercial (hellip) est neacute de la pratique Ses normes sont la conseacutecration drsquousages peu agrave peu eacutetablis et non la construction de la raison de lagrave cette difficulteacute souvent eacuteprouveacutee pour les juristes agrave les expliquer raquo

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III - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE

SOCIALE (OU SOCIETALE) UNE DEMARCHE PARTAGEE

A ndash LA PROCEDURE DE RUS PRESENTE-T-ELLE ENCORE UN INTERET

Comme le suggegravere le rapport Morange90 la proposition formuleacutee par JP Decool en mai 200591 laquo meacuterite drsquoecirctre approfondie raquo En effet pour ce dernier il convient de mettre en place une proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute socieacutetale comme substitut agrave la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral jugeacutee laquo deacutesuegravete et vague raquo laquo il serait donc opportun afin de donner une nouvelle dimension au monde associatif (hellip) de redonner au citoyen toute sa place au sein de la socieacuteteacute Lui permettre de srsquoexprimer et de manifester son deacutesir de donner ou de partager des valeurs communes Ainsi peut-on envisager le rocircle de lrsquoassociation dans la socieacuteteacute raquo A ce stade il nous semble que la meacutethode preacuteconiseacutee par le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) depuis son rapport du 4 feacutevrier 198692 demeure toujours drsquoactualiteacute93 Ce dernier preacuteconisait lrsquointroduction drsquoun systegraveme de reconnaissance a priori qui permettrait aux associations reconnues drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) de lever laquo toute incertitude durant une peacuteriode deacutefinie tant que les conditions drsquoexercice de leur activiteacute au vu desquelles elles ont obtenu lrsquoagreacutement ne seraient pas modifieacutees raquo94 Selon le projet du CNVA cette reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) devait ecirctre accordeacutee non pas par le pouvoir exeacutecutif mais par une veacuteritable juridiction ou commission paritaire composeacutee de repreacutesentants des associations des administrations concerneacutees (Ministegravere de tutelle et Administration fiscale) et preacutesideacutee par un magistrat95 Celle-ci pourrait eacutegalement comprendre un certain nombre drsquoexperts qualifieacutes et issus de la socieacuteteacute civile ainsi qursquoun repreacutesentant des collectiviteacutes locales deacutecentraliseacutees96 90 Ibidum 91 JP Decool Des associations en geacuteneacuteral vers une eacutethique socieacutetale rapport au 1er ministre mai 2005 92 Voir eacutegalement les Rapports et Avis du 12 juin 1991 et 15 juin 1995 93 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit 1998 preacutec 94 CNVA Bilan de la vie associative en 1990-1991 La documentation franccedilaise Paris 1992 Rapport et avis adopteacutes en session pleacuteniegravere du CNVA le 15 juin 1995 sur laquo lrsquoutiliteacute sociale des associations et ses conseacutequences en matiegravere eacuteconomique fiscale et financiegravere raquo 95 On peut noter la proximiteacute de cette composition avec celle de la laquo Charity Commission raquo de Grande-Bretagne composeacutee de fonctionnaires dont deux doivent ecirctre des juges dont le rocircle drsquoinformation de conseil de controcircle srsquoexerce aupregraves des laquo Charities raquo auxquelles la Commission donne le label qui ouvre droit agrave des faciliteacutes fiscales et financiegraveres 96 Voir la composition du comiteacute strateacutegique des fonds de dotation creacuteeacute le 19 novembre 2008 preacutesideacute par JJ Hyest Preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat

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Les deacutecisions de cette instance pourraient faire lrsquoobjet drsquoun recours devant les juridictions compeacutetentes (ce qui aurait eu pour effet de laquo judiciariser raquo le concept drsquoutiliteacute sociale) La reconnaissance serait attribueacutee pour une dureacutee de cinq anneacutees agrave lrsquoissue drsquoun rapport drsquoaudit baseacute sur des critegraveres drsquoeacutevaluation (pour ce qui concerne lrsquoutiliteacute sociale externe) Les critegraveres drsquoeacutevaluation pourraient faire lrsquoobjet drsquoune deacutemarche partageacutee (voir infra) et contractualiseacutee avec les diffeacuterents acteurs agrave partir de critegraveres quantitatifs et qualitatifs neacutegocieacutes En effet le CNVA nrsquoa pas souhaiteacute mettre en place un systegraveme unique et isoleacute de reconnaissance drsquoune cateacutegorie particuliegravere drsquoassociations qui serait reconnue drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) agrave lrsquoinstar de ce qui a par exemple eacuteteacute conccedilu pour la reconnaissance drsquoutiliteacute publique Il preacuteconise plutocirct laquo le recours agrave de multiples dispositifs susceptibles drsquoaccorder aux associations (en tant qursquoopeacuterateurs) ou agrave leurs activiteacutes (en tant qursquoopeacuteration97) la reconnaissance et le soutien en fonction et dans le respect de la diversiteacute des speacutecificiteacutes associatives raquo Lrsquoensemble de ces speacutecificiteacutes doit pouvoir ecirctre appreacutehendeacute agrave travers un certain nombre drsquoindicateurs avec la mise en place de la technique du faisceau drsquoindices Les critegraveres deacutegageacutes98 formeraient ainsi une liste (non exhaustive) qui permettant de mieux cerner les contours de lrsquoutiliteacute sociale

- La primauteacute du projet finaliteacute de lrsquoaction associative99

- Le fonctionnement deacutemocratique - Lrsquoapport social de lrsquoassociation100 - La non-lucrativiteacute qui par essence marque la

diffeacuterence par rapport au secteur commercial - La gestion deacutesinteacuteresseacutee101 ce qui nrsquoexclut ni la

rigueur ni la transparence financiegravere - La capaciteacute agrave mobiliser la geacuteneacuterositeacute humaine

(beacuteneacutevolat) ou financiegravere (dons) - Le mixage des publics et lrsquoouverture

qui a pour mission de suivre lrsquoeacutevolution des fonds de dotation 1 repreacutesentant du MINEFI 3 magistrats 7 personnaliteacutes qualifieacutees A ce titre il pourra eacutelaborer des recommandations de bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion et faire toutes les propositions qui lui sembleront neacutecessaires pour favoriser le deacuteveloppement des fonds de dotation (Sources MINEFI 14 janvier 2009) 97 Cette solution preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre neutre sur le plan concurrentiel et vis-agrave-vis des autres opeacuterateurs eacuteconomiques 98 Le CNVA preacutecise dans son rapport du 15 juin 1995 preacutec que ces critegraveres sont laquo non exclusifs non cumulatifs et non exhaustifs les uns par rapport aux autres raquo 99 La FONDA dans un seacuteminaire en date du 17 octobre 1992 suggeacuterait et explicitait ces trois premiers critegraveres agrave partir desquels elle se fondait pour identifier les associations drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral 100 Ce critegravere ainsi que les critegraveres 6 7 et 8 relegravevent de la notion drsquoutiliteacute sociale externe qui selon nous devrait faire lrsquoobjet drsquoune contractualisation pluri annuelle dans le cadre drsquoune deacutemarche de construction et drsquoeacutevaluation partageacutee (voir infra) 101 Sur cette notion voir Instr fisc (Synthegravese) BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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- Les secteurs drsquointervention pas ou mal couverts par les autres agents eacuteconomiques ou par les collectiviteacutes publiques

- Lrsquoexistence de financements publics ou parapublics

- Lrsquoexistence drsquoun agreacutement ministeacuteriel (Ministegravere de rattachement) ou drsquoune habilitation102

La reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) pourrait ecirctre attribueacutee aux associations laquo dont les statuts le mode de fonctionnement et les modaliteacutes drsquoexercice de leur activiteacute caracteacuterisent suffisamment leur utiliteacute sociale aux yeux de cette juridiction Elle pourrait agrave lrsquoinverse ecirctre retireacutee par cette mecircme juridiction ou commission paritaire degraves lors que les conditions ayant preacutesideacute agrave son attribution ne seraient plus reacuteunies Lrsquoabsence de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre invoqueacutee pour creacuteer une preacutesomption de lucrativiteacute pour lrsquoassociation qui nrsquoen beacuteneacuteficierait pas raquo Agrave ce jour nombreux sont les acteurs srsquoeacutetant prononceacutes en faveur de lrsquoeacutelaboration drsquoune reconnaissance unique drsquoutiliteacute sociale (RUS) Nous avons vu preacuteceacutedemment que les derniers rapports ministeacuteriels et parlementaires se montrent favorables agrave la mise en œuvre drsquoune telle proceacutedure Pour MT Cheacuteroutre103 laquo lrsquoattribution drsquoune reconnaissance par les pouvoirs publics aux organismes susceptibles drsquoecirctre exoneacutereacutes apparaicirct eacuteminemment souhaitable Cette reconnaissance accordeacutee pour une dureacutee deacutetermineacutee apporterait agrave ces derniers une garantie drsquoexoneacuteration du moins aussi longtemps qursquoil ne serait pas prouveacute par lrsquoadministration qursquoils ne respectent plus les conditions pour lesquelles ils ont obtenu ladite reconnaissance raquo De son cocircteacute la FONDA104 a eacutegalement exprimeacute son souhait drsquoassurer laquo une meilleure seacutecuriteacute financiegravere aux associations relevant de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et srsquoest montreacutee laquo favorable agrave la creacuteation drsquoune RUS attribueacutee par une commission tripartite (Etat Magistrats Associations) raquo Agrave notre connaissance deux projets de loi105 ont eacuteteacute deacuteposeacutes en ce sens pour ecirctre rapidement abandonneacutes par la suite faute de reacuteelle volonteacute politique En effet comme le souligne le CNVA agrave propos de la mise en œuvre de la RUS

102 Notamment lorsque lrsquoobjet de lrsquoassociation consiste agrave reacutealiser des activiteacutes reacuteglementeacutees 103 MT Cheacuteroute Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 rapport au nom du conseil eacuteconomique et social ndeg4 JO du 1er avril 1993 104 La FONDA Pour une eacutethique des rapports entre pouvoirs publics et citoyens seacuteminaire Paris 17 octobre 1992 105 Projet de loi A Henry RTD com 192 447 en janvier 2002 ce projet avait lanceacute une vaste consultation autour du concept drsquoutiliteacute sociale dans le but de deacutelimiter les associations auxquelles seraient accordeacutees le label Proposition de loi ndeg2779 AN 1996 art 2 laquo Les associations peuvent ecirctre reconnues drsquoutiliteacute sociale agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode probatoire de fonctionnement drsquoune dureacutee au moins eacutegale agrave trois ans lorsqursquoelles satisfont cumulativement aux conditions suivantes avoir un objet social de caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique humanitaire sportif familial culturel ou drsquoaction sociale ou de mise en œuvre du patrimoine artistique ou de deacutefense de lrsquoenvironnement ou de diffusion de la culture ou de la langue franccedilaise Exercer conformeacutement agrave cet objet des activiteacutes ouvertes agrave des personnes qui lui sont exteacuterieures raquo

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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I ndash MISE EN PERSPECTIVE DES INTERACTIONS EXISTANTES ENTRE LES DIFFERENTS MODES DE RECONNAISSANCE INSTITUTIONNELLE DE LA VIE ASSOCIATIVE Les modes de reconnaissance institutionnelle de la vie associative apparaissent fortement imbriqueacutes ce qui contribue agrave les rendre difficilement compreacutehensibles du grand public En effet la pratique associative deacutemontre qursquoune grande confusion regravegne dans lrsquoesprit des beacuteneacutevoles associatifs eux mecircmes les processus de reconnaissance drsquoutiliteacute publique (A) drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (B) voire de reconnaissance (fiscale) drsquoutiliteacute sociale (C) ont tendance agrave ecirctre confondus Par ailleurs en dehors de quelques speacutecialistes combien sont-ils agrave connaicirctre pour les maicirctriser tous les avantages juridiques et fiscaux que procure chacune de ces reconnaissances Une mise en perspective juridique (syntheacutetique) des diffeacuterents modes de reconnaissance des associations devrait permettre drsquoidentifier les caracteacuteristiques et de preacutesenter les avantages proposeacutes par chacun drsquoentre eux afin drsquoidentifier les interactions existants entre ces proceacutedures A - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE PUBLIQUE (RUP) Le droit administratif a encore freacutequemment recours agrave la notion juridique drsquoutiliteacute publique (eacutetablissements drsquoutiliteacute publique expropriation drsquoutiliteacute publique etc) mecircme si cette notion est quelque peu tombeacutee en deacutesueacutetude Notre propos ne consistera pas agrave entrer dans la deacutefinition juridique administrative de la notion drsquoutiliteacute publique pour se concentrer sur ce mode de reconnaissance speacutecifiquement applicable aux associations et aux fondations En guise drsquointroduction il importe de distinguer les associations reconnues drsquoutiliteacute publique3 voire mecircme les eacutetablissements drsquoutiliteacute publique4 qui sont des personnes morales de droit priveacute avec les eacutetablissements publics personnes morales de droit public constituant des deacutemembrements de la puissance publique et relevant drsquoun ministegravere de tutelle Avec lavegravenement de la theacuteorie du service public sont eacutegalement apparues vers les anneacutees 1930 des personnes priveacutees chargeacutees de missions de service public5 Lagrave encore il convient drsquoeacuteviter tout amalgame dautant plus quil existe des eacutetablissements publics ne geacuterant pas de services publics6 3 Cass civ 5 mars 1856 DP 1856 1 p 121 S 1856 1 517 4 T confl 9 deacutec 1899 Assoc syndicale canal Gignac Rec CE 1899 p 731 S 1900 3 p 49 note M Hauriou une association peut toutefois ecirctre reconnue comme eacutetant un eacutetablissement public en raison des preacuterogatives de puissance publique qui leur sont confeacutereacutees 5 CE ass 13 mai 1938 Caisse primaire Aide et protection Rec CE 1938 p 417 DP 1939 3 p 65 concl R Latournerie note D Peacutepy RD publ 1938 p 830 concl 6 L 17 mai 1946 relative aux Charbonnages de France et aux Houillegraveres de bassin

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En matiegravere de RUP aucun texte ne deacutefinit les critegraveres drsquoutiliteacute publique lesquels reposent exclusivement sur la pratique administrative et les avis rendus par le Conseil drsquoEtat La technique requise par lrsquoAdministration a permis de deacutegager un faisceau drsquoindices exigeacute de lrsquoassociation qui sollicite la RUP

1 - Caracteacuteristiques de la RUP Il existait au 1er juin 2008 1972 associations reconnues drsquoutiliteacute publique7 (alors mecircme qursquoen 2007 on deacutenombrait 11 millions drsquoassociations8) ce qui finalement est assez peu La proceacutedure RUP figure au titre des articles 10 et 11 de la loi 1901 et 8 agrave 15 du deacutecret du 16 aoucirct 1901 Elle distingue principalement sur un plan patrimonial les associations simplement deacuteclareacutees en Preacutefecture des associations RUP puisque seules ces derniegraveres laquo peuvent recevoir des dons et des legs dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle 910 du Code civil raquo9 Lrsquoassociation simplement deacuteclareacutee est initialement reconnue par la loi du 1er juillet 1901 comme un groupement licite de personnes sans pour autant ecirctre pourvu des moyens juridiques et financiers neacutecessaires agrave la poursuite de ses objectifs10 Deux raisons principales justifient cette capaciteacute juridique restreinte en premier lieu lrsquoinfluence de la conception civiliste franccedilaise11 selon laquelle la personnaliteacute morale de lrsquoassociation ne va pas neacutecessairement de pair avec la reconnaissance de lrsquoassociation12 en qualiteacute de personne morale ce qui explique que la capaciteacute patrimoniale de cette derniegravere ait eacuteteacute drsquoembleacutee restreinte En effet lrsquoassociation est conccedilue comme laquo une convention par laquelle [des] personnes mettent en commun leurs connaissances ou leur activiteacute raquo Degraves lors la mise en commun de moyens financiers appelait plutocirct pour son auteur Waldeck Rousseau le recours agrave drsquoautres structures telles que les fondations par exemple en second lieu lrsquoempreinte du libeacuteralisme eacuteconomique dominant cette peacuteriode justifie cette crainte de voir des associations - agrave dureacutee indeacutetermineacutee ndash soustraire un patrimoine consideacuterable de la circulation des richesses

7 Reacutep Min inteacuter AN 15 juillet 2008 ndeg16885 8 V Tchernonog Les Associations en France poids profils et eacutevolutions CNRS nov 2007 9 Loi du 1er juillet 1901 art 11 10 Conseil drsquoEtat Rapport public 2000 Reacuteflexion sur les associations et la loi de 1901 cent ans apregraves La documentation franccedilaise Etudes et documents ndeg51 pp 256-257 11 JC Bardout Lrsquohistoire eacutetonnante de la loi 1901 le droit drsquoassociation en France avant et apregraves Waldeck-Rousseau Editions Juris 2001 p 175 selon JC Bardout citant la formule drsquoA Laineacute laquo les personnes morales ou civiles ne sont pas autres choses que des modaliteacutes de la vie juridique des personnes naturelles raquo

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Cette seconde raison (la hantise de la mainmorte ou de la laquo possession-morte raquo) se retrouve tregraves clairement dans les propos de Waldeck Rousseau lui-mecircme13 qui dans son projet initial envisageait drsquoailleurs que lrsquoassociation puisse disposer de certains biens14 pour atteindre son objet mais que la plupart soient apporteacutes agrave une socieacuteteacute de biens speacutecialement conccedilue agrave cet effet Cependant et comme le souligne le Conseil Economique et social (CES) dans son rapport de 199315 laquo drsquoautres thegraveses deacutefendront le droit pour une association de pouvoir posseacuteder car la proprieacuteteacute garantit agrave la fois sa permanence et la capaciteacute de reacutealiser son objet social raquo Citant P Nourrisson16 le CES rappelle qursquolaquo au point de vue social en effet nrsquoest-ce pas lrsquoassociation posseacutedant crsquoest-agrave-dire capable de poursuivre une activiteacute durable qui pourra rendre de veacuteritables services agrave la collectiviteacutehellip La liberteacute de bienfaisance que nous consideacuterons comme la liberteacute primordiale peut-elle srsquoexercer utilement si ce nrsquoest au moyen drsquoassociations posseacutedant un patrimoinehellip raquo 2 ndash Conditions et proceacutedure de la RUP A lrsquooccasion drsquoune reacuteponse ministeacuterielle publieacutee le 15 juillet 2008 au Journal Officiel17 le Ministre de lrsquointeacuterieur vient rappeler les conditions drsquoobtention de la RUP

- peacuteriode probatoire de trois ans ce deacutelai pouvant exceptionnellement ecirctre reacuteduit si leacutequilibre financier preacutevisible est assureacute - objet statutaire preacutesentant un caractegravere dinteacuterecirct geacuteneacuteral (voir infra) distinct des inteacuterecircts particuliers des membres

- rayonnement suffisant dans le champ dactiviteacute deacutepassant un simple cadre local

13 laquo Tandis que dans les socieacuteteacutes ordinaires a-t-on dit les biens appartiennent au fond aux associeacutes qui se partageront le fonds commun au moment ougrave la socieacuteteacute parviendra agrave lrsquoexpiration de sa dureacutee dans lrsquoassociation ce qui effraie crsquoest la perpeacutetuiteacute de lrsquoassociation survivant agrave ses membres distincte de tous et de chacun posseacutedant pour le compte drsquoun ecirctre de raison et arrivant par la peacuterenniteacute de son institution agrave constituer une mainmorte agrave soustraire ses biens agrave cette loi eacuteconomique fondamentale essentielle le partage la communicationhellip raquo citeacute in Rapport du Conseil Economique et social Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi 1901 ndeg4 JO 1er avril 1993 p 42 14 La loi du 1er juillet 1901 cite notamment les dons manuels les dons des eacutetablissements publics les subventions les cotisations les immeubles strictement neacutecessaires agrave lrsquoaccomplissement du but qursquoelle se propose (art 6) 15 Rapport du Conseil Economique et Social Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 preacutesenteacute par MT Cheroutre lors des seacuteances du 23 et 24 feacutevrier 1993 JO Avis et rapports du CES ndeg4 1er avril 1993 16 P Nourrisson Histoire leacutegale des congreacutegations religieuses Sirey 1992 17 Reacutep Min inteacuter AN 15 juillet 2008 preacuteciteacutee

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- nombre minimum dadheacuterents fixeacute agrave 200

- montant annuel minimum de ressources estimeacute agrave 46 000 euros provenant en majoriteacute de ressources propres et non de subventions publiques et par labsence de deacuteficit sur les trois derniers exercices

- statuts conformes aux statut-type approuveacutes par le Conseil dEtat garantissant lexistence de regravegles de fonctionnement deacutemocratique et de transparence financiegravere opposables aux membres

En outre il est indiqueacute que laquo le statut dutiliteacute publique est perccedilu par le monde associatif comme un label officiel confeacuterant une leacutegitimiteacute particuliegravere nationale voir internationale vis-agrave-vis notamment des donateurs Ce statut implique un certain nombre dobligations agrave leacutegard de la puissance publique qui dispose dun pouvoir de tutelle et de controcircle tutelle sur les statuts et le regraveglement inteacuterieur de lassociation ainsi que sur lensemble des actes de disposition (alieacutenation de biens emprunts hypothegraveques) obligation denvoi des comptes-rendus dactiviteacute et documents comptables annuels droit de visite des ministegraveres de tutelle raquo Elle est deacutelivreacutee selon la proceacutedure suivante

‐ par deacutecret du Premier Ministre ‐ apregraves instruction du Ministegravere de lrsquoInteacuterieur

‐ sur avis du Conseil drsquoEtat

Lrsquoinstruction de la demande de RUP est effectueacutee par lrsquoautoriteacute publique de faccedilon discreacutetionnaire agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode moyenne allant de 6 agrave 18 mois 3 ndash Principaux avantages de la RUP La conseacutequence essentielle de la reconnaissance dutiliteacute publique est lacquisition permanente de la laquo grande capaciteacute juridique raquo permettant notamment de recevoir des libeacuteraliteacutes (dons et legs) exoneacutereacutees des droits de mutation agrave titre gratuit18 et de deacutetenir des immeubles laquo neacutecessaires raquo agrave son activiteacute19 (agrave la diffeacuterence des associations simplement deacuteclareacutees qui doivent deacutetenir des immeubles laquo strictement neacutecessaires raquo agrave leur activiteacute en application de lrsquoarticle 6 de la loi 1901)

18 CGI art 7952deg 19 Loi 1er juillet 1901 art 11

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Pour pouvoir beacuteneacuteficier de ces exoneacuterations lrsquoassociation RUP doit non seulement remplir les critegraveres drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral deacutefinis par la doctrine administrative du Conseil drsquoEtat (voir infra) mais eacutegalement exercer une activiteacute entrant dans le champ drsquoapplication de lrsquoarticle 238 bis a du Code geacuteneacuteral des impocircts (CGI) au regard de son domaine drsquoactiviteacute (qui doit ecirctre laquo agrave caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique social humanitaire sportif familial culturel ou concourant agrave la mise en valeur du patrimoine artistique agrave la deacutefense de lenvironnement naturel ougrave agrave la diffusion de la culture de la langue et des connaissances scientifiques franccedilaises raquo) Reste agrave savoir srsquoil existe encore un inteacuterecirct agrave srsquoengager dans cette voie au regard drsquoune part de la lourdeur administrative drsquoune telle proceacutedure et drsquoautre part de la possibiliteacute pour les associations de beacuteneacuteficier des mecircmes avantages consentis par la RUP par la possibiliteacute de recourir agrave des techniques juridiques et fiscales relativement facile agrave mettre en œuvre pour contourner lrsquointerdiction de percevoir des dons (voir infra) Synthegravese RUP

‐ Pour obtenir la RUP une association doit preacutesenter un caractegravere drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au sens de lrsquoarticle 200 et 238 bis du CGI

‐ Bien que relevant de deux ministegraveres de tutelle diffeacuterents la RUP et la

RIG procegravedent sensiblement du mecircme mode drsquoanalyse agrave partir des articles preacuteciteacutes du CGI et de la doctrine du Conseil drsquoEtat

‐ En revanche nous allons voir ci-apregraves qursquoune association drsquointeacuterecirct

geacuteneacuteral ne beacuteneacuteficie pas automatiquement de la RUP (la RUP est reacuteserveacutee agrave une laquo eacutelite raquo)

B ndash LA RECONNAISSANCE DrsquoINTEREcircT GENERAL Il ne srsquoagit pas drsquoentrer dans des deacutebats sans fin concernant la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral mais au contraire de circonscrire avec preacutecision la dimension restrictive donneacutee par lrsquoAdministration fiscale de ce concept juridique 1 - Caracteacuteristiques de la RIG Comme nous lrsquoa reacutecemment preacuteciseacute le Ministre de lrsquoInteacuterieur20 laquo la notion drsquoassociation drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral est par contre une notion fiscale viseacutee dans les articles 200 et 238 bis du Code geacuteneacuteral des impocircts raquo Elle permet drsquoautoriser certains organismes agrave eacutemettre des reccedilus fiscaux au beacuteneacutefice de leurs donateurs particuliers ou entreprises

20 Reacutep min inteacuter AN 15 juillet 2008 preacutec

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Certes lrsquo laquo inteacuterecirct geacuteneacuteral raquo demeure un concept juridique difficile agrave appreacutehender21 sur le plan ideacuteologique mais au cours de la discussion de la premiegravere loi sur le meacuteceacutenat le Ministre chargeacute du budget avait preacuteciseacute que le texte laquo avait vocation agrave ecirctre entendu de faccedilon large raquo22 sur le plan fiscal Cette appreacuteciation fut par la suite reprise par son successeur dans les deacutebats ayant abouti au vote de la loi du 1er aoucirct 2003 relative au meacuteceacutenat23 laquo ce projet est de porteacutee geacuteneacuterale Ne commenccedilons pas agrave eacutenumeacuterer des groupes drsquoassociations raquo Or malgreacute ces recommandations explicites du leacutegislateur la doctrine de lrsquoadministration fiscale est demeureacutee excessivement restrictive Il reacutesulte de cette situation un certain nombre de probleacutematiques (voir infra) mais commenccedilons par eacutenumeacuterer les conditions qui preacutesident agrave la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral pour un organisme sans but lucratif 2 - Conditions et proceacutedure de la RIG Pour lrsquoAdministration fiscale un organisme preacutesente un caractegravere drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral si les conditions suivantes sont cumulativement reacuteunies24

‐ Avoir laquo un caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique social humanitaire sportif familial culturel ou concourant agrave la mise en œuvre du patrimoine artistique agrave la deacutefense de lrsquoenvironnement naturel ou agrave la diffusion de la culture de la langue et des connaissances scientifiques raquo25

‐ Avoir une gestion deacutesinteacuteresseacutee et ne pas exercer drsquoactiviteacute lucrative

de maniegravere preacutepondeacuterante26 cette condition pose en creux la question de la distinction entre activiteacute eacuteconomique et activiteacute lucrative27 au sein de laquelle le recours agrave la notion fiscale drsquoutiliteacute sociale (voir infra) apparaicirct tout agrave fait essentiel

‐ Ne pas fonctionner au profit drsquoun cercle restreint de personnes

autrement dit lrsquoassociation doit ecirctre laquo ouverte raquo28

21 Dans un compte rendu de reacuteunion du 24 janvier 2005 le Conseil drsquoOrientation de la Simplification Administrative (COSA) faisait part de ses observations quant aux mesures proposeacutees en matiegravere de seacutecurisation de la fiscaliteacute et estimait laquo qursquoil fallait proposer une deacutefinition plus claire de la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral de lrsquoarticle 200 du CGI et si possible eacutetendre le champ des activiteacutes viseacutees par lrsquoarticle 200 du CGI raquo (source rapport au premier ministre JP Decool mai 2005 p47) 22 JOAN CR Deacutebats du 23 juin 1987 2egraveme seacuteance p 3071 agrave 3076 23 Loi ndeg2003-709 du 1er aoucirct 2003 relative au meacuteceacutenat aux associations et aux fondations 24 D adm 5 B-3311 ndeg12 et s et 4 C-712 ndeg11 et s 25 CGI art 200 et 238 bis 26 Instr fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 27 C Amblard Activiteacutes eacuteconomiques et commerciales des associations Lamy Associations (Etude 246) juillet 2008 28 Reacutep min Zimmermann JO Ass nat du 10 janv 2006 p 261 ndeg72466

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Srsquoagissant de cette derniegravere condition lrsquoAdministration fiscale a tendance a adopter une position eacuteminemment restrictive au point que des associations drsquoanciens combattants29 voire mecircme drsquoanciens eacutelegraveves30 ou encore des associations de deacutefense des contribuables31 ou ayant pour objet la sauvegarde des retraites32 se sont vues refuser la RIG Par ailleurs sont reconnues comme eacutetant drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral les associations et fondations reconnues drsquoutiliteacute publique et qui exercent une activiteacute deacutecrite agrave lrsquoarticle 200 du CGI mais eacutegalement des organismes limitativement eacutenumeacutereacutes par la loi ou certaines dispositions du code geacuteneacuteral des impocircts tels que les eacutetablissements drsquoenseignement supeacuterieur33 les organismes ayant pour objet le financement des PME34 les associations cultuelles ou de bienfaisance35 ou encore les organismes ayant pour objet lrsquoorganisation de spectacles ou drsquoexposition drsquoart contemporain36hellip En ce qui concerne la proceacutedure agrave suivre il faut savoir que le beacuteneacutefice droit de du reacutegime fiscal de faveur lieacute au meacuteceacutenat (Loi laquo Aillagon raquo du 1er aoucirct 2003) nrsquoest pas lieacute agrave un agreacutement preacutealable de lrsquoAdministration fiscale En drsquoautres termes toute association peut deacutelivrer des reccedilus fiscaux37 aux donateurs le controcircle des services fiscaux eacutetant susceptible drsquointervenir a posteriori Neacuteanmoins il est possible drsquointerroger lrsquoAdministration fiscale a priori pour seacutecuriser lrsquoopeacuteration (proceacutedure de rescrit) lrsquoabsence de reacuteponse de la part de cette derniegravere agrave lrsquoissue drsquoun deacutelai de six mois valant reacuteponse positive pour la situation deacutecrite38 3 - Principaux avantages de la RIG Ils sont drsquoordres juridiques et fiscaux

‐ Sur le plan juridique

bull Le reacutegime du meacuteceacutenat permet aux associations non reconnues drsquoutiliteacute publique drsquoaccroicirctre leur capaciteacute juridique et ainsi de beacuteneacuteficier de dons autres que les dons manuels

‐ Sur le plan fiscal

bull Pour lrsquoassociation ou lrsquoorganisme sans but lucratif beacuteneacuteficiaire

29 Reacutep Reitzer AN 27 juillet 2004 p 5810 ndeg38660 30 CE 7 feacutevrier 2007 ndeg287949 RJF 407 ndeg386 31 Reacutep Blum AN 30 novembre 2004 p 9432 ndeg2499 32 Reacutep Deprez AN 20 juin 2006 p 6564 ndeg90872 33 Loi 2007-1199 du 10 aoucirct 2007 art 38 34 CGI art 238 bis-4 35 CGI art 200 1-e D adm 5 B-3311 ndeg54 36 Reacutep min culture et communication Girard AN 10 feacutevrier 2004 p 1025 ndeg30957 instruction fiscale du 9 deacutecembre 2008 5 B-19-08 37 Arrecircteacute du 28 juin 2008 JORF ndeg0150 du 28 juin 2008 page 10396 38 Instr fisc BOI 13 L-5-04 du 19 octobre 2004

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‐ Les ressources tireacutees du meacuteceacutenat nrsquoentrent pas dans le champ drsquoapplication de la TVA de lrsquoimpocirct sur les socieacuteteacutes ou de la taxe professionnelle

‐ Les dons sont en outre exoneacutereacutes de droit

drsquoenregistrement39 au mecircme titre que les associations et fondations RUP (voir supra)

bull Pour les meacutecegravenes (particuliers ou entreprises)

‐ Particuliers reacuteduction drsquoimpocircts sur le revenu eacutequivalente agrave 66 de la valeur du don dans la limite de 20 du revenu annuel (amendement laquo Coluche raquo 75 dans la limite forfaitaire de 495 euro pour les associations drsquoaide aux personnes en difficulteacute en 200840)

‐ Entreprises reacuteduction drsquoimpocircts sur les socieacuteteacutes

eacutequivalente agrave 60 de la valeur du don dans la limite de 05 du CA de lrsquoentreprise (outre contreparties institutionnelles telles que le droit pour lrsquoentreprise de beacuteneacuteficier de la qualiteacute de membre de lrsquoassociation ou drsquoimage41 dans la limite de 25 de la valeur du don42)

Synthegravese de la RIG ‐ Compte tenu du caractegravere relativement flou de la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (lrsquoarticle 200 du CGI se contentant drsquoeacutenumeacuterer des secteurs drsquoactiviteacutes) lrsquoAdministration fiscale dispose finalement drsquoun large pouvoir drsquoappreacuteciation en matiegravere de deacutefinition des contours de la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral sous reacuteserve de la doctrine du Conseil drsquoEtat ‐ La proceacutedure de RIG ouvre la capaciteacute juridique des associations simplement deacuteclareacutees (dons sous forme de meacuteceacutenat) sans que ces derniegraveres ne puissent toutefois preacutetendre agrave la laquo grande capaciteacute juridique raquo dont beacuteneacuteficient les associations RUP (legs deacutetention de biens immobiliers) ‐ Le beacuteneacutefice des avantages fiscaux offerts par la RIG deacutependent de la non lucrativiteacute des activiteacutes de lrsquoassociation ce qui suppose ou que lrsquoassociation nrsquoexerce aucune activiteacute lucrative (cas des associations dont les ressources se composent uniquement de cotisations ou de subventions par exemple) ou que lrsquoassociation exerce des activiteacutes eacuteconomiques reconnues comme eacutetant drsquoutiliteacute sociale par lrsquoAdministration fiscale (voir infra les critegraveres fiscaux de la laquo reconnaissance drsquoutiliteacute sociale raquo)

39 CGI art 757 al 3 40 Loi 2007-1822 du 24 deacutecembre 2007 art 2 I 41 CGI art 238 bis 1 a 42 Instr fisc 4 C-2-00 ndeg5 agrave 7

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C ndash LA RECONNAISSANCE (FISCALE) DrsquoUTILITE SOCIALE Il nrsquoexiste pas de proceacutedure de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (RUS) agrave proprement parler crsquoest-agrave-dire ouvrant droit pour les associations agrave des avantages particuliers agrave llsquoinstar de la RUP ou de la RIG Tout au plus cette notion juridique rencontre deux modes drsquoapplication concregravete dans notre droit interne (1) que nous allons preacutesenter en guise drsquoillustration Nous verrons ainsi comment la meacutethodologie retenue par lrsquoAdministration fiscale agit comme une forme de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale preacutealable indispensable au maintien du caractegravere non lucratif de lrsquoassociation (2) 1 ndash Utiliteacute sociale deux exemples drsquoapplication concregravete Le premier exemple drsquoapplication concerne les socieacuteteacutes coopeacuteratives drsquointeacuterecircts collectifs (SCIC) instaureacutees par lrsquoarticle 36 de la loi 2001-624 du 17 juillet 2001 et lrsquoarticle 19 de la loi 47-1775 du 10 septembre 1947 Cet exemple peut apparaicirctre a priori eacuteloigneacute de notre preacutesentation sauf qursquoen autorisant la transformation des associations en SCIC nous verrons que ce dispositif leacutegislatif contribue agrave eacutelargir la capaciteacute juridique de ces derniegraveres tout en opeacuterant un rapprochement avec la notion drsquoutiliteacute sociale (11) Le second exemple drsquoapplication concregravete concerne la meacutethodologie retenue par lrsquoAdministration fiscale ndash encore elle ndash depuis lrsquoinstruction fiscale BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 199843 pour accorder aux associations (fiscalement) laquo reconnues drsquoutiliteacute sociale raquo la capaciteacute drsquoexercer des activiteacutes eacuteconomiques non assujetties aux impocircts commerciaux (12) 11 - Une premiegravere utilisation concregravete de la notion drsquoutiliteacute sociale le statut de SCIC Les Socieacuteteacutes Coopeacuteratives drsquoInteacuterecirct Collectifs (SCIC) socieacuteteacutes coopeacuteratives sous la forme de SA ou de SARL (hellip) ont pour objectif laquo la production ou la fourniture de biens et de services drsquointeacuterecirct collectif qui preacutesentent un caractegravere drsquoutiliteacute sociale raquo La proceacutedure drsquohabilitation relegraveve de la compeacutetence preacutefectorale Ce nouveau statut juridique a eacuteteacute creacuteeacute pour reacutepondre aux attentes des acteurs de lrsquoEconomie sociale et solidaire crsquoest-agrave-dire de disposer drsquoun cadre drsquoentreprise adapteacute au deacuteveloppement entrepreneurial tout en prenant en compte la dimension eacutethique des activiteacutes qui relegravevent de cette Economie

43 Reprise par lrsquoinstruction fiscale de synthegravese BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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Pour le Secreacutetaire drsquoEtat agrave lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire laquo la SCIC doit ecirctre comprise comme le chaicircnon manquant entre lrsquoassociation et la coopeacuterative avec la possibiliteacute drsquointeacutegrer de nouveaux partenaires raquo (F Morin conseiller technique du cabinet de G Hascoeumlt) 44 Du cocircteacute de lrsquoEtat pour le Ministegravere de lrsquoemploi et le secreacutetariat agrave lrsquoeacuteconomie solidaire laquo cette nouvelle structure doit deacuteboucher sur la creacuteation drsquoemplois en plus de ceux occupeacutes aujourdrsquohui dans lrsquoentreprise drsquoinsertion qui restera pour lrsquoinstant en lrsquoeacutetat raquo

12 ndash Une deuxiegraveme utilisation concregravete de la notion drsquoutiliteacute sociale la reconnaissance de la non lucrativiteacute des activiteacutes eacuteconomiques reacutealiseacutees par les associations non assujetties aux impocircts commerciaux Depuis lrsquoinstruction fiscale BOI 4 h-5-98 du 15 septembre 1998 pour lrsquoAdministration fiscale il est deacutesormais laquo leacutegitime quun organisme non lucratif deacutegage dans le cadre de son activiteacute des exceacutedents reflet dune gestion saine et prudente Cependant lorganisme ne doit pas les accumuler dans le but de les placer Les exceacutedents reacutealiseacutes voire temporairement accumuleacutes doivent ecirctre destineacutes agrave faire face agrave des besoins ulteacuterieurs ou agrave des projets entrant dans le champ de son objet non lucratif raquo Parallegravelement lrsquoinstruction fiscale consacrait le principe de non assujettissement des associations et organismes sans but lucratif aux impocircts commerciaux Il convenait donc de clarifier une situation confuse compte tenu de lrsquoeacutevolution du monde associatif notamment au regard de la pleine et entiegravere capaciteacute juridique des associations (simplement deacuteclareacutees) en matiegravere drsquoexercice drsquoactiviteacutes eacuteconomiques ou commerciales45 Crsquoest dans ce cadre que lrsquoAdministration fiscale a eacuteteacute ameneacutee agrave proposer une laquo grille de lecture raquo concernant lrsquoexercice de ce type drsquoactiviteacutes eacutetant entendu que si lrsquoassociation adopte des comportements identiques agrave ceux des entreprises commerciales sur un mecircme marcheacute le principe de non assujettissement ne pouvant ecirctre maintenu celle-ci recouvrait immeacutediatement son statut drsquoentreprise assujettie aux impocircts commerciaux Pour savoir si une association exerce son activiteacute dans des conditions similaires agrave celle drsquoune entreprise et si de ce fait elle doit ecirctre soumise aux impocircts commerciaux lrsquoAdministration fiscale preacuteconise une analyse en plusieurs eacutetapes

minus Etape 1 la gestion de lrsquoorganisme est-elle deacutesinteacuteresseacutee (les

dirigeants ne peuvent reacutemuneacutereacutes (sauf cas deacuterogatoires limitativement eacutenumeacutereacutes) les beacuteneacutefices et le patrimoine de lrsquoassociation ne peuvent ecirctre attribueacutes aux membres)

44 C Amblard SCIC un nouvel outil pour lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Revue Le Tout Lyon 2001 45 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit Universiteacute Versailles ndash St Quentin 1998 (410 pages) C Amblard Lrsquoentreprise associative Editions territoriales 2006 C Amblard Activiteacutes eacuteconomiques et commerciales des associations Lamy Associations Etude 246 preacutec

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‐ Etape 2 lrsquoorganisme concurrence-t-il une entreprise ‐ Etape 3 lrsquoorganisme exerce-t-il son activiteacute dans des conditions

similaires agrave celles drsquoune entreprise (analyse par application de la regravegle des quatre laquo P raquo les indices eacutetant classeacutes par ordre deacutecroissant drsquoimportance) bull Le laquo produit raquo proposeacute bull Le laquo public raquo beacuteneacuteficiaire bull Les laquo prix raquo pratiqueacutes bull La laquo publiciteacute raquo reacutealiseacutee

Srsquoagissant plus particuliegraverement des deux premiers critegraveres (laquo Produit raquo et laquo Public raquo) il convient de souligner que lrsquoinstruction fiscale procegravede agrave leur laquo reacuteunification raquo sous le vocable drsquo laquo utiliteacute sociale raquo En drsquoautres termes il y a bien reconnaissance drsquoutiliteacute sociale lorsque lrsquoassociation

‐ intervient dans un domaine ougrave les besoins sont insuffisamment couverts par le secteur lucratif ‐ ou46 srsquoadresse agrave un public qui ne peut normalement acceacuteder aux services du secteur concurrentiel

La recherche de lrsquoutiliteacute sociale conduit donc agrave mettre en correacutelation le produit et le service fourni par lrsquoassociation avec le public viseacute En effet une attention toute particuliegravere est attacheacutee agrave ces critegraveres et agrave lrsquoaffectation des exceacutedents pour deacuteterminer si lrsquoassociation exerce ou non une activiteacute suivant des modaliteacutes similaires agrave celles utiliseacutees par une entreprise

- Le produit est drsquoutiliteacute sociale laquo lrsquoactiviteacute qui tend agrave satisfaire un besoin qui nrsquoest pas pris en compte par le marcheacute ou qui lrsquoest de faccedilon peu satisfaisante raquo

- Le public sont susceptibles drsquoecirctre drsquoutiliteacute sociale laquo les actes

payant reacutealiseacutes principalement au profit de personnes justifiant lrsquooctroi drsquoavantages particuliers au vue de leur situation eacuteconomique sociale ou humaine (chocircmeurs personnes handicapeacutees notammenthellip) Ce critegravere ne doit pas srsquoentendre seulement agrave des situations de deacutetresse physique ou morale raquo

46 Le critegravere alternatif des deux eacuteleacutements produit et public a eacuteteacute affirmeacute par la jurisprudence CE 3 deacutecembre 1999 ndeg 133291 RJF 100 ndeg 35

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2 ndash Lrsquoapproche (fiscale) de la notion drsquoutiliteacute sociale un rocircle preacutepondeacuterant dans les proceacutedures de reconnaissance du secteur associatif Nous avons vu preacuteceacutedemment que

‐ La RUP suppose que lrsquoassociation exerce des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au sens de lrsquoarticle 200 et 238 bis du CGI ‐ La RIG commande pour les associations eacutevoluant dans la sphegravere eacuteconomique que ces derniegraveres exercent agrave titre preacutepondeacuterant des activiteacutes non lucratives ce qui suppose drsquoecirctre reconnues par lrsquoAdministration fiscale comme eacutetant drsquoutiliteacute sociale

Il existe bien par conseacutequent des interactions entre les diffeacuterents modes de reconnaissance et lrsquoapproche fiscale de la notion drsquoutiliteacute sociale Bien plus en insistant sur lrsquoimportance deacutecroissante des critegraveres retenus par la regravegle des 4 laquo P raquo lrsquoAdministration fiscale amplifie le rocircle joueacute par les deux premiers critegraveres (laquo Produit raquo et laquo Public raquo) et par conseacutequent lrsquoinfluence de cette notion au sein des modes de reconnaissance de la vie associative Autre eacuteleacutement important agrave ce stade de la reacuteflexion le rocircle non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat ou les autres administrations dans la laquo reconnaissance raquo drsquoutiliteacute sociale des associations en effet lrsquoinstruction fiscale47 preacutecise explicitement que ce type drsquoagreacutement laquo nrsquoest qursquoun eacuteleacutement parmi drsquoautres de lrsquoappreacuteciation de son utiliteacute sociale raquo Neacuteanmoins lrsquoinstruction preacutecise que laquo srsquoils prennent en compte la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y ait fait face ces agreacutements peuvent contribuer agrave lrsquoappreacuteciation de lrsquoutiliteacute sociale raquo Mais dans tous les cas lrsquoAdministration fiscale considegravere qursquolaquo ils ne sont ni neacutecessaires ni suffisants pour eacutetablir le caractegravere drsquoutiliteacute sociale de lrsquoassociation raquo Synthegravese de la RUS ‐ La notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale ouvre la capaciteacute des associations agrave intervenir dans la sphegravere eacuteconomique tout en preacuteservant leur statut drsquoorganismes sans but lucratif non soumis aux impocircts commerciaux ‐ In fine cette notion constitue un preacutealable indispensable agrave la mise en œuvre de la RIG (absence drsquoactiviteacute lucrative) et exerce une influence non neacutegligeable dans le mode de deacutelivrance de la RUP (reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et neacutecessiteacute de disposer de ressources suffisantes hors financement public) ‐ En lrsquoeacutetat actuel la reconnaissance (fiscale) drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre assimileacutee agrave une proceacutedure de reconnaissance institutionnelle de type RUP

47 Instr fisc 4 H-5-06 preacuteciteacutee ndeg63

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ou RIG instaureacutee par le leacutegislateur neacuteanmoins elle donne lieu agrave une appreacuteciation souveraine de lrsquoadministration fiscale dans le cadre de la proceacutedure de rescrit fiscal applicable depuis lrsquoinstruction fiscale preacuteciteacutee du 15 septembre 1998 En effet la reacuteponse du correspondant associations au questionnaire visant agrave deacuteterminer le reacutegime fiscal applicable au regard des impocircts vaut prise de position formelle de lrsquoadministration au sens de lrsquoarticle L 80 B du Livre des proceacutedures fiscales (opposabiliteacute) ‐ Telle que preacutevue par lrsquoinstruction fiscale du 18 deacutecembre 2006 preacuteciteacutee la notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale donne encore lieu agrave une appreacuteciation discreacutetionnaire et unilateacuterale de lrsquoadministration fiscale (sous reacuteserve du controcircle juridictionnel administratif)

bull Concernant lrsquoappreacuteciation discreacutetionnaire elle ressort drsquoune part de la dimension reacuteductrice des critegraveres retenus par lrsquoadministration fiscale48 et drsquoautre part de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation49 objective crsquoest-agrave-dire reposant sur lrsquoexistence de reacutefeacuterentiels qualitatifs et quantitatifs admis et partageacutes par tous50

bull Concernant lrsquoappreacuteciation unilateacuterale elle est induite par le caractegravere non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat (Ministegravere de tutelle) ou toute autre Administration y compris lorsque ces proceacutedures drsquoagreacutement preacutevoient des critegraveres permettant la prise en compte de la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y est fait face51 Or comme le soulignait deacutejagrave en 1993 MT

48 Lrsquoanalyse de la deacutecision rendue par lrsquoarrecirct Jeune France du 1er octobre 1999 (CE 1101999 ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354) permet eacutegalement de souligner la dimension neacutegative donneacutee agrave ces critegraveres dans la mesure ougrave ils servent agrave appreacutecier la speacutecificiteacute des associations et autres organismes sans but lucratif essentiellement au regard de regravegles de la concurrence 49 F Rousseau Lrsquoeacutevaluation laquo regravegle du jeu raquo entre associations et pouvoirs publics Juris Associations 1er avril 2008 ndeg376 p 16 et 17 lrsquoauteur souligne qursquoil convient de retenir laquo la diffeacuterence essentielle entre drsquoune part lrsquoeacutevaluation des activiteacutes associatives selon une logique drsquoeacutevaluation des politiques et drsquoautre part la deacutemarche de coconstruction drsquoune meacutethodologie drsquoeacutevaluation qui associe[rait[ les acteurs locaux (eacutelus techniciens militants associatifs chercheurs etc raquo 50 A souligner les nombreux travaux sur ces questions (liste non exhaustive) laquo Economie sociale et solidaire en reacutegion raquo (programme de recherche coordonneacute par la DIES et la Mire entre 2001 et 2003) P VIVERET Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 J GADREY 2003 Lrsquoutiliteacute sociale et organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE version provisoire 133 pages Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREE du 11 janvier 2005 La reconfiguration de lrsquoaction publique entre lrsquoEtat associations et participation citoyenne X ENGELS (Dir) M HELY A PERRIN H TROUVE De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne LrsquoHarmattan 2006 Guide meacutethodologique Fonda Rhocircne-Alpes (reacutealiseacute avec le concours de la Reacutegion Rhocircne-Alpes) Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective 2006 H TROUVE Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale de son activiteacute 124 pages wwwaviseorg Seacuteminaire Avise Evaluer lrsquoutiliteacute sociale deacutemarche meacutethodologie expeacuteriences Paris 6 deacutecembre 2007 51 Ibidum

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Cheroutre52 lors de sa preacutesentation du rapport du Conseil Economique et social laquo lrsquooctroi drsquoun agreacutement ou drsquoune habilitation est la marque de reconnaissance par les pouvoirs publics de la fonction remplie par lrsquoassociation ce qui implique des controcircles et drsquoeacuteventuels retraits si le contrat nrsquoest pas rempli raquo53

‐ Dans ces conditions et compte tenu des arguments qui preacutecegravedent il y a lieu de srsquointerroger sur la neacutecessiteacute drsquoune simplification des proceacutedures de reconnaissance de la vie associative (II) De faccedilon plus cruciale encore des questions se posent quant agrave la capaciteacute des acteurs agrave laquo coconstruire raquo leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation dans le cadre drsquoune deacutemarche partageacutee A ce propos nous assistons drsquoailleurs agrave un deacuteplacement du deacutebat national vers un cadre de reacuteflexion engageacute par les instances communautaires en matiegravere de transposition de la directive laquo services raquo et de deacutefinition de service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) II ndash VERS UNE SIMPLIFICATION DES MODES DE RECONNAISSANCE

A - La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) une utiliteacute

Dans une eacutetude adopteacutee le 25 octobre 2000 par la section du rapport et des eacutetudes du Conseil drsquoEtat54 il est rappeleacute qursquo laquo il nrsquoest pas aujourdrsquohui drsquoavantage patrimonial ou fiscal qui soit reacuteserveacute aux seules associations reconnues drsquoutiliteacute publique Il nrsquoy aurait donc pas drsquointeacuterecirct pour une association agrave ecirctre reconnue raquo En effet la plupart des associations simplement deacuteclareacutees perccediloivent des dons manuels55 ou encore sont en capaciteacute de beacuteneacuteficier de ce type de ressources sans aucune limitation soit directement sous la forme de meacuteceacutenat56 (dons uniquement) soit indirectement par la creacuteation drsquoun fonds de dotation57 ou en srsquoaffiliant agrave une union ou un organisme drsquoutiliteacute publique (dons et legs)58 52 Ibidum 53 La loi de finances rectificative pour 2008 (Loi ndeg2008-1443 du 30 deacutecembre 2008) a pris plusieurs mesures en vue de renforcer la seacutecuriteacute juridique des contribuables Lrsquoarticle 50 de la loi de finances rectificative pour 2008 creacuteeacute ainsi un recours devant lrsquoadministration pour les deacutecisions formelles prises en vertu des articles L80 B 1deg agrave 6deg et 8deg et L80 C du Livre des proceacutedures fiscales (LPF) applicable aux demandes deacuteposeacutees agrave partir du 1er juillet 2009 54 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique La documentation franccedilaise 2000 p15 55 Cass com 5 octobre 2004 ndeg03-15709 Bull civ IV ndeg178 56 Loi Aillagon du 1er aoucirct 2003 57 C Amblard Fonds de dotation encore du nouveau sur le front du meacuteceacutenat preacutec 58 Loi 1er juillet 1901 art 6 al1

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Degraves lors crsquoest tout naturellement et sans ambiguiumlteacute que le Conseil drsquoEtat srsquoest poseacute la question suivante laquo faut-il supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo (pour une meilleure lisibiliteacute de lrsquoaction associative et une simplification des proceacutedures de reconnaissance) Une telle proposition nrsquoa toutefois pas eacuteteacute retenue par lrsquoeacutetude des statistiques du Ministegravere de lrsquoInteacuterieur laquo il semble qursquoen deacutepit de la faiblesse des avantages qursquoelles peuvent en retirer et des contraintes que cela engendre pour elles des associations continuent chaque anneacutee de solliciter la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo Quelles peuvent-elles ecirctre les motivations des associations qui souhaiteraient beacuteneacuteficier de cette forme de reconnaissance Dans son rapport public de 200059 le Conseil drsquoEtat souligne avant tout laquo la force symboliques que srsquoaccordent agrave y voir les repreacutesentants du monde associatif raquo En effet il ressort que ceux-ci sont avant tout laquo agrave la recherche drsquoun label raquo60 La RUP laquo fait en quelque sorte agrave leurs yeux figure de label officiel qui consacre la leacutegitimiteacute de lrsquoassociation qui en beacuteneacuteficie et qui sanctionne la qualiteacute des actions qursquoelle megravene raquo Ainsi laquo [il] est un signe pour leurs partenaires et une garantie pour eux raquo Cependant le Conseil drsquoEtat croit bon attirer notre attention sur le fait que laquo cette force symbolique de la RUP nrsquoest toutefois pas deacutenueacutee drsquoeffets pratiques puisqursquoil apparaicirct que de 1991 agrave 1996 les associations et les fondations drsquoutiliteacute publique ont reccedilu 84 des dons deacuteclareacutes par les contribuables Pour les associations qui font appel agrave la geacuteneacuterositeacute publique la RUP vaut garantie que les sommes collecteacutees ne feront pas en principe lrsquoobjet drsquoune utilisation abusive ou frauduleuse raquo Cette garantie existe-t-elle vraiment srsquoagissant des associations RUP Preacuteciseacutement pour le Conseil drsquoEtat laquo cela peut paraicirctre paradoxal de rechercher le controcircle de lrsquoEtat pour pouvoir ensuite souligner qursquoelles srsquoy sont soumises et offrent donc toutes les garanties de bon fonctionnement raquo drsquoautant plus que pour lui laquo le controcircle de lrsquoEtat (hellip) est insuffisant raquo Crsquoest ainsi que dans son dernier rapport sur les associations RUP datant de 200061 ce dernier preacuteconisait dans ses conclusions laquo drsquointroduire dans la loi du 1er juillet 1901 (ou agrave lrsquoarticle L612-4 du Code de commerce) lrsquoobligation pour toute association reconnue drsquoutiliteacute publique drsquoavoir recours agrave un commissaire aux comptes dans les conditions preacutevues aux articles L 225-218 et suivants du Code de commerce raquo

59 Conseil drsquoEtat Les associations et la loi de 1901 cent ans apregraves Rapport public 2000 La documentation franccedilaise Etudes et Documents ndeg51 p307 60 Conseil drsquoEtat Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec 61 Ibidum

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Or agrave ce jour force est de constater qursquoaucune reacuteforme nrsquoest intervenue en ce sens En effet il nrsquoexiste ni dans la loi du 1er juillet 1901 ni dans les statuts-types des associations RUP ni mecircme dans aucun dispositif leacutegislatif speacutecifique ndash en dehors du dispositif applicable en matiegravere drsquoappel agrave la geacuteneacuterositeacute publique62 - drsquoobligation imposant la preacutesence drsquoun commissaire aux comptes au sein des associations RUP Aussi et toujours pour le Conseil drsquoEtat laquo srsquoil nrsquoy a donc pas de motif deacuteterminant de supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique il convient de reacutefleacutechir aux ameacuteliorations pouvant ecirctre apporteacutees agrave son reacutegime drsquoutiliteacute publique et aux reacutegimes voisins raquo En tout eacutetat de cause la pertinence du maintien de la RUP se pose si lrsquoon en juge les reacutesultats de deux rapports ministeacuteriels reacutecents sur cette question en effet pour le rapport Morange63 laquo les avantages mateacuteriels de la RUP sont deacutesormais drsquoune porteacutee quasi theacuteorique raquo Quant agrave lrsquoavantage moral de la RUP pour le deacuteputeacute P Morange il demeure laquo important mais il ne justifie pas la lourdeur de la proceacutedure raquo Le rapport Langlais64 parle lui de laquo proceacutedure eacutelitiste raquo qui laquo nrsquoa pas su srsquoadapter aux eacutevolutions de la socieacuteteacute raquo Pourquoi degraves lors vouloir absolument maintenir un systegraveme de reconnaissance qui agrave notre avis pose deux probleacutematiques majeures

‐ La premiegravere probleacutematique porte sur la capaciteacute patrimoniale des associations qui preacuteciseacutement ne beacuteneacuteficient pas de cette forme de reconnaissance en effet est-il toujours leacutegitime que pregraves drsquoun million de structures associatives disposent par contrecoup drsquoune capaciteacute juridique reacuteduite Deacutejagrave en 1993 agrave propos de la capaciteacute patrimoniale des associations simplement deacuteclareacutees le Conseil Economique et social65 soulignait que laquo le contexte drsquoaujourdrsquohui eacutelargissant les missions de nombreuses associations met davantage lrsquoaccent sur les enjeux eacuteconomiques et sociaux qui leur demandent de mobiliser agrave la fois des moyens eacuteconomiques financiers et humains On peut donc agrave juste titre se demander si les carcans drsquoune autre eacutepoque ne pourraient ecirctre leveacutes raquo Les choses ont peu eacutevolueacute depuis au deacutetriment drsquoun secteur associatif dont lrsquoessentiel de ses forces vives consacre une bonne partie de leur temps et de leur eacutenergie agrave rechercher des

62 Loi ndeg91-772 du 7 aoucirct 1991 art 3 et encore il convient de noter que lrsquointervention du commissaire aux comptes ne srsquoimpose que pour les associations ayant nommeacute un commissaire aux comptes pour drsquoautres motifs Anteacuterieurement le compte emploi des ressources (CER) constituait un document autonome agrave deacuteposer au siegravege de lrsquoassociation et agrave tenir agrave disposition des adheacuterents En cas de controcircle par un commissaire aux comptes ce dernier eacutetait tenu drsquoeacutetablir une attestation Depuis le 1er janvier 2006 le CER est devenu un eacuteleacutement annexe aux comptes Lrsquoattestation du commissaire aux comptes nrsquoa donc plus lieu drsquoecirctre (cf Meacutemento pratique F Lefebvre Associations 2008-2009 ndeg71400 p976) 63 P Morange Rapport drsquoinformation sur la gouvernance et le financement des structures associatives ndeg134 assembleacutee nationale 1er octobre 2008 p41 et 42 64 JL Langlais Pour un partenariat renouveleacute entre lrsquoEtat et les associations rapport ministeacuteriel juin 2008 p 26 65 Ibidum p 82

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financements Sur ce point il convient de noter les propositions drsquoeacutevolutions importantes figurant dans le rapport Morange lequel suggegravere aux associations simplement deacuteclareacutees de beacuteneacuteficier de la capaciteacute juridique de recevoir des dons ‐ La seconde probleacutematique renvoit directement aux besoins exprimeacutes en matiegravere de simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif en effet le rapport Langlais66 souligne agrave juste titre que laquo la principale source de complexiteacute tient agrave lrsquoeacuteclatement des modes de reconnaissance du fait associatif par la puissance publique La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) existe toujours elle nrsquoa pas varieacute depuis un siegravecle (hellip) elle est de plus en plus concurrenceacutee par drsquoautres formes de reconnaissance et certains nrsquoheacutesitent pas agrave la consideacuterer comme deacutemodeacutee voire obsolegravete La reconnaissance drsquoutiliteacute publique est accordeacutee sans limitation de dureacutee et il existe probablement comme pour les associations deacuteclareacutees mais en beaucoup plus faible proportion des ARUP qui figurent toujours dans les chiffres officiels bien qursquoelles nrsquoaient plus drsquoexistence reacuteelle raquo De son cocircteacute le deacuteputeacute P Morange propose de deacutelivrer la RUP pour une dureacutee deacutesormais limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans

Il convient par conseacutequent drsquoenvisager une simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif drsquoautant plus que sont apparus agrave cocircteacute de la RUP de nombreuses autres formes de reconnaissance plus ou moins officielle tels que les agreacutements ou les labels priveacutes (Comiteacute de la Charte voire mecircme la proposition de labellisation AFNOR) Nous verrons infra que ce processus de simplification doit ecirctre lrsquooccasion drsquoun dialogue renouveleacute entre les acteurs du monde associatif et les pouvoirs publics en vue de la mise en œuvre drsquoune deacutemarche partageacutee

66 Ibidum

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B - LA SIMPLIFICATION DES PROCESSUS DE RECONNAISSANCE VERS UNE RECONNAISSANCE UNIQUE DrsquoUTILITE SOCIALE

1 ndash Les propositions reacutecemment formuleacutees par les rapports Langlais et Morange de 2008

Sur ce point les deux rapports srsquoaccordent pour distinguer trois types drsquoassociations

11 - Les associations deacuteclareacutees

Pour JL Langlais il srsquoagirait de reconnaicirctre la capaciteacute creacuteatrice de ces associations locales par lrsquooctroi de subventions symboliques et uniquement deacutelivreacutees par les collectiviteacutes territoriales correspondant agrave leur aire drsquoinfluence P Morange propose quant agrave lui drsquoouvrir la capaciteacute juridique de ces laquo petites raquo associations en leur permettant de percevoir des dons (autres que manuels) et de les soumettre aux controcircles drsquoun commissaire aux comptes et aux controcircles meneacutes par les services deacuteconcentreacutes degraves lors qursquoelles beacuteneacuteficieraient de subventions publiques

12 - Les associations reconnues drsquoutiliteacute sociale ou

drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

Pour JL Langlais ces associations pourraient beacuteneacuteficier drsquoune reconnaissance drsquointeacuterecirct laquo social ou geacuteneacuteral raquo

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce sont en gros les 4 conditions

requises pour lrsquoobtention de lrsquoagreacutement fiscal (cf supra) Drsquoailleurs il est proposeacute que cet agreacutement soit deacutecerneacute par lrsquoAdministration fiscale Une condition suppleacutementaire pourrait ecirctre poseacutee relative au beacuteneacutevolat sans neacutecessairement fixer de seuil a priori on devrait exiger que le beacuteneacutevolat soit nettement preacutepondeacuterant dans le fonctionnement de lrsquoassociation

Avantages consentis possibiliteacute de recevoir des subventions y

compris des subventions de fonctionnement capaciteacute agrave recevoir des dons (nrsquoexceacutedant pas un certain montant) agrave faire beacuteneacuteficier aux donateurs de lrsquoexoneacuteration fiscale au taux de droit commun

Obligations ecirctre agrave jour de leurs obligations deacuteclaratives

obligation de justifier lrsquoemploi des fonds reccedilus de deacuteposer leurs comptes en Preacutefecture de se soumettre aux controcircles aleacuteatoires ou programmeacutes de la puissance publique certification obligatoire des comptes au-delagrave de 153 000 euro de financement annuel

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Pour P Morange laquo cette cateacutegorie recouvre les associations subventionneacutees ou qui beacuteneacuteficient drsquoavantages fiscaux et oeuvrent au service de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo Selon lui laquo il serait envisageable comme en Grande Bretagne drsquoeacutetablir des listes de secteurs dans lesquels ces associations interviennent et de les soumettre agrave un certain nombre drsquoobligations en srsquoinspirant par exemple de la pratique fiscale (voir supra) Ainsi lrsquoassociation devrait poursuivre un but drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral ecirctre soumise agrave un controcircle financier et une eacutevaluation reacuteguliegravere au niveau deacutecentraliseacute raquo Enfin laquo lrsquoassociation devrait se doter drsquoun commissaire aux comptes raquo

13 Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique Pour JL Langlais seules les associations qui se consacrent exclusivement agrave des actions drsquoassistance ou de bienfaisance pourraient beacuteneacuteficier drsquoune RUP

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce seraient les mecircmes que pour la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral mais avec 3 nuances - toute lrsquoactiviteacute doit ecirctre tendue vers lrsquoobjet social - un degreacute plus eacuteleveacute de professionnalisation (et donc de salariat) serait acceptable - mais un moindre degreacute drsquoouverture exigeacute (une association pourrait ecirctre reconnue drsquoutiliteacute publique alors qursquoelle fonctionne au beacuteneacutefice drsquoun public fermeacute67)

Avantages les avantages seraient ceux du reacutegime actuel le

plus favorable dons et legs (reacutegime RUP) exoneacuteration au taux le plus favorable (laquo amendement Coluche raquo) subventions sur une base pluriannuelle

Obligations toutes les obligations du reacutegime preacuteceacutedant avec en plus lrsquoobligation de deacuteposer des comptes certifieacutes

JL Langlais poursuit en proposant que la reconnaissance drsquoutiliteacute publique soit laquo deacutecerneacutee pour une dureacutee limiteacutee soit par le ministegravere de lrsquointeacuterieur soit par le ministegravere en charge de la vie associative (et les preacutefets agrave lrsquoeacutechelon deacuteconcentreacute) soit encore par une agence nationale agrave creacuteer raquo Pour P Morange la RUP laquo serait deacutelivreacutee par le Conseil drsquoEtat comme crsquoest le cas actuellement et controcircleacutee par la Cour des comptes avec le concours de lrsquoIGAS et de lrsquoIGA pour une dureacutee limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans raquo A titre subsidiaire les auteurs proposent eacutegalement drsquoeacutetablir une laquo situation speacutecifique raquo pour les associations engageacutees dans la gestion drsquoune mission de service public tandis que P Morange envisage cette situation sous lrsquoangle de la seacutecurisation des rapports engageacutes par ces derniegraveres avec lrsquoadministration JL Langlais quant agrave lui considegravere dans une telle situation que laquo la forme juridique [drsquoassociation] nrsquoest alors qursquoune fiction raquo et que degraves lors laquo lrsquoEtat doit pouvoir les financer mais aussi les controcircler et les diriger comme il le

67 Lrsquoauteur propose de revenir sur la jurisprudence CE 7 feacutevr 2007 ndeg 287949 Steacute des anciens eacutelegraveves de lrsquoEacutecole Nationale Supeacuterieure drsquoArts et Meacutetiers et a

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ferait de ses propres services en attendant de trouver une structure juridique adeacutequate raquo Une mise en conformiteacute des proceacutedures drsquoagreacutement avec les nouvelles contraintes communautaires est eacutegalement envisageacutee

2 ndash Nos pistes de reacuteflexions

21 - Concernant le devenir de la proceacutedure RUP

Nous avons vu preacuteceacutedemment que cette proceacutedure deacutesormais consideacutereacutee comme eacutetant laquo obsolegravete raquo par la plupart des observateurs (voir supra) ne preacutesentait plus guegravere drsquointeacuterecirct sur un plan technique (voir supra) Degraves lors et en raison de la forte concentration de financements priveacutes (pregraves de 90 sous la forme de dons deacuteclareacutes par les contribuables ndash voir supra) sur un nombre extrecircmement limiteacute drsquoassociations et de fondations RUP de cette laquo proceacutedure eacutelitiste raquo la question de son devenir se pose de faccedilon cruciale En effet au 15 juillet 2000 le Conseil drsquoEtat deacutenombrait 1960 associations RUP laquo dont 200 nrsquoauraient selon lui aucune activiteacute sinon plus aucune existence raquo68 Force est de constater que presque 10 ans plus tard ce nombre nrsquoa quasiment pas augmenteacute puisque le dernier recensement effectueacute en deacutecembre 200869 par le Ministegravere de lrsquointeacuterieur fait eacutetat de 1966 associations RUP Lrsquourgence consiste donc bien agrave mettre un terme agrave cette situation laquo monopolistique raquo ougrave agrave tout le moins agrave instaurer des proceacutedures de controcircle agrave la fois plus preacutecises et plus contraignantes que celles existantes actuellement Sur ce point les propositions tendant agrave limiter la deacutelivrance de la RUP pour une dureacutee limiteacutee formuleacutees dans les rapports Langlais et Morange nous semblent parfaitement approprieacutees Ces propositions seront agrave rapprocher de celle proposeacutee par P Morange visant offrir agrave lrsquoensemble des associations la laquo grande capaciteacute juridique raquo particuliegraverement en matiegravere de dons

22 - Concernant la probleacutematique du rapprochement entre reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale)

Il ne srsquoagit pas de revenir sur les nombreux travaux drsquoores et deacutejagrave existants en matiegravere de rapprochement des concepts drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et drsquoutiliteacute sociale Parmi les plus importants lrsquoon peut citer ceux de J Gadrey en 200470 ceux reacutesultant de la journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF en 200571 ou encore la contribution commune de X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute publieacutee en 200672 A la lumiegravere de ces travaux il

68 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec p15 69 Site du ministegravere de lrsquointeacuterieur (publication du 08 avril 2008) httpwwwinterieurgouvfrsectionsa_la_unepublicationscultes-associations 70 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale des organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE feacutevrier 2004 71 Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Paris 11 janvier 2005 72 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Editions LrsquoHarmattan Paris 2006

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semble bien que lrsquoon assiste agrave laquo un basculement vers la notion plus large drsquoutiliteacute sociale notion qui par ailleurs entretient une filiation juridique avec le concept drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo73 Sur un plan juridique ces travaux montrent notamment qursquoil existe laquo un rapport assez eacutetroit agrave certains eacutegards entre la notion drsquoutiliteacute sociale et celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo si lrsquoon considegravere lrsquoanalyse de la jurisprudence des dix derniegraveres anneacutees74 Dans cette perspective la deacutemarche de rapprochement entre la proceacutedure RIG et RUS proposeacutee par les rapports de JL Langlais et P Morange trouverait une explication rationnelle

23 - Concernant lrsquoapproche du concept mecircme drsquoutiliteacute sociale

Comme le souligne J Gadrey75 laquo lrsquoutiliteacute sociale des organisations drsquoeacuteconomie sociale (OES) nrsquoa guegravere drsquoexistence en tant que probleacutematique geacuteneacuterale en dehors des deacutebats concernant le rocircle eacuteconomique et social actuel et futur de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Crsquoest une ideacutee qui a eacuteteacute forgeacutee pour deacutefendre lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire face agrave certaines menaces ou pour promouvoir le deacuteveloppement de regravegles favorables76 raquo Pour ce dernier en effet laquo il y a rien de naturel agrave soulever la question de lrsquoutiliteacute sociale des OES et qursquoil srsquoagit bien drsquoune convention socio-politique historiquement et geacuteographiquement contingente77 raquo Neacuteanmoins si le concept demeure aujourdrsquohui encore relativement flou paradoxalement il reccediloit dans notre droit interne une application de plus en plus freacutequente par les tribunaux78 et lrsquoAdministration fiscale79 De son cocircteacute et mecircme si pour lrsquoinstant le leacutegislateur srsquoest toujours refuseacute de srsquoorienter vers la voie drsquoune reconnaissance drsquoutiliteacute sociale80 celui-ci fait de plus reacutefeacuterence agrave ce concept81 drsquoougrave la neacutecessiteacute de privileacutegier une approche visant agrave circonscrire lrsquo laquo halo socieacutetal raquo82 des OES plutocirct que de chercher drsquoune maniegravere 73 A Euillet Lrsquoutiliteacute sociale une notion deacuteriveacutee de celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Revue de droit sanitaire et social ndeg2 avril-juin 2002 pp 2007 - 228 74 J Gadrey preacutec p 30 75 Ibidum 76 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques thegravese de droit 1998 preacutec Lrsquoauteur envisage la mise en œuvre drsquoune affirmative action en faveur des associations reconnues drsquoutiliteacute sociale 77 Si lrsquoon prend lrsquoexemple des services agrave domicile aux personnes acircgeacutees en Suegravede on peut observer que ceux-ci sont majoritairement produits par des organisations publiques locales tandis qursquoaux Etats-Unis - ougrave le laquo non profit sector raquo se construit le plus souvent comme une puissance alternative priveacutee face agrave un Etat providence laquo diaboliseacute raquo (Salamon) ils sont majoritairement financeacutes par des fonds priveacutes (beacuteneacuteficiant drsquoavantages fiscaux) 78 Voir par exemple CE 24 octobre 1979 CAA Paris 1er deacutecembre 1989 CAA Nancy 19 novembre 1992 79 Instr Fisc BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 1998 Instr Fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 (synthegravese) 80 Reacutep min du 01 juillet 1999 JO Seacutenat p 2224 81 Voir par exemple Loi ndeg2002-2 du 2 janvier 2002 relative agrave lrsquoaction sociale et meacutedico-sociale Loi ndeg 97-940 du 16 octobre 1997 relative au deacuteveloppement dactiviteacutes pour lemploi des jeunes (JO du 17 Octobre) LOI ndeg 9 8-657 du 29 juillet 1998 drsquoorientation relative agrave la lutte contre les exclusions 8282 A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport final relatif agrave la lettre de mission de Madame la Ministre de lrsquoEmploi et de la Solidariteacute 2000 pour A Lipietz il srsquoagirait de deacutefinir les contours du tiers secteur par un laquo label drsquoutiliteacute sociale et solidaire fondeacutes sur deux types de critegraveres quant aux

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improbable une deacutefinition qui serait unanimement admise par les acteurs des OES Finalement il ne srsquoagirait rien moins que de reconnaicirctre les OES afin de soutenir lrsquoeffort particulier de ces entiteacutes juridiques dont les laquo speacutecificiteacutes meacuteritoires raquo83 rejaillissent sur lrsquoensemble de la collectiviteacute Mais limiter le concept au seul beacuteneacutefice des OES serait par trop reacuteducteur et la mesure de lrsquoutiliteacute sociale doit eacutegalement ecirctre envisageacutee en tant qursquooutil de reacutegulation des politiques publiques84

24 - Concernant les difficulteacutes lieacutees agrave la mise en œuvre drsquoune proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale

Sur ce point il importe de tenir compte des critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de la proposition de mise en place drsquoun systegraveme unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale des OES (tel qursquoimagineacute par le CNVA dans son rapport datant de 1995) A cette eacutepoque le CNVA contestait laquo lrsquoambiguiumlteacute de lrsquointerpreacutetation juridique et fiscale de lrsquoutiliteacute sociale en particulier en raison de confusions constateacutees entre le critegravere de non lucrativiteacute et les vrais critegraveres drsquoutiliteacute sociale La reacuteflexion associative commence alors agrave se preacuteciser sur les critegraveres de non lucrativiteacute drsquoun cocircteacute sur les critegraveres drsquoutiliteacute sociale de lrsquoautre avec une insistance sur la neacutecessiteacute de ne pas confondre ces deux dimensions Parallegravelement le CNVA conteste lrsquoideacutee alors assez preacutesente du cocircteacute de lrsquoadministration selon laquelle un critegravere essentiel de lrsquoutiliteacute sociale serait que les besoins auxquels reacutepond lrsquoactiviteacute ne sont pas normalement (ou pas suffisamment) pris en compte par le marcheacute Cette deacutefinition purement neacutegative signifierait en effet soit que lrsquoutiliteacute sociale drsquoune association disparaicirct si le marcheacute srsquoinstalle sur un champ de besoins deacutejagrave deacutefricheacutes par les œuvres soit que lrsquoassociation devient alors automatiquement lucrative raquo85 Depuis lors un tel risque nous semble ecirctre leveacute dans la mesure ougrave le laquo reacutefeacuterentiel raquo drsquoutiliteacute sociale doit deacutesormais tenir compte de la jurisprudence du Conseil drsquoEtat en matiegravere fiscale En effet lrsquoarrecirct rendu en date du 1er octobre 199986 est venu preacuteciser qursquoun organisme sans but lucratif ne concurrence une entreprise que si les services qursquoil rend sont laquo offerts en concurrence dans la mecircme zone geacuteographique drsquoattraction avec ceux proposeacutes au mecircme public par des entreprises commerciales exerccedilant une activiteacute identique raquo Il a eacuteteacute eacutegalement preacuteciseacute depuis que laquo le critegravere du public ne doit pas srsquoentendre uniquement des situations de deacutetresse physique ou morale raquo87 buts (ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie solidaire) et quant aux modes drsquoorganisation interne (notamment lucrativiteacute limiteacutee le caractegravere deacutemocratique et multipartenariale de sa direction) ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie sociale raquo J Gadrey parle plus volontiers drsquoutiliteacute sociale externe et drsquoutiliteacute sociale interne preacutec p 37 83 F Bloch-Laineacute Identifier les associations de service social RECMA 1994 ndeg251 p 61 84 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne ibidum selon L Fraisse laquo lrsquoapparition drsquoun deacutebat sur lrsquoutiliteacute sociale peut aussi srsquointerpreacuteter comme un nouveau critegravere de politique publique agrave mecircme de preacuteciser les contours et de renforcer lrsquoinstitutionnalisation des activiteacutes et lrsquoeacuteconomie solidaire raquo voir eacutegalement N Richez-Battesti Les collectiviteacutes territoriales face agrave lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale Juris Associations ndeg376 1er avril 2008 pp 17-19 85 J Gadrey preacutec p 31 86 CE 1er octobre 1999 Association Jeune France ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354 87 Instr fisc BOI 4 H-5-06 preacutec

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Par ailleurs le CNVA soulignait le caractegravere laquo eacutevolutif voire conjoncturel raquo du concept drsquoutiliteacute sociale dans la mise en œuvre drsquoune seacuterie de dix indicateurs (voir infra) Pour lrsquoessentiel G Goulard88 consideacuterait qursquoen lrsquoeacutetat actuel ce concept eacutetait laquo encore plus subjectif que les critegraveres jurisprudentiels en vigueur raquo et qursquoune telle situation laquo risqu[ait] drsquoecirctre interpreacuteteacutee dans un sens reacuteducteur deacutefavorable aux associations dont lrsquoutiliteacute nrsquoest pas sociale mais intellectuelle culturelle spirituelle politique historique eacuteconomique etc raquo Srsquoil est vrai qursquoen 1998 de tels arguments nrsquoeacutetaient pas neacutegligeables il apparaicirct que certains drsquoentre eux apparaissaient forts contestables En effet comme le souligne J Gadrey dans son rapport de 2004 laquo la subjectiviteacute de la notion drsquoutiliteacute sociale peut fort bien ecirctre compatible avec sa consolidation comme reacutefeacuterence en droit (la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral srsquoest bien imposeacutee en deacutepit drsquoun flou aussi consideacuterable) raquo En effet il convient drsquoobserver que drsquoautres notions fondamentales agrave lrsquoinstar du droit commercial sont fondeacutees sur lrsquoarbitraire comme a deacutejagrave pu le souligner le Professeur Y Guyon laquo le droit commercial nrsquoest pas une construction fondeacutee sur la raison mais une approche fondamentalement arbitraire raquo89 Ainsi poursuit J Gadrey laquo le fait que des associations qui ne font pas partie du champ de lrsquoaction sociale (au sens strict) auraient des difficulteacutes agrave faire connaicirctre leur utiliteacute sociale nrsquoa rien drsquoineacuteluctable et deacutepend de la faccedilon dont la convention drsquoutiliteacute sociale se construit sur un mode restrictif ou au contraire extensif raquo De fait il apparaicirct que le concept drsquoutiliteacute sociale deacutepend moins de notre capaciteacute agrave deacutefinir des critegraveres distinctifs que de celle favorisant lrsquoeacutemergence drsquoune convention sociopolitique (voir infra) portant sur lrsquoutiliteacute sociale (convention drsquoutiliteacute sociale) Une telle approche preacutesenterait en outre deux avantages principaux en premier lieu celui du maintien du caractegravere eacutevolutif de ce concept en second lieu celui de la reacuteciprociteacute entretenue entre les associations et les pouvoirs publics dans la construction et lrsquoacceptation du concept mecircme

88 Rapport Goulard mars 1998 89 Y Guyon Droit des affaires Economica 5egraveme eacuted 1988 agrave rapprocher de M Despax Lrsquoentreprise et le droit Bibl Dr Priv T1 Paris 1954 p34 selon lrsquoauteur laquo le droit commercial (hellip) est neacute de la pratique Ses normes sont la conseacutecration drsquousages peu agrave peu eacutetablis et non la construction de la raison de lagrave cette difficulteacute souvent eacuteprouveacutee pour les juristes agrave les expliquer raquo

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III - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE

SOCIALE (OU SOCIETALE) UNE DEMARCHE PARTAGEE

A ndash LA PROCEDURE DE RUS PRESENTE-T-ELLE ENCORE UN INTERET

Comme le suggegravere le rapport Morange90 la proposition formuleacutee par JP Decool en mai 200591 laquo meacuterite drsquoecirctre approfondie raquo En effet pour ce dernier il convient de mettre en place une proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute socieacutetale comme substitut agrave la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral jugeacutee laquo deacutesuegravete et vague raquo laquo il serait donc opportun afin de donner une nouvelle dimension au monde associatif (hellip) de redonner au citoyen toute sa place au sein de la socieacuteteacute Lui permettre de srsquoexprimer et de manifester son deacutesir de donner ou de partager des valeurs communes Ainsi peut-on envisager le rocircle de lrsquoassociation dans la socieacuteteacute raquo A ce stade il nous semble que la meacutethode preacuteconiseacutee par le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) depuis son rapport du 4 feacutevrier 198692 demeure toujours drsquoactualiteacute93 Ce dernier preacuteconisait lrsquointroduction drsquoun systegraveme de reconnaissance a priori qui permettrait aux associations reconnues drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) de lever laquo toute incertitude durant une peacuteriode deacutefinie tant que les conditions drsquoexercice de leur activiteacute au vu desquelles elles ont obtenu lrsquoagreacutement ne seraient pas modifieacutees raquo94 Selon le projet du CNVA cette reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) devait ecirctre accordeacutee non pas par le pouvoir exeacutecutif mais par une veacuteritable juridiction ou commission paritaire composeacutee de repreacutesentants des associations des administrations concerneacutees (Ministegravere de tutelle et Administration fiscale) et preacutesideacutee par un magistrat95 Celle-ci pourrait eacutegalement comprendre un certain nombre drsquoexperts qualifieacutes et issus de la socieacuteteacute civile ainsi qursquoun repreacutesentant des collectiviteacutes locales deacutecentraliseacutees96 90 Ibidum 91 JP Decool Des associations en geacuteneacuteral vers une eacutethique socieacutetale rapport au 1er ministre mai 2005 92 Voir eacutegalement les Rapports et Avis du 12 juin 1991 et 15 juin 1995 93 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit 1998 preacutec 94 CNVA Bilan de la vie associative en 1990-1991 La documentation franccedilaise Paris 1992 Rapport et avis adopteacutes en session pleacuteniegravere du CNVA le 15 juin 1995 sur laquo lrsquoutiliteacute sociale des associations et ses conseacutequences en matiegravere eacuteconomique fiscale et financiegravere raquo 95 On peut noter la proximiteacute de cette composition avec celle de la laquo Charity Commission raquo de Grande-Bretagne composeacutee de fonctionnaires dont deux doivent ecirctre des juges dont le rocircle drsquoinformation de conseil de controcircle srsquoexerce aupregraves des laquo Charities raquo auxquelles la Commission donne le label qui ouvre droit agrave des faciliteacutes fiscales et financiegraveres 96 Voir la composition du comiteacute strateacutegique des fonds de dotation creacuteeacute le 19 novembre 2008 preacutesideacute par JJ Hyest Preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat

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Les deacutecisions de cette instance pourraient faire lrsquoobjet drsquoun recours devant les juridictions compeacutetentes (ce qui aurait eu pour effet de laquo judiciariser raquo le concept drsquoutiliteacute sociale) La reconnaissance serait attribueacutee pour une dureacutee de cinq anneacutees agrave lrsquoissue drsquoun rapport drsquoaudit baseacute sur des critegraveres drsquoeacutevaluation (pour ce qui concerne lrsquoutiliteacute sociale externe) Les critegraveres drsquoeacutevaluation pourraient faire lrsquoobjet drsquoune deacutemarche partageacutee (voir infra) et contractualiseacutee avec les diffeacuterents acteurs agrave partir de critegraveres quantitatifs et qualitatifs neacutegocieacutes En effet le CNVA nrsquoa pas souhaiteacute mettre en place un systegraveme unique et isoleacute de reconnaissance drsquoune cateacutegorie particuliegravere drsquoassociations qui serait reconnue drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) agrave lrsquoinstar de ce qui a par exemple eacuteteacute conccedilu pour la reconnaissance drsquoutiliteacute publique Il preacuteconise plutocirct laquo le recours agrave de multiples dispositifs susceptibles drsquoaccorder aux associations (en tant qursquoopeacuterateurs) ou agrave leurs activiteacutes (en tant qursquoopeacuteration97) la reconnaissance et le soutien en fonction et dans le respect de la diversiteacute des speacutecificiteacutes associatives raquo Lrsquoensemble de ces speacutecificiteacutes doit pouvoir ecirctre appreacutehendeacute agrave travers un certain nombre drsquoindicateurs avec la mise en place de la technique du faisceau drsquoindices Les critegraveres deacutegageacutes98 formeraient ainsi une liste (non exhaustive) qui permettant de mieux cerner les contours de lrsquoutiliteacute sociale

- La primauteacute du projet finaliteacute de lrsquoaction associative99

- Le fonctionnement deacutemocratique - Lrsquoapport social de lrsquoassociation100 - La non-lucrativiteacute qui par essence marque la

diffeacuterence par rapport au secteur commercial - La gestion deacutesinteacuteresseacutee101 ce qui nrsquoexclut ni la

rigueur ni la transparence financiegravere - La capaciteacute agrave mobiliser la geacuteneacuterositeacute humaine

(beacuteneacutevolat) ou financiegravere (dons) - Le mixage des publics et lrsquoouverture

qui a pour mission de suivre lrsquoeacutevolution des fonds de dotation 1 repreacutesentant du MINEFI 3 magistrats 7 personnaliteacutes qualifieacutees A ce titre il pourra eacutelaborer des recommandations de bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion et faire toutes les propositions qui lui sembleront neacutecessaires pour favoriser le deacuteveloppement des fonds de dotation (Sources MINEFI 14 janvier 2009) 97 Cette solution preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre neutre sur le plan concurrentiel et vis-agrave-vis des autres opeacuterateurs eacuteconomiques 98 Le CNVA preacutecise dans son rapport du 15 juin 1995 preacutec que ces critegraveres sont laquo non exclusifs non cumulatifs et non exhaustifs les uns par rapport aux autres raquo 99 La FONDA dans un seacuteminaire en date du 17 octobre 1992 suggeacuterait et explicitait ces trois premiers critegraveres agrave partir desquels elle se fondait pour identifier les associations drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral 100 Ce critegravere ainsi que les critegraveres 6 7 et 8 relegravevent de la notion drsquoutiliteacute sociale externe qui selon nous devrait faire lrsquoobjet drsquoune contractualisation pluri annuelle dans le cadre drsquoune deacutemarche de construction et drsquoeacutevaluation partageacutee (voir infra) 101 Sur cette notion voir Instr fisc (Synthegravese) BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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- Les secteurs drsquointervention pas ou mal couverts par les autres agents eacuteconomiques ou par les collectiviteacutes publiques

- Lrsquoexistence de financements publics ou parapublics

- Lrsquoexistence drsquoun agreacutement ministeacuteriel (Ministegravere de rattachement) ou drsquoune habilitation102

La reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) pourrait ecirctre attribueacutee aux associations laquo dont les statuts le mode de fonctionnement et les modaliteacutes drsquoexercice de leur activiteacute caracteacuterisent suffisamment leur utiliteacute sociale aux yeux de cette juridiction Elle pourrait agrave lrsquoinverse ecirctre retireacutee par cette mecircme juridiction ou commission paritaire degraves lors que les conditions ayant preacutesideacute agrave son attribution ne seraient plus reacuteunies Lrsquoabsence de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre invoqueacutee pour creacuteer une preacutesomption de lucrativiteacute pour lrsquoassociation qui nrsquoen beacuteneacuteficierait pas raquo Agrave ce jour nombreux sont les acteurs srsquoeacutetant prononceacutes en faveur de lrsquoeacutelaboration drsquoune reconnaissance unique drsquoutiliteacute sociale (RUS) Nous avons vu preacuteceacutedemment que les derniers rapports ministeacuteriels et parlementaires se montrent favorables agrave la mise en œuvre drsquoune telle proceacutedure Pour MT Cheacuteroutre103 laquo lrsquoattribution drsquoune reconnaissance par les pouvoirs publics aux organismes susceptibles drsquoecirctre exoneacutereacutes apparaicirct eacuteminemment souhaitable Cette reconnaissance accordeacutee pour une dureacutee deacutetermineacutee apporterait agrave ces derniers une garantie drsquoexoneacuteration du moins aussi longtemps qursquoil ne serait pas prouveacute par lrsquoadministration qursquoils ne respectent plus les conditions pour lesquelles ils ont obtenu ladite reconnaissance raquo De son cocircteacute la FONDA104 a eacutegalement exprimeacute son souhait drsquoassurer laquo une meilleure seacutecuriteacute financiegravere aux associations relevant de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et srsquoest montreacutee laquo favorable agrave la creacuteation drsquoune RUS attribueacutee par une commission tripartite (Etat Magistrats Associations) raquo Agrave notre connaissance deux projets de loi105 ont eacuteteacute deacuteposeacutes en ce sens pour ecirctre rapidement abandonneacutes par la suite faute de reacuteelle volonteacute politique En effet comme le souligne le CNVA agrave propos de la mise en œuvre de la RUS

102 Notamment lorsque lrsquoobjet de lrsquoassociation consiste agrave reacutealiser des activiteacutes reacuteglementeacutees 103 MT Cheacuteroute Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 rapport au nom du conseil eacuteconomique et social ndeg4 JO du 1er avril 1993 104 La FONDA Pour une eacutethique des rapports entre pouvoirs publics et citoyens seacuteminaire Paris 17 octobre 1992 105 Projet de loi A Henry RTD com 192 447 en janvier 2002 ce projet avait lanceacute une vaste consultation autour du concept drsquoutiliteacute sociale dans le but de deacutelimiter les associations auxquelles seraient accordeacutees le label Proposition de loi ndeg2779 AN 1996 art 2 laquo Les associations peuvent ecirctre reconnues drsquoutiliteacute sociale agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode probatoire de fonctionnement drsquoune dureacutee au moins eacutegale agrave trois ans lorsqursquoelles satisfont cumulativement aux conditions suivantes avoir un objet social de caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique humanitaire sportif familial culturel ou drsquoaction sociale ou de mise en œuvre du patrimoine artistique ou de deacutefense de lrsquoenvironnement ou de diffusion de la culture ou de la langue franccedilaise Exercer conformeacutement agrave cet objet des activiteacutes ouvertes agrave des personnes qui lui sont exteacuterieures raquo

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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En matiegravere de RUP aucun texte ne deacutefinit les critegraveres drsquoutiliteacute publique lesquels reposent exclusivement sur la pratique administrative et les avis rendus par le Conseil drsquoEtat La technique requise par lrsquoAdministration a permis de deacutegager un faisceau drsquoindices exigeacute de lrsquoassociation qui sollicite la RUP

1 - Caracteacuteristiques de la RUP Il existait au 1er juin 2008 1972 associations reconnues drsquoutiliteacute publique7 (alors mecircme qursquoen 2007 on deacutenombrait 11 millions drsquoassociations8) ce qui finalement est assez peu La proceacutedure RUP figure au titre des articles 10 et 11 de la loi 1901 et 8 agrave 15 du deacutecret du 16 aoucirct 1901 Elle distingue principalement sur un plan patrimonial les associations simplement deacuteclareacutees en Preacutefecture des associations RUP puisque seules ces derniegraveres laquo peuvent recevoir des dons et des legs dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle 910 du Code civil raquo9 Lrsquoassociation simplement deacuteclareacutee est initialement reconnue par la loi du 1er juillet 1901 comme un groupement licite de personnes sans pour autant ecirctre pourvu des moyens juridiques et financiers neacutecessaires agrave la poursuite de ses objectifs10 Deux raisons principales justifient cette capaciteacute juridique restreinte en premier lieu lrsquoinfluence de la conception civiliste franccedilaise11 selon laquelle la personnaliteacute morale de lrsquoassociation ne va pas neacutecessairement de pair avec la reconnaissance de lrsquoassociation12 en qualiteacute de personne morale ce qui explique que la capaciteacute patrimoniale de cette derniegravere ait eacuteteacute drsquoembleacutee restreinte En effet lrsquoassociation est conccedilue comme laquo une convention par laquelle [des] personnes mettent en commun leurs connaissances ou leur activiteacute raquo Degraves lors la mise en commun de moyens financiers appelait plutocirct pour son auteur Waldeck Rousseau le recours agrave drsquoautres structures telles que les fondations par exemple en second lieu lrsquoempreinte du libeacuteralisme eacuteconomique dominant cette peacuteriode justifie cette crainte de voir des associations - agrave dureacutee indeacutetermineacutee ndash soustraire un patrimoine consideacuterable de la circulation des richesses

7 Reacutep Min inteacuter AN 15 juillet 2008 ndeg16885 8 V Tchernonog Les Associations en France poids profils et eacutevolutions CNRS nov 2007 9 Loi du 1er juillet 1901 art 11 10 Conseil drsquoEtat Rapport public 2000 Reacuteflexion sur les associations et la loi de 1901 cent ans apregraves La documentation franccedilaise Etudes et documents ndeg51 pp 256-257 11 JC Bardout Lrsquohistoire eacutetonnante de la loi 1901 le droit drsquoassociation en France avant et apregraves Waldeck-Rousseau Editions Juris 2001 p 175 selon JC Bardout citant la formule drsquoA Laineacute laquo les personnes morales ou civiles ne sont pas autres choses que des modaliteacutes de la vie juridique des personnes naturelles raquo

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Cette seconde raison (la hantise de la mainmorte ou de la laquo possession-morte raquo) se retrouve tregraves clairement dans les propos de Waldeck Rousseau lui-mecircme13 qui dans son projet initial envisageait drsquoailleurs que lrsquoassociation puisse disposer de certains biens14 pour atteindre son objet mais que la plupart soient apporteacutes agrave une socieacuteteacute de biens speacutecialement conccedilue agrave cet effet Cependant et comme le souligne le Conseil Economique et social (CES) dans son rapport de 199315 laquo drsquoautres thegraveses deacutefendront le droit pour une association de pouvoir posseacuteder car la proprieacuteteacute garantit agrave la fois sa permanence et la capaciteacute de reacutealiser son objet social raquo Citant P Nourrisson16 le CES rappelle qursquolaquo au point de vue social en effet nrsquoest-ce pas lrsquoassociation posseacutedant crsquoest-agrave-dire capable de poursuivre une activiteacute durable qui pourra rendre de veacuteritables services agrave la collectiviteacutehellip La liberteacute de bienfaisance que nous consideacuterons comme la liberteacute primordiale peut-elle srsquoexercer utilement si ce nrsquoest au moyen drsquoassociations posseacutedant un patrimoinehellip raquo 2 ndash Conditions et proceacutedure de la RUP A lrsquooccasion drsquoune reacuteponse ministeacuterielle publieacutee le 15 juillet 2008 au Journal Officiel17 le Ministre de lrsquointeacuterieur vient rappeler les conditions drsquoobtention de la RUP

- peacuteriode probatoire de trois ans ce deacutelai pouvant exceptionnellement ecirctre reacuteduit si leacutequilibre financier preacutevisible est assureacute - objet statutaire preacutesentant un caractegravere dinteacuterecirct geacuteneacuteral (voir infra) distinct des inteacuterecircts particuliers des membres

- rayonnement suffisant dans le champ dactiviteacute deacutepassant un simple cadre local

13 laquo Tandis que dans les socieacuteteacutes ordinaires a-t-on dit les biens appartiennent au fond aux associeacutes qui se partageront le fonds commun au moment ougrave la socieacuteteacute parviendra agrave lrsquoexpiration de sa dureacutee dans lrsquoassociation ce qui effraie crsquoest la perpeacutetuiteacute de lrsquoassociation survivant agrave ses membres distincte de tous et de chacun posseacutedant pour le compte drsquoun ecirctre de raison et arrivant par la peacuterenniteacute de son institution agrave constituer une mainmorte agrave soustraire ses biens agrave cette loi eacuteconomique fondamentale essentielle le partage la communicationhellip raquo citeacute in Rapport du Conseil Economique et social Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi 1901 ndeg4 JO 1er avril 1993 p 42 14 La loi du 1er juillet 1901 cite notamment les dons manuels les dons des eacutetablissements publics les subventions les cotisations les immeubles strictement neacutecessaires agrave lrsquoaccomplissement du but qursquoelle se propose (art 6) 15 Rapport du Conseil Economique et Social Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 preacutesenteacute par MT Cheroutre lors des seacuteances du 23 et 24 feacutevrier 1993 JO Avis et rapports du CES ndeg4 1er avril 1993 16 P Nourrisson Histoire leacutegale des congreacutegations religieuses Sirey 1992 17 Reacutep Min inteacuter AN 15 juillet 2008 preacuteciteacutee

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- nombre minimum dadheacuterents fixeacute agrave 200

- montant annuel minimum de ressources estimeacute agrave 46 000 euros provenant en majoriteacute de ressources propres et non de subventions publiques et par labsence de deacuteficit sur les trois derniers exercices

- statuts conformes aux statut-type approuveacutes par le Conseil dEtat garantissant lexistence de regravegles de fonctionnement deacutemocratique et de transparence financiegravere opposables aux membres

En outre il est indiqueacute que laquo le statut dutiliteacute publique est perccedilu par le monde associatif comme un label officiel confeacuterant une leacutegitimiteacute particuliegravere nationale voir internationale vis-agrave-vis notamment des donateurs Ce statut implique un certain nombre dobligations agrave leacutegard de la puissance publique qui dispose dun pouvoir de tutelle et de controcircle tutelle sur les statuts et le regraveglement inteacuterieur de lassociation ainsi que sur lensemble des actes de disposition (alieacutenation de biens emprunts hypothegraveques) obligation denvoi des comptes-rendus dactiviteacute et documents comptables annuels droit de visite des ministegraveres de tutelle raquo Elle est deacutelivreacutee selon la proceacutedure suivante

‐ par deacutecret du Premier Ministre ‐ apregraves instruction du Ministegravere de lrsquoInteacuterieur

‐ sur avis du Conseil drsquoEtat

Lrsquoinstruction de la demande de RUP est effectueacutee par lrsquoautoriteacute publique de faccedilon discreacutetionnaire agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode moyenne allant de 6 agrave 18 mois 3 ndash Principaux avantages de la RUP La conseacutequence essentielle de la reconnaissance dutiliteacute publique est lacquisition permanente de la laquo grande capaciteacute juridique raquo permettant notamment de recevoir des libeacuteraliteacutes (dons et legs) exoneacutereacutees des droits de mutation agrave titre gratuit18 et de deacutetenir des immeubles laquo neacutecessaires raquo agrave son activiteacute19 (agrave la diffeacuterence des associations simplement deacuteclareacutees qui doivent deacutetenir des immeubles laquo strictement neacutecessaires raquo agrave leur activiteacute en application de lrsquoarticle 6 de la loi 1901)

18 CGI art 7952deg 19 Loi 1er juillet 1901 art 11

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Pour pouvoir beacuteneacuteficier de ces exoneacuterations lrsquoassociation RUP doit non seulement remplir les critegraveres drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral deacutefinis par la doctrine administrative du Conseil drsquoEtat (voir infra) mais eacutegalement exercer une activiteacute entrant dans le champ drsquoapplication de lrsquoarticle 238 bis a du Code geacuteneacuteral des impocircts (CGI) au regard de son domaine drsquoactiviteacute (qui doit ecirctre laquo agrave caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique social humanitaire sportif familial culturel ou concourant agrave la mise en valeur du patrimoine artistique agrave la deacutefense de lenvironnement naturel ougrave agrave la diffusion de la culture de la langue et des connaissances scientifiques franccedilaises raquo) Reste agrave savoir srsquoil existe encore un inteacuterecirct agrave srsquoengager dans cette voie au regard drsquoune part de la lourdeur administrative drsquoune telle proceacutedure et drsquoautre part de la possibiliteacute pour les associations de beacuteneacuteficier des mecircmes avantages consentis par la RUP par la possibiliteacute de recourir agrave des techniques juridiques et fiscales relativement facile agrave mettre en œuvre pour contourner lrsquointerdiction de percevoir des dons (voir infra) Synthegravese RUP

‐ Pour obtenir la RUP une association doit preacutesenter un caractegravere drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au sens de lrsquoarticle 200 et 238 bis du CGI

‐ Bien que relevant de deux ministegraveres de tutelle diffeacuterents la RUP et la

RIG procegravedent sensiblement du mecircme mode drsquoanalyse agrave partir des articles preacuteciteacutes du CGI et de la doctrine du Conseil drsquoEtat

‐ En revanche nous allons voir ci-apregraves qursquoune association drsquointeacuterecirct

geacuteneacuteral ne beacuteneacuteficie pas automatiquement de la RUP (la RUP est reacuteserveacutee agrave une laquo eacutelite raquo)

B ndash LA RECONNAISSANCE DrsquoINTEREcircT GENERAL Il ne srsquoagit pas drsquoentrer dans des deacutebats sans fin concernant la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral mais au contraire de circonscrire avec preacutecision la dimension restrictive donneacutee par lrsquoAdministration fiscale de ce concept juridique 1 - Caracteacuteristiques de la RIG Comme nous lrsquoa reacutecemment preacuteciseacute le Ministre de lrsquoInteacuterieur20 laquo la notion drsquoassociation drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral est par contre une notion fiscale viseacutee dans les articles 200 et 238 bis du Code geacuteneacuteral des impocircts raquo Elle permet drsquoautoriser certains organismes agrave eacutemettre des reccedilus fiscaux au beacuteneacutefice de leurs donateurs particuliers ou entreprises

20 Reacutep min inteacuter AN 15 juillet 2008 preacutec

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Certes lrsquo laquo inteacuterecirct geacuteneacuteral raquo demeure un concept juridique difficile agrave appreacutehender21 sur le plan ideacuteologique mais au cours de la discussion de la premiegravere loi sur le meacuteceacutenat le Ministre chargeacute du budget avait preacuteciseacute que le texte laquo avait vocation agrave ecirctre entendu de faccedilon large raquo22 sur le plan fiscal Cette appreacuteciation fut par la suite reprise par son successeur dans les deacutebats ayant abouti au vote de la loi du 1er aoucirct 2003 relative au meacuteceacutenat23 laquo ce projet est de porteacutee geacuteneacuterale Ne commenccedilons pas agrave eacutenumeacuterer des groupes drsquoassociations raquo Or malgreacute ces recommandations explicites du leacutegislateur la doctrine de lrsquoadministration fiscale est demeureacutee excessivement restrictive Il reacutesulte de cette situation un certain nombre de probleacutematiques (voir infra) mais commenccedilons par eacutenumeacuterer les conditions qui preacutesident agrave la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral pour un organisme sans but lucratif 2 - Conditions et proceacutedure de la RIG Pour lrsquoAdministration fiscale un organisme preacutesente un caractegravere drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral si les conditions suivantes sont cumulativement reacuteunies24

‐ Avoir laquo un caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique social humanitaire sportif familial culturel ou concourant agrave la mise en œuvre du patrimoine artistique agrave la deacutefense de lrsquoenvironnement naturel ou agrave la diffusion de la culture de la langue et des connaissances scientifiques raquo25

‐ Avoir une gestion deacutesinteacuteresseacutee et ne pas exercer drsquoactiviteacute lucrative

de maniegravere preacutepondeacuterante26 cette condition pose en creux la question de la distinction entre activiteacute eacuteconomique et activiteacute lucrative27 au sein de laquelle le recours agrave la notion fiscale drsquoutiliteacute sociale (voir infra) apparaicirct tout agrave fait essentiel

‐ Ne pas fonctionner au profit drsquoun cercle restreint de personnes

autrement dit lrsquoassociation doit ecirctre laquo ouverte raquo28

21 Dans un compte rendu de reacuteunion du 24 janvier 2005 le Conseil drsquoOrientation de la Simplification Administrative (COSA) faisait part de ses observations quant aux mesures proposeacutees en matiegravere de seacutecurisation de la fiscaliteacute et estimait laquo qursquoil fallait proposer une deacutefinition plus claire de la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral de lrsquoarticle 200 du CGI et si possible eacutetendre le champ des activiteacutes viseacutees par lrsquoarticle 200 du CGI raquo (source rapport au premier ministre JP Decool mai 2005 p47) 22 JOAN CR Deacutebats du 23 juin 1987 2egraveme seacuteance p 3071 agrave 3076 23 Loi ndeg2003-709 du 1er aoucirct 2003 relative au meacuteceacutenat aux associations et aux fondations 24 D adm 5 B-3311 ndeg12 et s et 4 C-712 ndeg11 et s 25 CGI art 200 et 238 bis 26 Instr fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 27 C Amblard Activiteacutes eacuteconomiques et commerciales des associations Lamy Associations (Etude 246) juillet 2008 28 Reacutep min Zimmermann JO Ass nat du 10 janv 2006 p 261 ndeg72466

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Srsquoagissant de cette derniegravere condition lrsquoAdministration fiscale a tendance a adopter une position eacuteminemment restrictive au point que des associations drsquoanciens combattants29 voire mecircme drsquoanciens eacutelegraveves30 ou encore des associations de deacutefense des contribuables31 ou ayant pour objet la sauvegarde des retraites32 se sont vues refuser la RIG Par ailleurs sont reconnues comme eacutetant drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral les associations et fondations reconnues drsquoutiliteacute publique et qui exercent une activiteacute deacutecrite agrave lrsquoarticle 200 du CGI mais eacutegalement des organismes limitativement eacutenumeacutereacutes par la loi ou certaines dispositions du code geacuteneacuteral des impocircts tels que les eacutetablissements drsquoenseignement supeacuterieur33 les organismes ayant pour objet le financement des PME34 les associations cultuelles ou de bienfaisance35 ou encore les organismes ayant pour objet lrsquoorganisation de spectacles ou drsquoexposition drsquoart contemporain36hellip En ce qui concerne la proceacutedure agrave suivre il faut savoir que le beacuteneacutefice droit de du reacutegime fiscal de faveur lieacute au meacuteceacutenat (Loi laquo Aillagon raquo du 1er aoucirct 2003) nrsquoest pas lieacute agrave un agreacutement preacutealable de lrsquoAdministration fiscale En drsquoautres termes toute association peut deacutelivrer des reccedilus fiscaux37 aux donateurs le controcircle des services fiscaux eacutetant susceptible drsquointervenir a posteriori Neacuteanmoins il est possible drsquointerroger lrsquoAdministration fiscale a priori pour seacutecuriser lrsquoopeacuteration (proceacutedure de rescrit) lrsquoabsence de reacuteponse de la part de cette derniegravere agrave lrsquoissue drsquoun deacutelai de six mois valant reacuteponse positive pour la situation deacutecrite38 3 - Principaux avantages de la RIG Ils sont drsquoordres juridiques et fiscaux

‐ Sur le plan juridique

bull Le reacutegime du meacuteceacutenat permet aux associations non reconnues drsquoutiliteacute publique drsquoaccroicirctre leur capaciteacute juridique et ainsi de beacuteneacuteficier de dons autres que les dons manuels

‐ Sur le plan fiscal

bull Pour lrsquoassociation ou lrsquoorganisme sans but lucratif beacuteneacuteficiaire

29 Reacutep Reitzer AN 27 juillet 2004 p 5810 ndeg38660 30 CE 7 feacutevrier 2007 ndeg287949 RJF 407 ndeg386 31 Reacutep Blum AN 30 novembre 2004 p 9432 ndeg2499 32 Reacutep Deprez AN 20 juin 2006 p 6564 ndeg90872 33 Loi 2007-1199 du 10 aoucirct 2007 art 38 34 CGI art 238 bis-4 35 CGI art 200 1-e D adm 5 B-3311 ndeg54 36 Reacutep min culture et communication Girard AN 10 feacutevrier 2004 p 1025 ndeg30957 instruction fiscale du 9 deacutecembre 2008 5 B-19-08 37 Arrecircteacute du 28 juin 2008 JORF ndeg0150 du 28 juin 2008 page 10396 38 Instr fisc BOI 13 L-5-04 du 19 octobre 2004

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‐ Les ressources tireacutees du meacuteceacutenat nrsquoentrent pas dans le champ drsquoapplication de la TVA de lrsquoimpocirct sur les socieacuteteacutes ou de la taxe professionnelle

‐ Les dons sont en outre exoneacutereacutes de droit

drsquoenregistrement39 au mecircme titre que les associations et fondations RUP (voir supra)

bull Pour les meacutecegravenes (particuliers ou entreprises)

‐ Particuliers reacuteduction drsquoimpocircts sur le revenu eacutequivalente agrave 66 de la valeur du don dans la limite de 20 du revenu annuel (amendement laquo Coluche raquo 75 dans la limite forfaitaire de 495 euro pour les associations drsquoaide aux personnes en difficulteacute en 200840)

‐ Entreprises reacuteduction drsquoimpocircts sur les socieacuteteacutes

eacutequivalente agrave 60 de la valeur du don dans la limite de 05 du CA de lrsquoentreprise (outre contreparties institutionnelles telles que le droit pour lrsquoentreprise de beacuteneacuteficier de la qualiteacute de membre de lrsquoassociation ou drsquoimage41 dans la limite de 25 de la valeur du don42)

Synthegravese de la RIG ‐ Compte tenu du caractegravere relativement flou de la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (lrsquoarticle 200 du CGI se contentant drsquoeacutenumeacuterer des secteurs drsquoactiviteacutes) lrsquoAdministration fiscale dispose finalement drsquoun large pouvoir drsquoappreacuteciation en matiegravere de deacutefinition des contours de la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral sous reacuteserve de la doctrine du Conseil drsquoEtat ‐ La proceacutedure de RIG ouvre la capaciteacute juridique des associations simplement deacuteclareacutees (dons sous forme de meacuteceacutenat) sans que ces derniegraveres ne puissent toutefois preacutetendre agrave la laquo grande capaciteacute juridique raquo dont beacuteneacuteficient les associations RUP (legs deacutetention de biens immobiliers) ‐ Le beacuteneacutefice des avantages fiscaux offerts par la RIG deacutependent de la non lucrativiteacute des activiteacutes de lrsquoassociation ce qui suppose ou que lrsquoassociation nrsquoexerce aucune activiteacute lucrative (cas des associations dont les ressources se composent uniquement de cotisations ou de subventions par exemple) ou que lrsquoassociation exerce des activiteacutes eacuteconomiques reconnues comme eacutetant drsquoutiliteacute sociale par lrsquoAdministration fiscale (voir infra les critegraveres fiscaux de la laquo reconnaissance drsquoutiliteacute sociale raquo)

39 CGI art 757 al 3 40 Loi 2007-1822 du 24 deacutecembre 2007 art 2 I 41 CGI art 238 bis 1 a 42 Instr fisc 4 C-2-00 ndeg5 agrave 7

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C ndash LA RECONNAISSANCE (FISCALE) DrsquoUTILITE SOCIALE Il nrsquoexiste pas de proceacutedure de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (RUS) agrave proprement parler crsquoest-agrave-dire ouvrant droit pour les associations agrave des avantages particuliers agrave llsquoinstar de la RUP ou de la RIG Tout au plus cette notion juridique rencontre deux modes drsquoapplication concregravete dans notre droit interne (1) que nous allons preacutesenter en guise drsquoillustration Nous verrons ainsi comment la meacutethodologie retenue par lrsquoAdministration fiscale agit comme une forme de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale preacutealable indispensable au maintien du caractegravere non lucratif de lrsquoassociation (2) 1 ndash Utiliteacute sociale deux exemples drsquoapplication concregravete Le premier exemple drsquoapplication concerne les socieacuteteacutes coopeacuteratives drsquointeacuterecircts collectifs (SCIC) instaureacutees par lrsquoarticle 36 de la loi 2001-624 du 17 juillet 2001 et lrsquoarticle 19 de la loi 47-1775 du 10 septembre 1947 Cet exemple peut apparaicirctre a priori eacuteloigneacute de notre preacutesentation sauf qursquoen autorisant la transformation des associations en SCIC nous verrons que ce dispositif leacutegislatif contribue agrave eacutelargir la capaciteacute juridique de ces derniegraveres tout en opeacuterant un rapprochement avec la notion drsquoutiliteacute sociale (11) Le second exemple drsquoapplication concregravete concerne la meacutethodologie retenue par lrsquoAdministration fiscale ndash encore elle ndash depuis lrsquoinstruction fiscale BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 199843 pour accorder aux associations (fiscalement) laquo reconnues drsquoutiliteacute sociale raquo la capaciteacute drsquoexercer des activiteacutes eacuteconomiques non assujetties aux impocircts commerciaux (12) 11 - Une premiegravere utilisation concregravete de la notion drsquoutiliteacute sociale le statut de SCIC Les Socieacuteteacutes Coopeacuteratives drsquoInteacuterecirct Collectifs (SCIC) socieacuteteacutes coopeacuteratives sous la forme de SA ou de SARL (hellip) ont pour objectif laquo la production ou la fourniture de biens et de services drsquointeacuterecirct collectif qui preacutesentent un caractegravere drsquoutiliteacute sociale raquo La proceacutedure drsquohabilitation relegraveve de la compeacutetence preacutefectorale Ce nouveau statut juridique a eacuteteacute creacuteeacute pour reacutepondre aux attentes des acteurs de lrsquoEconomie sociale et solidaire crsquoest-agrave-dire de disposer drsquoun cadre drsquoentreprise adapteacute au deacuteveloppement entrepreneurial tout en prenant en compte la dimension eacutethique des activiteacutes qui relegravevent de cette Economie

43 Reprise par lrsquoinstruction fiscale de synthegravese BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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Pour le Secreacutetaire drsquoEtat agrave lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire laquo la SCIC doit ecirctre comprise comme le chaicircnon manquant entre lrsquoassociation et la coopeacuterative avec la possibiliteacute drsquointeacutegrer de nouveaux partenaires raquo (F Morin conseiller technique du cabinet de G Hascoeumlt) 44 Du cocircteacute de lrsquoEtat pour le Ministegravere de lrsquoemploi et le secreacutetariat agrave lrsquoeacuteconomie solidaire laquo cette nouvelle structure doit deacuteboucher sur la creacuteation drsquoemplois en plus de ceux occupeacutes aujourdrsquohui dans lrsquoentreprise drsquoinsertion qui restera pour lrsquoinstant en lrsquoeacutetat raquo

12 ndash Une deuxiegraveme utilisation concregravete de la notion drsquoutiliteacute sociale la reconnaissance de la non lucrativiteacute des activiteacutes eacuteconomiques reacutealiseacutees par les associations non assujetties aux impocircts commerciaux Depuis lrsquoinstruction fiscale BOI 4 h-5-98 du 15 septembre 1998 pour lrsquoAdministration fiscale il est deacutesormais laquo leacutegitime quun organisme non lucratif deacutegage dans le cadre de son activiteacute des exceacutedents reflet dune gestion saine et prudente Cependant lorganisme ne doit pas les accumuler dans le but de les placer Les exceacutedents reacutealiseacutes voire temporairement accumuleacutes doivent ecirctre destineacutes agrave faire face agrave des besoins ulteacuterieurs ou agrave des projets entrant dans le champ de son objet non lucratif raquo Parallegravelement lrsquoinstruction fiscale consacrait le principe de non assujettissement des associations et organismes sans but lucratif aux impocircts commerciaux Il convenait donc de clarifier une situation confuse compte tenu de lrsquoeacutevolution du monde associatif notamment au regard de la pleine et entiegravere capaciteacute juridique des associations (simplement deacuteclareacutees) en matiegravere drsquoexercice drsquoactiviteacutes eacuteconomiques ou commerciales45 Crsquoest dans ce cadre que lrsquoAdministration fiscale a eacuteteacute ameneacutee agrave proposer une laquo grille de lecture raquo concernant lrsquoexercice de ce type drsquoactiviteacutes eacutetant entendu que si lrsquoassociation adopte des comportements identiques agrave ceux des entreprises commerciales sur un mecircme marcheacute le principe de non assujettissement ne pouvant ecirctre maintenu celle-ci recouvrait immeacutediatement son statut drsquoentreprise assujettie aux impocircts commerciaux Pour savoir si une association exerce son activiteacute dans des conditions similaires agrave celle drsquoune entreprise et si de ce fait elle doit ecirctre soumise aux impocircts commerciaux lrsquoAdministration fiscale preacuteconise une analyse en plusieurs eacutetapes

minus Etape 1 la gestion de lrsquoorganisme est-elle deacutesinteacuteresseacutee (les

dirigeants ne peuvent reacutemuneacutereacutes (sauf cas deacuterogatoires limitativement eacutenumeacutereacutes) les beacuteneacutefices et le patrimoine de lrsquoassociation ne peuvent ecirctre attribueacutes aux membres)

44 C Amblard SCIC un nouvel outil pour lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Revue Le Tout Lyon 2001 45 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit Universiteacute Versailles ndash St Quentin 1998 (410 pages) C Amblard Lrsquoentreprise associative Editions territoriales 2006 C Amblard Activiteacutes eacuteconomiques et commerciales des associations Lamy Associations Etude 246 preacutec

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‐ Etape 2 lrsquoorganisme concurrence-t-il une entreprise ‐ Etape 3 lrsquoorganisme exerce-t-il son activiteacute dans des conditions

similaires agrave celles drsquoune entreprise (analyse par application de la regravegle des quatre laquo P raquo les indices eacutetant classeacutes par ordre deacutecroissant drsquoimportance) bull Le laquo produit raquo proposeacute bull Le laquo public raquo beacuteneacuteficiaire bull Les laquo prix raquo pratiqueacutes bull La laquo publiciteacute raquo reacutealiseacutee

Srsquoagissant plus particuliegraverement des deux premiers critegraveres (laquo Produit raquo et laquo Public raquo) il convient de souligner que lrsquoinstruction fiscale procegravede agrave leur laquo reacuteunification raquo sous le vocable drsquo laquo utiliteacute sociale raquo En drsquoautres termes il y a bien reconnaissance drsquoutiliteacute sociale lorsque lrsquoassociation

‐ intervient dans un domaine ougrave les besoins sont insuffisamment couverts par le secteur lucratif ‐ ou46 srsquoadresse agrave un public qui ne peut normalement acceacuteder aux services du secteur concurrentiel

La recherche de lrsquoutiliteacute sociale conduit donc agrave mettre en correacutelation le produit et le service fourni par lrsquoassociation avec le public viseacute En effet une attention toute particuliegravere est attacheacutee agrave ces critegraveres et agrave lrsquoaffectation des exceacutedents pour deacuteterminer si lrsquoassociation exerce ou non une activiteacute suivant des modaliteacutes similaires agrave celles utiliseacutees par une entreprise

- Le produit est drsquoutiliteacute sociale laquo lrsquoactiviteacute qui tend agrave satisfaire un besoin qui nrsquoest pas pris en compte par le marcheacute ou qui lrsquoest de faccedilon peu satisfaisante raquo

- Le public sont susceptibles drsquoecirctre drsquoutiliteacute sociale laquo les actes

payant reacutealiseacutes principalement au profit de personnes justifiant lrsquooctroi drsquoavantages particuliers au vue de leur situation eacuteconomique sociale ou humaine (chocircmeurs personnes handicapeacutees notammenthellip) Ce critegravere ne doit pas srsquoentendre seulement agrave des situations de deacutetresse physique ou morale raquo

46 Le critegravere alternatif des deux eacuteleacutements produit et public a eacuteteacute affirmeacute par la jurisprudence CE 3 deacutecembre 1999 ndeg 133291 RJF 100 ndeg 35

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2 ndash Lrsquoapproche (fiscale) de la notion drsquoutiliteacute sociale un rocircle preacutepondeacuterant dans les proceacutedures de reconnaissance du secteur associatif Nous avons vu preacuteceacutedemment que

‐ La RUP suppose que lrsquoassociation exerce des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au sens de lrsquoarticle 200 et 238 bis du CGI ‐ La RIG commande pour les associations eacutevoluant dans la sphegravere eacuteconomique que ces derniegraveres exercent agrave titre preacutepondeacuterant des activiteacutes non lucratives ce qui suppose drsquoecirctre reconnues par lrsquoAdministration fiscale comme eacutetant drsquoutiliteacute sociale

Il existe bien par conseacutequent des interactions entre les diffeacuterents modes de reconnaissance et lrsquoapproche fiscale de la notion drsquoutiliteacute sociale Bien plus en insistant sur lrsquoimportance deacutecroissante des critegraveres retenus par la regravegle des 4 laquo P raquo lrsquoAdministration fiscale amplifie le rocircle joueacute par les deux premiers critegraveres (laquo Produit raquo et laquo Public raquo) et par conseacutequent lrsquoinfluence de cette notion au sein des modes de reconnaissance de la vie associative Autre eacuteleacutement important agrave ce stade de la reacuteflexion le rocircle non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat ou les autres administrations dans la laquo reconnaissance raquo drsquoutiliteacute sociale des associations en effet lrsquoinstruction fiscale47 preacutecise explicitement que ce type drsquoagreacutement laquo nrsquoest qursquoun eacuteleacutement parmi drsquoautres de lrsquoappreacuteciation de son utiliteacute sociale raquo Neacuteanmoins lrsquoinstruction preacutecise que laquo srsquoils prennent en compte la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y ait fait face ces agreacutements peuvent contribuer agrave lrsquoappreacuteciation de lrsquoutiliteacute sociale raquo Mais dans tous les cas lrsquoAdministration fiscale considegravere qursquolaquo ils ne sont ni neacutecessaires ni suffisants pour eacutetablir le caractegravere drsquoutiliteacute sociale de lrsquoassociation raquo Synthegravese de la RUS ‐ La notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale ouvre la capaciteacute des associations agrave intervenir dans la sphegravere eacuteconomique tout en preacuteservant leur statut drsquoorganismes sans but lucratif non soumis aux impocircts commerciaux ‐ In fine cette notion constitue un preacutealable indispensable agrave la mise en œuvre de la RIG (absence drsquoactiviteacute lucrative) et exerce une influence non neacutegligeable dans le mode de deacutelivrance de la RUP (reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et neacutecessiteacute de disposer de ressources suffisantes hors financement public) ‐ En lrsquoeacutetat actuel la reconnaissance (fiscale) drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre assimileacutee agrave une proceacutedure de reconnaissance institutionnelle de type RUP

47 Instr fisc 4 H-5-06 preacuteciteacutee ndeg63

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ou RIG instaureacutee par le leacutegislateur neacuteanmoins elle donne lieu agrave une appreacuteciation souveraine de lrsquoadministration fiscale dans le cadre de la proceacutedure de rescrit fiscal applicable depuis lrsquoinstruction fiscale preacuteciteacutee du 15 septembre 1998 En effet la reacuteponse du correspondant associations au questionnaire visant agrave deacuteterminer le reacutegime fiscal applicable au regard des impocircts vaut prise de position formelle de lrsquoadministration au sens de lrsquoarticle L 80 B du Livre des proceacutedures fiscales (opposabiliteacute) ‐ Telle que preacutevue par lrsquoinstruction fiscale du 18 deacutecembre 2006 preacuteciteacutee la notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale donne encore lieu agrave une appreacuteciation discreacutetionnaire et unilateacuterale de lrsquoadministration fiscale (sous reacuteserve du controcircle juridictionnel administratif)

bull Concernant lrsquoappreacuteciation discreacutetionnaire elle ressort drsquoune part de la dimension reacuteductrice des critegraveres retenus par lrsquoadministration fiscale48 et drsquoautre part de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation49 objective crsquoest-agrave-dire reposant sur lrsquoexistence de reacutefeacuterentiels qualitatifs et quantitatifs admis et partageacutes par tous50

bull Concernant lrsquoappreacuteciation unilateacuterale elle est induite par le caractegravere non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat (Ministegravere de tutelle) ou toute autre Administration y compris lorsque ces proceacutedures drsquoagreacutement preacutevoient des critegraveres permettant la prise en compte de la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y est fait face51 Or comme le soulignait deacutejagrave en 1993 MT

48 Lrsquoanalyse de la deacutecision rendue par lrsquoarrecirct Jeune France du 1er octobre 1999 (CE 1101999 ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354) permet eacutegalement de souligner la dimension neacutegative donneacutee agrave ces critegraveres dans la mesure ougrave ils servent agrave appreacutecier la speacutecificiteacute des associations et autres organismes sans but lucratif essentiellement au regard de regravegles de la concurrence 49 F Rousseau Lrsquoeacutevaluation laquo regravegle du jeu raquo entre associations et pouvoirs publics Juris Associations 1er avril 2008 ndeg376 p 16 et 17 lrsquoauteur souligne qursquoil convient de retenir laquo la diffeacuterence essentielle entre drsquoune part lrsquoeacutevaluation des activiteacutes associatives selon une logique drsquoeacutevaluation des politiques et drsquoautre part la deacutemarche de coconstruction drsquoune meacutethodologie drsquoeacutevaluation qui associe[rait[ les acteurs locaux (eacutelus techniciens militants associatifs chercheurs etc raquo 50 A souligner les nombreux travaux sur ces questions (liste non exhaustive) laquo Economie sociale et solidaire en reacutegion raquo (programme de recherche coordonneacute par la DIES et la Mire entre 2001 et 2003) P VIVERET Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 J GADREY 2003 Lrsquoutiliteacute sociale et organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE version provisoire 133 pages Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREE du 11 janvier 2005 La reconfiguration de lrsquoaction publique entre lrsquoEtat associations et participation citoyenne X ENGELS (Dir) M HELY A PERRIN H TROUVE De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne LrsquoHarmattan 2006 Guide meacutethodologique Fonda Rhocircne-Alpes (reacutealiseacute avec le concours de la Reacutegion Rhocircne-Alpes) Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective 2006 H TROUVE Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale de son activiteacute 124 pages wwwaviseorg Seacuteminaire Avise Evaluer lrsquoutiliteacute sociale deacutemarche meacutethodologie expeacuteriences Paris 6 deacutecembre 2007 51 Ibidum

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Cheroutre52 lors de sa preacutesentation du rapport du Conseil Economique et social laquo lrsquooctroi drsquoun agreacutement ou drsquoune habilitation est la marque de reconnaissance par les pouvoirs publics de la fonction remplie par lrsquoassociation ce qui implique des controcircles et drsquoeacuteventuels retraits si le contrat nrsquoest pas rempli raquo53

‐ Dans ces conditions et compte tenu des arguments qui preacutecegravedent il y a lieu de srsquointerroger sur la neacutecessiteacute drsquoune simplification des proceacutedures de reconnaissance de la vie associative (II) De faccedilon plus cruciale encore des questions se posent quant agrave la capaciteacute des acteurs agrave laquo coconstruire raquo leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation dans le cadre drsquoune deacutemarche partageacutee A ce propos nous assistons drsquoailleurs agrave un deacuteplacement du deacutebat national vers un cadre de reacuteflexion engageacute par les instances communautaires en matiegravere de transposition de la directive laquo services raquo et de deacutefinition de service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) II ndash VERS UNE SIMPLIFICATION DES MODES DE RECONNAISSANCE

A - La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) une utiliteacute

Dans une eacutetude adopteacutee le 25 octobre 2000 par la section du rapport et des eacutetudes du Conseil drsquoEtat54 il est rappeleacute qursquo laquo il nrsquoest pas aujourdrsquohui drsquoavantage patrimonial ou fiscal qui soit reacuteserveacute aux seules associations reconnues drsquoutiliteacute publique Il nrsquoy aurait donc pas drsquointeacuterecirct pour une association agrave ecirctre reconnue raquo En effet la plupart des associations simplement deacuteclareacutees perccediloivent des dons manuels55 ou encore sont en capaciteacute de beacuteneacuteficier de ce type de ressources sans aucune limitation soit directement sous la forme de meacuteceacutenat56 (dons uniquement) soit indirectement par la creacuteation drsquoun fonds de dotation57 ou en srsquoaffiliant agrave une union ou un organisme drsquoutiliteacute publique (dons et legs)58 52 Ibidum 53 La loi de finances rectificative pour 2008 (Loi ndeg2008-1443 du 30 deacutecembre 2008) a pris plusieurs mesures en vue de renforcer la seacutecuriteacute juridique des contribuables Lrsquoarticle 50 de la loi de finances rectificative pour 2008 creacuteeacute ainsi un recours devant lrsquoadministration pour les deacutecisions formelles prises en vertu des articles L80 B 1deg agrave 6deg et 8deg et L80 C du Livre des proceacutedures fiscales (LPF) applicable aux demandes deacuteposeacutees agrave partir du 1er juillet 2009 54 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique La documentation franccedilaise 2000 p15 55 Cass com 5 octobre 2004 ndeg03-15709 Bull civ IV ndeg178 56 Loi Aillagon du 1er aoucirct 2003 57 C Amblard Fonds de dotation encore du nouveau sur le front du meacuteceacutenat preacutec 58 Loi 1er juillet 1901 art 6 al1

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Degraves lors crsquoest tout naturellement et sans ambiguiumlteacute que le Conseil drsquoEtat srsquoest poseacute la question suivante laquo faut-il supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo (pour une meilleure lisibiliteacute de lrsquoaction associative et une simplification des proceacutedures de reconnaissance) Une telle proposition nrsquoa toutefois pas eacuteteacute retenue par lrsquoeacutetude des statistiques du Ministegravere de lrsquoInteacuterieur laquo il semble qursquoen deacutepit de la faiblesse des avantages qursquoelles peuvent en retirer et des contraintes que cela engendre pour elles des associations continuent chaque anneacutee de solliciter la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo Quelles peuvent-elles ecirctre les motivations des associations qui souhaiteraient beacuteneacuteficier de cette forme de reconnaissance Dans son rapport public de 200059 le Conseil drsquoEtat souligne avant tout laquo la force symboliques que srsquoaccordent agrave y voir les repreacutesentants du monde associatif raquo En effet il ressort que ceux-ci sont avant tout laquo agrave la recherche drsquoun label raquo60 La RUP laquo fait en quelque sorte agrave leurs yeux figure de label officiel qui consacre la leacutegitimiteacute de lrsquoassociation qui en beacuteneacuteficie et qui sanctionne la qualiteacute des actions qursquoelle megravene raquo Ainsi laquo [il] est un signe pour leurs partenaires et une garantie pour eux raquo Cependant le Conseil drsquoEtat croit bon attirer notre attention sur le fait que laquo cette force symbolique de la RUP nrsquoest toutefois pas deacutenueacutee drsquoeffets pratiques puisqursquoil apparaicirct que de 1991 agrave 1996 les associations et les fondations drsquoutiliteacute publique ont reccedilu 84 des dons deacuteclareacutes par les contribuables Pour les associations qui font appel agrave la geacuteneacuterositeacute publique la RUP vaut garantie que les sommes collecteacutees ne feront pas en principe lrsquoobjet drsquoune utilisation abusive ou frauduleuse raquo Cette garantie existe-t-elle vraiment srsquoagissant des associations RUP Preacuteciseacutement pour le Conseil drsquoEtat laquo cela peut paraicirctre paradoxal de rechercher le controcircle de lrsquoEtat pour pouvoir ensuite souligner qursquoelles srsquoy sont soumises et offrent donc toutes les garanties de bon fonctionnement raquo drsquoautant plus que pour lui laquo le controcircle de lrsquoEtat (hellip) est insuffisant raquo Crsquoest ainsi que dans son dernier rapport sur les associations RUP datant de 200061 ce dernier preacuteconisait dans ses conclusions laquo drsquointroduire dans la loi du 1er juillet 1901 (ou agrave lrsquoarticle L612-4 du Code de commerce) lrsquoobligation pour toute association reconnue drsquoutiliteacute publique drsquoavoir recours agrave un commissaire aux comptes dans les conditions preacutevues aux articles L 225-218 et suivants du Code de commerce raquo

59 Conseil drsquoEtat Les associations et la loi de 1901 cent ans apregraves Rapport public 2000 La documentation franccedilaise Etudes et Documents ndeg51 p307 60 Conseil drsquoEtat Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec 61 Ibidum

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Or agrave ce jour force est de constater qursquoaucune reacuteforme nrsquoest intervenue en ce sens En effet il nrsquoexiste ni dans la loi du 1er juillet 1901 ni dans les statuts-types des associations RUP ni mecircme dans aucun dispositif leacutegislatif speacutecifique ndash en dehors du dispositif applicable en matiegravere drsquoappel agrave la geacuteneacuterositeacute publique62 - drsquoobligation imposant la preacutesence drsquoun commissaire aux comptes au sein des associations RUP Aussi et toujours pour le Conseil drsquoEtat laquo srsquoil nrsquoy a donc pas de motif deacuteterminant de supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique il convient de reacutefleacutechir aux ameacuteliorations pouvant ecirctre apporteacutees agrave son reacutegime drsquoutiliteacute publique et aux reacutegimes voisins raquo En tout eacutetat de cause la pertinence du maintien de la RUP se pose si lrsquoon en juge les reacutesultats de deux rapports ministeacuteriels reacutecents sur cette question en effet pour le rapport Morange63 laquo les avantages mateacuteriels de la RUP sont deacutesormais drsquoune porteacutee quasi theacuteorique raquo Quant agrave lrsquoavantage moral de la RUP pour le deacuteputeacute P Morange il demeure laquo important mais il ne justifie pas la lourdeur de la proceacutedure raquo Le rapport Langlais64 parle lui de laquo proceacutedure eacutelitiste raquo qui laquo nrsquoa pas su srsquoadapter aux eacutevolutions de la socieacuteteacute raquo Pourquoi degraves lors vouloir absolument maintenir un systegraveme de reconnaissance qui agrave notre avis pose deux probleacutematiques majeures

‐ La premiegravere probleacutematique porte sur la capaciteacute patrimoniale des associations qui preacuteciseacutement ne beacuteneacuteficient pas de cette forme de reconnaissance en effet est-il toujours leacutegitime que pregraves drsquoun million de structures associatives disposent par contrecoup drsquoune capaciteacute juridique reacuteduite Deacutejagrave en 1993 agrave propos de la capaciteacute patrimoniale des associations simplement deacuteclareacutees le Conseil Economique et social65 soulignait que laquo le contexte drsquoaujourdrsquohui eacutelargissant les missions de nombreuses associations met davantage lrsquoaccent sur les enjeux eacuteconomiques et sociaux qui leur demandent de mobiliser agrave la fois des moyens eacuteconomiques financiers et humains On peut donc agrave juste titre se demander si les carcans drsquoune autre eacutepoque ne pourraient ecirctre leveacutes raquo Les choses ont peu eacutevolueacute depuis au deacutetriment drsquoun secteur associatif dont lrsquoessentiel de ses forces vives consacre une bonne partie de leur temps et de leur eacutenergie agrave rechercher des

62 Loi ndeg91-772 du 7 aoucirct 1991 art 3 et encore il convient de noter que lrsquointervention du commissaire aux comptes ne srsquoimpose que pour les associations ayant nommeacute un commissaire aux comptes pour drsquoautres motifs Anteacuterieurement le compte emploi des ressources (CER) constituait un document autonome agrave deacuteposer au siegravege de lrsquoassociation et agrave tenir agrave disposition des adheacuterents En cas de controcircle par un commissaire aux comptes ce dernier eacutetait tenu drsquoeacutetablir une attestation Depuis le 1er janvier 2006 le CER est devenu un eacuteleacutement annexe aux comptes Lrsquoattestation du commissaire aux comptes nrsquoa donc plus lieu drsquoecirctre (cf Meacutemento pratique F Lefebvre Associations 2008-2009 ndeg71400 p976) 63 P Morange Rapport drsquoinformation sur la gouvernance et le financement des structures associatives ndeg134 assembleacutee nationale 1er octobre 2008 p41 et 42 64 JL Langlais Pour un partenariat renouveleacute entre lrsquoEtat et les associations rapport ministeacuteriel juin 2008 p 26 65 Ibidum p 82

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financements Sur ce point il convient de noter les propositions drsquoeacutevolutions importantes figurant dans le rapport Morange lequel suggegravere aux associations simplement deacuteclareacutees de beacuteneacuteficier de la capaciteacute juridique de recevoir des dons ‐ La seconde probleacutematique renvoit directement aux besoins exprimeacutes en matiegravere de simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif en effet le rapport Langlais66 souligne agrave juste titre que laquo la principale source de complexiteacute tient agrave lrsquoeacuteclatement des modes de reconnaissance du fait associatif par la puissance publique La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) existe toujours elle nrsquoa pas varieacute depuis un siegravecle (hellip) elle est de plus en plus concurrenceacutee par drsquoautres formes de reconnaissance et certains nrsquoheacutesitent pas agrave la consideacuterer comme deacutemodeacutee voire obsolegravete La reconnaissance drsquoutiliteacute publique est accordeacutee sans limitation de dureacutee et il existe probablement comme pour les associations deacuteclareacutees mais en beaucoup plus faible proportion des ARUP qui figurent toujours dans les chiffres officiels bien qursquoelles nrsquoaient plus drsquoexistence reacuteelle raquo De son cocircteacute le deacuteputeacute P Morange propose de deacutelivrer la RUP pour une dureacutee deacutesormais limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans

Il convient par conseacutequent drsquoenvisager une simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif drsquoautant plus que sont apparus agrave cocircteacute de la RUP de nombreuses autres formes de reconnaissance plus ou moins officielle tels que les agreacutements ou les labels priveacutes (Comiteacute de la Charte voire mecircme la proposition de labellisation AFNOR) Nous verrons infra que ce processus de simplification doit ecirctre lrsquooccasion drsquoun dialogue renouveleacute entre les acteurs du monde associatif et les pouvoirs publics en vue de la mise en œuvre drsquoune deacutemarche partageacutee

66 Ibidum

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B - LA SIMPLIFICATION DES PROCESSUS DE RECONNAISSANCE VERS UNE RECONNAISSANCE UNIQUE DrsquoUTILITE SOCIALE

1 ndash Les propositions reacutecemment formuleacutees par les rapports Langlais et Morange de 2008

Sur ce point les deux rapports srsquoaccordent pour distinguer trois types drsquoassociations

11 - Les associations deacuteclareacutees

Pour JL Langlais il srsquoagirait de reconnaicirctre la capaciteacute creacuteatrice de ces associations locales par lrsquooctroi de subventions symboliques et uniquement deacutelivreacutees par les collectiviteacutes territoriales correspondant agrave leur aire drsquoinfluence P Morange propose quant agrave lui drsquoouvrir la capaciteacute juridique de ces laquo petites raquo associations en leur permettant de percevoir des dons (autres que manuels) et de les soumettre aux controcircles drsquoun commissaire aux comptes et aux controcircles meneacutes par les services deacuteconcentreacutes degraves lors qursquoelles beacuteneacuteficieraient de subventions publiques

12 - Les associations reconnues drsquoutiliteacute sociale ou

drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

Pour JL Langlais ces associations pourraient beacuteneacuteficier drsquoune reconnaissance drsquointeacuterecirct laquo social ou geacuteneacuteral raquo

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce sont en gros les 4 conditions

requises pour lrsquoobtention de lrsquoagreacutement fiscal (cf supra) Drsquoailleurs il est proposeacute que cet agreacutement soit deacutecerneacute par lrsquoAdministration fiscale Une condition suppleacutementaire pourrait ecirctre poseacutee relative au beacuteneacutevolat sans neacutecessairement fixer de seuil a priori on devrait exiger que le beacuteneacutevolat soit nettement preacutepondeacuterant dans le fonctionnement de lrsquoassociation

Avantages consentis possibiliteacute de recevoir des subventions y

compris des subventions de fonctionnement capaciteacute agrave recevoir des dons (nrsquoexceacutedant pas un certain montant) agrave faire beacuteneacuteficier aux donateurs de lrsquoexoneacuteration fiscale au taux de droit commun

Obligations ecirctre agrave jour de leurs obligations deacuteclaratives

obligation de justifier lrsquoemploi des fonds reccedilus de deacuteposer leurs comptes en Preacutefecture de se soumettre aux controcircles aleacuteatoires ou programmeacutes de la puissance publique certification obligatoire des comptes au-delagrave de 153 000 euro de financement annuel

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Pour P Morange laquo cette cateacutegorie recouvre les associations subventionneacutees ou qui beacuteneacuteficient drsquoavantages fiscaux et oeuvrent au service de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo Selon lui laquo il serait envisageable comme en Grande Bretagne drsquoeacutetablir des listes de secteurs dans lesquels ces associations interviennent et de les soumettre agrave un certain nombre drsquoobligations en srsquoinspirant par exemple de la pratique fiscale (voir supra) Ainsi lrsquoassociation devrait poursuivre un but drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral ecirctre soumise agrave un controcircle financier et une eacutevaluation reacuteguliegravere au niveau deacutecentraliseacute raquo Enfin laquo lrsquoassociation devrait se doter drsquoun commissaire aux comptes raquo

13 Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique Pour JL Langlais seules les associations qui se consacrent exclusivement agrave des actions drsquoassistance ou de bienfaisance pourraient beacuteneacuteficier drsquoune RUP

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce seraient les mecircmes que pour la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral mais avec 3 nuances - toute lrsquoactiviteacute doit ecirctre tendue vers lrsquoobjet social - un degreacute plus eacuteleveacute de professionnalisation (et donc de salariat) serait acceptable - mais un moindre degreacute drsquoouverture exigeacute (une association pourrait ecirctre reconnue drsquoutiliteacute publique alors qursquoelle fonctionne au beacuteneacutefice drsquoun public fermeacute67)

Avantages les avantages seraient ceux du reacutegime actuel le

plus favorable dons et legs (reacutegime RUP) exoneacuteration au taux le plus favorable (laquo amendement Coluche raquo) subventions sur une base pluriannuelle

Obligations toutes les obligations du reacutegime preacuteceacutedant avec en plus lrsquoobligation de deacuteposer des comptes certifieacutes

JL Langlais poursuit en proposant que la reconnaissance drsquoutiliteacute publique soit laquo deacutecerneacutee pour une dureacutee limiteacutee soit par le ministegravere de lrsquointeacuterieur soit par le ministegravere en charge de la vie associative (et les preacutefets agrave lrsquoeacutechelon deacuteconcentreacute) soit encore par une agence nationale agrave creacuteer raquo Pour P Morange la RUP laquo serait deacutelivreacutee par le Conseil drsquoEtat comme crsquoest le cas actuellement et controcircleacutee par la Cour des comptes avec le concours de lrsquoIGAS et de lrsquoIGA pour une dureacutee limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans raquo A titre subsidiaire les auteurs proposent eacutegalement drsquoeacutetablir une laquo situation speacutecifique raquo pour les associations engageacutees dans la gestion drsquoune mission de service public tandis que P Morange envisage cette situation sous lrsquoangle de la seacutecurisation des rapports engageacutes par ces derniegraveres avec lrsquoadministration JL Langlais quant agrave lui considegravere dans une telle situation que laquo la forme juridique [drsquoassociation] nrsquoest alors qursquoune fiction raquo et que degraves lors laquo lrsquoEtat doit pouvoir les financer mais aussi les controcircler et les diriger comme il le

67 Lrsquoauteur propose de revenir sur la jurisprudence CE 7 feacutevr 2007 ndeg 287949 Steacute des anciens eacutelegraveves de lrsquoEacutecole Nationale Supeacuterieure drsquoArts et Meacutetiers et a

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ferait de ses propres services en attendant de trouver une structure juridique adeacutequate raquo Une mise en conformiteacute des proceacutedures drsquoagreacutement avec les nouvelles contraintes communautaires est eacutegalement envisageacutee

2 ndash Nos pistes de reacuteflexions

21 - Concernant le devenir de la proceacutedure RUP

Nous avons vu preacuteceacutedemment que cette proceacutedure deacutesormais consideacutereacutee comme eacutetant laquo obsolegravete raquo par la plupart des observateurs (voir supra) ne preacutesentait plus guegravere drsquointeacuterecirct sur un plan technique (voir supra) Degraves lors et en raison de la forte concentration de financements priveacutes (pregraves de 90 sous la forme de dons deacuteclareacutes par les contribuables ndash voir supra) sur un nombre extrecircmement limiteacute drsquoassociations et de fondations RUP de cette laquo proceacutedure eacutelitiste raquo la question de son devenir se pose de faccedilon cruciale En effet au 15 juillet 2000 le Conseil drsquoEtat deacutenombrait 1960 associations RUP laquo dont 200 nrsquoauraient selon lui aucune activiteacute sinon plus aucune existence raquo68 Force est de constater que presque 10 ans plus tard ce nombre nrsquoa quasiment pas augmenteacute puisque le dernier recensement effectueacute en deacutecembre 200869 par le Ministegravere de lrsquointeacuterieur fait eacutetat de 1966 associations RUP Lrsquourgence consiste donc bien agrave mettre un terme agrave cette situation laquo monopolistique raquo ougrave agrave tout le moins agrave instaurer des proceacutedures de controcircle agrave la fois plus preacutecises et plus contraignantes que celles existantes actuellement Sur ce point les propositions tendant agrave limiter la deacutelivrance de la RUP pour une dureacutee limiteacutee formuleacutees dans les rapports Langlais et Morange nous semblent parfaitement approprieacutees Ces propositions seront agrave rapprocher de celle proposeacutee par P Morange visant offrir agrave lrsquoensemble des associations la laquo grande capaciteacute juridique raquo particuliegraverement en matiegravere de dons

22 - Concernant la probleacutematique du rapprochement entre reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale)

Il ne srsquoagit pas de revenir sur les nombreux travaux drsquoores et deacutejagrave existants en matiegravere de rapprochement des concepts drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et drsquoutiliteacute sociale Parmi les plus importants lrsquoon peut citer ceux de J Gadrey en 200470 ceux reacutesultant de la journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF en 200571 ou encore la contribution commune de X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute publieacutee en 200672 A la lumiegravere de ces travaux il

68 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec p15 69 Site du ministegravere de lrsquointeacuterieur (publication du 08 avril 2008) httpwwwinterieurgouvfrsectionsa_la_unepublicationscultes-associations 70 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale des organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE feacutevrier 2004 71 Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Paris 11 janvier 2005 72 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Editions LrsquoHarmattan Paris 2006

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semble bien que lrsquoon assiste agrave laquo un basculement vers la notion plus large drsquoutiliteacute sociale notion qui par ailleurs entretient une filiation juridique avec le concept drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo73 Sur un plan juridique ces travaux montrent notamment qursquoil existe laquo un rapport assez eacutetroit agrave certains eacutegards entre la notion drsquoutiliteacute sociale et celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo si lrsquoon considegravere lrsquoanalyse de la jurisprudence des dix derniegraveres anneacutees74 Dans cette perspective la deacutemarche de rapprochement entre la proceacutedure RIG et RUS proposeacutee par les rapports de JL Langlais et P Morange trouverait une explication rationnelle

23 - Concernant lrsquoapproche du concept mecircme drsquoutiliteacute sociale

Comme le souligne J Gadrey75 laquo lrsquoutiliteacute sociale des organisations drsquoeacuteconomie sociale (OES) nrsquoa guegravere drsquoexistence en tant que probleacutematique geacuteneacuterale en dehors des deacutebats concernant le rocircle eacuteconomique et social actuel et futur de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Crsquoest une ideacutee qui a eacuteteacute forgeacutee pour deacutefendre lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire face agrave certaines menaces ou pour promouvoir le deacuteveloppement de regravegles favorables76 raquo Pour ce dernier en effet laquo il y a rien de naturel agrave soulever la question de lrsquoutiliteacute sociale des OES et qursquoil srsquoagit bien drsquoune convention socio-politique historiquement et geacuteographiquement contingente77 raquo Neacuteanmoins si le concept demeure aujourdrsquohui encore relativement flou paradoxalement il reccediloit dans notre droit interne une application de plus en plus freacutequente par les tribunaux78 et lrsquoAdministration fiscale79 De son cocircteacute et mecircme si pour lrsquoinstant le leacutegislateur srsquoest toujours refuseacute de srsquoorienter vers la voie drsquoune reconnaissance drsquoutiliteacute sociale80 celui-ci fait de plus reacutefeacuterence agrave ce concept81 drsquoougrave la neacutecessiteacute de privileacutegier une approche visant agrave circonscrire lrsquo laquo halo socieacutetal raquo82 des OES plutocirct que de chercher drsquoune maniegravere 73 A Euillet Lrsquoutiliteacute sociale une notion deacuteriveacutee de celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Revue de droit sanitaire et social ndeg2 avril-juin 2002 pp 2007 - 228 74 J Gadrey preacutec p 30 75 Ibidum 76 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques thegravese de droit 1998 preacutec Lrsquoauteur envisage la mise en œuvre drsquoune affirmative action en faveur des associations reconnues drsquoutiliteacute sociale 77 Si lrsquoon prend lrsquoexemple des services agrave domicile aux personnes acircgeacutees en Suegravede on peut observer que ceux-ci sont majoritairement produits par des organisations publiques locales tandis qursquoaux Etats-Unis - ougrave le laquo non profit sector raquo se construit le plus souvent comme une puissance alternative priveacutee face agrave un Etat providence laquo diaboliseacute raquo (Salamon) ils sont majoritairement financeacutes par des fonds priveacutes (beacuteneacuteficiant drsquoavantages fiscaux) 78 Voir par exemple CE 24 octobre 1979 CAA Paris 1er deacutecembre 1989 CAA Nancy 19 novembre 1992 79 Instr Fisc BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 1998 Instr Fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 (synthegravese) 80 Reacutep min du 01 juillet 1999 JO Seacutenat p 2224 81 Voir par exemple Loi ndeg2002-2 du 2 janvier 2002 relative agrave lrsquoaction sociale et meacutedico-sociale Loi ndeg 97-940 du 16 octobre 1997 relative au deacuteveloppement dactiviteacutes pour lemploi des jeunes (JO du 17 Octobre) LOI ndeg 9 8-657 du 29 juillet 1998 drsquoorientation relative agrave la lutte contre les exclusions 8282 A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport final relatif agrave la lettre de mission de Madame la Ministre de lrsquoEmploi et de la Solidariteacute 2000 pour A Lipietz il srsquoagirait de deacutefinir les contours du tiers secteur par un laquo label drsquoutiliteacute sociale et solidaire fondeacutes sur deux types de critegraveres quant aux

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improbable une deacutefinition qui serait unanimement admise par les acteurs des OES Finalement il ne srsquoagirait rien moins que de reconnaicirctre les OES afin de soutenir lrsquoeffort particulier de ces entiteacutes juridiques dont les laquo speacutecificiteacutes meacuteritoires raquo83 rejaillissent sur lrsquoensemble de la collectiviteacute Mais limiter le concept au seul beacuteneacutefice des OES serait par trop reacuteducteur et la mesure de lrsquoutiliteacute sociale doit eacutegalement ecirctre envisageacutee en tant qursquooutil de reacutegulation des politiques publiques84

24 - Concernant les difficulteacutes lieacutees agrave la mise en œuvre drsquoune proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale

Sur ce point il importe de tenir compte des critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de la proposition de mise en place drsquoun systegraveme unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale des OES (tel qursquoimagineacute par le CNVA dans son rapport datant de 1995) A cette eacutepoque le CNVA contestait laquo lrsquoambiguiumlteacute de lrsquointerpreacutetation juridique et fiscale de lrsquoutiliteacute sociale en particulier en raison de confusions constateacutees entre le critegravere de non lucrativiteacute et les vrais critegraveres drsquoutiliteacute sociale La reacuteflexion associative commence alors agrave se preacuteciser sur les critegraveres de non lucrativiteacute drsquoun cocircteacute sur les critegraveres drsquoutiliteacute sociale de lrsquoautre avec une insistance sur la neacutecessiteacute de ne pas confondre ces deux dimensions Parallegravelement le CNVA conteste lrsquoideacutee alors assez preacutesente du cocircteacute de lrsquoadministration selon laquelle un critegravere essentiel de lrsquoutiliteacute sociale serait que les besoins auxquels reacutepond lrsquoactiviteacute ne sont pas normalement (ou pas suffisamment) pris en compte par le marcheacute Cette deacutefinition purement neacutegative signifierait en effet soit que lrsquoutiliteacute sociale drsquoune association disparaicirct si le marcheacute srsquoinstalle sur un champ de besoins deacutejagrave deacutefricheacutes par les œuvres soit que lrsquoassociation devient alors automatiquement lucrative raquo85 Depuis lors un tel risque nous semble ecirctre leveacute dans la mesure ougrave le laquo reacutefeacuterentiel raquo drsquoutiliteacute sociale doit deacutesormais tenir compte de la jurisprudence du Conseil drsquoEtat en matiegravere fiscale En effet lrsquoarrecirct rendu en date du 1er octobre 199986 est venu preacuteciser qursquoun organisme sans but lucratif ne concurrence une entreprise que si les services qursquoil rend sont laquo offerts en concurrence dans la mecircme zone geacuteographique drsquoattraction avec ceux proposeacutes au mecircme public par des entreprises commerciales exerccedilant une activiteacute identique raquo Il a eacuteteacute eacutegalement preacuteciseacute depuis que laquo le critegravere du public ne doit pas srsquoentendre uniquement des situations de deacutetresse physique ou morale raquo87 buts (ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie solidaire) et quant aux modes drsquoorganisation interne (notamment lucrativiteacute limiteacutee le caractegravere deacutemocratique et multipartenariale de sa direction) ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie sociale raquo J Gadrey parle plus volontiers drsquoutiliteacute sociale externe et drsquoutiliteacute sociale interne preacutec p 37 83 F Bloch-Laineacute Identifier les associations de service social RECMA 1994 ndeg251 p 61 84 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne ibidum selon L Fraisse laquo lrsquoapparition drsquoun deacutebat sur lrsquoutiliteacute sociale peut aussi srsquointerpreacuteter comme un nouveau critegravere de politique publique agrave mecircme de preacuteciser les contours et de renforcer lrsquoinstitutionnalisation des activiteacutes et lrsquoeacuteconomie solidaire raquo voir eacutegalement N Richez-Battesti Les collectiviteacutes territoriales face agrave lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale Juris Associations ndeg376 1er avril 2008 pp 17-19 85 J Gadrey preacutec p 31 86 CE 1er octobre 1999 Association Jeune France ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354 87 Instr fisc BOI 4 H-5-06 preacutec

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Par ailleurs le CNVA soulignait le caractegravere laquo eacutevolutif voire conjoncturel raquo du concept drsquoutiliteacute sociale dans la mise en œuvre drsquoune seacuterie de dix indicateurs (voir infra) Pour lrsquoessentiel G Goulard88 consideacuterait qursquoen lrsquoeacutetat actuel ce concept eacutetait laquo encore plus subjectif que les critegraveres jurisprudentiels en vigueur raquo et qursquoune telle situation laquo risqu[ait] drsquoecirctre interpreacuteteacutee dans un sens reacuteducteur deacutefavorable aux associations dont lrsquoutiliteacute nrsquoest pas sociale mais intellectuelle culturelle spirituelle politique historique eacuteconomique etc raquo Srsquoil est vrai qursquoen 1998 de tels arguments nrsquoeacutetaient pas neacutegligeables il apparaicirct que certains drsquoentre eux apparaissaient forts contestables En effet comme le souligne J Gadrey dans son rapport de 2004 laquo la subjectiviteacute de la notion drsquoutiliteacute sociale peut fort bien ecirctre compatible avec sa consolidation comme reacutefeacuterence en droit (la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral srsquoest bien imposeacutee en deacutepit drsquoun flou aussi consideacuterable) raquo En effet il convient drsquoobserver que drsquoautres notions fondamentales agrave lrsquoinstar du droit commercial sont fondeacutees sur lrsquoarbitraire comme a deacutejagrave pu le souligner le Professeur Y Guyon laquo le droit commercial nrsquoest pas une construction fondeacutee sur la raison mais une approche fondamentalement arbitraire raquo89 Ainsi poursuit J Gadrey laquo le fait que des associations qui ne font pas partie du champ de lrsquoaction sociale (au sens strict) auraient des difficulteacutes agrave faire connaicirctre leur utiliteacute sociale nrsquoa rien drsquoineacuteluctable et deacutepend de la faccedilon dont la convention drsquoutiliteacute sociale se construit sur un mode restrictif ou au contraire extensif raquo De fait il apparaicirct que le concept drsquoutiliteacute sociale deacutepend moins de notre capaciteacute agrave deacutefinir des critegraveres distinctifs que de celle favorisant lrsquoeacutemergence drsquoune convention sociopolitique (voir infra) portant sur lrsquoutiliteacute sociale (convention drsquoutiliteacute sociale) Une telle approche preacutesenterait en outre deux avantages principaux en premier lieu celui du maintien du caractegravere eacutevolutif de ce concept en second lieu celui de la reacuteciprociteacute entretenue entre les associations et les pouvoirs publics dans la construction et lrsquoacceptation du concept mecircme

88 Rapport Goulard mars 1998 89 Y Guyon Droit des affaires Economica 5egraveme eacuted 1988 agrave rapprocher de M Despax Lrsquoentreprise et le droit Bibl Dr Priv T1 Paris 1954 p34 selon lrsquoauteur laquo le droit commercial (hellip) est neacute de la pratique Ses normes sont la conseacutecration drsquousages peu agrave peu eacutetablis et non la construction de la raison de lagrave cette difficulteacute souvent eacuteprouveacutee pour les juristes agrave les expliquer raquo

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III - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE

SOCIALE (OU SOCIETALE) UNE DEMARCHE PARTAGEE

A ndash LA PROCEDURE DE RUS PRESENTE-T-ELLE ENCORE UN INTERET

Comme le suggegravere le rapport Morange90 la proposition formuleacutee par JP Decool en mai 200591 laquo meacuterite drsquoecirctre approfondie raquo En effet pour ce dernier il convient de mettre en place une proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute socieacutetale comme substitut agrave la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral jugeacutee laquo deacutesuegravete et vague raquo laquo il serait donc opportun afin de donner une nouvelle dimension au monde associatif (hellip) de redonner au citoyen toute sa place au sein de la socieacuteteacute Lui permettre de srsquoexprimer et de manifester son deacutesir de donner ou de partager des valeurs communes Ainsi peut-on envisager le rocircle de lrsquoassociation dans la socieacuteteacute raquo A ce stade il nous semble que la meacutethode preacuteconiseacutee par le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) depuis son rapport du 4 feacutevrier 198692 demeure toujours drsquoactualiteacute93 Ce dernier preacuteconisait lrsquointroduction drsquoun systegraveme de reconnaissance a priori qui permettrait aux associations reconnues drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) de lever laquo toute incertitude durant une peacuteriode deacutefinie tant que les conditions drsquoexercice de leur activiteacute au vu desquelles elles ont obtenu lrsquoagreacutement ne seraient pas modifieacutees raquo94 Selon le projet du CNVA cette reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) devait ecirctre accordeacutee non pas par le pouvoir exeacutecutif mais par une veacuteritable juridiction ou commission paritaire composeacutee de repreacutesentants des associations des administrations concerneacutees (Ministegravere de tutelle et Administration fiscale) et preacutesideacutee par un magistrat95 Celle-ci pourrait eacutegalement comprendre un certain nombre drsquoexperts qualifieacutes et issus de la socieacuteteacute civile ainsi qursquoun repreacutesentant des collectiviteacutes locales deacutecentraliseacutees96 90 Ibidum 91 JP Decool Des associations en geacuteneacuteral vers une eacutethique socieacutetale rapport au 1er ministre mai 2005 92 Voir eacutegalement les Rapports et Avis du 12 juin 1991 et 15 juin 1995 93 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit 1998 preacutec 94 CNVA Bilan de la vie associative en 1990-1991 La documentation franccedilaise Paris 1992 Rapport et avis adopteacutes en session pleacuteniegravere du CNVA le 15 juin 1995 sur laquo lrsquoutiliteacute sociale des associations et ses conseacutequences en matiegravere eacuteconomique fiscale et financiegravere raquo 95 On peut noter la proximiteacute de cette composition avec celle de la laquo Charity Commission raquo de Grande-Bretagne composeacutee de fonctionnaires dont deux doivent ecirctre des juges dont le rocircle drsquoinformation de conseil de controcircle srsquoexerce aupregraves des laquo Charities raquo auxquelles la Commission donne le label qui ouvre droit agrave des faciliteacutes fiscales et financiegraveres 96 Voir la composition du comiteacute strateacutegique des fonds de dotation creacuteeacute le 19 novembre 2008 preacutesideacute par JJ Hyest Preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat

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Les deacutecisions de cette instance pourraient faire lrsquoobjet drsquoun recours devant les juridictions compeacutetentes (ce qui aurait eu pour effet de laquo judiciariser raquo le concept drsquoutiliteacute sociale) La reconnaissance serait attribueacutee pour une dureacutee de cinq anneacutees agrave lrsquoissue drsquoun rapport drsquoaudit baseacute sur des critegraveres drsquoeacutevaluation (pour ce qui concerne lrsquoutiliteacute sociale externe) Les critegraveres drsquoeacutevaluation pourraient faire lrsquoobjet drsquoune deacutemarche partageacutee (voir infra) et contractualiseacutee avec les diffeacuterents acteurs agrave partir de critegraveres quantitatifs et qualitatifs neacutegocieacutes En effet le CNVA nrsquoa pas souhaiteacute mettre en place un systegraveme unique et isoleacute de reconnaissance drsquoune cateacutegorie particuliegravere drsquoassociations qui serait reconnue drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) agrave lrsquoinstar de ce qui a par exemple eacuteteacute conccedilu pour la reconnaissance drsquoutiliteacute publique Il preacuteconise plutocirct laquo le recours agrave de multiples dispositifs susceptibles drsquoaccorder aux associations (en tant qursquoopeacuterateurs) ou agrave leurs activiteacutes (en tant qursquoopeacuteration97) la reconnaissance et le soutien en fonction et dans le respect de la diversiteacute des speacutecificiteacutes associatives raquo Lrsquoensemble de ces speacutecificiteacutes doit pouvoir ecirctre appreacutehendeacute agrave travers un certain nombre drsquoindicateurs avec la mise en place de la technique du faisceau drsquoindices Les critegraveres deacutegageacutes98 formeraient ainsi une liste (non exhaustive) qui permettant de mieux cerner les contours de lrsquoutiliteacute sociale

- La primauteacute du projet finaliteacute de lrsquoaction associative99

- Le fonctionnement deacutemocratique - Lrsquoapport social de lrsquoassociation100 - La non-lucrativiteacute qui par essence marque la

diffeacuterence par rapport au secteur commercial - La gestion deacutesinteacuteresseacutee101 ce qui nrsquoexclut ni la

rigueur ni la transparence financiegravere - La capaciteacute agrave mobiliser la geacuteneacuterositeacute humaine

(beacuteneacutevolat) ou financiegravere (dons) - Le mixage des publics et lrsquoouverture

qui a pour mission de suivre lrsquoeacutevolution des fonds de dotation 1 repreacutesentant du MINEFI 3 magistrats 7 personnaliteacutes qualifieacutees A ce titre il pourra eacutelaborer des recommandations de bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion et faire toutes les propositions qui lui sembleront neacutecessaires pour favoriser le deacuteveloppement des fonds de dotation (Sources MINEFI 14 janvier 2009) 97 Cette solution preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre neutre sur le plan concurrentiel et vis-agrave-vis des autres opeacuterateurs eacuteconomiques 98 Le CNVA preacutecise dans son rapport du 15 juin 1995 preacutec que ces critegraveres sont laquo non exclusifs non cumulatifs et non exhaustifs les uns par rapport aux autres raquo 99 La FONDA dans un seacuteminaire en date du 17 octobre 1992 suggeacuterait et explicitait ces trois premiers critegraveres agrave partir desquels elle se fondait pour identifier les associations drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral 100 Ce critegravere ainsi que les critegraveres 6 7 et 8 relegravevent de la notion drsquoutiliteacute sociale externe qui selon nous devrait faire lrsquoobjet drsquoune contractualisation pluri annuelle dans le cadre drsquoune deacutemarche de construction et drsquoeacutevaluation partageacutee (voir infra) 101 Sur cette notion voir Instr fisc (Synthegravese) BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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- Les secteurs drsquointervention pas ou mal couverts par les autres agents eacuteconomiques ou par les collectiviteacutes publiques

- Lrsquoexistence de financements publics ou parapublics

- Lrsquoexistence drsquoun agreacutement ministeacuteriel (Ministegravere de rattachement) ou drsquoune habilitation102

La reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) pourrait ecirctre attribueacutee aux associations laquo dont les statuts le mode de fonctionnement et les modaliteacutes drsquoexercice de leur activiteacute caracteacuterisent suffisamment leur utiliteacute sociale aux yeux de cette juridiction Elle pourrait agrave lrsquoinverse ecirctre retireacutee par cette mecircme juridiction ou commission paritaire degraves lors que les conditions ayant preacutesideacute agrave son attribution ne seraient plus reacuteunies Lrsquoabsence de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre invoqueacutee pour creacuteer une preacutesomption de lucrativiteacute pour lrsquoassociation qui nrsquoen beacuteneacuteficierait pas raquo Agrave ce jour nombreux sont les acteurs srsquoeacutetant prononceacutes en faveur de lrsquoeacutelaboration drsquoune reconnaissance unique drsquoutiliteacute sociale (RUS) Nous avons vu preacuteceacutedemment que les derniers rapports ministeacuteriels et parlementaires se montrent favorables agrave la mise en œuvre drsquoune telle proceacutedure Pour MT Cheacuteroutre103 laquo lrsquoattribution drsquoune reconnaissance par les pouvoirs publics aux organismes susceptibles drsquoecirctre exoneacutereacutes apparaicirct eacuteminemment souhaitable Cette reconnaissance accordeacutee pour une dureacutee deacutetermineacutee apporterait agrave ces derniers une garantie drsquoexoneacuteration du moins aussi longtemps qursquoil ne serait pas prouveacute par lrsquoadministration qursquoils ne respectent plus les conditions pour lesquelles ils ont obtenu ladite reconnaissance raquo De son cocircteacute la FONDA104 a eacutegalement exprimeacute son souhait drsquoassurer laquo une meilleure seacutecuriteacute financiegravere aux associations relevant de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et srsquoest montreacutee laquo favorable agrave la creacuteation drsquoune RUS attribueacutee par une commission tripartite (Etat Magistrats Associations) raquo Agrave notre connaissance deux projets de loi105 ont eacuteteacute deacuteposeacutes en ce sens pour ecirctre rapidement abandonneacutes par la suite faute de reacuteelle volonteacute politique En effet comme le souligne le CNVA agrave propos de la mise en œuvre de la RUS

102 Notamment lorsque lrsquoobjet de lrsquoassociation consiste agrave reacutealiser des activiteacutes reacuteglementeacutees 103 MT Cheacuteroute Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 rapport au nom du conseil eacuteconomique et social ndeg4 JO du 1er avril 1993 104 La FONDA Pour une eacutethique des rapports entre pouvoirs publics et citoyens seacuteminaire Paris 17 octobre 1992 105 Projet de loi A Henry RTD com 192 447 en janvier 2002 ce projet avait lanceacute une vaste consultation autour du concept drsquoutiliteacute sociale dans le but de deacutelimiter les associations auxquelles seraient accordeacutees le label Proposition de loi ndeg2779 AN 1996 art 2 laquo Les associations peuvent ecirctre reconnues drsquoutiliteacute sociale agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode probatoire de fonctionnement drsquoune dureacutee au moins eacutegale agrave trois ans lorsqursquoelles satisfont cumulativement aux conditions suivantes avoir un objet social de caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique humanitaire sportif familial culturel ou drsquoaction sociale ou de mise en œuvre du patrimoine artistique ou de deacutefense de lrsquoenvironnement ou de diffusion de la culture ou de la langue franccedilaise Exercer conformeacutement agrave cet objet des activiteacutes ouvertes agrave des personnes qui lui sont exteacuterieures raquo

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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Cette seconde raison (la hantise de la mainmorte ou de la laquo possession-morte raquo) se retrouve tregraves clairement dans les propos de Waldeck Rousseau lui-mecircme13 qui dans son projet initial envisageait drsquoailleurs que lrsquoassociation puisse disposer de certains biens14 pour atteindre son objet mais que la plupart soient apporteacutes agrave une socieacuteteacute de biens speacutecialement conccedilue agrave cet effet Cependant et comme le souligne le Conseil Economique et social (CES) dans son rapport de 199315 laquo drsquoautres thegraveses deacutefendront le droit pour une association de pouvoir posseacuteder car la proprieacuteteacute garantit agrave la fois sa permanence et la capaciteacute de reacutealiser son objet social raquo Citant P Nourrisson16 le CES rappelle qursquolaquo au point de vue social en effet nrsquoest-ce pas lrsquoassociation posseacutedant crsquoest-agrave-dire capable de poursuivre une activiteacute durable qui pourra rendre de veacuteritables services agrave la collectiviteacutehellip La liberteacute de bienfaisance que nous consideacuterons comme la liberteacute primordiale peut-elle srsquoexercer utilement si ce nrsquoest au moyen drsquoassociations posseacutedant un patrimoinehellip raquo 2 ndash Conditions et proceacutedure de la RUP A lrsquooccasion drsquoune reacuteponse ministeacuterielle publieacutee le 15 juillet 2008 au Journal Officiel17 le Ministre de lrsquointeacuterieur vient rappeler les conditions drsquoobtention de la RUP

- peacuteriode probatoire de trois ans ce deacutelai pouvant exceptionnellement ecirctre reacuteduit si leacutequilibre financier preacutevisible est assureacute - objet statutaire preacutesentant un caractegravere dinteacuterecirct geacuteneacuteral (voir infra) distinct des inteacuterecircts particuliers des membres

- rayonnement suffisant dans le champ dactiviteacute deacutepassant un simple cadre local

13 laquo Tandis que dans les socieacuteteacutes ordinaires a-t-on dit les biens appartiennent au fond aux associeacutes qui se partageront le fonds commun au moment ougrave la socieacuteteacute parviendra agrave lrsquoexpiration de sa dureacutee dans lrsquoassociation ce qui effraie crsquoest la perpeacutetuiteacute de lrsquoassociation survivant agrave ses membres distincte de tous et de chacun posseacutedant pour le compte drsquoun ecirctre de raison et arrivant par la peacuterenniteacute de son institution agrave constituer une mainmorte agrave soustraire ses biens agrave cette loi eacuteconomique fondamentale essentielle le partage la communicationhellip raquo citeacute in Rapport du Conseil Economique et social Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi 1901 ndeg4 JO 1er avril 1993 p 42 14 La loi du 1er juillet 1901 cite notamment les dons manuels les dons des eacutetablissements publics les subventions les cotisations les immeubles strictement neacutecessaires agrave lrsquoaccomplissement du but qursquoelle se propose (art 6) 15 Rapport du Conseil Economique et Social Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 preacutesenteacute par MT Cheroutre lors des seacuteances du 23 et 24 feacutevrier 1993 JO Avis et rapports du CES ndeg4 1er avril 1993 16 P Nourrisson Histoire leacutegale des congreacutegations religieuses Sirey 1992 17 Reacutep Min inteacuter AN 15 juillet 2008 preacuteciteacutee

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- nombre minimum dadheacuterents fixeacute agrave 200

- montant annuel minimum de ressources estimeacute agrave 46 000 euros provenant en majoriteacute de ressources propres et non de subventions publiques et par labsence de deacuteficit sur les trois derniers exercices

- statuts conformes aux statut-type approuveacutes par le Conseil dEtat garantissant lexistence de regravegles de fonctionnement deacutemocratique et de transparence financiegravere opposables aux membres

En outre il est indiqueacute que laquo le statut dutiliteacute publique est perccedilu par le monde associatif comme un label officiel confeacuterant une leacutegitimiteacute particuliegravere nationale voir internationale vis-agrave-vis notamment des donateurs Ce statut implique un certain nombre dobligations agrave leacutegard de la puissance publique qui dispose dun pouvoir de tutelle et de controcircle tutelle sur les statuts et le regraveglement inteacuterieur de lassociation ainsi que sur lensemble des actes de disposition (alieacutenation de biens emprunts hypothegraveques) obligation denvoi des comptes-rendus dactiviteacute et documents comptables annuels droit de visite des ministegraveres de tutelle raquo Elle est deacutelivreacutee selon la proceacutedure suivante

‐ par deacutecret du Premier Ministre ‐ apregraves instruction du Ministegravere de lrsquoInteacuterieur

‐ sur avis du Conseil drsquoEtat

Lrsquoinstruction de la demande de RUP est effectueacutee par lrsquoautoriteacute publique de faccedilon discreacutetionnaire agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode moyenne allant de 6 agrave 18 mois 3 ndash Principaux avantages de la RUP La conseacutequence essentielle de la reconnaissance dutiliteacute publique est lacquisition permanente de la laquo grande capaciteacute juridique raquo permettant notamment de recevoir des libeacuteraliteacutes (dons et legs) exoneacutereacutees des droits de mutation agrave titre gratuit18 et de deacutetenir des immeubles laquo neacutecessaires raquo agrave son activiteacute19 (agrave la diffeacuterence des associations simplement deacuteclareacutees qui doivent deacutetenir des immeubles laquo strictement neacutecessaires raquo agrave leur activiteacute en application de lrsquoarticle 6 de la loi 1901)

18 CGI art 7952deg 19 Loi 1er juillet 1901 art 11

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Pour pouvoir beacuteneacuteficier de ces exoneacuterations lrsquoassociation RUP doit non seulement remplir les critegraveres drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral deacutefinis par la doctrine administrative du Conseil drsquoEtat (voir infra) mais eacutegalement exercer une activiteacute entrant dans le champ drsquoapplication de lrsquoarticle 238 bis a du Code geacuteneacuteral des impocircts (CGI) au regard de son domaine drsquoactiviteacute (qui doit ecirctre laquo agrave caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique social humanitaire sportif familial culturel ou concourant agrave la mise en valeur du patrimoine artistique agrave la deacutefense de lenvironnement naturel ougrave agrave la diffusion de la culture de la langue et des connaissances scientifiques franccedilaises raquo) Reste agrave savoir srsquoil existe encore un inteacuterecirct agrave srsquoengager dans cette voie au regard drsquoune part de la lourdeur administrative drsquoune telle proceacutedure et drsquoautre part de la possibiliteacute pour les associations de beacuteneacuteficier des mecircmes avantages consentis par la RUP par la possibiliteacute de recourir agrave des techniques juridiques et fiscales relativement facile agrave mettre en œuvre pour contourner lrsquointerdiction de percevoir des dons (voir infra) Synthegravese RUP

‐ Pour obtenir la RUP une association doit preacutesenter un caractegravere drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au sens de lrsquoarticle 200 et 238 bis du CGI

‐ Bien que relevant de deux ministegraveres de tutelle diffeacuterents la RUP et la

RIG procegravedent sensiblement du mecircme mode drsquoanalyse agrave partir des articles preacuteciteacutes du CGI et de la doctrine du Conseil drsquoEtat

‐ En revanche nous allons voir ci-apregraves qursquoune association drsquointeacuterecirct

geacuteneacuteral ne beacuteneacuteficie pas automatiquement de la RUP (la RUP est reacuteserveacutee agrave une laquo eacutelite raquo)

B ndash LA RECONNAISSANCE DrsquoINTEREcircT GENERAL Il ne srsquoagit pas drsquoentrer dans des deacutebats sans fin concernant la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral mais au contraire de circonscrire avec preacutecision la dimension restrictive donneacutee par lrsquoAdministration fiscale de ce concept juridique 1 - Caracteacuteristiques de la RIG Comme nous lrsquoa reacutecemment preacuteciseacute le Ministre de lrsquoInteacuterieur20 laquo la notion drsquoassociation drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral est par contre une notion fiscale viseacutee dans les articles 200 et 238 bis du Code geacuteneacuteral des impocircts raquo Elle permet drsquoautoriser certains organismes agrave eacutemettre des reccedilus fiscaux au beacuteneacutefice de leurs donateurs particuliers ou entreprises

20 Reacutep min inteacuter AN 15 juillet 2008 preacutec

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Certes lrsquo laquo inteacuterecirct geacuteneacuteral raquo demeure un concept juridique difficile agrave appreacutehender21 sur le plan ideacuteologique mais au cours de la discussion de la premiegravere loi sur le meacuteceacutenat le Ministre chargeacute du budget avait preacuteciseacute que le texte laquo avait vocation agrave ecirctre entendu de faccedilon large raquo22 sur le plan fiscal Cette appreacuteciation fut par la suite reprise par son successeur dans les deacutebats ayant abouti au vote de la loi du 1er aoucirct 2003 relative au meacuteceacutenat23 laquo ce projet est de porteacutee geacuteneacuterale Ne commenccedilons pas agrave eacutenumeacuterer des groupes drsquoassociations raquo Or malgreacute ces recommandations explicites du leacutegislateur la doctrine de lrsquoadministration fiscale est demeureacutee excessivement restrictive Il reacutesulte de cette situation un certain nombre de probleacutematiques (voir infra) mais commenccedilons par eacutenumeacuterer les conditions qui preacutesident agrave la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral pour un organisme sans but lucratif 2 - Conditions et proceacutedure de la RIG Pour lrsquoAdministration fiscale un organisme preacutesente un caractegravere drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral si les conditions suivantes sont cumulativement reacuteunies24

‐ Avoir laquo un caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique social humanitaire sportif familial culturel ou concourant agrave la mise en œuvre du patrimoine artistique agrave la deacutefense de lrsquoenvironnement naturel ou agrave la diffusion de la culture de la langue et des connaissances scientifiques raquo25

‐ Avoir une gestion deacutesinteacuteresseacutee et ne pas exercer drsquoactiviteacute lucrative

de maniegravere preacutepondeacuterante26 cette condition pose en creux la question de la distinction entre activiteacute eacuteconomique et activiteacute lucrative27 au sein de laquelle le recours agrave la notion fiscale drsquoutiliteacute sociale (voir infra) apparaicirct tout agrave fait essentiel

‐ Ne pas fonctionner au profit drsquoun cercle restreint de personnes

autrement dit lrsquoassociation doit ecirctre laquo ouverte raquo28

21 Dans un compte rendu de reacuteunion du 24 janvier 2005 le Conseil drsquoOrientation de la Simplification Administrative (COSA) faisait part de ses observations quant aux mesures proposeacutees en matiegravere de seacutecurisation de la fiscaliteacute et estimait laquo qursquoil fallait proposer une deacutefinition plus claire de la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral de lrsquoarticle 200 du CGI et si possible eacutetendre le champ des activiteacutes viseacutees par lrsquoarticle 200 du CGI raquo (source rapport au premier ministre JP Decool mai 2005 p47) 22 JOAN CR Deacutebats du 23 juin 1987 2egraveme seacuteance p 3071 agrave 3076 23 Loi ndeg2003-709 du 1er aoucirct 2003 relative au meacuteceacutenat aux associations et aux fondations 24 D adm 5 B-3311 ndeg12 et s et 4 C-712 ndeg11 et s 25 CGI art 200 et 238 bis 26 Instr fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 27 C Amblard Activiteacutes eacuteconomiques et commerciales des associations Lamy Associations (Etude 246) juillet 2008 28 Reacutep min Zimmermann JO Ass nat du 10 janv 2006 p 261 ndeg72466

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Srsquoagissant de cette derniegravere condition lrsquoAdministration fiscale a tendance a adopter une position eacuteminemment restrictive au point que des associations drsquoanciens combattants29 voire mecircme drsquoanciens eacutelegraveves30 ou encore des associations de deacutefense des contribuables31 ou ayant pour objet la sauvegarde des retraites32 se sont vues refuser la RIG Par ailleurs sont reconnues comme eacutetant drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral les associations et fondations reconnues drsquoutiliteacute publique et qui exercent une activiteacute deacutecrite agrave lrsquoarticle 200 du CGI mais eacutegalement des organismes limitativement eacutenumeacutereacutes par la loi ou certaines dispositions du code geacuteneacuteral des impocircts tels que les eacutetablissements drsquoenseignement supeacuterieur33 les organismes ayant pour objet le financement des PME34 les associations cultuelles ou de bienfaisance35 ou encore les organismes ayant pour objet lrsquoorganisation de spectacles ou drsquoexposition drsquoart contemporain36hellip En ce qui concerne la proceacutedure agrave suivre il faut savoir que le beacuteneacutefice droit de du reacutegime fiscal de faveur lieacute au meacuteceacutenat (Loi laquo Aillagon raquo du 1er aoucirct 2003) nrsquoest pas lieacute agrave un agreacutement preacutealable de lrsquoAdministration fiscale En drsquoautres termes toute association peut deacutelivrer des reccedilus fiscaux37 aux donateurs le controcircle des services fiscaux eacutetant susceptible drsquointervenir a posteriori Neacuteanmoins il est possible drsquointerroger lrsquoAdministration fiscale a priori pour seacutecuriser lrsquoopeacuteration (proceacutedure de rescrit) lrsquoabsence de reacuteponse de la part de cette derniegravere agrave lrsquoissue drsquoun deacutelai de six mois valant reacuteponse positive pour la situation deacutecrite38 3 - Principaux avantages de la RIG Ils sont drsquoordres juridiques et fiscaux

‐ Sur le plan juridique

bull Le reacutegime du meacuteceacutenat permet aux associations non reconnues drsquoutiliteacute publique drsquoaccroicirctre leur capaciteacute juridique et ainsi de beacuteneacuteficier de dons autres que les dons manuels

‐ Sur le plan fiscal

bull Pour lrsquoassociation ou lrsquoorganisme sans but lucratif beacuteneacuteficiaire

29 Reacutep Reitzer AN 27 juillet 2004 p 5810 ndeg38660 30 CE 7 feacutevrier 2007 ndeg287949 RJF 407 ndeg386 31 Reacutep Blum AN 30 novembre 2004 p 9432 ndeg2499 32 Reacutep Deprez AN 20 juin 2006 p 6564 ndeg90872 33 Loi 2007-1199 du 10 aoucirct 2007 art 38 34 CGI art 238 bis-4 35 CGI art 200 1-e D adm 5 B-3311 ndeg54 36 Reacutep min culture et communication Girard AN 10 feacutevrier 2004 p 1025 ndeg30957 instruction fiscale du 9 deacutecembre 2008 5 B-19-08 37 Arrecircteacute du 28 juin 2008 JORF ndeg0150 du 28 juin 2008 page 10396 38 Instr fisc BOI 13 L-5-04 du 19 octobre 2004

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‐ Les ressources tireacutees du meacuteceacutenat nrsquoentrent pas dans le champ drsquoapplication de la TVA de lrsquoimpocirct sur les socieacuteteacutes ou de la taxe professionnelle

‐ Les dons sont en outre exoneacutereacutes de droit

drsquoenregistrement39 au mecircme titre que les associations et fondations RUP (voir supra)

bull Pour les meacutecegravenes (particuliers ou entreprises)

‐ Particuliers reacuteduction drsquoimpocircts sur le revenu eacutequivalente agrave 66 de la valeur du don dans la limite de 20 du revenu annuel (amendement laquo Coluche raquo 75 dans la limite forfaitaire de 495 euro pour les associations drsquoaide aux personnes en difficulteacute en 200840)

‐ Entreprises reacuteduction drsquoimpocircts sur les socieacuteteacutes

eacutequivalente agrave 60 de la valeur du don dans la limite de 05 du CA de lrsquoentreprise (outre contreparties institutionnelles telles que le droit pour lrsquoentreprise de beacuteneacuteficier de la qualiteacute de membre de lrsquoassociation ou drsquoimage41 dans la limite de 25 de la valeur du don42)

Synthegravese de la RIG ‐ Compte tenu du caractegravere relativement flou de la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (lrsquoarticle 200 du CGI se contentant drsquoeacutenumeacuterer des secteurs drsquoactiviteacutes) lrsquoAdministration fiscale dispose finalement drsquoun large pouvoir drsquoappreacuteciation en matiegravere de deacutefinition des contours de la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral sous reacuteserve de la doctrine du Conseil drsquoEtat ‐ La proceacutedure de RIG ouvre la capaciteacute juridique des associations simplement deacuteclareacutees (dons sous forme de meacuteceacutenat) sans que ces derniegraveres ne puissent toutefois preacutetendre agrave la laquo grande capaciteacute juridique raquo dont beacuteneacuteficient les associations RUP (legs deacutetention de biens immobiliers) ‐ Le beacuteneacutefice des avantages fiscaux offerts par la RIG deacutependent de la non lucrativiteacute des activiteacutes de lrsquoassociation ce qui suppose ou que lrsquoassociation nrsquoexerce aucune activiteacute lucrative (cas des associations dont les ressources se composent uniquement de cotisations ou de subventions par exemple) ou que lrsquoassociation exerce des activiteacutes eacuteconomiques reconnues comme eacutetant drsquoutiliteacute sociale par lrsquoAdministration fiscale (voir infra les critegraveres fiscaux de la laquo reconnaissance drsquoutiliteacute sociale raquo)

39 CGI art 757 al 3 40 Loi 2007-1822 du 24 deacutecembre 2007 art 2 I 41 CGI art 238 bis 1 a 42 Instr fisc 4 C-2-00 ndeg5 agrave 7

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C ndash LA RECONNAISSANCE (FISCALE) DrsquoUTILITE SOCIALE Il nrsquoexiste pas de proceacutedure de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (RUS) agrave proprement parler crsquoest-agrave-dire ouvrant droit pour les associations agrave des avantages particuliers agrave llsquoinstar de la RUP ou de la RIG Tout au plus cette notion juridique rencontre deux modes drsquoapplication concregravete dans notre droit interne (1) que nous allons preacutesenter en guise drsquoillustration Nous verrons ainsi comment la meacutethodologie retenue par lrsquoAdministration fiscale agit comme une forme de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale preacutealable indispensable au maintien du caractegravere non lucratif de lrsquoassociation (2) 1 ndash Utiliteacute sociale deux exemples drsquoapplication concregravete Le premier exemple drsquoapplication concerne les socieacuteteacutes coopeacuteratives drsquointeacuterecircts collectifs (SCIC) instaureacutees par lrsquoarticle 36 de la loi 2001-624 du 17 juillet 2001 et lrsquoarticle 19 de la loi 47-1775 du 10 septembre 1947 Cet exemple peut apparaicirctre a priori eacuteloigneacute de notre preacutesentation sauf qursquoen autorisant la transformation des associations en SCIC nous verrons que ce dispositif leacutegislatif contribue agrave eacutelargir la capaciteacute juridique de ces derniegraveres tout en opeacuterant un rapprochement avec la notion drsquoutiliteacute sociale (11) Le second exemple drsquoapplication concregravete concerne la meacutethodologie retenue par lrsquoAdministration fiscale ndash encore elle ndash depuis lrsquoinstruction fiscale BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 199843 pour accorder aux associations (fiscalement) laquo reconnues drsquoutiliteacute sociale raquo la capaciteacute drsquoexercer des activiteacutes eacuteconomiques non assujetties aux impocircts commerciaux (12) 11 - Une premiegravere utilisation concregravete de la notion drsquoutiliteacute sociale le statut de SCIC Les Socieacuteteacutes Coopeacuteratives drsquoInteacuterecirct Collectifs (SCIC) socieacuteteacutes coopeacuteratives sous la forme de SA ou de SARL (hellip) ont pour objectif laquo la production ou la fourniture de biens et de services drsquointeacuterecirct collectif qui preacutesentent un caractegravere drsquoutiliteacute sociale raquo La proceacutedure drsquohabilitation relegraveve de la compeacutetence preacutefectorale Ce nouveau statut juridique a eacuteteacute creacuteeacute pour reacutepondre aux attentes des acteurs de lrsquoEconomie sociale et solidaire crsquoest-agrave-dire de disposer drsquoun cadre drsquoentreprise adapteacute au deacuteveloppement entrepreneurial tout en prenant en compte la dimension eacutethique des activiteacutes qui relegravevent de cette Economie

43 Reprise par lrsquoinstruction fiscale de synthegravese BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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Pour le Secreacutetaire drsquoEtat agrave lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire laquo la SCIC doit ecirctre comprise comme le chaicircnon manquant entre lrsquoassociation et la coopeacuterative avec la possibiliteacute drsquointeacutegrer de nouveaux partenaires raquo (F Morin conseiller technique du cabinet de G Hascoeumlt) 44 Du cocircteacute de lrsquoEtat pour le Ministegravere de lrsquoemploi et le secreacutetariat agrave lrsquoeacuteconomie solidaire laquo cette nouvelle structure doit deacuteboucher sur la creacuteation drsquoemplois en plus de ceux occupeacutes aujourdrsquohui dans lrsquoentreprise drsquoinsertion qui restera pour lrsquoinstant en lrsquoeacutetat raquo

12 ndash Une deuxiegraveme utilisation concregravete de la notion drsquoutiliteacute sociale la reconnaissance de la non lucrativiteacute des activiteacutes eacuteconomiques reacutealiseacutees par les associations non assujetties aux impocircts commerciaux Depuis lrsquoinstruction fiscale BOI 4 h-5-98 du 15 septembre 1998 pour lrsquoAdministration fiscale il est deacutesormais laquo leacutegitime quun organisme non lucratif deacutegage dans le cadre de son activiteacute des exceacutedents reflet dune gestion saine et prudente Cependant lorganisme ne doit pas les accumuler dans le but de les placer Les exceacutedents reacutealiseacutes voire temporairement accumuleacutes doivent ecirctre destineacutes agrave faire face agrave des besoins ulteacuterieurs ou agrave des projets entrant dans le champ de son objet non lucratif raquo Parallegravelement lrsquoinstruction fiscale consacrait le principe de non assujettissement des associations et organismes sans but lucratif aux impocircts commerciaux Il convenait donc de clarifier une situation confuse compte tenu de lrsquoeacutevolution du monde associatif notamment au regard de la pleine et entiegravere capaciteacute juridique des associations (simplement deacuteclareacutees) en matiegravere drsquoexercice drsquoactiviteacutes eacuteconomiques ou commerciales45 Crsquoest dans ce cadre que lrsquoAdministration fiscale a eacuteteacute ameneacutee agrave proposer une laquo grille de lecture raquo concernant lrsquoexercice de ce type drsquoactiviteacutes eacutetant entendu que si lrsquoassociation adopte des comportements identiques agrave ceux des entreprises commerciales sur un mecircme marcheacute le principe de non assujettissement ne pouvant ecirctre maintenu celle-ci recouvrait immeacutediatement son statut drsquoentreprise assujettie aux impocircts commerciaux Pour savoir si une association exerce son activiteacute dans des conditions similaires agrave celle drsquoune entreprise et si de ce fait elle doit ecirctre soumise aux impocircts commerciaux lrsquoAdministration fiscale preacuteconise une analyse en plusieurs eacutetapes

minus Etape 1 la gestion de lrsquoorganisme est-elle deacutesinteacuteresseacutee (les

dirigeants ne peuvent reacutemuneacutereacutes (sauf cas deacuterogatoires limitativement eacutenumeacutereacutes) les beacuteneacutefices et le patrimoine de lrsquoassociation ne peuvent ecirctre attribueacutes aux membres)

44 C Amblard SCIC un nouvel outil pour lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Revue Le Tout Lyon 2001 45 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit Universiteacute Versailles ndash St Quentin 1998 (410 pages) C Amblard Lrsquoentreprise associative Editions territoriales 2006 C Amblard Activiteacutes eacuteconomiques et commerciales des associations Lamy Associations Etude 246 preacutec

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‐ Etape 2 lrsquoorganisme concurrence-t-il une entreprise ‐ Etape 3 lrsquoorganisme exerce-t-il son activiteacute dans des conditions

similaires agrave celles drsquoune entreprise (analyse par application de la regravegle des quatre laquo P raquo les indices eacutetant classeacutes par ordre deacutecroissant drsquoimportance) bull Le laquo produit raquo proposeacute bull Le laquo public raquo beacuteneacuteficiaire bull Les laquo prix raquo pratiqueacutes bull La laquo publiciteacute raquo reacutealiseacutee

Srsquoagissant plus particuliegraverement des deux premiers critegraveres (laquo Produit raquo et laquo Public raquo) il convient de souligner que lrsquoinstruction fiscale procegravede agrave leur laquo reacuteunification raquo sous le vocable drsquo laquo utiliteacute sociale raquo En drsquoautres termes il y a bien reconnaissance drsquoutiliteacute sociale lorsque lrsquoassociation

‐ intervient dans un domaine ougrave les besoins sont insuffisamment couverts par le secteur lucratif ‐ ou46 srsquoadresse agrave un public qui ne peut normalement acceacuteder aux services du secteur concurrentiel

La recherche de lrsquoutiliteacute sociale conduit donc agrave mettre en correacutelation le produit et le service fourni par lrsquoassociation avec le public viseacute En effet une attention toute particuliegravere est attacheacutee agrave ces critegraveres et agrave lrsquoaffectation des exceacutedents pour deacuteterminer si lrsquoassociation exerce ou non une activiteacute suivant des modaliteacutes similaires agrave celles utiliseacutees par une entreprise

- Le produit est drsquoutiliteacute sociale laquo lrsquoactiviteacute qui tend agrave satisfaire un besoin qui nrsquoest pas pris en compte par le marcheacute ou qui lrsquoest de faccedilon peu satisfaisante raquo

- Le public sont susceptibles drsquoecirctre drsquoutiliteacute sociale laquo les actes

payant reacutealiseacutes principalement au profit de personnes justifiant lrsquooctroi drsquoavantages particuliers au vue de leur situation eacuteconomique sociale ou humaine (chocircmeurs personnes handicapeacutees notammenthellip) Ce critegravere ne doit pas srsquoentendre seulement agrave des situations de deacutetresse physique ou morale raquo

46 Le critegravere alternatif des deux eacuteleacutements produit et public a eacuteteacute affirmeacute par la jurisprudence CE 3 deacutecembre 1999 ndeg 133291 RJF 100 ndeg 35

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2 ndash Lrsquoapproche (fiscale) de la notion drsquoutiliteacute sociale un rocircle preacutepondeacuterant dans les proceacutedures de reconnaissance du secteur associatif Nous avons vu preacuteceacutedemment que

‐ La RUP suppose que lrsquoassociation exerce des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au sens de lrsquoarticle 200 et 238 bis du CGI ‐ La RIG commande pour les associations eacutevoluant dans la sphegravere eacuteconomique que ces derniegraveres exercent agrave titre preacutepondeacuterant des activiteacutes non lucratives ce qui suppose drsquoecirctre reconnues par lrsquoAdministration fiscale comme eacutetant drsquoutiliteacute sociale

Il existe bien par conseacutequent des interactions entre les diffeacuterents modes de reconnaissance et lrsquoapproche fiscale de la notion drsquoutiliteacute sociale Bien plus en insistant sur lrsquoimportance deacutecroissante des critegraveres retenus par la regravegle des 4 laquo P raquo lrsquoAdministration fiscale amplifie le rocircle joueacute par les deux premiers critegraveres (laquo Produit raquo et laquo Public raquo) et par conseacutequent lrsquoinfluence de cette notion au sein des modes de reconnaissance de la vie associative Autre eacuteleacutement important agrave ce stade de la reacuteflexion le rocircle non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat ou les autres administrations dans la laquo reconnaissance raquo drsquoutiliteacute sociale des associations en effet lrsquoinstruction fiscale47 preacutecise explicitement que ce type drsquoagreacutement laquo nrsquoest qursquoun eacuteleacutement parmi drsquoautres de lrsquoappreacuteciation de son utiliteacute sociale raquo Neacuteanmoins lrsquoinstruction preacutecise que laquo srsquoils prennent en compte la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y ait fait face ces agreacutements peuvent contribuer agrave lrsquoappreacuteciation de lrsquoutiliteacute sociale raquo Mais dans tous les cas lrsquoAdministration fiscale considegravere qursquolaquo ils ne sont ni neacutecessaires ni suffisants pour eacutetablir le caractegravere drsquoutiliteacute sociale de lrsquoassociation raquo Synthegravese de la RUS ‐ La notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale ouvre la capaciteacute des associations agrave intervenir dans la sphegravere eacuteconomique tout en preacuteservant leur statut drsquoorganismes sans but lucratif non soumis aux impocircts commerciaux ‐ In fine cette notion constitue un preacutealable indispensable agrave la mise en œuvre de la RIG (absence drsquoactiviteacute lucrative) et exerce une influence non neacutegligeable dans le mode de deacutelivrance de la RUP (reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et neacutecessiteacute de disposer de ressources suffisantes hors financement public) ‐ En lrsquoeacutetat actuel la reconnaissance (fiscale) drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre assimileacutee agrave une proceacutedure de reconnaissance institutionnelle de type RUP

47 Instr fisc 4 H-5-06 preacuteciteacutee ndeg63

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ou RIG instaureacutee par le leacutegislateur neacuteanmoins elle donne lieu agrave une appreacuteciation souveraine de lrsquoadministration fiscale dans le cadre de la proceacutedure de rescrit fiscal applicable depuis lrsquoinstruction fiscale preacuteciteacutee du 15 septembre 1998 En effet la reacuteponse du correspondant associations au questionnaire visant agrave deacuteterminer le reacutegime fiscal applicable au regard des impocircts vaut prise de position formelle de lrsquoadministration au sens de lrsquoarticle L 80 B du Livre des proceacutedures fiscales (opposabiliteacute) ‐ Telle que preacutevue par lrsquoinstruction fiscale du 18 deacutecembre 2006 preacuteciteacutee la notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale donne encore lieu agrave une appreacuteciation discreacutetionnaire et unilateacuterale de lrsquoadministration fiscale (sous reacuteserve du controcircle juridictionnel administratif)

bull Concernant lrsquoappreacuteciation discreacutetionnaire elle ressort drsquoune part de la dimension reacuteductrice des critegraveres retenus par lrsquoadministration fiscale48 et drsquoautre part de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation49 objective crsquoest-agrave-dire reposant sur lrsquoexistence de reacutefeacuterentiels qualitatifs et quantitatifs admis et partageacutes par tous50

bull Concernant lrsquoappreacuteciation unilateacuterale elle est induite par le caractegravere non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat (Ministegravere de tutelle) ou toute autre Administration y compris lorsque ces proceacutedures drsquoagreacutement preacutevoient des critegraveres permettant la prise en compte de la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y est fait face51 Or comme le soulignait deacutejagrave en 1993 MT

48 Lrsquoanalyse de la deacutecision rendue par lrsquoarrecirct Jeune France du 1er octobre 1999 (CE 1101999 ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354) permet eacutegalement de souligner la dimension neacutegative donneacutee agrave ces critegraveres dans la mesure ougrave ils servent agrave appreacutecier la speacutecificiteacute des associations et autres organismes sans but lucratif essentiellement au regard de regravegles de la concurrence 49 F Rousseau Lrsquoeacutevaluation laquo regravegle du jeu raquo entre associations et pouvoirs publics Juris Associations 1er avril 2008 ndeg376 p 16 et 17 lrsquoauteur souligne qursquoil convient de retenir laquo la diffeacuterence essentielle entre drsquoune part lrsquoeacutevaluation des activiteacutes associatives selon une logique drsquoeacutevaluation des politiques et drsquoautre part la deacutemarche de coconstruction drsquoune meacutethodologie drsquoeacutevaluation qui associe[rait[ les acteurs locaux (eacutelus techniciens militants associatifs chercheurs etc raquo 50 A souligner les nombreux travaux sur ces questions (liste non exhaustive) laquo Economie sociale et solidaire en reacutegion raquo (programme de recherche coordonneacute par la DIES et la Mire entre 2001 et 2003) P VIVERET Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 J GADREY 2003 Lrsquoutiliteacute sociale et organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE version provisoire 133 pages Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREE du 11 janvier 2005 La reconfiguration de lrsquoaction publique entre lrsquoEtat associations et participation citoyenne X ENGELS (Dir) M HELY A PERRIN H TROUVE De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne LrsquoHarmattan 2006 Guide meacutethodologique Fonda Rhocircne-Alpes (reacutealiseacute avec le concours de la Reacutegion Rhocircne-Alpes) Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective 2006 H TROUVE Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale de son activiteacute 124 pages wwwaviseorg Seacuteminaire Avise Evaluer lrsquoutiliteacute sociale deacutemarche meacutethodologie expeacuteriences Paris 6 deacutecembre 2007 51 Ibidum

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Cheroutre52 lors de sa preacutesentation du rapport du Conseil Economique et social laquo lrsquooctroi drsquoun agreacutement ou drsquoune habilitation est la marque de reconnaissance par les pouvoirs publics de la fonction remplie par lrsquoassociation ce qui implique des controcircles et drsquoeacuteventuels retraits si le contrat nrsquoest pas rempli raquo53

‐ Dans ces conditions et compte tenu des arguments qui preacutecegravedent il y a lieu de srsquointerroger sur la neacutecessiteacute drsquoune simplification des proceacutedures de reconnaissance de la vie associative (II) De faccedilon plus cruciale encore des questions se posent quant agrave la capaciteacute des acteurs agrave laquo coconstruire raquo leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation dans le cadre drsquoune deacutemarche partageacutee A ce propos nous assistons drsquoailleurs agrave un deacuteplacement du deacutebat national vers un cadre de reacuteflexion engageacute par les instances communautaires en matiegravere de transposition de la directive laquo services raquo et de deacutefinition de service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) II ndash VERS UNE SIMPLIFICATION DES MODES DE RECONNAISSANCE

A - La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) une utiliteacute

Dans une eacutetude adopteacutee le 25 octobre 2000 par la section du rapport et des eacutetudes du Conseil drsquoEtat54 il est rappeleacute qursquo laquo il nrsquoest pas aujourdrsquohui drsquoavantage patrimonial ou fiscal qui soit reacuteserveacute aux seules associations reconnues drsquoutiliteacute publique Il nrsquoy aurait donc pas drsquointeacuterecirct pour une association agrave ecirctre reconnue raquo En effet la plupart des associations simplement deacuteclareacutees perccediloivent des dons manuels55 ou encore sont en capaciteacute de beacuteneacuteficier de ce type de ressources sans aucune limitation soit directement sous la forme de meacuteceacutenat56 (dons uniquement) soit indirectement par la creacuteation drsquoun fonds de dotation57 ou en srsquoaffiliant agrave une union ou un organisme drsquoutiliteacute publique (dons et legs)58 52 Ibidum 53 La loi de finances rectificative pour 2008 (Loi ndeg2008-1443 du 30 deacutecembre 2008) a pris plusieurs mesures en vue de renforcer la seacutecuriteacute juridique des contribuables Lrsquoarticle 50 de la loi de finances rectificative pour 2008 creacuteeacute ainsi un recours devant lrsquoadministration pour les deacutecisions formelles prises en vertu des articles L80 B 1deg agrave 6deg et 8deg et L80 C du Livre des proceacutedures fiscales (LPF) applicable aux demandes deacuteposeacutees agrave partir du 1er juillet 2009 54 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique La documentation franccedilaise 2000 p15 55 Cass com 5 octobre 2004 ndeg03-15709 Bull civ IV ndeg178 56 Loi Aillagon du 1er aoucirct 2003 57 C Amblard Fonds de dotation encore du nouveau sur le front du meacuteceacutenat preacutec 58 Loi 1er juillet 1901 art 6 al1

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Degraves lors crsquoest tout naturellement et sans ambiguiumlteacute que le Conseil drsquoEtat srsquoest poseacute la question suivante laquo faut-il supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo (pour une meilleure lisibiliteacute de lrsquoaction associative et une simplification des proceacutedures de reconnaissance) Une telle proposition nrsquoa toutefois pas eacuteteacute retenue par lrsquoeacutetude des statistiques du Ministegravere de lrsquoInteacuterieur laquo il semble qursquoen deacutepit de la faiblesse des avantages qursquoelles peuvent en retirer et des contraintes que cela engendre pour elles des associations continuent chaque anneacutee de solliciter la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo Quelles peuvent-elles ecirctre les motivations des associations qui souhaiteraient beacuteneacuteficier de cette forme de reconnaissance Dans son rapport public de 200059 le Conseil drsquoEtat souligne avant tout laquo la force symboliques que srsquoaccordent agrave y voir les repreacutesentants du monde associatif raquo En effet il ressort que ceux-ci sont avant tout laquo agrave la recherche drsquoun label raquo60 La RUP laquo fait en quelque sorte agrave leurs yeux figure de label officiel qui consacre la leacutegitimiteacute de lrsquoassociation qui en beacuteneacuteficie et qui sanctionne la qualiteacute des actions qursquoelle megravene raquo Ainsi laquo [il] est un signe pour leurs partenaires et une garantie pour eux raquo Cependant le Conseil drsquoEtat croit bon attirer notre attention sur le fait que laquo cette force symbolique de la RUP nrsquoest toutefois pas deacutenueacutee drsquoeffets pratiques puisqursquoil apparaicirct que de 1991 agrave 1996 les associations et les fondations drsquoutiliteacute publique ont reccedilu 84 des dons deacuteclareacutes par les contribuables Pour les associations qui font appel agrave la geacuteneacuterositeacute publique la RUP vaut garantie que les sommes collecteacutees ne feront pas en principe lrsquoobjet drsquoune utilisation abusive ou frauduleuse raquo Cette garantie existe-t-elle vraiment srsquoagissant des associations RUP Preacuteciseacutement pour le Conseil drsquoEtat laquo cela peut paraicirctre paradoxal de rechercher le controcircle de lrsquoEtat pour pouvoir ensuite souligner qursquoelles srsquoy sont soumises et offrent donc toutes les garanties de bon fonctionnement raquo drsquoautant plus que pour lui laquo le controcircle de lrsquoEtat (hellip) est insuffisant raquo Crsquoest ainsi que dans son dernier rapport sur les associations RUP datant de 200061 ce dernier preacuteconisait dans ses conclusions laquo drsquointroduire dans la loi du 1er juillet 1901 (ou agrave lrsquoarticle L612-4 du Code de commerce) lrsquoobligation pour toute association reconnue drsquoutiliteacute publique drsquoavoir recours agrave un commissaire aux comptes dans les conditions preacutevues aux articles L 225-218 et suivants du Code de commerce raquo

59 Conseil drsquoEtat Les associations et la loi de 1901 cent ans apregraves Rapport public 2000 La documentation franccedilaise Etudes et Documents ndeg51 p307 60 Conseil drsquoEtat Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec 61 Ibidum

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Or agrave ce jour force est de constater qursquoaucune reacuteforme nrsquoest intervenue en ce sens En effet il nrsquoexiste ni dans la loi du 1er juillet 1901 ni dans les statuts-types des associations RUP ni mecircme dans aucun dispositif leacutegislatif speacutecifique ndash en dehors du dispositif applicable en matiegravere drsquoappel agrave la geacuteneacuterositeacute publique62 - drsquoobligation imposant la preacutesence drsquoun commissaire aux comptes au sein des associations RUP Aussi et toujours pour le Conseil drsquoEtat laquo srsquoil nrsquoy a donc pas de motif deacuteterminant de supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique il convient de reacutefleacutechir aux ameacuteliorations pouvant ecirctre apporteacutees agrave son reacutegime drsquoutiliteacute publique et aux reacutegimes voisins raquo En tout eacutetat de cause la pertinence du maintien de la RUP se pose si lrsquoon en juge les reacutesultats de deux rapports ministeacuteriels reacutecents sur cette question en effet pour le rapport Morange63 laquo les avantages mateacuteriels de la RUP sont deacutesormais drsquoune porteacutee quasi theacuteorique raquo Quant agrave lrsquoavantage moral de la RUP pour le deacuteputeacute P Morange il demeure laquo important mais il ne justifie pas la lourdeur de la proceacutedure raquo Le rapport Langlais64 parle lui de laquo proceacutedure eacutelitiste raquo qui laquo nrsquoa pas su srsquoadapter aux eacutevolutions de la socieacuteteacute raquo Pourquoi degraves lors vouloir absolument maintenir un systegraveme de reconnaissance qui agrave notre avis pose deux probleacutematiques majeures

‐ La premiegravere probleacutematique porte sur la capaciteacute patrimoniale des associations qui preacuteciseacutement ne beacuteneacuteficient pas de cette forme de reconnaissance en effet est-il toujours leacutegitime que pregraves drsquoun million de structures associatives disposent par contrecoup drsquoune capaciteacute juridique reacuteduite Deacutejagrave en 1993 agrave propos de la capaciteacute patrimoniale des associations simplement deacuteclareacutees le Conseil Economique et social65 soulignait que laquo le contexte drsquoaujourdrsquohui eacutelargissant les missions de nombreuses associations met davantage lrsquoaccent sur les enjeux eacuteconomiques et sociaux qui leur demandent de mobiliser agrave la fois des moyens eacuteconomiques financiers et humains On peut donc agrave juste titre se demander si les carcans drsquoune autre eacutepoque ne pourraient ecirctre leveacutes raquo Les choses ont peu eacutevolueacute depuis au deacutetriment drsquoun secteur associatif dont lrsquoessentiel de ses forces vives consacre une bonne partie de leur temps et de leur eacutenergie agrave rechercher des

62 Loi ndeg91-772 du 7 aoucirct 1991 art 3 et encore il convient de noter que lrsquointervention du commissaire aux comptes ne srsquoimpose que pour les associations ayant nommeacute un commissaire aux comptes pour drsquoautres motifs Anteacuterieurement le compte emploi des ressources (CER) constituait un document autonome agrave deacuteposer au siegravege de lrsquoassociation et agrave tenir agrave disposition des adheacuterents En cas de controcircle par un commissaire aux comptes ce dernier eacutetait tenu drsquoeacutetablir une attestation Depuis le 1er janvier 2006 le CER est devenu un eacuteleacutement annexe aux comptes Lrsquoattestation du commissaire aux comptes nrsquoa donc plus lieu drsquoecirctre (cf Meacutemento pratique F Lefebvre Associations 2008-2009 ndeg71400 p976) 63 P Morange Rapport drsquoinformation sur la gouvernance et le financement des structures associatives ndeg134 assembleacutee nationale 1er octobre 2008 p41 et 42 64 JL Langlais Pour un partenariat renouveleacute entre lrsquoEtat et les associations rapport ministeacuteriel juin 2008 p 26 65 Ibidum p 82

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financements Sur ce point il convient de noter les propositions drsquoeacutevolutions importantes figurant dans le rapport Morange lequel suggegravere aux associations simplement deacuteclareacutees de beacuteneacuteficier de la capaciteacute juridique de recevoir des dons ‐ La seconde probleacutematique renvoit directement aux besoins exprimeacutes en matiegravere de simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif en effet le rapport Langlais66 souligne agrave juste titre que laquo la principale source de complexiteacute tient agrave lrsquoeacuteclatement des modes de reconnaissance du fait associatif par la puissance publique La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) existe toujours elle nrsquoa pas varieacute depuis un siegravecle (hellip) elle est de plus en plus concurrenceacutee par drsquoautres formes de reconnaissance et certains nrsquoheacutesitent pas agrave la consideacuterer comme deacutemodeacutee voire obsolegravete La reconnaissance drsquoutiliteacute publique est accordeacutee sans limitation de dureacutee et il existe probablement comme pour les associations deacuteclareacutees mais en beaucoup plus faible proportion des ARUP qui figurent toujours dans les chiffres officiels bien qursquoelles nrsquoaient plus drsquoexistence reacuteelle raquo De son cocircteacute le deacuteputeacute P Morange propose de deacutelivrer la RUP pour une dureacutee deacutesormais limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans

Il convient par conseacutequent drsquoenvisager une simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif drsquoautant plus que sont apparus agrave cocircteacute de la RUP de nombreuses autres formes de reconnaissance plus ou moins officielle tels que les agreacutements ou les labels priveacutes (Comiteacute de la Charte voire mecircme la proposition de labellisation AFNOR) Nous verrons infra que ce processus de simplification doit ecirctre lrsquooccasion drsquoun dialogue renouveleacute entre les acteurs du monde associatif et les pouvoirs publics en vue de la mise en œuvre drsquoune deacutemarche partageacutee

66 Ibidum

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B - LA SIMPLIFICATION DES PROCESSUS DE RECONNAISSANCE VERS UNE RECONNAISSANCE UNIQUE DrsquoUTILITE SOCIALE

1 ndash Les propositions reacutecemment formuleacutees par les rapports Langlais et Morange de 2008

Sur ce point les deux rapports srsquoaccordent pour distinguer trois types drsquoassociations

11 - Les associations deacuteclareacutees

Pour JL Langlais il srsquoagirait de reconnaicirctre la capaciteacute creacuteatrice de ces associations locales par lrsquooctroi de subventions symboliques et uniquement deacutelivreacutees par les collectiviteacutes territoriales correspondant agrave leur aire drsquoinfluence P Morange propose quant agrave lui drsquoouvrir la capaciteacute juridique de ces laquo petites raquo associations en leur permettant de percevoir des dons (autres que manuels) et de les soumettre aux controcircles drsquoun commissaire aux comptes et aux controcircles meneacutes par les services deacuteconcentreacutes degraves lors qursquoelles beacuteneacuteficieraient de subventions publiques

12 - Les associations reconnues drsquoutiliteacute sociale ou

drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

Pour JL Langlais ces associations pourraient beacuteneacuteficier drsquoune reconnaissance drsquointeacuterecirct laquo social ou geacuteneacuteral raquo

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce sont en gros les 4 conditions

requises pour lrsquoobtention de lrsquoagreacutement fiscal (cf supra) Drsquoailleurs il est proposeacute que cet agreacutement soit deacutecerneacute par lrsquoAdministration fiscale Une condition suppleacutementaire pourrait ecirctre poseacutee relative au beacuteneacutevolat sans neacutecessairement fixer de seuil a priori on devrait exiger que le beacuteneacutevolat soit nettement preacutepondeacuterant dans le fonctionnement de lrsquoassociation

Avantages consentis possibiliteacute de recevoir des subventions y

compris des subventions de fonctionnement capaciteacute agrave recevoir des dons (nrsquoexceacutedant pas un certain montant) agrave faire beacuteneacuteficier aux donateurs de lrsquoexoneacuteration fiscale au taux de droit commun

Obligations ecirctre agrave jour de leurs obligations deacuteclaratives

obligation de justifier lrsquoemploi des fonds reccedilus de deacuteposer leurs comptes en Preacutefecture de se soumettre aux controcircles aleacuteatoires ou programmeacutes de la puissance publique certification obligatoire des comptes au-delagrave de 153 000 euro de financement annuel

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Pour P Morange laquo cette cateacutegorie recouvre les associations subventionneacutees ou qui beacuteneacuteficient drsquoavantages fiscaux et oeuvrent au service de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo Selon lui laquo il serait envisageable comme en Grande Bretagne drsquoeacutetablir des listes de secteurs dans lesquels ces associations interviennent et de les soumettre agrave un certain nombre drsquoobligations en srsquoinspirant par exemple de la pratique fiscale (voir supra) Ainsi lrsquoassociation devrait poursuivre un but drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral ecirctre soumise agrave un controcircle financier et une eacutevaluation reacuteguliegravere au niveau deacutecentraliseacute raquo Enfin laquo lrsquoassociation devrait se doter drsquoun commissaire aux comptes raquo

13 Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique Pour JL Langlais seules les associations qui se consacrent exclusivement agrave des actions drsquoassistance ou de bienfaisance pourraient beacuteneacuteficier drsquoune RUP

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce seraient les mecircmes que pour la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral mais avec 3 nuances - toute lrsquoactiviteacute doit ecirctre tendue vers lrsquoobjet social - un degreacute plus eacuteleveacute de professionnalisation (et donc de salariat) serait acceptable - mais un moindre degreacute drsquoouverture exigeacute (une association pourrait ecirctre reconnue drsquoutiliteacute publique alors qursquoelle fonctionne au beacuteneacutefice drsquoun public fermeacute67)

Avantages les avantages seraient ceux du reacutegime actuel le

plus favorable dons et legs (reacutegime RUP) exoneacuteration au taux le plus favorable (laquo amendement Coluche raquo) subventions sur une base pluriannuelle

Obligations toutes les obligations du reacutegime preacuteceacutedant avec en plus lrsquoobligation de deacuteposer des comptes certifieacutes

JL Langlais poursuit en proposant que la reconnaissance drsquoutiliteacute publique soit laquo deacutecerneacutee pour une dureacutee limiteacutee soit par le ministegravere de lrsquointeacuterieur soit par le ministegravere en charge de la vie associative (et les preacutefets agrave lrsquoeacutechelon deacuteconcentreacute) soit encore par une agence nationale agrave creacuteer raquo Pour P Morange la RUP laquo serait deacutelivreacutee par le Conseil drsquoEtat comme crsquoest le cas actuellement et controcircleacutee par la Cour des comptes avec le concours de lrsquoIGAS et de lrsquoIGA pour une dureacutee limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans raquo A titre subsidiaire les auteurs proposent eacutegalement drsquoeacutetablir une laquo situation speacutecifique raquo pour les associations engageacutees dans la gestion drsquoune mission de service public tandis que P Morange envisage cette situation sous lrsquoangle de la seacutecurisation des rapports engageacutes par ces derniegraveres avec lrsquoadministration JL Langlais quant agrave lui considegravere dans une telle situation que laquo la forme juridique [drsquoassociation] nrsquoest alors qursquoune fiction raquo et que degraves lors laquo lrsquoEtat doit pouvoir les financer mais aussi les controcircler et les diriger comme il le

67 Lrsquoauteur propose de revenir sur la jurisprudence CE 7 feacutevr 2007 ndeg 287949 Steacute des anciens eacutelegraveves de lrsquoEacutecole Nationale Supeacuterieure drsquoArts et Meacutetiers et a

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ferait de ses propres services en attendant de trouver une structure juridique adeacutequate raquo Une mise en conformiteacute des proceacutedures drsquoagreacutement avec les nouvelles contraintes communautaires est eacutegalement envisageacutee

2 ndash Nos pistes de reacuteflexions

21 - Concernant le devenir de la proceacutedure RUP

Nous avons vu preacuteceacutedemment que cette proceacutedure deacutesormais consideacutereacutee comme eacutetant laquo obsolegravete raquo par la plupart des observateurs (voir supra) ne preacutesentait plus guegravere drsquointeacuterecirct sur un plan technique (voir supra) Degraves lors et en raison de la forte concentration de financements priveacutes (pregraves de 90 sous la forme de dons deacuteclareacutes par les contribuables ndash voir supra) sur un nombre extrecircmement limiteacute drsquoassociations et de fondations RUP de cette laquo proceacutedure eacutelitiste raquo la question de son devenir se pose de faccedilon cruciale En effet au 15 juillet 2000 le Conseil drsquoEtat deacutenombrait 1960 associations RUP laquo dont 200 nrsquoauraient selon lui aucune activiteacute sinon plus aucune existence raquo68 Force est de constater que presque 10 ans plus tard ce nombre nrsquoa quasiment pas augmenteacute puisque le dernier recensement effectueacute en deacutecembre 200869 par le Ministegravere de lrsquointeacuterieur fait eacutetat de 1966 associations RUP Lrsquourgence consiste donc bien agrave mettre un terme agrave cette situation laquo monopolistique raquo ougrave agrave tout le moins agrave instaurer des proceacutedures de controcircle agrave la fois plus preacutecises et plus contraignantes que celles existantes actuellement Sur ce point les propositions tendant agrave limiter la deacutelivrance de la RUP pour une dureacutee limiteacutee formuleacutees dans les rapports Langlais et Morange nous semblent parfaitement approprieacutees Ces propositions seront agrave rapprocher de celle proposeacutee par P Morange visant offrir agrave lrsquoensemble des associations la laquo grande capaciteacute juridique raquo particuliegraverement en matiegravere de dons

22 - Concernant la probleacutematique du rapprochement entre reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale)

Il ne srsquoagit pas de revenir sur les nombreux travaux drsquoores et deacutejagrave existants en matiegravere de rapprochement des concepts drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et drsquoutiliteacute sociale Parmi les plus importants lrsquoon peut citer ceux de J Gadrey en 200470 ceux reacutesultant de la journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF en 200571 ou encore la contribution commune de X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute publieacutee en 200672 A la lumiegravere de ces travaux il

68 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec p15 69 Site du ministegravere de lrsquointeacuterieur (publication du 08 avril 2008) httpwwwinterieurgouvfrsectionsa_la_unepublicationscultes-associations 70 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale des organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE feacutevrier 2004 71 Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Paris 11 janvier 2005 72 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Editions LrsquoHarmattan Paris 2006

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semble bien que lrsquoon assiste agrave laquo un basculement vers la notion plus large drsquoutiliteacute sociale notion qui par ailleurs entretient une filiation juridique avec le concept drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo73 Sur un plan juridique ces travaux montrent notamment qursquoil existe laquo un rapport assez eacutetroit agrave certains eacutegards entre la notion drsquoutiliteacute sociale et celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo si lrsquoon considegravere lrsquoanalyse de la jurisprudence des dix derniegraveres anneacutees74 Dans cette perspective la deacutemarche de rapprochement entre la proceacutedure RIG et RUS proposeacutee par les rapports de JL Langlais et P Morange trouverait une explication rationnelle

23 - Concernant lrsquoapproche du concept mecircme drsquoutiliteacute sociale

Comme le souligne J Gadrey75 laquo lrsquoutiliteacute sociale des organisations drsquoeacuteconomie sociale (OES) nrsquoa guegravere drsquoexistence en tant que probleacutematique geacuteneacuterale en dehors des deacutebats concernant le rocircle eacuteconomique et social actuel et futur de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Crsquoest une ideacutee qui a eacuteteacute forgeacutee pour deacutefendre lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire face agrave certaines menaces ou pour promouvoir le deacuteveloppement de regravegles favorables76 raquo Pour ce dernier en effet laquo il y a rien de naturel agrave soulever la question de lrsquoutiliteacute sociale des OES et qursquoil srsquoagit bien drsquoune convention socio-politique historiquement et geacuteographiquement contingente77 raquo Neacuteanmoins si le concept demeure aujourdrsquohui encore relativement flou paradoxalement il reccediloit dans notre droit interne une application de plus en plus freacutequente par les tribunaux78 et lrsquoAdministration fiscale79 De son cocircteacute et mecircme si pour lrsquoinstant le leacutegislateur srsquoest toujours refuseacute de srsquoorienter vers la voie drsquoune reconnaissance drsquoutiliteacute sociale80 celui-ci fait de plus reacutefeacuterence agrave ce concept81 drsquoougrave la neacutecessiteacute de privileacutegier une approche visant agrave circonscrire lrsquo laquo halo socieacutetal raquo82 des OES plutocirct que de chercher drsquoune maniegravere 73 A Euillet Lrsquoutiliteacute sociale une notion deacuteriveacutee de celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Revue de droit sanitaire et social ndeg2 avril-juin 2002 pp 2007 - 228 74 J Gadrey preacutec p 30 75 Ibidum 76 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques thegravese de droit 1998 preacutec Lrsquoauteur envisage la mise en œuvre drsquoune affirmative action en faveur des associations reconnues drsquoutiliteacute sociale 77 Si lrsquoon prend lrsquoexemple des services agrave domicile aux personnes acircgeacutees en Suegravede on peut observer que ceux-ci sont majoritairement produits par des organisations publiques locales tandis qursquoaux Etats-Unis - ougrave le laquo non profit sector raquo se construit le plus souvent comme une puissance alternative priveacutee face agrave un Etat providence laquo diaboliseacute raquo (Salamon) ils sont majoritairement financeacutes par des fonds priveacutes (beacuteneacuteficiant drsquoavantages fiscaux) 78 Voir par exemple CE 24 octobre 1979 CAA Paris 1er deacutecembre 1989 CAA Nancy 19 novembre 1992 79 Instr Fisc BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 1998 Instr Fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 (synthegravese) 80 Reacutep min du 01 juillet 1999 JO Seacutenat p 2224 81 Voir par exemple Loi ndeg2002-2 du 2 janvier 2002 relative agrave lrsquoaction sociale et meacutedico-sociale Loi ndeg 97-940 du 16 octobre 1997 relative au deacuteveloppement dactiviteacutes pour lemploi des jeunes (JO du 17 Octobre) LOI ndeg 9 8-657 du 29 juillet 1998 drsquoorientation relative agrave la lutte contre les exclusions 8282 A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport final relatif agrave la lettre de mission de Madame la Ministre de lrsquoEmploi et de la Solidariteacute 2000 pour A Lipietz il srsquoagirait de deacutefinir les contours du tiers secteur par un laquo label drsquoutiliteacute sociale et solidaire fondeacutes sur deux types de critegraveres quant aux

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improbable une deacutefinition qui serait unanimement admise par les acteurs des OES Finalement il ne srsquoagirait rien moins que de reconnaicirctre les OES afin de soutenir lrsquoeffort particulier de ces entiteacutes juridiques dont les laquo speacutecificiteacutes meacuteritoires raquo83 rejaillissent sur lrsquoensemble de la collectiviteacute Mais limiter le concept au seul beacuteneacutefice des OES serait par trop reacuteducteur et la mesure de lrsquoutiliteacute sociale doit eacutegalement ecirctre envisageacutee en tant qursquooutil de reacutegulation des politiques publiques84

24 - Concernant les difficulteacutes lieacutees agrave la mise en œuvre drsquoune proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale

Sur ce point il importe de tenir compte des critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de la proposition de mise en place drsquoun systegraveme unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale des OES (tel qursquoimagineacute par le CNVA dans son rapport datant de 1995) A cette eacutepoque le CNVA contestait laquo lrsquoambiguiumlteacute de lrsquointerpreacutetation juridique et fiscale de lrsquoutiliteacute sociale en particulier en raison de confusions constateacutees entre le critegravere de non lucrativiteacute et les vrais critegraveres drsquoutiliteacute sociale La reacuteflexion associative commence alors agrave se preacuteciser sur les critegraveres de non lucrativiteacute drsquoun cocircteacute sur les critegraveres drsquoutiliteacute sociale de lrsquoautre avec une insistance sur la neacutecessiteacute de ne pas confondre ces deux dimensions Parallegravelement le CNVA conteste lrsquoideacutee alors assez preacutesente du cocircteacute de lrsquoadministration selon laquelle un critegravere essentiel de lrsquoutiliteacute sociale serait que les besoins auxquels reacutepond lrsquoactiviteacute ne sont pas normalement (ou pas suffisamment) pris en compte par le marcheacute Cette deacutefinition purement neacutegative signifierait en effet soit que lrsquoutiliteacute sociale drsquoune association disparaicirct si le marcheacute srsquoinstalle sur un champ de besoins deacutejagrave deacutefricheacutes par les œuvres soit que lrsquoassociation devient alors automatiquement lucrative raquo85 Depuis lors un tel risque nous semble ecirctre leveacute dans la mesure ougrave le laquo reacutefeacuterentiel raquo drsquoutiliteacute sociale doit deacutesormais tenir compte de la jurisprudence du Conseil drsquoEtat en matiegravere fiscale En effet lrsquoarrecirct rendu en date du 1er octobre 199986 est venu preacuteciser qursquoun organisme sans but lucratif ne concurrence une entreprise que si les services qursquoil rend sont laquo offerts en concurrence dans la mecircme zone geacuteographique drsquoattraction avec ceux proposeacutes au mecircme public par des entreprises commerciales exerccedilant une activiteacute identique raquo Il a eacuteteacute eacutegalement preacuteciseacute depuis que laquo le critegravere du public ne doit pas srsquoentendre uniquement des situations de deacutetresse physique ou morale raquo87 buts (ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie solidaire) et quant aux modes drsquoorganisation interne (notamment lucrativiteacute limiteacutee le caractegravere deacutemocratique et multipartenariale de sa direction) ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie sociale raquo J Gadrey parle plus volontiers drsquoutiliteacute sociale externe et drsquoutiliteacute sociale interne preacutec p 37 83 F Bloch-Laineacute Identifier les associations de service social RECMA 1994 ndeg251 p 61 84 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne ibidum selon L Fraisse laquo lrsquoapparition drsquoun deacutebat sur lrsquoutiliteacute sociale peut aussi srsquointerpreacuteter comme un nouveau critegravere de politique publique agrave mecircme de preacuteciser les contours et de renforcer lrsquoinstitutionnalisation des activiteacutes et lrsquoeacuteconomie solidaire raquo voir eacutegalement N Richez-Battesti Les collectiviteacutes territoriales face agrave lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale Juris Associations ndeg376 1er avril 2008 pp 17-19 85 J Gadrey preacutec p 31 86 CE 1er octobre 1999 Association Jeune France ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354 87 Instr fisc BOI 4 H-5-06 preacutec

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Par ailleurs le CNVA soulignait le caractegravere laquo eacutevolutif voire conjoncturel raquo du concept drsquoutiliteacute sociale dans la mise en œuvre drsquoune seacuterie de dix indicateurs (voir infra) Pour lrsquoessentiel G Goulard88 consideacuterait qursquoen lrsquoeacutetat actuel ce concept eacutetait laquo encore plus subjectif que les critegraveres jurisprudentiels en vigueur raquo et qursquoune telle situation laquo risqu[ait] drsquoecirctre interpreacuteteacutee dans un sens reacuteducteur deacutefavorable aux associations dont lrsquoutiliteacute nrsquoest pas sociale mais intellectuelle culturelle spirituelle politique historique eacuteconomique etc raquo Srsquoil est vrai qursquoen 1998 de tels arguments nrsquoeacutetaient pas neacutegligeables il apparaicirct que certains drsquoentre eux apparaissaient forts contestables En effet comme le souligne J Gadrey dans son rapport de 2004 laquo la subjectiviteacute de la notion drsquoutiliteacute sociale peut fort bien ecirctre compatible avec sa consolidation comme reacutefeacuterence en droit (la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral srsquoest bien imposeacutee en deacutepit drsquoun flou aussi consideacuterable) raquo En effet il convient drsquoobserver que drsquoautres notions fondamentales agrave lrsquoinstar du droit commercial sont fondeacutees sur lrsquoarbitraire comme a deacutejagrave pu le souligner le Professeur Y Guyon laquo le droit commercial nrsquoest pas une construction fondeacutee sur la raison mais une approche fondamentalement arbitraire raquo89 Ainsi poursuit J Gadrey laquo le fait que des associations qui ne font pas partie du champ de lrsquoaction sociale (au sens strict) auraient des difficulteacutes agrave faire connaicirctre leur utiliteacute sociale nrsquoa rien drsquoineacuteluctable et deacutepend de la faccedilon dont la convention drsquoutiliteacute sociale se construit sur un mode restrictif ou au contraire extensif raquo De fait il apparaicirct que le concept drsquoutiliteacute sociale deacutepend moins de notre capaciteacute agrave deacutefinir des critegraveres distinctifs que de celle favorisant lrsquoeacutemergence drsquoune convention sociopolitique (voir infra) portant sur lrsquoutiliteacute sociale (convention drsquoutiliteacute sociale) Une telle approche preacutesenterait en outre deux avantages principaux en premier lieu celui du maintien du caractegravere eacutevolutif de ce concept en second lieu celui de la reacuteciprociteacute entretenue entre les associations et les pouvoirs publics dans la construction et lrsquoacceptation du concept mecircme

88 Rapport Goulard mars 1998 89 Y Guyon Droit des affaires Economica 5egraveme eacuted 1988 agrave rapprocher de M Despax Lrsquoentreprise et le droit Bibl Dr Priv T1 Paris 1954 p34 selon lrsquoauteur laquo le droit commercial (hellip) est neacute de la pratique Ses normes sont la conseacutecration drsquousages peu agrave peu eacutetablis et non la construction de la raison de lagrave cette difficulteacute souvent eacuteprouveacutee pour les juristes agrave les expliquer raquo

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III - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE

SOCIALE (OU SOCIETALE) UNE DEMARCHE PARTAGEE

A ndash LA PROCEDURE DE RUS PRESENTE-T-ELLE ENCORE UN INTERET

Comme le suggegravere le rapport Morange90 la proposition formuleacutee par JP Decool en mai 200591 laquo meacuterite drsquoecirctre approfondie raquo En effet pour ce dernier il convient de mettre en place une proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute socieacutetale comme substitut agrave la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral jugeacutee laquo deacutesuegravete et vague raquo laquo il serait donc opportun afin de donner une nouvelle dimension au monde associatif (hellip) de redonner au citoyen toute sa place au sein de la socieacuteteacute Lui permettre de srsquoexprimer et de manifester son deacutesir de donner ou de partager des valeurs communes Ainsi peut-on envisager le rocircle de lrsquoassociation dans la socieacuteteacute raquo A ce stade il nous semble que la meacutethode preacuteconiseacutee par le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) depuis son rapport du 4 feacutevrier 198692 demeure toujours drsquoactualiteacute93 Ce dernier preacuteconisait lrsquointroduction drsquoun systegraveme de reconnaissance a priori qui permettrait aux associations reconnues drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) de lever laquo toute incertitude durant une peacuteriode deacutefinie tant que les conditions drsquoexercice de leur activiteacute au vu desquelles elles ont obtenu lrsquoagreacutement ne seraient pas modifieacutees raquo94 Selon le projet du CNVA cette reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) devait ecirctre accordeacutee non pas par le pouvoir exeacutecutif mais par une veacuteritable juridiction ou commission paritaire composeacutee de repreacutesentants des associations des administrations concerneacutees (Ministegravere de tutelle et Administration fiscale) et preacutesideacutee par un magistrat95 Celle-ci pourrait eacutegalement comprendre un certain nombre drsquoexperts qualifieacutes et issus de la socieacuteteacute civile ainsi qursquoun repreacutesentant des collectiviteacutes locales deacutecentraliseacutees96 90 Ibidum 91 JP Decool Des associations en geacuteneacuteral vers une eacutethique socieacutetale rapport au 1er ministre mai 2005 92 Voir eacutegalement les Rapports et Avis du 12 juin 1991 et 15 juin 1995 93 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit 1998 preacutec 94 CNVA Bilan de la vie associative en 1990-1991 La documentation franccedilaise Paris 1992 Rapport et avis adopteacutes en session pleacuteniegravere du CNVA le 15 juin 1995 sur laquo lrsquoutiliteacute sociale des associations et ses conseacutequences en matiegravere eacuteconomique fiscale et financiegravere raquo 95 On peut noter la proximiteacute de cette composition avec celle de la laquo Charity Commission raquo de Grande-Bretagne composeacutee de fonctionnaires dont deux doivent ecirctre des juges dont le rocircle drsquoinformation de conseil de controcircle srsquoexerce aupregraves des laquo Charities raquo auxquelles la Commission donne le label qui ouvre droit agrave des faciliteacutes fiscales et financiegraveres 96 Voir la composition du comiteacute strateacutegique des fonds de dotation creacuteeacute le 19 novembre 2008 preacutesideacute par JJ Hyest Preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat

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Les deacutecisions de cette instance pourraient faire lrsquoobjet drsquoun recours devant les juridictions compeacutetentes (ce qui aurait eu pour effet de laquo judiciariser raquo le concept drsquoutiliteacute sociale) La reconnaissance serait attribueacutee pour une dureacutee de cinq anneacutees agrave lrsquoissue drsquoun rapport drsquoaudit baseacute sur des critegraveres drsquoeacutevaluation (pour ce qui concerne lrsquoutiliteacute sociale externe) Les critegraveres drsquoeacutevaluation pourraient faire lrsquoobjet drsquoune deacutemarche partageacutee (voir infra) et contractualiseacutee avec les diffeacuterents acteurs agrave partir de critegraveres quantitatifs et qualitatifs neacutegocieacutes En effet le CNVA nrsquoa pas souhaiteacute mettre en place un systegraveme unique et isoleacute de reconnaissance drsquoune cateacutegorie particuliegravere drsquoassociations qui serait reconnue drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) agrave lrsquoinstar de ce qui a par exemple eacuteteacute conccedilu pour la reconnaissance drsquoutiliteacute publique Il preacuteconise plutocirct laquo le recours agrave de multiples dispositifs susceptibles drsquoaccorder aux associations (en tant qursquoopeacuterateurs) ou agrave leurs activiteacutes (en tant qursquoopeacuteration97) la reconnaissance et le soutien en fonction et dans le respect de la diversiteacute des speacutecificiteacutes associatives raquo Lrsquoensemble de ces speacutecificiteacutes doit pouvoir ecirctre appreacutehendeacute agrave travers un certain nombre drsquoindicateurs avec la mise en place de la technique du faisceau drsquoindices Les critegraveres deacutegageacutes98 formeraient ainsi une liste (non exhaustive) qui permettant de mieux cerner les contours de lrsquoutiliteacute sociale

- La primauteacute du projet finaliteacute de lrsquoaction associative99

- Le fonctionnement deacutemocratique - Lrsquoapport social de lrsquoassociation100 - La non-lucrativiteacute qui par essence marque la

diffeacuterence par rapport au secteur commercial - La gestion deacutesinteacuteresseacutee101 ce qui nrsquoexclut ni la

rigueur ni la transparence financiegravere - La capaciteacute agrave mobiliser la geacuteneacuterositeacute humaine

(beacuteneacutevolat) ou financiegravere (dons) - Le mixage des publics et lrsquoouverture

qui a pour mission de suivre lrsquoeacutevolution des fonds de dotation 1 repreacutesentant du MINEFI 3 magistrats 7 personnaliteacutes qualifieacutees A ce titre il pourra eacutelaborer des recommandations de bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion et faire toutes les propositions qui lui sembleront neacutecessaires pour favoriser le deacuteveloppement des fonds de dotation (Sources MINEFI 14 janvier 2009) 97 Cette solution preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre neutre sur le plan concurrentiel et vis-agrave-vis des autres opeacuterateurs eacuteconomiques 98 Le CNVA preacutecise dans son rapport du 15 juin 1995 preacutec que ces critegraveres sont laquo non exclusifs non cumulatifs et non exhaustifs les uns par rapport aux autres raquo 99 La FONDA dans un seacuteminaire en date du 17 octobre 1992 suggeacuterait et explicitait ces trois premiers critegraveres agrave partir desquels elle se fondait pour identifier les associations drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral 100 Ce critegravere ainsi que les critegraveres 6 7 et 8 relegravevent de la notion drsquoutiliteacute sociale externe qui selon nous devrait faire lrsquoobjet drsquoune contractualisation pluri annuelle dans le cadre drsquoune deacutemarche de construction et drsquoeacutevaluation partageacutee (voir infra) 101 Sur cette notion voir Instr fisc (Synthegravese) BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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- Les secteurs drsquointervention pas ou mal couverts par les autres agents eacuteconomiques ou par les collectiviteacutes publiques

- Lrsquoexistence de financements publics ou parapublics

- Lrsquoexistence drsquoun agreacutement ministeacuteriel (Ministegravere de rattachement) ou drsquoune habilitation102

La reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) pourrait ecirctre attribueacutee aux associations laquo dont les statuts le mode de fonctionnement et les modaliteacutes drsquoexercice de leur activiteacute caracteacuterisent suffisamment leur utiliteacute sociale aux yeux de cette juridiction Elle pourrait agrave lrsquoinverse ecirctre retireacutee par cette mecircme juridiction ou commission paritaire degraves lors que les conditions ayant preacutesideacute agrave son attribution ne seraient plus reacuteunies Lrsquoabsence de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre invoqueacutee pour creacuteer une preacutesomption de lucrativiteacute pour lrsquoassociation qui nrsquoen beacuteneacuteficierait pas raquo Agrave ce jour nombreux sont les acteurs srsquoeacutetant prononceacutes en faveur de lrsquoeacutelaboration drsquoune reconnaissance unique drsquoutiliteacute sociale (RUS) Nous avons vu preacuteceacutedemment que les derniers rapports ministeacuteriels et parlementaires se montrent favorables agrave la mise en œuvre drsquoune telle proceacutedure Pour MT Cheacuteroutre103 laquo lrsquoattribution drsquoune reconnaissance par les pouvoirs publics aux organismes susceptibles drsquoecirctre exoneacutereacutes apparaicirct eacuteminemment souhaitable Cette reconnaissance accordeacutee pour une dureacutee deacutetermineacutee apporterait agrave ces derniers une garantie drsquoexoneacuteration du moins aussi longtemps qursquoil ne serait pas prouveacute par lrsquoadministration qursquoils ne respectent plus les conditions pour lesquelles ils ont obtenu ladite reconnaissance raquo De son cocircteacute la FONDA104 a eacutegalement exprimeacute son souhait drsquoassurer laquo une meilleure seacutecuriteacute financiegravere aux associations relevant de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et srsquoest montreacutee laquo favorable agrave la creacuteation drsquoune RUS attribueacutee par une commission tripartite (Etat Magistrats Associations) raquo Agrave notre connaissance deux projets de loi105 ont eacuteteacute deacuteposeacutes en ce sens pour ecirctre rapidement abandonneacutes par la suite faute de reacuteelle volonteacute politique En effet comme le souligne le CNVA agrave propos de la mise en œuvre de la RUS

102 Notamment lorsque lrsquoobjet de lrsquoassociation consiste agrave reacutealiser des activiteacutes reacuteglementeacutees 103 MT Cheacuteroute Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 rapport au nom du conseil eacuteconomique et social ndeg4 JO du 1er avril 1993 104 La FONDA Pour une eacutethique des rapports entre pouvoirs publics et citoyens seacuteminaire Paris 17 octobre 1992 105 Projet de loi A Henry RTD com 192 447 en janvier 2002 ce projet avait lanceacute une vaste consultation autour du concept drsquoutiliteacute sociale dans le but de deacutelimiter les associations auxquelles seraient accordeacutees le label Proposition de loi ndeg2779 AN 1996 art 2 laquo Les associations peuvent ecirctre reconnues drsquoutiliteacute sociale agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode probatoire de fonctionnement drsquoune dureacutee au moins eacutegale agrave trois ans lorsqursquoelles satisfont cumulativement aux conditions suivantes avoir un objet social de caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique humanitaire sportif familial culturel ou drsquoaction sociale ou de mise en œuvre du patrimoine artistique ou de deacutefense de lrsquoenvironnement ou de diffusion de la culture ou de la langue franccedilaise Exercer conformeacutement agrave cet objet des activiteacutes ouvertes agrave des personnes qui lui sont exteacuterieures raquo

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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- nombre minimum dadheacuterents fixeacute agrave 200

- montant annuel minimum de ressources estimeacute agrave 46 000 euros provenant en majoriteacute de ressources propres et non de subventions publiques et par labsence de deacuteficit sur les trois derniers exercices

- statuts conformes aux statut-type approuveacutes par le Conseil dEtat garantissant lexistence de regravegles de fonctionnement deacutemocratique et de transparence financiegravere opposables aux membres

En outre il est indiqueacute que laquo le statut dutiliteacute publique est perccedilu par le monde associatif comme un label officiel confeacuterant une leacutegitimiteacute particuliegravere nationale voir internationale vis-agrave-vis notamment des donateurs Ce statut implique un certain nombre dobligations agrave leacutegard de la puissance publique qui dispose dun pouvoir de tutelle et de controcircle tutelle sur les statuts et le regraveglement inteacuterieur de lassociation ainsi que sur lensemble des actes de disposition (alieacutenation de biens emprunts hypothegraveques) obligation denvoi des comptes-rendus dactiviteacute et documents comptables annuels droit de visite des ministegraveres de tutelle raquo Elle est deacutelivreacutee selon la proceacutedure suivante

‐ par deacutecret du Premier Ministre ‐ apregraves instruction du Ministegravere de lrsquoInteacuterieur

‐ sur avis du Conseil drsquoEtat

Lrsquoinstruction de la demande de RUP est effectueacutee par lrsquoautoriteacute publique de faccedilon discreacutetionnaire agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode moyenne allant de 6 agrave 18 mois 3 ndash Principaux avantages de la RUP La conseacutequence essentielle de la reconnaissance dutiliteacute publique est lacquisition permanente de la laquo grande capaciteacute juridique raquo permettant notamment de recevoir des libeacuteraliteacutes (dons et legs) exoneacutereacutees des droits de mutation agrave titre gratuit18 et de deacutetenir des immeubles laquo neacutecessaires raquo agrave son activiteacute19 (agrave la diffeacuterence des associations simplement deacuteclareacutees qui doivent deacutetenir des immeubles laquo strictement neacutecessaires raquo agrave leur activiteacute en application de lrsquoarticle 6 de la loi 1901)

18 CGI art 7952deg 19 Loi 1er juillet 1901 art 11

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Pour pouvoir beacuteneacuteficier de ces exoneacuterations lrsquoassociation RUP doit non seulement remplir les critegraveres drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral deacutefinis par la doctrine administrative du Conseil drsquoEtat (voir infra) mais eacutegalement exercer une activiteacute entrant dans le champ drsquoapplication de lrsquoarticle 238 bis a du Code geacuteneacuteral des impocircts (CGI) au regard de son domaine drsquoactiviteacute (qui doit ecirctre laquo agrave caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique social humanitaire sportif familial culturel ou concourant agrave la mise en valeur du patrimoine artistique agrave la deacutefense de lenvironnement naturel ougrave agrave la diffusion de la culture de la langue et des connaissances scientifiques franccedilaises raquo) Reste agrave savoir srsquoil existe encore un inteacuterecirct agrave srsquoengager dans cette voie au regard drsquoune part de la lourdeur administrative drsquoune telle proceacutedure et drsquoautre part de la possibiliteacute pour les associations de beacuteneacuteficier des mecircmes avantages consentis par la RUP par la possibiliteacute de recourir agrave des techniques juridiques et fiscales relativement facile agrave mettre en œuvre pour contourner lrsquointerdiction de percevoir des dons (voir infra) Synthegravese RUP

‐ Pour obtenir la RUP une association doit preacutesenter un caractegravere drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au sens de lrsquoarticle 200 et 238 bis du CGI

‐ Bien que relevant de deux ministegraveres de tutelle diffeacuterents la RUP et la

RIG procegravedent sensiblement du mecircme mode drsquoanalyse agrave partir des articles preacuteciteacutes du CGI et de la doctrine du Conseil drsquoEtat

‐ En revanche nous allons voir ci-apregraves qursquoune association drsquointeacuterecirct

geacuteneacuteral ne beacuteneacuteficie pas automatiquement de la RUP (la RUP est reacuteserveacutee agrave une laquo eacutelite raquo)

B ndash LA RECONNAISSANCE DrsquoINTEREcircT GENERAL Il ne srsquoagit pas drsquoentrer dans des deacutebats sans fin concernant la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral mais au contraire de circonscrire avec preacutecision la dimension restrictive donneacutee par lrsquoAdministration fiscale de ce concept juridique 1 - Caracteacuteristiques de la RIG Comme nous lrsquoa reacutecemment preacuteciseacute le Ministre de lrsquoInteacuterieur20 laquo la notion drsquoassociation drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral est par contre une notion fiscale viseacutee dans les articles 200 et 238 bis du Code geacuteneacuteral des impocircts raquo Elle permet drsquoautoriser certains organismes agrave eacutemettre des reccedilus fiscaux au beacuteneacutefice de leurs donateurs particuliers ou entreprises

20 Reacutep min inteacuter AN 15 juillet 2008 preacutec

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Certes lrsquo laquo inteacuterecirct geacuteneacuteral raquo demeure un concept juridique difficile agrave appreacutehender21 sur le plan ideacuteologique mais au cours de la discussion de la premiegravere loi sur le meacuteceacutenat le Ministre chargeacute du budget avait preacuteciseacute que le texte laquo avait vocation agrave ecirctre entendu de faccedilon large raquo22 sur le plan fiscal Cette appreacuteciation fut par la suite reprise par son successeur dans les deacutebats ayant abouti au vote de la loi du 1er aoucirct 2003 relative au meacuteceacutenat23 laquo ce projet est de porteacutee geacuteneacuterale Ne commenccedilons pas agrave eacutenumeacuterer des groupes drsquoassociations raquo Or malgreacute ces recommandations explicites du leacutegislateur la doctrine de lrsquoadministration fiscale est demeureacutee excessivement restrictive Il reacutesulte de cette situation un certain nombre de probleacutematiques (voir infra) mais commenccedilons par eacutenumeacuterer les conditions qui preacutesident agrave la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral pour un organisme sans but lucratif 2 - Conditions et proceacutedure de la RIG Pour lrsquoAdministration fiscale un organisme preacutesente un caractegravere drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral si les conditions suivantes sont cumulativement reacuteunies24

‐ Avoir laquo un caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique social humanitaire sportif familial culturel ou concourant agrave la mise en œuvre du patrimoine artistique agrave la deacutefense de lrsquoenvironnement naturel ou agrave la diffusion de la culture de la langue et des connaissances scientifiques raquo25

‐ Avoir une gestion deacutesinteacuteresseacutee et ne pas exercer drsquoactiviteacute lucrative

de maniegravere preacutepondeacuterante26 cette condition pose en creux la question de la distinction entre activiteacute eacuteconomique et activiteacute lucrative27 au sein de laquelle le recours agrave la notion fiscale drsquoutiliteacute sociale (voir infra) apparaicirct tout agrave fait essentiel

‐ Ne pas fonctionner au profit drsquoun cercle restreint de personnes

autrement dit lrsquoassociation doit ecirctre laquo ouverte raquo28

21 Dans un compte rendu de reacuteunion du 24 janvier 2005 le Conseil drsquoOrientation de la Simplification Administrative (COSA) faisait part de ses observations quant aux mesures proposeacutees en matiegravere de seacutecurisation de la fiscaliteacute et estimait laquo qursquoil fallait proposer une deacutefinition plus claire de la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral de lrsquoarticle 200 du CGI et si possible eacutetendre le champ des activiteacutes viseacutees par lrsquoarticle 200 du CGI raquo (source rapport au premier ministre JP Decool mai 2005 p47) 22 JOAN CR Deacutebats du 23 juin 1987 2egraveme seacuteance p 3071 agrave 3076 23 Loi ndeg2003-709 du 1er aoucirct 2003 relative au meacuteceacutenat aux associations et aux fondations 24 D adm 5 B-3311 ndeg12 et s et 4 C-712 ndeg11 et s 25 CGI art 200 et 238 bis 26 Instr fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 27 C Amblard Activiteacutes eacuteconomiques et commerciales des associations Lamy Associations (Etude 246) juillet 2008 28 Reacutep min Zimmermann JO Ass nat du 10 janv 2006 p 261 ndeg72466

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Srsquoagissant de cette derniegravere condition lrsquoAdministration fiscale a tendance a adopter une position eacuteminemment restrictive au point que des associations drsquoanciens combattants29 voire mecircme drsquoanciens eacutelegraveves30 ou encore des associations de deacutefense des contribuables31 ou ayant pour objet la sauvegarde des retraites32 se sont vues refuser la RIG Par ailleurs sont reconnues comme eacutetant drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral les associations et fondations reconnues drsquoutiliteacute publique et qui exercent une activiteacute deacutecrite agrave lrsquoarticle 200 du CGI mais eacutegalement des organismes limitativement eacutenumeacutereacutes par la loi ou certaines dispositions du code geacuteneacuteral des impocircts tels que les eacutetablissements drsquoenseignement supeacuterieur33 les organismes ayant pour objet le financement des PME34 les associations cultuelles ou de bienfaisance35 ou encore les organismes ayant pour objet lrsquoorganisation de spectacles ou drsquoexposition drsquoart contemporain36hellip En ce qui concerne la proceacutedure agrave suivre il faut savoir que le beacuteneacutefice droit de du reacutegime fiscal de faveur lieacute au meacuteceacutenat (Loi laquo Aillagon raquo du 1er aoucirct 2003) nrsquoest pas lieacute agrave un agreacutement preacutealable de lrsquoAdministration fiscale En drsquoautres termes toute association peut deacutelivrer des reccedilus fiscaux37 aux donateurs le controcircle des services fiscaux eacutetant susceptible drsquointervenir a posteriori Neacuteanmoins il est possible drsquointerroger lrsquoAdministration fiscale a priori pour seacutecuriser lrsquoopeacuteration (proceacutedure de rescrit) lrsquoabsence de reacuteponse de la part de cette derniegravere agrave lrsquoissue drsquoun deacutelai de six mois valant reacuteponse positive pour la situation deacutecrite38 3 - Principaux avantages de la RIG Ils sont drsquoordres juridiques et fiscaux

‐ Sur le plan juridique

bull Le reacutegime du meacuteceacutenat permet aux associations non reconnues drsquoutiliteacute publique drsquoaccroicirctre leur capaciteacute juridique et ainsi de beacuteneacuteficier de dons autres que les dons manuels

‐ Sur le plan fiscal

bull Pour lrsquoassociation ou lrsquoorganisme sans but lucratif beacuteneacuteficiaire

29 Reacutep Reitzer AN 27 juillet 2004 p 5810 ndeg38660 30 CE 7 feacutevrier 2007 ndeg287949 RJF 407 ndeg386 31 Reacutep Blum AN 30 novembre 2004 p 9432 ndeg2499 32 Reacutep Deprez AN 20 juin 2006 p 6564 ndeg90872 33 Loi 2007-1199 du 10 aoucirct 2007 art 38 34 CGI art 238 bis-4 35 CGI art 200 1-e D adm 5 B-3311 ndeg54 36 Reacutep min culture et communication Girard AN 10 feacutevrier 2004 p 1025 ndeg30957 instruction fiscale du 9 deacutecembre 2008 5 B-19-08 37 Arrecircteacute du 28 juin 2008 JORF ndeg0150 du 28 juin 2008 page 10396 38 Instr fisc BOI 13 L-5-04 du 19 octobre 2004

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‐ Les ressources tireacutees du meacuteceacutenat nrsquoentrent pas dans le champ drsquoapplication de la TVA de lrsquoimpocirct sur les socieacuteteacutes ou de la taxe professionnelle

‐ Les dons sont en outre exoneacutereacutes de droit

drsquoenregistrement39 au mecircme titre que les associations et fondations RUP (voir supra)

bull Pour les meacutecegravenes (particuliers ou entreprises)

‐ Particuliers reacuteduction drsquoimpocircts sur le revenu eacutequivalente agrave 66 de la valeur du don dans la limite de 20 du revenu annuel (amendement laquo Coluche raquo 75 dans la limite forfaitaire de 495 euro pour les associations drsquoaide aux personnes en difficulteacute en 200840)

‐ Entreprises reacuteduction drsquoimpocircts sur les socieacuteteacutes

eacutequivalente agrave 60 de la valeur du don dans la limite de 05 du CA de lrsquoentreprise (outre contreparties institutionnelles telles que le droit pour lrsquoentreprise de beacuteneacuteficier de la qualiteacute de membre de lrsquoassociation ou drsquoimage41 dans la limite de 25 de la valeur du don42)

Synthegravese de la RIG ‐ Compte tenu du caractegravere relativement flou de la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (lrsquoarticle 200 du CGI se contentant drsquoeacutenumeacuterer des secteurs drsquoactiviteacutes) lrsquoAdministration fiscale dispose finalement drsquoun large pouvoir drsquoappreacuteciation en matiegravere de deacutefinition des contours de la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral sous reacuteserve de la doctrine du Conseil drsquoEtat ‐ La proceacutedure de RIG ouvre la capaciteacute juridique des associations simplement deacuteclareacutees (dons sous forme de meacuteceacutenat) sans que ces derniegraveres ne puissent toutefois preacutetendre agrave la laquo grande capaciteacute juridique raquo dont beacuteneacuteficient les associations RUP (legs deacutetention de biens immobiliers) ‐ Le beacuteneacutefice des avantages fiscaux offerts par la RIG deacutependent de la non lucrativiteacute des activiteacutes de lrsquoassociation ce qui suppose ou que lrsquoassociation nrsquoexerce aucune activiteacute lucrative (cas des associations dont les ressources se composent uniquement de cotisations ou de subventions par exemple) ou que lrsquoassociation exerce des activiteacutes eacuteconomiques reconnues comme eacutetant drsquoutiliteacute sociale par lrsquoAdministration fiscale (voir infra les critegraveres fiscaux de la laquo reconnaissance drsquoutiliteacute sociale raquo)

39 CGI art 757 al 3 40 Loi 2007-1822 du 24 deacutecembre 2007 art 2 I 41 CGI art 238 bis 1 a 42 Instr fisc 4 C-2-00 ndeg5 agrave 7

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C ndash LA RECONNAISSANCE (FISCALE) DrsquoUTILITE SOCIALE Il nrsquoexiste pas de proceacutedure de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (RUS) agrave proprement parler crsquoest-agrave-dire ouvrant droit pour les associations agrave des avantages particuliers agrave llsquoinstar de la RUP ou de la RIG Tout au plus cette notion juridique rencontre deux modes drsquoapplication concregravete dans notre droit interne (1) que nous allons preacutesenter en guise drsquoillustration Nous verrons ainsi comment la meacutethodologie retenue par lrsquoAdministration fiscale agit comme une forme de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale preacutealable indispensable au maintien du caractegravere non lucratif de lrsquoassociation (2) 1 ndash Utiliteacute sociale deux exemples drsquoapplication concregravete Le premier exemple drsquoapplication concerne les socieacuteteacutes coopeacuteratives drsquointeacuterecircts collectifs (SCIC) instaureacutees par lrsquoarticle 36 de la loi 2001-624 du 17 juillet 2001 et lrsquoarticle 19 de la loi 47-1775 du 10 septembre 1947 Cet exemple peut apparaicirctre a priori eacuteloigneacute de notre preacutesentation sauf qursquoen autorisant la transformation des associations en SCIC nous verrons que ce dispositif leacutegislatif contribue agrave eacutelargir la capaciteacute juridique de ces derniegraveres tout en opeacuterant un rapprochement avec la notion drsquoutiliteacute sociale (11) Le second exemple drsquoapplication concregravete concerne la meacutethodologie retenue par lrsquoAdministration fiscale ndash encore elle ndash depuis lrsquoinstruction fiscale BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 199843 pour accorder aux associations (fiscalement) laquo reconnues drsquoutiliteacute sociale raquo la capaciteacute drsquoexercer des activiteacutes eacuteconomiques non assujetties aux impocircts commerciaux (12) 11 - Une premiegravere utilisation concregravete de la notion drsquoutiliteacute sociale le statut de SCIC Les Socieacuteteacutes Coopeacuteratives drsquoInteacuterecirct Collectifs (SCIC) socieacuteteacutes coopeacuteratives sous la forme de SA ou de SARL (hellip) ont pour objectif laquo la production ou la fourniture de biens et de services drsquointeacuterecirct collectif qui preacutesentent un caractegravere drsquoutiliteacute sociale raquo La proceacutedure drsquohabilitation relegraveve de la compeacutetence preacutefectorale Ce nouveau statut juridique a eacuteteacute creacuteeacute pour reacutepondre aux attentes des acteurs de lrsquoEconomie sociale et solidaire crsquoest-agrave-dire de disposer drsquoun cadre drsquoentreprise adapteacute au deacuteveloppement entrepreneurial tout en prenant en compte la dimension eacutethique des activiteacutes qui relegravevent de cette Economie

43 Reprise par lrsquoinstruction fiscale de synthegravese BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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Pour le Secreacutetaire drsquoEtat agrave lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire laquo la SCIC doit ecirctre comprise comme le chaicircnon manquant entre lrsquoassociation et la coopeacuterative avec la possibiliteacute drsquointeacutegrer de nouveaux partenaires raquo (F Morin conseiller technique du cabinet de G Hascoeumlt) 44 Du cocircteacute de lrsquoEtat pour le Ministegravere de lrsquoemploi et le secreacutetariat agrave lrsquoeacuteconomie solidaire laquo cette nouvelle structure doit deacuteboucher sur la creacuteation drsquoemplois en plus de ceux occupeacutes aujourdrsquohui dans lrsquoentreprise drsquoinsertion qui restera pour lrsquoinstant en lrsquoeacutetat raquo

12 ndash Une deuxiegraveme utilisation concregravete de la notion drsquoutiliteacute sociale la reconnaissance de la non lucrativiteacute des activiteacutes eacuteconomiques reacutealiseacutees par les associations non assujetties aux impocircts commerciaux Depuis lrsquoinstruction fiscale BOI 4 h-5-98 du 15 septembre 1998 pour lrsquoAdministration fiscale il est deacutesormais laquo leacutegitime quun organisme non lucratif deacutegage dans le cadre de son activiteacute des exceacutedents reflet dune gestion saine et prudente Cependant lorganisme ne doit pas les accumuler dans le but de les placer Les exceacutedents reacutealiseacutes voire temporairement accumuleacutes doivent ecirctre destineacutes agrave faire face agrave des besoins ulteacuterieurs ou agrave des projets entrant dans le champ de son objet non lucratif raquo Parallegravelement lrsquoinstruction fiscale consacrait le principe de non assujettissement des associations et organismes sans but lucratif aux impocircts commerciaux Il convenait donc de clarifier une situation confuse compte tenu de lrsquoeacutevolution du monde associatif notamment au regard de la pleine et entiegravere capaciteacute juridique des associations (simplement deacuteclareacutees) en matiegravere drsquoexercice drsquoactiviteacutes eacuteconomiques ou commerciales45 Crsquoest dans ce cadre que lrsquoAdministration fiscale a eacuteteacute ameneacutee agrave proposer une laquo grille de lecture raquo concernant lrsquoexercice de ce type drsquoactiviteacutes eacutetant entendu que si lrsquoassociation adopte des comportements identiques agrave ceux des entreprises commerciales sur un mecircme marcheacute le principe de non assujettissement ne pouvant ecirctre maintenu celle-ci recouvrait immeacutediatement son statut drsquoentreprise assujettie aux impocircts commerciaux Pour savoir si une association exerce son activiteacute dans des conditions similaires agrave celle drsquoune entreprise et si de ce fait elle doit ecirctre soumise aux impocircts commerciaux lrsquoAdministration fiscale preacuteconise une analyse en plusieurs eacutetapes

minus Etape 1 la gestion de lrsquoorganisme est-elle deacutesinteacuteresseacutee (les

dirigeants ne peuvent reacutemuneacutereacutes (sauf cas deacuterogatoires limitativement eacutenumeacutereacutes) les beacuteneacutefices et le patrimoine de lrsquoassociation ne peuvent ecirctre attribueacutes aux membres)

44 C Amblard SCIC un nouvel outil pour lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Revue Le Tout Lyon 2001 45 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit Universiteacute Versailles ndash St Quentin 1998 (410 pages) C Amblard Lrsquoentreprise associative Editions territoriales 2006 C Amblard Activiteacutes eacuteconomiques et commerciales des associations Lamy Associations Etude 246 preacutec

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‐ Etape 2 lrsquoorganisme concurrence-t-il une entreprise ‐ Etape 3 lrsquoorganisme exerce-t-il son activiteacute dans des conditions

similaires agrave celles drsquoune entreprise (analyse par application de la regravegle des quatre laquo P raquo les indices eacutetant classeacutes par ordre deacutecroissant drsquoimportance) bull Le laquo produit raquo proposeacute bull Le laquo public raquo beacuteneacuteficiaire bull Les laquo prix raquo pratiqueacutes bull La laquo publiciteacute raquo reacutealiseacutee

Srsquoagissant plus particuliegraverement des deux premiers critegraveres (laquo Produit raquo et laquo Public raquo) il convient de souligner que lrsquoinstruction fiscale procegravede agrave leur laquo reacuteunification raquo sous le vocable drsquo laquo utiliteacute sociale raquo En drsquoautres termes il y a bien reconnaissance drsquoutiliteacute sociale lorsque lrsquoassociation

‐ intervient dans un domaine ougrave les besoins sont insuffisamment couverts par le secteur lucratif ‐ ou46 srsquoadresse agrave un public qui ne peut normalement acceacuteder aux services du secteur concurrentiel

La recherche de lrsquoutiliteacute sociale conduit donc agrave mettre en correacutelation le produit et le service fourni par lrsquoassociation avec le public viseacute En effet une attention toute particuliegravere est attacheacutee agrave ces critegraveres et agrave lrsquoaffectation des exceacutedents pour deacuteterminer si lrsquoassociation exerce ou non une activiteacute suivant des modaliteacutes similaires agrave celles utiliseacutees par une entreprise

- Le produit est drsquoutiliteacute sociale laquo lrsquoactiviteacute qui tend agrave satisfaire un besoin qui nrsquoest pas pris en compte par le marcheacute ou qui lrsquoest de faccedilon peu satisfaisante raquo

- Le public sont susceptibles drsquoecirctre drsquoutiliteacute sociale laquo les actes

payant reacutealiseacutes principalement au profit de personnes justifiant lrsquooctroi drsquoavantages particuliers au vue de leur situation eacuteconomique sociale ou humaine (chocircmeurs personnes handicapeacutees notammenthellip) Ce critegravere ne doit pas srsquoentendre seulement agrave des situations de deacutetresse physique ou morale raquo

46 Le critegravere alternatif des deux eacuteleacutements produit et public a eacuteteacute affirmeacute par la jurisprudence CE 3 deacutecembre 1999 ndeg 133291 RJF 100 ndeg 35

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2 ndash Lrsquoapproche (fiscale) de la notion drsquoutiliteacute sociale un rocircle preacutepondeacuterant dans les proceacutedures de reconnaissance du secteur associatif Nous avons vu preacuteceacutedemment que

‐ La RUP suppose que lrsquoassociation exerce des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au sens de lrsquoarticle 200 et 238 bis du CGI ‐ La RIG commande pour les associations eacutevoluant dans la sphegravere eacuteconomique que ces derniegraveres exercent agrave titre preacutepondeacuterant des activiteacutes non lucratives ce qui suppose drsquoecirctre reconnues par lrsquoAdministration fiscale comme eacutetant drsquoutiliteacute sociale

Il existe bien par conseacutequent des interactions entre les diffeacuterents modes de reconnaissance et lrsquoapproche fiscale de la notion drsquoutiliteacute sociale Bien plus en insistant sur lrsquoimportance deacutecroissante des critegraveres retenus par la regravegle des 4 laquo P raquo lrsquoAdministration fiscale amplifie le rocircle joueacute par les deux premiers critegraveres (laquo Produit raquo et laquo Public raquo) et par conseacutequent lrsquoinfluence de cette notion au sein des modes de reconnaissance de la vie associative Autre eacuteleacutement important agrave ce stade de la reacuteflexion le rocircle non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat ou les autres administrations dans la laquo reconnaissance raquo drsquoutiliteacute sociale des associations en effet lrsquoinstruction fiscale47 preacutecise explicitement que ce type drsquoagreacutement laquo nrsquoest qursquoun eacuteleacutement parmi drsquoautres de lrsquoappreacuteciation de son utiliteacute sociale raquo Neacuteanmoins lrsquoinstruction preacutecise que laquo srsquoils prennent en compte la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y ait fait face ces agreacutements peuvent contribuer agrave lrsquoappreacuteciation de lrsquoutiliteacute sociale raquo Mais dans tous les cas lrsquoAdministration fiscale considegravere qursquolaquo ils ne sont ni neacutecessaires ni suffisants pour eacutetablir le caractegravere drsquoutiliteacute sociale de lrsquoassociation raquo Synthegravese de la RUS ‐ La notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale ouvre la capaciteacute des associations agrave intervenir dans la sphegravere eacuteconomique tout en preacuteservant leur statut drsquoorganismes sans but lucratif non soumis aux impocircts commerciaux ‐ In fine cette notion constitue un preacutealable indispensable agrave la mise en œuvre de la RIG (absence drsquoactiviteacute lucrative) et exerce une influence non neacutegligeable dans le mode de deacutelivrance de la RUP (reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et neacutecessiteacute de disposer de ressources suffisantes hors financement public) ‐ En lrsquoeacutetat actuel la reconnaissance (fiscale) drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre assimileacutee agrave une proceacutedure de reconnaissance institutionnelle de type RUP

47 Instr fisc 4 H-5-06 preacuteciteacutee ndeg63

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ou RIG instaureacutee par le leacutegislateur neacuteanmoins elle donne lieu agrave une appreacuteciation souveraine de lrsquoadministration fiscale dans le cadre de la proceacutedure de rescrit fiscal applicable depuis lrsquoinstruction fiscale preacuteciteacutee du 15 septembre 1998 En effet la reacuteponse du correspondant associations au questionnaire visant agrave deacuteterminer le reacutegime fiscal applicable au regard des impocircts vaut prise de position formelle de lrsquoadministration au sens de lrsquoarticle L 80 B du Livre des proceacutedures fiscales (opposabiliteacute) ‐ Telle que preacutevue par lrsquoinstruction fiscale du 18 deacutecembre 2006 preacuteciteacutee la notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale donne encore lieu agrave une appreacuteciation discreacutetionnaire et unilateacuterale de lrsquoadministration fiscale (sous reacuteserve du controcircle juridictionnel administratif)

bull Concernant lrsquoappreacuteciation discreacutetionnaire elle ressort drsquoune part de la dimension reacuteductrice des critegraveres retenus par lrsquoadministration fiscale48 et drsquoautre part de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation49 objective crsquoest-agrave-dire reposant sur lrsquoexistence de reacutefeacuterentiels qualitatifs et quantitatifs admis et partageacutes par tous50

bull Concernant lrsquoappreacuteciation unilateacuterale elle est induite par le caractegravere non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat (Ministegravere de tutelle) ou toute autre Administration y compris lorsque ces proceacutedures drsquoagreacutement preacutevoient des critegraveres permettant la prise en compte de la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y est fait face51 Or comme le soulignait deacutejagrave en 1993 MT

48 Lrsquoanalyse de la deacutecision rendue par lrsquoarrecirct Jeune France du 1er octobre 1999 (CE 1101999 ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354) permet eacutegalement de souligner la dimension neacutegative donneacutee agrave ces critegraveres dans la mesure ougrave ils servent agrave appreacutecier la speacutecificiteacute des associations et autres organismes sans but lucratif essentiellement au regard de regravegles de la concurrence 49 F Rousseau Lrsquoeacutevaluation laquo regravegle du jeu raquo entre associations et pouvoirs publics Juris Associations 1er avril 2008 ndeg376 p 16 et 17 lrsquoauteur souligne qursquoil convient de retenir laquo la diffeacuterence essentielle entre drsquoune part lrsquoeacutevaluation des activiteacutes associatives selon une logique drsquoeacutevaluation des politiques et drsquoautre part la deacutemarche de coconstruction drsquoune meacutethodologie drsquoeacutevaluation qui associe[rait[ les acteurs locaux (eacutelus techniciens militants associatifs chercheurs etc raquo 50 A souligner les nombreux travaux sur ces questions (liste non exhaustive) laquo Economie sociale et solidaire en reacutegion raquo (programme de recherche coordonneacute par la DIES et la Mire entre 2001 et 2003) P VIVERET Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 J GADREY 2003 Lrsquoutiliteacute sociale et organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE version provisoire 133 pages Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREE du 11 janvier 2005 La reconfiguration de lrsquoaction publique entre lrsquoEtat associations et participation citoyenne X ENGELS (Dir) M HELY A PERRIN H TROUVE De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne LrsquoHarmattan 2006 Guide meacutethodologique Fonda Rhocircne-Alpes (reacutealiseacute avec le concours de la Reacutegion Rhocircne-Alpes) Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective 2006 H TROUVE Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale de son activiteacute 124 pages wwwaviseorg Seacuteminaire Avise Evaluer lrsquoutiliteacute sociale deacutemarche meacutethodologie expeacuteriences Paris 6 deacutecembre 2007 51 Ibidum

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Cheroutre52 lors de sa preacutesentation du rapport du Conseil Economique et social laquo lrsquooctroi drsquoun agreacutement ou drsquoune habilitation est la marque de reconnaissance par les pouvoirs publics de la fonction remplie par lrsquoassociation ce qui implique des controcircles et drsquoeacuteventuels retraits si le contrat nrsquoest pas rempli raquo53

‐ Dans ces conditions et compte tenu des arguments qui preacutecegravedent il y a lieu de srsquointerroger sur la neacutecessiteacute drsquoune simplification des proceacutedures de reconnaissance de la vie associative (II) De faccedilon plus cruciale encore des questions se posent quant agrave la capaciteacute des acteurs agrave laquo coconstruire raquo leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation dans le cadre drsquoune deacutemarche partageacutee A ce propos nous assistons drsquoailleurs agrave un deacuteplacement du deacutebat national vers un cadre de reacuteflexion engageacute par les instances communautaires en matiegravere de transposition de la directive laquo services raquo et de deacutefinition de service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) II ndash VERS UNE SIMPLIFICATION DES MODES DE RECONNAISSANCE

A - La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) une utiliteacute

Dans une eacutetude adopteacutee le 25 octobre 2000 par la section du rapport et des eacutetudes du Conseil drsquoEtat54 il est rappeleacute qursquo laquo il nrsquoest pas aujourdrsquohui drsquoavantage patrimonial ou fiscal qui soit reacuteserveacute aux seules associations reconnues drsquoutiliteacute publique Il nrsquoy aurait donc pas drsquointeacuterecirct pour une association agrave ecirctre reconnue raquo En effet la plupart des associations simplement deacuteclareacutees perccediloivent des dons manuels55 ou encore sont en capaciteacute de beacuteneacuteficier de ce type de ressources sans aucune limitation soit directement sous la forme de meacuteceacutenat56 (dons uniquement) soit indirectement par la creacuteation drsquoun fonds de dotation57 ou en srsquoaffiliant agrave une union ou un organisme drsquoutiliteacute publique (dons et legs)58 52 Ibidum 53 La loi de finances rectificative pour 2008 (Loi ndeg2008-1443 du 30 deacutecembre 2008) a pris plusieurs mesures en vue de renforcer la seacutecuriteacute juridique des contribuables Lrsquoarticle 50 de la loi de finances rectificative pour 2008 creacuteeacute ainsi un recours devant lrsquoadministration pour les deacutecisions formelles prises en vertu des articles L80 B 1deg agrave 6deg et 8deg et L80 C du Livre des proceacutedures fiscales (LPF) applicable aux demandes deacuteposeacutees agrave partir du 1er juillet 2009 54 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique La documentation franccedilaise 2000 p15 55 Cass com 5 octobre 2004 ndeg03-15709 Bull civ IV ndeg178 56 Loi Aillagon du 1er aoucirct 2003 57 C Amblard Fonds de dotation encore du nouveau sur le front du meacuteceacutenat preacutec 58 Loi 1er juillet 1901 art 6 al1

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Degraves lors crsquoest tout naturellement et sans ambiguiumlteacute que le Conseil drsquoEtat srsquoest poseacute la question suivante laquo faut-il supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo (pour une meilleure lisibiliteacute de lrsquoaction associative et une simplification des proceacutedures de reconnaissance) Une telle proposition nrsquoa toutefois pas eacuteteacute retenue par lrsquoeacutetude des statistiques du Ministegravere de lrsquoInteacuterieur laquo il semble qursquoen deacutepit de la faiblesse des avantages qursquoelles peuvent en retirer et des contraintes que cela engendre pour elles des associations continuent chaque anneacutee de solliciter la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo Quelles peuvent-elles ecirctre les motivations des associations qui souhaiteraient beacuteneacuteficier de cette forme de reconnaissance Dans son rapport public de 200059 le Conseil drsquoEtat souligne avant tout laquo la force symboliques que srsquoaccordent agrave y voir les repreacutesentants du monde associatif raquo En effet il ressort que ceux-ci sont avant tout laquo agrave la recherche drsquoun label raquo60 La RUP laquo fait en quelque sorte agrave leurs yeux figure de label officiel qui consacre la leacutegitimiteacute de lrsquoassociation qui en beacuteneacuteficie et qui sanctionne la qualiteacute des actions qursquoelle megravene raquo Ainsi laquo [il] est un signe pour leurs partenaires et une garantie pour eux raquo Cependant le Conseil drsquoEtat croit bon attirer notre attention sur le fait que laquo cette force symbolique de la RUP nrsquoest toutefois pas deacutenueacutee drsquoeffets pratiques puisqursquoil apparaicirct que de 1991 agrave 1996 les associations et les fondations drsquoutiliteacute publique ont reccedilu 84 des dons deacuteclareacutes par les contribuables Pour les associations qui font appel agrave la geacuteneacuterositeacute publique la RUP vaut garantie que les sommes collecteacutees ne feront pas en principe lrsquoobjet drsquoune utilisation abusive ou frauduleuse raquo Cette garantie existe-t-elle vraiment srsquoagissant des associations RUP Preacuteciseacutement pour le Conseil drsquoEtat laquo cela peut paraicirctre paradoxal de rechercher le controcircle de lrsquoEtat pour pouvoir ensuite souligner qursquoelles srsquoy sont soumises et offrent donc toutes les garanties de bon fonctionnement raquo drsquoautant plus que pour lui laquo le controcircle de lrsquoEtat (hellip) est insuffisant raquo Crsquoest ainsi que dans son dernier rapport sur les associations RUP datant de 200061 ce dernier preacuteconisait dans ses conclusions laquo drsquointroduire dans la loi du 1er juillet 1901 (ou agrave lrsquoarticle L612-4 du Code de commerce) lrsquoobligation pour toute association reconnue drsquoutiliteacute publique drsquoavoir recours agrave un commissaire aux comptes dans les conditions preacutevues aux articles L 225-218 et suivants du Code de commerce raquo

59 Conseil drsquoEtat Les associations et la loi de 1901 cent ans apregraves Rapport public 2000 La documentation franccedilaise Etudes et Documents ndeg51 p307 60 Conseil drsquoEtat Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec 61 Ibidum

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Or agrave ce jour force est de constater qursquoaucune reacuteforme nrsquoest intervenue en ce sens En effet il nrsquoexiste ni dans la loi du 1er juillet 1901 ni dans les statuts-types des associations RUP ni mecircme dans aucun dispositif leacutegislatif speacutecifique ndash en dehors du dispositif applicable en matiegravere drsquoappel agrave la geacuteneacuterositeacute publique62 - drsquoobligation imposant la preacutesence drsquoun commissaire aux comptes au sein des associations RUP Aussi et toujours pour le Conseil drsquoEtat laquo srsquoil nrsquoy a donc pas de motif deacuteterminant de supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique il convient de reacutefleacutechir aux ameacuteliorations pouvant ecirctre apporteacutees agrave son reacutegime drsquoutiliteacute publique et aux reacutegimes voisins raquo En tout eacutetat de cause la pertinence du maintien de la RUP se pose si lrsquoon en juge les reacutesultats de deux rapports ministeacuteriels reacutecents sur cette question en effet pour le rapport Morange63 laquo les avantages mateacuteriels de la RUP sont deacutesormais drsquoune porteacutee quasi theacuteorique raquo Quant agrave lrsquoavantage moral de la RUP pour le deacuteputeacute P Morange il demeure laquo important mais il ne justifie pas la lourdeur de la proceacutedure raquo Le rapport Langlais64 parle lui de laquo proceacutedure eacutelitiste raquo qui laquo nrsquoa pas su srsquoadapter aux eacutevolutions de la socieacuteteacute raquo Pourquoi degraves lors vouloir absolument maintenir un systegraveme de reconnaissance qui agrave notre avis pose deux probleacutematiques majeures

‐ La premiegravere probleacutematique porte sur la capaciteacute patrimoniale des associations qui preacuteciseacutement ne beacuteneacuteficient pas de cette forme de reconnaissance en effet est-il toujours leacutegitime que pregraves drsquoun million de structures associatives disposent par contrecoup drsquoune capaciteacute juridique reacuteduite Deacutejagrave en 1993 agrave propos de la capaciteacute patrimoniale des associations simplement deacuteclareacutees le Conseil Economique et social65 soulignait que laquo le contexte drsquoaujourdrsquohui eacutelargissant les missions de nombreuses associations met davantage lrsquoaccent sur les enjeux eacuteconomiques et sociaux qui leur demandent de mobiliser agrave la fois des moyens eacuteconomiques financiers et humains On peut donc agrave juste titre se demander si les carcans drsquoune autre eacutepoque ne pourraient ecirctre leveacutes raquo Les choses ont peu eacutevolueacute depuis au deacutetriment drsquoun secteur associatif dont lrsquoessentiel de ses forces vives consacre une bonne partie de leur temps et de leur eacutenergie agrave rechercher des

62 Loi ndeg91-772 du 7 aoucirct 1991 art 3 et encore il convient de noter que lrsquointervention du commissaire aux comptes ne srsquoimpose que pour les associations ayant nommeacute un commissaire aux comptes pour drsquoautres motifs Anteacuterieurement le compte emploi des ressources (CER) constituait un document autonome agrave deacuteposer au siegravege de lrsquoassociation et agrave tenir agrave disposition des adheacuterents En cas de controcircle par un commissaire aux comptes ce dernier eacutetait tenu drsquoeacutetablir une attestation Depuis le 1er janvier 2006 le CER est devenu un eacuteleacutement annexe aux comptes Lrsquoattestation du commissaire aux comptes nrsquoa donc plus lieu drsquoecirctre (cf Meacutemento pratique F Lefebvre Associations 2008-2009 ndeg71400 p976) 63 P Morange Rapport drsquoinformation sur la gouvernance et le financement des structures associatives ndeg134 assembleacutee nationale 1er octobre 2008 p41 et 42 64 JL Langlais Pour un partenariat renouveleacute entre lrsquoEtat et les associations rapport ministeacuteriel juin 2008 p 26 65 Ibidum p 82

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financements Sur ce point il convient de noter les propositions drsquoeacutevolutions importantes figurant dans le rapport Morange lequel suggegravere aux associations simplement deacuteclareacutees de beacuteneacuteficier de la capaciteacute juridique de recevoir des dons ‐ La seconde probleacutematique renvoit directement aux besoins exprimeacutes en matiegravere de simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif en effet le rapport Langlais66 souligne agrave juste titre que laquo la principale source de complexiteacute tient agrave lrsquoeacuteclatement des modes de reconnaissance du fait associatif par la puissance publique La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) existe toujours elle nrsquoa pas varieacute depuis un siegravecle (hellip) elle est de plus en plus concurrenceacutee par drsquoautres formes de reconnaissance et certains nrsquoheacutesitent pas agrave la consideacuterer comme deacutemodeacutee voire obsolegravete La reconnaissance drsquoutiliteacute publique est accordeacutee sans limitation de dureacutee et il existe probablement comme pour les associations deacuteclareacutees mais en beaucoup plus faible proportion des ARUP qui figurent toujours dans les chiffres officiels bien qursquoelles nrsquoaient plus drsquoexistence reacuteelle raquo De son cocircteacute le deacuteputeacute P Morange propose de deacutelivrer la RUP pour une dureacutee deacutesormais limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans

Il convient par conseacutequent drsquoenvisager une simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif drsquoautant plus que sont apparus agrave cocircteacute de la RUP de nombreuses autres formes de reconnaissance plus ou moins officielle tels que les agreacutements ou les labels priveacutes (Comiteacute de la Charte voire mecircme la proposition de labellisation AFNOR) Nous verrons infra que ce processus de simplification doit ecirctre lrsquooccasion drsquoun dialogue renouveleacute entre les acteurs du monde associatif et les pouvoirs publics en vue de la mise en œuvre drsquoune deacutemarche partageacutee

66 Ibidum

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B - LA SIMPLIFICATION DES PROCESSUS DE RECONNAISSANCE VERS UNE RECONNAISSANCE UNIQUE DrsquoUTILITE SOCIALE

1 ndash Les propositions reacutecemment formuleacutees par les rapports Langlais et Morange de 2008

Sur ce point les deux rapports srsquoaccordent pour distinguer trois types drsquoassociations

11 - Les associations deacuteclareacutees

Pour JL Langlais il srsquoagirait de reconnaicirctre la capaciteacute creacuteatrice de ces associations locales par lrsquooctroi de subventions symboliques et uniquement deacutelivreacutees par les collectiviteacutes territoriales correspondant agrave leur aire drsquoinfluence P Morange propose quant agrave lui drsquoouvrir la capaciteacute juridique de ces laquo petites raquo associations en leur permettant de percevoir des dons (autres que manuels) et de les soumettre aux controcircles drsquoun commissaire aux comptes et aux controcircles meneacutes par les services deacuteconcentreacutes degraves lors qursquoelles beacuteneacuteficieraient de subventions publiques

12 - Les associations reconnues drsquoutiliteacute sociale ou

drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

Pour JL Langlais ces associations pourraient beacuteneacuteficier drsquoune reconnaissance drsquointeacuterecirct laquo social ou geacuteneacuteral raquo

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce sont en gros les 4 conditions

requises pour lrsquoobtention de lrsquoagreacutement fiscal (cf supra) Drsquoailleurs il est proposeacute que cet agreacutement soit deacutecerneacute par lrsquoAdministration fiscale Une condition suppleacutementaire pourrait ecirctre poseacutee relative au beacuteneacutevolat sans neacutecessairement fixer de seuil a priori on devrait exiger que le beacuteneacutevolat soit nettement preacutepondeacuterant dans le fonctionnement de lrsquoassociation

Avantages consentis possibiliteacute de recevoir des subventions y

compris des subventions de fonctionnement capaciteacute agrave recevoir des dons (nrsquoexceacutedant pas un certain montant) agrave faire beacuteneacuteficier aux donateurs de lrsquoexoneacuteration fiscale au taux de droit commun

Obligations ecirctre agrave jour de leurs obligations deacuteclaratives

obligation de justifier lrsquoemploi des fonds reccedilus de deacuteposer leurs comptes en Preacutefecture de se soumettre aux controcircles aleacuteatoires ou programmeacutes de la puissance publique certification obligatoire des comptes au-delagrave de 153 000 euro de financement annuel

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Pour P Morange laquo cette cateacutegorie recouvre les associations subventionneacutees ou qui beacuteneacuteficient drsquoavantages fiscaux et oeuvrent au service de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo Selon lui laquo il serait envisageable comme en Grande Bretagne drsquoeacutetablir des listes de secteurs dans lesquels ces associations interviennent et de les soumettre agrave un certain nombre drsquoobligations en srsquoinspirant par exemple de la pratique fiscale (voir supra) Ainsi lrsquoassociation devrait poursuivre un but drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral ecirctre soumise agrave un controcircle financier et une eacutevaluation reacuteguliegravere au niveau deacutecentraliseacute raquo Enfin laquo lrsquoassociation devrait se doter drsquoun commissaire aux comptes raquo

13 Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique Pour JL Langlais seules les associations qui se consacrent exclusivement agrave des actions drsquoassistance ou de bienfaisance pourraient beacuteneacuteficier drsquoune RUP

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce seraient les mecircmes que pour la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral mais avec 3 nuances - toute lrsquoactiviteacute doit ecirctre tendue vers lrsquoobjet social - un degreacute plus eacuteleveacute de professionnalisation (et donc de salariat) serait acceptable - mais un moindre degreacute drsquoouverture exigeacute (une association pourrait ecirctre reconnue drsquoutiliteacute publique alors qursquoelle fonctionne au beacuteneacutefice drsquoun public fermeacute67)

Avantages les avantages seraient ceux du reacutegime actuel le

plus favorable dons et legs (reacutegime RUP) exoneacuteration au taux le plus favorable (laquo amendement Coluche raquo) subventions sur une base pluriannuelle

Obligations toutes les obligations du reacutegime preacuteceacutedant avec en plus lrsquoobligation de deacuteposer des comptes certifieacutes

JL Langlais poursuit en proposant que la reconnaissance drsquoutiliteacute publique soit laquo deacutecerneacutee pour une dureacutee limiteacutee soit par le ministegravere de lrsquointeacuterieur soit par le ministegravere en charge de la vie associative (et les preacutefets agrave lrsquoeacutechelon deacuteconcentreacute) soit encore par une agence nationale agrave creacuteer raquo Pour P Morange la RUP laquo serait deacutelivreacutee par le Conseil drsquoEtat comme crsquoest le cas actuellement et controcircleacutee par la Cour des comptes avec le concours de lrsquoIGAS et de lrsquoIGA pour une dureacutee limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans raquo A titre subsidiaire les auteurs proposent eacutegalement drsquoeacutetablir une laquo situation speacutecifique raquo pour les associations engageacutees dans la gestion drsquoune mission de service public tandis que P Morange envisage cette situation sous lrsquoangle de la seacutecurisation des rapports engageacutes par ces derniegraveres avec lrsquoadministration JL Langlais quant agrave lui considegravere dans une telle situation que laquo la forme juridique [drsquoassociation] nrsquoest alors qursquoune fiction raquo et que degraves lors laquo lrsquoEtat doit pouvoir les financer mais aussi les controcircler et les diriger comme il le

67 Lrsquoauteur propose de revenir sur la jurisprudence CE 7 feacutevr 2007 ndeg 287949 Steacute des anciens eacutelegraveves de lrsquoEacutecole Nationale Supeacuterieure drsquoArts et Meacutetiers et a

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ferait de ses propres services en attendant de trouver une structure juridique adeacutequate raquo Une mise en conformiteacute des proceacutedures drsquoagreacutement avec les nouvelles contraintes communautaires est eacutegalement envisageacutee

2 ndash Nos pistes de reacuteflexions

21 - Concernant le devenir de la proceacutedure RUP

Nous avons vu preacuteceacutedemment que cette proceacutedure deacutesormais consideacutereacutee comme eacutetant laquo obsolegravete raquo par la plupart des observateurs (voir supra) ne preacutesentait plus guegravere drsquointeacuterecirct sur un plan technique (voir supra) Degraves lors et en raison de la forte concentration de financements priveacutes (pregraves de 90 sous la forme de dons deacuteclareacutes par les contribuables ndash voir supra) sur un nombre extrecircmement limiteacute drsquoassociations et de fondations RUP de cette laquo proceacutedure eacutelitiste raquo la question de son devenir se pose de faccedilon cruciale En effet au 15 juillet 2000 le Conseil drsquoEtat deacutenombrait 1960 associations RUP laquo dont 200 nrsquoauraient selon lui aucune activiteacute sinon plus aucune existence raquo68 Force est de constater que presque 10 ans plus tard ce nombre nrsquoa quasiment pas augmenteacute puisque le dernier recensement effectueacute en deacutecembre 200869 par le Ministegravere de lrsquointeacuterieur fait eacutetat de 1966 associations RUP Lrsquourgence consiste donc bien agrave mettre un terme agrave cette situation laquo monopolistique raquo ougrave agrave tout le moins agrave instaurer des proceacutedures de controcircle agrave la fois plus preacutecises et plus contraignantes que celles existantes actuellement Sur ce point les propositions tendant agrave limiter la deacutelivrance de la RUP pour une dureacutee limiteacutee formuleacutees dans les rapports Langlais et Morange nous semblent parfaitement approprieacutees Ces propositions seront agrave rapprocher de celle proposeacutee par P Morange visant offrir agrave lrsquoensemble des associations la laquo grande capaciteacute juridique raquo particuliegraverement en matiegravere de dons

22 - Concernant la probleacutematique du rapprochement entre reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale)

Il ne srsquoagit pas de revenir sur les nombreux travaux drsquoores et deacutejagrave existants en matiegravere de rapprochement des concepts drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et drsquoutiliteacute sociale Parmi les plus importants lrsquoon peut citer ceux de J Gadrey en 200470 ceux reacutesultant de la journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF en 200571 ou encore la contribution commune de X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute publieacutee en 200672 A la lumiegravere de ces travaux il

68 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec p15 69 Site du ministegravere de lrsquointeacuterieur (publication du 08 avril 2008) httpwwwinterieurgouvfrsectionsa_la_unepublicationscultes-associations 70 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale des organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE feacutevrier 2004 71 Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Paris 11 janvier 2005 72 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Editions LrsquoHarmattan Paris 2006

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semble bien que lrsquoon assiste agrave laquo un basculement vers la notion plus large drsquoutiliteacute sociale notion qui par ailleurs entretient une filiation juridique avec le concept drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo73 Sur un plan juridique ces travaux montrent notamment qursquoil existe laquo un rapport assez eacutetroit agrave certains eacutegards entre la notion drsquoutiliteacute sociale et celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo si lrsquoon considegravere lrsquoanalyse de la jurisprudence des dix derniegraveres anneacutees74 Dans cette perspective la deacutemarche de rapprochement entre la proceacutedure RIG et RUS proposeacutee par les rapports de JL Langlais et P Morange trouverait une explication rationnelle

23 - Concernant lrsquoapproche du concept mecircme drsquoutiliteacute sociale

Comme le souligne J Gadrey75 laquo lrsquoutiliteacute sociale des organisations drsquoeacuteconomie sociale (OES) nrsquoa guegravere drsquoexistence en tant que probleacutematique geacuteneacuterale en dehors des deacutebats concernant le rocircle eacuteconomique et social actuel et futur de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Crsquoest une ideacutee qui a eacuteteacute forgeacutee pour deacutefendre lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire face agrave certaines menaces ou pour promouvoir le deacuteveloppement de regravegles favorables76 raquo Pour ce dernier en effet laquo il y a rien de naturel agrave soulever la question de lrsquoutiliteacute sociale des OES et qursquoil srsquoagit bien drsquoune convention socio-politique historiquement et geacuteographiquement contingente77 raquo Neacuteanmoins si le concept demeure aujourdrsquohui encore relativement flou paradoxalement il reccediloit dans notre droit interne une application de plus en plus freacutequente par les tribunaux78 et lrsquoAdministration fiscale79 De son cocircteacute et mecircme si pour lrsquoinstant le leacutegislateur srsquoest toujours refuseacute de srsquoorienter vers la voie drsquoune reconnaissance drsquoutiliteacute sociale80 celui-ci fait de plus reacutefeacuterence agrave ce concept81 drsquoougrave la neacutecessiteacute de privileacutegier une approche visant agrave circonscrire lrsquo laquo halo socieacutetal raquo82 des OES plutocirct que de chercher drsquoune maniegravere 73 A Euillet Lrsquoutiliteacute sociale une notion deacuteriveacutee de celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Revue de droit sanitaire et social ndeg2 avril-juin 2002 pp 2007 - 228 74 J Gadrey preacutec p 30 75 Ibidum 76 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques thegravese de droit 1998 preacutec Lrsquoauteur envisage la mise en œuvre drsquoune affirmative action en faveur des associations reconnues drsquoutiliteacute sociale 77 Si lrsquoon prend lrsquoexemple des services agrave domicile aux personnes acircgeacutees en Suegravede on peut observer que ceux-ci sont majoritairement produits par des organisations publiques locales tandis qursquoaux Etats-Unis - ougrave le laquo non profit sector raquo se construit le plus souvent comme une puissance alternative priveacutee face agrave un Etat providence laquo diaboliseacute raquo (Salamon) ils sont majoritairement financeacutes par des fonds priveacutes (beacuteneacuteficiant drsquoavantages fiscaux) 78 Voir par exemple CE 24 octobre 1979 CAA Paris 1er deacutecembre 1989 CAA Nancy 19 novembre 1992 79 Instr Fisc BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 1998 Instr Fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 (synthegravese) 80 Reacutep min du 01 juillet 1999 JO Seacutenat p 2224 81 Voir par exemple Loi ndeg2002-2 du 2 janvier 2002 relative agrave lrsquoaction sociale et meacutedico-sociale Loi ndeg 97-940 du 16 octobre 1997 relative au deacuteveloppement dactiviteacutes pour lemploi des jeunes (JO du 17 Octobre) LOI ndeg 9 8-657 du 29 juillet 1998 drsquoorientation relative agrave la lutte contre les exclusions 8282 A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport final relatif agrave la lettre de mission de Madame la Ministre de lrsquoEmploi et de la Solidariteacute 2000 pour A Lipietz il srsquoagirait de deacutefinir les contours du tiers secteur par un laquo label drsquoutiliteacute sociale et solidaire fondeacutes sur deux types de critegraveres quant aux

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improbable une deacutefinition qui serait unanimement admise par les acteurs des OES Finalement il ne srsquoagirait rien moins que de reconnaicirctre les OES afin de soutenir lrsquoeffort particulier de ces entiteacutes juridiques dont les laquo speacutecificiteacutes meacuteritoires raquo83 rejaillissent sur lrsquoensemble de la collectiviteacute Mais limiter le concept au seul beacuteneacutefice des OES serait par trop reacuteducteur et la mesure de lrsquoutiliteacute sociale doit eacutegalement ecirctre envisageacutee en tant qursquooutil de reacutegulation des politiques publiques84

24 - Concernant les difficulteacutes lieacutees agrave la mise en œuvre drsquoune proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale

Sur ce point il importe de tenir compte des critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de la proposition de mise en place drsquoun systegraveme unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale des OES (tel qursquoimagineacute par le CNVA dans son rapport datant de 1995) A cette eacutepoque le CNVA contestait laquo lrsquoambiguiumlteacute de lrsquointerpreacutetation juridique et fiscale de lrsquoutiliteacute sociale en particulier en raison de confusions constateacutees entre le critegravere de non lucrativiteacute et les vrais critegraveres drsquoutiliteacute sociale La reacuteflexion associative commence alors agrave se preacuteciser sur les critegraveres de non lucrativiteacute drsquoun cocircteacute sur les critegraveres drsquoutiliteacute sociale de lrsquoautre avec une insistance sur la neacutecessiteacute de ne pas confondre ces deux dimensions Parallegravelement le CNVA conteste lrsquoideacutee alors assez preacutesente du cocircteacute de lrsquoadministration selon laquelle un critegravere essentiel de lrsquoutiliteacute sociale serait que les besoins auxquels reacutepond lrsquoactiviteacute ne sont pas normalement (ou pas suffisamment) pris en compte par le marcheacute Cette deacutefinition purement neacutegative signifierait en effet soit que lrsquoutiliteacute sociale drsquoune association disparaicirct si le marcheacute srsquoinstalle sur un champ de besoins deacutejagrave deacutefricheacutes par les œuvres soit que lrsquoassociation devient alors automatiquement lucrative raquo85 Depuis lors un tel risque nous semble ecirctre leveacute dans la mesure ougrave le laquo reacutefeacuterentiel raquo drsquoutiliteacute sociale doit deacutesormais tenir compte de la jurisprudence du Conseil drsquoEtat en matiegravere fiscale En effet lrsquoarrecirct rendu en date du 1er octobre 199986 est venu preacuteciser qursquoun organisme sans but lucratif ne concurrence une entreprise que si les services qursquoil rend sont laquo offerts en concurrence dans la mecircme zone geacuteographique drsquoattraction avec ceux proposeacutes au mecircme public par des entreprises commerciales exerccedilant une activiteacute identique raquo Il a eacuteteacute eacutegalement preacuteciseacute depuis que laquo le critegravere du public ne doit pas srsquoentendre uniquement des situations de deacutetresse physique ou morale raquo87 buts (ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie solidaire) et quant aux modes drsquoorganisation interne (notamment lucrativiteacute limiteacutee le caractegravere deacutemocratique et multipartenariale de sa direction) ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie sociale raquo J Gadrey parle plus volontiers drsquoutiliteacute sociale externe et drsquoutiliteacute sociale interne preacutec p 37 83 F Bloch-Laineacute Identifier les associations de service social RECMA 1994 ndeg251 p 61 84 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne ibidum selon L Fraisse laquo lrsquoapparition drsquoun deacutebat sur lrsquoutiliteacute sociale peut aussi srsquointerpreacuteter comme un nouveau critegravere de politique publique agrave mecircme de preacuteciser les contours et de renforcer lrsquoinstitutionnalisation des activiteacutes et lrsquoeacuteconomie solidaire raquo voir eacutegalement N Richez-Battesti Les collectiviteacutes territoriales face agrave lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale Juris Associations ndeg376 1er avril 2008 pp 17-19 85 J Gadrey preacutec p 31 86 CE 1er octobre 1999 Association Jeune France ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354 87 Instr fisc BOI 4 H-5-06 preacutec

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Par ailleurs le CNVA soulignait le caractegravere laquo eacutevolutif voire conjoncturel raquo du concept drsquoutiliteacute sociale dans la mise en œuvre drsquoune seacuterie de dix indicateurs (voir infra) Pour lrsquoessentiel G Goulard88 consideacuterait qursquoen lrsquoeacutetat actuel ce concept eacutetait laquo encore plus subjectif que les critegraveres jurisprudentiels en vigueur raquo et qursquoune telle situation laquo risqu[ait] drsquoecirctre interpreacuteteacutee dans un sens reacuteducteur deacutefavorable aux associations dont lrsquoutiliteacute nrsquoest pas sociale mais intellectuelle culturelle spirituelle politique historique eacuteconomique etc raquo Srsquoil est vrai qursquoen 1998 de tels arguments nrsquoeacutetaient pas neacutegligeables il apparaicirct que certains drsquoentre eux apparaissaient forts contestables En effet comme le souligne J Gadrey dans son rapport de 2004 laquo la subjectiviteacute de la notion drsquoutiliteacute sociale peut fort bien ecirctre compatible avec sa consolidation comme reacutefeacuterence en droit (la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral srsquoest bien imposeacutee en deacutepit drsquoun flou aussi consideacuterable) raquo En effet il convient drsquoobserver que drsquoautres notions fondamentales agrave lrsquoinstar du droit commercial sont fondeacutees sur lrsquoarbitraire comme a deacutejagrave pu le souligner le Professeur Y Guyon laquo le droit commercial nrsquoest pas une construction fondeacutee sur la raison mais une approche fondamentalement arbitraire raquo89 Ainsi poursuit J Gadrey laquo le fait que des associations qui ne font pas partie du champ de lrsquoaction sociale (au sens strict) auraient des difficulteacutes agrave faire connaicirctre leur utiliteacute sociale nrsquoa rien drsquoineacuteluctable et deacutepend de la faccedilon dont la convention drsquoutiliteacute sociale se construit sur un mode restrictif ou au contraire extensif raquo De fait il apparaicirct que le concept drsquoutiliteacute sociale deacutepend moins de notre capaciteacute agrave deacutefinir des critegraveres distinctifs que de celle favorisant lrsquoeacutemergence drsquoune convention sociopolitique (voir infra) portant sur lrsquoutiliteacute sociale (convention drsquoutiliteacute sociale) Une telle approche preacutesenterait en outre deux avantages principaux en premier lieu celui du maintien du caractegravere eacutevolutif de ce concept en second lieu celui de la reacuteciprociteacute entretenue entre les associations et les pouvoirs publics dans la construction et lrsquoacceptation du concept mecircme

88 Rapport Goulard mars 1998 89 Y Guyon Droit des affaires Economica 5egraveme eacuted 1988 agrave rapprocher de M Despax Lrsquoentreprise et le droit Bibl Dr Priv T1 Paris 1954 p34 selon lrsquoauteur laquo le droit commercial (hellip) est neacute de la pratique Ses normes sont la conseacutecration drsquousages peu agrave peu eacutetablis et non la construction de la raison de lagrave cette difficulteacute souvent eacuteprouveacutee pour les juristes agrave les expliquer raquo

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III - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE

SOCIALE (OU SOCIETALE) UNE DEMARCHE PARTAGEE

A ndash LA PROCEDURE DE RUS PRESENTE-T-ELLE ENCORE UN INTERET

Comme le suggegravere le rapport Morange90 la proposition formuleacutee par JP Decool en mai 200591 laquo meacuterite drsquoecirctre approfondie raquo En effet pour ce dernier il convient de mettre en place une proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute socieacutetale comme substitut agrave la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral jugeacutee laquo deacutesuegravete et vague raquo laquo il serait donc opportun afin de donner une nouvelle dimension au monde associatif (hellip) de redonner au citoyen toute sa place au sein de la socieacuteteacute Lui permettre de srsquoexprimer et de manifester son deacutesir de donner ou de partager des valeurs communes Ainsi peut-on envisager le rocircle de lrsquoassociation dans la socieacuteteacute raquo A ce stade il nous semble que la meacutethode preacuteconiseacutee par le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) depuis son rapport du 4 feacutevrier 198692 demeure toujours drsquoactualiteacute93 Ce dernier preacuteconisait lrsquointroduction drsquoun systegraveme de reconnaissance a priori qui permettrait aux associations reconnues drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) de lever laquo toute incertitude durant une peacuteriode deacutefinie tant que les conditions drsquoexercice de leur activiteacute au vu desquelles elles ont obtenu lrsquoagreacutement ne seraient pas modifieacutees raquo94 Selon le projet du CNVA cette reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) devait ecirctre accordeacutee non pas par le pouvoir exeacutecutif mais par une veacuteritable juridiction ou commission paritaire composeacutee de repreacutesentants des associations des administrations concerneacutees (Ministegravere de tutelle et Administration fiscale) et preacutesideacutee par un magistrat95 Celle-ci pourrait eacutegalement comprendre un certain nombre drsquoexperts qualifieacutes et issus de la socieacuteteacute civile ainsi qursquoun repreacutesentant des collectiviteacutes locales deacutecentraliseacutees96 90 Ibidum 91 JP Decool Des associations en geacuteneacuteral vers une eacutethique socieacutetale rapport au 1er ministre mai 2005 92 Voir eacutegalement les Rapports et Avis du 12 juin 1991 et 15 juin 1995 93 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit 1998 preacutec 94 CNVA Bilan de la vie associative en 1990-1991 La documentation franccedilaise Paris 1992 Rapport et avis adopteacutes en session pleacuteniegravere du CNVA le 15 juin 1995 sur laquo lrsquoutiliteacute sociale des associations et ses conseacutequences en matiegravere eacuteconomique fiscale et financiegravere raquo 95 On peut noter la proximiteacute de cette composition avec celle de la laquo Charity Commission raquo de Grande-Bretagne composeacutee de fonctionnaires dont deux doivent ecirctre des juges dont le rocircle drsquoinformation de conseil de controcircle srsquoexerce aupregraves des laquo Charities raquo auxquelles la Commission donne le label qui ouvre droit agrave des faciliteacutes fiscales et financiegraveres 96 Voir la composition du comiteacute strateacutegique des fonds de dotation creacuteeacute le 19 novembre 2008 preacutesideacute par JJ Hyest Preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat

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Les deacutecisions de cette instance pourraient faire lrsquoobjet drsquoun recours devant les juridictions compeacutetentes (ce qui aurait eu pour effet de laquo judiciariser raquo le concept drsquoutiliteacute sociale) La reconnaissance serait attribueacutee pour une dureacutee de cinq anneacutees agrave lrsquoissue drsquoun rapport drsquoaudit baseacute sur des critegraveres drsquoeacutevaluation (pour ce qui concerne lrsquoutiliteacute sociale externe) Les critegraveres drsquoeacutevaluation pourraient faire lrsquoobjet drsquoune deacutemarche partageacutee (voir infra) et contractualiseacutee avec les diffeacuterents acteurs agrave partir de critegraveres quantitatifs et qualitatifs neacutegocieacutes En effet le CNVA nrsquoa pas souhaiteacute mettre en place un systegraveme unique et isoleacute de reconnaissance drsquoune cateacutegorie particuliegravere drsquoassociations qui serait reconnue drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) agrave lrsquoinstar de ce qui a par exemple eacuteteacute conccedilu pour la reconnaissance drsquoutiliteacute publique Il preacuteconise plutocirct laquo le recours agrave de multiples dispositifs susceptibles drsquoaccorder aux associations (en tant qursquoopeacuterateurs) ou agrave leurs activiteacutes (en tant qursquoopeacuteration97) la reconnaissance et le soutien en fonction et dans le respect de la diversiteacute des speacutecificiteacutes associatives raquo Lrsquoensemble de ces speacutecificiteacutes doit pouvoir ecirctre appreacutehendeacute agrave travers un certain nombre drsquoindicateurs avec la mise en place de la technique du faisceau drsquoindices Les critegraveres deacutegageacutes98 formeraient ainsi une liste (non exhaustive) qui permettant de mieux cerner les contours de lrsquoutiliteacute sociale

- La primauteacute du projet finaliteacute de lrsquoaction associative99

- Le fonctionnement deacutemocratique - Lrsquoapport social de lrsquoassociation100 - La non-lucrativiteacute qui par essence marque la

diffeacuterence par rapport au secteur commercial - La gestion deacutesinteacuteresseacutee101 ce qui nrsquoexclut ni la

rigueur ni la transparence financiegravere - La capaciteacute agrave mobiliser la geacuteneacuterositeacute humaine

(beacuteneacutevolat) ou financiegravere (dons) - Le mixage des publics et lrsquoouverture

qui a pour mission de suivre lrsquoeacutevolution des fonds de dotation 1 repreacutesentant du MINEFI 3 magistrats 7 personnaliteacutes qualifieacutees A ce titre il pourra eacutelaborer des recommandations de bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion et faire toutes les propositions qui lui sembleront neacutecessaires pour favoriser le deacuteveloppement des fonds de dotation (Sources MINEFI 14 janvier 2009) 97 Cette solution preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre neutre sur le plan concurrentiel et vis-agrave-vis des autres opeacuterateurs eacuteconomiques 98 Le CNVA preacutecise dans son rapport du 15 juin 1995 preacutec que ces critegraveres sont laquo non exclusifs non cumulatifs et non exhaustifs les uns par rapport aux autres raquo 99 La FONDA dans un seacuteminaire en date du 17 octobre 1992 suggeacuterait et explicitait ces trois premiers critegraveres agrave partir desquels elle se fondait pour identifier les associations drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral 100 Ce critegravere ainsi que les critegraveres 6 7 et 8 relegravevent de la notion drsquoutiliteacute sociale externe qui selon nous devrait faire lrsquoobjet drsquoune contractualisation pluri annuelle dans le cadre drsquoune deacutemarche de construction et drsquoeacutevaluation partageacutee (voir infra) 101 Sur cette notion voir Instr fisc (Synthegravese) BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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- Les secteurs drsquointervention pas ou mal couverts par les autres agents eacuteconomiques ou par les collectiviteacutes publiques

- Lrsquoexistence de financements publics ou parapublics

- Lrsquoexistence drsquoun agreacutement ministeacuteriel (Ministegravere de rattachement) ou drsquoune habilitation102

La reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) pourrait ecirctre attribueacutee aux associations laquo dont les statuts le mode de fonctionnement et les modaliteacutes drsquoexercice de leur activiteacute caracteacuterisent suffisamment leur utiliteacute sociale aux yeux de cette juridiction Elle pourrait agrave lrsquoinverse ecirctre retireacutee par cette mecircme juridiction ou commission paritaire degraves lors que les conditions ayant preacutesideacute agrave son attribution ne seraient plus reacuteunies Lrsquoabsence de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre invoqueacutee pour creacuteer une preacutesomption de lucrativiteacute pour lrsquoassociation qui nrsquoen beacuteneacuteficierait pas raquo Agrave ce jour nombreux sont les acteurs srsquoeacutetant prononceacutes en faveur de lrsquoeacutelaboration drsquoune reconnaissance unique drsquoutiliteacute sociale (RUS) Nous avons vu preacuteceacutedemment que les derniers rapports ministeacuteriels et parlementaires se montrent favorables agrave la mise en œuvre drsquoune telle proceacutedure Pour MT Cheacuteroutre103 laquo lrsquoattribution drsquoune reconnaissance par les pouvoirs publics aux organismes susceptibles drsquoecirctre exoneacutereacutes apparaicirct eacuteminemment souhaitable Cette reconnaissance accordeacutee pour une dureacutee deacutetermineacutee apporterait agrave ces derniers une garantie drsquoexoneacuteration du moins aussi longtemps qursquoil ne serait pas prouveacute par lrsquoadministration qursquoils ne respectent plus les conditions pour lesquelles ils ont obtenu ladite reconnaissance raquo De son cocircteacute la FONDA104 a eacutegalement exprimeacute son souhait drsquoassurer laquo une meilleure seacutecuriteacute financiegravere aux associations relevant de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et srsquoest montreacutee laquo favorable agrave la creacuteation drsquoune RUS attribueacutee par une commission tripartite (Etat Magistrats Associations) raquo Agrave notre connaissance deux projets de loi105 ont eacuteteacute deacuteposeacutes en ce sens pour ecirctre rapidement abandonneacutes par la suite faute de reacuteelle volonteacute politique En effet comme le souligne le CNVA agrave propos de la mise en œuvre de la RUS

102 Notamment lorsque lrsquoobjet de lrsquoassociation consiste agrave reacutealiser des activiteacutes reacuteglementeacutees 103 MT Cheacuteroute Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 rapport au nom du conseil eacuteconomique et social ndeg4 JO du 1er avril 1993 104 La FONDA Pour une eacutethique des rapports entre pouvoirs publics et citoyens seacuteminaire Paris 17 octobre 1992 105 Projet de loi A Henry RTD com 192 447 en janvier 2002 ce projet avait lanceacute une vaste consultation autour du concept drsquoutiliteacute sociale dans le but de deacutelimiter les associations auxquelles seraient accordeacutees le label Proposition de loi ndeg2779 AN 1996 art 2 laquo Les associations peuvent ecirctre reconnues drsquoutiliteacute sociale agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode probatoire de fonctionnement drsquoune dureacutee au moins eacutegale agrave trois ans lorsqursquoelles satisfont cumulativement aux conditions suivantes avoir un objet social de caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique humanitaire sportif familial culturel ou drsquoaction sociale ou de mise en œuvre du patrimoine artistique ou de deacutefense de lrsquoenvironnement ou de diffusion de la culture ou de la langue franccedilaise Exercer conformeacutement agrave cet objet des activiteacutes ouvertes agrave des personnes qui lui sont exteacuterieures raquo

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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Pour pouvoir beacuteneacuteficier de ces exoneacuterations lrsquoassociation RUP doit non seulement remplir les critegraveres drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral deacutefinis par la doctrine administrative du Conseil drsquoEtat (voir infra) mais eacutegalement exercer une activiteacute entrant dans le champ drsquoapplication de lrsquoarticle 238 bis a du Code geacuteneacuteral des impocircts (CGI) au regard de son domaine drsquoactiviteacute (qui doit ecirctre laquo agrave caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique social humanitaire sportif familial culturel ou concourant agrave la mise en valeur du patrimoine artistique agrave la deacutefense de lenvironnement naturel ougrave agrave la diffusion de la culture de la langue et des connaissances scientifiques franccedilaises raquo) Reste agrave savoir srsquoil existe encore un inteacuterecirct agrave srsquoengager dans cette voie au regard drsquoune part de la lourdeur administrative drsquoune telle proceacutedure et drsquoautre part de la possibiliteacute pour les associations de beacuteneacuteficier des mecircmes avantages consentis par la RUP par la possibiliteacute de recourir agrave des techniques juridiques et fiscales relativement facile agrave mettre en œuvre pour contourner lrsquointerdiction de percevoir des dons (voir infra) Synthegravese RUP

‐ Pour obtenir la RUP une association doit preacutesenter un caractegravere drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au sens de lrsquoarticle 200 et 238 bis du CGI

‐ Bien que relevant de deux ministegraveres de tutelle diffeacuterents la RUP et la

RIG procegravedent sensiblement du mecircme mode drsquoanalyse agrave partir des articles preacuteciteacutes du CGI et de la doctrine du Conseil drsquoEtat

‐ En revanche nous allons voir ci-apregraves qursquoune association drsquointeacuterecirct

geacuteneacuteral ne beacuteneacuteficie pas automatiquement de la RUP (la RUP est reacuteserveacutee agrave une laquo eacutelite raquo)

B ndash LA RECONNAISSANCE DrsquoINTEREcircT GENERAL Il ne srsquoagit pas drsquoentrer dans des deacutebats sans fin concernant la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral mais au contraire de circonscrire avec preacutecision la dimension restrictive donneacutee par lrsquoAdministration fiscale de ce concept juridique 1 - Caracteacuteristiques de la RIG Comme nous lrsquoa reacutecemment preacuteciseacute le Ministre de lrsquoInteacuterieur20 laquo la notion drsquoassociation drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral est par contre une notion fiscale viseacutee dans les articles 200 et 238 bis du Code geacuteneacuteral des impocircts raquo Elle permet drsquoautoriser certains organismes agrave eacutemettre des reccedilus fiscaux au beacuteneacutefice de leurs donateurs particuliers ou entreprises

20 Reacutep min inteacuter AN 15 juillet 2008 preacutec

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Certes lrsquo laquo inteacuterecirct geacuteneacuteral raquo demeure un concept juridique difficile agrave appreacutehender21 sur le plan ideacuteologique mais au cours de la discussion de la premiegravere loi sur le meacuteceacutenat le Ministre chargeacute du budget avait preacuteciseacute que le texte laquo avait vocation agrave ecirctre entendu de faccedilon large raquo22 sur le plan fiscal Cette appreacuteciation fut par la suite reprise par son successeur dans les deacutebats ayant abouti au vote de la loi du 1er aoucirct 2003 relative au meacuteceacutenat23 laquo ce projet est de porteacutee geacuteneacuterale Ne commenccedilons pas agrave eacutenumeacuterer des groupes drsquoassociations raquo Or malgreacute ces recommandations explicites du leacutegislateur la doctrine de lrsquoadministration fiscale est demeureacutee excessivement restrictive Il reacutesulte de cette situation un certain nombre de probleacutematiques (voir infra) mais commenccedilons par eacutenumeacuterer les conditions qui preacutesident agrave la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral pour un organisme sans but lucratif 2 - Conditions et proceacutedure de la RIG Pour lrsquoAdministration fiscale un organisme preacutesente un caractegravere drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral si les conditions suivantes sont cumulativement reacuteunies24

‐ Avoir laquo un caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique social humanitaire sportif familial culturel ou concourant agrave la mise en œuvre du patrimoine artistique agrave la deacutefense de lrsquoenvironnement naturel ou agrave la diffusion de la culture de la langue et des connaissances scientifiques raquo25

‐ Avoir une gestion deacutesinteacuteresseacutee et ne pas exercer drsquoactiviteacute lucrative

de maniegravere preacutepondeacuterante26 cette condition pose en creux la question de la distinction entre activiteacute eacuteconomique et activiteacute lucrative27 au sein de laquelle le recours agrave la notion fiscale drsquoutiliteacute sociale (voir infra) apparaicirct tout agrave fait essentiel

‐ Ne pas fonctionner au profit drsquoun cercle restreint de personnes

autrement dit lrsquoassociation doit ecirctre laquo ouverte raquo28

21 Dans un compte rendu de reacuteunion du 24 janvier 2005 le Conseil drsquoOrientation de la Simplification Administrative (COSA) faisait part de ses observations quant aux mesures proposeacutees en matiegravere de seacutecurisation de la fiscaliteacute et estimait laquo qursquoil fallait proposer une deacutefinition plus claire de la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral de lrsquoarticle 200 du CGI et si possible eacutetendre le champ des activiteacutes viseacutees par lrsquoarticle 200 du CGI raquo (source rapport au premier ministre JP Decool mai 2005 p47) 22 JOAN CR Deacutebats du 23 juin 1987 2egraveme seacuteance p 3071 agrave 3076 23 Loi ndeg2003-709 du 1er aoucirct 2003 relative au meacuteceacutenat aux associations et aux fondations 24 D adm 5 B-3311 ndeg12 et s et 4 C-712 ndeg11 et s 25 CGI art 200 et 238 bis 26 Instr fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 27 C Amblard Activiteacutes eacuteconomiques et commerciales des associations Lamy Associations (Etude 246) juillet 2008 28 Reacutep min Zimmermann JO Ass nat du 10 janv 2006 p 261 ndeg72466

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Srsquoagissant de cette derniegravere condition lrsquoAdministration fiscale a tendance a adopter une position eacuteminemment restrictive au point que des associations drsquoanciens combattants29 voire mecircme drsquoanciens eacutelegraveves30 ou encore des associations de deacutefense des contribuables31 ou ayant pour objet la sauvegarde des retraites32 se sont vues refuser la RIG Par ailleurs sont reconnues comme eacutetant drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral les associations et fondations reconnues drsquoutiliteacute publique et qui exercent une activiteacute deacutecrite agrave lrsquoarticle 200 du CGI mais eacutegalement des organismes limitativement eacutenumeacutereacutes par la loi ou certaines dispositions du code geacuteneacuteral des impocircts tels que les eacutetablissements drsquoenseignement supeacuterieur33 les organismes ayant pour objet le financement des PME34 les associations cultuelles ou de bienfaisance35 ou encore les organismes ayant pour objet lrsquoorganisation de spectacles ou drsquoexposition drsquoart contemporain36hellip En ce qui concerne la proceacutedure agrave suivre il faut savoir que le beacuteneacutefice droit de du reacutegime fiscal de faveur lieacute au meacuteceacutenat (Loi laquo Aillagon raquo du 1er aoucirct 2003) nrsquoest pas lieacute agrave un agreacutement preacutealable de lrsquoAdministration fiscale En drsquoautres termes toute association peut deacutelivrer des reccedilus fiscaux37 aux donateurs le controcircle des services fiscaux eacutetant susceptible drsquointervenir a posteriori Neacuteanmoins il est possible drsquointerroger lrsquoAdministration fiscale a priori pour seacutecuriser lrsquoopeacuteration (proceacutedure de rescrit) lrsquoabsence de reacuteponse de la part de cette derniegravere agrave lrsquoissue drsquoun deacutelai de six mois valant reacuteponse positive pour la situation deacutecrite38 3 - Principaux avantages de la RIG Ils sont drsquoordres juridiques et fiscaux

‐ Sur le plan juridique

bull Le reacutegime du meacuteceacutenat permet aux associations non reconnues drsquoutiliteacute publique drsquoaccroicirctre leur capaciteacute juridique et ainsi de beacuteneacuteficier de dons autres que les dons manuels

‐ Sur le plan fiscal

bull Pour lrsquoassociation ou lrsquoorganisme sans but lucratif beacuteneacuteficiaire

29 Reacutep Reitzer AN 27 juillet 2004 p 5810 ndeg38660 30 CE 7 feacutevrier 2007 ndeg287949 RJF 407 ndeg386 31 Reacutep Blum AN 30 novembre 2004 p 9432 ndeg2499 32 Reacutep Deprez AN 20 juin 2006 p 6564 ndeg90872 33 Loi 2007-1199 du 10 aoucirct 2007 art 38 34 CGI art 238 bis-4 35 CGI art 200 1-e D adm 5 B-3311 ndeg54 36 Reacutep min culture et communication Girard AN 10 feacutevrier 2004 p 1025 ndeg30957 instruction fiscale du 9 deacutecembre 2008 5 B-19-08 37 Arrecircteacute du 28 juin 2008 JORF ndeg0150 du 28 juin 2008 page 10396 38 Instr fisc BOI 13 L-5-04 du 19 octobre 2004

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‐ Les ressources tireacutees du meacuteceacutenat nrsquoentrent pas dans le champ drsquoapplication de la TVA de lrsquoimpocirct sur les socieacuteteacutes ou de la taxe professionnelle

‐ Les dons sont en outre exoneacutereacutes de droit

drsquoenregistrement39 au mecircme titre que les associations et fondations RUP (voir supra)

bull Pour les meacutecegravenes (particuliers ou entreprises)

‐ Particuliers reacuteduction drsquoimpocircts sur le revenu eacutequivalente agrave 66 de la valeur du don dans la limite de 20 du revenu annuel (amendement laquo Coluche raquo 75 dans la limite forfaitaire de 495 euro pour les associations drsquoaide aux personnes en difficulteacute en 200840)

‐ Entreprises reacuteduction drsquoimpocircts sur les socieacuteteacutes

eacutequivalente agrave 60 de la valeur du don dans la limite de 05 du CA de lrsquoentreprise (outre contreparties institutionnelles telles que le droit pour lrsquoentreprise de beacuteneacuteficier de la qualiteacute de membre de lrsquoassociation ou drsquoimage41 dans la limite de 25 de la valeur du don42)

Synthegravese de la RIG ‐ Compte tenu du caractegravere relativement flou de la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (lrsquoarticle 200 du CGI se contentant drsquoeacutenumeacuterer des secteurs drsquoactiviteacutes) lrsquoAdministration fiscale dispose finalement drsquoun large pouvoir drsquoappreacuteciation en matiegravere de deacutefinition des contours de la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral sous reacuteserve de la doctrine du Conseil drsquoEtat ‐ La proceacutedure de RIG ouvre la capaciteacute juridique des associations simplement deacuteclareacutees (dons sous forme de meacuteceacutenat) sans que ces derniegraveres ne puissent toutefois preacutetendre agrave la laquo grande capaciteacute juridique raquo dont beacuteneacuteficient les associations RUP (legs deacutetention de biens immobiliers) ‐ Le beacuteneacutefice des avantages fiscaux offerts par la RIG deacutependent de la non lucrativiteacute des activiteacutes de lrsquoassociation ce qui suppose ou que lrsquoassociation nrsquoexerce aucune activiteacute lucrative (cas des associations dont les ressources se composent uniquement de cotisations ou de subventions par exemple) ou que lrsquoassociation exerce des activiteacutes eacuteconomiques reconnues comme eacutetant drsquoutiliteacute sociale par lrsquoAdministration fiscale (voir infra les critegraveres fiscaux de la laquo reconnaissance drsquoutiliteacute sociale raquo)

39 CGI art 757 al 3 40 Loi 2007-1822 du 24 deacutecembre 2007 art 2 I 41 CGI art 238 bis 1 a 42 Instr fisc 4 C-2-00 ndeg5 agrave 7

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C ndash LA RECONNAISSANCE (FISCALE) DrsquoUTILITE SOCIALE Il nrsquoexiste pas de proceacutedure de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (RUS) agrave proprement parler crsquoest-agrave-dire ouvrant droit pour les associations agrave des avantages particuliers agrave llsquoinstar de la RUP ou de la RIG Tout au plus cette notion juridique rencontre deux modes drsquoapplication concregravete dans notre droit interne (1) que nous allons preacutesenter en guise drsquoillustration Nous verrons ainsi comment la meacutethodologie retenue par lrsquoAdministration fiscale agit comme une forme de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale preacutealable indispensable au maintien du caractegravere non lucratif de lrsquoassociation (2) 1 ndash Utiliteacute sociale deux exemples drsquoapplication concregravete Le premier exemple drsquoapplication concerne les socieacuteteacutes coopeacuteratives drsquointeacuterecircts collectifs (SCIC) instaureacutees par lrsquoarticle 36 de la loi 2001-624 du 17 juillet 2001 et lrsquoarticle 19 de la loi 47-1775 du 10 septembre 1947 Cet exemple peut apparaicirctre a priori eacuteloigneacute de notre preacutesentation sauf qursquoen autorisant la transformation des associations en SCIC nous verrons que ce dispositif leacutegislatif contribue agrave eacutelargir la capaciteacute juridique de ces derniegraveres tout en opeacuterant un rapprochement avec la notion drsquoutiliteacute sociale (11) Le second exemple drsquoapplication concregravete concerne la meacutethodologie retenue par lrsquoAdministration fiscale ndash encore elle ndash depuis lrsquoinstruction fiscale BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 199843 pour accorder aux associations (fiscalement) laquo reconnues drsquoutiliteacute sociale raquo la capaciteacute drsquoexercer des activiteacutes eacuteconomiques non assujetties aux impocircts commerciaux (12) 11 - Une premiegravere utilisation concregravete de la notion drsquoutiliteacute sociale le statut de SCIC Les Socieacuteteacutes Coopeacuteratives drsquoInteacuterecirct Collectifs (SCIC) socieacuteteacutes coopeacuteratives sous la forme de SA ou de SARL (hellip) ont pour objectif laquo la production ou la fourniture de biens et de services drsquointeacuterecirct collectif qui preacutesentent un caractegravere drsquoutiliteacute sociale raquo La proceacutedure drsquohabilitation relegraveve de la compeacutetence preacutefectorale Ce nouveau statut juridique a eacuteteacute creacuteeacute pour reacutepondre aux attentes des acteurs de lrsquoEconomie sociale et solidaire crsquoest-agrave-dire de disposer drsquoun cadre drsquoentreprise adapteacute au deacuteveloppement entrepreneurial tout en prenant en compte la dimension eacutethique des activiteacutes qui relegravevent de cette Economie

43 Reprise par lrsquoinstruction fiscale de synthegravese BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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Pour le Secreacutetaire drsquoEtat agrave lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire laquo la SCIC doit ecirctre comprise comme le chaicircnon manquant entre lrsquoassociation et la coopeacuterative avec la possibiliteacute drsquointeacutegrer de nouveaux partenaires raquo (F Morin conseiller technique du cabinet de G Hascoeumlt) 44 Du cocircteacute de lrsquoEtat pour le Ministegravere de lrsquoemploi et le secreacutetariat agrave lrsquoeacuteconomie solidaire laquo cette nouvelle structure doit deacuteboucher sur la creacuteation drsquoemplois en plus de ceux occupeacutes aujourdrsquohui dans lrsquoentreprise drsquoinsertion qui restera pour lrsquoinstant en lrsquoeacutetat raquo

12 ndash Une deuxiegraveme utilisation concregravete de la notion drsquoutiliteacute sociale la reconnaissance de la non lucrativiteacute des activiteacutes eacuteconomiques reacutealiseacutees par les associations non assujetties aux impocircts commerciaux Depuis lrsquoinstruction fiscale BOI 4 h-5-98 du 15 septembre 1998 pour lrsquoAdministration fiscale il est deacutesormais laquo leacutegitime quun organisme non lucratif deacutegage dans le cadre de son activiteacute des exceacutedents reflet dune gestion saine et prudente Cependant lorganisme ne doit pas les accumuler dans le but de les placer Les exceacutedents reacutealiseacutes voire temporairement accumuleacutes doivent ecirctre destineacutes agrave faire face agrave des besoins ulteacuterieurs ou agrave des projets entrant dans le champ de son objet non lucratif raquo Parallegravelement lrsquoinstruction fiscale consacrait le principe de non assujettissement des associations et organismes sans but lucratif aux impocircts commerciaux Il convenait donc de clarifier une situation confuse compte tenu de lrsquoeacutevolution du monde associatif notamment au regard de la pleine et entiegravere capaciteacute juridique des associations (simplement deacuteclareacutees) en matiegravere drsquoexercice drsquoactiviteacutes eacuteconomiques ou commerciales45 Crsquoest dans ce cadre que lrsquoAdministration fiscale a eacuteteacute ameneacutee agrave proposer une laquo grille de lecture raquo concernant lrsquoexercice de ce type drsquoactiviteacutes eacutetant entendu que si lrsquoassociation adopte des comportements identiques agrave ceux des entreprises commerciales sur un mecircme marcheacute le principe de non assujettissement ne pouvant ecirctre maintenu celle-ci recouvrait immeacutediatement son statut drsquoentreprise assujettie aux impocircts commerciaux Pour savoir si une association exerce son activiteacute dans des conditions similaires agrave celle drsquoune entreprise et si de ce fait elle doit ecirctre soumise aux impocircts commerciaux lrsquoAdministration fiscale preacuteconise une analyse en plusieurs eacutetapes

minus Etape 1 la gestion de lrsquoorganisme est-elle deacutesinteacuteresseacutee (les

dirigeants ne peuvent reacutemuneacutereacutes (sauf cas deacuterogatoires limitativement eacutenumeacutereacutes) les beacuteneacutefices et le patrimoine de lrsquoassociation ne peuvent ecirctre attribueacutes aux membres)

44 C Amblard SCIC un nouvel outil pour lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Revue Le Tout Lyon 2001 45 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit Universiteacute Versailles ndash St Quentin 1998 (410 pages) C Amblard Lrsquoentreprise associative Editions territoriales 2006 C Amblard Activiteacutes eacuteconomiques et commerciales des associations Lamy Associations Etude 246 preacutec

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‐ Etape 2 lrsquoorganisme concurrence-t-il une entreprise ‐ Etape 3 lrsquoorganisme exerce-t-il son activiteacute dans des conditions

similaires agrave celles drsquoune entreprise (analyse par application de la regravegle des quatre laquo P raquo les indices eacutetant classeacutes par ordre deacutecroissant drsquoimportance) bull Le laquo produit raquo proposeacute bull Le laquo public raquo beacuteneacuteficiaire bull Les laquo prix raquo pratiqueacutes bull La laquo publiciteacute raquo reacutealiseacutee

Srsquoagissant plus particuliegraverement des deux premiers critegraveres (laquo Produit raquo et laquo Public raquo) il convient de souligner que lrsquoinstruction fiscale procegravede agrave leur laquo reacuteunification raquo sous le vocable drsquo laquo utiliteacute sociale raquo En drsquoautres termes il y a bien reconnaissance drsquoutiliteacute sociale lorsque lrsquoassociation

‐ intervient dans un domaine ougrave les besoins sont insuffisamment couverts par le secteur lucratif ‐ ou46 srsquoadresse agrave un public qui ne peut normalement acceacuteder aux services du secteur concurrentiel

La recherche de lrsquoutiliteacute sociale conduit donc agrave mettre en correacutelation le produit et le service fourni par lrsquoassociation avec le public viseacute En effet une attention toute particuliegravere est attacheacutee agrave ces critegraveres et agrave lrsquoaffectation des exceacutedents pour deacuteterminer si lrsquoassociation exerce ou non une activiteacute suivant des modaliteacutes similaires agrave celles utiliseacutees par une entreprise

- Le produit est drsquoutiliteacute sociale laquo lrsquoactiviteacute qui tend agrave satisfaire un besoin qui nrsquoest pas pris en compte par le marcheacute ou qui lrsquoest de faccedilon peu satisfaisante raquo

- Le public sont susceptibles drsquoecirctre drsquoutiliteacute sociale laquo les actes

payant reacutealiseacutes principalement au profit de personnes justifiant lrsquooctroi drsquoavantages particuliers au vue de leur situation eacuteconomique sociale ou humaine (chocircmeurs personnes handicapeacutees notammenthellip) Ce critegravere ne doit pas srsquoentendre seulement agrave des situations de deacutetresse physique ou morale raquo

46 Le critegravere alternatif des deux eacuteleacutements produit et public a eacuteteacute affirmeacute par la jurisprudence CE 3 deacutecembre 1999 ndeg 133291 RJF 100 ndeg 35

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2 ndash Lrsquoapproche (fiscale) de la notion drsquoutiliteacute sociale un rocircle preacutepondeacuterant dans les proceacutedures de reconnaissance du secteur associatif Nous avons vu preacuteceacutedemment que

‐ La RUP suppose que lrsquoassociation exerce des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au sens de lrsquoarticle 200 et 238 bis du CGI ‐ La RIG commande pour les associations eacutevoluant dans la sphegravere eacuteconomique que ces derniegraveres exercent agrave titre preacutepondeacuterant des activiteacutes non lucratives ce qui suppose drsquoecirctre reconnues par lrsquoAdministration fiscale comme eacutetant drsquoutiliteacute sociale

Il existe bien par conseacutequent des interactions entre les diffeacuterents modes de reconnaissance et lrsquoapproche fiscale de la notion drsquoutiliteacute sociale Bien plus en insistant sur lrsquoimportance deacutecroissante des critegraveres retenus par la regravegle des 4 laquo P raquo lrsquoAdministration fiscale amplifie le rocircle joueacute par les deux premiers critegraveres (laquo Produit raquo et laquo Public raquo) et par conseacutequent lrsquoinfluence de cette notion au sein des modes de reconnaissance de la vie associative Autre eacuteleacutement important agrave ce stade de la reacuteflexion le rocircle non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat ou les autres administrations dans la laquo reconnaissance raquo drsquoutiliteacute sociale des associations en effet lrsquoinstruction fiscale47 preacutecise explicitement que ce type drsquoagreacutement laquo nrsquoest qursquoun eacuteleacutement parmi drsquoautres de lrsquoappreacuteciation de son utiliteacute sociale raquo Neacuteanmoins lrsquoinstruction preacutecise que laquo srsquoils prennent en compte la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y ait fait face ces agreacutements peuvent contribuer agrave lrsquoappreacuteciation de lrsquoutiliteacute sociale raquo Mais dans tous les cas lrsquoAdministration fiscale considegravere qursquolaquo ils ne sont ni neacutecessaires ni suffisants pour eacutetablir le caractegravere drsquoutiliteacute sociale de lrsquoassociation raquo Synthegravese de la RUS ‐ La notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale ouvre la capaciteacute des associations agrave intervenir dans la sphegravere eacuteconomique tout en preacuteservant leur statut drsquoorganismes sans but lucratif non soumis aux impocircts commerciaux ‐ In fine cette notion constitue un preacutealable indispensable agrave la mise en œuvre de la RIG (absence drsquoactiviteacute lucrative) et exerce une influence non neacutegligeable dans le mode de deacutelivrance de la RUP (reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et neacutecessiteacute de disposer de ressources suffisantes hors financement public) ‐ En lrsquoeacutetat actuel la reconnaissance (fiscale) drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre assimileacutee agrave une proceacutedure de reconnaissance institutionnelle de type RUP

47 Instr fisc 4 H-5-06 preacuteciteacutee ndeg63

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ou RIG instaureacutee par le leacutegislateur neacuteanmoins elle donne lieu agrave une appreacuteciation souveraine de lrsquoadministration fiscale dans le cadre de la proceacutedure de rescrit fiscal applicable depuis lrsquoinstruction fiscale preacuteciteacutee du 15 septembre 1998 En effet la reacuteponse du correspondant associations au questionnaire visant agrave deacuteterminer le reacutegime fiscal applicable au regard des impocircts vaut prise de position formelle de lrsquoadministration au sens de lrsquoarticle L 80 B du Livre des proceacutedures fiscales (opposabiliteacute) ‐ Telle que preacutevue par lrsquoinstruction fiscale du 18 deacutecembre 2006 preacuteciteacutee la notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale donne encore lieu agrave une appreacuteciation discreacutetionnaire et unilateacuterale de lrsquoadministration fiscale (sous reacuteserve du controcircle juridictionnel administratif)

bull Concernant lrsquoappreacuteciation discreacutetionnaire elle ressort drsquoune part de la dimension reacuteductrice des critegraveres retenus par lrsquoadministration fiscale48 et drsquoautre part de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation49 objective crsquoest-agrave-dire reposant sur lrsquoexistence de reacutefeacuterentiels qualitatifs et quantitatifs admis et partageacutes par tous50

bull Concernant lrsquoappreacuteciation unilateacuterale elle est induite par le caractegravere non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat (Ministegravere de tutelle) ou toute autre Administration y compris lorsque ces proceacutedures drsquoagreacutement preacutevoient des critegraveres permettant la prise en compte de la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y est fait face51 Or comme le soulignait deacutejagrave en 1993 MT

48 Lrsquoanalyse de la deacutecision rendue par lrsquoarrecirct Jeune France du 1er octobre 1999 (CE 1101999 ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354) permet eacutegalement de souligner la dimension neacutegative donneacutee agrave ces critegraveres dans la mesure ougrave ils servent agrave appreacutecier la speacutecificiteacute des associations et autres organismes sans but lucratif essentiellement au regard de regravegles de la concurrence 49 F Rousseau Lrsquoeacutevaluation laquo regravegle du jeu raquo entre associations et pouvoirs publics Juris Associations 1er avril 2008 ndeg376 p 16 et 17 lrsquoauteur souligne qursquoil convient de retenir laquo la diffeacuterence essentielle entre drsquoune part lrsquoeacutevaluation des activiteacutes associatives selon une logique drsquoeacutevaluation des politiques et drsquoautre part la deacutemarche de coconstruction drsquoune meacutethodologie drsquoeacutevaluation qui associe[rait[ les acteurs locaux (eacutelus techniciens militants associatifs chercheurs etc raquo 50 A souligner les nombreux travaux sur ces questions (liste non exhaustive) laquo Economie sociale et solidaire en reacutegion raquo (programme de recherche coordonneacute par la DIES et la Mire entre 2001 et 2003) P VIVERET Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 J GADREY 2003 Lrsquoutiliteacute sociale et organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE version provisoire 133 pages Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREE du 11 janvier 2005 La reconfiguration de lrsquoaction publique entre lrsquoEtat associations et participation citoyenne X ENGELS (Dir) M HELY A PERRIN H TROUVE De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne LrsquoHarmattan 2006 Guide meacutethodologique Fonda Rhocircne-Alpes (reacutealiseacute avec le concours de la Reacutegion Rhocircne-Alpes) Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective 2006 H TROUVE Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale de son activiteacute 124 pages wwwaviseorg Seacuteminaire Avise Evaluer lrsquoutiliteacute sociale deacutemarche meacutethodologie expeacuteriences Paris 6 deacutecembre 2007 51 Ibidum

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Cheroutre52 lors de sa preacutesentation du rapport du Conseil Economique et social laquo lrsquooctroi drsquoun agreacutement ou drsquoune habilitation est la marque de reconnaissance par les pouvoirs publics de la fonction remplie par lrsquoassociation ce qui implique des controcircles et drsquoeacuteventuels retraits si le contrat nrsquoest pas rempli raquo53

‐ Dans ces conditions et compte tenu des arguments qui preacutecegravedent il y a lieu de srsquointerroger sur la neacutecessiteacute drsquoune simplification des proceacutedures de reconnaissance de la vie associative (II) De faccedilon plus cruciale encore des questions se posent quant agrave la capaciteacute des acteurs agrave laquo coconstruire raquo leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation dans le cadre drsquoune deacutemarche partageacutee A ce propos nous assistons drsquoailleurs agrave un deacuteplacement du deacutebat national vers un cadre de reacuteflexion engageacute par les instances communautaires en matiegravere de transposition de la directive laquo services raquo et de deacutefinition de service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) II ndash VERS UNE SIMPLIFICATION DES MODES DE RECONNAISSANCE

A - La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) une utiliteacute

Dans une eacutetude adopteacutee le 25 octobre 2000 par la section du rapport et des eacutetudes du Conseil drsquoEtat54 il est rappeleacute qursquo laquo il nrsquoest pas aujourdrsquohui drsquoavantage patrimonial ou fiscal qui soit reacuteserveacute aux seules associations reconnues drsquoutiliteacute publique Il nrsquoy aurait donc pas drsquointeacuterecirct pour une association agrave ecirctre reconnue raquo En effet la plupart des associations simplement deacuteclareacutees perccediloivent des dons manuels55 ou encore sont en capaciteacute de beacuteneacuteficier de ce type de ressources sans aucune limitation soit directement sous la forme de meacuteceacutenat56 (dons uniquement) soit indirectement par la creacuteation drsquoun fonds de dotation57 ou en srsquoaffiliant agrave une union ou un organisme drsquoutiliteacute publique (dons et legs)58 52 Ibidum 53 La loi de finances rectificative pour 2008 (Loi ndeg2008-1443 du 30 deacutecembre 2008) a pris plusieurs mesures en vue de renforcer la seacutecuriteacute juridique des contribuables Lrsquoarticle 50 de la loi de finances rectificative pour 2008 creacuteeacute ainsi un recours devant lrsquoadministration pour les deacutecisions formelles prises en vertu des articles L80 B 1deg agrave 6deg et 8deg et L80 C du Livre des proceacutedures fiscales (LPF) applicable aux demandes deacuteposeacutees agrave partir du 1er juillet 2009 54 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique La documentation franccedilaise 2000 p15 55 Cass com 5 octobre 2004 ndeg03-15709 Bull civ IV ndeg178 56 Loi Aillagon du 1er aoucirct 2003 57 C Amblard Fonds de dotation encore du nouveau sur le front du meacuteceacutenat preacutec 58 Loi 1er juillet 1901 art 6 al1

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Degraves lors crsquoest tout naturellement et sans ambiguiumlteacute que le Conseil drsquoEtat srsquoest poseacute la question suivante laquo faut-il supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo (pour une meilleure lisibiliteacute de lrsquoaction associative et une simplification des proceacutedures de reconnaissance) Une telle proposition nrsquoa toutefois pas eacuteteacute retenue par lrsquoeacutetude des statistiques du Ministegravere de lrsquoInteacuterieur laquo il semble qursquoen deacutepit de la faiblesse des avantages qursquoelles peuvent en retirer et des contraintes que cela engendre pour elles des associations continuent chaque anneacutee de solliciter la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo Quelles peuvent-elles ecirctre les motivations des associations qui souhaiteraient beacuteneacuteficier de cette forme de reconnaissance Dans son rapport public de 200059 le Conseil drsquoEtat souligne avant tout laquo la force symboliques que srsquoaccordent agrave y voir les repreacutesentants du monde associatif raquo En effet il ressort que ceux-ci sont avant tout laquo agrave la recherche drsquoun label raquo60 La RUP laquo fait en quelque sorte agrave leurs yeux figure de label officiel qui consacre la leacutegitimiteacute de lrsquoassociation qui en beacuteneacuteficie et qui sanctionne la qualiteacute des actions qursquoelle megravene raquo Ainsi laquo [il] est un signe pour leurs partenaires et une garantie pour eux raquo Cependant le Conseil drsquoEtat croit bon attirer notre attention sur le fait que laquo cette force symbolique de la RUP nrsquoest toutefois pas deacutenueacutee drsquoeffets pratiques puisqursquoil apparaicirct que de 1991 agrave 1996 les associations et les fondations drsquoutiliteacute publique ont reccedilu 84 des dons deacuteclareacutes par les contribuables Pour les associations qui font appel agrave la geacuteneacuterositeacute publique la RUP vaut garantie que les sommes collecteacutees ne feront pas en principe lrsquoobjet drsquoune utilisation abusive ou frauduleuse raquo Cette garantie existe-t-elle vraiment srsquoagissant des associations RUP Preacuteciseacutement pour le Conseil drsquoEtat laquo cela peut paraicirctre paradoxal de rechercher le controcircle de lrsquoEtat pour pouvoir ensuite souligner qursquoelles srsquoy sont soumises et offrent donc toutes les garanties de bon fonctionnement raquo drsquoautant plus que pour lui laquo le controcircle de lrsquoEtat (hellip) est insuffisant raquo Crsquoest ainsi que dans son dernier rapport sur les associations RUP datant de 200061 ce dernier preacuteconisait dans ses conclusions laquo drsquointroduire dans la loi du 1er juillet 1901 (ou agrave lrsquoarticle L612-4 du Code de commerce) lrsquoobligation pour toute association reconnue drsquoutiliteacute publique drsquoavoir recours agrave un commissaire aux comptes dans les conditions preacutevues aux articles L 225-218 et suivants du Code de commerce raquo

59 Conseil drsquoEtat Les associations et la loi de 1901 cent ans apregraves Rapport public 2000 La documentation franccedilaise Etudes et Documents ndeg51 p307 60 Conseil drsquoEtat Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec 61 Ibidum

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Or agrave ce jour force est de constater qursquoaucune reacuteforme nrsquoest intervenue en ce sens En effet il nrsquoexiste ni dans la loi du 1er juillet 1901 ni dans les statuts-types des associations RUP ni mecircme dans aucun dispositif leacutegislatif speacutecifique ndash en dehors du dispositif applicable en matiegravere drsquoappel agrave la geacuteneacuterositeacute publique62 - drsquoobligation imposant la preacutesence drsquoun commissaire aux comptes au sein des associations RUP Aussi et toujours pour le Conseil drsquoEtat laquo srsquoil nrsquoy a donc pas de motif deacuteterminant de supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique il convient de reacutefleacutechir aux ameacuteliorations pouvant ecirctre apporteacutees agrave son reacutegime drsquoutiliteacute publique et aux reacutegimes voisins raquo En tout eacutetat de cause la pertinence du maintien de la RUP se pose si lrsquoon en juge les reacutesultats de deux rapports ministeacuteriels reacutecents sur cette question en effet pour le rapport Morange63 laquo les avantages mateacuteriels de la RUP sont deacutesormais drsquoune porteacutee quasi theacuteorique raquo Quant agrave lrsquoavantage moral de la RUP pour le deacuteputeacute P Morange il demeure laquo important mais il ne justifie pas la lourdeur de la proceacutedure raquo Le rapport Langlais64 parle lui de laquo proceacutedure eacutelitiste raquo qui laquo nrsquoa pas su srsquoadapter aux eacutevolutions de la socieacuteteacute raquo Pourquoi degraves lors vouloir absolument maintenir un systegraveme de reconnaissance qui agrave notre avis pose deux probleacutematiques majeures

‐ La premiegravere probleacutematique porte sur la capaciteacute patrimoniale des associations qui preacuteciseacutement ne beacuteneacuteficient pas de cette forme de reconnaissance en effet est-il toujours leacutegitime que pregraves drsquoun million de structures associatives disposent par contrecoup drsquoune capaciteacute juridique reacuteduite Deacutejagrave en 1993 agrave propos de la capaciteacute patrimoniale des associations simplement deacuteclareacutees le Conseil Economique et social65 soulignait que laquo le contexte drsquoaujourdrsquohui eacutelargissant les missions de nombreuses associations met davantage lrsquoaccent sur les enjeux eacuteconomiques et sociaux qui leur demandent de mobiliser agrave la fois des moyens eacuteconomiques financiers et humains On peut donc agrave juste titre se demander si les carcans drsquoune autre eacutepoque ne pourraient ecirctre leveacutes raquo Les choses ont peu eacutevolueacute depuis au deacutetriment drsquoun secteur associatif dont lrsquoessentiel de ses forces vives consacre une bonne partie de leur temps et de leur eacutenergie agrave rechercher des

62 Loi ndeg91-772 du 7 aoucirct 1991 art 3 et encore il convient de noter que lrsquointervention du commissaire aux comptes ne srsquoimpose que pour les associations ayant nommeacute un commissaire aux comptes pour drsquoautres motifs Anteacuterieurement le compte emploi des ressources (CER) constituait un document autonome agrave deacuteposer au siegravege de lrsquoassociation et agrave tenir agrave disposition des adheacuterents En cas de controcircle par un commissaire aux comptes ce dernier eacutetait tenu drsquoeacutetablir une attestation Depuis le 1er janvier 2006 le CER est devenu un eacuteleacutement annexe aux comptes Lrsquoattestation du commissaire aux comptes nrsquoa donc plus lieu drsquoecirctre (cf Meacutemento pratique F Lefebvre Associations 2008-2009 ndeg71400 p976) 63 P Morange Rapport drsquoinformation sur la gouvernance et le financement des structures associatives ndeg134 assembleacutee nationale 1er octobre 2008 p41 et 42 64 JL Langlais Pour un partenariat renouveleacute entre lrsquoEtat et les associations rapport ministeacuteriel juin 2008 p 26 65 Ibidum p 82

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financements Sur ce point il convient de noter les propositions drsquoeacutevolutions importantes figurant dans le rapport Morange lequel suggegravere aux associations simplement deacuteclareacutees de beacuteneacuteficier de la capaciteacute juridique de recevoir des dons ‐ La seconde probleacutematique renvoit directement aux besoins exprimeacutes en matiegravere de simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif en effet le rapport Langlais66 souligne agrave juste titre que laquo la principale source de complexiteacute tient agrave lrsquoeacuteclatement des modes de reconnaissance du fait associatif par la puissance publique La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) existe toujours elle nrsquoa pas varieacute depuis un siegravecle (hellip) elle est de plus en plus concurrenceacutee par drsquoautres formes de reconnaissance et certains nrsquoheacutesitent pas agrave la consideacuterer comme deacutemodeacutee voire obsolegravete La reconnaissance drsquoutiliteacute publique est accordeacutee sans limitation de dureacutee et il existe probablement comme pour les associations deacuteclareacutees mais en beaucoup plus faible proportion des ARUP qui figurent toujours dans les chiffres officiels bien qursquoelles nrsquoaient plus drsquoexistence reacuteelle raquo De son cocircteacute le deacuteputeacute P Morange propose de deacutelivrer la RUP pour une dureacutee deacutesormais limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans

Il convient par conseacutequent drsquoenvisager une simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif drsquoautant plus que sont apparus agrave cocircteacute de la RUP de nombreuses autres formes de reconnaissance plus ou moins officielle tels que les agreacutements ou les labels priveacutes (Comiteacute de la Charte voire mecircme la proposition de labellisation AFNOR) Nous verrons infra que ce processus de simplification doit ecirctre lrsquooccasion drsquoun dialogue renouveleacute entre les acteurs du monde associatif et les pouvoirs publics en vue de la mise en œuvre drsquoune deacutemarche partageacutee

66 Ibidum

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B - LA SIMPLIFICATION DES PROCESSUS DE RECONNAISSANCE VERS UNE RECONNAISSANCE UNIQUE DrsquoUTILITE SOCIALE

1 ndash Les propositions reacutecemment formuleacutees par les rapports Langlais et Morange de 2008

Sur ce point les deux rapports srsquoaccordent pour distinguer trois types drsquoassociations

11 - Les associations deacuteclareacutees

Pour JL Langlais il srsquoagirait de reconnaicirctre la capaciteacute creacuteatrice de ces associations locales par lrsquooctroi de subventions symboliques et uniquement deacutelivreacutees par les collectiviteacutes territoriales correspondant agrave leur aire drsquoinfluence P Morange propose quant agrave lui drsquoouvrir la capaciteacute juridique de ces laquo petites raquo associations en leur permettant de percevoir des dons (autres que manuels) et de les soumettre aux controcircles drsquoun commissaire aux comptes et aux controcircles meneacutes par les services deacuteconcentreacutes degraves lors qursquoelles beacuteneacuteficieraient de subventions publiques

12 - Les associations reconnues drsquoutiliteacute sociale ou

drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

Pour JL Langlais ces associations pourraient beacuteneacuteficier drsquoune reconnaissance drsquointeacuterecirct laquo social ou geacuteneacuteral raquo

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce sont en gros les 4 conditions

requises pour lrsquoobtention de lrsquoagreacutement fiscal (cf supra) Drsquoailleurs il est proposeacute que cet agreacutement soit deacutecerneacute par lrsquoAdministration fiscale Une condition suppleacutementaire pourrait ecirctre poseacutee relative au beacuteneacutevolat sans neacutecessairement fixer de seuil a priori on devrait exiger que le beacuteneacutevolat soit nettement preacutepondeacuterant dans le fonctionnement de lrsquoassociation

Avantages consentis possibiliteacute de recevoir des subventions y

compris des subventions de fonctionnement capaciteacute agrave recevoir des dons (nrsquoexceacutedant pas un certain montant) agrave faire beacuteneacuteficier aux donateurs de lrsquoexoneacuteration fiscale au taux de droit commun

Obligations ecirctre agrave jour de leurs obligations deacuteclaratives

obligation de justifier lrsquoemploi des fonds reccedilus de deacuteposer leurs comptes en Preacutefecture de se soumettre aux controcircles aleacuteatoires ou programmeacutes de la puissance publique certification obligatoire des comptes au-delagrave de 153 000 euro de financement annuel

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Pour P Morange laquo cette cateacutegorie recouvre les associations subventionneacutees ou qui beacuteneacuteficient drsquoavantages fiscaux et oeuvrent au service de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo Selon lui laquo il serait envisageable comme en Grande Bretagne drsquoeacutetablir des listes de secteurs dans lesquels ces associations interviennent et de les soumettre agrave un certain nombre drsquoobligations en srsquoinspirant par exemple de la pratique fiscale (voir supra) Ainsi lrsquoassociation devrait poursuivre un but drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral ecirctre soumise agrave un controcircle financier et une eacutevaluation reacuteguliegravere au niveau deacutecentraliseacute raquo Enfin laquo lrsquoassociation devrait se doter drsquoun commissaire aux comptes raquo

13 Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique Pour JL Langlais seules les associations qui se consacrent exclusivement agrave des actions drsquoassistance ou de bienfaisance pourraient beacuteneacuteficier drsquoune RUP

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce seraient les mecircmes que pour la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral mais avec 3 nuances - toute lrsquoactiviteacute doit ecirctre tendue vers lrsquoobjet social - un degreacute plus eacuteleveacute de professionnalisation (et donc de salariat) serait acceptable - mais un moindre degreacute drsquoouverture exigeacute (une association pourrait ecirctre reconnue drsquoutiliteacute publique alors qursquoelle fonctionne au beacuteneacutefice drsquoun public fermeacute67)

Avantages les avantages seraient ceux du reacutegime actuel le

plus favorable dons et legs (reacutegime RUP) exoneacuteration au taux le plus favorable (laquo amendement Coluche raquo) subventions sur une base pluriannuelle

Obligations toutes les obligations du reacutegime preacuteceacutedant avec en plus lrsquoobligation de deacuteposer des comptes certifieacutes

JL Langlais poursuit en proposant que la reconnaissance drsquoutiliteacute publique soit laquo deacutecerneacutee pour une dureacutee limiteacutee soit par le ministegravere de lrsquointeacuterieur soit par le ministegravere en charge de la vie associative (et les preacutefets agrave lrsquoeacutechelon deacuteconcentreacute) soit encore par une agence nationale agrave creacuteer raquo Pour P Morange la RUP laquo serait deacutelivreacutee par le Conseil drsquoEtat comme crsquoest le cas actuellement et controcircleacutee par la Cour des comptes avec le concours de lrsquoIGAS et de lrsquoIGA pour une dureacutee limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans raquo A titre subsidiaire les auteurs proposent eacutegalement drsquoeacutetablir une laquo situation speacutecifique raquo pour les associations engageacutees dans la gestion drsquoune mission de service public tandis que P Morange envisage cette situation sous lrsquoangle de la seacutecurisation des rapports engageacutes par ces derniegraveres avec lrsquoadministration JL Langlais quant agrave lui considegravere dans une telle situation que laquo la forme juridique [drsquoassociation] nrsquoest alors qursquoune fiction raquo et que degraves lors laquo lrsquoEtat doit pouvoir les financer mais aussi les controcircler et les diriger comme il le

67 Lrsquoauteur propose de revenir sur la jurisprudence CE 7 feacutevr 2007 ndeg 287949 Steacute des anciens eacutelegraveves de lrsquoEacutecole Nationale Supeacuterieure drsquoArts et Meacutetiers et a

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ferait de ses propres services en attendant de trouver une structure juridique adeacutequate raquo Une mise en conformiteacute des proceacutedures drsquoagreacutement avec les nouvelles contraintes communautaires est eacutegalement envisageacutee

2 ndash Nos pistes de reacuteflexions

21 - Concernant le devenir de la proceacutedure RUP

Nous avons vu preacuteceacutedemment que cette proceacutedure deacutesormais consideacutereacutee comme eacutetant laquo obsolegravete raquo par la plupart des observateurs (voir supra) ne preacutesentait plus guegravere drsquointeacuterecirct sur un plan technique (voir supra) Degraves lors et en raison de la forte concentration de financements priveacutes (pregraves de 90 sous la forme de dons deacuteclareacutes par les contribuables ndash voir supra) sur un nombre extrecircmement limiteacute drsquoassociations et de fondations RUP de cette laquo proceacutedure eacutelitiste raquo la question de son devenir se pose de faccedilon cruciale En effet au 15 juillet 2000 le Conseil drsquoEtat deacutenombrait 1960 associations RUP laquo dont 200 nrsquoauraient selon lui aucune activiteacute sinon plus aucune existence raquo68 Force est de constater que presque 10 ans plus tard ce nombre nrsquoa quasiment pas augmenteacute puisque le dernier recensement effectueacute en deacutecembre 200869 par le Ministegravere de lrsquointeacuterieur fait eacutetat de 1966 associations RUP Lrsquourgence consiste donc bien agrave mettre un terme agrave cette situation laquo monopolistique raquo ougrave agrave tout le moins agrave instaurer des proceacutedures de controcircle agrave la fois plus preacutecises et plus contraignantes que celles existantes actuellement Sur ce point les propositions tendant agrave limiter la deacutelivrance de la RUP pour une dureacutee limiteacutee formuleacutees dans les rapports Langlais et Morange nous semblent parfaitement approprieacutees Ces propositions seront agrave rapprocher de celle proposeacutee par P Morange visant offrir agrave lrsquoensemble des associations la laquo grande capaciteacute juridique raquo particuliegraverement en matiegravere de dons

22 - Concernant la probleacutematique du rapprochement entre reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale)

Il ne srsquoagit pas de revenir sur les nombreux travaux drsquoores et deacutejagrave existants en matiegravere de rapprochement des concepts drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et drsquoutiliteacute sociale Parmi les plus importants lrsquoon peut citer ceux de J Gadrey en 200470 ceux reacutesultant de la journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF en 200571 ou encore la contribution commune de X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute publieacutee en 200672 A la lumiegravere de ces travaux il

68 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec p15 69 Site du ministegravere de lrsquointeacuterieur (publication du 08 avril 2008) httpwwwinterieurgouvfrsectionsa_la_unepublicationscultes-associations 70 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale des organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE feacutevrier 2004 71 Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Paris 11 janvier 2005 72 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Editions LrsquoHarmattan Paris 2006

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semble bien que lrsquoon assiste agrave laquo un basculement vers la notion plus large drsquoutiliteacute sociale notion qui par ailleurs entretient une filiation juridique avec le concept drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo73 Sur un plan juridique ces travaux montrent notamment qursquoil existe laquo un rapport assez eacutetroit agrave certains eacutegards entre la notion drsquoutiliteacute sociale et celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo si lrsquoon considegravere lrsquoanalyse de la jurisprudence des dix derniegraveres anneacutees74 Dans cette perspective la deacutemarche de rapprochement entre la proceacutedure RIG et RUS proposeacutee par les rapports de JL Langlais et P Morange trouverait une explication rationnelle

23 - Concernant lrsquoapproche du concept mecircme drsquoutiliteacute sociale

Comme le souligne J Gadrey75 laquo lrsquoutiliteacute sociale des organisations drsquoeacuteconomie sociale (OES) nrsquoa guegravere drsquoexistence en tant que probleacutematique geacuteneacuterale en dehors des deacutebats concernant le rocircle eacuteconomique et social actuel et futur de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Crsquoest une ideacutee qui a eacuteteacute forgeacutee pour deacutefendre lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire face agrave certaines menaces ou pour promouvoir le deacuteveloppement de regravegles favorables76 raquo Pour ce dernier en effet laquo il y a rien de naturel agrave soulever la question de lrsquoutiliteacute sociale des OES et qursquoil srsquoagit bien drsquoune convention socio-politique historiquement et geacuteographiquement contingente77 raquo Neacuteanmoins si le concept demeure aujourdrsquohui encore relativement flou paradoxalement il reccediloit dans notre droit interne une application de plus en plus freacutequente par les tribunaux78 et lrsquoAdministration fiscale79 De son cocircteacute et mecircme si pour lrsquoinstant le leacutegislateur srsquoest toujours refuseacute de srsquoorienter vers la voie drsquoune reconnaissance drsquoutiliteacute sociale80 celui-ci fait de plus reacutefeacuterence agrave ce concept81 drsquoougrave la neacutecessiteacute de privileacutegier une approche visant agrave circonscrire lrsquo laquo halo socieacutetal raquo82 des OES plutocirct que de chercher drsquoune maniegravere 73 A Euillet Lrsquoutiliteacute sociale une notion deacuteriveacutee de celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Revue de droit sanitaire et social ndeg2 avril-juin 2002 pp 2007 - 228 74 J Gadrey preacutec p 30 75 Ibidum 76 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques thegravese de droit 1998 preacutec Lrsquoauteur envisage la mise en œuvre drsquoune affirmative action en faveur des associations reconnues drsquoutiliteacute sociale 77 Si lrsquoon prend lrsquoexemple des services agrave domicile aux personnes acircgeacutees en Suegravede on peut observer que ceux-ci sont majoritairement produits par des organisations publiques locales tandis qursquoaux Etats-Unis - ougrave le laquo non profit sector raquo se construit le plus souvent comme une puissance alternative priveacutee face agrave un Etat providence laquo diaboliseacute raquo (Salamon) ils sont majoritairement financeacutes par des fonds priveacutes (beacuteneacuteficiant drsquoavantages fiscaux) 78 Voir par exemple CE 24 octobre 1979 CAA Paris 1er deacutecembre 1989 CAA Nancy 19 novembre 1992 79 Instr Fisc BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 1998 Instr Fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 (synthegravese) 80 Reacutep min du 01 juillet 1999 JO Seacutenat p 2224 81 Voir par exemple Loi ndeg2002-2 du 2 janvier 2002 relative agrave lrsquoaction sociale et meacutedico-sociale Loi ndeg 97-940 du 16 octobre 1997 relative au deacuteveloppement dactiviteacutes pour lemploi des jeunes (JO du 17 Octobre) LOI ndeg 9 8-657 du 29 juillet 1998 drsquoorientation relative agrave la lutte contre les exclusions 8282 A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport final relatif agrave la lettre de mission de Madame la Ministre de lrsquoEmploi et de la Solidariteacute 2000 pour A Lipietz il srsquoagirait de deacutefinir les contours du tiers secteur par un laquo label drsquoutiliteacute sociale et solidaire fondeacutes sur deux types de critegraveres quant aux

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improbable une deacutefinition qui serait unanimement admise par les acteurs des OES Finalement il ne srsquoagirait rien moins que de reconnaicirctre les OES afin de soutenir lrsquoeffort particulier de ces entiteacutes juridiques dont les laquo speacutecificiteacutes meacuteritoires raquo83 rejaillissent sur lrsquoensemble de la collectiviteacute Mais limiter le concept au seul beacuteneacutefice des OES serait par trop reacuteducteur et la mesure de lrsquoutiliteacute sociale doit eacutegalement ecirctre envisageacutee en tant qursquooutil de reacutegulation des politiques publiques84

24 - Concernant les difficulteacutes lieacutees agrave la mise en œuvre drsquoune proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale

Sur ce point il importe de tenir compte des critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de la proposition de mise en place drsquoun systegraveme unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale des OES (tel qursquoimagineacute par le CNVA dans son rapport datant de 1995) A cette eacutepoque le CNVA contestait laquo lrsquoambiguiumlteacute de lrsquointerpreacutetation juridique et fiscale de lrsquoutiliteacute sociale en particulier en raison de confusions constateacutees entre le critegravere de non lucrativiteacute et les vrais critegraveres drsquoutiliteacute sociale La reacuteflexion associative commence alors agrave se preacuteciser sur les critegraveres de non lucrativiteacute drsquoun cocircteacute sur les critegraveres drsquoutiliteacute sociale de lrsquoautre avec une insistance sur la neacutecessiteacute de ne pas confondre ces deux dimensions Parallegravelement le CNVA conteste lrsquoideacutee alors assez preacutesente du cocircteacute de lrsquoadministration selon laquelle un critegravere essentiel de lrsquoutiliteacute sociale serait que les besoins auxquels reacutepond lrsquoactiviteacute ne sont pas normalement (ou pas suffisamment) pris en compte par le marcheacute Cette deacutefinition purement neacutegative signifierait en effet soit que lrsquoutiliteacute sociale drsquoune association disparaicirct si le marcheacute srsquoinstalle sur un champ de besoins deacutejagrave deacutefricheacutes par les œuvres soit que lrsquoassociation devient alors automatiquement lucrative raquo85 Depuis lors un tel risque nous semble ecirctre leveacute dans la mesure ougrave le laquo reacutefeacuterentiel raquo drsquoutiliteacute sociale doit deacutesormais tenir compte de la jurisprudence du Conseil drsquoEtat en matiegravere fiscale En effet lrsquoarrecirct rendu en date du 1er octobre 199986 est venu preacuteciser qursquoun organisme sans but lucratif ne concurrence une entreprise que si les services qursquoil rend sont laquo offerts en concurrence dans la mecircme zone geacuteographique drsquoattraction avec ceux proposeacutes au mecircme public par des entreprises commerciales exerccedilant une activiteacute identique raquo Il a eacuteteacute eacutegalement preacuteciseacute depuis que laquo le critegravere du public ne doit pas srsquoentendre uniquement des situations de deacutetresse physique ou morale raquo87 buts (ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie solidaire) et quant aux modes drsquoorganisation interne (notamment lucrativiteacute limiteacutee le caractegravere deacutemocratique et multipartenariale de sa direction) ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie sociale raquo J Gadrey parle plus volontiers drsquoutiliteacute sociale externe et drsquoutiliteacute sociale interne preacutec p 37 83 F Bloch-Laineacute Identifier les associations de service social RECMA 1994 ndeg251 p 61 84 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne ibidum selon L Fraisse laquo lrsquoapparition drsquoun deacutebat sur lrsquoutiliteacute sociale peut aussi srsquointerpreacuteter comme un nouveau critegravere de politique publique agrave mecircme de preacuteciser les contours et de renforcer lrsquoinstitutionnalisation des activiteacutes et lrsquoeacuteconomie solidaire raquo voir eacutegalement N Richez-Battesti Les collectiviteacutes territoriales face agrave lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale Juris Associations ndeg376 1er avril 2008 pp 17-19 85 J Gadrey preacutec p 31 86 CE 1er octobre 1999 Association Jeune France ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354 87 Instr fisc BOI 4 H-5-06 preacutec

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Par ailleurs le CNVA soulignait le caractegravere laquo eacutevolutif voire conjoncturel raquo du concept drsquoutiliteacute sociale dans la mise en œuvre drsquoune seacuterie de dix indicateurs (voir infra) Pour lrsquoessentiel G Goulard88 consideacuterait qursquoen lrsquoeacutetat actuel ce concept eacutetait laquo encore plus subjectif que les critegraveres jurisprudentiels en vigueur raquo et qursquoune telle situation laquo risqu[ait] drsquoecirctre interpreacuteteacutee dans un sens reacuteducteur deacutefavorable aux associations dont lrsquoutiliteacute nrsquoest pas sociale mais intellectuelle culturelle spirituelle politique historique eacuteconomique etc raquo Srsquoil est vrai qursquoen 1998 de tels arguments nrsquoeacutetaient pas neacutegligeables il apparaicirct que certains drsquoentre eux apparaissaient forts contestables En effet comme le souligne J Gadrey dans son rapport de 2004 laquo la subjectiviteacute de la notion drsquoutiliteacute sociale peut fort bien ecirctre compatible avec sa consolidation comme reacutefeacuterence en droit (la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral srsquoest bien imposeacutee en deacutepit drsquoun flou aussi consideacuterable) raquo En effet il convient drsquoobserver que drsquoautres notions fondamentales agrave lrsquoinstar du droit commercial sont fondeacutees sur lrsquoarbitraire comme a deacutejagrave pu le souligner le Professeur Y Guyon laquo le droit commercial nrsquoest pas une construction fondeacutee sur la raison mais une approche fondamentalement arbitraire raquo89 Ainsi poursuit J Gadrey laquo le fait que des associations qui ne font pas partie du champ de lrsquoaction sociale (au sens strict) auraient des difficulteacutes agrave faire connaicirctre leur utiliteacute sociale nrsquoa rien drsquoineacuteluctable et deacutepend de la faccedilon dont la convention drsquoutiliteacute sociale se construit sur un mode restrictif ou au contraire extensif raquo De fait il apparaicirct que le concept drsquoutiliteacute sociale deacutepend moins de notre capaciteacute agrave deacutefinir des critegraveres distinctifs que de celle favorisant lrsquoeacutemergence drsquoune convention sociopolitique (voir infra) portant sur lrsquoutiliteacute sociale (convention drsquoutiliteacute sociale) Une telle approche preacutesenterait en outre deux avantages principaux en premier lieu celui du maintien du caractegravere eacutevolutif de ce concept en second lieu celui de la reacuteciprociteacute entretenue entre les associations et les pouvoirs publics dans la construction et lrsquoacceptation du concept mecircme

88 Rapport Goulard mars 1998 89 Y Guyon Droit des affaires Economica 5egraveme eacuted 1988 agrave rapprocher de M Despax Lrsquoentreprise et le droit Bibl Dr Priv T1 Paris 1954 p34 selon lrsquoauteur laquo le droit commercial (hellip) est neacute de la pratique Ses normes sont la conseacutecration drsquousages peu agrave peu eacutetablis et non la construction de la raison de lagrave cette difficulteacute souvent eacuteprouveacutee pour les juristes agrave les expliquer raquo

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III - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE

SOCIALE (OU SOCIETALE) UNE DEMARCHE PARTAGEE

A ndash LA PROCEDURE DE RUS PRESENTE-T-ELLE ENCORE UN INTERET

Comme le suggegravere le rapport Morange90 la proposition formuleacutee par JP Decool en mai 200591 laquo meacuterite drsquoecirctre approfondie raquo En effet pour ce dernier il convient de mettre en place une proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute socieacutetale comme substitut agrave la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral jugeacutee laquo deacutesuegravete et vague raquo laquo il serait donc opportun afin de donner une nouvelle dimension au monde associatif (hellip) de redonner au citoyen toute sa place au sein de la socieacuteteacute Lui permettre de srsquoexprimer et de manifester son deacutesir de donner ou de partager des valeurs communes Ainsi peut-on envisager le rocircle de lrsquoassociation dans la socieacuteteacute raquo A ce stade il nous semble que la meacutethode preacuteconiseacutee par le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) depuis son rapport du 4 feacutevrier 198692 demeure toujours drsquoactualiteacute93 Ce dernier preacuteconisait lrsquointroduction drsquoun systegraveme de reconnaissance a priori qui permettrait aux associations reconnues drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) de lever laquo toute incertitude durant une peacuteriode deacutefinie tant que les conditions drsquoexercice de leur activiteacute au vu desquelles elles ont obtenu lrsquoagreacutement ne seraient pas modifieacutees raquo94 Selon le projet du CNVA cette reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) devait ecirctre accordeacutee non pas par le pouvoir exeacutecutif mais par une veacuteritable juridiction ou commission paritaire composeacutee de repreacutesentants des associations des administrations concerneacutees (Ministegravere de tutelle et Administration fiscale) et preacutesideacutee par un magistrat95 Celle-ci pourrait eacutegalement comprendre un certain nombre drsquoexperts qualifieacutes et issus de la socieacuteteacute civile ainsi qursquoun repreacutesentant des collectiviteacutes locales deacutecentraliseacutees96 90 Ibidum 91 JP Decool Des associations en geacuteneacuteral vers une eacutethique socieacutetale rapport au 1er ministre mai 2005 92 Voir eacutegalement les Rapports et Avis du 12 juin 1991 et 15 juin 1995 93 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit 1998 preacutec 94 CNVA Bilan de la vie associative en 1990-1991 La documentation franccedilaise Paris 1992 Rapport et avis adopteacutes en session pleacuteniegravere du CNVA le 15 juin 1995 sur laquo lrsquoutiliteacute sociale des associations et ses conseacutequences en matiegravere eacuteconomique fiscale et financiegravere raquo 95 On peut noter la proximiteacute de cette composition avec celle de la laquo Charity Commission raquo de Grande-Bretagne composeacutee de fonctionnaires dont deux doivent ecirctre des juges dont le rocircle drsquoinformation de conseil de controcircle srsquoexerce aupregraves des laquo Charities raquo auxquelles la Commission donne le label qui ouvre droit agrave des faciliteacutes fiscales et financiegraveres 96 Voir la composition du comiteacute strateacutegique des fonds de dotation creacuteeacute le 19 novembre 2008 preacutesideacute par JJ Hyest Preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat

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Les deacutecisions de cette instance pourraient faire lrsquoobjet drsquoun recours devant les juridictions compeacutetentes (ce qui aurait eu pour effet de laquo judiciariser raquo le concept drsquoutiliteacute sociale) La reconnaissance serait attribueacutee pour une dureacutee de cinq anneacutees agrave lrsquoissue drsquoun rapport drsquoaudit baseacute sur des critegraveres drsquoeacutevaluation (pour ce qui concerne lrsquoutiliteacute sociale externe) Les critegraveres drsquoeacutevaluation pourraient faire lrsquoobjet drsquoune deacutemarche partageacutee (voir infra) et contractualiseacutee avec les diffeacuterents acteurs agrave partir de critegraveres quantitatifs et qualitatifs neacutegocieacutes En effet le CNVA nrsquoa pas souhaiteacute mettre en place un systegraveme unique et isoleacute de reconnaissance drsquoune cateacutegorie particuliegravere drsquoassociations qui serait reconnue drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) agrave lrsquoinstar de ce qui a par exemple eacuteteacute conccedilu pour la reconnaissance drsquoutiliteacute publique Il preacuteconise plutocirct laquo le recours agrave de multiples dispositifs susceptibles drsquoaccorder aux associations (en tant qursquoopeacuterateurs) ou agrave leurs activiteacutes (en tant qursquoopeacuteration97) la reconnaissance et le soutien en fonction et dans le respect de la diversiteacute des speacutecificiteacutes associatives raquo Lrsquoensemble de ces speacutecificiteacutes doit pouvoir ecirctre appreacutehendeacute agrave travers un certain nombre drsquoindicateurs avec la mise en place de la technique du faisceau drsquoindices Les critegraveres deacutegageacutes98 formeraient ainsi une liste (non exhaustive) qui permettant de mieux cerner les contours de lrsquoutiliteacute sociale

- La primauteacute du projet finaliteacute de lrsquoaction associative99

- Le fonctionnement deacutemocratique - Lrsquoapport social de lrsquoassociation100 - La non-lucrativiteacute qui par essence marque la

diffeacuterence par rapport au secteur commercial - La gestion deacutesinteacuteresseacutee101 ce qui nrsquoexclut ni la

rigueur ni la transparence financiegravere - La capaciteacute agrave mobiliser la geacuteneacuterositeacute humaine

(beacuteneacutevolat) ou financiegravere (dons) - Le mixage des publics et lrsquoouverture

qui a pour mission de suivre lrsquoeacutevolution des fonds de dotation 1 repreacutesentant du MINEFI 3 magistrats 7 personnaliteacutes qualifieacutees A ce titre il pourra eacutelaborer des recommandations de bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion et faire toutes les propositions qui lui sembleront neacutecessaires pour favoriser le deacuteveloppement des fonds de dotation (Sources MINEFI 14 janvier 2009) 97 Cette solution preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre neutre sur le plan concurrentiel et vis-agrave-vis des autres opeacuterateurs eacuteconomiques 98 Le CNVA preacutecise dans son rapport du 15 juin 1995 preacutec que ces critegraveres sont laquo non exclusifs non cumulatifs et non exhaustifs les uns par rapport aux autres raquo 99 La FONDA dans un seacuteminaire en date du 17 octobre 1992 suggeacuterait et explicitait ces trois premiers critegraveres agrave partir desquels elle se fondait pour identifier les associations drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral 100 Ce critegravere ainsi que les critegraveres 6 7 et 8 relegravevent de la notion drsquoutiliteacute sociale externe qui selon nous devrait faire lrsquoobjet drsquoune contractualisation pluri annuelle dans le cadre drsquoune deacutemarche de construction et drsquoeacutevaluation partageacutee (voir infra) 101 Sur cette notion voir Instr fisc (Synthegravese) BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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- Les secteurs drsquointervention pas ou mal couverts par les autres agents eacuteconomiques ou par les collectiviteacutes publiques

- Lrsquoexistence de financements publics ou parapublics

- Lrsquoexistence drsquoun agreacutement ministeacuteriel (Ministegravere de rattachement) ou drsquoune habilitation102

La reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) pourrait ecirctre attribueacutee aux associations laquo dont les statuts le mode de fonctionnement et les modaliteacutes drsquoexercice de leur activiteacute caracteacuterisent suffisamment leur utiliteacute sociale aux yeux de cette juridiction Elle pourrait agrave lrsquoinverse ecirctre retireacutee par cette mecircme juridiction ou commission paritaire degraves lors que les conditions ayant preacutesideacute agrave son attribution ne seraient plus reacuteunies Lrsquoabsence de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre invoqueacutee pour creacuteer une preacutesomption de lucrativiteacute pour lrsquoassociation qui nrsquoen beacuteneacuteficierait pas raquo Agrave ce jour nombreux sont les acteurs srsquoeacutetant prononceacutes en faveur de lrsquoeacutelaboration drsquoune reconnaissance unique drsquoutiliteacute sociale (RUS) Nous avons vu preacuteceacutedemment que les derniers rapports ministeacuteriels et parlementaires se montrent favorables agrave la mise en œuvre drsquoune telle proceacutedure Pour MT Cheacuteroutre103 laquo lrsquoattribution drsquoune reconnaissance par les pouvoirs publics aux organismes susceptibles drsquoecirctre exoneacutereacutes apparaicirct eacuteminemment souhaitable Cette reconnaissance accordeacutee pour une dureacutee deacutetermineacutee apporterait agrave ces derniers une garantie drsquoexoneacuteration du moins aussi longtemps qursquoil ne serait pas prouveacute par lrsquoadministration qursquoils ne respectent plus les conditions pour lesquelles ils ont obtenu ladite reconnaissance raquo De son cocircteacute la FONDA104 a eacutegalement exprimeacute son souhait drsquoassurer laquo une meilleure seacutecuriteacute financiegravere aux associations relevant de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et srsquoest montreacutee laquo favorable agrave la creacuteation drsquoune RUS attribueacutee par une commission tripartite (Etat Magistrats Associations) raquo Agrave notre connaissance deux projets de loi105 ont eacuteteacute deacuteposeacutes en ce sens pour ecirctre rapidement abandonneacutes par la suite faute de reacuteelle volonteacute politique En effet comme le souligne le CNVA agrave propos de la mise en œuvre de la RUS

102 Notamment lorsque lrsquoobjet de lrsquoassociation consiste agrave reacutealiser des activiteacutes reacuteglementeacutees 103 MT Cheacuteroute Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 rapport au nom du conseil eacuteconomique et social ndeg4 JO du 1er avril 1993 104 La FONDA Pour une eacutethique des rapports entre pouvoirs publics et citoyens seacuteminaire Paris 17 octobre 1992 105 Projet de loi A Henry RTD com 192 447 en janvier 2002 ce projet avait lanceacute une vaste consultation autour du concept drsquoutiliteacute sociale dans le but de deacutelimiter les associations auxquelles seraient accordeacutees le label Proposition de loi ndeg2779 AN 1996 art 2 laquo Les associations peuvent ecirctre reconnues drsquoutiliteacute sociale agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode probatoire de fonctionnement drsquoune dureacutee au moins eacutegale agrave trois ans lorsqursquoelles satisfont cumulativement aux conditions suivantes avoir un objet social de caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique humanitaire sportif familial culturel ou drsquoaction sociale ou de mise en œuvre du patrimoine artistique ou de deacutefense de lrsquoenvironnement ou de diffusion de la culture ou de la langue franccedilaise Exercer conformeacutement agrave cet objet des activiteacutes ouvertes agrave des personnes qui lui sont exteacuterieures raquo

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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Certes lrsquo laquo inteacuterecirct geacuteneacuteral raquo demeure un concept juridique difficile agrave appreacutehender21 sur le plan ideacuteologique mais au cours de la discussion de la premiegravere loi sur le meacuteceacutenat le Ministre chargeacute du budget avait preacuteciseacute que le texte laquo avait vocation agrave ecirctre entendu de faccedilon large raquo22 sur le plan fiscal Cette appreacuteciation fut par la suite reprise par son successeur dans les deacutebats ayant abouti au vote de la loi du 1er aoucirct 2003 relative au meacuteceacutenat23 laquo ce projet est de porteacutee geacuteneacuterale Ne commenccedilons pas agrave eacutenumeacuterer des groupes drsquoassociations raquo Or malgreacute ces recommandations explicites du leacutegislateur la doctrine de lrsquoadministration fiscale est demeureacutee excessivement restrictive Il reacutesulte de cette situation un certain nombre de probleacutematiques (voir infra) mais commenccedilons par eacutenumeacuterer les conditions qui preacutesident agrave la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral pour un organisme sans but lucratif 2 - Conditions et proceacutedure de la RIG Pour lrsquoAdministration fiscale un organisme preacutesente un caractegravere drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral si les conditions suivantes sont cumulativement reacuteunies24

‐ Avoir laquo un caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique social humanitaire sportif familial culturel ou concourant agrave la mise en œuvre du patrimoine artistique agrave la deacutefense de lrsquoenvironnement naturel ou agrave la diffusion de la culture de la langue et des connaissances scientifiques raquo25

‐ Avoir une gestion deacutesinteacuteresseacutee et ne pas exercer drsquoactiviteacute lucrative

de maniegravere preacutepondeacuterante26 cette condition pose en creux la question de la distinction entre activiteacute eacuteconomique et activiteacute lucrative27 au sein de laquelle le recours agrave la notion fiscale drsquoutiliteacute sociale (voir infra) apparaicirct tout agrave fait essentiel

‐ Ne pas fonctionner au profit drsquoun cercle restreint de personnes

autrement dit lrsquoassociation doit ecirctre laquo ouverte raquo28

21 Dans un compte rendu de reacuteunion du 24 janvier 2005 le Conseil drsquoOrientation de la Simplification Administrative (COSA) faisait part de ses observations quant aux mesures proposeacutees en matiegravere de seacutecurisation de la fiscaliteacute et estimait laquo qursquoil fallait proposer une deacutefinition plus claire de la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral de lrsquoarticle 200 du CGI et si possible eacutetendre le champ des activiteacutes viseacutees par lrsquoarticle 200 du CGI raquo (source rapport au premier ministre JP Decool mai 2005 p47) 22 JOAN CR Deacutebats du 23 juin 1987 2egraveme seacuteance p 3071 agrave 3076 23 Loi ndeg2003-709 du 1er aoucirct 2003 relative au meacuteceacutenat aux associations et aux fondations 24 D adm 5 B-3311 ndeg12 et s et 4 C-712 ndeg11 et s 25 CGI art 200 et 238 bis 26 Instr fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 27 C Amblard Activiteacutes eacuteconomiques et commerciales des associations Lamy Associations (Etude 246) juillet 2008 28 Reacutep min Zimmermann JO Ass nat du 10 janv 2006 p 261 ndeg72466

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Srsquoagissant de cette derniegravere condition lrsquoAdministration fiscale a tendance a adopter une position eacuteminemment restrictive au point que des associations drsquoanciens combattants29 voire mecircme drsquoanciens eacutelegraveves30 ou encore des associations de deacutefense des contribuables31 ou ayant pour objet la sauvegarde des retraites32 se sont vues refuser la RIG Par ailleurs sont reconnues comme eacutetant drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral les associations et fondations reconnues drsquoutiliteacute publique et qui exercent une activiteacute deacutecrite agrave lrsquoarticle 200 du CGI mais eacutegalement des organismes limitativement eacutenumeacutereacutes par la loi ou certaines dispositions du code geacuteneacuteral des impocircts tels que les eacutetablissements drsquoenseignement supeacuterieur33 les organismes ayant pour objet le financement des PME34 les associations cultuelles ou de bienfaisance35 ou encore les organismes ayant pour objet lrsquoorganisation de spectacles ou drsquoexposition drsquoart contemporain36hellip En ce qui concerne la proceacutedure agrave suivre il faut savoir que le beacuteneacutefice droit de du reacutegime fiscal de faveur lieacute au meacuteceacutenat (Loi laquo Aillagon raquo du 1er aoucirct 2003) nrsquoest pas lieacute agrave un agreacutement preacutealable de lrsquoAdministration fiscale En drsquoautres termes toute association peut deacutelivrer des reccedilus fiscaux37 aux donateurs le controcircle des services fiscaux eacutetant susceptible drsquointervenir a posteriori Neacuteanmoins il est possible drsquointerroger lrsquoAdministration fiscale a priori pour seacutecuriser lrsquoopeacuteration (proceacutedure de rescrit) lrsquoabsence de reacuteponse de la part de cette derniegravere agrave lrsquoissue drsquoun deacutelai de six mois valant reacuteponse positive pour la situation deacutecrite38 3 - Principaux avantages de la RIG Ils sont drsquoordres juridiques et fiscaux

‐ Sur le plan juridique

bull Le reacutegime du meacuteceacutenat permet aux associations non reconnues drsquoutiliteacute publique drsquoaccroicirctre leur capaciteacute juridique et ainsi de beacuteneacuteficier de dons autres que les dons manuels

‐ Sur le plan fiscal

bull Pour lrsquoassociation ou lrsquoorganisme sans but lucratif beacuteneacuteficiaire

29 Reacutep Reitzer AN 27 juillet 2004 p 5810 ndeg38660 30 CE 7 feacutevrier 2007 ndeg287949 RJF 407 ndeg386 31 Reacutep Blum AN 30 novembre 2004 p 9432 ndeg2499 32 Reacutep Deprez AN 20 juin 2006 p 6564 ndeg90872 33 Loi 2007-1199 du 10 aoucirct 2007 art 38 34 CGI art 238 bis-4 35 CGI art 200 1-e D adm 5 B-3311 ndeg54 36 Reacutep min culture et communication Girard AN 10 feacutevrier 2004 p 1025 ndeg30957 instruction fiscale du 9 deacutecembre 2008 5 B-19-08 37 Arrecircteacute du 28 juin 2008 JORF ndeg0150 du 28 juin 2008 page 10396 38 Instr fisc BOI 13 L-5-04 du 19 octobre 2004

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‐ Les ressources tireacutees du meacuteceacutenat nrsquoentrent pas dans le champ drsquoapplication de la TVA de lrsquoimpocirct sur les socieacuteteacutes ou de la taxe professionnelle

‐ Les dons sont en outre exoneacutereacutes de droit

drsquoenregistrement39 au mecircme titre que les associations et fondations RUP (voir supra)

bull Pour les meacutecegravenes (particuliers ou entreprises)

‐ Particuliers reacuteduction drsquoimpocircts sur le revenu eacutequivalente agrave 66 de la valeur du don dans la limite de 20 du revenu annuel (amendement laquo Coluche raquo 75 dans la limite forfaitaire de 495 euro pour les associations drsquoaide aux personnes en difficulteacute en 200840)

‐ Entreprises reacuteduction drsquoimpocircts sur les socieacuteteacutes

eacutequivalente agrave 60 de la valeur du don dans la limite de 05 du CA de lrsquoentreprise (outre contreparties institutionnelles telles que le droit pour lrsquoentreprise de beacuteneacuteficier de la qualiteacute de membre de lrsquoassociation ou drsquoimage41 dans la limite de 25 de la valeur du don42)

Synthegravese de la RIG ‐ Compte tenu du caractegravere relativement flou de la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (lrsquoarticle 200 du CGI se contentant drsquoeacutenumeacuterer des secteurs drsquoactiviteacutes) lrsquoAdministration fiscale dispose finalement drsquoun large pouvoir drsquoappreacuteciation en matiegravere de deacutefinition des contours de la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral sous reacuteserve de la doctrine du Conseil drsquoEtat ‐ La proceacutedure de RIG ouvre la capaciteacute juridique des associations simplement deacuteclareacutees (dons sous forme de meacuteceacutenat) sans que ces derniegraveres ne puissent toutefois preacutetendre agrave la laquo grande capaciteacute juridique raquo dont beacuteneacuteficient les associations RUP (legs deacutetention de biens immobiliers) ‐ Le beacuteneacutefice des avantages fiscaux offerts par la RIG deacutependent de la non lucrativiteacute des activiteacutes de lrsquoassociation ce qui suppose ou que lrsquoassociation nrsquoexerce aucune activiteacute lucrative (cas des associations dont les ressources se composent uniquement de cotisations ou de subventions par exemple) ou que lrsquoassociation exerce des activiteacutes eacuteconomiques reconnues comme eacutetant drsquoutiliteacute sociale par lrsquoAdministration fiscale (voir infra les critegraveres fiscaux de la laquo reconnaissance drsquoutiliteacute sociale raquo)

39 CGI art 757 al 3 40 Loi 2007-1822 du 24 deacutecembre 2007 art 2 I 41 CGI art 238 bis 1 a 42 Instr fisc 4 C-2-00 ndeg5 agrave 7

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C ndash LA RECONNAISSANCE (FISCALE) DrsquoUTILITE SOCIALE Il nrsquoexiste pas de proceacutedure de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (RUS) agrave proprement parler crsquoest-agrave-dire ouvrant droit pour les associations agrave des avantages particuliers agrave llsquoinstar de la RUP ou de la RIG Tout au plus cette notion juridique rencontre deux modes drsquoapplication concregravete dans notre droit interne (1) que nous allons preacutesenter en guise drsquoillustration Nous verrons ainsi comment la meacutethodologie retenue par lrsquoAdministration fiscale agit comme une forme de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale preacutealable indispensable au maintien du caractegravere non lucratif de lrsquoassociation (2) 1 ndash Utiliteacute sociale deux exemples drsquoapplication concregravete Le premier exemple drsquoapplication concerne les socieacuteteacutes coopeacuteratives drsquointeacuterecircts collectifs (SCIC) instaureacutees par lrsquoarticle 36 de la loi 2001-624 du 17 juillet 2001 et lrsquoarticle 19 de la loi 47-1775 du 10 septembre 1947 Cet exemple peut apparaicirctre a priori eacuteloigneacute de notre preacutesentation sauf qursquoen autorisant la transformation des associations en SCIC nous verrons que ce dispositif leacutegislatif contribue agrave eacutelargir la capaciteacute juridique de ces derniegraveres tout en opeacuterant un rapprochement avec la notion drsquoutiliteacute sociale (11) Le second exemple drsquoapplication concregravete concerne la meacutethodologie retenue par lrsquoAdministration fiscale ndash encore elle ndash depuis lrsquoinstruction fiscale BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 199843 pour accorder aux associations (fiscalement) laquo reconnues drsquoutiliteacute sociale raquo la capaciteacute drsquoexercer des activiteacutes eacuteconomiques non assujetties aux impocircts commerciaux (12) 11 - Une premiegravere utilisation concregravete de la notion drsquoutiliteacute sociale le statut de SCIC Les Socieacuteteacutes Coopeacuteratives drsquoInteacuterecirct Collectifs (SCIC) socieacuteteacutes coopeacuteratives sous la forme de SA ou de SARL (hellip) ont pour objectif laquo la production ou la fourniture de biens et de services drsquointeacuterecirct collectif qui preacutesentent un caractegravere drsquoutiliteacute sociale raquo La proceacutedure drsquohabilitation relegraveve de la compeacutetence preacutefectorale Ce nouveau statut juridique a eacuteteacute creacuteeacute pour reacutepondre aux attentes des acteurs de lrsquoEconomie sociale et solidaire crsquoest-agrave-dire de disposer drsquoun cadre drsquoentreprise adapteacute au deacuteveloppement entrepreneurial tout en prenant en compte la dimension eacutethique des activiteacutes qui relegravevent de cette Economie

43 Reprise par lrsquoinstruction fiscale de synthegravese BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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Pour le Secreacutetaire drsquoEtat agrave lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire laquo la SCIC doit ecirctre comprise comme le chaicircnon manquant entre lrsquoassociation et la coopeacuterative avec la possibiliteacute drsquointeacutegrer de nouveaux partenaires raquo (F Morin conseiller technique du cabinet de G Hascoeumlt) 44 Du cocircteacute de lrsquoEtat pour le Ministegravere de lrsquoemploi et le secreacutetariat agrave lrsquoeacuteconomie solidaire laquo cette nouvelle structure doit deacuteboucher sur la creacuteation drsquoemplois en plus de ceux occupeacutes aujourdrsquohui dans lrsquoentreprise drsquoinsertion qui restera pour lrsquoinstant en lrsquoeacutetat raquo

12 ndash Une deuxiegraveme utilisation concregravete de la notion drsquoutiliteacute sociale la reconnaissance de la non lucrativiteacute des activiteacutes eacuteconomiques reacutealiseacutees par les associations non assujetties aux impocircts commerciaux Depuis lrsquoinstruction fiscale BOI 4 h-5-98 du 15 septembre 1998 pour lrsquoAdministration fiscale il est deacutesormais laquo leacutegitime quun organisme non lucratif deacutegage dans le cadre de son activiteacute des exceacutedents reflet dune gestion saine et prudente Cependant lorganisme ne doit pas les accumuler dans le but de les placer Les exceacutedents reacutealiseacutes voire temporairement accumuleacutes doivent ecirctre destineacutes agrave faire face agrave des besoins ulteacuterieurs ou agrave des projets entrant dans le champ de son objet non lucratif raquo Parallegravelement lrsquoinstruction fiscale consacrait le principe de non assujettissement des associations et organismes sans but lucratif aux impocircts commerciaux Il convenait donc de clarifier une situation confuse compte tenu de lrsquoeacutevolution du monde associatif notamment au regard de la pleine et entiegravere capaciteacute juridique des associations (simplement deacuteclareacutees) en matiegravere drsquoexercice drsquoactiviteacutes eacuteconomiques ou commerciales45 Crsquoest dans ce cadre que lrsquoAdministration fiscale a eacuteteacute ameneacutee agrave proposer une laquo grille de lecture raquo concernant lrsquoexercice de ce type drsquoactiviteacutes eacutetant entendu que si lrsquoassociation adopte des comportements identiques agrave ceux des entreprises commerciales sur un mecircme marcheacute le principe de non assujettissement ne pouvant ecirctre maintenu celle-ci recouvrait immeacutediatement son statut drsquoentreprise assujettie aux impocircts commerciaux Pour savoir si une association exerce son activiteacute dans des conditions similaires agrave celle drsquoune entreprise et si de ce fait elle doit ecirctre soumise aux impocircts commerciaux lrsquoAdministration fiscale preacuteconise une analyse en plusieurs eacutetapes

minus Etape 1 la gestion de lrsquoorganisme est-elle deacutesinteacuteresseacutee (les

dirigeants ne peuvent reacutemuneacutereacutes (sauf cas deacuterogatoires limitativement eacutenumeacutereacutes) les beacuteneacutefices et le patrimoine de lrsquoassociation ne peuvent ecirctre attribueacutes aux membres)

44 C Amblard SCIC un nouvel outil pour lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Revue Le Tout Lyon 2001 45 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit Universiteacute Versailles ndash St Quentin 1998 (410 pages) C Amblard Lrsquoentreprise associative Editions territoriales 2006 C Amblard Activiteacutes eacuteconomiques et commerciales des associations Lamy Associations Etude 246 preacutec

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‐ Etape 2 lrsquoorganisme concurrence-t-il une entreprise ‐ Etape 3 lrsquoorganisme exerce-t-il son activiteacute dans des conditions

similaires agrave celles drsquoune entreprise (analyse par application de la regravegle des quatre laquo P raquo les indices eacutetant classeacutes par ordre deacutecroissant drsquoimportance) bull Le laquo produit raquo proposeacute bull Le laquo public raquo beacuteneacuteficiaire bull Les laquo prix raquo pratiqueacutes bull La laquo publiciteacute raquo reacutealiseacutee

Srsquoagissant plus particuliegraverement des deux premiers critegraveres (laquo Produit raquo et laquo Public raquo) il convient de souligner que lrsquoinstruction fiscale procegravede agrave leur laquo reacuteunification raquo sous le vocable drsquo laquo utiliteacute sociale raquo En drsquoautres termes il y a bien reconnaissance drsquoutiliteacute sociale lorsque lrsquoassociation

‐ intervient dans un domaine ougrave les besoins sont insuffisamment couverts par le secteur lucratif ‐ ou46 srsquoadresse agrave un public qui ne peut normalement acceacuteder aux services du secteur concurrentiel

La recherche de lrsquoutiliteacute sociale conduit donc agrave mettre en correacutelation le produit et le service fourni par lrsquoassociation avec le public viseacute En effet une attention toute particuliegravere est attacheacutee agrave ces critegraveres et agrave lrsquoaffectation des exceacutedents pour deacuteterminer si lrsquoassociation exerce ou non une activiteacute suivant des modaliteacutes similaires agrave celles utiliseacutees par une entreprise

- Le produit est drsquoutiliteacute sociale laquo lrsquoactiviteacute qui tend agrave satisfaire un besoin qui nrsquoest pas pris en compte par le marcheacute ou qui lrsquoest de faccedilon peu satisfaisante raquo

- Le public sont susceptibles drsquoecirctre drsquoutiliteacute sociale laquo les actes

payant reacutealiseacutes principalement au profit de personnes justifiant lrsquooctroi drsquoavantages particuliers au vue de leur situation eacuteconomique sociale ou humaine (chocircmeurs personnes handicapeacutees notammenthellip) Ce critegravere ne doit pas srsquoentendre seulement agrave des situations de deacutetresse physique ou morale raquo

46 Le critegravere alternatif des deux eacuteleacutements produit et public a eacuteteacute affirmeacute par la jurisprudence CE 3 deacutecembre 1999 ndeg 133291 RJF 100 ndeg 35

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2 ndash Lrsquoapproche (fiscale) de la notion drsquoutiliteacute sociale un rocircle preacutepondeacuterant dans les proceacutedures de reconnaissance du secteur associatif Nous avons vu preacuteceacutedemment que

‐ La RUP suppose que lrsquoassociation exerce des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au sens de lrsquoarticle 200 et 238 bis du CGI ‐ La RIG commande pour les associations eacutevoluant dans la sphegravere eacuteconomique que ces derniegraveres exercent agrave titre preacutepondeacuterant des activiteacutes non lucratives ce qui suppose drsquoecirctre reconnues par lrsquoAdministration fiscale comme eacutetant drsquoutiliteacute sociale

Il existe bien par conseacutequent des interactions entre les diffeacuterents modes de reconnaissance et lrsquoapproche fiscale de la notion drsquoutiliteacute sociale Bien plus en insistant sur lrsquoimportance deacutecroissante des critegraveres retenus par la regravegle des 4 laquo P raquo lrsquoAdministration fiscale amplifie le rocircle joueacute par les deux premiers critegraveres (laquo Produit raquo et laquo Public raquo) et par conseacutequent lrsquoinfluence de cette notion au sein des modes de reconnaissance de la vie associative Autre eacuteleacutement important agrave ce stade de la reacuteflexion le rocircle non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat ou les autres administrations dans la laquo reconnaissance raquo drsquoutiliteacute sociale des associations en effet lrsquoinstruction fiscale47 preacutecise explicitement que ce type drsquoagreacutement laquo nrsquoest qursquoun eacuteleacutement parmi drsquoautres de lrsquoappreacuteciation de son utiliteacute sociale raquo Neacuteanmoins lrsquoinstruction preacutecise que laquo srsquoils prennent en compte la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y ait fait face ces agreacutements peuvent contribuer agrave lrsquoappreacuteciation de lrsquoutiliteacute sociale raquo Mais dans tous les cas lrsquoAdministration fiscale considegravere qursquolaquo ils ne sont ni neacutecessaires ni suffisants pour eacutetablir le caractegravere drsquoutiliteacute sociale de lrsquoassociation raquo Synthegravese de la RUS ‐ La notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale ouvre la capaciteacute des associations agrave intervenir dans la sphegravere eacuteconomique tout en preacuteservant leur statut drsquoorganismes sans but lucratif non soumis aux impocircts commerciaux ‐ In fine cette notion constitue un preacutealable indispensable agrave la mise en œuvre de la RIG (absence drsquoactiviteacute lucrative) et exerce une influence non neacutegligeable dans le mode de deacutelivrance de la RUP (reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et neacutecessiteacute de disposer de ressources suffisantes hors financement public) ‐ En lrsquoeacutetat actuel la reconnaissance (fiscale) drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre assimileacutee agrave une proceacutedure de reconnaissance institutionnelle de type RUP

47 Instr fisc 4 H-5-06 preacuteciteacutee ndeg63

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ou RIG instaureacutee par le leacutegislateur neacuteanmoins elle donne lieu agrave une appreacuteciation souveraine de lrsquoadministration fiscale dans le cadre de la proceacutedure de rescrit fiscal applicable depuis lrsquoinstruction fiscale preacuteciteacutee du 15 septembre 1998 En effet la reacuteponse du correspondant associations au questionnaire visant agrave deacuteterminer le reacutegime fiscal applicable au regard des impocircts vaut prise de position formelle de lrsquoadministration au sens de lrsquoarticle L 80 B du Livre des proceacutedures fiscales (opposabiliteacute) ‐ Telle que preacutevue par lrsquoinstruction fiscale du 18 deacutecembre 2006 preacuteciteacutee la notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale donne encore lieu agrave une appreacuteciation discreacutetionnaire et unilateacuterale de lrsquoadministration fiscale (sous reacuteserve du controcircle juridictionnel administratif)

bull Concernant lrsquoappreacuteciation discreacutetionnaire elle ressort drsquoune part de la dimension reacuteductrice des critegraveres retenus par lrsquoadministration fiscale48 et drsquoautre part de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation49 objective crsquoest-agrave-dire reposant sur lrsquoexistence de reacutefeacuterentiels qualitatifs et quantitatifs admis et partageacutes par tous50

bull Concernant lrsquoappreacuteciation unilateacuterale elle est induite par le caractegravere non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat (Ministegravere de tutelle) ou toute autre Administration y compris lorsque ces proceacutedures drsquoagreacutement preacutevoient des critegraveres permettant la prise en compte de la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y est fait face51 Or comme le soulignait deacutejagrave en 1993 MT

48 Lrsquoanalyse de la deacutecision rendue par lrsquoarrecirct Jeune France du 1er octobre 1999 (CE 1101999 ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354) permet eacutegalement de souligner la dimension neacutegative donneacutee agrave ces critegraveres dans la mesure ougrave ils servent agrave appreacutecier la speacutecificiteacute des associations et autres organismes sans but lucratif essentiellement au regard de regravegles de la concurrence 49 F Rousseau Lrsquoeacutevaluation laquo regravegle du jeu raquo entre associations et pouvoirs publics Juris Associations 1er avril 2008 ndeg376 p 16 et 17 lrsquoauteur souligne qursquoil convient de retenir laquo la diffeacuterence essentielle entre drsquoune part lrsquoeacutevaluation des activiteacutes associatives selon une logique drsquoeacutevaluation des politiques et drsquoautre part la deacutemarche de coconstruction drsquoune meacutethodologie drsquoeacutevaluation qui associe[rait[ les acteurs locaux (eacutelus techniciens militants associatifs chercheurs etc raquo 50 A souligner les nombreux travaux sur ces questions (liste non exhaustive) laquo Economie sociale et solidaire en reacutegion raquo (programme de recherche coordonneacute par la DIES et la Mire entre 2001 et 2003) P VIVERET Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 J GADREY 2003 Lrsquoutiliteacute sociale et organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE version provisoire 133 pages Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREE du 11 janvier 2005 La reconfiguration de lrsquoaction publique entre lrsquoEtat associations et participation citoyenne X ENGELS (Dir) M HELY A PERRIN H TROUVE De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne LrsquoHarmattan 2006 Guide meacutethodologique Fonda Rhocircne-Alpes (reacutealiseacute avec le concours de la Reacutegion Rhocircne-Alpes) Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective 2006 H TROUVE Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale de son activiteacute 124 pages wwwaviseorg Seacuteminaire Avise Evaluer lrsquoutiliteacute sociale deacutemarche meacutethodologie expeacuteriences Paris 6 deacutecembre 2007 51 Ibidum

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Cheroutre52 lors de sa preacutesentation du rapport du Conseil Economique et social laquo lrsquooctroi drsquoun agreacutement ou drsquoune habilitation est la marque de reconnaissance par les pouvoirs publics de la fonction remplie par lrsquoassociation ce qui implique des controcircles et drsquoeacuteventuels retraits si le contrat nrsquoest pas rempli raquo53

‐ Dans ces conditions et compte tenu des arguments qui preacutecegravedent il y a lieu de srsquointerroger sur la neacutecessiteacute drsquoune simplification des proceacutedures de reconnaissance de la vie associative (II) De faccedilon plus cruciale encore des questions se posent quant agrave la capaciteacute des acteurs agrave laquo coconstruire raquo leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation dans le cadre drsquoune deacutemarche partageacutee A ce propos nous assistons drsquoailleurs agrave un deacuteplacement du deacutebat national vers un cadre de reacuteflexion engageacute par les instances communautaires en matiegravere de transposition de la directive laquo services raquo et de deacutefinition de service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) II ndash VERS UNE SIMPLIFICATION DES MODES DE RECONNAISSANCE

A - La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) une utiliteacute

Dans une eacutetude adopteacutee le 25 octobre 2000 par la section du rapport et des eacutetudes du Conseil drsquoEtat54 il est rappeleacute qursquo laquo il nrsquoest pas aujourdrsquohui drsquoavantage patrimonial ou fiscal qui soit reacuteserveacute aux seules associations reconnues drsquoutiliteacute publique Il nrsquoy aurait donc pas drsquointeacuterecirct pour une association agrave ecirctre reconnue raquo En effet la plupart des associations simplement deacuteclareacutees perccediloivent des dons manuels55 ou encore sont en capaciteacute de beacuteneacuteficier de ce type de ressources sans aucune limitation soit directement sous la forme de meacuteceacutenat56 (dons uniquement) soit indirectement par la creacuteation drsquoun fonds de dotation57 ou en srsquoaffiliant agrave une union ou un organisme drsquoutiliteacute publique (dons et legs)58 52 Ibidum 53 La loi de finances rectificative pour 2008 (Loi ndeg2008-1443 du 30 deacutecembre 2008) a pris plusieurs mesures en vue de renforcer la seacutecuriteacute juridique des contribuables Lrsquoarticle 50 de la loi de finances rectificative pour 2008 creacuteeacute ainsi un recours devant lrsquoadministration pour les deacutecisions formelles prises en vertu des articles L80 B 1deg agrave 6deg et 8deg et L80 C du Livre des proceacutedures fiscales (LPF) applicable aux demandes deacuteposeacutees agrave partir du 1er juillet 2009 54 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique La documentation franccedilaise 2000 p15 55 Cass com 5 octobre 2004 ndeg03-15709 Bull civ IV ndeg178 56 Loi Aillagon du 1er aoucirct 2003 57 C Amblard Fonds de dotation encore du nouveau sur le front du meacuteceacutenat preacutec 58 Loi 1er juillet 1901 art 6 al1

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Degraves lors crsquoest tout naturellement et sans ambiguiumlteacute que le Conseil drsquoEtat srsquoest poseacute la question suivante laquo faut-il supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo (pour une meilleure lisibiliteacute de lrsquoaction associative et une simplification des proceacutedures de reconnaissance) Une telle proposition nrsquoa toutefois pas eacuteteacute retenue par lrsquoeacutetude des statistiques du Ministegravere de lrsquoInteacuterieur laquo il semble qursquoen deacutepit de la faiblesse des avantages qursquoelles peuvent en retirer et des contraintes que cela engendre pour elles des associations continuent chaque anneacutee de solliciter la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo Quelles peuvent-elles ecirctre les motivations des associations qui souhaiteraient beacuteneacuteficier de cette forme de reconnaissance Dans son rapport public de 200059 le Conseil drsquoEtat souligne avant tout laquo la force symboliques que srsquoaccordent agrave y voir les repreacutesentants du monde associatif raquo En effet il ressort que ceux-ci sont avant tout laquo agrave la recherche drsquoun label raquo60 La RUP laquo fait en quelque sorte agrave leurs yeux figure de label officiel qui consacre la leacutegitimiteacute de lrsquoassociation qui en beacuteneacuteficie et qui sanctionne la qualiteacute des actions qursquoelle megravene raquo Ainsi laquo [il] est un signe pour leurs partenaires et une garantie pour eux raquo Cependant le Conseil drsquoEtat croit bon attirer notre attention sur le fait que laquo cette force symbolique de la RUP nrsquoest toutefois pas deacutenueacutee drsquoeffets pratiques puisqursquoil apparaicirct que de 1991 agrave 1996 les associations et les fondations drsquoutiliteacute publique ont reccedilu 84 des dons deacuteclareacutes par les contribuables Pour les associations qui font appel agrave la geacuteneacuterositeacute publique la RUP vaut garantie que les sommes collecteacutees ne feront pas en principe lrsquoobjet drsquoune utilisation abusive ou frauduleuse raquo Cette garantie existe-t-elle vraiment srsquoagissant des associations RUP Preacuteciseacutement pour le Conseil drsquoEtat laquo cela peut paraicirctre paradoxal de rechercher le controcircle de lrsquoEtat pour pouvoir ensuite souligner qursquoelles srsquoy sont soumises et offrent donc toutes les garanties de bon fonctionnement raquo drsquoautant plus que pour lui laquo le controcircle de lrsquoEtat (hellip) est insuffisant raquo Crsquoest ainsi que dans son dernier rapport sur les associations RUP datant de 200061 ce dernier preacuteconisait dans ses conclusions laquo drsquointroduire dans la loi du 1er juillet 1901 (ou agrave lrsquoarticle L612-4 du Code de commerce) lrsquoobligation pour toute association reconnue drsquoutiliteacute publique drsquoavoir recours agrave un commissaire aux comptes dans les conditions preacutevues aux articles L 225-218 et suivants du Code de commerce raquo

59 Conseil drsquoEtat Les associations et la loi de 1901 cent ans apregraves Rapport public 2000 La documentation franccedilaise Etudes et Documents ndeg51 p307 60 Conseil drsquoEtat Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec 61 Ibidum

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Or agrave ce jour force est de constater qursquoaucune reacuteforme nrsquoest intervenue en ce sens En effet il nrsquoexiste ni dans la loi du 1er juillet 1901 ni dans les statuts-types des associations RUP ni mecircme dans aucun dispositif leacutegislatif speacutecifique ndash en dehors du dispositif applicable en matiegravere drsquoappel agrave la geacuteneacuterositeacute publique62 - drsquoobligation imposant la preacutesence drsquoun commissaire aux comptes au sein des associations RUP Aussi et toujours pour le Conseil drsquoEtat laquo srsquoil nrsquoy a donc pas de motif deacuteterminant de supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique il convient de reacutefleacutechir aux ameacuteliorations pouvant ecirctre apporteacutees agrave son reacutegime drsquoutiliteacute publique et aux reacutegimes voisins raquo En tout eacutetat de cause la pertinence du maintien de la RUP se pose si lrsquoon en juge les reacutesultats de deux rapports ministeacuteriels reacutecents sur cette question en effet pour le rapport Morange63 laquo les avantages mateacuteriels de la RUP sont deacutesormais drsquoune porteacutee quasi theacuteorique raquo Quant agrave lrsquoavantage moral de la RUP pour le deacuteputeacute P Morange il demeure laquo important mais il ne justifie pas la lourdeur de la proceacutedure raquo Le rapport Langlais64 parle lui de laquo proceacutedure eacutelitiste raquo qui laquo nrsquoa pas su srsquoadapter aux eacutevolutions de la socieacuteteacute raquo Pourquoi degraves lors vouloir absolument maintenir un systegraveme de reconnaissance qui agrave notre avis pose deux probleacutematiques majeures

‐ La premiegravere probleacutematique porte sur la capaciteacute patrimoniale des associations qui preacuteciseacutement ne beacuteneacuteficient pas de cette forme de reconnaissance en effet est-il toujours leacutegitime que pregraves drsquoun million de structures associatives disposent par contrecoup drsquoune capaciteacute juridique reacuteduite Deacutejagrave en 1993 agrave propos de la capaciteacute patrimoniale des associations simplement deacuteclareacutees le Conseil Economique et social65 soulignait que laquo le contexte drsquoaujourdrsquohui eacutelargissant les missions de nombreuses associations met davantage lrsquoaccent sur les enjeux eacuteconomiques et sociaux qui leur demandent de mobiliser agrave la fois des moyens eacuteconomiques financiers et humains On peut donc agrave juste titre se demander si les carcans drsquoune autre eacutepoque ne pourraient ecirctre leveacutes raquo Les choses ont peu eacutevolueacute depuis au deacutetriment drsquoun secteur associatif dont lrsquoessentiel de ses forces vives consacre une bonne partie de leur temps et de leur eacutenergie agrave rechercher des

62 Loi ndeg91-772 du 7 aoucirct 1991 art 3 et encore il convient de noter que lrsquointervention du commissaire aux comptes ne srsquoimpose que pour les associations ayant nommeacute un commissaire aux comptes pour drsquoautres motifs Anteacuterieurement le compte emploi des ressources (CER) constituait un document autonome agrave deacuteposer au siegravege de lrsquoassociation et agrave tenir agrave disposition des adheacuterents En cas de controcircle par un commissaire aux comptes ce dernier eacutetait tenu drsquoeacutetablir une attestation Depuis le 1er janvier 2006 le CER est devenu un eacuteleacutement annexe aux comptes Lrsquoattestation du commissaire aux comptes nrsquoa donc plus lieu drsquoecirctre (cf Meacutemento pratique F Lefebvre Associations 2008-2009 ndeg71400 p976) 63 P Morange Rapport drsquoinformation sur la gouvernance et le financement des structures associatives ndeg134 assembleacutee nationale 1er octobre 2008 p41 et 42 64 JL Langlais Pour un partenariat renouveleacute entre lrsquoEtat et les associations rapport ministeacuteriel juin 2008 p 26 65 Ibidum p 82

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financements Sur ce point il convient de noter les propositions drsquoeacutevolutions importantes figurant dans le rapport Morange lequel suggegravere aux associations simplement deacuteclareacutees de beacuteneacuteficier de la capaciteacute juridique de recevoir des dons ‐ La seconde probleacutematique renvoit directement aux besoins exprimeacutes en matiegravere de simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif en effet le rapport Langlais66 souligne agrave juste titre que laquo la principale source de complexiteacute tient agrave lrsquoeacuteclatement des modes de reconnaissance du fait associatif par la puissance publique La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) existe toujours elle nrsquoa pas varieacute depuis un siegravecle (hellip) elle est de plus en plus concurrenceacutee par drsquoautres formes de reconnaissance et certains nrsquoheacutesitent pas agrave la consideacuterer comme deacutemodeacutee voire obsolegravete La reconnaissance drsquoutiliteacute publique est accordeacutee sans limitation de dureacutee et il existe probablement comme pour les associations deacuteclareacutees mais en beaucoup plus faible proportion des ARUP qui figurent toujours dans les chiffres officiels bien qursquoelles nrsquoaient plus drsquoexistence reacuteelle raquo De son cocircteacute le deacuteputeacute P Morange propose de deacutelivrer la RUP pour une dureacutee deacutesormais limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans

Il convient par conseacutequent drsquoenvisager une simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif drsquoautant plus que sont apparus agrave cocircteacute de la RUP de nombreuses autres formes de reconnaissance plus ou moins officielle tels que les agreacutements ou les labels priveacutes (Comiteacute de la Charte voire mecircme la proposition de labellisation AFNOR) Nous verrons infra que ce processus de simplification doit ecirctre lrsquooccasion drsquoun dialogue renouveleacute entre les acteurs du monde associatif et les pouvoirs publics en vue de la mise en œuvre drsquoune deacutemarche partageacutee

66 Ibidum

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B - LA SIMPLIFICATION DES PROCESSUS DE RECONNAISSANCE VERS UNE RECONNAISSANCE UNIQUE DrsquoUTILITE SOCIALE

1 ndash Les propositions reacutecemment formuleacutees par les rapports Langlais et Morange de 2008

Sur ce point les deux rapports srsquoaccordent pour distinguer trois types drsquoassociations

11 - Les associations deacuteclareacutees

Pour JL Langlais il srsquoagirait de reconnaicirctre la capaciteacute creacuteatrice de ces associations locales par lrsquooctroi de subventions symboliques et uniquement deacutelivreacutees par les collectiviteacutes territoriales correspondant agrave leur aire drsquoinfluence P Morange propose quant agrave lui drsquoouvrir la capaciteacute juridique de ces laquo petites raquo associations en leur permettant de percevoir des dons (autres que manuels) et de les soumettre aux controcircles drsquoun commissaire aux comptes et aux controcircles meneacutes par les services deacuteconcentreacutes degraves lors qursquoelles beacuteneacuteficieraient de subventions publiques

12 - Les associations reconnues drsquoutiliteacute sociale ou

drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

Pour JL Langlais ces associations pourraient beacuteneacuteficier drsquoune reconnaissance drsquointeacuterecirct laquo social ou geacuteneacuteral raquo

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce sont en gros les 4 conditions

requises pour lrsquoobtention de lrsquoagreacutement fiscal (cf supra) Drsquoailleurs il est proposeacute que cet agreacutement soit deacutecerneacute par lrsquoAdministration fiscale Une condition suppleacutementaire pourrait ecirctre poseacutee relative au beacuteneacutevolat sans neacutecessairement fixer de seuil a priori on devrait exiger que le beacuteneacutevolat soit nettement preacutepondeacuterant dans le fonctionnement de lrsquoassociation

Avantages consentis possibiliteacute de recevoir des subventions y

compris des subventions de fonctionnement capaciteacute agrave recevoir des dons (nrsquoexceacutedant pas un certain montant) agrave faire beacuteneacuteficier aux donateurs de lrsquoexoneacuteration fiscale au taux de droit commun

Obligations ecirctre agrave jour de leurs obligations deacuteclaratives

obligation de justifier lrsquoemploi des fonds reccedilus de deacuteposer leurs comptes en Preacutefecture de se soumettre aux controcircles aleacuteatoires ou programmeacutes de la puissance publique certification obligatoire des comptes au-delagrave de 153 000 euro de financement annuel

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Pour P Morange laquo cette cateacutegorie recouvre les associations subventionneacutees ou qui beacuteneacuteficient drsquoavantages fiscaux et oeuvrent au service de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo Selon lui laquo il serait envisageable comme en Grande Bretagne drsquoeacutetablir des listes de secteurs dans lesquels ces associations interviennent et de les soumettre agrave un certain nombre drsquoobligations en srsquoinspirant par exemple de la pratique fiscale (voir supra) Ainsi lrsquoassociation devrait poursuivre un but drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral ecirctre soumise agrave un controcircle financier et une eacutevaluation reacuteguliegravere au niveau deacutecentraliseacute raquo Enfin laquo lrsquoassociation devrait se doter drsquoun commissaire aux comptes raquo

13 Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique Pour JL Langlais seules les associations qui se consacrent exclusivement agrave des actions drsquoassistance ou de bienfaisance pourraient beacuteneacuteficier drsquoune RUP

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce seraient les mecircmes que pour la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral mais avec 3 nuances - toute lrsquoactiviteacute doit ecirctre tendue vers lrsquoobjet social - un degreacute plus eacuteleveacute de professionnalisation (et donc de salariat) serait acceptable - mais un moindre degreacute drsquoouverture exigeacute (une association pourrait ecirctre reconnue drsquoutiliteacute publique alors qursquoelle fonctionne au beacuteneacutefice drsquoun public fermeacute67)

Avantages les avantages seraient ceux du reacutegime actuel le

plus favorable dons et legs (reacutegime RUP) exoneacuteration au taux le plus favorable (laquo amendement Coluche raquo) subventions sur une base pluriannuelle

Obligations toutes les obligations du reacutegime preacuteceacutedant avec en plus lrsquoobligation de deacuteposer des comptes certifieacutes

JL Langlais poursuit en proposant que la reconnaissance drsquoutiliteacute publique soit laquo deacutecerneacutee pour une dureacutee limiteacutee soit par le ministegravere de lrsquointeacuterieur soit par le ministegravere en charge de la vie associative (et les preacutefets agrave lrsquoeacutechelon deacuteconcentreacute) soit encore par une agence nationale agrave creacuteer raquo Pour P Morange la RUP laquo serait deacutelivreacutee par le Conseil drsquoEtat comme crsquoest le cas actuellement et controcircleacutee par la Cour des comptes avec le concours de lrsquoIGAS et de lrsquoIGA pour une dureacutee limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans raquo A titre subsidiaire les auteurs proposent eacutegalement drsquoeacutetablir une laquo situation speacutecifique raquo pour les associations engageacutees dans la gestion drsquoune mission de service public tandis que P Morange envisage cette situation sous lrsquoangle de la seacutecurisation des rapports engageacutes par ces derniegraveres avec lrsquoadministration JL Langlais quant agrave lui considegravere dans une telle situation que laquo la forme juridique [drsquoassociation] nrsquoest alors qursquoune fiction raquo et que degraves lors laquo lrsquoEtat doit pouvoir les financer mais aussi les controcircler et les diriger comme il le

67 Lrsquoauteur propose de revenir sur la jurisprudence CE 7 feacutevr 2007 ndeg 287949 Steacute des anciens eacutelegraveves de lrsquoEacutecole Nationale Supeacuterieure drsquoArts et Meacutetiers et a

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ferait de ses propres services en attendant de trouver une structure juridique adeacutequate raquo Une mise en conformiteacute des proceacutedures drsquoagreacutement avec les nouvelles contraintes communautaires est eacutegalement envisageacutee

2 ndash Nos pistes de reacuteflexions

21 - Concernant le devenir de la proceacutedure RUP

Nous avons vu preacuteceacutedemment que cette proceacutedure deacutesormais consideacutereacutee comme eacutetant laquo obsolegravete raquo par la plupart des observateurs (voir supra) ne preacutesentait plus guegravere drsquointeacuterecirct sur un plan technique (voir supra) Degraves lors et en raison de la forte concentration de financements priveacutes (pregraves de 90 sous la forme de dons deacuteclareacutes par les contribuables ndash voir supra) sur un nombre extrecircmement limiteacute drsquoassociations et de fondations RUP de cette laquo proceacutedure eacutelitiste raquo la question de son devenir se pose de faccedilon cruciale En effet au 15 juillet 2000 le Conseil drsquoEtat deacutenombrait 1960 associations RUP laquo dont 200 nrsquoauraient selon lui aucune activiteacute sinon plus aucune existence raquo68 Force est de constater que presque 10 ans plus tard ce nombre nrsquoa quasiment pas augmenteacute puisque le dernier recensement effectueacute en deacutecembre 200869 par le Ministegravere de lrsquointeacuterieur fait eacutetat de 1966 associations RUP Lrsquourgence consiste donc bien agrave mettre un terme agrave cette situation laquo monopolistique raquo ougrave agrave tout le moins agrave instaurer des proceacutedures de controcircle agrave la fois plus preacutecises et plus contraignantes que celles existantes actuellement Sur ce point les propositions tendant agrave limiter la deacutelivrance de la RUP pour une dureacutee limiteacutee formuleacutees dans les rapports Langlais et Morange nous semblent parfaitement approprieacutees Ces propositions seront agrave rapprocher de celle proposeacutee par P Morange visant offrir agrave lrsquoensemble des associations la laquo grande capaciteacute juridique raquo particuliegraverement en matiegravere de dons

22 - Concernant la probleacutematique du rapprochement entre reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale)

Il ne srsquoagit pas de revenir sur les nombreux travaux drsquoores et deacutejagrave existants en matiegravere de rapprochement des concepts drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et drsquoutiliteacute sociale Parmi les plus importants lrsquoon peut citer ceux de J Gadrey en 200470 ceux reacutesultant de la journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF en 200571 ou encore la contribution commune de X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute publieacutee en 200672 A la lumiegravere de ces travaux il

68 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec p15 69 Site du ministegravere de lrsquointeacuterieur (publication du 08 avril 2008) httpwwwinterieurgouvfrsectionsa_la_unepublicationscultes-associations 70 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale des organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE feacutevrier 2004 71 Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Paris 11 janvier 2005 72 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Editions LrsquoHarmattan Paris 2006

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semble bien que lrsquoon assiste agrave laquo un basculement vers la notion plus large drsquoutiliteacute sociale notion qui par ailleurs entretient une filiation juridique avec le concept drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo73 Sur un plan juridique ces travaux montrent notamment qursquoil existe laquo un rapport assez eacutetroit agrave certains eacutegards entre la notion drsquoutiliteacute sociale et celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo si lrsquoon considegravere lrsquoanalyse de la jurisprudence des dix derniegraveres anneacutees74 Dans cette perspective la deacutemarche de rapprochement entre la proceacutedure RIG et RUS proposeacutee par les rapports de JL Langlais et P Morange trouverait une explication rationnelle

23 - Concernant lrsquoapproche du concept mecircme drsquoutiliteacute sociale

Comme le souligne J Gadrey75 laquo lrsquoutiliteacute sociale des organisations drsquoeacuteconomie sociale (OES) nrsquoa guegravere drsquoexistence en tant que probleacutematique geacuteneacuterale en dehors des deacutebats concernant le rocircle eacuteconomique et social actuel et futur de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Crsquoest une ideacutee qui a eacuteteacute forgeacutee pour deacutefendre lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire face agrave certaines menaces ou pour promouvoir le deacuteveloppement de regravegles favorables76 raquo Pour ce dernier en effet laquo il y a rien de naturel agrave soulever la question de lrsquoutiliteacute sociale des OES et qursquoil srsquoagit bien drsquoune convention socio-politique historiquement et geacuteographiquement contingente77 raquo Neacuteanmoins si le concept demeure aujourdrsquohui encore relativement flou paradoxalement il reccediloit dans notre droit interne une application de plus en plus freacutequente par les tribunaux78 et lrsquoAdministration fiscale79 De son cocircteacute et mecircme si pour lrsquoinstant le leacutegislateur srsquoest toujours refuseacute de srsquoorienter vers la voie drsquoune reconnaissance drsquoutiliteacute sociale80 celui-ci fait de plus reacutefeacuterence agrave ce concept81 drsquoougrave la neacutecessiteacute de privileacutegier une approche visant agrave circonscrire lrsquo laquo halo socieacutetal raquo82 des OES plutocirct que de chercher drsquoune maniegravere 73 A Euillet Lrsquoutiliteacute sociale une notion deacuteriveacutee de celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Revue de droit sanitaire et social ndeg2 avril-juin 2002 pp 2007 - 228 74 J Gadrey preacutec p 30 75 Ibidum 76 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques thegravese de droit 1998 preacutec Lrsquoauteur envisage la mise en œuvre drsquoune affirmative action en faveur des associations reconnues drsquoutiliteacute sociale 77 Si lrsquoon prend lrsquoexemple des services agrave domicile aux personnes acircgeacutees en Suegravede on peut observer que ceux-ci sont majoritairement produits par des organisations publiques locales tandis qursquoaux Etats-Unis - ougrave le laquo non profit sector raquo se construit le plus souvent comme une puissance alternative priveacutee face agrave un Etat providence laquo diaboliseacute raquo (Salamon) ils sont majoritairement financeacutes par des fonds priveacutes (beacuteneacuteficiant drsquoavantages fiscaux) 78 Voir par exemple CE 24 octobre 1979 CAA Paris 1er deacutecembre 1989 CAA Nancy 19 novembre 1992 79 Instr Fisc BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 1998 Instr Fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 (synthegravese) 80 Reacutep min du 01 juillet 1999 JO Seacutenat p 2224 81 Voir par exemple Loi ndeg2002-2 du 2 janvier 2002 relative agrave lrsquoaction sociale et meacutedico-sociale Loi ndeg 97-940 du 16 octobre 1997 relative au deacuteveloppement dactiviteacutes pour lemploi des jeunes (JO du 17 Octobre) LOI ndeg 9 8-657 du 29 juillet 1998 drsquoorientation relative agrave la lutte contre les exclusions 8282 A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport final relatif agrave la lettre de mission de Madame la Ministre de lrsquoEmploi et de la Solidariteacute 2000 pour A Lipietz il srsquoagirait de deacutefinir les contours du tiers secteur par un laquo label drsquoutiliteacute sociale et solidaire fondeacutes sur deux types de critegraveres quant aux

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improbable une deacutefinition qui serait unanimement admise par les acteurs des OES Finalement il ne srsquoagirait rien moins que de reconnaicirctre les OES afin de soutenir lrsquoeffort particulier de ces entiteacutes juridiques dont les laquo speacutecificiteacutes meacuteritoires raquo83 rejaillissent sur lrsquoensemble de la collectiviteacute Mais limiter le concept au seul beacuteneacutefice des OES serait par trop reacuteducteur et la mesure de lrsquoutiliteacute sociale doit eacutegalement ecirctre envisageacutee en tant qursquooutil de reacutegulation des politiques publiques84

24 - Concernant les difficulteacutes lieacutees agrave la mise en œuvre drsquoune proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale

Sur ce point il importe de tenir compte des critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de la proposition de mise en place drsquoun systegraveme unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale des OES (tel qursquoimagineacute par le CNVA dans son rapport datant de 1995) A cette eacutepoque le CNVA contestait laquo lrsquoambiguiumlteacute de lrsquointerpreacutetation juridique et fiscale de lrsquoutiliteacute sociale en particulier en raison de confusions constateacutees entre le critegravere de non lucrativiteacute et les vrais critegraveres drsquoutiliteacute sociale La reacuteflexion associative commence alors agrave se preacuteciser sur les critegraveres de non lucrativiteacute drsquoun cocircteacute sur les critegraveres drsquoutiliteacute sociale de lrsquoautre avec une insistance sur la neacutecessiteacute de ne pas confondre ces deux dimensions Parallegravelement le CNVA conteste lrsquoideacutee alors assez preacutesente du cocircteacute de lrsquoadministration selon laquelle un critegravere essentiel de lrsquoutiliteacute sociale serait que les besoins auxquels reacutepond lrsquoactiviteacute ne sont pas normalement (ou pas suffisamment) pris en compte par le marcheacute Cette deacutefinition purement neacutegative signifierait en effet soit que lrsquoutiliteacute sociale drsquoune association disparaicirct si le marcheacute srsquoinstalle sur un champ de besoins deacutejagrave deacutefricheacutes par les œuvres soit que lrsquoassociation devient alors automatiquement lucrative raquo85 Depuis lors un tel risque nous semble ecirctre leveacute dans la mesure ougrave le laquo reacutefeacuterentiel raquo drsquoutiliteacute sociale doit deacutesormais tenir compte de la jurisprudence du Conseil drsquoEtat en matiegravere fiscale En effet lrsquoarrecirct rendu en date du 1er octobre 199986 est venu preacuteciser qursquoun organisme sans but lucratif ne concurrence une entreprise que si les services qursquoil rend sont laquo offerts en concurrence dans la mecircme zone geacuteographique drsquoattraction avec ceux proposeacutes au mecircme public par des entreprises commerciales exerccedilant une activiteacute identique raquo Il a eacuteteacute eacutegalement preacuteciseacute depuis que laquo le critegravere du public ne doit pas srsquoentendre uniquement des situations de deacutetresse physique ou morale raquo87 buts (ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie solidaire) et quant aux modes drsquoorganisation interne (notamment lucrativiteacute limiteacutee le caractegravere deacutemocratique et multipartenariale de sa direction) ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie sociale raquo J Gadrey parle plus volontiers drsquoutiliteacute sociale externe et drsquoutiliteacute sociale interne preacutec p 37 83 F Bloch-Laineacute Identifier les associations de service social RECMA 1994 ndeg251 p 61 84 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne ibidum selon L Fraisse laquo lrsquoapparition drsquoun deacutebat sur lrsquoutiliteacute sociale peut aussi srsquointerpreacuteter comme un nouveau critegravere de politique publique agrave mecircme de preacuteciser les contours et de renforcer lrsquoinstitutionnalisation des activiteacutes et lrsquoeacuteconomie solidaire raquo voir eacutegalement N Richez-Battesti Les collectiviteacutes territoriales face agrave lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale Juris Associations ndeg376 1er avril 2008 pp 17-19 85 J Gadrey preacutec p 31 86 CE 1er octobre 1999 Association Jeune France ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354 87 Instr fisc BOI 4 H-5-06 preacutec

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Par ailleurs le CNVA soulignait le caractegravere laquo eacutevolutif voire conjoncturel raquo du concept drsquoutiliteacute sociale dans la mise en œuvre drsquoune seacuterie de dix indicateurs (voir infra) Pour lrsquoessentiel G Goulard88 consideacuterait qursquoen lrsquoeacutetat actuel ce concept eacutetait laquo encore plus subjectif que les critegraveres jurisprudentiels en vigueur raquo et qursquoune telle situation laquo risqu[ait] drsquoecirctre interpreacuteteacutee dans un sens reacuteducteur deacutefavorable aux associations dont lrsquoutiliteacute nrsquoest pas sociale mais intellectuelle culturelle spirituelle politique historique eacuteconomique etc raquo Srsquoil est vrai qursquoen 1998 de tels arguments nrsquoeacutetaient pas neacutegligeables il apparaicirct que certains drsquoentre eux apparaissaient forts contestables En effet comme le souligne J Gadrey dans son rapport de 2004 laquo la subjectiviteacute de la notion drsquoutiliteacute sociale peut fort bien ecirctre compatible avec sa consolidation comme reacutefeacuterence en droit (la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral srsquoest bien imposeacutee en deacutepit drsquoun flou aussi consideacuterable) raquo En effet il convient drsquoobserver que drsquoautres notions fondamentales agrave lrsquoinstar du droit commercial sont fondeacutees sur lrsquoarbitraire comme a deacutejagrave pu le souligner le Professeur Y Guyon laquo le droit commercial nrsquoest pas une construction fondeacutee sur la raison mais une approche fondamentalement arbitraire raquo89 Ainsi poursuit J Gadrey laquo le fait que des associations qui ne font pas partie du champ de lrsquoaction sociale (au sens strict) auraient des difficulteacutes agrave faire connaicirctre leur utiliteacute sociale nrsquoa rien drsquoineacuteluctable et deacutepend de la faccedilon dont la convention drsquoutiliteacute sociale se construit sur un mode restrictif ou au contraire extensif raquo De fait il apparaicirct que le concept drsquoutiliteacute sociale deacutepend moins de notre capaciteacute agrave deacutefinir des critegraveres distinctifs que de celle favorisant lrsquoeacutemergence drsquoune convention sociopolitique (voir infra) portant sur lrsquoutiliteacute sociale (convention drsquoutiliteacute sociale) Une telle approche preacutesenterait en outre deux avantages principaux en premier lieu celui du maintien du caractegravere eacutevolutif de ce concept en second lieu celui de la reacuteciprociteacute entretenue entre les associations et les pouvoirs publics dans la construction et lrsquoacceptation du concept mecircme

88 Rapport Goulard mars 1998 89 Y Guyon Droit des affaires Economica 5egraveme eacuted 1988 agrave rapprocher de M Despax Lrsquoentreprise et le droit Bibl Dr Priv T1 Paris 1954 p34 selon lrsquoauteur laquo le droit commercial (hellip) est neacute de la pratique Ses normes sont la conseacutecration drsquousages peu agrave peu eacutetablis et non la construction de la raison de lagrave cette difficulteacute souvent eacuteprouveacutee pour les juristes agrave les expliquer raquo

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III - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE

SOCIALE (OU SOCIETALE) UNE DEMARCHE PARTAGEE

A ndash LA PROCEDURE DE RUS PRESENTE-T-ELLE ENCORE UN INTERET

Comme le suggegravere le rapport Morange90 la proposition formuleacutee par JP Decool en mai 200591 laquo meacuterite drsquoecirctre approfondie raquo En effet pour ce dernier il convient de mettre en place une proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute socieacutetale comme substitut agrave la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral jugeacutee laquo deacutesuegravete et vague raquo laquo il serait donc opportun afin de donner une nouvelle dimension au monde associatif (hellip) de redonner au citoyen toute sa place au sein de la socieacuteteacute Lui permettre de srsquoexprimer et de manifester son deacutesir de donner ou de partager des valeurs communes Ainsi peut-on envisager le rocircle de lrsquoassociation dans la socieacuteteacute raquo A ce stade il nous semble que la meacutethode preacuteconiseacutee par le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) depuis son rapport du 4 feacutevrier 198692 demeure toujours drsquoactualiteacute93 Ce dernier preacuteconisait lrsquointroduction drsquoun systegraveme de reconnaissance a priori qui permettrait aux associations reconnues drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) de lever laquo toute incertitude durant une peacuteriode deacutefinie tant que les conditions drsquoexercice de leur activiteacute au vu desquelles elles ont obtenu lrsquoagreacutement ne seraient pas modifieacutees raquo94 Selon le projet du CNVA cette reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) devait ecirctre accordeacutee non pas par le pouvoir exeacutecutif mais par une veacuteritable juridiction ou commission paritaire composeacutee de repreacutesentants des associations des administrations concerneacutees (Ministegravere de tutelle et Administration fiscale) et preacutesideacutee par un magistrat95 Celle-ci pourrait eacutegalement comprendre un certain nombre drsquoexperts qualifieacutes et issus de la socieacuteteacute civile ainsi qursquoun repreacutesentant des collectiviteacutes locales deacutecentraliseacutees96 90 Ibidum 91 JP Decool Des associations en geacuteneacuteral vers une eacutethique socieacutetale rapport au 1er ministre mai 2005 92 Voir eacutegalement les Rapports et Avis du 12 juin 1991 et 15 juin 1995 93 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit 1998 preacutec 94 CNVA Bilan de la vie associative en 1990-1991 La documentation franccedilaise Paris 1992 Rapport et avis adopteacutes en session pleacuteniegravere du CNVA le 15 juin 1995 sur laquo lrsquoutiliteacute sociale des associations et ses conseacutequences en matiegravere eacuteconomique fiscale et financiegravere raquo 95 On peut noter la proximiteacute de cette composition avec celle de la laquo Charity Commission raquo de Grande-Bretagne composeacutee de fonctionnaires dont deux doivent ecirctre des juges dont le rocircle drsquoinformation de conseil de controcircle srsquoexerce aupregraves des laquo Charities raquo auxquelles la Commission donne le label qui ouvre droit agrave des faciliteacutes fiscales et financiegraveres 96 Voir la composition du comiteacute strateacutegique des fonds de dotation creacuteeacute le 19 novembre 2008 preacutesideacute par JJ Hyest Preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat

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Les deacutecisions de cette instance pourraient faire lrsquoobjet drsquoun recours devant les juridictions compeacutetentes (ce qui aurait eu pour effet de laquo judiciariser raquo le concept drsquoutiliteacute sociale) La reconnaissance serait attribueacutee pour une dureacutee de cinq anneacutees agrave lrsquoissue drsquoun rapport drsquoaudit baseacute sur des critegraveres drsquoeacutevaluation (pour ce qui concerne lrsquoutiliteacute sociale externe) Les critegraveres drsquoeacutevaluation pourraient faire lrsquoobjet drsquoune deacutemarche partageacutee (voir infra) et contractualiseacutee avec les diffeacuterents acteurs agrave partir de critegraveres quantitatifs et qualitatifs neacutegocieacutes En effet le CNVA nrsquoa pas souhaiteacute mettre en place un systegraveme unique et isoleacute de reconnaissance drsquoune cateacutegorie particuliegravere drsquoassociations qui serait reconnue drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) agrave lrsquoinstar de ce qui a par exemple eacuteteacute conccedilu pour la reconnaissance drsquoutiliteacute publique Il preacuteconise plutocirct laquo le recours agrave de multiples dispositifs susceptibles drsquoaccorder aux associations (en tant qursquoopeacuterateurs) ou agrave leurs activiteacutes (en tant qursquoopeacuteration97) la reconnaissance et le soutien en fonction et dans le respect de la diversiteacute des speacutecificiteacutes associatives raquo Lrsquoensemble de ces speacutecificiteacutes doit pouvoir ecirctre appreacutehendeacute agrave travers un certain nombre drsquoindicateurs avec la mise en place de la technique du faisceau drsquoindices Les critegraveres deacutegageacutes98 formeraient ainsi une liste (non exhaustive) qui permettant de mieux cerner les contours de lrsquoutiliteacute sociale

- La primauteacute du projet finaliteacute de lrsquoaction associative99

- Le fonctionnement deacutemocratique - Lrsquoapport social de lrsquoassociation100 - La non-lucrativiteacute qui par essence marque la

diffeacuterence par rapport au secteur commercial - La gestion deacutesinteacuteresseacutee101 ce qui nrsquoexclut ni la

rigueur ni la transparence financiegravere - La capaciteacute agrave mobiliser la geacuteneacuterositeacute humaine

(beacuteneacutevolat) ou financiegravere (dons) - Le mixage des publics et lrsquoouverture

qui a pour mission de suivre lrsquoeacutevolution des fonds de dotation 1 repreacutesentant du MINEFI 3 magistrats 7 personnaliteacutes qualifieacutees A ce titre il pourra eacutelaborer des recommandations de bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion et faire toutes les propositions qui lui sembleront neacutecessaires pour favoriser le deacuteveloppement des fonds de dotation (Sources MINEFI 14 janvier 2009) 97 Cette solution preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre neutre sur le plan concurrentiel et vis-agrave-vis des autres opeacuterateurs eacuteconomiques 98 Le CNVA preacutecise dans son rapport du 15 juin 1995 preacutec que ces critegraveres sont laquo non exclusifs non cumulatifs et non exhaustifs les uns par rapport aux autres raquo 99 La FONDA dans un seacuteminaire en date du 17 octobre 1992 suggeacuterait et explicitait ces trois premiers critegraveres agrave partir desquels elle se fondait pour identifier les associations drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral 100 Ce critegravere ainsi que les critegraveres 6 7 et 8 relegravevent de la notion drsquoutiliteacute sociale externe qui selon nous devrait faire lrsquoobjet drsquoune contractualisation pluri annuelle dans le cadre drsquoune deacutemarche de construction et drsquoeacutevaluation partageacutee (voir infra) 101 Sur cette notion voir Instr fisc (Synthegravese) BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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- Les secteurs drsquointervention pas ou mal couverts par les autres agents eacuteconomiques ou par les collectiviteacutes publiques

- Lrsquoexistence de financements publics ou parapublics

- Lrsquoexistence drsquoun agreacutement ministeacuteriel (Ministegravere de rattachement) ou drsquoune habilitation102

La reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) pourrait ecirctre attribueacutee aux associations laquo dont les statuts le mode de fonctionnement et les modaliteacutes drsquoexercice de leur activiteacute caracteacuterisent suffisamment leur utiliteacute sociale aux yeux de cette juridiction Elle pourrait agrave lrsquoinverse ecirctre retireacutee par cette mecircme juridiction ou commission paritaire degraves lors que les conditions ayant preacutesideacute agrave son attribution ne seraient plus reacuteunies Lrsquoabsence de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre invoqueacutee pour creacuteer une preacutesomption de lucrativiteacute pour lrsquoassociation qui nrsquoen beacuteneacuteficierait pas raquo Agrave ce jour nombreux sont les acteurs srsquoeacutetant prononceacutes en faveur de lrsquoeacutelaboration drsquoune reconnaissance unique drsquoutiliteacute sociale (RUS) Nous avons vu preacuteceacutedemment que les derniers rapports ministeacuteriels et parlementaires se montrent favorables agrave la mise en œuvre drsquoune telle proceacutedure Pour MT Cheacuteroutre103 laquo lrsquoattribution drsquoune reconnaissance par les pouvoirs publics aux organismes susceptibles drsquoecirctre exoneacutereacutes apparaicirct eacuteminemment souhaitable Cette reconnaissance accordeacutee pour une dureacutee deacutetermineacutee apporterait agrave ces derniers une garantie drsquoexoneacuteration du moins aussi longtemps qursquoil ne serait pas prouveacute par lrsquoadministration qursquoils ne respectent plus les conditions pour lesquelles ils ont obtenu ladite reconnaissance raquo De son cocircteacute la FONDA104 a eacutegalement exprimeacute son souhait drsquoassurer laquo une meilleure seacutecuriteacute financiegravere aux associations relevant de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et srsquoest montreacutee laquo favorable agrave la creacuteation drsquoune RUS attribueacutee par une commission tripartite (Etat Magistrats Associations) raquo Agrave notre connaissance deux projets de loi105 ont eacuteteacute deacuteposeacutes en ce sens pour ecirctre rapidement abandonneacutes par la suite faute de reacuteelle volonteacute politique En effet comme le souligne le CNVA agrave propos de la mise en œuvre de la RUS

102 Notamment lorsque lrsquoobjet de lrsquoassociation consiste agrave reacutealiser des activiteacutes reacuteglementeacutees 103 MT Cheacuteroute Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 rapport au nom du conseil eacuteconomique et social ndeg4 JO du 1er avril 1993 104 La FONDA Pour une eacutethique des rapports entre pouvoirs publics et citoyens seacuteminaire Paris 17 octobre 1992 105 Projet de loi A Henry RTD com 192 447 en janvier 2002 ce projet avait lanceacute une vaste consultation autour du concept drsquoutiliteacute sociale dans le but de deacutelimiter les associations auxquelles seraient accordeacutees le label Proposition de loi ndeg2779 AN 1996 art 2 laquo Les associations peuvent ecirctre reconnues drsquoutiliteacute sociale agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode probatoire de fonctionnement drsquoune dureacutee au moins eacutegale agrave trois ans lorsqursquoelles satisfont cumulativement aux conditions suivantes avoir un objet social de caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique humanitaire sportif familial culturel ou drsquoaction sociale ou de mise en œuvre du patrimoine artistique ou de deacutefense de lrsquoenvironnement ou de diffusion de la culture ou de la langue franccedilaise Exercer conformeacutement agrave cet objet des activiteacutes ouvertes agrave des personnes qui lui sont exteacuterieures raquo

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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Srsquoagissant de cette derniegravere condition lrsquoAdministration fiscale a tendance a adopter une position eacuteminemment restrictive au point que des associations drsquoanciens combattants29 voire mecircme drsquoanciens eacutelegraveves30 ou encore des associations de deacutefense des contribuables31 ou ayant pour objet la sauvegarde des retraites32 se sont vues refuser la RIG Par ailleurs sont reconnues comme eacutetant drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral les associations et fondations reconnues drsquoutiliteacute publique et qui exercent une activiteacute deacutecrite agrave lrsquoarticle 200 du CGI mais eacutegalement des organismes limitativement eacutenumeacutereacutes par la loi ou certaines dispositions du code geacuteneacuteral des impocircts tels que les eacutetablissements drsquoenseignement supeacuterieur33 les organismes ayant pour objet le financement des PME34 les associations cultuelles ou de bienfaisance35 ou encore les organismes ayant pour objet lrsquoorganisation de spectacles ou drsquoexposition drsquoart contemporain36hellip En ce qui concerne la proceacutedure agrave suivre il faut savoir que le beacuteneacutefice droit de du reacutegime fiscal de faveur lieacute au meacuteceacutenat (Loi laquo Aillagon raquo du 1er aoucirct 2003) nrsquoest pas lieacute agrave un agreacutement preacutealable de lrsquoAdministration fiscale En drsquoautres termes toute association peut deacutelivrer des reccedilus fiscaux37 aux donateurs le controcircle des services fiscaux eacutetant susceptible drsquointervenir a posteriori Neacuteanmoins il est possible drsquointerroger lrsquoAdministration fiscale a priori pour seacutecuriser lrsquoopeacuteration (proceacutedure de rescrit) lrsquoabsence de reacuteponse de la part de cette derniegravere agrave lrsquoissue drsquoun deacutelai de six mois valant reacuteponse positive pour la situation deacutecrite38 3 - Principaux avantages de la RIG Ils sont drsquoordres juridiques et fiscaux

‐ Sur le plan juridique

bull Le reacutegime du meacuteceacutenat permet aux associations non reconnues drsquoutiliteacute publique drsquoaccroicirctre leur capaciteacute juridique et ainsi de beacuteneacuteficier de dons autres que les dons manuels

‐ Sur le plan fiscal

bull Pour lrsquoassociation ou lrsquoorganisme sans but lucratif beacuteneacuteficiaire

29 Reacutep Reitzer AN 27 juillet 2004 p 5810 ndeg38660 30 CE 7 feacutevrier 2007 ndeg287949 RJF 407 ndeg386 31 Reacutep Blum AN 30 novembre 2004 p 9432 ndeg2499 32 Reacutep Deprez AN 20 juin 2006 p 6564 ndeg90872 33 Loi 2007-1199 du 10 aoucirct 2007 art 38 34 CGI art 238 bis-4 35 CGI art 200 1-e D adm 5 B-3311 ndeg54 36 Reacutep min culture et communication Girard AN 10 feacutevrier 2004 p 1025 ndeg30957 instruction fiscale du 9 deacutecembre 2008 5 B-19-08 37 Arrecircteacute du 28 juin 2008 JORF ndeg0150 du 28 juin 2008 page 10396 38 Instr fisc BOI 13 L-5-04 du 19 octobre 2004

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‐ Les ressources tireacutees du meacuteceacutenat nrsquoentrent pas dans le champ drsquoapplication de la TVA de lrsquoimpocirct sur les socieacuteteacutes ou de la taxe professionnelle

‐ Les dons sont en outre exoneacutereacutes de droit

drsquoenregistrement39 au mecircme titre que les associations et fondations RUP (voir supra)

bull Pour les meacutecegravenes (particuliers ou entreprises)

‐ Particuliers reacuteduction drsquoimpocircts sur le revenu eacutequivalente agrave 66 de la valeur du don dans la limite de 20 du revenu annuel (amendement laquo Coluche raquo 75 dans la limite forfaitaire de 495 euro pour les associations drsquoaide aux personnes en difficulteacute en 200840)

‐ Entreprises reacuteduction drsquoimpocircts sur les socieacuteteacutes

eacutequivalente agrave 60 de la valeur du don dans la limite de 05 du CA de lrsquoentreprise (outre contreparties institutionnelles telles que le droit pour lrsquoentreprise de beacuteneacuteficier de la qualiteacute de membre de lrsquoassociation ou drsquoimage41 dans la limite de 25 de la valeur du don42)

Synthegravese de la RIG ‐ Compte tenu du caractegravere relativement flou de la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (lrsquoarticle 200 du CGI se contentant drsquoeacutenumeacuterer des secteurs drsquoactiviteacutes) lrsquoAdministration fiscale dispose finalement drsquoun large pouvoir drsquoappreacuteciation en matiegravere de deacutefinition des contours de la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral sous reacuteserve de la doctrine du Conseil drsquoEtat ‐ La proceacutedure de RIG ouvre la capaciteacute juridique des associations simplement deacuteclareacutees (dons sous forme de meacuteceacutenat) sans que ces derniegraveres ne puissent toutefois preacutetendre agrave la laquo grande capaciteacute juridique raquo dont beacuteneacuteficient les associations RUP (legs deacutetention de biens immobiliers) ‐ Le beacuteneacutefice des avantages fiscaux offerts par la RIG deacutependent de la non lucrativiteacute des activiteacutes de lrsquoassociation ce qui suppose ou que lrsquoassociation nrsquoexerce aucune activiteacute lucrative (cas des associations dont les ressources se composent uniquement de cotisations ou de subventions par exemple) ou que lrsquoassociation exerce des activiteacutes eacuteconomiques reconnues comme eacutetant drsquoutiliteacute sociale par lrsquoAdministration fiscale (voir infra les critegraveres fiscaux de la laquo reconnaissance drsquoutiliteacute sociale raquo)

39 CGI art 757 al 3 40 Loi 2007-1822 du 24 deacutecembre 2007 art 2 I 41 CGI art 238 bis 1 a 42 Instr fisc 4 C-2-00 ndeg5 agrave 7

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C ndash LA RECONNAISSANCE (FISCALE) DrsquoUTILITE SOCIALE Il nrsquoexiste pas de proceacutedure de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (RUS) agrave proprement parler crsquoest-agrave-dire ouvrant droit pour les associations agrave des avantages particuliers agrave llsquoinstar de la RUP ou de la RIG Tout au plus cette notion juridique rencontre deux modes drsquoapplication concregravete dans notre droit interne (1) que nous allons preacutesenter en guise drsquoillustration Nous verrons ainsi comment la meacutethodologie retenue par lrsquoAdministration fiscale agit comme une forme de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale preacutealable indispensable au maintien du caractegravere non lucratif de lrsquoassociation (2) 1 ndash Utiliteacute sociale deux exemples drsquoapplication concregravete Le premier exemple drsquoapplication concerne les socieacuteteacutes coopeacuteratives drsquointeacuterecircts collectifs (SCIC) instaureacutees par lrsquoarticle 36 de la loi 2001-624 du 17 juillet 2001 et lrsquoarticle 19 de la loi 47-1775 du 10 septembre 1947 Cet exemple peut apparaicirctre a priori eacuteloigneacute de notre preacutesentation sauf qursquoen autorisant la transformation des associations en SCIC nous verrons que ce dispositif leacutegislatif contribue agrave eacutelargir la capaciteacute juridique de ces derniegraveres tout en opeacuterant un rapprochement avec la notion drsquoutiliteacute sociale (11) Le second exemple drsquoapplication concregravete concerne la meacutethodologie retenue par lrsquoAdministration fiscale ndash encore elle ndash depuis lrsquoinstruction fiscale BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 199843 pour accorder aux associations (fiscalement) laquo reconnues drsquoutiliteacute sociale raquo la capaciteacute drsquoexercer des activiteacutes eacuteconomiques non assujetties aux impocircts commerciaux (12) 11 - Une premiegravere utilisation concregravete de la notion drsquoutiliteacute sociale le statut de SCIC Les Socieacuteteacutes Coopeacuteratives drsquoInteacuterecirct Collectifs (SCIC) socieacuteteacutes coopeacuteratives sous la forme de SA ou de SARL (hellip) ont pour objectif laquo la production ou la fourniture de biens et de services drsquointeacuterecirct collectif qui preacutesentent un caractegravere drsquoutiliteacute sociale raquo La proceacutedure drsquohabilitation relegraveve de la compeacutetence preacutefectorale Ce nouveau statut juridique a eacuteteacute creacuteeacute pour reacutepondre aux attentes des acteurs de lrsquoEconomie sociale et solidaire crsquoest-agrave-dire de disposer drsquoun cadre drsquoentreprise adapteacute au deacuteveloppement entrepreneurial tout en prenant en compte la dimension eacutethique des activiteacutes qui relegravevent de cette Economie

43 Reprise par lrsquoinstruction fiscale de synthegravese BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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Pour le Secreacutetaire drsquoEtat agrave lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire laquo la SCIC doit ecirctre comprise comme le chaicircnon manquant entre lrsquoassociation et la coopeacuterative avec la possibiliteacute drsquointeacutegrer de nouveaux partenaires raquo (F Morin conseiller technique du cabinet de G Hascoeumlt) 44 Du cocircteacute de lrsquoEtat pour le Ministegravere de lrsquoemploi et le secreacutetariat agrave lrsquoeacuteconomie solidaire laquo cette nouvelle structure doit deacuteboucher sur la creacuteation drsquoemplois en plus de ceux occupeacutes aujourdrsquohui dans lrsquoentreprise drsquoinsertion qui restera pour lrsquoinstant en lrsquoeacutetat raquo

12 ndash Une deuxiegraveme utilisation concregravete de la notion drsquoutiliteacute sociale la reconnaissance de la non lucrativiteacute des activiteacutes eacuteconomiques reacutealiseacutees par les associations non assujetties aux impocircts commerciaux Depuis lrsquoinstruction fiscale BOI 4 h-5-98 du 15 septembre 1998 pour lrsquoAdministration fiscale il est deacutesormais laquo leacutegitime quun organisme non lucratif deacutegage dans le cadre de son activiteacute des exceacutedents reflet dune gestion saine et prudente Cependant lorganisme ne doit pas les accumuler dans le but de les placer Les exceacutedents reacutealiseacutes voire temporairement accumuleacutes doivent ecirctre destineacutes agrave faire face agrave des besoins ulteacuterieurs ou agrave des projets entrant dans le champ de son objet non lucratif raquo Parallegravelement lrsquoinstruction fiscale consacrait le principe de non assujettissement des associations et organismes sans but lucratif aux impocircts commerciaux Il convenait donc de clarifier une situation confuse compte tenu de lrsquoeacutevolution du monde associatif notamment au regard de la pleine et entiegravere capaciteacute juridique des associations (simplement deacuteclareacutees) en matiegravere drsquoexercice drsquoactiviteacutes eacuteconomiques ou commerciales45 Crsquoest dans ce cadre que lrsquoAdministration fiscale a eacuteteacute ameneacutee agrave proposer une laquo grille de lecture raquo concernant lrsquoexercice de ce type drsquoactiviteacutes eacutetant entendu que si lrsquoassociation adopte des comportements identiques agrave ceux des entreprises commerciales sur un mecircme marcheacute le principe de non assujettissement ne pouvant ecirctre maintenu celle-ci recouvrait immeacutediatement son statut drsquoentreprise assujettie aux impocircts commerciaux Pour savoir si une association exerce son activiteacute dans des conditions similaires agrave celle drsquoune entreprise et si de ce fait elle doit ecirctre soumise aux impocircts commerciaux lrsquoAdministration fiscale preacuteconise une analyse en plusieurs eacutetapes

minus Etape 1 la gestion de lrsquoorganisme est-elle deacutesinteacuteresseacutee (les

dirigeants ne peuvent reacutemuneacutereacutes (sauf cas deacuterogatoires limitativement eacutenumeacutereacutes) les beacuteneacutefices et le patrimoine de lrsquoassociation ne peuvent ecirctre attribueacutes aux membres)

44 C Amblard SCIC un nouvel outil pour lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Revue Le Tout Lyon 2001 45 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit Universiteacute Versailles ndash St Quentin 1998 (410 pages) C Amblard Lrsquoentreprise associative Editions territoriales 2006 C Amblard Activiteacutes eacuteconomiques et commerciales des associations Lamy Associations Etude 246 preacutec

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‐ Etape 2 lrsquoorganisme concurrence-t-il une entreprise ‐ Etape 3 lrsquoorganisme exerce-t-il son activiteacute dans des conditions

similaires agrave celles drsquoune entreprise (analyse par application de la regravegle des quatre laquo P raquo les indices eacutetant classeacutes par ordre deacutecroissant drsquoimportance) bull Le laquo produit raquo proposeacute bull Le laquo public raquo beacuteneacuteficiaire bull Les laquo prix raquo pratiqueacutes bull La laquo publiciteacute raquo reacutealiseacutee

Srsquoagissant plus particuliegraverement des deux premiers critegraveres (laquo Produit raquo et laquo Public raquo) il convient de souligner que lrsquoinstruction fiscale procegravede agrave leur laquo reacuteunification raquo sous le vocable drsquo laquo utiliteacute sociale raquo En drsquoautres termes il y a bien reconnaissance drsquoutiliteacute sociale lorsque lrsquoassociation

‐ intervient dans un domaine ougrave les besoins sont insuffisamment couverts par le secteur lucratif ‐ ou46 srsquoadresse agrave un public qui ne peut normalement acceacuteder aux services du secteur concurrentiel

La recherche de lrsquoutiliteacute sociale conduit donc agrave mettre en correacutelation le produit et le service fourni par lrsquoassociation avec le public viseacute En effet une attention toute particuliegravere est attacheacutee agrave ces critegraveres et agrave lrsquoaffectation des exceacutedents pour deacuteterminer si lrsquoassociation exerce ou non une activiteacute suivant des modaliteacutes similaires agrave celles utiliseacutees par une entreprise

- Le produit est drsquoutiliteacute sociale laquo lrsquoactiviteacute qui tend agrave satisfaire un besoin qui nrsquoest pas pris en compte par le marcheacute ou qui lrsquoest de faccedilon peu satisfaisante raquo

- Le public sont susceptibles drsquoecirctre drsquoutiliteacute sociale laquo les actes

payant reacutealiseacutes principalement au profit de personnes justifiant lrsquooctroi drsquoavantages particuliers au vue de leur situation eacuteconomique sociale ou humaine (chocircmeurs personnes handicapeacutees notammenthellip) Ce critegravere ne doit pas srsquoentendre seulement agrave des situations de deacutetresse physique ou morale raquo

46 Le critegravere alternatif des deux eacuteleacutements produit et public a eacuteteacute affirmeacute par la jurisprudence CE 3 deacutecembre 1999 ndeg 133291 RJF 100 ndeg 35

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2 ndash Lrsquoapproche (fiscale) de la notion drsquoutiliteacute sociale un rocircle preacutepondeacuterant dans les proceacutedures de reconnaissance du secteur associatif Nous avons vu preacuteceacutedemment que

‐ La RUP suppose que lrsquoassociation exerce des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au sens de lrsquoarticle 200 et 238 bis du CGI ‐ La RIG commande pour les associations eacutevoluant dans la sphegravere eacuteconomique que ces derniegraveres exercent agrave titre preacutepondeacuterant des activiteacutes non lucratives ce qui suppose drsquoecirctre reconnues par lrsquoAdministration fiscale comme eacutetant drsquoutiliteacute sociale

Il existe bien par conseacutequent des interactions entre les diffeacuterents modes de reconnaissance et lrsquoapproche fiscale de la notion drsquoutiliteacute sociale Bien plus en insistant sur lrsquoimportance deacutecroissante des critegraveres retenus par la regravegle des 4 laquo P raquo lrsquoAdministration fiscale amplifie le rocircle joueacute par les deux premiers critegraveres (laquo Produit raquo et laquo Public raquo) et par conseacutequent lrsquoinfluence de cette notion au sein des modes de reconnaissance de la vie associative Autre eacuteleacutement important agrave ce stade de la reacuteflexion le rocircle non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat ou les autres administrations dans la laquo reconnaissance raquo drsquoutiliteacute sociale des associations en effet lrsquoinstruction fiscale47 preacutecise explicitement que ce type drsquoagreacutement laquo nrsquoest qursquoun eacuteleacutement parmi drsquoautres de lrsquoappreacuteciation de son utiliteacute sociale raquo Neacuteanmoins lrsquoinstruction preacutecise que laquo srsquoils prennent en compte la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y ait fait face ces agreacutements peuvent contribuer agrave lrsquoappreacuteciation de lrsquoutiliteacute sociale raquo Mais dans tous les cas lrsquoAdministration fiscale considegravere qursquolaquo ils ne sont ni neacutecessaires ni suffisants pour eacutetablir le caractegravere drsquoutiliteacute sociale de lrsquoassociation raquo Synthegravese de la RUS ‐ La notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale ouvre la capaciteacute des associations agrave intervenir dans la sphegravere eacuteconomique tout en preacuteservant leur statut drsquoorganismes sans but lucratif non soumis aux impocircts commerciaux ‐ In fine cette notion constitue un preacutealable indispensable agrave la mise en œuvre de la RIG (absence drsquoactiviteacute lucrative) et exerce une influence non neacutegligeable dans le mode de deacutelivrance de la RUP (reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et neacutecessiteacute de disposer de ressources suffisantes hors financement public) ‐ En lrsquoeacutetat actuel la reconnaissance (fiscale) drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre assimileacutee agrave une proceacutedure de reconnaissance institutionnelle de type RUP

47 Instr fisc 4 H-5-06 preacuteciteacutee ndeg63

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ou RIG instaureacutee par le leacutegislateur neacuteanmoins elle donne lieu agrave une appreacuteciation souveraine de lrsquoadministration fiscale dans le cadre de la proceacutedure de rescrit fiscal applicable depuis lrsquoinstruction fiscale preacuteciteacutee du 15 septembre 1998 En effet la reacuteponse du correspondant associations au questionnaire visant agrave deacuteterminer le reacutegime fiscal applicable au regard des impocircts vaut prise de position formelle de lrsquoadministration au sens de lrsquoarticle L 80 B du Livre des proceacutedures fiscales (opposabiliteacute) ‐ Telle que preacutevue par lrsquoinstruction fiscale du 18 deacutecembre 2006 preacuteciteacutee la notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale donne encore lieu agrave une appreacuteciation discreacutetionnaire et unilateacuterale de lrsquoadministration fiscale (sous reacuteserve du controcircle juridictionnel administratif)

bull Concernant lrsquoappreacuteciation discreacutetionnaire elle ressort drsquoune part de la dimension reacuteductrice des critegraveres retenus par lrsquoadministration fiscale48 et drsquoautre part de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation49 objective crsquoest-agrave-dire reposant sur lrsquoexistence de reacutefeacuterentiels qualitatifs et quantitatifs admis et partageacutes par tous50

bull Concernant lrsquoappreacuteciation unilateacuterale elle est induite par le caractegravere non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat (Ministegravere de tutelle) ou toute autre Administration y compris lorsque ces proceacutedures drsquoagreacutement preacutevoient des critegraveres permettant la prise en compte de la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y est fait face51 Or comme le soulignait deacutejagrave en 1993 MT

48 Lrsquoanalyse de la deacutecision rendue par lrsquoarrecirct Jeune France du 1er octobre 1999 (CE 1101999 ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354) permet eacutegalement de souligner la dimension neacutegative donneacutee agrave ces critegraveres dans la mesure ougrave ils servent agrave appreacutecier la speacutecificiteacute des associations et autres organismes sans but lucratif essentiellement au regard de regravegles de la concurrence 49 F Rousseau Lrsquoeacutevaluation laquo regravegle du jeu raquo entre associations et pouvoirs publics Juris Associations 1er avril 2008 ndeg376 p 16 et 17 lrsquoauteur souligne qursquoil convient de retenir laquo la diffeacuterence essentielle entre drsquoune part lrsquoeacutevaluation des activiteacutes associatives selon une logique drsquoeacutevaluation des politiques et drsquoautre part la deacutemarche de coconstruction drsquoune meacutethodologie drsquoeacutevaluation qui associe[rait[ les acteurs locaux (eacutelus techniciens militants associatifs chercheurs etc raquo 50 A souligner les nombreux travaux sur ces questions (liste non exhaustive) laquo Economie sociale et solidaire en reacutegion raquo (programme de recherche coordonneacute par la DIES et la Mire entre 2001 et 2003) P VIVERET Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 J GADREY 2003 Lrsquoutiliteacute sociale et organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE version provisoire 133 pages Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREE du 11 janvier 2005 La reconfiguration de lrsquoaction publique entre lrsquoEtat associations et participation citoyenne X ENGELS (Dir) M HELY A PERRIN H TROUVE De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne LrsquoHarmattan 2006 Guide meacutethodologique Fonda Rhocircne-Alpes (reacutealiseacute avec le concours de la Reacutegion Rhocircne-Alpes) Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective 2006 H TROUVE Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale de son activiteacute 124 pages wwwaviseorg Seacuteminaire Avise Evaluer lrsquoutiliteacute sociale deacutemarche meacutethodologie expeacuteriences Paris 6 deacutecembre 2007 51 Ibidum

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Cheroutre52 lors de sa preacutesentation du rapport du Conseil Economique et social laquo lrsquooctroi drsquoun agreacutement ou drsquoune habilitation est la marque de reconnaissance par les pouvoirs publics de la fonction remplie par lrsquoassociation ce qui implique des controcircles et drsquoeacuteventuels retraits si le contrat nrsquoest pas rempli raquo53

‐ Dans ces conditions et compte tenu des arguments qui preacutecegravedent il y a lieu de srsquointerroger sur la neacutecessiteacute drsquoune simplification des proceacutedures de reconnaissance de la vie associative (II) De faccedilon plus cruciale encore des questions se posent quant agrave la capaciteacute des acteurs agrave laquo coconstruire raquo leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation dans le cadre drsquoune deacutemarche partageacutee A ce propos nous assistons drsquoailleurs agrave un deacuteplacement du deacutebat national vers un cadre de reacuteflexion engageacute par les instances communautaires en matiegravere de transposition de la directive laquo services raquo et de deacutefinition de service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) II ndash VERS UNE SIMPLIFICATION DES MODES DE RECONNAISSANCE

A - La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) une utiliteacute

Dans une eacutetude adopteacutee le 25 octobre 2000 par la section du rapport et des eacutetudes du Conseil drsquoEtat54 il est rappeleacute qursquo laquo il nrsquoest pas aujourdrsquohui drsquoavantage patrimonial ou fiscal qui soit reacuteserveacute aux seules associations reconnues drsquoutiliteacute publique Il nrsquoy aurait donc pas drsquointeacuterecirct pour une association agrave ecirctre reconnue raquo En effet la plupart des associations simplement deacuteclareacutees perccediloivent des dons manuels55 ou encore sont en capaciteacute de beacuteneacuteficier de ce type de ressources sans aucune limitation soit directement sous la forme de meacuteceacutenat56 (dons uniquement) soit indirectement par la creacuteation drsquoun fonds de dotation57 ou en srsquoaffiliant agrave une union ou un organisme drsquoutiliteacute publique (dons et legs)58 52 Ibidum 53 La loi de finances rectificative pour 2008 (Loi ndeg2008-1443 du 30 deacutecembre 2008) a pris plusieurs mesures en vue de renforcer la seacutecuriteacute juridique des contribuables Lrsquoarticle 50 de la loi de finances rectificative pour 2008 creacuteeacute ainsi un recours devant lrsquoadministration pour les deacutecisions formelles prises en vertu des articles L80 B 1deg agrave 6deg et 8deg et L80 C du Livre des proceacutedures fiscales (LPF) applicable aux demandes deacuteposeacutees agrave partir du 1er juillet 2009 54 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique La documentation franccedilaise 2000 p15 55 Cass com 5 octobre 2004 ndeg03-15709 Bull civ IV ndeg178 56 Loi Aillagon du 1er aoucirct 2003 57 C Amblard Fonds de dotation encore du nouveau sur le front du meacuteceacutenat preacutec 58 Loi 1er juillet 1901 art 6 al1

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Degraves lors crsquoest tout naturellement et sans ambiguiumlteacute que le Conseil drsquoEtat srsquoest poseacute la question suivante laquo faut-il supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo (pour une meilleure lisibiliteacute de lrsquoaction associative et une simplification des proceacutedures de reconnaissance) Une telle proposition nrsquoa toutefois pas eacuteteacute retenue par lrsquoeacutetude des statistiques du Ministegravere de lrsquoInteacuterieur laquo il semble qursquoen deacutepit de la faiblesse des avantages qursquoelles peuvent en retirer et des contraintes que cela engendre pour elles des associations continuent chaque anneacutee de solliciter la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo Quelles peuvent-elles ecirctre les motivations des associations qui souhaiteraient beacuteneacuteficier de cette forme de reconnaissance Dans son rapport public de 200059 le Conseil drsquoEtat souligne avant tout laquo la force symboliques que srsquoaccordent agrave y voir les repreacutesentants du monde associatif raquo En effet il ressort que ceux-ci sont avant tout laquo agrave la recherche drsquoun label raquo60 La RUP laquo fait en quelque sorte agrave leurs yeux figure de label officiel qui consacre la leacutegitimiteacute de lrsquoassociation qui en beacuteneacuteficie et qui sanctionne la qualiteacute des actions qursquoelle megravene raquo Ainsi laquo [il] est un signe pour leurs partenaires et une garantie pour eux raquo Cependant le Conseil drsquoEtat croit bon attirer notre attention sur le fait que laquo cette force symbolique de la RUP nrsquoest toutefois pas deacutenueacutee drsquoeffets pratiques puisqursquoil apparaicirct que de 1991 agrave 1996 les associations et les fondations drsquoutiliteacute publique ont reccedilu 84 des dons deacuteclareacutes par les contribuables Pour les associations qui font appel agrave la geacuteneacuterositeacute publique la RUP vaut garantie que les sommes collecteacutees ne feront pas en principe lrsquoobjet drsquoune utilisation abusive ou frauduleuse raquo Cette garantie existe-t-elle vraiment srsquoagissant des associations RUP Preacuteciseacutement pour le Conseil drsquoEtat laquo cela peut paraicirctre paradoxal de rechercher le controcircle de lrsquoEtat pour pouvoir ensuite souligner qursquoelles srsquoy sont soumises et offrent donc toutes les garanties de bon fonctionnement raquo drsquoautant plus que pour lui laquo le controcircle de lrsquoEtat (hellip) est insuffisant raquo Crsquoest ainsi que dans son dernier rapport sur les associations RUP datant de 200061 ce dernier preacuteconisait dans ses conclusions laquo drsquointroduire dans la loi du 1er juillet 1901 (ou agrave lrsquoarticle L612-4 du Code de commerce) lrsquoobligation pour toute association reconnue drsquoutiliteacute publique drsquoavoir recours agrave un commissaire aux comptes dans les conditions preacutevues aux articles L 225-218 et suivants du Code de commerce raquo

59 Conseil drsquoEtat Les associations et la loi de 1901 cent ans apregraves Rapport public 2000 La documentation franccedilaise Etudes et Documents ndeg51 p307 60 Conseil drsquoEtat Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec 61 Ibidum

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Or agrave ce jour force est de constater qursquoaucune reacuteforme nrsquoest intervenue en ce sens En effet il nrsquoexiste ni dans la loi du 1er juillet 1901 ni dans les statuts-types des associations RUP ni mecircme dans aucun dispositif leacutegislatif speacutecifique ndash en dehors du dispositif applicable en matiegravere drsquoappel agrave la geacuteneacuterositeacute publique62 - drsquoobligation imposant la preacutesence drsquoun commissaire aux comptes au sein des associations RUP Aussi et toujours pour le Conseil drsquoEtat laquo srsquoil nrsquoy a donc pas de motif deacuteterminant de supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique il convient de reacutefleacutechir aux ameacuteliorations pouvant ecirctre apporteacutees agrave son reacutegime drsquoutiliteacute publique et aux reacutegimes voisins raquo En tout eacutetat de cause la pertinence du maintien de la RUP se pose si lrsquoon en juge les reacutesultats de deux rapports ministeacuteriels reacutecents sur cette question en effet pour le rapport Morange63 laquo les avantages mateacuteriels de la RUP sont deacutesormais drsquoune porteacutee quasi theacuteorique raquo Quant agrave lrsquoavantage moral de la RUP pour le deacuteputeacute P Morange il demeure laquo important mais il ne justifie pas la lourdeur de la proceacutedure raquo Le rapport Langlais64 parle lui de laquo proceacutedure eacutelitiste raquo qui laquo nrsquoa pas su srsquoadapter aux eacutevolutions de la socieacuteteacute raquo Pourquoi degraves lors vouloir absolument maintenir un systegraveme de reconnaissance qui agrave notre avis pose deux probleacutematiques majeures

‐ La premiegravere probleacutematique porte sur la capaciteacute patrimoniale des associations qui preacuteciseacutement ne beacuteneacuteficient pas de cette forme de reconnaissance en effet est-il toujours leacutegitime que pregraves drsquoun million de structures associatives disposent par contrecoup drsquoune capaciteacute juridique reacuteduite Deacutejagrave en 1993 agrave propos de la capaciteacute patrimoniale des associations simplement deacuteclareacutees le Conseil Economique et social65 soulignait que laquo le contexte drsquoaujourdrsquohui eacutelargissant les missions de nombreuses associations met davantage lrsquoaccent sur les enjeux eacuteconomiques et sociaux qui leur demandent de mobiliser agrave la fois des moyens eacuteconomiques financiers et humains On peut donc agrave juste titre se demander si les carcans drsquoune autre eacutepoque ne pourraient ecirctre leveacutes raquo Les choses ont peu eacutevolueacute depuis au deacutetriment drsquoun secteur associatif dont lrsquoessentiel de ses forces vives consacre une bonne partie de leur temps et de leur eacutenergie agrave rechercher des

62 Loi ndeg91-772 du 7 aoucirct 1991 art 3 et encore il convient de noter que lrsquointervention du commissaire aux comptes ne srsquoimpose que pour les associations ayant nommeacute un commissaire aux comptes pour drsquoautres motifs Anteacuterieurement le compte emploi des ressources (CER) constituait un document autonome agrave deacuteposer au siegravege de lrsquoassociation et agrave tenir agrave disposition des adheacuterents En cas de controcircle par un commissaire aux comptes ce dernier eacutetait tenu drsquoeacutetablir une attestation Depuis le 1er janvier 2006 le CER est devenu un eacuteleacutement annexe aux comptes Lrsquoattestation du commissaire aux comptes nrsquoa donc plus lieu drsquoecirctre (cf Meacutemento pratique F Lefebvre Associations 2008-2009 ndeg71400 p976) 63 P Morange Rapport drsquoinformation sur la gouvernance et le financement des structures associatives ndeg134 assembleacutee nationale 1er octobre 2008 p41 et 42 64 JL Langlais Pour un partenariat renouveleacute entre lrsquoEtat et les associations rapport ministeacuteriel juin 2008 p 26 65 Ibidum p 82

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financements Sur ce point il convient de noter les propositions drsquoeacutevolutions importantes figurant dans le rapport Morange lequel suggegravere aux associations simplement deacuteclareacutees de beacuteneacuteficier de la capaciteacute juridique de recevoir des dons ‐ La seconde probleacutematique renvoit directement aux besoins exprimeacutes en matiegravere de simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif en effet le rapport Langlais66 souligne agrave juste titre que laquo la principale source de complexiteacute tient agrave lrsquoeacuteclatement des modes de reconnaissance du fait associatif par la puissance publique La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) existe toujours elle nrsquoa pas varieacute depuis un siegravecle (hellip) elle est de plus en plus concurrenceacutee par drsquoautres formes de reconnaissance et certains nrsquoheacutesitent pas agrave la consideacuterer comme deacutemodeacutee voire obsolegravete La reconnaissance drsquoutiliteacute publique est accordeacutee sans limitation de dureacutee et il existe probablement comme pour les associations deacuteclareacutees mais en beaucoup plus faible proportion des ARUP qui figurent toujours dans les chiffres officiels bien qursquoelles nrsquoaient plus drsquoexistence reacuteelle raquo De son cocircteacute le deacuteputeacute P Morange propose de deacutelivrer la RUP pour une dureacutee deacutesormais limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans

Il convient par conseacutequent drsquoenvisager une simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif drsquoautant plus que sont apparus agrave cocircteacute de la RUP de nombreuses autres formes de reconnaissance plus ou moins officielle tels que les agreacutements ou les labels priveacutes (Comiteacute de la Charte voire mecircme la proposition de labellisation AFNOR) Nous verrons infra que ce processus de simplification doit ecirctre lrsquooccasion drsquoun dialogue renouveleacute entre les acteurs du monde associatif et les pouvoirs publics en vue de la mise en œuvre drsquoune deacutemarche partageacutee

66 Ibidum

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B - LA SIMPLIFICATION DES PROCESSUS DE RECONNAISSANCE VERS UNE RECONNAISSANCE UNIQUE DrsquoUTILITE SOCIALE

1 ndash Les propositions reacutecemment formuleacutees par les rapports Langlais et Morange de 2008

Sur ce point les deux rapports srsquoaccordent pour distinguer trois types drsquoassociations

11 - Les associations deacuteclareacutees

Pour JL Langlais il srsquoagirait de reconnaicirctre la capaciteacute creacuteatrice de ces associations locales par lrsquooctroi de subventions symboliques et uniquement deacutelivreacutees par les collectiviteacutes territoriales correspondant agrave leur aire drsquoinfluence P Morange propose quant agrave lui drsquoouvrir la capaciteacute juridique de ces laquo petites raquo associations en leur permettant de percevoir des dons (autres que manuels) et de les soumettre aux controcircles drsquoun commissaire aux comptes et aux controcircles meneacutes par les services deacuteconcentreacutes degraves lors qursquoelles beacuteneacuteficieraient de subventions publiques

12 - Les associations reconnues drsquoutiliteacute sociale ou

drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

Pour JL Langlais ces associations pourraient beacuteneacuteficier drsquoune reconnaissance drsquointeacuterecirct laquo social ou geacuteneacuteral raquo

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce sont en gros les 4 conditions

requises pour lrsquoobtention de lrsquoagreacutement fiscal (cf supra) Drsquoailleurs il est proposeacute que cet agreacutement soit deacutecerneacute par lrsquoAdministration fiscale Une condition suppleacutementaire pourrait ecirctre poseacutee relative au beacuteneacutevolat sans neacutecessairement fixer de seuil a priori on devrait exiger que le beacuteneacutevolat soit nettement preacutepondeacuterant dans le fonctionnement de lrsquoassociation

Avantages consentis possibiliteacute de recevoir des subventions y

compris des subventions de fonctionnement capaciteacute agrave recevoir des dons (nrsquoexceacutedant pas un certain montant) agrave faire beacuteneacuteficier aux donateurs de lrsquoexoneacuteration fiscale au taux de droit commun

Obligations ecirctre agrave jour de leurs obligations deacuteclaratives

obligation de justifier lrsquoemploi des fonds reccedilus de deacuteposer leurs comptes en Preacutefecture de se soumettre aux controcircles aleacuteatoires ou programmeacutes de la puissance publique certification obligatoire des comptes au-delagrave de 153 000 euro de financement annuel

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Pour P Morange laquo cette cateacutegorie recouvre les associations subventionneacutees ou qui beacuteneacuteficient drsquoavantages fiscaux et oeuvrent au service de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo Selon lui laquo il serait envisageable comme en Grande Bretagne drsquoeacutetablir des listes de secteurs dans lesquels ces associations interviennent et de les soumettre agrave un certain nombre drsquoobligations en srsquoinspirant par exemple de la pratique fiscale (voir supra) Ainsi lrsquoassociation devrait poursuivre un but drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral ecirctre soumise agrave un controcircle financier et une eacutevaluation reacuteguliegravere au niveau deacutecentraliseacute raquo Enfin laquo lrsquoassociation devrait se doter drsquoun commissaire aux comptes raquo

13 Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique Pour JL Langlais seules les associations qui se consacrent exclusivement agrave des actions drsquoassistance ou de bienfaisance pourraient beacuteneacuteficier drsquoune RUP

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce seraient les mecircmes que pour la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral mais avec 3 nuances - toute lrsquoactiviteacute doit ecirctre tendue vers lrsquoobjet social - un degreacute plus eacuteleveacute de professionnalisation (et donc de salariat) serait acceptable - mais un moindre degreacute drsquoouverture exigeacute (une association pourrait ecirctre reconnue drsquoutiliteacute publique alors qursquoelle fonctionne au beacuteneacutefice drsquoun public fermeacute67)

Avantages les avantages seraient ceux du reacutegime actuel le

plus favorable dons et legs (reacutegime RUP) exoneacuteration au taux le plus favorable (laquo amendement Coluche raquo) subventions sur une base pluriannuelle

Obligations toutes les obligations du reacutegime preacuteceacutedant avec en plus lrsquoobligation de deacuteposer des comptes certifieacutes

JL Langlais poursuit en proposant que la reconnaissance drsquoutiliteacute publique soit laquo deacutecerneacutee pour une dureacutee limiteacutee soit par le ministegravere de lrsquointeacuterieur soit par le ministegravere en charge de la vie associative (et les preacutefets agrave lrsquoeacutechelon deacuteconcentreacute) soit encore par une agence nationale agrave creacuteer raquo Pour P Morange la RUP laquo serait deacutelivreacutee par le Conseil drsquoEtat comme crsquoest le cas actuellement et controcircleacutee par la Cour des comptes avec le concours de lrsquoIGAS et de lrsquoIGA pour une dureacutee limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans raquo A titre subsidiaire les auteurs proposent eacutegalement drsquoeacutetablir une laquo situation speacutecifique raquo pour les associations engageacutees dans la gestion drsquoune mission de service public tandis que P Morange envisage cette situation sous lrsquoangle de la seacutecurisation des rapports engageacutes par ces derniegraveres avec lrsquoadministration JL Langlais quant agrave lui considegravere dans une telle situation que laquo la forme juridique [drsquoassociation] nrsquoest alors qursquoune fiction raquo et que degraves lors laquo lrsquoEtat doit pouvoir les financer mais aussi les controcircler et les diriger comme il le

67 Lrsquoauteur propose de revenir sur la jurisprudence CE 7 feacutevr 2007 ndeg 287949 Steacute des anciens eacutelegraveves de lrsquoEacutecole Nationale Supeacuterieure drsquoArts et Meacutetiers et a

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ferait de ses propres services en attendant de trouver une structure juridique adeacutequate raquo Une mise en conformiteacute des proceacutedures drsquoagreacutement avec les nouvelles contraintes communautaires est eacutegalement envisageacutee

2 ndash Nos pistes de reacuteflexions

21 - Concernant le devenir de la proceacutedure RUP

Nous avons vu preacuteceacutedemment que cette proceacutedure deacutesormais consideacutereacutee comme eacutetant laquo obsolegravete raquo par la plupart des observateurs (voir supra) ne preacutesentait plus guegravere drsquointeacuterecirct sur un plan technique (voir supra) Degraves lors et en raison de la forte concentration de financements priveacutes (pregraves de 90 sous la forme de dons deacuteclareacutes par les contribuables ndash voir supra) sur un nombre extrecircmement limiteacute drsquoassociations et de fondations RUP de cette laquo proceacutedure eacutelitiste raquo la question de son devenir se pose de faccedilon cruciale En effet au 15 juillet 2000 le Conseil drsquoEtat deacutenombrait 1960 associations RUP laquo dont 200 nrsquoauraient selon lui aucune activiteacute sinon plus aucune existence raquo68 Force est de constater que presque 10 ans plus tard ce nombre nrsquoa quasiment pas augmenteacute puisque le dernier recensement effectueacute en deacutecembre 200869 par le Ministegravere de lrsquointeacuterieur fait eacutetat de 1966 associations RUP Lrsquourgence consiste donc bien agrave mettre un terme agrave cette situation laquo monopolistique raquo ougrave agrave tout le moins agrave instaurer des proceacutedures de controcircle agrave la fois plus preacutecises et plus contraignantes que celles existantes actuellement Sur ce point les propositions tendant agrave limiter la deacutelivrance de la RUP pour une dureacutee limiteacutee formuleacutees dans les rapports Langlais et Morange nous semblent parfaitement approprieacutees Ces propositions seront agrave rapprocher de celle proposeacutee par P Morange visant offrir agrave lrsquoensemble des associations la laquo grande capaciteacute juridique raquo particuliegraverement en matiegravere de dons

22 - Concernant la probleacutematique du rapprochement entre reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale)

Il ne srsquoagit pas de revenir sur les nombreux travaux drsquoores et deacutejagrave existants en matiegravere de rapprochement des concepts drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et drsquoutiliteacute sociale Parmi les plus importants lrsquoon peut citer ceux de J Gadrey en 200470 ceux reacutesultant de la journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF en 200571 ou encore la contribution commune de X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute publieacutee en 200672 A la lumiegravere de ces travaux il

68 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec p15 69 Site du ministegravere de lrsquointeacuterieur (publication du 08 avril 2008) httpwwwinterieurgouvfrsectionsa_la_unepublicationscultes-associations 70 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale des organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE feacutevrier 2004 71 Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Paris 11 janvier 2005 72 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Editions LrsquoHarmattan Paris 2006

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semble bien que lrsquoon assiste agrave laquo un basculement vers la notion plus large drsquoutiliteacute sociale notion qui par ailleurs entretient une filiation juridique avec le concept drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo73 Sur un plan juridique ces travaux montrent notamment qursquoil existe laquo un rapport assez eacutetroit agrave certains eacutegards entre la notion drsquoutiliteacute sociale et celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo si lrsquoon considegravere lrsquoanalyse de la jurisprudence des dix derniegraveres anneacutees74 Dans cette perspective la deacutemarche de rapprochement entre la proceacutedure RIG et RUS proposeacutee par les rapports de JL Langlais et P Morange trouverait une explication rationnelle

23 - Concernant lrsquoapproche du concept mecircme drsquoutiliteacute sociale

Comme le souligne J Gadrey75 laquo lrsquoutiliteacute sociale des organisations drsquoeacuteconomie sociale (OES) nrsquoa guegravere drsquoexistence en tant que probleacutematique geacuteneacuterale en dehors des deacutebats concernant le rocircle eacuteconomique et social actuel et futur de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Crsquoest une ideacutee qui a eacuteteacute forgeacutee pour deacutefendre lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire face agrave certaines menaces ou pour promouvoir le deacuteveloppement de regravegles favorables76 raquo Pour ce dernier en effet laquo il y a rien de naturel agrave soulever la question de lrsquoutiliteacute sociale des OES et qursquoil srsquoagit bien drsquoune convention socio-politique historiquement et geacuteographiquement contingente77 raquo Neacuteanmoins si le concept demeure aujourdrsquohui encore relativement flou paradoxalement il reccediloit dans notre droit interne une application de plus en plus freacutequente par les tribunaux78 et lrsquoAdministration fiscale79 De son cocircteacute et mecircme si pour lrsquoinstant le leacutegislateur srsquoest toujours refuseacute de srsquoorienter vers la voie drsquoune reconnaissance drsquoutiliteacute sociale80 celui-ci fait de plus reacutefeacuterence agrave ce concept81 drsquoougrave la neacutecessiteacute de privileacutegier une approche visant agrave circonscrire lrsquo laquo halo socieacutetal raquo82 des OES plutocirct que de chercher drsquoune maniegravere 73 A Euillet Lrsquoutiliteacute sociale une notion deacuteriveacutee de celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Revue de droit sanitaire et social ndeg2 avril-juin 2002 pp 2007 - 228 74 J Gadrey preacutec p 30 75 Ibidum 76 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques thegravese de droit 1998 preacutec Lrsquoauteur envisage la mise en œuvre drsquoune affirmative action en faveur des associations reconnues drsquoutiliteacute sociale 77 Si lrsquoon prend lrsquoexemple des services agrave domicile aux personnes acircgeacutees en Suegravede on peut observer que ceux-ci sont majoritairement produits par des organisations publiques locales tandis qursquoaux Etats-Unis - ougrave le laquo non profit sector raquo se construit le plus souvent comme une puissance alternative priveacutee face agrave un Etat providence laquo diaboliseacute raquo (Salamon) ils sont majoritairement financeacutes par des fonds priveacutes (beacuteneacuteficiant drsquoavantages fiscaux) 78 Voir par exemple CE 24 octobre 1979 CAA Paris 1er deacutecembre 1989 CAA Nancy 19 novembre 1992 79 Instr Fisc BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 1998 Instr Fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 (synthegravese) 80 Reacutep min du 01 juillet 1999 JO Seacutenat p 2224 81 Voir par exemple Loi ndeg2002-2 du 2 janvier 2002 relative agrave lrsquoaction sociale et meacutedico-sociale Loi ndeg 97-940 du 16 octobre 1997 relative au deacuteveloppement dactiviteacutes pour lemploi des jeunes (JO du 17 Octobre) LOI ndeg 9 8-657 du 29 juillet 1998 drsquoorientation relative agrave la lutte contre les exclusions 8282 A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport final relatif agrave la lettre de mission de Madame la Ministre de lrsquoEmploi et de la Solidariteacute 2000 pour A Lipietz il srsquoagirait de deacutefinir les contours du tiers secteur par un laquo label drsquoutiliteacute sociale et solidaire fondeacutes sur deux types de critegraveres quant aux

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improbable une deacutefinition qui serait unanimement admise par les acteurs des OES Finalement il ne srsquoagirait rien moins que de reconnaicirctre les OES afin de soutenir lrsquoeffort particulier de ces entiteacutes juridiques dont les laquo speacutecificiteacutes meacuteritoires raquo83 rejaillissent sur lrsquoensemble de la collectiviteacute Mais limiter le concept au seul beacuteneacutefice des OES serait par trop reacuteducteur et la mesure de lrsquoutiliteacute sociale doit eacutegalement ecirctre envisageacutee en tant qursquooutil de reacutegulation des politiques publiques84

24 - Concernant les difficulteacutes lieacutees agrave la mise en œuvre drsquoune proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale

Sur ce point il importe de tenir compte des critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de la proposition de mise en place drsquoun systegraveme unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale des OES (tel qursquoimagineacute par le CNVA dans son rapport datant de 1995) A cette eacutepoque le CNVA contestait laquo lrsquoambiguiumlteacute de lrsquointerpreacutetation juridique et fiscale de lrsquoutiliteacute sociale en particulier en raison de confusions constateacutees entre le critegravere de non lucrativiteacute et les vrais critegraveres drsquoutiliteacute sociale La reacuteflexion associative commence alors agrave se preacuteciser sur les critegraveres de non lucrativiteacute drsquoun cocircteacute sur les critegraveres drsquoutiliteacute sociale de lrsquoautre avec une insistance sur la neacutecessiteacute de ne pas confondre ces deux dimensions Parallegravelement le CNVA conteste lrsquoideacutee alors assez preacutesente du cocircteacute de lrsquoadministration selon laquelle un critegravere essentiel de lrsquoutiliteacute sociale serait que les besoins auxquels reacutepond lrsquoactiviteacute ne sont pas normalement (ou pas suffisamment) pris en compte par le marcheacute Cette deacutefinition purement neacutegative signifierait en effet soit que lrsquoutiliteacute sociale drsquoune association disparaicirct si le marcheacute srsquoinstalle sur un champ de besoins deacutejagrave deacutefricheacutes par les œuvres soit que lrsquoassociation devient alors automatiquement lucrative raquo85 Depuis lors un tel risque nous semble ecirctre leveacute dans la mesure ougrave le laquo reacutefeacuterentiel raquo drsquoutiliteacute sociale doit deacutesormais tenir compte de la jurisprudence du Conseil drsquoEtat en matiegravere fiscale En effet lrsquoarrecirct rendu en date du 1er octobre 199986 est venu preacuteciser qursquoun organisme sans but lucratif ne concurrence une entreprise que si les services qursquoil rend sont laquo offerts en concurrence dans la mecircme zone geacuteographique drsquoattraction avec ceux proposeacutes au mecircme public par des entreprises commerciales exerccedilant une activiteacute identique raquo Il a eacuteteacute eacutegalement preacuteciseacute depuis que laquo le critegravere du public ne doit pas srsquoentendre uniquement des situations de deacutetresse physique ou morale raquo87 buts (ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie solidaire) et quant aux modes drsquoorganisation interne (notamment lucrativiteacute limiteacutee le caractegravere deacutemocratique et multipartenariale de sa direction) ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie sociale raquo J Gadrey parle plus volontiers drsquoutiliteacute sociale externe et drsquoutiliteacute sociale interne preacutec p 37 83 F Bloch-Laineacute Identifier les associations de service social RECMA 1994 ndeg251 p 61 84 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne ibidum selon L Fraisse laquo lrsquoapparition drsquoun deacutebat sur lrsquoutiliteacute sociale peut aussi srsquointerpreacuteter comme un nouveau critegravere de politique publique agrave mecircme de preacuteciser les contours et de renforcer lrsquoinstitutionnalisation des activiteacutes et lrsquoeacuteconomie solidaire raquo voir eacutegalement N Richez-Battesti Les collectiviteacutes territoriales face agrave lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale Juris Associations ndeg376 1er avril 2008 pp 17-19 85 J Gadrey preacutec p 31 86 CE 1er octobre 1999 Association Jeune France ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354 87 Instr fisc BOI 4 H-5-06 preacutec

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Par ailleurs le CNVA soulignait le caractegravere laquo eacutevolutif voire conjoncturel raquo du concept drsquoutiliteacute sociale dans la mise en œuvre drsquoune seacuterie de dix indicateurs (voir infra) Pour lrsquoessentiel G Goulard88 consideacuterait qursquoen lrsquoeacutetat actuel ce concept eacutetait laquo encore plus subjectif que les critegraveres jurisprudentiels en vigueur raquo et qursquoune telle situation laquo risqu[ait] drsquoecirctre interpreacuteteacutee dans un sens reacuteducteur deacutefavorable aux associations dont lrsquoutiliteacute nrsquoest pas sociale mais intellectuelle culturelle spirituelle politique historique eacuteconomique etc raquo Srsquoil est vrai qursquoen 1998 de tels arguments nrsquoeacutetaient pas neacutegligeables il apparaicirct que certains drsquoentre eux apparaissaient forts contestables En effet comme le souligne J Gadrey dans son rapport de 2004 laquo la subjectiviteacute de la notion drsquoutiliteacute sociale peut fort bien ecirctre compatible avec sa consolidation comme reacutefeacuterence en droit (la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral srsquoest bien imposeacutee en deacutepit drsquoun flou aussi consideacuterable) raquo En effet il convient drsquoobserver que drsquoautres notions fondamentales agrave lrsquoinstar du droit commercial sont fondeacutees sur lrsquoarbitraire comme a deacutejagrave pu le souligner le Professeur Y Guyon laquo le droit commercial nrsquoest pas une construction fondeacutee sur la raison mais une approche fondamentalement arbitraire raquo89 Ainsi poursuit J Gadrey laquo le fait que des associations qui ne font pas partie du champ de lrsquoaction sociale (au sens strict) auraient des difficulteacutes agrave faire connaicirctre leur utiliteacute sociale nrsquoa rien drsquoineacuteluctable et deacutepend de la faccedilon dont la convention drsquoutiliteacute sociale se construit sur un mode restrictif ou au contraire extensif raquo De fait il apparaicirct que le concept drsquoutiliteacute sociale deacutepend moins de notre capaciteacute agrave deacutefinir des critegraveres distinctifs que de celle favorisant lrsquoeacutemergence drsquoune convention sociopolitique (voir infra) portant sur lrsquoutiliteacute sociale (convention drsquoutiliteacute sociale) Une telle approche preacutesenterait en outre deux avantages principaux en premier lieu celui du maintien du caractegravere eacutevolutif de ce concept en second lieu celui de la reacuteciprociteacute entretenue entre les associations et les pouvoirs publics dans la construction et lrsquoacceptation du concept mecircme

88 Rapport Goulard mars 1998 89 Y Guyon Droit des affaires Economica 5egraveme eacuted 1988 agrave rapprocher de M Despax Lrsquoentreprise et le droit Bibl Dr Priv T1 Paris 1954 p34 selon lrsquoauteur laquo le droit commercial (hellip) est neacute de la pratique Ses normes sont la conseacutecration drsquousages peu agrave peu eacutetablis et non la construction de la raison de lagrave cette difficulteacute souvent eacuteprouveacutee pour les juristes agrave les expliquer raquo

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III - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE

SOCIALE (OU SOCIETALE) UNE DEMARCHE PARTAGEE

A ndash LA PROCEDURE DE RUS PRESENTE-T-ELLE ENCORE UN INTERET

Comme le suggegravere le rapport Morange90 la proposition formuleacutee par JP Decool en mai 200591 laquo meacuterite drsquoecirctre approfondie raquo En effet pour ce dernier il convient de mettre en place une proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute socieacutetale comme substitut agrave la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral jugeacutee laquo deacutesuegravete et vague raquo laquo il serait donc opportun afin de donner une nouvelle dimension au monde associatif (hellip) de redonner au citoyen toute sa place au sein de la socieacuteteacute Lui permettre de srsquoexprimer et de manifester son deacutesir de donner ou de partager des valeurs communes Ainsi peut-on envisager le rocircle de lrsquoassociation dans la socieacuteteacute raquo A ce stade il nous semble que la meacutethode preacuteconiseacutee par le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) depuis son rapport du 4 feacutevrier 198692 demeure toujours drsquoactualiteacute93 Ce dernier preacuteconisait lrsquointroduction drsquoun systegraveme de reconnaissance a priori qui permettrait aux associations reconnues drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) de lever laquo toute incertitude durant une peacuteriode deacutefinie tant que les conditions drsquoexercice de leur activiteacute au vu desquelles elles ont obtenu lrsquoagreacutement ne seraient pas modifieacutees raquo94 Selon le projet du CNVA cette reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) devait ecirctre accordeacutee non pas par le pouvoir exeacutecutif mais par une veacuteritable juridiction ou commission paritaire composeacutee de repreacutesentants des associations des administrations concerneacutees (Ministegravere de tutelle et Administration fiscale) et preacutesideacutee par un magistrat95 Celle-ci pourrait eacutegalement comprendre un certain nombre drsquoexperts qualifieacutes et issus de la socieacuteteacute civile ainsi qursquoun repreacutesentant des collectiviteacutes locales deacutecentraliseacutees96 90 Ibidum 91 JP Decool Des associations en geacuteneacuteral vers une eacutethique socieacutetale rapport au 1er ministre mai 2005 92 Voir eacutegalement les Rapports et Avis du 12 juin 1991 et 15 juin 1995 93 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit 1998 preacutec 94 CNVA Bilan de la vie associative en 1990-1991 La documentation franccedilaise Paris 1992 Rapport et avis adopteacutes en session pleacuteniegravere du CNVA le 15 juin 1995 sur laquo lrsquoutiliteacute sociale des associations et ses conseacutequences en matiegravere eacuteconomique fiscale et financiegravere raquo 95 On peut noter la proximiteacute de cette composition avec celle de la laquo Charity Commission raquo de Grande-Bretagne composeacutee de fonctionnaires dont deux doivent ecirctre des juges dont le rocircle drsquoinformation de conseil de controcircle srsquoexerce aupregraves des laquo Charities raquo auxquelles la Commission donne le label qui ouvre droit agrave des faciliteacutes fiscales et financiegraveres 96 Voir la composition du comiteacute strateacutegique des fonds de dotation creacuteeacute le 19 novembre 2008 preacutesideacute par JJ Hyest Preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat

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Les deacutecisions de cette instance pourraient faire lrsquoobjet drsquoun recours devant les juridictions compeacutetentes (ce qui aurait eu pour effet de laquo judiciariser raquo le concept drsquoutiliteacute sociale) La reconnaissance serait attribueacutee pour une dureacutee de cinq anneacutees agrave lrsquoissue drsquoun rapport drsquoaudit baseacute sur des critegraveres drsquoeacutevaluation (pour ce qui concerne lrsquoutiliteacute sociale externe) Les critegraveres drsquoeacutevaluation pourraient faire lrsquoobjet drsquoune deacutemarche partageacutee (voir infra) et contractualiseacutee avec les diffeacuterents acteurs agrave partir de critegraveres quantitatifs et qualitatifs neacutegocieacutes En effet le CNVA nrsquoa pas souhaiteacute mettre en place un systegraveme unique et isoleacute de reconnaissance drsquoune cateacutegorie particuliegravere drsquoassociations qui serait reconnue drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) agrave lrsquoinstar de ce qui a par exemple eacuteteacute conccedilu pour la reconnaissance drsquoutiliteacute publique Il preacuteconise plutocirct laquo le recours agrave de multiples dispositifs susceptibles drsquoaccorder aux associations (en tant qursquoopeacuterateurs) ou agrave leurs activiteacutes (en tant qursquoopeacuteration97) la reconnaissance et le soutien en fonction et dans le respect de la diversiteacute des speacutecificiteacutes associatives raquo Lrsquoensemble de ces speacutecificiteacutes doit pouvoir ecirctre appreacutehendeacute agrave travers un certain nombre drsquoindicateurs avec la mise en place de la technique du faisceau drsquoindices Les critegraveres deacutegageacutes98 formeraient ainsi une liste (non exhaustive) qui permettant de mieux cerner les contours de lrsquoutiliteacute sociale

- La primauteacute du projet finaliteacute de lrsquoaction associative99

- Le fonctionnement deacutemocratique - Lrsquoapport social de lrsquoassociation100 - La non-lucrativiteacute qui par essence marque la

diffeacuterence par rapport au secteur commercial - La gestion deacutesinteacuteresseacutee101 ce qui nrsquoexclut ni la

rigueur ni la transparence financiegravere - La capaciteacute agrave mobiliser la geacuteneacuterositeacute humaine

(beacuteneacutevolat) ou financiegravere (dons) - Le mixage des publics et lrsquoouverture

qui a pour mission de suivre lrsquoeacutevolution des fonds de dotation 1 repreacutesentant du MINEFI 3 magistrats 7 personnaliteacutes qualifieacutees A ce titre il pourra eacutelaborer des recommandations de bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion et faire toutes les propositions qui lui sembleront neacutecessaires pour favoriser le deacuteveloppement des fonds de dotation (Sources MINEFI 14 janvier 2009) 97 Cette solution preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre neutre sur le plan concurrentiel et vis-agrave-vis des autres opeacuterateurs eacuteconomiques 98 Le CNVA preacutecise dans son rapport du 15 juin 1995 preacutec que ces critegraveres sont laquo non exclusifs non cumulatifs et non exhaustifs les uns par rapport aux autres raquo 99 La FONDA dans un seacuteminaire en date du 17 octobre 1992 suggeacuterait et explicitait ces trois premiers critegraveres agrave partir desquels elle se fondait pour identifier les associations drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral 100 Ce critegravere ainsi que les critegraveres 6 7 et 8 relegravevent de la notion drsquoutiliteacute sociale externe qui selon nous devrait faire lrsquoobjet drsquoune contractualisation pluri annuelle dans le cadre drsquoune deacutemarche de construction et drsquoeacutevaluation partageacutee (voir infra) 101 Sur cette notion voir Instr fisc (Synthegravese) BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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- Les secteurs drsquointervention pas ou mal couverts par les autres agents eacuteconomiques ou par les collectiviteacutes publiques

- Lrsquoexistence de financements publics ou parapublics

- Lrsquoexistence drsquoun agreacutement ministeacuteriel (Ministegravere de rattachement) ou drsquoune habilitation102

La reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) pourrait ecirctre attribueacutee aux associations laquo dont les statuts le mode de fonctionnement et les modaliteacutes drsquoexercice de leur activiteacute caracteacuterisent suffisamment leur utiliteacute sociale aux yeux de cette juridiction Elle pourrait agrave lrsquoinverse ecirctre retireacutee par cette mecircme juridiction ou commission paritaire degraves lors que les conditions ayant preacutesideacute agrave son attribution ne seraient plus reacuteunies Lrsquoabsence de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre invoqueacutee pour creacuteer une preacutesomption de lucrativiteacute pour lrsquoassociation qui nrsquoen beacuteneacuteficierait pas raquo Agrave ce jour nombreux sont les acteurs srsquoeacutetant prononceacutes en faveur de lrsquoeacutelaboration drsquoune reconnaissance unique drsquoutiliteacute sociale (RUS) Nous avons vu preacuteceacutedemment que les derniers rapports ministeacuteriels et parlementaires se montrent favorables agrave la mise en œuvre drsquoune telle proceacutedure Pour MT Cheacuteroutre103 laquo lrsquoattribution drsquoune reconnaissance par les pouvoirs publics aux organismes susceptibles drsquoecirctre exoneacutereacutes apparaicirct eacuteminemment souhaitable Cette reconnaissance accordeacutee pour une dureacutee deacutetermineacutee apporterait agrave ces derniers une garantie drsquoexoneacuteration du moins aussi longtemps qursquoil ne serait pas prouveacute par lrsquoadministration qursquoils ne respectent plus les conditions pour lesquelles ils ont obtenu ladite reconnaissance raquo De son cocircteacute la FONDA104 a eacutegalement exprimeacute son souhait drsquoassurer laquo une meilleure seacutecuriteacute financiegravere aux associations relevant de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et srsquoest montreacutee laquo favorable agrave la creacuteation drsquoune RUS attribueacutee par une commission tripartite (Etat Magistrats Associations) raquo Agrave notre connaissance deux projets de loi105 ont eacuteteacute deacuteposeacutes en ce sens pour ecirctre rapidement abandonneacutes par la suite faute de reacuteelle volonteacute politique En effet comme le souligne le CNVA agrave propos de la mise en œuvre de la RUS

102 Notamment lorsque lrsquoobjet de lrsquoassociation consiste agrave reacutealiser des activiteacutes reacuteglementeacutees 103 MT Cheacuteroute Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 rapport au nom du conseil eacuteconomique et social ndeg4 JO du 1er avril 1993 104 La FONDA Pour une eacutethique des rapports entre pouvoirs publics et citoyens seacuteminaire Paris 17 octobre 1992 105 Projet de loi A Henry RTD com 192 447 en janvier 2002 ce projet avait lanceacute une vaste consultation autour du concept drsquoutiliteacute sociale dans le but de deacutelimiter les associations auxquelles seraient accordeacutees le label Proposition de loi ndeg2779 AN 1996 art 2 laquo Les associations peuvent ecirctre reconnues drsquoutiliteacute sociale agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode probatoire de fonctionnement drsquoune dureacutee au moins eacutegale agrave trois ans lorsqursquoelles satisfont cumulativement aux conditions suivantes avoir un objet social de caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique humanitaire sportif familial culturel ou drsquoaction sociale ou de mise en œuvre du patrimoine artistique ou de deacutefense de lrsquoenvironnement ou de diffusion de la culture ou de la langue franccedilaise Exercer conformeacutement agrave cet objet des activiteacutes ouvertes agrave des personnes qui lui sont exteacuterieures raquo

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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‐ Les ressources tireacutees du meacuteceacutenat nrsquoentrent pas dans le champ drsquoapplication de la TVA de lrsquoimpocirct sur les socieacuteteacutes ou de la taxe professionnelle

‐ Les dons sont en outre exoneacutereacutes de droit

drsquoenregistrement39 au mecircme titre que les associations et fondations RUP (voir supra)

bull Pour les meacutecegravenes (particuliers ou entreprises)

‐ Particuliers reacuteduction drsquoimpocircts sur le revenu eacutequivalente agrave 66 de la valeur du don dans la limite de 20 du revenu annuel (amendement laquo Coluche raquo 75 dans la limite forfaitaire de 495 euro pour les associations drsquoaide aux personnes en difficulteacute en 200840)

‐ Entreprises reacuteduction drsquoimpocircts sur les socieacuteteacutes

eacutequivalente agrave 60 de la valeur du don dans la limite de 05 du CA de lrsquoentreprise (outre contreparties institutionnelles telles que le droit pour lrsquoentreprise de beacuteneacuteficier de la qualiteacute de membre de lrsquoassociation ou drsquoimage41 dans la limite de 25 de la valeur du don42)

Synthegravese de la RIG ‐ Compte tenu du caractegravere relativement flou de la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (lrsquoarticle 200 du CGI se contentant drsquoeacutenumeacuterer des secteurs drsquoactiviteacutes) lrsquoAdministration fiscale dispose finalement drsquoun large pouvoir drsquoappreacuteciation en matiegravere de deacutefinition des contours de la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral sous reacuteserve de la doctrine du Conseil drsquoEtat ‐ La proceacutedure de RIG ouvre la capaciteacute juridique des associations simplement deacuteclareacutees (dons sous forme de meacuteceacutenat) sans que ces derniegraveres ne puissent toutefois preacutetendre agrave la laquo grande capaciteacute juridique raquo dont beacuteneacuteficient les associations RUP (legs deacutetention de biens immobiliers) ‐ Le beacuteneacutefice des avantages fiscaux offerts par la RIG deacutependent de la non lucrativiteacute des activiteacutes de lrsquoassociation ce qui suppose ou que lrsquoassociation nrsquoexerce aucune activiteacute lucrative (cas des associations dont les ressources se composent uniquement de cotisations ou de subventions par exemple) ou que lrsquoassociation exerce des activiteacutes eacuteconomiques reconnues comme eacutetant drsquoutiliteacute sociale par lrsquoAdministration fiscale (voir infra les critegraveres fiscaux de la laquo reconnaissance drsquoutiliteacute sociale raquo)

39 CGI art 757 al 3 40 Loi 2007-1822 du 24 deacutecembre 2007 art 2 I 41 CGI art 238 bis 1 a 42 Instr fisc 4 C-2-00 ndeg5 agrave 7

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C ndash LA RECONNAISSANCE (FISCALE) DrsquoUTILITE SOCIALE Il nrsquoexiste pas de proceacutedure de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (RUS) agrave proprement parler crsquoest-agrave-dire ouvrant droit pour les associations agrave des avantages particuliers agrave llsquoinstar de la RUP ou de la RIG Tout au plus cette notion juridique rencontre deux modes drsquoapplication concregravete dans notre droit interne (1) que nous allons preacutesenter en guise drsquoillustration Nous verrons ainsi comment la meacutethodologie retenue par lrsquoAdministration fiscale agit comme une forme de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale preacutealable indispensable au maintien du caractegravere non lucratif de lrsquoassociation (2) 1 ndash Utiliteacute sociale deux exemples drsquoapplication concregravete Le premier exemple drsquoapplication concerne les socieacuteteacutes coopeacuteratives drsquointeacuterecircts collectifs (SCIC) instaureacutees par lrsquoarticle 36 de la loi 2001-624 du 17 juillet 2001 et lrsquoarticle 19 de la loi 47-1775 du 10 septembre 1947 Cet exemple peut apparaicirctre a priori eacuteloigneacute de notre preacutesentation sauf qursquoen autorisant la transformation des associations en SCIC nous verrons que ce dispositif leacutegislatif contribue agrave eacutelargir la capaciteacute juridique de ces derniegraveres tout en opeacuterant un rapprochement avec la notion drsquoutiliteacute sociale (11) Le second exemple drsquoapplication concregravete concerne la meacutethodologie retenue par lrsquoAdministration fiscale ndash encore elle ndash depuis lrsquoinstruction fiscale BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 199843 pour accorder aux associations (fiscalement) laquo reconnues drsquoutiliteacute sociale raquo la capaciteacute drsquoexercer des activiteacutes eacuteconomiques non assujetties aux impocircts commerciaux (12) 11 - Une premiegravere utilisation concregravete de la notion drsquoutiliteacute sociale le statut de SCIC Les Socieacuteteacutes Coopeacuteratives drsquoInteacuterecirct Collectifs (SCIC) socieacuteteacutes coopeacuteratives sous la forme de SA ou de SARL (hellip) ont pour objectif laquo la production ou la fourniture de biens et de services drsquointeacuterecirct collectif qui preacutesentent un caractegravere drsquoutiliteacute sociale raquo La proceacutedure drsquohabilitation relegraveve de la compeacutetence preacutefectorale Ce nouveau statut juridique a eacuteteacute creacuteeacute pour reacutepondre aux attentes des acteurs de lrsquoEconomie sociale et solidaire crsquoest-agrave-dire de disposer drsquoun cadre drsquoentreprise adapteacute au deacuteveloppement entrepreneurial tout en prenant en compte la dimension eacutethique des activiteacutes qui relegravevent de cette Economie

43 Reprise par lrsquoinstruction fiscale de synthegravese BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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Pour le Secreacutetaire drsquoEtat agrave lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire laquo la SCIC doit ecirctre comprise comme le chaicircnon manquant entre lrsquoassociation et la coopeacuterative avec la possibiliteacute drsquointeacutegrer de nouveaux partenaires raquo (F Morin conseiller technique du cabinet de G Hascoeumlt) 44 Du cocircteacute de lrsquoEtat pour le Ministegravere de lrsquoemploi et le secreacutetariat agrave lrsquoeacuteconomie solidaire laquo cette nouvelle structure doit deacuteboucher sur la creacuteation drsquoemplois en plus de ceux occupeacutes aujourdrsquohui dans lrsquoentreprise drsquoinsertion qui restera pour lrsquoinstant en lrsquoeacutetat raquo

12 ndash Une deuxiegraveme utilisation concregravete de la notion drsquoutiliteacute sociale la reconnaissance de la non lucrativiteacute des activiteacutes eacuteconomiques reacutealiseacutees par les associations non assujetties aux impocircts commerciaux Depuis lrsquoinstruction fiscale BOI 4 h-5-98 du 15 septembre 1998 pour lrsquoAdministration fiscale il est deacutesormais laquo leacutegitime quun organisme non lucratif deacutegage dans le cadre de son activiteacute des exceacutedents reflet dune gestion saine et prudente Cependant lorganisme ne doit pas les accumuler dans le but de les placer Les exceacutedents reacutealiseacutes voire temporairement accumuleacutes doivent ecirctre destineacutes agrave faire face agrave des besoins ulteacuterieurs ou agrave des projets entrant dans le champ de son objet non lucratif raquo Parallegravelement lrsquoinstruction fiscale consacrait le principe de non assujettissement des associations et organismes sans but lucratif aux impocircts commerciaux Il convenait donc de clarifier une situation confuse compte tenu de lrsquoeacutevolution du monde associatif notamment au regard de la pleine et entiegravere capaciteacute juridique des associations (simplement deacuteclareacutees) en matiegravere drsquoexercice drsquoactiviteacutes eacuteconomiques ou commerciales45 Crsquoest dans ce cadre que lrsquoAdministration fiscale a eacuteteacute ameneacutee agrave proposer une laquo grille de lecture raquo concernant lrsquoexercice de ce type drsquoactiviteacutes eacutetant entendu que si lrsquoassociation adopte des comportements identiques agrave ceux des entreprises commerciales sur un mecircme marcheacute le principe de non assujettissement ne pouvant ecirctre maintenu celle-ci recouvrait immeacutediatement son statut drsquoentreprise assujettie aux impocircts commerciaux Pour savoir si une association exerce son activiteacute dans des conditions similaires agrave celle drsquoune entreprise et si de ce fait elle doit ecirctre soumise aux impocircts commerciaux lrsquoAdministration fiscale preacuteconise une analyse en plusieurs eacutetapes

minus Etape 1 la gestion de lrsquoorganisme est-elle deacutesinteacuteresseacutee (les

dirigeants ne peuvent reacutemuneacutereacutes (sauf cas deacuterogatoires limitativement eacutenumeacutereacutes) les beacuteneacutefices et le patrimoine de lrsquoassociation ne peuvent ecirctre attribueacutes aux membres)

44 C Amblard SCIC un nouvel outil pour lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Revue Le Tout Lyon 2001 45 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit Universiteacute Versailles ndash St Quentin 1998 (410 pages) C Amblard Lrsquoentreprise associative Editions territoriales 2006 C Amblard Activiteacutes eacuteconomiques et commerciales des associations Lamy Associations Etude 246 preacutec

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‐ Etape 2 lrsquoorganisme concurrence-t-il une entreprise ‐ Etape 3 lrsquoorganisme exerce-t-il son activiteacute dans des conditions

similaires agrave celles drsquoune entreprise (analyse par application de la regravegle des quatre laquo P raquo les indices eacutetant classeacutes par ordre deacutecroissant drsquoimportance) bull Le laquo produit raquo proposeacute bull Le laquo public raquo beacuteneacuteficiaire bull Les laquo prix raquo pratiqueacutes bull La laquo publiciteacute raquo reacutealiseacutee

Srsquoagissant plus particuliegraverement des deux premiers critegraveres (laquo Produit raquo et laquo Public raquo) il convient de souligner que lrsquoinstruction fiscale procegravede agrave leur laquo reacuteunification raquo sous le vocable drsquo laquo utiliteacute sociale raquo En drsquoautres termes il y a bien reconnaissance drsquoutiliteacute sociale lorsque lrsquoassociation

‐ intervient dans un domaine ougrave les besoins sont insuffisamment couverts par le secteur lucratif ‐ ou46 srsquoadresse agrave un public qui ne peut normalement acceacuteder aux services du secteur concurrentiel

La recherche de lrsquoutiliteacute sociale conduit donc agrave mettre en correacutelation le produit et le service fourni par lrsquoassociation avec le public viseacute En effet une attention toute particuliegravere est attacheacutee agrave ces critegraveres et agrave lrsquoaffectation des exceacutedents pour deacuteterminer si lrsquoassociation exerce ou non une activiteacute suivant des modaliteacutes similaires agrave celles utiliseacutees par une entreprise

- Le produit est drsquoutiliteacute sociale laquo lrsquoactiviteacute qui tend agrave satisfaire un besoin qui nrsquoest pas pris en compte par le marcheacute ou qui lrsquoest de faccedilon peu satisfaisante raquo

- Le public sont susceptibles drsquoecirctre drsquoutiliteacute sociale laquo les actes

payant reacutealiseacutes principalement au profit de personnes justifiant lrsquooctroi drsquoavantages particuliers au vue de leur situation eacuteconomique sociale ou humaine (chocircmeurs personnes handicapeacutees notammenthellip) Ce critegravere ne doit pas srsquoentendre seulement agrave des situations de deacutetresse physique ou morale raquo

46 Le critegravere alternatif des deux eacuteleacutements produit et public a eacuteteacute affirmeacute par la jurisprudence CE 3 deacutecembre 1999 ndeg 133291 RJF 100 ndeg 35

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2 ndash Lrsquoapproche (fiscale) de la notion drsquoutiliteacute sociale un rocircle preacutepondeacuterant dans les proceacutedures de reconnaissance du secteur associatif Nous avons vu preacuteceacutedemment que

‐ La RUP suppose que lrsquoassociation exerce des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au sens de lrsquoarticle 200 et 238 bis du CGI ‐ La RIG commande pour les associations eacutevoluant dans la sphegravere eacuteconomique que ces derniegraveres exercent agrave titre preacutepondeacuterant des activiteacutes non lucratives ce qui suppose drsquoecirctre reconnues par lrsquoAdministration fiscale comme eacutetant drsquoutiliteacute sociale

Il existe bien par conseacutequent des interactions entre les diffeacuterents modes de reconnaissance et lrsquoapproche fiscale de la notion drsquoutiliteacute sociale Bien plus en insistant sur lrsquoimportance deacutecroissante des critegraveres retenus par la regravegle des 4 laquo P raquo lrsquoAdministration fiscale amplifie le rocircle joueacute par les deux premiers critegraveres (laquo Produit raquo et laquo Public raquo) et par conseacutequent lrsquoinfluence de cette notion au sein des modes de reconnaissance de la vie associative Autre eacuteleacutement important agrave ce stade de la reacuteflexion le rocircle non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat ou les autres administrations dans la laquo reconnaissance raquo drsquoutiliteacute sociale des associations en effet lrsquoinstruction fiscale47 preacutecise explicitement que ce type drsquoagreacutement laquo nrsquoest qursquoun eacuteleacutement parmi drsquoautres de lrsquoappreacuteciation de son utiliteacute sociale raquo Neacuteanmoins lrsquoinstruction preacutecise que laquo srsquoils prennent en compte la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y ait fait face ces agreacutements peuvent contribuer agrave lrsquoappreacuteciation de lrsquoutiliteacute sociale raquo Mais dans tous les cas lrsquoAdministration fiscale considegravere qursquolaquo ils ne sont ni neacutecessaires ni suffisants pour eacutetablir le caractegravere drsquoutiliteacute sociale de lrsquoassociation raquo Synthegravese de la RUS ‐ La notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale ouvre la capaciteacute des associations agrave intervenir dans la sphegravere eacuteconomique tout en preacuteservant leur statut drsquoorganismes sans but lucratif non soumis aux impocircts commerciaux ‐ In fine cette notion constitue un preacutealable indispensable agrave la mise en œuvre de la RIG (absence drsquoactiviteacute lucrative) et exerce une influence non neacutegligeable dans le mode de deacutelivrance de la RUP (reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et neacutecessiteacute de disposer de ressources suffisantes hors financement public) ‐ En lrsquoeacutetat actuel la reconnaissance (fiscale) drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre assimileacutee agrave une proceacutedure de reconnaissance institutionnelle de type RUP

47 Instr fisc 4 H-5-06 preacuteciteacutee ndeg63

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ou RIG instaureacutee par le leacutegislateur neacuteanmoins elle donne lieu agrave une appreacuteciation souveraine de lrsquoadministration fiscale dans le cadre de la proceacutedure de rescrit fiscal applicable depuis lrsquoinstruction fiscale preacuteciteacutee du 15 septembre 1998 En effet la reacuteponse du correspondant associations au questionnaire visant agrave deacuteterminer le reacutegime fiscal applicable au regard des impocircts vaut prise de position formelle de lrsquoadministration au sens de lrsquoarticle L 80 B du Livre des proceacutedures fiscales (opposabiliteacute) ‐ Telle que preacutevue par lrsquoinstruction fiscale du 18 deacutecembre 2006 preacuteciteacutee la notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale donne encore lieu agrave une appreacuteciation discreacutetionnaire et unilateacuterale de lrsquoadministration fiscale (sous reacuteserve du controcircle juridictionnel administratif)

bull Concernant lrsquoappreacuteciation discreacutetionnaire elle ressort drsquoune part de la dimension reacuteductrice des critegraveres retenus par lrsquoadministration fiscale48 et drsquoautre part de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation49 objective crsquoest-agrave-dire reposant sur lrsquoexistence de reacutefeacuterentiels qualitatifs et quantitatifs admis et partageacutes par tous50

bull Concernant lrsquoappreacuteciation unilateacuterale elle est induite par le caractegravere non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat (Ministegravere de tutelle) ou toute autre Administration y compris lorsque ces proceacutedures drsquoagreacutement preacutevoient des critegraveres permettant la prise en compte de la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y est fait face51 Or comme le soulignait deacutejagrave en 1993 MT

48 Lrsquoanalyse de la deacutecision rendue par lrsquoarrecirct Jeune France du 1er octobre 1999 (CE 1101999 ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354) permet eacutegalement de souligner la dimension neacutegative donneacutee agrave ces critegraveres dans la mesure ougrave ils servent agrave appreacutecier la speacutecificiteacute des associations et autres organismes sans but lucratif essentiellement au regard de regravegles de la concurrence 49 F Rousseau Lrsquoeacutevaluation laquo regravegle du jeu raquo entre associations et pouvoirs publics Juris Associations 1er avril 2008 ndeg376 p 16 et 17 lrsquoauteur souligne qursquoil convient de retenir laquo la diffeacuterence essentielle entre drsquoune part lrsquoeacutevaluation des activiteacutes associatives selon une logique drsquoeacutevaluation des politiques et drsquoautre part la deacutemarche de coconstruction drsquoune meacutethodologie drsquoeacutevaluation qui associe[rait[ les acteurs locaux (eacutelus techniciens militants associatifs chercheurs etc raquo 50 A souligner les nombreux travaux sur ces questions (liste non exhaustive) laquo Economie sociale et solidaire en reacutegion raquo (programme de recherche coordonneacute par la DIES et la Mire entre 2001 et 2003) P VIVERET Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 J GADREY 2003 Lrsquoutiliteacute sociale et organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE version provisoire 133 pages Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREE du 11 janvier 2005 La reconfiguration de lrsquoaction publique entre lrsquoEtat associations et participation citoyenne X ENGELS (Dir) M HELY A PERRIN H TROUVE De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne LrsquoHarmattan 2006 Guide meacutethodologique Fonda Rhocircne-Alpes (reacutealiseacute avec le concours de la Reacutegion Rhocircne-Alpes) Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective 2006 H TROUVE Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale de son activiteacute 124 pages wwwaviseorg Seacuteminaire Avise Evaluer lrsquoutiliteacute sociale deacutemarche meacutethodologie expeacuteriences Paris 6 deacutecembre 2007 51 Ibidum

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Cheroutre52 lors de sa preacutesentation du rapport du Conseil Economique et social laquo lrsquooctroi drsquoun agreacutement ou drsquoune habilitation est la marque de reconnaissance par les pouvoirs publics de la fonction remplie par lrsquoassociation ce qui implique des controcircles et drsquoeacuteventuels retraits si le contrat nrsquoest pas rempli raquo53

‐ Dans ces conditions et compte tenu des arguments qui preacutecegravedent il y a lieu de srsquointerroger sur la neacutecessiteacute drsquoune simplification des proceacutedures de reconnaissance de la vie associative (II) De faccedilon plus cruciale encore des questions se posent quant agrave la capaciteacute des acteurs agrave laquo coconstruire raquo leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation dans le cadre drsquoune deacutemarche partageacutee A ce propos nous assistons drsquoailleurs agrave un deacuteplacement du deacutebat national vers un cadre de reacuteflexion engageacute par les instances communautaires en matiegravere de transposition de la directive laquo services raquo et de deacutefinition de service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) II ndash VERS UNE SIMPLIFICATION DES MODES DE RECONNAISSANCE

A - La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) une utiliteacute

Dans une eacutetude adopteacutee le 25 octobre 2000 par la section du rapport et des eacutetudes du Conseil drsquoEtat54 il est rappeleacute qursquo laquo il nrsquoest pas aujourdrsquohui drsquoavantage patrimonial ou fiscal qui soit reacuteserveacute aux seules associations reconnues drsquoutiliteacute publique Il nrsquoy aurait donc pas drsquointeacuterecirct pour une association agrave ecirctre reconnue raquo En effet la plupart des associations simplement deacuteclareacutees perccediloivent des dons manuels55 ou encore sont en capaciteacute de beacuteneacuteficier de ce type de ressources sans aucune limitation soit directement sous la forme de meacuteceacutenat56 (dons uniquement) soit indirectement par la creacuteation drsquoun fonds de dotation57 ou en srsquoaffiliant agrave une union ou un organisme drsquoutiliteacute publique (dons et legs)58 52 Ibidum 53 La loi de finances rectificative pour 2008 (Loi ndeg2008-1443 du 30 deacutecembre 2008) a pris plusieurs mesures en vue de renforcer la seacutecuriteacute juridique des contribuables Lrsquoarticle 50 de la loi de finances rectificative pour 2008 creacuteeacute ainsi un recours devant lrsquoadministration pour les deacutecisions formelles prises en vertu des articles L80 B 1deg agrave 6deg et 8deg et L80 C du Livre des proceacutedures fiscales (LPF) applicable aux demandes deacuteposeacutees agrave partir du 1er juillet 2009 54 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique La documentation franccedilaise 2000 p15 55 Cass com 5 octobre 2004 ndeg03-15709 Bull civ IV ndeg178 56 Loi Aillagon du 1er aoucirct 2003 57 C Amblard Fonds de dotation encore du nouveau sur le front du meacuteceacutenat preacutec 58 Loi 1er juillet 1901 art 6 al1

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Degraves lors crsquoest tout naturellement et sans ambiguiumlteacute que le Conseil drsquoEtat srsquoest poseacute la question suivante laquo faut-il supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo (pour une meilleure lisibiliteacute de lrsquoaction associative et une simplification des proceacutedures de reconnaissance) Une telle proposition nrsquoa toutefois pas eacuteteacute retenue par lrsquoeacutetude des statistiques du Ministegravere de lrsquoInteacuterieur laquo il semble qursquoen deacutepit de la faiblesse des avantages qursquoelles peuvent en retirer et des contraintes que cela engendre pour elles des associations continuent chaque anneacutee de solliciter la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo Quelles peuvent-elles ecirctre les motivations des associations qui souhaiteraient beacuteneacuteficier de cette forme de reconnaissance Dans son rapport public de 200059 le Conseil drsquoEtat souligne avant tout laquo la force symboliques que srsquoaccordent agrave y voir les repreacutesentants du monde associatif raquo En effet il ressort que ceux-ci sont avant tout laquo agrave la recherche drsquoun label raquo60 La RUP laquo fait en quelque sorte agrave leurs yeux figure de label officiel qui consacre la leacutegitimiteacute de lrsquoassociation qui en beacuteneacuteficie et qui sanctionne la qualiteacute des actions qursquoelle megravene raquo Ainsi laquo [il] est un signe pour leurs partenaires et une garantie pour eux raquo Cependant le Conseil drsquoEtat croit bon attirer notre attention sur le fait que laquo cette force symbolique de la RUP nrsquoest toutefois pas deacutenueacutee drsquoeffets pratiques puisqursquoil apparaicirct que de 1991 agrave 1996 les associations et les fondations drsquoutiliteacute publique ont reccedilu 84 des dons deacuteclareacutes par les contribuables Pour les associations qui font appel agrave la geacuteneacuterositeacute publique la RUP vaut garantie que les sommes collecteacutees ne feront pas en principe lrsquoobjet drsquoune utilisation abusive ou frauduleuse raquo Cette garantie existe-t-elle vraiment srsquoagissant des associations RUP Preacuteciseacutement pour le Conseil drsquoEtat laquo cela peut paraicirctre paradoxal de rechercher le controcircle de lrsquoEtat pour pouvoir ensuite souligner qursquoelles srsquoy sont soumises et offrent donc toutes les garanties de bon fonctionnement raquo drsquoautant plus que pour lui laquo le controcircle de lrsquoEtat (hellip) est insuffisant raquo Crsquoest ainsi que dans son dernier rapport sur les associations RUP datant de 200061 ce dernier preacuteconisait dans ses conclusions laquo drsquointroduire dans la loi du 1er juillet 1901 (ou agrave lrsquoarticle L612-4 du Code de commerce) lrsquoobligation pour toute association reconnue drsquoutiliteacute publique drsquoavoir recours agrave un commissaire aux comptes dans les conditions preacutevues aux articles L 225-218 et suivants du Code de commerce raquo

59 Conseil drsquoEtat Les associations et la loi de 1901 cent ans apregraves Rapport public 2000 La documentation franccedilaise Etudes et Documents ndeg51 p307 60 Conseil drsquoEtat Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec 61 Ibidum

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Or agrave ce jour force est de constater qursquoaucune reacuteforme nrsquoest intervenue en ce sens En effet il nrsquoexiste ni dans la loi du 1er juillet 1901 ni dans les statuts-types des associations RUP ni mecircme dans aucun dispositif leacutegislatif speacutecifique ndash en dehors du dispositif applicable en matiegravere drsquoappel agrave la geacuteneacuterositeacute publique62 - drsquoobligation imposant la preacutesence drsquoun commissaire aux comptes au sein des associations RUP Aussi et toujours pour le Conseil drsquoEtat laquo srsquoil nrsquoy a donc pas de motif deacuteterminant de supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique il convient de reacutefleacutechir aux ameacuteliorations pouvant ecirctre apporteacutees agrave son reacutegime drsquoutiliteacute publique et aux reacutegimes voisins raquo En tout eacutetat de cause la pertinence du maintien de la RUP se pose si lrsquoon en juge les reacutesultats de deux rapports ministeacuteriels reacutecents sur cette question en effet pour le rapport Morange63 laquo les avantages mateacuteriels de la RUP sont deacutesormais drsquoune porteacutee quasi theacuteorique raquo Quant agrave lrsquoavantage moral de la RUP pour le deacuteputeacute P Morange il demeure laquo important mais il ne justifie pas la lourdeur de la proceacutedure raquo Le rapport Langlais64 parle lui de laquo proceacutedure eacutelitiste raquo qui laquo nrsquoa pas su srsquoadapter aux eacutevolutions de la socieacuteteacute raquo Pourquoi degraves lors vouloir absolument maintenir un systegraveme de reconnaissance qui agrave notre avis pose deux probleacutematiques majeures

‐ La premiegravere probleacutematique porte sur la capaciteacute patrimoniale des associations qui preacuteciseacutement ne beacuteneacuteficient pas de cette forme de reconnaissance en effet est-il toujours leacutegitime que pregraves drsquoun million de structures associatives disposent par contrecoup drsquoune capaciteacute juridique reacuteduite Deacutejagrave en 1993 agrave propos de la capaciteacute patrimoniale des associations simplement deacuteclareacutees le Conseil Economique et social65 soulignait que laquo le contexte drsquoaujourdrsquohui eacutelargissant les missions de nombreuses associations met davantage lrsquoaccent sur les enjeux eacuteconomiques et sociaux qui leur demandent de mobiliser agrave la fois des moyens eacuteconomiques financiers et humains On peut donc agrave juste titre se demander si les carcans drsquoune autre eacutepoque ne pourraient ecirctre leveacutes raquo Les choses ont peu eacutevolueacute depuis au deacutetriment drsquoun secteur associatif dont lrsquoessentiel de ses forces vives consacre une bonne partie de leur temps et de leur eacutenergie agrave rechercher des

62 Loi ndeg91-772 du 7 aoucirct 1991 art 3 et encore il convient de noter que lrsquointervention du commissaire aux comptes ne srsquoimpose que pour les associations ayant nommeacute un commissaire aux comptes pour drsquoautres motifs Anteacuterieurement le compte emploi des ressources (CER) constituait un document autonome agrave deacuteposer au siegravege de lrsquoassociation et agrave tenir agrave disposition des adheacuterents En cas de controcircle par un commissaire aux comptes ce dernier eacutetait tenu drsquoeacutetablir une attestation Depuis le 1er janvier 2006 le CER est devenu un eacuteleacutement annexe aux comptes Lrsquoattestation du commissaire aux comptes nrsquoa donc plus lieu drsquoecirctre (cf Meacutemento pratique F Lefebvre Associations 2008-2009 ndeg71400 p976) 63 P Morange Rapport drsquoinformation sur la gouvernance et le financement des structures associatives ndeg134 assembleacutee nationale 1er octobre 2008 p41 et 42 64 JL Langlais Pour un partenariat renouveleacute entre lrsquoEtat et les associations rapport ministeacuteriel juin 2008 p 26 65 Ibidum p 82

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financements Sur ce point il convient de noter les propositions drsquoeacutevolutions importantes figurant dans le rapport Morange lequel suggegravere aux associations simplement deacuteclareacutees de beacuteneacuteficier de la capaciteacute juridique de recevoir des dons ‐ La seconde probleacutematique renvoit directement aux besoins exprimeacutes en matiegravere de simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif en effet le rapport Langlais66 souligne agrave juste titre que laquo la principale source de complexiteacute tient agrave lrsquoeacuteclatement des modes de reconnaissance du fait associatif par la puissance publique La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) existe toujours elle nrsquoa pas varieacute depuis un siegravecle (hellip) elle est de plus en plus concurrenceacutee par drsquoautres formes de reconnaissance et certains nrsquoheacutesitent pas agrave la consideacuterer comme deacutemodeacutee voire obsolegravete La reconnaissance drsquoutiliteacute publique est accordeacutee sans limitation de dureacutee et il existe probablement comme pour les associations deacuteclareacutees mais en beaucoup plus faible proportion des ARUP qui figurent toujours dans les chiffres officiels bien qursquoelles nrsquoaient plus drsquoexistence reacuteelle raquo De son cocircteacute le deacuteputeacute P Morange propose de deacutelivrer la RUP pour une dureacutee deacutesormais limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans

Il convient par conseacutequent drsquoenvisager une simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif drsquoautant plus que sont apparus agrave cocircteacute de la RUP de nombreuses autres formes de reconnaissance plus ou moins officielle tels que les agreacutements ou les labels priveacutes (Comiteacute de la Charte voire mecircme la proposition de labellisation AFNOR) Nous verrons infra que ce processus de simplification doit ecirctre lrsquooccasion drsquoun dialogue renouveleacute entre les acteurs du monde associatif et les pouvoirs publics en vue de la mise en œuvre drsquoune deacutemarche partageacutee

66 Ibidum

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B - LA SIMPLIFICATION DES PROCESSUS DE RECONNAISSANCE VERS UNE RECONNAISSANCE UNIQUE DrsquoUTILITE SOCIALE

1 ndash Les propositions reacutecemment formuleacutees par les rapports Langlais et Morange de 2008

Sur ce point les deux rapports srsquoaccordent pour distinguer trois types drsquoassociations

11 - Les associations deacuteclareacutees

Pour JL Langlais il srsquoagirait de reconnaicirctre la capaciteacute creacuteatrice de ces associations locales par lrsquooctroi de subventions symboliques et uniquement deacutelivreacutees par les collectiviteacutes territoriales correspondant agrave leur aire drsquoinfluence P Morange propose quant agrave lui drsquoouvrir la capaciteacute juridique de ces laquo petites raquo associations en leur permettant de percevoir des dons (autres que manuels) et de les soumettre aux controcircles drsquoun commissaire aux comptes et aux controcircles meneacutes par les services deacuteconcentreacutes degraves lors qursquoelles beacuteneacuteficieraient de subventions publiques

12 - Les associations reconnues drsquoutiliteacute sociale ou

drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

Pour JL Langlais ces associations pourraient beacuteneacuteficier drsquoune reconnaissance drsquointeacuterecirct laquo social ou geacuteneacuteral raquo

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce sont en gros les 4 conditions

requises pour lrsquoobtention de lrsquoagreacutement fiscal (cf supra) Drsquoailleurs il est proposeacute que cet agreacutement soit deacutecerneacute par lrsquoAdministration fiscale Une condition suppleacutementaire pourrait ecirctre poseacutee relative au beacuteneacutevolat sans neacutecessairement fixer de seuil a priori on devrait exiger que le beacuteneacutevolat soit nettement preacutepondeacuterant dans le fonctionnement de lrsquoassociation

Avantages consentis possibiliteacute de recevoir des subventions y

compris des subventions de fonctionnement capaciteacute agrave recevoir des dons (nrsquoexceacutedant pas un certain montant) agrave faire beacuteneacuteficier aux donateurs de lrsquoexoneacuteration fiscale au taux de droit commun

Obligations ecirctre agrave jour de leurs obligations deacuteclaratives

obligation de justifier lrsquoemploi des fonds reccedilus de deacuteposer leurs comptes en Preacutefecture de se soumettre aux controcircles aleacuteatoires ou programmeacutes de la puissance publique certification obligatoire des comptes au-delagrave de 153 000 euro de financement annuel

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Pour P Morange laquo cette cateacutegorie recouvre les associations subventionneacutees ou qui beacuteneacuteficient drsquoavantages fiscaux et oeuvrent au service de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo Selon lui laquo il serait envisageable comme en Grande Bretagne drsquoeacutetablir des listes de secteurs dans lesquels ces associations interviennent et de les soumettre agrave un certain nombre drsquoobligations en srsquoinspirant par exemple de la pratique fiscale (voir supra) Ainsi lrsquoassociation devrait poursuivre un but drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral ecirctre soumise agrave un controcircle financier et une eacutevaluation reacuteguliegravere au niveau deacutecentraliseacute raquo Enfin laquo lrsquoassociation devrait se doter drsquoun commissaire aux comptes raquo

13 Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique Pour JL Langlais seules les associations qui se consacrent exclusivement agrave des actions drsquoassistance ou de bienfaisance pourraient beacuteneacuteficier drsquoune RUP

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce seraient les mecircmes que pour la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral mais avec 3 nuances - toute lrsquoactiviteacute doit ecirctre tendue vers lrsquoobjet social - un degreacute plus eacuteleveacute de professionnalisation (et donc de salariat) serait acceptable - mais un moindre degreacute drsquoouverture exigeacute (une association pourrait ecirctre reconnue drsquoutiliteacute publique alors qursquoelle fonctionne au beacuteneacutefice drsquoun public fermeacute67)

Avantages les avantages seraient ceux du reacutegime actuel le

plus favorable dons et legs (reacutegime RUP) exoneacuteration au taux le plus favorable (laquo amendement Coluche raquo) subventions sur une base pluriannuelle

Obligations toutes les obligations du reacutegime preacuteceacutedant avec en plus lrsquoobligation de deacuteposer des comptes certifieacutes

JL Langlais poursuit en proposant que la reconnaissance drsquoutiliteacute publique soit laquo deacutecerneacutee pour une dureacutee limiteacutee soit par le ministegravere de lrsquointeacuterieur soit par le ministegravere en charge de la vie associative (et les preacutefets agrave lrsquoeacutechelon deacuteconcentreacute) soit encore par une agence nationale agrave creacuteer raquo Pour P Morange la RUP laquo serait deacutelivreacutee par le Conseil drsquoEtat comme crsquoest le cas actuellement et controcircleacutee par la Cour des comptes avec le concours de lrsquoIGAS et de lrsquoIGA pour une dureacutee limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans raquo A titre subsidiaire les auteurs proposent eacutegalement drsquoeacutetablir une laquo situation speacutecifique raquo pour les associations engageacutees dans la gestion drsquoune mission de service public tandis que P Morange envisage cette situation sous lrsquoangle de la seacutecurisation des rapports engageacutes par ces derniegraveres avec lrsquoadministration JL Langlais quant agrave lui considegravere dans une telle situation que laquo la forme juridique [drsquoassociation] nrsquoest alors qursquoune fiction raquo et que degraves lors laquo lrsquoEtat doit pouvoir les financer mais aussi les controcircler et les diriger comme il le

67 Lrsquoauteur propose de revenir sur la jurisprudence CE 7 feacutevr 2007 ndeg 287949 Steacute des anciens eacutelegraveves de lrsquoEacutecole Nationale Supeacuterieure drsquoArts et Meacutetiers et a

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ferait de ses propres services en attendant de trouver une structure juridique adeacutequate raquo Une mise en conformiteacute des proceacutedures drsquoagreacutement avec les nouvelles contraintes communautaires est eacutegalement envisageacutee

2 ndash Nos pistes de reacuteflexions

21 - Concernant le devenir de la proceacutedure RUP

Nous avons vu preacuteceacutedemment que cette proceacutedure deacutesormais consideacutereacutee comme eacutetant laquo obsolegravete raquo par la plupart des observateurs (voir supra) ne preacutesentait plus guegravere drsquointeacuterecirct sur un plan technique (voir supra) Degraves lors et en raison de la forte concentration de financements priveacutes (pregraves de 90 sous la forme de dons deacuteclareacutes par les contribuables ndash voir supra) sur un nombre extrecircmement limiteacute drsquoassociations et de fondations RUP de cette laquo proceacutedure eacutelitiste raquo la question de son devenir se pose de faccedilon cruciale En effet au 15 juillet 2000 le Conseil drsquoEtat deacutenombrait 1960 associations RUP laquo dont 200 nrsquoauraient selon lui aucune activiteacute sinon plus aucune existence raquo68 Force est de constater que presque 10 ans plus tard ce nombre nrsquoa quasiment pas augmenteacute puisque le dernier recensement effectueacute en deacutecembre 200869 par le Ministegravere de lrsquointeacuterieur fait eacutetat de 1966 associations RUP Lrsquourgence consiste donc bien agrave mettre un terme agrave cette situation laquo monopolistique raquo ougrave agrave tout le moins agrave instaurer des proceacutedures de controcircle agrave la fois plus preacutecises et plus contraignantes que celles existantes actuellement Sur ce point les propositions tendant agrave limiter la deacutelivrance de la RUP pour une dureacutee limiteacutee formuleacutees dans les rapports Langlais et Morange nous semblent parfaitement approprieacutees Ces propositions seront agrave rapprocher de celle proposeacutee par P Morange visant offrir agrave lrsquoensemble des associations la laquo grande capaciteacute juridique raquo particuliegraverement en matiegravere de dons

22 - Concernant la probleacutematique du rapprochement entre reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale)

Il ne srsquoagit pas de revenir sur les nombreux travaux drsquoores et deacutejagrave existants en matiegravere de rapprochement des concepts drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et drsquoutiliteacute sociale Parmi les plus importants lrsquoon peut citer ceux de J Gadrey en 200470 ceux reacutesultant de la journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF en 200571 ou encore la contribution commune de X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute publieacutee en 200672 A la lumiegravere de ces travaux il

68 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec p15 69 Site du ministegravere de lrsquointeacuterieur (publication du 08 avril 2008) httpwwwinterieurgouvfrsectionsa_la_unepublicationscultes-associations 70 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale des organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE feacutevrier 2004 71 Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Paris 11 janvier 2005 72 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Editions LrsquoHarmattan Paris 2006

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semble bien que lrsquoon assiste agrave laquo un basculement vers la notion plus large drsquoutiliteacute sociale notion qui par ailleurs entretient une filiation juridique avec le concept drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo73 Sur un plan juridique ces travaux montrent notamment qursquoil existe laquo un rapport assez eacutetroit agrave certains eacutegards entre la notion drsquoutiliteacute sociale et celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo si lrsquoon considegravere lrsquoanalyse de la jurisprudence des dix derniegraveres anneacutees74 Dans cette perspective la deacutemarche de rapprochement entre la proceacutedure RIG et RUS proposeacutee par les rapports de JL Langlais et P Morange trouverait une explication rationnelle

23 - Concernant lrsquoapproche du concept mecircme drsquoutiliteacute sociale

Comme le souligne J Gadrey75 laquo lrsquoutiliteacute sociale des organisations drsquoeacuteconomie sociale (OES) nrsquoa guegravere drsquoexistence en tant que probleacutematique geacuteneacuterale en dehors des deacutebats concernant le rocircle eacuteconomique et social actuel et futur de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Crsquoest une ideacutee qui a eacuteteacute forgeacutee pour deacutefendre lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire face agrave certaines menaces ou pour promouvoir le deacuteveloppement de regravegles favorables76 raquo Pour ce dernier en effet laquo il y a rien de naturel agrave soulever la question de lrsquoutiliteacute sociale des OES et qursquoil srsquoagit bien drsquoune convention socio-politique historiquement et geacuteographiquement contingente77 raquo Neacuteanmoins si le concept demeure aujourdrsquohui encore relativement flou paradoxalement il reccediloit dans notre droit interne une application de plus en plus freacutequente par les tribunaux78 et lrsquoAdministration fiscale79 De son cocircteacute et mecircme si pour lrsquoinstant le leacutegislateur srsquoest toujours refuseacute de srsquoorienter vers la voie drsquoune reconnaissance drsquoutiliteacute sociale80 celui-ci fait de plus reacutefeacuterence agrave ce concept81 drsquoougrave la neacutecessiteacute de privileacutegier une approche visant agrave circonscrire lrsquo laquo halo socieacutetal raquo82 des OES plutocirct que de chercher drsquoune maniegravere 73 A Euillet Lrsquoutiliteacute sociale une notion deacuteriveacutee de celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Revue de droit sanitaire et social ndeg2 avril-juin 2002 pp 2007 - 228 74 J Gadrey preacutec p 30 75 Ibidum 76 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques thegravese de droit 1998 preacutec Lrsquoauteur envisage la mise en œuvre drsquoune affirmative action en faveur des associations reconnues drsquoutiliteacute sociale 77 Si lrsquoon prend lrsquoexemple des services agrave domicile aux personnes acircgeacutees en Suegravede on peut observer que ceux-ci sont majoritairement produits par des organisations publiques locales tandis qursquoaux Etats-Unis - ougrave le laquo non profit sector raquo se construit le plus souvent comme une puissance alternative priveacutee face agrave un Etat providence laquo diaboliseacute raquo (Salamon) ils sont majoritairement financeacutes par des fonds priveacutes (beacuteneacuteficiant drsquoavantages fiscaux) 78 Voir par exemple CE 24 octobre 1979 CAA Paris 1er deacutecembre 1989 CAA Nancy 19 novembre 1992 79 Instr Fisc BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 1998 Instr Fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 (synthegravese) 80 Reacutep min du 01 juillet 1999 JO Seacutenat p 2224 81 Voir par exemple Loi ndeg2002-2 du 2 janvier 2002 relative agrave lrsquoaction sociale et meacutedico-sociale Loi ndeg 97-940 du 16 octobre 1997 relative au deacuteveloppement dactiviteacutes pour lemploi des jeunes (JO du 17 Octobre) LOI ndeg 9 8-657 du 29 juillet 1998 drsquoorientation relative agrave la lutte contre les exclusions 8282 A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport final relatif agrave la lettre de mission de Madame la Ministre de lrsquoEmploi et de la Solidariteacute 2000 pour A Lipietz il srsquoagirait de deacutefinir les contours du tiers secteur par un laquo label drsquoutiliteacute sociale et solidaire fondeacutes sur deux types de critegraveres quant aux

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improbable une deacutefinition qui serait unanimement admise par les acteurs des OES Finalement il ne srsquoagirait rien moins que de reconnaicirctre les OES afin de soutenir lrsquoeffort particulier de ces entiteacutes juridiques dont les laquo speacutecificiteacutes meacuteritoires raquo83 rejaillissent sur lrsquoensemble de la collectiviteacute Mais limiter le concept au seul beacuteneacutefice des OES serait par trop reacuteducteur et la mesure de lrsquoutiliteacute sociale doit eacutegalement ecirctre envisageacutee en tant qursquooutil de reacutegulation des politiques publiques84

24 - Concernant les difficulteacutes lieacutees agrave la mise en œuvre drsquoune proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale

Sur ce point il importe de tenir compte des critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de la proposition de mise en place drsquoun systegraveme unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale des OES (tel qursquoimagineacute par le CNVA dans son rapport datant de 1995) A cette eacutepoque le CNVA contestait laquo lrsquoambiguiumlteacute de lrsquointerpreacutetation juridique et fiscale de lrsquoutiliteacute sociale en particulier en raison de confusions constateacutees entre le critegravere de non lucrativiteacute et les vrais critegraveres drsquoutiliteacute sociale La reacuteflexion associative commence alors agrave se preacuteciser sur les critegraveres de non lucrativiteacute drsquoun cocircteacute sur les critegraveres drsquoutiliteacute sociale de lrsquoautre avec une insistance sur la neacutecessiteacute de ne pas confondre ces deux dimensions Parallegravelement le CNVA conteste lrsquoideacutee alors assez preacutesente du cocircteacute de lrsquoadministration selon laquelle un critegravere essentiel de lrsquoutiliteacute sociale serait que les besoins auxquels reacutepond lrsquoactiviteacute ne sont pas normalement (ou pas suffisamment) pris en compte par le marcheacute Cette deacutefinition purement neacutegative signifierait en effet soit que lrsquoutiliteacute sociale drsquoune association disparaicirct si le marcheacute srsquoinstalle sur un champ de besoins deacutejagrave deacutefricheacutes par les œuvres soit que lrsquoassociation devient alors automatiquement lucrative raquo85 Depuis lors un tel risque nous semble ecirctre leveacute dans la mesure ougrave le laquo reacutefeacuterentiel raquo drsquoutiliteacute sociale doit deacutesormais tenir compte de la jurisprudence du Conseil drsquoEtat en matiegravere fiscale En effet lrsquoarrecirct rendu en date du 1er octobre 199986 est venu preacuteciser qursquoun organisme sans but lucratif ne concurrence une entreprise que si les services qursquoil rend sont laquo offerts en concurrence dans la mecircme zone geacuteographique drsquoattraction avec ceux proposeacutes au mecircme public par des entreprises commerciales exerccedilant une activiteacute identique raquo Il a eacuteteacute eacutegalement preacuteciseacute depuis que laquo le critegravere du public ne doit pas srsquoentendre uniquement des situations de deacutetresse physique ou morale raquo87 buts (ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie solidaire) et quant aux modes drsquoorganisation interne (notamment lucrativiteacute limiteacutee le caractegravere deacutemocratique et multipartenariale de sa direction) ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie sociale raquo J Gadrey parle plus volontiers drsquoutiliteacute sociale externe et drsquoutiliteacute sociale interne preacutec p 37 83 F Bloch-Laineacute Identifier les associations de service social RECMA 1994 ndeg251 p 61 84 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne ibidum selon L Fraisse laquo lrsquoapparition drsquoun deacutebat sur lrsquoutiliteacute sociale peut aussi srsquointerpreacuteter comme un nouveau critegravere de politique publique agrave mecircme de preacuteciser les contours et de renforcer lrsquoinstitutionnalisation des activiteacutes et lrsquoeacuteconomie solidaire raquo voir eacutegalement N Richez-Battesti Les collectiviteacutes territoriales face agrave lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale Juris Associations ndeg376 1er avril 2008 pp 17-19 85 J Gadrey preacutec p 31 86 CE 1er octobre 1999 Association Jeune France ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354 87 Instr fisc BOI 4 H-5-06 preacutec

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Par ailleurs le CNVA soulignait le caractegravere laquo eacutevolutif voire conjoncturel raquo du concept drsquoutiliteacute sociale dans la mise en œuvre drsquoune seacuterie de dix indicateurs (voir infra) Pour lrsquoessentiel G Goulard88 consideacuterait qursquoen lrsquoeacutetat actuel ce concept eacutetait laquo encore plus subjectif que les critegraveres jurisprudentiels en vigueur raquo et qursquoune telle situation laquo risqu[ait] drsquoecirctre interpreacuteteacutee dans un sens reacuteducteur deacutefavorable aux associations dont lrsquoutiliteacute nrsquoest pas sociale mais intellectuelle culturelle spirituelle politique historique eacuteconomique etc raquo Srsquoil est vrai qursquoen 1998 de tels arguments nrsquoeacutetaient pas neacutegligeables il apparaicirct que certains drsquoentre eux apparaissaient forts contestables En effet comme le souligne J Gadrey dans son rapport de 2004 laquo la subjectiviteacute de la notion drsquoutiliteacute sociale peut fort bien ecirctre compatible avec sa consolidation comme reacutefeacuterence en droit (la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral srsquoest bien imposeacutee en deacutepit drsquoun flou aussi consideacuterable) raquo En effet il convient drsquoobserver que drsquoautres notions fondamentales agrave lrsquoinstar du droit commercial sont fondeacutees sur lrsquoarbitraire comme a deacutejagrave pu le souligner le Professeur Y Guyon laquo le droit commercial nrsquoest pas une construction fondeacutee sur la raison mais une approche fondamentalement arbitraire raquo89 Ainsi poursuit J Gadrey laquo le fait que des associations qui ne font pas partie du champ de lrsquoaction sociale (au sens strict) auraient des difficulteacutes agrave faire connaicirctre leur utiliteacute sociale nrsquoa rien drsquoineacuteluctable et deacutepend de la faccedilon dont la convention drsquoutiliteacute sociale se construit sur un mode restrictif ou au contraire extensif raquo De fait il apparaicirct que le concept drsquoutiliteacute sociale deacutepend moins de notre capaciteacute agrave deacutefinir des critegraveres distinctifs que de celle favorisant lrsquoeacutemergence drsquoune convention sociopolitique (voir infra) portant sur lrsquoutiliteacute sociale (convention drsquoutiliteacute sociale) Une telle approche preacutesenterait en outre deux avantages principaux en premier lieu celui du maintien du caractegravere eacutevolutif de ce concept en second lieu celui de la reacuteciprociteacute entretenue entre les associations et les pouvoirs publics dans la construction et lrsquoacceptation du concept mecircme

88 Rapport Goulard mars 1998 89 Y Guyon Droit des affaires Economica 5egraveme eacuted 1988 agrave rapprocher de M Despax Lrsquoentreprise et le droit Bibl Dr Priv T1 Paris 1954 p34 selon lrsquoauteur laquo le droit commercial (hellip) est neacute de la pratique Ses normes sont la conseacutecration drsquousages peu agrave peu eacutetablis et non la construction de la raison de lagrave cette difficulteacute souvent eacuteprouveacutee pour les juristes agrave les expliquer raquo

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III - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE

SOCIALE (OU SOCIETALE) UNE DEMARCHE PARTAGEE

A ndash LA PROCEDURE DE RUS PRESENTE-T-ELLE ENCORE UN INTERET

Comme le suggegravere le rapport Morange90 la proposition formuleacutee par JP Decool en mai 200591 laquo meacuterite drsquoecirctre approfondie raquo En effet pour ce dernier il convient de mettre en place une proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute socieacutetale comme substitut agrave la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral jugeacutee laquo deacutesuegravete et vague raquo laquo il serait donc opportun afin de donner une nouvelle dimension au monde associatif (hellip) de redonner au citoyen toute sa place au sein de la socieacuteteacute Lui permettre de srsquoexprimer et de manifester son deacutesir de donner ou de partager des valeurs communes Ainsi peut-on envisager le rocircle de lrsquoassociation dans la socieacuteteacute raquo A ce stade il nous semble que la meacutethode preacuteconiseacutee par le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) depuis son rapport du 4 feacutevrier 198692 demeure toujours drsquoactualiteacute93 Ce dernier preacuteconisait lrsquointroduction drsquoun systegraveme de reconnaissance a priori qui permettrait aux associations reconnues drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) de lever laquo toute incertitude durant une peacuteriode deacutefinie tant que les conditions drsquoexercice de leur activiteacute au vu desquelles elles ont obtenu lrsquoagreacutement ne seraient pas modifieacutees raquo94 Selon le projet du CNVA cette reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) devait ecirctre accordeacutee non pas par le pouvoir exeacutecutif mais par une veacuteritable juridiction ou commission paritaire composeacutee de repreacutesentants des associations des administrations concerneacutees (Ministegravere de tutelle et Administration fiscale) et preacutesideacutee par un magistrat95 Celle-ci pourrait eacutegalement comprendre un certain nombre drsquoexperts qualifieacutes et issus de la socieacuteteacute civile ainsi qursquoun repreacutesentant des collectiviteacutes locales deacutecentraliseacutees96 90 Ibidum 91 JP Decool Des associations en geacuteneacuteral vers une eacutethique socieacutetale rapport au 1er ministre mai 2005 92 Voir eacutegalement les Rapports et Avis du 12 juin 1991 et 15 juin 1995 93 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit 1998 preacutec 94 CNVA Bilan de la vie associative en 1990-1991 La documentation franccedilaise Paris 1992 Rapport et avis adopteacutes en session pleacuteniegravere du CNVA le 15 juin 1995 sur laquo lrsquoutiliteacute sociale des associations et ses conseacutequences en matiegravere eacuteconomique fiscale et financiegravere raquo 95 On peut noter la proximiteacute de cette composition avec celle de la laquo Charity Commission raquo de Grande-Bretagne composeacutee de fonctionnaires dont deux doivent ecirctre des juges dont le rocircle drsquoinformation de conseil de controcircle srsquoexerce aupregraves des laquo Charities raquo auxquelles la Commission donne le label qui ouvre droit agrave des faciliteacutes fiscales et financiegraveres 96 Voir la composition du comiteacute strateacutegique des fonds de dotation creacuteeacute le 19 novembre 2008 preacutesideacute par JJ Hyest Preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat

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Les deacutecisions de cette instance pourraient faire lrsquoobjet drsquoun recours devant les juridictions compeacutetentes (ce qui aurait eu pour effet de laquo judiciariser raquo le concept drsquoutiliteacute sociale) La reconnaissance serait attribueacutee pour une dureacutee de cinq anneacutees agrave lrsquoissue drsquoun rapport drsquoaudit baseacute sur des critegraveres drsquoeacutevaluation (pour ce qui concerne lrsquoutiliteacute sociale externe) Les critegraveres drsquoeacutevaluation pourraient faire lrsquoobjet drsquoune deacutemarche partageacutee (voir infra) et contractualiseacutee avec les diffeacuterents acteurs agrave partir de critegraveres quantitatifs et qualitatifs neacutegocieacutes En effet le CNVA nrsquoa pas souhaiteacute mettre en place un systegraveme unique et isoleacute de reconnaissance drsquoune cateacutegorie particuliegravere drsquoassociations qui serait reconnue drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) agrave lrsquoinstar de ce qui a par exemple eacuteteacute conccedilu pour la reconnaissance drsquoutiliteacute publique Il preacuteconise plutocirct laquo le recours agrave de multiples dispositifs susceptibles drsquoaccorder aux associations (en tant qursquoopeacuterateurs) ou agrave leurs activiteacutes (en tant qursquoopeacuteration97) la reconnaissance et le soutien en fonction et dans le respect de la diversiteacute des speacutecificiteacutes associatives raquo Lrsquoensemble de ces speacutecificiteacutes doit pouvoir ecirctre appreacutehendeacute agrave travers un certain nombre drsquoindicateurs avec la mise en place de la technique du faisceau drsquoindices Les critegraveres deacutegageacutes98 formeraient ainsi une liste (non exhaustive) qui permettant de mieux cerner les contours de lrsquoutiliteacute sociale

- La primauteacute du projet finaliteacute de lrsquoaction associative99

- Le fonctionnement deacutemocratique - Lrsquoapport social de lrsquoassociation100 - La non-lucrativiteacute qui par essence marque la

diffeacuterence par rapport au secteur commercial - La gestion deacutesinteacuteresseacutee101 ce qui nrsquoexclut ni la

rigueur ni la transparence financiegravere - La capaciteacute agrave mobiliser la geacuteneacuterositeacute humaine

(beacuteneacutevolat) ou financiegravere (dons) - Le mixage des publics et lrsquoouverture

qui a pour mission de suivre lrsquoeacutevolution des fonds de dotation 1 repreacutesentant du MINEFI 3 magistrats 7 personnaliteacutes qualifieacutees A ce titre il pourra eacutelaborer des recommandations de bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion et faire toutes les propositions qui lui sembleront neacutecessaires pour favoriser le deacuteveloppement des fonds de dotation (Sources MINEFI 14 janvier 2009) 97 Cette solution preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre neutre sur le plan concurrentiel et vis-agrave-vis des autres opeacuterateurs eacuteconomiques 98 Le CNVA preacutecise dans son rapport du 15 juin 1995 preacutec que ces critegraveres sont laquo non exclusifs non cumulatifs et non exhaustifs les uns par rapport aux autres raquo 99 La FONDA dans un seacuteminaire en date du 17 octobre 1992 suggeacuterait et explicitait ces trois premiers critegraveres agrave partir desquels elle se fondait pour identifier les associations drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral 100 Ce critegravere ainsi que les critegraveres 6 7 et 8 relegravevent de la notion drsquoutiliteacute sociale externe qui selon nous devrait faire lrsquoobjet drsquoune contractualisation pluri annuelle dans le cadre drsquoune deacutemarche de construction et drsquoeacutevaluation partageacutee (voir infra) 101 Sur cette notion voir Instr fisc (Synthegravese) BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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- Les secteurs drsquointervention pas ou mal couverts par les autres agents eacuteconomiques ou par les collectiviteacutes publiques

- Lrsquoexistence de financements publics ou parapublics

- Lrsquoexistence drsquoun agreacutement ministeacuteriel (Ministegravere de rattachement) ou drsquoune habilitation102

La reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) pourrait ecirctre attribueacutee aux associations laquo dont les statuts le mode de fonctionnement et les modaliteacutes drsquoexercice de leur activiteacute caracteacuterisent suffisamment leur utiliteacute sociale aux yeux de cette juridiction Elle pourrait agrave lrsquoinverse ecirctre retireacutee par cette mecircme juridiction ou commission paritaire degraves lors que les conditions ayant preacutesideacute agrave son attribution ne seraient plus reacuteunies Lrsquoabsence de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre invoqueacutee pour creacuteer une preacutesomption de lucrativiteacute pour lrsquoassociation qui nrsquoen beacuteneacuteficierait pas raquo Agrave ce jour nombreux sont les acteurs srsquoeacutetant prononceacutes en faveur de lrsquoeacutelaboration drsquoune reconnaissance unique drsquoutiliteacute sociale (RUS) Nous avons vu preacuteceacutedemment que les derniers rapports ministeacuteriels et parlementaires se montrent favorables agrave la mise en œuvre drsquoune telle proceacutedure Pour MT Cheacuteroutre103 laquo lrsquoattribution drsquoune reconnaissance par les pouvoirs publics aux organismes susceptibles drsquoecirctre exoneacutereacutes apparaicirct eacuteminemment souhaitable Cette reconnaissance accordeacutee pour une dureacutee deacutetermineacutee apporterait agrave ces derniers une garantie drsquoexoneacuteration du moins aussi longtemps qursquoil ne serait pas prouveacute par lrsquoadministration qursquoils ne respectent plus les conditions pour lesquelles ils ont obtenu ladite reconnaissance raquo De son cocircteacute la FONDA104 a eacutegalement exprimeacute son souhait drsquoassurer laquo une meilleure seacutecuriteacute financiegravere aux associations relevant de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et srsquoest montreacutee laquo favorable agrave la creacuteation drsquoune RUS attribueacutee par une commission tripartite (Etat Magistrats Associations) raquo Agrave notre connaissance deux projets de loi105 ont eacuteteacute deacuteposeacutes en ce sens pour ecirctre rapidement abandonneacutes par la suite faute de reacuteelle volonteacute politique En effet comme le souligne le CNVA agrave propos de la mise en œuvre de la RUS

102 Notamment lorsque lrsquoobjet de lrsquoassociation consiste agrave reacutealiser des activiteacutes reacuteglementeacutees 103 MT Cheacuteroute Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 rapport au nom du conseil eacuteconomique et social ndeg4 JO du 1er avril 1993 104 La FONDA Pour une eacutethique des rapports entre pouvoirs publics et citoyens seacuteminaire Paris 17 octobre 1992 105 Projet de loi A Henry RTD com 192 447 en janvier 2002 ce projet avait lanceacute une vaste consultation autour du concept drsquoutiliteacute sociale dans le but de deacutelimiter les associations auxquelles seraient accordeacutees le label Proposition de loi ndeg2779 AN 1996 art 2 laquo Les associations peuvent ecirctre reconnues drsquoutiliteacute sociale agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode probatoire de fonctionnement drsquoune dureacutee au moins eacutegale agrave trois ans lorsqursquoelles satisfont cumulativement aux conditions suivantes avoir un objet social de caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique humanitaire sportif familial culturel ou drsquoaction sociale ou de mise en œuvre du patrimoine artistique ou de deacutefense de lrsquoenvironnement ou de diffusion de la culture ou de la langue franccedilaise Exercer conformeacutement agrave cet objet des activiteacutes ouvertes agrave des personnes qui lui sont exteacuterieures raquo

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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C ndash LA RECONNAISSANCE (FISCALE) DrsquoUTILITE SOCIALE Il nrsquoexiste pas de proceacutedure de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (RUS) agrave proprement parler crsquoest-agrave-dire ouvrant droit pour les associations agrave des avantages particuliers agrave llsquoinstar de la RUP ou de la RIG Tout au plus cette notion juridique rencontre deux modes drsquoapplication concregravete dans notre droit interne (1) que nous allons preacutesenter en guise drsquoillustration Nous verrons ainsi comment la meacutethodologie retenue par lrsquoAdministration fiscale agit comme une forme de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale preacutealable indispensable au maintien du caractegravere non lucratif de lrsquoassociation (2) 1 ndash Utiliteacute sociale deux exemples drsquoapplication concregravete Le premier exemple drsquoapplication concerne les socieacuteteacutes coopeacuteratives drsquointeacuterecircts collectifs (SCIC) instaureacutees par lrsquoarticle 36 de la loi 2001-624 du 17 juillet 2001 et lrsquoarticle 19 de la loi 47-1775 du 10 septembre 1947 Cet exemple peut apparaicirctre a priori eacuteloigneacute de notre preacutesentation sauf qursquoen autorisant la transformation des associations en SCIC nous verrons que ce dispositif leacutegislatif contribue agrave eacutelargir la capaciteacute juridique de ces derniegraveres tout en opeacuterant un rapprochement avec la notion drsquoutiliteacute sociale (11) Le second exemple drsquoapplication concregravete concerne la meacutethodologie retenue par lrsquoAdministration fiscale ndash encore elle ndash depuis lrsquoinstruction fiscale BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 199843 pour accorder aux associations (fiscalement) laquo reconnues drsquoutiliteacute sociale raquo la capaciteacute drsquoexercer des activiteacutes eacuteconomiques non assujetties aux impocircts commerciaux (12) 11 - Une premiegravere utilisation concregravete de la notion drsquoutiliteacute sociale le statut de SCIC Les Socieacuteteacutes Coopeacuteratives drsquoInteacuterecirct Collectifs (SCIC) socieacuteteacutes coopeacuteratives sous la forme de SA ou de SARL (hellip) ont pour objectif laquo la production ou la fourniture de biens et de services drsquointeacuterecirct collectif qui preacutesentent un caractegravere drsquoutiliteacute sociale raquo La proceacutedure drsquohabilitation relegraveve de la compeacutetence preacutefectorale Ce nouveau statut juridique a eacuteteacute creacuteeacute pour reacutepondre aux attentes des acteurs de lrsquoEconomie sociale et solidaire crsquoest-agrave-dire de disposer drsquoun cadre drsquoentreprise adapteacute au deacuteveloppement entrepreneurial tout en prenant en compte la dimension eacutethique des activiteacutes qui relegravevent de cette Economie

43 Reprise par lrsquoinstruction fiscale de synthegravese BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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Pour le Secreacutetaire drsquoEtat agrave lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire laquo la SCIC doit ecirctre comprise comme le chaicircnon manquant entre lrsquoassociation et la coopeacuterative avec la possibiliteacute drsquointeacutegrer de nouveaux partenaires raquo (F Morin conseiller technique du cabinet de G Hascoeumlt) 44 Du cocircteacute de lrsquoEtat pour le Ministegravere de lrsquoemploi et le secreacutetariat agrave lrsquoeacuteconomie solidaire laquo cette nouvelle structure doit deacuteboucher sur la creacuteation drsquoemplois en plus de ceux occupeacutes aujourdrsquohui dans lrsquoentreprise drsquoinsertion qui restera pour lrsquoinstant en lrsquoeacutetat raquo

12 ndash Une deuxiegraveme utilisation concregravete de la notion drsquoutiliteacute sociale la reconnaissance de la non lucrativiteacute des activiteacutes eacuteconomiques reacutealiseacutees par les associations non assujetties aux impocircts commerciaux Depuis lrsquoinstruction fiscale BOI 4 h-5-98 du 15 septembre 1998 pour lrsquoAdministration fiscale il est deacutesormais laquo leacutegitime quun organisme non lucratif deacutegage dans le cadre de son activiteacute des exceacutedents reflet dune gestion saine et prudente Cependant lorganisme ne doit pas les accumuler dans le but de les placer Les exceacutedents reacutealiseacutes voire temporairement accumuleacutes doivent ecirctre destineacutes agrave faire face agrave des besoins ulteacuterieurs ou agrave des projets entrant dans le champ de son objet non lucratif raquo Parallegravelement lrsquoinstruction fiscale consacrait le principe de non assujettissement des associations et organismes sans but lucratif aux impocircts commerciaux Il convenait donc de clarifier une situation confuse compte tenu de lrsquoeacutevolution du monde associatif notamment au regard de la pleine et entiegravere capaciteacute juridique des associations (simplement deacuteclareacutees) en matiegravere drsquoexercice drsquoactiviteacutes eacuteconomiques ou commerciales45 Crsquoest dans ce cadre que lrsquoAdministration fiscale a eacuteteacute ameneacutee agrave proposer une laquo grille de lecture raquo concernant lrsquoexercice de ce type drsquoactiviteacutes eacutetant entendu que si lrsquoassociation adopte des comportements identiques agrave ceux des entreprises commerciales sur un mecircme marcheacute le principe de non assujettissement ne pouvant ecirctre maintenu celle-ci recouvrait immeacutediatement son statut drsquoentreprise assujettie aux impocircts commerciaux Pour savoir si une association exerce son activiteacute dans des conditions similaires agrave celle drsquoune entreprise et si de ce fait elle doit ecirctre soumise aux impocircts commerciaux lrsquoAdministration fiscale preacuteconise une analyse en plusieurs eacutetapes

minus Etape 1 la gestion de lrsquoorganisme est-elle deacutesinteacuteresseacutee (les

dirigeants ne peuvent reacutemuneacutereacutes (sauf cas deacuterogatoires limitativement eacutenumeacutereacutes) les beacuteneacutefices et le patrimoine de lrsquoassociation ne peuvent ecirctre attribueacutes aux membres)

44 C Amblard SCIC un nouvel outil pour lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Revue Le Tout Lyon 2001 45 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit Universiteacute Versailles ndash St Quentin 1998 (410 pages) C Amblard Lrsquoentreprise associative Editions territoriales 2006 C Amblard Activiteacutes eacuteconomiques et commerciales des associations Lamy Associations Etude 246 preacutec

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‐ Etape 2 lrsquoorganisme concurrence-t-il une entreprise ‐ Etape 3 lrsquoorganisme exerce-t-il son activiteacute dans des conditions

similaires agrave celles drsquoune entreprise (analyse par application de la regravegle des quatre laquo P raquo les indices eacutetant classeacutes par ordre deacutecroissant drsquoimportance) bull Le laquo produit raquo proposeacute bull Le laquo public raquo beacuteneacuteficiaire bull Les laquo prix raquo pratiqueacutes bull La laquo publiciteacute raquo reacutealiseacutee

Srsquoagissant plus particuliegraverement des deux premiers critegraveres (laquo Produit raquo et laquo Public raquo) il convient de souligner que lrsquoinstruction fiscale procegravede agrave leur laquo reacuteunification raquo sous le vocable drsquo laquo utiliteacute sociale raquo En drsquoautres termes il y a bien reconnaissance drsquoutiliteacute sociale lorsque lrsquoassociation

‐ intervient dans un domaine ougrave les besoins sont insuffisamment couverts par le secteur lucratif ‐ ou46 srsquoadresse agrave un public qui ne peut normalement acceacuteder aux services du secteur concurrentiel

La recherche de lrsquoutiliteacute sociale conduit donc agrave mettre en correacutelation le produit et le service fourni par lrsquoassociation avec le public viseacute En effet une attention toute particuliegravere est attacheacutee agrave ces critegraveres et agrave lrsquoaffectation des exceacutedents pour deacuteterminer si lrsquoassociation exerce ou non une activiteacute suivant des modaliteacutes similaires agrave celles utiliseacutees par une entreprise

- Le produit est drsquoutiliteacute sociale laquo lrsquoactiviteacute qui tend agrave satisfaire un besoin qui nrsquoest pas pris en compte par le marcheacute ou qui lrsquoest de faccedilon peu satisfaisante raquo

- Le public sont susceptibles drsquoecirctre drsquoutiliteacute sociale laquo les actes

payant reacutealiseacutes principalement au profit de personnes justifiant lrsquooctroi drsquoavantages particuliers au vue de leur situation eacuteconomique sociale ou humaine (chocircmeurs personnes handicapeacutees notammenthellip) Ce critegravere ne doit pas srsquoentendre seulement agrave des situations de deacutetresse physique ou morale raquo

46 Le critegravere alternatif des deux eacuteleacutements produit et public a eacuteteacute affirmeacute par la jurisprudence CE 3 deacutecembre 1999 ndeg 133291 RJF 100 ndeg 35

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2 ndash Lrsquoapproche (fiscale) de la notion drsquoutiliteacute sociale un rocircle preacutepondeacuterant dans les proceacutedures de reconnaissance du secteur associatif Nous avons vu preacuteceacutedemment que

‐ La RUP suppose que lrsquoassociation exerce des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au sens de lrsquoarticle 200 et 238 bis du CGI ‐ La RIG commande pour les associations eacutevoluant dans la sphegravere eacuteconomique que ces derniegraveres exercent agrave titre preacutepondeacuterant des activiteacutes non lucratives ce qui suppose drsquoecirctre reconnues par lrsquoAdministration fiscale comme eacutetant drsquoutiliteacute sociale

Il existe bien par conseacutequent des interactions entre les diffeacuterents modes de reconnaissance et lrsquoapproche fiscale de la notion drsquoutiliteacute sociale Bien plus en insistant sur lrsquoimportance deacutecroissante des critegraveres retenus par la regravegle des 4 laquo P raquo lrsquoAdministration fiscale amplifie le rocircle joueacute par les deux premiers critegraveres (laquo Produit raquo et laquo Public raquo) et par conseacutequent lrsquoinfluence de cette notion au sein des modes de reconnaissance de la vie associative Autre eacuteleacutement important agrave ce stade de la reacuteflexion le rocircle non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat ou les autres administrations dans la laquo reconnaissance raquo drsquoutiliteacute sociale des associations en effet lrsquoinstruction fiscale47 preacutecise explicitement que ce type drsquoagreacutement laquo nrsquoest qursquoun eacuteleacutement parmi drsquoautres de lrsquoappreacuteciation de son utiliteacute sociale raquo Neacuteanmoins lrsquoinstruction preacutecise que laquo srsquoils prennent en compte la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y ait fait face ces agreacutements peuvent contribuer agrave lrsquoappreacuteciation de lrsquoutiliteacute sociale raquo Mais dans tous les cas lrsquoAdministration fiscale considegravere qursquolaquo ils ne sont ni neacutecessaires ni suffisants pour eacutetablir le caractegravere drsquoutiliteacute sociale de lrsquoassociation raquo Synthegravese de la RUS ‐ La notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale ouvre la capaciteacute des associations agrave intervenir dans la sphegravere eacuteconomique tout en preacuteservant leur statut drsquoorganismes sans but lucratif non soumis aux impocircts commerciaux ‐ In fine cette notion constitue un preacutealable indispensable agrave la mise en œuvre de la RIG (absence drsquoactiviteacute lucrative) et exerce une influence non neacutegligeable dans le mode de deacutelivrance de la RUP (reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et neacutecessiteacute de disposer de ressources suffisantes hors financement public) ‐ En lrsquoeacutetat actuel la reconnaissance (fiscale) drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre assimileacutee agrave une proceacutedure de reconnaissance institutionnelle de type RUP

47 Instr fisc 4 H-5-06 preacuteciteacutee ndeg63

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ou RIG instaureacutee par le leacutegislateur neacuteanmoins elle donne lieu agrave une appreacuteciation souveraine de lrsquoadministration fiscale dans le cadre de la proceacutedure de rescrit fiscal applicable depuis lrsquoinstruction fiscale preacuteciteacutee du 15 septembre 1998 En effet la reacuteponse du correspondant associations au questionnaire visant agrave deacuteterminer le reacutegime fiscal applicable au regard des impocircts vaut prise de position formelle de lrsquoadministration au sens de lrsquoarticle L 80 B du Livre des proceacutedures fiscales (opposabiliteacute) ‐ Telle que preacutevue par lrsquoinstruction fiscale du 18 deacutecembre 2006 preacuteciteacutee la notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale donne encore lieu agrave une appreacuteciation discreacutetionnaire et unilateacuterale de lrsquoadministration fiscale (sous reacuteserve du controcircle juridictionnel administratif)

bull Concernant lrsquoappreacuteciation discreacutetionnaire elle ressort drsquoune part de la dimension reacuteductrice des critegraveres retenus par lrsquoadministration fiscale48 et drsquoautre part de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation49 objective crsquoest-agrave-dire reposant sur lrsquoexistence de reacutefeacuterentiels qualitatifs et quantitatifs admis et partageacutes par tous50

bull Concernant lrsquoappreacuteciation unilateacuterale elle est induite par le caractegravere non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat (Ministegravere de tutelle) ou toute autre Administration y compris lorsque ces proceacutedures drsquoagreacutement preacutevoient des critegraveres permettant la prise en compte de la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y est fait face51 Or comme le soulignait deacutejagrave en 1993 MT

48 Lrsquoanalyse de la deacutecision rendue par lrsquoarrecirct Jeune France du 1er octobre 1999 (CE 1101999 ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354) permet eacutegalement de souligner la dimension neacutegative donneacutee agrave ces critegraveres dans la mesure ougrave ils servent agrave appreacutecier la speacutecificiteacute des associations et autres organismes sans but lucratif essentiellement au regard de regravegles de la concurrence 49 F Rousseau Lrsquoeacutevaluation laquo regravegle du jeu raquo entre associations et pouvoirs publics Juris Associations 1er avril 2008 ndeg376 p 16 et 17 lrsquoauteur souligne qursquoil convient de retenir laquo la diffeacuterence essentielle entre drsquoune part lrsquoeacutevaluation des activiteacutes associatives selon une logique drsquoeacutevaluation des politiques et drsquoautre part la deacutemarche de coconstruction drsquoune meacutethodologie drsquoeacutevaluation qui associe[rait[ les acteurs locaux (eacutelus techniciens militants associatifs chercheurs etc raquo 50 A souligner les nombreux travaux sur ces questions (liste non exhaustive) laquo Economie sociale et solidaire en reacutegion raquo (programme de recherche coordonneacute par la DIES et la Mire entre 2001 et 2003) P VIVERET Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 J GADREY 2003 Lrsquoutiliteacute sociale et organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE version provisoire 133 pages Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREE du 11 janvier 2005 La reconfiguration de lrsquoaction publique entre lrsquoEtat associations et participation citoyenne X ENGELS (Dir) M HELY A PERRIN H TROUVE De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne LrsquoHarmattan 2006 Guide meacutethodologique Fonda Rhocircne-Alpes (reacutealiseacute avec le concours de la Reacutegion Rhocircne-Alpes) Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective 2006 H TROUVE Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale de son activiteacute 124 pages wwwaviseorg Seacuteminaire Avise Evaluer lrsquoutiliteacute sociale deacutemarche meacutethodologie expeacuteriences Paris 6 deacutecembre 2007 51 Ibidum

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Cheroutre52 lors de sa preacutesentation du rapport du Conseil Economique et social laquo lrsquooctroi drsquoun agreacutement ou drsquoune habilitation est la marque de reconnaissance par les pouvoirs publics de la fonction remplie par lrsquoassociation ce qui implique des controcircles et drsquoeacuteventuels retraits si le contrat nrsquoest pas rempli raquo53

‐ Dans ces conditions et compte tenu des arguments qui preacutecegravedent il y a lieu de srsquointerroger sur la neacutecessiteacute drsquoune simplification des proceacutedures de reconnaissance de la vie associative (II) De faccedilon plus cruciale encore des questions se posent quant agrave la capaciteacute des acteurs agrave laquo coconstruire raquo leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation dans le cadre drsquoune deacutemarche partageacutee A ce propos nous assistons drsquoailleurs agrave un deacuteplacement du deacutebat national vers un cadre de reacuteflexion engageacute par les instances communautaires en matiegravere de transposition de la directive laquo services raquo et de deacutefinition de service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) II ndash VERS UNE SIMPLIFICATION DES MODES DE RECONNAISSANCE

A - La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) une utiliteacute

Dans une eacutetude adopteacutee le 25 octobre 2000 par la section du rapport et des eacutetudes du Conseil drsquoEtat54 il est rappeleacute qursquo laquo il nrsquoest pas aujourdrsquohui drsquoavantage patrimonial ou fiscal qui soit reacuteserveacute aux seules associations reconnues drsquoutiliteacute publique Il nrsquoy aurait donc pas drsquointeacuterecirct pour une association agrave ecirctre reconnue raquo En effet la plupart des associations simplement deacuteclareacutees perccediloivent des dons manuels55 ou encore sont en capaciteacute de beacuteneacuteficier de ce type de ressources sans aucune limitation soit directement sous la forme de meacuteceacutenat56 (dons uniquement) soit indirectement par la creacuteation drsquoun fonds de dotation57 ou en srsquoaffiliant agrave une union ou un organisme drsquoutiliteacute publique (dons et legs)58 52 Ibidum 53 La loi de finances rectificative pour 2008 (Loi ndeg2008-1443 du 30 deacutecembre 2008) a pris plusieurs mesures en vue de renforcer la seacutecuriteacute juridique des contribuables Lrsquoarticle 50 de la loi de finances rectificative pour 2008 creacuteeacute ainsi un recours devant lrsquoadministration pour les deacutecisions formelles prises en vertu des articles L80 B 1deg agrave 6deg et 8deg et L80 C du Livre des proceacutedures fiscales (LPF) applicable aux demandes deacuteposeacutees agrave partir du 1er juillet 2009 54 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique La documentation franccedilaise 2000 p15 55 Cass com 5 octobre 2004 ndeg03-15709 Bull civ IV ndeg178 56 Loi Aillagon du 1er aoucirct 2003 57 C Amblard Fonds de dotation encore du nouveau sur le front du meacuteceacutenat preacutec 58 Loi 1er juillet 1901 art 6 al1

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Degraves lors crsquoest tout naturellement et sans ambiguiumlteacute que le Conseil drsquoEtat srsquoest poseacute la question suivante laquo faut-il supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo (pour une meilleure lisibiliteacute de lrsquoaction associative et une simplification des proceacutedures de reconnaissance) Une telle proposition nrsquoa toutefois pas eacuteteacute retenue par lrsquoeacutetude des statistiques du Ministegravere de lrsquoInteacuterieur laquo il semble qursquoen deacutepit de la faiblesse des avantages qursquoelles peuvent en retirer et des contraintes que cela engendre pour elles des associations continuent chaque anneacutee de solliciter la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo Quelles peuvent-elles ecirctre les motivations des associations qui souhaiteraient beacuteneacuteficier de cette forme de reconnaissance Dans son rapport public de 200059 le Conseil drsquoEtat souligne avant tout laquo la force symboliques que srsquoaccordent agrave y voir les repreacutesentants du monde associatif raquo En effet il ressort que ceux-ci sont avant tout laquo agrave la recherche drsquoun label raquo60 La RUP laquo fait en quelque sorte agrave leurs yeux figure de label officiel qui consacre la leacutegitimiteacute de lrsquoassociation qui en beacuteneacuteficie et qui sanctionne la qualiteacute des actions qursquoelle megravene raquo Ainsi laquo [il] est un signe pour leurs partenaires et une garantie pour eux raquo Cependant le Conseil drsquoEtat croit bon attirer notre attention sur le fait que laquo cette force symbolique de la RUP nrsquoest toutefois pas deacutenueacutee drsquoeffets pratiques puisqursquoil apparaicirct que de 1991 agrave 1996 les associations et les fondations drsquoutiliteacute publique ont reccedilu 84 des dons deacuteclareacutes par les contribuables Pour les associations qui font appel agrave la geacuteneacuterositeacute publique la RUP vaut garantie que les sommes collecteacutees ne feront pas en principe lrsquoobjet drsquoune utilisation abusive ou frauduleuse raquo Cette garantie existe-t-elle vraiment srsquoagissant des associations RUP Preacuteciseacutement pour le Conseil drsquoEtat laquo cela peut paraicirctre paradoxal de rechercher le controcircle de lrsquoEtat pour pouvoir ensuite souligner qursquoelles srsquoy sont soumises et offrent donc toutes les garanties de bon fonctionnement raquo drsquoautant plus que pour lui laquo le controcircle de lrsquoEtat (hellip) est insuffisant raquo Crsquoest ainsi que dans son dernier rapport sur les associations RUP datant de 200061 ce dernier preacuteconisait dans ses conclusions laquo drsquointroduire dans la loi du 1er juillet 1901 (ou agrave lrsquoarticle L612-4 du Code de commerce) lrsquoobligation pour toute association reconnue drsquoutiliteacute publique drsquoavoir recours agrave un commissaire aux comptes dans les conditions preacutevues aux articles L 225-218 et suivants du Code de commerce raquo

59 Conseil drsquoEtat Les associations et la loi de 1901 cent ans apregraves Rapport public 2000 La documentation franccedilaise Etudes et Documents ndeg51 p307 60 Conseil drsquoEtat Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec 61 Ibidum

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Or agrave ce jour force est de constater qursquoaucune reacuteforme nrsquoest intervenue en ce sens En effet il nrsquoexiste ni dans la loi du 1er juillet 1901 ni dans les statuts-types des associations RUP ni mecircme dans aucun dispositif leacutegislatif speacutecifique ndash en dehors du dispositif applicable en matiegravere drsquoappel agrave la geacuteneacuterositeacute publique62 - drsquoobligation imposant la preacutesence drsquoun commissaire aux comptes au sein des associations RUP Aussi et toujours pour le Conseil drsquoEtat laquo srsquoil nrsquoy a donc pas de motif deacuteterminant de supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique il convient de reacutefleacutechir aux ameacuteliorations pouvant ecirctre apporteacutees agrave son reacutegime drsquoutiliteacute publique et aux reacutegimes voisins raquo En tout eacutetat de cause la pertinence du maintien de la RUP se pose si lrsquoon en juge les reacutesultats de deux rapports ministeacuteriels reacutecents sur cette question en effet pour le rapport Morange63 laquo les avantages mateacuteriels de la RUP sont deacutesormais drsquoune porteacutee quasi theacuteorique raquo Quant agrave lrsquoavantage moral de la RUP pour le deacuteputeacute P Morange il demeure laquo important mais il ne justifie pas la lourdeur de la proceacutedure raquo Le rapport Langlais64 parle lui de laquo proceacutedure eacutelitiste raquo qui laquo nrsquoa pas su srsquoadapter aux eacutevolutions de la socieacuteteacute raquo Pourquoi degraves lors vouloir absolument maintenir un systegraveme de reconnaissance qui agrave notre avis pose deux probleacutematiques majeures

‐ La premiegravere probleacutematique porte sur la capaciteacute patrimoniale des associations qui preacuteciseacutement ne beacuteneacuteficient pas de cette forme de reconnaissance en effet est-il toujours leacutegitime que pregraves drsquoun million de structures associatives disposent par contrecoup drsquoune capaciteacute juridique reacuteduite Deacutejagrave en 1993 agrave propos de la capaciteacute patrimoniale des associations simplement deacuteclareacutees le Conseil Economique et social65 soulignait que laquo le contexte drsquoaujourdrsquohui eacutelargissant les missions de nombreuses associations met davantage lrsquoaccent sur les enjeux eacuteconomiques et sociaux qui leur demandent de mobiliser agrave la fois des moyens eacuteconomiques financiers et humains On peut donc agrave juste titre se demander si les carcans drsquoune autre eacutepoque ne pourraient ecirctre leveacutes raquo Les choses ont peu eacutevolueacute depuis au deacutetriment drsquoun secteur associatif dont lrsquoessentiel de ses forces vives consacre une bonne partie de leur temps et de leur eacutenergie agrave rechercher des

62 Loi ndeg91-772 du 7 aoucirct 1991 art 3 et encore il convient de noter que lrsquointervention du commissaire aux comptes ne srsquoimpose que pour les associations ayant nommeacute un commissaire aux comptes pour drsquoautres motifs Anteacuterieurement le compte emploi des ressources (CER) constituait un document autonome agrave deacuteposer au siegravege de lrsquoassociation et agrave tenir agrave disposition des adheacuterents En cas de controcircle par un commissaire aux comptes ce dernier eacutetait tenu drsquoeacutetablir une attestation Depuis le 1er janvier 2006 le CER est devenu un eacuteleacutement annexe aux comptes Lrsquoattestation du commissaire aux comptes nrsquoa donc plus lieu drsquoecirctre (cf Meacutemento pratique F Lefebvre Associations 2008-2009 ndeg71400 p976) 63 P Morange Rapport drsquoinformation sur la gouvernance et le financement des structures associatives ndeg134 assembleacutee nationale 1er octobre 2008 p41 et 42 64 JL Langlais Pour un partenariat renouveleacute entre lrsquoEtat et les associations rapport ministeacuteriel juin 2008 p 26 65 Ibidum p 82

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financements Sur ce point il convient de noter les propositions drsquoeacutevolutions importantes figurant dans le rapport Morange lequel suggegravere aux associations simplement deacuteclareacutees de beacuteneacuteficier de la capaciteacute juridique de recevoir des dons ‐ La seconde probleacutematique renvoit directement aux besoins exprimeacutes en matiegravere de simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif en effet le rapport Langlais66 souligne agrave juste titre que laquo la principale source de complexiteacute tient agrave lrsquoeacuteclatement des modes de reconnaissance du fait associatif par la puissance publique La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) existe toujours elle nrsquoa pas varieacute depuis un siegravecle (hellip) elle est de plus en plus concurrenceacutee par drsquoautres formes de reconnaissance et certains nrsquoheacutesitent pas agrave la consideacuterer comme deacutemodeacutee voire obsolegravete La reconnaissance drsquoutiliteacute publique est accordeacutee sans limitation de dureacutee et il existe probablement comme pour les associations deacuteclareacutees mais en beaucoup plus faible proportion des ARUP qui figurent toujours dans les chiffres officiels bien qursquoelles nrsquoaient plus drsquoexistence reacuteelle raquo De son cocircteacute le deacuteputeacute P Morange propose de deacutelivrer la RUP pour une dureacutee deacutesormais limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans

Il convient par conseacutequent drsquoenvisager une simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif drsquoautant plus que sont apparus agrave cocircteacute de la RUP de nombreuses autres formes de reconnaissance plus ou moins officielle tels que les agreacutements ou les labels priveacutes (Comiteacute de la Charte voire mecircme la proposition de labellisation AFNOR) Nous verrons infra que ce processus de simplification doit ecirctre lrsquooccasion drsquoun dialogue renouveleacute entre les acteurs du monde associatif et les pouvoirs publics en vue de la mise en œuvre drsquoune deacutemarche partageacutee

66 Ibidum

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B - LA SIMPLIFICATION DES PROCESSUS DE RECONNAISSANCE VERS UNE RECONNAISSANCE UNIQUE DrsquoUTILITE SOCIALE

1 ndash Les propositions reacutecemment formuleacutees par les rapports Langlais et Morange de 2008

Sur ce point les deux rapports srsquoaccordent pour distinguer trois types drsquoassociations

11 - Les associations deacuteclareacutees

Pour JL Langlais il srsquoagirait de reconnaicirctre la capaciteacute creacuteatrice de ces associations locales par lrsquooctroi de subventions symboliques et uniquement deacutelivreacutees par les collectiviteacutes territoriales correspondant agrave leur aire drsquoinfluence P Morange propose quant agrave lui drsquoouvrir la capaciteacute juridique de ces laquo petites raquo associations en leur permettant de percevoir des dons (autres que manuels) et de les soumettre aux controcircles drsquoun commissaire aux comptes et aux controcircles meneacutes par les services deacuteconcentreacutes degraves lors qursquoelles beacuteneacuteficieraient de subventions publiques

12 - Les associations reconnues drsquoutiliteacute sociale ou

drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

Pour JL Langlais ces associations pourraient beacuteneacuteficier drsquoune reconnaissance drsquointeacuterecirct laquo social ou geacuteneacuteral raquo

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce sont en gros les 4 conditions

requises pour lrsquoobtention de lrsquoagreacutement fiscal (cf supra) Drsquoailleurs il est proposeacute que cet agreacutement soit deacutecerneacute par lrsquoAdministration fiscale Une condition suppleacutementaire pourrait ecirctre poseacutee relative au beacuteneacutevolat sans neacutecessairement fixer de seuil a priori on devrait exiger que le beacuteneacutevolat soit nettement preacutepondeacuterant dans le fonctionnement de lrsquoassociation

Avantages consentis possibiliteacute de recevoir des subventions y

compris des subventions de fonctionnement capaciteacute agrave recevoir des dons (nrsquoexceacutedant pas un certain montant) agrave faire beacuteneacuteficier aux donateurs de lrsquoexoneacuteration fiscale au taux de droit commun

Obligations ecirctre agrave jour de leurs obligations deacuteclaratives

obligation de justifier lrsquoemploi des fonds reccedilus de deacuteposer leurs comptes en Preacutefecture de se soumettre aux controcircles aleacuteatoires ou programmeacutes de la puissance publique certification obligatoire des comptes au-delagrave de 153 000 euro de financement annuel

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Pour P Morange laquo cette cateacutegorie recouvre les associations subventionneacutees ou qui beacuteneacuteficient drsquoavantages fiscaux et oeuvrent au service de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo Selon lui laquo il serait envisageable comme en Grande Bretagne drsquoeacutetablir des listes de secteurs dans lesquels ces associations interviennent et de les soumettre agrave un certain nombre drsquoobligations en srsquoinspirant par exemple de la pratique fiscale (voir supra) Ainsi lrsquoassociation devrait poursuivre un but drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral ecirctre soumise agrave un controcircle financier et une eacutevaluation reacuteguliegravere au niveau deacutecentraliseacute raquo Enfin laquo lrsquoassociation devrait se doter drsquoun commissaire aux comptes raquo

13 Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique Pour JL Langlais seules les associations qui se consacrent exclusivement agrave des actions drsquoassistance ou de bienfaisance pourraient beacuteneacuteficier drsquoune RUP

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce seraient les mecircmes que pour la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral mais avec 3 nuances - toute lrsquoactiviteacute doit ecirctre tendue vers lrsquoobjet social - un degreacute plus eacuteleveacute de professionnalisation (et donc de salariat) serait acceptable - mais un moindre degreacute drsquoouverture exigeacute (une association pourrait ecirctre reconnue drsquoutiliteacute publique alors qursquoelle fonctionne au beacuteneacutefice drsquoun public fermeacute67)

Avantages les avantages seraient ceux du reacutegime actuel le

plus favorable dons et legs (reacutegime RUP) exoneacuteration au taux le plus favorable (laquo amendement Coluche raquo) subventions sur une base pluriannuelle

Obligations toutes les obligations du reacutegime preacuteceacutedant avec en plus lrsquoobligation de deacuteposer des comptes certifieacutes

JL Langlais poursuit en proposant que la reconnaissance drsquoutiliteacute publique soit laquo deacutecerneacutee pour une dureacutee limiteacutee soit par le ministegravere de lrsquointeacuterieur soit par le ministegravere en charge de la vie associative (et les preacutefets agrave lrsquoeacutechelon deacuteconcentreacute) soit encore par une agence nationale agrave creacuteer raquo Pour P Morange la RUP laquo serait deacutelivreacutee par le Conseil drsquoEtat comme crsquoest le cas actuellement et controcircleacutee par la Cour des comptes avec le concours de lrsquoIGAS et de lrsquoIGA pour une dureacutee limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans raquo A titre subsidiaire les auteurs proposent eacutegalement drsquoeacutetablir une laquo situation speacutecifique raquo pour les associations engageacutees dans la gestion drsquoune mission de service public tandis que P Morange envisage cette situation sous lrsquoangle de la seacutecurisation des rapports engageacutes par ces derniegraveres avec lrsquoadministration JL Langlais quant agrave lui considegravere dans une telle situation que laquo la forme juridique [drsquoassociation] nrsquoest alors qursquoune fiction raquo et que degraves lors laquo lrsquoEtat doit pouvoir les financer mais aussi les controcircler et les diriger comme il le

67 Lrsquoauteur propose de revenir sur la jurisprudence CE 7 feacutevr 2007 ndeg 287949 Steacute des anciens eacutelegraveves de lrsquoEacutecole Nationale Supeacuterieure drsquoArts et Meacutetiers et a

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ferait de ses propres services en attendant de trouver une structure juridique adeacutequate raquo Une mise en conformiteacute des proceacutedures drsquoagreacutement avec les nouvelles contraintes communautaires est eacutegalement envisageacutee

2 ndash Nos pistes de reacuteflexions

21 - Concernant le devenir de la proceacutedure RUP

Nous avons vu preacuteceacutedemment que cette proceacutedure deacutesormais consideacutereacutee comme eacutetant laquo obsolegravete raquo par la plupart des observateurs (voir supra) ne preacutesentait plus guegravere drsquointeacuterecirct sur un plan technique (voir supra) Degraves lors et en raison de la forte concentration de financements priveacutes (pregraves de 90 sous la forme de dons deacuteclareacutes par les contribuables ndash voir supra) sur un nombre extrecircmement limiteacute drsquoassociations et de fondations RUP de cette laquo proceacutedure eacutelitiste raquo la question de son devenir se pose de faccedilon cruciale En effet au 15 juillet 2000 le Conseil drsquoEtat deacutenombrait 1960 associations RUP laquo dont 200 nrsquoauraient selon lui aucune activiteacute sinon plus aucune existence raquo68 Force est de constater que presque 10 ans plus tard ce nombre nrsquoa quasiment pas augmenteacute puisque le dernier recensement effectueacute en deacutecembre 200869 par le Ministegravere de lrsquointeacuterieur fait eacutetat de 1966 associations RUP Lrsquourgence consiste donc bien agrave mettre un terme agrave cette situation laquo monopolistique raquo ougrave agrave tout le moins agrave instaurer des proceacutedures de controcircle agrave la fois plus preacutecises et plus contraignantes que celles existantes actuellement Sur ce point les propositions tendant agrave limiter la deacutelivrance de la RUP pour une dureacutee limiteacutee formuleacutees dans les rapports Langlais et Morange nous semblent parfaitement approprieacutees Ces propositions seront agrave rapprocher de celle proposeacutee par P Morange visant offrir agrave lrsquoensemble des associations la laquo grande capaciteacute juridique raquo particuliegraverement en matiegravere de dons

22 - Concernant la probleacutematique du rapprochement entre reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale)

Il ne srsquoagit pas de revenir sur les nombreux travaux drsquoores et deacutejagrave existants en matiegravere de rapprochement des concepts drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et drsquoutiliteacute sociale Parmi les plus importants lrsquoon peut citer ceux de J Gadrey en 200470 ceux reacutesultant de la journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF en 200571 ou encore la contribution commune de X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute publieacutee en 200672 A la lumiegravere de ces travaux il

68 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec p15 69 Site du ministegravere de lrsquointeacuterieur (publication du 08 avril 2008) httpwwwinterieurgouvfrsectionsa_la_unepublicationscultes-associations 70 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale des organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE feacutevrier 2004 71 Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Paris 11 janvier 2005 72 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Editions LrsquoHarmattan Paris 2006

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semble bien que lrsquoon assiste agrave laquo un basculement vers la notion plus large drsquoutiliteacute sociale notion qui par ailleurs entretient une filiation juridique avec le concept drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo73 Sur un plan juridique ces travaux montrent notamment qursquoil existe laquo un rapport assez eacutetroit agrave certains eacutegards entre la notion drsquoutiliteacute sociale et celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo si lrsquoon considegravere lrsquoanalyse de la jurisprudence des dix derniegraveres anneacutees74 Dans cette perspective la deacutemarche de rapprochement entre la proceacutedure RIG et RUS proposeacutee par les rapports de JL Langlais et P Morange trouverait une explication rationnelle

23 - Concernant lrsquoapproche du concept mecircme drsquoutiliteacute sociale

Comme le souligne J Gadrey75 laquo lrsquoutiliteacute sociale des organisations drsquoeacuteconomie sociale (OES) nrsquoa guegravere drsquoexistence en tant que probleacutematique geacuteneacuterale en dehors des deacutebats concernant le rocircle eacuteconomique et social actuel et futur de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Crsquoest une ideacutee qui a eacuteteacute forgeacutee pour deacutefendre lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire face agrave certaines menaces ou pour promouvoir le deacuteveloppement de regravegles favorables76 raquo Pour ce dernier en effet laquo il y a rien de naturel agrave soulever la question de lrsquoutiliteacute sociale des OES et qursquoil srsquoagit bien drsquoune convention socio-politique historiquement et geacuteographiquement contingente77 raquo Neacuteanmoins si le concept demeure aujourdrsquohui encore relativement flou paradoxalement il reccediloit dans notre droit interne une application de plus en plus freacutequente par les tribunaux78 et lrsquoAdministration fiscale79 De son cocircteacute et mecircme si pour lrsquoinstant le leacutegislateur srsquoest toujours refuseacute de srsquoorienter vers la voie drsquoune reconnaissance drsquoutiliteacute sociale80 celui-ci fait de plus reacutefeacuterence agrave ce concept81 drsquoougrave la neacutecessiteacute de privileacutegier une approche visant agrave circonscrire lrsquo laquo halo socieacutetal raquo82 des OES plutocirct que de chercher drsquoune maniegravere 73 A Euillet Lrsquoutiliteacute sociale une notion deacuteriveacutee de celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Revue de droit sanitaire et social ndeg2 avril-juin 2002 pp 2007 - 228 74 J Gadrey preacutec p 30 75 Ibidum 76 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques thegravese de droit 1998 preacutec Lrsquoauteur envisage la mise en œuvre drsquoune affirmative action en faveur des associations reconnues drsquoutiliteacute sociale 77 Si lrsquoon prend lrsquoexemple des services agrave domicile aux personnes acircgeacutees en Suegravede on peut observer que ceux-ci sont majoritairement produits par des organisations publiques locales tandis qursquoaux Etats-Unis - ougrave le laquo non profit sector raquo se construit le plus souvent comme une puissance alternative priveacutee face agrave un Etat providence laquo diaboliseacute raquo (Salamon) ils sont majoritairement financeacutes par des fonds priveacutes (beacuteneacuteficiant drsquoavantages fiscaux) 78 Voir par exemple CE 24 octobre 1979 CAA Paris 1er deacutecembre 1989 CAA Nancy 19 novembre 1992 79 Instr Fisc BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 1998 Instr Fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 (synthegravese) 80 Reacutep min du 01 juillet 1999 JO Seacutenat p 2224 81 Voir par exemple Loi ndeg2002-2 du 2 janvier 2002 relative agrave lrsquoaction sociale et meacutedico-sociale Loi ndeg 97-940 du 16 octobre 1997 relative au deacuteveloppement dactiviteacutes pour lemploi des jeunes (JO du 17 Octobre) LOI ndeg 9 8-657 du 29 juillet 1998 drsquoorientation relative agrave la lutte contre les exclusions 8282 A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport final relatif agrave la lettre de mission de Madame la Ministre de lrsquoEmploi et de la Solidariteacute 2000 pour A Lipietz il srsquoagirait de deacutefinir les contours du tiers secteur par un laquo label drsquoutiliteacute sociale et solidaire fondeacutes sur deux types de critegraveres quant aux

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improbable une deacutefinition qui serait unanimement admise par les acteurs des OES Finalement il ne srsquoagirait rien moins que de reconnaicirctre les OES afin de soutenir lrsquoeffort particulier de ces entiteacutes juridiques dont les laquo speacutecificiteacutes meacuteritoires raquo83 rejaillissent sur lrsquoensemble de la collectiviteacute Mais limiter le concept au seul beacuteneacutefice des OES serait par trop reacuteducteur et la mesure de lrsquoutiliteacute sociale doit eacutegalement ecirctre envisageacutee en tant qursquooutil de reacutegulation des politiques publiques84

24 - Concernant les difficulteacutes lieacutees agrave la mise en œuvre drsquoune proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale

Sur ce point il importe de tenir compte des critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de la proposition de mise en place drsquoun systegraveme unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale des OES (tel qursquoimagineacute par le CNVA dans son rapport datant de 1995) A cette eacutepoque le CNVA contestait laquo lrsquoambiguiumlteacute de lrsquointerpreacutetation juridique et fiscale de lrsquoutiliteacute sociale en particulier en raison de confusions constateacutees entre le critegravere de non lucrativiteacute et les vrais critegraveres drsquoutiliteacute sociale La reacuteflexion associative commence alors agrave se preacuteciser sur les critegraveres de non lucrativiteacute drsquoun cocircteacute sur les critegraveres drsquoutiliteacute sociale de lrsquoautre avec une insistance sur la neacutecessiteacute de ne pas confondre ces deux dimensions Parallegravelement le CNVA conteste lrsquoideacutee alors assez preacutesente du cocircteacute de lrsquoadministration selon laquelle un critegravere essentiel de lrsquoutiliteacute sociale serait que les besoins auxquels reacutepond lrsquoactiviteacute ne sont pas normalement (ou pas suffisamment) pris en compte par le marcheacute Cette deacutefinition purement neacutegative signifierait en effet soit que lrsquoutiliteacute sociale drsquoune association disparaicirct si le marcheacute srsquoinstalle sur un champ de besoins deacutejagrave deacutefricheacutes par les œuvres soit que lrsquoassociation devient alors automatiquement lucrative raquo85 Depuis lors un tel risque nous semble ecirctre leveacute dans la mesure ougrave le laquo reacutefeacuterentiel raquo drsquoutiliteacute sociale doit deacutesormais tenir compte de la jurisprudence du Conseil drsquoEtat en matiegravere fiscale En effet lrsquoarrecirct rendu en date du 1er octobre 199986 est venu preacuteciser qursquoun organisme sans but lucratif ne concurrence une entreprise que si les services qursquoil rend sont laquo offerts en concurrence dans la mecircme zone geacuteographique drsquoattraction avec ceux proposeacutes au mecircme public par des entreprises commerciales exerccedilant une activiteacute identique raquo Il a eacuteteacute eacutegalement preacuteciseacute depuis que laquo le critegravere du public ne doit pas srsquoentendre uniquement des situations de deacutetresse physique ou morale raquo87 buts (ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie solidaire) et quant aux modes drsquoorganisation interne (notamment lucrativiteacute limiteacutee le caractegravere deacutemocratique et multipartenariale de sa direction) ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie sociale raquo J Gadrey parle plus volontiers drsquoutiliteacute sociale externe et drsquoutiliteacute sociale interne preacutec p 37 83 F Bloch-Laineacute Identifier les associations de service social RECMA 1994 ndeg251 p 61 84 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne ibidum selon L Fraisse laquo lrsquoapparition drsquoun deacutebat sur lrsquoutiliteacute sociale peut aussi srsquointerpreacuteter comme un nouveau critegravere de politique publique agrave mecircme de preacuteciser les contours et de renforcer lrsquoinstitutionnalisation des activiteacutes et lrsquoeacuteconomie solidaire raquo voir eacutegalement N Richez-Battesti Les collectiviteacutes territoriales face agrave lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale Juris Associations ndeg376 1er avril 2008 pp 17-19 85 J Gadrey preacutec p 31 86 CE 1er octobre 1999 Association Jeune France ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354 87 Instr fisc BOI 4 H-5-06 preacutec

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Par ailleurs le CNVA soulignait le caractegravere laquo eacutevolutif voire conjoncturel raquo du concept drsquoutiliteacute sociale dans la mise en œuvre drsquoune seacuterie de dix indicateurs (voir infra) Pour lrsquoessentiel G Goulard88 consideacuterait qursquoen lrsquoeacutetat actuel ce concept eacutetait laquo encore plus subjectif que les critegraveres jurisprudentiels en vigueur raquo et qursquoune telle situation laquo risqu[ait] drsquoecirctre interpreacuteteacutee dans un sens reacuteducteur deacutefavorable aux associations dont lrsquoutiliteacute nrsquoest pas sociale mais intellectuelle culturelle spirituelle politique historique eacuteconomique etc raquo Srsquoil est vrai qursquoen 1998 de tels arguments nrsquoeacutetaient pas neacutegligeables il apparaicirct que certains drsquoentre eux apparaissaient forts contestables En effet comme le souligne J Gadrey dans son rapport de 2004 laquo la subjectiviteacute de la notion drsquoutiliteacute sociale peut fort bien ecirctre compatible avec sa consolidation comme reacutefeacuterence en droit (la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral srsquoest bien imposeacutee en deacutepit drsquoun flou aussi consideacuterable) raquo En effet il convient drsquoobserver que drsquoautres notions fondamentales agrave lrsquoinstar du droit commercial sont fondeacutees sur lrsquoarbitraire comme a deacutejagrave pu le souligner le Professeur Y Guyon laquo le droit commercial nrsquoest pas une construction fondeacutee sur la raison mais une approche fondamentalement arbitraire raquo89 Ainsi poursuit J Gadrey laquo le fait que des associations qui ne font pas partie du champ de lrsquoaction sociale (au sens strict) auraient des difficulteacutes agrave faire connaicirctre leur utiliteacute sociale nrsquoa rien drsquoineacuteluctable et deacutepend de la faccedilon dont la convention drsquoutiliteacute sociale se construit sur un mode restrictif ou au contraire extensif raquo De fait il apparaicirct que le concept drsquoutiliteacute sociale deacutepend moins de notre capaciteacute agrave deacutefinir des critegraveres distinctifs que de celle favorisant lrsquoeacutemergence drsquoune convention sociopolitique (voir infra) portant sur lrsquoutiliteacute sociale (convention drsquoutiliteacute sociale) Une telle approche preacutesenterait en outre deux avantages principaux en premier lieu celui du maintien du caractegravere eacutevolutif de ce concept en second lieu celui de la reacuteciprociteacute entretenue entre les associations et les pouvoirs publics dans la construction et lrsquoacceptation du concept mecircme

88 Rapport Goulard mars 1998 89 Y Guyon Droit des affaires Economica 5egraveme eacuted 1988 agrave rapprocher de M Despax Lrsquoentreprise et le droit Bibl Dr Priv T1 Paris 1954 p34 selon lrsquoauteur laquo le droit commercial (hellip) est neacute de la pratique Ses normes sont la conseacutecration drsquousages peu agrave peu eacutetablis et non la construction de la raison de lagrave cette difficulteacute souvent eacuteprouveacutee pour les juristes agrave les expliquer raquo

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III - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE

SOCIALE (OU SOCIETALE) UNE DEMARCHE PARTAGEE

A ndash LA PROCEDURE DE RUS PRESENTE-T-ELLE ENCORE UN INTERET

Comme le suggegravere le rapport Morange90 la proposition formuleacutee par JP Decool en mai 200591 laquo meacuterite drsquoecirctre approfondie raquo En effet pour ce dernier il convient de mettre en place une proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute socieacutetale comme substitut agrave la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral jugeacutee laquo deacutesuegravete et vague raquo laquo il serait donc opportun afin de donner une nouvelle dimension au monde associatif (hellip) de redonner au citoyen toute sa place au sein de la socieacuteteacute Lui permettre de srsquoexprimer et de manifester son deacutesir de donner ou de partager des valeurs communes Ainsi peut-on envisager le rocircle de lrsquoassociation dans la socieacuteteacute raquo A ce stade il nous semble que la meacutethode preacuteconiseacutee par le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) depuis son rapport du 4 feacutevrier 198692 demeure toujours drsquoactualiteacute93 Ce dernier preacuteconisait lrsquointroduction drsquoun systegraveme de reconnaissance a priori qui permettrait aux associations reconnues drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) de lever laquo toute incertitude durant une peacuteriode deacutefinie tant que les conditions drsquoexercice de leur activiteacute au vu desquelles elles ont obtenu lrsquoagreacutement ne seraient pas modifieacutees raquo94 Selon le projet du CNVA cette reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) devait ecirctre accordeacutee non pas par le pouvoir exeacutecutif mais par une veacuteritable juridiction ou commission paritaire composeacutee de repreacutesentants des associations des administrations concerneacutees (Ministegravere de tutelle et Administration fiscale) et preacutesideacutee par un magistrat95 Celle-ci pourrait eacutegalement comprendre un certain nombre drsquoexperts qualifieacutes et issus de la socieacuteteacute civile ainsi qursquoun repreacutesentant des collectiviteacutes locales deacutecentraliseacutees96 90 Ibidum 91 JP Decool Des associations en geacuteneacuteral vers une eacutethique socieacutetale rapport au 1er ministre mai 2005 92 Voir eacutegalement les Rapports et Avis du 12 juin 1991 et 15 juin 1995 93 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit 1998 preacutec 94 CNVA Bilan de la vie associative en 1990-1991 La documentation franccedilaise Paris 1992 Rapport et avis adopteacutes en session pleacuteniegravere du CNVA le 15 juin 1995 sur laquo lrsquoutiliteacute sociale des associations et ses conseacutequences en matiegravere eacuteconomique fiscale et financiegravere raquo 95 On peut noter la proximiteacute de cette composition avec celle de la laquo Charity Commission raquo de Grande-Bretagne composeacutee de fonctionnaires dont deux doivent ecirctre des juges dont le rocircle drsquoinformation de conseil de controcircle srsquoexerce aupregraves des laquo Charities raquo auxquelles la Commission donne le label qui ouvre droit agrave des faciliteacutes fiscales et financiegraveres 96 Voir la composition du comiteacute strateacutegique des fonds de dotation creacuteeacute le 19 novembre 2008 preacutesideacute par JJ Hyest Preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat

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Les deacutecisions de cette instance pourraient faire lrsquoobjet drsquoun recours devant les juridictions compeacutetentes (ce qui aurait eu pour effet de laquo judiciariser raquo le concept drsquoutiliteacute sociale) La reconnaissance serait attribueacutee pour une dureacutee de cinq anneacutees agrave lrsquoissue drsquoun rapport drsquoaudit baseacute sur des critegraveres drsquoeacutevaluation (pour ce qui concerne lrsquoutiliteacute sociale externe) Les critegraveres drsquoeacutevaluation pourraient faire lrsquoobjet drsquoune deacutemarche partageacutee (voir infra) et contractualiseacutee avec les diffeacuterents acteurs agrave partir de critegraveres quantitatifs et qualitatifs neacutegocieacutes En effet le CNVA nrsquoa pas souhaiteacute mettre en place un systegraveme unique et isoleacute de reconnaissance drsquoune cateacutegorie particuliegravere drsquoassociations qui serait reconnue drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) agrave lrsquoinstar de ce qui a par exemple eacuteteacute conccedilu pour la reconnaissance drsquoutiliteacute publique Il preacuteconise plutocirct laquo le recours agrave de multiples dispositifs susceptibles drsquoaccorder aux associations (en tant qursquoopeacuterateurs) ou agrave leurs activiteacutes (en tant qursquoopeacuteration97) la reconnaissance et le soutien en fonction et dans le respect de la diversiteacute des speacutecificiteacutes associatives raquo Lrsquoensemble de ces speacutecificiteacutes doit pouvoir ecirctre appreacutehendeacute agrave travers un certain nombre drsquoindicateurs avec la mise en place de la technique du faisceau drsquoindices Les critegraveres deacutegageacutes98 formeraient ainsi une liste (non exhaustive) qui permettant de mieux cerner les contours de lrsquoutiliteacute sociale

- La primauteacute du projet finaliteacute de lrsquoaction associative99

- Le fonctionnement deacutemocratique - Lrsquoapport social de lrsquoassociation100 - La non-lucrativiteacute qui par essence marque la

diffeacuterence par rapport au secteur commercial - La gestion deacutesinteacuteresseacutee101 ce qui nrsquoexclut ni la

rigueur ni la transparence financiegravere - La capaciteacute agrave mobiliser la geacuteneacuterositeacute humaine

(beacuteneacutevolat) ou financiegravere (dons) - Le mixage des publics et lrsquoouverture

qui a pour mission de suivre lrsquoeacutevolution des fonds de dotation 1 repreacutesentant du MINEFI 3 magistrats 7 personnaliteacutes qualifieacutees A ce titre il pourra eacutelaborer des recommandations de bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion et faire toutes les propositions qui lui sembleront neacutecessaires pour favoriser le deacuteveloppement des fonds de dotation (Sources MINEFI 14 janvier 2009) 97 Cette solution preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre neutre sur le plan concurrentiel et vis-agrave-vis des autres opeacuterateurs eacuteconomiques 98 Le CNVA preacutecise dans son rapport du 15 juin 1995 preacutec que ces critegraveres sont laquo non exclusifs non cumulatifs et non exhaustifs les uns par rapport aux autres raquo 99 La FONDA dans un seacuteminaire en date du 17 octobre 1992 suggeacuterait et explicitait ces trois premiers critegraveres agrave partir desquels elle se fondait pour identifier les associations drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral 100 Ce critegravere ainsi que les critegraveres 6 7 et 8 relegravevent de la notion drsquoutiliteacute sociale externe qui selon nous devrait faire lrsquoobjet drsquoune contractualisation pluri annuelle dans le cadre drsquoune deacutemarche de construction et drsquoeacutevaluation partageacutee (voir infra) 101 Sur cette notion voir Instr fisc (Synthegravese) BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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- Les secteurs drsquointervention pas ou mal couverts par les autres agents eacuteconomiques ou par les collectiviteacutes publiques

- Lrsquoexistence de financements publics ou parapublics

- Lrsquoexistence drsquoun agreacutement ministeacuteriel (Ministegravere de rattachement) ou drsquoune habilitation102

La reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) pourrait ecirctre attribueacutee aux associations laquo dont les statuts le mode de fonctionnement et les modaliteacutes drsquoexercice de leur activiteacute caracteacuterisent suffisamment leur utiliteacute sociale aux yeux de cette juridiction Elle pourrait agrave lrsquoinverse ecirctre retireacutee par cette mecircme juridiction ou commission paritaire degraves lors que les conditions ayant preacutesideacute agrave son attribution ne seraient plus reacuteunies Lrsquoabsence de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre invoqueacutee pour creacuteer une preacutesomption de lucrativiteacute pour lrsquoassociation qui nrsquoen beacuteneacuteficierait pas raquo Agrave ce jour nombreux sont les acteurs srsquoeacutetant prononceacutes en faveur de lrsquoeacutelaboration drsquoune reconnaissance unique drsquoutiliteacute sociale (RUS) Nous avons vu preacuteceacutedemment que les derniers rapports ministeacuteriels et parlementaires se montrent favorables agrave la mise en œuvre drsquoune telle proceacutedure Pour MT Cheacuteroutre103 laquo lrsquoattribution drsquoune reconnaissance par les pouvoirs publics aux organismes susceptibles drsquoecirctre exoneacutereacutes apparaicirct eacuteminemment souhaitable Cette reconnaissance accordeacutee pour une dureacutee deacutetermineacutee apporterait agrave ces derniers une garantie drsquoexoneacuteration du moins aussi longtemps qursquoil ne serait pas prouveacute par lrsquoadministration qursquoils ne respectent plus les conditions pour lesquelles ils ont obtenu ladite reconnaissance raquo De son cocircteacute la FONDA104 a eacutegalement exprimeacute son souhait drsquoassurer laquo une meilleure seacutecuriteacute financiegravere aux associations relevant de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et srsquoest montreacutee laquo favorable agrave la creacuteation drsquoune RUS attribueacutee par une commission tripartite (Etat Magistrats Associations) raquo Agrave notre connaissance deux projets de loi105 ont eacuteteacute deacuteposeacutes en ce sens pour ecirctre rapidement abandonneacutes par la suite faute de reacuteelle volonteacute politique En effet comme le souligne le CNVA agrave propos de la mise en œuvre de la RUS

102 Notamment lorsque lrsquoobjet de lrsquoassociation consiste agrave reacutealiser des activiteacutes reacuteglementeacutees 103 MT Cheacuteroute Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 rapport au nom du conseil eacuteconomique et social ndeg4 JO du 1er avril 1993 104 La FONDA Pour une eacutethique des rapports entre pouvoirs publics et citoyens seacuteminaire Paris 17 octobre 1992 105 Projet de loi A Henry RTD com 192 447 en janvier 2002 ce projet avait lanceacute une vaste consultation autour du concept drsquoutiliteacute sociale dans le but de deacutelimiter les associations auxquelles seraient accordeacutees le label Proposition de loi ndeg2779 AN 1996 art 2 laquo Les associations peuvent ecirctre reconnues drsquoutiliteacute sociale agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode probatoire de fonctionnement drsquoune dureacutee au moins eacutegale agrave trois ans lorsqursquoelles satisfont cumulativement aux conditions suivantes avoir un objet social de caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique humanitaire sportif familial culturel ou drsquoaction sociale ou de mise en œuvre du patrimoine artistique ou de deacutefense de lrsquoenvironnement ou de diffusion de la culture ou de la langue franccedilaise Exercer conformeacutement agrave cet objet des activiteacutes ouvertes agrave des personnes qui lui sont exteacuterieures raquo

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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Pour le Secreacutetaire drsquoEtat agrave lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire laquo la SCIC doit ecirctre comprise comme le chaicircnon manquant entre lrsquoassociation et la coopeacuterative avec la possibiliteacute drsquointeacutegrer de nouveaux partenaires raquo (F Morin conseiller technique du cabinet de G Hascoeumlt) 44 Du cocircteacute de lrsquoEtat pour le Ministegravere de lrsquoemploi et le secreacutetariat agrave lrsquoeacuteconomie solidaire laquo cette nouvelle structure doit deacuteboucher sur la creacuteation drsquoemplois en plus de ceux occupeacutes aujourdrsquohui dans lrsquoentreprise drsquoinsertion qui restera pour lrsquoinstant en lrsquoeacutetat raquo

12 ndash Une deuxiegraveme utilisation concregravete de la notion drsquoutiliteacute sociale la reconnaissance de la non lucrativiteacute des activiteacutes eacuteconomiques reacutealiseacutees par les associations non assujetties aux impocircts commerciaux Depuis lrsquoinstruction fiscale BOI 4 h-5-98 du 15 septembre 1998 pour lrsquoAdministration fiscale il est deacutesormais laquo leacutegitime quun organisme non lucratif deacutegage dans le cadre de son activiteacute des exceacutedents reflet dune gestion saine et prudente Cependant lorganisme ne doit pas les accumuler dans le but de les placer Les exceacutedents reacutealiseacutes voire temporairement accumuleacutes doivent ecirctre destineacutes agrave faire face agrave des besoins ulteacuterieurs ou agrave des projets entrant dans le champ de son objet non lucratif raquo Parallegravelement lrsquoinstruction fiscale consacrait le principe de non assujettissement des associations et organismes sans but lucratif aux impocircts commerciaux Il convenait donc de clarifier une situation confuse compte tenu de lrsquoeacutevolution du monde associatif notamment au regard de la pleine et entiegravere capaciteacute juridique des associations (simplement deacuteclareacutees) en matiegravere drsquoexercice drsquoactiviteacutes eacuteconomiques ou commerciales45 Crsquoest dans ce cadre que lrsquoAdministration fiscale a eacuteteacute ameneacutee agrave proposer une laquo grille de lecture raquo concernant lrsquoexercice de ce type drsquoactiviteacutes eacutetant entendu que si lrsquoassociation adopte des comportements identiques agrave ceux des entreprises commerciales sur un mecircme marcheacute le principe de non assujettissement ne pouvant ecirctre maintenu celle-ci recouvrait immeacutediatement son statut drsquoentreprise assujettie aux impocircts commerciaux Pour savoir si une association exerce son activiteacute dans des conditions similaires agrave celle drsquoune entreprise et si de ce fait elle doit ecirctre soumise aux impocircts commerciaux lrsquoAdministration fiscale preacuteconise une analyse en plusieurs eacutetapes

minus Etape 1 la gestion de lrsquoorganisme est-elle deacutesinteacuteresseacutee (les

dirigeants ne peuvent reacutemuneacutereacutes (sauf cas deacuterogatoires limitativement eacutenumeacutereacutes) les beacuteneacutefices et le patrimoine de lrsquoassociation ne peuvent ecirctre attribueacutes aux membres)

44 C Amblard SCIC un nouvel outil pour lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Revue Le Tout Lyon 2001 45 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit Universiteacute Versailles ndash St Quentin 1998 (410 pages) C Amblard Lrsquoentreprise associative Editions territoriales 2006 C Amblard Activiteacutes eacuteconomiques et commerciales des associations Lamy Associations Etude 246 preacutec

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‐ Etape 2 lrsquoorganisme concurrence-t-il une entreprise ‐ Etape 3 lrsquoorganisme exerce-t-il son activiteacute dans des conditions

similaires agrave celles drsquoune entreprise (analyse par application de la regravegle des quatre laquo P raquo les indices eacutetant classeacutes par ordre deacutecroissant drsquoimportance) bull Le laquo produit raquo proposeacute bull Le laquo public raquo beacuteneacuteficiaire bull Les laquo prix raquo pratiqueacutes bull La laquo publiciteacute raquo reacutealiseacutee

Srsquoagissant plus particuliegraverement des deux premiers critegraveres (laquo Produit raquo et laquo Public raquo) il convient de souligner que lrsquoinstruction fiscale procegravede agrave leur laquo reacuteunification raquo sous le vocable drsquo laquo utiliteacute sociale raquo En drsquoautres termes il y a bien reconnaissance drsquoutiliteacute sociale lorsque lrsquoassociation

‐ intervient dans un domaine ougrave les besoins sont insuffisamment couverts par le secteur lucratif ‐ ou46 srsquoadresse agrave un public qui ne peut normalement acceacuteder aux services du secteur concurrentiel

La recherche de lrsquoutiliteacute sociale conduit donc agrave mettre en correacutelation le produit et le service fourni par lrsquoassociation avec le public viseacute En effet une attention toute particuliegravere est attacheacutee agrave ces critegraveres et agrave lrsquoaffectation des exceacutedents pour deacuteterminer si lrsquoassociation exerce ou non une activiteacute suivant des modaliteacutes similaires agrave celles utiliseacutees par une entreprise

- Le produit est drsquoutiliteacute sociale laquo lrsquoactiviteacute qui tend agrave satisfaire un besoin qui nrsquoest pas pris en compte par le marcheacute ou qui lrsquoest de faccedilon peu satisfaisante raquo

- Le public sont susceptibles drsquoecirctre drsquoutiliteacute sociale laquo les actes

payant reacutealiseacutes principalement au profit de personnes justifiant lrsquooctroi drsquoavantages particuliers au vue de leur situation eacuteconomique sociale ou humaine (chocircmeurs personnes handicapeacutees notammenthellip) Ce critegravere ne doit pas srsquoentendre seulement agrave des situations de deacutetresse physique ou morale raquo

46 Le critegravere alternatif des deux eacuteleacutements produit et public a eacuteteacute affirmeacute par la jurisprudence CE 3 deacutecembre 1999 ndeg 133291 RJF 100 ndeg 35

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2 ndash Lrsquoapproche (fiscale) de la notion drsquoutiliteacute sociale un rocircle preacutepondeacuterant dans les proceacutedures de reconnaissance du secteur associatif Nous avons vu preacuteceacutedemment que

‐ La RUP suppose que lrsquoassociation exerce des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au sens de lrsquoarticle 200 et 238 bis du CGI ‐ La RIG commande pour les associations eacutevoluant dans la sphegravere eacuteconomique que ces derniegraveres exercent agrave titre preacutepondeacuterant des activiteacutes non lucratives ce qui suppose drsquoecirctre reconnues par lrsquoAdministration fiscale comme eacutetant drsquoutiliteacute sociale

Il existe bien par conseacutequent des interactions entre les diffeacuterents modes de reconnaissance et lrsquoapproche fiscale de la notion drsquoutiliteacute sociale Bien plus en insistant sur lrsquoimportance deacutecroissante des critegraveres retenus par la regravegle des 4 laquo P raquo lrsquoAdministration fiscale amplifie le rocircle joueacute par les deux premiers critegraveres (laquo Produit raquo et laquo Public raquo) et par conseacutequent lrsquoinfluence de cette notion au sein des modes de reconnaissance de la vie associative Autre eacuteleacutement important agrave ce stade de la reacuteflexion le rocircle non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat ou les autres administrations dans la laquo reconnaissance raquo drsquoutiliteacute sociale des associations en effet lrsquoinstruction fiscale47 preacutecise explicitement que ce type drsquoagreacutement laquo nrsquoest qursquoun eacuteleacutement parmi drsquoautres de lrsquoappreacuteciation de son utiliteacute sociale raquo Neacuteanmoins lrsquoinstruction preacutecise que laquo srsquoils prennent en compte la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y ait fait face ces agreacutements peuvent contribuer agrave lrsquoappreacuteciation de lrsquoutiliteacute sociale raquo Mais dans tous les cas lrsquoAdministration fiscale considegravere qursquolaquo ils ne sont ni neacutecessaires ni suffisants pour eacutetablir le caractegravere drsquoutiliteacute sociale de lrsquoassociation raquo Synthegravese de la RUS ‐ La notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale ouvre la capaciteacute des associations agrave intervenir dans la sphegravere eacuteconomique tout en preacuteservant leur statut drsquoorganismes sans but lucratif non soumis aux impocircts commerciaux ‐ In fine cette notion constitue un preacutealable indispensable agrave la mise en œuvre de la RIG (absence drsquoactiviteacute lucrative) et exerce une influence non neacutegligeable dans le mode de deacutelivrance de la RUP (reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et neacutecessiteacute de disposer de ressources suffisantes hors financement public) ‐ En lrsquoeacutetat actuel la reconnaissance (fiscale) drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre assimileacutee agrave une proceacutedure de reconnaissance institutionnelle de type RUP

47 Instr fisc 4 H-5-06 preacuteciteacutee ndeg63

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ou RIG instaureacutee par le leacutegislateur neacuteanmoins elle donne lieu agrave une appreacuteciation souveraine de lrsquoadministration fiscale dans le cadre de la proceacutedure de rescrit fiscal applicable depuis lrsquoinstruction fiscale preacuteciteacutee du 15 septembre 1998 En effet la reacuteponse du correspondant associations au questionnaire visant agrave deacuteterminer le reacutegime fiscal applicable au regard des impocircts vaut prise de position formelle de lrsquoadministration au sens de lrsquoarticle L 80 B du Livre des proceacutedures fiscales (opposabiliteacute) ‐ Telle que preacutevue par lrsquoinstruction fiscale du 18 deacutecembre 2006 preacuteciteacutee la notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale donne encore lieu agrave une appreacuteciation discreacutetionnaire et unilateacuterale de lrsquoadministration fiscale (sous reacuteserve du controcircle juridictionnel administratif)

bull Concernant lrsquoappreacuteciation discreacutetionnaire elle ressort drsquoune part de la dimension reacuteductrice des critegraveres retenus par lrsquoadministration fiscale48 et drsquoautre part de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation49 objective crsquoest-agrave-dire reposant sur lrsquoexistence de reacutefeacuterentiels qualitatifs et quantitatifs admis et partageacutes par tous50

bull Concernant lrsquoappreacuteciation unilateacuterale elle est induite par le caractegravere non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat (Ministegravere de tutelle) ou toute autre Administration y compris lorsque ces proceacutedures drsquoagreacutement preacutevoient des critegraveres permettant la prise en compte de la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y est fait face51 Or comme le soulignait deacutejagrave en 1993 MT

48 Lrsquoanalyse de la deacutecision rendue par lrsquoarrecirct Jeune France du 1er octobre 1999 (CE 1101999 ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354) permet eacutegalement de souligner la dimension neacutegative donneacutee agrave ces critegraveres dans la mesure ougrave ils servent agrave appreacutecier la speacutecificiteacute des associations et autres organismes sans but lucratif essentiellement au regard de regravegles de la concurrence 49 F Rousseau Lrsquoeacutevaluation laquo regravegle du jeu raquo entre associations et pouvoirs publics Juris Associations 1er avril 2008 ndeg376 p 16 et 17 lrsquoauteur souligne qursquoil convient de retenir laquo la diffeacuterence essentielle entre drsquoune part lrsquoeacutevaluation des activiteacutes associatives selon une logique drsquoeacutevaluation des politiques et drsquoautre part la deacutemarche de coconstruction drsquoune meacutethodologie drsquoeacutevaluation qui associe[rait[ les acteurs locaux (eacutelus techniciens militants associatifs chercheurs etc raquo 50 A souligner les nombreux travaux sur ces questions (liste non exhaustive) laquo Economie sociale et solidaire en reacutegion raquo (programme de recherche coordonneacute par la DIES et la Mire entre 2001 et 2003) P VIVERET Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 J GADREY 2003 Lrsquoutiliteacute sociale et organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE version provisoire 133 pages Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREE du 11 janvier 2005 La reconfiguration de lrsquoaction publique entre lrsquoEtat associations et participation citoyenne X ENGELS (Dir) M HELY A PERRIN H TROUVE De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne LrsquoHarmattan 2006 Guide meacutethodologique Fonda Rhocircne-Alpes (reacutealiseacute avec le concours de la Reacutegion Rhocircne-Alpes) Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective 2006 H TROUVE Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale de son activiteacute 124 pages wwwaviseorg Seacuteminaire Avise Evaluer lrsquoutiliteacute sociale deacutemarche meacutethodologie expeacuteriences Paris 6 deacutecembre 2007 51 Ibidum

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Cheroutre52 lors de sa preacutesentation du rapport du Conseil Economique et social laquo lrsquooctroi drsquoun agreacutement ou drsquoune habilitation est la marque de reconnaissance par les pouvoirs publics de la fonction remplie par lrsquoassociation ce qui implique des controcircles et drsquoeacuteventuels retraits si le contrat nrsquoest pas rempli raquo53

‐ Dans ces conditions et compte tenu des arguments qui preacutecegravedent il y a lieu de srsquointerroger sur la neacutecessiteacute drsquoune simplification des proceacutedures de reconnaissance de la vie associative (II) De faccedilon plus cruciale encore des questions se posent quant agrave la capaciteacute des acteurs agrave laquo coconstruire raquo leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation dans le cadre drsquoune deacutemarche partageacutee A ce propos nous assistons drsquoailleurs agrave un deacuteplacement du deacutebat national vers un cadre de reacuteflexion engageacute par les instances communautaires en matiegravere de transposition de la directive laquo services raquo et de deacutefinition de service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) II ndash VERS UNE SIMPLIFICATION DES MODES DE RECONNAISSANCE

A - La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) une utiliteacute

Dans une eacutetude adopteacutee le 25 octobre 2000 par la section du rapport et des eacutetudes du Conseil drsquoEtat54 il est rappeleacute qursquo laquo il nrsquoest pas aujourdrsquohui drsquoavantage patrimonial ou fiscal qui soit reacuteserveacute aux seules associations reconnues drsquoutiliteacute publique Il nrsquoy aurait donc pas drsquointeacuterecirct pour une association agrave ecirctre reconnue raquo En effet la plupart des associations simplement deacuteclareacutees perccediloivent des dons manuels55 ou encore sont en capaciteacute de beacuteneacuteficier de ce type de ressources sans aucune limitation soit directement sous la forme de meacuteceacutenat56 (dons uniquement) soit indirectement par la creacuteation drsquoun fonds de dotation57 ou en srsquoaffiliant agrave une union ou un organisme drsquoutiliteacute publique (dons et legs)58 52 Ibidum 53 La loi de finances rectificative pour 2008 (Loi ndeg2008-1443 du 30 deacutecembre 2008) a pris plusieurs mesures en vue de renforcer la seacutecuriteacute juridique des contribuables Lrsquoarticle 50 de la loi de finances rectificative pour 2008 creacuteeacute ainsi un recours devant lrsquoadministration pour les deacutecisions formelles prises en vertu des articles L80 B 1deg agrave 6deg et 8deg et L80 C du Livre des proceacutedures fiscales (LPF) applicable aux demandes deacuteposeacutees agrave partir du 1er juillet 2009 54 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique La documentation franccedilaise 2000 p15 55 Cass com 5 octobre 2004 ndeg03-15709 Bull civ IV ndeg178 56 Loi Aillagon du 1er aoucirct 2003 57 C Amblard Fonds de dotation encore du nouveau sur le front du meacuteceacutenat preacutec 58 Loi 1er juillet 1901 art 6 al1

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Degraves lors crsquoest tout naturellement et sans ambiguiumlteacute que le Conseil drsquoEtat srsquoest poseacute la question suivante laquo faut-il supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo (pour une meilleure lisibiliteacute de lrsquoaction associative et une simplification des proceacutedures de reconnaissance) Une telle proposition nrsquoa toutefois pas eacuteteacute retenue par lrsquoeacutetude des statistiques du Ministegravere de lrsquoInteacuterieur laquo il semble qursquoen deacutepit de la faiblesse des avantages qursquoelles peuvent en retirer et des contraintes que cela engendre pour elles des associations continuent chaque anneacutee de solliciter la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo Quelles peuvent-elles ecirctre les motivations des associations qui souhaiteraient beacuteneacuteficier de cette forme de reconnaissance Dans son rapport public de 200059 le Conseil drsquoEtat souligne avant tout laquo la force symboliques que srsquoaccordent agrave y voir les repreacutesentants du monde associatif raquo En effet il ressort que ceux-ci sont avant tout laquo agrave la recherche drsquoun label raquo60 La RUP laquo fait en quelque sorte agrave leurs yeux figure de label officiel qui consacre la leacutegitimiteacute de lrsquoassociation qui en beacuteneacuteficie et qui sanctionne la qualiteacute des actions qursquoelle megravene raquo Ainsi laquo [il] est un signe pour leurs partenaires et une garantie pour eux raquo Cependant le Conseil drsquoEtat croit bon attirer notre attention sur le fait que laquo cette force symbolique de la RUP nrsquoest toutefois pas deacutenueacutee drsquoeffets pratiques puisqursquoil apparaicirct que de 1991 agrave 1996 les associations et les fondations drsquoutiliteacute publique ont reccedilu 84 des dons deacuteclareacutes par les contribuables Pour les associations qui font appel agrave la geacuteneacuterositeacute publique la RUP vaut garantie que les sommes collecteacutees ne feront pas en principe lrsquoobjet drsquoune utilisation abusive ou frauduleuse raquo Cette garantie existe-t-elle vraiment srsquoagissant des associations RUP Preacuteciseacutement pour le Conseil drsquoEtat laquo cela peut paraicirctre paradoxal de rechercher le controcircle de lrsquoEtat pour pouvoir ensuite souligner qursquoelles srsquoy sont soumises et offrent donc toutes les garanties de bon fonctionnement raquo drsquoautant plus que pour lui laquo le controcircle de lrsquoEtat (hellip) est insuffisant raquo Crsquoest ainsi que dans son dernier rapport sur les associations RUP datant de 200061 ce dernier preacuteconisait dans ses conclusions laquo drsquointroduire dans la loi du 1er juillet 1901 (ou agrave lrsquoarticle L612-4 du Code de commerce) lrsquoobligation pour toute association reconnue drsquoutiliteacute publique drsquoavoir recours agrave un commissaire aux comptes dans les conditions preacutevues aux articles L 225-218 et suivants du Code de commerce raquo

59 Conseil drsquoEtat Les associations et la loi de 1901 cent ans apregraves Rapport public 2000 La documentation franccedilaise Etudes et Documents ndeg51 p307 60 Conseil drsquoEtat Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec 61 Ibidum

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Or agrave ce jour force est de constater qursquoaucune reacuteforme nrsquoest intervenue en ce sens En effet il nrsquoexiste ni dans la loi du 1er juillet 1901 ni dans les statuts-types des associations RUP ni mecircme dans aucun dispositif leacutegislatif speacutecifique ndash en dehors du dispositif applicable en matiegravere drsquoappel agrave la geacuteneacuterositeacute publique62 - drsquoobligation imposant la preacutesence drsquoun commissaire aux comptes au sein des associations RUP Aussi et toujours pour le Conseil drsquoEtat laquo srsquoil nrsquoy a donc pas de motif deacuteterminant de supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique il convient de reacutefleacutechir aux ameacuteliorations pouvant ecirctre apporteacutees agrave son reacutegime drsquoutiliteacute publique et aux reacutegimes voisins raquo En tout eacutetat de cause la pertinence du maintien de la RUP se pose si lrsquoon en juge les reacutesultats de deux rapports ministeacuteriels reacutecents sur cette question en effet pour le rapport Morange63 laquo les avantages mateacuteriels de la RUP sont deacutesormais drsquoune porteacutee quasi theacuteorique raquo Quant agrave lrsquoavantage moral de la RUP pour le deacuteputeacute P Morange il demeure laquo important mais il ne justifie pas la lourdeur de la proceacutedure raquo Le rapport Langlais64 parle lui de laquo proceacutedure eacutelitiste raquo qui laquo nrsquoa pas su srsquoadapter aux eacutevolutions de la socieacuteteacute raquo Pourquoi degraves lors vouloir absolument maintenir un systegraveme de reconnaissance qui agrave notre avis pose deux probleacutematiques majeures

‐ La premiegravere probleacutematique porte sur la capaciteacute patrimoniale des associations qui preacuteciseacutement ne beacuteneacuteficient pas de cette forme de reconnaissance en effet est-il toujours leacutegitime que pregraves drsquoun million de structures associatives disposent par contrecoup drsquoune capaciteacute juridique reacuteduite Deacutejagrave en 1993 agrave propos de la capaciteacute patrimoniale des associations simplement deacuteclareacutees le Conseil Economique et social65 soulignait que laquo le contexte drsquoaujourdrsquohui eacutelargissant les missions de nombreuses associations met davantage lrsquoaccent sur les enjeux eacuteconomiques et sociaux qui leur demandent de mobiliser agrave la fois des moyens eacuteconomiques financiers et humains On peut donc agrave juste titre se demander si les carcans drsquoune autre eacutepoque ne pourraient ecirctre leveacutes raquo Les choses ont peu eacutevolueacute depuis au deacutetriment drsquoun secteur associatif dont lrsquoessentiel de ses forces vives consacre une bonne partie de leur temps et de leur eacutenergie agrave rechercher des

62 Loi ndeg91-772 du 7 aoucirct 1991 art 3 et encore il convient de noter que lrsquointervention du commissaire aux comptes ne srsquoimpose que pour les associations ayant nommeacute un commissaire aux comptes pour drsquoautres motifs Anteacuterieurement le compte emploi des ressources (CER) constituait un document autonome agrave deacuteposer au siegravege de lrsquoassociation et agrave tenir agrave disposition des adheacuterents En cas de controcircle par un commissaire aux comptes ce dernier eacutetait tenu drsquoeacutetablir une attestation Depuis le 1er janvier 2006 le CER est devenu un eacuteleacutement annexe aux comptes Lrsquoattestation du commissaire aux comptes nrsquoa donc plus lieu drsquoecirctre (cf Meacutemento pratique F Lefebvre Associations 2008-2009 ndeg71400 p976) 63 P Morange Rapport drsquoinformation sur la gouvernance et le financement des structures associatives ndeg134 assembleacutee nationale 1er octobre 2008 p41 et 42 64 JL Langlais Pour un partenariat renouveleacute entre lrsquoEtat et les associations rapport ministeacuteriel juin 2008 p 26 65 Ibidum p 82

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financements Sur ce point il convient de noter les propositions drsquoeacutevolutions importantes figurant dans le rapport Morange lequel suggegravere aux associations simplement deacuteclareacutees de beacuteneacuteficier de la capaciteacute juridique de recevoir des dons ‐ La seconde probleacutematique renvoit directement aux besoins exprimeacutes en matiegravere de simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif en effet le rapport Langlais66 souligne agrave juste titre que laquo la principale source de complexiteacute tient agrave lrsquoeacuteclatement des modes de reconnaissance du fait associatif par la puissance publique La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) existe toujours elle nrsquoa pas varieacute depuis un siegravecle (hellip) elle est de plus en plus concurrenceacutee par drsquoautres formes de reconnaissance et certains nrsquoheacutesitent pas agrave la consideacuterer comme deacutemodeacutee voire obsolegravete La reconnaissance drsquoutiliteacute publique est accordeacutee sans limitation de dureacutee et il existe probablement comme pour les associations deacuteclareacutees mais en beaucoup plus faible proportion des ARUP qui figurent toujours dans les chiffres officiels bien qursquoelles nrsquoaient plus drsquoexistence reacuteelle raquo De son cocircteacute le deacuteputeacute P Morange propose de deacutelivrer la RUP pour une dureacutee deacutesormais limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans

Il convient par conseacutequent drsquoenvisager une simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif drsquoautant plus que sont apparus agrave cocircteacute de la RUP de nombreuses autres formes de reconnaissance plus ou moins officielle tels que les agreacutements ou les labels priveacutes (Comiteacute de la Charte voire mecircme la proposition de labellisation AFNOR) Nous verrons infra que ce processus de simplification doit ecirctre lrsquooccasion drsquoun dialogue renouveleacute entre les acteurs du monde associatif et les pouvoirs publics en vue de la mise en œuvre drsquoune deacutemarche partageacutee

66 Ibidum

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B - LA SIMPLIFICATION DES PROCESSUS DE RECONNAISSANCE VERS UNE RECONNAISSANCE UNIQUE DrsquoUTILITE SOCIALE

1 ndash Les propositions reacutecemment formuleacutees par les rapports Langlais et Morange de 2008

Sur ce point les deux rapports srsquoaccordent pour distinguer trois types drsquoassociations

11 - Les associations deacuteclareacutees

Pour JL Langlais il srsquoagirait de reconnaicirctre la capaciteacute creacuteatrice de ces associations locales par lrsquooctroi de subventions symboliques et uniquement deacutelivreacutees par les collectiviteacutes territoriales correspondant agrave leur aire drsquoinfluence P Morange propose quant agrave lui drsquoouvrir la capaciteacute juridique de ces laquo petites raquo associations en leur permettant de percevoir des dons (autres que manuels) et de les soumettre aux controcircles drsquoun commissaire aux comptes et aux controcircles meneacutes par les services deacuteconcentreacutes degraves lors qursquoelles beacuteneacuteficieraient de subventions publiques

12 - Les associations reconnues drsquoutiliteacute sociale ou

drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

Pour JL Langlais ces associations pourraient beacuteneacuteficier drsquoune reconnaissance drsquointeacuterecirct laquo social ou geacuteneacuteral raquo

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce sont en gros les 4 conditions

requises pour lrsquoobtention de lrsquoagreacutement fiscal (cf supra) Drsquoailleurs il est proposeacute que cet agreacutement soit deacutecerneacute par lrsquoAdministration fiscale Une condition suppleacutementaire pourrait ecirctre poseacutee relative au beacuteneacutevolat sans neacutecessairement fixer de seuil a priori on devrait exiger que le beacuteneacutevolat soit nettement preacutepondeacuterant dans le fonctionnement de lrsquoassociation

Avantages consentis possibiliteacute de recevoir des subventions y

compris des subventions de fonctionnement capaciteacute agrave recevoir des dons (nrsquoexceacutedant pas un certain montant) agrave faire beacuteneacuteficier aux donateurs de lrsquoexoneacuteration fiscale au taux de droit commun

Obligations ecirctre agrave jour de leurs obligations deacuteclaratives

obligation de justifier lrsquoemploi des fonds reccedilus de deacuteposer leurs comptes en Preacutefecture de se soumettre aux controcircles aleacuteatoires ou programmeacutes de la puissance publique certification obligatoire des comptes au-delagrave de 153 000 euro de financement annuel

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Pour P Morange laquo cette cateacutegorie recouvre les associations subventionneacutees ou qui beacuteneacuteficient drsquoavantages fiscaux et oeuvrent au service de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo Selon lui laquo il serait envisageable comme en Grande Bretagne drsquoeacutetablir des listes de secteurs dans lesquels ces associations interviennent et de les soumettre agrave un certain nombre drsquoobligations en srsquoinspirant par exemple de la pratique fiscale (voir supra) Ainsi lrsquoassociation devrait poursuivre un but drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral ecirctre soumise agrave un controcircle financier et une eacutevaluation reacuteguliegravere au niveau deacutecentraliseacute raquo Enfin laquo lrsquoassociation devrait se doter drsquoun commissaire aux comptes raquo

13 Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique Pour JL Langlais seules les associations qui se consacrent exclusivement agrave des actions drsquoassistance ou de bienfaisance pourraient beacuteneacuteficier drsquoune RUP

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce seraient les mecircmes que pour la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral mais avec 3 nuances - toute lrsquoactiviteacute doit ecirctre tendue vers lrsquoobjet social - un degreacute plus eacuteleveacute de professionnalisation (et donc de salariat) serait acceptable - mais un moindre degreacute drsquoouverture exigeacute (une association pourrait ecirctre reconnue drsquoutiliteacute publique alors qursquoelle fonctionne au beacuteneacutefice drsquoun public fermeacute67)

Avantages les avantages seraient ceux du reacutegime actuel le

plus favorable dons et legs (reacutegime RUP) exoneacuteration au taux le plus favorable (laquo amendement Coluche raquo) subventions sur une base pluriannuelle

Obligations toutes les obligations du reacutegime preacuteceacutedant avec en plus lrsquoobligation de deacuteposer des comptes certifieacutes

JL Langlais poursuit en proposant que la reconnaissance drsquoutiliteacute publique soit laquo deacutecerneacutee pour une dureacutee limiteacutee soit par le ministegravere de lrsquointeacuterieur soit par le ministegravere en charge de la vie associative (et les preacutefets agrave lrsquoeacutechelon deacuteconcentreacute) soit encore par une agence nationale agrave creacuteer raquo Pour P Morange la RUP laquo serait deacutelivreacutee par le Conseil drsquoEtat comme crsquoest le cas actuellement et controcircleacutee par la Cour des comptes avec le concours de lrsquoIGAS et de lrsquoIGA pour une dureacutee limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans raquo A titre subsidiaire les auteurs proposent eacutegalement drsquoeacutetablir une laquo situation speacutecifique raquo pour les associations engageacutees dans la gestion drsquoune mission de service public tandis que P Morange envisage cette situation sous lrsquoangle de la seacutecurisation des rapports engageacutes par ces derniegraveres avec lrsquoadministration JL Langlais quant agrave lui considegravere dans une telle situation que laquo la forme juridique [drsquoassociation] nrsquoest alors qursquoune fiction raquo et que degraves lors laquo lrsquoEtat doit pouvoir les financer mais aussi les controcircler et les diriger comme il le

67 Lrsquoauteur propose de revenir sur la jurisprudence CE 7 feacutevr 2007 ndeg 287949 Steacute des anciens eacutelegraveves de lrsquoEacutecole Nationale Supeacuterieure drsquoArts et Meacutetiers et a

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ferait de ses propres services en attendant de trouver une structure juridique adeacutequate raquo Une mise en conformiteacute des proceacutedures drsquoagreacutement avec les nouvelles contraintes communautaires est eacutegalement envisageacutee

2 ndash Nos pistes de reacuteflexions

21 - Concernant le devenir de la proceacutedure RUP

Nous avons vu preacuteceacutedemment que cette proceacutedure deacutesormais consideacutereacutee comme eacutetant laquo obsolegravete raquo par la plupart des observateurs (voir supra) ne preacutesentait plus guegravere drsquointeacuterecirct sur un plan technique (voir supra) Degraves lors et en raison de la forte concentration de financements priveacutes (pregraves de 90 sous la forme de dons deacuteclareacutes par les contribuables ndash voir supra) sur un nombre extrecircmement limiteacute drsquoassociations et de fondations RUP de cette laquo proceacutedure eacutelitiste raquo la question de son devenir se pose de faccedilon cruciale En effet au 15 juillet 2000 le Conseil drsquoEtat deacutenombrait 1960 associations RUP laquo dont 200 nrsquoauraient selon lui aucune activiteacute sinon plus aucune existence raquo68 Force est de constater que presque 10 ans plus tard ce nombre nrsquoa quasiment pas augmenteacute puisque le dernier recensement effectueacute en deacutecembre 200869 par le Ministegravere de lrsquointeacuterieur fait eacutetat de 1966 associations RUP Lrsquourgence consiste donc bien agrave mettre un terme agrave cette situation laquo monopolistique raquo ougrave agrave tout le moins agrave instaurer des proceacutedures de controcircle agrave la fois plus preacutecises et plus contraignantes que celles existantes actuellement Sur ce point les propositions tendant agrave limiter la deacutelivrance de la RUP pour une dureacutee limiteacutee formuleacutees dans les rapports Langlais et Morange nous semblent parfaitement approprieacutees Ces propositions seront agrave rapprocher de celle proposeacutee par P Morange visant offrir agrave lrsquoensemble des associations la laquo grande capaciteacute juridique raquo particuliegraverement en matiegravere de dons

22 - Concernant la probleacutematique du rapprochement entre reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale)

Il ne srsquoagit pas de revenir sur les nombreux travaux drsquoores et deacutejagrave existants en matiegravere de rapprochement des concepts drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et drsquoutiliteacute sociale Parmi les plus importants lrsquoon peut citer ceux de J Gadrey en 200470 ceux reacutesultant de la journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF en 200571 ou encore la contribution commune de X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute publieacutee en 200672 A la lumiegravere de ces travaux il

68 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec p15 69 Site du ministegravere de lrsquointeacuterieur (publication du 08 avril 2008) httpwwwinterieurgouvfrsectionsa_la_unepublicationscultes-associations 70 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale des organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE feacutevrier 2004 71 Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Paris 11 janvier 2005 72 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Editions LrsquoHarmattan Paris 2006

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semble bien que lrsquoon assiste agrave laquo un basculement vers la notion plus large drsquoutiliteacute sociale notion qui par ailleurs entretient une filiation juridique avec le concept drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo73 Sur un plan juridique ces travaux montrent notamment qursquoil existe laquo un rapport assez eacutetroit agrave certains eacutegards entre la notion drsquoutiliteacute sociale et celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo si lrsquoon considegravere lrsquoanalyse de la jurisprudence des dix derniegraveres anneacutees74 Dans cette perspective la deacutemarche de rapprochement entre la proceacutedure RIG et RUS proposeacutee par les rapports de JL Langlais et P Morange trouverait une explication rationnelle

23 - Concernant lrsquoapproche du concept mecircme drsquoutiliteacute sociale

Comme le souligne J Gadrey75 laquo lrsquoutiliteacute sociale des organisations drsquoeacuteconomie sociale (OES) nrsquoa guegravere drsquoexistence en tant que probleacutematique geacuteneacuterale en dehors des deacutebats concernant le rocircle eacuteconomique et social actuel et futur de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Crsquoest une ideacutee qui a eacuteteacute forgeacutee pour deacutefendre lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire face agrave certaines menaces ou pour promouvoir le deacuteveloppement de regravegles favorables76 raquo Pour ce dernier en effet laquo il y a rien de naturel agrave soulever la question de lrsquoutiliteacute sociale des OES et qursquoil srsquoagit bien drsquoune convention socio-politique historiquement et geacuteographiquement contingente77 raquo Neacuteanmoins si le concept demeure aujourdrsquohui encore relativement flou paradoxalement il reccediloit dans notre droit interne une application de plus en plus freacutequente par les tribunaux78 et lrsquoAdministration fiscale79 De son cocircteacute et mecircme si pour lrsquoinstant le leacutegislateur srsquoest toujours refuseacute de srsquoorienter vers la voie drsquoune reconnaissance drsquoutiliteacute sociale80 celui-ci fait de plus reacutefeacuterence agrave ce concept81 drsquoougrave la neacutecessiteacute de privileacutegier une approche visant agrave circonscrire lrsquo laquo halo socieacutetal raquo82 des OES plutocirct que de chercher drsquoune maniegravere 73 A Euillet Lrsquoutiliteacute sociale une notion deacuteriveacutee de celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Revue de droit sanitaire et social ndeg2 avril-juin 2002 pp 2007 - 228 74 J Gadrey preacutec p 30 75 Ibidum 76 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques thegravese de droit 1998 preacutec Lrsquoauteur envisage la mise en œuvre drsquoune affirmative action en faveur des associations reconnues drsquoutiliteacute sociale 77 Si lrsquoon prend lrsquoexemple des services agrave domicile aux personnes acircgeacutees en Suegravede on peut observer que ceux-ci sont majoritairement produits par des organisations publiques locales tandis qursquoaux Etats-Unis - ougrave le laquo non profit sector raquo se construit le plus souvent comme une puissance alternative priveacutee face agrave un Etat providence laquo diaboliseacute raquo (Salamon) ils sont majoritairement financeacutes par des fonds priveacutes (beacuteneacuteficiant drsquoavantages fiscaux) 78 Voir par exemple CE 24 octobre 1979 CAA Paris 1er deacutecembre 1989 CAA Nancy 19 novembre 1992 79 Instr Fisc BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 1998 Instr Fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 (synthegravese) 80 Reacutep min du 01 juillet 1999 JO Seacutenat p 2224 81 Voir par exemple Loi ndeg2002-2 du 2 janvier 2002 relative agrave lrsquoaction sociale et meacutedico-sociale Loi ndeg 97-940 du 16 octobre 1997 relative au deacuteveloppement dactiviteacutes pour lemploi des jeunes (JO du 17 Octobre) LOI ndeg 9 8-657 du 29 juillet 1998 drsquoorientation relative agrave la lutte contre les exclusions 8282 A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport final relatif agrave la lettre de mission de Madame la Ministre de lrsquoEmploi et de la Solidariteacute 2000 pour A Lipietz il srsquoagirait de deacutefinir les contours du tiers secteur par un laquo label drsquoutiliteacute sociale et solidaire fondeacutes sur deux types de critegraveres quant aux

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improbable une deacutefinition qui serait unanimement admise par les acteurs des OES Finalement il ne srsquoagirait rien moins que de reconnaicirctre les OES afin de soutenir lrsquoeffort particulier de ces entiteacutes juridiques dont les laquo speacutecificiteacutes meacuteritoires raquo83 rejaillissent sur lrsquoensemble de la collectiviteacute Mais limiter le concept au seul beacuteneacutefice des OES serait par trop reacuteducteur et la mesure de lrsquoutiliteacute sociale doit eacutegalement ecirctre envisageacutee en tant qursquooutil de reacutegulation des politiques publiques84

24 - Concernant les difficulteacutes lieacutees agrave la mise en œuvre drsquoune proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale

Sur ce point il importe de tenir compte des critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de la proposition de mise en place drsquoun systegraveme unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale des OES (tel qursquoimagineacute par le CNVA dans son rapport datant de 1995) A cette eacutepoque le CNVA contestait laquo lrsquoambiguiumlteacute de lrsquointerpreacutetation juridique et fiscale de lrsquoutiliteacute sociale en particulier en raison de confusions constateacutees entre le critegravere de non lucrativiteacute et les vrais critegraveres drsquoutiliteacute sociale La reacuteflexion associative commence alors agrave se preacuteciser sur les critegraveres de non lucrativiteacute drsquoun cocircteacute sur les critegraveres drsquoutiliteacute sociale de lrsquoautre avec une insistance sur la neacutecessiteacute de ne pas confondre ces deux dimensions Parallegravelement le CNVA conteste lrsquoideacutee alors assez preacutesente du cocircteacute de lrsquoadministration selon laquelle un critegravere essentiel de lrsquoutiliteacute sociale serait que les besoins auxquels reacutepond lrsquoactiviteacute ne sont pas normalement (ou pas suffisamment) pris en compte par le marcheacute Cette deacutefinition purement neacutegative signifierait en effet soit que lrsquoutiliteacute sociale drsquoune association disparaicirct si le marcheacute srsquoinstalle sur un champ de besoins deacutejagrave deacutefricheacutes par les œuvres soit que lrsquoassociation devient alors automatiquement lucrative raquo85 Depuis lors un tel risque nous semble ecirctre leveacute dans la mesure ougrave le laquo reacutefeacuterentiel raquo drsquoutiliteacute sociale doit deacutesormais tenir compte de la jurisprudence du Conseil drsquoEtat en matiegravere fiscale En effet lrsquoarrecirct rendu en date du 1er octobre 199986 est venu preacuteciser qursquoun organisme sans but lucratif ne concurrence une entreprise que si les services qursquoil rend sont laquo offerts en concurrence dans la mecircme zone geacuteographique drsquoattraction avec ceux proposeacutes au mecircme public par des entreprises commerciales exerccedilant une activiteacute identique raquo Il a eacuteteacute eacutegalement preacuteciseacute depuis que laquo le critegravere du public ne doit pas srsquoentendre uniquement des situations de deacutetresse physique ou morale raquo87 buts (ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie solidaire) et quant aux modes drsquoorganisation interne (notamment lucrativiteacute limiteacutee le caractegravere deacutemocratique et multipartenariale de sa direction) ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie sociale raquo J Gadrey parle plus volontiers drsquoutiliteacute sociale externe et drsquoutiliteacute sociale interne preacutec p 37 83 F Bloch-Laineacute Identifier les associations de service social RECMA 1994 ndeg251 p 61 84 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne ibidum selon L Fraisse laquo lrsquoapparition drsquoun deacutebat sur lrsquoutiliteacute sociale peut aussi srsquointerpreacuteter comme un nouveau critegravere de politique publique agrave mecircme de preacuteciser les contours et de renforcer lrsquoinstitutionnalisation des activiteacutes et lrsquoeacuteconomie solidaire raquo voir eacutegalement N Richez-Battesti Les collectiviteacutes territoriales face agrave lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale Juris Associations ndeg376 1er avril 2008 pp 17-19 85 J Gadrey preacutec p 31 86 CE 1er octobre 1999 Association Jeune France ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354 87 Instr fisc BOI 4 H-5-06 preacutec

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Par ailleurs le CNVA soulignait le caractegravere laquo eacutevolutif voire conjoncturel raquo du concept drsquoutiliteacute sociale dans la mise en œuvre drsquoune seacuterie de dix indicateurs (voir infra) Pour lrsquoessentiel G Goulard88 consideacuterait qursquoen lrsquoeacutetat actuel ce concept eacutetait laquo encore plus subjectif que les critegraveres jurisprudentiels en vigueur raquo et qursquoune telle situation laquo risqu[ait] drsquoecirctre interpreacuteteacutee dans un sens reacuteducteur deacutefavorable aux associations dont lrsquoutiliteacute nrsquoest pas sociale mais intellectuelle culturelle spirituelle politique historique eacuteconomique etc raquo Srsquoil est vrai qursquoen 1998 de tels arguments nrsquoeacutetaient pas neacutegligeables il apparaicirct que certains drsquoentre eux apparaissaient forts contestables En effet comme le souligne J Gadrey dans son rapport de 2004 laquo la subjectiviteacute de la notion drsquoutiliteacute sociale peut fort bien ecirctre compatible avec sa consolidation comme reacutefeacuterence en droit (la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral srsquoest bien imposeacutee en deacutepit drsquoun flou aussi consideacuterable) raquo En effet il convient drsquoobserver que drsquoautres notions fondamentales agrave lrsquoinstar du droit commercial sont fondeacutees sur lrsquoarbitraire comme a deacutejagrave pu le souligner le Professeur Y Guyon laquo le droit commercial nrsquoest pas une construction fondeacutee sur la raison mais une approche fondamentalement arbitraire raquo89 Ainsi poursuit J Gadrey laquo le fait que des associations qui ne font pas partie du champ de lrsquoaction sociale (au sens strict) auraient des difficulteacutes agrave faire connaicirctre leur utiliteacute sociale nrsquoa rien drsquoineacuteluctable et deacutepend de la faccedilon dont la convention drsquoutiliteacute sociale se construit sur un mode restrictif ou au contraire extensif raquo De fait il apparaicirct que le concept drsquoutiliteacute sociale deacutepend moins de notre capaciteacute agrave deacutefinir des critegraveres distinctifs que de celle favorisant lrsquoeacutemergence drsquoune convention sociopolitique (voir infra) portant sur lrsquoutiliteacute sociale (convention drsquoutiliteacute sociale) Une telle approche preacutesenterait en outre deux avantages principaux en premier lieu celui du maintien du caractegravere eacutevolutif de ce concept en second lieu celui de la reacuteciprociteacute entretenue entre les associations et les pouvoirs publics dans la construction et lrsquoacceptation du concept mecircme

88 Rapport Goulard mars 1998 89 Y Guyon Droit des affaires Economica 5egraveme eacuted 1988 agrave rapprocher de M Despax Lrsquoentreprise et le droit Bibl Dr Priv T1 Paris 1954 p34 selon lrsquoauteur laquo le droit commercial (hellip) est neacute de la pratique Ses normes sont la conseacutecration drsquousages peu agrave peu eacutetablis et non la construction de la raison de lagrave cette difficulteacute souvent eacuteprouveacutee pour les juristes agrave les expliquer raquo

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III - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE

SOCIALE (OU SOCIETALE) UNE DEMARCHE PARTAGEE

A ndash LA PROCEDURE DE RUS PRESENTE-T-ELLE ENCORE UN INTERET

Comme le suggegravere le rapport Morange90 la proposition formuleacutee par JP Decool en mai 200591 laquo meacuterite drsquoecirctre approfondie raquo En effet pour ce dernier il convient de mettre en place une proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute socieacutetale comme substitut agrave la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral jugeacutee laquo deacutesuegravete et vague raquo laquo il serait donc opportun afin de donner une nouvelle dimension au monde associatif (hellip) de redonner au citoyen toute sa place au sein de la socieacuteteacute Lui permettre de srsquoexprimer et de manifester son deacutesir de donner ou de partager des valeurs communes Ainsi peut-on envisager le rocircle de lrsquoassociation dans la socieacuteteacute raquo A ce stade il nous semble que la meacutethode preacuteconiseacutee par le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) depuis son rapport du 4 feacutevrier 198692 demeure toujours drsquoactualiteacute93 Ce dernier preacuteconisait lrsquointroduction drsquoun systegraveme de reconnaissance a priori qui permettrait aux associations reconnues drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) de lever laquo toute incertitude durant une peacuteriode deacutefinie tant que les conditions drsquoexercice de leur activiteacute au vu desquelles elles ont obtenu lrsquoagreacutement ne seraient pas modifieacutees raquo94 Selon le projet du CNVA cette reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) devait ecirctre accordeacutee non pas par le pouvoir exeacutecutif mais par une veacuteritable juridiction ou commission paritaire composeacutee de repreacutesentants des associations des administrations concerneacutees (Ministegravere de tutelle et Administration fiscale) et preacutesideacutee par un magistrat95 Celle-ci pourrait eacutegalement comprendre un certain nombre drsquoexperts qualifieacutes et issus de la socieacuteteacute civile ainsi qursquoun repreacutesentant des collectiviteacutes locales deacutecentraliseacutees96 90 Ibidum 91 JP Decool Des associations en geacuteneacuteral vers une eacutethique socieacutetale rapport au 1er ministre mai 2005 92 Voir eacutegalement les Rapports et Avis du 12 juin 1991 et 15 juin 1995 93 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit 1998 preacutec 94 CNVA Bilan de la vie associative en 1990-1991 La documentation franccedilaise Paris 1992 Rapport et avis adopteacutes en session pleacuteniegravere du CNVA le 15 juin 1995 sur laquo lrsquoutiliteacute sociale des associations et ses conseacutequences en matiegravere eacuteconomique fiscale et financiegravere raquo 95 On peut noter la proximiteacute de cette composition avec celle de la laquo Charity Commission raquo de Grande-Bretagne composeacutee de fonctionnaires dont deux doivent ecirctre des juges dont le rocircle drsquoinformation de conseil de controcircle srsquoexerce aupregraves des laquo Charities raquo auxquelles la Commission donne le label qui ouvre droit agrave des faciliteacutes fiscales et financiegraveres 96 Voir la composition du comiteacute strateacutegique des fonds de dotation creacuteeacute le 19 novembre 2008 preacutesideacute par JJ Hyest Preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat

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Les deacutecisions de cette instance pourraient faire lrsquoobjet drsquoun recours devant les juridictions compeacutetentes (ce qui aurait eu pour effet de laquo judiciariser raquo le concept drsquoutiliteacute sociale) La reconnaissance serait attribueacutee pour une dureacutee de cinq anneacutees agrave lrsquoissue drsquoun rapport drsquoaudit baseacute sur des critegraveres drsquoeacutevaluation (pour ce qui concerne lrsquoutiliteacute sociale externe) Les critegraveres drsquoeacutevaluation pourraient faire lrsquoobjet drsquoune deacutemarche partageacutee (voir infra) et contractualiseacutee avec les diffeacuterents acteurs agrave partir de critegraveres quantitatifs et qualitatifs neacutegocieacutes En effet le CNVA nrsquoa pas souhaiteacute mettre en place un systegraveme unique et isoleacute de reconnaissance drsquoune cateacutegorie particuliegravere drsquoassociations qui serait reconnue drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) agrave lrsquoinstar de ce qui a par exemple eacuteteacute conccedilu pour la reconnaissance drsquoutiliteacute publique Il preacuteconise plutocirct laquo le recours agrave de multiples dispositifs susceptibles drsquoaccorder aux associations (en tant qursquoopeacuterateurs) ou agrave leurs activiteacutes (en tant qursquoopeacuteration97) la reconnaissance et le soutien en fonction et dans le respect de la diversiteacute des speacutecificiteacutes associatives raquo Lrsquoensemble de ces speacutecificiteacutes doit pouvoir ecirctre appreacutehendeacute agrave travers un certain nombre drsquoindicateurs avec la mise en place de la technique du faisceau drsquoindices Les critegraveres deacutegageacutes98 formeraient ainsi une liste (non exhaustive) qui permettant de mieux cerner les contours de lrsquoutiliteacute sociale

- La primauteacute du projet finaliteacute de lrsquoaction associative99

- Le fonctionnement deacutemocratique - Lrsquoapport social de lrsquoassociation100 - La non-lucrativiteacute qui par essence marque la

diffeacuterence par rapport au secteur commercial - La gestion deacutesinteacuteresseacutee101 ce qui nrsquoexclut ni la

rigueur ni la transparence financiegravere - La capaciteacute agrave mobiliser la geacuteneacuterositeacute humaine

(beacuteneacutevolat) ou financiegravere (dons) - Le mixage des publics et lrsquoouverture

qui a pour mission de suivre lrsquoeacutevolution des fonds de dotation 1 repreacutesentant du MINEFI 3 magistrats 7 personnaliteacutes qualifieacutees A ce titre il pourra eacutelaborer des recommandations de bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion et faire toutes les propositions qui lui sembleront neacutecessaires pour favoriser le deacuteveloppement des fonds de dotation (Sources MINEFI 14 janvier 2009) 97 Cette solution preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre neutre sur le plan concurrentiel et vis-agrave-vis des autres opeacuterateurs eacuteconomiques 98 Le CNVA preacutecise dans son rapport du 15 juin 1995 preacutec que ces critegraveres sont laquo non exclusifs non cumulatifs et non exhaustifs les uns par rapport aux autres raquo 99 La FONDA dans un seacuteminaire en date du 17 octobre 1992 suggeacuterait et explicitait ces trois premiers critegraveres agrave partir desquels elle se fondait pour identifier les associations drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral 100 Ce critegravere ainsi que les critegraveres 6 7 et 8 relegravevent de la notion drsquoutiliteacute sociale externe qui selon nous devrait faire lrsquoobjet drsquoune contractualisation pluri annuelle dans le cadre drsquoune deacutemarche de construction et drsquoeacutevaluation partageacutee (voir infra) 101 Sur cette notion voir Instr fisc (Synthegravese) BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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- Les secteurs drsquointervention pas ou mal couverts par les autres agents eacuteconomiques ou par les collectiviteacutes publiques

- Lrsquoexistence de financements publics ou parapublics

- Lrsquoexistence drsquoun agreacutement ministeacuteriel (Ministegravere de rattachement) ou drsquoune habilitation102

La reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) pourrait ecirctre attribueacutee aux associations laquo dont les statuts le mode de fonctionnement et les modaliteacutes drsquoexercice de leur activiteacute caracteacuterisent suffisamment leur utiliteacute sociale aux yeux de cette juridiction Elle pourrait agrave lrsquoinverse ecirctre retireacutee par cette mecircme juridiction ou commission paritaire degraves lors que les conditions ayant preacutesideacute agrave son attribution ne seraient plus reacuteunies Lrsquoabsence de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre invoqueacutee pour creacuteer une preacutesomption de lucrativiteacute pour lrsquoassociation qui nrsquoen beacuteneacuteficierait pas raquo Agrave ce jour nombreux sont les acteurs srsquoeacutetant prononceacutes en faveur de lrsquoeacutelaboration drsquoune reconnaissance unique drsquoutiliteacute sociale (RUS) Nous avons vu preacuteceacutedemment que les derniers rapports ministeacuteriels et parlementaires se montrent favorables agrave la mise en œuvre drsquoune telle proceacutedure Pour MT Cheacuteroutre103 laquo lrsquoattribution drsquoune reconnaissance par les pouvoirs publics aux organismes susceptibles drsquoecirctre exoneacutereacutes apparaicirct eacuteminemment souhaitable Cette reconnaissance accordeacutee pour une dureacutee deacutetermineacutee apporterait agrave ces derniers une garantie drsquoexoneacuteration du moins aussi longtemps qursquoil ne serait pas prouveacute par lrsquoadministration qursquoils ne respectent plus les conditions pour lesquelles ils ont obtenu ladite reconnaissance raquo De son cocircteacute la FONDA104 a eacutegalement exprimeacute son souhait drsquoassurer laquo une meilleure seacutecuriteacute financiegravere aux associations relevant de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et srsquoest montreacutee laquo favorable agrave la creacuteation drsquoune RUS attribueacutee par une commission tripartite (Etat Magistrats Associations) raquo Agrave notre connaissance deux projets de loi105 ont eacuteteacute deacuteposeacutes en ce sens pour ecirctre rapidement abandonneacutes par la suite faute de reacuteelle volonteacute politique En effet comme le souligne le CNVA agrave propos de la mise en œuvre de la RUS

102 Notamment lorsque lrsquoobjet de lrsquoassociation consiste agrave reacutealiser des activiteacutes reacuteglementeacutees 103 MT Cheacuteroute Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 rapport au nom du conseil eacuteconomique et social ndeg4 JO du 1er avril 1993 104 La FONDA Pour une eacutethique des rapports entre pouvoirs publics et citoyens seacuteminaire Paris 17 octobre 1992 105 Projet de loi A Henry RTD com 192 447 en janvier 2002 ce projet avait lanceacute une vaste consultation autour du concept drsquoutiliteacute sociale dans le but de deacutelimiter les associations auxquelles seraient accordeacutees le label Proposition de loi ndeg2779 AN 1996 art 2 laquo Les associations peuvent ecirctre reconnues drsquoutiliteacute sociale agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode probatoire de fonctionnement drsquoune dureacutee au moins eacutegale agrave trois ans lorsqursquoelles satisfont cumulativement aux conditions suivantes avoir un objet social de caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique humanitaire sportif familial culturel ou drsquoaction sociale ou de mise en œuvre du patrimoine artistique ou de deacutefense de lrsquoenvironnement ou de diffusion de la culture ou de la langue franccedilaise Exercer conformeacutement agrave cet objet des activiteacutes ouvertes agrave des personnes qui lui sont exteacuterieures raquo

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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‐ Etape 2 lrsquoorganisme concurrence-t-il une entreprise ‐ Etape 3 lrsquoorganisme exerce-t-il son activiteacute dans des conditions

similaires agrave celles drsquoune entreprise (analyse par application de la regravegle des quatre laquo P raquo les indices eacutetant classeacutes par ordre deacutecroissant drsquoimportance) bull Le laquo produit raquo proposeacute bull Le laquo public raquo beacuteneacuteficiaire bull Les laquo prix raquo pratiqueacutes bull La laquo publiciteacute raquo reacutealiseacutee

Srsquoagissant plus particuliegraverement des deux premiers critegraveres (laquo Produit raquo et laquo Public raquo) il convient de souligner que lrsquoinstruction fiscale procegravede agrave leur laquo reacuteunification raquo sous le vocable drsquo laquo utiliteacute sociale raquo En drsquoautres termes il y a bien reconnaissance drsquoutiliteacute sociale lorsque lrsquoassociation

‐ intervient dans un domaine ougrave les besoins sont insuffisamment couverts par le secteur lucratif ‐ ou46 srsquoadresse agrave un public qui ne peut normalement acceacuteder aux services du secteur concurrentiel

La recherche de lrsquoutiliteacute sociale conduit donc agrave mettre en correacutelation le produit et le service fourni par lrsquoassociation avec le public viseacute En effet une attention toute particuliegravere est attacheacutee agrave ces critegraveres et agrave lrsquoaffectation des exceacutedents pour deacuteterminer si lrsquoassociation exerce ou non une activiteacute suivant des modaliteacutes similaires agrave celles utiliseacutees par une entreprise

- Le produit est drsquoutiliteacute sociale laquo lrsquoactiviteacute qui tend agrave satisfaire un besoin qui nrsquoest pas pris en compte par le marcheacute ou qui lrsquoest de faccedilon peu satisfaisante raquo

- Le public sont susceptibles drsquoecirctre drsquoutiliteacute sociale laquo les actes

payant reacutealiseacutes principalement au profit de personnes justifiant lrsquooctroi drsquoavantages particuliers au vue de leur situation eacuteconomique sociale ou humaine (chocircmeurs personnes handicapeacutees notammenthellip) Ce critegravere ne doit pas srsquoentendre seulement agrave des situations de deacutetresse physique ou morale raquo

46 Le critegravere alternatif des deux eacuteleacutements produit et public a eacuteteacute affirmeacute par la jurisprudence CE 3 deacutecembre 1999 ndeg 133291 RJF 100 ndeg 35

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2 ndash Lrsquoapproche (fiscale) de la notion drsquoutiliteacute sociale un rocircle preacutepondeacuterant dans les proceacutedures de reconnaissance du secteur associatif Nous avons vu preacuteceacutedemment que

‐ La RUP suppose que lrsquoassociation exerce des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au sens de lrsquoarticle 200 et 238 bis du CGI ‐ La RIG commande pour les associations eacutevoluant dans la sphegravere eacuteconomique que ces derniegraveres exercent agrave titre preacutepondeacuterant des activiteacutes non lucratives ce qui suppose drsquoecirctre reconnues par lrsquoAdministration fiscale comme eacutetant drsquoutiliteacute sociale

Il existe bien par conseacutequent des interactions entre les diffeacuterents modes de reconnaissance et lrsquoapproche fiscale de la notion drsquoutiliteacute sociale Bien plus en insistant sur lrsquoimportance deacutecroissante des critegraveres retenus par la regravegle des 4 laquo P raquo lrsquoAdministration fiscale amplifie le rocircle joueacute par les deux premiers critegraveres (laquo Produit raquo et laquo Public raquo) et par conseacutequent lrsquoinfluence de cette notion au sein des modes de reconnaissance de la vie associative Autre eacuteleacutement important agrave ce stade de la reacuteflexion le rocircle non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat ou les autres administrations dans la laquo reconnaissance raquo drsquoutiliteacute sociale des associations en effet lrsquoinstruction fiscale47 preacutecise explicitement que ce type drsquoagreacutement laquo nrsquoest qursquoun eacuteleacutement parmi drsquoautres de lrsquoappreacuteciation de son utiliteacute sociale raquo Neacuteanmoins lrsquoinstruction preacutecise que laquo srsquoils prennent en compte la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y ait fait face ces agreacutements peuvent contribuer agrave lrsquoappreacuteciation de lrsquoutiliteacute sociale raquo Mais dans tous les cas lrsquoAdministration fiscale considegravere qursquolaquo ils ne sont ni neacutecessaires ni suffisants pour eacutetablir le caractegravere drsquoutiliteacute sociale de lrsquoassociation raquo Synthegravese de la RUS ‐ La notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale ouvre la capaciteacute des associations agrave intervenir dans la sphegravere eacuteconomique tout en preacuteservant leur statut drsquoorganismes sans but lucratif non soumis aux impocircts commerciaux ‐ In fine cette notion constitue un preacutealable indispensable agrave la mise en œuvre de la RIG (absence drsquoactiviteacute lucrative) et exerce une influence non neacutegligeable dans le mode de deacutelivrance de la RUP (reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et neacutecessiteacute de disposer de ressources suffisantes hors financement public) ‐ En lrsquoeacutetat actuel la reconnaissance (fiscale) drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre assimileacutee agrave une proceacutedure de reconnaissance institutionnelle de type RUP

47 Instr fisc 4 H-5-06 preacuteciteacutee ndeg63

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ou RIG instaureacutee par le leacutegislateur neacuteanmoins elle donne lieu agrave une appreacuteciation souveraine de lrsquoadministration fiscale dans le cadre de la proceacutedure de rescrit fiscal applicable depuis lrsquoinstruction fiscale preacuteciteacutee du 15 septembre 1998 En effet la reacuteponse du correspondant associations au questionnaire visant agrave deacuteterminer le reacutegime fiscal applicable au regard des impocircts vaut prise de position formelle de lrsquoadministration au sens de lrsquoarticle L 80 B du Livre des proceacutedures fiscales (opposabiliteacute) ‐ Telle que preacutevue par lrsquoinstruction fiscale du 18 deacutecembre 2006 preacuteciteacutee la notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale donne encore lieu agrave une appreacuteciation discreacutetionnaire et unilateacuterale de lrsquoadministration fiscale (sous reacuteserve du controcircle juridictionnel administratif)

bull Concernant lrsquoappreacuteciation discreacutetionnaire elle ressort drsquoune part de la dimension reacuteductrice des critegraveres retenus par lrsquoadministration fiscale48 et drsquoautre part de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation49 objective crsquoest-agrave-dire reposant sur lrsquoexistence de reacutefeacuterentiels qualitatifs et quantitatifs admis et partageacutes par tous50

bull Concernant lrsquoappreacuteciation unilateacuterale elle est induite par le caractegravere non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat (Ministegravere de tutelle) ou toute autre Administration y compris lorsque ces proceacutedures drsquoagreacutement preacutevoient des critegraveres permettant la prise en compte de la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y est fait face51 Or comme le soulignait deacutejagrave en 1993 MT

48 Lrsquoanalyse de la deacutecision rendue par lrsquoarrecirct Jeune France du 1er octobre 1999 (CE 1101999 ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354) permet eacutegalement de souligner la dimension neacutegative donneacutee agrave ces critegraveres dans la mesure ougrave ils servent agrave appreacutecier la speacutecificiteacute des associations et autres organismes sans but lucratif essentiellement au regard de regravegles de la concurrence 49 F Rousseau Lrsquoeacutevaluation laquo regravegle du jeu raquo entre associations et pouvoirs publics Juris Associations 1er avril 2008 ndeg376 p 16 et 17 lrsquoauteur souligne qursquoil convient de retenir laquo la diffeacuterence essentielle entre drsquoune part lrsquoeacutevaluation des activiteacutes associatives selon une logique drsquoeacutevaluation des politiques et drsquoautre part la deacutemarche de coconstruction drsquoune meacutethodologie drsquoeacutevaluation qui associe[rait[ les acteurs locaux (eacutelus techniciens militants associatifs chercheurs etc raquo 50 A souligner les nombreux travaux sur ces questions (liste non exhaustive) laquo Economie sociale et solidaire en reacutegion raquo (programme de recherche coordonneacute par la DIES et la Mire entre 2001 et 2003) P VIVERET Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 J GADREY 2003 Lrsquoutiliteacute sociale et organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE version provisoire 133 pages Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREE du 11 janvier 2005 La reconfiguration de lrsquoaction publique entre lrsquoEtat associations et participation citoyenne X ENGELS (Dir) M HELY A PERRIN H TROUVE De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne LrsquoHarmattan 2006 Guide meacutethodologique Fonda Rhocircne-Alpes (reacutealiseacute avec le concours de la Reacutegion Rhocircne-Alpes) Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective 2006 H TROUVE Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale de son activiteacute 124 pages wwwaviseorg Seacuteminaire Avise Evaluer lrsquoutiliteacute sociale deacutemarche meacutethodologie expeacuteriences Paris 6 deacutecembre 2007 51 Ibidum

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Cheroutre52 lors de sa preacutesentation du rapport du Conseil Economique et social laquo lrsquooctroi drsquoun agreacutement ou drsquoune habilitation est la marque de reconnaissance par les pouvoirs publics de la fonction remplie par lrsquoassociation ce qui implique des controcircles et drsquoeacuteventuels retraits si le contrat nrsquoest pas rempli raquo53

‐ Dans ces conditions et compte tenu des arguments qui preacutecegravedent il y a lieu de srsquointerroger sur la neacutecessiteacute drsquoune simplification des proceacutedures de reconnaissance de la vie associative (II) De faccedilon plus cruciale encore des questions se posent quant agrave la capaciteacute des acteurs agrave laquo coconstruire raquo leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation dans le cadre drsquoune deacutemarche partageacutee A ce propos nous assistons drsquoailleurs agrave un deacuteplacement du deacutebat national vers un cadre de reacuteflexion engageacute par les instances communautaires en matiegravere de transposition de la directive laquo services raquo et de deacutefinition de service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) II ndash VERS UNE SIMPLIFICATION DES MODES DE RECONNAISSANCE

A - La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) une utiliteacute

Dans une eacutetude adopteacutee le 25 octobre 2000 par la section du rapport et des eacutetudes du Conseil drsquoEtat54 il est rappeleacute qursquo laquo il nrsquoest pas aujourdrsquohui drsquoavantage patrimonial ou fiscal qui soit reacuteserveacute aux seules associations reconnues drsquoutiliteacute publique Il nrsquoy aurait donc pas drsquointeacuterecirct pour une association agrave ecirctre reconnue raquo En effet la plupart des associations simplement deacuteclareacutees perccediloivent des dons manuels55 ou encore sont en capaciteacute de beacuteneacuteficier de ce type de ressources sans aucune limitation soit directement sous la forme de meacuteceacutenat56 (dons uniquement) soit indirectement par la creacuteation drsquoun fonds de dotation57 ou en srsquoaffiliant agrave une union ou un organisme drsquoutiliteacute publique (dons et legs)58 52 Ibidum 53 La loi de finances rectificative pour 2008 (Loi ndeg2008-1443 du 30 deacutecembre 2008) a pris plusieurs mesures en vue de renforcer la seacutecuriteacute juridique des contribuables Lrsquoarticle 50 de la loi de finances rectificative pour 2008 creacuteeacute ainsi un recours devant lrsquoadministration pour les deacutecisions formelles prises en vertu des articles L80 B 1deg agrave 6deg et 8deg et L80 C du Livre des proceacutedures fiscales (LPF) applicable aux demandes deacuteposeacutees agrave partir du 1er juillet 2009 54 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique La documentation franccedilaise 2000 p15 55 Cass com 5 octobre 2004 ndeg03-15709 Bull civ IV ndeg178 56 Loi Aillagon du 1er aoucirct 2003 57 C Amblard Fonds de dotation encore du nouveau sur le front du meacuteceacutenat preacutec 58 Loi 1er juillet 1901 art 6 al1

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Degraves lors crsquoest tout naturellement et sans ambiguiumlteacute que le Conseil drsquoEtat srsquoest poseacute la question suivante laquo faut-il supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo (pour une meilleure lisibiliteacute de lrsquoaction associative et une simplification des proceacutedures de reconnaissance) Une telle proposition nrsquoa toutefois pas eacuteteacute retenue par lrsquoeacutetude des statistiques du Ministegravere de lrsquoInteacuterieur laquo il semble qursquoen deacutepit de la faiblesse des avantages qursquoelles peuvent en retirer et des contraintes que cela engendre pour elles des associations continuent chaque anneacutee de solliciter la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo Quelles peuvent-elles ecirctre les motivations des associations qui souhaiteraient beacuteneacuteficier de cette forme de reconnaissance Dans son rapport public de 200059 le Conseil drsquoEtat souligne avant tout laquo la force symboliques que srsquoaccordent agrave y voir les repreacutesentants du monde associatif raquo En effet il ressort que ceux-ci sont avant tout laquo agrave la recherche drsquoun label raquo60 La RUP laquo fait en quelque sorte agrave leurs yeux figure de label officiel qui consacre la leacutegitimiteacute de lrsquoassociation qui en beacuteneacuteficie et qui sanctionne la qualiteacute des actions qursquoelle megravene raquo Ainsi laquo [il] est un signe pour leurs partenaires et une garantie pour eux raquo Cependant le Conseil drsquoEtat croit bon attirer notre attention sur le fait que laquo cette force symbolique de la RUP nrsquoest toutefois pas deacutenueacutee drsquoeffets pratiques puisqursquoil apparaicirct que de 1991 agrave 1996 les associations et les fondations drsquoutiliteacute publique ont reccedilu 84 des dons deacuteclareacutes par les contribuables Pour les associations qui font appel agrave la geacuteneacuterositeacute publique la RUP vaut garantie que les sommes collecteacutees ne feront pas en principe lrsquoobjet drsquoune utilisation abusive ou frauduleuse raquo Cette garantie existe-t-elle vraiment srsquoagissant des associations RUP Preacuteciseacutement pour le Conseil drsquoEtat laquo cela peut paraicirctre paradoxal de rechercher le controcircle de lrsquoEtat pour pouvoir ensuite souligner qursquoelles srsquoy sont soumises et offrent donc toutes les garanties de bon fonctionnement raquo drsquoautant plus que pour lui laquo le controcircle de lrsquoEtat (hellip) est insuffisant raquo Crsquoest ainsi que dans son dernier rapport sur les associations RUP datant de 200061 ce dernier preacuteconisait dans ses conclusions laquo drsquointroduire dans la loi du 1er juillet 1901 (ou agrave lrsquoarticle L612-4 du Code de commerce) lrsquoobligation pour toute association reconnue drsquoutiliteacute publique drsquoavoir recours agrave un commissaire aux comptes dans les conditions preacutevues aux articles L 225-218 et suivants du Code de commerce raquo

59 Conseil drsquoEtat Les associations et la loi de 1901 cent ans apregraves Rapport public 2000 La documentation franccedilaise Etudes et Documents ndeg51 p307 60 Conseil drsquoEtat Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec 61 Ibidum

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Or agrave ce jour force est de constater qursquoaucune reacuteforme nrsquoest intervenue en ce sens En effet il nrsquoexiste ni dans la loi du 1er juillet 1901 ni dans les statuts-types des associations RUP ni mecircme dans aucun dispositif leacutegislatif speacutecifique ndash en dehors du dispositif applicable en matiegravere drsquoappel agrave la geacuteneacuterositeacute publique62 - drsquoobligation imposant la preacutesence drsquoun commissaire aux comptes au sein des associations RUP Aussi et toujours pour le Conseil drsquoEtat laquo srsquoil nrsquoy a donc pas de motif deacuteterminant de supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique il convient de reacutefleacutechir aux ameacuteliorations pouvant ecirctre apporteacutees agrave son reacutegime drsquoutiliteacute publique et aux reacutegimes voisins raquo En tout eacutetat de cause la pertinence du maintien de la RUP se pose si lrsquoon en juge les reacutesultats de deux rapports ministeacuteriels reacutecents sur cette question en effet pour le rapport Morange63 laquo les avantages mateacuteriels de la RUP sont deacutesormais drsquoune porteacutee quasi theacuteorique raquo Quant agrave lrsquoavantage moral de la RUP pour le deacuteputeacute P Morange il demeure laquo important mais il ne justifie pas la lourdeur de la proceacutedure raquo Le rapport Langlais64 parle lui de laquo proceacutedure eacutelitiste raquo qui laquo nrsquoa pas su srsquoadapter aux eacutevolutions de la socieacuteteacute raquo Pourquoi degraves lors vouloir absolument maintenir un systegraveme de reconnaissance qui agrave notre avis pose deux probleacutematiques majeures

‐ La premiegravere probleacutematique porte sur la capaciteacute patrimoniale des associations qui preacuteciseacutement ne beacuteneacuteficient pas de cette forme de reconnaissance en effet est-il toujours leacutegitime que pregraves drsquoun million de structures associatives disposent par contrecoup drsquoune capaciteacute juridique reacuteduite Deacutejagrave en 1993 agrave propos de la capaciteacute patrimoniale des associations simplement deacuteclareacutees le Conseil Economique et social65 soulignait que laquo le contexte drsquoaujourdrsquohui eacutelargissant les missions de nombreuses associations met davantage lrsquoaccent sur les enjeux eacuteconomiques et sociaux qui leur demandent de mobiliser agrave la fois des moyens eacuteconomiques financiers et humains On peut donc agrave juste titre se demander si les carcans drsquoune autre eacutepoque ne pourraient ecirctre leveacutes raquo Les choses ont peu eacutevolueacute depuis au deacutetriment drsquoun secteur associatif dont lrsquoessentiel de ses forces vives consacre une bonne partie de leur temps et de leur eacutenergie agrave rechercher des

62 Loi ndeg91-772 du 7 aoucirct 1991 art 3 et encore il convient de noter que lrsquointervention du commissaire aux comptes ne srsquoimpose que pour les associations ayant nommeacute un commissaire aux comptes pour drsquoautres motifs Anteacuterieurement le compte emploi des ressources (CER) constituait un document autonome agrave deacuteposer au siegravege de lrsquoassociation et agrave tenir agrave disposition des adheacuterents En cas de controcircle par un commissaire aux comptes ce dernier eacutetait tenu drsquoeacutetablir une attestation Depuis le 1er janvier 2006 le CER est devenu un eacuteleacutement annexe aux comptes Lrsquoattestation du commissaire aux comptes nrsquoa donc plus lieu drsquoecirctre (cf Meacutemento pratique F Lefebvre Associations 2008-2009 ndeg71400 p976) 63 P Morange Rapport drsquoinformation sur la gouvernance et le financement des structures associatives ndeg134 assembleacutee nationale 1er octobre 2008 p41 et 42 64 JL Langlais Pour un partenariat renouveleacute entre lrsquoEtat et les associations rapport ministeacuteriel juin 2008 p 26 65 Ibidum p 82

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financements Sur ce point il convient de noter les propositions drsquoeacutevolutions importantes figurant dans le rapport Morange lequel suggegravere aux associations simplement deacuteclareacutees de beacuteneacuteficier de la capaciteacute juridique de recevoir des dons ‐ La seconde probleacutematique renvoit directement aux besoins exprimeacutes en matiegravere de simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif en effet le rapport Langlais66 souligne agrave juste titre que laquo la principale source de complexiteacute tient agrave lrsquoeacuteclatement des modes de reconnaissance du fait associatif par la puissance publique La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) existe toujours elle nrsquoa pas varieacute depuis un siegravecle (hellip) elle est de plus en plus concurrenceacutee par drsquoautres formes de reconnaissance et certains nrsquoheacutesitent pas agrave la consideacuterer comme deacutemodeacutee voire obsolegravete La reconnaissance drsquoutiliteacute publique est accordeacutee sans limitation de dureacutee et il existe probablement comme pour les associations deacuteclareacutees mais en beaucoup plus faible proportion des ARUP qui figurent toujours dans les chiffres officiels bien qursquoelles nrsquoaient plus drsquoexistence reacuteelle raquo De son cocircteacute le deacuteputeacute P Morange propose de deacutelivrer la RUP pour une dureacutee deacutesormais limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans

Il convient par conseacutequent drsquoenvisager une simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif drsquoautant plus que sont apparus agrave cocircteacute de la RUP de nombreuses autres formes de reconnaissance plus ou moins officielle tels que les agreacutements ou les labels priveacutes (Comiteacute de la Charte voire mecircme la proposition de labellisation AFNOR) Nous verrons infra que ce processus de simplification doit ecirctre lrsquooccasion drsquoun dialogue renouveleacute entre les acteurs du monde associatif et les pouvoirs publics en vue de la mise en œuvre drsquoune deacutemarche partageacutee

66 Ibidum

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B - LA SIMPLIFICATION DES PROCESSUS DE RECONNAISSANCE VERS UNE RECONNAISSANCE UNIQUE DrsquoUTILITE SOCIALE

1 ndash Les propositions reacutecemment formuleacutees par les rapports Langlais et Morange de 2008

Sur ce point les deux rapports srsquoaccordent pour distinguer trois types drsquoassociations

11 - Les associations deacuteclareacutees

Pour JL Langlais il srsquoagirait de reconnaicirctre la capaciteacute creacuteatrice de ces associations locales par lrsquooctroi de subventions symboliques et uniquement deacutelivreacutees par les collectiviteacutes territoriales correspondant agrave leur aire drsquoinfluence P Morange propose quant agrave lui drsquoouvrir la capaciteacute juridique de ces laquo petites raquo associations en leur permettant de percevoir des dons (autres que manuels) et de les soumettre aux controcircles drsquoun commissaire aux comptes et aux controcircles meneacutes par les services deacuteconcentreacutes degraves lors qursquoelles beacuteneacuteficieraient de subventions publiques

12 - Les associations reconnues drsquoutiliteacute sociale ou

drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

Pour JL Langlais ces associations pourraient beacuteneacuteficier drsquoune reconnaissance drsquointeacuterecirct laquo social ou geacuteneacuteral raquo

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce sont en gros les 4 conditions

requises pour lrsquoobtention de lrsquoagreacutement fiscal (cf supra) Drsquoailleurs il est proposeacute que cet agreacutement soit deacutecerneacute par lrsquoAdministration fiscale Une condition suppleacutementaire pourrait ecirctre poseacutee relative au beacuteneacutevolat sans neacutecessairement fixer de seuil a priori on devrait exiger que le beacuteneacutevolat soit nettement preacutepondeacuterant dans le fonctionnement de lrsquoassociation

Avantages consentis possibiliteacute de recevoir des subventions y

compris des subventions de fonctionnement capaciteacute agrave recevoir des dons (nrsquoexceacutedant pas un certain montant) agrave faire beacuteneacuteficier aux donateurs de lrsquoexoneacuteration fiscale au taux de droit commun

Obligations ecirctre agrave jour de leurs obligations deacuteclaratives

obligation de justifier lrsquoemploi des fonds reccedilus de deacuteposer leurs comptes en Preacutefecture de se soumettre aux controcircles aleacuteatoires ou programmeacutes de la puissance publique certification obligatoire des comptes au-delagrave de 153 000 euro de financement annuel

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Pour P Morange laquo cette cateacutegorie recouvre les associations subventionneacutees ou qui beacuteneacuteficient drsquoavantages fiscaux et oeuvrent au service de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo Selon lui laquo il serait envisageable comme en Grande Bretagne drsquoeacutetablir des listes de secteurs dans lesquels ces associations interviennent et de les soumettre agrave un certain nombre drsquoobligations en srsquoinspirant par exemple de la pratique fiscale (voir supra) Ainsi lrsquoassociation devrait poursuivre un but drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral ecirctre soumise agrave un controcircle financier et une eacutevaluation reacuteguliegravere au niveau deacutecentraliseacute raquo Enfin laquo lrsquoassociation devrait se doter drsquoun commissaire aux comptes raquo

13 Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique Pour JL Langlais seules les associations qui se consacrent exclusivement agrave des actions drsquoassistance ou de bienfaisance pourraient beacuteneacuteficier drsquoune RUP

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce seraient les mecircmes que pour la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral mais avec 3 nuances - toute lrsquoactiviteacute doit ecirctre tendue vers lrsquoobjet social - un degreacute plus eacuteleveacute de professionnalisation (et donc de salariat) serait acceptable - mais un moindre degreacute drsquoouverture exigeacute (une association pourrait ecirctre reconnue drsquoutiliteacute publique alors qursquoelle fonctionne au beacuteneacutefice drsquoun public fermeacute67)

Avantages les avantages seraient ceux du reacutegime actuel le

plus favorable dons et legs (reacutegime RUP) exoneacuteration au taux le plus favorable (laquo amendement Coluche raquo) subventions sur une base pluriannuelle

Obligations toutes les obligations du reacutegime preacuteceacutedant avec en plus lrsquoobligation de deacuteposer des comptes certifieacutes

JL Langlais poursuit en proposant que la reconnaissance drsquoutiliteacute publique soit laquo deacutecerneacutee pour une dureacutee limiteacutee soit par le ministegravere de lrsquointeacuterieur soit par le ministegravere en charge de la vie associative (et les preacutefets agrave lrsquoeacutechelon deacuteconcentreacute) soit encore par une agence nationale agrave creacuteer raquo Pour P Morange la RUP laquo serait deacutelivreacutee par le Conseil drsquoEtat comme crsquoest le cas actuellement et controcircleacutee par la Cour des comptes avec le concours de lrsquoIGAS et de lrsquoIGA pour une dureacutee limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans raquo A titre subsidiaire les auteurs proposent eacutegalement drsquoeacutetablir une laquo situation speacutecifique raquo pour les associations engageacutees dans la gestion drsquoune mission de service public tandis que P Morange envisage cette situation sous lrsquoangle de la seacutecurisation des rapports engageacutes par ces derniegraveres avec lrsquoadministration JL Langlais quant agrave lui considegravere dans une telle situation que laquo la forme juridique [drsquoassociation] nrsquoest alors qursquoune fiction raquo et que degraves lors laquo lrsquoEtat doit pouvoir les financer mais aussi les controcircler et les diriger comme il le

67 Lrsquoauteur propose de revenir sur la jurisprudence CE 7 feacutevr 2007 ndeg 287949 Steacute des anciens eacutelegraveves de lrsquoEacutecole Nationale Supeacuterieure drsquoArts et Meacutetiers et a

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ferait de ses propres services en attendant de trouver une structure juridique adeacutequate raquo Une mise en conformiteacute des proceacutedures drsquoagreacutement avec les nouvelles contraintes communautaires est eacutegalement envisageacutee

2 ndash Nos pistes de reacuteflexions

21 - Concernant le devenir de la proceacutedure RUP

Nous avons vu preacuteceacutedemment que cette proceacutedure deacutesormais consideacutereacutee comme eacutetant laquo obsolegravete raquo par la plupart des observateurs (voir supra) ne preacutesentait plus guegravere drsquointeacuterecirct sur un plan technique (voir supra) Degraves lors et en raison de la forte concentration de financements priveacutes (pregraves de 90 sous la forme de dons deacuteclareacutes par les contribuables ndash voir supra) sur un nombre extrecircmement limiteacute drsquoassociations et de fondations RUP de cette laquo proceacutedure eacutelitiste raquo la question de son devenir se pose de faccedilon cruciale En effet au 15 juillet 2000 le Conseil drsquoEtat deacutenombrait 1960 associations RUP laquo dont 200 nrsquoauraient selon lui aucune activiteacute sinon plus aucune existence raquo68 Force est de constater que presque 10 ans plus tard ce nombre nrsquoa quasiment pas augmenteacute puisque le dernier recensement effectueacute en deacutecembre 200869 par le Ministegravere de lrsquointeacuterieur fait eacutetat de 1966 associations RUP Lrsquourgence consiste donc bien agrave mettre un terme agrave cette situation laquo monopolistique raquo ougrave agrave tout le moins agrave instaurer des proceacutedures de controcircle agrave la fois plus preacutecises et plus contraignantes que celles existantes actuellement Sur ce point les propositions tendant agrave limiter la deacutelivrance de la RUP pour une dureacutee limiteacutee formuleacutees dans les rapports Langlais et Morange nous semblent parfaitement approprieacutees Ces propositions seront agrave rapprocher de celle proposeacutee par P Morange visant offrir agrave lrsquoensemble des associations la laquo grande capaciteacute juridique raquo particuliegraverement en matiegravere de dons

22 - Concernant la probleacutematique du rapprochement entre reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale)

Il ne srsquoagit pas de revenir sur les nombreux travaux drsquoores et deacutejagrave existants en matiegravere de rapprochement des concepts drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et drsquoutiliteacute sociale Parmi les plus importants lrsquoon peut citer ceux de J Gadrey en 200470 ceux reacutesultant de la journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF en 200571 ou encore la contribution commune de X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute publieacutee en 200672 A la lumiegravere de ces travaux il

68 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec p15 69 Site du ministegravere de lrsquointeacuterieur (publication du 08 avril 2008) httpwwwinterieurgouvfrsectionsa_la_unepublicationscultes-associations 70 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale des organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE feacutevrier 2004 71 Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Paris 11 janvier 2005 72 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Editions LrsquoHarmattan Paris 2006

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semble bien que lrsquoon assiste agrave laquo un basculement vers la notion plus large drsquoutiliteacute sociale notion qui par ailleurs entretient une filiation juridique avec le concept drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo73 Sur un plan juridique ces travaux montrent notamment qursquoil existe laquo un rapport assez eacutetroit agrave certains eacutegards entre la notion drsquoutiliteacute sociale et celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo si lrsquoon considegravere lrsquoanalyse de la jurisprudence des dix derniegraveres anneacutees74 Dans cette perspective la deacutemarche de rapprochement entre la proceacutedure RIG et RUS proposeacutee par les rapports de JL Langlais et P Morange trouverait une explication rationnelle

23 - Concernant lrsquoapproche du concept mecircme drsquoutiliteacute sociale

Comme le souligne J Gadrey75 laquo lrsquoutiliteacute sociale des organisations drsquoeacuteconomie sociale (OES) nrsquoa guegravere drsquoexistence en tant que probleacutematique geacuteneacuterale en dehors des deacutebats concernant le rocircle eacuteconomique et social actuel et futur de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Crsquoest une ideacutee qui a eacuteteacute forgeacutee pour deacutefendre lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire face agrave certaines menaces ou pour promouvoir le deacuteveloppement de regravegles favorables76 raquo Pour ce dernier en effet laquo il y a rien de naturel agrave soulever la question de lrsquoutiliteacute sociale des OES et qursquoil srsquoagit bien drsquoune convention socio-politique historiquement et geacuteographiquement contingente77 raquo Neacuteanmoins si le concept demeure aujourdrsquohui encore relativement flou paradoxalement il reccediloit dans notre droit interne une application de plus en plus freacutequente par les tribunaux78 et lrsquoAdministration fiscale79 De son cocircteacute et mecircme si pour lrsquoinstant le leacutegislateur srsquoest toujours refuseacute de srsquoorienter vers la voie drsquoune reconnaissance drsquoutiliteacute sociale80 celui-ci fait de plus reacutefeacuterence agrave ce concept81 drsquoougrave la neacutecessiteacute de privileacutegier une approche visant agrave circonscrire lrsquo laquo halo socieacutetal raquo82 des OES plutocirct que de chercher drsquoune maniegravere 73 A Euillet Lrsquoutiliteacute sociale une notion deacuteriveacutee de celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Revue de droit sanitaire et social ndeg2 avril-juin 2002 pp 2007 - 228 74 J Gadrey preacutec p 30 75 Ibidum 76 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques thegravese de droit 1998 preacutec Lrsquoauteur envisage la mise en œuvre drsquoune affirmative action en faveur des associations reconnues drsquoutiliteacute sociale 77 Si lrsquoon prend lrsquoexemple des services agrave domicile aux personnes acircgeacutees en Suegravede on peut observer que ceux-ci sont majoritairement produits par des organisations publiques locales tandis qursquoaux Etats-Unis - ougrave le laquo non profit sector raquo se construit le plus souvent comme une puissance alternative priveacutee face agrave un Etat providence laquo diaboliseacute raquo (Salamon) ils sont majoritairement financeacutes par des fonds priveacutes (beacuteneacuteficiant drsquoavantages fiscaux) 78 Voir par exemple CE 24 octobre 1979 CAA Paris 1er deacutecembre 1989 CAA Nancy 19 novembre 1992 79 Instr Fisc BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 1998 Instr Fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 (synthegravese) 80 Reacutep min du 01 juillet 1999 JO Seacutenat p 2224 81 Voir par exemple Loi ndeg2002-2 du 2 janvier 2002 relative agrave lrsquoaction sociale et meacutedico-sociale Loi ndeg 97-940 du 16 octobre 1997 relative au deacuteveloppement dactiviteacutes pour lemploi des jeunes (JO du 17 Octobre) LOI ndeg 9 8-657 du 29 juillet 1998 drsquoorientation relative agrave la lutte contre les exclusions 8282 A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport final relatif agrave la lettre de mission de Madame la Ministre de lrsquoEmploi et de la Solidariteacute 2000 pour A Lipietz il srsquoagirait de deacutefinir les contours du tiers secteur par un laquo label drsquoutiliteacute sociale et solidaire fondeacutes sur deux types de critegraveres quant aux

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improbable une deacutefinition qui serait unanimement admise par les acteurs des OES Finalement il ne srsquoagirait rien moins que de reconnaicirctre les OES afin de soutenir lrsquoeffort particulier de ces entiteacutes juridiques dont les laquo speacutecificiteacutes meacuteritoires raquo83 rejaillissent sur lrsquoensemble de la collectiviteacute Mais limiter le concept au seul beacuteneacutefice des OES serait par trop reacuteducteur et la mesure de lrsquoutiliteacute sociale doit eacutegalement ecirctre envisageacutee en tant qursquooutil de reacutegulation des politiques publiques84

24 - Concernant les difficulteacutes lieacutees agrave la mise en œuvre drsquoune proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale

Sur ce point il importe de tenir compte des critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de la proposition de mise en place drsquoun systegraveme unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale des OES (tel qursquoimagineacute par le CNVA dans son rapport datant de 1995) A cette eacutepoque le CNVA contestait laquo lrsquoambiguiumlteacute de lrsquointerpreacutetation juridique et fiscale de lrsquoutiliteacute sociale en particulier en raison de confusions constateacutees entre le critegravere de non lucrativiteacute et les vrais critegraveres drsquoutiliteacute sociale La reacuteflexion associative commence alors agrave se preacuteciser sur les critegraveres de non lucrativiteacute drsquoun cocircteacute sur les critegraveres drsquoutiliteacute sociale de lrsquoautre avec une insistance sur la neacutecessiteacute de ne pas confondre ces deux dimensions Parallegravelement le CNVA conteste lrsquoideacutee alors assez preacutesente du cocircteacute de lrsquoadministration selon laquelle un critegravere essentiel de lrsquoutiliteacute sociale serait que les besoins auxquels reacutepond lrsquoactiviteacute ne sont pas normalement (ou pas suffisamment) pris en compte par le marcheacute Cette deacutefinition purement neacutegative signifierait en effet soit que lrsquoutiliteacute sociale drsquoune association disparaicirct si le marcheacute srsquoinstalle sur un champ de besoins deacutejagrave deacutefricheacutes par les œuvres soit que lrsquoassociation devient alors automatiquement lucrative raquo85 Depuis lors un tel risque nous semble ecirctre leveacute dans la mesure ougrave le laquo reacutefeacuterentiel raquo drsquoutiliteacute sociale doit deacutesormais tenir compte de la jurisprudence du Conseil drsquoEtat en matiegravere fiscale En effet lrsquoarrecirct rendu en date du 1er octobre 199986 est venu preacuteciser qursquoun organisme sans but lucratif ne concurrence une entreprise que si les services qursquoil rend sont laquo offerts en concurrence dans la mecircme zone geacuteographique drsquoattraction avec ceux proposeacutes au mecircme public par des entreprises commerciales exerccedilant une activiteacute identique raquo Il a eacuteteacute eacutegalement preacuteciseacute depuis que laquo le critegravere du public ne doit pas srsquoentendre uniquement des situations de deacutetresse physique ou morale raquo87 buts (ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie solidaire) et quant aux modes drsquoorganisation interne (notamment lucrativiteacute limiteacutee le caractegravere deacutemocratique et multipartenariale de sa direction) ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie sociale raquo J Gadrey parle plus volontiers drsquoutiliteacute sociale externe et drsquoutiliteacute sociale interne preacutec p 37 83 F Bloch-Laineacute Identifier les associations de service social RECMA 1994 ndeg251 p 61 84 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne ibidum selon L Fraisse laquo lrsquoapparition drsquoun deacutebat sur lrsquoutiliteacute sociale peut aussi srsquointerpreacuteter comme un nouveau critegravere de politique publique agrave mecircme de preacuteciser les contours et de renforcer lrsquoinstitutionnalisation des activiteacutes et lrsquoeacuteconomie solidaire raquo voir eacutegalement N Richez-Battesti Les collectiviteacutes territoriales face agrave lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale Juris Associations ndeg376 1er avril 2008 pp 17-19 85 J Gadrey preacutec p 31 86 CE 1er octobre 1999 Association Jeune France ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354 87 Instr fisc BOI 4 H-5-06 preacutec

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Par ailleurs le CNVA soulignait le caractegravere laquo eacutevolutif voire conjoncturel raquo du concept drsquoutiliteacute sociale dans la mise en œuvre drsquoune seacuterie de dix indicateurs (voir infra) Pour lrsquoessentiel G Goulard88 consideacuterait qursquoen lrsquoeacutetat actuel ce concept eacutetait laquo encore plus subjectif que les critegraveres jurisprudentiels en vigueur raquo et qursquoune telle situation laquo risqu[ait] drsquoecirctre interpreacuteteacutee dans un sens reacuteducteur deacutefavorable aux associations dont lrsquoutiliteacute nrsquoest pas sociale mais intellectuelle culturelle spirituelle politique historique eacuteconomique etc raquo Srsquoil est vrai qursquoen 1998 de tels arguments nrsquoeacutetaient pas neacutegligeables il apparaicirct que certains drsquoentre eux apparaissaient forts contestables En effet comme le souligne J Gadrey dans son rapport de 2004 laquo la subjectiviteacute de la notion drsquoutiliteacute sociale peut fort bien ecirctre compatible avec sa consolidation comme reacutefeacuterence en droit (la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral srsquoest bien imposeacutee en deacutepit drsquoun flou aussi consideacuterable) raquo En effet il convient drsquoobserver que drsquoautres notions fondamentales agrave lrsquoinstar du droit commercial sont fondeacutees sur lrsquoarbitraire comme a deacutejagrave pu le souligner le Professeur Y Guyon laquo le droit commercial nrsquoest pas une construction fondeacutee sur la raison mais une approche fondamentalement arbitraire raquo89 Ainsi poursuit J Gadrey laquo le fait que des associations qui ne font pas partie du champ de lrsquoaction sociale (au sens strict) auraient des difficulteacutes agrave faire connaicirctre leur utiliteacute sociale nrsquoa rien drsquoineacuteluctable et deacutepend de la faccedilon dont la convention drsquoutiliteacute sociale se construit sur un mode restrictif ou au contraire extensif raquo De fait il apparaicirct que le concept drsquoutiliteacute sociale deacutepend moins de notre capaciteacute agrave deacutefinir des critegraveres distinctifs que de celle favorisant lrsquoeacutemergence drsquoune convention sociopolitique (voir infra) portant sur lrsquoutiliteacute sociale (convention drsquoutiliteacute sociale) Une telle approche preacutesenterait en outre deux avantages principaux en premier lieu celui du maintien du caractegravere eacutevolutif de ce concept en second lieu celui de la reacuteciprociteacute entretenue entre les associations et les pouvoirs publics dans la construction et lrsquoacceptation du concept mecircme

88 Rapport Goulard mars 1998 89 Y Guyon Droit des affaires Economica 5egraveme eacuted 1988 agrave rapprocher de M Despax Lrsquoentreprise et le droit Bibl Dr Priv T1 Paris 1954 p34 selon lrsquoauteur laquo le droit commercial (hellip) est neacute de la pratique Ses normes sont la conseacutecration drsquousages peu agrave peu eacutetablis et non la construction de la raison de lagrave cette difficulteacute souvent eacuteprouveacutee pour les juristes agrave les expliquer raquo

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III - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE

SOCIALE (OU SOCIETALE) UNE DEMARCHE PARTAGEE

A ndash LA PROCEDURE DE RUS PRESENTE-T-ELLE ENCORE UN INTERET

Comme le suggegravere le rapport Morange90 la proposition formuleacutee par JP Decool en mai 200591 laquo meacuterite drsquoecirctre approfondie raquo En effet pour ce dernier il convient de mettre en place une proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute socieacutetale comme substitut agrave la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral jugeacutee laquo deacutesuegravete et vague raquo laquo il serait donc opportun afin de donner une nouvelle dimension au monde associatif (hellip) de redonner au citoyen toute sa place au sein de la socieacuteteacute Lui permettre de srsquoexprimer et de manifester son deacutesir de donner ou de partager des valeurs communes Ainsi peut-on envisager le rocircle de lrsquoassociation dans la socieacuteteacute raquo A ce stade il nous semble que la meacutethode preacuteconiseacutee par le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) depuis son rapport du 4 feacutevrier 198692 demeure toujours drsquoactualiteacute93 Ce dernier preacuteconisait lrsquointroduction drsquoun systegraveme de reconnaissance a priori qui permettrait aux associations reconnues drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) de lever laquo toute incertitude durant une peacuteriode deacutefinie tant que les conditions drsquoexercice de leur activiteacute au vu desquelles elles ont obtenu lrsquoagreacutement ne seraient pas modifieacutees raquo94 Selon le projet du CNVA cette reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) devait ecirctre accordeacutee non pas par le pouvoir exeacutecutif mais par une veacuteritable juridiction ou commission paritaire composeacutee de repreacutesentants des associations des administrations concerneacutees (Ministegravere de tutelle et Administration fiscale) et preacutesideacutee par un magistrat95 Celle-ci pourrait eacutegalement comprendre un certain nombre drsquoexperts qualifieacutes et issus de la socieacuteteacute civile ainsi qursquoun repreacutesentant des collectiviteacutes locales deacutecentraliseacutees96 90 Ibidum 91 JP Decool Des associations en geacuteneacuteral vers une eacutethique socieacutetale rapport au 1er ministre mai 2005 92 Voir eacutegalement les Rapports et Avis du 12 juin 1991 et 15 juin 1995 93 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit 1998 preacutec 94 CNVA Bilan de la vie associative en 1990-1991 La documentation franccedilaise Paris 1992 Rapport et avis adopteacutes en session pleacuteniegravere du CNVA le 15 juin 1995 sur laquo lrsquoutiliteacute sociale des associations et ses conseacutequences en matiegravere eacuteconomique fiscale et financiegravere raquo 95 On peut noter la proximiteacute de cette composition avec celle de la laquo Charity Commission raquo de Grande-Bretagne composeacutee de fonctionnaires dont deux doivent ecirctre des juges dont le rocircle drsquoinformation de conseil de controcircle srsquoexerce aupregraves des laquo Charities raquo auxquelles la Commission donne le label qui ouvre droit agrave des faciliteacutes fiscales et financiegraveres 96 Voir la composition du comiteacute strateacutegique des fonds de dotation creacuteeacute le 19 novembre 2008 preacutesideacute par JJ Hyest Preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat

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Les deacutecisions de cette instance pourraient faire lrsquoobjet drsquoun recours devant les juridictions compeacutetentes (ce qui aurait eu pour effet de laquo judiciariser raquo le concept drsquoutiliteacute sociale) La reconnaissance serait attribueacutee pour une dureacutee de cinq anneacutees agrave lrsquoissue drsquoun rapport drsquoaudit baseacute sur des critegraveres drsquoeacutevaluation (pour ce qui concerne lrsquoutiliteacute sociale externe) Les critegraveres drsquoeacutevaluation pourraient faire lrsquoobjet drsquoune deacutemarche partageacutee (voir infra) et contractualiseacutee avec les diffeacuterents acteurs agrave partir de critegraveres quantitatifs et qualitatifs neacutegocieacutes En effet le CNVA nrsquoa pas souhaiteacute mettre en place un systegraveme unique et isoleacute de reconnaissance drsquoune cateacutegorie particuliegravere drsquoassociations qui serait reconnue drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) agrave lrsquoinstar de ce qui a par exemple eacuteteacute conccedilu pour la reconnaissance drsquoutiliteacute publique Il preacuteconise plutocirct laquo le recours agrave de multiples dispositifs susceptibles drsquoaccorder aux associations (en tant qursquoopeacuterateurs) ou agrave leurs activiteacutes (en tant qursquoopeacuteration97) la reconnaissance et le soutien en fonction et dans le respect de la diversiteacute des speacutecificiteacutes associatives raquo Lrsquoensemble de ces speacutecificiteacutes doit pouvoir ecirctre appreacutehendeacute agrave travers un certain nombre drsquoindicateurs avec la mise en place de la technique du faisceau drsquoindices Les critegraveres deacutegageacutes98 formeraient ainsi une liste (non exhaustive) qui permettant de mieux cerner les contours de lrsquoutiliteacute sociale

- La primauteacute du projet finaliteacute de lrsquoaction associative99

- Le fonctionnement deacutemocratique - Lrsquoapport social de lrsquoassociation100 - La non-lucrativiteacute qui par essence marque la

diffeacuterence par rapport au secteur commercial - La gestion deacutesinteacuteresseacutee101 ce qui nrsquoexclut ni la

rigueur ni la transparence financiegravere - La capaciteacute agrave mobiliser la geacuteneacuterositeacute humaine

(beacuteneacutevolat) ou financiegravere (dons) - Le mixage des publics et lrsquoouverture

qui a pour mission de suivre lrsquoeacutevolution des fonds de dotation 1 repreacutesentant du MINEFI 3 magistrats 7 personnaliteacutes qualifieacutees A ce titre il pourra eacutelaborer des recommandations de bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion et faire toutes les propositions qui lui sembleront neacutecessaires pour favoriser le deacuteveloppement des fonds de dotation (Sources MINEFI 14 janvier 2009) 97 Cette solution preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre neutre sur le plan concurrentiel et vis-agrave-vis des autres opeacuterateurs eacuteconomiques 98 Le CNVA preacutecise dans son rapport du 15 juin 1995 preacutec que ces critegraveres sont laquo non exclusifs non cumulatifs et non exhaustifs les uns par rapport aux autres raquo 99 La FONDA dans un seacuteminaire en date du 17 octobre 1992 suggeacuterait et explicitait ces trois premiers critegraveres agrave partir desquels elle se fondait pour identifier les associations drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral 100 Ce critegravere ainsi que les critegraveres 6 7 et 8 relegravevent de la notion drsquoutiliteacute sociale externe qui selon nous devrait faire lrsquoobjet drsquoune contractualisation pluri annuelle dans le cadre drsquoune deacutemarche de construction et drsquoeacutevaluation partageacutee (voir infra) 101 Sur cette notion voir Instr fisc (Synthegravese) BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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- Les secteurs drsquointervention pas ou mal couverts par les autres agents eacuteconomiques ou par les collectiviteacutes publiques

- Lrsquoexistence de financements publics ou parapublics

- Lrsquoexistence drsquoun agreacutement ministeacuteriel (Ministegravere de rattachement) ou drsquoune habilitation102

La reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) pourrait ecirctre attribueacutee aux associations laquo dont les statuts le mode de fonctionnement et les modaliteacutes drsquoexercice de leur activiteacute caracteacuterisent suffisamment leur utiliteacute sociale aux yeux de cette juridiction Elle pourrait agrave lrsquoinverse ecirctre retireacutee par cette mecircme juridiction ou commission paritaire degraves lors que les conditions ayant preacutesideacute agrave son attribution ne seraient plus reacuteunies Lrsquoabsence de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre invoqueacutee pour creacuteer une preacutesomption de lucrativiteacute pour lrsquoassociation qui nrsquoen beacuteneacuteficierait pas raquo Agrave ce jour nombreux sont les acteurs srsquoeacutetant prononceacutes en faveur de lrsquoeacutelaboration drsquoune reconnaissance unique drsquoutiliteacute sociale (RUS) Nous avons vu preacuteceacutedemment que les derniers rapports ministeacuteriels et parlementaires se montrent favorables agrave la mise en œuvre drsquoune telle proceacutedure Pour MT Cheacuteroutre103 laquo lrsquoattribution drsquoune reconnaissance par les pouvoirs publics aux organismes susceptibles drsquoecirctre exoneacutereacutes apparaicirct eacuteminemment souhaitable Cette reconnaissance accordeacutee pour une dureacutee deacutetermineacutee apporterait agrave ces derniers une garantie drsquoexoneacuteration du moins aussi longtemps qursquoil ne serait pas prouveacute par lrsquoadministration qursquoils ne respectent plus les conditions pour lesquelles ils ont obtenu ladite reconnaissance raquo De son cocircteacute la FONDA104 a eacutegalement exprimeacute son souhait drsquoassurer laquo une meilleure seacutecuriteacute financiegravere aux associations relevant de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et srsquoest montreacutee laquo favorable agrave la creacuteation drsquoune RUS attribueacutee par une commission tripartite (Etat Magistrats Associations) raquo Agrave notre connaissance deux projets de loi105 ont eacuteteacute deacuteposeacutes en ce sens pour ecirctre rapidement abandonneacutes par la suite faute de reacuteelle volonteacute politique En effet comme le souligne le CNVA agrave propos de la mise en œuvre de la RUS

102 Notamment lorsque lrsquoobjet de lrsquoassociation consiste agrave reacutealiser des activiteacutes reacuteglementeacutees 103 MT Cheacuteroute Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 rapport au nom du conseil eacuteconomique et social ndeg4 JO du 1er avril 1993 104 La FONDA Pour une eacutethique des rapports entre pouvoirs publics et citoyens seacuteminaire Paris 17 octobre 1992 105 Projet de loi A Henry RTD com 192 447 en janvier 2002 ce projet avait lanceacute une vaste consultation autour du concept drsquoutiliteacute sociale dans le but de deacutelimiter les associations auxquelles seraient accordeacutees le label Proposition de loi ndeg2779 AN 1996 art 2 laquo Les associations peuvent ecirctre reconnues drsquoutiliteacute sociale agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode probatoire de fonctionnement drsquoune dureacutee au moins eacutegale agrave trois ans lorsqursquoelles satisfont cumulativement aux conditions suivantes avoir un objet social de caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique humanitaire sportif familial culturel ou drsquoaction sociale ou de mise en œuvre du patrimoine artistique ou de deacutefense de lrsquoenvironnement ou de diffusion de la culture ou de la langue franccedilaise Exercer conformeacutement agrave cet objet des activiteacutes ouvertes agrave des personnes qui lui sont exteacuterieures raquo

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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2 ndash Lrsquoapproche (fiscale) de la notion drsquoutiliteacute sociale un rocircle preacutepondeacuterant dans les proceacutedures de reconnaissance du secteur associatif Nous avons vu preacuteceacutedemment que

‐ La RUP suppose que lrsquoassociation exerce des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au sens de lrsquoarticle 200 et 238 bis du CGI ‐ La RIG commande pour les associations eacutevoluant dans la sphegravere eacuteconomique que ces derniegraveres exercent agrave titre preacutepondeacuterant des activiteacutes non lucratives ce qui suppose drsquoecirctre reconnues par lrsquoAdministration fiscale comme eacutetant drsquoutiliteacute sociale

Il existe bien par conseacutequent des interactions entre les diffeacuterents modes de reconnaissance et lrsquoapproche fiscale de la notion drsquoutiliteacute sociale Bien plus en insistant sur lrsquoimportance deacutecroissante des critegraveres retenus par la regravegle des 4 laquo P raquo lrsquoAdministration fiscale amplifie le rocircle joueacute par les deux premiers critegraveres (laquo Produit raquo et laquo Public raquo) et par conseacutequent lrsquoinfluence de cette notion au sein des modes de reconnaissance de la vie associative Autre eacuteleacutement important agrave ce stade de la reacuteflexion le rocircle non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat ou les autres administrations dans la laquo reconnaissance raquo drsquoutiliteacute sociale des associations en effet lrsquoinstruction fiscale47 preacutecise explicitement que ce type drsquoagreacutement laquo nrsquoest qursquoun eacuteleacutement parmi drsquoautres de lrsquoappreacuteciation de son utiliteacute sociale raquo Neacuteanmoins lrsquoinstruction preacutecise que laquo srsquoils prennent en compte la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y ait fait face ces agreacutements peuvent contribuer agrave lrsquoappreacuteciation de lrsquoutiliteacute sociale raquo Mais dans tous les cas lrsquoAdministration fiscale considegravere qursquolaquo ils ne sont ni neacutecessaires ni suffisants pour eacutetablir le caractegravere drsquoutiliteacute sociale de lrsquoassociation raquo Synthegravese de la RUS ‐ La notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale ouvre la capaciteacute des associations agrave intervenir dans la sphegravere eacuteconomique tout en preacuteservant leur statut drsquoorganismes sans but lucratif non soumis aux impocircts commerciaux ‐ In fine cette notion constitue un preacutealable indispensable agrave la mise en œuvre de la RIG (absence drsquoactiviteacute lucrative) et exerce une influence non neacutegligeable dans le mode de deacutelivrance de la RUP (reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et neacutecessiteacute de disposer de ressources suffisantes hors financement public) ‐ En lrsquoeacutetat actuel la reconnaissance (fiscale) drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre assimileacutee agrave une proceacutedure de reconnaissance institutionnelle de type RUP

47 Instr fisc 4 H-5-06 preacuteciteacutee ndeg63

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ou RIG instaureacutee par le leacutegislateur neacuteanmoins elle donne lieu agrave une appreacuteciation souveraine de lrsquoadministration fiscale dans le cadre de la proceacutedure de rescrit fiscal applicable depuis lrsquoinstruction fiscale preacuteciteacutee du 15 septembre 1998 En effet la reacuteponse du correspondant associations au questionnaire visant agrave deacuteterminer le reacutegime fiscal applicable au regard des impocircts vaut prise de position formelle de lrsquoadministration au sens de lrsquoarticle L 80 B du Livre des proceacutedures fiscales (opposabiliteacute) ‐ Telle que preacutevue par lrsquoinstruction fiscale du 18 deacutecembre 2006 preacuteciteacutee la notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale donne encore lieu agrave une appreacuteciation discreacutetionnaire et unilateacuterale de lrsquoadministration fiscale (sous reacuteserve du controcircle juridictionnel administratif)

bull Concernant lrsquoappreacuteciation discreacutetionnaire elle ressort drsquoune part de la dimension reacuteductrice des critegraveres retenus par lrsquoadministration fiscale48 et drsquoautre part de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation49 objective crsquoest-agrave-dire reposant sur lrsquoexistence de reacutefeacuterentiels qualitatifs et quantitatifs admis et partageacutes par tous50

bull Concernant lrsquoappreacuteciation unilateacuterale elle est induite par le caractegravere non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat (Ministegravere de tutelle) ou toute autre Administration y compris lorsque ces proceacutedures drsquoagreacutement preacutevoient des critegraveres permettant la prise en compte de la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y est fait face51 Or comme le soulignait deacutejagrave en 1993 MT

48 Lrsquoanalyse de la deacutecision rendue par lrsquoarrecirct Jeune France du 1er octobre 1999 (CE 1101999 ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354) permet eacutegalement de souligner la dimension neacutegative donneacutee agrave ces critegraveres dans la mesure ougrave ils servent agrave appreacutecier la speacutecificiteacute des associations et autres organismes sans but lucratif essentiellement au regard de regravegles de la concurrence 49 F Rousseau Lrsquoeacutevaluation laquo regravegle du jeu raquo entre associations et pouvoirs publics Juris Associations 1er avril 2008 ndeg376 p 16 et 17 lrsquoauteur souligne qursquoil convient de retenir laquo la diffeacuterence essentielle entre drsquoune part lrsquoeacutevaluation des activiteacutes associatives selon une logique drsquoeacutevaluation des politiques et drsquoautre part la deacutemarche de coconstruction drsquoune meacutethodologie drsquoeacutevaluation qui associe[rait[ les acteurs locaux (eacutelus techniciens militants associatifs chercheurs etc raquo 50 A souligner les nombreux travaux sur ces questions (liste non exhaustive) laquo Economie sociale et solidaire en reacutegion raquo (programme de recherche coordonneacute par la DIES et la Mire entre 2001 et 2003) P VIVERET Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 J GADREY 2003 Lrsquoutiliteacute sociale et organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE version provisoire 133 pages Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREE du 11 janvier 2005 La reconfiguration de lrsquoaction publique entre lrsquoEtat associations et participation citoyenne X ENGELS (Dir) M HELY A PERRIN H TROUVE De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne LrsquoHarmattan 2006 Guide meacutethodologique Fonda Rhocircne-Alpes (reacutealiseacute avec le concours de la Reacutegion Rhocircne-Alpes) Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective 2006 H TROUVE Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale de son activiteacute 124 pages wwwaviseorg Seacuteminaire Avise Evaluer lrsquoutiliteacute sociale deacutemarche meacutethodologie expeacuteriences Paris 6 deacutecembre 2007 51 Ibidum

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Cheroutre52 lors de sa preacutesentation du rapport du Conseil Economique et social laquo lrsquooctroi drsquoun agreacutement ou drsquoune habilitation est la marque de reconnaissance par les pouvoirs publics de la fonction remplie par lrsquoassociation ce qui implique des controcircles et drsquoeacuteventuels retraits si le contrat nrsquoest pas rempli raquo53

‐ Dans ces conditions et compte tenu des arguments qui preacutecegravedent il y a lieu de srsquointerroger sur la neacutecessiteacute drsquoune simplification des proceacutedures de reconnaissance de la vie associative (II) De faccedilon plus cruciale encore des questions se posent quant agrave la capaciteacute des acteurs agrave laquo coconstruire raquo leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation dans le cadre drsquoune deacutemarche partageacutee A ce propos nous assistons drsquoailleurs agrave un deacuteplacement du deacutebat national vers un cadre de reacuteflexion engageacute par les instances communautaires en matiegravere de transposition de la directive laquo services raquo et de deacutefinition de service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) II ndash VERS UNE SIMPLIFICATION DES MODES DE RECONNAISSANCE

A - La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) une utiliteacute

Dans une eacutetude adopteacutee le 25 octobre 2000 par la section du rapport et des eacutetudes du Conseil drsquoEtat54 il est rappeleacute qursquo laquo il nrsquoest pas aujourdrsquohui drsquoavantage patrimonial ou fiscal qui soit reacuteserveacute aux seules associations reconnues drsquoutiliteacute publique Il nrsquoy aurait donc pas drsquointeacuterecirct pour une association agrave ecirctre reconnue raquo En effet la plupart des associations simplement deacuteclareacutees perccediloivent des dons manuels55 ou encore sont en capaciteacute de beacuteneacuteficier de ce type de ressources sans aucune limitation soit directement sous la forme de meacuteceacutenat56 (dons uniquement) soit indirectement par la creacuteation drsquoun fonds de dotation57 ou en srsquoaffiliant agrave une union ou un organisme drsquoutiliteacute publique (dons et legs)58 52 Ibidum 53 La loi de finances rectificative pour 2008 (Loi ndeg2008-1443 du 30 deacutecembre 2008) a pris plusieurs mesures en vue de renforcer la seacutecuriteacute juridique des contribuables Lrsquoarticle 50 de la loi de finances rectificative pour 2008 creacuteeacute ainsi un recours devant lrsquoadministration pour les deacutecisions formelles prises en vertu des articles L80 B 1deg agrave 6deg et 8deg et L80 C du Livre des proceacutedures fiscales (LPF) applicable aux demandes deacuteposeacutees agrave partir du 1er juillet 2009 54 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique La documentation franccedilaise 2000 p15 55 Cass com 5 octobre 2004 ndeg03-15709 Bull civ IV ndeg178 56 Loi Aillagon du 1er aoucirct 2003 57 C Amblard Fonds de dotation encore du nouveau sur le front du meacuteceacutenat preacutec 58 Loi 1er juillet 1901 art 6 al1

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Degraves lors crsquoest tout naturellement et sans ambiguiumlteacute que le Conseil drsquoEtat srsquoest poseacute la question suivante laquo faut-il supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo (pour une meilleure lisibiliteacute de lrsquoaction associative et une simplification des proceacutedures de reconnaissance) Une telle proposition nrsquoa toutefois pas eacuteteacute retenue par lrsquoeacutetude des statistiques du Ministegravere de lrsquoInteacuterieur laquo il semble qursquoen deacutepit de la faiblesse des avantages qursquoelles peuvent en retirer et des contraintes que cela engendre pour elles des associations continuent chaque anneacutee de solliciter la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo Quelles peuvent-elles ecirctre les motivations des associations qui souhaiteraient beacuteneacuteficier de cette forme de reconnaissance Dans son rapport public de 200059 le Conseil drsquoEtat souligne avant tout laquo la force symboliques que srsquoaccordent agrave y voir les repreacutesentants du monde associatif raquo En effet il ressort que ceux-ci sont avant tout laquo agrave la recherche drsquoun label raquo60 La RUP laquo fait en quelque sorte agrave leurs yeux figure de label officiel qui consacre la leacutegitimiteacute de lrsquoassociation qui en beacuteneacuteficie et qui sanctionne la qualiteacute des actions qursquoelle megravene raquo Ainsi laquo [il] est un signe pour leurs partenaires et une garantie pour eux raquo Cependant le Conseil drsquoEtat croit bon attirer notre attention sur le fait que laquo cette force symbolique de la RUP nrsquoest toutefois pas deacutenueacutee drsquoeffets pratiques puisqursquoil apparaicirct que de 1991 agrave 1996 les associations et les fondations drsquoutiliteacute publique ont reccedilu 84 des dons deacuteclareacutes par les contribuables Pour les associations qui font appel agrave la geacuteneacuterositeacute publique la RUP vaut garantie que les sommes collecteacutees ne feront pas en principe lrsquoobjet drsquoune utilisation abusive ou frauduleuse raquo Cette garantie existe-t-elle vraiment srsquoagissant des associations RUP Preacuteciseacutement pour le Conseil drsquoEtat laquo cela peut paraicirctre paradoxal de rechercher le controcircle de lrsquoEtat pour pouvoir ensuite souligner qursquoelles srsquoy sont soumises et offrent donc toutes les garanties de bon fonctionnement raquo drsquoautant plus que pour lui laquo le controcircle de lrsquoEtat (hellip) est insuffisant raquo Crsquoest ainsi que dans son dernier rapport sur les associations RUP datant de 200061 ce dernier preacuteconisait dans ses conclusions laquo drsquointroduire dans la loi du 1er juillet 1901 (ou agrave lrsquoarticle L612-4 du Code de commerce) lrsquoobligation pour toute association reconnue drsquoutiliteacute publique drsquoavoir recours agrave un commissaire aux comptes dans les conditions preacutevues aux articles L 225-218 et suivants du Code de commerce raquo

59 Conseil drsquoEtat Les associations et la loi de 1901 cent ans apregraves Rapport public 2000 La documentation franccedilaise Etudes et Documents ndeg51 p307 60 Conseil drsquoEtat Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec 61 Ibidum

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Or agrave ce jour force est de constater qursquoaucune reacuteforme nrsquoest intervenue en ce sens En effet il nrsquoexiste ni dans la loi du 1er juillet 1901 ni dans les statuts-types des associations RUP ni mecircme dans aucun dispositif leacutegislatif speacutecifique ndash en dehors du dispositif applicable en matiegravere drsquoappel agrave la geacuteneacuterositeacute publique62 - drsquoobligation imposant la preacutesence drsquoun commissaire aux comptes au sein des associations RUP Aussi et toujours pour le Conseil drsquoEtat laquo srsquoil nrsquoy a donc pas de motif deacuteterminant de supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique il convient de reacutefleacutechir aux ameacuteliorations pouvant ecirctre apporteacutees agrave son reacutegime drsquoutiliteacute publique et aux reacutegimes voisins raquo En tout eacutetat de cause la pertinence du maintien de la RUP se pose si lrsquoon en juge les reacutesultats de deux rapports ministeacuteriels reacutecents sur cette question en effet pour le rapport Morange63 laquo les avantages mateacuteriels de la RUP sont deacutesormais drsquoune porteacutee quasi theacuteorique raquo Quant agrave lrsquoavantage moral de la RUP pour le deacuteputeacute P Morange il demeure laquo important mais il ne justifie pas la lourdeur de la proceacutedure raquo Le rapport Langlais64 parle lui de laquo proceacutedure eacutelitiste raquo qui laquo nrsquoa pas su srsquoadapter aux eacutevolutions de la socieacuteteacute raquo Pourquoi degraves lors vouloir absolument maintenir un systegraveme de reconnaissance qui agrave notre avis pose deux probleacutematiques majeures

‐ La premiegravere probleacutematique porte sur la capaciteacute patrimoniale des associations qui preacuteciseacutement ne beacuteneacuteficient pas de cette forme de reconnaissance en effet est-il toujours leacutegitime que pregraves drsquoun million de structures associatives disposent par contrecoup drsquoune capaciteacute juridique reacuteduite Deacutejagrave en 1993 agrave propos de la capaciteacute patrimoniale des associations simplement deacuteclareacutees le Conseil Economique et social65 soulignait que laquo le contexte drsquoaujourdrsquohui eacutelargissant les missions de nombreuses associations met davantage lrsquoaccent sur les enjeux eacuteconomiques et sociaux qui leur demandent de mobiliser agrave la fois des moyens eacuteconomiques financiers et humains On peut donc agrave juste titre se demander si les carcans drsquoune autre eacutepoque ne pourraient ecirctre leveacutes raquo Les choses ont peu eacutevolueacute depuis au deacutetriment drsquoun secteur associatif dont lrsquoessentiel de ses forces vives consacre une bonne partie de leur temps et de leur eacutenergie agrave rechercher des

62 Loi ndeg91-772 du 7 aoucirct 1991 art 3 et encore il convient de noter que lrsquointervention du commissaire aux comptes ne srsquoimpose que pour les associations ayant nommeacute un commissaire aux comptes pour drsquoautres motifs Anteacuterieurement le compte emploi des ressources (CER) constituait un document autonome agrave deacuteposer au siegravege de lrsquoassociation et agrave tenir agrave disposition des adheacuterents En cas de controcircle par un commissaire aux comptes ce dernier eacutetait tenu drsquoeacutetablir une attestation Depuis le 1er janvier 2006 le CER est devenu un eacuteleacutement annexe aux comptes Lrsquoattestation du commissaire aux comptes nrsquoa donc plus lieu drsquoecirctre (cf Meacutemento pratique F Lefebvre Associations 2008-2009 ndeg71400 p976) 63 P Morange Rapport drsquoinformation sur la gouvernance et le financement des structures associatives ndeg134 assembleacutee nationale 1er octobre 2008 p41 et 42 64 JL Langlais Pour un partenariat renouveleacute entre lrsquoEtat et les associations rapport ministeacuteriel juin 2008 p 26 65 Ibidum p 82

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financements Sur ce point il convient de noter les propositions drsquoeacutevolutions importantes figurant dans le rapport Morange lequel suggegravere aux associations simplement deacuteclareacutees de beacuteneacuteficier de la capaciteacute juridique de recevoir des dons ‐ La seconde probleacutematique renvoit directement aux besoins exprimeacutes en matiegravere de simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif en effet le rapport Langlais66 souligne agrave juste titre que laquo la principale source de complexiteacute tient agrave lrsquoeacuteclatement des modes de reconnaissance du fait associatif par la puissance publique La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) existe toujours elle nrsquoa pas varieacute depuis un siegravecle (hellip) elle est de plus en plus concurrenceacutee par drsquoautres formes de reconnaissance et certains nrsquoheacutesitent pas agrave la consideacuterer comme deacutemodeacutee voire obsolegravete La reconnaissance drsquoutiliteacute publique est accordeacutee sans limitation de dureacutee et il existe probablement comme pour les associations deacuteclareacutees mais en beaucoup plus faible proportion des ARUP qui figurent toujours dans les chiffres officiels bien qursquoelles nrsquoaient plus drsquoexistence reacuteelle raquo De son cocircteacute le deacuteputeacute P Morange propose de deacutelivrer la RUP pour une dureacutee deacutesormais limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans

Il convient par conseacutequent drsquoenvisager une simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif drsquoautant plus que sont apparus agrave cocircteacute de la RUP de nombreuses autres formes de reconnaissance plus ou moins officielle tels que les agreacutements ou les labels priveacutes (Comiteacute de la Charte voire mecircme la proposition de labellisation AFNOR) Nous verrons infra que ce processus de simplification doit ecirctre lrsquooccasion drsquoun dialogue renouveleacute entre les acteurs du monde associatif et les pouvoirs publics en vue de la mise en œuvre drsquoune deacutemarche partageacutee

66 Ibidum

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B - LA SIMPLIFICATION DES PROCESSUS DE RECONNAISSANCE VERS UNE RECONNAISSANCE UNIQUE DrsquoUTILITE SOCIALE

1 ndash Les propositions reacutecemment formuleacutees par les rapports Langlais et Morange de 2008

Sur ce point les deux rapports srsquoaccordent pour distinguer trois types drsquoassociations

11 - Les associations deacuteclareacutees

Pour JL Langlais il srsquoagirait de reconnaicirctre la capaciteacute creacuteatrice de ces associations locales par lrsquooctroi de subventions symboliques et uniquement deacutelivreacutees par les collectiviteacutes territoriales correspondant agrave leur aire drsquoinfluence P Morange propose quant agrave lui drsquoouvrir la capaciteacute juridique de ces laquo petites raquo associations en leur permettant de percevoir des dons (autres que manuels) et de les soumettre aux controcircles drsquoun commissaire aux comptes et aux controcircles meneacutes par les services deacuteconcentreacutes degraves lors qursquoelles beacuteneacuteficieraient de subventions publiques

12 - Les associations reconnues drsquoutiliteacute sociale ou

drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

Pour JL Langlais ces associations pourraient beacuteneacuteficier drsquoune reconnaissance drsquointeacuterecirct laquo social ou geacuteneacuteral raquo

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce sont en gros les 4 conditions

requises pour lrsquoobtention de lrsquoagreacutement fiscal (cf supra) Drsquoailleurs il est proposeacute que cet agreacutement soit deacutecerneacute par lrsquoAdministration fiscale Une condition suppleacutementaire pourrait ecirctre poseacutee relative au beacuteneacutevolat sans neacutecessairement fixer de seuil a priori on devrait exiger que le beacuteneacutevolat soit nettement preacutepondeacuterant dans le fonctionnement de lrsquoassociation

Avantages consentis possibiliteacute de recevoir des subventions y

compris des subventions de fonctionnement capaciteacute agrave recevoir des dons (nrsquoexceacutedant pas un certain montant) agrave faire beacuteneacuteficier aux donateurs de lrsquoexoneacuteration fiscale au taux de droit commun

Obligations ecirctre agrave jour de leurs obligations deacuteclaratives

obligation de justifier lrsquoemploi des fonds reccedilus de deacuteposer leurs comptes en Preacutefecture de se soumettre aux controcircles aleacuteatoires ou programmeacutes de la puissance publique certification obligatoire des comptes au-delagrave de 153 000 euro de financement annuel

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Pour P Morange laquo cette cateacutegorie recouvre les associations subventionneacutees ou qui beacuteneacuteficient drsquoavantages fiscaux et oeuvrent au service de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo Selon lui laquo il serait envisageable comme en Grande Bretagne drsquoeacutetablir des listes de secteurs dans lesquels ces associations interviennent et de les soumettre agrave un certain nombre drsquoobligations en srsquoinspirant par exemple de la pratique fiscale (voir supra) Ainsi lrsquoassociation devrait poursuivre un but drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral ecirctre soumise agrave un controcircle financier et une eacutevaluation reacuteguliegravere au niveau deacutecentraliseacute raquo Enfin laquo lrsquoassociation devrait se doter drsquoun commissaire aux comptes raquo

13 Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique Pour JL Langlais seules les associations qui se consacrent exclusivement agrave des actions drsquoassistance ou de bienfaisance pourraient beacuteneacuteficier drsquoune RUP

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce seraient les mecircmes que pour la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral mais avec 3 nuances - toute lrsquoactiviteacute doit ecirctre tendue vers lrsquoobjet social - un degreacute plus eacuteleveacute de professionnalisation (et donc de salariat) serait acceptable - mais un moindre degreacute drsquoouverture exigeacute (une association pourrait ecirctre reconnue drsquoutiliteacute publique alors qursquoelle fonctionne au beacuteneacutefice drsquoun public fermeacute67)

Avantages les avantages seraient ceux du reacutegime actuel le

plus favorable dons et legs (reacutegime RUP) exoneacuteration au taux le plus favorable (laquo amendement Coluche raquo) subventions sur une base pluriannuelle

Obligations toutes les obligations du reacutegime preacuteceacutedant avec en plus lrsquoobligation de deacuteposer des comptes certifieacutes

JL Langlais poursuit en proposant que la reconnaissance drsquoutiliteacute publique soit laquo deacutecerneacutee pour une dureacutee limiteacutee soit par le ministegravere de lrsquointeacuterieur soit par le ministegravere en charge de la vie associative (et les preacutefets agrave lrsquoeacutechelon deacuteconcentreacute) soit encore par une agence nationale agrave creacuteer raquo Pour P Morange la RUP laquo serait deacutelivreacutee par le Conseil drsquoEtat comme crsquoest le cas actuellement et controcircleacutee par la Cour des comptes avec le concours de lrsquoIGAS et de lrsquoIGA pour une dureacutee limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans raquo A titre subsidiaire les auteurs proposent eacutegalement drsquoeacutetablir une laquo situation speacutecifique raquo pour les associations engageacutees dans la gestion drsquoune mission de service public tandis que P Morange envisage cette situation sous lrsquoangle de la seacutecurisation des rapports engageacutes par ces derniegraveres avec lrsquoadministration JL Langlais quant agrave lui considegravere dans une telle situation que laquo la forme juridique [drsquoassociation] nrsquoest alors qursquoune fiction raquo et que degraves lors laquo lrsquoEtat doit pouvoir les financer mais aussi les controcircler et les diriger comme il le

67 Lrsquoauteur propose de revenir sur la jurisprudence CE 7 feacutevr 2007 ndeg 287949 Steacute des anciens eacutelegraveves de lrsquoEacutecole Nationale Supeacuterieure drsquoArts et Meacutetiers et a

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ferait de ses propres services en attendant de trouver une structure juridique adeacutequate raquo Une mise en conformiteacute des proceacutedures drsquoagreacutement avec les nouvelles contraintes communautaires est eacutegalement envisageacutee

2 ndash Nos pistes de reacuteflexions

21 - Concernant le devenir de la proceacutedure RUP

Nous avons vu preacuteceacutedemment que cette proceacutedure deacutesormais consideacutereacutee comme eacutetant laquo obsolegravete raquo par la plupart des observateurs (voir supra) ne preacutesentait plus guegravere drsquointeacuterecirct sur un plan technique (voir supra) Degraves lors et en raison de la forte concentration de financements priveacutes (pregraves de 90 sous la forme de dons deacuteclareacutes par les contribuables ndash voir supra) sur un nombre extrecircmement limiteacute drsquoassociations et de fondations RUP de cette laquo proceacutedure eacutelitiste raquo la question de son devenir se pose de faccedilon cruciale En effet au 15 juillet 2000 le Conseil drsquoEtat deacutenombrait 1960 associations RUP laquo dont 200 nrsquoauraient selon lui aucune activiteacute sinon plus aucune existence raquo68 Force est de constater que presque 10 ans plus tard ce nombre nrsquoa quasiment pas augmenteacute puisque le dernier recensement effectueacute en deacutecembre 200869 par le Ministegravere de lrsquointeacuterieur fait eacutetat de 1966 associations RUP Lrsquourgence consiste donc bien agrave mettre un terme agrave cette situation laquo monopolistique raquo ougrave agrave tout le moins agrave instaurer des proceacutedures de controcircle agrave la fois plus preacutecises et plus contraignantes que celles existantes actuellement Sur ce point les propositions tendant agrave limiter la deacutelivrance de la RUP pour une dureacutee limiteacutee formuleacutees dans les rapports Langlais et Morange nous semblent parfaitement approprieacutees Ces propositions seront agrave rapprocher de celle proposeacutee par P Morange visant offrir agrave lrsquoensemble des associations la laquo grande capaciteacute juridique raquo particuliegraverement en matiegravere de dons

22 - Concernant la probleacutematique du rapprochement entre reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale)

Il ne srsquoagit pas de revenir sur les nombreux travaux drsquoores et deacutejagrave existants en matiegravere de rapprochement des concepts drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et drsquoutiliteacute sociale Parmi les plus importants lrsquoon peut citer ceux de J Gadrey en 200470 ceux reacutesultant de la journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF en 200571 ou encore la contribution commune de X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute publieacutee en 200672 A la lumiegravere de ces travaux il

68 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec p15 69 Site du ministegravere de lrsquointeacuterieur (publication du 08 avril 2008) httpwwwinterieurgouvfrsectionsa_la_unepublicationscultes-associations 70 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale des organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE feacutevrier 2004 71 Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Paris 11 janvier 2005 72 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Editions LrsquoHarmattan Paris 2006

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semble bien que lrsquoon assiste agrave laquo un basculement vers la notion plus large drsquoutiliteacute sociale notion qui par ailleurs entretient une filiation juridique avec le concept drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo73 Sur un plan juridique ces travaux montrent notamment qursquoil existe laquo un rapport assez eacutetroit agrave certains eacutegards entre la notion drsquoutiliteacute sociale et celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo si lrsquoon considegravere lrsquoanalyse de la jurisprudence des dix derniegraveres anneacutees74 Dans cette perspective la deacutemarche de rapprochement entre la proceacutedure RIG et RUS proposeacutee par les rapports de JL Langlais et P Morange trouverait une explication rationnelle

23 - Concernant lrsquoapproche du concept mecircme drsquoutiliteacute sociale

Comme le souligne J Gadrey75 laquo lrsquoutiliteacute sociale des organisations drsquoeacuteconomie sociale (OES) nrsquoa guegravere drsquoexistence en tant que probleacutematique geacuteneacuterale en dehors des deacutebats concernant le rocircle eacuteconomique et social actuel et futur de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Crsquoest une ideacutee qui a eacuteteacute forgeacutee pour deacutefendre lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire face agrave certaines menaces ou pour promouvoir le deacuteveloppement de regravegles favorables76 raquo Pour ce dernier en effet laquo il y a rien de naturel agrave soulever la question de lrsquoutiliteacute sociale des OES et qursquoil srsquoagit bien drsquoune convention socio-politique historiquement et geacuteographiquement contingente77 raquo Neacuteanmoins si le concept demeure aujourdrsquohui encore relativement flou paradoxalement il reccediloit dans notre droit interne une application de plus en plus freacutequente par les tribunaux78 et lrsquoAdministration fiscale79 De son cocircteacute et mecircme si pour lrsquoinstant le leacutegislateur srsquoest toujours refuseacute de srsquoorienter vers la voie drsquoune reconnaissance drsquoutiliteacute sociale80 celui-ci fait de plus reacutefeacuterence agrave ce concept81 drsquoougrave la neacutecessiteacute de privileacutegier une approche visant agrave circonscrire lrsquo laquo halo socieacutetal raquo82 des OES plutocirct que de chercher drsquoune maniegravere 73 A Euillet Lrsquoutiliteacute sociale une notion deacuteriveacutee de celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Revue de droit sanitaire et social ndeg2 avril-juin 2002 pp 2007 - 228 74 J Gadrey preacutec p 30 75 Ibidum 76 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques thegravese de droit 1998 preacutec Lrsquoauteur envisage la mise en œuvre drsquoune affirmative action en faveur des associations reconnues drsquoutiliteacute sociale 77 Si lrsquoon prend lrsquoexemple des services agrave domicile aux personnes acircgeacutees en Suegravede on peut observer que ceux-ci sont majoritairement produits par des organisations publiques locales tandis qursquoaux Etats-Unis - ougrave le laquo non profit sector raquo se construit le plus souvent comme une puissance alternative priveacutee face agrave un Etat providence laquo diaboliseacute raquo (Salamon) ils sont majoritairement financeacutes par des fonds priveacutes (beacuteneacuteficiant drsquoavantages fiscaux) 78 Voir par exemple CE 24 octobre 1979 CAA Paris 1er deacutecembre 1989 CAA Nancy 19 novembre 1992 79 Instr Fisc BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 1998 Instr Fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 (synthegravese) 80 Reacutep min du 01 juillet 1999 JO Seacutenat p 2224 81 Voir par exemple Loi ndeg2002-2 du 2 janvier 2002 relative agrave lrsquoaction sociale et meacutedico-sociale Loi ndeg 97-940 du 16 octobre 1997 relative au deacuteveloppement dactiviteacutes pour lemploi des jeunes (JO du 17 Octobre) LOI ndeg 9 8-657 du 29 juillet 1998 drsquoorientation relative agrave la lutte contre les exclusions 8282 A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport final relatif agrave la lettre de mission de Madame la Ministre de lrsquoEmploi et de la Solidariteacute 2000 pour A Lipietz il srsquoagirait de deacutefinir les contours du tiers secteur par un laquo label drsquoutiliteacute sociale et solidaire fondeacutes sur deux types de critegraveres quant aux

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improbable une deacutefinition qui serait unanimement admise par les acteurs des OES Finalement il ne srsquoagirait rien moins que de reconnaicirctre les OES afin de soutenir lrsquoeffort particulier de ces entiteacutes juridiques dont les laquo speacutecificiteacutes meacuteritoires raquo83 rejaillissent sur lrsquoensemble de la collectiviteacute Mais limiter le concept au seul beacuteneacutefice des OES serait par trop reacuteducteur et la mesure de lrsquoutiliteacute sociale doit eacutegalement ecirctre envisageacutee en tant qursquooutil de reacutegulation des politiques publiques84

24 - Concernant les difficulteacutes lieacutees agrave la mise en œuvre drsquoune proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale

Sur ce point il importe de tenir compte des critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de la proposition de mise en place drsquoun systegraveme unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale des OES (tel qursquoimagineacute par le CNVA dans son rapport datant de 1995) A cette eacutepoque le CNVA contestait laquo lrsquoambiguiumlteacute de lrsquointerpreacutetation juridique et fiscale de lrsquoutiliteacute sociale en particulier en raison de confusions constateacutees entre le critegravere de non lucrativiteacute et les vrais critegraveres drsquoutiliteacute sociale La reacuteflexion associative commence alors agrave se preacuteciser sur les critegraveres de non lucrativiteacute drsquoun cocircteacute sur les critegraveres drsquoutiliteacute sociale de lrsquoautre avec une insistance sur la neacutecessiteacute de ne pas confondre ces deux dimensions Parallegravelement le CNVA conteste lrsquoideacutee alors assez preacutesente du cocircteacute de lrsquoadministration selon laquelle un critegravere essentiel de lrsquoutiliteacute sociale serait que les besoins auxquels reacutepond lrsquoactiviteacute ne sont pas normalement (ou pas suffisamment) pris en compte par le marcheacute Cette deacutefinition purement neacutegative signifierait en effet soit que lrsquoutiliteacute sociale drsquoune association disparaicirct si le marcheacute srsquoinstalle sur un champ de besoins deacutejagrave deacutefricheacutes par les œuvres soit que lrsquoassociation devient alors automatiquement lucrative raquo85 Depuis lors un tel risque nous semble ecirctre leveacute dans la mesure ougrave le laquo reacutefeacuterentiel raquo drsquoutiliteacute sociale doit deacutesormais tenir compte de la jurisprudence du Conseil drsquoEtat en matiegravere fiscale En effet lrsquoarrecirct rendu en date du 1er octobre 199986 est venu preacuteciser qursquoun organisme sans but lucratif ne concurrence une entreprise que si les services qursquoil rend sont laquo offerts en concurrence dans la mecircme zone geacuteographique drsquoattraction avec ceux proposeacutes au mecircme public par des entreprises commerciales exerccedilant une activiteacute identique raquo Il a eacuteteacute eacutegalement preacuteciseacute depuis que laquo le critegravere du public ne doit pas srsquoentendre uniquement des situations de deacutetresse physique ou morale raquo87 buts (ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie solidaire) et quant aux modes drsquoorganisation interne (notamment lucrativiteacute limiteacutee le caractegravere deacutemocratique et multipartenariale de sa direction) ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie sociale raquo J Gadrey parle plus volontiers drsquoutiliteacute sociale externe et drsquoutiliteacute sociale interne preacutec p 37 83 F Bloch-Laineacute Identifier les associations de service social RECMA 1994 ndeg251 p 61 84 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne ibidum selon L Fraisse laquo lrsquoapparition drsquoun deacutebat sur lrsquoutiliteacute sociale peut aussi srsquointerpreacuteter comme un nouveau critegravere de politique publique agrave mecircme de preacuteciser les contours et de renforcer lrsquoinstitutionnalisation des activiteacutes et lrsquoeacuteconomie solidaire raquo voir eacutegalement N Richez-Battesti Les collectiviteacutes territoriales face agrave lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale Juris Associations ndeg376 1er avril 2008 pp 17-19 85 J Gadrey preacutec p 31 86 CE 1er octobre 1999 Association Jeune France ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354 87 Instr fisc BOI 4 H-5-06 preacutec

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Par ailleurs le CNVA soulignait le caractegravere laquo eacutevolutif voire conjoncturel raquo du concept drsquoutiliteacute sociale dans la mise en œuvre drsquoune seacuterie de dix indicateurs (voir infra) Pour lrsquoessentiel G Goulard88 consideacuterait qursquoen lrsquoeacutetat actuel ce concept eacutetait laquo encore plus subjectif que les critegraveres jurisprudentiels en vigueur raquo et qursquoune telle situation laquo risqu[ait] drsquoecirctre interpreacuteteacutee dans un sens reacuteducteur deacutefavorable aux associations dont lrsquoutiliteacute nrsquoest pas sociale mais intellectuelle culturelle spirituelle politique historique eacuteconomique etc raquo Srsquoil est vrai qursquoen 1998 de tels arguments nrsquoeacutetaient pas neacutegligeables il apparaicirct que certains drsquoentre eux apparaissaient forts contestables En effet comme le souligne J Gadrey dans son rapport de 2004 laquo la subjectiviteacute de la notion drsquoutiliteacute sociale peut fort bien ecirctre compatible avec sa consolidation comme reacutefeacuterence en droit (la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral srsquoest bien imposeacutee en deacutepit drsquoun flou aussi consideacuterable) raquo En effet il convient drsquoobserver que drsquoautres notions fondamentales agrave lrsquoinstar du droit commercial sont fondeacutees sur lrsquoarbitraire comme a deacutejagrave pu le souligner le Professeur Y Guyon laquo le droit commercial nrsquoest pas une construction fondeacutee sur la raison mais une approche fondamentalement arbitraire raquo89 Ainsi poursuit J Gadrey laquo le fait que des associations qui ne font pas partie du champ de lrsquoaction sociale (au sens strict) auraient des difficulteacutes agrave faire connaicirctre leur utiliteacute sociale nrsquoa rien drsquoineacuteluctable et deacutepend de la faccedilon dont la convention drsquoutiliteacute sociale se construit sur un mode restrictif ou au contraire extensif raquo De fait il apparaicirct que le concept drsquoutiliteacute sociale deacutepend moins de notre capaciteacute agrave deacutefinir des critegraveres distinctifs que de celle favorisant lrsquoeacutemergence drsquoune convention sociopolitique (voir infra) portant sur lrsquoutiliteacute sociale (convention drsquoutiliteacute sociale) Une telle approche preacutesenterait en outre deux avantages principaux en premier lieu celui du maintien du caractegravere eacutevolutif de ce concept en second lieu celui de la reacuteciprociteacute entretenue entre les associations et les pouvoirs publics dans la construction et lrsquoacceptation du concept mecircme

88 Rapport Goulard mars 1998 89 Y Guyon Droit des affaires Economica 5egraveme eacuted 1988 agrave rapprocher de M Despax Lrsquoentreprise et le droit Bibl Dr Priv T1 Paris 1954 p34 selon lrsquoauteur laquo le droit commercial (hellip) est neacute de la pratique Ses normes sont la conseacutecration drsquousages peu agrave peu eacutetablis et non la construction de la raison de lagrave cette difficulteacute souvent eacuteprouveacutee pour les juristes agrave les expliquer raquo

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III - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE

SOCIALE (OU SOCIETALE) UNE DEMARCHE PARTAGEE

A ndash LA PROCEDURE DE RUS PRESENTE-T-ELLE ENCORE UN INTERET

Comme le suggegravere le rapport Morange90 la proposition formuleacutee par JP Decool en mai 200591 laquo meacuterite drsquoecirctre approfondie raquo En effet pour ce dernier il convient de mettre en place une proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute socieacutetale comme substitut agrave la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral jugeacutee laquo deacutesuegravete et vague raquo laquo il serait donc opportun afin de donner une nouvelle dimension au monde associatif (hellip) de redonner au citoyen toute sa place au sein de la socieacuteteacute Lui permettre de srsquoexprimer et de manifester son deacutesir de donner ou de partager des valeurs communes Ainsi peut-on envisager le rocircle de lrsquoassociation dans la socieacuteteacute raquo A ce stade il nous semble que la meacutethode preacuteconiseacutee par le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) depuis son rapport du 4 feacutevrier 198692 demeure toujours drsquoactualiteacute93 Ce dernier preacuteconisait lrsquointroduction drsquoun systegraveme de reconnaissance a priori qui permettrait aux associations reconnues drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) de lever laquo toute incertitude durant une peacuteriode deacutefinie tant que les conditions drsquoexercice de leur activiteacute au vu desquelles elles ont obtenu lrsquoagreacutement ne seraient pas modifieacutees raquo94 Selon le projet du CNVA cette reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) devait ecirctre accordeacutee non pas par le pouvoir exeacutecutif mais par une veacuteritable juridiction ou commission paritaire composeacutee de repreacutesentants des associations des administrations concerneacutees (Ministegravere de tutelle et Administration fiscale) et preacutesideacutee par un magistrat95 Celle-ci pourrait eacutegalement comprendre un certain nombre drsquoexperts qualifieacutes et issus de la socieacuteteacute civile ainsi qursquoun repreacutesentant des collectiviteacutes locales deacutecentraliseacutees96 90 Ibidum 91 JP Decool Des associations en geacuteneacuteral vers une eacutethique socieacutetale rapport au 1er ministre mai 2005 92 Voir eacutegalement les Rapports et Avis du 12 juin 1991 et 15 juin 1995 93 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit 1998 preacutec 94 CNVA Bilan de la vie associative en 1990-1991 La documentation franccedilaise Paris 1992 Rapport et avis adopteacutes en session pleacuteniegravere du CNVA le 15 juin 1995 sur laquo lrsquoutiliteacute sociale des associations et ses conseacutequences en matiegravere eacuteconomique fiscale et financiegravere raquo 95 On peut noter la proximiteacute de cette composition avec celle de la laquo Charity Commission raquo de Grande-Bretagne composeacutee de fonctionnaires dont deux doivent ecirctre des juges dont le rocircle drsquoinformation de conseil de controcircle srsquoexerce aupregraves des laquo Charities raquo auxquelles la Commission donne le label qui ouvre droit agrave des faciliteacutes fiscales et financiegraveres 96 Voir la composition du comiteacute strateacutegique des fonds de dotation creacuteeacute le 19 novembre 2008 preacutesideacute par JJ Hyest Preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat

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Les deacutecisions de cette instance pourraient faire lrsquoobjet drsquoun recours devant les juridictions compeacutetentes (ce qui aurait eu pour effet de laquo judiciariser raquo le concept drsquoutiliteacute sociale) La reconnaissance serait attribueacutee pour une dureacutee de cinq anneacutees agrave lrsquoissue drsquoun rapport drsquoaudit baseacute sur des critegraveres drsquoeacutevaluation (pour ce qui concerne lrsquoutiliteacute sociale externe) Les critegraveres drsquoeacutevaluation pourraient faire lrsquoobjet drsquoune deacutemarche partageacutee (voir infra) et contractualiseacutee avec les diffeacuterents acteurs agrave partir de critegraveres quantitatifs et qualitatifs neacutegocieacutes En effet le CNVA nrsquoa pas souhaiteacute mettre en place un systegraveme unique et isoleacute de reconnaissance drsquoune cateacutegorie particuliegravere drsquoassociations qui serait reconnue drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) agrave lrsquoinstar de ce qui a par exemple eacuteteacute conccedilu pour la reconnaissance drsquoutiliteacute publique Il preacuteconise plutocirct laquo le recours agrave de multiples dispositifs susceptibles drsquoaccorder aux associations (en tant qursquoopeacuterateurs) ou agrave leurs activiteacutes (en tant qursquoopeacuteration97) la reconnaissance et le soutien en fonction et dans le respect de la diversiteacute des speacutecificiteacutes associatives raquo Lrsquoensemble de ces speacutecificiteacutes doit pouvoir ecirctre appreacutehendeacute agrave travers un certain nombre drsquoindicateurs avec la mise en place de la technique du faisceau drsquoindices Les critegraveres deacutegageacutes98 formeraient ainsi une liste (non exhaustive) qui permettant de mieux cerner les contours de lrsquoutiliteacute sociale

- La primauteacute du projet finaliteacute de lrsquoaction associative99

- Le fonctionnement deacutemocratique - Lrsquoapport social de lrsquoassociation100 - La non-lucrativiteacute qui par essence marque la

diffeacuterence par rapport au secteur commercial - La gestion deacutesinteacuteresseacutee101 ce qui nrsquoexclut ni la

rigueur ni la transparence financiegravere - La capaciteacute agrave mobiliser la geacuteneacuterositeacute humaine

(beacuteneacutevolat) ou financiegravere (dons) - Le mixage des publics et lrsquoouverture

qui a pour mission de suivre lrsquoeacutevolution des fonds de dotation 1 repreacutesentant du MINEFI 3 magistrats 7 personnaliteacutes qualifieacutees A ce titre il pourra eacutelaborer des recommandations de bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion et faire toutes les propositions qui lui sembleront neacutecessaires pour favoriser le deacuteveloppement des fonds de dotation (Sources MINEFI 14 janvier 2009) 97 Cette solution preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre neutre sur le plan concurrentiel et vis-agrave-vis des autres opeacuterateurs eacuteconomiques 98 Le CNVA preacutecise dans son rapport du 15 juin 1995 preacutec que ces critegraveres sont laquo non exclusifs non cumulatifs et non exhaustifs les uns par rapport aux autres raquo 99 La FONDA dans un seacuteminaire en date du 17 octobre 1992 suggeacuterait et explicitait ces trois premiers critegraveres agrave partir desquels elle se fondait pour identifier les associations drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral 100 Ce critegravere ainsi que les critegraveres 6 7 et 8 relegravevent de la notion drsquoutiliteacute sociale externe qui selon nous devrait faire lrsquoobjet drsquoune contractualisation pluri annuelle dans le cadre drsquoune deacutemarche de construction et drsquoeacutevaluation partageacutee (voir infra) 101 Sur cette notion voir Instr fisc (Synthegravese) BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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- Les secteurs drsquointervention pas ou mal couverts par les autres agents eacuteconomiques ou par les collectiviteacutes publiques

- Lrsquoexistence de financements publics ou parapublics

- Lrsquoexistence drsquoun agreacutement ministeacuteriel (Ministegravere de rattachement) ou drsquoune habilitation102

La reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) pourrait ecirctre attribueacutee aux associations laquo dont les statuts le mode de fonctionnement et les modaliteacutes drsquoexercice de leur activiteacute caracteacuterisent suffisamment leur utiliteacute sociale aux yeux de cette juridiction Elle pourrait agrave lrsquoinverse ecirctre retireacutee par cette mecircme juridiction ou commission paritaire degraves lors que les conditions ayant preacutesideacute agrave son attribution ne seraient plus reacuteunies Lrsquoabsence de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre invoqueacutee pour creacuteer une preacutesomption de lucrativiteacute pour lrsquoassociation qui nrsquoen beacuteneacuteficierait pas raquo Agrave ce jour nombreux sont les acteurs srsquoeacutetant prononceacutes en faveur de lrsquoeacutelaboration drsquoune reconnaissance unique drsquoutiliteacute sociale (RUS) Nous avons vu preacuteceacutedemment que les derniers rapports ministeacuteriels et parlementaires se montrent favorables agrave la mise en œuvre drsquoune telle proceacutedure Pour MT Cheacuteroutre103 laquo lrsquoattribution drsquoune reconnaissance par les pouvoirs publics aux organismes susceptibles drsquoecirctre exoneacutereacutes apparaicirct eacuteminemment souhaitable Cette reconnaissance accordeacutee pour une dureacutee deacutetermineacutee apporterait agrave ces derniers une garantie drsquoexoneacuteration du moins aussi longtemps qursquoil ne serait pas prouveacute par lrsquoadministration qursquoils ne respectent plus les conditions pour lesquelles ils ont obtenu ladite reconnaissance raquo De son cocircteacute la FONDA104 a eacutegalement exprimeacute son souhait drsquoassurer laquo une meilleure seacutecuriteacute financiegravere aux associations relevant de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et srsquoest montreacutee laquo favorable agrave la creacuteation drsquoune RUS attribueacutee par une commission tripartite (Etat Magistrats Associations) raquo Agrave notre connaissance deux projets de loi105 ont eacuteteacute deacuteposeacutes en ce sens pour ecirctre rapidement abandonneacutes par la suite faute de reacuteelle volonteacute politique En effet comme le souligne le CNVA agrave propos de la mise en œuvre de la RUS

102 Notamment lorsque lrsquoobjet de lrsquoassociation consiste agrave reacutealiser des activiteacutes reacuteglementeacutees 103 MT Cheacuteroute Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 rapport au nom du conseil eacuteconomique et social ndeg4 JO du 1er avril 1993 104 La FONDA Pour une eacutethique des rapports entre pouvoirs publics et citoyens seacuteminaire Paris 17 octobre 1992 105 Projet de loi A Henry RTD com 192 447 en janvier 2002 ce projet avait lanceacute une vaste consultation autour du concept drsquoutiliteacute sociale dans le but de deacutelimiter les associations auxquelles seraient accordeacutees le label Proposition de loi ndeg2779 AN 1996 art 2 laquo Les associations peuvent ecirctre reconnues drsquoutiliteacute sociale agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode probatoire de fonctionnement drsquoune dureacutee au moins eacutegale agrave trois ans lorsqursquoelles satisfont cumulativement aux conditions suivantes avoir un objet social de caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique humanitaire sportif familial culturel ou drsquoaction sociale ou de mise en œuvre du patrimoine artistique ou de deacutefense de lrsquoenvironnement ou de diffusion de la culture ou de la langue franccedilaise Exercer conformeacutement agrave cet objet des activiteacutes ouvertes agrave des personnes qui lui sont exteacuterieures raquo

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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ou RIG instaureacutee par le leacutegislateur neacuteanmoins elle donne lieu agrave une appreacuteciation souveraine de lrsquoadministration fiscale dans le cadre de la proceacutedure de rescrit fiscal applicable depuis lrsquoinstruction fiscale preacuteciteacutee du 15 septembre 1998 En effet la reacuteponse du correspondant associations au questionnaire visant agrave deacuteterminer le reacutegime fiscal applicable au regard des impocircts vaut prise de position formelle de lrsquoadministration au sens de lrsquoarticle L 80 B du Livre des proceacutedures fiscales (opposabiliteacute) ‐ Telle que preacutevue par lrsquoinstruction fiscale du 18 deacutecembre 2006 preacuteciteacutee la notion (fiscale) drsquoutiliteacute sociale donne encore lieu agrave une appreacuteciation discreacutetionnaire et unilateacuterale de lrsquoadministration fiscale (sous reacuteserve du controcircle juridictionnel administratif)

bull Concernant lrsquoappreacuteciation discreacutetionnaire elle ressort drsquoune part de la dimension reacuteductrice des critegraveres retenus par lrsquoadministration fiscale48 et drsquoautre part de lrsquoabsence drsquoeacutevaluation49 objective crsquoest-agrave-dire reposant sur lrsquoexistence de reacutefeacuterentiels qualitatifs et quantitatifs admis et partageacutes par tous50

bull Concernant lrsquoappreacuteciation unilateacuterale elle est induite par le caractegravere non preacutepondeacuterant des agreacutements deacutelivreacutes par lrsquoEtat (Ministegravere de tutelle) ou toute autre Administration y compris lorsque ces proceacutedures drsquoagreacutement preacutevoient des critegraveres permettant la prise en compte de la nature du besoin agrave satisfaire et les conditions dans lesquelles il y est fait face51 Or comme le soulignait deacutejagrave en 1993 MT

48 Lrsquoanalyse de la deacutecision rendue par lrsquoarrecirct Jeune France du 1er octobre 1999 (CE 1101999 ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354) permet eacutegalement de souligner la dimension neacutegative donneacutee agrave ces critegraveres dans la mesure ougrave ils servent agrave appreacutecier la speacutecificiteacute des associations et autres organismes sans but lucratif essentiellement au regard de regravegles de la concurrence 49 F Rousseau Lrsquoeacutevaluation laquo regravegle du jeu raquo entre associations et pouvoirs publics Juris Associations 1er avril 2008 ndeg376 p 16 et 17 lrsquoauteur souligne qursquoil convient de retenir laquo la diffeacuterence essentielle entre drsquoune part lrsquoeacutevaluation des activiteacutes associatives selon une logique drsquoeacutevaluation des politiques et drsquoautre part la deacutemarche de coconstruction drsquoune meacutethodologie drsquoeacutevaluation qui associe[rait[ les acteurs locaux (eacutelus techniciens militants associatifs chercheurs etc raquo 50 A souligner les nombreux travaux sur ces questions (liste non exhaustive) laquo Economie sociale et solidaire en reacutegion raquo (programme de recherche coordonneacute par la DIES et la Mire entre 2001 et 2003) P VIVERET Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 J GADREY 2003 Lrsquoutiliteacute sociale et organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE version provisoire 133 pages Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREE du 11 janvier 2005 La reconfiguration de lrsquoaction publique entre lrsquoEtat associations et participation citoyenne X ENGELS (Dir) M HELY A PERRIN H TROUVE De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne LrsquoHarmattan 2006 Guide meacutethodologique Fonda Rhocircne-Alpes (reacutealiseacute avec le concours de la Reacutegion Rhocircne-Alpes) Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective 2006 H TROUVE Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale de son activiteacute 124 pages wwwaviseorg Seacuteminaire Avise Evaluer lrsquoutiliteacute sociale deacutemarche meacutethodologie expeacuteriences Paris 6 deacutecembre 2007 51 Ibidum

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Cheroutre52 lors de sa preacutesentation du rapport du Conseil Economique et social laquo lrsquooctroi drsquoun agreacutement ou drsquoune habilitation est la marque de reconnaissance par les pouvoirs publics de la fonction remplie par lrsquoassociation ce qui implique des controcircles et drsquoeacuteventuels retraits si le contrat nrsquoest pas rempli raquo53

‐ Dans ces conditions et compte tenu des arguments qui preacutecegravedent il y a lieu de srsquointerroger sur la neacutecessiteacute drsquoune simplification des proceacutedures de reconnaissance de la vie associative (II) De faccedilon plus cruciale encore des questions se posent quant agrave la capaciteacute des acteurs agrave laquo coconstruire raquo leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation dans le cadre drsquoune deacutemarche partageacutee A ce propos nous assistons drsquoailleurs agrave un deacuteplacement du deacutebat national vers un cadre de reacuteflexion engageacute par les instances communautaires en matiegravere de transposition de la directive laquo services raquo et de deacutefinition de service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) II ndash VERS UNE SIMPLIFICATION DES MODES DE RECONNAISSANCE

A - La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) une utiliteacute

Dans une eacutetude adopteacutee le 25 octobre 2000 par la section du rapport et des eacutetudes du Conseil drsquoEtat54 il est rappeleacute qursquo laquo il nrsquoest pas aujourdrsquohui drsquoavantage patrimonial ou fiscal qui soit reacuteserveacute aux seules associations reconnues drsquoutiliteacute publique Il nrsquoy aurait donc pas drsquointeacuterecirct pour une association agrave ecirctre reconnue raquo En effet la plupart des associations simplement deacuteclareacutees perccediloivent des dons manuels55 ou encore sont en capaciteacute de beacuteneacuteficier de ce type de ressources sans aucune limitation soit directement sous la forme de meacuteceacutenat56 (dons uniquement) soit indirectement par la creacuteation drsquoun fonds de dotation57 ou en srsquoaffiliant agrave une union ou un organisme drsquoutiliteacute publique (dons et legs)58 52 Ibidum 53 La loi de finances rectificative pour 2008 (Loi ndeg2008-1443 du 30 deacutecembre 2008) a pris plusieurs mesures en vue de renforcer la seacutecuriteacute juridique des contribuables Lrsquoarticle 50 de la loi de finances rectificative pour 2008 creacuteeacute ainsi un recours devant lrsquoadministration pour les deacutecisions formelles prises en vertu des articles L80 B 1deg agrave 6deg et 8deg et L80 C du Livre des proceacutedures fiscales (LPF) applicable aux demandes deacuteposeacutees agrave partir du 1er juillet 2009 54 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique La documentation franccedilaise 2000 p15 55 Cass com 5 octobre 2004 ndeg03-15709 Bull civ IV ndeg178 56 Loi Aillagon du 1er aoucirct 2003 57 C Amblard Fonds de dotation encore du nouveau sur le front du meacuteceacutenat preacutec 58 Loi 1er juillet 1901 art 6 al1

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Degraves lors crsquoest tout naturellement et sans ambiguiumlteacute que le Conseil drsquoEtat srsquoest poseacute la question suivante laquo faut-il supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo (pour une meilleure lisibiliteacute de lrsquoaction associative et une simplification des proceacutedures de reconnaissance) Une telle proposition nrsquoa toutefois pas eacuteteacute retenue par lrsquoeacutetude des statistiques du Ministegravere de lrsquoInteacuterieur laquo il semble qursquoen deacutepit de la faiblesse des avantages qursquoelles peuvent en retirer et des contraintes que cela engendre pour elles des associations continuent chaque anneacutee de solliciter la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo Quelles peuvent-elles ecirctre les motivations des associations qui souhaiteraient beacuteneacuteficier de cette forme de reconnaissance Dans son rapport public de 200059 le Conseil drsquoEtat souligne avant tout laquo la force symboliques que srsquoaccordent agrave y voir les repreacutesentants du monde associatif raquo En effet il ressort que ceux-ci sont avant tout laquo agrave la recherche drsquoun label raquo60 La RUP laquo fait en quelque sorte agrave leurs yeux figure de label officiel qui consacre la leacutegitimiteacute de lrsquoassociation qui en beacuteneacuteficie et qui sanctionne la qualiteacute des actions qursquoelle megravene raquo Ainsi laquo [il] est un signe pour leurs partenaires et une garantie pour eux raquo Cependant le Conseil drsquoEtat croit bon attirer notre attention sur le fait que laquo cette force symbolique de la RUP nrsquoest toutefois pas deacutenueacutee drsquoeffets pratiques puisqursquoil apparaicirct que de 1991 agrave 1996 les associations et les fondations drsquoutiliteacute publique ont reccedilu 84 des dons deacuteclareacutes par les contribuables Pour les associations qui font appel agrave la geacuteneacuterositeacute publique la RUP vaut garantie que les sommes collecteacutees ne feront pas en principe lrsquoobjet drsquoune utilisation abusive ou frauduleuse raquo Cette garantie existe-t-elle vraiment srsquoagissant des associations RUP Preacuteciseacutement pour le Conseil drsquoEtat laquo cela peut paraicirctre paradoxal de rechercher le controcircle de lrsquoEtat pour pouvoir ensuite souligner qursquoelles srsquoy sont soumises et offrent donc toutes les garanties de bon fonctionnement raquo drsquoautant plus que pour lui laquo le controcircle de lrsquoEtat (hellip) est insuffisant raquo Crsquoest ainsi que dans son dernier rapport sur les associations RUP datant de 200061 ce dernier preacuteconisait dans ses conclusions laquo drsquointroduire dans la loi du 1er juillet 1901 (ou agrave lrsquoarticle L612-4 du Code de commerce) lrsquoobligation pour toute association reconnue drsquoutiliteacute publique drsquoavoir recours agrave un commissaire aux comptes dans les conditions preacutevues aux articles L 225-218 et suivants du Code de commerce raquo

59 Conseil drsquoEtat Les associations et la loi de 1901 cent ans apregraves Rapport public 2000 La documentation franccedilaise Etudes et Documents ndeg51 p307 60 Conseil drsquoEtat Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec 61 Ibidum

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Or agrave ce jour force est de constater qursquoaucune reacuteforme nrsquoest intervenue en ce sens En effet il nrsquoexiste ni dans la loi du 1er juillet 1901 ni dans les statuts-types des associations RUP ni mecircme dans aucun dispositif leacutegislatif speacutecifique ndash en dehors du dispositif applicable en matiegravere drsquoappel agrave la geacuteneacuterositeacute publique62 - drsquoobligation imposant la preacutesence drsquoun commissaire aux comptes au sein des associations RUP Aussi et toujours pour le Conseil drsquoEtat laquo srsquoil nrsquoy a donc pas de motif deacuteterminant de supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique il convient de reacutefleacutechir aux ameacuteliorations pouvant ecirctre apporteacutees agrave son reacutegime drsquoutiliteacute publique et aux reacutegimes voisins raquo En tout eacutetat de cause la pertinence du maintien de la RUP se pose si lrsquoon en juge les reacutesultats de deux rapports ministeacuteriels reacutecents sur cette question en effet pour le rapport Morange63 laquo les avantages mateacuteriels de la RUP sont deacutesormais drsquoune porteacutee quasi theacuteorique raquo Quant agrave lrsquoavantage moral de la RUP pour le deacuteputeacute P Morange il demeure laquo important mais il ne justifie pas la lourdeur de la proceacutedure raquo Le rapport Langlais64 parle lui de laquo proceacutedure eacutelitiste raquo qui laquo nrsquoa pas su srsquoadapter aux eacutevolutions de la socieacuteteacute raquo Pourquoi degraves lors vouloir absolument maintenir un systegraveme de reconnaissance qui agrave notre avis pose deux probleacutematiques majeures

‐ La premiegravere probleacutematique porte sur la capaciteacute patrimoniale des associations qui preacuteciseacutement ne beacuteneacuteficient pas de cette forme de reconnaissance en effet est-il toujours leacutegitime que pregraves drsquoun million de structures associatives disposent par contrecoup drsquoune capaciteacute juridique reacuteduite Deacutejagrave en 1993 agrave propos de la capaciteacute patrimoniale des associations simplement deacuteclareacutees le Conseil Economique et social65 soulignait que laquo le contexte drsquoaujourdrsquohui eacutelargissant les missions de nombreuses associations met davantage lrsquoaccent sur les enjeux eacuteconomiques et sociaux qui leur demandent de mobiliser agrave la fois des moyens eacuteconomiques financiers et humains On peut donc agrave juste titre se demander si les carcans drsquoune autre eacutepoque ne pourraient ecirctre leveacutes raquo Les choses ont peu eacutevolueacute depuis au deacutetriment drsquoun secteur associatif dont lrsquoessentiel de ses forces vives consacre une bonne partie de leur temps et de leur eacutenergie agrave rechercher des

62 Loi ndeg91-772 du 7 aoucirct 1991 art 3 et encore il convient de noter que lrsquointervention du commissaire aux comptes ne srsquoimpose que pour les associations ayant nommeacute un commissaire aux comptes pour drsquoautres motifs Anteacuterieurement le compte emploi des ressources (CER) constituait un document autonome agrave deacuteposer au siegravege de lrsquoassociation et agrave tenir agrave disposition des adheacuterents En cas de controcircle par un commissaire aux comptes ce dernier eacutetait tenu drsquoeacutetablir une attestation Depuis le 1er janvier 2006 le CER est devenu un eacuteleacutement annexe aux comptes Lrsquoattestation du commissaire aux comptes nrsquoa donc plus lieu drsquoecirctre (cf Meacutemento pratique F Lefebvre Associations 2008-2009 ndeg71400 p976) 63 P Morange Rapport drsquoinformation sur la gouvernance et le financement des structures associatives ndeg134 assembleacutee nationale 1er octobre 2008 p41 et 42 64 JL Langlais Pour un partenariat renouveleacute entre lrsquoEtat et les associations rapport ministeacuteriel juin 2008 p 26 65 Ibidum p 82

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financements Sur ce point il convient de noter les propositions drsquoeacutevolutions importantes figurant dans le rapport Morange lequel suggegravere aux associations simplement deacuteclareacutees de beacuteneacuteficier de la capaciteacute juridique de recevoir des dons ‐ La seconde probleacutematique renvoit directement aux besoins exprimeacutes en matiegravere de simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif en effet le rapport Langlais66 souligne agrave juste titre que laquo la principale source de complexiteacute tient agrave lrsquoeacuteclatement des modes de reconnaissance du fait associatif par la puissance publique La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) existe toujours elle nrsquoa pas varieacute depuis un siegravecle (hellip) elle est de plus en plus concurrenceacutee par drsquoautres formes de reconnaissance et certains nrsquoheacutesitent pas agrave la consideacuterer comme deacutemodeacutee voire obsolegravete La reconnaissance drsquoutiliteacute publique est accordeacutee sans limitation de dureacutee et il existe probablement comme pour les associations deacuteclareacutees mais en beaucoup plus faible proportion des ARUP qui figurent toujours dans les chiffres officiels bien qursquoelles nrsquoaient plus drsquoexistence reacuteelle raquo De son cocircteacute le deacuteputeacute P Morange propose de deacutelivrer la RUP pour une dureacutee deacutesormais limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans

Il convient par conseacutequent drsquoenvisager une simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif drsquoautant plus que sont apparus agrave cocircteacute de la RUP de nombreuses autres formes de reconnaissance plus ou moins officielle tels que les agreacutements ou les labels priveacutes (Comiteacute de la Charte voire mecircme la proposition de labellisation AFNOR) Nous verrons infra que ce processus de simplification doit ecirctre lrsquooccasion drsquoun dialogue renouveleacute entre les acteurs du monde associatif et les pouvoirs publics en vue de la mise en œuvre drsquoune deacutemarche partageacutee

66 Ibidum

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B - LA SIMPLIFICATION DES PROCESSUS DE RECONNAISSANCE VERS UNE RECONNAISSANCE UNIQUE DrsquoUTILITE SOCIALE

1 ndash Les propositions reacutecemment formuleacutees par les rapports Langlais et Morange de 2008

Sur ce point les deux rapports srsquoaccordent pour distinguer trois types drsquoassociations

11 - Les associations deacuteclareacutees

Pour JL Langlais il srsquoagirait de reconnaicirctre la capaciteacute creacuteatrice de ces associations locales par lrsquooctroi de subventions symboliques et uniquement deacutelivreacutees par les collectiviteacutes territoriales correspondant agrave leur aire drsquoinfluence P Morange propose quant agrave lui drsquoouvrir la capaciteacute juridique de ces laquo petites raquo associations en leur permettant de percevoir des dons (autres que manuels) et de les soumettre aux controcircles drsquoun commissaire aux comptes et aux controcircles meneacutes par les services deacuteconcentreacutes degraves lors qursquoelles beacuteneacuteficieraient de subventions publiques

12 - Les associations reconnues drsquoutiliteacute sociale ou

drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

Pour JL Langlais ces associations pourraient beacuteneacuteficier drsquoune reconnaissance drsquointeacuterecirct laquo social ou geacuteneacuteral raquo

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce sont en gros les 4 conditions

requises pour lrsquoobtention de lrsquoagreacutement fiscal (cf supra) Drsquoailleurs il est proposeacute que cet agreacutement soit deacutecerneacute par lrsquoAdministration fiscale Une condition suppleacutementaire pourrait ecirctre poseacutee relative au beacuteneacutevolat sans neacutecessairement fixer de seuil a priori on devrait exiger que le beacuteneacutevolat soit nettement preacutepondeacuterant dans le fonctionnement de lrsquoassociation

Avantages consentis possibiliteacute de recevoir des subventions y

compris des subventions de fonctionnement capaciteacute agrave recevoir des dons (nrsquoexceacutedant pas un certain montant) agrave faire beacuteneacuteficier aux donateurs de lrsquoexoneacuteration fiscale au taux de droit commun

Obligations ecirctre agrave jour de leurs obligations deacuteclaratives

obligation de justifier lrsquoemploi des fonds reccedilus de deacuteposer leurs comptes en Preacutefecture de se soumettre aux controcircles aleacuteatoires ou programmeacutes de la puissance publique certification obligatoire des comptes au-delagrave de 153 000 euro de financement annuel

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Pour P Morange laquo cette cateacutegorie recouvre les associations subventionneacutees ou qui beacuteneacuteficient drsquoavantages fiscaux et oeuvrent au service de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo Selon lui laquo il serait envisageable comme en Grande Bretagne drsquoeacutetablir des listes de secteurs dans lesquels ces associations interviennent et de les soumettre agrave un certain nombre drsquoobligations en srsquoinspirant par exemple de la pratique fiscale (voir supra) Ainsi lrsquoassociation devrait poursuivre un but drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral ecirctre soumise agrave un controcircle financier et une eacutevaluation reacuteguliegravere au niveau deacutecentraliseacute raquo Enfin laquo lrsquoassociation devrait se doter drsquoun commissaire aux comptes raquo

13 Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique Pour JL Langlais seules les associations qui se consacrent exclusivement agrave des actions drsquoassistance ou de bienfaisance pourraient beacuteneacuteficier drsquoune RUP

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce seraient les mecircmes que pour la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral mais avec 3 nuances - toute lrsquoactiviteacute doit ecirctre tendue vers lrsquoobjet social - un degreacute plus eacuteleveacute de professionnalisation (et donc de salariat) serait acceptable - mais un moindre degreacute drsquoouverture exigeacute (une association pourrait ecirctre reconnue drsquoutiliteacute publique alors qursquoelle fonctionne au beacuteneacutefice drsquoun public fermeacute67)

Avantages les avantages seraient ceux du reacutegime actuel le

plus favorable dons et legs (reacutegime RUP) exoneacuteration au taux le plus favorable (laquo amendement Coluche raquo) subventions sur une base pluriannuelle

Obligations toutes les obligations du reacutegime preacuteceacutedant avec en plus lrsquoobligation de deacuteposer des comptes certifieacutes

JL Langlais poursuit en proposant que la reconnaissance drsquoutiliteacute publique soit laquo deacutecerneacutee pour une dureacutee limiteacutee soit par le ministegravere de lrsquointeacuterieur soit par le ministegravere en charge de la vie associative (et les preacutefets agrave lrsquoeacutechelon deacuteconcentreacute) soit encore par une agence nationale agrave creacuteer raquo Pour P Morange la RUP laquo serait deacutelivreacutee par le Conseil drsquoEtat comme crsquoest le cas actuellement et controcircleacutee par la Cour des comptes avec le concours de lrsquoIGAS et de lrsquoIGA pour une dureacutee limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans raquo A titre subsidiaire les auteurs proposent eacutegalement drsquoeacutetablir une laquo situation speacutecifique raquo pour les associations engageacutees dans la gestion drsquoune mission de service public tandis que P Morange envisage cette situation sous lrsquoangle de la seacutecurisation des rapports engageacutes par ces derniegraveres avec lrsquoadministration JL Langlais quant agrave lui considegravere dans une telle situation que laquo la forme juridique [drsquoassociation] nrsquoest alors qursquoune fiction raquo et que degraves lors laquo lrsquoEtat doit pouvoir les financer mais aussi les controcircler et les diriger comme il le

67 Lrsquoauteur propose de revenir sur la jurisprudence CE 7 feacutevr 2007 ndeg 287949 Steacute des anciens eacutelegraveves de lrsquoEacutecole Nationale Supeacuterieure drsquoArts et Meacutetiers et a

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ferait de ses propres services en attendant de trouver une structure juridique adeacutequate raquo Une mise en conformiteacute des proceacutedures drsquoagreacutement avec les nouvelles contraintes communautaires est eacutegalement envisageacutee

2 ndash Nos pistes de reacuteflexions

21 - Concernant le devenir de la proceacutedure RUP

Nous avons vu preacuteceacutedemment que cette proceacutedure deacutesormais consideacutereacutee comme eacutetant laquo obsolegravete raquo par la plupart des observateurs (voir supra) ne preacutesentait plus guegravere drsquointeacuterecirct sur un plan technique (voir supra) Degraves lors et en raison de la forte concentration de financements priveacutes (pregraves de 90 sous la forme de dons deacuteclareacutes par les contribuables ndash voir supra) sur un nombre extrecircmement limiteacute drsquoassociations et de fondations RUP de cette laquo proceacutedure eacutelitiste raquo la question de son devenir se pose de faccedilon cruciale En effet au 15 juillet 2000 le Conseil drsquoEtat deacutenombrait 1960 associations RUP laquo dont 200 nrsquoauraient selon lui aucune activiteacute sinon plus aucune existence raquo68 Force est de constater que presque 10 ans plus tard ce nombre nrsquoa quasiment pas augmenteacute puisque le dernier recensement effectueacute en deacutecembre 200869 par le Ministegravere de lrsquointeacuterieur fait eacutetat de 1966 associations RUP Lrsquourgence consiste donc bien agrave mettre un terme agrave cette situation laquo monopolistique raquo ougrave agrave tout le moins agrave instaurer des proceacutedures de controcircle agrave la fois plus preacutecises et plus contraignantes que celles existantes actuellement Sur ce point les propositions tendant agrave limiter la deacutelivrance de la RUP pour une dureacutee limiteacutee formuleacutees dans les rapports Langlais et Morange nous semblent parfaitement approprieacutees Ces propositions seront agrave rapprocher de celle proposeacutee par P Morange visant offrir agrave lrsquoensemble des associations la laquo grande capaciteacute juridique raquo particuliegraverement en matiegravere de dons

22 - Concernant la probleacutematique du rapprochement entre reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale)

Il ne srsquoagit pas de revenir sur les nombreux travaux drsquoores et deacutejagrave existants en matiegravere de rapprochement des concepts drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et drsquoutiliteacute sociale Parmi les plus importants lrsquoon peut citer ceux de J Gadrey en 200470 ceux reacutesultant de la journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF en 200571 ou encore la contribution commune de X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute publieacutee en 200672 A la lumiegravere de ces travaux il

68 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec p15 69 Site du ministegravere de lrsquointeacuterieur (publication du 08 avril 2008) httpwwwinterieurgouvfrsectionsa_la_unepublicationscultes-associations 70 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale des organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE feacutevrier 2004 71 Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Paris 11 janvier 2005 72 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Editions LrsquoHarmattan Paris 2006

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semble bien que lrsquoon assiste agrave laquo un basculement vers la notion plus large drsquoutiliteacute sociale notion qui par ailleurs entretient une filiation juridique avec le concept drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo73 Sur un plan juridique ces travaux montrent notamment qursquoil existe laquo un rapport assez eacutetroit agrave certains eacutegards entre la notion drsquoutiliteacute sociale et celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo si lrsquoon considegravere lrsquoanalyse de la jurisprudence des dix derniegraveres anneacutees74 Dans cette perspective la deacutemarche de rapprochement entre la proceacutedure RIG et RUS proposeacutee par les rapports de JL Langlais et P Morange trouverait une explication rationnelle

23 - Concernant lrsquoapproche du concept mecircme drsquoutiliteacute sociale

Comme le souligne J Gadrey75 laquo lrsquoutiliteacute sociale des organisations drsquoeacuteconomie sociale (OES) nrsquoa guegravere drsquoexistence en tant que probleacutematique geacuteneacuterale en dehors des deacutebats concernant le rocircle eacuteconomique et social actuel et futur de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Crsquoest une ideacutee qui a eacuteteacute forgeacutee pour deacutefendre lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire face agrave certaines menaces ou pour promouvoir le deacuteveloppement de regravegles favorables76 raquo Pour ce dernier en effet laquo il y a rien de naturel agrave soulever la question de lrsquoutiliteacute sociale des OES et qursquoil srsquoagit bien drsquoune convention socio-politique historiquement et geacuteographiquement contingente77 raquo Neacuteanmoins si le concept demeure aujourdrsquohui encore relativement flou paradoxalement il reccediloit dans notre droit interne une application de plus en plus freacutequente par les tribunaux78 et lrsquoAdministration fiscale79 De son cocircteacute et mecircme si pour lrsquoinstant le leacutegislateur srsquoest toujours refuseacute de srsquoorienter vers la voie drsquoune reconnaissance drsquoutiliteacute sociale80 celui-ci fait de plus reacutefeacuterence agrave ce concept81 drsquoougrave la neacutecessiteacute de privileacutegier une approche visant agrave circonscrire lrsquo laquo halo socieacutetal raquo82 des OES plutocirct que de chercher drsquoune maniegravere 73 A Euillet Lrsquoutiliteacute sociale une notion deacuteriveacutee de celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Revue de droit sanitaire et social ndeg2 avril-juin 2002 pp 2007 - 228 74 J Gadrey preacutec p 30 75 Ibidum 76 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques thegravese de droit 1998 preacutec Lrsquoauteur envisage la mise en œuvre drsquoune affirmative action en faveur des associations reconnues drsquoutiliteacute sociale 77 Si lrsquoon prend lrsquoexemple des services agrave domicile aux personnes acircgeacutees en Suegravede on peut observer que ceux-ci sont majoritairement produits par des organisations publiques locales tandis qursquoaux Etats-Unis - ougrave le laquo non profit sector raquo se construit le plus souvent comme une puissance alternative priveacutee face agrave un Etat providence laquo diaboliseacute raquo (Salamon) ils sont majoritairement financeacutes par des fonds priveacutes (beacuteneacuteficiant drsquoavantages fiscaux) 78 Voir par exemple CE 24 octobre 1979 CAA Paris 1er deacutecembre 1989 CAA Nancy 19 novembre 1992 79 Instr Fisc BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 1998 Instr Fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 (synthegravese) 80 Reacutep min du 01 juillet 1999 JO Seacutenat p 2224 81 Voir par exemple Loi ndeg2002-2 du 2 janvier 2002 relative agrave lrsquoaction sociale et meacutedico-sociale Loi ndeg 97-940 du 16 octobre 1997 relative au deacuteveloppement dactiviteacutes pour lemploi des jeunes (JO du 17 Octobre) LOI ndeg 9 8-657 du 29 juillet 1998 drsquoorientation relative agrave la lutte contre les exclusions 8282 A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport final relatif agrave la lettre de mission de Madame la Ministre de lrsquoEmploi et de la Solidariteacute 2000 pour A Lipietz il srsquoagirait de deacutefinir les contours du tiers secteur par un laquo label drsquoutiliteacute sociale et solidaire fondeacutes sur deux types de critegraveres quant aux

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improbable une deacutefinition qui serait unanimement admise par les acteurs des OES Finalement il ne srsquoagirait rien moins que de reconnaicirctre les OES afin de soutenir lrsquoeffort particulier de ces entiteacutes juridiques dont les laquo speacutecificiteacutes meacuteritoires raquo83 rejaillissent sur lrsquoensemble de la collectiviteacute Mais limiter le concept au seul beacuteneacutefice des OES serait par trop reacuteducteur et la mesure de lrsquoutiliteacute sociale doit eacutegalement ecirctre envisageacutee en tant qursquooutil de reacutegulation des politiques publiques84

24 - Concernant les difficulteacutes lieacutees agrave la mise en œuvre drsquoune proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale

Sur ce point il importe de tenir compte des critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de la proposition de mise en place drsquoun systegraveme unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale des OES (tel qursquoimagineacute par le CNVA dans son rapport datant de 1995) A cette eacutepoque le CNVA contestait laquo lrsquoambiguiumlteacute de lrsquointerpreacutetation juridique et fiscale de lrsquoutiliteacute sociale en particulier en raison de confusions constateacutees entre le critegravere de non lucrativiteacute et les vrais critegraveres drsquoutiliteacute sociale La reacuteflexion associative commence alors agrave se preacuteciser sur les critegraveres de non lucrativiteacute drsquoun cocircteacute sur les critegraveres drsquoutiliteacute sociale de lrsquoautre avec une insistance sur la neacutecessiteacute de ne pas confondre ces deux dimensions Parallegravelement le CNVA conteste lrsquoideacutee alors assez preacutesente du cocircteacute de lrsquoadministration selon laquelle un critegravere essentiel de lrsquoutiliteacute sociale serait que les besoins auxquels reacutepond lrsquoactiviteacute ne sont pas normalement (ou pas suffisamment) pris en compte par le marcheacute Cette deacutefinition purement neacutegative signifierait en effet soit que lrsquoutiliteacute sociale drsquoune association disparaicirct si le marcheacute srsquoinstalle sur un champ de besoins deacutejagrave deacutefricheacutes par les œuvres soit que lrsquoassociation devient alors automatiquement lucrative raquo85 Depuis lors un tel risque nous semble ecirctre leveacute dans la mesure ougrave le laquo reacutefeacuterentiel raquo drsquoutiliteacute sociale doit deacutesormais tenir compte de la jurisprudence du Conseil drsquoEtat en matiegravere fiscale En effet lrsquoarrecirct rendu en date du 1er octobre 199986 est venu preacuteciser qursquoun organisme sans but lucratif ne concurrence une entreprise que si les services qursquoil rend sont laquo offerts en concurrence dans la mecircme zone geacuteographique drsquoattraction avec ceux proposeacutes au mecircme public par des entreprises commerciales exerccedilant une activiteacute identique raquo Il a eacuteteacute eacutegalement preacuteciseacute depuis que laquo le critegravere du public ne doit pas srsquoentendre uniquement des situations de deacutetresse physique ou morale raquo87 buts (ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie solidaire) et quant aux modes drsquoorganisation interne (notamment lucrativiteacute limiteacutee le caractegravere deacutemocratique et multipartenariale de sa direction) ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie sociale raquo J Gadrey parle plus volontiers drsquoutiliteacute sociale externe et drsquoutiliteacute sociale interne preacutec p 37 83 F Bloch-Laineacute Identifier les associations de service social RECMA 1994 ndeg251 p 61 84 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne ibidum selon L Fraisse laquo lrsquoapparition drsquoun deacutebat sur lrsquoutiliteacute sociale peut aussi srsquointerpreacuteter comme un nouveau critegravere de politique publique agrave mecircme de preacuteciser les contours et de renforcer lrsquoinstitutionnalisation des activiteacutes et lrsquoeacuteconomie solidaire raquo voir eacutegalement N Richez-Battesti Les collectiviteacutes territoriales face agrave lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale Juris Associations ndeg376 1er avril 2008 pp 17-19 85 J Gadrey preacutec p 31 86 CE 1er octobre 1999 Association Jeune France ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354 87 Instr fisc BOI 4 H-5-06 preacutec

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Par ailleurs le CNVA soulignait le caractegravere laquo eacutevolutif voire conjoncturel raquo du concept drsquoutiliteacute sociale dans la mise en œuvre drsquoune seacuterie de dix indicateurs (voir infra) Pour lrsquoessentiel G Goulard88 consideacuterait qursquoen lrsquoeacutetat actuel ce concept eacutetait laquo encore plus subjectif que les critegraveres jurisprudentiels en vigueur raquo et qursquoune telle situation laquo risqu[ait] drsquoecirctre interpreacuteteacutee dans un sens reacuteducteur deacutefavorable aux associations dont lrsquoutiliteacute nrsquoest pas sociale mais intellectuelle culturelle spirituelle politique historique eacuteconomique etc raquo Srsquoil est vrai qursquoen 1998 de tels arguments nrsquoeacutetaient pas neacutegligeables il apparaicirct que certains drsquoentre eux apparaissaient forts contestables En effet comme le souligne J Gadrey dans son rapport de 2004 laquo la subjectiviteacute de la notion drsquoutiliteacute sociale peut fort bien ecirctre compatible avec sa consolidation comme reacutefeacuterence en droit (la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral srsquoest bien imposeacutee en deacutepit drsquoun flou aussi consideacuterable) raquo En effet il convient drsquoobserver que drsquoautres notions fondamentales agrave lrsquoinstar du droit commercial sont fondeacutees sur lrsquoarbitraire comme a deacutejagrave pu le souligner le Professeur Y Guyon laquo le droit commercial nrsquoest pas une construction fondeacutee sur la raison mais une approche fondamentalement arbitraire raquo89 Ainsi poursuit J Gadrey laquo le fait que des associations qui ne font pas partie du champ de lrsquoaction sociale (au sens strict) auraient des difficulteacutes agrave faire connaicirctre leur utiliteacute sociale nrsquoa rien drsquoineacuteluctable et deacutepend de la faccedilon dont la convention drsquoutiliteacute sociale se construit sur un mode restrictif ou au contraire extensif raquo De fait il apparaicirct que le concept drsquoutiliteacute sociale deacutepend moins de notre capaciteacute agrave deacutefinir des critegraveres distinctifs que de celle favorisant lrsquoeacutemergence drsquoune convention sociopolitique (voir infra) portant sur lrsquoutiliteacute sociale (convention drsquoutiliteacute sociale) Une telle approche preacutesenterait en outre deux avantages principaux en premier lieu celui du maintien du caractegravere eacutevolutif de ce concept en second lieu celui de la reacuteciprociteacute entretenue entre les associations et les pouvoirs publics dans la construction et lrsquoacceptation du concept mecircme

88 Rapport Goulard mars 1998 89 Y Guyon Droit des affaires Economica 5egraveme eacuted 1988 agrave rapprocher de M Despax Lrsquoentreprise et le droit Bibl Dr Priv T1 Paris 1954 p34 selon lrsquoauteur laquo le droit commercial (hellip) est neacute de la pratique Ses normes sont la conseacutecration drsquousages peu agrave peu eacutetablis et non la construction de la raison de lagrave cette difficulteacute souvent eacuteprouveacutee pour les juristes agrave les expliquer raquo

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III - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE

SOCIALE (OU SOCIETALE) UNE DEMARCHE PARTAGEE

A ndash LA PROCEDURE DE RUS PRESENTE-T-ELLE ENCORE UN INTERET

Comme le suggegravere le rapport Morange90 la proposition formuleacutee par JP Decool en mai 200591 laquo meacuterite drsquoecirctre approfondie raquo En effet pour ce dernier il convient de mettre en place une proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute socieacutetale comme substitut agrave la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral jugeacutee laquo deacutesuegravete et vague raquo laquo il serait donc opportun afin de donner une nouvelle dimension au monde associatif (hellip) de redonner au citoyen toute sa place au sein de la socieacuteteacute Lui permettre de srsquoexprimer et de manifester son deacutesir de donner ou de partager des valeurs communes Ainsi peut-on envisager le rocircle de lrsquoassociation dans la socieacuteteacute raquo A ce stade il nous semble que la meacutethode preacuteconiseacutee par le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) depuis son rapport du 4 feacutevrier 198692 demeure toujours drsquoactualiteacute93 Ce dernier preacuteconisait lrsquointroduction drsquoun systegraveme de reconnaissance a priori qui permettrait aux associations reconnues drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) de lever laquo toute incertitude durant une peacuteriode deacutefinie tant que les conditions drsquoexercice de leur activiteacute au vu desquelles elles ont obtenu lrsquoagreacutement ne seraient pas modifieacutees raquo94 Selon le projet du CNVA cette reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) devait ecirctre accordeacutee non pas par le pouvoir exeacutecutif mais par une veacuteritable juridiction ou commission paritaire composeacutee de repreacutesentants des associations des administrations concerneacutees (Ministegravere de tutelle et Administration fiscale) et preacutesideacutee par un magistrat95 Celle-ci pourrait eacutegalement comprendre un certain nombre drsquoexperts qualifieacutes et issus de la socieacuteteacute civile ainsi qursquoun repreacutesentant des collectiviteacutes locales deacutecentraliseacutees96 90 Ibidum 91 JP Decool Des associations en geacuteneacuteral vers une eacutethique socieacutetale rapport au 1er ministre mai 2005 92 Voir eacutegalement les Rapports et Avis du 12 juin 1991 et 15 juin 1995 93 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit 1998 preacutec 94 CNVA Bilan de la vie associative en 1990-1991 La documentation franccedilaise Paris 1992 Rapport et avis adopteacutes en session pleacuteniegravere du CNVA le 15 juin 1995 sur laquo lrsquoutiliteacute sociale des associations et ses conseacutequences en matiegravere eacuteconomique fiscale et financiegravere raquo 95 On peut noter la proximiteacute de cette composition avec celle de la laquo Charity Commission raquo de Grande-Bretagne composeacutee de fonctionnaires dont deux doivent ecirctre des juges dont le rocircle drsquoinformation de conseil de controcircle srsquoexerce aupregraves des laquo Charities raquo auxquelles la Commission donne le label qui ouvre droit agrave des faciliteacutes fiscales et financiegraveres 96 Voir la composition du comiteacute strateacutegique des fonds de dotation creacuteeacute le 19 novembre 2008 preacutesideacute par JJ Hyest Preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat

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Les deacutecisions de cette instance pourraient faire lrsquoobjet drsquoun recours devant les juridictions compeacutetentes (ce qui aurait eu pour effet de laquo judiciariser raquo le concept drsquoutiliteacute sociale) La reconnaissance serait attribueacutee pour une dureacutee de cinq anneacutees agrave lrsquoissue drsquoun rapport drsquoaudit baseacute sur des critegraveres drsquoeacutevaluation (pour ce qui concerne lrsquoutiliteacute sociale externe) Les critegraveres drsquoeacutevaluation pourraient faire lrsquoobjet drsquoune deacutemarche partageacutee (voir infra) et contractualiseacutee avec les diffeacuterents acteurs agrave partir de critegraveres quantitatifs et qualitatifs neacutegocieacutes En effet le CNVA nrsquoa pas souhaiteacute mettre en place un systegraveme unique et isoleacute de reconnaissance drsquoune cateacutegorie particuliegravere drsquoassociations qui serait reconnue drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) agrave lrsquoinstar de ce qui a par exemple eacuteteacute conccedilu pour la reconnaissance drsquoutiliteacute publique Il preacuteconise plutocirct laquo le recours agrave de multiples dispositifs susceptibles drsquoaccorder aux associations (en tant qursquoopeacuterateurs) ou agrave leurs activiteacutes (en tant qursquoopeacuteration97) la reconnaissance et le soutien en fonction et dans le respect de la diversiteacute des speacutecificiteacutes associatives raquo Lrsquoensemble de ces speacutecificiteacutes doit pouvoir ecirctre appreacutehendeacute agrave travers un certain nombre drsquoindicateurs avec la mise en place de la technique du faisceau drsquoindices Les critegraveres deacutegageacutes98 formeraient ainsi une liste (non exhaustive) qui permettant de mieux cerner les contours de lrsquoutiliteacute sociale

- La primauteacute du projet finaliteacute de lrsquoaction associative99

- Le fonctionnement deacutemocratique - Lrsquoapport social de lrsquoassociation100 - La non-lucrativiteacute qui par essence marque la

diffeacuterence par rapport au secteur commercial - La gestion deacutesinteacuteresseacutee101 ce qui nrsquoexclut ni la

rigueur ni la transparence financiegravere - La capaciteacute agrave mobiliser la geacuteneacuterositeacute humaine

(beacuteneacutevolat) ou financiegravere (dons) - Le mixage des publics et lrsquoouverture

qui a pour mission de suivre lrsquoeacutevolution des fonds de dotation 1 repreacutesentant du MINEFI 3 magistrats 7 personnaliteacutes qualifieacutees A ce titre il pourra eacutelaborer des recommandations de bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion et faire toutes les propositions qui lui sembleront neacutecessaires pour favoriser le deacuteveloppement des fonds de dotation (Sources MINEFI 14 janvier 2009) 97 Cette solution preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre neutre sur le plan concurrentiel et vis-agrave-vis des autres opeacuterateurs eacuteconomiques 98 Le CNVA preacutecise dans son rapport du 15 juin 1995 preacutec que ces critegraveres sont laquo non exclusifs non cumulatifs et non exhaustifs les uns par rapport aux autres raquo 99 La FONDA dans un seacuteminaire en date du 17 octobre 1992 suggeacuterait et explicitait ces trois premiers critegraveres agrave partir desquels elle se fondait pour identifier les associations drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral 100 Ce critegravere ainsi que les critegraveres 6 7 et 8 relegravevent de la notion drsquoutiliteacute sociale externe qui selon nous devrait faire lrsquoobjet drsquoune contractualisation pluri annuelle dans le cadre drsquoune deacutemarche de construction et drsquoeacutevaluation partageacutee (voir infra) 101 Sur cette notion voir Instr fisc (Synthegravese) BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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- Les secteurs drsquointervention pas ou mal couverts par les autres agents eacuteconomiques ou par les collectiviteacutes publiques

- Lrsquoexistence de financements publics ou parapublics

- Lrsquoexistence drsquoun agreacutement ministeacuteriel (Ministegravere de rattachement) ou drsquoune habilitation102

La reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) pourrait ecirctre attribueacutee aux associations laquo dont les statuts le mode de fonctionnement et les modaliteacutes drsquoexercice de leur activiteacute caracteacuterisent suffisamment leur utiliteacute sociale aux yeux de cette juridiction Elle pourrait agrave lrsquoinverse ecirctre retireacutee par cette mecircme juridiction ou commission paritaire degraves lors que les conditions ayant preacutesideacute agrave son attribution ne seraient plus reacuteunies Lrsquoabsence de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre invoqueacutee pour creacuteer une preacutesomption de lucrativiteacute pour lrsquoassociation qui nrsquoen beacuteneacuteficierait pas raquo Agrave ce jour nombreux sont les acteurs srsquoeacutetant prononceacutes en faveur de lrsquoeacutelaboration drsquoune reconnaissance unique drsquoutiliteacute sociale (RUS) Nous avons vu preacuteceacutedemment que les derniers rapports ministeacuteriels et parlementaires se montrent favorables agrave la mise en œuvre drsquoune telle proceacutedure Pour MT Cheacuteroutre103 laquo lrsquoattribution drsquoune reconnaissance par les pouvoirs publics aux organismes susceptibles drsquoecirctre exoneacutereacutes apparaicirct eacuteminemment souhaitable Cette reconnaissance accordeacutee pour une dureacutee deacutetermineacutee apporterait agrave ces derniers une garantie drsquoexoneacuteration du moins aussi longtemps qursquoil ne serait pas prouveacute par lrsquoadministration qursquoils ne respectent plus les conditions pour lesquelles ils ont obtenu ladite reconnaissance raquo De son cocircteacute la FONDA104 a eacutegalement exprimeacute son souhait drsquoassurer laquo une meilleure seacutecuriteacute financiegravere aux associations relevant de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et srsquoest montreacutee laquo favorable agrave la creacuteation drsquoune RUS attribueacutee par une commission tripartite (Etat Magistrats Associations) raquo Agrave notre connaissance deux projets de loi105 ont eacuteteacute deacuteposeacutes en ce sens pour ecirctre rapidement abandonneacutes par la suite faute de reacuteelle volonteacute politique En effet comme le souligne le CNVA agrave propos de la mise en œuvre de la RUS

102 Notamment lorsque lrsquoobjet de lrsquoassociation consiste agrave reacutealiser des activiteacutes reacuteglementeacutees 103 MT Cheacuteroute Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 rapport au nom du conseil eacuteconomique et social ndeg4 JO du 1er avril 1993 104 La FONDA Pour une eacutethique des rapports entre pouvoirs publics et citoyens seacuteminaire Paris 17 octobre 1992 105 Projet de loi A Henry RTD com 192 447 en janvier 2002 ce projet avait lanceacute une vaste consultation autour du concept drsquoutiliteacute sociale dans le but de deacutelimiter les associations auxquelles seraient accordeacutees le label Proposition de loi ndeg2779 AN 1996 art 2 laquo Les associations peuvent ecirctre reconnues drsquoutiliteacute sociale agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode probatoire de fonctionnement drsquoune dureacutee au moins eacutegale agrave trois ans lorsqursquoelles satisfont cumulativement aux conditions suivantes avoir un objet social de caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique humanitaire sportif familial culturel ou drsquoaction sociale ou de mise en œuvre du patrimoine artistique ou de deacutefense de lrsquoenvironnement ou de diffusion de la culture ou de la langue franccedilaise Exercer conformeacutement agrave cet objet des activiteacutes ouvertes agrave des personnes qui lui sont exteacuterieures raquo

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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Cheroutre52 lors de sa preacutesentation du rapport du Conseil Economique et social laquo lrsquooctroi drsquoun agreacutement ou drsquoune habilitation est la marque de reconnaissance par les pouvoirs publics de la fonction remplie par lrsquoassociation ce qui implique des controcircles et drsquoeacuteventuels retraits si le contrat nrsquoest pas rempli raquo53

‐ Dans ces conditions et compte tenu des arguments qui preacutecegravedent il y a lieu de srsquointerroger sur la neacutecessiteacute drsquoune simplification des proceacutedures de reconnaissance de la vie associative (II) De faccedilon plus cruciale encore des questions se posent quant agrave la capaciteacute des acteurs agrave laquo coconstruire raquo leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation dans le cadre drsquoune deacutemarche partageacutee A ce propos nous assistons drsquoailleurs agrave un deacuteplacement du deacutebat national vers un cadre de reacuteflexion engageacute par les instances communautaires en matiegravere de transposition de la directive laquo services raquo et de deacutefinition de service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) II ndash VERS UNE SIMPLIFICATION DES MODES DE RECONNAISSANCE

A - La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) une utiliteacute

Dans une eacutetude adopteacutee le 25 octobre 2000 par la section du rapport et des eacutetudes du Conseil drsquoEtat54 il est rappeleacute qursquo laquo il nrsquoest pas aujourdrsquohui drsquoavantage patrimonial ou fiscal qui soit reacuteserveacute aux seules associations reconnues drsquoutiliteacute publique Il nrsquoy aurait donc pas drsquointeacuterecirct pour une association agrave ecirctre reconnue raquo En effet la plupart des associations simplement deacuteclareacutees perccediloivent des dons manuels55 ou encore sont en capaciteacute de beacuteneacuteficier de ce type de ressources sans aucune limitation soit directement sous la forme de meacuteceacutenat56 (dons uniquement) soit indirectement par la creacuteation drsquoun fonds de dotation57 ou en srsquoaffiliant agrave une union ou un organisme drsquoutiliteacute publique (dons et legs)58 52 Ibidum 53 La loi de finances rectificative pour 2008 (Loi ndeg2008-1443 du 30 deacutecembre 2008) a pris plusieurs mesures en vue de renforcer la seacutecuriteacute juridique des contribuables Lrsquoarticle 50 de la loi de finances rectificative pour 2008 creacuteeacute ainsi un recours devant lrsquoadministration pour les deacutecisions formelles prises en vertu des articles L80 B 1deg agrave 6deg et 8deg et L80 C du Livre des proceacutedures fiscales (LPF) applicable aux demandes deacuteposeacutees agrave partir du 1er juillet 2009 54 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique La documentation franccedilaise 2000 p15 55 Cass com 5 octobre 2004 ndeg03-15709 Bull civ IV ndeg178 56 Loi Aillagon du 1er aoucirct 2003 57 C Amblard Fonds de dotation encore du nouveau sur le front du meacuteceacutenat preacutec 58 Loi 1er juillet 1901 art 6 al1

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Degraves lors crsquoest tout naturellement et sans ambiguiumlteacute que le Conseil drsquoEtat srsquoest poseacute la question suivante laquo faut-il supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo (pour une meilleure lisibiliteacute de lrsquoaction associative et une simplification des proceacutedures de reconnaissance) Une telle proposition nrsquoa toutefois pas eacuteteacute retenue par lrsquoeacutetude des statistiques du Ministegravere de lrsquoInteacuterieur laquo il semble qursquoen deacutepit de la faiblesse des avantages qursquoelles peuvent en retirer et des contraintes que cela engendre pour elles des associations continuent chaque anneacutee de solliciter la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo Quelles peuvent-elles ecirctre les motivations des associations qui souhaiteraient beacuteneacuteficier de cette forme de reconnaissance Dans son rapport public de 200059 le Conseil drsquoEtat souligne avant tout laquo la force symboliques que srsquoaccordent agrave y voir les repreacutesentants du monde associatif raquo En effet il ressort que ceux-ci sont avant tout laquo agrave la recherche drsquoun label raquo60 La RUP laquo fait en quelque sorte agrave leurs yeux figure de label officiel qui consacre la leacutegitimiteacute de lrsquoassociation qui en beacuteneacuteficie et qui sanctionne la qualiteacute des actions qursquoelle megravene raquo Ainsi laquo [il] est un signe pour leurs partenaires et une garantie pour eux raquo Cependant le Conseil drsquoEtat croit bon attirer notre attention sur le fait que laquo cette force symbolique de la RUP nrsquoest toutefois pas deacutenueacutee drsquoeffets pratiques puisqursquoil apparaicirct que de 1991 agrave 1996 les associations et les fondations drsquoutiliteacute publique ont reccedilu 84 des dons deacuteclareacutes par les contribuables Pour les associations qui font appel agrave la geacuteneacuterositeacute publique la RUP vaut garantie que les sommes collecteacutees ne feront pas en principe lrsquoobjet drsquoune utilisation abusive ou frauduleuse raquo Cette garantie existe-t-elle vraiment srsquoagissant des associations RUP Preacuteciseacutement pour le Conseil drsquoEtat laquo cela peut paraicirctre paradoxal de rechercher le controcircle de lrsquoEtat pour pouvoir ensuite souligner qursquoelles srsquoy sont soumises et offrent donc toutes les garanties de bon fonctionnement raquo drsquoautant plus que pour lui laquo le controcircle de lrsquoEtat (hellip) est insuffisant raquo Crsquoest ainsi que dans son dernier rapport sur les associations RUP datant de 200061 ce dernier preacuteconisait dans ses conclusions laquo drsquointroduire dans la loi du 1er juillet 1901 (ou agrave lrsquoarticle L612-4 du Code de commerce) lrsquoobligation pour toute association reconnue drsquoutiliteacute publique drsquoavoir recours agrave un commissaire aux comptes dans les conditions preacutevues aux articles L 225-218 et suivants du Code de commerce raquo

59 Conseil drsquoEtat Les associations et la loi de 1901 cent ans apregraves Rapport public 2000 La documentation franccedilaise Etudes et Documents ndeg51 p307 60 Conseil drsquoEtat Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec 61 Ibidum

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Or agrave ce jour force est de constater qursquoaucune reacuteforme nrsquoest intervenue en ce sens En effet il nrsquoexiste ni dans la loi du 1er juillet 1901 ni dans les statuts-types des associations RUP ni mecircme dans aucun dispositif leacutegislatif speacutecifique ndash en dehors du dispositif applicable en matiegravere drsquoappel agrave la geacuteneacuterositeacute publique62 - drsquoobligation imposant la preacutesence drsquoun commissaire aux comptes au sein des associations RUP Aussi et toujours pour le Conseil drsquoEtat laquo srsquoil nrsquoy a donc pas de motif deacuteterminant de supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique il convient de reacutefleacutechir aux ameacuteliorations pouvant ecirctre apporteacutees agrave son reacutegime drsquoutiliteacute publique et aux reacutegimes voisins raquo En tout eacutetat de cause la pertinence du maintien de la RUP se pose si lrsquoon en juge les reacutesultats de deux rapports ministeacuteriels reacutecents sur cette question en effet pour le rapport Morange63 laquo les avantages mateacuteriels de la RUP sont deacutesormais drsquoune porteacutee quasi theacuteorique raquo Quant agrave lrsquoavantage moral de la RUP pour le deacuteputeacute P Morange il demeure laquo important mais il ne justifie pas la lourdeur de la proceacutedure raquo Le rapport Langlais64 parle lui de laquo proceacutedure eacutelitiste raquo qui laquo nrsquoa pas su srsquoadapter aux eacutevolutions de la socieacuteteacute raquo Pourquoi degraves lors vouloir absolument maintenir un systegraveme de reconnaissance qui agrave notre avis pose deux probleacutematiques majeures

‐ La premiegravere probleacutematique porte sur la capaciteacute patrimoniale des associations qui preacuteciseacutement ne beacuteneacuteficient pas de cette forme de reconnaissance en effet est-il toujours leacutegitime que pregraves drsquoun million de structures associatives disposent par contrecoup drsquoune capaciteacute juridique reacuteduite Deacutejagrave en 1993 agrave propos de la capaciteacute patrimoniale des associations simplement deacuteclareacutees le Conseil Economique et social65 soulignait que laquo le contexte drsquoaujourdrsquohui eacutelargissant les missions de nombreuses associations met davantage lrsquoaccent sur les enjeux eacuteconomiques et sociaux qui leur demandent de mobiliser agrave la fois des moyens eacuteconomiques financiers et humains On peut donc agrave juste titre se demander si les carcans drsquoune autre eacutepoque ne pourraient ecirctre leveacutes raquo Les choses ont peu eacutevolueacute depuis au deacutetriment drsquoun secteur associatif dont lrsquoessentiel de ses forces vives consacre une bonne partie de leur temps et de leur eacutenergie agrave rechercher des

62 Loi ndeg91-772 du 7 aoucirct 1991 art 3 et encore il convient de noter que lrsquointervention du commissaire aux comptes ne srsquoimpose que pour les associations ayant nommeacute un commissaire aux comptes pour drsquoautres motifs Anteacuterieurement le compte emploi des ressources (CER) constituait un document autonome agrave deacuteposer au siegravege de lrsquoassociation et agrave tenir agrave disposition des adheacuterents En cas de controcircle par un commissaire aux comptes ce dernier eacutetait tenu drsquoeacutetablir une attestation Depuis le 1er janvier 2006 le CER est devenu un eacuteleacutement annexe aux comptes Lrsquoattestation du commissaire aux comptes nrsquoa donc plus lieu drsquoecirctre (cf Meacutemento pratique F Lefebvre Associations 2008-2009 ndeg71400 p976) 63 P Morange Rapport drsquoinformation sur la gouvernance et le financement des structures associatives ndeg134 assembleacutee nationale 1er octobre 2008 p41 et 42 64 JL Langlais Pour un partenariat renouveleacute entre lrsquoEtat et les associations rapport ministeacuteriel juin 2008 p 26 65 Ibidum p 82

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financements Sur ce point il convient de noter les propositions drsquoeacutevolutions importantes figurant dans le rapport Morange lequel suggegravere aux associations simplement deacuteclareacutees de beacuteneacuteficier de la capaciteacute juridique de recevoir des dons ‐ La seconde probleacutematique renvoit directement aux besoins exprimeacutes en matiegravere de simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif en effet le rapport Langlais66 souligne agrave juste titre que laquo la principale source de complexiteacute tient agrave lrsquoeacuteclatement des modes de reconnaissance du fait associatif par la puissance publique La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) existe toujours elle nrsquoa pas varieacute depuis un siegravecle (hellip) elle est de plus en plus concurrenceacutee par drsquoautres formes de reconnaissance et certains nrsquoheacutesitent pas agrave la consideacuterer comme deacutemodeacutee voire obsolegravete La reconnaissance drsquoutiliteacute publique est accordeacutee sans limitation de dureacutee et il existe probablement comme pour les associations deacuteclareacutees mais en beaucoup plus faible proportion des ARUP qui figurent toujours dans les chiffres officiels bien qursquoelles nrsquoaient plus drsquoexistence reacuteelle raquo De son cocircteacute le deacuteputeacute P Morange propose de deacutelivrer la RUP pour une dureacutee deacutesormais limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans

Il convient par conseacutequent drsquoenvisager une simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif drsquoautant plus que sont apparus agrave cocircteacute de la RUP de nombreuses autres formes de reconnaissance plus ou moins officielle tels que les agreacutements ou les labels priveacutes (Comiteacute de la Charte voire mecircme la proposition de labellisation AFNOR) Nous verrons infra que ce processus de simplification doit ecirctre lrsquooccasion drsquoun dialogue renouveleacute entre les acteurs du monde associatif et les pouvoirs publics en vue de la mise en œuvre drsquoune deacutemarche partageacutee

66 Ibidum

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B - LA SIMPLIFICATION DES PROCESSUS DE RECONNAISSANCE VERS UNE RECONNAISSANCE UNIQUE DrsquoUTILITE SOCIALE

1 ndash Les propositions reacutecemment formuleacutees par les rapports Langlais et Morange de 2008

Sur ce point les deux rapports srsquoaccordent pour distinguer trois types drsquoassociations

11 - Les associations deacuteclareacutees

Pour JL Langlais il srsquoagirait de reconnaicirctre la capaciteacute creacuteatrice de ces associations locales par lrsquooctroi de subventions symboliques et uniquement deacutelivreacutees par les collectiviteacutes territoriales correspondant agrave leur aire drsquoinfluence P Morange propose quant agrave lui drsquoouvrir la capaciteacute juridique de ces laquo petites raquo associations en leur permettant de percevoir des dons (autres que manuels) et de les soumettre aux controcircles drsquoun commissaire aux comptes et aux controcircles meneacutes par les services deacuteconcentreacutes degraves lors qursquoelles beacuteneacuteficieraient de subventions publiques

12 - Les associations reconnues drsquoutiliteacute sociale ou

drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

Pour JL Langlais ces associations pourraient beacuteneacuteficier drsquoune reconnaissance drsquointeacuterecirct laquo social ou geacuteneacuteral raquo

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce sont en gros les 4 conditions

requises pour lrsquoobtention de lrsquoagreacutement fiscal (cf supra) Drsquoailleurs il est proposeacute que cet agreacutement soit deacutecerneacute par lrsquoAdministration fiscale Une condition suppleacutementaire pourrait ecirctre poseacutee relative au beacuteneacutevolat sans neacutecessairement fixer de seuil a priori on devrait exiger que le beacuteneacutevolat soit nettement preacutepondeacuterant dans le fonctionnement de lrsquoassociation

Avantages consentis possibiliteacute de recevoir des subventions y

compris des subventions de fonctionnement capaciteacute agrave recevoir des dons (nrsquoexceacutedant pas un certain montant) agrave faire beacuteneacuteficier aux donateurs de lrsquoexoneacuteration fiscale au taux de droit commun

Obligations ecirctre agrave jour de leurs obligations deacuteclaratives

obligation de justifier lrsquoemploi des fonds reccedilus de deacuteposer leurs comptes en Preacutefecture de se soumettre aux controcircles aleacuteatoires ou programmeacutes de la puissance publique certification obligatoire des comptes au-delagrave de 153 000 euro de financement annuel

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Pour P Morange laquo cette cateacutegorie recouvre les associations subventionneacutees ou qui beacuteneacuteficient drsquoavantages fiscaux et oeuvrent au service de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo Selon lui laquo il serait envisageable comme en Grande Bretagne drsquoeacutetablir des listes de secteurs dans lesquels ces associations interviennent et de les soumettre agrave un certain nombre drsquoobligations en srsquoinspirant par exemple de la pratique fiscale (voir supra) Ainsi lrsquoassociation devrait poursuivre un but drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral ecirctre soumise agrave un controcircle financier et une eacutevaluation reacuteguliegravere au niveau deacutecentraliseacute raquo Enfin laquo lrsquoassociation devrait se doter drsquoun commissaire aux comptes raquo

13 Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique Pour JL Langlais seules les associations qui se consacrent exclusivement agrave des actions drsquoassistance ou de bienfaisance pourraient beacuteneacuteficier drsquoune RUP

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce seraient les mecircmes que pour la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral mais avec 3 nuances - toute lrsquoactiviteacute doit ecirctre tendue vers lrsquoobjet social - un degreacute plus eacuteleveacute de professionnalisation (et donc de salariat) serait acceptable - mais un moindre degreacute drsquoouverture exigeacute (une association pourrait ecirctre reconnue drsquoutiliteacute publique alors qursquoelle fonctionne au beacuteneacutefice drsquoun public fermeacute67)

Avantages les avantages seraient ceux du reacutegime actuel le

plus favorable dons et legs (reacutegime RUP) exoneacuteration au taux le plus favorable (laquo amendement Coluche raquo) subventions sur une base pluriannuelle

Obligations toutes les obligations du reacutegime preacuteceacutedant avec en plus lrsquoobligation de deacuteposer des comptes certifieacutes

JL Langlais poursuit en proposant que la reconnaissance drsquoutiliteacute publique soit laquo deacutecerneacutee pour une dureacutee limiteacutee soit par le ministegravere de lrsquointeacuterieur soit par le ministegravere en charge de la vie associative (et les preacutefets agrave lrsquoeacutechelon deacuteconcentreacute) soit encore par une agence nationale agrave creacuteer raquo Pour P Morange la RUP laquo serait deacutelivreacutee par le Conseil drsquoEtat comme crsquoest le cas actuellement et controcircleacutee par la Cour des comptes avec le concours de lrsquoIGAS et de lrsquoIGA pour une dureacutee limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans raquo A titre subsidiaire les auteurs proposent eacutegalement drsquoeacutetablir une laquo situation speacutecifique raquo pour les associations engageacutees dans la gestion drsquoune mission de service public tandis que P Morange envisage cette situation sous lrsquoangle de la seacutecurisation des rapports engageacutes par ces derniegraveres avec lrsquoadministration JL Langlais quant agrave lui considegravere dans une telle situation que laquo la forme juridique [drsquoassociation] nrsquoest alors qursquoune fiction raquo et que degraves lors laquo lrsquoEtat doit pouvoir les financer mais aussi les controcircler et les diriger comme il le

67 Lrsquoauteur propose de revenir sur la jurisprudence CE 7 feacutevr 2007 ndeg 287949 Steacute des anciens eacutelegraveves de lrsquoEacutecole Nationale Supeacuterieure drsquoArts et Meacutetiers et a

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ferait de ses propres services en attendant de trouver une structure juridique adeacutequate raquo Une mise en conformiteacute des proceacutedures drsquoagreacutement avec les nouvelles contraintes communautaires est eacutegalement envisageacutee

2 ndash Nos pistes de reacuteflexions

21 - Concernant le devenir de la proceacutedure RUP

Nous avons vu preacuteceacutedemment que cette proceacutedure deacutesormais consideacutereacutee comme eacutetant laquo obsolegravete raquo par la plupart des observateurs (voir supra) ne preacutesentait plus guegravere drsquointeacuterecirct sur un plan technique (voir supra) Degraves lors et en raison de la forte concentration de financements priveacutes (pregraves de 90 sous la forme de dons deacuteclareacutes par les contribuables ndash voir supra) sur un nombre extrecircmement limiteacute drsquoassociations et de fondations RUP de cette laquo proceacutedure eacutelitiste raquo la question de son devenir se pose de faccedilon cruciale En effet au 15 juillet 2000 le Conseil drsquoEtat deacutenombrait 1960 associations RUP laquo dont 200 nrsquoauraient selon lui aucune activiteacute sinon plus aucune existence raquo68 Force est de constater que presque 10 ans plus tard ce nombre nrsquoa quasiment pas augmenteacute puisque le dernier recensement effectueacute en deacutecembre 200869 par le Ministegravere de lrsquointeacuterieur fait eacutetat de 1966 associations RUP Lrsquourgence consiste donc bien agrave mettre un terme agrave cette situation laquo monopolistique raquo ougrave agrave tout le moins agrave instaurer des proceacutedures de controcircle agrave la fois plus preacutecises et plus contraignantes que celles existantes actuellement Sur ce point les propositions tendant agrave limiter la deacutelivrance de la RUP pour une dureacutee limiteacutee formuleacutees dans les rapports Langlais et Morange nous semblent parfaitement approprieacutees Ces propositions seront agrave rapprocher de celle proposeacutee par P Morange visant offrir agrave lrsquoensemble des associations la laquo grande capaciteacute juridique raquo particuliegraverement en matiegravere de dons

22 - Concernant la probleacutematique du rapprochement entre reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale)

Il ne srsquoagit pas de revenir sur les nombreux travaux drsquoores et deacutejagrave existants en matiegravere de rapprochement des concepts drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et drsquoutiliteacute sociale Parmi les plus importants lrsquoon peut citer ceux de J Gadrey en 200470 ceux reacutesultant de la journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF en 200571 ou encore la contribution commune de X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute publieacutee en 200672 A la lumiegravere de ces travaux il

68 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec p15 69 Site du ministegravere de lrsquointeacuterieur (publication du 08 avril 2008) httpwwwinterieurgouvfrsectionsa_la_unepublicationscultes-associations 70 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale des organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE feacutevrier 2004 71 Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Paris 11 janvier 2005 72 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Editions LrsquoHarmattan Paris 2006

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semble bien que lrsquoon assiste agrave laquo un basculement vers la notion plus large drsquoutiliteacute sociale notion qui par ailleurs entretient une filiation juridique avec le concept drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo73 Sur un plan juridique ces travaux montrent notamment qursquoil existe laquo un rapport assez eacutetroit agrave certains eacutegards entre la notion drsquoutiliteacute sociale et celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo si lrsquoon considegravere lrsquoanalyse de la jurisprudence des dix derniegraveres anneacutees74 Dans cette perspective la deacutemarche de rapprochement entre la proceacutedure RIG et RUS proposeacutee par les rapports de JL Langlais et P Morange trouverait une explication rationnelle

23 - Concernant lrsquoapproche du concept mecircme drsquoutiliteacute sociale

Comme le souligne J Gadrey75 laquo lrsquoutiliteacute sociale des organisations drsquoeacuteconomie sociale (OES) nrsquoa guegravere drsquoexistence en tant que probleacutematique geacuteneacuterale en dehors des deacutebats concernant le rocircle eacuteconomique et social actuel et futur de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Crsquoest une ideacutee qui a eacuteteacute forgeacutee pour deacutefendre lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire face agrave certaines menaces ou pour promouvoir le deacuteveloppement de regravegles favorables76 raquo Pour ce dernier en effet laquo il y a rien de naturel agrave soulever la question de lrsquoutiliteacute sociale des OES et qursquoil srsquoagit bien drsquoune convention socio-politique historiquement et geacuteographiquement contingente77 raquo Neacuteanmoins si le concept demeure aujourdrsquohui encore relativement flou paradoxalement il reccediloit dans notre droit interne une application de plus en plus freacutequente par les tribunaux78 et lrsquoAdministration fiscale79 De son cocircteacute et mecircme si pour lrsquoinstant le leacutegislateur srsquoest toujours refuseacute de srsquoorienter vers la voie drsquoune reconnaissance drsquoutiliteacute sociale80 celui-ci fait de plus reacutefeacuterence agrave ce concept81 drsquoougrave la neacutecessiteacute de privileacutegier une approche visant agrave circonscrire lrsquo laquo halo socieacutetal raquo82 des OES plutocirct que de chercher drsquoune maniegravere 73 A Euillet Lrsquoutiliteacute sociale une notion deacuteriveacutee de celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Revue de droit sanitaire et social ndeg2 avril-juin 2002 pp 2007 - 228 74 J Gadrey preacutec p 30 75 Ibidum 76 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques thegravese de droit 1998 preacutec Lrsquoauteur envisage la mise en œuvre drsquoune affirmative action en faveur des associations reconnues drsquoutiliteacute sociale 77 Si lrsquoon prend lrsquoexemple des services agrave domicile aux personnes acircgeacutees en Suegravede on peut observer que ceux-ci sont majoritairement produits par des organisations publiques locales tandis qursquoaux Etats-Unis - ougrave le laquo non profit sector raquo se construit le plus souvent comme une puissance alternative priveacutee face agrave un Etat providence laquo diaboliseacute raquo (Salamon) ils sont majoritairement financeacutes par des fonds priveacutes (beacuteneacuteficiant drsquoavantages fiscaux) 78 Voir par exemple CE 24 octobre 1979 CAA Paris 1er deacutecembre 1989 CAA Nancy 19 novembre 1992 79 Instr Fisc BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 1998 Instr Fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 (synthegravese) 80 Reacutep min du 01 juillet 1999 JO Seacutenat p 2224 81 Voir par exemple Loi ndeg2002-2 du 2 janvier 2002 relative agrave lrsquoaction sociale et meacutedico-sociale Loi ndeg 97-940 du 16 octobre 1997 relative au deacuteveloppement dactiviteacutes pour lemploi des jeunes (JO du 17 Octobre) LOI ndeg 9 8-657 du 29 juillet 1998 drsquoorientation relative agrave la lutte contre les exclusions 8282 A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport final relatif agrave la lettre de mission de Madame la Ministre de lrsquoEmploi et de la Solidariteacute 2000 pour A Lipietz il srsquoagirait de deacutefinir les contours du tiers secteur par un laquo label drsquoutiliteacute sociale et solidaire fondeacutes sur deux types de critegraveres quant aux

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improbable une deacutefinition qui serait unanimement admise par les acteurs des OES Finalement il ne srsquoagirait rien moins que de reconnaicirctre les OES afin de soutenir lrsquoeffort particulier de ces entiteacutes juridiques dont les laquo speacutecificiteacutes meacuteritoires raquo83 rejaillissent sur lrsquoensemble de la collectiviteacute Mais limiter le concept au seul beacuteneacutefice des OES serait par trop reacuteducteur et la mesure de lrsquoutiliteacute sociale doit eacutegalement ecirctre envisageacutee en tant qursquooutil de reacutegulation des politiques publiques84

24 - Concernant les difficulteacutes lieacutees agrave la mise en œuvre drsquoune proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale

Sur ce point il importe de tenir compte des critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de la proposition de mise en place drsquoun systegraveme unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale des OES (tel qursquoimagineacute par le CNVA dans son rapport datant de 1995) A cette eacutepoque le CNVA contestait laquo lrsquoambiguiumlteacute de lrsquointerpreacutetation juridique et fiscale de lrsquoutiliteacute sociale en particulier en raison de confusions constateacutees entre le critegravere de non lucrativiteacute et les vrais critegraveres drsquoutiliteacute sociale La reacuteflexion associative commence alors agrave se preacuteciser sur les critegraveres de non lucrativiteacute drsquoun cocircteacute sur les critegraveres drsquoutiliteacute sociale de lrsquoautre avec une insistance sur la neacutecessiteacute de ne pas confondre ces deux dimensions Parallegravelement le CNVA conteste lrsquoideacutee alors assez preacutesente du cocircteacute de lrsquoadministration selon laquelle un critegravere essentiel de lrsquoutiliteacute sociale serait que les besoins auxquels reacutepond lrsquoactiviteacute ne sont pas normalement (ou pas suffisamment) pris en compte par le marcheacute Cette deacutefinition purement neacutegative signifierait en effet soit que lrsquoutiliteacute sociale drsquoune association disparaicirct si le marcheacute srsquoinstalle sur un champ de besoins deacutejagrave deacutefricheacutes par les œuvres soit que lrsquoassociation devient alors automatiquement lucrative raquo85 Depuis lors un tel risque nous semble ecirctre leveacute dans la mesure ougrave le laquo reacutefeacuterentiel raquo drsquoutiliteacute sociale doit deacutesormais tenir compte de la jurisprudence du Conseil drsquoEtat en matiegravere fiscale En effet lrsquoarrecirct rendu en date du 1er octobre 199986 est venu preacuteciser qursquoun organisme sans but lucratif ne concurrence une entreprise que si les services qursquoil rend sont laquo offerts en concurrence dans la mecircme zone geacuteographique drsquoattraction avec ceux proposeacutes au mecircme public par des entreprises commerciales exerccedilant une activiteacute identique raquo Il a eacuteteacute eacutegalement preacuteciseacute depuis que laquo le critegravere du public ne doit pas srsquoentendre uniquement des situations de deacutetresse physique ou morale raquo87 buts (ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie solidaire) et quant aux modes drsquoorganisation interne (notamment lucrativiteacute limiteacutee le caractegravere deacutemocratique et multipartenariale de sa direction) ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie sociale raquo J Gadrey parle plus volontiers drsquoutiliteacute sociale externe et drsquoutiliteacute sociale interne preacutec p 37 83 F Bloch-Laineacute Identifier les associations de service social RECMA 1994 ndeg251 p 61 84 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne ibidum selon L Fraisse laquo lrsquoapparition drsquoun deacutebat sur lrsquoutiliteacute sociale peut aussi srsquointerpreacuteter comme un nouveau critegravere de politique publique agrave mecircme de preacuteciser les contours et de renforcer lrsquoinstitutionnalisation des activiteacutes et lrsquoeacuteconomie solidaire raquo voir eacutegalement N Richez-Battesti Les collectiviteacutes territoriales face agrave lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale Juris Associations ndeg376 1er avril 2008 pp 17-19 85 J Gadrey preacutec p 31 86 CE 1er octobre 1999 Association Jeune France ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354 87 Instr fisc BOI 4 H-5-06 preacutec

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Par ailleurs le CNVA soulignait le caractegravere laquo eacutevolutif voire conjoncturel raquo du concept drsquoutiliteacute sociale dans la mise en œuvre drsquoune seacuterie de dix indicateurs (voir infra) Pour lrsquoessentiel G Goulard88 consideacuterait qursquoen lrsquoeacutetat actuel ce concept eacutetait laquo encore plus subjectif que les critegraveres jurisprudentiels en vigueur raquo et qursquoune telle situation laquo risqu[ait] drsquoecirctre interpreacuteteacutee dans un sens reacuteducteur deacutefavorable aux associations dont lrsquoutiliteacute nrsquoest pas sociale mais intellectuelle culturelle spirituelle politique historique eacuteconomique etc raquo Srsquoil est vrai qursquoen 1998 de tels arguments nrsquoeacutetaient pas neacutegligeables il apparaicirct que certains drsquoentre eux apparaissaient forts contestables En effet comme le souligne J Gadrey dans son rapport de 2004 laquo la subjectiviteacute de la notion drsquoutiliteacute sociale peut fort bien ecirctre compatible avec sa consolidation comme reacutefeacuterence en droit (la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral srsquoest bien imposeacutee en deacutepit drsquoun flou aussi consideacuterable) raquo En effet il convient drsquoobserver que drsquoautres notions fondamentales agrave lrsquoinstar du droit commercial sont fondeacutees sur lrsquoarbitraire comme a deacutejagrave pu le souligner le Professeur Y Guyon laquo le droit commercial nrsquoest pas une construction fondeacutee sur la raison mais une approche fondamentalement arbitraire raquo89 Ainsi poursuit J Gadrey laquo le fait que des associations qui ne font pas partie du champ de lrsquoaction sociale (au sens strict) auraient des difficulteacutes agrave faire connaicirctre leur utiliteacute sociale nrsquoa rien drsquoineacuteluctable et deacutepend de la faccedilon dont la convention drsquoutiliteacute sociale se construit sur un mode restrictif ou au contraire extensif raquo De fait il apparaicirct que le concept drsquoutiliteacute sociale deacutepend moins de notre capaciteacute agrave deacutefinir des critegraveres distinctifs que de celle favorisant lrsquoeacutemergence drsquoune convention sociopolitique (voir infra) portant sur lrsquoutiliteacute sociale (convention drsquoutiliteacute sociale) Une telle approche preacutesenterait en outre deux avantages principaux en premier lieu celui du maintien du caractegravere eacutevolutif de ce concept en second lieu celui de la reacuteciprociteacute entretenue entre les associations et les pouvoirs publics dans la construction et lrsquoacceptation du concept mecircme

88 Rapport Goulard mars 1998 89 Y Guyon Droit des affaires Economica 5egraveme eacuted 1988 agrave rapprocher de M Despax Lrsquoentreprise et le droit Bibl Dr Priv T1 Paris 1954 p34 selon lrsquoauteur laquo le droit commercial (hellip) est neacute de la pratique Ses normes sont la conseacutecration drsquousages peu agrave peu eacutetablis et non la construction de la raison de lagrave cette difficulteacute souvent eacuteprouveacutee pour les juristes agrave les expliquer raquo

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III - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE

SOCIALE (OU SOCIETALE) UNE DEMARCHE PARTAGEE

A ndash LA PROCEDURE DE RUS PRESENTE-T-ELLE ENCORE UN INTERET

Comme le suggegravere le rapport Morange90 la proposition formuleacutee par JP Decool en mai 200591 laquo meacuterite drsquoecirctre approfondie raquo En effet pour ce dernier il convient de mettre en place une proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute socieacutetale comme substitut agrave la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral jugeacutee laquo deacutesuegravete et vague raquo laquo il serait donc opportun afin de donner une nouvelle dimension au monde associatif (hellip) de redonner au citoyen toute sa place au sein de la socieacuteteacute Lui permettre de srsquoexprimer et de manifester son deacutesir de donner ou de partager des valeurs communes Ainsi peut-on envisager le rocircle de lrsquoassociation dans la socieacuteteacute raquo A ce stade il nous semble que la meacutethode preacuteconiseacutee par le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) depuis son rapport du 4 feacutevrier 198692 demeure toujours drsquoactualiteacute93 Ce dernier preacuteconisait lrsquointroduction drsquoun systegraveme de reconnaissance a priori qui permettrait aux associations reconnues drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) de lever laquo toute incertitude durant une peacuteriode deacutefinie tant que les conditions drsquoexercice de leur activiteacute au vu desquelles elles ont obtenu lrsquoagreacutement ne seraient pas modifieacutees raquo94 Selon le projet du CNVA cette reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) devait ecirctre accordeacutee non pas par le pouvoir exeacutecutif mais par une veacuteritable juridiction ou commission paritaire composeacutee de repreacutesentants des associations des administrations concerneacutees (Ministegravere de tutelle et Administration fiscale) et preacutesideacutee par un magistrat95 Celle-ci pourrait eacutegalement comprendre un certain nombre drsquoexperts qualifieacutes et issus de la socieacuteteacute civile ainsi qursquoun repreacutesentant des collectiviteacutes locales deacutecentraliseacutees96 90 Ibidum 91 JP Decool Des associations en geacuteneacuteral vers une eacutethique socieacutetale rapport au 1er ministre mai 2005 92 Voir eacutegalement les Rapports et Avis du 12 juin 1991 et 15 juin 1995 93 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit 1998 preacutec 94 CNVA Bilan de la vie associative en 1990-1991 La documentation franccedilaise Paris 1992 Rapport et avis adopteacutes en session pleacuteniegravere du CNVA le 15 juin 1995 sur laquo lrsquoutiliteacute sociale des associations et ses conseacutequences en matiegravere eacuteconomique fiscale et financiegravere raquo 95 On peut noter la proximiteacute de cette composition avec celle de la laquo Charity Commission raquo de Grande-Bretagne composeacutee de fonctionnaires dont deux doivent ecirctre des juges dont le rocircle drsquoinformation de conseil de controcircle srsquoexerce aupregraves des laquo Charities raquo auxquelles la Commission donne le label qui ouvre droit agrave des faciliteacutes fiscales et financiegraveres 96 Voir la composition du comiteacute strateacutegique des fonds de dotation creacuteeacute le 19 novembre 2008 preacutesideacute par JJ Hyest Preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat

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Les deacutecisions de cette instance pourraient faire lrsquoobjet drsquoun recours devant les juridictions compeacutetentes (ce qui aurait eu pour effet de laquo judiciariser raquo le concept drsquoutiliteacute sociale) La reconnaissance serait attribueacutee pour une dureacutee de cinq anneacutees agrave lrsquoissue drsquoun rapport drsquoaudit baseacute sur des critegraveres drsquoeacutevaluation (pour ce qui concerne lrsquoutiliteacute sociale externe) Les critegraveres drsquoeacutevaluation pourraient faire lrsquoobjet drsquoune deacutemarche partageacutee (voir infra) et contractualiseacutee avec les diffeacuterents acteurs agrave partir de critegraveres quantitatifs et qualitatifs neacutegocieacutes En effet le CNVA nrsquoa pas souhaiteacute mettre en place un systegraveme unique et isoleacute de reconnaissance drsquoune cateacutegorie particuliegravere drsquoassociations qui serait reconnue drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) agrave lrsquoinstar de ce qui a par exemple eacuteteacute conccedilu pour la reconnaissance drsquoutiliteacute publique Il preacuteconise plutocirct laquo le recours agrave de multiples dispositifs susceptibles drsquoaccorder aux associations (en tant qursquoopeacuterateurs) ou agrave leurs activiteacutes (en tant qursquoopeacuteration97) la reconnaissance et le soutien en fonction et dans le respect de la diversiteacute des speacutecificiteacutes associatives raquo Lrsquoensemble de ces speacutecificiteacutes doit pouvoir ecirctre appreacutehendeacute agrave travers un certain nombre drsquoindicateurs avec la mise en place de la technique du faisceau drsquoindices Les critegraveres deacutegageacutes98 formeraient ainsi une liste (non exhaustive) qui permettant de mieux cerner les contours de lrsquoutiliteacute sociale

- La primauteacute du projet finaliteacute de lrsquoaction associative99

- Le fonctionnement deacutemocratique - Lrsquoapport social de lrsquoassociation100 - La non-lucrativiteacute qui par essence marque la

diffeacuterence par rapport au secteur commercial - La gestion deacutesinteacuteresseacutee101 ce qui nrsquoexclut ni la

rigueur ni la transparence financiegravere - La capaciteacute agrave mobiliser la geacuteneacuterositeacute humaine

(beacuteneacutevolat) ou financiegravere (dons) - Le mixage des publics et lrsquoouverture

qui a pour mission de suivre lrsquoeacutevolution des fonds de dotation 1 repreacutesentant du MINEFI 3 magistrats 7 personnaliteacutes qualifieacutees A ce titre il pourra eacutelaborer des recommandations de bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion et faire toutes les propositions qui lui sembleront neacutecessaires pour favoriser le deacuteveloppement des fonds de dotation (Sources MINEFI 14 janvier 2009) 97 Cette solution preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre neutre sur le plan concurrentiel et vis-agrave-vis des autres opeacuterateurs eacuteconomiques 98 Le CNVA preacutecise dans son rapport du 15 juin 1995 preacutec que ces critegraveres sont laquo non exclusifs non cumulatifs et non exhaustifs les uns par rapport aux autres raquo 99 La FONDA dans un seacuteminaire en date du 17 octobre 1992 suggeacuterait et explicitait ces trois premiers critegraveres agrave partir desquels elle se fondait pour identifier les associations drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral 100 Ce critegravere ainsi que les critegraveres 6 7 et 8 relegravevent de la notion drsquoutiliteacute sociale externe qui selon nous devrait faire lrsquoobjet drsquoune contractualisation pluri annuelle dans le cadre drsquoune deacutemarche de construction et drsquoeacutevaluation partageacutee (voir infra) 101 Sur cette notion voir Instr fisc (Synthegravese) BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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- Les secteurs drsquointervention pas ou mal couverts par les autres agents eacuteconomiques ou par les collectiviteacutes publiques

- Lrsquoexistence de financements publics ou parapublics

- Lrsquoexistence drsquoun agreacutement ministeacuteriel (Ministegravere de rattachement) ou drsquoune habilitation102

La reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) pourrait ecirctre attribueacutee aux associations laquo dont les statuts le mode de fonctionnement et les modaliteacutes drsquoexercice de leur activiteacute caracteacuterisent suffisamment leur utiliteacute sociale aux yeux de cette juridiction Elle pourrait agrave lrsquoinverse ecirctre retireacutee par cette mecircme juridiction ou commission paritaire degraves lors que les conditions ayant preacutesideacute agrave son attribution ne seraient plus reacuteunies Lrsquoabsence de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre invoqueacutee pour creacuteer une preacutesomption de lucrativiteacute pour lrsquoassociation qui nrsquoen beacuteneacuteficierait pas raquo Agrave ce jour nombreux sont les acteurs srsquoeacutetant prononceacutes en faveur de lrsquoeacutelaboration drsquoune reconnaissance unique drsquoutiliteacute sociale (RUS) Nous avons vu preacuteceacutedemment que les derniers rapports ministeacuteriels et parlementaires se montrent favorables agrave la mise en œuvre drsquoune telle proceacutedure Pour MT Cheacuteroutre103 laquo lrsquoattribution drsquoune reconnaissance par les pouvoirs publics aux organismes susceptibles drsquoecirctre exoneacutereacutes apparaicirct eacuteminemment souhaitable Cette reconnaissance accordeacutee pour une dureacutee deacutetermineacutee apporterait agrave ces derniers une garantie drsquoexoneacuteration du moins aussi longtemps qursquoil ne serait pas prouveacute par lrsquoadministration qursquoils ne respectent plus les conditions pour lesquelles ils ont obtenu ladite reconnaissance raquo De son cocircteacute la FONDA104 a eacutegalement exprimeacute son souhait drsquoassurer laquo une meilleure seacutecuriteacute financiegravere aux associations relevant de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et srsquoest montreacutee laquo favorable agrave la creacuteation drsquoune RUS attribueacutee par une commission tripartite (Etat Magistrats Associations) raquo Agrave notre connaissance deux projets de loi105 ont eacuteteacute deacuteposeacutes en ce sens pour ecirctre rapidement abandonneacutes par la suite faute de reacuteelle volonteacute politique En effet comme le souligne le CNVA agrave propos de la mise en œuvre de la RUS

102 Notamment lorsque lrsquoobjet de lrsquoassociation consiste agrave reacutealiser des activiteacutes reacuteglementeacutees 103 MT Cheacuteroute Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 rapport au nom du conseil eacuteconomique et social ndeg4 JO du 1er avril 1993 104 La FONDA Pour une eacutethique des rapports entre pouvoirs publics et citoyens seacuteminaire Paris 17 octobre 1992 105 Projet de loi A Henry RTD com 192 447 en janvier 2002 ce projet avait lanceacute une vaste consultation autour du concept drsquoutiliteacute sociale dans le but de deacutelimiter les associations auxquelles seraient accordeacutees le label Proposition de loi ndeg2779 AN 1996 art 2 laquo Les associations peuvent ecirctre reconnues drsquoutiliteacute sociale agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode probatoire de fonctionnement drsquoune dureacutee au moins eacutegale agrave trois ans lorsqursquoelles satisfont cumulativement aux conditions suivantes avoir un objet social de caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique humanitaire sportif familial culturel ou drsquoaction sociale ou de mise en œuvre du patrimoine artistique ou de deacutefense de lrsquoenvironnement ou de diffusion de la culture ou de la langue franccedilaise Exercer conformeacutement agrave cet objet des activiteacutes ouvertes agrave des personnes qui lui sont exteacuterieures raquo

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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Degraves lors crsquoest tout naturellement et sans ambiguiumlteacute que le Conseil drsquoEtat srsquoest poseacute la question suivante laquo faut-il supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo (pour une meilleure lisibiliteacute de lrsquoaction associative et une simplification des proceacutedures de reconnaissance) Une telle proposition nrsquoa toutefois pas eacuteteacute retenue par lrsquoeacutetude des statistiques du Ministegravere de lrsquoInteacuterieur laquo il semble qursquoen deacutepit de la faiblesse des avantages qursquoelles peuvent en retirer et des contraintes que cela engendre pour elles des associations continuent chaque anneacutee de solliciter la reconnaissance drsquoutiliteacute publique raquo Quelles peuvent-elles ecirctre les motivations des associations qui souhaiteraient beacuteneacuteficier de cette forme de reconnaissance Dans son rapport public de 200059 le Conseil drsquoEtat souligne avant tout laquo la force symboliques que srsquoaccordent agrave y voir les repreacutesentants du monde associatif raquo En effet il ressort que ceux-ci sont avant tout laquo agrave la recherche drsquoun label raquo60 La RUP laquo fait en quelque sorte agrave leurs yeux figure de label officiel qui consacre la leacutegitimiteacute de lrsquoassociation qui en beacuteneacuteficie et qui sanctionne la qualiteacute des actions qursquoelle megravene raquo Ainsi laquo [il] est un signe pour leurs partenaires et une garantie pour eux raquo Cependant le Conseil drsquoEtat croit bon attirer notre attention sur le fait que laquo cette force symbolique de la RUP nrsquoest toutefois pas deacutenueacutee drsquoeffets pratiques puisqursquoil apparaicirct que de 1991 agrave 1996 les associations et les fondations drsquoutiliteacute publique ont reccedilu 84 des dons deacuteclareacutes par les contribuables Pour les associations qui font appel agrave la geacuteneacuterositeacute publique la RUP vaut garantie que les sommes collecteacutees ne feront pas en principe lrsquoobjet drsquoune utilisation abusive ou frauduleuse raquo Cette garantie existe-t-elle vraiment srsquoagissant des associations RUP Preacuteciseacutement pour le Conseil drsquoEtat laquo cela peut paraicirctre paradoxal de rechercher le controcircle de lrsquoEtat pour pouvoir ensuite souligner qursquoelles srsquoy sont soumises et offrent donc toutes les garanties de bon fonctionnement raquo drsquoautant plus que pour lui laquo le controcircle de lrsquoEtat (hellip) est insuffisant raquo Crsquoest ainsi que dans son dernier rapport sur les associations RUP datant de 200061 ce dernier preacuteconisait dans ses conclusions laquo drsquointroduire dans la loi du 1er juillet 1901 (ou agrave lrsquoarticle L612-4 du Code de commerce) lrsquoobligation pour toute association reconnue drsquoutiliteacute publique drsquoavoir recours agrave un commissaire aux comptes dans les conditions preacutevues aux articles L 225-218 et suivants du Code de commerce raquo

59 Conseil drsquoEtat Les associations et la loi de 1901 cent ans apregraves Rapport public 2000 La documentation franccedilaise Etudes et Documents ndeg51 p307 60 Conseil drsquoEtat Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec 61 Ibidum

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Or agrave ce jour force est de constater qursquoaucune reacuteforme nrsquoest intervenue en ce sens En effet il nrsquoexiste ni dans la loi du 1er juillet 1901 ni dans les statuts-types des associations RUP ni mecircme dans aucun dispositif leacutegislatif speacutecifique ndash en dehors du dispositif applicable en matiegravere drsquoappel agrave la geacuteneacuterositeacute publique62 - drsquoobligation imposant la preacutesence drsquoun commissaire aux comptes au sein des associations RUP Aussi et toujours pour le Conseil drsquoEtat laquo srsquoil nrsquoy a donc pas de motif deacuteterminant de supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique il convient de reacutefleacutechir aux ameacuteliorations pouvant ecirctre apporteacutees agrave son reacutegime drsquoutiliteacute publique et aux reacutegimes voisins raquo En tout eacutetat de cause la pertinence du maintien de la RUP se pose si lrsquoon en juge les reacutesultats de deux rapports ministeacuteriels reacutecents sur cette question en effet pour le rapport Morange63 laquo les avantages mateacuteriels de la RUP sont deacutesormais drsquoune porteacutee quasi theacuteorique raquo Quant agrave lrsquoavantage moral de la RUP pour le deacuteputeacute P Morange il demeure laquo important mais il ne justifie pas la lourdeur de la proceacutedure raquo Le rapport Langlais64 parle lui de laquo proceacutedure eacutelitiste raquo qui laquo nrsquoa pas su srsquoadapter aux eacutevolutions de la socieacuteteacute raquo Pourquoi degraves lors vouloir absolument maintenir un systegraveme de reconnaissance qui agrave notre avis pose deux probleacutematiques majeures

‐ La premiegravere probleacutematique porte sur la capaciteacute patrimoniale des associations qui preacuteciseacutement ne beacuteneacuteficient pas de cette forme de reconnaissance en effet est-il toujours leacutegitime que pregraves drsquoun million de structures associatives disposent par contrecoup drsquoune capaciteacute juridique reacuteduite Deacutejagrave en 1993 agrave propos de la capaciteacute patrimoniale des associations simplement deacuteclareacutees le Conseil Economique et social65 soulignait que laquo le contexte drsquoaujourdrsquohui eacutelargissant les missions de nombreuses associations met davantage lrsquoaccent sur les enjeux eacuteconomiques et sociaux qui leur demandent de mobiliser agrave la fois des moyens eacuteconomiques financiers et humains On peut donc agrave juste titre se demander si les carcans drsquoune autre eacutepoque ne pourraient ecirctre leveacutes raquo Les choses ont peu eacutevolueacute depuis au deacutetriment drsquoun secteur associatif dont lrsquoessentiel de ses forces vives consacre une bonne partie de leur temps et de leur eacutenergie agrave rechercher des

62 Loi ndeg91-772 du 7 aoucirct 1991 art 3 et encore il convient de noter que lrsquointervention du commissaire aux comptes ne srsquoimpose que pour les associations ayant nommeacute un commissaire aux comptes pour drsquoautres motifs Anteacuterieurement le compte emploi des ressources (CER) constituait un document autonome agrave deacuteposer au siegravege de lrsquoassociation et agrave tenir agrave disposition des adheacuterents En cas de controcircle par un commissaire aux comptes ce dernier eacutetait tenu drsquoeacutetablir une attestation Depuis le 1er janvier 2006 le CER est devenu un eacuteleacutement annexe aux comptes Lrsquoattestation du commissaire aux comptes nrsquoa donc plus lieu drsquoecirctre (cf Meacutemento pratique F Lefebvre Associations 2008-2009 ndeg71400 p976) 63 P Morange Rapport drsquoinformation sur la gouvernance et le financement des structures associatives ndeg134 assembleacutee nationale 1er octobre 2008 p41 et 42 64 JL Langlais Pour un partenariat renouveleacute entre lrsquoEtat et les associations rapport ministeacuteriel juin 2008 p 26 65 Ibidum p 82

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financements Sur ce point il convient de noter les propositions drsquoeacutevolutions importantes figurant dans le rapport Morange lequel suggegravere aux associations simplement deacuteclareacutees de beacuteneacuteficier de la capaciteacute juridique de recevoir des dons ‐ La seconde probleacutematique renvoit directement aux besoins exprimeacutes en matiegravere de simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif en effet le rapport Langlais66 souligne agrave juste titre que laquo la principale source de complexiteacute tient agrave lrsquoeacuteclatement des modes de reconnaissance du fait associatif par la puissance publique La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) existe toujours elle nrsquoa pas varieacute depuis un siegravecle (hellip) elle est de plus en plus concurrenceacutee par drsquoautres formes de reconnaissance et certains nrsquoheacutesitent pas agrave la consideacuterer comme deacutemodeacutee voire obsolegravete La reconnaissance drsquoutiliteacute publique est accordeacutee sans limitation de dureacutee et il existe probablement comme pour les associations deacuteclareacutees mais en beaucoup plus faible proportion des ARUP qui figurent toujours dans les chiffres officiels bien qursquoelles nrsquoaient plus drsquoexistence reacuteelle raquo De son cocircteacute le deacuteputeacute P Morange propose de deacutelivrer la RUP pour une dureacutee deacutesormais limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans

Il convient par conseacutequent drsquoenvisager une simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif drsquoautant plus que sont apparus agrave cocircteacute de la RUP de nombreuses autres formes de reconnaissance plus ou moins officielle tels que les agreacutements ou les labels priveacutes (Comiteacute de la Charte voire mecircme la proposition de labellisation AFNOR) Nous verrons infra que ce processus de simplification doit ecirctre lrsquooccasion drsquoun dialogue renouveleacute entre les acteurs du monde associatif et les pouvoirs publics en vue de la mise en œuvre drsquoune deacutemarche partageacutee

66 Ibidum

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B - LA SIMPLIFICATION DES PROCESSUS DE RECONNAISSANCE VERS UNE RECONNAISSANCE UNIQUE DrsquoUTILITE SOCIALE

1 ndash Les propositions reacutecemment formuleacutees par les rapports Langlais et Morange de 2008

Sur ce point les deux rapports srsquoaccordent pour distinguer trois types drsquoassociations

11 - Les associations deacuteclareacutees

Pour JL Langlais il srsquoagirait de reconnaicirctre la capaciteacute creacuteatrice de ces associations locales par lrsquooctroi de subventions symboliques et uniquement deacutelivreacutees par les collectiviteacutes territoriales correspondant agrave leur aire drsquoinfluence P Morange propose quant agrave lui drsquoouvrir la capaciteacute juridique de ces laquo petites raquo associations en leur permettant de percevoir des dons (autres que manuels) et de les soumettre aux controcircles drsquoun commissaire aux comptes et aux controcircles meneacutes par les services deacuteconcentreacutes degraves lors qursquoelles beacuteneacuteficieraient de subventions publiques

12 - Les associations reconnues drsquoutiliteacute sociale ou

drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

Pour JL Langlais ces associations pourraient beacuteneacuteficier drsquoune reconnaissance drsquointeacuterecirct laquo social ou geacuteneacuteral raquo

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce sont en gros les 4 conditions

requises pour lrsquoobtention de lrsquoagreacutement fiscal (cf supra) Drsquoailleurs il est proposeacute que cet agreacutement soit deacutecerneacute par lrsquoAdministration fiscale Une condition suppleacutementaire pourrait ecirctre poseacutee relative au beacuteneacutevolat sans neacutecessairement fixer de seuil a priori on devrait exiger que le beacuteneacutevolat soit nettement preacutepondeacuterant dans le fonctionnement de lrsquoassociation

Avantages consentis possibiliteacute de recevoir des subventions y

compris des subventions de fonctionnement capaciteacute agrave recevoir des dons (nrsquoexceacutedant pas un certain montant) agrave faire beacuteneacuteficier aux donateurs de lrsquoexoneacuteration fiscale au taux de droit commun

Obligations ecirctre agrave jour de leurs obligations deacuteclaratives

obligation de justifier lrsquoemploi des fonds reccedilus de deacuteposer leurs comptes en Preacutefecture de se soumettre aux controcircles aleacuteatoires ou programmeacutes de la puissance publique certification obligatoire des comptes au-delagrave de 153 000 euro de financement annuel

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Pour P Morange laquo cette cateacutegorie recouvre les associations subventionneacutees ou qui beacuteneacuteficient drsquoavantages fiscaux et oeuvrent au service de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo Selon lui laquo il serait envisageable comme en Grande Bretagne drsquoeacutetablir des listes de secteurs dans lesquels ces associations interviennent et de les soumettre agrave un certain nombre drsquoobligations en srsquoinspirant par exemple de la pratique fiscale (voir supra) Ainsi lrsquoassociation devrait poursuivre un but drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral ecirctre soumise agrave un controcircle financier et une eacutevaluation reacuteguliegravere au niveau deacutecentraliseacute raquo Enfin laquo lrsquoassociation devrait se doter drsquoun commissaire aux comptes raquo

13 Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique Pour JL Langlais seules les associations qui se consacrent exclusivement agrave des actions drsquoassistance ou de bienfaisance pourraient beacuteneacuteficier drsquoune RUP

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce seraient les mecircmes que pour la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral mais avec 3 nuances - toute lrsquoactiviteacute doit ecirctre tendue vers lrsquoobjet social - un degreacute plus eacuteleveacute de professionnalisation (et donc de salariat) serait acceptable - mais un moindre degreacute drsquoouverture exigeacute (une association pourrait ecirctre reconnue drsquoutiliteacute publique alors qursquoelle fonctionne au beacuteneacutefice drsquoun public fermeacute67)

Avantages les avantages seraient ceux du reacutegime actuel le

plus favorable dons et legs (reacutegime RUP) exoneacuteration au taux le plus favorable (laquo amendement Coluche raquo) subventions sur une base pluriannuelle

Obligations toutes les obligations du reacutegime preacuteceacutedant avec en plus lrsquoobligation de deacuteposer des comptes certifieacutes

JL Langlais poursuit en proposant que la reconnaissance drsquoutiliteacute publique soit laquo deacutecerneacutee pour une dureacutee limiteacutee soit par le ministegravere de lrsquointeacuterieur soit par le ministegravere en charge de la vie associative (et les preacutefets agrave lrsquoeacutechelon deacuteconcentreacute) soit encore par une agence nationale agrave creacuteer raquo Pour P Morange la RUP laquo serait deacutelivreacutee par le Conseil drsquoEtat comme crsquoest le cas actuellement et controcircleacutee par la Cour des comptes avec le concours de lrsquoIGAS et de lrsquoIGA pour une dureacutee limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans raquo A titre subsidiaire les auteurs proposent eacutegalement drsquoeacutetablir une laquo situation speacutecifique raquo pour les associations engageacutees dans la gestion drsquoune mission de service public tandis que P Morange envisage cette situation sous lrsquoangle de la seacutecurisation des rapports engageacutes par ces derniegraveres avec lrsquoadministration JL Langlais quant agrave lui considegravere dans une telle situation que laquo la forme juridique [drsquoassociation] nrsquoest alors qursquoune fiction raquo et que degraves lors laquo lrsquoEtat doit pouvoir les financer mais aussi les controcircler et les diriger comme il le

67 Lrsquoauteur propose de revenir sur la jurisprudence CE 7 feacutevr 2007 ndeg 287949 Steacute des anciens eacutelegraveves de lrsquoEacutecole Nationale Supeacuterieure drsquoArts et Meacutetiers et a

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ferait de ses propres services en attendant de trouver une structure juridique adeacutequate raquo Une mise en conformiteacute des proceacutedures drsquoagreacutement avec les nouvelles contraintes communautaires est eacutegalement envisageacutee

2 ndash Nos pistes de reacuteflexions

21 - Concernant le devenir de la proceacutedure RUP

Nous avons vu preacuteceacutedemment que cette proceacutedure deacutesormais consideacutereacutee comme eacutetant laquo obsolegravete raquo par la plupart des observateurs (voir supra) ne preacutesentait plus guegravere drsquointeacuterecirct sur un plan technique (voir supra) Degraves lors et en raison de la forte concentration de financements priveacutes (pregraves de 90 sous la forme de dons deacuteclareacutes par les contribuables ndash voir supra) sur un nombre extrecircmement limiteacute drsquoassociations et de fondations RUP de cette laquo proceacutedure eacutelitiste raquo la question de son devenir se pose de faccedilon cruciale En effet au 15 juillet 2000 le Conseil drsquoEtat deacutenombrait 1960 associations RUP laquo dont 200 nrsquoauraient selon lui aucune activiteacute sinon plus aucune existence raquo68 Force est de constater que presque 10 ans plus tard ce nombre nrsquoa quasiment pas augmenteacute puisque le dernier recensement effectueacute en deacutecembre 200869 par le Ministegravere de lrsquointeacuterieur fait eacutetat de 1966 associations RUP Lrsquourgence consiste donc bien agrave mettre un terme agrave cette situation laquo monopolistique raquo ougrave agrave tout le moins agrave instaurer des proceacutedures de controcircle agrave la fois plus preacutecises et plus contraignantes que celles existantes actuellement Sur ce point les propositions tendant agrave limiter la deacutelivrance de la RUP pour une dureacutee limiteacutee formuleacutees dans les rapports Langlais et Morange nous semblent parfaitement approprieacutees Ces propositions seront agrave rapprocher de celle proposeacutee par P Morange visant offrir agrave lrsquoensemble des associations la laquo grande capaciteacute juridique raquo particuliegraverement en matiegravere de dons

22 - Concernant la probleacutematique du rapprochement entre reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale)

Il ne srsquoagit pas de revenir sur les nombreux travaux drsquoores et deacutejagrave existants en matiegravere de rapprochement des concepts drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et drsquoutiliteacute sociale Parmi les plus importants lrsquoon peut citer ceux de J Gadrey en 200470 ceux reacutesultant de la journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF en 200571 ou encore la contribution commune de X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute publieacutee en 200672 A la lumiegravere de ces travaux il

68 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec p15 69 Site du ministegravere de lrsquointeacuterieur (publication du 08 avril 2008) httpwwwinterieurgouvfrsectionsa_la_unepublicationscultes-associations 70 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale des organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE feacutevrier 2004 71 Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Paris 11 janvier 2005 72 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Editions LrsquoHarmattan Paris 2006

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semble bien que lrsquoon assiste agrave laquo un basculement vers la notion plus large drsquoutiliteacute sociale notion qui par ailleurs entretient une filiation juridique avec le concept drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo73 Sur un plan juridique ces travaux montrent notamment qursquoil existe laquo un rapport assez eacutetroit agrave certains eacutegards entre la notion drsquoutiliteacute sociale et celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo si lrsquoon considegravere lrsquoanalyse de la jurisprudence des dix derniegraveres anneacutees74 Dans cette perspective la deacutemarche de rapprochement entre la proceacutedure RIG et RUS proposeacutee par les rapports de JL Langlais et P Morange trouverait une explication rationnelle

23 - Concernant lrsquoapproche du concept mecircme drsquoutiliteacute sociale

Comme le souligne J Gadrey75 laquo lrsquoutiliteacute sociale des organisations drsquoeacuteconomie sociale (OES) nrsquoa guegravere drsquoexistence en tant que probleacutematique geacuteneacuterale en dehors des deacutebats concernant le rocircle eacuteconomique et social actuel et futur de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Crsquoest une ideacutee qui a eacuteteacute forgeacutee pour deacutefendre lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire face agrave certaines menaces ou pour promouvoir le deacuteveloppement de regravegles favorables76 raquo Pour ce dernier en effet laquo il y a rien de naturel agrave soulever la question de lrsquoutiliteacute sociale des OES et qursquoil srsquoagit bien drsquoune convention socio-politique historiquement et geacuteographiquement contingente77 raquo Neacuteanmoins si le concept demeure aujourdrsquohui encore relativement flou paradoxalement il reccediloit dans notre droit interne une application de plus en plus freacutequente par les tribunaux78 et lrsquoAdministration fiscale79 De son cocircteacute et mecircme si pour lrsquoinstant le leacutegislateur srsquoest toujours refuseacute de srsquoorienter vers la voie drsquoune reconnaissance drsquoutiliteacute sociale80 celui-ci fait de plus reacutefeacuterence agrave ce concept81 drsquoougrave la neacutecessiteacute de privileacutegier une approche visant agrave circonscrire lrsquo laquo halo socieacutetal raquo82 des OES plutocirct que de chercher drsquoune maniegravere 73 A Euillet Lrsquoutiliteacute sociale une notion deacuteriveacutee de celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Revue de droit sanitaire et social ndeg2 avril-juin 2002 pp 2007 - 228 74 J Gadrey preacutec p 30 75 Ibidum 76 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques thegravese de droit 1998 preacutec Lrsquoauteur envisage la mise en œuvre drsquoune affirmative action en faveur des associations reconnues drsquoutiliteacute sociale 77 Si lrsquoon prend lrsquoexemple des services agrave domicile aux personnes acircgeacutees en Suegravede on peut observer que ceux-ci sont majoritairement produits par des organisations publiques locales tandis qursquoaux Etats-Unis - ougrave le laquo non profit sector raquo se construit le plus souvent comme une puissance alternative priveacutee face agrave un Etat providence laquo diaboliseacute raquo (Salamon) ils sont majoritairement financeacutes par des fonds priveacutes (beacuteneacuteficiant drsquoavantages fiscaux) 78 Voir par exemple CE 24 octobre 1979 CAA Paris 1er deacutecembre 1989 CAA Nancy 19 novembre 1992 79 Instr Fisc BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 1998 Instr Fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 (synthegravese) 80 Reacutep min du 01 juillet 1999 JO Seacutenat p 2224 81 Voir par exemple Loi ndeg2002-2 du 2 janvier 2002 relative agrave lrsquoaction sociale et meacutedico-sociale Loi ndeg 97-940 du 16 octobre 1997 relative au deacuteveloppement dactiviteacutes pour lemploi des jeunes (JO du 17 Octobre) LOI ndeg 9 8-657 du 29 juillet 1998 drsquoorientation relative agrave la lutte contre les exclusions 8282 A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport final relatif agrave la lettre de mission de Madame la Ministre de lrsquoEmploi et de la Solidariteacute 2000 pour A Lipietz il srsquoagirait de deacutefinir les contours du tiers secteur par un laquo label drsquoutiliteacute sociale et solidaire fondeacutes sur deux types de critegraveres quant aux

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improbable une deacutefinition qui serait unanimement admise par les acteurs des OES Finalement il ne srsquoagirait rien moins que de reconnaicirctre les OES afin de soutenir lrsquoeffort particulier de ces entiteacutes juridiques dont les laquo speacutecificiteacutes meacuteritoires raquo83 rejaillissent sur lrsquoensemble de la collectiviteacute Mais limiter le concept au seul beacuteneacutefice des OES serait par trop reacuteducteur et la mesure de lrsquoutiliteacute sociale doit eacutegalement ecirctre envisageacutee en tant qursquooutil de reacutegulation des politiques publiques84

24 - Concernant les difficulteacutes lieacutees agrave la mise en œuvre drsquoune proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale

Sur ce point il importe de tenir compte des critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de la proposition de mise en place drsquoun systegraveme unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale des OES (tel qursquoimagineacute par le CNVA dans son rapport datant de 1995) A cette eacutepoque le CNVA contestait laquo lrsquoambiguiumlteacute de lrsquointerpreacutetation juridique et fiscale de lrsquoutiliteacute sociale en particulier en raison de confusions constateacutees entre le critegravere de non lucrativiteacute et les vrais critegraveres drsquoutiliteacute sociale La reacuteflexion associative commence alors agrave se preacuteciser sur les critegraveres de non lucrativiteacute drsquoun cocircteacute sur les critegraveres drsquoutiliteacute sociale de lrsquoautre avec une insistance sur la neacutecessiteacute de ne pas confondre ces deux dimensions Parallegravelement le CNVA conteste lrsquoideacutee alors assez preacutesente du cocircteacute de lrsquoadministration selon laquelle un critegravere essentiel de lrsquoutiliteacute sociale serait que les besoins auxquels reacutepond lrsquoactiviteacute ne sont pas normalement (ou pas suffisamment) pris en compte par le marcheacute Cette deacutefinition purement neacutegative signifierait en effet soit que lrsquoutiliteacute sociale drsquoune association disparaicirct si le marcheacute srsquoinstalle sur un champ de besoins deacutejagrave deacutefricheacutes par les œuvres soit que lrsquoassociation devient alors automatiquement lucrative raquo85 Depuis lors un tel risque nous semble ecirctre leveacute dans la mesure ougrave le laquo reacutefeacuterentiel raquo drsquoutiliteacute sociale doit deacutesormais tenir compte de la jurisprudence du Conseil drsquoEtat en matiegravere fiscale En effet lrsquoarrecirct rendu en date du 1er octobre 199986 est venu preacuteciser qursquoun organisme sans but lucratif ne concurrence une entreprise que si les services qursquoil rend sont laquo offerts en concurrence dans la mecircme zone geacuteographique drsquoattraction avec ceux proposeacutes au mecircme public par des entreprises commerciales exerccedilant une activiteacute identique raquo Il a eacuteteacute eacutegalement preacuteciseacute depuis que laquo le critegravere du public ne doit pas srsquoentendre uniquement des situations de deacutetresse physique ou morale raquo87 buts (ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie solidaire) et quant aux modes drsquoorganisation interne (notamment lucrativiteacute limiteacutee le caractegravere deacutemocratique et multipartenariale de sa direction) ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie sociale raquo J Gadrey parle plus volontiers drsquoutiliteacute sociale externe et drsquoutiliteacute sociale interne preacutec p 37 83 F Bloch-Laineacute Identifier les associations de service social RECMA 1994 ndeg251 p 61 84 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne ibidum selon L Fraisse laquo lrsquoapparition drsquoun deacutebat sur lrsquoutiliteacute sociale peut aussi srsquointerpreacuteter comme un nouveau critegravere de politique publique agrave mecircme de preacuteciser les contours et de renforcer lrsquoinstitutionnalisation des activiteacutes et lrsquoeacuteconomie solidaire raquo voir eacutegalement N Richez-Battesti Les collectiviteacutes territoriales face agrave lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale Juris Associations ndeg376 1er avril 2008 pp 17-19 85 J Gadrey preacutec p 31 86 CE 1er octobre 1999 Association Jeune France ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354 87 Instr fisc BOI 4 H-5-06 preacutec

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Par ailleurs le CNVA soulignait le caractegravere laquo eacutevolutif voire conjoncturel raquo du concept drsquoutiliteacute sociale dans la mise en œuvre drsquoune seacuterie de dix indicateurs (voir infra) Pour lrsquoessentiel G Goulard88 consideacuterait qursquoen lrsquoeacutetat actuel ce concept eacutetait laquo encore plus subjectif que les critegraveres jurisprudentiels en vigueur raquo et qursquoune telle situation laquo risqu[ait] drsquoecirctre interpreacuteteacutee dans un sens reacuteducteur deacutefavorable aux associations dont lrsquoutiliteacute nrsquoest pas sociale mais intellectuelle culturelle spirituelle politique historique eacuteconomique etc raquo Srsquoil est vrai qursquoen 1998 de tels arguments nrsquoeacutetaient pas neacutegligeables il apparaicirct que certains drsquoentre eux apparaissaient forts contestables En effet comme le souligne J Gadrey dans son rapport de 2004 laquo la subjectiviteacute de la notion drsquoutiliteacute sociale peut fort bien ecirctre compatible avec sa consolidation comme reacutefeacuterence en droit (la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral srsquoest bien imposeacutee en deacutepit drsquoun flou aussi consideacuterable) raquo En effet il convient drsquoobserver que drsquoautres notions fondamentales agrave lrsquoinstar du droit commercial sont fondeacutees sur lrsquoarbitraire comme a deacutejagrave pu le souligner le Professeur Y Guyon laquo le droit commercial nrsquoest pas une construction fondeacutee sur la raison mais une approche fondamentalement arbitraire raquo89 Ainsi poursuit J Gadrey laquo le fait que des associations qui ne font pas partie du champ de lrsquoaction sociale (au sens strict) auraient des difficulteacutes agrave faire connaicirctre leur utiliteacute sociale nrsquoa rien drsquoineacuteluctable et deacutepend de la faccedilon dont la convention drsquoutiliteacute sociale se construit sur un mode restrictif ou au contraire extensif raquo De fait il apparaicirct que le concept drsquoutiliteacute sociale deacutepend moins de notre capaciteacute agrave deacutefinir des critegraveres distinctifs que de celle favorisant lrsquoeacutemergence drsquoune convention sociopolitique (voir infra) portant sur lrsquoutiliteacute sociale (convention drsquoutiliteacute sociale) Une telle approche preacutesenterait en outre deux avantages principaux en premier lieu celui du maintien du caractegravere eacutevolutif de ce concept en second lieu celui de la reacuteciprociteacute entretenue entre les associations et les pouvoirs publics dans la construction et lrsquoacceptation du concept mecircme

88 Rapport Goulard mars 1998 89 Y Guyon Droit des affaires Economica 5egraveme eacuted 1988 agrave rapprocher de M Despax Lrsquoentreprise et le droit Bibl Dr Priv T1 Paris 1954 p34 selon lrsquoauteur laquo le droit commercial (hellip) est neacute de la pratique Ses normes sont la conseacutecration drsquousages peu agrave peu eacutetablis et non la construction de la raison de lagrave cette difficulteacute souvent eacuteprouveacutee pour les juristes agrave les expliquer raquo

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III - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE

SOCIALE (OU SOCIETALE) UNE DEMARCHE PARTAGEE

A ndash LA PROCEDURE DE RUS PRESENTE-T-ELLE ENCORE UN INTERET

Comme le suggegravere le rapport Morange90 la proposition formuleacutee par JP Decool en mai 200591 laquo meacuterite drsquoecirctre approfondie raquo En effet pour ce dernier il convient de mettre en place une proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute socieacutetale comme substitut agrave la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral jugeacutee laquo deacutesuegravete et vague raquo laquo il serait donc opportun afin de donner une nouvelle dimension au monde associatif (hellip) de redonner au citoyen toute sa place au sein de la socieacuteteacute Lui permettre de srsquoexprimer et de manifester son deacutesir de donner ou de partager des valeurs communes Ainsi peut-on envisager le rocircle de lrsquoassociation dans la socieacuteteacute raquo A ce stade il nous semble que la meacutethode preacuteconiseacutee par le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) depuis son rapport du 4 feacutevrier 198692 demeure toujours drsquoactualiteacute93 Ce dernier preacuteconisait lrsquointroduction drsquoun systegraveme de reconnaissance a priori qui permettrait aux associations reconnues drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) de lever laquo toute incertitude durant une peacuteriode deacutefinie tant que les conditions drsquoexercice de leur activiteacute au vu desquelles elles ont obtenu lrsquoagreacutement ne seraient pas modifieacutees raquo94 Selon le projet du CNVA cette reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) devait ecirctre accordeacutee non pas par le pouvoir exeacutecutif mais par une veacuteritable juridiction ou commission paritaire composeacutee de repreacutesentants des associations des administrations concerneacutees (Ministegravere de tutelle et Administration fiscale) et preacutesideacutee par un magistrat95 Celle-ci pourrait eacutegalement comprendre un certain nombre drsquoexperts qualifieacutes et issus de la socieacuteteacute civile ainsi qursquoun repreacutesentant des collectiviteacutes locales deacutecentraliseacutees96 90 Ibidum 91 JP Decool Des associations en geacuteneacuteral vers une eacutethique socieacutetale rapport au 1er ministre mai 2005 92 Voir eacutegalement les Rapports et Avis du 12 juin 1991 et 15 juin 1995 93 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit 1998 preacutec 94 CNVA Bilan de la vie associative en 1990-1991 La documentation franccedilaise Paris 1992 Rapport et avis adopteacutes en session pleacuteniegravere du CNVA le 15 juin 1995 sur laquo lrsquoutiliteacute sociale des associations et ses conseacutequences en matiegravere eacuteconomique fiscale et financiegravere raquo 95 On peut noter la proximiteacute de cette composition avec celle de la laquo Charity Commission raquo de Grande-Bretagne composeacutee de fonctionnaires dont deux doivent ecirctre des juges dont le rocircle drsquoinformation de conseil de controcircle srsquoexerce aupregraves des laquo Charities raquo auxquelles la Commission donne le label qui ouvre droit agrave des faciliteacutes fiscales et financiegraveres 96 Voir la composition du comiteacute strateacutegique des fonds de dotation creacuteeacute le 19 novembre 2008 preacutesideacute par JJ Hyest Preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat

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Les deacutecisions de cette instance pourraient faire lrsquoobjet drsquoun recours devant les juridictions compeacutetentes (ce qui aurait eu pour effet de laquo judiciariser raquo le concept drsquoutiliteacute sociale) La reconnaissance serait attribueacutee pour une dureacutee de cinq anneacutees agrave lrsquoissue drsquoun rapport drsquoaudit baseacute sur des critegraveres drsquoeacutevaluation (pour ce qui concerne lrsquoutiliteacute sociale externe) Les critegraveres drsquoeacutevaluation pourraient faire lrsquoobjet drsquoune deacutemarche partageacutee (voir infra) et contractualiseacutee avec les diffeacuterents acteurs agrave partir de critegraveres quantitatifs et qualitatifs neacutegocieacutes En effet le CNVA nrsquoa pas souhaiteacute mettre en place un systegraveme unique et isoleacute de reconnaissance drsquoune cateacutegorie particuliegravere drsquoassociations qui serait reconnue drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) agrave lrsquoinstar de ce qui a par exemple eacuteteacute conccedilu pour la reconnaissance drsquoutiliteacute publique Il preacuteconise plutocirct laquo le recours agrave de multiples dispositifs susceptibles drsquoaccorder aux associations (en tant qursquoopeacuterateurs) ou agrave leurs activiteacutes (en tant qursquoopeacuteration97) la reconnaissance et le soutien en fonction et dans le respect de la diversiteacute des speacutecificiteacutes associatives raquo Lrsquoensemble de ces speacutecificiteacutes doit pouvoir ecirctre appreacutehendeacute agrave travers un certain nombre drsquoindicateurs avec la mise en place de la technique du faisceau drsquoindices Les critegraveres deacutegageacutes98 formeraient ainsi une liste (non exhaustive) qui permettant de mieux cerner les contours de lrsquoutiliteacute sociale

- La primauteacute du projet finaliteacute de lrsquoaction associative99

- Le fonctionnement deacutemocratique - Lrsquoapport social de lrsquoassociation100 - La non-lucrativiteacute qui par essence marque la

diffeacuterence par rapport au secteur commercial - La gestion deacutesinteacuteresseacutee101 ce qui nrsquoexclut ni la

rigueur ni la transparence financiegravere - La capaciteacute agrave mobiliser la geacuteneacuterositeacute humaine

(beacuteneacutevolat) ou financiegravere (dons) - Le mixage des publics et lrsquoouverture

qui a pour mission de suivre lrsquoeacutevolution des fonds de dotation 1 repreacutesentant du MINEFI 3 magistrats 7 personnaliteacutes qualifieacutees A ce titre il pourra eacutelaborer des recommandations de bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion et faire toutes les propositions qui lui sembleront neacutecessaires pour favoriser le deacuteveloppement des fonds de dotation (Sources MINEFI 14 janvier 2009) 97 Cette solution preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre neutre sur le plan concurrentiel et vis-agrave-vis des autres opeacuterateurs eacuteconomiques 98 Le CNVA preacutecise dans son rapport du 15 juin 1995 preacutec que ces critegraveres sont laquo non exclusifs non cumulatifs et non exhaustifs les uns par rapport aux autres raquo 99 La FONDA dans un seacuteminaire en date du 17 octobre 1992 suggeacuterait et explicitait ces trois premiers critegraveres agrave partir desquels elle se fondait pour identifier les associations drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral 100 Ce critegravere ainsi que les critegraveres 6 7 et 8 relegravevent de la notion drsquoutiliteacute sociale externe qui selon nous devrait faire lrsquoobjet drsquoune contractualisation pluri annuelle dans le cadre drsquoune deacutemarche de construction et drsquoeacutevaluation partageacutee (voir infra) 101 Sur cette notion voir Instr fisc (Synthegravese) BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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- Les secteurs drsquointervention pas ou mal couverts par les autres agents eacuteconomiques ou par les collectiviteacutes publiques

- Lrsquoexistence de financements publics ou parapublics

- Lrsquoexistence drsquoun agreacutement ministeacuteriel (Ministegravere de rattachement) ou drsquoune habilitation102

La reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) pourrait ecirctre attribueacutee aux associations laquo dont les statuts le mode de fonctionnement et les modaliteacutes drsquoexercice de leur activiteacute caracteacuterisent suffisamment leur utiliteacute sociale aux yeux de cette juridiction Elle pourrait agrave lrsquoinverse ecirctre retireacutee par cette mecircme juridiction ou commission paritaire degraves lors que les conditions ayant preacutesideacute agrave son attribution ne seraient plus reacuteunies Lrsquoabsence de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre invoqueacutee pour creacuteer une preacutesomption de lucrativiteacute pour lrsquoassociation qui nrsquoen beacuteneacuteficierait pas raquo Agrave ce jour nombreux sont les acteurs srsquoeacutetant prononceacutes en faveur de lrsquoeacutelaboration drsquoune reconnaissance unique drsquoutiliteacute sociale (RUS) Nous avons vu preacuteceacutedemment que les derniers rapports ministeacuteriels et parlementaires se montrent favorables agrave la mise en œuvre drsquoune telle proceacutedure Pour MT Cheacuteroutre103 laquo lrsquoattribution drsquoune reconnaissance par les pouvoirs publics aux organismes susceptibles drsquoecirctre exoneacutereacutes apparaicirct eacuteminemment souhaitable Cette reconnaissance accordeacutee pour une dureacutee deacutetermineacutee apporterait agrave ces derniers une garantie drsquoexoneacuteration du moins aussi longtemps qursquoil ne serait pas prouveacute par lrsquoadministration qursquoils ne respectent plus les conditions pour lesquelles ils ont obtenu ladite reconnaissance raquo De son cocircteacute la FONDA104 a eacutegalement exprimeacute son souhait drsquoassurer laquo une meilleure seacutecuriteacute financiegravere aux associations relevant de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et srsquoest montreacutee laquo favorable agrave la creacuteation drsquoune RUS attribueacutee par une commission tripartite (Etat Magistrats Associations) raquo Agrave notre connaissance deux projets de loi105 ont eacuteteacute deacuteposeacutes en ce sens pour ecirctre rapidement abandonneacutes par la suite faute de reacuteelle volonteacute politique En effet comme le souligne le CNVA agrave propos de la mise en œuvre de la RUS

102 Notamment lorsque lrsquoobjet de lrsquoassociation consiste agrave reacutealiser des activiteacutes reacuteglementeacutees 103 MT Cheacuteroute Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 rapport au nom du conseil eacuteconomique et social ndeg4 JO du 1er avril 1993 104 La FONDA Pour une eacutethique des rapports entre pouvoirs publics et citoyens seacuteminaire Paris 17 octobre 1992 105 Projet de loi A Henry RTD com 192 447 en janvier 2002 ce projet avait lanceacute une vaste consultation autour du concept drsquoutiliteacute sociale dans le but de deacutelimiter les associations auxquelles seraient accordeacutees le label Proposition de loi ndeg2779 AN 1996 art 2 laquo Les associations peuvent ecirctre reconnues drsquoutiliteacute sociale agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode probatoire de fonctionnement drsquoune dureacutee au moins eacutegale agrave trois ans lorsqursquoelles satisfont cumulativement aux conditions suivantes avoir un objet social de caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique humanitaire sportif familial culturel ou drsquoaction sociale ou de mise en œuvre du patrimoine artistique ou de deacutefense de lrsquoenvironnement ou de diffusion de la culture ou de la langue franccedilaise Exercer conformeacutement agrave cet objet des activiteacutes ouvertes agrave des personnes qui lui sont exteacuterieures raquo

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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Or agrave ce jour force est de constater qursquoaucune reacuteforme nrsquoest intervenue en ce sens En effet il nrsquoexiste ni dans la loi du 1er juillet 1901 ni dans les statuts-types des associations RUP ni mecircme dans aucun dispositif leacutegislatif speacutecifique ndash en dehors du dispositif applicable en matiegravere drsquoappel agrave la geacuteneacuterositeacute publique62 - drsquoobligation imposant la preacutesence drsquoun commissaire aux comptes au sein des associations RUP Aussi et toujours pour le Conseil drsquoEtat laquo srsquoil nrsquoy a donc pas de motif deacuteterminant de supprimer la reconnaissance drsquoutiliteacute publique il convient de reacutefleacutechir aux ameacuteliorations pouvant ecirctre apporteacutees agrave son reacutegime drsquoutiliteacute publique et aux reacutegimes voisins raquo En tout eacutetat de cause la pertinence du maintien de la RUP se pose si lrsquoon en juge les reacutesultats de deux rapports ministeacuteriels reacutecents sur cette question en effet pour le rapport Morange63 laquo les avantages mateacuteriels de la RUP sont deacutesormais drsquoune porteacutee quasi theacuteorique raquo Quant agrave lrsquoavantage moral de la RUP pour le deacuteputeacute P Morange il demeure laquo important mais il ne justifie pas la lourdeur de la proceacutedure raquo Le rapport Langlais64 parle lui de laquo proceacutedure eacutelitiste raquo qui laquo nrsquoa pas su srsquoadapter aux eacutevolutions de la socieacuteteacute raquo Pourquoi degraves lors vouloir absolument maintenir un systegraveme de reconnaissance qui agrave notre avis pose deux probleacutematiques majeures

‐ La premiegravere probleacutematique porte sur la capaciteacute patrimoniale des associations qui preacuteciseacutement ne beacuteneacuteficient pas de cette forme de reconnaissance en effet est-il toujours leacutegitime que pregraves drsquoun million de structures associatives disposent par contrecoup drsquoune capaciteacute juridique reacuteduite Deacutejagrave en 1993 agrave propos de la capaciteacute patrimoniale des associations simplement deacuteclareacutees le Conseil Economique et social65 soulignait que laquo le contexte drsquoaujourdrsquohui eacutelargissant les missions de nombreuses associations met davantage lrsquoaccent sur les enjeux eacuteconomiques et sociaux qui leur demandent de mobiliser agrave la fois des moyens eacuteconomiques financiers et humains On peut donc agrave juste titre se demander si les carcans drsquoune autre eacutepoque ne pourraient ecirctre leveacutes raquo Les choses ont peu eacutevolueacute depuis au deacutetriment drsquoun secteur associatif dont lrsquoessentiel de ses forces vives consacre une bonne partie de leur temps et de leur eacutenergie agrave rechercher des

62 Loi ndeg91-772 du 7 aoucirct 1991 art 3 et encore il convient de noter que lrsquointervention du commissaire aux comptes ne srsquoimpose que pour les associations ayant nommeacute un commissaire aux comptes pour drsquoautres motifs Anteacuterieurement le compte emploi des ressources (CER) constituait un document autonome agrave deacuteposer au siegravege de lrsquoassociation et agrave tenir agrave disposition des adheacuterents En cas de controcircle par un commissaire aux comptes ce dernier eacutetait tenu drsquoeacutetablir une attestation Depuis le 1er janvier 2006 le CER est devenu un eacuteleacutement annexe aux comptes Lrsquoattestation du commissaire aux comptes nrsquoa donc plus lieu drsquoecirctre (cf Meacutemento pratique F Lefebvre Associations 2008-2009 ndeg71400 p976) 63 P Morange Rapport drsquoinformation sur la gouvernance et le financement des structures associatives ndeg134 assembleacutee nationale 1er octobre 2008 p41 et 42 64 JL Langlais Pour un partenariat renouveleacute entre lrsquoEtat et les associations rapport ministeacuteriel juin 2008 p 26 65 Ibidum p 82

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financements Sur ce point il convient de noter les propositions drsquoeacutevolutions importantes figurant dans le rapport Morange lequel suggegravere aux associations simplement deacuteclareacutees de beacuteneacuteficier de la capaciteacute juridique de recevoir des dons ‐ La seconde probleacutematique renvoit directement aux besoins exprimeacutes en matiegravere de simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif en effet le rapport Langlais66 souligne agrave juste titre que laquo la principale source de complexiteacute tient agrave lrsquoeacuteclatement des modes de reconnaissance du fait associatif par la puissance publique La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) existe toujours elle nrsquoa pas varieacute depuis un siegravecle (hellip) elle est de plus en plus concurrenceacutee par drsquoautres formes de reconnaissance et certains nrsquoheacutesitent pas agrave la consideacuterer comme deacutemodeacutee voire obsolegravete La reconnaissance drsquoutiliteacute publique est accordeacutee sans limitation de dureacutee et il existe probablement comme pour les associations deacuteclareacutees mais en beaucoup plus faible proportion des ARUP qui figurent toujours dans les chiffres officiels bien qursquoelles nrsquoaient plus drsquoexistence reacuteelle raquo De son cocircteacute le deacuteputeacute P Morange propose de deacutelivrer la RUP pour une dureacutee deacutesormais limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans

Il convient par conseacutequent drsquoenvisager une simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif drsquoautant plus que sont apparus agrave cocircteacute de la RUP de nombreuses autres formes de reconnaissance plus ou moins officielle tels que les agreacutements ou les labels priveacutes (Comiteacute de la Charte voire mecircme la proposition de labellisation AFNOR) Nous verrons infra que ce processus de simplification doit ecirctre lrsquooccasion drsquoun dialogue renouveleacute entre les acteurs du monde associatif et les pouvoirs publics en vue de la mise en œuvre drsquoune deacutemarche partageacutee

66 Ibidum

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B - LA SIMPLIFICATION DES PROCESSUS DE RECONNAISSANCE VERS UNE RECONNAISSANCE UNIQUE DrsquoUTILITE SOCIALE

1 ndash Les propositions reacutecemment formuleacutees par les rapports Langlais et Morange de 2008

Sur ce point les deux rapports srsquoaccordent pour distinguer trois types drsquoassociations

11 - Les associations deacuteclareacutees

Pour JL Langlais il srsquoagirait de reconnaicirctre la capaciteacute creacuteatrice de ces associations locales par lrsquooctroi de subventions symboliques et uniquement deacutelivreacutees par les collectiviteacutes territoriales correspondant agrave leur aire drsquoinfluence P Morange propose quant agrave lui drsquoouvrir la capaciteacute juridique de ces laquo petites raquo associations en leur permettant de percevoir des dons (autres que manuels) et de les soumettre aux controcircles drsquoun commissaire aux comptes et aux controcircles meneacutes par les services deacuteconcentreacutes degraves lors qursquoelles beacuteneacuteficieraient de subventions publiques

12 - Les associations reconnues drsquoutiliteacute sociale ou

drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

Pour JL Langlais ces associations pourraient beacuteneacuteficier drsquoune reconnaissance drsquointeacuterecirct laquo social ou geacuteneacuteral raquo

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce sont en gros les 4 conditions

requises pour lrsquoobtention de lrsquoagreacutement fiscal (cf supra) Drsquoailleurs il est proposeacute que cet agreacutement soit deacutecerneacute par lrsquoAdministration fiscale Une condition suppleacutementaire pourrait ecirctre poseacutee relative au beacuteneacutevolat sans neacutecessairement fixer de seuil a priori on devrait exiger que le beacuteneacutevolat soit nettement preacutepondeacuterant dans le fonctionnement de lrsquoassociation

Avantages consentis possibiliteacute de recevoir des subventions y

compris des subventions de fonctionnement capaciteacute agrave recevoir des dons (nrsquoexceacutedant pas un certain montant) agrave faire beacuteneacuteficier aux donateurs de lrsquoexoneacuteration fiscale au taux de droit commun

Obligations ecirctre agrave jour de leurs obligations deacuteclaratives

obligation de justifier lrsquoemploi des fonds reccedilus de deacuteposer leurs comptes en Preacutefecture de se soumettre aux controcircles aleacuteatoires ou programmeacutes de la puissance publique certification obligatoire des comptes au-delagrave de 153 000 euro de financement annuel

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Pour P Morange laquo cette cateacutegorie recouvre les associations subventionneacutees ou qui beacuteneacuteficient drsquoavantages fiscaux et oeuvrent au service de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo Selon lui laquo il serait envisageable comme en Grande Bretagne drsquoeacutetablir des listes de secteurs dans lesquels ces associations interviennent et de les soumettre agrave un certain nombre drsquoobligations en srsquoinspirant par exemple de la pratique fiscale (voir supra) Ainsi lrsquoassociation devrait poursuivre un but drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral ecirctre soumise agrave un controcircle financier et une eacutevaluation reacuteguliegravere au niveau deacutecentraliseacute raquo Enfin laquo lrsquoassociation devrait se doter drsquoun commissaire aux comptes raquo

13 Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique Pour JL Langlais seules les associations qui se consacrent exclusivement agrave des actions drsquoassistance ou de bienfaisance pourraient beacuteneacuteficier drsquoune RUP

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce seraient les mecircmes que pour la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral mais avec 3 nuances - toute lrsquoactiviteacute doit ecirctre tendue vers lrsquoobjet social - un degreacute plus eacuteleveacute de professionnalisation (et donc de salariat) serait acceptable - mais un moindre degreacute drsquoouverture exigeacute (une association pourrait ecirctre reconnue drsquoutiliteacute publique alors qursquoelle fonctionne au beacuteneacutefice drsquoun public fermeacute67)

Avantages les avantages seraient ceux du reacutegime actuel le

plus favorable dons et legs (reacutegime RUP) exoneacuteration au taux le plus favorable (laquo amendement Coluche raquo) subventions sur une base pluriannuelle

Obligations toutes les obligations du reacutegime preacuteceacutedant avec en plus lrsquoobligation de deacuteposer des comptes certifieacutes

JL Langlais poursuit en proposant que la reconnaissance drsquoutiliteacute publique soit laquo deacutecerneacutee pour une dureacutee limiteacutee soit par le ministegravere de lrsquointeacuterieur soit par le ministegravere en charge de la vie associative (et les preacutefets agrave lrsquoeacutechelon deacuteconcentreacute) soit encore par une agence nationale agrave creacuteer raquo Pour P Morange la RUP laquo serait deacutelivreacutee par le Conseil drsquoEtat comme crsquoest le cas actuellement et controcircleacutee par la Cour des comptes avec le concours de lrsquoIGAS et de lrsquoIGA pour une dureacutee limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans raquo A titre subsidiaire les auteurs proposent eacutegalement drsquoeacutetablir une laquo situation speacutecifique raquo pour les associations engageacutees dans la gestion drsquoune mission de service public tandis que P Morange envisage cette situation sous lrsquoangle de la seacutecurisation des rapports engageacutes par ces derniegraveres avec lrsquoadministration JL Langlais quant agrave lui considegravere dans une telle situation que laquo la forme juridique [drsquoassociation] nrsquoest alors qursquoune fiction raquo et que degraves lors laquo lrsquoEtat doit pouvoir les financer mais aussi les controcircler et les diriger comme il le

67 Lrsquoauteur propose de revenir sur la jurisprudence CE 7 feacutevr 2007 ndeg 287949 Steacute des anciens eacutelegraveves de lrsquoEacutecole Nationale Supeacuterieure drsquoArts et Meacutetiers et a

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ferait de ses propres services en attendant de trouver une structure juridique adeacutequate raquo Une mise en conformiteacute des proceacutedures drsquoagreacutement avec les nouvelles contraintes communautaires est eacutegalement envisageacutee

2 ndash Nos pistes de reacuteflexions

21 - Concernant le devenir de la proceacutedure RUP

Nous avons vu preacuteceacutedemment que cette proceacutedure deacutesormais consideacutereacutee comme eacutetant laquo obsolegravete raquo par la plupart des observateurs (voir supra) ne preacutesentait plus guegravere drsquointeacuterecirct sur un plan technique (voir supra) Degraves lors et en raison de la forte concentration de financements priveacutes (pregraves de 90 sous la forme de dons deacuteclareacutes par les contribuables ndash voir supra) sur un nombre extrecircmement limiteacute drsquoassociations et de fondations RUP de cette laquo proceacutedure eacutelitiste raquo la question de son devenir se pose de faccedilon cruciale En effet au 15 juillet 2000 le Conseil drsquoEtat deacutenombrait 1960 associations RUP laquo dont 200 nrsquoauraient selon lui aucune activiteacute sinon plus aucune existence raquo68 Force est de constater que presque 10 ans plus tard ce nombre nrsquoa quasiment pas augmenteacute puisque le dernier recensement effectueacute en deacutecembre 200869 par le Ministegravere de lrsquointeacuterieur fait eacutetat de 1966 associations RUP Lrsquourgence consiste donc bien agrave mettre un terme agrave cette situation laquo monopolistique raquo ougrave agrave tout le moins agrave instaurer des proceacutedures de controcircle agrave la fois plus preacutecises et plus contraignantes que celles existantes actuellement Sur ce point les propositions tendant agrave limiter la deacutelivrance de la RUP pour une dureacutee limiteacutee formuleacutees dans les rapports Langlais et Morange nous semblent parfaitement approprieacutees Ces propositions seront agrave rapprocher de celle proposeacutee par P Morange visant offrir agrave lrsquoensemble des associations la laquo grande capaciteacute juridique raquo particuliegraverement en matiegravere de dons

22 - Concernant la probleacutematique du rapprochement entre reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale)

Il ne srsquoagit pas de revenir sur les nombreux travaux drsquoores et deacutejagrave existants en matiegravere de rapprochement des concepts drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et drsquoutiliteacute sociale Parmi les plus importants lrsquoon peut citer ceux de J Gadrey en 200470 ceux reacutesultant de la journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF en 200571 ou encore la contribution commune de X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute publieacutee en 200672 A la lumiegravere de ces travaux il

68 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec p15 69 Site du ministegravere de lrsquointeacuterieur (publication du 08 avril 2008) httpwwwinterieurgouvfrsectionsa_la_unepublicationscultes-associations 70 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale des organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE feacutevrier 2004 71 Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Paris 11 janvier 2005 72 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Editions LrsquoHarmattan Paris 2006

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semble bien que lrsquoon assiste agrave laquo un basculement vers la notion plus large drsquoutiliteacute sociale notion qui par ailleurs entretient une filiation juridique avec le concept drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo73 Sur un plan juridique ces travaux montrent notamment qursquoil existe laquo un rapport assez eacutetroit agrave certains eacutegards entre la notion drsquoutiliteacute sociale et celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo si lrsquoon considegravere lrsquoanalyse de la jurisprudence des dix derniegraveres anneacutees74 Dans cette perspective la deacutemarche de rapprochement entre la proceacutedure RIG et RUS proposeacutee par les rapports de JL Langlais et P Morange trouverait une explication rationnelle

23 - Concernant lrsquoapproche du concept mecircme drsquoutiliteacute sociale

Comme le souligne J Gadrey75 laquo lrsquoutiliteacute sociale des organisations drsquoeacuteconomie sociale (OES) nrsquoa guegravere drsquoexistence en tant que probleacutematique geacuteneacuterale en dehors des deacutebats concernant le rocircle eacuteconomique et social actuel et futur de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Crsquoest une ideacutee qui a eacuteteacute forgeacutee pour deacutefendre lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire face agrave certaines menaces ou pour promouvoir le deacuteveloppement de regravegles favorables76 raquo Pour ce dernier en effet laquo il y a rien de naturel agrave soulever la question de lrsquoutiliteacute sociale des OES et qursquoil srsquoagit bien drsquoune convention socio-politique historiquement et geacuteographiquement contingente77 raquo Neacuteanmoins si le concept demeure aujourdrsquohui encore relativement flou paradoxalement il reccediloit dans notre droit interne une application de plus en plus freacutequente par les tribunaux78 et lrsquoAdministration fiscale79 De son cocircteacute et mecircme si pour lrsquoinstant le leacutegislateur srsquoest toujours refuseacute de srsquoorienter vers la voie drsquoune reconnaissance drsquoutiliteacute sociale80 celui-ci fait de plus reacutefeacuterence agrave ce concept81 drsquoougrave la neacutecessiteacute de privileacutegier une approche visant agrave circonscrire lrsquo laquo halo socieacutetal raquo82 des OES plutocirct que de chercher drsquoune maniegravere 73 A Euillet Lrsquoutiliteacute sociale une notion deacuteriveacutee de celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Revue de droit sanitaire et social ndeg2 avril-juin 2002 pp 2007 - 228 74 J Gadrey preacutec p 30 75 Ibidum 76 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques thegravese de droit 1998 preacutec Lrsquoauteur envisage la mise en œuvre drsquoune affirmative action en faveur des associations reconnues drsquoutiliteacute sociale 77 Si lrsquoon prend lrsquoexemple des services agrave domicile aux personnes acircgeacutees en Suegravede on peut observer que ceux-ci sont majoritairement produits par des organisations publiques locales tandis qursquoaux Etats-Unis - ougrave le laquo non profit sector raquo se construit le plus souvent comme une puissance alternative priveacutee face agrave un Etat providence laquo diaboliseacute raquo (Salamon) ils sont majoritairement financeacutes par des fonds priveacutes (beacuteneacuteficiant drsquoavantages fiscaux) 78 Voir par exemple CE 24 octobre 1979 CAA Paris 1er deacutecembre 1989 CAA Nancy 19 novembre 1992 79 Instr Fisc BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 1998 Instr Fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 (synthegravese) 80 Reacutep min du 01 juillet 1999 JO Seacutenat p 2224 81 Voir par exemple Loi ndeg2002-2 du 2 janvier 2002 relative agrave lrsquoaction sociale et meacutedico-sociale Loi ndeg 97-940 du 16 octobre 1997 relative au deacuteveloppement dactiviteacutes pour lemploi des jeunes (JO du 17 Octobre) LOI ndeg 9 8-657 du 29 juillet 1998 drsquoorientation relative agrave la lutte contre les exclusions 8282 A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport final relatif agrave la lettre de mission de Madame la Ministre de lrsquoEmploi et de la Solidariteacute 2000 pour A Lipietz il srsquoagirait de deacutefinir les contours du tiers secteur par un laquo label drsquoutiliteacute sociale et solidaire fondeacutes sur deux types de critegraveres quant aux

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improbable une deacutefinition qui serait unanimement admise par les acteurs des OES Finalement il ne srsquoagirait rien moins que de reconnaicirctre les OES afin de soutenir lrsquoeffort particulier de ces entiteacutes juridiques dont les laquo speacutecificiteacutes meacuteritoires raquo83 rejaillissent sur lrsquoensemble de la collectiviteacute Mais limiter le concept au seul beacuteneacutefice des OES serait par trop reacuteducteur et la mesure de lrsquoutiliteacute sociale doit eacutegalement ecirctre envisageacutee en tant qursquooutil de reacutegulation des politiques publiques84

24 - Concernant les difficulteacutes lieacutees agrave la mise en œuvre drsquoune proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale

Sur ce point il importe de tenir compte des critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de la proposition de mise en place drsquoun systegraveme unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale des OES (tel qursquoimagineacute par le CNVA dans son rapport datant de 1995) A cette eacutepoque le CNVA contestait laquo lrsquoambiguiumlteacute de lrsquointerpreacutetation juridique et fiscale de lrsquoutiliteacute sociale en particulier en raison de confusions constateacutees entre le critegravere de non lucrativiteacute et les vrais critegraveres drsquoutiliteacute sociale La reacuteflexion associative commence alors agrave se preacuteciser sur les critegraveres de non lucrativiteacute drsquoun cocircteacute sur les critegraveres drsquoutiliteacute sociale de lrsquoautre avec une insistance sur la neacutecessiteacute de ne pas confondre ces deux dimensions Parallegravelement le CNVA conteste lrsquoideacutee alors assez preacutesente du cocircteacute de lrsquoadministration selon laquelle un critegravere essentiel de lrsquoutiliteacute sociale serait que les besoins auxquels reacutepond lrsquoactiviteacute ne sont pas normalement (ou pas suffisamment) pris en compte par le marcheacute Cette deacutefinition purement neacutegative signifierait en effet soit que lrsquoutiliteacute sociale drsquoune association disparaicirct si le marcheacute srsquoinstalle sur un champ de besoins deacutejagrave deacutefricheacutes par les œuvres soit que lrsquoassociation devient alors automatiquement lucrative raquo85 Depuis lors un tel risque nous semble ecirctre leveacute dans la mesure ougrave le laquo reacutefeacuterentiel raquo drsquoutiliteacute sociale doit deacutesormais tenir compte de la jurisprudence du Conseil drsquoEtat en matiegravere fiscale En effet lrsquoarrecirct rendu en date du 1er octobre 199986 est venu preacuteciser qursquoun organisme sans but lucratif ne concurrence une entreprise que si les services qursquoil rend sont laquo offerts en concurrence dans la mecircme zone geacuteographique drsquoattraction avec ceux proposeacutes au mecircme public par des entreprises commerciales exerccedilant une activiteacute identique raquo Il a eacuteteacute eacutegalement preacuteciseacute depuis que laquo le critegravere du public ne doit pas srsquoentendre uniquement des situations de deacutetresse physique ou morale raquo87 buts (ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie solidaire) et quant aux modes drsquoorganisation interne (notamment lucrativiteacute limiteacutee le caractegravere deacutemocratique et multipartenariale de sa direction) ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie sociale raquo J Gadrey parle plus volontiers drsquoutiliteacute sociale externe et drsquoutiliteacute sociale interne preacutec p 37 83 F Bloch-Laineacute Identifier les associations de service social RECMA 1994 ndeg251 p 61 84 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne ibidum selon L Fraisse laquo lrsquoapparition drsquoun deacutebat sur lrsquoutiliteacute sociale peut aussi srsquointerpreacuteter comme un nouveau critegravere de politique publique agrave mecircme de preacuteciser les contours et de renforcer lrsquoinstitutionnalisation des activiteacutes et lrsquoeacuteconomie solidaire raquo voir eacutegalement N Richez-Battesti Les collectiviteacutes territoriales face agrave lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale Juris Associations ndeg376 1er avril 2008 pp 17-19 85 J Gadrey preacutec p 31 86 CE 1er octobre 1999 Association Jeune France ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354 87 Instr fisc BOI 4 H-5-06 preacutec

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Par ailleurs le CNVA soulignait le caractegravere laquo eacutevolutif voire conjoncturel raquo du concept drsquoutiliteacute sociale dans la mise en œuvre drsquoune seacuterie de dix indicateurs (voir infra) Pour lrsquoessentiel G Goulard88 consideacuterait qursquoen lrsquoeacutetat actuel ce concept eacutetait laquo encore plus subjectif que les critegraveres jurisprudentiels en vigueur raquo et qursquoune telle situation laquo risqu[ait] drsquoecirctre interpreacuteteacutee dans un sens reacuteducteur deacutefavorable aux associations dont lrsquoutiliteacute nrsquoest pas sociale mais intellectuelle culturelle spirituelle politique historique eacuteconomique etc raquo Srsquoil est vrai qursquoen 1998 de tels arguments nrsquoeacutetaient pas neacutegligeables il apparaicirct que certains drsquoentre eux apparaissaient forts contestables En effet comme le souligne J Gadrey dans son rapport de 2004 laquo la subjectiviteacute de la notion drsquoutiliteacute sociale peut fort bien ecirctre compatible avec sa consolidation comme reacutefeacuterence en droit (la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral srsquoest bien imposeacutee en deacutepit drsquoun flou aussi consideacuterable) raquo En effet il convient drsquoobserver que drsquoautres notions fondamentales agrave lrsquoinstar du droit commercial sont fondeacutees sur lrsquoarbitraire comme a deacutejagrave pu le souligner le Professeur Y Guyon laquo le droit commercial nrsquoest pas une construction fondeacutee sur la raison mais une approche fondamentalement arbitraire raquo89 Ainsi poursuit J Gadrey laquo le fait que des associations qui ne font pas partie du champ de lrsquoaction sociale (au sens strict) auraient des difficulteacutes agrave faire connaicirctre leur utiliteacute sociale nrsquoa rien drsquoineacuteluctable et deacutepend de la faccedilon dont la convention drsquoutiliteacute sociale se construit sur un mode restrictif ou au contraire extensif raquo De fait il apparaicirct que le concept drsquoutiliteacute sociale deacutepend moins de notre capaciteacute agrave deacutefinir des critegraveres distinctifs que de celle favorisant lrsquoeacutemergence drsquoune convention sociopolitique (voir infra) portant sur lrsquoutiliteacute sociale (convention drsquoutiliteacute sociale) Une telle approche preacutesenterait en outre deux avantages principaux en premier lieu celui du maintien du caractegravere eacutevolutif de ce concept en second lieu celui de la reacuteciprociteacute entretenue entre les associations et les pouvoirs publics dans la construction et lrsquoacceptation du concept mecircme

88 Rapport Goulard mars 1998 89 Y Guyon Droit des affaires Economica 5egraveme eacuted 1988 agrave rapprocher de M Despax Lrsquoentreprise et le droit Bibl Dr Priv T1 Paris 1954 p34 selon lrsquoauteur laquo le droit commercial (hellip) est neacute de la pratique Ses normes sont la conseacutecration drsquousages peu agrave peu eacutetablis et non la construction de la raison de lagrave cette difficulteacute souvent eacuteprouveacutee pour les juristes agrave les expliquer raquo

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III - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE

SOCIALE (OU SOCIETALE) UNE DEMARCHE PARTAGEE

A ndash LA PROCEDURE DE RUS PRESENTE-T-ELLE ENCORE UN INTERET

Comme le suggegravere le rapport Morange90 la proposition formuleacutee par JP Decool en mai 200591 laquo meacuterite drsquoecirctre approfondie raquo En effet pour ce dernier il convient de mettre en place une proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute socieacutetale comme substitut agrave la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral jugeacutee laquo deacutesuegravete et vague raquo laquo il serait donc opportun afin de donner une nouvelle dimension au monde associatif (hellip) de redonner au citoyen toute sa place au sein de la socieacuteteacute Lui permettre de srsquoexprimer et de manifester son deacutesir de donner ou de partager des valeurs communes Ainsi peut-on envisager le rocircle de lrsquoassociation dans la socieacuteteacute raquo A ce stade il nous semble que la meacutethode preacuteconiseacutee par le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) depuis son rapport du 4 feacutevrier 198692 demeure toujours drsquoactualiteacute93 Ce dernier preacuteconisait lrsquointroduction drsquoun systegraveme de reconnaissance a priori qui permettrait aux associations reconnues drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) de lever laquo toute incertitude durant une peacuteriode deacutefinie tant que les conditions drsquoexercice de leur activiteacute au vu desquelles elles ont obtenu lrsquoagreacutement ne seraient pas modifieacutees raquo94 Selon le projet du CNVA cette reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) devait ecirctre accordeacutee non pas par le pouvoir exeacutecutif mais par une veacuteritable juridiction ou commission paritaire composeacutee de repreacutesentants des associations des administrations concerneacutees (Ministegravere de tutelle et Administration fiscale) et preacutesideacutee par un magistrat95 Celle-ci pourrait eacutegalement comprendre un certain nombre drsquoexperts qualifieacutes et issus de la socieacuteteacute civile ainsi qursquoun repreacutesentant des collectiviteacutes locales deacutecentraliseacutees96 90 Ibidum 91 JP Decool Des associations en geacuteneacuteral vers une eacutethique socieacutetale rapport au 1er ministre mai 2005 92 Voir eacutegalement les Rapports et Avis du 12 juin 1991 et 15 juin 1995 93 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit 1998 preacutec 94 CNVA Bilan de la vie associative en 1990-1991 La documentation franccedilaise Paris 1992 Rapport et avis adopteacutes en session pleacuteniegravere du CNVA le 15 juin 1995 sur laquo lrsquoutiliteacute sociale des associations et ses conseacutequences en matiegravere eacuteconomique fiscale et financiegravere raquo 95 On peut noter la proximiteacute de cette composition avec celle de la laquo Charity Commission raquo de Grande-Bretagne composeacutee de fonctionnaires dont deux doivent ecirctre des juges dont le rocircle drsquoinformation de conseil de controcircle srsquoexerce aupregraves des laquo Charities raquo auxquelles la Commission donne le label qui ouvre droit agrave des faciliteacutes fiscales et financiegraveres 96 Voir la composition du comiteacute strateacutegique des fonds de dotation creacuteeacute le 19 novembre 2008 preacutesideacute par JJ Hyest Preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat

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Les deacutecisions de cette instance pourraient faire lrsquoobjet drsquoun recours devant les juridictions compeacutetentes (ce qui aurait eu pour effet de laquo judiciariser raquo le concept drsquoutiliteacute sociale) La reconnaissance serait attribueacutee pour une dureacutee de cinq anneacutees agrave lrsquoissue drsquoun rapport drsquoaudit baseacute sur des critegraveres drsquoeacutevaluation (pour ce qui concerne lrsquoutiliteacute sociale externe) Les critegraveres drsquoeacutevaluation pourraient faire lrsquoobjet drsquoune deacutemarche partageacutee (voir infra) et contractualiseacutee avec les diffeacuterents acteurs agrave partir de critegraveres quantitatifs et qualitatifs neacutegocieacutes En effet le CNVA nrsquoa pas souhaiteacute mettre en place un systegraveme unique et isoleacute de reconnaissance drsquoune cateacutegorie particuliegravere drsquoassociations qui serait reconnue drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) agrave lrsquoinstar de ce qui a par exemple eacuteteacute conccedilu pour la reconnaissance drsquoutiliteacute publique Il preacuteconise plutocirct laquo le recours agrave de multiples dispositifs susceptibles drsquoaccorder aux associations (en tant qursquoopeacuterateurs) ou agrave leurs activiteacutes (en tant qursquoopeacuteration97) la reconnaissance et le soutien en fonction et dans le respect de la diversiteacute des speacutecificiteacutes associatives raquo Lrsquoensemble de ces speacutecificiteacutes doit pouvoir ecirctre appreacutehendeacute agrave travers un certain nombre drsquoindicateurs avec la mise en place de la technique du faisceau drsquoindices Les critegraveres deacutegageacutes98 formeraient ainsi une liste (non exhaustive) qui permettant de mieux cerner les contours de lrsquoutiliteacute sociale

- La primauteacute du projet finaliteacute de lrsquoaction associative99

- Le fonctionnement deacutemocratique - Lrsquoapport social de lrsquoassociation100 - La non-lucrativiteacute qui par essence marque la

diffeacuterence par rapport au secteur commercial - La gestion deacutesinteacuteresseacutee101 ce qui nrsquoexclut ni la

rigueur ni la transparence financiegravere - La capaciteacute agrave mobiliser la geacuteneacuterositeacute humaine

(beacuteneacutevolat) ou financiegravere (dons) - Le mixage des publics et lrsquoouverture

qui a pour mission de suivre lrsquoeacutevolution des fonds de dotation 1 repreacutesentant du MINEFI 3 magistrats 7 personnaliteacutes qualifieacutees A ce titre il pourra eacutelaborer des recommandations de bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion et faire toutes les propositions qui lui sembleront neacutecessaires pour favoriser le deacuteveloppement des fonds de dotation (Sources MINEFI 14 janvier 2009) 97 Cette solution preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre neutre sur le plan concurrentiel et vis-agrave-vis des autres opeacuterateurs eacuteconomiques 98 Le CNVA preacutecise dans son rapport du 15 juin 1995 preacutec que ces critegraveres sont laquo non exclusifs non cumulatifs et non exhaustifs les uns par rapport aux autres raquo 99 La FONDA dans un seacuteminaire en date du 17 octobre 1992 suggeacuterait et explicitait ces trois premiers critegraveres agrave partir desquels elle se fondait pour identifier les associations drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral 100 Ce critegravere ainsi que les critegraveres 6 7 et 8 relegravevent de la notion drsquoutiliteacute sociale externe qui selon nous devrait faire lrsquoobjet drsquoune contractualisation pluri annuelle dans le cadre drsquoune deacutemarche de construction et drsquoeacutevaluation partageacutee (voir infra) 101 Sur cette notion voir Instr fisc (Synthegravese) BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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- Les secteurs drsquointervention pas ou mal couverts par les autres agents eacuteconomiques ou par les collectiviteacutes publiques

- Lrsquoexistence de financements publics ou parapublics

- Lrsquoexistence drsquoun agreacutement ministeacuteriel (Ministegravere de rattachement) ou drsquoune habilitation102

La reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) pourrait ecirctre attribueacutee aux associations laquo dont les statuts le mode de fonctionnement et les modaliteacutes drsquoexercice de leur activiteacute caracteacuterisent suffisamment leur utiliteacute sociale aux yeux de cette juridiction Elle pourrait agrave lrsquoinverse ecirctre retireacutee par cette mecircme juridiction ou commission paritaire degraves lors que les conditions ayant preacutesideacute agrave son attribution ne seraient plus reacuteunies Lrsquoabsence de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre invoqueacutee pour creacuteer une preacutesomption de lucrativiteacute pour lrsquoassociation qui nrsquoen beacuteneacuteficierait pas raquo Agrave ce jour nombreux sont les acteurs srsquoeacutetant prononceacutes en faveur de lrsquoeacutelaboration drsquoune reconnaissance unique drsquoutiliteacute sociale (RUS) Nous avons vu preacuteceacutedemment que les derniers rapports ministeacuteriels et parlementaires se montrent favorables agrave la mise en œuvre drsquoune telle proceacutedure Pour MT Cheacuteroutre103 laquo lrsquoattribution drsquoune reconnaissance par les pouvoirs publics aux organismes susceptibles drsquoecirctre exoneacutereacutes apparaicirct eacuteminemment souhaitable Cette reconnaissance accordeacutee pour une dureacutee deacutetermineacutee apporterait agrave ces derniers une garantie drsquoexoneacuteration du moins aussi longtemps qursquoil ne serait pas prouveacute par lrsquoadministration qursquoils ne respectent plus les conditions pour lesquelles ils ont obtenu ladite reconnaissance raquo De son cocircteacute la FONDA104 a eacutegalement exprimeacute son souhait drsquoassurer laquo une meilleure seacutecuriteacute financiegravere aux associations relevant de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et srsquoest montreacutee laquo favorable agrave la creacuteation drsquoune RUS attribueacutee par une commission tripartite (Etat Magistrats Associations) raquo Agrave notre connaissance deux projets de loi105 ont eacuteteacute deacuteposeacutes en ce sens pour ecirctre rapidement abandonneacutes par la suite faute de reacuteelle volonteacute politique En effet comme le souligne le CNVA agrave propos de la mise en œuvre de la RUS

102 Notamment lorsque lrsquoobjet de lrsquoassociation consiste agrave reacutealiser des activiteacutes reacuteglementeacutees 103 MT Cheacuteroute Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 rapport au nom du conseil eacuteconomique et social ndeg4 JO du 1er avril 1993 104 La FONDA Pour une eacutethique des rapports entre pouvoirs publics et citoyens seacuteminaire Paris 17 octobre 1992 105 Projet de loi A Henry RTD com 192 447 en janvier 2002 ce projet avait lanceacute une vaste consultation autour du concept drsquoutiliteacute sociale dans le but de deacutelimiter les associations auxquelles seraient accordeacutees le label Proposition de loi ndeg2779 AN 1996 art 2 laquo Les associations peuvent ecirctre reconnues drsquoutiliteacute sociale agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode probatoire de fonctionnement drsquoune dureacutee au moins eacutegale agrave trois ans lorsqursquoelles satisfont cumulativement aux conditions suivantes avoir un objet social de caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique humanitaire sportif familial culturel ou drsquoaction sociale ou de mise en œuvre du patrimoine artistique ou de deacutefense de lrsquoenvironnement ou de diffusion de la culture ou de la langue franccedilaise Exercer conformeacutement agrave cet objet des activiteacutes ouvertes agrave des personnes qui lui sont exteacuterieures raquo

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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financements Sur ce point il convient de noter les propositions drsquoeacutevolutions importantes figurant dans le rapport Morange lequel suggegravere aux associations simplement deacuteclareacutees de beacuteneacuteficier de la capaciteacute juridique de recevoir des dons ‐ La seconde probleacutematique renvoit directement aux besoins exprimeacutes en matiegravere de simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif en effet le rapport Langlais66 souligne agrave juste titre que laquo la principale source de complexiteacute tient agrave lrsquoeacuteclatement des modes de reconnaissance du fait associatif par la puissance publique La reconnaissance drsquoutiliteacute publique (RUP) existe toujours elle nrsquoa pas varieacute depuis un siegravecle (hellip) elle est de plus en plus concurrenceacutee par drsquoautres formes de reconnaissance et certains nrsquoheacutesitent pas agrave la consideacuterer comme deacutemodeacutee voire obsolegravete La reconnaissance drsquoutiliteacute publique est accordeacutee sans limitation de dureacutee et il existe probablement comme pour les associations deacuteclareacutees mais en beaucoup plus faible proportion des ARUP qui figurent toujours dans les chiffres officiels bien qursquoelles nrsquoaient plus drsquoexistence reacuteelle raquo De son cocircteacute le deacuteputeacute P Morange propose de deacutelivrer la RUP pour une dureacutee deacutesormais limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans

Il convient par conseacutequent drsquoenvisager une simplification des modes de reconnaissance du secteur associatif drsquoautant plus que sont apparus agrave cocircteacute de la RUP de nombreuses autres formes de reconnaissance plus ou moins officielle tels que les agreacutements ou les labels priveacutes (Comiteacute de la Charte voire mecircme la proposition de labellisation AFNOR) Nous verrons infra que ce processus de simplification doit ecirctre lrsquooccasion drsquoun dialogue renouveleacute entre les acteurs du monde associatif et les pouvoirs publics en vue de la mise en œuvre drsquoune deacutemarche partageacutee

66 Ibidum

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B - LA SIMPLIFICATION DES PROCESSUS DE RECONNAISSANCE VERS UNE RECONNAISSANCE UNIQUE DrsquoUTILITE SOCIALE

1 ndash Les propositions reacutecemment formuleacutees par les rapports Langlais et Morange de 2008

Sur ce point les deux rapports srsquoaccordent pour distinguer trois types drsquoassociations

11 - Les associations deacuteclareacutees

Pour JL Langlais il srsquoagirait de reconnaicirctre la capaciteacute creacuteatrice de ces associations locales par lrsquooctroi de subventions symboliques et uniquement deacutelivreacutees par les collectiviteacutes territoriales correspondant agrave leur aire drsquoinfluence P Morange propose quant agrave lui drsquoouvrir la capaciteacute juridique de ces laquo petites raquo associations en leur permettant de percevoir des dons (autres que manuels) et de les soumettre aux controcircles drsquoun commissaire aux comptes et aux controcircles meneacutes par les services deacuteconcentreacutes degraves lors qursquoelles beacuteneacuteficieraient de subventions publiques

12 - Les associations reconnues drsquoutiliteacute sociale ou

drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

Pour JL Langlais ces associations pourraient beacuteneacuteficier drsquoune reconnaissance drsquointeacuterecirct laquo social ou geacuteneacuteral raquo

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce sont en gros les 4 conditions

requises pour lrsquoobtention de lrsquoagreacutement fiscal (cf supra) Drsquoailleurs il est proposeacute que cet agreacutement soit deacutecerneacute par lrsquoAdministration fiscale Une condition suppleacutementaire pourrait ecirctre poseacutee relative au beacuteneacutevolat sans neacutecessairement fixer de seuil a priori on devrait exiger que le beacuteneacutevolat soit nettement preacutepondeacuterant dans le fonctionnement de lrsquoassociation

Avantages consentis possibiliteacute de recevoir des subventions y

compris des subventions de fonctionnement capaciteacute agrave recevoir des dons (nrsquoexceacutedant pas un certain montant) agrave faire beacuteneacuteficier aux donateurs de lrsquoexoneacuteration fiscale au taux de droit commun

Obligations ecirctre agrave jour de leurs obligations deacuteclaratives

obligation de justifier lrsquoemploi des fonds reccedilus de deacuteposer leurs comptes en Preacutefecture de se soumettre aux controcircles aleacuteatoires ou programmeacutes de la puissance publique certification obligatoire des comptes au-delagrave de 153 000 euro de financement annuel

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Pour P Morange laquo cette cateacutegorie recouvre les associations subventionneacutees ou qui beacuteneacuteficient drsquoavantages fiscaux et oeuvrent au service de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo Selon lui laquo il serait envisageable comme en Grande Bretagne drsquoeacutetablir des listes de secteurs dans lesquels ces associations interviennent et de les soumettre agrave un certain nombre drsquoobligations en srsquoinspirant par exemple de la pratique fiscale (voir supra) Ainsi lrsquoassociation devrait poursuivre un but drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral ecirctre soumise agrave un controcircle financier et une eacutevaluation reacuteguliegravere au niveau deacutecentraliseacute raquo Enfin laquo lrsquoassociation devrait se doter drsquoun commissaire aux comptes raquo

13 Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique Pour JL Langlais seules les associations qui se consacrent exclusivement agrave des actions drsquoassistance ou de bienfaisance pourraient beacuteneacuteficier drsquoune RUP

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce seraient les mecircmes que pour la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral mais avec 3 nuances - toute lrsquoactiviteacute doit ecirctre tendue vers lrsquoobjet social - un degreacute plus eacuteleveacute de professionnalisation (et donc de salariat) serait acceptable - mais un moindre degreacute drsquoouverture exigeacute (une association pourrait ecirctre reconnue drsquoutiliteacute publique alors qursquoelle fonctionne au beacuteneacutefice drsquoun public fermeacute67)

Avantages les avantages seraient ceux du reacutegime actuel le

plus favorable dons et legs (reacutegime RUP) exoneacuteration au taux le plus favorable (laquo amendement Coluche raquo) subventions sur une base pluriannuelle

Obligations toutes les obligations du reacutegime preacuteceacutedant avec en plus lrsquoobligation de deacuteposer des comptes certifieacutes

JL Langlais poursuit en proposant que la reconnaissance drsquoutiliteacute publique soit laquo deacutecerneacutee pour une dureacutee limiteacutee soit par le ministegravere de lrsquointeacuterieur soit par le ministegravere en charge de la vie associative (et les preacutefets agrave lrsquoeacutechelon deacuteconcentreacute) soit encore par une agence nationale agrave creacuteer raquo Pour P Morange la RUP laquo serait deacutelivreacutee par le Conseil drsquoEtat comme crsquoest le cas actuellement et controcircleacutee par la Cour des comptes avec le concours de lrsquoIGAS et de lrsquoIGA pour une dureacutee limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans raquo A titre subsidiaire les auteurs proposent eacutegalement drsquoeacutetablir une laquo situation speacutecifique raquo pour les associations engageacutees dans la gestion drsquoune mission de service public tandis que P Morange envisage cette situation sous lrsquoangle de la seacutecurisation des rapports engageacutes par ces derniegraveres avec lrsquoadministration JL Langlais quant agrave lui considegravere dans une telle situation que laquo la forme juridique [drsquoassociation] nrsquoest alors qursquoune fiction raquo et que degraves lors laquo lrsquoEtat doit pouvoir les financer mais aussi les controcircler et les diriger comme il le

67 Lrsquoauteur propose de revenir sur la jurisprudence CE 7 feacutevr 2007 ndeg 287949 Steacute des anciens eacutelegraveves de lrsquoEacutecole Nationale Supeacuterieure drsquoArts et Meacutetiers et a

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ferait de ses propres services en attendant de trouver une structure juridique adeacutequate raquo Une mise en conformiteacute des proceacutedures drsquoagreacutement avec les nouvelles contraintes communautaires est eacutegalement envisageacutee

2 ndash Nos pistes de reacuteflexions

21 - Concernant le devenir de la proceacutedure RUP

Nous avons vu preacuteceacutedemment que cette proceacutedure deacutesormais consideacutereacutee comme eacutetant laquo obsolegravete raquo par la plupart des observateurs (voir supra) ne preacutesentait plus guegravere drsquointeacuterecirct sur un plan technique (voir supra) Degraves lors et en raison de la forte concentration de financements priveacutes (pregraves de 90 sous la forme de dons deacuteclareacutes par les contribuables ndash voir supra) sur un nombre extrecircmement limiteacute drsquoassociations et de fondations RUP de cette laquo proceacutedure eacutelitiste raquo la question de son devenir se pose de faccedilon cruciale En effet au 15 juillet 2000 le Conseil drsquoEtat deacutenombrait 1960 associations RUP laquo dont 200 nrsquoauraient selon lui aucune activiteacute sinon plus aucune existence raquo68 Force est de constater que presque 10 ans plus tard ce nombre nrsquoa quasiment pas augmenteacute puisque le dernier recensement effectueacute en deacutecembre 200869 par le Ministegravere de lrsquointeacuterieur fait eacutetat de 1966 associations RUP Lrsquourgence consiste donc bien agrave mettre un terme agrave cette situation laquo monopolistique raquo ougrave agrave tout le moins agrave instaurer des proceacutedures de controcircle agrave la fois plus preacutecises et plus contraignantes que celles existantes actuellement Sur ce point les propositions tendant agrave limiter la deacutelivrance de la RUP pour une dureacutee limiteacutee formuleacutees dans les rapports Langlais et Morange nous semblent parfaitement approprieacutees Ces propositions seront agrave rapprocher de celle proposeacutee par P Morange visant offrir agrave lrsquoensemble des associations la laquo grande capaciteacute juridique raquo particuliegraverement en matiegravere de dons

22 - Concernant la probleacutematique du rapprochement entre reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale)

Il ne srsquoagit pas de revenir sur les nombreux travaux drsquoores et deacutejagrave existants en matiegravere de rapprochement des concepts drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et drsquoutiliteacute sociale Parmi les plus importants lrsquoon peut citer ceux de J Gadrey en 200470 ceux reacutesultant de la journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF en 200571 ou encore la contribution commune de X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute publieacutee en 200672 A la lumiegravere de ces travaux il

68 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec p15 69 Site du ministegravere de lrsquointeacuterieur (publication du 08 avril 2008) httpwwwinterieurgouvfrsectionsa_la_unepublicationscultes-associations 70 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale des organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE feacutevrier 2004 71 Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Paris 11 janvier 2005 72 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Editions LrsquoHarmattan Paris 2006

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semble bien que lrsquoon assiste agrave laquo un basculement vers la notion plus large drsquoutiliteacute sociale notion qui par ailleurs entretient une filiation juridique avec le concept drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo73 Sur un plan juridique ces travaux montrent notamment qursquoil existe laquo un rapport assez eacutetroit agrave certains eacutegards entre la notion drsquoutiliteacute sociale et celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo si lrsquoon considegravere lrsquoanalyse de la jurisprudence des dix derniegraveres anneacutees74 Dans cette perspective la deacutemarche de rapprochement entre la proceacutedure RIG et RUS proposeacutee par les rapports de JL Langlais et P Morange trouverait une explication rationnelle

23 - Concernant lrsquoapproche du concept mecircme drsquoutiliteacute sociale

Comme le souligne J Gadrey75 laquo lrsquoutiliteacute sociale des organisations drsquoeacuteconomie sociale (OES) nrsquoa guegravere drsquoexistence en tant que probleacutematique geacuteneacuterale en dehors des deacutebats concernant le rocircle eacuteconomique et social actuel et futur de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Crsquoest une ideacutee qui a eacuteteacute forgeacutee pour deacutefendre lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire face agrave certaines menaces ou pour promouvoir le deacuteveloppement de regravegles favorables76 raquo Pour ce dernier en effet laquo il y a rien de naturel agrave soulever la question de lrsquoutiliteacute sociale des OES et qursquoil srsquoagit bien drsquoune convention socio-politique historiquement et geacuteographiquement contingente77 raquo Neacuteanmoins si le concept demeure aujourdrsquohui encore relativement flou paradoxalement il reccediloit dans notre droit interne une application de plus en plus freacutequente par les tribunaux78 et lrsquoAdministration fiscale79 De son cocircteacute et mecircme si pour lrsquoinstant le leacutegislateur srsquoest toujours refuseacute de srsquoorienter vers la voie drsquoune reconnaissance drsquoutiliteacute sociale80 celui-ci fait de plus reacutefeacuterence agrave ce concept81 drsquoougrave la neacutecessiteacute de privileacutegier une approche visant agrave circonscrire lrsquo laquo halo socieacutetal raquo82 des OES plutocirct que de chercher drsquoune maniegravere 73 A Euillet Lrsquoutiliteacute sociale une notion deacuteriveacutee de celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Revue de droit sanitaire et social ndeg2 avril-juin 2002 pp 2007 - 228 74 J Gadrey preacutec p 30 75 Ibidum 76 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques thegravese de droit 1998 preacutec Lrsquoauteur envisage la mise en œuvre drsquoune affirmative action en faveur des associations reconnues drsquoutiliteacute sociale 77 Si lrsquoon prend lrsquoexemple des services agrave domicile aux personnes acircgeacutees en Suegravede on peut observer que ceux-ci sont majoritairement produits par des organisations publiques locales tandis qursquoaux Etats-Unis - ougrave le laquo non profit sector raquo se construit le plus souvent comme une puissance alternative priveacutee face agrave un Etat providence laquo diaboliseacute raquo (Salamon) ils sont majoritairement financeacutes par des fonds priveacutes (beacuteneacuteficiant drsquoavantages fiscaux) 78 Voir par exemple CE 24 octobre 1979 CAA Paris 1er deacutecembre 1989 CAA Nancy 19 novembre 1992 79 Instr Fisc BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 1998 Instr Fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 (synthegravese) 80 Reacutep min du 01 juillet 1999 JO Seacutenat p 2224 81 Voir par exemple Loi ndeg2002-2 du 2 janvier 2002 relative agrave lrsquoaction sociale et meacutedico-sociale Loi ndeg 97-940 du 16 octobre 1997 relative au deacuteveloppement dactiviteacutes pour lemploi des jeunes (JO du 17 Octobre) LOI ndeg 9 8-657 du 29 juillet 1998 drsquoorientation relative agrave la lutte contre les exclusions 8282 A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport final relatif agrave la lettre de mission de Madame la Ministre de lrsquoEmploi et de la Solidariteacute 2000 pour A Lipietz il srsquoagirait de deacutefinir les contours du tiers secteur par un laquo label drsquoutiliteacute sociale et solidaire fondeacutes sur deux types de critegraveres quant aux

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improbable une deacutefinition qui serait unanimement admise par les acteurs des OES Finalement il ne srsquoagirait rien moins que de reconnaicirctre les OES afin de soutenir lrsquoeffort particulier de ces entiteacutes juridiques dont les laquo speacutecificiteacutes meacuteritoires raquo83 rejaillissent sur lrsquoensemble de la collectiviteacute Mais limiter le concept au seul beacuteneacutefice des OES serait par trop reacuteducteur et la mesure de lrsquoutiliteacute sociale doit eacutegalement ecirctre envisageacutee en tant qursquooutil de reacutegulation des politiques publiques84

24 - Concernant les difficulteacutes lieacutees agrave la mise en œuvre drsquoune proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale

Sur ce point il importe de tenir compte des critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de la proposition de mise en place drsquoun systegraveme unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale des OES (tel qursquoimagineacute par le CNVA dans son rapport datant de 1995) A cette eacutepoque le CNVA contestait laquo lrsquoambiguiumlteacute de lrsquointerpreacutetation juridique et fiscale de lrsquoutiliteacute sociale en particulier en raison de confusions constateacutees entre le critegravere de non lucrativiteacute et les vrais critegraveres drsquoutiliteacute sociale La reacuteflexion associative commence alors agrave se preacuteciser sur les critegraveres de non lucrativiteacute drsquoun cocircteacute sur les critegraveres drsquoutiliteacute sociale de lrsquoautre avec une insistance sur la neacutecessiteacute de ne pas confondre ces deux dimensions Parallegravelement le CNVA conteste lrsquoideacutee alors assez preacutesente du cocircteacute de lrsquoadministration selon laquelle un critegravere essentiel de lrsquoutiliteacute sociale serait que les besoins auxquels reacutepond lrsquoactiviteacute ne sont pas normalement (ou pas suffisamment) pris en compte par le marcheacute Cette deacutefinition purement neacutegative signifierait en effet soit que lrsquoutiliteacute sociale drsquoune association disparaicirct si le marcheacute srsquoinstalle sur un champ de besoins deacutejagrave deacutefricheacutes par les œuvres soit que lrsquoassociation devient alors automatiquement lucrative raquo85 Depuis lors un tel risque nous semble ecirctre leveacute dans la mesure ougrave le laquo reacutefeacuterentiel raquo drsquoutiliteacute sociale doit deacutesormais tenir compte de la jurisprudence du Conseil drsquoEtat en matiegravere fiscale En effet lrsquoarrecirct rendu en date du 1er octobre 199986 est venu preacuteciser qursquoun organisme sans but lucratif ne concurrence une entreprise que si les services qursquoil rend sont laquo offerts en concurrence dans la mecircme zone geacuteographique drsquoattraction avec ceux proposeacutes au mecircme public par des entreprises commerciales exerccedilant une activiteacute identique raquo Il a eacuteteacute eacutegalement preacuteciseacute depuis que laquo le critegravere du public ne doit pas srsquoentendre uniquement des situations de deacutetresse physique ou morale raquo87 buts (ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie solidaire) et quant aux modes drsquoorganisation interne (notamment lucrativiteacute limiteacutee le caractegravere deacutemocratique et multipartenariale de sa direction) ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie sociale raquo J Gadrey parle plus volontiers drsquoutiliteacute sociale externe et drsquoutiliteacute sociale interne preacutec p 37 83 F Bloch-Laineacute Identifier les associations de service social RECMA 1994 ndeg251 p 61 84 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne ibidum selon L Fraisse laquo lrsquoapparition drsquoun deacutebat sur lrsquoutiliteacute sociale peut aussi srsquointerpreacuteter comme un nouveau critegravere de politique publique agrave mecircme de preacuteciser les contours et de renforcer lrsquoinstitutionnalisation des activiteacutes et lrsquoeacuteconomie solidaire raquo voir eacutegalement N Richez-Battesti Les collectiviteacutes territoriales face agrave lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale Juris Associations ndeg376 1er avril 2008 pp 17-19 85 J Gadrey preacutec p 31 86 CE 1er octobre 1999 Association Jeune France ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354 87 Instr fisc BOI 4 H-5-06 preacutec

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Par ailleurs le CNVA soulignait le caractegravere laquo eacutevolutif voire conjoncturel raquo du concept drsquoutiliteacute sociale dans la mise en œuvre drsquoune seacuterie de dix indicateurs (voir infra) Pour lrsquoessentiel G Goulard88 consideacuterait qursquoen lrsquoeacutetat actuel ce concept eacutetait laquo encore plus subjectif que les critegraveres jurisprudentiels en vigueur raquo et qursquoune telle situation laquo risqu[ait] drsquoecirctre interpreacuteteacutee dans un sens reacuteducteur deacutefavorable aux associations dont lrsquoutiliteacute nrsquoest pas sociale mais intellectuelle culturelle spirituelle politique historique eacuteconomique etc raquo Srsquoil est vrai qursquoen 1998 de tels arguments nrsquoeacutetaient pas neacutegligeables il apparaicirct que certains drsquoentre eux apparaissaient forts contestables En effet comme le souligne J Gadrey dans son rapport de 2004 laquo la subjectiviteacute de la notion drsquoutiliteacute sociale peut fort bien ecirctre compatible avec sa consolidation comme reacutefeacuterence en droit (la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral srsquoest bien imposeacutee en deacutepit drsquoun flou aussi consideacuterable) raquo En effet il convient drsquoobserver que drsquoautres notions fondamentales agrave lrsquoinstar du droit commercial sont fondeacutees sur lrsquoarbitraire comme a deacutejagrave pu le souligner le Professeur Y Guyon laquo le droit commercial nrsquoest pas une construction fondeacutee sur la raison mais une approche fondamentalement arbitraire raquo89 Ainsi poursuit J Gadrey laquo le fait que des associations qui ne font pas partie du champ de lrsquoaction sociale (au sens strict) auraient des difficulteacutes agrave faire connaicirctre leur utiliteacute sociale nrsquoa rien drsquoineacuteluctable et deacutepend de la faccedilon dont la convention drsquoutiliteacute sociale se construit sur un mode restrictif ou au contraire extensif raquo De fait il apparaicirct que le concept drsquoutiliteacute sociale deacutepend moins de notre capaciteacute agrave deacutefinir des critegraveres distinctifs que de celle favorisant lrsquoeacutemergence drsquoune convention sociopolitique (voir infra) portant sur lrsquoutiliteacute sociale (convention drsquoutiliteacute sociale) Une telle approche preacutesenterait en outre deux avantages principaux en premier lieu celui du maintien du caractegravere eacutevolutif de ce concept en second lieu celui de la reacuteciprociteacute entretenue entre les associations et les pouvoirs publics dans la construction et lrsquoacceptation du concept mecircme

88 Rapport Goulard mars 1998 89 Y Guyon Droit des affaires Economica 5egraveme eacuted 1988 agrave rapprocher de M Despax Lrsquoentreprise et le droit Bibl Dr Priv T1 Paris 1954 p34 selon lrsquoauteur laquo le droit commercial (hellip) est neacute de la pratique Ses normes sont la conseacutecration drsquousages peu agrave peu eacutetablis et non la construction de la raison de lagrave cette difficulteacute souvent eacuteprouveacutee pour les juristes agrave les expliquer raquo

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III - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE

SOCIALE (OU SOCIETALE) UNE DEMARCHE PARTAGEE

A ndash LA PROCEDURE DE RUS PRESENTE-T-ELLE ENCORE UN INTERET

Comme le suggegravere le rapport Morange90 la proposition formuleacutee par JP Decool en mai 200591 laquo meacuterite drsquoecirctre approfondie raquo En effet pour ce dernier il convient de mettre en place une proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute socieacutetale comme substitut agrave la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral jugeacutee laquo deacutesuegravete et vague raquo laquo il serait donc opportun afin de donner une nouvelle dimension au monde associatif (hellip) de redonner au citoyen toute sa place au sein de la socieacuteteacute Lui permettre de srsquoexprimer et de manifester son deacutesir de donner ou de partager des valeurs communes Ainsi peut-on envisager le rocircle de lrsquoassociation dans la socieacuteteacute raquo A ce stade il nous semble que la meacutethode preacuteconiseacutee par le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) depuis son rapport du 4 feacutevrier 198692 demeure toujours drsquoactualiteacute93 Ce dernier preacuteconisait lrsquointroduction drsquoun systegraveme de reconnaissance a priori qui permettrait aux associations reconnues drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) de lever laquo toute incertitude durant une peacuteriode deacutefinie tant que les conditions drsquoexercice de leur activiteacute au vu desquelles elles ont obtenu lrsquoagreacutement ne seraient pas modifieacutees raquo94 Selon le projet du CNVA cette reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) devait ecirctre accordeacutee non pas par le pouvoir exeacutecutif mais par une veacuteritable juridiction ou commission paritaire composeacutee de repreacutesentants des associations des administrations concerneacutees (Ministegravere de tutelle et Administration fiscale) et preacutesideacutee par un magistrat95 Celle-ci pourrait eacutegalement comprendre un certain nombre drsquoexperts qualifieacutes et issus de la socieacuteteacute civile ainsi qursquoun repreacutesentant des collectiviteacutes locales deacutecentraliseacutees96 90 Ibidum 91 JP Decool Des associations en geacuteneacuteral vers une eacutethique socieacutetale rapport au 1er ministre mai 2005 92 Voir eacutegalement les Rapports et Avis du 12 juin 1991 et 15 juin 1995 93 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit 1998 preacutec 94 CNVA Bilan de la vie associative en 1990-1991 La documentation franccedilaise Paris 1992 Rapport et avis adopteacutes en session pleacuteniegravere du CNVA le 15 juin 1995 sur laquo lrsquoutiliteacute sociale des associations et ses conseacutequences en matiegravere eacuteconomique fiscale et financiegravere raquo 95 On peut noter la proximiteacute de cette composition avec celle de la laquo Charity Commission raquo de Grande-Bretagne composeacutee de fonctionnaires dont deux doivent ecirctre des juges dont le rocircle drsquoinformation de conseil de controcircle srsquoexerce aupregraves des laquo Charities raquo auxquelles la Commission donne le label qui ouvre droit agrave des faciliteacutes fiscales et financiegraveres 96 Voir la composition du comiteacute strateacutegique des fonds de dotation creacuteeacute le 19 novembre 2008 preacutesideacute par JJ Hyest Preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat

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Les deacutecisions de cette instance pourraient faire lrsquoobjet drsquoun recours devant les juridictions compeacutetentes (ce qui aurait eu pour effet de laquo judiciariser raquo le concept drsquoutiliteacute sociale) La reconnaissance serait attribueacutee pour une dureacutee de cinq anneacutees agrave lrsquoissue drsquoun rapport drsquoaudit baseacute sur des critegraveres drsquoeacutevaluation (pour ce qui concerne lrsquoutiliteacute sociale externe) Les critegraveres drsquoeacutevaluation pourraient faire lrsquoobjet drsquoune deacutemarche partageacutee (voir infra) et contractualiseacutee avec les diffeacuterents acteurs agrave partir de critegraveres quantitatifs et qualitatifs neacutegocieacutes En effet le CNVA nrsquoa pas souhaiteacute mettre en place un systegraveme unique et isoleacute de reconnaissance drsquoune cateacutegorie particuliegravere drsquoassociations qui serait reconnue drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) agrave lrsquoinstar de ce qui a par exemple eacuteteacute conccedilu pour la reconnaissance drsquoutiliteacute publique Il preacuteconise plutocirct laquo le recours agrave de multiples dispositifs susceptibles drsquoaccorder aux associations (en tant qursquoopeacuterateurs) ou agrave leurs activiteacutes (en tant qursquoopeacuteration97) la reconnaissance et le soutien en fonction et dans le respect de la diversiteacute des speacutecificiteacutes associatives raquo Lrsquoensemble de ces speacutecificiteacutes doit pouvoir ecirctre appreacutehendeacute agrave travers un certain nombre drsquoindicateurs avec la mise en place de la technique du faisceau drsquoindices Les critegraveres deacutegageacutes98 formeraient ainsi une liste (non exhaustive) qui permettant de mieux cerner les contours de lrsquoutiliteacute sociale

- La primauteacute du projet finaliteacute de lrsquoaction associative99

- Le fonctionnement deacutemocratique - Lrsquoapport social de lrsquoassociation100 - La non-lucrativiteacute qui par essence marque la

diffeacuterence par rapport au secteur commercial - La gestion deacutesinteacuteresseacutee101 ce qui nrsquoexclut ni la

rigueur ni la transparence financiegravere - La capaciteacute agrave mobiliser la geacuteneacuterositeacute humaine

(beacuteneacutevolat) ou financiegravere (dons) - Le mixage des publics et lrsquoouverture

qui a pour mission de suivre lrsquoeacutevolution des fonds de dotation 1 repreacutesentant du MINEFI 3 magistrats 7 personnaliteacutes qualifieacutees A ce titre il pourra eacutelaborer des recommandations de bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion et faire toutes les propositions qui lui sembleront neacutecessaires pour favoriser le deacuteveloppement des fonds de dotation (Sources MINEFI 14 janvier 2009) 97 Cette solution preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre neutre sur le plan concurrentiel et vis-agrave-vis des autres opeacuterateurs eacuteconomiques 98 Le CNVA preacutecise dans son rapport du 15 juin 1995 preacutec que ces critegraveres sont laquo non exclusifs non cumulatifs et non exhaustifs les uns par rapport aux autres raquo 99 La FONDA dans un seacuteminaire en date du 17 octobre 1992 suggeacuterait et explicitait ces trois premiers critegraveres agrave partir desquels elle se fondait pour identifier les associations drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral 100 Ce critegravere ainsi que les critegraveres 6 7 et 8 relegravevent de la notion drsquoutiliteacute sociale externe qui selon nous devrait faire lrsquoobjet drsquoune contractualisation pluri annuelle dans le cadre drsquoune deacutemarche de construction et drsquoeacutevaluation partageacutee (voir infra) 101 Sur cette notion voir Instr fisc (Synthegravese) BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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- Les secteurs drsquointervention pas ou mal couverts par les autres agents eacuteconomiques ou par les collectiviteacutes publiques

- Lrsquoexistence de financements publics ou parapublics

- Lrsquoexistence drsquoun agreacutement ministeacuteriel (Ministegravere de rattachement) ou drsquoune habilitation102

La reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) pourrait ecirctre attribueacutee aux associations laquo dont les statuts le mode de fonctionnement et les modaliteacutes drsquoexercice de leur activiteacute caracteacuterisent suffisamment leur utiliteacute sociale aux yeux de cette juridiction Elle pourrait agrave lrsquoinverse ecirctre retireacutee par cette mecircme juridiction ou commission paritaire degraves lors que les conditions ayant preacutesideacute agrave son attribution ne seraient plus reacuteunies Lrsquoabsence de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre invoqueacutee pour creacuteer une preacutesomption de lucrativiteacute pour lrsquoassociation qui nrsquoen beacuteneacuteficierait pas raquo Agrave ce jour nombreux sont les acteurs srsquoeacutetant prononceacutes en faveur de lrsquoeacutelaboration drsquoune reconnaissance unique drsquoutiliteacute sociale (RUS) Nous avons vu preacuteceacutedemment que les derniers rapports ministeacuteriels et parlementaires se montrent favorables agrave la mise en œuvre drsquoune telle proceacutedure Pour MT Cheacuteroutre103 laquo lrsquoattribution drsquoune reconnaissance par les pouvoirs publics aux organismes susceptibles drsquoecirctre exoneacutereacutes apparaicirct eacuteminemment souhaitable Cette reconnaissance accordeacutee pour une dureacutee deacutetermineacutee apporterait agrave ces derniers une garantie drsquoexoneacuteration du moins aussi longtemps qursquoil ne serait pas prouveacute par lrsquoadministration qursquoils ne respectent plus les conditions pour lesquelles ils ont obtenu ladite reconnaissance raquo De son cocircteacute la FONDA104 a eacutegalement exprimeacute son souhait drsquoassurer laquo une meilleure seacutecuriteacute financiegravere aux associations relevant de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et srsquoest montreacutee laquo favorable agrave la creacuteation drsquoune RUS attribueacutee par une commission tripartite (Etat Magistrats Associations) raquo Agrave notre connaissance deux projets de loi105 ont eacuteteacute deacuteposeacutes en ce sens pour ecirctre rapidement abandonneacutes par la suite faute de reacuteelle volonteacute politique En effet comme le souligne le CNVA agrave propos de la mise en œuvre de la RUS

102 Notamment lorsque lrsquoobjet de lrsquoassociation consiste agrave reacutealiser des activiteacutes reacuteglementeacutees 103 MT Cheacuteroute Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 rapport au nom du conseil eacuteconomique et social ndeg4 JO du 1er avril 1993 104 La FONDA Pour une eacutethique des rapports entre pouvoirs publics et citoyens seacuteminaire Paris 17 octobre 1992 105 Projet de loi A Henry RTD com 192 447 en janvier 2002 ce projet avait lanceacute une vaste consultation autour du concept drsquoutiliteacute sociale dans le but de deacutelimiter les associations auxquelles seraient accordeacutees le label Proposition de loi ndeg2779 AN 1996 art 2 laquo Les associations peuvent ecirctre reconnues drsquoutiliteacute sociale agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode probatoire de fonctionnement drsquoune dureacutee au moins eacutegale agrave trois ans lorsqursquoelles satisfont cumulativement aux conditions suivantes avoir un objet social de caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique humanitaire sportif familial culturel ou drsquoaction sociale ou de mise en œuvre du patrimoine artistique ou de deacutefense de lrsquoenvironnement ou de diffusion de la culture ou de la langue franccedilaise Exercer conformeacutement agrave cet objet des activiteacutes ouvertes agrave des personnes qui lui sont exteacuterieures raquo

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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B - LA SIMPLIFICATION DES PROCESSUS DE RECONNAISSANCE VERS UNE RECONNAISSANCE UNIQUE DrsquoUTILITE SOCIALE

1 ndash Les propositions reacutecemment formuleacutees par les rapports Langlais et Morange de 2008

Sur ce point les deux rapports srsquoaccordent pour distinguer trois types drsquoassociations

11 - Les associations deacuteclareacutees

Pour JL Langlais il srsquoagirait de reconnaicirctre la capaciteacute creacuteatrice de ces associations locales par lrsquooctroi de subventions symboliques et uniquement deacutelivreacutees par les collectiviteacutes territoriales correspondant agrave leur aire drsquoinfluence P Morange propose quant agrave lui drsquoouvrir la capaciteacute juridique de ces laquo petites raquo associations en leur permettant de percevoir des dons (autres que manuels) et de les soumettre aux controcircles drsquoun commissaire aux comptes et aux controcircles meneacutes par les services deacuteconcentreacutes degraves lors qursquoelles beacuteneacuteficieraient de subventions publiques

12 - Les associations reconnues drsquoutiliteacute sociale ou

drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

Pour JL Langlais ces associations pourraient beacuteneacuteficier drsquoune reconnaissance drsquointeacuterecirct laquo social ou geacuteneacuteral raquo

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce sont en gros les 4 conditions

requises pour lrsquoobtention de lrsquoagreacutement fiscal (cf supra) Drsquoailleurs il est proposeacute que cet agreacutement soit deacutecerneacute par lrsquoAdministration fiscale Une condition suppleacutementaire pourrait ecirctre poseacutee relative au beacuteneacutevolat sans neacutecessairement fixer de seuil a priori on devrait exiger que le beacuteneacutevolat soit nettement preacutepondeacuterant dans le fonctionnement de lrsquoassociation

Avantages consentis possibiliteacute de recevoir des subventions y

compris des subventions de fonctionnement capaciteacute agrave recevoir des dons (nrsquoexceacutedant pas un certain montant) agrave faire beacuteneacuteficier aux donateurs de lrsquoexoneacuteration fiscale au taux de droit commun

Obligations ecirctre agrave jour de leurs obligations deacuteclaratives

obligation de justifier lrsquoemploi des fonds reccedilus de deacuteposer leurs comptes en Preacutefecture de se soumettre aux controcircles aleacuteatoires ou programmeacutes de la puissance publique certification obligatoire des comptes au-delagrave de 153 000 euro de financement annuel

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Pour P Morange laquo cette cateacutegorie recouvre les associations subventionneacutees ou qui beacuteneacuteficient drsquoavantages fiscaux et oeuvrent au service de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo Selon lui laquo il serait envisageable comme en Grande Bretagne drsquoeacutetablir des listes de secteurs dans lesquels ces associations interviennent et de les soumettre agrave un certain nombre drsquoobligations en srsquoinspirant par exemple de la pratique fiscale (voir supra) Ainsi lrsquoassociation devrait poursuivre un but drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral ecirctre soumise agrave un controcircle financier et une eacutevaluation reacuteguliegravere au niveau deacutecentraliseacute raquo Enfin laquo lrsquoassociation devrait se doter drsquoun commissaire aux comptes raquo

13 Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique Pour JL Langlais seules les associations qui se consacrent exclusivement agrave des actions drsquoassistance ou de bienfaisance pourraient beacuteneacuteficier drsquoune RUP

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce seraient les mecircmes que pour la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral mais avec 3 nuances - toute lrsquoactiviteacute doit ecirctre tendue vers lrsquoobjet social - un degreacute plus eacuteleveacute de professionnalisation (et donc de salariat) serait acceptable - mais un moindre degreacute drsquoouverture exigeacute (une association pourrait ecirctre reconnue drsquoutiliteacute publique alors qursquoelle fonctionne au beacuteneacutefice drsquoun public fermeacute67)

Avantages les avantages seraient ceux du reacutegime actuel le

plus favorable dons et legs (reacutegime RUP) exoneacuteration au taux le plus favorable (laquo amendement Coluche raquo) subventions sur une base pluriannuelle

Obligations toutes les obligations du reacutegime preacuteceacutedant avec en plus lrsquoobligation de deacuteposer des comptes certifieacutes

JL Langlais poursuit en proposant que la reconnaissance drsquoutiliteacute publique soit laquo deacutecerneacutee pour une dureacutee limiteacutee soit par le ministegravere de lrsquointeacuterieur soit par le ministegravere en charge de la vie associative (et les preacutefets agrave lrsquoeacutechelon deacuteconcentreacute) soit encore par une agence nationale agrave creacuteer raquo Pour P Morange la RUP laquo serait deacutelivreacutee par le Conseil drsquoEtat comme crsquoest le cas actuellement et controcircleacutee par la Cour des comptes avec le concours de lrsquoIGAS et de lrsquoIGA pour une dureacutee limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans raquo A titre subsidiaire les auteurs proposent eacutegalement drsquoeacutetablir une laquo situation speacutecifique raquo pour les associations engageacutees dans la gestion drsquoune mission de service public tandis que P Morange envisage cette situation sous lrsquoangle de la seacutecurisation des rapports engageacutes par ces derniegraveres avec lrsquoadministration JL Langlais quant agrave lui considegravere dans une telle situation que laquo la forme juridique [drsquoassociation] nrsquoest alors qursquoune fiction raquo et que degraves lors laquo lrsquoEtat doit pouvoir les financer mais aussi les controcircler et les diriger comme il le

67 Lrsquoauteur propose de revenir sur la jurisprudence CE 7 feacutevr 2007 ndeg 287949 Steacute des anciens eacutelegraveves de lrsquoEacutecole Nationale Supeacuterieure drsquoArts et Meacutetiers et a

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ferait de ses propres services en attendant de trouver une structure juridique adeacutequate raquo Une mise en conformiteacute des proceacutedures drsquoagreacutement avec les nouvelles contraintes communautaires est eacutegalement envisageacutee

2 ndash Nos pistes de reacuteflexions

21 - Concernant le devenir de la proceacutedure RUP

Nous avons vu preacuteceacutedemment que cette proceacutedure deacutesormais consideacutereacutee comme eacutetant laquo obsolegravete raquo par la plupart des observateurs (voir supra) ne preacutesentait plus guegravere drsquointeacuterecirct sur un plan technique (voir supra) Degraves lors et en raison de la forte concentration de financements priveacutes (pregraves de 90 sous la forme de dons deacuteclareacutes par les contribuables ndash voir supra) sur un nombre extrecircmement limiteacute drsquoassociations et de fondations RUP de cette laquo proceacutedure eacutelitiste raquo la question de son devenir se pose de faccedilon cruciale En effet au 15 juillet 2000 le Conseil drsquoEtat deacutenombrait 1960 associations RUP laquo dont 200 nrsquoauraient selon lui aucune activiteacute sinon plus aucune existence raquo68 Force est de constater que presque 10 ans plus tard ce nombre nrsquoa quasiment pas augmenteacute puisque le dernier recensement effectueacute en deacutecembre 200869 par le Ministegravere de lrsquointeacuterieur fait eacutetat de 1966 associations RUP Lrsquourgence consiste donc bien agrave mettre un terme agrave cette situation laquo monopolistique raquo ougrave agrave tout le moins agrave instaurer des proceacutedures de controcircle agrave la fois plus preacutecises et plus contraignantes que celles existantes actuellement Sur ce point les propositions tendant agrave limiter la deacutelivrance de la RUP pour une dureacutee limiteacutee formuleacutees dans les rapports Langlais et Morange nous semblent parfaitement approprieacutees Ces propositions seront agrave rapprocher de celle proposeacutee par P Morange visant offrir agrave lrsquoensemble des associations la laquo grande capaciteacute juridique raquo particuliegraverement en matiegravere de dons

22 - Concernant la probleacutematique du rapprochement entre reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale)

Il ne srsquoagit pas de revenir sur les nombreux travaux drsquoores et deacutejagrave existants en matiegravere de rapprochement des concepts drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et drsquoutiliteacute sociale Parmi les plus importants lrsquoon peut citer ceux de J Gadrey en 200470 ceux reacutesultant de la journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF en 200571 ou encore la contribution commune de X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute publieacutee en 200672 A la lumiegravere de ces travaux il

68 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec p15 69 Site du ministegravere de lrsquointeacuterieur (publication du 08 avril 2008) httpwwwinterieurgouvfrsectionsa_la_unepublicationscultes-associations 70 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale des organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE feacutevrier 2004 71 Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Paris 11 janvier 2005 72 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Editions LrsquoHarmattan Paris 2006

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semble bien que lrsquoon assiste agrave laquo un basculement vers la notion plus large drsquoutiliteacute sociale notion qui par ailleurs entretient une filiation juridique avec le concept drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo73 Sur un plan juridique ces travaux montrent notamment qursquoil existe laquo un rapport assez eacutetroit agrave certains eacutegards entre la notion drsquoutiliteacute sociale et celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo si lrsquoon considegravere lrsquoanalyse de la jurisprudence des dix derniegraveres anneacutees74 Dans cette perspective la deacutemarche de rapprochement entre la proceacutedure RIG et RUS proposeacutee par les rapports de JL Langlais et P Morange trouverait une explication rationnelle

23 - Concernant lrsquoapproche du concept mecircme drsquoutiliteacute sociale

Comme le souligne J Gadrey75 laquo lrsquoutiliteacute sociale des organisations drsquoeacuteconomie sociale (OES) nrsquoa guegravere drsquoexistence en tant que probleacutematique geacuteneacuterale en dehors des deacutebats concernant le rocircle eacuteconomique et social actuel et futur de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Crsquoest une ideacutee qui a eacuteteacute forgeacutee pour deacutefendre lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire face agrave certaines menaces ou pour promouvoir le deacuteveloppement de regravegles favorables76 raquo Pour ce dernier en effet laquo il y a rien de naturel agrave soulever la question de lrsquoutiliteacute sociale des OES et qursquoil srsquoagit bien drsquoune convention socio-politique historiquement et geacuteographiquement contingente77 raquo Neacuteanmoins si le concept demeure aujourdrsquohui encore relativement flou paradoxalement il reccediloit dans notre droit interne une application de plus en plus freacutequente par les tribunaux78 et lrsquoAdministration fiscale79 De son cocircteacute et mecircme si pour lrsquoinstant le leacutegislateur srsquoest toujours refuseacute de srsquoorienter vers la voie drsquoune reconnaissance drsquoutiliteacute sociale80 celui-ci fait de plus reacutefeacuterence agrave ce concept81 drsquoougrave la neacutecessiteacute de privileacutegier une approche visant agrave circonscrire lrsquo laquo halo socieacutetal raquo82 des OES plutocirct que de chercher drsquoune maniegravere 73 A Euillet Lrsquoutiliteacute sociale une notion deacuteriveacutee de celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Revue de droit sanitaire et social ndeg2 avril-juin 2002 pp 2007 - 228 74 J Gadrey preacutec p 30 75 Ibidum 76 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques thegravese de droit 1998 preacutec Lrsquoauteur envisage la mise en œuvre drsquoune affirmative action en faveur des associations reconnues drsquoutiliteacute sociale 77 Si lrsquoon prend lrsquoexemple des services agrave domicile aux personnes acircgeacutees en Suegravede on peut observer que ceux-ci sont majoritairement produits par des organisations publiques locales tandis qursquoaux Etats-Unis - ougrave le laquo non profit sector raquo se construit le plus souvent comme une puissance alternative priveacutee face agrave un Etat providence laquo diaboliseacute raquo (Salamon) ils sont majoritairement financeacutes par des fonds priveacutes (beacuteneacuteficiant drsquoavantages fiscaux) 78 Voir par exemple CE 24 octobre 1979 CAA Paris 1er deacutecembre 1989 CAA Nancy 19 novembre 1992 79 Instr Fisc BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 1998 Instr Fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 (synthegravese) 80 Reacutep min du 01 juillet 1999 JO Seacutenat p 2224 81 Voir par exemple Loi ndeg2002-2 du 2 janvier 2002 relative agrave lrsquoaction sociale et meacutedico-sociale Loi ndeg 97-940 du 16 octobre 1997 relative au deacuteveloppement dactiviteacutes pour lemploi des jeunes (JO du 17 Octobre) LOI ndeg 9 8-657 du 29 juillet 1998 drsquoorientation relative agrave la lutte contre les exclusions 8282 A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport final relatif agrave la lettre de mission de Madame la Ministre de lrsquoEmploi et de la Solidariteacute 2000 pour A Lipietz il srsquoagirait de deacutefinir les contours du tiers secteur par un laquo label drsquoutiliteacute sociale et solidaire fondeacutes sur deux types de critegraveres quant aux

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improbable une deacutefinition qui serait unanimement admise par les acteurs des OES Finalement il ne srsquoagirait rien moins que de reconnaicirctre les OES afin de soutenir lrsquoeffort particulier de ces entiteacutes juridiques dont les laquo speacutecificiteacutes meacuteritoires raquo83 rejaillissent sur lrsquoensemble de la collectiviteacute Mais limiter le concept au seul beacuteneacutefice des OES serait par trop reacuteducteur et la mesure de lrsquoutiliteacute sociale doit eacutegalement ecirctre envisageacutee en tant qursquooutil de reacutegulation des politiques publiques84

24 - Concernant les difficulteacutes lieacutees agrave la mise en œuvre drsquoune proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale

Sur ce point il importe de tenir compte des critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de la proposition de mise en place drsquoun systegraveme unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale des OES (tel qursquoimagineacute par le CNVA dans son rapport datant de 1995) A cette eacutepoque le CNVA contestait laquo lrsquoambiguiumlteacute de lrsquointerpreacutetation juridique et fiscale de lrsquoutiliteacute sociale en particulier en raison de confusions constateacutees entre le critegravere de non lucrativiteacute et les vrais critegraveres drsquoutiliteacute sociale La reacuteflexion associative commence alors agrave se preacuteciser sur les critegraveres de non lucrativiteacute drsquoun cocircteacute sur les critegraveres drsquoutiliteacute sociale de lrsquoautre avec une insistance sur la neacutecessiteacute de ne pas confondre ces deux dimensions Parallegravelement le CNVA conteste lrsquoideacutee alors assez preacutesente du cocircteacute de lrsquoadministration selon laquelle un critegravere essentiel de lrsquoutiliteacute sociale serait que les besoins auxquels reacutepond lrsquoactiviteacute ne sont pas normalement (ou pas suffisamment) pris en compte par le marcheacute Cette deacutefinition purement neacutegative signifierait en effet soit que lrsquoutiliteacute sociale drsquoune association disparaicirct si le marcheacute srsquoinstalle sur un champ de besoins deacutejagrave deacutefricheacutes par les œuvres soit que lrsquoassociation devient alors automatiquement lucrative raquo85 Depuis lors un tel risque nous semble ecirctre leveacute dans la mesure ougrave le laquo reacutefeacuterentiel raquo drsquoutiliteacute sociale doit deacutesormais tenir compte de la jurisprudence du Conseil drsquoEtat en matiegravere fiscale En effet lrsquoarrecirct rendu en date du 1er octobre 199986 est venu preacuteciser qursquoun organisme sans but lucratif ne concurrence une entreprise que si les services qursquoil rend sont laquo offerts en concurrence dans la mecircme zone geacuteographique drsquoattraction avec ceux proposeacutes au mecircme public par des entreprises commerciales exerccedilant une activiteacute identique raquo Il a eacuteteacute eacutegalement preacuteciseacute depuis que laquo le critegravere du public ne doit pas srsquoentendre uniquement des situations de deacutetresse physique ou morale raquo87 buts (ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie solidaire) et quant aux modes drsquoorganisation interne (notamment lucrativiteacute limiteacutee le caractegravere deacutemocratique et multipartenariale de sa direction) ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie sociale raquo J Gadrey parle plus volontiers drsquoutiliteacute sociale externe et drsquoutiliteacute sociale interne preacutec p 37 83 F Bloch-Laineacute Identifier les associations de service social RECMA 1994 ndeg251 p 61 84 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne ibidum selon L Fraisse laquo lrsquoapparition drsquoun deacutebat sur lrsquoutiliteacute sociale peut aussi srsquointerpreacuteter comme un nouveau critegravere de politique publique agrave mecircme de preacuteciser les contours et de renforcer lrsquoinstitutionnalisation des activiteacutes et lrsquoeacuteconomie solidaire raquo voir eacutegalement N Richez-Battesti Les collectiviteacutes territoriales face agrave lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale Juris Associations ndeg376 1er avril 2008 pp 17-19 85 J Gadrey preacutec p 31 86 CE 1er octobre 1999 Association Jeune France ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354 87 Instr fisc BOI 4 H-5-06 preacutec

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Par ailleurs le CNVA soulignait le caractegravere laquo eacutevolutif voire conjoncturel raquo du concept drsquoutiliteacute sociale dans la mise en œuvre drsquoune seacuterie de dix indicateurs (voir infra) Pour lrsquoessentiel G Goulard88 consideacuterait qursquoen lrsquoeacutetat actuel ce concept eacutetait laquo encore plus subjectif que les critegraveres jurisprudentiels en vigueur raquo et qursquoune telle situation laquo risqu[ait] drsquoecirctre interpreacuteteacutee dans un sens reacuteducteur deacutefavorable aux associations dont lrsquoutiliteacute nrsquoest pas sociale mais intellectuelle culturelle spirituelle politique historique eacuteconomique etc raquo Srsquoil est vrai qursquoen 1998 de tels arguments nrsquoeacutetaient pas neacutegligeables il apparaicirct que certains drsquoentre eux apparaissaient forts contestables En effet comme le souligne J Gadrey dans son rapport de 2004 laquo la subjectiviteacute de la notion drsquoutiliteacute sociale peut fort bien ecirctre compatible avec sa consolidation comme reacutefeacuterence en droit (la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral srsquoest bien imposeacutee en deacutepit drsquoun flou aussi consideacuterable) raquo En effet il convient drsquoobserver que drsquoautres notions fondamentales agrave lrsquoinstar du droit commercial sont fondeacutees sur lrsquoarbitraire comme a deacutejagrave pu le souligner le Professeur Y Guyon laquo le droit commercial nrsquoest pas une construction fondeacutee sur la raison mais une approche fondamentalement arbitraire raquo89 Ainsi poursuit J Gadrey laquo le fait que des associations qui ne font pas partie du champ de lrsquoaction sociale (au sens strict) auraient des difficulteacutes agrave faire connaicirctre leur utiliteacute sociale nrsquoa rien drsquoineacuteluctable et deacutepend de la faccedilon dont la convention drsquoutiliteacute sociale se construit sur un mode restrictif ou au contraire extensif raquo De fait il apparaicirct que le concept drsquoutiliteacute sociale deacutepend moins de notre capaciteacute agrave deacutefinir des critegraveres distinctifs que de celle favorisant lrsquoeacutemergence drsquoune convention sociopolitique (voir infra) portant sur lrsquoutiliteacute sociale (convention drsquoutiliteacute sociale) Une telle approche preacutesenterait en outre deux avantages principaux en premier lieu celui du maintien du caractegravere eacutevolutif de ce concept en second lieu celui de la reacuteciprociteacute entretenue entre les associations et les pouvoirs publics dans la construction et lrsquoacceptation du concept mecircme

88 Rapport Goulard mars 1998 89 Y Guyon Droit des affaires Economica 5egraveme eacuted 1988 agrave rapprocher de M Despax Lrsquoentreprise et le droit Bibl Dr Priv T1 Paris 1954 p34 selon lrsquoauteur laquo le droit commercial (hellip) est neacute de la pratique Ses normes sont la conseacutecration drsquousages peu agrave peu eacutetablis et non la construction de la raison de lagrave cette difficulteacute souvent eacuteprouveacutee pour les juristes agrave les expliquer raquo

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III - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE

SOCIALE (OU SOCIETALE) UNE DEMARCHE PARTAGEE

A ndash LA PROCEDURE DE RUS PRESENTE-T-ELLE ENCORE UN INTERET

Comme le suggegravere le rapport Morange90 la proposition formuleacutee par JP Decool en mai 200591 laquo meacuterite drsquoecirctre approfondie raquo En effet pour ce dernier il convient de mettre en place une proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute socieacutetale comme substitut agrave la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral jugeacutee laquo deacutesuegravete et vague raquo laquo il serait donc opportun afin de donner une nouvelle dimension au monde associatif (hellip) de redonner au citoyen toute sa place au sein de la socieacuteteacute Lui permettre de srsquoexprimer et de manifester son deacutesir de donner ou de partager des valeurs communes Ainsi peut-on envisager le rocircle de lrsquoassociation dans la socieacuteteacute raquo A ce stade il nous semble que la meacutethode preacuteconiseacutee par le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) depuis son rapport du 4 feacutevrier 198692 demeure toujours drsquoactualiteacute93 Ce dernier preacuteconisait lrsquointroduction drsquoun systegraveme de reconnaissance a priori qui permettrait aux associations reconnues drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) de lever laquo toute incertitude durant une peacuteriode deacutefinie tant que les conditions drsquoexercice de leur activiteacute au vu desquelles elles ont obtenu lrsquoagreacutement ne seraient pas modifieacutees raquo94 Selon le projet du CNVA cette reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) devait ecirctre accordeacutee non pas par le pouvoir exeacutecutif mais par une veacuteritable juridiction ou commission paritaire composeacutee de repreacutesentants des associations des administrations concerneacutees (Ministegravere de tutelle et Administration fiscale) et preacutesideacutee par un magistrat95 Celle-ci pourrait eacutegalement comprendre un certain nombre drsquoexperts qualifieacutes et issus de la socieacuteteacute civile ainsi qursquoun repreacutesentant des collectiviteacutes locales deacutecentraliseacutees96 90 Ibidum 91 JP Decool Des associations en geacuteneacuteral vers une eacutethique socieacutetale rapport au 1er ministre mai 2005 92 Voir eacutegalement les Rapports et Avis du 12 juin 1991 et 15 juin 1995 93 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit 1998 preacutec 94 CNVA Bilan de la vie associative en 1990-1991 La documentation franccedilaise Paris 1992 Rapport et avis adopteacutes en session pleacuteniegravere du CNVA le 15 juin 1995 sur laquo lrsquoutiliteacute sociale des associations et ses conseacutequences en matiegravere eacuteconomique fiscale et financiegravere raquo 95 On peut noter la proximiteacute de cette composition avec celle de la laquo Charity Commission raquo de Grande-Bretagne composeacutee de fonctionnaires dont deux doivent ecirctre des juges dont le rocircle drsquoinformation de conseil de controcircle srsquoexerce aupregraves des laquo Charities raquo auxquelles la Commission donne le label qui ouvre droit agrave des faciliteacutes fiscales et financiegraveres 96 Voir la composition du comiteacute strateacutegique des fonds de dotation creacuteeacute le 19 novembre 2008 preacutesideacute par JJ Hyest Preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat

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Les deacutecisions de cette instance pourraient faire lrsquoobjet drsquoun recours devant les juridictions compeacutetentes (ce qui aurait eu pour effet de laquo judiciariser raquo le concept drsquoutiliteacute sociale) La reconnaissance serait attribueacutee pour une dureacutee de cinq anneacutees agrave lrsquoissue drsquoun rapport drsquoaudit baseacute sur des critegraveres drsquoeacutevaluation (pour ce qui concerne lrsquoutiliteacute sociale externe) Les critegraveres drsquoeacutevaluation pourraient faire lrsquoobjet drsquoune deacutemarche partageacutee (voir infra) et contractualiseacutee avec les diffeacuterents acteurs agrave partir de critegraveres quantitatifs et qualitatifs neacutegocieacutes En effet le CNVA nrsquoa pas souhaiteacute mettre en place un systegraveme unique et isoleacute de reconnaissance drsquoune cateacutegorie particuliegravere drsquoassociations qui serait reconnue drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) agrave lrsquoinstar de ce qui a par exemple eacuteteacute conccedilu pour la reconnaissance drsquoutiliteacute publique Il preacuteconise plutocirct laquo le recours agrave de multiples dispositifs susceptibles drsquoaccorder aux associations (en tant qursquoopeacuterateurs) ou agrave leurs activiteacutes (en tant qursquoopeacuteration97) la reconnaissance et le soutien en fonction et dans le respect de la diversiteacute des speacutecificiteacutes associatives raquo Lrsquoensemble de ces speacutecificiteacutes doit pouvoir ecirctre appreacutehendeacute agrave travers un certain nombre drsquoindicateurs avec la mise en place de la technique du faisceau drsquoindices Les critegraveres deacutegageacutes98 formeraient ainsi une liste (non exhaustive) qui permettant de mieux cerner les contours de lrsquoutiliteacute sociale

- La primauteacute du projet finaliteacute de lrsquoaction associative99

- Le fonctionnement deacutemocratique - Lrsquoapport social de lrsquoassociation100 - La non-lucrativiteacute qui par essence marque la

diffeacuterence par rapport au secteur commercial - La gestion deacutesinteacuteresseacutee101 ce qui nrsquoexclut ni la

rigueur ni la transparence financiegravere - La capaciteacute agrave mobiliser la geacuteneacuterositeacute humaine

(beacuteneacutevolat) ou financiegravere (dons) - Le mixage des publics et lrsquoouverture

qui a pour mission de suivre lrsquoeacutevolution des fonds de dotation 1 repreacutesentant du MINEFI 3 magistrats 7 personnaliteacutes qualifieacutees A ce titre il pourra eacutelaborer des recommandations de bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion et faire toutes les propositions qui lui sembleront neacutecessaires pour favoriser le deacuteveloppement des fonds de dotation (Sources MINEFI 14 janvier 2009) 97 Cette solution preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre neutre sur le plan concurrentiel et vis-agrave-vis des autres opeacuterateurs eacuteconomiques 98 Le CNVA preacutecise dans son rapport du 15 juin 1995 preacutec que ces critegraveres sont laquo non exclusifs non cumulatifs et non exhaustifs les uns par rapport aux autres raquo 99 La FONDA dans un seacuteminaire en date du 17 octobre 1992 suggeacuterait et explicitait ces trois premiers critegraveres agrave partir desquels elle se fondait pour identifier les associations drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral 100 Ce critegravere ainsi que les critegraveres 6 7 et 8 relegravevent de la notion drsquoutiliteacute sociale externe qui selon nous devrait faire lrsquoobjet drsquoune contractualisation pluri annuelle dans le cadre drsquoune deacutemarche de construction et drsquoeacutevaluation partageacutee (voir infra) 101 Sur cette notion voir Instr fisc (Synthegravese) BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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- Les secteurs drsquointervention pas ou mal couverts par les autres agents eacuteconomiques ou par les collectiviteacutes publiques

- Lrsquoexistence de financements publics ou parapublics

- Lrsquoexistence drsquoun agreacutement ministeacuteriel (Ministegravere de rattachement) ou drsquoune habilitation102

La reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) pourrait ecirctre attribueacutee aux associations laquo dont les statuts le mode de fonctionnement et les modaliteacutes drsquoexercice de leur activiteacute caracteacuterisent suffisamment leur utiliteacute sociale aux yeux de cette juridiction Elle pourrait agrave lrsquoinverse ecirctre retireacutee par cette mecircme juridiction ou commission paritaire degraves lors que les conditions ayant preacutesideacute agrave son attribution ne seraient plus reacuteunies Lrsquoabsence de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre invoqueacutee pour creacuteer une preacutesomption de lucrativiteacute pour lrsquoassociation qui nrsquoen beacuteneacuteficierait pas raquo Agrave ce jour nombreux sont les acteurs srsquoeacutetant prononceacutes en faveur de lrsquoeacutelaboration drsquoune reconnaissance unique drsquoutiliteacute sociale (RUS) Nous avons vu preacuteceacutedemment que les derniers rapports ministeacuteriels et parlementaires se montrent favorables agrave la mise en œuvre drsquoune telle proceacutedure Pour MT Cheacuteroutre103 laquo lrsquoattribution drsquoune reconnaissance par les pouvoirs publics aux organismes susceptibles drsquoecirctre exoneacutereacutes apparaicirct eacuteminemment souhaitable Cette reconnaissance accordeacutee pour une dureacutee deacutetermineacutee apporterait agrave ces derniers une garantie drsquoexoneacuteration du moins aussi longtemps qursquoil ne serait pas prouveacute par lrsquoadministration qursquoils ne respectent plus les conditions pour lesquelles ils ont obtenu ladite reconnaissance raquo De son cocircteacute la FONDA104 a eacutegalement exprimeacute son souhait drsquoassurer laquo une meilleure seacutecuriteacute financiegravere aux associations relevant de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et srsquoest montreacutee laquo favorable agrave la creacuteation drsquoune RUS attribueacutee par une commission tripartite (Etat Magistrats Associations) raquo Agrave notre connaissance deux projets de loi105 ont eacuteteacute deacuteposeacutes en ce sens pour ecirctre rapidement abandonneacutes par la suite faute de reacuteelle volonteacute politique En effet comme le souligne le CNVA agrave propos de la mise en œuvre de la RUS

102 Notamment lorsque lrsquoobjet de lrsquoassociation consiste agrave reacutealiser des activiteacutes reacuteglementeacutees 103 MT Cheacuteroute Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 rapport au nom du conseil eacuteconomique et social ndeg4 JO du 1er avril 1993 104 La FONDA Pour une eacutethique des rapports entre pouvoirs publics et citoyens seacuteminaire Paris 17 octobre 1992 105 Projet de loi A Henry RTD com 192 447 en janvier 2002 ce projet avait lanceacute une vaste consultation autour du concept drsquoutiliteacute sociale dans le but de deacutelimiter les associations auxquelles seraient accordeacutees le label Proposition de loi ndeg2779 AN 1996 art 2 laquo Les associations peuvent ecirctre reconnues drsquoutiliteacute sociale agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode probatoire de fonctionnement drsquoune dureacutee au moins eacutegale agrave trois ans lorsqursquoelles satisfont cumulativement aux conditions suivantes avoir un objet social de caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique humanitaire sportif familial culturel ou drsquoaction sociale ou de mise en œuvre du patrimoine artistique ou de deacutefense de lrsquoenvironnement ou de diffusion de la culture ou de la langue franccedilaise Exercer conformeacutement agrave cet objet des activiteacutes ouvertes agrave des personnes qui lui sont exteacuterieures raquo

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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Pour P Morange laquo cette cateacutegorie recouvre les associations subventionneacutees ou qui beacuteneacuteficient drsquoavantages fiscaux et oeuvrent au service de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo Selon lui laquo il serait envisageable comme en Grande Bretagne drsquoeacutetablir des listes de secteurs dans lesquels ces associations interviennent et de les soumettre agrave un certain nombre drsquoobligations en srsquoinspirant par exemple de la pratique fiscale (voir supra) Ainsi lrsquoassociation devrait poursuivre un but drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral ecirctre soumise agrave un controcircle financier et une eacutevaluation reacuteguliegravere au niveau deacutecentraliseacute raquo Enfin laquo lrsquoassociation devrait se doter drsquoun commissaire aux comptes raquo

13 Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique Pour JL Langlais seules les associations qui se consacrent exclusivement agrave des actions drsquoassistance ou de bienfaisance pourraient beacuteneacuteficier drsquoune RUP

Conditions drsquoeacuteligibiliteacute ce seraient les mecircmes que pour la reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral mais avec 3 nuances - toute lrsquoactiviteacute doit ecirctre tendue vers lrsquoobjet social - un degreacute plus eacuteleveacute de professionnalisation (et donc de salariat) serait acceptable - mais un moindre degreacute drsquoouverture exigeacute (une association pourrait ecirctre reconnue drsquoutiliteacute publique alors qursquoelle fonctionne au beacuteneacutefice drsquoun public fermeacute67)

Avantages les avantages seraient ceux du reacutegime actuel le

plus favorable dons et legs (reacutegime RUP) exoneacuteration au taux le plus favorable (laquo amendement Coluche raquo) subventions sur une base pluriannuelle

Obligations toutes les obligations du reacutegime preacuteceacutedant avec en plus lrsquoobligation de deacuteposer des comptes certifieacutes

JL Langlais poursuit en proposant que la reconnaissance drsquoutiliteacute publique soit laquo deacutecerneacutee pour une dureacutee limiteacutee soit par le ministegravere de lrsquointeacuterieur soit par le ministegravere en charge de la vie associative (et les preacutefets agrave lrsquoeacutechelon deacuteconcentreacute) soit encore par une agence nationale agrave creacuteer raquo Pour P Morange la RUP laquo serait deacutelivreacutee par le Conseil drsquoEtat comme crsquoest le cas actuellement et controcircleacutee par la Cour des comptes avec le concours de lrsquoIGAS et de lrsquoIGA pour une dureacutee limiteacutee et avec un rapport drsquoaudit au bout de cinq ans raquo A titre subsidiaire les auteurs proposent eacutegalement drsquoeacutetablir une laquo situation speacutecifique raquo pour les associations engageacutees dans la gestion drsquoune mission de service public tandis que P Morange envisage cette situation sous lrsquoangle de la seacutecurisation des rapports engageacutes par ces derniegraveres avec lrsquoadministration JL Langlais quant agrave lui considegravere dans une telle situation que laquo la forme juridique [drsquoassociation] nrsquoest alors qursquoune fiction raquo et que degraves lors laquo lrsquoEtat doit pouvoir les financer mais aussi les controcircler et les diriger comme il le

67 Lrsquoauteur propose de revenir sur la jurisprudence CE 7 feacutevr 2007 ndeg 287949 Steacute des anciens eacutelegraveves de lrsquoEacutecole Nationale Supeacuterieure drsquoArts et Meacutetiers et a

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ferait de ses propres services en attendant de trouver une structure juridique adeacutequate raquo Une mise en conformiteacute des proceacutedures drsquoagreacutement avec les nouvelles contraintes communautaires est eacutegalement envisageacutee

2 ndash Nos pistes de reacuteflexions

21 - Concernant le devenir de la proceacutedure RUP

Nous avons vu preacuteceacutedemment que cette proceacutedure deacutesormais consideacutereacutee comme eacutetant laquo obsolegravete raquo par la plupart des observateurs (voir supra) ne preacutesentait plus guegravere drsquointeacuterecirct sur un plan technique (voir supra) Degraves lors et en raison de la forte concentration de financements priveacutes (pregraves de 90 sous la forme de dons deacuteclareacutes par les contribuables ndash voir supra) sur un nombre extrecircmement limiteacute drsquoassociations et de fondations RUP de cette laquo proceacutedure eacutelitiste raquo la question de son devenir se pose de faccedilon cruciale En effet au 15 juillet 2000 le Conseil drsquoEtat deacutenombrait 1960 associations RUP laquo dont 200 nrsquoauraient selon lui aucune activiteacute sinon plus aucune existence raquo68 Force est de constater que presque 10 ans plus tard ce nombre nrsquoa quasiment pas augmenteacute puisque le dernier recensement effectueacute en deacutecembre 200869 par le Ministegravere de lrsquointeacuterieur fait eacutetat de 1966 associations RUP Lrsquourgence consiste donc bien agrave mettre un terme agrave cette situation laquo monopolistique raquo ougrave agrave tout le moins agrave instaurer des proceacutedures de controcircle agrave la fois plus preacutecises et plus contraignantes que celles existantes actuellement Sur ce point les propositions tendant agrave limiter la deacutelivrance de la RUP pour une dureacutee limiteacutee formuleacutees dans les rapports Langlais et Morange nous semblent parfaitement approprieacutees Ces propositions seront agrave rapprocher de celle proposeacutee par P Morange visant offrir agrave lrsquoensemble des associations la laquo grande capaciteacute juridique raquo particuliegraverement en matiegravere de dons

22 - Concernant la probleacutematique du rapprochement entre reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale)

Il ne srsquoagit pas de revenir sur les nombreux travaux drsquoores et deacutejagrave existants en matiegravere de rapprochement des concepts drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et drsquoutiliteacute sociale Parmi les plus importants lrsquoon peut citer ceux de J Gadrey en 200470 ceux reacutesultant de la journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF en 200571 ou encore la contribution commune de X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute publieacutee en 200672 A la lumiegravere de ces travaux il

68 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec p15 69 Site du ministegravere de lrsquointeacuterieur (publication du 08 avril 2008) httpwwwinterieurgouvfrsectionsa_la_unepublicationscultes-associations 70 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale des organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE feacutevrier 2004 71 Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Paris 11 janvier 2005 72 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Editions LrsquoHarmattan Paris 2006

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semble bien que lrsquoon assiste agrave laquo un basculement vers la notion plus large drsquoutiliteacute sociale notion qui par ailleurs entretient une filiation juridique avec le concept drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo73 Sur un plan juridique ces travaux montrent notamment qursquoil existe laquo un rapport assez eacutetroit agrave certains eacutegards entre la notion drsquoutiliteacute sociale et celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo si lrsquoon considegravere lrsquoanalyse de la jurisprudence des dix derniegraveres anneacutees74 Dans cette perspective la deacutemarche de rapprochement entre la proceacutedure RIG et RUS proposeacutee par les rapports de JL Langlais et P Morange trouverait une explication rationnelle

23 - Concernant lrsquoapproche du concept mecircme drsquoutiliteacute sociale

Comme le souligne J Gadrey75 laquo lrsquoutiliteacute sociale des organisations drsquoeacuteconomie sociale (OES) nrsquoa guegravere drsquoexistence en tant que probleacutematique geacuteneacuterale en dehors des deacutebats concernant le rocircle eacuteconomique et social actuel et futur de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Crsquoest une ideacutee qui a eacuteteacute forgeacutee pour deacutefendre lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire face agrave certaines menaces ou pour promouvoir le deacuteveloppement de regravegles favorables76 raquo Pour ce dernier en effet laquo il y a rien de naturel agrave soulever la question de lrsquoutiliteacute sociale des OES et qursquoil srsquoagit bien drsquoune convention socio-politique historiquement et geacuteographiquement contingente77 raquo Neacuteanmoins si le concept demeure aujourdrsquohui encore relativement flou paradoxalement il reccediloit dans notre droit interne une application de plus en plus freacutequente par les tribunaux78 et lrsquoAdministration fiscale79 De son cocircteacute et mecircme si pour lrsquoinstant le leacutegislateur srsquoest toujours refuseacute de srsquoorienter vers la voie drsquoune reconnaissance drsquoutiliteacute sociale80 celui-ci fait de plus reacutefeacuterence agrave ce concept81 drsquoougrave la neacutecessiteacute de privileacutegier une approche visant agrave circonscrire lrsquo laquo halo socieacutetal raquo82 des OES plutocirct que de chercher drsquoune maniegravere 73 A Euillet Lrsquoutiliteacute sociale une notion deacuteriveacutee de celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Revue de droit sanitaire et social ndeg2 avril-juin 2002 pp 2007 - 228 74 J Gadrey preacutec p 30 75 Ibidum 76 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques thegravese de droit 1998 preacutec Lrsquoauteur envisage la mise en œuvre drsquoune affirmative action en faveur des associations reconnues drsquoutiliteacute sociale 77 Si lrsquoon prend lrsquoexemple des services agrave domicile aux personnes acircgeacutees en Suegravede on peut observer que ceux-ci sont majoritairement produits par des organisations publiques locales tandis qursquoaux Etats-Unis - ougrave le laquo non profit sector raquo se construit le plus souvent comme une puissance alternative priveacutee face agrave un Etat providence laquo diaboliseacute raquo (Salamon) ils sont majoritairement financeacutes par des fonds priveacutes (beacuteneacuteficiant drsquoavantages fiscaux) 78 Voir par exemple CE 24 octobre 1979 CAA Paris 1er deacutecembre 1989 CAA Nancy 19 novembre 1992 79 Instr Fisc BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 1998 Instr Fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 (synthegravese) 80 Reacutep min du 01 juillet 1999 JO Seacutenat p 2224 81 Voir par exemple Loi ndeg2002-2 du 2 janvier 2002 relative agrave lrsquoaction sociale et meacutedico-sociale Loi ndeg 97-940 du 16 octobre 1997 relative au deacuteveloppement dactiviteacutes pour lemploi des jeunes (JO du 17 Octobre) LOI ndeg 9 8-657 du 29 juillet 1998 drsquoorientation relative agrave la lutte contre les exclusions 8282 A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport final relatif agrave la lettre de mission de Madame la Ministre de lrsquoEmploi et de la Solidariteacute 2000 pour A Lipietz il srsquoagirait de deacutefinir les contours du tiers secteur par un laquo label drsquoutiliteacute sociale et solidaire fondeacutes sur deux types de critegraveres quant aux

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improbable une deacutefinition qui serait unanimement admise par les acteurs des OES Finalement il ne srsquoagirait rien moins que de reconnaicirctre les OES afin de soutenir lrsquoeffort particulier de ces entiteacutes juridiques dont les laquo speacutecificiteacutes meacuteritoires raquo83 rejaillissent sur lrsquoensemble de la collectiviteacute Mais limiter le concept au seul beacuteneacutefice des OES serait par trop reacuteducteur et la mesure de lrsquoutiliteacute sociale doit eacutegalement ecirctre envisageacutee en tant qursquooutil de reacutegulation des politiques publiques84

24 - Concernant les difficulteacutes lieacutees agrave la mise en œuvre drsquoune proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale

Sur ce point il importe de tenir compte des critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de la proposition de mise en place drsquoun systegraveme unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale des OES (tel qursquoimagineacute par le CNVA dans son rapport datant de 1995) A cette eacutepoque le CNVA contestait laquo lrsquoambiguiumlteacute de lrsquointerpreacutetation juridique et fiscale de lrsquoutiliteacute sociale en particulier en raison de confusions constateacutees entre le critegravere de non lucrativiteacute et les vrais critegraveres drsquoutiliteacute sociale La reacuteflexion associative commence alors agrave se preacuteciser sur les critegraveres de non lucrativiteacute drsquoun cocircteacute sur les critegraveres drsquoutiliteacute sociale de lrsquoautre avec une insistance sur la neacutecessiteacute de ne pas confondre ces deux dimensions Parallegravelement le CNVA conteste lrsquoideacutee alors assez preacutesente du cocircteacute de lrsquoadministration selon laquelle un critegravere essentiel de lrsquoutiliteacute sociale serait que les besoins auxquels reacutepond lrsquoactiviteacute ne sont pas normalement (ou pas suffisamment) pris en compte par le marcheacute Cette deacutefinition purement neacutegative signifierait en effet soit que lrsquoutiliteacute sociale drsquoune association disparaicirct si le marcheacute srsquoinstalle sur un champ de besoins deacutejagrave deacutefricheacutes par les œuvres soit que lrsquoassociation devient alors automatiquement lucrative raquo85 Depuis lors un tel risque nous semble ecirctre leveacute dans la mesure ougrave le laquo reacutefeacuterentiel raquo drsquoutiliteacute sociale doit deacutesormais tenir compte de la jurisprudence du Conseil drsquoEtat en matiegravere fiscale En effet lrsquoarrecirct rendu en date du 1er octobre 199986 est venu preacuteciser qursquoun organisme sans but lucratif ne concurrence une entreprise que si les services qursquoil rend sont laquo offerts en concurrence dans la mecircme zone geacuteographique drsquoattraction avec ceux proposeacutes au mecircme public par des entreprises commerciales exerccedilant une activiteacute identique raquo Il a eacuteteacute eacutegalement preacuteciseacute depuis que laquo le critegravere du public ne doit pas srsquoentendre uniquement des situations de deacutetresse physique ou morale raquo87 buts (ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie solidaire) et quant aux modes drsquoorganisation interne (notamment lucrativiteacute limiteacutee le caractegravere deacutemocratique et multipartenariale de sa direction) ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie sociale raquo J Gadrey parle plus volontiers drsquoutiliteacute sociale externe et drsquoutiliteacute sociale interne preacutec p 37 83 F Bloch-Laineacute Identifier les associations de service social RECMA 1994 ndeg251 p 61 84 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne ibidum selon L Fraisse laquo lrsquoapparition drsquoun deacutebat sur lrsquoutiliteacute sociale peut aussi srsquointerpreacuteter comme un nouveau critegravere de politique publique agrave mecircme de preacuteciser les contours et de renforcer lrsquoinstitutionnalisation des activiteacutes et lrsquoeacuteconomie solidaire raquo voir eacutegalement N Richez-Battesti Les collectiviteacutes territoriales face agrave lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale Juris Associations ndeg376 1er avril 2008 pp 17-19 85 J Gadrey preacutec p 31 86 CE 1er octobre 1999 Association Jeune France ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354 87 Instr fisc BOI 4 H-5-06 preacutec

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Par ailleurs le CNVA soulignait le caractegravere laquo eacutevolutif voire conjoncturel raquo du concept drsquoutiliteacute sociale dans la mise en œuvre drsquoune seacuterie de dix indicateurs (voir infra) Pour lrsquoessentiel G Goulard88 consideacuterait qursquoen lrsquoeacutetat actuel ce concept eacutetait laquo encore plus subjectif que les critegraveres jurisprudentiels en vigueur raquo et qursquoune telle situation laquo risqu[ait] drsquoecirctre interpreacuteteacutee dans un sens reacuteducteur deacutefavorable aux associations dont lrsquoutiliteacute nrsquoest pas sociale mais intellectuelle culturelle spirituelle politique historique eacuteconomique etc raquo Srsquoil est vrai qursquoen 1998 de tels arguments nrsquoeacutetaient pas neacutegligeables il apparaicirct que certains drsquoentre eux apparaissaient forts contestables En effet comme le souligne J Gadrey dans son rapport de 2004 laquo la subjectiviteacute de la notion drsquoutiliteacute sociale peut fort bien ecirctre compatible avec sa consolidation comme reacutefeacuterence en droit (la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral srsquoest bien imposeacutee en deacutepit drsquoun flou aussi consideacuterable) raquo En effet il convient drsquoobserver que drsquoautres notions fondamentales agrave lrsquoinstar du droit commercial sont fondeacutees sur lrsquoarbitraire comme a deacutejagrave pu le souligner le Professeur Y Guyon laquo le droit commercial nrsquoest pas une construction fondeacutee sur la raison mais une approche fondamentalement arbitraire raquo89 Ainsi poursuit J Gadrey laquo le fait que des associations qui ne font pas partie du champ de lrsquoaction sociale (au sens strict) auraient des difficulteacutes agrave faire connaicirctre leur utiliteacute sociale nrsquoa rien drsquoineacuteluctable et deacutepend de la faccedilon dont la convention drsquoutiliteacute sociale se construit sur un mode restrictif ou au contraire extensif raquo De fait il apparaicirct que le concept drsquoutiliteacute sociale deacutepend moins de notre capaciteacute agrave deacutefinir des critegraveres distinctifs que de celle favorisant lrsquoeacutemergence drsquoune convention sociopolitique (voir infra) portant sur lrsquoutiliteacute sociale (convention drsquoutiliteacute sociale) Une telle approche preacutesenterait en outre deux avantages principaux en premier lieu celui du maintien du caractegravere eacutevolutif de ce concept en second lieu celui de la reacuteciprociteacute entretenue entre les associations et les pouvoirs publics dans la construction et lrsquoacceptation du concept mecircme

88 Rapport Goulard mars 1998 89 Y Guyon Droit des affaires Economica 5egraveme eacuted 1988 agrave rapprocher de M Despax Lrsquoentreprise et le droit Bibl Dr Priv T1 Paris 1954 p34 selon lrsquoauteur laquo le droit commercial (hellip) est neacute de la pratique Ses normes sont la conseacutecration drsquousages peu agrave peu eacutetablis et non la construction de la raison de lagrave cette difficulteacute souvent eacuteprouveacutee pour les juristes agrave les expliquer raquo

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III - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE

SOCIALE (OU SOCIETALE) UNE DEMARCHE PARTAGEE

A ndash LA PROCEDURE DE RUS PRESENTE-T-ELLE ENCORE UN INTERET

Comme le suggegravere le rapport Morange90 la proposition formuleacutee par JP Decool en mai 200591 laquo meacuterite drsquoecirctre approfondie raquo En effet pour ce dernier il convient de mettre en place une proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute socieacutetale comme substitut agrave la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral jugeacutee laquo deacutesuegravete et vague raquo laquo il serait donc opportun afin de donner une nouvelle dimension au monde associatif (hellip) de redonner au citoyen toute sa place au sein de la socieacuteteacute Lui permettre de srsquoexprimer et de manifester son deacutesir de donner ou de partager des valeurs communes Ainsi peut-on envisager le rocircle de lrsquoassociation dans la socieacuteteacute raquo A ce stade il nous semble que la meacutethode preacuteconiseacutee par le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) depuis son rapport du 4 feacutevrier 198692 demeure toujours drsquoactualiteacute93 Ce dernier preacuteconisait lrsquointroduction drsquoun systegraveme de reconnaissance a priori qui permettrait aux associations reconnues drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) de lever laquo toute incertitude durant une peacuteriode deacutefinie tant que les conditions drsquoexercice de leur activiteacute au vu desquelles elles ont obtenu lrsquoagreacutement ne seraient pas modifieacutees raquo94 Selon le projet du CNVA cette reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) devait ecirctre accordeacutee non pas par le pouvoir exeacutecutif mais par une veacuteritable juridiction ou commission paritaire composeacutee de repreacutesentants des associations des administrations concerneacutees (Ministegravere de tutelle et Administration fiscale) et preacutesideacutee par un magistrat95 Celle-ci pourrait eacutegalement comprendre un certain nombre drsquoexperts qualifieacutes et issus de la socieacuteteacute civile ainsi qursquoun repreacutesentant des collectiviteacutes locales deacutecentraliseacutees96 90 Ibidum 91 JP Decool Des associations en geacuteneacuteral vers une eacutethique socieacutetale rapport au 1er ministre mai 2005 92 Voir eacutegalement les Rapports et Avis du 12 juin 1991 et 15 juin 1995 93 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit 1998 preacutec 94 CNVA Bilan de la vie associative en 1990-1991 La documentation franccedilaise Paris 1992 Rapport et avis adopteacutes en session pleacuteniegravere du CNVA le 15 juin 1995 sur laquo lrsquoutiliteacute sociale des associations et ses conseacutequences en matiegravere eacuteconomique fiscale et financiegravere raquo 95 On peut noter la proximiteacute de cette composition avec celle de la laquo Charity Commission raquo de Grande-Bretagne composeacutee de fonctionnaires dont deux doivent ecirctre des juges dont le rocircle drsquoinformation de conseil de controcircle srsquoexerce aupregraves des laquo Charities raquo auxquelles la Commission donne le label qui ouvre droit agrave des faciliteacutes fiscales et financiegraveres 96 Voir la composition du comiteacute strateacutegique des fonds de dotation creacuteeacute le 19 novembre 2008 preacutesideacute par JJ Hyest Preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat

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Les deacutecisions de cette instance pourraient faire lrsquoobjet drsquoun recours devant les juridictions compeacutetentes (ce qui aurait eu pour effet de laquo judiciariser raquo le concept drsquoutiliteacute sociale) La reconnaissance serait attribueacutee pour une dureacutee de cinq anneacutees agrave lrsquoissue drsquoun rapport drsquoaudit baseacute sur des critegraveres drsquoeacutevaluation (pour ce qui concerne lrsquoutiliteacute sociale externe) Les critegraveres drsquoeacutevaluation pourraient faire lrsquoobjet drsquoune deacutemarche partageacutee (voir infra) et contractualiseacutee avec les diffeacuterents acteurs agrave partir de critegraveres quantitatifs et qualitatifs neacutegocieacutes En effet le CNVA nrsquoa pas souhaiteacute mettre en place un systegraveme unique et isoleacute de reconnaissance drsquoune cateacutegorie particuliegravere drsquoassociations qui serait reconnue drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) agrave lrsquoinstar de ce qui a par exemple eacuteteacute conccedilu pour la reconnaissance drsquoutiliteacute publique Il preacuteconise plutocirct laquo le recours agrave de multiples dispositifs susceptibles drsquoaccorder aux associations (en tant qursquoopeacuterateurs) ou agrave leurs activiteacutes (en tant qursquoopeacuteration97) la reconnaissance et le soutien en fonction et dans le respect de la diversiteacute des speacutecificiteacutes associatives raquo Lrsquoensemble de ces speacutecificiteacutes doit pouvoir ecirctre appreacutehendeacute agrave travers un certain nombre drsquoindicateurs avec la mise en place de la technique du faisceau drsquoindices Les critegraveres deacutegageacutes98 formeraient ainsi une liste (non exhaustive) qui permettant de mieux cerner les contours de lrsquoutiliteacute sociale

- La primauteacute du projet finaliteacute de lrsquoaction associative99

- Le fonctionnement deacutemocratique - Lrsquoapport social de lrsquoassociation100 - La non-lucrativiteacute qui par essence marque la

diffeacuterence par rapport au secteur commercial - La gestion deacutesinteacuteresseacutee101 ce qui nrsquoexclut ni la

rigueur ni la transparence financiegravere - La capaciteacute agrave mobiliser la geacuteneacuterositeacute humaine

(beacuteneacutevolat) ou financiegravere (dons) - Le mixage des publics et lrsquoouverture

qui a pour mission de suivre lrsquoeacutevolution des fonds de dotation 1 repreacutesentant du MINEFI 3 magistrats 7 personnaliteacutes qualifieacutees A ce titre il pourra eacutelaborer des recommandations de bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion et faire toutes les propositions qui lui sembleront neacutecessaires pour favoriser le deacuteveloppement des fonds de dotation (Sources MINEFI 14 janvier 2009) 97 Cette solution preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre neutre sur le plan concurrentiel et vis-agrave-vis des autres opeacuterateurs eacuteconomiques 98 Le CNVA preacutecise dans son rapport du 15 juin 1995 preacutec que ces critegraveres sont laquo non exclusifs non cumulatifs et non exhaustifs les uns par rapport aux autres raquo 99 La FONDA dans un seacuteminaire en date du 17 octobre 1992 suggeacuterait et explicitait ces trois premiers critegraveres agrave partir desquels elle se fondait pour identifier les associations drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral 100 Ce critegravere ainsi que les critegraveres 6 7 et 8 relegravevent de la notion drsquoutiliteacute sociale externe qui selon nous devrait faire lrsquoobjet drsquoune contractualisation pluri annuelle dans le cadre drsquoune deacutemarche de construction et drsquoeacutevaluation partageacutee (voir infra) 101 Sur cette notion voir Instr fisc (Synthegravese) BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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- Les secteurs drsquointervention pas ou mal couverts par les autres agents eacuteconomiques ou par les collectiviteacutes publiques

- Lrsquoexistence de financements publics ou parapublics

- Lrsquoexistence drsquoun agreacutement ministeacuteriel (Ministegravere de rattachement) ou drsquoune habilitation102

La reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) pourrait ecirctre attribueacutee aux associations laquo dont les statuts le mode de fonctionnement et les modaliteacutes drsquoexercice de leur activiteacute caracteacuterisent suffisamment leur utiliteacute sociale aux yeux de cette juridiction Elle pourrait agrave lrsquoinverse ecirctre retireacutee par cette mecircme juridiction ou commission paritaire degraves lors que les conditions ayant preacutesideacute agrave son attribution ne seraient plus reacuteunies Lrsquoabsence de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre invoqueacutee pour creacuteer une preacutesomption de lucrativiteacute pour lrsquoassociation qui nrsquoen beacuteneacuteficierait pas raquo Agrave ce jour nombreux sont les acteurs srsquoeacutetant prononceacutes en faveur de lrsquoeacutelaboration drsquoune reconnaissance unique drsquoutiliteacute sociale (RUS) Nous avons vu preacuteceacutedemment que les derniers rapports ministeacuteriels et parlementaires se montrent favorables agrave la mise en œuvre drsquoune telle proceacutedure Pour MT Cheacuteroutre103 laquo lrsquoattribution drsquoune reconnaissance par les pouvoirs publics aux organismes susceptibles drsquoecirctre exoneacutereacutes apparaicirct eacuteminemment souhaitable Cette reconnaissance accordeacutee pour une dureacutee deacutetermineacutee apporterait agrave ces derniers une garantie drsquoexoneacuteration du moins aussi longtemps qursquoil ne serait pas prouveacute par lrsquoadministration qursquoils ne respectent plus les conditions pour lesquelles ils ont obtenu ladite reconnaissance raquo De son cocircteacute la FONDA104 a eacutegalement exprimeacute son souhait drsquoassurer laquo une meilleure seacutecuriteacute financiegravere aux associations relevant de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et srsquoest montreacutee laquo favorable agrave la creacuteation drsquoune RUS attribueacutee par une commission tripartite (Etat Magistrats Associations) raquo Agrave notre connaissance deux projets de loi105 ont eacuteteacute deacuteposeacutes en ce sens pour ecirctre rapidement abandonneacutes par la suite faute de reacuteelle volonteacute politique En effet comme le souligne le CNVA agrave propos de la mise en œuvre de la RUS

102 Notamment lorsque lrsquoobjet de lrsquoassociation consiste agrave reacutealiser des activiteacutes reacuteglementeacutees 103 MT Cheacuteroute Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 rapport au nom du conseil eacuteconomique et social ndeg4 JO du 1er avril 1993 104 La FONDA Pour une eacutethique des rapports entre pouvoirs publics et citoyens seacuteminaire Paris 17 octobre 1992 105 Projet de loi A Henry RTD com 192 447 en janvier 2002 ce projet avait lanceacute une vaste consultation autour du concept drsquoutiliteacute sociale dans le but de deacutelimiter les associations auxquelles seraient accordeacutees le label Proposition de loi ndeg2779 AN 1996 art 2 laquo Les associations peuvent ecirctre reconnues drsquoutiliteacute sociale agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode probatoire de fonctionnement drsquoune dureacutee au moins eacutegale agrave trois ans lorsqursquoelles satisfont cumulativement aux conditions suivantes avoir un objet social de caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique humanitaire sportif familial culturel ou drsquoaction sociale ou de mise en œuvre du patrimoine artistique ou de deacutefense de lrsquoenvironnement ou de diffusion de la culture ou de la langue franccedilaise Exercer conformeacutement agrave cet objet des activiteacutes ouvertes agrave des personnes qui lui sont exteacuterieures raquo

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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ferait de ses propres services en attendant de trouver une structure juridique adeacutequate raquo Une mise en conformiteacute des proceacutedures drsquoagreacutement avec les nouvelles contraintes communautaires est eacutegalement envisageacutee

2 ndash Nos pistes de reacuteflexions

21 - Concernant le devenir de la proceacutedure RUP

Nous avons vu preacuteceacutedemment que cette proceacutedure deacutesormais consideacutereacutee comme eacutetant laquo obsolegravete raquo par la plupart des observateurs (voir supra) ne preacutesentait plus guegravere drsquointeacuterecirct sur un plan technique (voir supra) Degraves lors et en raison de la forte concentration de financements priveacutes (pregraves de 90 sous la forme de dons deacuteclareacutes par les contribuables ndash voir supra) sur un nombre extrecircmement limiteacute drsquoassociations et de fondations RUP de cette laquo proceacutedure eacutelitiste raquo la question de son devenir se pose de faccedilon cruciale En effet au 15 juillet 2000 le Conseil drsquoEtat deacutenombrait 1960 associations RUP laquo dont 200 nrsquoauraient selon lui aucune activiteacute sinon plus aucune existence raquo68 Force est de constater que presque 10 ans plus tard ce nombre nrsquoa quasiment pas augmenteacute puisque le dernier recensement effectueacute en deacutecembre 200869 par le Ministegravere de lrsquointeacuterieur fait eacutetat de 1966 associations RUP Lrsquourgence consiste donc bien agrave mettre un terme agrave cette situation laquo monopolistique raquo ougrave agrave tout le moins agrave instaurer des proceacutedures de controcircle agrave la fois plus preacutecises et plus contraignantes que celles existantes actuellement Sur ce point les propositions tendant agrave limiter la deacutelivrance de la RUP pour une dureacutee limiteacutee formuleacutees dans les rapports Langlais et Morange nous semblent parfaitement approprieacutees Ces propositions seront agrave rapprocher de celle proposeacutee par P Morange visant offrir agrave lrsquoensemble des associations la laquo grande capaciteacute juridique raquo particuliegraverement en matiegravere de dons

22 - Concernant la probleacutematique du rapprochement entre reconnaissance drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale)

Il ne srsquoagit pas de revenir sur les nombreux travaux drsquoores et deacutejagrave existants en matiegravere de rapprochement des concepts drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et drsquoutiliteacute sociale Parmi les plus importants lrsquoon peut citer ceux de J Gadrey en 200470 ceux reacutesultant de la journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF en 200571 ou encore la contribution commune de X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute publieacutee en 200672 A la lumiegravere de ces travaux il

68 CE Les associations reconnues drsquoutiliteacute publique preacutec p15 69 Site du ministegravere de lrsquointeacuterieur (publication du 08 avril 2008) httpwwwinterieurgouvfrsectionsa_la_unepublicationscultes-associations 70 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale des organisations de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire rapport de synthegravese pour la DIES et la MIRE feacutevrier 2004 71 Journeacutee drsquoeacutetudes organiseacutee sous lrsquoeacutegide de lrsquoEHESS du LASMAS et du GREF De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale La reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Paris 11 janvier 2005 72 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne Editions LrsquoHarmattan Paris 2006

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semble bien que lrsquoon assiste agrave laquo un basculement vers la notion plus large drsquoutiliteacute sociale notion qui par ailleurs entretient une filiation juridique avec le concept drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo73 Sur un plan juridique ces travaux montrent notamment qursquoil existe laquo un rapport assez eacutetroit agrave certains eacutegards entre la notion drsquoutiliteacute sociale et celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo si lrsquoon considegravere lrsquoanalyse de la jurisprudence des dix derniegraveres anneacutees74 Dans cette perspective la deacutemarche de rapprochement entre la proceacutedure RIG et RUS proposeacutee par les rapports de JL Langlais et P Morange trouverait une explication rationnelle

23 - Concernant lrsquoapproche du concept mecircme drsquoutiliteacute sociale

Comme le souligne J Gadrey75 laquo lrsquoutiliteacute sociale des organisations drsquoeacuteconomie sociale (OES) nrsquoa guegravere drsquoexistence en tant que probleacutematique geacuteneacuterale en dehors des deacutebats concernant le rocircle eacuteconomique et social actuel et futur de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Crsquoest une ideacutee qui a eacuteteacute forgeacutee pour deacutefendre lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire face agrave certaines menaces ou pour promouvoir le deacuteveloppement de regravegles favorables76 raquo Pour ce dernier en effet laquo il y a rien de naturel agrave soulever la question de lrsquoutiliteacute sociale des OES et qursquoil srsquoagit bien drsquoune convention socio-politique historiquement et geacuteographiquement contingente77 raquo Neacuteanmoins si le concept demeure aujourdrsquohui encore relativement flou paradoxalement il reccediloit dans notre droit interne une application de plus en plus freacutequente par les tribunaux78 et lrsquoAdministration fiscale79 De son cocircteacute et mecircme si pour lrsquoinstant le leacutegislateur srsquoest toujours refuseacute de srsquoorienter vers la voie drsquoune reconnaissance drsquoutiliteacute sociale80 celui-ci fait de plus reacutefeacuterence agrave ce concept81 drsquoougrave la neacutecessiteacute de privileacutegier une approche visant agrave circonscrire lrsquo laquo halo socieacutetal raquo82 des OES plutocirct que de chercher drsquoune maniegravere 73 A Euillet Lrsquoutiliteacute sociale une notion deacuteriveacutee de celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Revue de droit sanitaire et social ndeg2 avril-juin 2002 pp 2007 - 228 74 J Gadrey preacutec p 30 75 Ibidum 76 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques thegravese de droit 1998 preacutec Lrsquoauteur envisage la mise en œuvre drsquoune affirmative action en faveur des associations reconnues drsquoutiliteacute sociale 77 Si lrsquoon prend lrsquoexemple des services agrave domicile aux personnes acircgeacutees en Suegravede on peut observer que ceux-ci sont majoritairement produits par des organisations publiques locales tandis qursquoaux Etats-Unis - ougrave le laquo non profit sector raquo se construit le plus souvent comme une puissance alternative priveacutee face agrave un Etat providence laquo diaboliseacute raquo (Salamon) ils sont majoritairement financeacutes par des fonds priveacutes (beacuteneacuteficiant drsquoavantages fiscaux) 78 Voir par exemple CE 24 octobre 1979 CAA Paris 1er deacutecembre 1989 CAA Nancy 19 novembre 1992 79 Instr Fisc BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 1998 Instr Fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 (synthegravese) 80 Reacutep min du 01 juillet 1999 JO Seacutenat p 2224 81 Voir par exemple Loi ndeg2002-2 du 2 janvier 2002 relative agrave lrsquoaction sociale et meacutedico-sociale Loi ndeg 97-940 du 16 octobre 1997 relative au deacuteveloppement dactiviteacutes pour lemploi des jeunes (JO du 17 Octobre) LOI ndeg 9 8-657 du 29 juillet 1998 drsquoorientation relative agrave la lutte contre les exclusions 8282 A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport final relatif agrave la lettre de mission de Madame la Ministre de lrsquoEmploi et de la Solidariteacute 2000 pour A Lipietz il srsquoagirait de deacutefinir les contours du tiers secteur par un laquo label drsquoutiliteacute sociale et solidaire fondeacutes sur deux types de critegraveres quant aux

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improbable une deacutefinition qui serait unanimement admise par les acteurs des OES Finalement il ne srsquoagirait rien moins que de reconnaicirctre les OES afin de soutenir lrsquoeffort particulier de ces entiteacutes juridiques dont les laquo speacutecificiteacutes meacuteritoires raquo83 rejaillissent sur lrsquoensemble de la collectiviteacute Mais limiter le concept au seul beacuteneacutefice des OES serait par trop reacuteducteur et la mesure de lrsquoutiliteacute sociale doit eacutegalement ecirctre envisageacutee en tant qursquooutil de reacutegulation des politiques publiques84

24 - Concernant les difficulteacutes lieacutees agrave la mise en œuvre drsquoune proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale

Sur ce point il importe de tenir compte des critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de la proposition de mise en place drsquoun systegraveme unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale des OES (tel qursquoimagineacute par le CNVA dans son rapport datant de 1995) A cette eacutepoque le CNVA contestait laquo lrsquoambiguiumlteacute de lrsquointerpreacutetation juridique et fiscale de lrsquoutiliteacute sociale en particulier en raison de confusions constateacutees entre le critegravere de non lucrativiteacute et les vrais critegraveres drsquoutiliteacute sociale La reacuteflexion associative commence alors agrave se preacuteciser sur les critegraveres de non lucrativiteacute drsquoun cocircteacute sur les critegraveres drsquoutiliteacute sociale de lrsquoautre avec une insistance sur la neacutecessiteacute de ne pas confondre ces deux dimensions Parallegravelement le CNVA conteste lrsquoideacutee alors assez preacutesente du cocircteacute de lrsquoadministration selon laquelle un critegravere essentiel de lrsquoutiliteacute sociale serait que les besoins auxquels reacutepond lrsquoactiviteacute ne sont pas normalement (ou pas suffisamment) pris en compte par le marcheacute Cette deacutefinition purement neacutegative signifierait en effet soit que lrsquoutiliteacute sociale drsquoune association disparaicirct si le marcheacute srsquoinstalle sur un champ de besoins deacutejagrave deacutefricheacutes par les œuvres soit que lrsquoassociation devient alors automatiquement lucrative raquo85 Depuis lors un tel risque nous semble ecirctre leveacute dans la mesure ougrave le laquo reacutefeacuterentiel raquo drsquoutiliteacute sociale doit deacutesormais tenir compte de la jurisprudence du Conseil drsquoEtat en matiegravere fiscale En effet lrsquoarrecirct rendu en date du 1er octobre 199986 est venu preacuteciser qursquoun organisme sans but lucratif ne concurrence une entreprise que si les services qursquoil rend sont laquo offerts en concurrence dans la mecircme zone geacuteographique drsquoattraction avec ceux proposeacutes au mecircme public par des entreprises commerciales exerccedilant une activiteacute identique raquo Il a eacuteteacute eacutegalement preacuteciseacute depuis que laquo le critegravere du public ne doit pas srsquoentendre uniquement des situations de deacutetresse physique ou morale raquo87 buts (ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie solidaire) et quant aux modes drsquoorganisation interne (notamment lucrativiteacute limiteacutee le caractegravere deacutemocratique et multipartenariale de sa direction) ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie sociale raquo J Gadrey parle plus volontiers drsquoutiliteacute sociale externe et drsquoutiliteacute sociale interne preacutec p 37 83 F Bloch-Laineacute Identifier les associations de service social RECMA 1994 ndeg251 p 61 84 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne ibidum selon L Fraisse laquo lrsquoapparition drsquoun deacutebat sur lrsquoutiliteacute sociale peut aussi srsquointerpreacuteter comme un nouveau critegravere de politique publique agrave mecircme de preacuteciser les contours et de renforcer lrsquoinstitutionnalisation des activiteacutes et lrsquoeacuteconomie solidaire raquo voir eacutegalement N Richez-Battesti Les collectiviteacutes territoriales face agrave lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale Juris Associations ndeg376 1er avril 2008 pp 17-19 85 J Gadrey preacutec p 31 86 CE 1er octobre 1999 Association Jeune France ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354 87 Instr fisc BOI 4 H-5-06 preacutec

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Par ailleurs le CNVA soulignait le caractegravere laquo eacutevolutif voire conjoncturel raquo du concept drsquoutiliteacute sociale dans la mise en œuvre drsquoune seacuterie de dix indicateurs (voir infra) Pour lrsquoessentiel G Goulard88 consideacuterait qursquoen lrsquoeacutetat actuel ce concept eacutetait laquo encore plus subjectif que les critegraveres jurisprudentiels en vigueur raquo et qursquoune telle situation laquo risqu[ait] drsquoecirctre interpreacuteteacutee dans un sens reacuteducteur deacutefavorable aux associations dont lrsquoutiliteacute nrsquoest pas sociale mais intellectuelle culturelle spirituelle politique historique eacuteconomique etc raquo Srsquoil est vrai qursquoen 1998 de tels arguments nrsquoeacutetaient pas neacutegligeables il apparaicirct que certains drsquoentre eux apparaissaient forts contestables En effet comme le souligne J Gadrey dans son rapport de 2004 laquo la subjectiviteacute de la notion drsquoutiliteacute sociale peut fort bien ecirctre compatible avec sa consolidation comme reacutefeacuterence en droit (la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral srsquoest bien imposeacutee en deacutepit drsquoun flou aussi consideacuterable) raquo En effet il convient drsquoobserver que drsquoautres notions fondamentales agrave lrsquoinstar du droit commercial sont fondeacutees sur lrsquoarbitraire comme a deacutejagrave pu le souligner le Professeur Y Guyon laquo le droit commercial nrsquoest pas une construction fondeacutee sur la raison mais une approche fondamentalement arbitraire raquo89 Ainsi poursuit J Gadrey laquo le fait que des associations qui ne font pas partie du champ de lrsquoaction sociale (au sens strict) auraient des difficulteacutes agrave faire connaicirctre leur utiliteacute sociale nrsquoa rien drsquoineacuteluctable et deacutepend de la faccedilon dont la convention drsquoutiliteacute sociale se construit sur un mode restrictif ou au contraire extensif raquo De fait il apparaicirct que le concept drsquoutiliteacute sociale deacutepend moins de notre capaciteacute agrave deacutefinir des critegraveres distinctifs que de celle favorisant lrsquoeacutemergence drsquoune convention sociopolitique (voir infra) portant sur lrsquoutiliteacute sociale (convention drsquoutiliteacute sociale) Une telle approche preacutesenterait en outre deux avantages principaux en premier lieu celui du maintien du caractegravere eacutevolutif de ce concept en second lieu celui de la reacuteciprociteacute entretenue entre les associations et les pouvoirs publics dans la construction et lrsquoacceptation du concept mecircme

88 Rapport Goulard mars 1998 89 Y Guyon Droit des affaires Economica 5egraveme eacuted 1988 agrave rapprocher de M Despax Lrsquoentreprise et le droit Bibl Dr Priv T1 Paris 1954 p34 selon lrsquoauteur laquo le droit commercial (hellip) est neacute de la pratique Ses normes sont la conseacutecration drsquousages peu agrave peu eacutetablis et non la construction de la raison de lagrave cette difficulteacute souvent eacuteprouveacutee pour les juristes agrave les expliquer raquo

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III - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE

SOCIALE (OU SOCIETALE) UNE DEMARCHE PARTAGEE

A ndash LA PROCEDURE DE RUS PRESENTE-T-ELLE ENCORE UN INTERET

Comme le suggegravere le rapport Morange90 la proposition formuleacutee par JP Decool en mai 200591 laquo meacuterite drsquoecirctre approfondie raquo En effet pour ce dernier il convient de mettre en place une proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute socieacutetale comme substitut agrave la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral jugeacutee laquo deacutesuegravete et vague raquo laquo il serait donc opportun afin de donner une nouvelle dimension au monde associatif (hellip) de redonner au citoyen toute sa place au sein de la socieacuteteacute Lui permettre de srsquoexprimer et de manifester son deacutesir de donner ou de partager des valeurs communes Ainsi peut-on envisager le rocircle de lrsquoassociation dans la socieacuteteacute raquo A ce stade il nous semble que la meacutethode preacuteconiseacutee par le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) depuis son rapport du 4 feacutevrier 198692 demeure toujours drsquoactualiteacute93 Ce dernier preacuteconisait lrsquointroduction drsquoun systegraveme de reconnaissance a priori qui permettrait aux associations reconnues drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) de lever laquo toute incertitude durant une peacuteriode deacutefinie tant que les conditions drsquoexercice de leur activiteacute au vu desquelles elles ont obtenu lrsquoagreacutement ne seraient pas modifieacutees raquo94 Selon le projet du CNVA cette reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) devait ecirctre accordeacutee non pas par le pouvoir exeacutecutif mais par une veacuteritable juridiction ou commission paritaire composeacutee de repreacutesentants des associations des administrations concerneacutees (Ministegravere de tutelle et Administration fiscale) et preacutesideacutee par un magistrat95 Celle-ci pourrait eacutegalement comprendre un certain nombre drsquoexperts qualifieacutes et issus de la socieacuteteacute civile ainsi qursquoun repreacutesentant des collectiviteacutes locales deacutecentraliseacutees96 90 Ibidum 91 JP Decool Des associations en geacuteneacuteral vers une eacutethique socieacutetale rapport au 1er ministre mai 2005 92 Voir eacutegalement les Rapports et Avis du 12 juin 1991 et 15 juin 1995 93 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit 1998 preacutec 94 CNVA Bilan de la vie associative en 1990-1991 La documentation franccedilaise Paris 1992 Rapport et avis adopteacutes en session pleacuteniegravere du CNVA le 15 juin 1995 sur laquo lrsquoutiliteacute sociale des associations et ses conseacutequences en matiegravere eacuteconomique fiscale et financiegravere raquo 95 On peut noter la proximiteacute de cette composition avec celle de la laquo Charity Commission raquo de Grande-Bretagne composeacutee de fonctionnaires dont deux doivent ecirctre des juges dont le rocircle drsquoinformation de conseil de controcircle srsquoexerce aupregraves des laquo Charities raquo auxquelles la Commission donne le label qui ouvre droit agrave des faciliteacutes fiscales et financiegraveres 96 Voir la composition du comiteacute strateacutegique des fonds de dotation creacuteeacute le 19 novembre 2008 preacutesideacute par JJ Hyest Preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat

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Les deacutecisions de cette instance pourraient faire lrsquoobjet drsquoun recours devant les juridictions compeacutetentes (ce qui aurait eu pour effet de laquo judiciariser raquo le concept drsquoutiliteacute sociale) La reconnaissance serait attribueacutee pour une dureacutee de cinq anneacutees agrave lrsquoissue drsquoun rapport drsquoaudit baseacute sur des critegraveres drsquoeacutevaluation (pour ce qui concerne lrsquoutiliteacute sociale externe) Les critegraveres drsquoeacutevaluation pourraient faire lrsquoobjet drsquoune deacutemarche partageacutee (voir infra) et contractualiseacutee avec les diffeacuterents acteurs agrave partir de critegraveres quantitatifs et qualitatifs neacutegocieacutes En effet le CNVA nrsquoa pas souhaiteacute mettre en place un systegraveme unique et isoleacute de reconnaissance drsquoune cateacutegorie particuliegravere drsquoassociations qui serait reconnue drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) agrave lrsquoinstar de ce qui a par exemple eacuteteacute conccedilu pour la reconnaissance drsquoutiliteacute publique Il preacuteconise plutocirct laquo le recours agrave de multiples dispositifs susceptibles drsquoaccorder aux associations (en tant qursquoopeacuterateurs) ou agrave leurs activiteacutes (en tant qursquoopeacuteration97) la reconnaissance et le soutien en fonction et dans le respect de la diversiteacute des speacutecificiteacutes associatives raquo Lrsquoensemble de ces speacutecificiteacutes doit pouvoir ecirctre appreacutehendeacute agrave travers un certain nombre drsquoindicateurs avec la mise en place de la technique du faisceau drsquoindices Les critegraveres deacutegageacutes98 formeraient ainsi une liste (non exhaustive) qui permettant de mieux cerner les contours de lrsquoutiliteacute sociale

- La primauteacute du projet finaliteacute de lrsquoaction associative99

- Le fonctionnement deacutemocratique - Lrsquoapport social de lrsquoassociation100 - La non-lucrativiteacute qui par essence marque la

diffeacuterence par rapport au secteur commercial - La gestion deacutesinteacuteresseacutee101 ce qui nrsquoexclut ni la

rigueur ni la transparence financiegravere - La capaciteacute agrave mobiliser la geacuteneacuterositeacute humaine

(beacuteneacutevolat) ou financiegravere (dons) - Le mixage des publics et lrsquoouverture

qui a pour mission de suivre lrsquoeacutevolution des fonds de dotation 1 repreacutesentant du MINEFI 3 magistrats 7 personnaliteacutes qualifieacutees A ce titre il pourra eacutelaborer des recommandations de bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion et faire toutes les propositions qui lui sembleront neacutecessaires pour favoriser le deacuteveloppement des fonds de dotation (Sources MINEFI 14 janvier 2009) 97 Cette solution preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre neutre sur le plan concurrentiel et vis-agrave-vis des autres opeacuterateurs eacuteconomiques 98 Le CNVA preacutecise dans son rapport du 15 juin 1995 preacutec que ces critegraveres sont laquo non exclusifs non cumulatifs et non exhaustifs les uns par rapport aux autres raquo 99 La FONDA dans un seacuteminaire en date du 17 octobre 1992 suggeacuterait et explicitait ces trois premiers critegraveres agrave partir desquels elle se fondait pour identifier les associations drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral 100 Ce critegravere ainsi que les critegraveres 6 7 et 8 relegravevent de la notion drsquoutiliteacute sociale externe qui selon nous devrait faire lrsquoobjet drsquoune contractualisation pluri annuelle dans le cadre drsquoune deacutemarche de construction et drsquoeacutevaluation partageacutee (voir infra) 101 Sur cette notion voir Instr fisc (Synthegravese) BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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- Les secteurs drsquointervention pas ou mal couverts par les autres agents eacuteconomiques ou par les collectiviteacutes publiques

- Lrsquoexistence de financements publics ou parapublics

- Lrsquoexistence drsquoun agreacutement ministeacuteriel (Ministegravere de rattachement) ou drsquoune habilitation102

La reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) pourrait ecirctre attribueacutee aux associations laquo dont les statuts le mode de fonctionnement et les modaliteacutes drsquoexercice de leur activiteacute caracteacuterisent suffisamment leur utiliteacute sociale aux yeux de cette juridiction Elle pourrait agrave lrsquoinverse ecirctre retireacutee par cette mecircme juridiction ou commission paritaire degraves lors que les conditions ayant preacutesideacute agrave son attribution ne seraient plus reacuteunies Lrsquoabsence de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre invoqueacutee pour creacuteer une preacutesomption de lucrativiteacute pour lrsquoassociation qui nrsquoen beacuteneacuteficierait pas raquo Agrave ce jour nombreux sont les acteurs srsquoeacutetant prononceacutes en faveur de lrsquoeacutelaboration drsquoune reconnaissance unique drsquoutiliteacute sociale (RUS) Nous avons vu preacuteceacutedemment que les derniers rapports ministeacuteriels et parlementaires se montrent favorables agrave la mise en œuvre drsquoune telle proceacutedure Pour MT Cheacuteroutre103 laquo lrsquoattribution drsquoune reconnaissance par les pouvoirs publics aux organismes susceptibles drsquoecirctre exoneacutereacutes apparaicirct eacuteminemment souhaitable Cette reconnaissance accordeacutee pour une dureacutee deacutetermineacutee apporterait agrave ces derniers une garantie drsquoexoneacuteration du moins aussi longtemps qursquoil ne serait pas prouveacute par lrsquoadministration qursquoils ne respectent plus les conditions pour lesquelles ils ont obtenu ladite reconnaissance raquo De son cocircteacute la FONDA104 a eacutegalement exprimeacute son souhait drsquoassurer laquo une meilleure seacutecuriteacute financiegravere aux associations relevant de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et srsquoest montreacutee laquo favorable agrave la creacuteation drsquoune RUS attribueacutee par une commission tripartite (Etat Magistrats Associations) raquo Agrave notre connaissance deux projets de loi105 ont eacuteteacute deacuteposeacutes en ce sens pour ecirctre rapidement abandonneacutes par la suite faute de reacuteelle volonteacute politique En effet comme le souligne le CNVA agrave propos de la mise en œuvre de la RUS

102 Notamment lorsque lrsquoobjet de lrsquoassociation consiste agrave reacutealiser des activiteacutes reacuteglementeacutees 103 MT Cheacuteroute Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 rapport au nom du conseil eacuteconomique et social ndeg4 JO du 1er avril 1993 104 La FONDA Pour une eacutethique des rapports entre pouvoirs publics et citoyens seacuteminaire Paris 17 octobre 1992 105 Projet de loi A Henry RTD com 192 447 en janvier 2002 ce projet avait lanceacute une vaste consultation autour du concept drsquoutiliteacute sociale dans le but de deacutelimiter les associations auxquelles seraient accordeacutees le label Proposition de loi ndeg2779 AN 1996 art 2 laquo Les associations peuvent ecirctre reconnues drsquoutiliteacute sociale agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode probatoire de fonctionnement drsquoune dureacutee au moins eacutegale agrave trois ans lorsqursquoelles satisfont cumulativement aux conditions suivantes avoir un objet social de caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique humanitaire sportif familial culturel ou drsquoaction sociale ou de mise en œuvre du patrimoine artistique ou de deacutefense de lrsquoenvironnement ou de diffusion de la culture ou de la langue franccedilaise Exercer conformeacutement agrave cet objet des activiteacutes ouvertes agrave des personnes qui lui sont exteacuterieures raquo

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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semble bien que lrsquoon assiste agrave laquo un basculement vers la notion plus large drsquoutiliteacute sociale notion qui par ailleurs entretient une filiation juridique avec le concept drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo73 Sur un plan juridique ces travaux montrent notamment qursquoil existe laquo un rapport assez eacutetroit agrave certains eacutegards entre la notion drsquoutiliteacute sociale et celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo si lrsquoon considegravere lrsquoanalyse de la jurisprudence des dix derniegraveres anneacutees74 Dans cette perspective la deacutemarche de rapprochement entre la proceacutedure RIG et RUS proposeacutee par les rapports de JL Langlais et P Morange trouverait une explication rationnelle

23 - Concernant lrsquoapproche du concept mecircme drsquoutiliteacute sociale

Comme le souligne J Gadrey75 laquo lrsquoutiliteacute sociale des organisations drsquoeacuteconomie sociale (OES) nrsquoa guegravere drsquoexistence en tant que probleacutematique geacuteneacuterale en dehors des deacutebats concernant le rocircle eacuteconomique et social actuel et futur de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Crsquoest une ideacutee qui a eacuteteacute forgeacutee pour deacutefendre lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire face agrave certaines menaces ou pour promouvoir le deacuteveloppement de regravegles favorables76 raquo Pour ce dernier en effet laquo il y a rien de naturel agrave soulever la question de lrsquoutiliteacute sociale des OES et qursquoil srsquoagit bien drsquoune convention socio-politique historiquement et geacuteographiquement contingente77 raquo Neacuteanmoins si le concept demeure aujourdrsquohui encore relativement flou paradoxalement il reccediloit dans notre droit interne une application de plus en plus freacutequente par les tribunaux78 et lrsquoAdministration fiscale79 De son cocircteacute et mecircme si pour lrsquoinstant le leacutegislateur srsquoest toujours refuseacute de srsquoorienter vers la voie drsquoune reconnaissance drsquoutiliteacute sociale80 celui-ci fait de plus reacutefeacuterence agrave ce concept81 drsquoougrave la neacutecessiteacute de privileacutegier une approche visant agrave circonscrire lrsquo laquo halo socieacutetal raquo82 des OES plutocirct que de chercher drsquoune maniegravere 73 A Euillet Lrsquoutiliteacute sociale une notion deacuteriveacutee de celle drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Revue de droit sanitaire et social ndeg2 avril-juin 2002 pp 2007 - 228 74 J Gadrey preacutec p 30 75 Ibidum 76 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques thegravese de droit 1998 preacutec Lrsquoauteur envisage la mise en œuvre drsquoune affirmative action en faveur des associations reconnues drsquoutiliteacute sociale 77 Si lrsquoon prend lrsquoexemple des services agrave domicile aux personnes acircgeacutees en Suegravede on peut observer que ceux-ci sont majoritairement produits par des organisations publiques locales tandis qursquoaux Etats-Unis - ougrave le laquo non profit sector raquo se construit le plus souvent comme une puissance alternative priveacutee face agrave un Etat providence laquo diaboliseacute raquo (Salamon) ils sont majoritairement financeacutes par des fonds priveacutes (beacuteneacuteficiant drsquoavantages fiscaux) 78 Voir par exemple CE 24 octobre 1979 CAA Paris 1er deacutecembre 1989 CAA Nancy 19 novembre 1992 79 Instr Fisc BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 1998 Instr Fisc BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006 (synthegravese) 80 Reacutep min du 01 juillet 1999 JO Seacutenat p 2224 81 Voir par exemple Loi ndeg2002-2 du 2 janvier 2002 relative agrave lrsquoaction sociale et meacutedico-sociale Loi ndeg 97-940 du 16 octobre 1997 relative au deacuteveloppement dactiviteacutes pour lemploi des jeunes (JO du 17 Octobre) LOI ndeg 9 8-657 du 29 juillet 1998 drsquoorientation relative agrave la lutte contre les exclusions 8282 A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport final relatif agrave la lettre de mission de Madame la Ministre de lrsquoEmploi et de la Solidariteacute 2000 pour A Lipietz il srsquoagirait de deacutefinir les contours du tiers secteur par un laquo label drsquoutiliteacute sociale et solidaire fondeacutes sur deux types de critegraveres quant aux

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improbable une deacutefinition qui serait unanimement admise par les acteurs des OES Finalement il ne srsquoagirait rien moins que de reconnaicirctre les OES afin de soutenir lrsquoeffort particulier de ces entiteacutes juridiques dont les laquo speacutecificiteacutes meacuteritoires raquo83 rejaillissent sur lrsquoensemble de la collectiviteacute Mais limiter le concept au seul beacuteneacutefice des OES serait par trop reacuteducteur et la mesure de lrsquoutiliteacute sociale doit eacutegalement ecirctre envisageacutee en tant qursquooutil de reacutegulation des politiques publiques84

24 - Concernant les difficulteacutes lieacutees agrave la mise en œuvre drsquoune proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale

Sur ce point il importe de tenir compte des critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de la proposition de mise en place drsquoun systegraveme unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale des OES (tel qursquoimagineacute par le CNVA dans son rapport datant de 1995) A cette eacutepoque le CNVA contestait laquo lrsquoambiguiumlteacute de lrsquointerpreacutetation juridique et fiscale de lrsquoutiliteacute sociale en particulier en raison de confusions constateacutees entre le critegravere de non lucrativiteacute et les vrais critegraveres drsquoutiliteacute sociale La reacuteflexion associative commence alors agrave se preacuteciser sur les critegraveres de non lucrativiteacute drsquoun cocircteacute sur les critegraveres drsquoutiliteacute sociale de lrsquoautre avec une insistance sur la neacutecessiteacute de ne pas confondre ces deux dimensions Parallegravelement le CNVA conteste lrsquoideacutee alors assez preacutesente du cocircteacute de lrsquoadministration selon laquelle un critegravere essentiel de lrsquoutiliteacute sociale serait que les besoins auxquels reacutepond lrsquoactiviteacute ne sont pas normalement (ou pas suffisamment) pris en compte par le marcheacute Cette deacutefinition purement neacutegative signifierait en effet soit que lrsquoutiliteacute sociale drsquoune association disparaicirct si le marcheacute srsquoinstalle sur un champ de besoins deacutejagrave deacutefricheacutes par les œuvres soit que lrsquoassociation devient alors automatiquement lucrative raquo85 Depuis lors un tel risque nous semble ecirctre leveacute dans la mesure ougrave le laquo reacutefeacuterentiel raquo drsquoutiliteacute sociale doit deacutesormais tenir compte de la jurisprudence du Conseil drsquoEtat en matiegravere fiscale En effet lrsquoarrecirct rendu en date du 1er octobre 199986 est venu preacuteciser qursquoun organisme sans but lucratif ne concurrence une entreprise que si les services qursquoil rend sont laquo offerts en concurrence dans la mecircme zone geacuteographique drsquoattraction avec ceux proposeacutes au mecircme public par des entreprises commerciales exerccedilant une activiteacute identique raquo Il a eacuteteacute eacutegalement preacuteciseacute depuis que laquo le critegravere du public ne doit pas srsquoentendre uniquement des situations de deacutetresse physique ou morale raquo87 buts (ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie solidaire) et quant aux modes drsquoorganisation interne (notamment lucrativiteacute limiteacutee le caractegravere deacutemocratique et multipartenariale de sa direction) ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie sociale raquo J Gadrey parle plus volontiers drsquoutiliteacute sociale externe et drsquoutiliteacute sociale interne preacutec p 37 83 F Bloch-Laineacute Identifier les associations de service social RECMA 1994 ndeg251 p 61 84 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne ibidum selon L Fraisse laquo lrsquoapparition drsquoun deacutebat sur lrsquoutiliteacute sociale peut aussi srsquointerpreacuteter comme un nouveau critegravere de politique publique agrave mecircme de preacuteciser les contours et de renforcer lrsquoinstitutionnalisation des activiteacutes et lrsquoeacuteconomie solidaire raquo voir eacutegalement N Richez-Battesti Les collectiviteacutes territoriales face agrave lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale Juris Associations ndeg376 1er avril 2008 pp 17-19 85 J Gadrey preacutec p 31 86 CE 1er octobre 1999 Association Jeune France ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354 87 Instr fisc BOI 4 H-5-06 preacutec

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Par ailleurs le CNVA soulignait le caractegravere laquo eacutevolutif voire conjoncturel raquo du concept drsquoutiliteacute sociale dans la mise en œuvre drsquoune seacuterie de dix indicateurs (voir infra) Pour lrsquoessentiel G Goulard88 consideacuterait qursquoen lrsquoeacutetat actuel ce concept eacutetait laquo encore plus subjectif que les critegraveres jurisprudentiels en vigueur raquo et qursquoune telle situation laquo risqu[ait] drsquoecirctre interpreacuteteacutee dans un sens reacuteducteur deacutefavorable aux associations dont lrsquoutiliteacute nrsquoest pas sociale mais intellectuelle culturelle spirituelle politique historique eacuteconomique etc raquo Srsquoil est vrai qursquoen 1998 de tels arguments nrsquoeacutetaient pas neacutegligeables il apparaicirct que certains drsquoentre eux apparaissaient forts contestables En effet comme le souligne J Gadrey dans son rapport de 2004 laquo la subjectiviteacute de la notion drsquoutiliteacute sociale peut fort bien ecirctre compatible avec sa consolidation comme reacutefeacuterence en droit (la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral srsquoest bien imposeacutee en deacutepit drsquoun flou aussi consideacuterable) raquo En effet il convient drsquoobserver que drsquoautres notions fondamentales agrave lrsquoinstar du droit commercial sont fondeacutees sur lrsquoarbitraire comme a deacutejagrave pu le souligner le Professeur Y Guyon laquo le droit commercial nrsquoest pas une construction fondeacutee sur la raison mais une approche fondamentalement arbitraire raquo89 Ainsi poursuit J Gadrey laquo le fait que des associations qui ne font pas partie du champ de lrsquoaction sociale (au sens strict) auraient des difficulteacutes agrave faire connaicirctre leur utiliteacute sociale nrsquoa rien drsquoineacuteluctable et deacutepend de la faccedilon dont la convention drsquoutiliteacute sociale se construit sur un mode restrictif ou au contraire extensif raquo De fait il apparaicirct que le concept drsquoutiliteacute sociale deacutepend moins de notre capaciteacute agrave deacutefinir des critegraveres distinctifs que de celle favorisant lrsquoeacutemergence drsquoune convention sociopolitique (voir infra) portant sur lrsquoutiliteacute sociale (convention drsquoutiliteacute sociale) Une telle approche preacutesenterait en outre deux avantages principaux en premier lieu celui du maintien du caractegravere eacutevolutif de ce concept en second lieu celui de la reacuteciprociteacute entretenue entre les associations et les pouvoirs publics dans la construction et lrsquoacceptation du concept mecircme

88 Rapport Goulard mars 1998 89 Y Guyon Droit des affaires Economica 5egraveme eacuted 1988 agrave rapprocher de M Despax Lrsquoentreprise et le droit Bibl Dr Priv T1 Paris 1954 p34 selon lrsquoauteur laquo le droit commercial (hellip) est neacute de la pratique Ses normes sont la conseacutecration drsquousages peu agrave peu eacutetablis et non la construction de la raison de lagrave cette difficulteacute souvent eacuteprouveacutee pour les juristes agrave les expliquer raquo

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III - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE

SOCIALE (OU SOCIETALE) UNE DEMARCHE PARTAGEE

A ndash LA PROCEDURE DE RUS PRESENTE-T-ELLE ENCORE UN INTERET

Comme le suggegravere le rapport Morange90 la proposition formuleacutee par JP Decool en mai 200591 laquo meacuterite drsquoecirctre approfondie raquo En effet pour ce dernier il convient de mettre en place une proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute socieacutetale comme substitut agrave la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral jugeacutee laquo deacutesuegravete et vague raquo laquo il serait donc opportun afin de donner une nouvelle dimension au monde associatif (hellip) de redonner au citoyen toute sa place au sein de la socieacuteteacute Lui permettre de srsquoexprimer et de manifester son deacutesir de donner ou de partager des valeurs communes Ainsi peut-on envisager le rocircle de lrsquoassociation dans la socieacuteteacute raquo A ce stade il nous semble que la meacutethode preacuteconiseacutee par le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) depuis son rapport du 4 feacutevrier 198692 demeure toujours drsquoactualiteacute93 Ce dernier preacuteconisait lrsquointroduction drsquoun systegraveme de reconnaissance a priori qui permettrait aux associations reconnues drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) de lever laquo toute incertitude durant une peacuteriode deacutefinie tant que les conditions drsquoexercice de leur activiteacute au vu desquelles elles ont obtenu lrsquoagreacutement ne seraient pas modifieacutees raquo94 Selon le projet du CNVA cette reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) devait ecirctre accordeacutee non pas par le pouvoir exeacutecutif mais par une veacuteritable juridiction ou commission paritaire composeacutee de repreacutesentants des associations des administrations concerneacutees (Ministegravere de tutelle et Administration fiscale) et preacutesideacutee par un magistrat95 Celle-ci pourrait eacutegalement comprendre un certain nombre drsquoexperts qualifieacutes et issus de la socieacuteteacute civile ainsi qursquoun repreacutesentant des collectiviteacutes locales deacutecentraliseacutees96 90 Ibidum 91 JP Decool Des associations en geacuteneacuteral vers une eacutethique socieacutetale rapport au 1er ministre mai 2005 92 Voir eacutegalement les Rapports et Avis du 12 juin 1991 et 15 juin 1995 93 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit 1998 preacutec 94 CNVA Bilan de la vie associative en 1990-1991 La documentation franccedilaise Paris 1992 Rapport et avis adopteacutes en session pleacuteniegravere du CNVA le 15 juin 1995 sur laquo lrsquoutiliteacute sociale des associations et ses conseacutequences en matiegravere eacuteconomique fiscale et financiegravere raquo 95 On peut noter la proximiteacute de cette composition avec celle de la laquo Charity Commission raquo de Grande-Bretagne composeacutee de fonctionnaires dont deux doivent ecirctre des juges dont le rocircle drsquoinformation de conseil de controcircle srsquoexerce aupregraves des laquo Charities raquo auxquelles la Commission donne le label qui ouvre droit agrave des faciliteacutes fiscales et financiegraveres 96 Voir la composition du comiteacute strateacutegique des fonds de dotation creacuteeacute le 19 novembre 2008 preacutesideacute par JJ Hyest Preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat

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Les deacutecisions de cette instance pourraient faire lrsquoobjet drsquoun recours devant les juridictions compeacutetentes (ce qui aurait eu pour effet de laquo judiciariser raquo le concept drsquoutiliteacute sociale) La reconnaissance serait attribueacutee pour une dureacutee de cinq anneacutees agrave lrsquoissue drsquoun rapport drsquoaudit baseacute sur des critegraveres drsquoeacutevaluation (pour ce qui concerne lrsquoutiliteacute sociale externe) Les critegraveres drsquoeacutevaluation pourraient faire lrsquoobjet drsquoune deacutemarche partageacutee (voir infra) et contractualiseacutee avec les diffeacuterents acteurs agrave partir de critegraveres quantitatifs et qualitatifs neacutegocieacutes En effet le CNVA nrsquoa pas souhaiteacute mettre en place un systegraveme unique et isoleacute de reconnaissance drsquoune cateacutegorie particuliegravere drsquoassociations qui serait reconnue drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) agrave lrsquoinstar de ce qui a par exemple eacuteteacute conccedilu pour la reconnaissance drsquoutiliteacute publique Il preacuteconise plutocirct laquo le recours agrave de multiples dispositifs susceptibles drsquoaccorder aux associations (en tant qursquoopeacuterateurs) ou agrave leurs activiteacutes (en tant qursquoopeacuteration97) la reconnaissance et le soutien en fonction et dans le respect de la diversiteacute des speacutecificiteacutes associatives raquo Lrsquoensemble de ces speacutecificiteacutes doit pouvoir ecirctre appreacutehendeacute agrave travers un certain nombre drsquoindicateurs avec la mise en place de la technique du faisceau drsquoindices Les critegraveres deacutegageacutes98 formeraient ainsi une liste (non exhaustive) qui permettant de mieux cerner les contours de lrsquoutiliteacute sociale

- La primauteacute du projet finaliteacute de lrsquoaction associative99

- Le fonctionnement deacutemocratique - Lrsquoapport social de lrsquoassociation100 - La non-lucrativiteacute qui par essence marque la

diffeacuterence par rapport au secteur commercial - La gestion deacutesinteacuteresseacutee101 ce qui nrsquoexclut ni la

rigueur ni la transparence financiegravere - La capaciteacute agrave mobiliser la geacuteneacuterositeacute humaine

(beacuteneacutevolat) ou financiegravere (dons) - Le mixage des publics et lrsquoouverture

qui a pour mission de suivre lrsquoeacutevolution des fonds de dotation 1 repreacutesentant du MINEFI 3 magistrats 7 personnaliteacutes qualifieacutees A ce titre il pourra eacutelaborer des recommandations de bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion et faire toutes les propositions qui lui sembleront neacutecessaires pour favoriser le deacuteveloppement des fonds de dotation (Sources MINEFI 14 janvier 2009) 97 Cette solution preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre neutre sur le plan concurrentiel et vis-agrave-vis des autres opeacuterateurs eacuteconomiques 98 Le CNVA preacutecise dans son rapport du 15 juin 1995 preacutec que ces critegraveres sont laquo non exclusifs non cumulatifs et non exhaustifs les uns par rapport aux autres raquo 99 La FONDA dans un seacuteminaire en date du 17 octobre 1992 suggeacuterait et explicitait ces trois premiers critegraveres agrave partir desquels elle se fondait pour identifier les associations drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral 100 Ce critegravere ainsi que les critegraveres 6 7 et 8 relegravevent de la notion drsquoutiliteacute sociale externe qui selon nous devrait faire lrsquoobjet drsquoune contractualisation pluri annuelle dans le cadre drsquoune deacutemarche de construction et drsquoeacutevaluation partageacutee (voir infra) 101 Sur cette notion voir Instr fisc (Synthegravese) BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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- Les secteurs drsquointervention pas ou mal couverts par les autres agents eacuteconomiques ou par les collectiviteacutes publiques

- Lrsquoexistence de financements publics ou parapublics

- Lrsquoexistence drsquoun agreacutement ministeacuteriel (Ministegravere de rattachement) ou drsquoune habilitation102

La reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) pourrait ecirctre attribueacutee aux associations laquo dont les statuts le mode de fonctionnement et les modaliteacutes drsquoexercice de leur activiteacute caracteacuterisent suffisamment leur utiliteacute sociale aux yeux de cette juridiction Elle pourrait agrave lrsquoinverse ecirctre retireacutee par cette mecircme juridiction ou commission paritaire degraves lors que les conditions ayant preacutesideacute agrave son attribution ne seraient plus reacuteunies Lrsquoabsence de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre invoqueacutee pour creacuteer une preacutesomption de lucrativiteacute pour lrsquoassociation qui nrsquoen beacuteneacuteficierait pas raquo Agrave ce jour nombreux sont les acteurs srsquoeacutetant prononceacutes en faveur de lrsquoeacutelaboration drsquoune reconnaissance unique drsquoutiliteacute sociale (RUS) Nous avons vu preacuteceacutedemment que les derniers rapports ministeacuteriels et parlementaires se montrent favorables agrave la mise en œuvre drsquoune telle proceacutedure Pour MT Cheacuteroutre103 laquo lrsquoattribution drsquoune reconnaissance par les pouvoirs publics aux organismes susceptibles drsquoecirctre exoneacutereacutes apparaicirct eacuteminemment souhaitable Cette reconnaissance accordeacutee pour une dureacutee deacutetermineacutee apporterait agrave ces derniers une garantie drsquoexoneacuteration du moins aussi longtemps qursquoil ne serait pas prouveacute par lrsquoadministration qursquoils ne respectent plus les conditions pour lesquelles ils ont obtenu ladite reconnaissance raquo De son cocircteacute la FONDA104 a eacutegalement exprimeacute son souhait drsquoassurer laquo une meilleure seacutecuriteacute financiegravere aux associations relevant de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et srsquoest montreacutee laquo favorable agrave la creacuteation drsquoune RUS attribueacutee par une commission tripartite (Etat Magistrats Associations) raquo Agrave notre connaissance deux projets de loi105 ont eacuteteacute deacuteposeacutes en ce sens pour ecirctre rapidement abandonneacutes par la suite faute de reacuteelle volonteacute politique En effet comme le souligne le CNVA agrave propos de la mise en œuvre de la RUS

102 Notamment lorsque lrsquoobjet de lrsquoassociation consiste agrave reacutealiser des activiteacutes reacuteglementeacutees 103 MT Cheacuteroute Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 rapport au nom du conseil eacuteconomique et social ndeg4 JO du 1er avril 1993 104 La FONDA Pour une eacutethique des rapports entre pouvoirs publics et citoyens seacuteminaire Paris 17 octobre 1992 105 Projet de loi A Henry RTD com 192 447 en janvier 2002 ce projet avait lanceacute une vaste consultation autour du concept drsquoutiliteacute sociale dans le but de deacutelimiter les associations auxquelles seraient accordeacutees le label Proposition de loi ndeg2779 AN 1996 art 2 laquo Les associations peuvent ecirctre reconnues drsquoutiliteacute sociale agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode probatoire de fonctionnement drsquoune dureacutee au moins eacutegale agrave trois ans lorsqursquoelles satisfont cumulativement aux conditions suivantes avoir un objet social de caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique humanitaire sportif familial culturel ou drsquoaction sociale ou de mise en œuvre du patrimoine artistique ou de deacutefense de lrsquoenvironnement ou de diffusion de la culture ou de la langue franccedilaise Exercer conformeacutement agrave cet objet des activiteacutes ouvertes agrave des personnes qui lui sont exteacuterieures raquo

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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improbable une deacutefinition qui serait unanimement admise par les acteurs des OES Finalement il ne srsquoagirait rien moins que de reconnaicirctre les OES afin de soutenir lrsquoeffort particulier de ces entiteacutes juridiques dont les laquo speacutecificiteacutes meacuteritoires raquo83 rejaillissent sur lrsquoensemble de la collectiviteacute Mais limiter le concept au seul beacuteneacutefice des OES serait par trop reacuteducteur et la mesure de lrsquoutiliteacute sociale doit eacutegalement ecirctre envisageacutee en tant qursquooutil de reacutegulation des politiques publiques84

24 - Concernant les difficulteacutes lieacutees agrave la mise en œuvre drsquoune proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale

Sur ce point il importe de tenir compte des critiques formuleacutees agrave lrsquoencontre de la proposition de mise en place drsquoun systegraveme unique de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale des OES (tel qursquoimagineacute par le CNVA dans son rapport datant de 1995) A cette eacutepoque le CNVA contestait laquo lrsquoambiguiumlteacute de lrsquointerpreacutetation juridique et fiscale de lrsquoutiliteacute sociale en particulier en raison de confusions constateacutees entre le critegravere de non lucrativiteacute et les vrais critegraveres drsquoutiliteacute sociale La reacuteflexion associative commence alors agrave se preacuteciser sur les critegraveres de non lucrativiteacute drsquoun cocircteacute sur les critegraveres drsquoutiliteacute sociale de lrsquoautre avec une insistance sur la neacutecessiteacute de ne pas confondre ces deux dimensions Parallegravelement le CNVA conteste lrsquoideacutee alors assez preacutesente du cocircteacute de lrsquoadministration selon laquelle un critegravere essentiel de lrsquoutiliteacute sociale serait que les besoins auxquels reacutepond lrsquoactiviteacute ne sont pas normalement (ou pas suffisamment) pris en compte par le marcheacute Cette deacutefinition purement neacutegative signifierait en effet soit que lrsquoutiliteacute sociale drsquoune association disparaicirct si le marcheacute srsquoinstalle sur un champ de besoins deacutejagrave deacutefricheacutes par les œuvres soit que lrsquoassociation devient alors automatiquement lucrative raquo85 Depuis lors un tel risque nous semble ecirctre leveacute dans la mesure ougrave le laquo reacutefeacuterentiel raquo drsquoutiliteacute sociale doit deacutesormais tenir compte de la jurisprudence du Conseil drsquoEtat en matiegravere fiscale En effet lrsquoarrecirct rendu en date du 1er octobre 199986 est venu preacuteciser qursquoun organisme sans but lucratif ne concurrence une entreprise que si les services qursquoil rend sont laquo offerts en concurrence dans la mecircme zone geacuteographique drsquoattraction avec ceux proposeacutes au mecircme public par des entreprises commerciales exerccedilant une activiteacute identique raquo Il a eacuteteacute eacutegalement preacuteciseacute depuis que laquo le critegravere du public ne doit pas srsquoentendre uniquement des situations de deacutetresse physique ou morale raquo87 buts (ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie solidaire) et quant aux modes drsquoorganisation interne (notamment lucrativiteacute limiteacutee le caractegravere deacutemocratique et multipartenariale de sa direction) ce qui le rattache agrave lrsquoeacuteconomie sociale raquo J Gadrey parle plus volontiers drsquoutiliteacute sociale externe et drsquoutiliteacute sociale interne preacutec p 37 83 F Bloch-Laineacute Identifier les associations de service social RECMA 1994 ndeg251 p 61 84 X Engels M Heacutely A Peyrin et H Trouveacute De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale la reconfiguration de lrsquoaction publique entre Etat associations et participation citoyenne ibidum selon L Fraisse laquo lrsquoapparition drsquoun deacutebat sur lrsquoutiliteacute sociale peut aussi srsquointerpreacuteter comme un nouveau critegravere de politique publique agrave mecircme de preacuteciser les contours et de renforcer lrsquoinstitutionnalisation des activiteacutes et lrsquoeacuteconomie solidaire raquo voir eacutegalement N Richez-Battesti Les collectiviteacutes territoriales face agrave lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale Juris Associations ndeg376 1er avril 2008 pp 17-19 85 J Gadrey preacutec p 31 86 CE 1er octobre 1999 Association Jeune France ndeg170289 RJF 1199 ndeg1354 87 Instr fisc BOI 4 H-5-06 preacutec

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Par ailleurs le CNVA soulignait le caractegravere laquo eacutevolutif voire conjoncturel raquo du concept drsquoutiliteacute sociale dans la mise en œuvre drsquoune seacuterie de dix indicateurs (voir infra) Pour lrsquoessentiel G Goulard88 consideacuterait qursquoen lrsquoeacutetat actuel ce concept eacutetait laquo encore plus subjectif que les critegraveres jurisprudentiels en vigueur raquo et qursquoune telle situation laquo risqu[ait] drsquoecirctre interpreacuteteacutee dans un sens reacuteducteur deacutefavorable aux associations dont lrsquoutiliteacute nrsquoest pas sociale mais intellectuelle culturelle spirituelle politique historique eacuteconomique etc raquo Srsquoil est vrai qursquoen 1998 de tels arguments nrsquoeacutetaient pas neacutegligeables il apparaicirct que certains drsquoentre eux apparaissaient forts contestables En effet comme le souligne J Gadrey dans son rapport de 2004 laquo la subjectiviteacute de la notion drsquoutiliteacute sociale peut fort bien ecirctre compatible avec sa consolidation comme reacutefeacuterence en droit (la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral srsquoest bien imposeacutee en deacutepit drsquoun flou aussi consideacuterable) raquo En effet il convient drsquoobserver que drsquoautres notions fondamentales agrave lrsquoinstar du droit commercial sont fondeacutees sur lrsquoarbitraire comme a deacutejagrave pu le souligner le Professeur Y Guyon laquo le droit commercial nrsquoest pas une construction fondeacutee sur la raison mais une approche fondamentalement arbitraire raquo89 Ainsi poursuit J Gadrey laquo le fait que des associations qui ne font pas partie du champ de lrsquoaction sociale (au sens strict) auraient des difficulteacutes agrave faire connaicirctre leur utiliteacute sociale nrsquoa rien drsquoineacuteluctable et deacutepend de la faccedilon dont la convention drsquoutiliteacute sociale se construit sur un mode restrictif ou au contraire extensif raquo De fait il apparaicirct que le concept drsquoutiliteacute sociale deacutepend moins de notre capaciteacute agrave deacutefinir des critegraveres distinctifs que de celle favorisant lrsquoeacutemergence drsquoune convention sociopolitique (voir infra) portant sur lrsquoutiliteacute sociale (convention drsquoutiliteacute sociale) Une telle approche preacutesenterait en outre deux avantages principaux en premier lieu celui du maintien du caractegravere eacutevolutif de ce concept en second lieu celui de la reacuteciprociteacute entretenue entre les associations et les pouvoirs publics dans la construction et lrsquoacceptation du concept mecircme

88 Rapport Goulard mars 1998 89 Y Guyon Droit des affaires Economica 5egraveme eacuted 1988 agrave rapprocher de M Despax Lrsquoentreprise et le droit Bibl Dr Priv T1 Paris 1954 p34 selon lrsquoauteur laquo le droit commercial (hellip) est neacute de la pratique Ses normes sont la conseacutecration drsquousages peu agrave peu eacutetablis et non la construction de la raison de lagrave cette difficulteacute souvent eacuteprouveacutee pour les juristes agrave les expliquer raquo

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III - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE

SOCIALE (OU SOCIETALE) UNE DEMARCHE PARTAGEE

A ndash LA PROCEDURE DE RUS PRESENTE-T-ELLE ENCORE UN INTERET

Comme le suggegravere le rapport Morange90 la proposition formuleacutee par JP Decool en mai 200591 laquo meacuterite drsquoecirctre approfondie raquo En effet pour ce dernier il convient de mettre en place une proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute socieacutetale comme substitut agrave la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral jugeacutee laquo deacutesuegravete et vague raquo laquo il serait donc opportun afin de donner une nouvelle dimension au monde associatif (hellip) de redonner au citoyen toute sa place au sein de la socieacuteteacute Lui permettre de srsquoexprimer et de manifester son deacutesir de donner ou de partager des valeurs communes Ainsi peut-on envisager le rocircle de lrsquoassociation dans la socieacuteteacute raquo A ce stade il nous semble que la meacutethode preacuteconiseacutee par le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) depuis son rapport du 4 feacutevrier 198692 demeure toujours drsquoactualiteacute93 Ce dernier preacuteconisait lrsquointroduction drsquoun systegraveme de reconnaissance a priori qui permettrait aux associations reconnues drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) de lever laquo toute incertitude durant une peacuteriode deacutefinie tant que les conditions drsquoexercice de leur activiteacute au vu desquelles elles ont obtenu lrsquoagreacutement ne seraient pas modifieacutees raquo94 Selon le projet du CNVA cette reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) devait ecirctre accordeacutee non pas par le pouvoir exeacutecutif mais par une veacuteritable juridiction ou commission paritaire composeacutee de repreacutesentants des associations des administrations concerneacutees (Ministegravere de tutelle et Administration fiscale) et preacutesideacutee par un magistrat95 Celle-ci pourrait eacutegalement comprendre un certain nombre drsquoexperts qualifieacutes et issus de la socieacuteteacute civile ainsi qursquoun repreacutesentant des collectiviteacutes locales deacutecentraliseacutees96 90 Ibidum 91 JP Decool Des associations en geacuteneacuteral vers une eacutethique socieacutetale rapport au 1er ministre mai 2005 92 Voir eacutegalement les Rapports et Avis du 12 juin 1991 et 15 juin 1995 93 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit 1998 preacutec 94 CNVA Bilan de la vie associative en 1990-1991 La documentation franccedilaise Paris 1992 Rapport et avis adopteacutes en session pleacuteniegravere du CNVA le 15 juin 1995 sur laquo lrsquoutiliteacute sociale des associations et ses conseacutequences en matiegravere eacuteconomique fiscale et financiegravere raquo 95 On peut noter la proximiteacute de cette composition avec celle de la laquo Charity Commission raquo de Grande-Bretagne composeacutee de fonctionnaires dont deux doivent ecirctre des juges dont le rocircle drsquoinformation de conseil de controcircle srsquoexerce aupregraves des laquo Charities raquo auxquelles la Commission donne le label qui ouvre droit agrave des faciliteacutes fiscales et financiegraveres 96 Voir la composition du comiteacute strateacutegique des fonds de dotation creacuteeacute le 19 novembre 2008 preacutesideacute par JJ Hyest Preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat

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Les deacutecisions de cette instance pourraient faire lrsquoobjet drsquoun recours devant les juridictions compeacutetentes (ce qui aurait eu pour effet de laquo judiciariser raquo le concept drsquoutiliteacute sociale) La reconnaissance serait attribueacutee pour une dureacutee de cinq anneacutees agrave lrsquoissue drsquoun rapport drsquoaudit baseacute sur des critegraveres drsquoeacutevaluation (pour ce qui concerne lrsquoutiliteacute sociale externe) Les critegraveres drsquoeacutevaluation pourraient faire lrsquoobjet drsquoune deacutemarche partageacutee (voir infra) et contractualiseacutee avec les diffeacuterents acteurs agrave partir de critegraveres quantitatifs et qualitatifs neacutegocieacutes En effet le CNVA nrsquoa pas souhaiteacute mettre en place un systegraveme unique et isoleacute de reconnaissance drsquoune cateacutegorie particuliegravere drsquoassociations qui serait reconnue drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) agrave lrsquoinstar de ce qui a par exemple eacuteteacute conccedilu pour la reconnaissance drsquoutiliteacute publique Il preacuteconise plutocirct laquo le recours agrave de multiples dispositifs susceptibles drsquoaccorder aux associations (en tant qursquoopeacuterateurs) ou agrave leurs activiteacutes (en tant qursquoopeacuteration97) la reconnaissance et le soutien en fonction et dans le respect de la diversiteacute des speacutecificiteacutes associatives raquo Lrsquoensemble de ces speacutecificiteacutes doit pouvoir ecirctre appreacutehendeacute agrave travers un certain nombre drsquoindicateurs avec la mise en place de la technique du faisceau drsquoindices Les critegraveres deacutegageacutes98 formeraient ainsi une liste (non exhaustive) qui permettant de mieux cerner les contours de lrsquoutiliteacute sociale

- La primauteacute du projet finaliteacute de lrsquoaction associative99

- Le fonctionnement deacutemocratique - Lrsquoapport social de lrsquoassociation100 - La non-lucrativiteacute qui par essence marque la

diffeacuterence par rapport au secteur commercial - La gestion deacutesinteacuteresseacutee101 ce qui nrsquoexclut ni la

rigueur ni la transparence financiegravere - La capaciteacute agrave mobiliser la geacuteneacuterositeacute humaine

(beacuteneacutevolat) ou financiegravere (dons) - Le mixage des publics et lrsquoouverture

qui a pour mission de suivre lrsquoeacutevolution des fonds de dotation 1 repreacutesentant du MINEFI 3 magistrats 7 personnaliteacutes qualifieacutees A ce titre il pourra eacutelaborer des recommandations de bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion et faire toutes les propositions qui lui sembleront neacutecessaires pour favoriser le deacuteveloppement des fonds de dotation (Sources MINEFI 14 janvier 2009) 97 Cette solution preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre neutre sur le plan concurrentiel et vis-agrave-vis des autres opeacuterateurs eacuteconomiques 98 Le CNVA preacutecise dans son rapport du 15 juin 1995 preacutec que ces critegraveres sont laquo non exclusifs non cumulatifs et non exhaustifs les uns par rapport aux autres raquo 99 La FONDA dans un seacuteminaire en date du 17 octobre 1992 suggeacuterait et explicitait ces trois premiers critegraveres agrave partir desquels elle se fondait pour identifier les associations drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral 100 Ce critegravere ainsi que les critegraveres 6 7 et 8 relegravevent de la notion drsquoutiliteacute sociale externe qui selon nous devrait faire lrsquoobjet drsquoune contractualisation pluri annuelle dans le cadre drsquoune deacutemarche de construction et drsquoeacutevaluation partageacutee (voir infra) 101 Sur cette notion voir Instr fisc (Synthegravese) BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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- Les secteurs drsquointervention pas ou mal couverts par les autres agents eacuteconomiques ou par les collectiviteacutes publiques

- Lrsquoexistence de financements publics ou parapublics

- Lrsquoexistence drsquoun agreacutement ministeacuteriel (Ministegravere de rattachement) ou drsquoune habilitation102

La reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) pourrait ecirctre attribueacutee aux associations laquo dont les statuts le mode de fonctionnement et les modaliteacutes drsquoexercice de leur activiteacute caracteacuterisent suffisamment leur utiliteacute sociale aux yeux de cette juridiction Elle pourrait agrave lrsquoinverse ecirctre retireacutee par cette mecircme juridiction ou commission paritaire degraves lors que les conditions ayant preacutesideacute agrave son attribution ne seraient plus reacuteunies Lrsquoabsence de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre invoqueacutee pour creacuteer une preacutesomption de lucrativiteacute pour lrsquoassociation qui nrsquoen beacuteneacuteficierait pas raquo Agrave ce jour nombreux sont les acteurs srsquoeacutetant prononceacutes en faveur de lrsquoeacutelaboration drsquoune reconnaissance unique drsquoutiliteacute sociale (RUS) Nous avons vu preacuteceacutedemment que les derniers rapports ministeacuteriels et parlementaires se montrent favorables agrave la mise en œuvre drsquoune telle proceacutedure Pour MT Cheacuteroutre103 laquo lrsquoattribution drsquoune reconnaissance par les pouvoirs publics aux organismes susceptibles drsquoecirctre exoneacutereacutes apparaicirct eacuteminemment souhaitable Cette reconnaissance accordeacutee pour une dureacutee deacutetermineacutee apporterait agrave ces derniers une garantie drsquoexoneacuteration du moins aussi longtemps qursquoil ne serait pas prouveacute par lrsquoadministration qursquoils ne respectent plus les conditions pour lesquelles ils ont obtenu ladite reconnaissance raquo De son cocircteacute la FONDA104 a eacutegalement exprimeacute son souhait drsquoassurer laquo une meilleure seacutecuriteacute financiegravere aux associations relevant de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et srsquoest montreacutee laquo favorable agrave la creacuteation drsquoune RUS attribueacutee par une commission tripartite (Etat Magistrats Associations) raquo Agrave notre connaissance deux projets de loi105 ont eacuteteacute deacuteposeacutes en ce sens pour ecirctre rapidement abandonneacutes par la suite faute de reacuteelle volonteacute politique En effet comme le souligne le CNVA agrave propos de la mise en œuvre de la RUS

102 Notamment lorsque lrsquoobjet de lrsquoassociation consiste agrave reacutealiser des activiteacutes reacuteglementeacutees 103 MT Cheacuteroute Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 rapport au nom du conseil eacuteconomique et social ndeg4 JO du 1er avril 1993 104 La FONDA Pour une eacutethique des rapports entre pouvoirs publics et citoyens seacuteminaire Paris 17 octobre 1992 105 Projet de loi A Henry RTD com 192 447 en janvier 2002 ce projet avait lanceacute une vaste consultation autour du concept drsquoutiliteacute sociale dans le but de deacutelimiter les associations auxquelles seraient accordeacutees le label Proposition de loi ndeg2779 AN 1996 art 2 laquo Les associations peuvent ecirctre reconnues drsquoutiliteacute sociale agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode probatoire de fonctionnement drsquoune dureacutee au moins eacutegale agrave trois ans lorsqursquoelles satisfont cumulativement aux conditions suivantes avoir un objet social de caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique humanitaire sportif familial culturel ou drsquoaction sociale ou de mise en œuvre du patrimoine artistique ou de deacutefense de lrsquoenvironnement ou de diffusion de la culture ou de la langue franccedilaise Exercer conformeacutement agrave cet objet des activiteacutes ouvertes agrave des personnes qui lui sont exteacuterieures raquo

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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Par ailleurs le CNVA soulignait le caractegravere laquo eacutevolutif voire conjoncturel raquo du concept drsquoutiliteacute sociale dans la mise en œuvre drsquoune seacuterie de dix indicateurs (voir infra) Pour lrsquoessentiel G Goulard88 consideacuterait qursquoen lrsquoeacutetat actuel ce concept eacutetait laquo encore plus subjectif que les critegraveres jurisprudentiels en vigueur raquo et qursquoune telle situation laquo risqu[ait] drsquoecirctre interpreacuteteacutee dans un sens reacuteducteur deacutefavorable aux associations dont lrsquoutiliteacute nrsquoest pas sociale mais intellectuelle culturelle spirituelle politique historique eacuteconomique etc raquo Srsquoil est vrai qursquoen 1998 de tels arguments nrsquoeacutetaient pas neacutegligeables il apparaicirct que certains drsquoentre eux apparaissaient forts contestables En effet comme le souligne J Gadrey dans son rapport de 2004 laquo la subjectiviteacute de la notion drsquoutiliteacute sociale peut fort bien ecirctre compatible avec sa consolidation comme reacutefeacuterence en droit (la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral srsquoest bien imposeacutee en deacutepit drsquoun flou aussi consideacuterable) raquo En effet il convient drsquoobserver que drsquoautres notions fondamentales agrave lrsquoinstar du droit commercial sont fondeacutees sur lrsquoarbitraire comme a deacutejagrave pu le souligner le Professeur Y Guyon laquo le droit commercial nrsquoest pas une construction fondeacutee sur la raison mais une approche fondamentalement arbitraire raquo89 Ainsi poursuit J Gadrey laquo le fait que des associations qui ne font pas partie du champ de lrsquoaction sociale (au sens strict) auraient des difficulteacutes agrave faire connaicirctre leur utiliteacute sociale nrsquoa rien drsquoineacuteluctable et deacutepend de la faccedilon dont la convention drsquoutiliteacute sociale se construit sur un mode restrictif ou au contraire extensif raquo De fait il apparaicirct que le concept drsquoutiliteacute sociale deacutepend moins de notre capaciteacute agrave deacutefinir des critegraveres distinctifs que de celle favorisant lrsquoeacutemergence drsquoune convention sociopolitique (voir infra) portant sur lrsquoutiliteacute sociale (convention drsquoutiliteacute sociale) Une telle approche preacutesenterait en outre deux avantages principaux en premier lieu celui du maintien du caractegravere eacutevolutif de ce concept en second lieu celui de la reacuteciprociteacute entretenue entre les associations et les pouvoirs publics dans la construction et lrsquoacceptation du concept mecircme

88 Rapport Goulard mars 1998 89 Y Guyon Droit des affaires Economica 5egraveme eacuted 1988 agrave rapprocher de M Despax Lrsquoentreprise et le droit Bibl Dr Priv T1 Paris 1954 p34 selon lrsquoauteur laquo le droit commercial (hellip) est neacute de la pratique Ses normes sont la conseacutecration drsquousages peu agrave peu eacutetablis et non la construction de la raison de lagrave cette difficulteacute souvent eacuteprouveacutee pour les juristes agrave les expliquer raquo

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III - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE

SOCIALE (OU SOCIETALE) UNE DEMARCHE PARTAGEE

A ndash LA PROCEDURE DE RUS PRESENTE-T-ELLE ENCORE UN INTERET

Comme le suggegravere le rapport Morange90 la proposition formuleacutee par JP Decool en mai 200591 laquo meacuterite drsquoecirctre approfondie raquo En effet pour ce dernier il convient de mettre en place une proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute socieacutetale comme substitut agrave la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral jugeacutee laquo deacutesuegravete et vague raquo laquo il serait donc opportun afin de donner une nouvelle dimension au monde associatif (hellip) de redonner au citoyen toute sa place au sein de la socieacuteteacute Lui permettre de srsquoexprimer et de manifester son deacutesir de donner ou de partager des valeurs communes Ainsi peut-on envisager le rocircle de lrsquoassociation dans la socieacuteteacute raquo A ce stade il nous semble que la meacutethode preacuteconiseacutee par le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) depuis son rapport du 4 feacutevrier 198692 demeure toujours drsquoactualiteacute93 Ce dernier preacuteconisait lrsquointroduction drsquoun systegraveme de reconnaissance a priori qui permettrait aux associations reconnues drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) de lever laquo toute incertitude durant une peacuteriode deacutefinie tant que les conditions drsquoexercice de leur activiteacute au vu desquelles elles ont obtenu lrsquoagreacutement ne seraient pas modifieacutees raquo94 Selon le projet du CNVA cette reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) devait ecirctre accordeacutee non pas par le pouvoir exeacutecutif mais par une veacuteritable juridiction ou commission paritaire composeacutee de repreacutesentants des associations des administrations concerneacutees (Ministegravere de tutelle et Administration fiscale) et preacutesideacutee par un magistrat95 Celle-ci pourrait eacutegalement comprendre un certain nombre drsquoexperts qualifieacutes et issus de la socieacuteteacute civile ainsi qursquoun repreacutesentant des collectiviteacutes locales deacutecentraliseacutees96 90 Ibidum 91 JP Decool Des associations en geacuteneacuteral vers une eacutethique socieacutetale rapport au 1er ministre mai 2005 92 Voir eacutegalement les Rapports et Avis du 12 juin 1991 et 15 juin 1995 93 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit 1998 preacutec 94 CNVA Bilan de la vie associative en 1990-1991 La documentation franccedilaise Paris 1992 Rapport et avis adopteacutes en session pleacuteniegravere du CNVA le 15 juin 1995 sur laquo lrsquoutiliteacute sociale des associations et ses conseacutequences en matiegravere eacuteconomique fiscale et financiegravere raquo 95 On peut noter la proximiteacute de cette composition avec celle de la laquo Charity Commission raquo de Grande-Bretagne composeacutee de fonctionnaires dont deux doivent ecirctre des juges dont le rocircle drsquoinformation de conseil de controcircle srsquoexerce aupregraves des laquo Charities raquo auxquelles la Commission donne le label qui ouvre droit agrave des faciliteacutes fiscales et financiegraveres 96 Voir la composition du comiteacute strateacutegique des fonds de dotation creacuteeacute le 19 novembre 2008 preacutesideacute par JJ Hyest Preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat

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Les deacutecisions de cette instance pourraient faire lrsquoobjet drsquoun recours devant les juridictions compeacutetentes (ce qui aurait eu pour effet de laquo judiciariser raquo le concept drsquoutiliteacute sociale) La reconnaissance serait attribueacutee pour une dureacutee de cinq anneacutees agrave lrsquoissue drsquoun rapport drsquoaudit baseacute sur des critegraveres drsquoeacutevaluation (pour ce qui concerne lrsquoutiliteacute sociale externe) Les critegraveres drsquoeacutevaluation pourraient faire lrsquoobjet drsquoune deacutemarche partageacutee (voir infra) et contractualiseacutee avec les diffeacuterents acteurs agrave partir de critegraveres quantitatifs et qualitatifs neacutegocieacutes En effet le CNVA nrsquoa pas souhaiteacute mettre en place un systegraveme unique et isoleacute de reconnaissance drsquoune cateacutegorie particuliegravere drsquoassociations qui serait reconnue drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) agrave lrsquoinstar de ce qui a par exemple eacuteteacute conccedilu pour la reconnaissance drsquoutiliteacute publique Il preacuteconise plutocirct laquo le recours agrave de multiples dispositifs susceptibles drsquoaccorder aux associations (en tant qursquoopeacuterateurs) ou agrave leurs activiteacutes (en tant qursquoopeacuteration97) la reconnaissance et le soutien en fonction et dans le respect de la diversiteacute des speacutecificiteacutes associatives raquo Lrsquoensemble de ces speacutecificiteacutes doit pouvoir ecirctre appreacutehendeacute agrave travers un certain nombre drsquoindicateurs avec la mise en place de la technique du faisceau drsquoindices Les critegraveres deacutegageacutes98 formeraient ainsi une liste (non exhaustive) qui permettant de mieux cerner les contours de lrsquoutiliteacute sociale

- La primauteacute du projet finaliteacute de lrsquoaction associative99

- Le fonctionnement deacutemocratique - Lrsquoapport social de lrsquoassociation100 - La non-lucrativiteacute qui par essence marque la

diffeacuterence par rapport au secteur commercial - La gestion deacutesinteacuteresseacutee101 ce qui nrsquoexclut ni la

rigueur ni la transparence financiegravere - La capaciteacute agrave mobiliser la geacuteneacuterositeacute humaine

(beacuteneacutevolat) ou financiegravere (dons) - Le mixage des publics et lrsquoouverture

qui a pour mission de suivre lrsquoeacutevolution des fonds de dotation 1 repreacutesentant du MINEFI 3 magistrats 7 personnaliteacutes qualifieacutees A ce titre il pourra eacutelaborer des recommandations de bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion et faire toutes les propositions qui lui sembleront neacutecessaires pour favoriser le deacuteveloppement des fonds de dotation (Sources MINEFI 14 janvier 2009) 97 Cette solution preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre neutre sur le plan concurrentiel et vis-agrave-vis des autres opeacuterateurs eacuteconomiques 98 Le CNVA preacutecise dans son rapport du 15 juin 1995 preacutec que ces critegraveres sont laquo non exclusifs non cumulatifs et non exhaustifs les uns par rapport aux autres raquo 99 La FONDA dans un seacuteminaire en date du 17 octobre 1992 suggeacuterait et explicitait ces trois premiers critegraveres agrave partir desquels elle se fondait pour identifier les associations drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral 100 Ce critegravere ainsi que les critegraveres 6 7 et 8 relegravevent de la notion drsquoutiliteacute sociale externe qui selon nous devrait faire lrsquoobjet drsquoune contractualisation pluri annuelle dans le cadre drsquoune deacutemarche de construction et drsquoeacutevaluation partageacutee (voir infra) 101 Sur cette notion voir Instr fisc (Synthegravese) BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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- Les secteurs drsquointervention pas ou mal couverts par les autres agents eacuteconomiques ou par les collectiviteacutes publiques

- Lrsquoexistence de financements publics ou parapublics

- Lrsquoexistence drsquoun agreacutement ministeacuteriel (Ministegravere de rattachement) ou drsquoune habilitation102

La reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) pourrait ecirctre attribueacutee aux associations laquo dont les statuts le mode de fonctionnement et les modaliteacutes drsquoexercice de leur activiteacute caracteacuterisent suffisamment leur utiliteacute sociale aux yeux de cette juridiction Elle pourrait agrave lrsquoinverse ecirctre retireacutee par cette mecircme juridiction ou commission paritaire degraves lors que les conditions ayant preacutesideacute agrave son attribution ne seraient plus reacuteunies Lrsquoabsence de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre invoqueacutee pour creacuteer une preacutesomption de lucrativiteacute pour lrsquoassociation qui nrsquoen beacuteneacuteficierait pas raquo Agrave ce jour nombreux sont les acteurs srsquoeacutetant prononceacutes en faveur de lrsquoeacutelaboration drsquoune reconnaissance unique drsquoutiliteacute sociale (RUS) Nous avons vu preacuteceacutedemment que les derniers rapports ministeacuteriels et parlementaires se montrent favorables agrave la mise en œuvre drsquoune telle proceacutedure Pour MT Cheacuteroutre103 laquo lrsquoattribution drsquoune reconnaissance par les pouvoirs publics aux organismes susceptibles drsquoecirctre exoneacutereacutes apparaicirct eacuteminemment souhaitable Cette reconnaissance accordeacutee pour une dureacutee deacutetermineacutee apporterait agrave ces derniers une garantie drsquoexoneacuteration du moins aussi longtemps qursquoil ne serait pas prouveacute par lrsquoadministration qursquoils ne respectent plus les conditions pour lesquelles ils ont obtenu ladite reconnaissance raquo De son cocircteacute la FONDA104 a eacutegalement exprimeacute son souhait drsquoassurer laquo une meilleure seacutecuriteacute financiegravere aux associations relevant de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et srsquoest montreacutee laquo favorable agrave la creacuteation drsquoune RUS attribueacutee par une commission tripartite (Etat Magistrats Associations) raquo Agrave notre connaissance deux projets de loi105 ont eacuteteacute deacuteposeacutes en ce sens pour ecirctre rapidement abandonneacutes par la suite faute de reacuteelle volonteacute politique En effet comme le souligne le CNVA agrave propos de la mise en œuvre de la RUS

102 Notamment lorsque lrsquoobjet de lrsquoassociation consiste agrave reacutealiser des activiteacutes reacuteglementeacutees 103 MT Cheacuteroute Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 rapport au nom du conseil eacuteconomique et social ndeg4 JO du 1er avril 1993 104 La FONDA Pour une eacutethique des rapports entre pouvoirs publics et citoyens seacuteminaire Paris 17 octobre 1992 105 Projet de loi A Henry RTD com 192 447 en janvier 2002 ce projet avait lanceacute une vaste consultation autour du concept drsquoutiliteacute sociale dans le but de deacutelimiter les associations auxquelles seraient accordeacutees le label Proposition de loi ndeg2779 AN 1996 art 2 laquo Les associations peuvent ecirctre reconnues drsquoutiliteacute sociale agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode probatoire de fonctionnement drsquoune dureacutee au moins eacutegale agrave trois ans lorsqursquoelles satisfont cumulativement aux conditions suivantes avoir un objet social de caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique humanitaire sportif familial culturel ou drsquoaction sociale ou de mise en œuvre du patrimoine artistique ou de deacutefense de lrsquoenvironnement ou de diffusion de la culture ou de la langue franccedilaise Exercer conformeacutement agrave cet objet des activiteacutes ouvertes agrave des personnes qui lui sont exteacuterieures raquo

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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III - LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE

SOCIALE (OU SOCIETALE) UNE DEMARCHE PARTAGEE

A ndash LA PROCEDURE DE RUS PRESENTE-T-ELLE ENCORE UN INTERET

Comme le suggegravere le rapport Morange90 la proposition formuleacutee par JP Decool en mai 200591 laquo meacuterite drsquoecirctre approfondie raquo En effet pour ce dernier il convient de mettre en place une proceacutedure unique de reconnaissance drsquoutiliteacute socieacutetale comme substitut agrave la notion drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral jugeacutee laquo deacutesuegravete et vague raquo laquo il serait donc opportun afin de donner une nouvelle dimension au monde associatif (hellip) de redonner au citoyen toute sa place au sein de la socieacuteteacute Lui permettre de srsquoexprimer et de manifester son deacutesir de donner ou de partager des valeurs communes Ainsi peut-on envisager le rocircle de lrsquoassociation dans la socieacuteteacute raquo A ce stade il nous semble que la meacutethode preacuteconiseacutee par le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) depuis son rapport du 4 feacutevrier 198692 demeure toujours drsquoactualiteacute93 Ce dernier preacuteconisait lrsquointroduction drsquoun systegraveme de reconnaissance a priori qui permettrait aux associations reconnues drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) de lever laquo toute incertitude durant une peacuteriode deacutefinie tant que les conditions drsquoexercice de leur activiteacute au vu desquelles elles ont obtenu lrsquoagreacutement ne seraient pas modifieacutees raquo94 Selon le projet du CNVA cette reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) devait ecirctre accordeacutee non pas par le pouvoir exeacutecutif mais par une veacuteritable juridiction ou commission paritaire composeacutee de repreacutesentants des associations des administrations concerneacutees (Ministegravere de tutelle et Administration fiscale) et preacutesideacutee par un magistrat95 Celle-ci pourrait eacutegalement comprendre un certain nombre drsquoexperts qualifieacutes et issus de la socieacuteteacute civile ainsi qursquoun repreacutesentant des collectiviteacutes locales deacutecentraliseacutees96 90 Ibidum 91 JP Decool Des associations en geacuteneacuteral vers une eacutethique socieacutetale rapport au 1er ministre mai 2005 92 Voir eacutegalement les Rapports et Avis du 12 juin 1991 et 15 juin 1995 93 C Amblard Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du tiers secteur thegravese de droit 1998 preacutec 94 CNVA Bilan de la vie associative en 1990-1991 La documentation franccedilaise Paris 1992 Rapport et avis adopteacutes en session pleacuteniegravere du CNVA le 15 juin 1995 sur laquo lrsquoutiliteacute sociale des associations et ses conseacutequences en matiegravere eacuteconomique fiscale et financiegravere raquo 95 On peut noter la proximiteacute de cette composition avec celle de la laquo Charity Commission raquo de Grande-Bretagne composeacutee de fonctionnaires dont deux doivent ecirctre des juges dont le rocircle drsquoinformation de conseil de controcircle srsquoexerce aupregraves des laquo Charities raquo auxquelles la Commission donne le label qui ouvre droit agrave des faciliteacutes fiscales et financiegraveres 96 Voir la composition du comiteacute strateacutegique des fonds de dotation creacuteeacute le 19 novembre 2008 preacutesideacute par JJ Hyest Preacutesident de la Commission des lois du Seacutenat

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Les deacutecisions de cette instance pourraient faire lrsquoobjet drsquoun recours devant les juridictions compeacutetentes (ce qui aurait eu pour effet de laquo judiciariser raquo le concept drsquoutiliteacute sociale) La reconnaissance serait attribueacutee pour une dureacutee de cinq anneacutees agrave lrsquoissue drsquoun rapport drsquoaudit baseacute sur des critegraveres drsquoeacutevaluation (pour ce qui concerne lrsquoutiliteacute sociale externe) Les critegraveres drsquoeacutevaluation pourraient faire lrsquoobjet drsquoune deacutemarche partageacutee (voir infra) et contractualiseacutee avec les diffeacuterents acteurs agrave partir de critegraveres quantitatifs et qualitatifs neacutegocieacutes En effet le CNVA nrsquoa pas souhaiteacute mettre en place un systegraveme unique et isoleacute de reconnaissance drsquoune cateacutegorie particuliegravere drsquoassociations qui serait reconnue drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) agrave lrsquoinstar de ce qui a par exemple eacuteteacute conccedilu pour la reconnaissance drsquoutiliteacute publique Il preacuteconise plutocirct laquo le recours agrave de multiples dispositifs susceptibles drsquoaccorder aux associations (en tant qursquoopeacuterateurs) ou agrave leurs activiteacutes (en tant qursquoopeacuteration97) la reconnaissance et le soutien en fonction et dans le respect de la diversiteacute des speacutecificiteacutes associatives raquo Lrsquoensemble de ces speacutecificiteacutes doit pouvoir ecirctre appreacutehendeacute agrave travers un certain nombre drsquoindicateurs avec la mise en place de la technique du faisceau drsquoindices Les critegraveres deacutegageacutes98 formeraient ainsi une liste (non exhaustive) qui permettant de mieux cerner les contours de lrsquoutiliteacute sociale

- La primauteacute du projet finaliteacute de lrsquoaction associative99

- Le fonctionnement deacutemocratique - Lrsquoapport social de lrsquoassociation100 - La non-lucrativiteacute qui par essence marque la

diffeacuterence par rapport au secteur commercial - La gestion deacutesinteacuteresseacutee101 ce qui nrsquoexclut ni la

rigueur ni la transparence financiegravere - La capaciteacute agrave mobiliser la geacuteneacuterositeacute humaine

(beacuteneacutevolat) ou financiegravere (dons) - Le mixage des publics et lrsquoouverture

qui a pour mission de suivre lrsquoeacutevolution des fonds de dotation 1 repreacutesentant du MINEFI 3 magistrats 7 personnaliteacutes qualifieacutees A ce titre il pourra eacutelaborer des recommandations de bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion et faire toutes les propositions qui lui sembleront neacutecessaires pour favoriser le deacuteveloppement des fonds de dotation (Sources MINEFI 14 janvier 2009) 97 Cette solution preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre neutre sur le plan concurrentiel et vis-agrave-vis des autres opeacuterateurs eacuteconomiques 98 Le CNVA preacutecise dans son rapport du 15 juin 1995 preacutec que ces critegraveres sont laquo non exclusifs non cumulatifs et non exhaustifs les uns par rapport aux autres raquo 99 La FONDA dans un seacuteminaire en date du 17 octobre 1992 suggeacuterait et explicitait ces trois premiers critegraveres agrave partir desquels elle se fondait pour identifier les associations drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral 100 Ce critegravere ainsi que les critegraveres 6 7 et 8 relegravevent de la notion drsquoutiliteacute sociale externe qui selon nous devrait faire lrsquoobjet drsquoune contractualisation pluri annuelle dans le cadre drsquoune deacutemarche de construction et drsquoeacutevaluation partageacutee (voir infra) 101 Sur cette notion voir Instr fisc (Synthegravese) BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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- Les secteurs drsquointervention pas ou mal couverts par les autres agents eacuteconomiques ou par les collectiviteacutes publiques

- Lrsquoexistence de financements publics ou parapublics

- Lrsquoexistence drsquoun agreacutement ministeacuteriel (Ministegravere de rattachement) ou drsquoune habilitation102

La reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) pourrait ecirctre attribueacutee aux associations laquo dont les statuts le mode de fonctionnement et les modaliteacutes drsquoexercice de leur activiteacute caracteacuterisent suffisamment leur utiliteacute sociale aux yeux de cette juridiction Elle pourrait agrave lrsquoinverse ecirctre retireacutee par cette mecircme juridiction ou commission paritaire degraves lors que les conditions ayant preacutesideacute agrave son attribution ne seraient plus reacuteunies Lrsquoabsence de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre invoqueacutee pour creacuteer une preacutesomption de lucrativiteacute pour lrsquoassociation qui nrsquoen beacuteneacuteficierait pas raquo Agrave ce jour nombreux sont les acteurs srsquoeacutetant prononceacutes en faveur de lrsquoeacutelaboration drsquoune reconnaissance unique drsquoutiliteacute sociale (RUS) Nous avons vu preacuteceacutedemment que les derniers rapports ministeacuteriels et parlementaires se montrent favorables agrave la mise en œuvre drsquoune telle proceacutedure Pour MT Cheacuteroutre103 laquo lrsquoattribution drsquoune reconnaissance par les pouvoirs publics aux organismes susceptibles drsquoecirctre exoneacutereacutes apparaicirct eacuteminemment souhaitable Cette reconnaissance accordeacutee pour une dureacutee deacutetermineacutee apporterait agrave ces derniers une garantie drsquoexoneacuteration du moins aussi longtemps qursquoil ne serait pas prouveacute par lrsquoadministration qursquoils ne respectent plus les conditions pour lesquelles ils ont obtenu ladite reconnaissance raquo De son cocircteacute la FONDA104 a eacutegalement exprimeacute son souhait drsquoassurer laquo une meilleure seacutecuriteacute financiegravere aux associations relevant de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et srsquoest montreacutee laquo favorable agrave la creacuteation drsquoune RUS attribueacutee par une commission tripartite (Etat Magistrats Associations) raquo Agrave notre connaissance deux projets de loi105 ont eacuteteacute deacuteposeacutes en ce sens pour ecirctre rapidement abandonneacutes par la suite faute de reacuteelle volonteacute politique En effet comme le souligne le CNVA agrave propos de la mise en œuvre de la RUS

102 Notamment lorsque lrsquoobjet de lrsquoassociation consiste agrave reacutealiser des activiteacutes reacuteglementeacutees 103 MT Cheacuteroute Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 rapport au nom du conseil eacuteconomique et social ndeg4 JO du 1er avril 1993 104 La FONDA Pour une eacutethique des rapports entre pouvoirs publics et citoyens seacuteminaire Paris 17 octobre 1992 105 Projet de loi A Henry RTD com 192 447 en janvier 2002 ce projet avait lanceacute une vaste consultation autour du concept drsquoutiliteacute sociale dans le but de deacutelimiter les associations auxquelles seraient accordeacutees le label Proposition de loi ndeg2779 AN 1996 art 2 laquo Les associations peuvent ecirctre reconnues drsquoutiliteacute sociale agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode probatoire de fonctionnement drsquoune dureacutee au moins eacutegale agrave trois ans lorsqursquoelles satisfont cumulativement aux conditions suivantes avoir un objet social de caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique humanitaire sportif familial culturel ou drsquoaction sociale ou de mise en œuvre du patrimoine artistique ou de deacutefense de lrsquoenvironnement ou de diffusion de la culture ou de la langue franccedilaise Exercer conformeacutement agrave cet objet des activiteacutes ouvertes agrave des personnes qui lui sont exteacuterieures raquo

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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Les deacutecisions de cette instance pourraient faire lrsquoobjet drsquoun recours devant les juridictions compeacutetentes (ce qui aurait eu pour effet de laquo judiciariser raquo le concept drsquoutiliteacute sociale) La reconnaissance serait attribueacutee pour une dureacutee de cinq anneacutees agrave lrsquoissue drsquoun rapport drsquoaudit baseacute sur des critegraveres drsquoeacutevaluation (pour ce qui concerne lrsquoutiliteacute sociale externe) Les critegraveres drsquoeacutevaluation pourraient faire lrsquoobjet drsquoune deacutemarche partageacutee (voir infra) et contractualiseacutee avec les diffeacuterents acteurs agrave partir de critegraveres quantitatifs et qualitatifs neacutegocieacutes En effet le CNVA nrsquoa pas souhaiteacute mettre en place un systegraveme unique et isoleacute de reconnaissance drsquoune cateacutegorie particuliegravere drsquoassociations qui serait reconnue drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) agrave lrsquoinstar de ce qui a par exemple eacuteteacute conccedilu pour la reconnaissance drsquoutiliteacute publique Il preacuteconise plutocirct laquo le recours agrave de multiples dispositifs susceptibles drsquoaccorder aux associations (en tant qursquoopeacuterateurs) ou agrave leurs activiteacutes (en tant qursquoopeacuteration97) la reconnaissance et le soutien en fonction et dans le respect de la diversiteacute des speacutecificiteacutes associatives raquo Lrsquoensemble de ces speacutecificiteacutes doit pouvoir ecirctre appreacutehendeacute agrave travers un certain nombre drsquoindicateurs avec la mise en place de la technique du faisceau drsquoindices Les critegraveres deacutegageacutes98 formeraient ainsi une liste (non exhaustive) qui permettant de mieux cerner les contours de lrsquoutiliteacute sociale

- La primauteacute du projet finaliteacute de lrsquoaction associative99

- Le fonctionnement deacutemocratique - Lrsquoapport social de lrsquoassociation100 - La non-lucrativiteacute qui par essence marque la

diffeacuterence par rapport au secteur commercial - La gestion deacutesinteacuteresseacutee101 ce qui nrsquoexclut ni la

rigueur ni la transparence financiegravere - La capaciteacute agrave mobiliser la geacuteneacuterositeacute humaine

(beacuteneacutevolat) ou financiegravere (dons) - Le mixage des publics et lrsquoouverture

qui a pour mission de suivre lrsquoeacutevolution des fonds de dotation 1 repreacutesentant du MINEFI 3 magistrats 7 personnaliteacutes qualifieacutees A ce titre il pourra eacutelaborer des recommandations de bonnes pratiques en matiegravere de gouvernance et de gestion et faire toutes les propositions qui lui sembleront neacutecessaires pour favoriser le deacuteveloppement des fonds de dotation (Sources MINEFI 14 janvier 2009) 97 Cette solution preacutesente lrsquoavantage drsquoecirctre neutre sur le plan concurrentiel et vis-agrave-vis des autres opeacuterateurs eacuteconomiques 98 Le CNVA preacutecise dans son rapport du 15 juin 1995 preacutec que ces critegraveres sont laquo non exclusifs non cumulatifs et non exhaustifs les uns par rapport aux autres raquo 99 La FONDA dans un seacuteminaire en date du 17 octobre 1992 suggeacuterait et explicitait ces trois premiers critegraveres agrave partir desquels elle se fondait pour identifier les associations drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral 100 Ce critegravere ainsi que les critegraveres 6 7 et 8 relegravevent de la notion drsquoutiliteacute sociale externe qui selon nous devrait faire lrsquoobjet drsquoune contractualisation pluri annuelle dans le cadre drsquoune deacutemarche de construction et drsquoeacutevaluation partageacutee (voir infra) 101 Sur cette notion voir Instr fisc (Synthegravese) BOI 4 H-5-06 du 18 deacutecembre 2006

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- Les secteurs drsquointervention pas ou mal couverts par les autres agents eacuteconomiques ou par les collectiviteacutes publiques

- Lrsquoexistence de financements publics ou parapublics

- Lrsquoexistence drsquoun agreacutement ministeacuteriel (Ministegravere de rattachement) ou drsquoune habilitation102

La reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) pourrait ecirctre attribueacutee aux associations laquo dont les statuts le mode de fonctionnement et les modaliteacutes drsquoexercice de leur activiteacute caracteacuterisent suffisamment leur utiliteacute sociale aux yeux de cette juridiction Elle pourrait agrave lrsquoinverse ecirctre retireacutee par cette mecircme juridiction ou commission paritaire degraves lors que les conditions ayant preacutesideacute agrave son attribution ne seraient plus reacuteunies Lrsquoabsence de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre invoqueacutee pour creacuteer une preacutesomption de lucrativiteacute pour lrsquoassociation qui nrsquoen beacuteneacuteficierait pas raquo Agrave ce jour nombreux sont les acteurs srsquoeacutetant prononceacutes en faveur de lrsquoeacutelaboration drsquoune reconnaissance unique drsquoutiliteacute sociale (RUS) Nous avons vu preacuteceacutedemment que les derniers rapports ministeacuteriels et parlementaires se montrent favorables agrave la mise en œuvre drsquoune telle proceacutedure Pour MT Cheacuteroutre103 laquo lrsquoattribution drsquoune reconnaissance par les pouvoirs publics aux organismes susceptibles drsquoecirctre exoneacutereacutes apparaicirct eacuteminemment souhaitable Cette reconnaissance accordeacutee pour une dureacutee deacutetermineacutee apporterait agrave ces derniers une garantie drsquoexoneacuteration du moins aussi longtemps qursquoil ne serait pas prouveacute par lrsquoadministration qursquoils ne respectent plus les conditions pour lesquelles ils ont obtenu ladite reconnaissance raquo De son cocircteacute la FONDA104 a eacutegalement exprimeacute son souhait drsquoassurer laquo une meilleure seacutecuriteacute financiegravere aux associations relevant de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et srsquoest montreacutee laquo favorable agrave la creacuteation drsquoune RUS attribueacutee par une commission tripartite (Etat Magistrats Associations) raquo Agrave notre connaissance deux projets de loi105 ont eacuteteacute deacuteposeacutes en ce sens pour ecirctre rapidement abandonneacutes par la suite faute de reacuteelle volonteacute politique En effet comme le souligne le CNVA agrave propos de la mise en œuvre de la RUS

102 Notamment lorsque lrsquoobjet de lrsquoassociation consiste agrave reacutealiser des activiteacutes reacuteglementeacutees 103 MT Cheacuteroute Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 rapport au nom du conseil eacuteconomique et social ndeg4 JO du 1er avril 1993 104 La FONDA Pour une eacutethique des rapports entre pouvoirs publics et citoyens seacuteminaire Paris 17 octobre 1992 105 Projet de loi A Henry RTD com 192 447 en janvier 2002 ce projet avait lanceacute une vaste consultation autour du concept drsquoutiliteacute sociale dans le but de deacutelimiter les associations auxquelles seraient accordeacutees le label Proposition de loi ndeg2779 AN 1996 art 2 laquo Les associations peuvent ecirctre reconnues drsquoutiliteacute sociale agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode probatoire de fonctionnement drsquoune dureacutee au moins eacutegale agrave trois ans lorsqursquoelles satisfont cumulativement aux conditions suivantes avoir un objet social de caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique humanitaire sportif familial culturel ou drsquoaction sociale ou de mise en œuvre du patrimoine artistique ou de deacutefense de lrsquoenvironnement ou de diffusion de la culture ou de la langue franccedilaise Exercer conformeacutement agrave cet objet des activiteacutes ouvertes agrave des personnes qui lui sont exteacuterieures raquo

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

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- Les secteurs drsquointervention pas ou mal couverts par les autres agents eacuteconomiques ou par les collectiviteacutes publiques

- Lrsquoexistence de financements publics ou parapublics

- Lrsquoexistence drsquoun agreacutement ministeacuteriel (Ministegravere de rattachement) ou drsquoune habilitation102

La reconnaissance drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) pourrait ecirctre attribueacutee aux associations laquo dont les statuts le mode de fonctionnement et les modaliteacutes drsquoexercice de leur activiteacute caracteacuterisent suffisamment leur utiliteacute sociale aux yeux de cette juridiction Elle pourrait agrave lrsquoinverse ecirctre retireacutee par cette mecircme juridiction ou commission paritaire degraves lors que les conditions ayant preacutesideacute agrave son attribution ne seraient plus reacuteunies Lrsquoabsence de reconnaissance drsquoutiliteacute sociale ne saurait ecirctre invoqueacutee pour creacuteer une preacutesomption de lucrativiteacute pour lrsquoassociation qui nrsquoen beacuteneacuteficierait pas raquo Agrave ce jour nombreux sont les acteurs srsquoeacutetant prononceacutes en faveur de lrsquoeacutelaboration drsquoune reconnaissance unique drsquoutiliteacute sociale (RUS) Nous avons vu preacuteceacutedemment que les derniers rapports ministeacuteriels et parlementaires se montrent favorables agrave la mise en œuvre drsquoune telle proceacutedure Pour MT Cheacuteroutre103 laquo lrsquoattribution drsquoune reconnaissance par les pouvoirs publics aux organismes susceptibles drsquoecirctre exoneacutereacutes apparaicirct eacuteminemment souhaitable Cette reconnaissance accordeacutee pour une dureacutee deacutetermineacutee apporterait agrave ces derniers une garantie drsquoexoneacuteration du moins aussi longtemps qursquoil ne serait pas prouveacute par lrsquoadministration qursquoils ne respectent plus les conditions pour lesquelles ils ont obtenu ladite reconnaissance raquo De son cocircteacute la FONDA104 a eacutegalement exprimeacute son souhait drsquoassurer laquo une meilleure seacutecuriteacute financiegravere aux associations relevant de lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et srsquoest montreacutee laquo favorable agrave la creacuteation drsquoune RUS attribueacutee par une commission tripartite (Etat Magistrats Associations) raquo Agrave notre connaissance deux projets de loi105 ont eacuteteacute deacuteposeacutes en ce sens pour ecirctre rapidement abandonneacutes par la suite faute de reacuteelle volonteacute politique En effet comme le souligne le CNVA agrave propos de la mise en œuvre de la RUS

102 Notamment lorsque lrsquoobjet de lrsquoassociation consiste agrave reacutealiser des activiteacutes reacuteglementeacutees 103 MT Cheacuteroute Exercice et deacuteveloppement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 rapport au nom du conseil eacuteconomique et social ndeg4 JO du 1er avril 1993 104 La FONDA Pour une eacutethique des rapports entre pouvoirs publics et citoyens seacuteminaire Paris 17 octobre 1992 105 Projet de loi A Henry RTD com 192 447 en janvier 2002 ce projet avait lanceacute une vaste consultation autour du concept drsquoutiliteacute sociale dans le but de deacutelimiter les associations auxquelles seraient accordeacutees le label Proposition de loi ndeg2779 AN 1996 art 2 laquo Les associations peuvent ecirctre reconnues drsquoutiliteacute sociale agrave lrsquoissue drsquoune peacuteriode probatoire de fonctionnement drsquoune dureacutee au moins eacutegale agrave trois ans lorsqursquoelles satisfont cumulativement aux conditions suivantes avoir un objet social de caractegravere philanthropique eacuteducatif scientifique humanitaire sportif familial culturel ou drsquoaction sociale ou de mise en œuvre du patrimoine artistique ou de deacutefense de lrsquoenvironnement ou de diffusion de la culture ou de la langue franccedilaise Exercer conformeacutement agrave cet objet des activiteacutes ouvertes agrave des personnes qui lui sont exteacuterieures raquo

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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laquo le problegraveme qui se pose nrsquoest pas drsquoordre technique il est politique raquo Or et dans la mesure ougrave la mise en œuvre de la RUS consiste bien en laquo lrsquoinvention progressive drsquoune prise en charge eacuteconomique drsquoun besoin de socieacuteteacute raquo106 les pouvoirs publics doivent deacutesormais se saisir de ces questions eacuteminemment actuelles en formulant des propositions concregravetes tireacutees des rapports parlementaires et ministeacuteriels ci-avant mentionneacutes

B - LES ENJEUX DE LA RECONNAISSANCE DrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE)

Parce que lrsquoutiliteacute sociale est le plus souvent au cœur des projets des structures associatives et plus geacuteneacuteralement des organismes drsquoEconomie sociale (OES) il importe que ceux-ci puissent rendre compte de la maniegravere dont les objectifs sont atteints et comment ils le sont107 Il ne srsquoagit pas seulement de mesurer Il srsquoagit drsquoeacutevaluer En effet la RUS doit permettre aux associations de beacuteneacuteficier drsquoavantages fiscaux ou de financements publics il importe donc que celles-ci puissent rendre compte de la valeur ajouteacutee speacutecifique des diffeacuterentes actions qursquoelles megravenent Drsquoougrave lrsquoexigence drsquoeacutevaluation des actions sous lrsquoangle de leur utiliteacute sociale (interne et externe) A ce stade de la reacuteflexion il nous semble important de preacuteciser que notre propos ne consiste pas agrave revenir sur les travaux importants reacutealiseacutes en matiegravere drsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale De maniegravere non exhaustive il convient de citer ceux de la DIES108 du Collegravege Coopeacuteratif Provence Alpes Meacutediterraneacutee109 de lrsquoAVISE110 du CNAR111 ou encore de la FONDA Rhocircne-Alpes112 Pour notre part nous nous concentrerons sur les diffeacuterents enjeux de la RUS laquelle pose en creux la probleacutematique de lrsquoeacutevaluation de la production sociale des associations Pour J Henrard Preacutesident de la CPCA laquo lrsquoeacutevaluation et lrsquoutiliteacute sociale sont des sujets importants pour le monde associatif depuis de nombreuses anneacutees Ces deux notions situent lrsquoactiviteacute associative au cœur de la socieacuteteacute et des politiques publiques qui tentent drsquoen ameacuteliorer le fonctionnement Il faut

106 JL Laville et R Sainsaulieu Sociologie de lrsquoassociation des organisations agrave lrsquoeacutepreuve du changement social Ed Descleacutee de Brouwer Paris 1997 p320 107 H Trouveacute Lrsquoutiliteacute sociale des pratiques aux repreacutesentations thegravese de doctorat Laboratoire Matisse-Paris 1 2007 108 DIES Guide de lrsquoeacutevaluation 28 juin 2002 22 pages 109 Collegravege Coopeacuteratif Provence-Alpes-Meacutediterraneacutee Appel agrave proposition DIIESES de recherche 2006 pour lrsquoinnovation et le deacuteveloppement en Economie Sociale et Solidaire rapport final sous la direction de Maurice Parodi novembre 2007 72 pages 110 J Forregravere D Thierry et P Gegravese Lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale AVISE avril 2003 Les cahiers de lrsquoAVISE ndeg5 2007 Evaluer lrsquoutiliteacute sociale 124 pages wwwaviseorg 111 CNAR Le dispositif drsquoeacutevaluation et de valorisation de lrsquoutiliteacute sociale en environnement 12 feacutevrier 2007 112 FONDA Rhocircne-Alpes Autoeacutevaluation des associations et de leur utiliteacute collective guide meacutethodologique pour eacutevaluer actions associatives et projets collectifs avril 2006 123 pages

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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cependant ecirctre prudent dans leur association si lrsquoon veut en tirer le meilleur parti113 raquo En effet on le voit les enjeux de lrsquoeacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale des associations sont multiples

‐ En premier lieu celui de lrsquoapport eacuteconomique et social des activiteacutes des associations (et des organisations drsquoeacuteconomie sociale) Avec plus de 1 million drsquoassociations actives 12 millions de beacuteneacutevoles et 16 million de salarieacutes (dont 900 ETP) le dynamisme du secteur associatif sur un plan macro-eacuteconomique nrsquoest plus agrave deacutemontrer Pour autant la mesure de la contribution de ce secteur agrave la richesse eacuteconomique et sociale de notre pays demeure encore relativement floue et incertaine en deacutepit de lrsquoimportance des travaux drsquoores et deacutejagrave reacutealiseacutes114 ‐ En second lieu celui portant sur la reconnaissance de la speacutecificiteacute du mode drsquointervention des associations notamment dans le domaine eacuteconomique En quoi lrsquointerventionnisme eacuteconomique associatif diffegravere-t-il des pratiques reacuteveacuteleacutees par les autres opeacuterateurs drsquoorigine publique ou priveacutee Chaque association doit pouvoir deacutemontrer la laquo plus-value sociale ajouteacutee raquo de ses activiteacutes afin de caracteacuteriser les laquo externaliteacutes positives raquo de son projet sur la collectiviteacute ‐ En troisiegraveme lieu celui portant sur la deacutefinition des indicateurs de notre richesse nationale115 qui parfois conduisent laquo agrave eacutevaluer lrsquoutiliteacute sociale des associations par deacutefaut raquo crsquoest-agrave-dire laquo quand il ne reste plus qursquoagrave chiffrer les deacutegacircts humains et eacuteconomiqueshellip116 raquo

‐ Enfin celui portant sur la nature des rapports entretenus entre associations et pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre drsquoune action publique117 voire mecircme drsquoune action visant agrave satisfaire des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral

113 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations mai 2007 extrait du cahier de lrsquoAvise ndeg5 preacutec 114 P Kaminski Les associations en France et leur contribution au PIB le compte satellite des ISBL en France ADDES ndash fondation du Creacutedit coopeacuteratif feacutevrier 2006 V Tchernonog ibidum 115 P Viveret Reconsideacuterer la richesse Editions de lrsquoAube 2003 raquo Deacuteveloppement durable et territoire Publications de 2003 116 J Henrard Pour une eacutevaluation de lrsquoutiliteacute sociale par et pour les associations ibidum 117 B Perret Lrsquoeacutevaluation des politiques publiques 2001 Ed La deacutecouverte coll Repegraveres

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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C - LA laquo CO CONSTRUCTION raquo DE LrsquoUTILITE SOCIALE (OU SOCIETALE) VERS UNE REGULATION CONVENTIONNEE118

Degraves lors que lrsquoon considegravere lrsquoutiliteacute sociale comme laquo une construction socio-eacuteconomique encore non stabiliseacutee raquo119 la question de son eacutemergence comme question politique et de sa reacutegulation devient centrale Or pour L Fraisse face agrave ces laquo ambivalences raquo et laquo les reacuteticences conceptuelles sur le terme drsquoutiliteacute sociale raquo lrsquoenjeu est de savoir si lrsquoinstitutionnalisation de lrsquoutiliteacute sociale peut passer par une laquo reacutegulation conventionneacutee raquo120 Au preacutealable il convient de veacuterifier si le laquo terreau politique raquo est en capaciteacute de recevoir un tel mode de reacutegulation

‐ Sur ce point il convient de se reacutefeacuterer en premier lieu agrave la circulaire du Premier ministre du 27 janvier 1975121 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral laquelle preacutecise que laquo lrsquoEtat et les collectiviteacutes nrsquoont pas le monopole du bien public Dans bien des cas crsquoest lrsquoinitiative priveacutee qui a permis de reacutepondre agrave des besoins raquo Bien plus en ce qui concerne les modaliteacutes drsquoattribution des aides publiques ce document administratif rappelle que laquo la plupart des associations qui satisfont des besoins drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral beacuteneacuteficient drsquoune participation de la puissance publique que cette participation doit ecirctre deacutetermineacutee drsquoun commun accord pour la reacutealisation drsquoactions concerteacutees en vus drsquoobjectifs deacutefinis en commun raquo

‐ Depuis lors une circulaire du Premier ministre sur les rapports entre lrsquoEtat et les associations beacuteneacuteficiaires de financements publics en date du 15 janvier 1998 est venue preacuteciser le rocircle subsidiaire de lrsquoEtat122 en matiegravere de reacutealisation drsquoactiviteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral Elle rappelle combien il est neacutecessaire drsquoopeacuterer des controcircles sur les financements publics lesquels sont neacuteanmoins preacutesenteacutes comme laquo le moyen de favoriser une meilleure collaboration entre personnes publiques et personnes priveacutees dans lrsquoesprit de la loi de 1901 (hellip) raquo

118 L Fraisse De lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave lrsquoutiliteacute sociale preacutec p 111 pour lrsquoauteur la reacutegulation conventionneacutee suppose laquo une reacutegulation plus deacutemocratique de lrsquoutiliteacute sociale par une neacutegociation voire une mise en deacutebat public des objectifs et reacutesultats des initiatives Autrement dit la deacutefinition de lrsquoeacuteconomie sociale nrsquoallant pas de soi crsquoest le deacutebat public qui est privileacutegieacute comme lieu de confrontation des valeurs accordeacutees aux actions meneacutees raquo 119 J Gadrey Lrsquoutiliteacute sociale in JL Laville et AD Cattani Dictionnaire de lrsquoautre eacuteconomie eacuted Descleacutee de Brouwer Paris 2005 120 L Fraisse preacutec pp 109 agrave 111 lrsquoauteur envisage drsquoautres modes de reacutegulation tels que la reacutegulation tuteacutelaire quasi-marchande voire mecircme drsquoinsertion 121 Circulaire ndeg2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre collectiviteacutes publiques et les associations assurant des tacircches drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral non publieacutee au JO 122 C Million-Delsol LrsquoEtat subsidiaire Ed PUF 1991

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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‐ Enfin il convient de citer la charte des engagements reacuteciproques signeacutee le 1er juillet 2001 entre lrsquoEtat et la CPCA laquelle est venue preacuteciser la deacutemarche retenue en matiegravere drsquoeacutevaluation laquo les associations et lrsquoEtat privileacutegient les relations fondeacutees sur le contrat drsquoobjectifs la conduite de projets dans la dureacutee la transparence des engagements pris et lrsquoeacutevaluation des contributions agrave lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral au regard des moyens mobiliseacutes en particulier dans le cadre des financements publics pluriannuels raquo

Le terrain juridique apparaicirct ainsi favorable agrave la construction drsquoun partenariat entre les associations et les pouvoirs publics Or de ce point de vue il ressort que la dimension contractuelle du financement associatif est intimement lieacutee agrave la notion drsquoutiliteacute sociale et son eacutevaluation comme en teacutemoigne lrsquoavis du CNVA qui deacutejagrave en 1986 preacuteconisait la mise en œuvre de laquo contrats pluriannuels drsquoutiliteacute sociale raquo Cependant et depuis le deacutebut des anneacutees 2000 il ressort que ce processus de reacutegulation conventionneacutee se trouve menaceacute par la mise en œuvre de la loi organique relative aux Lois de finances (LOLF)123 et les lois de deacutecentralisation lesquelles ont laquo structurellement changeacute la donne raquo124 En effet la LOLF125 impose aux pouvoirs publics de deacutefinir des programmes drsquoactions pluriannuelles et de mesurer les reacutesultats obtenus au regard des objectifs assigneacutes compte tenu des financements publics consentis Une tendance qui agrave nrsquoen pas douter devrait ecirctre accentueacutee par la mise en œuvre de la Reacutevision geacuteneacuterale des politiques publiques (RGPP)126 agrave partir de juillet 2007 confortant ainsi lrsquoaction de lrsquoadministration comme tendant laquo agrave srsquoexprimer de plus en plus souvent agrave travers une fonction de controcircle du secteur priveacute raquo127 Crsquoest dans ce contexte que J Henrard128 (Preacutesident de la CPCA) a eacuteteacute ameneacute agrave rappeler qursquoil eacutetait important que laquo lrsquoassociation [conserve] la main sur le processus eacutevaluatif de son utiliteacute sociale sans qursquoelle ne soit strictement subordonneacutee agrave lrsquoeacutevaluation des politiques publiques raquo Ainsi la question de la reacutegulation conventionneacutee tend agrave se cristalliser au moment de la signature des conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)129 lesquelles constituent laquo le cadre contractuel par excellence non seulement des objectifs sur lesquels la personne publique et lrsquoassociation srsquoaccordent mais aussi de ces critegraveres drsquoeacutevaluation raquo130 Sur ce point il importe que les 123 Loi organique relative aux lois de finances du 1er aoucirct 2001 voir eacutegalement A Barilari et M Bouvier La LOLF et la nouvelle gouvernance financiegravere de lrsquoEtat LGDJ 2egraveme eacutedition 2007 124 J Henrard ibidum 125 Guide pratique de la LOLF agrave lrsquousage des associations subventionneacutees par lrsquoEtat Ministegravere de la Santeacute de la Jeunesse et des sports novembre 2007 httpwwwassociationsgouvfrIMGpdfGuide_LOLF_Vie_Associativepdf 126 Sur la RGPP httpwwwrgppmodernisationgouvfrindexphpid=10 127 S Nicinski Les associations et le droit administratif plaidoyer pour la convention drsquoobjectifs et de moyens Revue Droit adm ndeg6 juin 2006 Etude 11 128 Ibidum 129 Circulaire du 1er deacutecembre 2000 relative aux CPO entre lrsquoEtat et les associations JO ndeg279 du 2 deacutecembre 2000 p 19160 Instr du 16 janvier 2007 ndeg5193SG JO du 17 130 B Clavagnier Lolf story Juris association ndeg353 feacutevrier 2007 p3

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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associations ne prennent pas laquo pour argent comptant raquo le modegravele de convention annexeacute agrave lrsquoinstruction du 16 janvier 2007131 relative aux CPO laquelle preacutecise dans son article 9 que laquo lrsquoeacutevaluation porte en particulier sur la conformiteacute des reacutesultats agrave lrsquoobjet [de la convention] sur lrsquoutiliteacute sociale ou lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral des actions reacutealiseacutees et srsquoil y a lieu sur les prolongements susceptibles de leur ecirctre apporteacutes dans le cadre drsquoune nouvelle convention Lrsquoeacutevaluation doit intervenir avant le 1er juillet de la derniegravere anneacutee de la convention raquo En effet il importe que les associations proposent drsquoelles-mecircmes leurs propres critegraveres drsquoeacutevaluation afin drsquoeacuteviter que leurs actions soient jugeacutees uniquement agrave lrsquoaune de leurs seuls reacutesultats quantitatifs ou eacuteconomiques Toutefois le caractegravere unilateacuteral du controcircle nrsquoapparaicirct pas ineacuteluctable En effet ce controcircle peut srsquoexprimer laquo par la reacuteglementation mais aussi par la conclusion de contrats fixant des objectifs drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral agrave certaines structures priveacutees en eacutechange drsquoune participation au financement ou de la mise agrave disposition de moyens (des locaux par exemple)132 raquo Or chacun sait que toute signature de convention preacutesuppose laquo un rapport de force raquo notamment conditionneacute par la situation des cocontractants au moment de la signature du contrat Crsquoest preacuteciseacutement lagrave ougrave le bacirct blesse Chacun sait que ce rapport est le plus souvent biaiseacute pour bon nombre drsquoassociations dont la survie immeacutediate est conditionneacutee par lrsquooctroi ou le renouvellement de financements publics En outre drsquoautres facteurs entrent en jeu et complexifient la mise en œuvre drsquoune reacutegulation conventionneacutee Le domaine laquo reacuteserveacute raquo des associations qui existait il y a quelques anneacutees encore comme le soulignait le Rapport public du Conseil drsquoEtat pour 2000133 (missions culturelles sportives sociales sanitaires et eacuteducatives) tend agrave se reacuteduire comme une peau de chagrin sous lrsquoinfluence constante du droit communautaire (voir infra) Les laquo zones drsquoaction associatives raquo ont deacutesormais tendance agrave se brouiller au point que lrsquoon ne sait plus toujours tregraves bien qui a ougrave a eu lrsquoinitiative des missions134 critegravere essentiel pour la mise en œuvre drsquoun partenariat neacutegocieacute (voir infra) A cela doit-on ajouter les alternances politiques qui de faccedilon brutales peuvent impacter du jour au lendemain la situation des associations Ou encore les multiples transferts de compeacutetences dans le cadre des lois de deacutecentralisations Aussi pour S Nicinski laquo les conventions drsquoobjectifs et de moyens liant les collectiviteacutes publiques aux associations procegravedent drsquoune logique autre que celle de la commande publique celle de la reacuteglementation neacutegocieacutee de lrsquoencadrement du fondement et de la leacutegitimation des fonctions de controcircle du secteur priveacute par lrsquoadministration Elles ne doivent donc pas ecirctre soumises agrave ce droit [obligation de publiciteacute et mise en concurrence] mecircme si leur passation et leur exeacutecution doivent ecirctre encadreacutees raquo

131 Instr du 16 janvier 2007 preacutec voir eacutegalement L Soalla Conventions pluriannuelles drsquoobjectifs des nouvelles perspectives pour les associations wwwisbl-consultantsfr 30 janvier 2007 132 Ibidum 133 Ibidum 134 CPCA Le financement (public) des associations une nouvelle donne des nouveaux besoins Etudes et documents ndeg6 juillet 2008

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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Pour lrsquoauteur en effet laquo il existe une diffeacuterence majeure entre les services objets drsquoune deacuteleacutegation [le raisonnement est identique en matiegravere de commande publique] laquelle suppose que lrsquoadministration ait la maicirctrise du mode de gestion de lrsquoactiviteacute (une concession de distribution drsquoeau peut ecirctre reprise en reacutegie et vice-versa) et les activiteacutes objet de la convention drsquoobjectifs et de moyens sur lesquelles lrsquoadministration nrsquoa a priori aucune preacuterogative (lrsquoadministration ne peut pas commander agrave une association drsquoexploiter une activiteacute culturelle ni le lui interdire) raquo Enfin pour lrsquoauteur il apparaicirct bien que laquo la conclusion drsquoune convention drsquoobjectifs et de moyens repose sur un controcircle des motifs de lrsquoadministration et des objectifs poursuivis Degraves lors crsquoest en terme de leacutegitimiteacute de la fonction de controcircle de lrsquoadministration qursquoil convient de raisonner raquo Comment degraves lors srsquoassurer que les associations seront placeacutees en situation de srsquoauto eacutevaluer ougrave tout au moins de faire valoir leurs propres reacutefeacuterentiels drsquoutiliteacute sociale face agrave la toute puissance drsquoune administration dont lrsquoautoriteacute de controcircle srsquoen trouve renforceacutee par la signature de telles conventions Seule lrsquoadoption drsquoune loi-cadre relative agrave la reconnaissance du rocircle des OES dans le dialogue civil (en vue de deacuteboucher sur un engagement reacuteciproque avec les pouvoirs publics prenant la forme drsquoune convention drsquoutiliteacute sociale - voir supra) permettrait un reacuteeacutequilibrage des forces en preacutesence Celle-ci pourrait notamment avoir pour objet de

‐ reconnaicirctre la diversiteacute et la composante indivisible des OES ‐ reacuteaffirmer le rocircle eacuteconomique et social joueacute par les OES dans le cadre drsquoune eacuteconomie plurielle ‐ reacuteaffirmer les valeurs drsquoEconomie sociale des OES (primauteacute du projet proprieacuteteacute impartageable des beacuteneacutefices rocircle du beacuteneacutevolat deacutemocratie interne) ‐ reacuteaffirmer lrsquoautonomie des OES en tant que partenaires privileacutegieacutes des pouvoirs publics ‐ reconnaicirctre le droit pour les OES de participer agrave la reacutealisation de missions de services publics deacuteleacutegueacutees sur la base drsquoun engagement volontaire et librement accepteacute par chacune des parties ‐ instaurer au beacuteneacutefice des OES un droit au dialogue civil opposable aux pouvoirs publics ‐ fixer le cadre drsquoune neacutegociation concerteacutee entre les pouvoirs publics (Ministegraveres et collectiviteacutes territoriales) et les grands reacuteseaux de lrsquoEconomie sociale et solidaire135 en vue de faciliter la signature de conventions pluriannuelles drsquoobjectifs (CPO)

Bien eacutevidemment cette proposition de loi-cadre devra tenir compte du contexte de transposition de la directive laquo services raquo et de lrsquoimpact que le droit communautaire pourrait avoir en matiegravere drsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des OES En effet une partie du secteur associatif est directement concerneacutee par le champ drsquoapplication de cette directive europeacuteenne

135 Voir sur ce point la proposition formuleacutee par A Lipietz Sur lrsquoopportuniteacute drsquoun nouveau type de socieacuteteacute agrave vocation sociale Rapport ministeacuteriel 2000

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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D ndash LrsquoIMPACT DU DROIT COMMUNAUTAIRE LES SSIG EN DERNIER RECOURS

Sous lrsquoinfluence du droit communautaire les relations entretenues entre associations et collectiviteacutes territoriales ont beaucoup eacutevolueacute depuis 25 ans Ainsi lrsquoon observe une tendance naturelle de lrsquoEtat et des collectiviteacutes agrave privileacutegier la commande publique au deacutetriment de la passation drsquoune CPO craignant de se voir reprocher lrsquoabsence de mise en concurrence Par ailleurs bon nombre de dispositifs leacutegislatifs ou reacuteglementaires actuellement applicables aux associations ont eacuteteacute dicteacutes sous la contrainte communautaire agrave titre drsquoexemple lrsquoon peut citer la loi du 12 avril 2000136 qui preacutevoit une obligation de conventionnement pour toute subvention drsquoun montant ge agrave 23000 euros les circulaires applicables en matiegravere de CPO (voir supra) Par ailleurs la reacuteforme du code des marcheacutes publics a entraicircneacute en 2004 la suppression de lrsquoarticle 30 en matiegravere de proceacutedure laquo alleacutegeacutee raquo dicteacutee en cela par les directives 9250 du 18 juin 1992 et 200418CE du 31 mars 2004 Certes le Conseil drsquoEtat a ouvert une bregraveche dans une deacutecision en date du 6 avril 2007137 en reacuteaffirmant le droit pour une collectiviteacute territoriale de subventionner une association creacuteeacutee et controcircleacutee par elle dans le but exclusif de geacuterer un service public administratif sans mise en concurrence Depuis lors le Conseil drsquoEtat affine sa distinction entre laquo mission drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral raquo et laquo deacuteleacutegation de service public raquo en confirmant les deacuterogations susceptibles drsquoecirctre apporteacutees aux obligations de publiciteacute et de mise en concurrence preacutealable138 Neacuteanmoins il apparaicirct que les regravegles de publiciteacute et de mise en concurrence eacutedicteacutees par les instances europeacuteennes et imposeacutees par la transposition de la directive laquo services raquo139 vont concerner une partie du secteur associatif (mecircme si le secteur sanitaire et social en a eacuteteacute exclu mais sur des bases incertaines) Par ailleurs la logique imposeacutee par la notion de mandatement impacte directement la nature des relations susceptibles de srsquoinstaurer en privileacutegiant des relations baseacutees sur la commande publique (obligation de prester) au deacutetriment de la logique partenariale baseacutee sur lrsquoinitiative (voir supra)

136 Loi ndeg2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les Administrations ORF ndeg88 du 13 avril 2000 page 5646 137 CE section 6 avril 2007 Commune drsquoAix-en-Provence req ndeg284736 138 CE 5 octobre 2007 Socieacuteteacute UGC-Cineacute-Citeacute req ndeg298773 139 Directive laquo services raquo relative aux liberteacutes drsquoeacutetablissement des prestataires de services et libre circulation des services dans le marcheacute inteacuterieur 2006123CE

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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PRESENTATION DE LrsquoAUTEUR

Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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Ainsi on le voit agrave deacutefaut de pouvoir compter sur une directive cadre ou sectorielle sur le service social drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral (SSIG) 140 les associations et les OES drsquoune faccedilon plus geacuteneacuterale risquent drsquoecirctre exposeacutes au droit de la concurrence europeacuteenne y compris au titre des activiteacutes drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral qursquoelles mettent en œuvre Au sens de la Communication europeacuteenne du 26 avril 2006 en effet les SSIG couvrent les reacutegimes de protection sociale les services aux personnes face aux deacutefis de la vie lrsquoinsertion et lrsquoexclusion des personnes en difficulteacute ainsi que le logement social Un champ drsquoapplication qui ne couvrent pas et de loin lrsquoensemble des activiteacutes actuellement assureacutees par le secteur des OES Les SSIG141 pourraient ecirctre deacutefinis en application drsquoune deacutemarche faisant elle aussi appel agrave la technique des faisceaux drsquoindices Le recours agrave cette technique permettrait ainsi drsquointroduire la notion drsquoutiliteacute sociale qui aujourdrsquohui encore ne recouvre aucune reacutealiteacute au niveau europeacuteen Drsquoautres laquo pistes raquo conduisent vers une deacutefinition speacutecifique de la notion de laquo mandatement raquo142 de laquo subvention raquo voire mecircme de laquo conventionnement SSIG raquo sont actuellement agrave lrsquoeacutetude Aussi on le voit la question de la reconnaissance de lrsquoutiliteacute sociale (ou socieacutetale) des associations et des OES deacutepasse de loin le simple cadre national Deacutesormais sur un plan communautaire lrsquoenjeu consiste bien agrave deacutefinir les critegraveres drsquoexclusion de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo afin de proteacuteger les speacutecificiteacutes du mode drsquointervention des associations et OES Et sur ce plan gageons que les nombreux travaux reacutealiseacutes en France sur ces questions serviront de modegravele

140 AVISE Services sociaux drsquointeacuterecirct geacuteneacuteral et utiliteacute sociale risques et opportuniteacutes pour les acteurs de lrsquoeacuteconomie sociale et solidaire Les repegraveres de lrsquoAVISE question europeacuteennes ndeg2 novembre 2007 Le guide SSIG Une Europe protectrice des services sociaux comment concregravetement proteacuteger les missions imparties aux services sociaux des seules forces du marcheacute wwwssig-frorj juillet 2008 CES Les conseacutequences pour lrsquoeacuteconomie franccedilaise de lrsquoapplication de la directive laquo services raquo avis preacutesenteacute par B Capdeville 2008 CES Quel cadre juridique europeacuteen pour les SSIG avis preacutesenteacute par F Pascal 2008 141 Commission Thierry (IGAS) la speacutecificiteacute des SSIG feacutevrier 2009 142 La notion de laquo prestataire mandateacute par lrsquoEtat raquo situe neacutecessairement lrsquoopeacuterateur comme une entreprise agrave caractegravere eacuteconomique

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Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

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Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

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NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom

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Colas AMBLARD

Docteur en droit en 1998 (laquo Associations et activiteacutes eacuteconomiques contribution agrave la theacuteorie du Tiers-secteur raquo ) ndash Prix de la Fondation CETELEM et de lrsquoADDES en 1999

Avocat au barreau de Lyon depuis 1999

Membre du Comiteacute scientifique de lrsquoADDES depuis 2000

Reacutedacteur aux eacuteditions Lamy Associations depuis 2000 Juris Associations et Associations Mode drsquoEmploi

Chargeacute drsquoenseignements au CNAM Paris agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 (Master Pro 2 Fiscaliteacute des entreprises) agrave lrsquoESC Troyes (Master Pro 2 Management du sport) depuis 2001

Preacutesident de la Commission Droit des associations et des OSBL au Barreau de Lyon depuis 2005

Fondateur et Directeur des publications du site ISBL consultants depuis 2007

Co Directeur de la Licence Pro Droit et Gestion des Entreprises Associatives agrave lrsquoUniversiteacute Jean Moulin Lyon 3 depuis 2008

Fondateur de la Socieacuteteacute drsquoavocats NPS CONSULTING speacutecialiseacutee en droit des affaires droit et fiscaliteacute des associations et organismes sans but lucratif meacuteceacutenat et fondations depuis 2009

NPS CONSULTING ISBL CONSULTANTS SELARL drsquoavocats Socieacuteteacute de formation 2 Place de la Bourse 8 Quai Tilsitt 69002 Lyon 69002 Lyon Teacutel (0033) 4 72 60 86 80 contactisbl-consultantsfr Fax (0033) 4 78 62 94 20 wwwisbl-consultantsfr contactnpsconsulting-avocatscom