16
E- No 4345 1 .,·. 1 \- 7 YIER 1962 tfOIJRNU nmtJntJX HEBDOMADAIRE JUDICIAIRE Edmond Picard 1882- 1899 ÉDITEURS: MAISON FERD. LARCIER, S. A. LIRE DANS CE NUMERO : La Vie du Droit :-Dividendes décrétés SJprès le décès de l'usufruitier, par A. Le Hon. Léon Hennebicq 1900- 1940 39, rue de& Minimes BRUXELLES Chronique judiciaire : La Vie du Palais : Appel d'Afri- que. - Cours et conférences : « Droit ·aérien et droit de l'espace». - Les deuils : Le bâtonnier Jea;n Huyberechts. - Coups d'oeil sur nos lois : Pénalistes amateurs. - Echos : Une motion de la Conféren des · bâtonniers. Le procès Galilée A Rome, le 22 juin de l'année 1·633, au ma- tin, un vieillard se présente devant le tribùrtal du Saint-Office, siégeant dans le couvent do- minicain de Santa Maria construit sur un temple romain dédié à Minerve, déesse de l'intelligence et de la sagesse (*) . A genoux, revêtu de la chemise blanche des pénitents (1) , il fait face à une assemblée de cardinaux en rohe rouge. Une longue sentence déclare absurde et hé- rétique l'opinion que le soleil ·soit le centre immobile du monde (2). L'opinion que la terre tourne et se meut autour du soleil est déclarée fausse et erronée. . L'accusé est condamné pour avoir trans- gressé une interdiction formelle d'enseigner ces opinions, qui lui avait été signifiée dix- huit ans auparavant. · Le tribunal se déclare cependant disposé à lui épargner la peine capitale, à condition qu'il abjurât ses erreurs et cette hérésie. Le vieillard entame alors une pénible lec- ture : « Moi, Galileo Galilei, fils de· feu Vin- cente Galilei de Florence, âgé de soixante-dix ans, . . . agenouillé devant . vous, très éminents et révérends cardinaux grands inquisiteurs dans toute la chrétient.; contre la·. perve:r:sité hérétique ... » (3) . Puis, avouant avoir. enfreint l'ordre notifié, il déclare «abjurer et maudire d'un coeur sincère et avec une foi non simulée )) les opi- nions qu'on lui reprochait. Ayant juré encore 'que s'il devait rencontrer un hérétique, ou présumé tel, il le dénonce- rait au Saint-Office et aux inquisiteurs, le con- damné fut autorisé à Ae retirer. Les titres et qualités du condamné confé- raient à cette cérémonie le caractère d'une humiliation publique retentissante. Patricien de Florence, premier philosophe (*) Discours prononcé à la séance sÜlennelle de rentrée de la Conférence du Jeune Barreau d'Anvers, le 4 novembre 1961. (1) Détail controversé: G. Bouchard, un témoin de la cérémonie, selon G. de Santillana, (Le procès de Galilée, note II, p. 453) l'affirme dans une lettre du 29 juin 1633. - Ed. Naz., XV, p. 166; - con- tra : Martin, Galilée, p. 202, e.a. L'exégèse détaillée des erreurs n'est pas d'un moindre enseignemeJtt que celle · vérités. · J. RosTAND. . .. e.t mathématicien de Son Altesse le Grand Duc · :ie Toscahe, professeur aux universités de ·Pa- doue et de Pise, Galilée ·- depuis vingt ans . était un, personnage illustre, à l'ayant-plan de l'actualité. Toute l'Europe savante connaissait sa repu- tation et ses opinions, et les polémiques qu'il menait contre . la science officielle avaient · · éveillé l'attention d'un· large_· public. Depuis plus· de trois siècles, le procès Ga- lilée alimente ·des controverses :acharnées. Dés portraits tendancieux du condamné se sont formés au fil du temps. , Galilée fut-il le précurseur héroïque, qui aurait lancé à la face des cardinaux ce· défi vengeur « Et pourtant elle tourne.! )) (4) ? . . Ou hien était-il .le ·s:. , ant incompris, màlàde et brisé par la torture, que la ptenace du bû- cher aurait poussé à l'acceptation d'une abju- ration publique ? Aucune de ces visions romancées ne corres- pond aux éléments du Galilée. Mais les récits faisant appel à notre goût de la mythologie influencent hélas plus durablement le jugement des hommes qÙe l'analyse froide de la réalité. · Aussi nous posons la question : Les contro- verses 'sùscitées· par l'affaire Galilée se justi- fient-elles · ét quelles sont les conclusions que l'on doit en tirer.? · Avant de parler du drame, situons le décor. Dans la mosaïque des Etats des con- flits de préséance et de souveraineté jetaient le trouble. . La. Papauté inspirait et soutenait contre la Réforme une lutte sans mere:, mais dont qs- sue restait incertaine. En s'insurgeant contre l'universalité de l'Eglise, la Réforme avait dissocié les . peuples de l'Europe que la théocratie rom;:tine a··rait tenu associés tout le moyen· âge (5) . , L'Europe des nations, l'Europe des patries était en train de naître. · Dans une France déchirée par les complots, les révoltes et les cabales, Richelieu s'impo- sait comme l'homme que la Providence avait donné à son Roi. .. , selon les mots de Louis XIII (6) . (4) La première trace de ce mot soi-disant histori- que se retrouverait chez un chroniqueur allemand, cité la première fois en 1761 par l'abbé Irailh, selon A. Van Rooy, «De veroordeling van Galilei en de onfeilbaarheid der Kerk )), dans Katholieke Vlaamse Hogeschooluitbreiding, n° 88, 1906, p. 35· Un conflit localisé à l'origine, la guerre de Trente Ans, s'était étendu progressivement, ainsi qu'un incendie qui propage (7). Englobant d'abord toute l'Allemagne, le conflit avait gagné les Etats limitrophes, puis l'Europe entière. . L'unification ·• de l'Allemagne, par tous les moyens, . constituait le but essentiel de l' em- pereur Ferdinand II, . que soutenait la' Ligue cathoUque ·(8 ) .. Miüs Jean 't Serclaes, comte de Tilly, n'avait pu éviter· l'écrasement de . son armée, malgré . les . charges. ·de ses cavaliers à ca- saque·. rouge. •Pendant que les lansquenets de W allens te in se. payaient· par le. pillage des Etats allemands, les .merdmaires · et les aventuriers errants ral- liaient l'armée' commandée par l'hérétique Gustave-Adolphe· de Suède. . Celui-ci négf)Ciait une alliance avec le Pape lorsque la mort le Les théories sur la connaissance du monde se trouvaient engagées dans une évolution in- éluctable. Le siècle résonnait encore de récho lointain des récits merveilleux tissés autour des voya- ges de Christophe Colomb, de Magellan, de Marco Polo. La nécessité d'utiliser des méthodes scien- tifiques nouvelles devenait évidente. Mais, les défenseurs de l'enseignement des Anciens se refusaient à l'admettre. . Tiraillée dans tous les sens, l'opinion était troublée. Ma Albert Lilar, faisant l'éloge de l'huma- nisme à cette même tribune trouva ce rac- courci saisissant : « Désormais tout est . pos- sible;· mais tout devient inceriain. )) (9). Dans un pareil climat, les voix criant à l'hérésie, susciteront un écho naturel. · Car n'est-il pas vrai, hélas, que l'into- lérance des hommes grandit souvent lorsqu'ils commencent. à douter d'eux-mêmes ou du hien- fondé des thèses qu'ils défendent. C'est dans ce climat et dans ces perspectives qu'il ·faut considérer le procès Galilée. · * ** Le décor étant esquissé, quels sont les faits. Galilée, jusqu'à l'âge de quarante-six ans, avait vécu dans l'obscurité relative d'un en- seignement des mathématiques. Un travaiLtechnique le lance sur ln voie de la célébrité et de la renommée. n': ·annonce en 1610, avec quelque mise en scène, la construction d'une lunette astro- nomique, - reproduite d'après une descrip- tion reçue de Hollande (10) . (7) Maxime Petit, p. 135. (8) Pour ces détails et les suivants cf. e.a. J. Pi- renne, Les grands courants de l'Histoire, Il, pp. 563- 568; - René Pinon, «Histoire diplomatique)) dans Histoire de la nation française, pp. 185 et seq.; - (2) Un texte français de la sentence se retrouve dans Santillana, op. cit., p. 358, et Koestler, Les som- nambules, note 5, p. 559, reproduisant les extraits donnés par le Recueil des Gazettes nouvelles et rela- tions de toute l'année 1633, par· Théophraste Renau- dot, 1634· 122, p. 531. (5) Pour ces détails historiques et les suivants : · Santillana, p. 235. Le texte original se retrouve dans l'Edizione Na- ûonale italienne des oeuvres de Galilée, publiée sous la direction de Favaro, volume XIX, p. 402. (3) Un texte français de l'abjuration se retrouve dans Santillana, op. cit., p. 385 et Koestler, op. cit., note 6, p. 563. Texte original dans Ed. Naz., vol. XIX, p. 406. Histoire. générale des Peuples, sous la direction de Maxime Petit, pp. I et seq., 56, 76 et seq.; - J. Pi- renne, Les grands courants de l'Histoire, pp. 620- 621; - Lammel, Galilei, pp. 18-19. (6) Paroles de Louis XIII dans les discussions au moment de la fuite de Marie de Médicis en 1631. - Voir Maxime Petit, op. cit., p. 125. (9) Albert Lilar, «Eloge de l'humanisme)), dis- cours de rentrée de la Conférence du Jeune Barreau d'Anvers, le 30 novembre 1935; - Buschman, An- vers, 1936, p. 26. (1o) « Sidereus Nuncius ... )), à Venise, T. Ba- glioni, 1610, dans Ed. Naz., vol. III; Galilée lui- même n'a pas prétendu avoir inventé la lunette que

YIER tfOIJRNU nmtJntJX - KU Leuven

  • Upload
    others

  • View
    3

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: YIER tfOIJRNU nmtJntJX - KU Leuven

.,.

E- No 4345

~-f

1

.,·. 1 \-

7 JA~ YIER 1962

tfOIJRNU nmtJntJX HEBDOMADAIRE JUDICIAIRE

Edmond Picard 1882- 1899

ÉDITEURS:

MAISON FERD. LARCIER, S. A.

LIRE DANS CE NUMERO : La Vie du Droit :-Dividendes décrétés SJprès le décès de l'usufruitier, par A. Le Hon.

Léon Hennebicq 1900- 1940

39, rue de& Minimes

BRUXELLES

Chronique judiciaire : La Vie du Palais : Appel d'Afri­que. - Cours et conférences : « Droit ·aérien et droit de l'espace». - Les deuils jud~ciaires : Le bâtonnier Jea;n Huyberechts. - Coups d'œil sur nos lois : Pénalistes amateurs. - Echos : Une motion de la Conféren des

· bâtonniers.

Le procès Galilée

A Rome, le 22 juin de l'année 1·633, au ma­tin, un vieillard se présente devant le tribùrtal du Saint-Office, siégeant dans le couvent do­minicain de Santa Maria novella~· construit sur un temple romain dédié à Minerve, déesse de l'intelligence et de la sagesse (*) .

A genoux, revêtu de la chemise blanche des pénitents (1) , il fait face à une assemblée de cardinaux en rohe rouge.

Une longue sentence déclare absurde et hé­rétique l'opinion que le soleil ·soit le centre immobile du monde (2).

L'opinion que la terre tourne et se meut autour du soleil est déclarée fausse et erronée. . L'accusé est condamné pour avoir trans­gressé une interdiction formelle d'enseigner ces opinions, qui lui avait été signifiée dix-huit ans auparavant. ·

Le tribunal se déclare cependant disposé à lui épargner la peine capitale, à condition qu'il abjurât ses erreurs et cette hérésie.

Le vieillard entame alors une pénible lec­ture : « Moi, Galileo Galilei, fils de· feu Vin­cente Galilei de Florence, âgé de soixante-dix ans, . . . agenouillé devant . vous, très éminents et révérends cardinaux grands inquisiteurs dans toute la chrétient.; contre la·. perve:r:sité hérétique ... » (3) .

Puis, avouant avoir. enfreint l'ordre notifié, il déclare «abjurer et maudire d'un cœur sincère et avec une foi non simulée )) les opi­nions qu'on lui reprochait.

Ayant juré encore 'que s'il devait rencontrer un hérétique, ou présumé tel, il le dénonce­rait au Saint-Office et aux inquisiteurs, le con­damné fut autorisé à Ae retirer.

Les titres et qualités du condamné confé­raient à cette cérémonie le caractère d'une humiliation publique retentissante.

Patricien de Florence, premier philosophe

(*) Discours prononcé à la séance sÜlennelle de rentrée de la Conférence du Jeune Barreau d'Anvers, le 4 novembre 1961.

(1) Détail controversé: G. Bouchard, un témoin de la cérémonie, selon G. de Santillana, (Le procès de Galilée, note II, p. 453) l'affirme dans une lettre du 29 juin 1633. - Ed. Naz., XV, p. 166; - con­tra : Martin, Galilée, p. 202, e.a.

L'exégèse détaillée des erreurs n'est pas d'un moindre enseignemeJtt que celle d~s · vérités. ·

J. RosTAND. ~ . ..

e.t mathématicien de Son Altesse le Grand Duc · :ie Toscahe, professeur aux universités de ·Pa­doue et de Pise, Galilée ·- depuis vingt ans . ~ était un, personnage illustre, à l'ayant-plan de l'actualité.

Toute l'Europe savante connaissait sa repu­tation et ses opinions, et les polémiques qu'il menait contre . la science officielle avaient · · éveillé l'attention d'un· large_· public.

Depuis plus· de trois siècles, le procès Ga­lilée alimente ·des controverses :acharnées.

Dés portraits tendancieux du condamné se sont formés au fil du temps.

, Galilée fut-il le précurseur héroïque, qui aurait lancé à la face des cardinaux ce· défi vengeur « Et pourtant elle tourne.! )) (4) ? .

. Ou hien était-il .le ·s:. , ant incompris, màlàde et brisé par la torture, que la ptenace du bû­cher aurait poussé à l'acceptation d'une abju­ration publique ?

Aucune de ces visions romancées ne corres­pond aux éléments du d~ssier Galilée.

Mais les récits faisant appel à notre goût de la mythologie influencent hélas plus durablement le jugement des hommes qÙe l'analyse froide de la réalité. ·

Aussi nous posons la question : Les contro­verses 'sùscitées· par l'affaire Galilée se justi­fient-elles · ét quelles sont les conclusions que l'on doit en tirer.? ·

Avant de parler du drame, situons le décor. Dans la mosaïque des Etats italien~, des con­

flits de préséance et de souveraineté jetaient le trouble. .

La. Papauté inspirait et soutenait contre la Réforme une lutte sans mere:, mais dont qs­sue restait incertaine.

En s'insurgeant contre l'universalité de l'Eglise, la Réforme avait dissocié les . peuples de l'Europe que la théocratie rom;:tine a··rait tenu associés dur~t tout le moyen· âge (5) . ,

L'Europe des nations, l'Europe des patries était en train de naître. ·

Dans une France déchirée par les complots, les révoltes et les cabales, Richelieu s'impo­sait comme l'homme que la Providence avait donné à son Roi. .. , selon les mots de Louis XIII ( 6) .

(4) La première trace de ce mot soi-disant histori­que se retrouverait chez un chroniqueur allemand, cité la première fois en 1761 par l'abbé Irailh, selon A. Van Rooy, «De veroordeling van Galilei en de onfeilbaarheid der Kerk )), dans Katholieke Vlaamse Hogeschooluitbreiding, n° 88, 1906, p. 35·

Un conflit localisé à l'origine, la guerre de Trente Ans, s'était étendu progressivement, ainsi qu'un incendie qui sè propage (7).

Englobant d'abord toute l'Allemagne, le conflit avait gagné les Etats limitrophes, puis l'Europe entière. .

L'unification · • de l'Allemagne, par tous les moyens, . constituait le but essentiel de l' em­pereur Ferdinand II, . que soutenait la' Ligue cathoUque ·(8 ) ..

Miüs Jean 't Serclaes, comte de Tilly, n'avait pu éviter· l'écrasement de . son armée, malgré

. les . charges. désespéré~s ·de ses cavaliers à ca­saque·. rouge.

•Pendant que les lansquenets de W allens te in se. payaient· par le. pillage des Etats allemands, les .merdmaires · et les aventuriers errants ral­liaient l'armée' commandée par l'hérétique Gustave-Adolphe· de Suède.

. Celui-ci négf)Ciait une alliance avec le Pape lorsque la mort le s~prit.

Les théories sur la connaissance du monde se trouvaient engagées dans une évolution in­éluctable.

Le siècle résonnait encore de récho lointain des récits merveilleux tissés autour des voya­ges de Christophe Colomb, de Magellan, de Marco Polo.

La nécessité d'utiliser des méthodes scien­tifiques nouvelles devenait évidente. Mais, les défenseurs de l'enseignement des Anciens se refusaient à l'admettre. .

Tiraillée dans tous les sens, l'opinion était troublée.

Ma Albert Lilar, faisant l'éloge de l'huma­nisme à cette même tribune trouva ce rac­courci saisissant : « Désormais tout est . pos­sible;· mais tout devient inceriain. )) (9).

Dans un pareil climat, les voix criant à l'hérésie, susciteront un écho naturel. · Car n'est-il pas vrai, hélas, que l'into­

lérance des hommes grandit souvent lorsqu'ils commencent. à douter d'eux-mêmes ou du hien­fondé des thèses qu'ils défendent.

C'est dans ce climat et dans ces perspectives qu'il ·faut considérer le procès Galilée. ·

* ** Le décor étant esquissé, quels sont les faits. Galilée, jusqu'à l'âge de quarante-six ans,

avait vécu dans l'obscurité relative d'un en­seignement des mathématiques.

Un travaiLtechnique le lance sur ln voie de la célébrité et de la renommée. n': ·annonce en 1610, avec quelque mise

en scène, la construction d'une lunette astro­nomique, - reproduite d'après une descrip­tion reçue de Hollande (10) .

(7) Maxime Petit, p. 135. (8) Pour ces détails et les suivants cf. e.a. J. Pi­

renne, Les grands courants de l'Histoire, Il, pp. 563-568; - René Pinon, «Histoire diplomatique)) dans Histoire de la nation française, pp. 185 et seq.; -

(2) Un texte français de la sentence se retrouve dans Santillana, op. cit., p. 358, et Koestler, Les som­nambules, note 5, p. 559, reproduisant les extraits donnés par le Recueil des Gazettes nouvelles et rela­tions de toute l'année 1633, par· Théophraste Renau­dot, 1634· n° 122, p. 531. (5) Pour ces détails historiques et les suivants : · Santillana, p. 235.

Le texte original se retrouve dans l'Edizione Na­ûonale italienne des œuvres de Galilée, publiée sous la direction de Favaro, volume XIX, p. 402.

(3) Un texte français de l'abjuration se retrouve dans Santillana, op. cit., p. 385 et Koestler, op. cit., note 6, p. 563. Texte original dans Ed. Naz., vol. XIX, p. 406.

Histoire. générale des Peuples, sous la direction de Maxime Petit, pp. I et seq., 56, 76 et seq.; - J. Pi­renne, Les grands courants de l'Histoire, pp. 620-621; - Lammel, Galilei, pp. 18-19.

( 6) Paroles de Louis XIII dans les discussions au moment de la fuite de Marie de Médicis en 1631. -Voir Maxime Petit, op. cit., p. 125.

(9) Albert Lilar, «Eloge de l'humanisme)), dis­cours de rentrée de la Conférence du Jeune Barreau d'Anvers, le 30 novembre 1935; - Buschman, An­vers, 1936, p. 26.

(1o) « Sidereus Nuncius ... )), à Venise, T. Ba­glioni, 1610, dans Ed. Naz., vol. III; Galilée lui­même n'a pas prétendu avoir inventé la lunette que

Page 2: YIER tfOIJRNU nmtJntJX - KU Leuven

L'imagination de ses contemporains fut véri­tablement déchaînée par les perspectives que l'usage d'une pareille lunette paraissait ouvrir.

Les marins et les soldats discutaient de son influence sur la science militaire, les femmes frissonnaient à l'idée qu'un inconnu pouvait les observer de très loin, et les bourgeois s'inquiétaient, comme toujours, se deman­dant si le fisc n'allait pas les surveiller ainsi de plus près !

Et la lune, que l'on put mieux observer, n'était plus seulement un globe d'argent sus­pendu dans l'azur. On crut y découvrir des continents et des mers, des montagnes et des plaines.

De là à prétendre que la lune pouvait être habitée, il n'y avait qu'un pas, que les plai­santins et les poètes franchirent aisément (11).

· Quelles pouvaient être les mœurs et les croyances des habitants de la lune ? Question fort inquiétante !

En Angleterre, le poète théologien John Donne s'écria : « L'homme a tissé un grand filet, pu:is l'a jeté sur les cieux, ·et les cieux maintenant sont à lui. » (Ignatius 351).

* ** L''engouement du public entoura Galilée de

l'auréole d'un personnage à la mode. Mais les astronqmes et les philosophes sco­

lastiques, attachés à l'enseignement d'Aristote et de Ptolémée, y virent le présage d'un ef­fondrement de leur monopole de la Vérité.

Trois ans plus tard, en 1613, Galilée discute dans un petit ouvrage, en italien, la décou­verte de taches sur le soleil (12).

Cette découverte confirmait, - disait-il, -les opinions qu'avait publiées soixante-dix ans aUJparavant un certain C01pernic, chanoine polonais, docteiir en droit canon, ... 'un peu médecin, et féru d'astronomie (13) .

Copernic avait repris et développé une théo­rie ancienne du mouvement de la terre autour du soleil (14). Par hasard - il faut le dire, car il partait d'un raisonnement erroné - (15) Copernic énonçait une hypothèse qui s'avère­rait exacte.

Certains théologiens estimaient que quelques passages de l'Ecriture Sainte contredisaient formellement l'opinion reprise par Copernic.

Si le soleil ne tournait pas autour de la terre, comment Josué avait-il pu arrêter le soleil dans Gabaon ? (Josué 10-12).

Que devenait le passage du psaume dix­neuf : « Et le soleil, semblable à un époux qui sort de sa chambre, s'élança dans la car­rière avec la joie d'un héro,s » ... si le soleil était immobile (Psaume XIX, 6) ?

* ** Un professeur de mathématiques, désirant

prouver à une douairière l'orthodoxie d'une thèse astronomique, allait provoquer une dé­cision dont les conséquences secoueraient le monde chrétien.

l'on nommera plus tard «de Galilée». L'opticien hollandais Lipperhey en avait fait dès 1608 une de­scription détaillée ayant servi à Galilée. - Voir Wohlwil, Galilei und sein Kampf, p. 224; - Des­sauer, Der Fall Galilei, p. 30.

(11) De nombreux voyages dans la lune furent écrits à l'époque e.a. par Cyrano de Bergerac, Voyage dans la lune; - Kepler, Songe d'un voyage dans la lune, publié en 1634; - Koestler, p. 398.

(12) « Istoria e demostrazioni intorno alle macchie solari ... », Rome, Mascardi, 1613, Ed .. Naz., vol. V.

(13) De 1·evolutionibus orbium coelestium, Ire éd., Nuremberg, 1543·- Réimpressions, Bâle, 1566; Am­sterdam, 1617. - Cf. Armitage, The world of Co­pernicus, p. 109.

(14) Cette théorie était déjà celle de Pythagore de Samos et Philolaus (cité par Copernic lui-même, chap. 7); - également d'Héraclite et Aristarque (Co­pernic, chap. 10); - Armitage, op. cit., pp. 28 et seq.; - également Nicole de Cuse (Uimmel, Galileo Galilei, pp. 18 et seq.) et Nicole Oresme (Koestler, 189).

(15) Cf. Armitage, pp. 113 et seq.

Voici comment. Au cours d'un dîner. officiel à la Cour de

Florence, la Grande Duchesse douairière, dis­cutant les opinions de Copernic, avait mis en doute leur orthodoxie (16).

Galilée, à qui l'incident fut rapporté, se mit en tête de démontrer leur conformité aux en­seignements de l'Eglise (17).

Il affirmait de plus la nécessité d'interpréter l'Ecriture Sainte à la lumière des hypothèses coperniciennes.

Une chose entraînant l'autre, Galilée bien­tôt en arrive à faire des observations en ma­tière de théologie aux cardinaux et même jus­qu'à la personne du Pape (18).

Puis, s'irritant de voir que l'on ne parta­geait pas ses opinions sur l'urgence d'une in­terprétation nouvelle, Galilée décida de se rendre à Rome pour convaincre le Pape lui­même.

Une lettre d'un contemporain, Monseigneur Querengo au cardinal d'Este, décrit son acti­vité dès son arrivée : «Nous avons ici M. Galilée qui dans des réunions d'esprits cu­rieux les émerveille et les étourdit en soute­nant comme véritable la théorie de Copernic ... Il lui arrive souvent de parler au milieu dt1 quinze ou vingt personnes... Il réussit d'extra~ ordinaires prouesses... Avant de réfuter les arguments de ses adversaires, il les développe et les renforce lui-même ... de sorte qu'en les démolissant ensuite il rend ses adveriSaires encore plus ridicules. >> (19).

C'est une excellente méthode pour triom­pher un instant et se faire des ennemis pour la vie (20).

Galilée avait-il la manière qui convenait pour convaincre le Pape ?

On peut en douter ! L'ambassadeur du Grand Duc de Toscane,

nous dit dans un rapport : « Le Pape actuel, détestant les arts libéraux et ces manières de penser, ne supporte pas toutes ces nouveautés et subtilités. » (21).

Il semble d'ailleurs que Galilée se montrait parfois quelque peu « casse-pieds>>. Car la lettre de l'ambassadeur Guicciardini poursuit : cc Il est véhément, et absolument pris et pas­sionné pour cette cause, à tel point qu'il n'est pas possible, si vous êtes près de lui, de lui échapper».

N'obtenant pas audience, Galilée persuada le jeune cardinal Orsini, âgé de 22 ans, de plaider sa cause.

Le jeune Orsini ne réussit qu'à fâcher le Pape, qui décida sur-le-champ de consulter une commission d'experts théologiens (22).

Celle-ci déclara que l'hypothèse émise par Copernic était hérétique (23).

(16) Cf. Koestler, op. cit., p. 415, et la lettre du Père Castelli du 14 déc. 1613, décrivant la scène, Ed. Naz., vol. Xl, p. 6os.

(17) D'abord sous la forme d'un opuscule intitulé Lettre à Castelli, Ed. Naz., V, p. 281, l'année sui­vante, sous forme d'un ouvrage de ca. 40 pages, Lettre à la Grande-Duchesse Christine, Ed. Naz., V, p. 309; - cf. Koestler, pp. 416 et seq.

(18) Dans des lettres à Mgr Dini, qu'il demandait de communiquer au cardinal Bellarmin et si possi­ble au Pape. - Koestler, pp. 427 et seq. (Lettres, Ed. Naz., V, 291-298-305; XII, 183; - cf. lettre Mgr Dini à Galilée, du 7 mars 1615, Ed. Naz., XII, p. 151; e.a. p. 162; 173·

(19) Lettre de Mgr Antonio Querengo au cardi­nal Alessandro d'Este, citée par Santillana, op. cit., p. 137, Ed. Naz., XII, p. 226.

(20) Dixit Koestler, p. 434· (21) Lettre de l'ambassadeur Piero Cuicciardini

à Cosimo II, Grand Duc de Toscane, Ed. Naz., XII, p. 242; en français dans Santillana, p. 142.

(22) Cf. Koestler, p. 436, et sur les arguments exposés au Pape, pp. 435 et 447· Ces arguments, basés sur l'existence des marées seront développés plus tard dans le <<Dialogue». - Voir Ed. Naz., VII, pp. 425 et seq.

(23) Texte de l'avis des théologiens, Ed. Naz., XIX, p. 321.

Mais un fait capital est à souligner : ~ cardinaux du Saint-Office, plus prudents, de· cidèrent de ne pas entériner la consultation.

L'ouvrage de Copernic fut simplement sus­pendu comme nécessitant quelques corrections (24). Quant à l'avis des théologiens, il restera dans les dossiers, et pendant dix-huit ans il sera ignoré du monde.

Pour éviter que cette première escarmouche avec l'Inquisition ne nuisît à la réputation de Galilée, les plus hauts dignitaires de l'Eglise avaient usé de leur influence.

Parmi eux, au premier rang, le prince Maf­feo Barberini, cardinal humaniste, protecteur des arts, poète à ses heures et admirateur dé­claré de Galilée (25) .

Quelques années plus tard, il monte sur le trône pontifical sous le nom d'Urbain VIII.

Une protection invulnérable semblait assu­rée à Galilée dans ses controverses avec les tenants de la science tirée d'Aristote. Ce serait pourtant cet élément qui entraînerait sa chute et son humiliation.

Au mois de juin 1632 la parution d'un ouvrage intitulé cc Dialogue des deux princi­paux systèmes du Monde, de Ptolémée et de Copernic», fit sensation (26).

Désireux de s'instruire, un homme interroge deux compères sur le mouvement des corps célestes. L'un est simplet et crédule : il se nomme Simplicio et défend les thèses d' Aris­tote et de Ptolémée.

L'autre, Salviati, est un brillant penseur : il défend les thèses de Copernic et ridiculise les justifications de Simplicio.

Soudain le livre est confisqué par ordre des inquisiteurs du Saint-Office : le Pape lui-même avait ordonné la constitution d'une commis­sion spéciale d'enquête.

Que s'était-il passé ? A la fin de l'ouvrage, Simplicio, vingt fois

confondu po·ur sa sottise, développe un raison­nement inattendu. Il spécifie que c'est l'argu­ment d'une personne très éminente et très docte, devant l'opinion de qui l'on doit se taire (27).

Or l'argument de Simplicio, dans un con­texte qui le ridiculisait, était une théorie que le Pape lui-même avait exposée à Galilée.

Terminant son ouvrage par ce que l'on a nommé << un pied de nez au Pape », Galilée crut peut-être à une plaisanterie destinée à ridiculiser le suffisant ami Barberini.

Mais l'ami Barberini était dans l'entre-temps devenu le Pape Urbain VIII chez qui le res­pect de sa propre position et la raison d'Etat devaient décupler l'indignation.

Ce trait étonnant était caractéristique chez Galilée.

Entraîné par le feu de la polémique, il avait plus d'une fois déjà perdu le sens des propor­tions.

Certains hommes ne se contentent pas d'avoir raison. Il faut encore que ce soit pour les motifs qu'ils ont choisis eux-mêmes.

Les ennemis de Galilée sautèrent sur l'oc­casion pour alimenter la colère du Pape.

Il se révèla que l'imprimatur avait été lit­téralement extorqué à la censure romaine, par des manœuvres douteuses et qu'un accord préalable sur la forme de l'exposé avait été rompu (28).

Mais l'enquête amena également un vert­table coup de théâtre, aussi éclatant qu'inat­tendu.

(24) Texte du décret de la Congrégation de l'In­dex, extrait en français dans Santillana, p. 150, dans Ed. Na.-z., XIX, p. 322.

(25) Il dédia même à Galilée un poème intitulé Adulatio perniciosa. - Texte du poème dans San­tillana en traduction française, note 2, p. 440.

(26) << Dialogo ... », Florence, Landini, 1632, dans Ed. Naz., vol. VII.

(27) Dialogo >>, Ed. Naz., vol. VII, p. 488, 24. (28) Sur les manœuvres par lesquelles l'imprima­

tur avait été obtenue, voir Koestler, p. 463; - San­tillana, pp. 220-221.

Page 3: YIER tfOIJRNU nmtJntJX - KU Leuven

L'avis des théologiens, oublié depuis dix­huit ans et qui déclarait hérétique de croire à l'immobilité du soleil, revint à la surface.

Mais il y avait plus grave encore : les inquisiteurs y joignaient le procès-verbal d'une injonction notifiée à la même époque à Gali­lée, par notaire et devant témoins (29).

Elle contenait une interdiction d'enseigner en aucune manière les théories de Copernic.

Le renvoi devant le tribunal devenait inévi­table.

Le 12 avril 1632 Galilée comparaît pour la première fois devant les inquisiteurs dans le palais du Saint-Office.

Galilée ne dénie pas qu'une injonction lui eut été faite, mais déclare ne pas se souvenir du mot « enseigner » ni de la clause « en aucune manière » (30).

Depuis trois siècles les discussions autour de la notification du notaire se poursuivent, car seule une copie, non signée, nous est connue.

Une longue liste de citations, établie à l'in­tention des juges, révèle des passages où Ga­lilée traite d'imbéciles ou d'idiots ceux qui n'admettent pas l'opinion de Copernic (31).

* ** Mais en secret, le procès prit une tournure

nouvelle. De curieuses tractations furent engagées en­

tre Galilée et le commissaire général de l'In­quisition.

La correspondance de ce dernier a été re­trouvée, dans les archives du cardinal Fran­cesco Barberini, secrétaire du Saint-Office et neveu du Pape (32). ·

On .négocia une indulgence contre une con­fession.

Galilée fit les aveux convenus; il demande même par deux fois l'autorisation de prouver à ses lecteurs qu'il ne tient pas pour vraies les thèses condamnées (33).

Il promet, selon ses paroles, « de les ré­futer de la manière la plus efficace possible, que la grâce de Dieu voudra bien lui inspi­rer».

Six semaines plus tard eut lieu le dernier interrogatoire prévu par la procédure.

Une menace verbale de torture précéda les questions (34).

Galilée répètera trois fois, sous serment, que depuis le décret de 1616 il ne croyait plus à la théorie de Copernic, mais tenait pour indiscutable l'opinion de Ptolémée.

(29) Comme tout tribunal, celui du Saint-Office tient au secret de ses archives. Mais le dossier Galilée est connu pour avoir été emporté en partie par Na­poléon pendant l'occupation de Rome, en 18u, et copié pour le reste lors de la fuite du Pape, pendant la révolution italienne de 1848. - Le Vatican auto­risa la publication par l'Epinois, puis le gouverne­ment italien patronna l'Edition Nationale par Favaro comprenant les pièces du procès.

Cf. Martin, Galilée, notes p. 395 et Bosman:s, La nouvelle édition des pièces, pp. 5 et 13.

Texte du procès-verbal du notaire en français dans Santillana, p. 325, avec fac~similé de la fin non si­gnée, p. 329. - Sur l'état des controverses au sujet de la notification, cf. Koestler, note 10, p. 557·

(30) Extrait de l'interrogatoire en français dans Santillana, pp. 295 et seq.

Texte original de Ed. Naz., vol. XIX, pp. 336 et seq., et l'Epinois, Pièces du procès, ff. 413 et seq.

(31) Voir Santillana, pp. 307-308. Ed. Naz., pp. 349 et seq.

(32) Voir Santillana, p. 312. - Texte de la lettre découverte en 1833 du commissaire général Firen­zuola au cardinal Francesco Barberini, Ed. Naz., xv, p. 106.

(33) Texte Santillana, p. 307; - Ed. Naz., p. 344· (34) Même les panégyristes de Galilée sont d'ac­

cord sur le fait que ce fut une formalité . .- Santil­lana, p. 368 et not. 5, p. 451; - Martin, pp. 127 et seq.

1""'\,

C'était, ma foi, rin remarquable parjure ! (35).

Il aurait été facile d ),, le prouver, si toute la procédure ne s'étau''' transformée en une comédie quasi convenue d'avance.

Le lendemain, la sentence fut rendue. Sur les dix cardinaux au nom de qui elle

est prononcée, sept seulement la signèrent (36).

Galilée sera condamné à une peine de pri­son qui ne trouvera qu'une application théo­rique (37).

Pendant trois ans, il devra réciter, une fois par semaine, les psaumes de la pénitence.

Le procès Galilée était terminé (38). L'affaire Galilée allait commencer.

* ** Les premières conséquences furent classi­

ques et banales. En Italie naquit un marché noir où les

savants, les moines et les prélats se disputè­rent les exemplaires du dialogue, dont le prix centupla (39).

Ils voulaient savoir ce que contenait le livre condamné.

Mais la chute et l'humiliation d'un savant connu, favori d'un Pape en fonction, frap­pa l'imagination de l'Europe chrétienne et suscita des controverses sur la signification de l'événement.

Bientôt un sentiment de profonde inquié­tude naquit.

L'Eglise désirait-elle imposer le texte de l'Ecriture Sainte comme une source de con­naissance dont la science ne pouvait pas s' écar­ter?

L'enseignement traditionnel, fût-il anachro­nique, serait-il protégé par l'autorité, même s'il fallait frapper un savant illustre et renom­mé?

En France, Descartes, ayant appris la con­damnation de Galilée, alla même jusqu'à brû­ler quelques écrits ( 40) .

Les savants crurent que l'indépendance dans l'étude et dans l'enseignement paraîtrait une atteinte à l'autorité de la Sainte Eglise.

Certains s'abriteront derrière d'hypocrites subterfuges ( 41) .

D'autres en viendront à conclure que la science et la foi sont inconciliables.

Ils proclameront que toute croyance est un défi lancé à la raison.

D'autres savants enfin finiront par se taire. Ainsi naîtra ce que l'écrivain catholique Da­

niel-Rops nomma « La rébellion de l'intelli­gence» (42).

Puis le malentendu initial grandit et s'ac­crut. Le ton et l'argumentation des controver­ses, les insultes et les anathèmes empêcheront l'examen des· problèmes et des positions.

Le mur qui séparera les camps adverses de­viendra bientôt infranchissable.

Les uns affirmaient que le principe de la liberté dans la recherche scientifique devait être absolu.

(35) Cf. une lettre de Galiilée à Diodati en 1629 (Ed. Naz., XIV, p. 49). « ... Je suis certain que ce sera une confirmation très complète du système de Copernic», 29 oct. 1629.

(36) Voir Santillana, p. 384. Martin, pp. 133 et seq.

(37) Koestler, p. 475· (38) Le dialogue fut mis à l'index. Decreta/es,

16 juin 1633; voir en français cette décision Santil­lana, p. 363.

(39) Voir Santillana, p. 404; le prix du volume, à l'origine un demi-écu, s'éleva jusqu'à 40 ou 6o écus.

( 40) L. Petit de J ulleville, Histoire de la littéra­ture française, Paris, 1897, IV, p. 472; - Santillana, p. 394·

(41) D'escarres inventa l'étonnante théorie d'un «vortex>>. La terre est entourée par un tour­billon d'air. L'ensemble tourne mais la terre restait immobile par rapport à ce vortex. - Armitage, p. 151.

(42) Daniel-Rops: titre du chapitre de l'« Ere des grands craquements» traitant e.a. de l'affaire Galilée.

8

Les autres répliquaient que l'obéissance aux dogmes était le premier devoir de tout chré­tien.

Plus personne ne se préoccupa de savoir si les principes et les dogmes étaient réellement mis en cause par la condamnation de Galilée.

Pourtant un examen attentif et dépouillé de toute passion eût permis de constater qu'en ordonnant une enquête contre Galilée, ni le Pape ni son entourage n'envisageait la con­damnation d'une hérésie.

Le principe des thèses de Copernic n'était même pas en cause; on désirait seulement quelque mesure vigoureuse pour réprimer ce que l'on jugeait présomption dangereuse et insulte à la dignité du chef de l'Etat.

Mais une fois l'enquête lancée, les charges contre Galilée avaient fait boule de neige et un accident avait fait dévier le procès de son but initial.

Sous la pression des événements politiques de l'époque, confrontés avec des nouveautés dont le caractère insolite les troublait, hantés par la nostalgie de l'unité du moyen âge, les juges de Galilée crurent à la nécessité de le condamner.

Plusieurs cardinaux pourtant désapprou­vaient ce procès qu'ils considéraient comme une aventure dangereuse ( 43) .

Mais la crainte de diminuer la réputation du tribunal et de compromettre l'autorité des in­quisiteurs avait prévalu contre le désir d'ar­rêter des poursuites mal engagées.

L'histoire contemporaine, et l'histoire de France en particulier, connaissent quelques autres procès qui n'auraient jamais été enta­més si l'on avait pu en prévoir l'aboutisse­ment.

Ah ! certes, il eut fallu ;plus d'hommes cou­rageux pour exiger que l'on examinât quel était dans le procès Galilée, le problème réel.

Mais lorsque le cri d'hérésie retentit dans le siècle, la crainte d'être soupçonnés à leur tour rend timorés les courageux et silencieux les timides.

Dans de pareilles circonstances les erreurs de jugement seront toujours fréquentes.

Et nous en souffrirons tous, car les erreurs des tribunaux constituent des injustices !

* ** Ainsi une première conclusion se dégage de

ce procès. Le tribunal du Saint-Office, pour éteindre

un conflit limité, avait employé une force de frappe disproportionnée à son objet.

Il provoqua ainsi des réactions en chaîne, dont les effets s'étendront pendant plusieurs siècles encore.

Devant un problème insolite, dans un climat d'insécurité, les hommes sont toujours tentés d'éliminer toute contradiction.

Mais, lorsque la signification d'un procès continue à inquiéter les hommes au-delà des frontières et en dehors du temps, c'est qu'il renferme quelque élément, ... lui conférant une résonance toujours actuelle.

Le climat politique et moral de l'Europe rappelle étrangement celui de la guerre de Trente Ans.

Après des retournements d'alliances, après une alternance de victoires et de défaites, la fin des combats n'apporte pas la paix.

Des empires puissants se sont écroulés et morcelés; les ennemis d'hier sont les parte­naires d'aujourd'hui; les négociations les plus étonnantes ont mené aux coalitions les plus inattendues.

Comme au XVIIe siècle le hasard capricieux

(43) Cf. sur l'attitude des cardinaux Maffeo Barbe­rini et Caetani, lors de l'enquête de 1615, lettre. de Buonamici, Ed. Naz., XV, 111; - Santillana, note 7, p. 436; - Sur l'attitude du cardinal Bentivoglio, lettre Niccolini, Ed. Naz., XV, p. 94; - Santillana, p. 353·

Page 4: YIER tfOIJRNU nmtJntJX - KU Leuven

-- ;~{t~~.:~~·0.'5~~~~~r~~;E~1~~:t?~~~;; 'i?:~_ ~~~~·~>'~;~·: ):~y;r::.-·~''t~~~::r ' --:,. ~

4

des combats divisa l'Allemagne par une fron­tière absurde, mais dont l'existence constitue un fait.

Comme au temps de la Réforme, à l'Est des peuples disparates et désunis sont rassem­blés, par la persuasion ou par la force, sous la bannière de chefs politiques affirmant dé­tenir la voie nouvelle pour le salut des hom­mes.

La politique de l'Europe et même du monde occidental tout entier paraît s'inspirer d'un renferme quelque élément lui co'll!férant une d'avant 1939, ou même d'avant 1914 ~t d'évi­ter ensuite les erreurs commises.

Et l'incertitude sur le bien-fondé de cette politique favorise une tendance nouvelle à re­courir aux affirmations de principe.

Comme dans l'affaire Galilée, l'acharnement et la passion des débats contribuent à masquer ou déformer les problèmes réels.

Ceux qui voudraient que l'on examine si les grands principes - démocratie - liberté -justice - sont véritablement en cause dans toutes les querelles font figure d'hérétiques.

Pourtant l'apôtre Paul dit dans l'épître aux Corinthiens : « 0 portet haereses esse >> - il est utile qu'il y ait des hérétiques (I, Cor. XI, 9).

Et n'est-il pas vrai que maintes fois, c'est le choc provoqué par leurs opinions qui révèla aux orthodoxes les perspectives nouvelles d'un problème devant lequel les formules tradition­nelles s'avéraient insuffisantes.

Mais l'enseignement le plus actuel du procès Galilée c'est celui-ci :

A certains moments de l'histoire, il est dan­gereux de s'obstiner à défendre sans les véri­fier toutes les affirmations transmises par la tradition.

Des conceptions étroitement nationalistes et même régionalistes continuent à prévaloir dans notre Europe rétrécie.

Partout l'on crie que pour construire l'Eu­rope Unie certains veulent modifier trop et trop tôt.

Pourtant le cours de l'histoire démontre que les civilisations meùrent et que les révoltes naissent lorsque l'effort d'adaptation aux réa­lités nouvelles se fait trop peu et trop tard.

Aussi, la nécessité de revoir certaines de nos opinions devrait être acceptée comme un réflexe de prudence, plutôt que rejetée comme une marque d'audace inopportune.

* ** A l'époque de la Renaissance, l'effondre­

ment des certitudes anciennes constitua une des plus profondes- sources de trouble et de déséquilibre.

Puis le siècle des philosophes avait divinisé le Progrès et la Raison.

Ce mythe encore puissant au siècle dernier semble avoir perdu aujourd'hui de son éclat prestigieux ( 44) .

Mais certaines de nos opinions actuelles ne se maintiennent à leur tour que par la nos­talgie du passé.

Sur le plan politique, les exigences sou­daines des peuples d'Afrique et d'Asie boule­versent nos conceptions de l'équilibre du mon­de.

Prenant conscience de leur force d'expan­sion, les peuples colonisés sont poussés à la revendication avec toute l'impatience et l'in­justice des adolescents qui réclament leur droit de vivre.

Si quelques-uns continuent à proclamer une vocation naturelle de la race blanche à répan­dre la civilisation dans le monde, l'ardeur de leurs cris ca-che mal l'accent du désespoir.

Sur le plan de la science, des expériences troublantes bouleversent les conceptions tradi­tionnelles.

(44) Cf. le chapitre «Le renouveau idéaliste spi­ritualiste», dans Histoire Générale des Civilisations, tome VI, pp. 481 et seq.

Par exemple : le professeur Petrucci ferti­lisa en laboratoire un ovule humain. Il garda en vie pendant vingt-:neuf jours, un organis­me dont le développement à terme, constitue­rait un être humain ( 45) .

Le Père Teilhard de Chardin, il y a quel­ques années déjà, disait :

« Que la chose nous plaise ou non, com­prenons donc enfin que rien, absolument rien, n'empêchera jamais l'homme d'aller en toutes directions, et plus spécialement en matière de biologie, jusqu'à l'extrême bout de ses puis­sances de recherche et d'invention. » ( 46) .

Des perspectives redoutables se découvrent. Aux confins de la politique et de la science

d'autres problèmes, démesurés, nous attendent. L'avenir des hommes ne se réalisera plus

seulement sur la terre. Gagarine et Sheppard ont fait irruption dans

les espaces infinis, dont le silence éternel ef­frayait Pascal ( 4 7) •

Le vacarme de leurs fusées se répercute en­core dans le monde

A peine commençons-nous à entrevoir la portée de !'·expérience que déjà la passion d'une compétition interplanétaire empêche l'examen objectif des questions qui surgissent.

Sur le plan de la morale enfin, la puissance monstrueuse des armes nucléaires confère à certaines objections de conscience un accent nouveau.

Un savant peut-il, ou doit-il, refuser son concours à des recherches visant à la destruc­tion collective d'une partie de l'humanité ?

Après d'étranges débats, un des chercheurs atomistes les plus en vue, le professeur Op­penheimer, fut démis de ses fonctions parce que ses opinions personnelles sur la respon­sabilité morale du savant paraissaient héréti­ques dans le cadre de la politique de son pays.

Et que dirions-nous si quelqu'un déclarait aujourd'hui : « Si je savais quelque chose utile à ma patrie, et qui fût préjudiciable à l'Europe, ou bien qui fût utile à l'Europe et préjudiciable au genre humain, je la regar­derais comme un crime. »

Ce n'était pourtant pas un esprit subversif qui tenait ce propos; c'était Montesquieu ! (Pensées, 11. 741.492) (48).

* ** Aujourd'hui le développement de la science

a transformé la mégalomanie de certains hom­mes •en une menace mortelle pour l'Europe et pour le monde tout entier.

Pour pouvoir affronter ce danger, il faudra mettre les institutions et les doctrines en con­cordance- avec les nécessités de notre temps.

Nous n'échapperons pas indéfiniment aux problèmes qui assaillent l'Europe, en répé­tant qu'il est trop tôt pour réformer.

L'Empire romain lorsqu'il s'effondra et se morcela, était doté d'institutions juridiques et administratives que l'on ne voulait pas réfor­mer, pour ne pas troubler leur perfection.

Déjà, devant leur inefficacité grandissante, les généraux de la fin de l'empire s'en mo­quaient, puisque, quand ils le désiraient, c'étaient leurs légionnaires qui faisaient la loi.

Le recours à l'argument d'autorité, à la ré­pression, peut pendant quelque temps mas­quer les symptômes d'une décadence, mais ne peut jamais remédier aux causes profondes.

* ** Soutenir que tout changement soit nécessai­

rement un progrès, expose à se tromper sou­vent.

Mais affirmer que l'ordre établi repose tou-

(45) Petrucci, voir l'Express, 26 janv. 196I. (46) Teilhard de Chardin, cité dans Jean Rostand,

Science fausse, et fausses sciences, p. 134. (47) Pascal, Pensées, III, 206. (48) Montesquieu, éd. Pléiade, p. 98J.

/ ~- .· .·;~r~~~:: :--::~_~}~·~- -~,~--:-~:F- -.. iL~){J~' .. :·;

jours sur des idées vraies, intangibles, éte.~:­nelles, n'assure pas non plus un monopole de la vérité.

S'abstenir de crier à l'hérésie -devant une solution qui nous étonne, telle est la première condition pour faire face aux nombreux pro­blèmes de l'heure.

Mais il en est une autre. Il nous faut regarder l'avenir avec un esprit

ouvert, afin de voir le monde tel qu'il est et les hommes tels qu'ils sont.

Si nous pouvons les comprendre dans leur réalité objective et non à la lumière défor­mante de nos espoirs et de nos passions, alors, au-delà des mythes consolateurs, des idéolo­gies claironnantes, du pessimisme défaitiste, nous pourrons apprendre à les accepter et les aimer.

Alors, nous pourrons vivre et chanter et chercher ensemble le chemin vers un monde meilleur.

José GUNZBURG.

PRINCIPALES REFERENCES DE BIBLIOGRAPHIE

1. - Angus R. ARMITAGE. - The world of Co· pernicus. - New: York, 1959.

2. - Ludwig BIEBERB~CH. - Galilei und die In­quisition. - München, 1942.

3· - Henri BosMANS, S. J .. - La nouvelle édùion des pièces du procès, par A. Favaro. - Lou­vain, 1903.

4· - Jacob BuRcKHARDT. - La civilisation de la Renaissance en Italie. - Paris, 1958.

5· - Maurice Crouzet, Histoire Générale des Civi­lisations, Paris, 1955-1957.

6. - DANIEL-RoPs. - Histoire de l'Eglise du Christ - l'Eglise de la Renaissance et de la Réforme, Paris, 1955; - L'ère des grands craquements, Paris, 1958.

7· - Friedrich DEssAUER, - Der Fall Galilei und wir. - Frankfurt, 1957.

8 - Galileo GALILEI. - «Opere», Edizione Na­zionale sous la direction de Favaro, Firenze, I890-I9o6.

9· - Emile GIRARDEAU. - Les aventures de la science. - Paris.

10. - Gabriel HANOTAUX. - Hùtoz're de la nation française. - Paris, 1924.

II. - Johannes HmziNGA. - Herfsttijd der Mid­deleeuwen, 3e druk. - Haarlem, 1928.

12. - Arthur KoEsTLER. - Les somnambules. Paris, 1960.

13. - Rudolf LAMMEL. - Galileo Galilei. - Ber­lin, 1927.

I4· - Albert LILAR. - Eloge de l'humanisme. -Anvers, 1936.

15. - Th. Henri MARTIN. - Galilée - Les droits de la science. - Paris, 1 868.

16. - Maxime PETIT. - Histoire générale des peu­ples. - Paris, 1926.

17. - Charles PICHON, - Le Vatt'can. - Paris, 1960.

18. - Jacques PIRENNE. - Les grands courants de l'histoire universelle. - Neufchâtel 1944-1956.

19. - Giorgio DE SANTILLANA. - Le procès Gali­lée. - Paris, 1955.

20. - F. Sherwood TAYLOR. - Science : Fast and Present. - London, 3e éd., 1947·

21. - Pierre TEILHARD DE CHARDIN. - Le phéno­mène humain, Paris, 1955 et L'Avenir de l'homme, Paris, 1959.

22. - Arnold ToYNBEE. - A study of history.

23.

24.

London, 1948-1954.

- Eerw. H. A. VAN RooY. -«De veroorde­ling van Galilei en de onfeilbaarheid der Kerk », in Katholieke Vlaamse Hogeschool­uitbreiding, nr 88, ge jaargang, 1906.

A. N. WHITEHEAD. - Science and the_ mor­dern World.- Cambridge, 1946.

25. - Emile WoHLWILL.- Galilei und sein Kampf für die Copernicianische Lehre. - Leipzig, 1909-1926.

Page 5: YIER tfOIJRNU nmtJntJX - KU Leuven

LA VIE DU DROIT

Dividendes décrétés après le décès de l'usufruitier

Le ministère des Finances, la Cour d'appel de Bruxelles (1) et la Cour de cassation considèrent, tantôt que le dividende appar­tient au plein propriétaire et tantôt qu'il appartient aux héritiers de l'usufruitier.

A. - Première décision.

Le 3 janvier 1957, la Cour de cassation a dit que la créance de dividende naît dans le patrimoine de l'associé par le vote de l'Assemblée générale (2).

Appliquée à l'usufruitier de la part sociale cette décision est exacte.

Bien qu'elle ait été combattue par M. Maurice Donnay (3), cette opinion reste celle de la doctrine ( 4) .

En effet, sur les dix auteurs cités par l'auteur. huit ignorent la difficulté ou se prononcent catégoriquement en faveur de l'opinion dominante (5).

B. - Seconde décision.

Le 1er décembre 1960~ .la Cour de ca.c:'" ~ion a dit : 1) que la décision de l'Assemblée g~., .. 1érale

(1) A. - Brux., 13 févr. 1952, Rev. prat. not., 1952, p. 127 et 1954, p. 18; - 9 janv. 1951, Rev. prat. not., 1954, p. 224; - 9 mars 1954, Revue, p. 228.

B. - Brux., 28 oct, 1958, Rec. gén., 1960, n° 20271.

(2) Cass., 3 janv. 1957, J. T., p. 182, 2e col. tn

fine; Journ. prat. de dr. fisc., p. 177. Il ne faut pas confondre cet arrêt rendu en matière

d'impôt exceptionnel avec l'arrêt du 28 mars 1957 (Rec. gén., 1957, n° 19833), rendu en matière de rémunération cl 'administrateur.

(3) Maurice Donnay, Rec. gén., 1961, n° 20336, p. 236; 1954, n° 19297, p. 13; 1948, n° 18370, p. 308; Commentaire, n°s 649 et 648.

(4) Décisions du Comité d'études et de législation de la Fédération des Notaires des 18 février 1961 inédite et 18 mars 1957, Travaux, 1960, l, p. 61.

Polet, Ann. not., 1942, p. 88; - Le Hon, Rev. prat. not., 1943, p. 65; - Moureaux, Ann., 1943, p. 190; - Deckers, Rev. prat., 1943, p. 433; -avocat général Ganshof van der Mersch, Rec. gén., 1957, no 19833, pp. 268 et 269; - Baugniet, Tra­vaux du Comité d'étude, 1960, p. 58, qui cite Ker­remans-Maes, Het verklarend wetboek, 1956, n° 95; - Michel Hanotiau, Rev. prat. not., 1961, p. 297; - Van Ryn, Droit commercial, I, n° 781; - Van Bastelaer, Journ. prat. de dr. fisc., 1952, p. 290; Louis Mahieu, Rev. prat. soc., 1922, n° 2434; -Devisscher, Pacte de Préférence, p. 194, 4e al.; -Van de Vorst, Travaux du Comité d'études, 1944, II, p. 354; - Harmel, Travaux du C.E. L., 1942, p. 122; - Genin, Commentaire, n° 1190, p. 428, 3e al.; - De Page, t. VI, nos 272 et 284; - Ga­lopin et Wille, Les biens, n° 166; - Planiol et Ri­pert, t. III, n° 791 et t. VIII, n° 418; «Commentaire de l'arrêtiste», Journ. prat. de dr. fisc., 1957, p. 180; - Donnay, Commentaire, t. rer, n° 634, p. 379.

(5) Laurent, VI, n° 402; - Thiry, I, n° 733; -Huc, IV, n° 181; - Josserand, I, n°s 1405 et 1898; - Planiol et Ripert, III, n° 777; -Galopin et Wille, Les biens, n° 142, n'abordent pas la difficulté.

Mais Planiol et Ripert (t. III) sous le n° 791, et Galopin et Wille sous le n° 166 se prononcent caté­goriquement en faveur de l'opinion dominante.

L'enseignement de De Page est clair et précis. Les bénéfices d'une industrie privée sont des fruits civils (t. VI, n° 271), mais les bénéfices sociaux ne de­viennent des fruits que lorsque l'assemblée générale en a décidé la répartition.

L'arrêt de la Cour de cassation de France du 5 fé­vrier 1890 (Rev. prat. soc., 1922, n° 2437 et D. P., 1890, 1, p. 360) consacre l'opinion de la doctrine.

ne r.onfère à l'associé aucun droit qu'il ne possédait déjà (6);

2) que le droit de prendre part à la répar­tition , de dividendes existait dans le chef et au profit des actionnaires, et donc aussi de l'usufruitier (7).

Cette opinion était déj;à condamnée il y a cent quatorze ans (8) et le commentaire de l'article 13 du Code des droits d'enregistre­ment affirme qu'elle ne peut plus être sui­vie aujourd'hui (9).

Observations.

1) Le droit de l'actionnaire résulte du contrat de société, et il est exact que la décision de l'assemblée générale n'augmente pas la fortune du plein propriétaire de la part sociale. En effet, si cette décision inter­vient le patrimoine du plein propriétaire s'ac­croît de ce qui lui est distribué comme revenu, et si elle n'intervient pas, la valeur de sa part sociale s'accroît de l'excédent d'actif non distribué.

2) Mais il n'en est plus de même lo!rSQue le droit sur la part sociale est divisé en un droit au capital et un droit aux revenus.

L'usufruitier n'a droit qu'aux fruits et le vote de l'assemblée crée dans son patrimoine un droit qui n'existait pas et qui n'aurait jamais existé si ce vote n'était pas in"te!­venu.

En effet, lorsque cette décision n'inter­vient pas, les bénéfices accroissent la valeur de la part sociale, le ca[)ital du nu-proprié­taire s~enrichit de cette plus-value et l'usu­fruitier n'y a aucun droit ( 10).

Par contre. lorsque l'assemblée générale décide la distribution d.'un dividende, le droit de l'usufruitier preilld naissance, et celui du nu-propriétaire expire (11).

3) Lorsque l'usufruit s'est réuni à la nue­propriété dans le chef du plein propriétaire, on ne peut plus dire que le droit au divi­dende existe dans le chef de1 l'actionnaire et «donc aussi dans celui de l'usufruitier».

Il faut au contraire, dire que le droit au dividende existe dans le patrimoine du !Plein

(6) L'arrêt du 3 janvier 1957, et celui du Ier dé­cembre 1960 sont en complète contradiction.

Ils ont une portée générale, ils s'appliquent en matière civile comme en matière fiscale, en matière de contributions comme en matière de droits de suc­cession.

(7) Cass., 1er déc. 1960, Rec. gén., 1961, n° 20336, p. 233; Rev. prat. soc., 1961, p. 157; Journ. prat. de dr. fisc., 1961, p. 196.

(8) Louis Mahieu, Rev. prat. soc., 1922, n° 2434, p. 124; - Paris, 27 avril 1827, Sir., p. 739, col. 2, du 27 avril I 827.

(9) Harmel, Travaux du Comité d'études, 1942, p. 122; - Genin, Commentaz"re, no 1190, p. 428, 3e al.

(Io) Nast, D. P., 1929, 2, p. 130, col. 2 in fine et col. 1; - Cass. fr., 5 févr. 1890, Rev. prat. soc., 1922, n° 2437, p. 136; D. P., 1890, 1, p. 300, et la note; «Commentaire)), Rec: gén., 1932, no 17147• p. 376; - Brux., 29 mai 1885, Rev. prat. soc., 1922, n° 2435, p. 126; - Civ. Seine, 28 mars 1930, Rev. prat. not., 1932, p. 184; - Brux., 13 févr. 1952, Rev. prat. not., p. 126, 6e et ge al.; - Planiol et Ripert, VIII, n° 418, p. 457; - Julien Nemery, Rev. prat. not., 1946, p. 324, n° 9.

Il est admis que l'usufruitier n'a aucun droit sur la plus-value de la part sociale résultant de l'affecta­tion des bénéfices sociaux à la réserve. Réf. citées dans notre note 1937, p. 142, nos 16 et 16bis.

(11) Cass. fr., 5 févr. 1890, Rev. prat. soc., 1922, n° 2437, p. 136.

5

propriétaire et qu'il n'existe donc pas dans le patrimoine des héritiers de l'usufruitier.

4) Le dividende ne peut pas être entré dans le patrimoine de l'usufruitier, alors qu'il n'existait pas encore ·et on ne peut plus l'y faire entrer après le décès, parce que le droit de toucher les fruits, s'éteint par la mort de l'usufruitier (12).

C. - Troisième décision.

Le 9 mars 1961, la Cour qe cassation a dit . que les dividendes participent à la na­ture des fruits civils et sont réputés s'ac­quérir Jour par jour (13).

Observations. 1) L'excédent de l'actif sur le passif so­

cial ne peut pas être un fruit c:ilvil réputé s'acquérir jour par jour, parce que tant qu'il n'a pas été détaché du capital, il n'est pas un fruit. Seul est un fruit, la partie des bénéfices dont l'assemblée générale décide la répartition (14). Les bénéfices affectés 'à la réserve ne sont pas des revenus capitalisés, mais des excédents d'avoir qui n'ont pas été aménagés en revenus (15).

2) L'usufruitier ne peut pas avoir acquis à la fin de chacune des journées de l'exer­cice social le profit réalisé par la société au cours de cette journée, parce que les bé­néfices sociaux ne sont pas ses revenus ( 17) .

L'affectation des bénéfices sociaux à la réserve n'est pas la capitalisation des reve­nus de l'usufruitier et c'est d'ailleurs pour cette raison que les actions nouvelles créées par imputation sur la réserve n'existent pas dans sa succession (18). D.- Objection.

La Cour n'a pas dit que les bénéfices so­ciaux affectés ·à la rése!lve étaient des fruits qui avaient été aaquis par l'uSU:fruitier de la part socia1e.

Elle a voulu dire ceci : Le vote de l'assem­blée générale qui décrète la distribution d'un dirvidende confère rétroactivement aux bénéfices sociaux le caractère de fruits ciJvils

(12) Rev. prat., 1943, p. 68; C. civ., art. 617. (13) Cass., 9 mars 1961, Rec. gén., n° 20337, p.

237; Rev. prat. not., 1961, p. 265; J. T., 1961, p. 500. (14) La société n'est que capital. Dans son patri­

moine les bénéfices sont un accroissement du capital investi. Autorités cit. dans nos notes, Rev. prat. not., 1943, pp. 67 et 68, réf. nos 6, 7 et 8 et 1937, p. 742, réf. 16 et 16bis.

Liège, 30 mai 1924, Rev. prat. not., 1925, p. 457, confirmant Civ. Namur, 28 mai 1923, Rev. prat. not., 1924, p. 470; - Gand, 8 févr. 1930, Rec. gén., 1932, no 17147, p. 375; -Gand, 10 avril 1929, Rev. prat. not., 1930, p. 649, et Rec. gén., 1930, n° 16839, p. 250, 6e al.; - Louis Mahieu, Rev. prat. soc., 1922, fl

0 2434, pp. n8, 116 et 117; - Planiol et Ripert, VIII, n° 418, p. 457, 3e al.; - De Page, VI, n° 284; - Nast, D. P., 1929, 2, p. 129, col. 2.

(15) Louis Mahieu, Rev. prat. soc., 1922, n° 2434, pp. 117, 118, II9, 120, dern. al., et 120 et 122, 4e al.; - Mast, D. P., 1929, 2, p. 130, col. 2, dern. al. et les réf. citées; - Devisschere, Pacte de préfé­rence, p. 194, 4e al.; - De Page, VI, n° 272; -Schicks, Rev. prat. not., 1921, p. 34; - Planiol et Ripert, III, n° 791.

(16) Louis Mahieu, loc. cit., p. II9. (17) Nast D. P., 1929, p. 130, col. 1 et 2 in fine;

- Louis Mahieu, Rev. prat. soc., 1922, n° 2434, pp. II5 in fine, 116 et 127, dern. al.; - De Page, VI, n° 284, aut. cit.; - Julien Nemery, Rev. prat. not., 1946, p. 324, no 9; - Maurice Donnay, Commen­taire, I, n° 634. p. 379; - Ca:ss. fr., 5 févr. 1890, Rev. prat. soc., 1922, p. 136; - Brux., 29 mai 1885, Rev. prat. soc., 1922, p. 130, in fine; - Gand, 10 avril 1929, Rec. gén., 1930, n° 16839, p. 250, 6e al. et Rev. prat. not., 1930, p. 649.

(18) Maurice Donnay, Rec. gén., 1941, n° 18223, p. 320, 2e al.; - Devisschere, Pacte de préférence, p. 194, 4e al.; - Mahieu, Rev. prat. soc., 1922, p. 112; - Schicks, Rev. prat. not., 1921, p. 33; -Julien Nemery, Rev. prat. not., 1946, p. 324, n° 9 et p. 326, no II; - Liège, 30 mai 1924, Rev. prat. not., 1925, p. 455; - Gand, 10 avril 1929, Rev. prat. not., 1930, p. 640.

Page 6: YIER tfOIJRNU nmtJntJX - KU Leuven

6

que l'usufruitier est censé avoir acquis jour par jour.

Réponse. Alors même qu'elle est ainsi poétisée, cette

opinion n'est pas encore exacte.

Exemple : La société a, durant les exercices 1957.

1958 et 195·9, réalisé des bénéfices qu'elle a affectés 1à la réserve.

Durant l'exercice 1960, elle n'a pas réalisé de bénéfices. Et le 15 wril 1961, l'assem­blée générale a décidé la répartition d'un dividende.

(19) «Le dividende revient à celui qui possède le coupon au moment ou la distribution est décidée » (procureur général Ganshof van der Meersch, Rec. gén., 1957, n° 19833, p. 269; - V'lm Bastelaar, loc. cit., p. 291).

Dans la thèse adr.nise par la Cour de cassation, l'usufruitier aurait acquis jour par jour : soit une partie du capital, ce qui est impossiJble, soit une part de bénéfice, alors qu'il n'existe pas de bénéfices, ce qui n'est pas raisonnable.

E.- Résumé. Les bénéfices sociaux appartiennent à

celui qui possède l'usufruit au moment où ils acquièrent le caractère de fruit.

Or, au moment où . cet excédent d'avoir est détaché du capital, l'usufruit réuni à la nue-propriété appartient au plein proprié­taire.

Les dividendes décrétés après le décès de l'usufruitier appartiennent au plein proprié­taire; ils n'appartiennent donc pas aux héritiers de l'usufruitier.

A. LE HON.

JURISPRUDENCE Cass. (Ire ch.), 16 juin 1961.

Prés. : M. V ANDERMERSCH, prés. Rapp.: M. DELAHAYE, cons. Min. publ.: M. HAYOIT DE TERMrcouRT, proc. gén. Plaid. : MMes SIMONT et DEMEUR.

(Everaerts c. Thiriaux et cons.)

ROULAGE.- Vitesse.- Changement des feux de route en feux de croisement. -Obligation de réduire la vitesse pour l'adap­ter au champ de visibilité offert par ces feux de croisement.

Il résulte de l'article 26-1 du Code de la route que le conducteur d'll.n véhicule automobile circulant la nuit sur une voie publique non efficacement éclairée, doit adapter sa vitesse à son champ de visibilité de manière à pouvoir s'arrêter devant un obstacle prévisible apparais­sant dans les limites de la zone éclairée par ses feux.

Dès lors, le conducteur circulant à une vitesse adaptée au champ de visibilité offert par ses feux de route, doit, lors­qu'il change ceux-ci en feux de croise­ment conformément à l'article 43-3, ré­duire sa vitesse pour l'adapter au champ de visibilité offert par les feux de coi­sement.

Vu l'arrêt attaqué, rendu le 13 juin 19159 par la Cour d'appel de Bruxelles;

Sur les premier et deuxième moyens réunis, pris, le premier, de la violation de l'article 26, spécialement 26-1, ali­néa 2, de l'arrêté royal du 8 avril 1954 portant règlement général sur la police de la circulation routière en ce que, pour déclarer l'action de la demanderesse non fondée, l'arrêt attaqué se fonde sur la considération que le second défendeur n'a commis aucune faute, la victime ayant constitué à son égard un obstacle imprévisible, au motif que la vitesse à laquelle roulait Thiriaux « sur une route comportant trois bandes de circulation et destinée objectivement à une circula­tion dense et rapide, ne peut être consi­dérée comme excessive, lorsque, comme en l'espèce, le temps était clair et qu'aucune circonstance spéciale, tels le brouillard ou l'humidité, n'empêchait le conducteur d'apercevoir à une distance de 100 mètres les feux arrières rouges des véhicules qui le précédaient>>; alors que le caractère prévisible ou imprévi­sible d'un obstacle, au sens de la dispo­sition légale précitée, ne peut être dé­terminé d'après la vitesse que l'auteur de l'accident a imprimée à sa voiture, d'où il suit que le juge en a méconnu la

portée en déduisant le caractère impré­visible de l'obstacle constitué par la victime de la circonstance que la vitesse développée par Thiriaux ne paraissait pas excessive;

le deuxième, de la violation de l'ar­ticle 26, spécialement 26-1, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 8 avril 195,4 portant règlement général sur la police de la cir­culation routière, en ce que pour dé­clarer l'action de la demanderesse non fondée, l'arrêt attaqué se fonde sur la considération que le second défendeur n'a commis aucune faute, la victime ayant constitué à son égard un obstacle imprévisible, ail motif que « d'après l'ar­ticle 43-3 du Code de la route le second défendeur pouvait rou' avec ses feux de croisement puisqu'L ,roisait précisé­ment un autre véhicule et que l'on ne peut exiger d'un usager qui est tenu, la nuit, de changer constamment ses feux de route en feux de croisement, qu'il ré­duise chaque fois sa vitesse proportion­nellement à la profondeur de la zone éclairée par ses feux de croisement, tandis qu'en fait le champ de visibilité est beaucoup plus vaste quand on se trouve en face d'un obstacle convenable­ment éclairé», alors que la disposition légale précitée oblige le conducteur « à régler sa vitesse dans la mesure requise par le champ de visibilité»; d'où il suit que le juge a méconnu la portée de cette disposition en décidant qu'on ne peut exiger d'un usager qu'il réduise sa vi­tesse en proportion de la profondeur de la zone éclairée par les feux de croise­ment :

Attendu, d'une part, qu'aux termes de l'article 26-1 de l'arrêté royal du 8 avril 1'954, « tout conducteur doit régler sa vitesse dans la mesure requise par ... le champ de visibilité... pour qu'elle ne puisse ni être une cause d'accident ni constituer une gêne pour la circulation », puisqu'il doit « en toute circonstance pouvoir s'arrêter devant un obstacle prévisible » ;

Attendu qu'il résulte de cette disposi­tion que le conducteur d'un véhicule automobile qui, comme en l'espèce, cir­cule, la nuit, sur une voie publique non efficacement éclairée, doit adapter sa vitesse à son champ de visibilité de ma­nière à pouvoir s'arrêter devant un obstacle prévisible apparaissant dans les limites de la zone éclairée par ses feux;

Qu'il s'ensuit que le conducteur, cir­culant à une vitesse a~aptée au champ de visibilité qu'offrent /ses feux de route, doit, lorsqu'il change ceux-ci en feux de croisement conformément à l'arti-

cie 43-3 dudit arrêté, réduire sa vitesse pour l'adapter au champ de visibilité qu'offrent les feux de croisement;

Attendu, d'autre part, que l'arrêt dé-. duit le caractère imprévisible de l'ob­stacle constitué par la victime non point de la seule circonstance que la bicy­clette de celle-ci n'était pas munie des feux réglementaires, mais aussi de ce que la vitesse de 70 à 80 km par heure du véhicule du second défendeur n'était pas excessive pour un véhicule éclairé par des feux de route;

Que les deux moyens sont donc fon­dés;

Par ces motifs :

LA CouR, Casse l'arrêt attaqué, sauf en tant qu'il

décide que l'auteur de la demanderesse a commis une faute ...

Cass. (Jre ch.), 9 juin 1961. Rapp. : M. BELPAIRE, cons. Min. publ.: M. DuMoN, av. gén.

(Etat belge, Ministre des Finances c. · O. N. S. S. et cons.)

HYPOTHEQUE LEGALE. - Inscription ultérieure d'hypothèque. - Créance de l'O. N. S. S. - Privilège général sur les meubles. -Rang.

Si l'hypothèque légale ne préjudicie pas aux privilèges et hypothèques antérieurs, il ne s'en déduit point que les privilèges et hypothèques antérieurs sont les seuls droits qui l'emportent sur l'hypothèque inscrite du Trésor.

En effet, un créancier ne peut plus prendre utilement inscription de son hy­pothèque sur le bien de son dêbiteur no­tamment après qu'un commandement préalable ou un exploit de saisie a été transcrit à la requête d'un créancier qui, n'ayant ni privilège sur l'immeuble, ni hypothèque, a mis ainsi son droit en œuvre en poursuivant son débiteur sur ce bien.

Il est à cet égard, sans intérêt que cette hypothèque soit légale ou conventionnelle dès lors qu'elle est soumise à la règle de publici.té prescrite par la loi du 16 dé­cembre 1851.

La créance de l'O. N. S. S., donnant à celui-ci un privilège général sur les meu­bles en vertu de l'article 12bis inséré dans l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 par l'ar­ticle 3 de l'arrêté-loi du 6 septembre 1946, privilège qui prend rang sous le numéro 4°quinquies, de l'article 19 de la loi du 16 décembre 18'51, la décision qui lui attribue le solde disponible du prix de vente, est légalement justifiée.

Ouï M. le conseiller Belpaire en son rapport et sur les conclusions de M. Du­mon, avocat général;

Vu l'arrêt attaqué, rendu le 2·3 décem­bre 1959 par la ~Cour d'appel de Bruxelles;

Sur le moyen pris de la violation des articles 72 et 73 des lois relatives aux im­pôts sur les revenus, coordonnées par l'arrêté du Régent du 15 janvier 1948, tels que l'article 72 a été modifié par les arti­cles 2 de la loi du 24 décembre 1948 et 1er de celle du 27 décembre 19,50 et l'arti­cle 73 par l'article 2 de cette dernière loi, 12, 13, 19-4°quinquies, 19, alinéa dernier, et 41 de la loi du 16 décembre 1851 sur les privilèges et hypothèques, tel que ledit article 19-4°quinquies procède de l'article 12bis inséré dans l'arrêté-loi du 28 dé­cembre 1944 par l'article 3 de l'arrêté-loi du 6 septembre 1946 et 27 de la loi du 15 août 1854 sur l'expropriation forcée;

En ce que, après avoir déclaré qu'il résulte des travaux préparatoires de la loi du 2·7 décembre 1950 que désormais l'hy­pothèque légale de l'Etat ne prendra rang

Page 7: YIER tfOIJRNU nmtJntJX - KU Leuven

qu'à partir de son inscription conformé­ment au droit commun en matière hypo­thécaire et est, par conséquent, soumise aux règles du droit commun en ce qui concerne les effets de la publicité impo­sée, décide, à tort, que le premier défen­deur, l'Office national de sécùrité sociale, a rendu ses droits opposables aux tiers, et partant au demandeur, par la tran­scription en date du 12 mai 1954, d'un commandement du 5 mai 19154, préalable à la saisie immobilière, au motif qu'il a acquis de ce fait des droits sur les im­meubles dont s'agit, et les a rendus pu­blics, de sorte que les inscriptions prises par le demandeur les 25 août et 30 no­vembre 1954 n'étaient pas opposables au premier défendeur;

Alors que la transcription d'un com­mandement ou d'une saisie n'a pour effet que de limiter les droits du débiteur ( vio­lation de l'article 27 précité), mais n'at­tribue au créancier poursuivant aucun droit sur l'immeuble ni davantage un droit de préférence sur le prix et ne lui accorde que la possibilité de poursui­vre la vente, alors que, d'autre part, avant la vente, l'hypothèque légale du Trésor, valablement inscrite, était le seul droit immobilier grevant les immeubles, de sor­te qu'il y avait lieu de tenir compte de ce droit et que seul le demandeur avait droit au prix des biens vendus à concurrence de sa créance contre le troisième défen­deur (violation des articles 72! et 73 préci­tés);

Attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt et des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que l'expropriation for­cée des biens de Nuytkens, troisième dé­fendeur, a été poursuivie à la requête de l'Office national de sécurité sociale, pre­mier défendeur, et que ces biens ont été vendus en 1955; qu'aux fins de cette ex­propriation le premier défendeur a fait transcrire le commandement préalable dans les registres du conservateur des hy­pothèques, le 12 mai 1954, et le 9 novem­bre suivant, l'exploit de saisie; que le de­mandeur a fait inscrire respectivement les 25 août et 24 novembre 1954 sur les­dits biens, l'hypothèque légale que lui ac­corde l'article 72 des lois coordonnées re­latives aux impôts sur les revenus; qu'en conséquence le demandeur et le premier défendeur concourent à la répartition du solde du prix de vente restant disponible après règlement de la créance du deuxiè­me défendeur;

Attendu que, en disposant que l'hypo­thèque légale ne prend rang qu'à partir de son inscription, l'article 72, § 2, des lois coordonnées relatives aux impôts sur les revenus (loi du 27 décembre 1950, ar­ticle 1er) institue le principe que, pour être opposable aux tiers, l'hypothèque lé­gale du Trésor garantissant les impôts di­rects doit être inscrite dans les registres du conservateur des hypothèques;

Attendu qu'il s'ensuit que, sauf le cas spécial visé par l'article 73, § 3, alinéa 3 (loi du 27 décembre 1950, article 2), dis­position dont il n'a pas été fait applica­tion en l'espèce, l'hypothèque légale du Trésor n'a dorénavant plus un caractère occulte et est, dès lors, soumise aux règles du droit commun en matière hypothécai­re;

Que si, aux termes de l'article 72, § 1er, desdites lois coordonnées (loi du 24 dé­cembre 1948, article 2), l'hypothèque lé­gale ne préjudicie pas aux privilèges et hypothèques antérieurs, il ne s'en déduit point, comme le fait le demandeur, que les privilèges et hypothèques antérieurs sont les seuls droits qui l'emportent sur l'hypothèque inscrite du Trésor;

Qu'en effet, suivant le droit commun en matière hypothécaire, un créancier ne

peut plus prendre utilement inscription de· son hypothèque sur le bien de son dé­biteur notamment après qu'un comman­dement préalable ou un exploit de saisie a été transcrit à la requête d'un créancier qui, n'ayant, tel le premier défendeur, ni privilège sur l'immeuble, ni hypothèque, a mis ainsi son droit en œuvre en pour­suivant son débiteur sur ce bien;

Qu'il est à cet égard, sans intérêt que cette hypothèque soit légale ou conven­tionnelle dès lors qu'elle est soumise à la règle de, publicité prescrite par la loi du 16 décembre 1851;

Attendu que le demandeur, qui ne peut se prévaloir du bénéfice de l'article 19, alinéa final, de la loi du 16 décembre 1851;

Attendu qu'en tant qu'il invoque la vio­lation des dispositions des lois coordon­nées relatives aux impôts sur les revenus et de la loi hypothécaire, le moyen man­que en droit;

Attendu que la créance du premier dé­fendeur donnant à celui-ci un privilège général sur les meubles en vertu de l'arti-

. cie 12bis inséré dans l'arrêté-loi du 28 dé­cembre 1944 par l'article 3 de l'arrêté-loi du 6 septembre 1946, privilège qui prend rang sous le numéro 4°quinquies, de l'ar­ticle 19 de la loi du 16 décembre 1851, la décision, qui attribue au premier défen­deur le solde disponible du prix de vente, est légalement justifiée, et que le moyen en tant qu'il dénonce la violation de l'ar­ticle 27 de la loi du 15 août 1854 est non recevable à défaut d'intérêt;

Par ces motif.~ :

LA CouR, Rejette le pourvoi; Condamne le demandeur aux dépens. Les dépens taxés à la somme de 3.890

francs envers la partie demanderesse et à la somme de 400 francs envers la partie défenderesse.

Cons. Etat (4e ch.), 23 mai 1961. Siég. : MM. VRANCKX, prés.; MAsT et MEES, cons.

Audit. : M. Loms.

Plaid. : MMes Et. VAN PARYS et Cyr CAMBIER.

(Vandekerckhove c. Ville d'Ostende)

DELIBERATION DU CONSEIL COM­MUNAL. - Condition de publicité. - Re­cours en annulation. - Condition de rece­vabilité.

Le requérant est fondé à dénoncer la nullité d'une délibération d'un conseil communal prise sans la publicité requise sans pour autant devoir demander, au préalable, l'annulation de la décision mayorale interdisant l'assistance du re­quérant à la séance.

Considérant que le recours tend à l'an­nulation de la délibération du 28 août 1959 par laquelle le conseil communal de la ville d'Ostende décide de rapporter sa délibération du 15 avril 1955 modi­fiant le règlement organique du person­nel communal et de modifier l'article 24, alinéas 3 et 4, de ce règlement;

·Considérant que la délibération atta­quée est parvenue au gouvernement pro­vincial le 4 septembre 1959; que le gou­verr:..;ar, saisi d'une réclamation dirigée contre la régularité . de la délibération attaquée, a informé la partie adverse le 1,3 octobre 1959 que cette délibération pouvait produire ses effets.;

Considérant que le 28 août 19:5-9 le commissaire en chef de police de la ville

7

d'Ostende a fait part aux agents de police assemblés devant l'hôtel de ville de ce que le bourgmestre et lui-même esti­maient inopportune la présence des agents à la séance du conseil;

Considérant que le requérant, qui est agent de police et président de la frater­nelle de la police d'Ostende, allègue que le bourgmestre, nonobstant que le huis clos n'eût pas été prononcé, a néanmoins interdit aux agents de police qui n'étaient pas de service d'assister à la séance du 28 août 1959, au cours de laquelle les conditions de nomination à l'emploi d'inspecteur de police et d'agent spécial ont été modifiées; qu'il soutient que la délibération attaquée a donc été prise en violation de la règle de la publicité des séances du conseil communal;

Considérant que la partie adverse fait valoir que le moyen est irrecevable dans la mesure où il invoque la méconnaissan­ce des droits des autres agents de police; qu'elle allègue que le moyen est aussi irrecevable parce que le requérant n'a pas attaqué la décision du bourgmestre interdisant aux agents de police d'assister à la séance du 28 août 195·9 et que cette décision est devenue définitive;

Considérant que le requérant, qui est agent de police, demande l'annulation d'une délibération fixant les conditions d'avancement aux emplois d'inspecteur et d'agent spécial; que le requérant ne se borne pas à invoquer les droits des autres agents de police; que son moyen tiré de ce qu'une disposition fixant son statut viole un principe constitutionnel est recevable; que le requérant fait éga­lement valoir que la délibération atta­quée est irrégulière en ce qu'elle a été prise sans la publicité requise; que le re­quérant est fondé à dénoncer cette irré­gularité sans devoir pour autant deman­der, à peine d'irrecevabilité, l'annulation de la délibération dont la partie adverse conteste la teneur et à laquelle l'irrégu­larité serait due;

Considérant que la partie adverse sou­tient en outre que le moyen est encore irrecevable parce que non fondé sur une irrégularité qui aurait pu légalement af­fecter la délibération du 28 août 1959, la publicité ne pouvant être invoquée pour permettre aux citoyens d'exercer une pression sur le conseil communal; que cette argumentation ne concerne pas la recevabilité du moyen mais touche le fond du litige;

Considérant que la partie adverse fait valoir que la communication du commis­saire de police en chef était une recom­mandation « qui n'a jamais eu la portée d'un ordre »;

Considérant que ce moyen ne peut pas être retenu; que cette communication ne pouvait être interprétée par les agents de police intéressés que comme une inter­diction d'assister à la séance émanant du bourgmestre, président du conseil;

Considérant que l'article 108 de la Constitution dispose que les institutions communales sont réglées par la loi et que celle-ci doit consacrer l'application du principe de la publicité des séances du conseil communal dans les limites établies par la loi; que l'article 71 de la loi communale, après avoir énuméré les cas où la publicité des séances èst obli­gatoire, dispose : « dans tous les autres cas, la publicité est facultative, elle aura lieu lorsqu'elle sera demandée par les deux tiers des membres présents à la séance»;

Considérant qu'il résulte de cette dis­position de la loi communale que, hors les cas formellement exceptés par la loi, il est loisible au conseil communal de dé-

Page 8: YIER tfOIJRNU nmtJntJX - KU Leuven

8

eider que la séance sera publique ou non; que le point sur lequel s'est prononcée la délibération entreprise ne relève pas de ces cas; qu'il y a lieu d'inférer du fait que le public a été admis à la séance que le conseil communal avait tacitement décidé que celle-ci serait publique; que la publicité implique l'admissibilité de quiconque désire assister à la séance; que la délibération attaquée a, dès lors, été prise en violation de l'article 71 de la loi communale,

Décide :

Article ter. - La délibération du 28 août 195.9 du conseil communal de la ville d'Ostende est annulée.

Article 2. - Les dépens, liquidés à la somme de 75·0 francs, sont mis à charge de la partie adverse.

Cons. Etat (3e ch.), 24 mars 1961. Siég.: MM. DEVAUX, prés.; SoMERHAUSEN et DE

BocK, cons. Aud.: M. CooLEN, subst.

(Mahamba c. commissaz"re de district du Kivu Nord)

CONSEIL D'ETAT.- Contentieux de l'in­demnité. - Procédure. - Compétence à l'égard d'un ressortissant congolais.- COUR CONSTITUTIONNELLE DU CONGO. -Fonction dévolue au Conseil d'Etat de Belgi­que. - Rupture des relations diplomatiques. - Conséquences. - Radiation d'une affaire dll' rôle.

Sans examiner les autres moyens d'ir­recevabilité qui pourraient être soulevés contre cette demande, il suffit de consta­ter que, pour être recevable, une deman­de d'avis fondée sur l'article 7 de la loi du 23 décembre t946 portant création d'un Conseil d'Etat, doit être précédée d'une requête préalable à l'administra­fion.

Poursuivant l'annulation d'actes qui, bien que pris avant l'accession du Con­go à l'indépendance, ne peuvent plus re­cevoir d'exécution qu'au sein de l'admi­nistration de l'Etat congolais, le requé­rant, devenu de nationalité congolaise, ne ·puise dans aucune disposition légale la permission de se prévaloir encore à fégard de la Belgique de l'habilitation qu'il aurait eue d'une nomination. Une telle requête n'a donc d'intérêt que si l'arrêt du Conseil d'Etat est opposable aux autorités de la République du Congo.

A partir du ter juillet t960, l'Etat con­golais est substitué aux autorités qui, jus­que là, gouvernaient cette partie du terri­toire sur la base de la loi sur le gouver­nement du Congo belge du t8 octobre t908 et les autorités administratives qui relèvent de la République du Congo ont repris l'exercice des fonctions publiques dans l'état où les affaires se trouvaient juridiquement établies à ce moment.

L'acte administratif frappé, à cette date, d'un recours devant le Conseil d'Etat n'était pas définitif et, à moins d'une convention entre les deux Etats, c'était à partir de ce moment, aux auto­rités administratives congolaises à déci­der sur les contestations à la chambre d'administration de la Cour constitution­nelle, en cas de recours, à statuer.

L'article 253 de la loi fondamentale prévoit que le Conseil d'Etat de Belgique exerce, « selon la procédure qu'il déter­mine », la compétence de la chambre d'administration de la Cour constitution­nelle « en attendant que celle-ci soit lé­galement organisée ».

Dans ces cas, le Conseil d'Etat de Bel­gique est saisi en tant qu'il exerce pro-

visoirement la compétence de la Cour constitutionnelle, juridiction administra­tive congolaise eti lorsqu'il s'agit de re­cours introduits avant le 30 juin t960 con­tre des actes administratifs dont l' exécu­tion ne relève plus que des autorités ad­ministratives du Congo, la bonne exécu­tion de la loi fondamentale supposerait que ces actes soient déférés de plein droit à la chambre d'administration de la Cour constitutionnelle dont le Conseil d'Etat exerce la compétence. La République du Congo devient la partie adverse et doit être appelée à la cause, ainsi que les au­torités administratives intéressées.

La rupture des relations diplomatiques et les circonstances font qu'il est impos­sible de savoir, dans les diverses parties du Congo, quelles sont celles des disposi­tions de la loi du t9 mai t960 qui y re­çoivent encore leur application.

Le Conseil d'Etat de Belgique n'exerce la compétence de la Cour constitution­nelle qu'autant qu'il est juridiquement établi que celle-ci n'est pas légalement or­ganisée au Congo. Il ne peut déterminer une procédure que s'il est en rapports réguliers et officiels avec le pouvoir exé­cutif congolais.

Alors même que l'examen et le juge­ment de certains recours, antérieurs au 30 juin t960, exigent la mise en cause de la République du Congo et des autorités administratives qui en relèvent, la pré­sence à la cause de l'Etat belge peut rester utile, ou nécessaire, pour assurer le dépôt des dossiers ou pour défendre adéquate­ment les moyens invoqués.

Il n'y a pas lieu de statuer ni sur la re­cevabilité d'un fel recours, ni sur son fondement, ni sur la mise hors cause de l'Etat belge, tant qu'il n'est pas pourvu aux mesures d'exécution de la loi du t9 mai t960.

L'inscription de telles affaires au rôle du Conseil d'Etat de Belgique siégeant uniquement comme juridiction belge, ne se justifie pas, et sans statuer sur les dé­pens, il convient d'en ordonner la radia­tion des registres dont la tenue est ac­tuellement prescrite.

Vu la requête introduite le 17 août 1957, par laquelle Alexandre Mahamba poursuit l'annulation de la décision qui est contenue dans la lettre du 21 juin 1957 du commissaire de district du Nord­ivu, aux termes de laquelle le requérant ne possède aucun droit coutumier et ne peut· être reconnu comme grand notable du groupement de Luberike;

Vu la requête introudite le 17 août 1957, par laquelle Alexandre Mahamba poursuit l'annulation « de la décision d'investiture prise au cours du mois de juillet 1957 au chef-lieu de territoire de Walikale et par laquelle M. le commis­saire de district du Kivu-Nord a nommé comme chef de secteur des Wanianga le nommé Hgulu Nkumbirwa »;

Entendu M. le président Devaux en son rapport;

Vu l'article 3 de l'arrêté du Régent du 2·3 août 1948 sur l'emploi des langues au Conseil d'Etat et l'article 25 de la loi du 2·3 décembre 1946 portant création d'un Conseil d'Etat;

Considérant que, dans son mémoire en réplique, le requérant a demandé au Conseil d'Etat «une indemnité forfaitaire de trois millions de francs congolais à ti­tre de réparation pécuniaire, représen­tant le défaut de jouissance que l'absence

de tous droits coutumiers sur la cheffe­rie de Luberike lui a causé depuis le 3 juillet 1956 jusqu'au jour de l'exécution de l'arrêt du Conseil d'Etat»;

Considérant que, sans examiner les au­tres moyens d'irrecevabilité qui pour­raient être soulevés contre cette deman­de, il suffit de constater que, pour être recevable, une demande d'avis fondée sur l'article 7 de la loi du 23 décembre 1946 portant création d'un ~Conseil d'Etat, doit être précédée d'une requête préalable à l'administration; que cette requête n'a pas été adressée à l'autorité compétente; que la demande n'est pas recevable;

Considérant que les requêtes introduc­tives des recours ont été mises à la poste sous un même pli recommandé; que, par l'une d'elles, le requérant poursuit l'annu­lation de la nomination de Ngulu Nkum­birwa comme chef de secteur pour le secteur des Wanianga, et, par l'autre, l'annulation de la décision qu'il infère que le commissaire de district a prise en lui répondant ce qui suit :

« J'ai examiné à Walikale la question des autorités de Luberike. Il ressort de cet examen que vous ne possédez aucun droit coutumier et qu'il est exclu que vous soyez reconnu comme grand notable du groupement de Lu­berike '>;

Considérant que le groupement de Lu­berike fait partie du secteur des Wanian­ga; que, en application de l'article 29 du décret du 5 décembre 1933, les chefs de secteur sont nommés par le commissaire de district «parmi les membres du con­seil de secteur, autant que possible d'a­près les préférences des membres du con­seil»;

qu'en vertu de la même disposition, les chefs coutumiers des groupem~nts font partie de droit des conseils de secteur et que le commissaire de district peut, en outre, désigner, pour être membres, les notables de chacun des groupements qui font partie du secteur; qu'il résulte de ces dispositions que les deux recours sont nécessairement liés;

Considérant que les recours ont été in­troduits et instruits contre les décisions d'une autorité administrative qui relevait, auand ces décisions ont été prises, de l'Etat dont la souveraineté s'étendait alors sur la Belgique et le Congo; qu'il est vrai que, après l'instruction de l'af­faire, la date de l'audience a· été notifiée le 7 septembre t960 à un commissaire de district relevant de la République du Congo; qu'à l'audience cependant, l'E'tat belge seul a comparu et a demandé à être mis hors cause;

Considérant qu'en vertu de la loi du t9 mai 1960, loi fondamentale relative aux structures du Congo, le Congo constitue, à partir du ter Juillet 19·60, un Etat indi­visible et démocratique; que cette loi a été mise en vigueur par l'arrêté royal du ter mai t~960, publié au Moniteur conrro­lais du 6 juin t960 et au Moniteur belge du ter décembre t960;

Considérant que le requérant, devenu de nationalité congolaise depuis le ter juillet t960, poursuit l'annulation d'actes qui ne peuvent plus recevoir d'exécution qu'au sein de l'administration de l'Etat congolais; qu'aucune disposition légale ne lui permet de se prévaloir encore à l'égard de la Belgique de l'habilitation qu'il aurait eue à une nomination de chef de secteur ou à la reconnaissance de sa qualité de grand notable d'un groupement de ce secteur; que sa requête n'a plus d'intérêt si l'arrêt du Conseil d'Etat n'est pas opposable aux autorités de la Répu­blique du Congo;

Page 9: YIER tfOIJRNU nmtJntJX - KU Leuven

Considérant qu'à partir du 1er juillet 1960, l'Etat congolais est substitué aux autorités qui, jusque là, gouvernaient cette partie du territoire sur la base de la loi sur le gouvernement du Congo belge du 18 octobre 190·8; que les auto­rités administratives qui relèvent de la République du Congo ont repris l'exer­cice des fonctions publiques dans l'état où les affaires se trouvaient juridique­ment établies en ce moment; que, lors­qu'un acte administratif était, à cette da­te, frappé d'un recours devant le Con­seil d'Etat, cet acte n'était pas définitif, et que, à moins d'une convention entre les deux Etats, c'était à partir de ce mo­ment, aux autorités administratives con­golaises à décider sur les contestations, et à la chambre d'administration de la Cour constitutionnelle, en cas de recours, à statuer;

.Considérant qu'il est vrai que l'article 25·3 de la loi fondamentale prévoit que le Conseil d'Etat de Belgique exerce, « se­lon la procédure qu'il détermine», la compétence de la chambre d'administra­tion de la Cour constitutionnelle, « en at­tendant que celle-:ci soit légalement· orga­nisée »; que, dans ces cas, le Conseil d'Etat de Belgique est saisi en tant qu'il exerce provisoirement la compétence de la Cour constitutionnelle, juridiction ad­ministrative congolaise; que, lorsqu'il s'agit de recours introduits avant le 30 juin 1960 contre des actes administratifs dont l'exécution ne relève plus que des autorités administratives du Congo, la bonne exécution de la loi fondamentale supposerait que ces actes soient déférés de plein droit à la chambre d'administra­tion de la ·Cour constitutionnelle dont le Conseil d'Etat exerce la compétence, mais que la République du Congo devient alors la partie adverse et doit être appelée à la cause, ainsi que les autorités administra­tives intéressées;

Considérant que, si la loi du 19 mai 1960 n'a pas été modifiée en Belgique et continue à y régir les rapports avec le Congo, le nouvel Etat, constitué dans les frontières que lui donnait l'article 6 de cette loi, se prévalant des prérogatives de pays souverain, a rompu les relations di­plomatiques avec la Belgique, et que les circonstances sont telles qu'il est impos­sible de savoir, dans les diverses parties du Congo, quelles sont celles des disposi­tions de cette loi qui y reçoivent encore leur application;

~Considérant que le Conseil d'Etat de Belgique n'exerce la compétence de la Gour constitutionnelle qu'autant qu'il est Juridiquement établi que celle-ci n'est pas légalement organisée au Congo conformé­ment aux articles 229, 2·30, 23:2 et 236 de la loi fondamentale, et qu'il ne peut déter­miner une procédure que s'il est en rap­ports réguliers et officiels avec le pou­voir exécutif congolais; que le Conseil d'Etat est, en ce moment, dans l'impos­sibilité d'exercer les fonctions prévues par l'article 2,5.3 de la loi fondamentale;

Considérant que, cependant, alors mê­me que l'examen et le jugement de cer­tains recours, antérieurs au 30 juin 1960·, exigent la mise en cause de la République du Congo et des autorités administratives qui en relèvent, la présence à la cause de l'Etat belge peut rester utile, ou néces­saire, pour assurer le dépôt des dossiers ou pour défendre adéquatement aux moyens invoqués;

Considérant qu'il n'y a donc lieu de statuer ni sur la mise hors cause de l'Etat belge, ni sur la recevabilité du recours, ni sur son fondement, tant qu'il n'est pas pourvu aux mesures d'exécution de la loi du 19 mai 1960; que l'inscription de ces affaires au rôle du Conseil d'Etat de Bel­gique, siégeant uniquement comme juri-

diction belge, ne se ·justifie pas et que, sans statuer sur les dépens, il convient d'en ordonner la radiation des registres dont la tenue est actuellement prescrite,

Décide :

Article unique. Les affaires portant les numéros A.

7584/III-2t949 et A. 7585/III-2950 sont rayées du rôle du Conseil d'Etat.

OBSERVATIONS. - L'arrêt semble admettre, au départ, que la loi fondamentale sur les structures du Congo (r) doit être interprétée ainsi: tous les recours tendant à l'annulation d'un acte des autorités du Con­go --,- c'est-à -dire tant des autorités coloniales belges que de celles de la République du Congo - sont de la compétence du Conseil d'Etat de Belgique, puis­que celui-ci a le pouvoir d'annuler d'une part les actes des autorités belges, en vertu de la loi du 23 dé­cembre r946, et d'autre part les actes des autorités administratives congolaises, en vertu des articles 236 eu 253 de la loi du r9 mai r96o.

Cette façon de voir nous semble erronée. Elle a conduit le Conseil 1 ~tat à une décision étrange et embarrassée (2).

A notre avis, la chambre d'administration de la Cour constitutionnelle du Congo a le pouvoir d'an­nuler les actes émanés des seules autorités adminis­tratives relevant du nouvel Etat congolais. Partant, le Conseil d'Etat de Belgique, auquel l'article 253 de la loi fondamentale confie provisoirement l'exercice des fonctions de la Cour constitutionnelle, ne trouve en aucune manière dans cette loi le pouvoir d'annu­ler, au nom de l'Etat congolais, un acte dont l'auteur est une autorité. belge.

Voici les arguments qui militent en faveur de notre thèse:

r) La loi fondamentale a été élaborée pour tenir lieu de constitution au nouvel Etat congolais, non pour jouer le rôle d'une convention belgo-congolaise sur la compétence des juridictions. Il est dès lors compréhensible que les questions de compétence ju­ridictionnelle nées de l'accession du Congo à l'indé­pendance soient malaisées à résoudre, et que les so­lutions auxquelles conduisent les principes généraux du droit sacrifient parfois des intérêts particuliers.

2) Le titre VI de la loi du r9 mai r96o, consacré à la Cour constitutionnelle, détermine manifestement le rôle de celle-ci, à l'égard des seules autorités du Congo indépendant.

3) L'article 236, § 2, dispose que la Cour statue par voie d'arrêts sur les recours en annulation formés << contre les actes et règlements des diverses autorités administratives, ou contre les décisions contentieuses administratives >>. Notons que le paragraphe rer du même article a trait aux avis en indemnisation .du préjudice exceptionnel «résultant d'une mesure prise ou ordonnée par l'Etat, la province, ou l'autorité lo­cale>>.

Or, l'article rer de la loi fondamentale énumère une série de vocables (dont le mot «Etat»), comme désignant, s'ils ne sont autrement précisés, des insti-

(r) Loi du 19 mai rg6o, art. 236 et 253.

(2) Il nous paraît inadmissible qu'une seule et même décision soit rendue à la fois au nom de l'Etat belge, par le Conseil d'Etat, organe belge, et au nom de l'Etat congolais, par le même Conseil d'Etat, orga­ne de la République du Congo. Or, l'arrêt contient une décision implicite de surséance à statuer (fondée sur la loi du r9 mai r96o), et une décision de radia­tion du rôle de la juridiction en tant qu'elle siège «uniquement comme juridiction belge>>.

Notons au surplus que la radiation du rôle est une mesure de procédure définitive, qui intervient dans des affaires considérées comme terminées.

(3) Voici en quels termes l'exposé des motifs de la loi (Doc. par!., Ch., r959-r96o, n° 489-r, p. 3) commente l'article rer :

« L'article rer apporte à la terminologie employée dans le présent projet, une précision rendue indis­pensable par le fait qu'une loi belge organise les structures fondamentales d'un Etat qui ne sera pas encore souverain lors de la promulgation de cette loi. D'autre part, cette disposition a également pour objet d'éviter toute confusion résultant de l'appel qui

9

tutions congolaises et les actes accomplis par elles (3). L'énumération doit être considérée, nous paraît-il,

comme exemplative.

4) Au surplus, et à supposer même que l'article 236, § 2, contrairement à toutes les dispositions du titre VI de la loi, entende par « les diverses autorit~s administratives >> les autorités coloniales belges aussi bien que celles ·de la République du Congo, il fau­drait admettre que cette attribution de compétence faite par une loi belge à une juridiction étrangère aurait par le fait même opéré, dans la même mesure, retrait de compétence au détriment du Conseil d'Etat de Belgique. Solution contredite par plusieurs arrêts relatifs aux agents d'Afrique.

* ** Cela étant, le Conseil d'Etat, organe belge, est

demeuré saisi des recours introduits avant le 30 juin rg6o contre les actes émanés des autorités du Congo belge; par ailleurs, c'est devant lui que devaient être introduits, même après· le 29 juin r96o, les recours mus en raison d'actes desdites autorités.

Cela n'est pas à dire que la haute juridiction ad­ministrative ait conservé en tout cas le pouvoir d'an­nuler ces actes. L'affaire Mahamba est un exemple du contraire.

En l'espèce, la solution correcte aurait été selon nous, un arrêt rendu suivant la loi du 23 décembre r94·6, et dont les motifs auraient constaté l'incompé­tence du Conseil d'Etat pour annuler la mesure atta­quée.

L'incompétence de la juridiction résultant d'une cause apparue postérieurement à l'introduction du recours, celui-ci n'aurait cependant été ni déclaré irre­cevable, ni rejeté. La juridiction se serait bornée comme il est de tradition (4) à constater l'impossi­bilité où elle se trouvait de connaître du fond de l'affaire, en prononçant le «non-lieu à statuer>>, les dépens étant mis à charge de l'Etat belge.

J. FoRTPIED.

Bruxelles, 31 mai 1961. Siég.: MM. MINEUR, prés.; GILLAIN et CANIVET,

cons. Min. publ. : M. CouTURIER, av. gén. Plaid.: MMes GEHAIN et RoussEAU.

(Van Hove J. c. Dieu Ch., partie civile)

ESCROQUERIE. - Usage d'une fausse qualité. - But de tromper autrui. - Cause déterminante de la remise de fonds. - Eta­blissement de la prévention.

L'usage de la fausse qualité de pro­priétaire est un mode d'escroquerie au sens de l'article 496 du Code pénal, dès que cette qualité est prise en vue de tromper autrui et a été. la cause déter­minante de la remise de fonds ou . de valeurs.

Attendu que les appels, réguliers en la forme, ont été introduits dans les dé­lais légaux;

Au pénal: Attendu qu'il est établi non seulement

par les déclarations de la partie civile, mais aussi par le témoignage du sieur Plennevaux, que le prévenu s'est déclaré propriétaire de la voiture appartenant à son père, lorsqu'il a offert celle-ci en vente à la partie civile; .qu'à cet égard il est intéressant de relever qu'ayant auparavant tenté de vendre la même voiture au sieur Morant, il avait égale­ment pris vis-à-vis de celui-ci la fausse qualité de propriétaire;

est fait tantôt à un acte ou à une institution congo­laise, tantôt à une acte ou à une institution belge>>·

(4) Voir Rec. pér. Dalloz, 1872, r, 53; Pand. fr., V0 Als.-Lorr., n° 359; - Cass. fr., ro nov. 1872, Rec. pér. Dalloz, r, 458; - C.E. fr., r3 mars r872, Rec. pér. Dalloz, r872, y 58; - C.E. fr., 24 janv. r873, Rec. Lebon, p. 95; - C.E. fr., I4 févr. r873, Rec. Lebon, p. r72.

,\

Page 10: YIER tfOIJRNU nmtJntJX - KU Leuven

10

Attendu qu'il est d'autre · part exact que le prévenu a exhibé à la partie ci­vile, d'une part sa carte d'identité où figurait son prénom de Jean-Pierre, d'autre part les documents relatifs à la voiture établis au nom de son père, le­quel est prénommé Henri, et que, par conséquent, si la partie civile avait été plus lattenitve, elle aurait pu déduire de la discordance entre les prénoms et les domiciles, que le prévenu n'était pas le propriétaire de l'auto; qu'en tous cas, elle eût été amenée à demander au pré­venu des explications à ce sujet;

Attendu qu'il est cependant évident que, payant d'audace, le prévenu, qui s'était fait présenter à la partie civile par le sieur Plennevaux qui connaissait bien celle-ci, a spéculé sur la confian­ce qu'il comptait inspirer à ladite par­tie civile, laquelle n'aurait dès lors vrai­semblablement pas son attention attirée par la différence des prénoms et. des adresses figurant sur les divers docu­ments produits, lesquels mentionnaient d'autre part le même patronyme;

Attendu que si l'on ne peut paradoxa­lement considérer que cette manœuvre, malgré qu'elle ait effectivement contri­bué à tromper la partie civile, a un ca­ractère frauduleux, on ne peut par ail­leurs en déduire, comme prétend le fai­re le prévenu, que tout en affirmant mensongèrement qu'il était le proprié­taire de la voiture offerte en vente, le prévenu n'aurait cependant pas pris cette fausse qualité;

Attendu que la prévention est donc établie; qu'en effet l'usage d'une fausse qualité est un mode d'escroquerie au sens de l'article 496 du Code pénal, dès que cette 1qualité a été prise en vue de minante de la remise de fonds ou de va­tromper autrui et a été la cause déter­leurs (Cass., 12 juin 1944, Pas., 1, 378; - 16 déc. 1957, Pas., 19r58, 1, 915); com­me c'est le cas en l'espèce;

Attendu qu'eu égard aux antécédents du prévenu, dont la responsabilité doit aussi être appréciée en tenant compte des milieux social et familial auxquels il appartient, la condamnation précisée au dispositif ci-après constituera la me­sure d'une exacte répression;

Au civil : Attendu que le préjudice subi par la

partie civile à la suite des agissements du prévenu peut être évalué ex œquo et bono à la somme totale de 40.000 francs.

Par ces motifs : LA CouR,

Statuant contradictoirement; Vu les articles 11, 12, 16, 2r4, 31, 32,

34 à 37, 41 de la loi du 15 juin 1935, 14.0 de la loi du 18 juin 1869 modifiée

par celle du 4 septembre 1891, 38, 39, 40, 44, 4916 du Code pénal, 1 et 3 de la loi du 5 mars 19;52, 66, 162, r19r4 et 211 du Gode d'instruc-

tion criminelle, 3 et 4 de la loi du 17 avril 1878, 1382 du Code civil; Reçoit les appels; Met à néant le jugement a quo; Emendant et statuant à l'unanimité; Condamne le prévenu à un empri-

sonnement de ... mois et à une amende de . . . francs, portée par majoration de 190 décimes· à la somme de .... 000 francs, qui, à défaut de paiement dans le délai légal, pourra être remplacée par un emprisonnement subsidiaire de ... mois.

Le condamne en outre aux frais des deux instances envers la partie publi­que taxés en totalité à ...

Et, statuant quant à l'action de la partie civile, condamne le prévenu à payer à celle-ci la somme de 40.000 francs, ensemble les intérêts compensa­toires à dater du 12 février 19r6, les in­térêts judiciaires à partir de sa consti­tution, et les dépens des deux instances afférents à cette action. Fixe la con­trainte par corps aux fins de garantir le paiement des susdites sommes à la par­tie civile à une durée de ... mois.

Civ. Gand (Ire ch.), 27 juin 1961. Siég.: MM. SERCK, prés.; VAN BEVER et ÙE WuLF,

cons. Plaid. : MMes DE CALUWÉ (du barreau de Bruxelles),

LAGAE et STALs.

(Auxifina c. Ville de Gand et Dewi/de; Ville de

Gand c. Dewi/de)

RESPONSABILITE DES COMMUNES. -Décret de vendémiaire. - Causes d'exoné­ration. - Déclaration souscrite par l'orga­nisateur de la manifestation. - Nullité.

En dehors du cas de l'article 8, titre IV, du décret du 10 vendémiaire, an IV, une commune ne peut s'exonérer de sa responsabilité légalement présumée qu'en fournissant la double preuve que ses ha­bitants n'ont pris aucune part aux at­troupements et qu'elle ·a pris les mesu­res nécessaires à l'effet de prévenir l'émeute et le dommage et d'en identifier les auteurs.

Le but de ce décret est d'assurer la tranquillité du public et la sécurité des personnes et des biens. En imposant aux communes la réparation du dommage oc­casionné à la suite d'attroupements, le but manifestt>ment recherché fut d'inci­ter les corr unes et leurs citoyens à prendre tor.. les mesures de prévention exigées.

Ce but ne serait plus atteint si les communes, fût-ce même sous la forme d'une condition mise à l'octroi d'une au­torisation de manifester, pouvaient con­venir avec un tiers qu'il garantira la commune contre tout dommage.

L'obligation rsouscrite par l'organis·a­teur d'une manifestation en tant qu'elle a pour objet d'exonérer la ville de sa res­ponsabilité fondée sur le décret du 10 vendémiaire an IV, est en opposz'tion avec l'ordre public et est par conséquent nulle.

(Traduction)

Attendu que pendant urne manifestàtion organirsée à Gand le 26 novembre 1959 par le Katoliek Vlaams Hoogstudenten­ve·rbond, une vitre du bureau de Œa de­manderessre a été cassée par les mani­festants;

Que cette manirfestation eut lieu avec l'autorisation du bourgmestr·e rde Gand, qui cependant avait antérireurement fait signer par le ip·résident de l'association p·récitée une déclaration par laquelle ceilui-ci prenait sur lui de garantir la viale « contre toutes actions du .chef de dé­gâts aux rpersonnes et aux biens occa­sionnées dans le cours et à l'oc·casion » de la manifes,tation litigi·euse;

Attendu que la demanderesse agit en dommages e:t intérêts ·aussi bien contre la ville de Gand que contre l:e président de l'association esrtudiantine citée ci­dessus. pendant que ce dernier est aussi assigné en garantie par sa codéf.ende­re·ssre;

Attendu ·que les deux causes doivent être Jointes comme connexes;

Attendu qu'alors que l'action contre la viUe de Gand eSrt manifestement fondée

sur .le décret du 10 vend-émiaire an IV, le défendeur De Wilde est assigné, d'abord sur la base de l'article 1382 du Gode civil à ·raison de sün p:rét,endu manquement p·ersonnel à son obligation de veiller à ce qu'il ne soit pas occasionné de dom­mages par les manifestants, ensuite sur basre de Ira stipulation pour autrui que la demanderesse .prétend trouver dans les décJlarations p,récitèes, et, enfin, en ordre subsidiair·e, sur base dre l'article 1166 du Gode civi1l, à la rplace de la ville de Gand, sa débitrice, 1pour autant que celle-ci puisse trouver dans cettre décla­ration un droit à l'égard du défend·eur;

Attendu qu'aucun des défen.d.eurs ne conteste lre montant du dédommagement, soit 13.023 F, maris que tous deux re­j-ettent toute responsabiliité;

En ce qui concerne l'action dirigée con­tre la ville de Gand : Attendu que cette dernière prétend

qu'·elle ne peut pas être tenue pour res­ponsable, d'une rpart, parce ,qu'elle a pris toutes les mesures de sécurité nécess,ai­res arfin de prév·enir les troubles et dé­gâts et, d'autre :part, ;par:ce qu'·elle a fait connaître à l·a demanderesse l'auteur, ou à tout rl•e moins celui ·qui ra pris sur lui la rersponsabiHté du dommage, c'·est-à~dire le défendeur;

AUend'u, en ce qui conrcernre ce der­niell" point, que la défenderessre invoque ainsi à tort les dispositions de l'article 8, titre IV, du décret du 10 vendémiake, an IV, qui conc·erne uniquement la des­truction des ponts et des routes;

Qu'·en vertu du caractèr·e restrictif des dispositions dre ·ce décret, les conditions posées ·en cet ·article 8 poull" !'·exonéra­tion de res;ponsabHité ne valernt pas pour les autres ca's dre d·estruction ou de, dté­gâts;

Attendu ensuirte qu'en dehors du cas de l'artircle 8, titre IV, une commune 111e peUJt s'·exonérer de ·Sa T'esponsabiHté ilé­galement présumé·e qu'en fournissant une double p·reuve : que ses habitants n'ont pris aucune part aux attrolllp:emenrts et, en outre, qu'eUe .a rp·ris les mesures né­cessaires à l'effet de p(l'évenill" l'émeute et le dommage et d'identifier les auteuii's (R.P.D.B., v"' Responsabilité, n .. 1404; -Novelles, Droit civil, t. V, vol. 1, v" Causes de responsabilité, :n.., 1519; -Ronse, De Aansprakelijkheid der ge­meente wegens schade aangericht ten­gevolge van samenscholingen, nr 115 et ss.);

Attendu qu'en l'espèce il n'rest même pas prétendu, et d'aiHeull"s qu'il ne ré­suUe pas des données du dos.s:irer, que les manifestants étaient étrangers à la villie, ou à tout l·e moins qu·e seuls certains d'entre ·eux avaient Œeur domicirlre dans la ville;

Alttendu que, la déf:ende~esse ne peut ainsi faire v-aloir aucun mot1irf d'·exoné­ration de sa resiponsabilité, ·et .pourr [e sul'lplus qu'il n'est pas contesté que les conditions d'.ap·plication du déc·ret du 10 vendémiaire, an IV, sont ll"emplies; que ~'action dirigée cont!l'e elrle est fondée;

Quant à l'action et à l'action en garan-tie dirigées_ contre le défendeur : Attendu qu'il n'est !pas suffisamment

p·rouvé que l·e déf·endeur aurait commis une faute personneHe en rap,port avec les troubles et les dommages occa,sion­nés; qu'en ef:f:et cette faute ne peut être déduitre du simple fait qu'à .t·rois endroits différents des vitlres ont été rcas·srées; qu'ensQ.ite les soi .. disant dis,cours incen­diaires, qui d'ailŒeurs n'ont ·pas été tenus par le défendeur, n'étaient quand même pas de nature à être comprris par les étu-

Page 11: YIER tfOIJRNU nmtJntJX - KU Leuven

diants comme une instigation à trouble'r l'ordre et à provoquer des dégâts aux bi,ens privés;

Attendu pour le surplus qu'aussi hien l'action que faction en g.arantie sont fondées sur la déclaration prémention­née signée par le défendeur;

Attendu, comme ce dernier l'observe à juste titre, que l'obligation souscrite en cellà par lui en tant qu'·eUe a pour objet d'exoné~er la viUe de 'Sa ·re&ponsabilité fondée 'SUr le décret du 10 vendémiaire an IV, est en oprposi:tion avec !'.ordre rpu­bHc et est par conséquent nuUe;

Attendu en ref.fet que le but de ce dé­cret, ·qui aprparHent au droit public, est quand même ~en d-éfinitive d'assur.e·r la tranquiHité publique et la sécurité des personnes -et des Mens (voir conclusions du procureur général Mesdach de ter Kieile, 1887, 1, 62; - Rons,e, ibid., nr 31 et 40);

Attendu qu'·en imposamt aux ·commu­nes la réparation du dommage occasion­né à Ja suite d'attroup-ements, le but ma­nifestement recherché fut d'inciter c.es dernières et leurs citoye1ns à prendre tou­tes les mesures de prévention exigées (Cass., 3 .févr. 1887, Pas., ibid.);

Att·endu .qu'il va de soi que ce but ne serait pas aUeint si les communes, fut-ce même •sous la forme d'une condition mise à l'octroi d'une autorisation de mani­fester, pouvaient convenir avec un tiers qu'i~ garantka la ·commune contre ce dommage;

Attendu qu'ilrrésulte de 'c'e qui p·I'Iécède que l'action dirigée contre le défendeur de même que l'action en garanti·e ne sont pas .fondées.

Corr. Liège ( 9e ch.), 26 juin 1961.

Siég.: MM. J. FRÉDÉRICQ, juge, ff. prés.; C. FRAI· PONT et P. PETIT, juges.

Min. publ. : M. BAcQUELAINE, subst. proc. Roi. Plaid. : MMe" PENELLE, SERESSIA et. J. RAYMOND.

(Proc. Roi c. Dubois et cons.)

ROULAGE. - INFRACTION. - PER­SONNE CIVILEMENT RESPONSABLE. Mari. - Assimilation. - Fondement. Présomption c juris et de jure.».

La raison d'assimiler le mari pour les infractions de roulage commises par sa femme aux personnes civilement respon­sables selon l'article 138ft. ne réside pas dans une présomption de faute pour manque de surveilla[lce, mais dans l'idée de la -communauté d'intérêts financiers existant entre les époux et le fait que dans la majorité des cas, la solvabilité personnelle de l'épouse est restreinte ou inexistante.

Il en découle que le mari ne peut se dégager de sa responsabilité civile en fai­sant valoir qu'il n'a pu empêcher sa femme de commettre l'infraction; la responsabilité encourue· par lui doit être considérée comme dérivant d'une pré­somption juris et de jure.

Vu l'expédition du jugement a quo rendu le 11 janvier 1961 par le tribunal de police de Liège;

les appels interjetés par M. le procureur du Roi, par Dejardin et par Defourny;

les conclusions déposées par Dubois et par Defourny;

Attendu que la procédure est régulière;

1. Quant aux actions publiques et aux actions civiles mues contre Dejardin et contre Defourny:

Attendu que le premier juge a saine­ment apprécié les faits de la cause par de judicieux motifs que le tribunal dé-

clare adopter et fait une juste applica­tion de la loi;

que einstruction faite en degré d'appel et les arguments y développés de part et d'autre n'ont apporté aucun élément nou­veau susceptible de modifier sa décision;

Qu'il est acquis en effet que Dejardin a commis les infractions qui lui sont re­prochées et qui sont en lien direct avec les conséquences dommageables de l'ac­cident; que d'autre part aucune infrac­tion ni faute n'est établie à suffisance à charge de Dubois;

II. Quant à la responsabilité civile de Defourny Lambert en tant qu'époux de Dejardin · Alberte, contestée par ce der­nier :

Attendu que l'article 6 de la loi du 1er août 1899 régissant les infractions en matière de roulage est rédigé comme suit :

«Les personnes civilement responsa­bles aux termes de l'article 1384 du 'Code civil des dommages-intérêts et frais, le sont également de l'amende. Le mari leur est assimilé quant aux infractions com­mises par sa femme ».

Attendu que la seule lecture de ce texte fait apparaître tout naturellement que le législateur a voulu que le mari soit sou­mis, quant aux infractions de roulage commises par sa femme, aux mêmes obli­gations que ceux qui sont civilement res­ponsables aux termes de l'article 1384 des personnes pour lesquelles ils doivent répondre;

Que cependant, si cette interprétation est généralement admise, une partie de la jurisprudence et de la doctrine estime que l'assimilation du mari aux civilement responsables de l'article 1384 ne con­cerne que le paiement de l'amende et des frais et non les dommages-intérêts;

Attendu que s'il est vrai qu'une loi d'exception doit être interprétée restric­tivement, l'examen approfondi de la ter­minologie employée dans les deux phra­ses de l'article 6 ne paraît pas pouvoir permettre pareille restriction;

Que, si le législateur avait voulu rendre le mari uniquement responsable des amendes infligées à sa femme, il aurait logiquement dû rédiger l'article comme suit : <<les personnes civilement respon­sables aux termes de l'article 1384 du Code civil, des dommages-intérêts et des frais le sont également des amendes. Le mari est assimilé pour les amendes quant aux infractions commises par sa femme»;

Qu'en étant rédigé comme il l'est, l'ar­ticle 6 paraît bien avoir pour îbjet :

1) de rendre les personnes _ i CIVI-

lement responsables aux termes de l'ar- ' ticle 1384 du Code civil des dommages­intérêts et frais encourus par les auteurs d'infraction de roulage, responsables également des amendes infligées à ceux­ci;

2·) de ranger parmi les civilement res­ponsables le mari en ce qui concerne les infractions de roulage commises par sa femme;

Attendu que l'examen des travaux pré­paratoires à la loi (Exposé des Motifs et rapport à la Commission centrait>-- de la Chambre) démontre d'ailleurs l'intention du législateur de faire partager au mari les conséquences tant civiles que pénales des infractions de roulage commises par sa femme;

qu'il y est dit in expressis verbis que l'on s'est accordé pour imposer au mari la responsabilité civile de sa femme con­formément à ce qui existe au Code fores­tier (art. 171 à 173) dont les termes rédi­gés différemment ne peuvent donner pri­se à aucune équivoque ('Corr. Liège, 27

Il

oct. 19'22, Rev. Dr. P., 192·3, p. 480; -Corr. Charleroi, ter oct. 1954, J. T., 1955, p. 21; - Civ. Anvers, 6 juin 1951, J. T., 1953, p. 5,2.);

Attendu que si l'on recherche la raison d'assimiler le mari pour les infractions de roulage commises par sa femme aux personnes civilement responsables selon l'article 1384, cette raison ne réside pas dans une présomption de faute pour manque de surveillance comme elle l'est vis-à-vis des parents et des instituteurs, mais plutôt dans l'idée de la communauté d'intérêts financiers existant entre les époux et le fait que dans la majorité des cas, la solvabilité personnelle de l'épouse est restreinte ou inexistante;

que la loi a voulu que le paiement tant des amendes que des réparations aux vic­times ne patissent pas de ce manque de solvabilité de l'épouse alors que son époux est solvable;

Que ces raisons se rapprochent de cel­les qui ont rendu le commettant civile­ment responsable de son préposé;

qu'il en découle que comme pour ce­lui-ci, le mari ne peut se dégager de sa responsabilité civile en faisant valoir qu'il n'a pu empêcher sa femme de com­mettre l'infraction;

que la responsabilité encourue par lui doit, comme pour le commettant, être considérée comme dérivant d'une pré­somption juris et de jure;

Attendu que Defourny prétend toute­fois que l'article 6 serait abrogé tacite­ment depuis l'entrée en vigueur de la loi du 30 avril 1958 qui a supprimé l'inca­pacité juridique de la femme mariée et l'obligation d'obéir à son mari;

Attendu qu'il a déjà été dit plus haut que la raison de la responsabilité du mari n'était pas liée spécialement à l'exercice de son autorité maritale, mais bien plutôt à la communauté des intérêts financiers et à la solvabilité souvent restreinte ou inexistante de l'épouse;

que de plus, les nombreuses abroga­tions prescrites par la loi du 301 avril 1958 révèlent chez le législateur une telle vo­lonté de mettre en concordance les lois existantes et la nouvelle qu'elle ne laisse plus place à une volonté tacite d'abroga­tion (voir plusieurs décisiqns rendues en 1961 par la 6'e chambre et la ge chambre du tribunal correctionnel de Liège) ;

que si l'application de l'article 6 déro­geant au droit commun pour une seule catégorie d'infractions, peut entraîner dans certains cas des anomalies et des iniquités juridiques, elle est de nature à sauvegarder souvent l'indemnisation des victimes et la récupération des frais et amendes;

que l'article n'étant pas abrogé, doit produire ses effets en la présente cause;

Par ces motifs : Vu les articles visés au jugement a quo; Vu en outre les articles 17·2 à 215. du

Code d'instruction criminelle, 6·5, 418, 4120 du Code pénal; article ter de la loi du 25 octobre 1950, 1, 11, 12, 14, 24, 3.1, 34 à 37, 41 de la loi du 15 juin 19135;

LE TRIBUNAL,

Statuant en degré d'appel, contradic­toirement;

Rejetant comme non fondées toutes conclusions contraires;

Reçoit les appels et les déclare non fondés;

Confirme le jugement attaqué dans tou­tes ses dispositions;

Condamne Dejardin et Defourny aux frais et dépens en degré d'appel, frais d'appel liquidés en totalité envers la par­tie publique à la somme de 368 francs.

Page 12: YIER tfOIJRNU nmtJntJX - KU Leuven

12

NOTES DE PROCEDURE CIVILE

Jurisprudence de la Cour d'appel de Bruxelles

Action indivisible. - Appels inter­jetés, l'un en teinps utile contre cer­taines parties, l'autre hors délai con· tre les autres. - Quid de la receva­bilité de l'un et l'autre de ces appels ?

I. - Par arrêt du 24 octobre 1945 (signalé, avec une note d'observations, dans nos Notes de procédure civile du du 24 mars 1946), la 2~ chambre a déclaré que lorsque le litige est constitué par une action de nature indivi­sible, il est de règle que l'appel interjeté en temps utile par l'un des intéressés profite à ceux qui n'ont appelé qu'après l'expiration du délai, et que le caractère indivisible de l'action, ne pouvant se concevoir sans la présence de tous les intéressés, a fait admet­tre qu'il s'établissait entre tous ceux qui ont des intérêts communs en pareille matière une sorte de représentation réciproque qui justifie cette règle

L'arrêt poursuit : «Attendu que cela étant, on n'aperçoit pas la raison pour la­quelle ne pourrait se réclamer de cette mê­me règle, l'appelant qui a intimé dans le délai régulier ·certaines parties et signifié ainsi de façon non équivoque son intention d'en appeler vis-à-vis de toutes lorsqu'il a effectivement mis toutes les parties en cause avant que la décision n'intervienne »

Et la Cour décide qu'en matière indivisi­ble l'appel interjeté en temps voulu contre certaines parties valide l'appel formé hors délai contre les autres.

II. - La 3e chamb11e, par arrêt du 26 mai 1951, a admis la thèse de l'arrêt du 24 oc­tobre 1945.

III. - Le même problème de recevabilité d'appel s'est posé dans un litige soumis à la 10e chambre (siég. : MM. Michielssens, pré­sident; Dellois ·et de la Vallée Poussin, con­seillers; Verhoeven, avocat général) qui l'a résolu le 29 septembre 196.1 par la motiva­tion qui va suim-e, en sens contraire des deux décisions que nous venons de rappeler.

«Attendu que l'appel signifié le 10 août 1960 aux intimés Grégoire et Alexandre D. est tardif; qu'il doit être déclaré d'office non recevable; que sa non-recevabilité entraîne

. celle des appels signifiés en temps utile aux autres intimés; que le litige est indivisible entre les parties intimées; que lorsque le li­tige est indivisible, l'appel n'est recevable que s'il est dirigé contre toutes les parties ayant un intérêt opposé à celui de l'appe­lant; que si l'auteur du recours, au lieu de le diriger contre toutes les parties qui ont défendu un intérêt opposé au sien, a laissé couler la décision en force de chose jugée au profit de certaines d'entre elles, il lui est impossible en raison de l'indivisibilité du li­tige, de remettre en discussion à l'égard des autres la question ainsi jugée (note sous Cass., 18 sept. 1947, Pas., 359, et Cass., 7 mars 1957, Pas .. 812). »

Obs. : Selon la jurisprudence nouvelle : dans le cas d'un litige de nature indivisi­ble, l'appel interjeté tardivement contre certaines parties en cause devant le premier juge est donc non recevable et son irreceva­bilité entraîne celle de l'appel interjeté en temps utile contre les autres parties.

La 108 chambre invoque l'arrêt de cassa­tion du 7 mars 1957 qui a décidé «qu'en ma­tière civile, lorsque le litige est indivisible, l'appel d'une partie doit, pour être receva­ble. être dirigé contre toutes les parties de-

vant le premier juge qui ont un intérêt op­posé à celui de l'appelant. »

Elle se réfère aussi à la note suivant l'ar­:r:êt de cassation du 18 septembre 1947 qui rappelle en effet ce principe.

Ce principe, l'arrêt d'aPIPel du 24 octobre 1945 ne l'a pas méconnu, mais il fait état de la règle (que rappelle également l'auteur de la note susdite) suivant laquelle, en matière indivisible, 1 'appel interjeté en temps utile par l'un des intéressés profite 1à ceux qui n'ont appelé qu'après l'expiration du délai légal mais avant que la décision n'inter­vienne - et il applique cette règle, par le considérant repris plus haut, au cas inverse, c'est-à-dire lorsque l'appelant n'a pas inter­jeté appel en temps utile contre tous ses « coïndivisaires ».

Action civile sur base d'une déci­sion pénale à laquelle le demandeur n'était pas en cause.- Irrecevabilité.

Les époux D. s'étaient portés parties ctvi­les au cours d'une instance pénale contre N. et V auxquels ils réclamaient la réparation du préjudiJce que ceux-ci leur auraient causé en leur occasionnant des coups ou blessures involontai11es.

Ils obtinrent réparation intégrale, mais à charge de V. seulement - N. étant acquitté - par un jugement devenu déf,initif à leur égard.

La cause correctionnelle ayant été portée en appel, N. fut condamné au pénal tandis qu'au dvil, V. ne fut plus reconnu respon­sable qu'" ~,...ncurrence de la moitié du dom­mruge.

Cela étaru;, les époux D. assignèrent N. devant le tribunal civil aux fins d'obtention de dommages-intérêts sur base des fautes dont la 1 ~our correctionnelle l'avait déclaré coupabld.

Par les motifs suivants, l'arrêt du 3 mars 1961 de la ~e chambre (siég. : MM. Weens, président; de Rasse et Walravens, conseil­lers; Sottiaux, avocat général) a déclaré non recevable l'action des époux D.;

« Àttendu que les époux D. n'ayant pas été parties en cause devant la Cour (cor­rectionnelle), le sort de leur action civile a été définitivement tranché par le tribunal correctionnel;

Attendu, en effet. que celui-ci, après avoir acquitté N. a, de manière implicite mais certaine, fondé sa décision d'incompétence à. l'égard des époux D. sur l'absence de con­damnation pénale à charge dudit N.;

Attendu que, en statuant ainsi, ce juge­ment a décidé, définitivement à l'égard des­dits époux D. que ne sont pas établies à charge de N. les infractions qui, suivànt ces époux, sont la cause du dommage dont ils demandent la réparation (cf. Cass., 11 avr. 1958, Pas., 1, 870);

Attendu que les intimés ne peuvent donc plus, dans une action portée devant la ju­ridiction civile, et dirigée contre l'appelant, soutenir que celui-ci avait commis ces in­tractions, ni fonder sur cette prétention une nouvelle demande de réparation du préjudice causé, selon eux, par ces infractions; que l'arrêt rendu au pénal sur l'action publique dirigée contre N. est étranger aux intérêts civils des actuels inUmés; qu'il ne peut jaire revivre une contestation définitivement tranchée entre les parties. à l'actuel procès, et n'intéressant que leurs intérêts civils.»

Enquête. - Reproche de témoins. - 1) Proposition valable après la déposition. - 2) Détective privé ayant agi gracieusement, par amitié ou pour payer une dette de reconnais­sance. - Reprochable.

L'article 270 du Code de procédure civile p1:1escrit que «les reproches seront proposés par la partie ou par son avoué avant la dé­position du témoin qui sera tenu de s'expli­quer sur tceux; ils seront circonstanciés et pertinents » et l'article 282 complète cette disposition comme suit : «Aucun reproche ne sera proposé après la déposition, s'il n'est justifié par écrit ».

Les chambres réunies de la Cour (siég. : MM. Senny, premier président; Misonne et Hanssens, présidents; Scarmure, Anne de Molina, Loir et Ligot, conseillers; baron van den Branden de Reeth, avocat général) ont eu à connaître notamment, ensuite d'un renvoi après cassation, de la validité d'un reproche au double point de vue de sa pro­position et de sa validité.

Quant au premier point, l'arrêt déclare ce qui suit :

«Attendu qu'aux termes de l'article 270 du Code de procédure civile, « les reproches » seront proposés par la partie ou par son » avoué avant la déposition du témoin qui » sera tenu de s'expliquer sur iceux»:

Attendu cependant que cette règle trouve un tempérament dans l'article 282 du même Code qui dispose «qu'aucun reproche » ne sera proposé après la déposition s'il » n'est justifié par écrit »;

Attendu que le procès-verbal de l'enquête peut constituer et constitue, en l'espèce, l'écrit exigé; que l'auteur du reproche n'a eu connaissance que par la déposition du té­moin de la cause du reproche (Rép. Dr. b., vo Enquête, nos 193 et 310; -Brux., 29 oct: 1955, Pas., 1956, 11, 94);

Attendu que le reproche proposé est, au surplus, suffisamment circonstancié;

Attendu qu'il est recevable. » Quant au second point, l'arrêt s'exprime

ainsi : «Attendu que D, qui reconnaît travailler

contre rémunération pour l'agence X (de police privée) affirme qu'en la présente cau­se, ·il n'a pas été rémunéré, mais qu'il a agi par sentiment d'amitié à l'égard d'un nom­mé V. (beau-frère de l'intimé) envers lequel il avait une dette morale;

Attendu que le juge du tond apprécie ,le reproche fondé sur l'intérêt que le témoin a à la contestation (Cass., 17 mai 1882, Pas,

.1883, 1, 240); Attendu que le témoignage est un mode

de preuve essentiellement subjectif; qu'il est trop sujet à caution pour l'admettre de qui fait profession d'en recueillir les éléments et qui peut avoir un intérêt soit matériel soit simplement moral à ce que ces éléments ser­vent la cause d'une des parties soit directe­ment soit même indirectement (Brux., 28 nov 1951, J T., 1953, p .. 105; Rép. Dr. B., voo Enquête, n·os 391 et 411 in fine); qu'à suppo­ser qu'il soit exact que D. ait simplement voulu payer une dette de reconnaissance à son ami V. (beau-frère de l'intimé), il n'en est pas moins vrai qu'en exerçant sa pro­fession de détective privé, même gracieuse­ment et pour complaire audit V .• il n'était pas indépendant et avait intérêt à rapporter à la cause des éléments propres à satisfaire son bienfaiteur et indirectement ainsi (•ac­tuel intimé;

Attendu qu'il y a lieu, en conséquence, d'accueillir le reproche proposé en le décla­rant fondé et d'écarter des débats la déposi­tion du témoin ainsi reproché. »

Mesure d'instruction. - Injonction à un tiers de produire à la Cour, par

\

Page 13: YIER tfOIJRNU nmtJntJX - KU Leuven

écrit, dans un délai déterminé, des pièces et renseignements.

Statuant sur requête de l'épouse S-D., le président du tribunal, jugeant en vertu de l'article 214j du Code ci'Vil, avait décidé, le 3 mars 1966, que jusqu'à décision nouvelle ou accord des parties, demeurerait bloqué un compte-dépôt en banque inscrit au nom du mari.

Dans la suite, par une ordonnance du 1er juin 1956, le même magistrat, statuant sur les mesures provisoires auxquelles donnait lieu une demande en divorce de l'é!Pouse S-D, condamnait le conjoint de celle-ci au paie­ment d'une provision alimentaire.

Cette décision était coulée en fol'ICe de chose jugée, lorsque, le 8 février 1957, assi­gnation était donnée par l'époux à l'épouse, toujours devant le même magistrat, {(aux fins d'entendre dire qu'il sera déchargé de

LA ViE

liU

ALAiS Appel d' Mrique.

Le bâtonnier du barreau de Bruxelles a reçu le 31 décembre 1961 le télégramme suivant:

Elisabethville 379 590 27 1H5 via Belradio. 1\[:lpel des magistrats, des avocats et le per­

sonne! au service de la justice réunis à Elisa­bethville le 26 décembre 1961 lendemain de Noël font appel à leurs collègues du monde entier et leur font remarquer :

Que l'Organisation des Nations Unies est le seul organisme agissant comme un Etat -allant. jusqu',à mener des guerres sanglantes­dont les pouvoirs exécutif et législatif échap­pent en théorie et en pratique dans leur ac­tion à tous contrôles et sanctions judiciaires;

Que depuis de nombreux mois des exactions mineures comme les crimes les plus graves contre l'humanité sanctionnés judiciairement à l'issue du dernier conflit mondial ont été reprochés publiquement et de façon précise à des membres de l'Organisation des Nations Unies au Congo;

Que forte de son immunité, celle-ci a tou­jours étou:Effé ces faits;

Que les crimes contre l'humanité dont ils ont été témoins :à Elisabethville en septembre et en décembre 1961 et rapportés fort par­tiellement par la presse mondiale sont tels que leur impunité mettrait en cause la mo­ralité internationale elle-même et l'avenir de l'humanité et de la Paix;

Que cette cause dépasse le cadre katangais ou celui des représailles populaires contre la puissance coloniale;

Que l'étendue de ces crimes met en cause la direction suprême et la conception même qui ont présidé aux opérations de l'Organisa­tion des Nations Unies au Congo;

Que cet organisme juge et partiè n'est pas à même d'enquêter et de sanctionner avec impartialité ·ses propres agissements et d'in­demniser avec équité ses victimes;

Qu'ils constatent d'ailleurs que par des communiqués, des pressions directes ou indi­rectes sur les témoins terrorisés, des camou­flages et mises en scène comme celle qui en­toure l'enquête sur la mort de Monsieur Oli-

*-Secrétaire très au coul"iant travaux avo­cats et experts-comptables, effectue à domi­ciLe toutes copies dactylo, rapports, bilans, etc. Téléphoner 74.09.46.

toute obligation alimentaire et de paiement d'une provision alimentaire jusqu'au jour où son état de santé lui permettra de repren­dre une occupation lucrative, et à entendre ordonner que son compte « carnet de ahè­ques » chez la Banque X sera remis à son entière disposition».

Une troisième ordonnance intervint le 2 mars 1957.

Saisie du recours du mari, contre cette der­nière décision, la 13e chambre spéciale (siég. : MM. Mineur, président; Gillain et Walravens, conseillers; Meeus, substitut du procureur général) a rendu le 29 juin 1959 un arrêt par lequel, avant de statuer sur le mérite de l'appel, elle «ordonne à la sooiété S. du C. à H. G. et à la société les G. B. du C. de fournir à la Cour, par écrit, avant le 15 septembre 1959, toutes pièces comptables ou extraits de pièces comptables de nature à établir le montant, la date, ainsi que le ou

vet, délégué de la Croix-Rouge Internationale à Elisabethville, l'Organisat.ion des Nations Unies au Congo met tout en œuvre pour masquer la réalité des faits;

Que les enquêtes menées par les magistrats locaux avec toutes les garanties d'une procé­dure régulière et celles de la Groix-Rouge Katangaise seront d'office taxées de partia­lité;

Que d'ailleurs ces autorités ne possèdent pas le pouvoir d'investigation auprès de l'Or­ganisation des Nations Unies au Congo elle­même qui dè}à retire des acteurs du théâtre des faits;

Que dans S( _.~ropres enquêtes l'Organisa­tion des Na tic.~ Unies au Congo ne respecte pas les principes les plus élémentaires admis dans tous les (pays civilisés;

Que notamment l'Organisation des Nations Unies arrête et met au secret des individus sans qu'aucun mandat ni ohef d'inculpation ne leur soient signifiés; provoque à la dé­nonciation; soumet à la torture morale les té­moins et les gens qu'elle arrête; ne dresse au­cun procès-verbal des arrestations, des inter­rogatoires, des détentions, des transferts . et des élargissements; arrête des enfants en bas âge; refuse l'intervention de tout conseil et même des consuls;

Par ces motifs : Les magistrats, les avocats et le personnel

au service de la justice conjurent leurs collè­gues du monde entier de faire pression sur leurs gouvernements respectifs pour que de toute urgence une commission internationale d'enquête aux pouvoirs les plus étendus et d'une impartialité garantie soit instituée pour élucider sans faiblesse et sans réticence les crimes commis par certains membres de l'Organisation des Nations Unies au Congo, notamment au Katanga, depuis de nombreux mois et particulièrement depuis septembre 1961;

Que cette commission soit le permier pas vers une sanction pénale et civile adéquate à ces agissements au nom de la justice de l'humanité et notamment des enfants, fem­mes et vieillards assassinés à Elisabethville et à Shinkolobwe.

*-A vendre : 1) Collection du « Moniteur belge», partie « Lois et arrêtés», de 1914 à 1940, sauf les années 1916 - 1917 et 1918, soit au total 25,5, volumes. 2) «Moniteur belge», Annexes de 1873 à 1927, soit 170 volumes reliés en toile noire, étiquette rouge, lettres dorées; 233 volumes de 1928 à 1940,, brochés au fil métallique, dos toile, couverture carton CL. -Faire offre par écrit. au Bureau du Journal.

13

les bénéficiaires des paiements e!fectués par elles du chef de travaux et fournitures faits à leur profit par l'appelant ou à son inter­vention depuis le 1er janvier 1955 jusqu'à ce jour.»

Obs. : On voudra bien nous excuser de si­gnaler . tardivement cet arrêt, dont nous n'avons eu que récemment connaissailiCe. Il est d'un grand intérêt, car la mesure d'in­struction particulière qu'il décrète (action ad exhibendum à l'égard d'un tiers) n'avait jamais, croyons-nous, été prescrite ni con­firmée antérieurement par la Cour, en pareil cas. Sur le pouvoir de la juridiction saisie d'ordonner, même d'office, aux parties, la production de documents qu'elles possèdent et qui sont jugés nécessaires pour la solution du lit:Lge, voy Cass, 20 juin 1961 et la note Ch. Van Reepinghen, J. T., 1961, 509.

Georges LERMUSIAUX.

«Droit aérien et droit de l'espace». Me Ivan Hirch a, le 16 décembre, introduit

M. Max Litvine, chargé du cours de droit aérien à l'Université libre de Bruxelles, à la tribune de la section de ·droit congo­lais, maritime et aérien de la Conférence du Jeune Barreau de Bruxelles.

Le droit aérien et le droit de l'espace posent d'abord un problème de terminologie.

Si l'on retrouve parmi les premières concep­tions de l'espace aérien celle correspondant notamment au «domaine des oiseaux», l'on y retrouve aussi le droit aérien considéré comme le pendant logique du droit maritime.

Le droit aérien est considéré tantôt comme l'ensemble des règles :régissant des rapports juridiques naissant de l'air, tantôt comme l'ensemble d( s règles régissant le milieu aérien. Mais qu'est- ~e que le milieu aérien ? On ne peut perdre de vue que le droit aérien comme d'ailleurs le droit maritime est un microcosme. L'objet en est les activités qu'il recouvre et une définition du droit aérien ne peut être fondée sur le milieu mais bien plutôt sur le moyen utilisé. Et Maurice Lemoine définit ainsi

*-Désirons acheter collection complète du Journal des Tribu.naux depuis 1 'origine. Faire offre au Bureau du Journal.

Page 14: YIER tfOIJRNU nmtJntJX - KU Leuven

14

le droit aérien : « La branche du droit qui détermine et étudie les règles réglant la cir­culation et l'utilisation des aéronefs >>, aéronef étant au sens de la loi du 27 juin 1937, un appa,reil se soutenant dans l'air et excluant par là même des engins propulsés qui se meuvent non par l'air mais par des techniques différen­tes. La navigation aérienne et les assurances aériennes ne sont point incluses dans ce con­cept.

C'est ainsi que l' orateu:r arrive à cerner l'ob­jet du droit aérien et à le définir de la façon suivante : « La branche du droit qui détermine et étudie les lois qui ·règlent la drculation et l'utilisation des aéronefs entre plusieuV8 points de la terre et les relations qui en résultent ».

Quant au droit de l'espace - l'expression date de 1910 - il faut rendre hommage aux juristes du début de notre siècle qui furent des précurseurs. Par la rapidité des évolutions techniques du droit de l'espace, les juristes ont été mis devant le fait aœompli ce qui n'avait pas été .le cas pour le droit aérien. Marchal en 1956 comme Fauchille en 1900 ont fait naître le faux problème de l'air en limitant celui-ci à une certaine hauteur au-dessus de la terre; comme d'ailleurs la conception de Cooper qui déclare que l'air au-dessus du territoire d'un pays appartient à ce de,mier. Il y a lieu au contraire d'exclure toute idée d'ap,propriation terrestre des espaces et des objets qui s'y meu­vent. Il en résulte nécessairement la recherche d'un principe qui ne peut être que la liberté de l'espace et d'une méthode qui doit être la coopération internationale au sein des Na ti ons Unies.

Dès lo,rs l'orateur en arrive à définir de la manière suivante le droit de l'espace : « La branche du droit qui détennine et étudie les lois qui règlent la circulation et l'utilisation des engins spatiaux entre plusieurs points de la terre et les relations qui en résultent ».

Le droit de l'espace pose de moins en moins de problèmes d'ordre t:héorique, au contraire se fait sentir la nécessité absolue de rechercher des solutions adéquates et pratiques. Il apparaît pourtant que ce n'est que dans le cadre d'insti­tutions internationales que le droit de l'espace pourra s'élaborer.

L' orateu:r ap,rès avoir ainsi étudié de façon approfondie les concepts de droit aérien et de droit de l'espace, et en avoir donné une défi­nition ·complète, termine son exposé en traçant les caractères principaux du droit aérien.

Celui-ci est d'abord original et autonome. Il occupe dans le droit une place bien distincte. Il est régi par des conventions particulières : Convention de Chicago, Convention de Varso­vie.

Le droit aérien est enfin moderne et poli­tique, essentiellement international. Son étude est enrichissante et son domaine d~vient _de_ plus en plus vaste.

C'est avec son éloquence hooituelle mais aussi avec un talent professoral nouveau que M. Max Litvine entretin~ ses auditeurs.

Anne-Marie STORRER

LES DEUILS JUDICIAIRES

Le bâtonnier Jean HUYBERECHTS. Il est décédé, le 1 1 décembre, presque inopinément,

au terme d'une journée qu'il avait consacrée, comme des centaines d'autres, au sort des condamnés, des dés­hérités de la vie, de ceux qui SQnt internés dans nos établissements de défense sociale.

Son départ brutal cause, au barreau de Louvain, un immense regret. Il laisse dans le désarroi et la con­sternation, tous ceux qui, sous son impulsion, s'occu­paient du Comité de patronage des prisons, de l'Ami­cale des anciens prisonniers politiques, des enfants moralement abandonnés, et de bien d'autres œuvres patriotiques et philanthropiques auxquelles, surtout depuis 1941, il donnait le meilleur de son temps et de sa personne.

Né en janvier 1892, il était à la veille d'atteindre sa septantième année. Si1 l'âge avait altéré quelque peu sa santé et ralenti sa marche, il avait conservé tout son enthousiasme, toute sa foi dans la mission accom­plie et pour laquelle il espérait encore pouvoir dépen-6er, sans défaillance, ni ménagement, pas mal d'ef­forts et de dévouement.

On a rendu hommage, à juste titre, aux mérites incontestables que Me Jean Huyberechts s'est acquis, comme citoyen, comme combattant 19!4-1918, com­me bâtonnier et juge de paix suppléant, comme pa­triote et résistant de la guerre 1940-1945· On a van­té aussi sa plume alerte, l'ironie, parfois mordante, de son esprit, sa verve, sa jovialité, son langage dé­bordant d'humour.

Il faut souligner aussi ses qualités d'homme de bien. Président du Comité de patronage, depuis jan­vier 1948, il se plaisait à évoquer le vir bonus, l'homme charitable, courtois, désintéressé et discret, qui se consacre à ses semblables.

Il en était le tranquille et vivant exemple.

Un travailleur volontaire et opiniâtre, une person­nalité marquante, un cœur sensible, franc, généreux, une âme courageuse.

J.D. J.

/-~~~-JWstxs

Pénalistes amateurs. Est-il certain que énalistes pourront approuver

la teneur de l'artic~- ) de la proposition de loi n° 191 de la Chambre L•t date du 8 novembre 1961, signée Vanden Boeynants et consorts ?

Il s'agit dans cette proposition de la répression de certains procédés anormaux de concurrence dans le commerce de détail. Sont visées surtout les pseudo­liquidations et les ventes à rabais publicitaire.

Lisons cet article 19 : «Lorsque l'acte punissable a été commis par des

employés, ouvriers ou mandataires dans l'accomplis­sement de leur travail, les peines prévues aux articles 16 et 17 de la présente loi seront applicables égale­ment à l'employeur qui aura commis cet acte ou omis de l'empêcher ou d'en supprimer les effets.

»Lorsque l'acte punissable a été commis dans la gestion d'une personne morale ou d'une société en nom collectif ou en commandite, les dispositions pé­nales s'appliquent aux membres de la personne mo­rale ou aux sociétaires qui ont agi ou auraient dû· agir en .son nom. Toutefois la personne morale ou la süciété est tenue solidairement de l'amende et des frais)).

Reconnaissons deux choses. La première, la bonne intention des signataires de la proposition. La secon­de, la difficulté de préciser l'infraction.

Après quoi nous pourrons nous demander si les signataires de la proposition sont suffisamment qua­lifiés, s'ils ont la compétence vbulue pour ajouter des dispositions nouvelles à notre droit pénal déjà si en­combré.

Comment des préposés pourraient-ils commettre l'acte punissable sans l'ordre du patron, de l'em­ployeur ? Pourquoi dès lors les rendre responsables prématurément de l'acte délictueux ? Ne semble-t-il pas qu'il n'y a qu'un seul coupable, l'employeur? Le préposé peut-il être coauteur ou complice ?

D'autre part si cet employeur est une personne morale pourquoi n'est-il solidairement responsable de l'amende et des frais que s'il s'agit des sociétés indi­quées et non d'une société anonyme, coopérative, ou de personnes à responsabilité limitée ?

Tout donne à penser qu'on a fait un salmigondis avec la responsabilité pénale et la responsabilité civile.

A plus de soixante-dix reprises, dans notre législa­tion, des dispositions relatives à la responsabilité ci­vile sont intervenues depuis notre indépendance. Elles ne concordent pas entre elles. Il n'est peut-être pas requis d'y ajouter des discordances nouvelles.

Raoul RuTTIENs-MANSART.

IfE-Glos 1

1962. Bonne année à nos lecteurs ! Le Journal des Tribunaux répondra comme

hier à leur fidélité et à leur amitié, conscient des obligations qu'elles lui tracent.

Nous avons achevé 19~61 avec un arriéré de doctrine et de jurisprudence. Faut-il le regret­ter? L'excès même des matières n'est-il pas un témoignage de vitalité? Nous comptons sur le concours de nos correspondants et de tous nos amis pour la continuation d'une œuvre à laquelle les juristes de ce pays ont marqué leur attachement.

Le Journal des Tribunaux s'imprime à Bru­xelles mais il veut être l'écho de la vie judi­ciaire de tout le pays : c'est dire et répéter que ses rubriques jurisprudentielles doivent, en chaque chef-lieu, être entretenues. Et que no­tre gratitude s'exprime aux magistrats, aux avocats, à tous les collaborateurs de la justice qui voudront, comme hier, nous y aider.

Vne motion de la Conférence des bâtonniers.

La Conférence des bâtonniers des barreaux belges, en une séance extraordinaire tenue le 23 décembre 1961, a voté à l'unanimité la mo­tion suivante :

La Conférence des bâtonniers des barreaux belges, réunie en séance extraordinaire le 23 décembre 1961, à la demande du bâtonnier de Bruxelles,

Après avoir pris connaissance de la motion adoptée par le Conseil de l'Ordre de Bruxel­les le 15 décembre 1961,

Exprime à son tour sa vive émotion devant l'appel adressé au barreau de Bruxelles, le 14 décembre 1961, par les 46 médecins civils d'Elisabethville,

Réprouve solennellement toutes atteintes qui paraissent avoir été injustement portées à la vie ou à l'intégrité des personnes et des biens à Elisabethville,

Adjure toutes les autorités responsables de mettre fin à des attentats qui violeraient les principes fondamentaux proclamés par la Char­te de l'O. N. U., la déclaration universelle des droits de l'homme et les conventions de la Croix-Rouge, ,

Exprime le vœu de voir le Gouvernement constituer d'urgence une commission d'en­quête présidée par des hauts magistrats et char­gée d'instruire relativement aux faits qui fu­rent notamment dénoncés par les 46 médecins civils d'Elisabethville,

Emet le vœu que toutes violations qui se­raient constatées soient ensuite examinées et jugées par une autorité judiciaire internatio­nale.

Année sombre pour le droit. Le droit, au cours de l'année écoulée, a subi

plus d'une épreuve et, dans ce numéro, il faut hélas, signaler de nouvelles plaintes. La guerre - car on doit l'appeler par son nom -, attentats terroristes, agressions, meurtres et prises d'otages, toutes ces brutalités inhu­maines sont autant de soufflets au droit et aux espérances qu'il nous avait apprises.

Jhering disait vrai peut-être lorsqu'il affir­mait que le droit fraye son chemin dans les combats qu'il doit livrer.

Mais n'est-ce pas au problème de l'homme qu'il faut revenir? Les nations et les groupes expriment les sentiments de haine, de cupi­dité, de cruauté que la civilisation n'a point taris dans tous les cœurs.

Et pourtant il faut continuer de croire au droit, remplir les tâches qu'il implique et panser ses blessures. Chaque pierre a sa va­leur dans la construction lente de cet édifice et les juristes, jour après jour, dans la mo­destie de leurs labeurs, désapprennent aux

Page 15: YIER tfOIJRNU nmtJntJX - KU Leuven

15

••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••

Maison Ferd. LARUIER, S. A. l 39, rue des Minimes, Bruxelles l C.C.P. : 423.75

PRINtJIP AUX

Les

Codes Larcier publiés sous la direction juridique de

Joseph GUISSART et Jules CLOSON, Juges au Tribunal de première instance de Lige,

Directeurs juridiques du « Bulletin législatif belge »

avec la collaboration de Charles GOOSSENS,

Chargé de cours à l'Université de Liège

et

Paul SCHETTER, Auditeur militaire près le Conseil de guerre de Liège

MISE A JOUR DE L'EDITION 1959 selon les textes publiés au .. Moniteur » jusqu'au

1er janvier 1961

Les 5 tomes reliés plein cuir Ar. 3.000 pages grand in-4° en 3 colonnes, plus les comrlé­ments 1961 3.200 F.

N.B. - Les compléments de l'édition 1959, arrêtés ou 1•• JANVIER 1962 sont en préparation et paraîtront dons les prochaines semaines.

La Loi et le Contrat DANS LES

Concessions de service public par Paul ORIANNE

Agrégé de l'Enseignement supérieur Maitre de conférences à l'Université de Louvain

Avocat à la Cour d'appel de Bruxelles

Un volume gd octavo de 400 pages : 475 F. 725 F. (relié)

Jacques 't KINT Avocat près la Cour d'appel de Bruxelles

Les Associations sans but lucratif

Avec un commentaire des dispositions fiscales

rédigé par

Guy VAN FRAEYENHOVEN Avocat près la Cour d'appel de Bruxelles,

Licencié en sciences financières

PREFACE de

Paul DEMEUR Avocat près la Cour de cassation

Professeur à l'Université catholique de Louvain

Un vol. in-8° de 364 pages. 430 F .

TEL. : 12.47.12

... OUVRAGES PUBLIES EN 1961

Recueil annuel de Jurisprudence ·Belge Contenant les sommaires de toute la jurisprudence et de tous les articles

de doctrine parus en Belgique publié sous la direction de

Charles VAN REEPINGHEN Ancien btitonnier de l'Ordre des Avocats à la Cour d'appel de Bruxelles

Professeur à l'Université de Louvain

avec le concours de Robert PIRSON Cyr CAMBIER

Avocat à la Cour de cassation Avocat à la Cour d'appel de Bruxelles

Renée LEBLUS Jacques LEPAFFE Avocat à la Cour d'appel de Bruxelles Avocat à la Cour d'appel de Bruxelles

Christian VANDERVEEREN Avocat à la Cour d'appel de Bruxelles

ANNEE 1961 - JURISPRUDENCE 1960 Un volume in-4° de 600 pages . . Le volume re'té (reliure luxe éditeur)

975 F. . 1.225 F.

TABLES ,

DECENNALES 1949-1958 PAR

Jacques PUTZEYS

Aimé DE CALUWE Guy V AN FRAEYENHOVEN

Jacques 't KINT Claude V AN HAM

Avocats à la Cour d'appel de Bruxelles

Un volume in-4" de 750 pages . . Le volume relié (reliure luxe éditeur)

Cyr CAMBIER Avocat à la Cour d'appel de Bruxelles Agrégé de l'Enseignement supérieur

Maître de conférences à l'Université de Louvain

Principes du Contentieux admini~tratif TOME 1

LE JUGE DANS L'ETAT LE CONTROLE JUDICIAIRE

DE L'ADMINISTRATION

Un volume ln-8° de 400 pages . . 475 F. 725 F (relié)

La procédure devant la Cour de Justice des

Communa.,.tés européennes PAR

Charles VAN REEPINGHEN Avocat à la Cour d'appel de Bruxelles

Ancien Bâtonnier Professeur à l'Université de Louvain

ET

Paul ORIANNE Avocat à la Cour d'appel de Bruxelles

Agrégé de l'Enseignement supérieur Maître de conférences à l'Université de Louvain

Un volume in-8° . 300 F.

Frans van ISACKER Doctor in de rechtswetenschappen

van de universiteiten van Leuven en Amsterdam

De morele rechten van de auteur Met een woord voorof door

Prof. Dr. E.D. HIRSCH BALLIN

Een boekdeel in-8°, 216 blz. . . 250 F.

1.200 F. 1.450 F.

. André JANSSENS-BRIGODE Avocat près la Cour d'appel de Bruxelles

L'Assurance de Responsabilité Ouvrage mis à jour par

Emilie BEYENS Avocat près la Cour d'appel de Bruxelles

Préface de M. Jacques BASYN Président de l'Union professionnelle des entreprises

d'assurances (U.P.E.A)

Un volume in-8" 1961 . 400 F.

R. GEYSEN Directeur de la « Revue de Droit social »

Président de la Juridiction d'appel. du travail à Anvers

JURISPRUDENCE DU TRAVAIL (1956·1960)

AVEC NOTES CRITIQUES

Un volume in-8° de 424 pages .

Antoine COLENS

375 F.

Avocat près la Cour d'appel de Bruxelles

Le contrat d'emploi DEUXIEME EDITION

Un volume in-8° de 230 pages : sous presse

• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •

Page 16: YIER tfOIJRNU nmtJntJX - KU Leuven

16

peuples lés œuvres de violence et d'iniquité. La justice à laquelle ils concourent a succédé aussi aux règlements de la force. L'heure viendra où les « Na ti ons Unies >) ne porteront plus comme un paradoxe ce beau nom que démentent les réalités douloureuses.

Le 75e anniversaire d,u « Soir».

Le Soir annonce à ses lecteurs qu'il a fêté son 75·me anniversaire.

N ons lui adressons cordialement nos félici­tations et nos vœux.

Nous nous souvenons qu'il y a deux ans il s'associa de la manière la plus aimable aux mêmes fêtes de notre maison.

Nous nous rappelons aussi les affinités de personnes qui depuis la fondation du Soir ont existé entre lui et les palais de justice. La mé­moire de Lucien Fuss est également entretenue chez nos confrères de la presse et chez nos con­frères du barreau.

Qneen Anne

Seoteh Whisky

Agts gén. : Ets Ch. Van Petegbem, Bruxelles

MOINS D'lM POTS

Controverse ~:ur les responsabilités de l'O. N. U.

Nom, publierons, dimanche prochain, un arti­cle de M. Henri Rolin « Défense de l'O.N.U. )) répondant à l'étude de M. Paul De Visscher pa­rue dans le Journal des Tribunaux du 24 dé­cembre. Controverse, on le verra bien, et l'auteur ne se le dissimule pas, qui ne sera point ainsi épuisée.

La boxe et ses abus.

Dans une question au ministre de la .Justice, M. Henri Rolin, sénateur, fait écho aux obser­vations contenues dans l'article que M. Marcel Philippart a publiées récemment dans nos co­lonnes (J. T., 1961, 733).

M. Pierre Vermeylen a répondu à M. Rolin que le sujet concernait son collègue, M. le mi­nistre de la Santé publique et de la Famille, à qui la question a été transmise.

L'ASSOCIATION BELGE DES EXPERTS (A BEX) porte à la connaissance de Messieurs les Magistrats et Avocats que dorénavant toute correspondance doit être adressée à M. A. Du­Crane, secrétaire général, 13, chaussée de Char­leroi, Bruxelles 6, téléph. 38.11.49. L'Annuaire peut être obtenu sur demande. (1321)

WALCKIERS F. & J. 1 4, rue V ergote ~ Bruxelles 4

Spécialistes de tous ·genres de gérances de propriétés

immobilières.

PLUS DE SÉCURITÉ

MOINS DE SOUCIS

Le tout d'un seul trait de plume, en souscrivant une assurance-vie à la

Il

COMPAGNIE D'ASSURANCES

UTRECHT Il

13, rue de la Loi, 13,

BRUXELLES

• Pour rensei,gnements et documentation,. veuillez.,

sans engagement de votre part, vous adresser, soit

au siège de la Compa,gnie, soit à ses agents.

Docteurs en droit à l'administration des Contributions.

M. le sénateur Hougardy s'est informé du nombre de docteurs en droit parmi les fonc­tionnaires supérieurs de l'administration des Contributions, M. le ministre des Finances répondit qu'il n'y en avait aucun (J. T., 1961, 546).

Cette information a provoqué la publication dans la livraison de décembre 1961 du Bulle­tin des Contributions édité par le ministère des Finances d'une mise au point de laquelle il ressort qu'à l'administration centrale il y a 5 docteurs en droit, dont 3 sont en période de stage; deux de ces docteurs en droit sont conseillers adjoints, les 3 autres sont secré­taires d'administration.

Selon l'auteur « la détention d'un grade légal universitaire - et surtout celui de docteur en droit - ne sufffit cependant pas par lui-même pour pouvoir assumer les tâches d'un fonc. tionnaire des Contributions, lesquelles com­portent un caractère de technicité incontesta­ble)).

Des connaissances sérieuses de la matière économique et de la comptabilité doivent s'ajouter à une formation juridique solide.

Sont-elles mieux acquises à ceux qui ne sont pas docteurs en droit ?

BoUvv 52, Avenue de la Toison d'Or à Bruxelles

vous recommande son rayon costumes prêts à porter - Diverses conformations -Fabrication à la main dans ses ateliers.

Reliure du Journal des Tribunaux. Nous rappelons à nos abonnés que la Mai­

son Lare. er se charge de relier leur collection du Journal 1961, ainsi que celles des années antérieures, pour le prix de 130 F l'année, en percaline, ou de 170 F en cuir A. R. avec coins.

La Maison Larcier remplace - gratuitement jusqu'à concurrence de trois - les numéros manquants dans les collections qui lui sont confiées pour être reliées.

Afin d'éviter toute détérioration de numé­ros, nous conseillons à nos abonnés de faire déposer leur collection aux bureaux de l'édi­teur, 39, rue des Minime,s. Pour ceux qui ne pourraient le faire, nous conseillons l'envoi de la collection par paquet bien emballé, por­tant la mention << périodiques » afin de réduire les frais de port au minimum.

Le,s collections seront renvoyées, reliées, à l'expéditeur, dans la huitaine suivant la récep­tion des numéros.

Le Journal des Tribunaux DIRECTION

Charles V an Reepinghen, rédacteur en. chef. -Robert Pirson. - Cyr Cambier. Chronique judiciaire : Jean Dal. Secrétaires de la rédaction : Renée Leblus. -Wivine Bourgaux.

Administration: Maison Ferd. LARCIER, S. A • 39, rue de,s Minimes, Bruxeilles Té[. 12.47.12 -- C.C.P. 423.75

Admini:strat,eur-dtrecteur : René Mlgnolet Doctoor en J.roH

A.dminis,tJ'ateur-délégué : J.-M. Ryckmans DocteUJr en droit

ABONNEMENT ANNUEL Beilgique et Grand-Duche Œe Luxembourg :

775 francs

17285

Et,I'Iangeœ : 825 francs Le numéro : 20 francs

Les manuscrits ne sont pas rendus.

~ l'imprimerie PUVREZ 59, av. Fonsny. Bruxelles

Tèl. 37.12.00