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Yves Surel Qu’est-ce qu’une politique publique ?

Yves surel conférence inaugurable abf 2012

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Yves Surel

Qu’est­ce qu’une politique publique ?

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Introduction

Répondre à une question faussement simple : qu’est­ce qu’une politique publique ? Un terme du langage commun (acteurs politico­administratifs, journalistes, chercheurs, etc.)

Un terme large couvrant des réalités multiples : variation des secteurs, politiques à différents niveaux de gouvernement, problèmes publics globaux, etc.

Un lien évident et de plus en plus problématique avec l’Etat ?

Partir d’un exemple (la canicule de 2003), avant de présenter quelques éléments de définition et d’analyse

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La canicule de 2003

Les faits : Une vague de chaleur non anticipée… … définie scientifiquement et administrativement (températures > 20°C la nuit, 35 °C le jour ; variété des seuils)

Des problèmes multiples pour différentes administrations concernées : Les centrales nucléaires (problème réchauffement réacteurs et limites usage de l’eau)

Les conditions de travail Le nombre sans cesse croissant de décès: 14802 selon l’INSERM (surmortalité par rapport aux années antérieures)

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La canicule de 2003

L’Etat face à ces problèmes publics ou les aspects d’une politique publique : Une information partiellement disponible et inégalement distribuée entre les acteurs publics (météo et santé)

Une coordination insuffisante des services Des moyens inadaptés (Cf. aux urgences avec le manque de personnels et de lits)

Des acteurs mobilisés Le rôle des acteurs associatifs (syndicat d’urgentistes) La médiatisation du problème La politisation du problème

La recherche des causes et des responsabilités

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Introduction

Soit une politique publique comme un ensemble complexe d’enjeux sociaux, d’acteurs publics et privés, ainsi que de dynamiques et procédures plus ou moins formalisées

Les objectifs de l’analyse des politiques publiques : Avoir une vue la plus complète possible des faits Trouver des éléments d’explication (dimension analytique)

Participer (éventuellement) aux débats ou aux processus attachés à une politique précise (dimension pratique)

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Introduction

Plusieurs aspects induits pour cette présentation : La définition problématique : qu’est­ce qu’une politique publique ? (1)

Une analyse dynamique : la grille séquentielle (2)

Les séquences principales : l’agenda (3) et la décision (4)

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1. Définir les politiques publiques

Une définition problématique : les politiques varient dans le temps et dans l’espace

Une définition simple « Tout ce qu’un gouvernement choisit de faire ou de ne pas faire » (Dye, 1998)

Une définition… moins simple « Un ensemble de décisions reliées entre elles, pris par un acteur ou un groupe d’acteurs, avec pour caractéristique fondamentale de définir les buts à atteindre, ainsi que les moyens nécessaires pour remplir les objectifs fixés » (Howlett, Ramesh, 1995)

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1. Définir les politiques publiques

Une politique publique comme « construit social » (ce que les acteurs en disent…) et comme « construit analytique » (les composantes d’une politique)

Les composantes d’une politique publique (Mény, Thoenig, 1989) Des éléments de contenu matériels et immatériels Un programme Une orientation normative Un facteur de coercition Le ressort social

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1. Définir les politiques publiques

Une autre « déconstruction » des composantes principales (Graziano, 2004) Les principes Les objectifs Les procédures Les instruments

Analyser les politiques publiques : comprendre comment une société régule les problèmes auxquels elle est confrontée

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2. La grille séquentielle de Jones

Une vision dynamique de l’action publique : l’idée de « policy cycles »

Les « séquences » de toute politique publique L’émergence des problèmes L’inscription des problèmes sur l’agenda La décision La mise en œuvre L’évaluation Terminaison ou changement ?

Apports et limites de cette approche

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Schéma adapté de Althaus, Bridgman, Davis, The Australian Policy Handbook, London, Allen & Unwin, 2007.

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3. L’agenda

La notion centrale d’agenda : l’ensemble des problèmes qui, à un instant t, suscite l’attention des pouvoirs publics

Métaphore de l’énigme : activation de l’action publique est possibilité de résoudre des problèmes et/ou des revendications

La notion de problème : « la perception par les acteurs d’un écart entre ce qui est, ce qui devrait être et ce qui pourrait être » (Padioleau, 1982)

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3. L’agenda

Trois aspects: L’idée d’un constat sur une situation sociale (les informations disponibles et diffusées). Elément cognitif. Ex. : le taux de chômage

L’aspect prescriptif et normatif. Ex. : le travail comme vecteur de lien social et valeur dominante.

La dimension pratique. Moyens mobilisables ? Compétences ?

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3. L’agenda

La variation substantielle des problèmes dans le temps et dans l’espace : Variation « objective » (la déforestation) Variation « subjective » (la peine de mort) Deux dynamiques le plus souvent associées (le réchauffement climatique)

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3. L’agenda

Pourquoi un problème est­il public ? Un nombre « significatif » d’acteurs concernés (pas de seuil véritable)

La résolution du problème est imputée à des acteurs publics

Un processus de construction et de publicisation par étapes

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3. L’agenda

Dynamiques progressives de construction (Flestiner, Abel, Sarat, 1980­1981)

Naming (identification et diagnostic des problèmes)

Blaming (recherche des causes et imputation de responsabilités)

Claiming (production de revendications et mobilisations diverses)

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3. L’agenda

Quatre dynamiques d’émergence (Favre, 1992) : L’émergence progressive par canaux multiples (les SDF du Canal St Martin)

L’émergence instantanée (catastrophes naturelles)

L’émergence automatique : dispositifs de veille et problèmes cycliques (pollution)

L’émergence captée (l’affaire du « sang contaminé »)

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3. L’agenda

Quatre dynamiques d’inscription (Favre, 1992) : L’inscription complète (la crise) L’inscription factice (l’euthanasie) La non­inscription (la « saturation » de l’agenda)

L’immergence (la réforme de la télévision publique en 2008)

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4. La décision

Trois points essentiels : La formulation des solutions La légitimation politique des choix effectués

La question centrale de la rationalité des décisions publiques

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4. La décision

Une première phase de formulation ou de sélection des alternatives Un lien étroit avec la phase d’inscription sur l’agenda (flexibilité dans l’usage des séquences)

Production des diagnostics et identification des solutions jusqu’au choix préférentiel

Le travail des cabinets et/ou des agences gouvernementales

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4. La décision

Une seconde phase de légitimation : La phase politique et formelle de la décision : gouverner, c’est assumer un choix

Politisation et responsabilité (élément qui nourrit et facilite les imputations causales positives ou négatives)

Exemple : la procédure législative

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4. La décision

Un problème classique et central de rationalité de la décision publique : produire des décisions cohérentes, rationnelles et déterminées par le bien public

Une question liée à la conception traditionnelle de l’Etat (Durkheim, Weber) : Durkheim et la conception organiciste de la société, où l’Etat opère comme le cerveau du corps social

Max Weber et l’Etat moderne comme exemple de rationalité garantie par l’appareil bureaucratique mis en place

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4. La décision

La rationalité pure et parfaite comme idéal­type (vision de l’économie classique) : Une connaissance de l’environnement La maîtrise des alternatives Des préférences explicites, stables et non ambiguës

Un décideur unique se comportant comme un pur intellect

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4. La décision

La rationalité limitée (Herbert Simon) L’information est rare, coûteuse et inégalement distribuée

Caractéristiques de la rationalité humaine : Impossibilité d’anticiper conséquences ; Discontinuités (mémoire sélective, décisions parallèles) Contraintes institutionnelles/organisationnelles, poids des habitudes

Les acteurs sont raisonnables et non rationnels ; ils s’arrêtent à l’alternative­pivot

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4. La décision

L’incrémentalisme de Lindblom Le caractère collectif de la décision L’incrémentalisme ou l’évolution de l’action publique à la marge (« muddling through »)

Deux exemples : Une étude classique sur le processus budgétaire (Wildavsky)

Les réformes des systèmes de retraites

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4. La décision

Le modèle de la poubelle (Cohen March et Olsen, 1972) L’inversion des principes de la rationalité pure et parfaite et la mise à jour d’anarchies organisées

Les décisions sont aléatoires et circonstancielles

Quelques exemples : Universités, églises, armées

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4. La décision

Une illustration : Challenger (Morel, 2004) Thèse du calculateur amoral : non­respect des procédures et détournement de l’objectif

Thèse de la normalisation de la déviance : des petits écarts successifs à l’égard des procédures habituelles

L’explication proposée : Une erreur cognitive : attention focalisée sur les moyennes de température (vague de froid improbable)

Une appréciation différenciée des risques (conflit organisationnel entre managers et ingénieurs)

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Conclusion

Une politique publique… … est un ensemble complexe et évolutif d’acteurs publics et privés, d’institutions, d’organisations, de normes, de problèmes sociaux, de demandes plus ou moins diffuses, d’orientations idéologiques, etc.

… est un processus variable organisé autour de séquences, qui en constituent la grammaire minimale (de l’agenda à l’évaluation, en passant par la décision et la mise en œuvre)