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Zadig ou la Destinée Voltaire Livret pédagogique correspondant au livre élève n° 72 (nouvelle édition 2017) établi par Isabelle de Lisle, agrégée de Lettres modernes, professeur en collège et en lycée

Zadig ou la Destinée - BIBLIO - HACHETTE · Zadig ou la Destinée – 3 REPONSES AUX QUESTIONS Épître dédicatoire (pp. 16 à 18) Avez-vous bien lu ? u Les réponses justes sont

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Zadig ou la Destinée

Voltaire

L i v r e t p é d a g o g i q u e correspondant au livre élève n° 72

(nouvelle édition 2017)

établi par Isabelle de Lisle, agrégée de Lettres modernes,

professeur en collège et en lycée

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Sommaire – 2

S O M M A I R E

REPONSES AUX QUESTIONS ............................... 3  Épître dédicatoire (pp. 16 à 18) .................................. 3  Chapitre deuxième (pp. 28 à 31) ................................... 5  Chapitre dixième (pp. 69 à 72) .................................... 9  Chapitre seizième (pp. 102 à 104) ................................ 11  Chapitre dix-neuvième (pp. 123 à 125) ............................ 15  Retour sur l’œuvre (pp. 126 à 129) ............................... 18  

PROPOSITION DE SEQUENCE DIDACTIQUE ..................... 19  

EXPLOITATION DU GROUPEMENT DE TEXTES ................... 20  

LECTURE D’IMAGES ET HISTOIRE DES ARTS .................. 23  

PISTES DE RECHERCHES DOCUMENTAIRES ..................... 24  

BIBLIOGRAPHIE COMPLEMENTAIRE .......................... 25  

Tous droits de traduction, de représentation et d’adaptation réservés pour tous pays. © Hachette Livre, 2017. 58, rue Jean Bleuzen, 92170 Vanves cedex. www.hachette-education.com

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Zadig ou la Destinée – 3

R E P O N S E S A U X Q U E S T I O N S

É p î t r e d é d i c a t o i r e ( p p . 1 6 à 1 8 )

Avez-vous bien lu ? u Les réponses justes sont : c, e, f et g.

Étudier une lettre v La préface de Zadig prend la forme d’une lettre et on peut relever les marques du genre épistolaire : – la situation dans le temps au début de la lettre ; – l’adresse au destinataire : « Charme des prunelles, tourment des cœurs, lumière de l’esprit » ; – la formule finale en forme de souhait ; – la signature. w On peut relever tout au long de la lettre des indices de l’énonciation. On se contentera d’un relevé effectué sur les deux premières phrases : – je : pronom personnel sujet ; – vos : déterminant possessif ; – vous : pronom personnel sujet ; – vous (« je vous offre ») : pronom personnel complément. x   Les trois expressions liminaires sont construites de la même manière : un nom suivi d’un complément du nom introduit par la préposition de. Ces trois expressions ont fonction d’apostrophe. On peut aussi considérer qu’elles sont apposées les unes aux autres. y Le mot épître est ici un synonyme du mot lettre et on a pu relever les marques du genre épistolaire. La lettre a bien une fonction « dédicatoire » comme en témoignent les expressions suivantes : « Je vous offre la traduction », « Je vous prie de le lire et d’en juger ». Par ailleurs, cette dédicace ne se réduit pas à un cadeau ; elle est aussi une présentation du livre et de ses objectifs : « ouvrage qui dit plus qu’il ne semble dire », « Vous avez même un petit fonds de philosophie qui m’a fait croire que vous prendriez plus de goût qu’une autre à cet ouvrage d’un sage ». Le traducteur fictif, Sadi, mentionné dans le titre, figure à la fin de la lettre, et, si le nom de Sheraa ne figure pas, lui, dans la lettre, il est néanmoins question d’une sultane que l’on met sur le même pied que le sultan Ouloug-beg : « vous serez un vrai Ouloug ».

La fiction orientale U L’Orient est à la mode, notamment depuis la traduction des Mille et Une Nuits par Galand en 1704, et Voltaire séduit son lecteur en usant de la mode et en se référant à cet Orient imaginaire. On peut en effet relever au fil de l’épître tout un vocabulaire qui se rattache à ce goût : – les noms propres : « Mois de Schewal », Zadig, Sadi, Sheraa, Ouloug-beg ; – les références : l’Hégire, les Mille et Une Nuits, les Mille et Un Jours, Thalestris, Scander, Philippe, reine de Sabée, Soleiman, les « derviches à longue barbe et à bonnet pointu » qui rappellent la religion musulmane, les sultanes qui évoquent le harem. V Le procédé qui caractérise la fin de la lettre est l’hyperbole. Elle repose sur l’énumération, qui a force d’accumulation, sur la répétition de la préposition sans et sur les adjectifs mélioratifs. W L’hyperbole est un procédé de style récurrent dans le passage. On peut relever : – « Charme des prunelles, tourment des cœurs, lumière de l’esprit » ; – « quoique tous les plaisirs vous cherchent » ; – « vous avez l’esprit très sage et le goût très fin » ; – « vous ne dites de mal, ni n’en faites, malgré la prodigieuse facilité que vous y auriez » ; – « votre âme m’a toujours paru pure comme votre beauté » ; – « Si vous aviez été Thalestris du temps de Scander, fils de Philippe ; si vous aviez été la reine de Sabée du temps de Soleiman, c’eussent été ces rois qui auraient fait le voyage ». Ces hyperboles, destinées à première lecture à faire l’éloge de la sultane, donnent du relief à la lettre et lui confèrent une coloration orientale.

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Réponses aux questions – 4

L’hyperbole est aussi une marque de la parodie et sans doute Voltaire se moque-t-il ici des fictions orientales à la mode.

Un auteur qui se cache X À l’origine, Zadig a été écrit par « un ancien sage ». L’auteur est donc inconnu et l’adjectif ancien ne permet pas de dater le texte. at Le texte que nous lisons est en français ; c’est dans cette langue que Zadig a été publié au XVIII

e siècle. Mais, si l’on en croit l’épître dédicatoire, deux langues ont véhiculé au préalable le conte : un « ancien chaldéen », puis l’arabe. Comme pour l’auteur, un « ancien sage », la langue est rejetée dans un passé inaccessible et Sadi éprouve le besoin d’ajouter « que ni vous ni moi n’entendons » cette langue afin de condamner d’avance toute éventuelle investigation. ak   Dans l’expression « Il fut écrit », le verbe écrire est construit de manière passive. C’est un passé simple passif. Cette construction passive sans complément d’agent gomme l’auteur et renforce l’anonymat du conte. al Le on est un pronom personnel qui a ici sa pleine valeur d’indéfini. Le pronom on désigne quelqu’un que l’on ne connaît pas. Cette construction est à rapprocher de celle de la phrase précédente (question 11) car, si on met « On le traduisit en arabe » à la voix passive, on obtient : « Il fut traduit en arabe. » am Zadig est un « ouvrage qui dit plus qu’il ne semble dire » : le conte est le vecteur d’une critique qui pourrait attirer des ennuis à son auteur déjà en disgrâce auprès de la cour. On pourrait croire que Voltaire craint la censure et se cache ; mais il s’agit plutôt d’un jeu. En effet, la superposition des masques et l’accumulation des efforts pour brouiller les pistes et empêcher toute recherche sont suspectes. Voltaire joue à se travestir et se moque dans le même temps de ces travestissements qui ne trompent personne. Le procédé sera similaire pour Candide : Voltaire s’efface derrière « un certain docteur Ralph » et le texte paraît « avec les additions qu’on a trouvées dans la poche du docteur, lorsqu’il mourut à Minden, l’an de grâce 1759 », année effective de la publication du conte.

Une fiction argumentative : l’art de l’implicite an En rappelant les Mille et Une Nuits et leur fonction divertissante, Sadi — et derrière lui Voltaire — inscrit Zadig dans la tradition du conte oriental et ne renie pas le plaisir qu’il peut procurer : « s’amuser à écrire l’histoire de Zadig », « pour amuser le célèbre sultan Ouloug-beg ». Qu’il s’agisse d’écriture ou de lecture, le plaisir est là. Mais ce n’est pas tout, car Sadi oppose le conte qu’il présente à ceux que les sultanes apprécient habituellement. En effet, Zadig invite à réfléchir et c’est pourquoi le portrait élogieux de la sultane s’achève par une évocation de sa sagesse : « Vous avez même un petit fonds de philosophie qui m’a fait croire que vous prendriez plus de goût qu’une autre à cet ouvrage d’un sage. » Au début de l’épître, l’implicite est mentionné : le lecteur apprend qu’il ne devra pas se contenter d’une lecture littérale et qu’il lui faudra chercher un sens second, comme il existe un auteur caché derrière Sadi et derrière l’« ancien sage », car c’est un « ouvrage qui dit plus qu’il ne semble dire ». ao Lorsque Voltaire dresse le portrait de la sultane, il la place dans un environnement qui n’est pas sans rappeler le monde de la cour au XVIII

e siècle. On peut y voir alors une critique implicite de ce milieu duquel Voltaire vient d’être exclu. On s’attachera tout particulièrement à commenter le passage suivant : « quoiqu’on vous loue du soir au matin et que pour toutes ces raisons vous soyez en droit de ne pas avoir le sens commun, cependant vous avez l’esprit très sage et le goût très sûr ». La flatterie qui règne à la cour (on pense aussi à la fable « Les Obsèques de la Lionne » de La Fontaine) est un principe de fonctionnement qui corrompt le pouvoir et fausse le jugement du monarque. La question du goût est reprise plus loin à propos des sultanes. Voltaire épingle ici le monde féminin des salons qui définissent les critères esthétiques et dont les conversations sont aussi pauvres que les œuvres qu’elles défendent : « des conversations générales qui ressemblent assez aux Mille et un, à cela près qu’elles sont moins amusantes ». ap En lisant le portrait élogieux que fait Sadi de la sultane, on comprend ce que Voltaire attend d’un bon monarque : – Il sait échapper aux influences de son entourage en faisant abstraction du fait qu’on le loue « du soir au matin ».

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Zadig ou la Destinée – 5

– Il est bienveillant (« douce », « bienfaisante », « vous aimez vos amis »). – Il est spirituel sans blesser (« Votre esprit n’emprunte jamais des agréments des traits de médisance »). – Il sait réfléchir à la façon des philosophes des Lumières (« esprit très sage », « raisonner mieux », « un petit fonds de philosophie »). – Il a du goût et sait apprécier les œuvres de valeur (« le goût très fin », « vous prendriez plus de goût qu’une autre à cet ouvrage d’un sage »).

À vos plumes ! aq On pourra au préalable réfléchir à ce que représente l’admiration et à ce qu’on peut admirer chez quelqu’un. Il est possible également de proposer à la classe une liste de personnalités que les élèves peuvent, pour des raisons différentes, admirer. Ou bien on restreindra le sujet à l’entourage de l’élève. On attend les caractéristiques de la lettre, le ton de l’éloge, et notamment l’emploi d’un vocabulaire mélioratif et l’expression du sentiment d’admiration éprouvé. ar   Comme pour le sujet précédent, il s’agit de rédiger un éloge. Mais la visée est ici argumentative et l’on attend de l’élève qu’il sache mettre en avant clairement, bien qu’implicitement, les qualités qu’il attend de la profession qu’il a choisi d’étudier.

C h a p i t r e d e u x i è m e ( p p . 2 8 à 3 1 )

Que s’est-il passé entre-temps ? u Le Borgne est Zadig lui-même, blessé à l’œil gauche en sauvant Sémire. v Le mariage de Zadig et de Sémire n’a pas lieu car la jeune fille ne veut pas épouser un borgne : « elle avait une aversion insurmontable pour les borgnes ». w Zadig reproche à Azora sa « légèreté » et son penchant pour « les jeunes gens les mieux faits ». Azora, comme le prouve le chapitre deuxième, s’attache aux apparences et ne cherche pas à comprendre le fond des choses.

Avez-vous bien lu ? x Les événements sont à placer dans l’ordre suivant : b, e, a, d, c, f. y Le chapitre deuxième s’intitule « Le Nez » car c’est autour de ce nez qu’il se bâtit. Cador, sur les conseils de Zadig (« il le mit dans sa confidence »), demande à Azora de couper le nez de son défunt mari afin de soulager ses douleurs. De cette façon, Zadig s’aperçoit que son épouse, prête à exaucer Cador, n’est pas différente de la veuve Cosrou qu’elle critiquait pourtant violemment. Le titre sert également à surprendre le lecteur et à attirer son attention. Il faut en effet attendre la fin du récit pour qu’il en soit question. C’est un procédé d’attente courant dans les récits ou au théâtre (le bourgeois gentilhomme qui est absent de la première scène ; de même pour Tartuffe et Dom Juan).

La progression du récit U Le récit suit un déroulement chronologique et l’on peut relever les différents indices temporels qui jalonnent sa progression. Le récit s’ouvre sur « un jour », complément circonstanciel de temps qui montre que Voltaire va se focaliser sur un épisode particulier. La chronologie romanesque alterne les ellipses et les événements déterminants. Par la suite, on peut relever d’autres indicateurs de temps : « deux jours », « le troisième jour », « la nuit même », « le soir », « le lendemain », « au milieu du souper ». À l’intérieur de ce récit, l’histoire de la veuve Cosrou s’organise également autour d’indices temporels : « deux jours », « tant que l’eau de ce ruisseau coulerait auprès ». V Trois temps de l’indicatif figurent dans le second paragraphe : – L’imparfait : « avait », « était », « trouvait », « pouvait », « venait » et, à la toute fin du paragraphe, « avait » et « était ». Ce temps pose le cadre de la narration en évoquant une situation non délimitée dans le temps. Certains de ces verbes, notamment lorsqu’il s’agit du verbe être (verbe d’état) ou du verbe avoir, renvoient à une situation intemporelle, poussant jusqu’au bout le caractère illimité de l’imparfait. On notera au passage l’emploi particulier du verbe venir qui est ici un auxiliaire de modalité exprimant un passé proche.

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Réponses aux questions – 6

– Le passé simple est le temps dominant ; il permet d’évoquer l’enchaînement des actions dans le passé : « mit », « s’assura », « revint », « annoncèrent », « pleura », « s’arracha », « jura », « demanda », « pleurèrent », « dînèrent », « confia », « fit », « pleura », « se fâcha », « s’adoucit », « fut », « se parla », « fit », « avoua ». – Le plus-que-parfait rapporte des actions antérieures au temps de l’histoire : « était mort », « n’avait pas osé », « avait laissé ». – On relève également un emploi du conditionnel présent (« mettrait »), dont la valeur est à la fois temporelle (un futur dans le passé) et modale (une hypothèse ou une information nuancée par un bémol d’incertitude). W On peut relever une ellipse temporelle ou un sommaire (résumé de l’action) : « ayant passé deux jours chez une de ses amies ». Le complément circonstanciel de temps qui suit, « le troisième jour », montre bien le saut dans le temps qui justifie qu’Azora n’ait pas été présente lors de la mort supposée de son mari. X Dans le premier paragraphe, la situation initiale est stable : « il l’épousa et vécut un mois avec elle dans les douceurs de l’union la plus tendre » (fin du chapitre premier). Certes, le « un mois » a une valeur restrictive qui annonce la rupture et les dernières lignes du chapitre introduisent des réserves (« un peu de légèreté ») ; mais c’est le « un jour » liminaire, avec les « grandes exclamations » d’Azora, qui vient perturber la situation initiale et déclencher les péripéties du chapitre. Le récit du comportement de la veuve Cosrou joue donc le rôle de l’élément déclencheur. Le récit concernant la veuve Cosrou semble de plus être une image concentrée de l’épisode tout entier. « Une jeune veuve », « un tombeau », une grande « douleur », une promesse et finalement une solution pour contourner le serment de fidélité : tous ces éléments se retrouvent dans l’histoire du nez. Azora apprend la « funeste nouvelle » : Zadig est enseveli « dans le tombeau de ses pères ». La voilà devenue « jeune veuve ». Comme la veuve Cosrou, elle se lamente et le champ lexical de la souffrance est développé. Dans le premier paragraphe, on relevait le mot douleur ; pour Azora, le récit est plus précis : « elle pleura, s’arracha les cheveux et jura de mourir », « ils pleurèrent tous deux ». De même, le déroulement de l’histoire est plus détaillé dans la seconde partie : « le soir », « le lendemain », « au milieu du souper ». Pourtant, l’impression de rapidité est la même et le revirement d’Azora vaut celui de la veuve Cosrou. Dans les deux histoires, les jeunes femmes semblent tout d’abord rester fidèles à leur mari défunt. La veuve Cosrou fait détourner le ruisseau pour ne pas manquer à son serment et Azora se trouve de bonnes raisons : « Quand mon mari passera du monde d’hier dans le monde du lendemain sur le pont Tchinavar, l’ange Asraël lui accordera-t-il moins de passage, parce que son nez sera un peu moins long dans la seconde vie que dans la première ? » Bien entendu, ce qui n’était que sous-entendu dans le premier épisode prend toute son ampleur avec la femme de Zadig. Dans la lignée de Pétrone (« La Matrone d’Éphèse » dans le Satiricon) et La Fontaine (« La Jeune Veuve », texte cité dans le dossier), Voltaire, à son tour, brode quelques variations sur ce thème de la veuve et, plus généralement, de la femme inconstante. at Au début du chapitre, Zadig et Azora sont mariés et la jeune femme affiche comme première vertu la fidélité. À la fin du chapitre, Azora est démasquée et le mariage menacé. Zadig répudiera la jeune femme car elle devient « trop difficile à vivre » (début du chapitre troisième). Ainsi la situation finale est à l’opposé de la situation initiale.

Les paroles rapportées ak Le discours direct occupe une place importante dans le premier paragraphe. Il permet de rapporter à la fois ce qui est arrivé à la veuve Cosrou et les sentiments indignés d’Azora. On peut relever différentes marques de ce discours direct qui donne vie au récit : – la ponctuation : les tirets et les guillemets ; – les incises narratives : « dit-elle », « dit Zadig », « reprit Azora » ; – les modalités interrogatives et exclamatives : « Qu’avez-vous […] ma chère épouse ? », « À quoi donc, belle Azora ? », « voilà une femme estimable qui aimait vraiment son mari ! » ; – les interjections : « Hélas ! », « Eh bien », « Ah ! » ; – l’apostrophe : « belle Azora ».

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Zadig ou la Destinée – 7

al Le discours direct est à nouveau présent dans le chapitre lorsque la tension dramatique grandit, c’est-à-dire lorsque Cador demande à Azora de couper le nez de Zadig, puis quand la jeune femme met ce projet à exécution. Le discours direct occupe une place stratégique dans le récit : il contribue à mettre en relief les moments importants et il dynamise le récit. am D’autres procédés permettant de rapporter les paroles des personnages sont utilisés par Voltaire dans ce chapitre : – le discours indirect : « Des domestiques en pleurs lui annoncèrent que son mari était mort subitement la nuit même, qu’on n’avait pas osé lui porter cette funeste nouvelle, et qu’on venait d’ensevelir Zadig dans le tombeau de ses pères, au bout du jardin » ; – le discours narrativisé : « Azora se répandit en des invectives si longues, éclata en reproches si violents contre la jeune veuve », « il le mit dans sa confidence ». Ces procédés permettent de ne garder d’une situation que l’essentiel sans retarder la progression d’un récit qui choisit de se concentrer sur les scènes importantes.

Le registre comique an La surprise est un principe moteur du chapitre. On le voit dès le premier paragraphe, lors de l’histoire de la veuve Cosrou. La dernière explication d’Azora (« Elle faisait détourner le ruisseau ») provoque un effet de chute d’autant plus fort que la proposition est brève. Cette sorte de « pointe » invite le lecteur à lire d’une autre manière le début du paragraphe ; en effet, le « spectacle » dont Azora a été le témoin n’est pas celui de la douleur de la veuve, mais plutôt celui de son inconstance. De même, l’indignation initiale d’Azora (« tout en colère », « grandes exclamations », « des invectives si longues », des « reproches si violents ») contraste fortement avec son attitude à la fin : elle « s’approcha pour couper le nez à Zadig ». Ajoutons à cela le décalage entre les paroles d’Azora et ses actes. S’indignant de l’inconstance de la veuve, elle étale un « faste de vertu » que son comportement ne tarde pas à démentir. Ces revirements sont mis en valeur par leur rapidité ; on relève « deux jours » pour la veuve Cosrou et la durée n’est pas plus longue pour Azora puisque la scène du rasoir se déroule « le lendemain » de la « funeste nouvelle ». Le double retournement qui structure le récit lui confère par là même sa force comique. La rupture qu’est la surprise fait d’autant plus rire que, double, elle paraît le résultat d’un mécanisme. ao La répétition est un des ressorts du comique dans cette scène. De même que Voltaire reprend La Fontaine, qui s’est lui-même inspiré de Pétrone, Zadig met Azora dans la situation de reproduire ce qui est arrivé à la veuve Cosrou. La répétition donne à l’histoire un côté artificiel et la prive de toute sensibilité humaine. C’est un procédé que l’on rencontre fréquemment dans le théâtre comique, qu’il s’agisse de la reprise d’une expression (« Mais que diable allait-il faire dans cette galère ? ») ou d’une situation (le double schéma des personnages dans Les Fourberies de Scapin ou dans Le Jeu de l’amour et du hasard). ap L’humour consiste à traiter de manière légère un sujet grave. Il s’agit bien ici de la mort de Cosrou et de celle de Zadig, même si cette dernière est feinte. Les personnages, la veuve, Cador et Azora pleurent abondamment. Les éléments sont dramatiques : une veuve, une femme qui veut couper le nez de son mari, un mari qui découvre que sa femme ne l’aime pas. Mais rien n’émeut pourtant le lecteur. Dans ce registre humoristique, on ne voit que le côté saugrenu de l’histoire : le remède qui est censé guérir Cador, l’idée de couper son nez à un mort et peut-être aussi la symbolique phallique du nez. On aurait envie de dire que le thème de la femme castratrice est ici traité de manière amusante : le nez d’un mort qui s’avère être vivant.

Un texte argumentatif aq Dans ce chapitre, deux histoires se font écho pour mieux dénoncer l’inconstance féminine. Les femmes apparaissent comme infidèles : si la veuve détourne le ruisseau, c’est pour s’autoriser à oublier son mari défunt ; quant à Azora, elle se montre prête à couper le nez de Zadig pour soulager les souffrances de Cador. On ne peut se fier à l’amour des femmes et le pire est que, même lorsqu’il est sincère et profond, il ne dure pas. En effet, Azora, comme la veuve Cosrou, est bouleversée par l’annonce de la mort de Zadig ; les signes de sa douleur sont abondants. Pourtant, deux jours ne se sont pas écoulés qu’elles se trouvent l’une et l’autre consolées.

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Réponses aux questions – 8

Voltaire critique également l’écart qui sépare la manifestation de sentiments profonds des sentiments réellement éprouvés. Les larmes féminines sont trompeuses : on le voit lors du souper pris en compagnie de Cador (« La dame pleura, se fâcha, s’adoucit ») et lors de la scène finale (« elle alla au tombeau de son époux, l’arrosa de larmes, et s’approcha pour couper le nez de Zadig ») ; la conjonction de coordination et met en relief le peu de sens des larmes féminines, tandis que le rythme ternaire des expressions souligne la rapidité de la transformation. La critique va plus loin encore. Non seulement l’amour des femmes est peu fiable, non seulement elles montrent des sentiments qu’elles n’éprouvent pas nécessairement ; mais elles vont jusqu’à masquer leur inconstance et leur hypocrisie derrière des principes moraux. En détournant le ruisseau, la veuve Cosrou fait en sorte de ne pas manquer à sa promesse. Peu importe l’esprit, seule la lettre compte pour être en accord avec la morale. De même, lorsque Azora s’apprête à couper le nez de Zadig pour guérir Cador, elle en appelle au peu de conséquence de son acte en se référant à l’ange Asraël. Ajoutons à ces griefs le goût d’Azora pour l’argent. En effet, lorsque Cador laisse entendre « que son ami lui avait laissé la plus grande partie de son bien, et […] qu’il mettrait son bonheur à partager sa fortune avec elle », « la dame [...] s’adoucit » et se met à lui adresser des compliments : « elle avoua qu’il avait des défauts dont Cador était exempt ». ar Cador est présenté comme un ami fidèle et sans doute effectue-t-il à la lettre le plan dressé par Zadig, car la situation finale semble bien conforme à ce qu’avait prévu le personnage éponyme. Cependant, on ne peut manquer de remarquer que Zadig s’assure de cette fidélité par « un présent considérable ». Et ce présent même n’est pas une garantie absolue, comme le laisse entendre l’expression « autant qu’il le pouvait ». Ici, Voltaire pose la question de la gratuité des relations entre les hommes. On a l’impression, à la lecture de ce chapitre, que ni l’amitié ni l’amour ne sont des valeurs sûres. L’argent et l’intérêt gouvernent les choix des hommes. as Zadig évolue dans la mesure où il passe de la simple hypothèse à la certitude de l’inconstance de sa femme. À la fin du chapitre premier, il trouve Azora un peu légère : « un peu de légèreté et beaucoup de penchant à trouver que les jeunes gens les mieux faits étaient ceux qui avaient le plus d’esprit et de vertu ». Cette phrase annonce déjà la propension d’Azora à trouver des justifications morales à ses penchants. Le chapitre deuxième est une vérification par l’expérience et le chapitre troisième tire la conclusion de ces événements : « il fut quelque temps après obligé de répudier Azora ». Il évolue également en perdant toute illusion sur l’amour et la fidélité féminine. Ainsi, au début du chapitre deuxième, bien qu’ayant des doutes quant à la constance de son épouse, Zadig croit encore à l’amour des femmes ; aussi s’exclame-t-il : « Voilà une femme qui aimait véritablement son mari ! » Mais l’attitude de la veuve Cosrou et celle d’Azora l’amènent à renoncer à l’amour et à choisir de se retirer dans une maison de campagne (début du chapitre troisième). En ce sens, on peut dire que Zadig est construit comme un récit d’apprentissage et l’on peut souligner, en référence à la pensée des Lumières, la prépondérance de l’expérience. La connaissance est issue de la confrontation à la réalité et non d’un savoir acquis a priori. Telle est la leçon que les philosophes des Lumières ont tirée de la pensée de Descartes.

Lire l’image bt Le décor mis en place dans la gravure exprime le fait que les personnages sont dans un tombeau : l’absence de fenêtre, la tombe de laquelle Zadig sort, les fleurs au premier plan. Les colonnes font penser à une crypte aveugle. De plus, le décor suggère discrètement le contexte oriental : les torsades sur les colonnes, le dessin sur la tombe, le lustre. bk Le nez de Zadig est placé au centre de la gravure ; constituant le titre du chapitre, il est en effet au cœur de l’intrigue. Zadig tient son nez — ce qui attire inévitablement le regard et rappelle la menace qui a un instant pesé sur lui. L’attitude d’Azora montre qu’elle est prise en défaut ; Zadig la retient alors qu’elle semble vouloir s’enfuir (son bras droit désigne la sortie, esquissant un mouvement de fuite).

À vos plumes bl Le sujet propose de transposer en discours direct ce qui relève du discours narrativisé sous la plume de Voltaire. On rappellera aux élèves que tous les aspects du passage de référence doivent être développés dans la scène : le projet de Zadig, le secret, la fidélité, l’argent et la question de la vénalité.

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Zadig ou la Destinée – 9

bm   On fera auparavant lire aux élèves la fable « La Jeune Veuve » afin de les familiariser avec le procédé de la réécriture. On valorisera les copies qui sauront innover et surprendre tout en reprenant la structure donnée. bn   Le regard porté par Voltaire sur le monde est pessimiste et il est possible de répondre à la thèse développée dans le chapitre deuxième en invoquant, par exemple, la passion amoureuse ou l’engagement dans un but humanitaire.

C h a p i t r e d i x i è m e ( p p . 6 9 à 7 2 )

Que s’est-il passé entre-temps ? u Les réponses sont à placer dans l’ordre suivant : b, a, d, e, c, f. v Dans le chapitre cinquième, Moabdar incarne le despote éclairé, modèle des philosophes des Lumières dans la mesure où il concilie la raison, tant appréciée au XVIII

e siècle, et la tradition politique de la monarchie absolue. Moabdar a en effet les pleins pouvoirs ; c’est lui qui prend les décisions (celle d’accorder à Zadig le prix de la générosité ou celle de le nommer Premier ministre) sans consulter son entourage. Mais il gouverne avec raison, et, dans le chapitre cinquième, le fait d’accorder le prix de la générosité (au sens cornélien du mot) à quelqu’un qui dit la vérité, même si celle-ci est une critique, montre d’une part qu’il place la vérité au-dessus de tout et d’autre part qu’il gouverne de façon objective sans se laisser envahir par ses sentiments. Dans le chapitre huitième, le monarque éclairé est devenu un tyran dominé par ses passions. Sans chercher à vérifier si ses soupçons sont fondés, il ordonne la mort de la reine et de son Premier ministre. La jalousie, forme détournée du sentiment amoureux, le possède entièrement et le rend incapable de gouverner. Ce sera plus net encore, au chapitre seizième, lorsque Missouf subjuguera Moabdar (« elle le subjugua au point de se faire déclarer sa femme » — le préfixe sub est particulièrement significatif) : « elle donna la charge de grand écuyer à son nain, et la place de chancelier à un page ». En montrant que le meilleur des rois peut devenir le tyran le plus inique, Voltaire émet quelques réserves sur le despote éclairé ; le « consentement unanime » qui sacre Zadig roi dans le dernier chapitre est sans doute la leçon à tirer de cette réflexion sur le pouvoir absolu.

Avez-vous bien lu ? w A/ a et b, B/ b, C/ c, D/ a et b. x Zadig gagne l’estime de l’Arabie en aidant le marchand arabe Sétoc à gagner son procès contre un marchand hébreu qui lui doit de l’argent.

La désignation des personnages y – On : pronom personnel sujet (« on commença », « on l’interrogea », « on reconnut », « on vendit », « on distribua »). – Le : pronom personnel complément (« le faire panser », « le condamnait »). – L’ : pronom personnel complément (« on l’interrogea »). – Lui : pronom personnel complément (« lui et son domestique »). – Il : pronom personnel sujet (« il était coupable », « il avait apporté »). – Qu’ : pronom relatif (« qu’il avait apporté »). – Celle : pronom démonstratif (« celle de son compagnon »). – Y : pronom personnel adverbial (« y mit l’enchère »). U Le pronom le plus employé est le pronom personnel indéfini on. Il est fortement présent dans le passage car il permet de désigner des personnages sans les nommer ni les distinguer clairement. Ce on renvoie à un collectif anonyme et contribue ainsi à détacher le personnage éponyme, à lui donner, par contraste, plus de relief. Le pronom on est ici un prolongement du nom peuple, qui renvoie également à un collectif indifférencié. Tout se passe comme si les visages des personnages secondaires étaient gommés et que seul comptait Zadig au premier plan. Ce procédé est fréquemment employé par Voltaire V Le verbe « fut exposée » est un passé simple passif de l’indicatif. On peut retourner la construction à la voix active : « on exposa sa personne ».

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Réponses aux questions – 10

La tournure passive est l’équivalent de la construction à la voix active avec l’indéfini on étudiée à la question précédente.

Les procédés du bilan W – « J’ai été condamné à l’amende pour avoir vu passer une chienne » : proposition indépendante. – « J’ai pensé être empalé pour un griffon » : proposition indépendante. – « j’ai été envoyé au supplice » : proposition principale. – « parce que j’avais fait des vers à la louange du roi » : proposition subordonnée conjonctive de cause. – « j’ai été sur le point d’être étranglé » : proposition principale. – « parce que la reine avait des rubans jaunes » : proposition subordonnée circonstancielle de cause. On remarque la répétition de la construction et le parallélisme syntaxique qui viennent renforcer l’injustice des événements. Le lecteur ne peut manquer de trouver que Zadig est la victime d’un monde absurde. X Les compléments circonstanciels de cause sont : – « pour avoir vu passer une chienne » ; – « pour un griffon » ; – « parce que j’avais fait des vers à la louange du roi » ; – « parce que la reine avait des rubans jaunes ». L’accumulation des compléments circonstanciels (groupes nominaux prépositionnels ou propositions subordonnées conjonctives circonstancielles), comme le parallélisme syntaxique repéré à la question précédente, souligne l’absurdité du monde car les causes sont sans rapport logique avec ce qu’elles entraînent. at Dans le récapitulatif de Zadig, les temps des verbes couvrent toute la chronologie et permettent ainsi de rassembler en quelques lignes l’ensemble des événements passés et à venir — ce qui est la caractéristique d’un passage récapitulatif. Le recours au mode indicatif, pour la plupart des verbes, insiste sur le caractère certain de ces événements. Les événements les plus anciens sont au plus-que-parfait : « j’avais fait des vers ». On relève également du passé composé, qui exprime une action antérieure au présent de l’énonciation : « Tout m’a tourné », « j’ai été condamné » (passif), « j’ai pensé », « j’ai été envoyé » (passif). Le présent a souvent une valeur injonctive, soit parce qu’il appartient au mode impératif (« ne perdons point »), soit parce qu’il figure dans la tournure impersonnelle « il faut ». Cette valeur injonctive montre bien qu’il s’agit d’agir sur le présent en ayant tiré leçon du passé. Le constat et le bilan ne sont pas gratuits ; ils doivent nourrir les choix du présent. Nous avons bien ici la démarche expérimentale et raisonnée des philosophes du XVIII

e siècle. Le présent de vérité générale de la tournure impersonnelle « il faut bien que les marchands aient des esclaves » et des verbes de la fin du texte (« je suis », « il traite », « il veut ») exprime la volonté de généraliser, de tirer une leçon des événements vécus. Le futur simple est aussi employé, même si le modalisateur peut-être vient le nuancer : « tout ceci finira peut-être ». On retrouve une réflexion sur un futur hypothétique avec l’emploi du présent du conditionnel dans la construction interrogative rhétorique « pourquoi ne le serais-je pas ». Une fois encore, l’attitude de Zadig est raisonnable et il n’affirme rien de certain quant à l’avenir.

Le procès ak Le champ lexical de la justice est fortement présent dans le passage. On relèvera : « plaide », « cause », « juge », « tribunal », « équité », « témoins », « témoignages », « avouer ». al Zadig demande à Sétoc le caractère de son débiteur car il veut adapter sa stratégie à la personnalité de son adversaire. En effet, si le marchand hébreu est, comme le dit Sétoc, « vif », c’est-à-dire spontané, il pourra le prendre en défaut en le poussant à se trahir. am Voltaire suscite l’intérêt de son lecteur en ménageant des effets de surprise qui lui donnent envie de poursuivre sa lecture ou d’admirer l’intelligence de Zadig. Tout d’abord, la suggestion que fait Zadig au juge est doublement une surprise : « s’il plaît à Votre Grandeur d’ordonner qu’on aille chercher la pierre, j’espère qu’elle portera témoignage ». Rien de plus inanimé

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Zadig ou la Destinée – 11

qu’une pierre et on en attend une action, un message que les témoins initiaux ne peuvent apporter car ils sont morts (enterrés, sous une pierre muette…). Le lecteur se demande : – Comment une pierre pourrait-elle témoigner ? – Zadig est-il devenu fou ? – Le juge est-il stupide ? Le deuxième moment de surprise survient lorsque le débiteur prend la parole pour se dénoncer malgré lui : « elle est à plus de six milles d’ici ». Son rire alors contraste fortement avec la condamnation qu’il est en train de signer. Le lecteur comprend rétrospectivement la stratégie de Zadig. an Zadig révèle différentes qualités lors du procès contre le débiteur hébreu : – Il connaît les caractères et se montre capable de prévoir le comportement du marchand, dont Sétoc lui a dit qu’il était « vif ». – Il est fin stratège et anticipe sur ce qui va se passer en élaborant un stratagème qui prendra le débiteur au piège. – Il se montre patient et garde la maîtrise de la situation. En effet, après avoir demandé qu’on aille chercher la pierre, il se contente d’attendre que le piège se referme tout seul et il n’intervient que pour livrer le coupable en soulignant ce que les propos de celui-ci impliquent.

À vos plumes ! ao L’élève doit s’appuyer sur l’observation de la composition et du style du premier récapitulatif ; il doit également prendre en compte les informations données dans l’épisode du procès. Les copies qui afficheront une visée didactique seront valorisées, la leçon pouvant être que la raison prime sur la force. ap Il s’agit là aussi d’un exercice d’imitation. Les élèves doivent raconter le déroulement d’un nouveau procès en changeant la stratégie de Zadig. On valorisera les récits qui auront imaginé un moyen original mais crédible de déclencher la colère et l’aveu du marchand coupable.

C h a p i t r e s e i z i è m e ( p p . 1 0 2 à 1 0 4 )

Que s’est-il passé entre-temps ? u Almona n’aime pas son mari qu’elle dépeint comme « jaloux » et « brutal » (chapitre onzième), mais elle projette de se brûler vive « pour les autres, et par vanité », comme Zadig le lui fait reconnaître. Elle agit surtout pour « être une sainte » et se conformer à une coutume qui peut assurer la gloire de sa tribu. v Almona séduit tour à tour les prêtres des étoiles, qui ont demandé la mort de Zadig (chapitre treizième), obtenant ainsi la grâce du jeune homme. w C’est Arbogad, le brigand que Zadig rencontre dans le chapitre quatorzième, qui apprend à Zadig que le roi Moabdar est mort. Il suppose que la reine Astarté a été emmenée comme esclave. x Le pêcheur du chapitre quinzième reproche au ministre Zadig et à la reine Astarté de ne pas lui avoir payé ses fromages à la crème et au seigneur Orcan de lui avoir pris sa femme. Ruiné et abandonné, il est sur le point de se jeter à l’eau quand Zadig intervient.

Avez-vous bien lu ? y Les hommes ne peuvent chercher le basilic car seules les femmes peuvent approcher ce serpent, supposé mortel pour les hommes. U Les femmes s’empressent de chercher le basilic car le seigneur Ogul a promis d’épouser celle qui trouverait l’animal nécessaire à sa guérison. Seule Astarté, qui continue de penser à Zadig, ne participe pas à la recherche. V Lorsque Zadig reconnaît Astarté, cette dernière est occupée à tracer sur le sable les lettres du nom de Zadig avec une petite baguette. W Lorsque la reine voit Zadig, elle s’évanouit : « elle tomba évanouie entre ses bras ». X Lorsque Moabdar a décidé de tuer Zadig et Astarté car il les soupçonnait d’être amants, Zadig, sur les conseils de Cador, a quitté Babylone tandis que la reine s’est cachée dans une statue : Cador

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Réponses aux questions – 12

« m’enleva, et me conduisit dans le temple d’Orosmade, où le mage, son frère, m’enferma dans une statue colossale ». at   Moabdar oublie rapidement Astarté lorsqu’il découvre Missouf (voir chapitre neuvième). « La Belle Capricieuse » a une grande emprise sur le roi : « C’est ainsi qu’elle gouverna Babylone. » Mais Moabdar devient fou et sa folie provoque une révolte au cours de laquelle il est assassiné (« Sa folie, qui parut un châtiment du Ciel, fut le signal de la révolte »). ak   Zadig guérit le seigneur Ogul en l’incitant à pratiquer une activité sportive. Pour cela, il lui fait croire que le basilic est enfermé dans un ballon et il l’oblige à le lancer chaque jour (« apprenez qu’il n’y a point de basilic dans la nature, qu’on se porte toujours bien avec de la sobriété et de l’exercice »).

Le retour en arrière al Le retour en arrière permet à l'auteur d'expliquer au lecteur ce qui s'est passé tandis que nous suivions les aventures de Zadig. Astarté est la narratrice et son intervention est justifiée par le fait qu'elle vient juste de retrouver Zadig et qu'elle éprouve le besoin de lui raconter ce qui s'est passé depuis qu'il a quitté le palais. am La proposition « Pendant qu’elles cherchent leur basilic » est une subordonnée conjonctive circonstancielle de temps. Elle exprime une durée (« pendant qu[e] ») d’autant plus longue que le basilic est un animal merveilleux et donc introuvable. Le retour en arrière que constitue le récit d’Astarté est justifié par cette pause narrative, par cette attente qu’introduit la quête impossible du serpent fabuleux. an – « cherchent » : présent de l’indicatif. – « dit » : passé simple de l’indicatif. – « vais » : présent de l’indicatif. – « pardonne » : présent de l’indicatif. – « revois » : présent de l’indicatif. – « savez » : présent de l’indicatif. – « trouva » : passé simple de l’indicatif. – « fussiez » : imparfait du subjonctif. – « fut » : passé simple de l’indicatif. – « prit » : passé simple de l’indicatif. Le présent de l’indicatif employé au début du discours de la reine est un présent de l’énonciation qui renvoie à des actions qui se situent au moment de la scène du basilic. Le passé simple employé ensuite introduit le retour en arrière et renvoie au jour où Zadig et Astarté ont dû fuir la colère du roi Moabdar. Ce passé simple exprime des actions limitées dans le temps et il convient pour évoquer un enchaînement de péripéties comme c’est le cas ici. L’imparfait du subjonctif « fussiez » est demandé par la concordance des temps ; le verbe principal d’opinion (« trouva ») étant au passé, le verbe subordonné se met au mode subjonctif et au temps correspondant. Le glissement du présent de l’énonciation au passé simple qui caractérise un récit coupé de la situation d’énonciation signale et permet l’insertion du retour en arrière. Avant de se développer, le récit assure le lien avec l’épisode en cours du basilic.

Un genre : le conte oriental ao Le merveilleux est la caractéristique principale du conte et il est présent ici avec la quête du basilic, mais d’autres archétypes peuvent être relevés : – Les personnages sont ceux des contes. Leur condition sociale est élevée : le seigneur Ogul et la reine de Babylone ; Zadig était un ministre du roi. – Le vocabulaire mélioratif, frôlant l’hyperbole, occupe également une place importante : « belle prairie », « petit ruisseau », « majestueuse », « petite baguette », « sable fin »... – Le passage s’apparente au dénouement heureux d’un conte car les personnages, séparés par les péripéties, finissent par se retrouver. ap Les noms des personnages (Ogul, Zadig, Astarté, Moabdar, Arbogad, Missouf…) ainsi que les lieux (temple d’Orosmade, les Indes, Memphis, l’Arabie, Babylone, Hyrcanie, Chaldée) rappellent au

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Zadig ou la Destinée – 13

lecteur l’Orient. Le basilic aussi a une connotation exotique. Une des femmes est désignée comme « la Syrienne », Missouf comme « l’Égyptienne ». La société représentée appartient au monde oriental puisque le seigneur Ogul a des esclaves. L’arrière-plan du récit est un harem dans lequel les femmes se montrent soumises et désireuses d’être choisies : « nous sommes ses très humbles esclaves », « le seigneur Ogul a promis de choisir pour sa femme bien-aimée. ». Enfin, Zadig, lorsqu’il retrouve la reine Astarté, fait appel aux « puissances immortelles » qui président « aux destins des faibles humains ». Le pluriel sous-entend un polythéisme supposé être une des marques de la religion des Perses. aq Astarté est présentée comme l’héroïne type du roman d’amour. Elle se distingue des autres femmes par son attitude. En effet, les « humbles esclaves » du seigneur Ogul adoptent toutes le même comportement : elles cherchent le basilic prescrit par le médecin, dans l’espoir d’être choisies par leur maître. À la différence des autres esclaves, elle n’est pas à la recherche du basilic (« qui ne cherchait rien »). Ces esclaves ne sont pas individualisées. Celle qui répond à Zadig n’est désignée que par sa nationalité (« la Syrienne »). Astarté, elle, est désignée par son nom, mais elle se distingue surtout par le fait qu’elle se tient à l’écart du groupe (« cette Syrienne et les autres », « une autre dame »). Le pronom indéfini les autres permet de regrouper les femmes du harem et, peut-être même, de les définir par leur altérité — ce qui fait de la reine un personnage unique et différent, dont le comportement et les valeurs sont mis en avant. De plus, les sentiments qu’elle éprouve ne sont pas ceux des femmes du harem. Ne souhaitant pas être l’élue du seigneur Ogul, elle affiche une attitude empreinte de désespoir : elle apparaît « couchée » et « de profonds soupirs sortaient de sa bouche », signes de son désœuvrement et de sa tristesse. ar Zadig, comme Astarté, est présenté dans ce passage comme le héros d’un roman d’amour conventionnel. Il en affiche les qualités : ainsi, dans le premier paragraphe, il apparaît comme un jeune homme curieux de comprendre ce qui se passe autour de lui. Le conseil « Gardez-vous-en bien » qui l’avertit contre le regard mortel du serpent fabuleux suscite en effet ses questions. De plus, il possède les qualités d’un galant homme. Il se montre serviable et propose ses services aux femmes qui cherchent le basilic. Le discours indirect « s’il pouvait avoir l’honneur de les aider dans leurs recherches » ainsi que l’expression redondante « oserai-je vous prier de m’apprendre » sont des tournures respectueuses et suggèrent le ton déférent de Zadig. Zadig se conforme au code mondain de la galanterie. L’attitude de Zadig envers Astarté manifeste la même attention galante : il respecte sa rêverie (« il demeura quelque temps immobile ») et prend mille précautions pour l’interrompre (« pardonnez à un étranger, à un infortuné, d’oser vous demander »). Lorsqu’il reconnaît la reine de Babylone, les marques de déférence sont plus fortes encore et ne se limitent pas à la parole : « il se jeta à genoux devant Astarté, et il attacha son front à la poussière de ses pieds ». On retrouve ici la teinte orientale qui marque le conte. as Dans la tradition romanesque du roman sentimental, l’amour s’exprime de manière violente. La tristesse d’Astarté séparée de Zadig fait d’elle une femme voilée (« son visage était couvert d’un voile »), qui se tient à l’écart des autres et dont toute la pensée est absorbée par l’être aimé (« le nom de Zadig tracé par votre main divine »). Sa mélancolie se traduit par son attitude « couchée » et « penchée vers le ruisseau » ainsi que par les « profonds soupirs » qu’elle ne cesse de pousser, comme le suggère l’imparfait itératif « sortaient ». Les retrouvailles sont également l’occasion de manifestations violentes : « elle tomba évanouie entre ses bras » ; « il fut un moment privé de l’usage de ses sens » ; « il se jeta à genoux devant Astarté ». Le sentiment amoureux se révèle complexe et désordonné : « un cri d’attendrissement, de surprise et de joie » ; « tous les mouvements divers qui assaillaient à la fois son âme » (noter l’adjectif indéfini, le pluriel, l’adjectif qualificatif, le complément circonstanciel de temps) ; « une langueur mêlée de confusion et de tendresse » ; « le tumulte de leurs âmes ». L’amour mis en scène dans ce passage répond aux règles du code galant hérité de l’amour courtois médiéval et repris ensuite dans le roman précieux que Voltaire égratigne. On retrouve même une référence à cette littérature dans l’apostrophe « généreuse dame ». La femme est idéalisée, voire divinisée, et les marques de respect de Zadig sont nombreuses dans les paroles (« votre main divine », « respectable reine ») et dans les actes : la poussière que touchent les pieds d’Astarté est, par exemple, digne de vénération.

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Réponses aux questions – 14

bt   On peut relever différentes hyperboles dans le passage délimité : – les adverbes d’intensité : « très humbles esclaves », « un animal fort rare », « tant pleuré et tant craint » ; – les indices de temps, qui donnent plus de force à l’action : « jamais prendre que par des femmes », « à plusieurs reprises », « toujours », « vingt fois » ; – l’accumulation dans l’expression du sentiment amoureux, qui se traduit par différents procédés de l’itération, qu’il s’agisse de la coordination de deux propositions indépendantes ou des marques lexicales (le préfixe re-, l’adverbe toujours) de la reprise : « Il se jeta à genoux devant la reine Astarté, et il attacha son front à la poussière de ses pieds », « dont les larmes recommençaient toujours à couler », « Elle reprenait vingt fois des discours » ; – les apostrophes mélioratives lancées par Zadig : « Ô généreuse dame », « Ô puissances immortelles ». L’hyperbole souligne l’intensité dramatique de la scène ainsi que la force de l’amour ; elle est une marque stylistique attendue du roman sentimental. Ici, les hyperboles sont si nombreuses qu’elles en deviennent suspectes. Ajoutées à l’invraisemblance des retrouvailles, elles signalent la parodie. Voltaire, que sa disgrâce tient à l’écart de la Cour, se moque en réalité des romans d’amour à la mode à son époque.

Lire l’image bk On remarquera d’abord qu’Astarté est mise en lumière au centre de la gravure — ce qui exprime sa place centrale dans cette scène des retrouvailles. Zadig reste le personnage principal, mais dans ce chapitre la nouveauté réside dans le retour de la reine — ce qui fait que notre personnage éponyme est au second plan. Ce jeu des plans et de la lumière permet également de dire que, lorsqu’elle écrit son nom, Astarté n’a pas encore vu Zadig ; elle lui tourne le dos et elle est très absorbée par sa rêverie amoureuse (les yeux baissés) ; le jeune homme est dans l’ombre. L’étude des gestes montre d’une part l’attitude langoureuse de la reine (l’appui sur une main, les courbes du corps) et d’autre part la surprise de Zadig. En effet, le jeune homme se détache à peine de la végétation au second plan — ce qui nous donne l’impression qu’il surgit dans la scène de rêverie. Ses bras et ses mains expriment un mouvement, traduisent une émotion et un désordre, celui de la surprise. On sent aussi que le personnage est déchiré entre la tentation de s’approcher d’Astarté (la main gauche) et celle de s’en écarter (la main droite). Le voile de la reine est relevé, mais Zadig, placé en retrait, ne peut apercevoir son visage : ce jeu de caché/révélé augmente le romanesque traditionnel de la scène. bl Le bâtiment au fond rappelle l’existence du seigneur Ogul et le contexte des retrouvailles ; l’architecture orientale n’est pas particulièrement marquée ; on dirait plutôt le château de Versailles. La place importante accordée à l’arbre montre que les retrouvailles ont lieu au sein de la nature (goût préromantique), mais surtout à l’écart des autres (le château au fond). La solitude est le cadre privilégié des retrouvailles. Le choix du décor comme celui des attitudes reprennent les clichés du romanesque sentimental.

À vos plumes ! bm   Après une étude de l’insertion du retour en arrière dans la trame narrative principale (questions 12 à 14), les élèves sont armés pour traiter le sujet. On attend donc une maîtrise de l’insertion du récit (le jeu des temps) et la mise en place des clichés du romanesque sentimental étudiés dans les questions 17 à 20. Par ailleurs, les élèves devront, tout en reprenant les informations données dans le chapitre, présenter les événements du point de vue de la reine en introduisant une focalisation interne. bn   Le thème de la médecine et des charlatans traverse notre littérature. L’élève pourra s’inspirer des arguments et du registre comique des textes. Il sera aussi amené, en se référant au chapitre seizième de Zadig, à réfléchir sur la notion bien contemporaine d’« hygiène de vie ». Un travail en lien avec le professeur de SVT peut être envisagé.

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Zadig ou la Destinée – 15

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Que s’est-il passé entre-temps ? u Le vainqueur du combat et des énigmes sera roi et épousera Astarté. v C’est Cador qui apporte à Zadig les présents de la reine car cette dernière ne doit pas afficher sa préférence pour l’un des participants. w Le chevalier « fort vain, peu courageux » et « très maladroit » est Itobad. x L’ange Jesrad prend l’apparence d’un ermite. y L’ermite précipite le neveu de la veuve du haut d’un pont en expliquant que le jeune garçon aurait, sinon, assassiné sa tante dans un an ou deux.

Avez-vous bien lu ? U Les réponses exactes sont : b, c et f. V Lorsqu’elle apprend l’arrivée de Zadig à Babylone, la reine Astarté est « en proie à l’agitation de la crainte et de l’espérance ». W À la fin du conte, l’Envieux meurt « de rage et de honte ». X Les compagnons de Zadig sont récompensés : – Le brigand Argobad obtient « un grade honorable » dans les armées. – Sétoc est chargé du commerce de Babylone. – Le pêcheur reçoit une maison et de l’argent.

La formulation des énigmes at Les deux énigmes sont introduites par un pronom interrogatif et il s’agit d’interrogations partielles. On ne saurait en effet proposer une énigme en forme d’interrogation totale car elle n’admet que deux réponses possibles : « oui » ou « non » — ce qui ne permettrait pas de départager les concurrents. Au contraire, l’interrogation partielle admet une infinité de réponses possibles et Zadig, qui propose les réponses les plus pertinentes, sera le vainqueur. ak Les adjectifs qualificatifs sont : « longue », « courte », « prompte », « lente », « divisible », « étendue », « négligée », « regrettée », « petit », « grand ». Les adjectifs, à l’exception des deux derniers, sont au superlatif relatif. al – « qu’on reçoit sans remercier » : subordonnée relative, complément de l’antécédent « chose ». – « dont on jouit sans savoir comment » : subordonnée relative, complément de l’antécédent « chose ». – « qu’on donne aux autres » : subordonnée relative, complément de l’antécédent « chose ». – « quand on ne sait » : subordonnée conjonctive circonstancielle, complément circonstanciel de temps. – « où l’on en est » : subordonnée interrogative, COD du verbe « savoir ». – « qu’on perd sans s’en apercevoir » : subordonnée relative, complément de l’antécédent « chose ». am L’énumération, que ce soit de superlatifs ou de propositions subordonnées, et l’accumulation sont communes aux deux énigmes. Elles obscurcissent la phrase et rendent la question plus difficile et plus mystérieuse.

La mise en valeur du personnage principal an Dans le premier paragraphe, Zadig est mis en valeur par la position qu’il occupe dans la foule. Arrivé à Babylone sans intention particulière (« marchait au hasard »), si ce n’est celle de suivre l’ordre donné par Jesrad, il se retrouve le point de mire du peuple (« le peuple s’assembla autour de lui »). La conjonction de subordination dès que insiste sur la rapidité et on assiste presque à une scène de révélation religieuse, comme à une sorte d’apparition christique : « Dès que Zadig parut dans la ville », « à la vue de Zadig ». Les individus rassemblés autour de Zadig se trouvent alors réduits à des « yeux », des « bouches » et des « cœurs » célébrant l’arrivée du sauveur. La métonymie et le parallélisme syntaxique jouant sur l’ellipse du verbe (« les yeux ne se rassasiaient point de le voir, les bouches de le bénir,

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Réponses aux questions – 16

les cœurs de lui souhaiter l’Empire ») viennent souligner cette mise en scène. Plus loin, les Babyloniens sont fondus dans un « murmure confus » et un on collectif (« On était surpris ») qui permettent à Zadig de se détacher davantage encore. ao Autour de Zadig, seuls trois personnages se détachent : Astarté, Itobad, qui est son principal adversaire, et le « grand mage », qui pose la première énigme. Mais ce dernier personnage n’a pas de nom et s’efface derrière sa fonction. Les autres personnages, comme c’est souvent le cas dans les contes voltairiens, sont gommés, qu’il s’agisse des autorités ou des concurrents : – les autorités : « on » (« on alla aux voix », « on ne balançait pas », « on demanda ensuite », « disait-on »), « l’assemblée ». La construction passive vient ensuite se substituer à ce on indéfini : « il fut reconnu roi » ; – les concurrents : « les uns », « d’autres », « chacun ». Ce gommage des personnages a pour effet de donner du relief à Zadig, qui se retrouve à l’avant-scène. Un autre personnage se détache également : c’est Itobad, le chevalier en tous points opposé à Zadig. ap Itobad, comme les personnages gommés par la plume de Voltaire mais de façon plus marquée encore, concourt à mettre en valeur les qualités de Zadig. D’abord, ce personnage occupe une place importante dans le chapitre. Au début, il n’est désigné que par l’expression indéfinie « un autre », employée à deux reprises. Il est l’usurpateur qui doit être démasqué. Le lecteur connaît, certes, l’identité du personnage, mais il est mis en situation d’attente. Ensuite, lors de l’épisode des énigmes, Itobad se détache des indéfinis qui désignent l’ensemble des candidats en lice (« les uns », « d’autres », « chacun ») et il se fait remarquer également par son comportement négatif. Alors que chaque candidat tente de proposer une réponse aux énigmes, Itobad est le seul à refuser de répondre, alléguant que la force prime sur la raison : « il suffisait d’avoir vaincu à grands coups de lance ». Enfin, Itobad, accusé par Zadig, adopte une attitude de suffisance et de certitude inadaptée à la situation. Voltaire accumule les expressions qui expriment cette confiance du personnage : « la plus grande confiance », « il ne doutait pas », « aisément », « comme un homme qui n’avait rien à craindre ». L’évocation hyperbolique appartient à la caricature et contraste à la fois avec l’attitude raisonnable de Zadig et avec le dénouement de la scène qui met en échec l’usurpateur. Itobad est, dans le chapitre, un personnage comique qui vient, par contraste, souligner les valeurs incarnées par Zadig. En effet, Voltaire peint de manière caricaturale le chevalier à l’armure verte. Itobad incarne, de manière schématique, la sottise, et ce à tous les stades du récit. En premier lieu, il se montre incapable d’avancer une seule réponse aux énigmes ; ensuite, il est persuadé de sa force alors que son triomphe initial ne tient qu’au vol de l’armure blanche ; enfin, il ne comprend pas ce qui lui arrive lorsque Zadig le désarme « paisiblement » : « surpris des disgrâces qui arrivaient à un homme comme lui ». L’incapacité d’adaptation au réel que manifeste Itobad fait de lui un personnage comique à la manière des personnages types de la comédie. Voltaire souligne cette inadaptation et cette bêtise en recourant de nouveau au procédé de l’hyperbole : « n’entendait rien », « grands coups de lance », « la plus grande confiance », « toujours surpris », « magnifique casque »....

La conclusion du conte aq On pourra s’appuyer sur les deux dernières étapes du schéma quinaire pour étudier le fonctionnement de la conclusion sur le plan narratif. Le chapitre dix-neuvième est bien en effet un chapitre de conclusion en ce qu’il présente à la fois le dénouement du nœud narratif (la résolution) et la situation finale. En effet, les qualités intellectuelles (les énigmes), physiques (le combat contre un chevalier en armure) et morales (son attitude posée dans l’ensemble du chapitre) de Zadig sont mises en évidence devant l’assemblée des « illustres seigneurs ». Devant tous (la récurrence de l’indéfini on), Zadig se révèle être le meilleur des chevaliers. Le chapitre dix-neuvième, après un parcours semé d’injustices et de malentendus, est un chapitre de reconnaissance : « Il fut reconnu roi d’un consentement unanime, et surtout de celui d’Astarté. » Cette reconnaissance vient achever le voyage du personnage éponyme et, intervenant « après tant d’adversités », elle introduit la situation finale. Les dernières lignes du chapitre installent la situation finale : c’est un nouvel ordre stable qui succède au désordre de la quête et Voltaire évoque successivement le sort des différents personnages du conte :

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Zadig ou la Destinée – 17

un sort négatif pour ceux, comme Itobad ou l’Envieux, qui n’ont su montrer aucune qualité et un sort favorable pour les autres. ar Voltaire est un auteur de théâtre et on ne sera pas étonné de trouver des points communs entre le dénouement du conte et celui d’une comédie, même si le conte est un genre rattaché au discours narratif et ne relève pas au départ du théâtre. En effet, comme dans une comédie, tout se termine bien ; les personnages qui ont fait preuve de qualités (même Sétoc et le brigand) sont récompensés et ceux qui se sont avérés nuisibles sont punis, sans que le châtiment mette une note tragique dans cette fin heureuse : « Itobad alla se faire appeler monseigneur dans sa maison », « L’Envieux mourut de rage et de honte ». D’autre part, comme dans une comédie, la fin du conte rassemble sur la scène tous les protagonistes de l’histoire, y compris le « petit muet » qui avait dénoncé les projets du roi dans le chapitre huitième. Les ressemblances entre Zadig et le théâtre ne se limitent pas d’ailleurs à ce dernier chapitre. La place du dialogue et le découpage en scènes successives sont des éléments qui rapprochent le conte de la comédie. as Le procédé du contrepoint comique (voir plus haut le personnage caricatural d’Itobad) désamorce toute tonalité dramatique malgré la gravité du contexte et de l’enjeu. De ce fait, le lecteur ne peut se laisser prendre par la tension finale et, distant, il observe les marques dénoncées du genre parodié. La scène finale du roman d’aventures, celle qui réunit tous les risques (le défi de l’intelligence dans la résolution des énigmes et de la force dans le combat contre le chevalier armé) et tous les enjeux (Astarté et le royaume de Babylone), se trouve caricaturée. Sans doute la principale marque de la parodie, en dehors des contrastes et du contrepoint comique, est-elle l’usage constant des hyperboles. bt Voltaire, sans doute en les caricaturant, reprend les archétypes du conte traditionnel. Dans la logique narrative du conte, les bons sont récompensés et les méchants punis. C’est bien ce qui se passe ici. Itobad et l’Envieux sont punis ; les autres personnages, à commencer par Zadig qui épouse Astarté et devient roi, sont récompensés. Tout le monde jusqu’au « petit muet » du chapitre huitième est remercié. Ainsi, on retrouve dans Zadig la morale récurrente chez Charles Perrault : les qualités finissent par être reconnues. Mais les véritables leçons du conte philosophique sont ailleurs. Ce chapitre illustre la position optimiste et leibnitzienne de l’ange Jesrad. En lançant « du haut des airs » l’injonction qui clôt le chapitre dix-huitième (« Prends ton chemin vers Babylone »), Jesrad montre que tout a un sens et que, si Zadig a perdu Astarté et dû subir de nombreuses épreuves, c’est pour atteindre un plus grand bonheur : il épouse la reine et devient roi. Contrairement à l’impression qu’on pouvait avoir en suivant Zadig dans ses malheurs, la « destinée » a un sens. Dans Candide, l’optimisme (déjà conditionnel dans Zadig) aura disparu ; les malheurs vécus par les personnages n’apporteront, en définitive, que « des cédrats confits et des pistaches ». Dans le conte, la dimension philosophique se double d’une réflexion sur les institutions. Le chapitre dix-neuvième apporte une conclusion à cette réflexion. Après avoir critiqué les abus du pouvoir en imaginant le roi Moabdar et la « Belle Capricieuse » Missouf, Voltaire propose la solution du despote éclairé. Zadig va tenir ce rang. Ses nombreuses qualités – celles dont il fait preuve dans le chapitre dix-neuvième, mais aussi celles qu’il a manifestées au cours de son voyage – font de lui un roi idéal. Mais sans doute est-il un roi idéal parce que reconnu de tous (« il fut reconnu roi d’un consentement unanime »). On aurait presque envie de parler ici de « démocratie ». Mais on évoquera seulement le modèle anglais que Voltaire, comme les autres philosophes des Lumières, admirait.

Lire l’image bk Les références à l’Orient sont nombreuses dans la gravure : les costumes des différents personnages, le sphinx à côté de la reine, la tour de Babel (Babylone) au fond. Au premier plan à droite, le médaillon représentant Voltaire rappelle qu’il s’agit bien d’un conte européen. bl Le dénouement heureux et quasi merveilleux de Zadig apparaît dans la gravure. L’étoile en haut qui dispense une lumière surnaturelle (un souvenir de Jesrad ?) est un élément positif qui exprime le bonheur. Les visages des deux personnages inclinés l’un vers l’autre, Zadig et la reine, montrent aussi

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Réponses aux questions – 18

le bonheur des retrouvailles et du succès (les énigmes et le combat final). Le personnage à droite sourit également.

À vos plumes ! bm On attend ici une réécriture de la scène des énigmes en modifiant le point de vue. On devra retrouver le plan de la scène et ses lignes majeures. Mais l’interprétation sera faussée par le regard jaloux d’Itobad.

R e t o u r s u r l ’ œ u v r e ( p p . 1 2 6 à 1 2 9 )

Avez-vous bien lu ? u Les événements apparaissent dans l’ordre suivant : h, c, a, f, g, l, e, b, k, j, d, i.

Les personnages v

L’œuvre w 1 a – 2 a, b et c – 3 a et b – 4 b – 5 c – 6 a, b et c.

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Zadig ou la Destinée – 19

P R O P O S I T I O N D E S E Q U E N C E D I D A C T I Q U E

QUESTIONNAIRES LANGUE TECHNIQUE LITTÉRAIRE

EXPRESSION ÉCRITE

Questionnaire n° 1 (épître dédicatoire)

• l’énonciation • le pronom indéfini on • la construction passive

• l’épistolaire • l’éloge • l’argumentation indirecte

• la lettre • l’éloge • l’argumentation indirecte

Questionnaire n° 2 (chapitre deuxième)

• le traitement du temps • les valeurs des temps du passé • les paroles rapportées

• les paroles rapportées • le comique • l’évolution du personnage

• composer un récit en insérant du dialogue • la réécriture • le discours argumentatif

Questionnaire n° 3 (chapitre dixième)

• les pronoms • les propositions • la construction passive • les compléments circonstanciels • le champ lexical de la justice

• l’analyse du caractère d’un personnage • l’art de surprendre le lecteur • le rôle des temps dans le récapitulatif d’une situation

• écrire un récapitulatif en prenant en compte le texte • la réécriture

Questionnaire n° 4 (chapitre seizième)

• les propositions subordonnées • les valeurs des temps dans un récit

• les procédés de style • la mise en valeur d’un personnage • la parodie

• la réécriture avec changement de point de vue • le dialogue argumentatif

Questionnaire n° 5 (chapitre dix-neuvième)

• l’interrogation • la formation des mots • les propositions subordonnées

• la description des personnages • la conclusion argumentative • l’ironie et sa fonction critique

• la réécriture avec changement de point de vue

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Exploitation du groupement de textes – 20

E X P L O I T A T I O N D U G R O U P E M E N T D E T E X T E S

◆ Réponses aux questions

Réponses aux questions sur le texte 1 A. Dans les vers 1 à 15, le présent a une valeur de vérité générale. On notera également la présence forte du « on » ainsi que les adverbes « jamais » et « toujours ». Par la suite, dans les vers 16 à 20, le présent peut exprimer une action actuelle (présent d’actualité, de l’énonciation) dans les paroles rapportées (« Attends », « suis », « est » aux vers 18 et 19) ou bien être employé pour donner du relief à une action importante (présent de narration) : « fait » au vers 21. B. La morale se situe au début de la fable dans les vers 1 à 15. Au vers 2, aux vers 5/6, puis au vers 9, le parallélisme doublé d’une antithèse exprime l’inconstance des sentiments. À la fin de l’introduction, le terme « fable », pris dans son double sens de récit et de mensonge comme l’indique le mot « vérité » du vers 15, introduit l’histoire particulière qui suit. À partir de ce moment, le déterminant général « un époux » fait place à une situation unique : « L’époux », « le mari ». Les paroles rapportées font leur apparition pour donner vie à la scène racontée à des fins illustratives. C. En reprenant l’histoire imaginée par Pétrone, La Fontaine puis Voltaire s’attachent à montrer un trait de caractère récurrent : l’inconstance des sentiments. Les femmes sont prises pour cible et leur fidélité est mise en cause. En effet, dans le chapitre 2 de Zadig comme dans la fable, la jeune veuve éprouve un chagrin sincère quand décède son mari. Aucune hypocrisie chez les deux femmes. Mais le temps vient à bout des sentiments, les meilleurs soient-ils ; la vie a des attraits auxquels la jeunesse ne résiste pas. Pour Voltaire comme pour La Fontaine, l’inconstance fait partie de la nature humaine. Dans Zadig, on verra ainsi le roi Moabdar, un souverain pourtant raisonnable, changer du tout au tout par jalousie et décider de la mort de sa femme (Astarté) et de son fidèle conseiller (Zadig). Seul Cador fait exception à cette règle.

Réponses aux questions sur le texte 2 A. Léandre répète l’apostrophe « Monsieur » pour marquer son respect et a recours à des hyperboles telles que « il y a longtemps » ou le verbe « j’implore ». Alors que Sganarelle l’interrompt et le bouscule, le jeune homme reste posé et respectueux : « Je vous demande pardon ». Léandre se montre respectueux malgré l’agressivité de son interlocuteur car il a un service à lui demander. B. À quatre reprises, en fin de réplique, les points de suspension montrent que Léandre est interrompu. Sganarelle, en colère, ne lui laisse pas le temps de s’exprimer. Ces interruptions répétées ont un effet comique en soulignant d’une part le contraste de ton (et de caractère) entre les deux personnages et d’autre part la rupture qu’introduira la bourse à la fin du passage. C. Sganarelle change d’avis et accepte d’aider Léandre quand ce dernier, que le faux médecin refuse d’écouter, place sous son nez la bourse qu’il est prêt à lui céder en échange de son aide. Au début de la pièce, Sganarelle, bûcheron, avait consenti à se faire passer pour un médecin avec le même argument. Ce revirement a d’abord bien entendu une fonction comique, mais il permet également à Molière de dénoncer l’importance de l’argent et la façon dont il oriente les comportements. Dans cette scène, c’est l’argent qui explique l’inconstance des hommes.

Réponses aux questions sur le texte 3 A. On relève de nombreux indicateurs de temps : « cet été », « cet hiver », « avant que tu eusses reçu ma lettre », « six mois », « trente ans », « Quelquefois », « tout à coup », « un temps », « dans un autre », « souvent », « quelquefois », « le lendemain », « Autrefois », « aujourd'hui ». Ces indications sont nombreuses pour souligner l’inconstance de la mode et des goûts. On remarque que les indicateurs s’associent par pair pour mieux montrer la rapidité des changements : été/hiver, six mois/trente ans, un temps/ dans un autre, autrefois/aujourd’hui.

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Zadig ou la Destinée – 21

B. Les hyperboles rythment le texte et soulignent l’inconstance en amusant le lecteur qui adopte avec plaisir le regard naïf d’un Persan que tout, chez les Français, surprend. On peut notamment relever : « Une femme qui quitte Paris pour aller passer six mois à la campagne en revient aussi antique que si elle s'y était oubliée trente ans » : l’écart entre « six mois » et « trente ans » ainsi que le double sens de l’adjectif « antique » (démodé, appartenant à l’Antiquité) relèvent de l’hyperbole et soulignent la rapidité des changements. « Il a été un temps que leur hauteur immense mettait le visage d'une femme au milieu d'elle-même » : cette fois-ci l’hyperbole ne porte pas sur la rapidité mais sur l’absurdité de la mode qui dénature le corps humain en plaçant le visage au milieu et non au sommet. Montesquieu joue sur le regard naïf du persan. « les filles se trouvent autrement faites que leurs mères » : comme dans l’exemple précédent, il s’agit ici d’une atteinte à la nature. En rapprochant les « filles » et les « mères » qui devraient se ressembler, Montesquieu souligne l’ampleur du changement et laisse entendre que la mode est contre-nature, ce qui ne manquera pas d’orienter la réflexion du lecteur dans le dernier paragraphe. C. La première cible de la critique est posée au tout début de la lettre : le Persan s’en prend aux « caprices de la mode ». Tout au long du texte, les exemples se succèdent : vêtements, coiffures, chaussures, silhouettes (« taille ») sont passés en revue. La fin du texte glisse vers un sujet plus sérieux : « Il en est des manières et de la façon de vivre comme des modes : les Français changent de mœurs selon l'âge de leur roi. » Nous avons quitté le champ léger de la mode pour entrer sur le territoire plus dangereux de la politique. Nous voyons comment le philosophe des Lumières s’y prend à la fois pour séduire son lecteur et contourner la censure. Il développe un sujet attrayant et sans risque, la mode, pour en venir enfin, sans changer de paragraphe, au véritable enjeu de sa lettre : l’influence de la personnalité du roi. L’inconstance absurde des modes est reliée à la jeunesse du roi. Les Lettres persanes paraissent sous la Régence quand Louis XV n’a encore que 11 ans et on se souvient sûrement des dernières années sombres de Louis XIV très âgé et malade (il meurt en 1715). De cette façon, Montesquieu s’en prend à la monarchie absolue qui fait dépendre le pays du caractère d’un roi.

Réponses aux questions sur le texte 4 A. La particularité du journal intime est qu’au lieu de porter la marque des jours, il s’écrit au fil des heures de façon très précise, les courses du diariste étant détaillée au fil des minutes au lieu d’être regroupées de façon synthétique. L’effet est comique en raison du décalage entre ce que l’on trouve habituellement dans un journal intime, c’est-à-dire un bilan synthétique d’une journée alors qu’ici tout est décomposé et en paraît absurde. Le lecteur comprend bien aussi que c’est un extraterrestre qui écrit, un narrateur qui ne pense pas comme lui et dont l’esprit analytique est particulièrement développé au détriment de la synthèse. B. Le journal intime se réduit à une succession d’achats et, si les répétitions sont nombreuses, c’est que les actions se reproduisent sans fin, de façon compulsive. On relève dix fois l’enchaînement « J’entre » et « j’achète » et les différentes acquisitions, aussi variées soient-elles, ne sont que la déclinaison d’une même soif de consommer. C. Soucieux de se comporter comme les êtres humains qu’il observe, notre extraterrestre se met à consommer de façon inconsidérée. Seule semble compter la nouveauté (« J’entre »), l’achat (« j’achète ») et le nombre, qu’il s’agisse des magasins visités ou de la quantité absurde d’articles achetés, les « quatre-vingt-quatorze cravates pareilles », par exemple. L’auteur dénonce ainsi les mécanismes de la société de consommation : satisfaire un désir (« elle me va bien »), imaginer les possibles (« une raquette de tennis, un équipement complet de planche à voile »), se faire remarquer (« de couleur rose phosphorescent »), accumuler (« sept cents jambons fumés ») pour avoir davantage que ce dont on a besoin. La montre achetée pour être cassée présente un raccourci significatif de nos pratiques consuméristes : acheter quelque chose dont on n’a pas besoin (puisqu’on le casse) pour laisser place à un autre besoin et entretenir le désir. D. Le dernier paragraphe produit un effet de chute comique car une rupture est introduite dans la succession des acquisitions. Après avoir accumulé des objets aussi inutiles les uns que les autres, l’extraterrestre s’en débarrasse avec la même précipitation.

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Exploitation du groupement de textes – 22

Il s’agit ici de montrer notre inconstance : nous changeons d’avis, achetons et jetons pour mieux répondre aux attentes de notre société de consommation. En ce sens, la dernière mention du journal serait plus une conséquence des achats absurdes qu’une véritable rupture. Cependant, il s’agit aussi de partir « les mains dans les poches et le cœur léger », c’est-à-dire de tourner définitivement le dos à un mécanisme qui ne nous apporte rien et nous entrave.

◆ Exploitation du groupement de textes

La littérature argumentative Autour du thème de l’inconstance, les textes réunis viennent éclairer le lien entre fiction et argumentation, dans le prolongement de ce qui a pu être étudié avec Zadig. Le conte philosophique associe en effet étroitement fiction et argumentation, art de plaire et art de convaincre. Il s’agit sans doute au XVIII

e siècle de contourner habilement la censure, mais c’est aussi et surtout une manière d’écrire qui caractérise les Lumières et leur esprit tant vanté : on dit en ne disant pas ; on sous-entend, on laisse entendre — ce qui installe une connivence avec le lecteur. L’élargissement à d’autres époques et à d’autres genres que le conte philosophique apporte un éclairage qui facilite l’analyse. On pourra aussi s’appuyer sur les vignettes du Chat qui permettent d’aborder ce double aspect (placer et docere) de façon simple et attrayante : la lecture de Zadig ensuite en sera plus aisée. Différentes pistes peuvent être abordées en s’appuyant sur les textes réunis ici.

Les différentes formes de la fiction argumentative On étudiera dans un premier temps les différents genres argumentatifs réunis ici. Pour chaque texte, il conviendra d’une part d’identifier clairement la visée argumentative (que veut dire l’auteur ?) et d’autre part le genre littéraire (fable, scène de comédie, page d’un roman épistolaire, d’un roman sous la forme d’un journal intime) — ce qui sera l’occasion de rappeler brièvement les marques génériques de ces textes. On en conclura que l’argumentation peut emprunter des formes variées et on pourra prolonger avec la recherche d’autres genres : le roman (Zola), le cinéma, la peinture (Goya, Picasso). Dans un second temps on précisera l’étude en examinant de près la façon dont les auteurs font passer leurs idées. On repérera le choix de la leçon explicite dans la fable de La Fontaine et le jeu de l’implicite (comment le non-dit est-il compris ?) dans les trois autres textes.

Le thème de l’inconstance On pourra voir comment ce thème est traité dans Zadig en opposant les personnages fidèles aux personnages inconstants. Ce repérage permettra de voir que l’inconstance est dénoncée dans la sphère privée (les femmes) et dans la sphère publique (Moabdar). On examinera ensuite les textes du groupement : la versatilité des caractères est épinglée dans tous les textes. Montesquieu ajoute une dimension politique tandis qu’Eduardo Mendoza dénonce le comportement de toute une société.

La réécriture On pourra voir comment et pourquoi (la persistance de l’inconstance et le goût classique pour l’imitation), Voltaire reprend l’histoire de Pétrone, elle-même reprise par La Fontaine.

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Zadig ou la Destinée – 23

L E C T U R E D ’ I M A G E S E T H I S T O I R E

D E S A R T S

Réponses aux questions sur le document 1 A. La cravate du Chat est orange alors que les autres couleurs sont froides ; elle est de plus placée à chaque fois au centre de l’image. La cravate est la marque d’un conformisme social ; le Chat représente l’homme ordinaire au sein de la société. Le geste de la main dans la première vignette confère aux propos un ton docte que la cravate vient souligner. Cet accessoire laisse entendre que le personnage réfléchit de façon sérieuse. On peut aussi penser que la cravate est le centre de gravité de l’image, peut-être aussi du personnage, et, pourquoi pas, de la société tout entière. B. Les trois vignettes se ressemblent (attitude et costume du Chat, deux bulles de part et d’autre) et les différences sont minimes pour davantage faire ressortir le comique de l’absurde, la réponse de la dernière vignette remettant en question celle de la première. Les différences : – le geste de la main dans la première vignette pour souligner le ton sérieux et attirer l’attention du lecteur : une vérité va être énoncée ; – dans la première vignette, question et réponse sont réunies alors qu’ensuite la vignette 3 répond à la question de la vignette 2. C. L’absurdité vient du fait que la réponse négative à la question de la deuxième vignette ruine la certitude affichée (geste de la main, formule concise sans aucune hésitation ni nuance) dans la vignette 1. Le parallélisme syntaxique des deux réponses souligne l’absurdité de la situation. D. Arguments en faveur du « oui » : – le rire permet de prendre ses distances et de mieux comprendre ce qui se passe ; – il ne faut pas brider le rire et se ranger du côté des censeurs ; – le rire nous permet d’endurer les situations les plus douloureuses. Arguments en faveur du « non » : – on ne peut pas rire des situations tragiques qui nous affectent ou en affectent d’autres ; – le rire empêche l’empathie et risque de glisser vers un dangereux cynisme.

Réponses aux questions sur le document 2 A. La femme est placée au centre de l’image et l’on observe deux axes de symétrie. Verticalement, le palanquin sépare deux chameaux. Horizontalement, il délimite deux plans où se multiplient personnages et animaux. Le fait que la femme soit seule au milieu de l’image contribue également à exprimer son importance. B. Les costumes des personnages sont variés : formes, couleurs, motifs. On pourra particulièrement s’appuyer sur les personnages au premier plan. Cette diversité évoque une civilisation riche et joyeuse. C. La scène se déroule la nuit comme le suggèrent le ciel et l’éclat lunaire de la ville au loin. Elle en paraît ainsi magique et on songe volontiers à l’univers des Mille et Une Nuits. D. Les réponses qui précèdent permettent de préciser la représentation de la Perse : – un monde riche : le nombre de personnages, les animaux variés, la diversité des costumes ; – un monde heureux : la richesse, les gestes des personnages qui ont l’air de se parler alors qu’ils semblent voyager de nuit ; – un monde magique : la richesse très marquée, la nuit, le contraste entre les couleurs de la caravane et la blancheur de la citadelle au loin ; – un monde romanesque : on s’interroge sur le personnage au milieu. Qui est-elle ? Où va-t-elle ? Pourquoi est-elle seule ? À quoi pense-t-elle ?

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Pistes de recherches documentaires – 24

P I S T E S D E R E C H E R C H E S D O C U M E N T A I R E S

– Les récits de voyages : d’Homère à Jules Verne, les récits de fiction et les récits réels. On pourra élargir l’étude au cinéma. – Le héros du récit : évolution du héros dans le récit d’apprentissage, qualités extraordinaires du héros dans le prolongement des récits mythologiques, héros et antihéros (on pourra comparer, par exemple, Zadig et Candide). De la même manière que précédemment, on pourra aussi se référer au cinéma. – Les formes du conte : conte traditionnel (Perrault ou Grimm étudiés en sixième ou en cinquième) et conte philosophique, la place du merveilleux. – Les registres (le merveilleux et le fantastique) : on pourra comparer plusieurs récits : le conte de Voltaire, un conte de Perrault (Les Fées, par exemple) et un récit fantastique (La Vénus d’Ille de Mérimée). – Les réécritures : le mythe de Robinson, la réécriture des fables de La Fontaine. – Des thèmes toujours actuels : la représentation du pouvoir politique (littérature et peinture), les différentes images de la femme (littérature, peinture, publicité).

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Zadig ou la Destinée – 25

B I B L I O G R A P H I E C O M P L E M E N T A I R E

– Voltaire dans ses contes : de « Micromégas » à « L’Ingénu », Jacques Van Den Heuvel, Armand Colin, 1967. – Le Rire de Voltaire, Pascal Debailly, Jean-Jacques Robrieux et Jacques Van Den Heuvel, éd. du Félin, 1994. – Essais critiques, Roland Barthes, « Le Dernier des écrivains heureux », éd. du Seuil, « Points Essais » n° 127, 1981. – La Religion de Voltaire, René Pomeau, éd. Nizet, 1969. – Voltaire en son temps, dirigé par René Pomeau, Fayard, 1995. – Voltaire méconnu : aspects cachés de l’humanisme des Lumières (1750-1800), vol. 3 de L’Homme des droits de l’homme, Xavier Martin, éd. Dominique Martin Morin, 2007.