Zero, Histoire d'un nul

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Le spectacle « Zéro, histoire d’un nul » est le résultat d’un appel à projet lancé par Le Vaisseau et le Conseil Général du Bas-Rhin pour un spectacle à caractère scientifique. Dans notre compagnie, Xavier Martin, le metteur en scène est titulaire d’une licence de physique, Thierry Lucas, le comédien-circassien d’une maîtrise de mathématiques et Stéphanie Gramont, la comédienne-marionnettiste d’une licence de mathématiques. C’est donc assez naturellement que nous avons proposé notre candidature à cet appel à projets et que nous avons décidé de raconter une histoire de maths.

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  • dossier pdagogique

    Zro,

    histoire dun nul

    "Les mathmatiques sont la posie des sciences."

    Lopold Sdar SENGHOR (1906 2001)

  • 1

    Zro, histoire dun nul par la compagnie Les Arts Pitres

    spectacle scientifico-burlesque

    tout public partir de 6 ans (8 ans en sance scolaire)

    Contacts : Thierry Lucas, Stphanie Gramont

    [email protected]

    introduction page 2

    la naissance des chiffres page 3 les babyloniens ou compter avec des clous page 4 loccident et lorient, deux penses qui sopposent page 6

    la naissance du zro en Orient et sa longue bataille en Occident

    page 7

    la perspective ou le zro dans lart page 7 le zro contre lglise page 9 scne des aristotliciens page 10

    conclusion (mais pas fin) de lhistoire page 11

    quelques petits trucs du spectacle les clous page 12 le navire US page 12 la dmonstration 1 = 0 page 13

    dbats page 14

    www.les-arts-pitres.com

  • 2

    Zro, histoire dun nul par la compagnie Les Arts Pitres

    introduction

    Le spectacle Zro, histoire dun nul est le rsultat dun appel projet lanc par Le Vaisseau et le Conseil Gnral du Bas-Rhin pour un spectacle caractre scientifique. Dans notre compagnie, Xavier Martin, le metteur en scne est titulaire dune licence de physique, Thierry Lucas, le comdien-circassien dune matrise de mathmatiques et Stphanie Gramont, la comdienne-marionnettiste dune licence de mathmatiques. Cest donc assez naturellement que nous avons propos notre candidature cet appel projets et que nous avons dcid de raconter une histoire de maths.

    Le dfi de ce projet tait de parvenir raconter cette histoire de mathmatiques comme une aventure pleine de personnages pittoresques, de rebondissements.

    Nous tions tous trois trs enthousiastes lide de renouer le temps dun spectacle avec un univers qui, sil rveille de douloureux souvenirs dcoliers chez beaucoup de gens, a t linverse pour nous et notre humble niveau un champ ludique, joyeux, illimit et tellement jubilatoire de jeux de lesprit. Nous souhaitons que notre spectacle respire ce plaisir, pour que la pdagogie indispensable ce genre dexercice passe aussi facilement que nimporte quelle autre histoire.

    Pour crire ce spectacle, nous avons videmment beaucoup lu, mais les deux ouvrages

    qui nous ont fondamentalement guids tout au long de la cration sont :

    Histoire universelle des chiffres : lintelligence des hommes raconte par les nombres et le calcul de Georges Ifrah chez Robert Laffont

    Zro, la biographie dune ide dangereuse de Charles Seife chez Hachette

    Nous voulions aussi que le hros de notre spectacle ne soit pas un bon lve mais un

    cancre, de ceux qui ignorent leur propre talent, un lve auquel beaucoup denfants peuvent sidentifier.

    Momo est un colier comme il y en a dans toutes les classes : celui du

    fond de la classe, qui rve et collectionne les zro comme dautres collectionnent les billes. Cest le Momo devenu adulte qui nous raconte lhistoire, son enfance de cancre, mais surtout il nous raconte cette journe-l, le jour du concours interrgional de mathmatiques gymniques . Momo est ptrifi, il a t parachut malgr lui dans ce concours avec Violaine la premire de la classe, la peste gorge de certitude . Mais rien ne va se passer comme prvu, car arrive Zro, le vrai qui va laider en lui racontant son histoire : ses origines Babylone, sa naissance en Inde dans lesprit foisonnant du fantasque Brahmagupta, son combat pour exister contre lobscurantisme de lEurope chrtienne du Moyen-ge, une vritable vie daventurier mene tambour battant !

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    Zro, histoire dun nul par la compagnie Les Arts Pitres

    la naissance des chiffres

    Dans toutes les grandes civilisations, on trouve des traces de la faon de compter

    quavaient les habitants. Tout le monde ne comptait pas de la mme manire, mais tout le monde a prouv un moment donn le besoin de compter. Cette ncessit est apparue en particulier avec le dveloppement du commerce, il fallait tre capable de quantifier les richesses de chacun.

    Les premiers avoir imagin il y a environ

    5000 ans une manire dcrire leur langue sont les Sumriens. Le sumrien constitue avec les hiroglyphes des gyptiens la plus ancienne langue crite connue ce jour.

    Les Sumriens taient des habitants de la Msopotamie, ancienne rgion situe entre le Tigre et lEuphrate, correspondant en grande partie lactuel Irak. Cest aussi dans cette rgion que se trouvait la grande cit de Babylone. Les babyloniens, dont nous parlons dans notre spectacle, sont des hritiers directs de la science des Sumriens, science quils ont normment dveloppe.

    On oublie trop souvent quune grande part de notre civilisation est ne l-bas

    "Histoire universelle des chiffres" Georges IFRAH

    Le quipu pruvien tait

    une faon de noter les nombres pour sen rappeler, avant linvention de lcriture. Il tait tellement pratique et ingnieux que les Pruviens sen servaient encore au sicle dernier, mme sils savaient crire depuis longtemps !

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    Zro, histoire dun nul par la compagnie Les Arts Pitres

    les babyloniens ou compter avec des clous Les Sumriens, puis les Msopotamiens, gravaient des signes sur des tablettes dargile

    laide dune pointe appele un calame, et les signes qui en rsultaient avaient un aspect anguleux et la forme de clous ; cest pourquoi cette criture est dite criture cuniforme (du latin cuneus : coin ).

    Les Msopotamiens puis ensuite les babyloniens, comptaient en base 60, cest--dire quils

    faisaient des paquets de 60 (nous faisons des paquets de 10, nous comptons en base 10). Dans ce systme, chaque colonne comprenait un nombre entre 1 et 59. Mais pour ne pas tre obligs de graver 47 clous pour crire le nombre 47 dans une colonne, ils utilisaient la base 10, donc 4 chevrons et 7 clous. On peut donc dire que chaque colonne de soixantaine tait divise en deux colonnes de dizaines et dunits.

    Cest aussi chez les babyloniens,

    vraisemblablement autour de 2000 ans avant J.-C., quapparait pour la premire fois lide de la rgle numrale de position , savoir quun mme signe (chiffre) peut avoir une valeur diffrente suivant sa position, cest--dire suivant la colonne dans laquelle il se trouve. Cette ide naturelle pour nous, est en fait rvolutionnaire, car avec un nombre fini de signes, on peut maintenant crire tous les nombres, aussi grands soient-ils, sans aucune limite.

    Rendez-vous compte, cela fait alors dj 3000 ans que lcriture existe !

    Ce tableau montre comment crire les 59 chiffres ncessaires pour remplir chaque colonne de lcriture en base 60.

    "Histoire universelle des chiffres" Georges IFRAH

    Pour crire les nombres, ils utilisaient 2 signes qui taient donc leurs chiffres : le clou pour les units et le chevron pour les dizaines.

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    Zro, histoire dun nul par la compagnie Les Arts Pitres

    Les babyloniens se sont alors heurts un problme : comment dire ou plutt crire

    quune colonne est vide ? Cest comme si de nos jours, on ne pouvait pas diffrencier les nombres 35 et 305 !

    Les Babyloniens ont alors invent un signe de sparation , lanctre du zro, en dessinant deux clous de travers. Ce signe disait : Ici, il y a une colonne et cette colonne est vide .

    Cette ide qui na lair de rien marque le dbut dune formidable avance dans lhistoire de

    la pense humaine

    "Histoire universelle des chiffres" Georges IFRAH

    Grce au sparateur, on ne peut plus confondre 3645 (= 1 x 602 + 0 x 60 + 45) de lexemple ci-aprs avec 105 (= 1 x 60 + 45)

    Quelques exemples dcriture babylonienne des nombres.

    "Histoire universelle des chiffres" Georges IFRAH

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    loccident et lorient, En Occident, le fameux Pythagore (VIme sicle avant J.-C.) disait Tout est nombre . Il

    donne des nombres une reprsentation gomtrique. Pour un Grec de l'Antiquit, le nombre dsigne toujours un nombre entier positif car il correspond une figure gomtrique plane, cest--dire une surface.

    Aristote (IVme sicle avant J.-C.) est un contemporain

    dAlexandre Le Grand dont il a t le prcepteur 3 annes durant. Il est le fondateur de la logique formelle, (la logique du syllogisme) ; il a dfini le raisonnement correct et avec lui, la logique est rige en science pralable tout dbat philosophique.

    Au XIIIe sicle, la philosophie aristotlicienne est transforme

    par Thomas dAquin en doctrine officielle de lglise catholique romaine. Pour Aristote, Dieu est unique, moteur du monde, il est le principe de toute chose.

    deux penses qui sopposent Au IVme sicle avant J.-C., Alexandre Le Grand (- 356, - 323) marcha avec ses troupes de

    Babylone jusqu lInde. Cette invasion permit aux mathmaticiens indiens dapprendre le systme des nombres babyloniens [] mais lhgmonie romaine nalla pas aussi loin quAlexandre en Orient. LInde ne fut donc pas touche par la christianisation ni par le dclin de Rome. [] LInde navait jamais eu peur de linfini ou du vide, elle les avait intgrs. []

    Comme beaucoup de religions orientales, lhindouisme baignait dans la dualit. Le Dieu Shiva tait la fois le crateur et le destructeur du monde. Il incarnait aussi le rien do tait sorti le monde ; et linverse de lunivers occidental, le cosmos hindou stendait linfini ; au-del de notre univers, il y avait dinnombrables autres univers. []

    Ainsi lInde, en explorant activement le vide et linfini, acceptait le zro.

    "Zro, la biographie dune ide dangereuse" Charles SEIFE

    Zro, histoire dun nul par la compagnie Les Arts Pitres

    Exemple de syllogisme : Proposition majeure : Tous les hommes Sont mortels Proposition mineure : Socrate Est un homme Conclusion : Socrate Est mortel

    Aristote- "L'cole d'Athnes"

    du peintre italien Raphal (dtail)

    Reprsentation du dieu Shiva avec le tambour de la cration dans une main et la flamme de la destruction dans lautre

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    Zro, histoire dun nul par la compagnie Les Arts Pitres

    la naissance du zro en Orient et sa longue bataille en Occident

    Ainsi cest donc en Inde, au VIIme sicle aprs J.-C., quun

    savant du nom de Brahmagupta inventait le zro tel quon le connait aujourdhui, en le dfinissant comme le rsultat de la soustraction dun nombre par lui-mme : 2 2 = 0. Ce faisant, il fait passer zro du statut de sparateur celui de chiffre part entire, avec une place dfinie dans la ligne des nombres, entre -1 et 1. La numration moderne est ne, facilitant de manire inimaginable les calculs et ouvrant la porte de nouveaux mondes.

    Au mme moment dans la pninsule arabique, aux alentours de La Mecque naissait une nouvelle religion, lIslam. En peine plus de 100 ans, elle stend dAlger louest jusqu lIndus louest, aux portes de lInde. Puis sur leur route vers la Chine, les musulmans ont conquis lInde : cest ainsi que les Arabes dcouvrirent la numration indienne qui comporte dj les 9 chiffres plus le zro que nous utilisons encore aujourdhui. Cest par lintermdiaire des Arabes que ce systme arrive en Occident et cest pourquoi nous les appelons chiffres arabes , alors quil est communment admis quils sont ns en Inde.

    la fin du Xme sicle, le premier en Occident parler de la numration de position, des

    tables d'oprations et des chiffres dits arabes est Gerbert dAurillac, philosophe, mathmaticien et mme pape sous le nom de Sylvestre II de 999 1003. Plus tard, au dbut du XVIIIme sicle, un grand mathmaticien italien, Fibonacci introduit le zro en Occident. Cest lui qui va rellement introduire le nouveau systme en Occident. Le commerce sen empare, les calculs sont beaucoup plus efficaces quavec labaque !

    En Italie, les gouvernements locaux dtestaient les chiffres arabes au point quen 1299, Florence interdit leur utilisation. Mais les gouvernements durent sincliner devant la pression du commerce, la notation arabe est finalement autorise en Italie et envahit lEurope. Nous sommes laube de la Renaissance et le zro commence sa rvolution dans la peinture.

    la perspective ou le zro dans lart

    [...] Par dfinition, un point est un zro, grce au concept de la dimension. Nayant ni longueur, ni largeur, ni hauteur, cest un objet zro-dimensionnel. [...]

    En 1425, Brunelleschi plaa un tel point au centre dune reprsentation du clbre monument de Florence, le Baptistre. Cet objet de dimension zro, le point de fuite, [...] reprsente un point infiniment loign du spectateur. Plus les objets sont censs tre loin sur le tableau, plus ils sapprochent du point de fuite, plus ils sont comprims, et plus ils apparaissent loin pour le spectateur. Tout ce qui est suffisamment loign personnages, arbres, constructions est rduit en un point de dimension zro et disparat. Le zro au centre de la peinture contient un espace infini. [...]

    Charles SEIFE "Zro, la biographie dune ide dangereuse"

    Photo extraite du spectacle

    Filippo Brunelleschi, (1377-1446) est un

    peintre, ouvrier, sculpteur et un architecte italien. Il a dcouvert la perspective en 1415.

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    Zro, histoire dun nul par la compagnie Les Arts Pitres

    [...] La peinture tait ralise avec tant de diligence et de grce, et les couleurs des marbres blancs et

    noirs taient si bien choisies, quaucun miniaturiste naurait pu faire mieux. Au premier plan taient reprsents le baptistre et la partie de la place que peroit lil depuis le point

    indiqu. Pour ce qui touche au ciel, cest--dire l o le contour du dessin se profile sur lair, Brunelleschi avait mis dans le tableau de largent poli, de manire ce que lair et les cieux rels sy refltent, ainsi que les nuages que lon voyait bouger pousss par le vent.

    Brunelleschi leva le tableau, le montra chacun dentre nous, afin que nous puissions lobserver, et demanda ce que nous y voyions de bizarre. Il tournait autour du cercle que nous formions en lcoutant. Nous restions tous silencieux.

    Finalement, ce fut Masaccio qui parla : Matre, il est certain que le panneau a t ralis avec le plus grand soin et quil est vraiment beau.

    Toutefois, si vous me le permettez, je vous dirais que vous avez commis une erreur, qui, dautre part, ne diminue en rien la qualit de la peinture. Jai remarqu que, sur votre dessin, la colonne du miracle de saint Znobie se situe du ct oppos celui o elle se trouve en ralit, comme nous pouvons tous lobserver dici. Il en va de mme pour le ct de la Misricorde, qui est dessin sur la peinture dans la partie contraire. Peut-tre quen transposant votre esquisse daprs nature sur le panneau, vous ne vous tes pas rendu compte que vous inversiez les cts.

    Brunelleschi souriait en silence tout en coutant Tommaso : ctait la remarque quil attendait, mais il le laissa continuer. Et lorsque le jeune peintre se rendit compte quil venait de dvoiler une erreur dans la peinture du matre, le feu lui monta aux joues.

    Alors Filippo intervint et dclara : Voil prcisment la rponse que jattendais. Effectivement, sur le tableau, jai peint le ct droit

    gauche et le ct gauche droite, comme on le verrait si lon refltait la place dans un miroir, mais ce ne fut pas une erreur. Je lai fait exprs et cela fait partie de la preuve que je me propose de vous montrer, mes amis.

    Observez galement ce trou que jai perc dans le panneau. Du ct de la peinture, il est petit comme une lentille, par contre, larrire, il souvre en forme de chapeau de paille de dame jusqu atteindre la taille denviron un ducat. Je lai dispos de cette manire afin que lon puisse regarder travers lui, mais aussi parce que le peintre doit supposer que sa peinture se regarde partir dun point unique dont la hauteur, la largeur et la distance doivent tre gales la hauteur, la largeur et la distance du point partir duquel le peintre a saisi la scne.

    Puis, sadressant moi, il me dit : Venez, Donato, tenez le panneau de votre main

    droite, en plaant le ct peint vers lextrieur et larrire vers vous. Mettez-vous ici, au milieu du seuil de la porte, et reculez de deux pas vers lintrieur de Santa Maria del Fiore. Rapprochez votre il du trou et dites-moi, que voyez-vous ?

    Je vois le baptistre, matre. Que pourrais-je voir dautre ? lui rpondis-je.

    Brunelleschi sourit et me dit : Maintenant, tenez ce miroir de votre main gauche

    et, en tendant le bras le plus possible, mettez-le de manire cacher le baptistre et bougez-le dun ct lautre. Dites-nous, que voyez-vous maintenant ?

    Stupfait, je restai un bon moment en silence. Le miroir semblait ne pas exister. mesure que je le

    dplaais en le tenant avec ma main gauche et tendant le bras comme me lavait dit Filippo, la partie du baptistre cache par le miroir tait remplace par un fragment de la peinture du panneau du matre reflte dans le miroir, de telle sorte que la ligne du bord du miroir sestompait. Limage relle que mes yeux percevaient de ldifice sunissait parfaitement celle reflte par le miroir et il se formait entre les deux une

    seule chose uniforme et continue. [...]

    Extrait de La mystification des sens de Francisco Martn Casalderrey

    Images des Mathmatiques, CNRS, 2013

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    le zro contre lglise

    ce moment-l, lglise ne se sent pas encore menace, et pourtant le zro a entam son inluctable marche sur la pense occidentale

    Une des plus anciennes affirmations de la doctrine aristotlicienne mdivale aussi forte que le dni du vide tait la proclamation que la Terre tait unique. []

    Nicolas de Cuse, cardinal allemand contemporain de Brunelleschi, tait persuad que Dieu avait forcment cr un nombre infini d'autres mondes. La Terre n'tait plus au centre du monde. Pourtant il ne fut pas condamn comme hrtique et l'glise ne ragit mme pas cette ide indite.

    A la mme poque, un autre Nicolas faisait de la philosophie de Cuse une thorie scientifique. Nicolas Copernic, moine et mdecin polonais, dmontra que la Terre n'tait pas le centre de l'univers, car elle tournait autour du Soleil.

    [] Toute la force de l'ide de Copernic rsidait dans sa simplicit. Au lieu de placer la Terre au centre d'un monde empli d'horloges pleines d'picycles, Copernic imagina que le Soleil tait au centre et que les plantes se dplaaient selon de simples cercles. [] La Terre tournait autour du Soleil. Terra non est centra mundi. [] L'univers devenait infini, dot d'innombrables mondes, tous peupls par de mystrieuses cratures. Mais comment Rome pouvait-elle encore prtendre tre le sige de l'glise unique et universelle si son autorit ne s'tendait pas aux autres systmes solaires? Les autres plantes hbergeaient-elles d'autres papes? [] Copernic publia son grand opus, De Revolutionibus, sur son lit de mort - en 1543. []

    Cependant l'glise tait attaque et, de ce fait, les ides nouvelles - la remise en question des principes d'Aristote - ne pouvaient plus tre tolres. L'attaque contre l'glise commena au dbut de 1517, quand un moine allemand, Luther, cloua une liste de rcriminations sur la porte de l'glise de Wittenberg [] Ce fut le dbut de la Rforme. Partout les intellectuels commenaient rejeter l'autorit du pape. Dans les annes 1530, pour assurer la succession au trne, Henri VIII repoussait l'autorit du pape et se dclarait lui-mme chef du clerg anglais.

    L'glise catholique dut contre-attaquer. [] Elle revint vers les enseignements orthodoxes. Il n'tait plus question pour les cardinaux et le clerg de mettre en doute les doctrines anciennes. Le zro tait dsormais hrtique. [] En 1616, le clbre Galile, un copernicien, reut l'ordre de l'glise de cesser ses recherches scientifiques. La mme anne, l'ouvrage de Copernic De Revolutionibus tait mis l'Index. Attaquer Aristote revenait attaquer l'glise elle-mme. Malgr les efforts de la contre-rforme, la philosophie nouvelle ne fut pas facile terrasser. [] Au dbut du XVIIe sicle, un moine astrologue, Johannes Kepler,affina la thorie de Copernic []. Le systme de Kepler plus simple que celui de Ptolme, et bien plus prcis devait finalement prvaloir, pour la simple raison que Kepler avait raison et qu'Aristote avait tort.

    L'glise tenta de rafistoler son vieux systme de pense mais Aristote, le monde gocentrique et le systme fodal taient mortellement atteints. Tout ce en quoi les philosophes avaient cru depuis des milliers d'annes tait dsormais soumis au doute. D'une part on ne pouvait plus faire confiance au systme aristotlicien et de l'autre on ne pouvait le rejeter. Alors, que pouvait-on considrer comme acquis? Littralement, rien.

    Charles SEIFE "Zro, la biographie dune ide dangereuse"

    Zro, histoire dun nul par la compagnie Les Arts Pitres

    Pour dcrire le comportement trange des plantes, Ptolme avait ajout son horloge plantaire des petits cercles lintrieur des cercles pouvant expliquer le mouvement arrire des plantes.

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    Zro, histoire dun nul par la compagnie Les Arts Pitres

    scne des aristotliciens

    Cest une scne du spectacle qui sert illustrer le combat qua livr lglise contre le zro. Dans cette scne Frre Jean reprsente le courant des atomistes , pour qui lunivers est constitu de petites particules appeles atomes, indivisibles et ternelles, et Monseigneur est un haut membre du clerg, reprsentant de lglise catholique qui dfend la reprsentation aristotlicienne gocentrique de lunivers.

    MONSEIGNEUR : Ah ! Frre Jean FRRE JEAN : Monseigneur. MONSEIGNEUR : Alors ce rapport FRRE JEAN : Sur le Zro ? MONSEIGNEUR : Ne prononcez pas ce mot malheureux ! FRRE JEAN : Excusez-moi Monseigneur. MONSEIGNEUR : Je vous coute. FRRE JEAN : Jai parcouru le monde entier. MONSEIGNEUR : Ah oui attendez, mon dentier FRRE JEAN : De lOrient lOccident jai rencontr des peuples et des savants, et je dois dire que tous considrent le zro MONSEIGNEUR : Ah ! Vous lavez encore dit ! FRRE JEAN : Excusez-moi Monseigneur. Tous considrent cette invention avec beaucoup dintrt, et je dois dire que quand on tient les comptes dun monastre comme cest mon cas, il facilite grandement le travail. MONSEIGNEUR : Mme vous Frre Jean, vous vous tes laiss berner par cet imposteur. Et quen est-il de sa sur jumelle ? Il parait que ce napparait jamais sans son alter ego. FRRE JEAN : Ah oui ! Vous voulez parler de linfini. MONSEIGNEUR : Oui cest a, quest-ce que cest ? FRRE JEAN : Effectivement, force est de constater que si nous admettons lexistence du vide MONSEIGNEUR : Nous ne ladmettons pas ! FRRE JEAN : Jai dit Si Monseigneur, si nous admettons lexistence du vide, il nous faut aussi admettre lexistence de linfini. La matire, de notre chair celle de la table, est constitue de minuscules particules indpendantes les unes des autres : les atomes. Sil ny a pas de vide entre les atomes, ceux-ci ne peuvent plus bouger. Donc lunivers est immobile, fig. Or nous bougeons, nous sommes libre de nos mouvements, donc le vide nous entoure. Puisquil nest rien, il est sans limite, infini. MONSEIGNEUR : Mais vous draisonnez Frre Jean ! Nous ne bougeons que parce que Dieu le veut ! La terre est au centre de lunivers. Nous le savons depuis Pythagore, Aristote et Ptolme. Elle est au centre dune srie de sphres qui semboitent parfaitement les unes dans les autres. Chacune de ses sphres contient qui la Lune, qui Mars, qui Jupiter, qui le Soleil... Chacune de ces sphres bouge grce aux mouvements de la sphre suivante, jusqu la dernire sphre : la voie lacte, le firmament. Et cette dernire sphre, Frre Jean ? Comment bouge-t-elle ? Elle bouge grce la main de Dieu. Nous avons dmontr lexistence de Dieu et nous avons pu le faire car il existe une dernire sphre. Si linfini existe, sil peut y avoir une infinit de sphres, alors Dieu ne serait pour rien dans tout cela ? Cest parfaitement impossible ! Croire en linfini, croire en ce , cest nier lexistence de Dieu ! FRRE JEAN : Bien Monseigneur. MONSEIGNEUR : Il faut les bannir, ce sont des hrtiques. FRRE JEAN : Les deux ? MONSEIGNEUR : videmment les deux ! Il faut les brler, allumez les brasros. FRRE JEAN : Ah vous lavez dit ! MONSEIGNEUR : Quoi ? FRRE JEAN : zro, Bras- Zro. MONSEIGNEUR : Dehors, Frre Jean, sortez ! Partez sur le champ ! Allez dans tous les monastres, les glises, et les vchs de France et de Navarre, quils aillent en enfer ! Dieu, je suis votre serviteur. Je glorifierai votre nom ! Je chanterai vos louanges jusqu mon dernier souffle ! Je combattrai les hrtiques duss-je y laisser la vie ! Je les brlerai un un ! Allumez les brasros ! Ah ! Je lai dit ! Ils veulent menvoter ! Ils menvotent !...Vade retro !

    Photo extraite du spectacle

  • 11

    Zro, histoire dun nul par la compagnie Les Arts Pitres

    conclusion (mais pas fin) de lhistoire

    Le zro a donc fini par simposer, mais ce fut long et difficile pour un concept qui nous parait aujourdhui si naturel. Cependant, sa rvolution nest pas termine. Aujourdhui encore, les scientifiques se dbattent avec lui.

    Le zro se trouve derrire toutes les grandes nigmes de la physique. La densit infinie des trous noirs est une division par zro. Le big-bang de la cration partir du nant est une division par zro. L'nergie infinie du vide est une division par zro. Pourtant diviser par zro dtruit le tissu des mathmatiques et la structure de la logique - et menace de saper les bases mmes de la science.

    Au temps de Pythagore, avant l'ge du zro, la logique pure rgnait. L'univers tait prvisible et ordonn. Il tait construit sur des nombres rationnels et supposait l'existence de Dieu. Les ventuels problmes taient vacus en bannissant l'infini et le zro du royaume des nombres.

    Avec la rvolution scientifique, le monde purement logique laissa la place un monde empirique, bas sur l'observation plus que sur la philosophie.

    Au moment o les mathmaticiens et les physiciens arrivaient surmonter le problme de la division par zro dans le calcul diffrentiel et l'avaient rinsr dans un cadre logique, le zro revenait dans les quations de la mcanique quantique et de la relativit gnrale, et, une fois encore, infectait la science avec l'infini. Devant les zros de l'univers, la logique choue. La thorie des quanta et la relativit tombent en pices.

    Pour rsoudre le problme, les scientifiques ont dcid de bannir le zro une fois de plus et d'unifier les rgles qui rgissent le cosmos.

    Si les scientifiques russissent, ils comprendront les lois de l'univers. Nous connatrons les lois physiques qui dictent tout jusqu'aux confins de l'espace et du temps, du commencement du monde sa fin. Les hommes comprendront le caprice cosmique qui a donn naissance au big-bang. Nous connatrons la pense de Dieu. Mais cette fois, le zro ne sera peut-tre pas aussi simple vaincre.

    Les thories qui unifient la mcanique quantique et la relativit gnrale, qui dcrivent les centres des trous noirs et expliquent la singularit du big-bang, sont si loignes de l'exprimentation qu'il serait impossible de dterminer celles qui sont exactes et celles qui ne le sont pas. [] Les thories mathmatiques sont peut-tre belles et consistantes et sembler expliquer la nature de l'univers - et peut-tre parfaitement fausses.

    Tout ce que les scientifiques savent du cosmos c'est qu'il a surgi du nant, et qu'il retournera au nant de la mme faon qu'il en est sorti.

    L'univers commence et s'achve avec zro.

    Charles SEIFE "Zro, la biographie dune ide dangereuse"

    Quand il ny avait rien, jtais dj l,

    Et je serai encore l quand il ny aura plus rien !

    rplique de ZERO extraite du spectacle

    Photo extraite du spectacle

  • 12

    Zro, histoire dun nul par la compagnie Les Arts Pitres

    quelques petits trucs du spectacle

    les clous

    Au dbut du spectacle, deux personnages, Violaine et Momo, sont sur le plateau et comptent les spectateurs qui entrent dans la salle.

    Pour chaque personne ils inscrivent un clou

    sur un tableau, Momo devra compter le nombre total de spectateurs et crire le rsultat la manire des Babyloniens .

    Cette petite mise en scne nous sert poser le problme auquel se sont rellement confronts les Babyloniens, savoir, comment diffrencier 104 de 14. Pour lanecdote, chaque fois que nous jouons, il y a 104 spectateurs !

    En fait, nous ne comptons pas vraiment le nombre de personnes prsentes, il nous faut arriver un nombre trois chiffres et avec un 0 au milieu pour pouvoir expliquer la naissance du sparateur et donc continuer le spectacle !

    Par ailleurs, nous avons fait une autre entorse la vrit mathmatique . Dans le spectacle, Zro fait crire Momo le nombre 104 avec des clous : 1 clou pour les centaines, 2 clous de travers pour le sparateur (le 0 des dizaines) et 4 clous pour les units. Or les Babyloniens comptaient en base 60, donc 104 scrivait :

    qui correspond 1 x 60 + 44 (voir tableau page 3)

    et non pas qui correspond 1 x 100 + 0 x 10 + 4

    Cependant, lexplication de la base 60 sest avre extrmement fastidieuse alors que a navait pas vraiment dintrt, puisque lide importante est celle du sparateur, pas de savoir compter en base sexagsimale. En plus, cela faisait perdre beaucoup de rythme au spectacle et il ne faut pas oublier que nous sommes au thtre, pas un cours de mathmatiques !

    le navire US Un peu plus tt dans le spectacle se droule une scne un peu nigmatique : cest une

    scne muette mettant en scne deux militaires de la marine amricaine qui sont visiblement dbords par la situation, pris de panique dans leur bateau qui coule. Cette scne illustre un vnement qui a rellement eu lieu.

    l'image d'une torpille, le zro frappa le btiment de l'arme amricaine. Le 21 septembre 1997, alors que le Yorktown passait au large de la Virginie, le croiseur lance-missiles d'une valeur d'un milliard de dollars frmit puis s'immobilisa. Le Yorktown tait sans vie sur l'ocan.

    Les btiments de guerre sont construits pour rsister aux chocs ou aux mines. Or, si on l'avait cuirass contre les armes les plus dangereuses, personne n'avait pens protger le Yorktown du zro.

    Photo extraite du spectacle

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    Zro, histoire dun nul par la compagnie Les Arts Pitres

    Grave erreur. Les btiments de guerre sont construits pour

    rsister aux chocs ou aux mines. Or, si on l'avait cuirass contre les armes les plus dangereuses, personne n'avait pens protger le Yorktown du zro. Grave erreur.

    Les ordinateurs du Yorktown venaient juste de recevoir un nouveau logiciel qui commandait les moteurs. Malheureusement nul n'avait dtect la bombe retardement place dans le code, un zro que les informaticiens taient censs faire disparatre lors de l'installation du logiciel. Mais pour une raison ou une autre on l'oublia et il resta cach dans le code. Cach, dire vrai, jusqu' ce que le logiciel le retrouve dans sa mmoire - et qu'il rende l'me.

    Lorsque le systme informatique du Yorktown essaya de diviser par zro, 80000 chevaux-vapeur devinrent instantanment inutiles. Il fallut environ trois heures pour connecter les commandes de secours et le Yorktown se trana alors jusqu' un port. Les techniciens mirent deux jours pour se dbarrasser du zro, rparer les moteurs, et remettre le Yorktown en tat de combattre.

    Charles SEIFE "Zro, la biographie dune ide dangereuse"

    la dmonstration 1 = 0

    la fin du spectacle, Violaine propose la dmonstration suivante au jury du concours, persuade non seulement de gagner mais de rvolutionner les mathmatiques !

    a = b = 1 a2 = b x a a2 b2 = b x a b2 (a + b) x (a b) = b x (a b) a + b = b a = 0 mais comme a = 1 (cf ) alors 1 = 0

    Alors, o est lerreur ? Rponse : pour passer de la ligne la ligne , Violaine simplifie par (a b), or en

    mathmatiques, simplifier veut dire en fait diviser par la mme quantit (ou soustraire la mme quantit) de chaque ct du signe = . En ralit, pour passer de la ligne la ligne , Violaine divise par (a b), or daprs la ligne , a = b, donc a b = 0.

    Donc Violaine a fait une division par 0, et a cest interdit ! Comme dit Momo, a fait exploser le gteau !

    Photo extraite du spectacle

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    Zro, histoire dun nul par la compagnie Les Arts Pitres

    quelques sujets de dbats

    Pour conclure, nous vous proposons en rsonnance avec le spectacle, quelques thmes

    de dbat autour de la science et en particulier de ses relations avec la religion et la philosophie de nos jours.

    - la slection naturelle , thorie de Darwin pour expliquer lvolution, donna lieu de grandes controverses dans lAngleterre de la deuxime moiti du XIXme sicle. Aujourdhui encore, que pensez-vous des crationnistes et tous les mouvements no-chrtiens prnant la croyance la lettre de la bible et la ngation du darwinisme ?

    - quelles sont les civilisations qui ont apport un renouveau dans les sciences et

    quelles poques ? Est-ce que cela peut changer notre regard sur les autres ?

    - en mdecine, en particulier dans le domaine de la gntique (clonage, reproduction de cellules vivantes), que pensez-vous par exemple des enfants-mdicaments conus par leurs parents pour tre gntiquement compatibles avec leur frre ou sur an(e) atteint dune maladie gntique grave et ainsi les sauver ?

    - la place et le rle des scientifiques dans nos socits nest pas toujours simple.

    La science est-elle toujours un progrs ? Les scientifiques sont-ils toujours neutres et objectifs ?

    "Limagination est bien plus

    importante que la connaissance."

    Albert EINSTEIN (1879 1955)

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    Zro, histoire dun nul par la compagnie Les Arts Pitres

    spectacle scientifico-burlesque

    tout public partir de 6 ans (8 ans en sance scolaire)

    avec le soutien du Conseil Gnral du Bas-Rhin

    de la Ville de Strasbourg

    de la Rgion Alsace

    rsidence de cration

    Compagnie Dare dArt

    rsidence de reprise

    Mise en scne : Xavier Martin Jeu : Thierry Lucas et Stphanie Gramont Costumes, accessoires : Barbara Mornet Musique : Lo Haag Lumires : Sbastien Small Peintures : Jaime Olivares Rgie : Laetitia Hohl et Camille Flavignard Construction bureau : Jef Perreau Peinture bureau : Florence Koechlin Construction marionnette : Stphanie Gramont Diffusion : Hlne Lantz

    www.les-arts-pitres.com