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©Tsuburaya Productions www.zoomjapon.info gratuit - numéro 60 - mai 2016 Ekuni Kaori, profession écrivain p. 22 Nara, côté cuisine p. 26 Rencontre avec Iwai Shunji p. 18 Bon anniversaire Ultraman !

Zoom Japon 060

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ZOOM Japon 60 (mai 2016)

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©Tsuburaya Productions

www.zoomjapon.info

gratuit - numéro 60 - mai 2016

Ekuni Kaori, profession écrivain p. 22

Nara, côté cuisine p. 26

Rencontre avecIwai Shunji p. 18

Bon anniversaire

Ultraman !

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41 rue Popincourt, Paris 11 - Metro St AmbroiseDu mardi au samedi, 12 h 30 - 18 h

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41 rue PoP pDu

Salon de thé japonaisartisanat, instruments japonais

ÉDITOAnniversaireTandis qu’un superhéros bien japonais s’ap-prête à souffler ses50 bougies, Zoom Japonentre dans sa septièmeannée. Vous avez entreles mains le 60e numéro

de notre magazine qui, mois après mois,tente de vous présenter différents visagesdu Japon. Dans cette livraison, vous allezdonc découvrir un personnage, une icône,de la culture japonaise à travers les témoi-gnages exclusifs de ceux qui ont contribuéà son développement. Comme toujours,Zoom Japon vous propose plusieurs anglespour aborder le Japon comme ce voyage àNara (que nous avions déjà visité dansnotre premier numéro en 2010) qui vavous entraîner dans sa dimension gastro-nomique. Bonne lecture !

LA RÉ[email protected]

DÉFENSE Des milliardspour un avionBaptisé X2 “Shinshin” ou ATD-X, l’avion

de chasse furtif développé par Mitsubishi

Heavy Industries et par l’Institut de

recherche du ministère de la Défense a

fait un premier vol d’essai. Malgré un coût

faramineux – 39,4 milliards de yens -,

Tôkyô veut absolument que son armée se

dote à court terme d’appareils de combat

capables de rivaliser avec les chasseurs

dont s’équipe la Chine, son principal rival

dans la région.

SÉISME Murakami Harukise mobiliseAprès la série de violents séismes qui

ont frappé la région de Kumamoto sur

l’île de Kyûshû depuis le 14 avril, le

célèbre romancier a annoncé la

création d’un fonds de soutien aux

sinistrés. Baptisé Fonds Surume

Kumamoto, il est géré par la banque

Mitsubishi Tôkyô UFJ, agence centrale

de Kôjimachi, compte ordinaire

numéro 0123532. Pour en savoir plus,

http://crea.bunshun.jp/articles/-/10400

Telle est la place que le

Japon occupe désormais

dans le classement de

Reporters sans frontières sur la liberté

de la presse. Une dégringolade de onze

places par rapport à 2015. Il y a six

ans, le pays du Soleil levant occupait le

11e rang mondial. Une dégradation

pour le moins inquiétante.

72e

L E REGARD D’ERIC RECHSTEINER

Tous les monstres ne sont pas méchants et tous ne seront pas combattus par Ultraman, le super héros tantapprécié des Japonais. Pour preuve, ce monstre gentil dans un parc de la capitale où les enfants se rassemblentpour s’amuser. Peut-être parmi eux, y en a-t-il qui s’imaginent dans la peau de ce personnage en combinaisonrouge et argent prêts à en découdre avec ce monstre à la gueule béante ?

Quartier de Meguro, à Tôkyô

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Couverture : Tsuburaya Productions.

ZOOM ACTU

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A près le séisme, le slogan “s'aider soi-même” s'était très largementrépandu afin que chacun soit en mesure

de protéger sa propre existence. En revanche,l’idée d’“aider les autres”, en particulier les per-sonnes fragiles n'ayant pas les moyens de se pro-téger, n’a pas réussi à prendre racine et cela resteun problème dans la région. Lorsqu’on évoquedes personnes fragiles, on pense en particulieraux personnes âgées, aux enfants et aux handicapés.Mais cette notion concerne aussi les femmes en-ceintes et également les personnes d’origine étran-gère qui, du fait des difficultés linguistiques etd’une culture différente, peuvent se retrouver endifficultés pour affronter un événement aussi ex-ceptionnel que ceux vécus il y a cinq ans. Enjanvier 2016, Ishinomaki comptait 924 ressor-tissants étrangers originaires de 32 pays différentscomme la Chine, les Philippines ou encore laCorée du Sud. Ce chiffre augmente chaque année.Dans notre région sinistrée, il est donc impératif,en prévision de catastrophes, de concevoir unenvironnement permettant de surmonter les dif-férences linguistiques de chacun.“Tsunami” : Lianet a entendu ce mot pour lapremière fois de sa vie. D’origine philippine etrésidente au Japon depuis 23 ans, Mme Taka-haShI Lianet vit à Ishinomaki depuis 15 ans,après s'être mariée et être devenue mère deplusieurs enfants. Bien que maîtrisant le japonaiset travaillant comme assistante linguistique dansdes écoles, le terme “tsunami” lui était totalementinconnu avant le séisme de 11 mars 2011.Immédiatement après le tremblement de terre,elle s'était empressée d'aller chercher ses enfantsà la crèche et à l’école primaire, sans tenir compte

Pas moins de 32 nationalités sontreprésentées à Ishinomaki. Une chancepour la ville si elle sait en tirer parti.

SÉRIE Le multiculturalisme à l’honneur

TAKAHASHI Lianet est assistante de langue à Ishinomaki où elle tente de favoriser les échanges culturels.

Ishi

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Remplacer

mai 2016 numéro 60 ZOOM JAPON 5

Nous avons entamé depuis plusieurs mois lapublication d’une série d’articles rédigés parl’équipe de l’Ishinomaki Hibi Shimbun dans le butd’informer les lecteurs sur la situation dans l’unedes villes les plus sinistrées par le séisme du11 mars 2011. Malgré ses difficultés, ce quoti-dien local continue à enquêter et à apporterchaque jour son lot d’informations. Si vous voulezle soutenir dans sa tâche, vous pouvez vous abon-ner à sa version électronique pour 1 000 yens(moins de 7 euros) par mois :https://newsmediastand.com/nms/N0120.do?com-mand=enter&mediaId=2301

de ce que son beau-père lui avait conseillé de nepas faire en la prévenant du danger. Heureusement,la déferlante n'a pas atteint les écoles ni leurmaison et toute la famille a eu la vie sauve. Elle aencore du mal à imaginer  ce qui aurait pu sepasser “si jamais le tsunami était arrivé jusquechez nous”. “Dans mon pays, on n'a pas l'habitudede fuir et de grimper sur les hauteurs”, ajoute-t-elle.Avant le séisme, Lianet s'était bien adaptée à lavie japonaise. Elle avait le contact facile avec lesgens : aidant les personnes âgées à sortir leurpoubelle et bavardant facilement avec ses voisins.Une attitude liée à son caractère très ouvert.Dans les jours qui ont suivi le séisme, un jour oùelle se rendait au supermarché, une voisine estvenue vers elle et lui a dit : “Lianet, je sais quevous avez un bébé. Tenez, je vous ai gardé du laitpour lui”. Un geste qu’elle a beaucoup appréciéqui souligne, selon elle, l’importance de la com-munication dans la vie quotidienne. Elle se consi-dère comme “une personne qui va de l’avant”avant d’ajouter, avec le sourire qui la caractérise,que “bien sûr, je suis triste. Mais il faut vivregaiement à la place des gens décédés.”Avant la catastrophe, Ishinomaki disposait déjàde l’association Kokusai Saakuru Yûkô 21 (Cercledes amitiés internationales 21) dont le rôle prin-cipal consistait à favoriser les échanges culturelset à offrir des cours de japonais pour les étrangers.Depuis 2015, dans le but de soutenir une politiquede la ville pour une cohabitation entre les diffé-rentes cultures et afin d’aider les communautésétrangères, on a mis sur pied le “Japanese Juku”qui propose une initiation plus générale à laculture japonaise.Lianet est satisfaite de “cet environnement trèsfavorable”, mais elle se demande “comment déve-lopper davantage les liens parmi les étrangers, entreceux qui participent spontanément à ces activitéset ceux qui ne le font pas”. Lors du séisme, elleavait été surprise de voir un nombre considérablede Philippins résidant à Ishinomaki venir trouverrefuge dans l'église de la ville. Un étonnement

qui reflétait la faiblesse des rapports entre com-patriotes mêmes. Ayant pris conscience de l'im-portance des liens au moment du séisme, elle asouhaité créer un lieu “pour que les étrangers etles Japonais puissent davantage échanger. L’occasionpour les Japonais de mieux appréhender les culturesétrangères.”Il est désormais important d'aider les étrangersqui viennent d’arriver au Japon, y compris lesvoyageurs étrangers. Pour Lianet, Il faudrait tra-duire les documents relatifs à la prévention descatastrophes, car “les mots comme “hinanjo” (centred’évacuation) ou “shienbusshi” (fournitures de se-cours) sont très difficiles à comprendre pour lesétrangers”. Si les ressortissants étrangers se trouvent dansdes situations difficiles lors de catastrophes àcause la langue et de leur culture, ils pourraientconstituer une importante ressource humainepour promouvoir la prévention des catastrophesauprès d'autres étrangers. Lianet parle anglais, japonais, tagalog et espagnol.Doit-on la considérer comme une personne enposition de faiblesse dans la société ? Alors quele monde entier regarde la ville d'Ishinomaki enpleine reconstruction, les étrangers parlantplusieurs langues représentent une richesse pournotre région. Lianet a aussi un rêve, celui de“mieux faire connaître, avec fierté, au monde sonsecond pays natal”.

ÔMI SHUN

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A u moment où les super héros holywoo-diens envahissent de plus en plus nosécrans au point que certains d’entre eux

se livrent une lutte fratricide, le Japon s’apprête àcélébrer le 50e anniversaire de son seul super héros :Ultraman. En dépit de son âge, il reste aux yeuxdes Japonais comme l’un des personnages les pluspopulaires. Il incarne peut-être le mieux les valeursdans lesquelles plusieurs générations se sont long-temps reconnues. A la différence d’un supermancréé dans les années 1930 pour défendre “la vérité,la justice et le mode de vie américain”, Ultraman n’apas été inspiré par un désir d’affirmer une visionjaponaise  du  monde.  Ultraman  n’est  pas  unhumain comme peut l’être superman. Il n’arrêtepas les trains dont on a perdu le contrôle, il n’em-pêche pas les immeubles de s’écrouler et il ne prendpas la défense d’une jeune femme menacée par desmalfrats. Il est juste là pour se battre contre des

Créé par Tsuburaya Pro, Ultramanincarne un Japon qui susciteaujourd’hui beaucoup de nostalgie.

ZOOM DOSSIER

Ultraman affronte Gomora dans les épisodes 26 et 27 quand le monstre décide de s’en prendre au château d’Ôsaka.

Bon anniversaire Ultraman !

Tsub

uray

a Pr

o

monstres, la plupart du temps à mains nues. Mêmes’il dispose d’un rayon, il en fait rarement usage.Ultraman ne parle pas non plus. son vocabulairese résume à l’expression “Shwatch !” qu’il prononcelorsqu’il prend son envol après avoir neutralisé lemonstre menaçant notre planète. Il ne manifesteaucune émotion puisque son visage à mi-cheminentre le poisson et l’insecte ne permet pas de décelerune quelconque expression de douleur, de peineou de joie. Il encaisse les coups comme il les distri-bue sans donner l’impression de souffrir. Cette absence d’humanité n’a pourtant pas empê-ché les Japonais de tomber sous le charme de cepersonnage d’environ 40 mètres et pesant quelque40 000 tonnes. Et jamais aucun autre héros n’aconnu une telle gloire auprès du public. Qu’est-ce qui a pu plaire autant aux Japonais pour qu’ilss’identifient à ce héros rouge et argent ? La ques-tion mérite toujours d’être posée puisque 50 ansaprès son apparition sur les petits écrans, Ultramandemeure une référence pour nombre d’entre eux.Tout a commencé le 17 juillet 1966 sur la chaîneTbs  avec  la  diffusion  du  premier  épisode  à

19 heures. Le programme destiné avant tout aujeune public et à la famille a réussi à mobiliser lesJaponais devant leur télévision avec une part d’au-dience moyenne de 36,7 % pour l’ensemble des39 épisodes. La meilleure audience fut enregistréeavec l’épisode 37 (42,8 %) et la plus mauvaise avecl’épisode 5 (29 %). Des chiffres étonnants quandl’audience moyenne des émissions au Japon dépas-sait à peine les 20 %. Aucune autre série n’a jamaisfait mieux, ce qui a valu à Ultraman de devenir unmodèle sans pour autant jamais être égalé. Un succès dû à l’imagination d’une équipe réunieautour de TsUbUrAyA Eiji, le père des effets spé-ciaux au Japon, dont la notoriété n’avait cessé degrandir depuis le succès au cinéma du premierGodzilla en 1954. sous contrat avec la Tôhojusqu’en 1963, il fonde alors Tsuburaya Pro,entreprise qu’il va notamment mettre au servicede la télévision, laquelle prend alors de plus enplus d’importance dans le quotidien des Japonais.Il travaille notamment pour Tbs pour laquelleil produit Ultra Q, une série de 28 épisodes où sesuccèdent des monstres plus vilains que les autres.

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C’est en quelque sorte un coup de grâce pour lecinéma qui avait alors le monopole de ces géantset la confirmation de l’influence grandissante dela télévision dans l’archipel. TBS, qui a bien pré-paré l’audience avec une campagne de promotionorchestrée avec la société pharmaceutique Takeda,se frotte les mains et ne veut pas abandonner lapoule aux œufs d’or. La chaîne demande donc àTsuburaya Pro d’imaginer une nouvelle série poursuccéder à Ultra Q. Contrairement à cette dernière avec ses combatsentre monstres devant des scientifiques démunis,le nouveau projet doit mettre en valeur les membresde l’Agence d’investigation scientifique (AIS), orga-nisation internationale créée pour protéger la terredes catastrophes dont le siège est à Paris et qui dis-pose d’une équipe renforcée au Japon. Une manièrede montrer aux Japonais que leur pays n’est plusun paria dans le monde comme il avait pu l’êtreaprès la Seconde Guerre mondiale. Le Japon a étéadmis aux Nations Unies en 1956 et Tôkyô a orga-nisé les Jeux olympiques en 1964 quelques moisaprès l’adhésion japonaise à l’OCDE. C’est unpoint d’autant plus important que l’émissions’adresse d’abord aux plus jeunes et qu’il faut leurfaire comprendre que leur pays, tout en étant unmembre à part entière de la communauté interna-tionale, a aussi un caractère exceptionnel puisqu’ilabrite un groupe spécial de l’AIS. Peut-être est-cedû au fait que le Japon a connu au cours de ladécennie écoulée plusieurs catastrophes environ-nementales comme celle de Minamata. Aucuneexplication n’est donnée, mais il se trouve que les5 membres (MUrAMATSU, ArAShI, IDE, Takakoet hAyATA) ont plus de travail dans l’archipelqu’ailleurs dans le monde. Leur destin bascule lejour où le gentil Ultraman, qui a voyagé 3 millionsd’années-lumière pour aider les habitants de la terreà se battre contre les humains, percute l’appareilde hAyATA. Plutôt que laisser mourir ce dernier,Ultraman fusionne avec lui. hAyATA revient à lavie tandis que l’extraterrestre s’est lové dans sonenveloppe corporelle, prêt à intervenir quand laterre est en danger. Une solution pratique dans lamesure où Ultraman ne peut pas survivre plus de3 minutes dans l’atmosphère terrestre. C’est ce quiexplique pourquoi il a cet accessoire lumineux bleusur la poitrine qui passe au rouge et clignote quandil commence à atteindre les limites du temps quilui est imparti. hayata se transforme en Ultramanune fois qu’il déclenche la Capsule Béta en sa pos-session. Toute la question est de savoir si le bonUltraman va être en mesure de défaire le monstrebien décidé à semer la destruction sur terre. S’ilparvient la plupart du temps à ses fins, en le sup-primant, il arrive que le super héros échoue et quele méchant s’échappe. L’idée n’est pas de montrerque la victoire est atteinte par la simple destructionde l’ennemi, mais qu’elle ne pourra être obtenueque si l’on poursuit le combat malgré certains revers.

D’ailleurs, les membres de l’AIS ne sont pas desmilitaires. Ce sont des scientifiques. Leur rôle n’estpas de faire la guerre, mais d’empêcher le pire dese produire. En ce sens, ils ressemblent beaucoupaux forces d’autodéfense créées dans le but de pro-téger le Japon et non de mener des opérations deguerre. Ultraman s’inscrit donc parfaitement dansl’esprit qui anime alors les Japonais.Vingt ans après la fin de la Seconde Guerre mon-diale, il s’agit de préserver une certaine idée du paci-fisme. Et Ultraman semble l’incarner à sa manière.“Venu du pays de la lumière pour assurer la paix, voicinotre Ultraman”, dit la chanson du générique quedes millions d’enfants ont apprise par cœur et chan-tée à tue-tête dans les cours de récréation. Par ail-leurs, la série n’est pas dépourvue d’humour ni de

morale. On y défend aussi le sens de l’effort, l’amitiéet la solidarité, trois éléments clés qui deviendrontle leitmotiv du magazine de prépublication ShônenJump que l’éditeur Shûeisha lancera avec succèsdeux ans plus tard. Le succès d’Ultraman est lié éga-lement à la stratégie de communication que lachaîne TBS a mis en œuvre pour accompagner lelancement de sa série. Il s’appuie notamment surl’hebdomadaire Shônen Magazine dans lequelseront publiés des dossiers détaillés sur la série afinde nourrir l’imagination des lecteurs et leur fournirdes éléments supplémentaires afin qu’ils compren-nent sa mécanique. Le premier épisode devait être diffusé le 17 juillet1966, mais la direction de la chaîne décida dansl’urgence d’avancer d’une semaine sa programma-

TSUBURAYA Eiji, le grand maître des effets spéciaux, lors du tournage de l’épisode 2 avec l’horrible Baltan.

Tsub

uray

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tion après avoir annulé la diffusion de la dernièrehistoire d’Ultra Q faute de monstres dans le scé-nario. Mais Tsuburaya Pro n’était pas prêt. Pourpalier à ce changement de dernière minute, TBSprogramma dans l’urgence une émission destinéeà préparer les spectateurs à l’arrivée du super hérosla semaine suivante. En dépit de son côté décousu,elle remplit son objectif et permit au nouveau per-sonnage de faire une entrée tonitruante dans lepaysage télévisuel japonais. Parvenir à capter l’at-tention de parfois plus de 40 millions de personnesest évidemment un exploit digne d’un individuhors du commun. Le crédit ne revient pas seule-ment à Ultraman dont la présence dépend de l’exis-tence des fameux monstres, marque de fabriquede Tsuburaya Pro. Ses producteurs ne manquentpas d’imagination en la matière et vont s’en donnerà cœur joie, créant des adversaires redoutablesparmi lesquels Baltan, Gomora, Mefilas, Antlar,Jamira, Red King ou encore Zaragas. Chaque épi-sode donne lieu à l’apparition d’un d’entre eux.Certains rappellent Godzilla, d’autres King Kong,mais la plupart sont des créatures hybrides etimprobables. Elles ont comme seul point communde mettre en péril le quotidien de la population etde vouloir détruire des symboles du Japon. Cesmonstres sont redoutables comme peuvent l’êtreà l’époque les ennemis réels du pays. A la fin desannées 1960, l’Union soviétique ou encore laChine populaire sont considérés comme les prin-cipaux adversaires. Ils incarnent le communismeface auquel l’archipel fait figure de dernier rempart.La question qui peut alors se poser est de savoir siUltraman représente ce rempart. Rappelons quele bon extraterrestre se cache dans l’enveloppehumaine de HATAyA. Dans l’épisode 33, Mefilasqui croise la route de ce dernier avant qu’il ne setransforme en Ultraman lui demande : “Etes-vousun extraterrestre ou êtes-vous un homme ?”. Ilobtient comme réponse : “Les deux”. En d’autrestermes, il est à la fois Américain et Japonais et c’estce mélange qui permet de résister aux intimida-tions extérieures. Il est intéressant de le soulignerdans le contexte de l’époque où l’alliance militaireentre les Etats-Unis et le Japon est contestée parune partie de la population, notamment les étu-diants. Ces derniers ne constituent pas le publicvisé par la série qui est surtout regardée par les plusjeunes. Ceux-là mêmes qui, 50 ans plus tard, nesont pas forcément opposés à la réinterprétationconstitutionnelle voulue par le gouvernement ABE

au nom de la protection du pays contre desmenaces venues notamment de Chine et de Coréedu nord, sans oublier la Russie qui reste unennemi potentiel. Il s’avère cependant que les méchants sont parfoistrès coriaces et capables de mettre en danger lasurvie d’Ultraman. C’est le cas de Zetton, le dino-saure de l’espace, qui brise le décompteur de tempssur la poitrine du super héros dans le dernier épi-

sode, l’obligeant ainsi à rentrer sur sa planète. Unefaçon subtile de dire “US Go Home” ? Difficile del’affirmer même si l’auteur du scénario, KInJô Tet-suo, un des piliers de Tsuburaya Pro, ne portaitpas dans son cœur les Etats-Unis et nourrissait uncertain ressentiment à l’égard de la métropole.Originaire d’Okinawa, il a beaucoup souffert dela guerre et de ses conséquences, il aurait expriméau travers de ces personnages une partie de ses pro-pres sentiments. L’interprétation a circulé mêmesi plusieurs de ses collègues ont rappelé que KInJô

Tetsuo n’évoquait jamais cette période dans sesconversations privées. Quoi qu’il en soit Ultraman s’est imposé commeun personnage incontournable de la culturecontemporaine japonaise. On pourrait l’expliquerpar les nombreux avatars auxquels il a donné nais-sance, mais les Ultraman Seven, successeur d’Ul-traman, et autres Ultraman A, n’ont jamais réussià se mettre à la hauteur de la première série. Il fautpeut-être alors chercher dans cette nostalgie àl’égard des années 1960 qui s’est emparée des Japo-nais depuis une quinzaine d’années. La crise éco-nomique et sociale à laquelle ils sont confrontés

les incite à regarder cette décennie avec envie mêmesi la vie à l’époque n’était pas si facile. En dépit desdifficultés, il existait l’espoir de jours meilleurscomme il existait une forme de solidarité qui semblemoins présente de nos jours. A sa manière, Ultra-man incarnait tous ces éléments. On comprenddonc pourquoi 50 ans après son apparition le per-sonnage occupe une place aussi grande dans l’ima-ginaire des Japonais. Il suffit d’évoquer le sujet pourque cela donne lieu à de grandes discussions sur-tout parmi les membres de cette génération,laquelle prend actuellement sa retraite dans ununivers beaucoup moins enthousiasmant. Lesjeunes sont peut-être moins sensibles à Ultraman,mais ils partagent avec leurs aînés ce désir d’unmonde meilleur et surtout d’un protecteur capablede se sacrifier pour les sauvegarder. Les catastrophesse succèdent et il n’y a point d’Ultraman pour lesempêcher. L’AIS serait aussi la bienvenue, car lesscientifiques n’ont plus vraiment la cote actuelle-ment. Assurément les gens auraient envie de chan-ter : “Venu du pays de la lumière pour assurer la paix,voici notre Ultraman”.

ODAIRA NAMIHEI

ZOOM DOSSIER

U LTRAMAN ET L’ART

Y ANAGI Yukinori est un artistecontemporain dont l’une

des œuvres les plus connues s’in-titule Banzai Corner. Composéede 350 figurines d’Ultraman lesbras levés qu’il a disposées en arcde cercle face à un miroir, elledonne l’illusion au spectateurd’être face au drapeau du soleil-levant, c’est-à-dire la bannière uti-lisée par l’armée impériale pen-dant la Seconde Guerre mondiale.Longtemps exposée au BenesseHouse Museum, sur l’île de Nao-shima, avant qu’il ne soit trans-formé définitivement en un hôtel,cette installation ne manque pasd’impressionner et questionne.YANAGI Yukinori est ce qu’onappelle un artiste engagé dans lesens où il interroge ses contem-porains sur leur regard sur lepassé, notamment la guerre. AvecBanzai Corner réalisée en 1991, ilpose la question de l’aveuglementde tous ces hommes qui ont sacri-fié leur vie au nom de l’empereurà cette période, mais aussi sedemande si, de nos jours, unetelle situation pourrait se repro-duire. Ultraman, héros positif, nepourrait-il pas incarner un jour lemal ? Dans le contexte actuel destensions en Asie, en particulierentre le Japon et la Chine popu-laire, la question prend un reliefparticulier. Si l’on considère qu’Ul-traman a pu être assimilé auxforces d’autodéfense, YANAGI se

demande si elles ne peuvent pasêtre détournées de leur missionpremière. Au regard des récenteslois sur la défense entrées récem-ment en vigueur, l’artiste semblene pas s’être trompé.Il est intéressant de noter égale-ment que cette œuvre a été expo-

sée dans des endroits aussi sym-boliques que le Musée municipald’art contemporain de la ville deHiroshima et le Musée préfectorald’art d’Okinawa. Deux régionsqui ont chèrement payé l’enga-gement du Japon dans la guerre.

O. N.

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mai 2016 numéro 60 ZOOM JAPON 9

ZOOM DOSSIER

S i la plupart des fans de cinéma ne s’inté-ressent qu’à ceux qui apparaissent devantla caméra, il n’en reste pas moins vrai

que la réalisation d’un film dépend de l’équipequi travaille dans l'ombre et dont le rôle estessentiel pour son succès. Pendant de nombreusesannées, ÔokA Shinichi a opéré derrière la camérapour donner à Ultraman son apparence si parti-culière sur le petit et le grand écran. Après 2004,il a participé à la production de nombreusesséries télévisées avant de devenir, quatre ans plustard, président de Tsuburaya Productions. Nousl'avons rencontré au siège situé dans le quartierde Shibuya pour parler du passé, du présent etde l'avenir de la saga.

Il semble que vous vous destiniez à une carrièred’avocat.ÔOKA Shinichi : Il est vrai que je me suis inscrità la faculté de droit de l'Université keio. Mal-heureusement, c’était à l’époque où le mondeétait agité par des manifestations étudiantes. AuJapon, en particulier, les gens étaient opposés auTraité de sécurité nippo-américain. Les campusont été occupés et pendant un an, les cours pure-ment et simplement suspendus. De plus, je n'étaispas un foudre de guerre au niveau des études, etje passais la plupart de mon temps à faire despetits boulots à temps partiel. Aussi, ai-je décidé,en 1969, d’arrêter mes études. J’étais intéressépar ce qui touchait au cinéma et j’ai réussi à mefaire embaucher chez Tsuburaya.

Comment votre famille a-t-elle réagi à votredécision ?O. S. : Mal sur le coup. Mais au bout du compte,ils ont compris mes motivations et m’ont laissésuivre mon chemin.

Vous aviez une expérience de la caméra ?O. S. : Je possédais une caméra 8mm et j’avaisl'habitude de réaliser de petits films. Mais jusqu'àce que je quitte l'université, je n’avais jamaisimaginé que ce hobby puisse devenir ma profession.Jusqu’au jour où, un soir que je regardais un filmà la télévision intitulé Arashi [La Tempête], j’aiété frappé par une scène en particulier. Je nepeux pas vraiment expliquer ce qui s’est passédans ma tête, mais je me suis dit que je voulaisparvenir à faire la même chose. on pourrait assi-miler ça à une sorte de révélation.

Pouvez-vous nous parler de vos débuts en tant

qu’assistant du directeur de la photographie ?Comment travaillait-on chez Tsuburaya Pro-ductions à cette époque ?O. S. : Je souhaitais travailler pour la Tôhô quiétait un studio beaucoup plus important, maiscomme il n’embauchait personne à ce moment-là, j’ai donc atterri chez Tsuburaya Productionsqui était une sorte de filiale. Elle avait déjà à sonactif Ultra Q, Ultraman et Ultra Seven. Chacunede ces séries avait rencontré un beau succès auprèsdes téléspectateurs, mais en même temps, ellesavaient contribué à peser sur les ressources del'entreprise. C’est pourquoi quand j’ai été em-

bauché, elle ne travaillait sur aucun projet. Quoiqu'il en soit, même si je pensais avoir un donpour la photographie, je n'avais aucune formationpréalable. J’ai donc dû tout apprendre sur le tas,c’est-à-dire partir du bas de l’échelle. Pas questionalors de toucher à une caméra. Au début, jedevais me contenter de gérer les trépieds (rires).Personne ne voulait m’enseigner les rudimentsdu travail de la caméra. Tout ce que je pouvaisfaire, c’était de regarder et d’apprendre en lesobservant. Au Japon, voilà comment un apprenticommence à se familiariser avec le métier de sonchoix, quelle que soit la branche choisie.

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RENCONTRE Un savoir-faire inégaléPatron de Tsuburaya Productions,ÔOKA Shinichi revient sur sa carrière et l’incroyable longévité du super héros.

Ultraman, version 1966.

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Combien de temps avez-vous dû attendre avantde pouvoir effectivement poser vos mains surune caméra ?O. S. : Trois mois après mon embauche, j’ai étéaffecté à un nouveau programme de télévisionintitulé Unbalance. C’était une série d’histoiresd’horreur, chacune étant écrite et réalisée par despersonnes différentes. C’est comme ça que j’aicommencé à travailler comme troisième assistantréalisateur.

Etiez-vous heureux de travailler pour une en-treprise devenue célèbre pour ses effets spé-ciaux ?O. S. : Pour être tout à fait honnête, au début, jen'étais pas vraiment intéressé par les effets spéciauxou les super-héros. J’aurais préféré de beaucouptravailler sur des adaptations littéraires. En fait,au cours des trois premières années passées chezTsuburaya comme employé à temps plein, j'aipeu travaillé dans le domaine des effets spéciaux.Même quand j’ai participé à la série The Returnof Ultraman, en 1971-72, j’étais assigné autournage des scènes sans effets spéciaux. Ce futune expérience plutôt heureuse parce que j’ai fi-nalement été promu premier assistant et je mesuis marié à peu près à la même époque. Ce n’estque plus tard que j’ai commencé à bosser sur leseffets spéciaux avec Ultraman Taro, Iron Kinget Super Robot Red Baron. J’étais alors indépen-dant.

Je suppose que la réalisation de films avec effetsspéciaux à cette époque relevait de la gageure.O. S. : Oui bien sûr. Comme je le disais, je n’avaisjamais eu d’expérience directe à mon entrée chezTsuburaya, mais j'avais entendu beaucoup d'his-toires de la part de ceux qui en avaient été chargés.

Comme vous pouvez l'imaginer, lorsque la premièresérie a été lancée, les conditions de travail étaientdifficiles et c’est un euphémisme de le dire. il n'yavait pas d'air conditionné dans les studios. ilfaisait froid en hiver et on crevait de chaud en été.On peut dire que ces gens faisaient leur travaildans des conditions de travail épouvantables.C’était difficile et dur. C’est pourquoi, la plupartdes gens essayaient d'éviter de travailler sur les

plateaux réservés aux effets spéciaux. Tout lemonde rêvait de pouvoir filmer des jeunes fillesmignonnes ou des acteurs célèbres. Et puis, àl'époque les productions pour la télévision étaientmal considérées. Le but ultime d’un cinéaste étaitde travailler sur un long métrage de cinéma.

Pourquoi avez-vous quitté Tsuburaya en 1972 ?O. S. : Comme je vous l’ai dit, je venais de passerpremier assistant, et tout à coup, on m’a demandéde travailler sur un nouveau projet en tant quesecond assistant. J’ai eu l’impression d’être ré-trogradé. Ce genre de demande n’était pas raredans l’univers des studios, mais je l'ai mal pris etj’ai décidé de partir. En y repensant maintenant,je crois que cela a été une bonne décision de mapart, car cela m’a donné la possibilité de participerà différents types de projets et de travailler avecdes gens formidables. J'ai ainsi pu rencontrer lecélèbre Okazaki kôzô avec qui j’ai énormémentappris. Nous avons eu une très bonne relationqui a duré jusqu'à sa mort, il y a environ dix ans.Grâce à lui, j’ai été beaucoup plus aguerri etconfiant quand j’ai travaillé, plus tard, sur leseffets spéciaux chez Tsuburaya en tant qu’indé-pendant. Je suis finalement revenu chez Tsuburayaenviron 30 ans plus tard, vers 2003 ou 2004

La série Ultraman reste une valeur sûre 50 ansaprès sa création. Pourquoi les gens sont-ilstellement fascinés par ce super héros ?

Ultraman affronte King Joe dans le port de Kôbe dans les épisodes 14 et 15 d’Ultra Seven (1967-1968).

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U LtrAmAn, Un eXCeLLent FiLon

S érie incontournable dansl’histoire de la télévision

japonaise, Ultraman a donné lieuà de très nombreux produitsdérivés. Après le succès phéno-ménal de la première série en1966-1967 avec ses audiencesextraordinaires, les producteursn’ont pas voulu abandonner unfilon aussi riche. Pas moins de 26séries mettant en scène le superhéros ont été produites par lasuite, d’Ultra Seven (1967-1968)à Ultraman X (2015). Plusieursgénérations de Japonais ont doncvécu aux côtés de ce personnageprêt à se sacrifier pour sauver laterre. La télévision ne suffisantpas, le cinéma a aussi été le théâ-tre des aventures du justicier. Unetrentaine de longs métrages a étéréalisée au cours des cinquantedernières années, ce qui en ditlong sur la puissance de cette“marque”. Le dernier en dateUltraman X kitazo, wareranoUltraman [Voici Ultraman X,notre Ultraman] est sorti sur lesgrands écrans nippons le 12 mars2016. Parmi les acteurs de cefilm, on notera la présence de

Yoshimoto takami qui n’est autreque la fille de KUrobe susumu.Celui-ci interprétait l’un des prin-cipaux rôles, hAYAtA shin, de lapremière série (voir pp. 12-14).mais au pays des mangas, on nepouvait pas imaginer que le per-sonnage ne soit pas repris souscette forme. C’est le duo shimizU

eiichi (scénario) et shimogUChi

tomohiro (dessin) qui a relevé ledéfi à partir de 2011, en imagi-nant bien des années après leretour d’Ultraman sur sa planèteque shinjirô, fils de hAYAtA shin,

qui avait été l’enveloppe corpo-relle d’Ultraman sur terre, ait lepouvoir de combattre des extra-terrestres. Plutôt bien enlevée etrythmée, le manga a été bienreçu par le public. il fait l’objetd’une publication en France chezl’éditeur Kurokawa dont le pre-mier volume est paru en juin2015. Jusqu’à présent, 4 volumesont été publiés (7,65 €), le der-nier en date en mars 2016 avecà chaque fois un bonus explicatifde très bonne qualité.

O. N.

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O. S. : Lorsque Ultraman a été lancé il y a 50ans, la série a eu un impact énorme sur les télé-spectateurs. C’était la première fois qu’ils voyaientquelque chose comme ça. On peut dire qu’elle aconnu un lancement double. La série originale aété tournée en couleur au moment où très peude gens possédaient un téléviseur en couleurs.Du coup, la très grande majorité des gens l’ad’abord vu en noir et blanc. Quelques annéesplus tard, avec l’entrée des téléviseurs en couleursdans les foyers, la chaîne TBS a décidé de rediffuserla série de 1966, touchant à nouveau le public.Celui-ci – en particulier les enfants des écolesélémentaires – a développé un tel attachement àUltraman qu’il l’a par la suite transmis à sesenfants et petits-enfants. Maintenant, vous avezdonc trois générations de téléspectateurs qui par-tagent le même intérêt. C’est quelque chose detrès rare.

Comment la série a-t-elle évolué au cours des50 dernières années ? Comment Ultraman s’estadapté à une société en pleine mutation ?O. S. : Les thèmes et les idées fondamentales dela série n’ont pas vraiment évolué en 50 ans. Lasérie a changé au niveau des détails, mais lesvaleurs fondamentales de justice, de courage etde persévérance sont toujours présentes. Lorsqueles enfants regardent la série, ils peuvent ne pas

en être totalement conscients, mais en grandissantils se rendent compte de ce qu’Ultraman repré-sente. Cependant, la façon de raconter unehistoire aujourd’hui est très différente d’il y a 10ou 20 ans, et c’est encore plus vrai par rapport àil y a 50 ans. Nous devons donc nous adapteraux changements de l’environnement social etculturel, ce qui ne signifie pas de se plier seulementà l'évolution des goûts des gens. Après les événe-ments tragiques du 11 mars, par exemple, notresens des valeurs a considérablement changé etnous devons en tenir compte lorsque nous tra-vaillons sur une nouvelle série.

Que diriez-vous de l'évolution technique de lasérie Ultraman ? Il est évident que le numériquea fait son entrée, mais en même temps les tech-niques analogiques sont toujours présentes, non ? O. S. : Oui, nous travaillons encore en analogique.Jusqu'à la fin des années 1980, nous étions trèsfidèles à l'approche originale, puis au cours de ladécennie suivante, nous avons commencé à in-troduire des éléments numériques. Ces dernièresannées, les technologies de conception graphiqueont pris de plus en plus de place, en particulierdans la production de longs métrages. Cependant,au niveau des programmes pour la télévision, il ya des limites à la fois de temps et d’argent à ceque nous pouvons réaliser numériquement. En

d'autres termes, les scènes de combat en particulieront gardé un côté artisanal. Voilà pourquoi, jepense que nous ne pouvons pas complètementfaire disparaître la production analogique. Parailleurs, le fait de passer au tout numérique nousferait perdre toute cette expertise technique fan-tastique. Ironiquement, je pense que les effetsspéciaux analogiques se regardent mieux au-jourd’hui que par le passé. Ils se sont bonifiésavec le temps. Les jeunes d’aujourd’hui qui re-gardent des films d’animation et jouent à desjeux vidéo ne connaissent en définitive que lenumérique. Aussi les productions utilisant destechniques analogiques, en particulier les plusrécentes qui se sont beaucoup améliorées, leurapparaissent-elles plus originales. Elles ont unaspect physique plus concret et plus réaliste quece qui est réalisé avec l’aide des ordinateurs.

Est-il vrai que vous vous ennuyez d’être “seule-ment” patron de Tsuburaya Productions etque vous prévoyez de revenir derrière la ca-méra ?O. S. : Je l'ai dit tant de fois que c’en est devenuune blague. Personne ne me prend au sérieuxici ! (rires) Cela dit, si cela ne tenait seulementqu’à moi, je voudrais travailler sur un autre film.C’est tellement amusant!.

PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN DEROME

Pour ÔOKA Shinichi, les technologies numériques ne permettent pas de remplacer complètement les modes de production à l’ancienne.

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D epuis le début de la saga Ultraman, il ya 50 ans, de nombreux acteurs ont in-terprété l’alter ego humain d’Ultraman,

mais aucun d’entre eux ne peut rivaliser en po-pularité avec KUrOBE Susumu alias HAyATA

Shin, membre de la première Agence d’investi-gation scientifique (AIS) dans son célèbre costumeorange. A 76 ans, KUrOBE est toujours très actif.En 2012, il a même repris son ancien rôle dans lelong métrage Ultraman Saga. Nous l’avons ren-contré au siège de Tsuburaya Productions.

Qu’est-ce qui vous a amené à faire l’acteur ?Kurobe Susumu : Ça m’a pris alors que j’étaisen année de licence à l’université. Déjà au lycée,j'aimais le cinéma et je séchais souvent les courspour aller voir des films. J’adorais particulièrementles jidaigeki (films d’époque) avec des stars commeMISOrA Hibari et ICHIKAWA Utaemon. Avantcela, quand j’étais au collège, j’avais assisté à unspectacle de théâtre mis en scène par des jeunesde la ville. Je crois que c’est la première fois quej’ai pensé à devenir acteur un jour.

Comment avez-vous réussi à vous faire em-baucher par la Tôhô ?K. S. : Avant d’y entrer, j’avais appartenu à unetroupe de théâtre à l’université, mais nous n'avionspas beaucoup de succès. A cette époque, j'avaisdes problèmes à la maison. Ma famille m'a rejeté,et je me suis retrouvé sans le sou à Tôkyô. J’ailaissé tomber mes études et commencé à chercherun moyen de gagner un peu d'argent jusqu'à ceque je commence à travailler comme cireur dechaussures. C’était en 1961. A ce moment-là,j’ai été repéré par un réalisateur qui m’a présentéà la Tôhô.

Parlez-nous de vos débuts en tant qu’acteur.K. S. : J'ai passé les six premiers mois à me formerau métier d’acteur. Après, j’ai commencé à appa-raître dans des films, mais seulement comme fi-gurant dans des scènes de rue. Je devais seulementmarcher face à la caméra ou rester debout en ar-rière-plan sans dire un mot. J’étais vraiment aubas de l’échelle. Heureusement, j’ai attiré le regardd’un producteur qui a favorisé mes vrais débutsen 1963.

Quel genre de rôles avez-vous interprété ?K. S. : N’importe quoi que ce soit dans des filmssur la jeunesse ou des films de yakuza. A l’époque,

le principe de l’audition n’existait pas. Les acteursétaient assignés à un film et il devait faire cequ’on lui disait. Nous étions de simples employésde l’entreprise et nous obéissions aux ordres quivenaient d'en haut. Pour la petite histoire, l’undes premiers films dans lequel j’ai fait une appa-rition s’intitulait Kokusai himitsu keisatsu : Kagino kagi [Police secrète internationale : la clé de laclé, 1965], une parodie des films de James Bond,qui a ensuite été réutilisée par Woody Allenpour son film Lily la Tigresse. Il a pris quelquesscènes originales, les a remontées avant d’ajouterde nouvelles scènes et de nouveaux dialogues.

en 1966, on vous a donc demandé de jouerdans la nouvelle série Ultraman. Que pensiez-vous alors d’un tel super héros ? Pensiez-vousque c’était une bonne chose pour votre car-rière ?K. S. : Je voudrais tout d'abord souligner qu’enm’affectant à ce rôle, la Tôhô avait enfreint unerègle en vigueur dans les studios. Jusque-là, lesacteurs de cinéma n’étaient pas autorisés à appa-raître à la télévision, parce que le petit écran étaitconsidéré comme un travail de second ordre parrapport au cinéma. Mais quand la Tôhô a produitla série Ultra Q qui a précédé Ultraman, j’avaisfait une apparition en tant qu’invité dans un desépisodes. Aussi lorsque le projet Ultraman a étélancé, je connaissais déjà les ressorts de l’histoire.Cela dit, pour répondre à votre question, c’étaità la fois juste un autre travail d’acteur commej’en avais fait auparavant, mais en même temps,les films de science-fiction avec des monstresétaient une nouveauté à l'époque. J’étais donccurieux mais aussi un peu inquiet du résultatfinal. Honnêtement, je n'étais pas complètementpersuadé que les téléspectateurs attendaient cegenre d'histoire. Finalement, tout est allé trèsvite avec des audiences records allant jusqu'à42,8 %, ce qui était extraordinaire. Je pense quece résultat est le fruit des efforts concertés detoutes les personnes impliquées dans le projet. Jecrois qu'une bonne partie du succès initial de lasérie est liée au visage/masque d’Ultraman qui aété conçu par NArITA Tôru. Il avait presque unedimension divine. Il me rappelait Kannon, la di-vinité bouddhiste de la miséricorde. D’ailleurs,même si l’apparence générale d’Ultraman aquelque peu changé au fil des années, son visageest plus ou moins resté le même.

Pour les gens de l’époque, ça a dû être vraimentquelque chose…K. S. : Bien sûr, c’était quelque chose d’extraor-dinaire, en particulier pour les enfants qui étaient

notre public cible. A cette époque, les enfantsn’avaient pas autant de jouets qu’aujourd'hui etils appréciaient les jeux plus simples. Pour vousmontrer à quel point ils étaient emballés par Ul-traman, il faut se souvenir que la plupart desmaisons de l'époque ne disposaient pas d'unesalle de bains privative, de sorte que beaucoupde gens allaient au sento [bain public] du quartieraprès le dîner. Eh bien, si vous y alliez à 19h,vous n’y trouviez aucun enfant parce qu'ils étaienttous rentrés en courant à la maison pour voirUltraman. C’est une des raisons pour lesquellesces vieux fans sont restés fidèles à la série, mêmeaprès avoir grandi, et aujourd’hui, 50 ans plustard, ils prennent encore plaisir à la regarder et àpartager leur passion avec leurs enfants ou leurspetits-enfants.

Comment se déroulait le travail sur le tournagede la série en 1966 ? Quels défis avez-vous dûaffronter ?K. S. : Comme je le disais, il s’agissait d’interpréterun rôle. En cela, il n'y a pas beaucoup dedifférence entre le cinéma et la télévision. Ce-pendant, les cinq membres de l’AIS devaient sebattre contre des monstres géants. Comme lesscènes de monstres étaient tournées dans unstudio différent, nous devions prétendre quenous nous lancions à leur recherche. Il fallaitfaire en sorte que tout le monde regarde dans lamême direction. En outre, tous les épisodes ontété enregistrés sans le son et nous avons dûdoubler nos voix en post-production. Ce futaussi un défi compte tenu des limites de la tech-nologie à l’époque. Aujourd'hui, même si vousêtes en retard d’une fraction de seconde à la find’une scène, il est assez aisé de synchroniser lesmots avec les images. Il y a 50 ans, c’était im-possible. Quand nous faisions une erreur, ilfallait tout reprendre à zéro. Je me souviensaussi des dialogues que nous devions mémoriser.Ils étaient remplis de kanji [caractères chinois]et de mots difficiles. Parfois, nous avions desproblèmes à les lire (rires).

Comment était l'ambiance sur le plateau ?K. S. : C’était formidable. Notre groupe de cinqétait très soudé. Evidemment, nous étions trèssérieux sur le plateau et on essayait toujours defaire de notre mieux. Mais nous étions jeunes eton aimait bien s’amuser. Le capitaine Muramatsuet Arashi venaient d’entrer dans la trentaine,j’avais 27 ans. Ide avait un an de moins que moi,et Akiko [Fuji] n’avait que 20 ans. On attendaitavec impatience la fin du tournage pour allerboire un coup ensemble. (rires)

INTERVIEW Dans l’ombre du super hérosPersonnage clé de la première série,Kurobe Susumu reste, 50 ans plus tard,extrêmement populaire.

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Je parie que vous avez connu beaucoup d’aven-tures sur le tournage.K. S. : En effet, et parfois ce n’était pas trèsagréable. Par exemple, dans l’épisode 20, Terreursur la route 87, Ultraman combat le monstreHydra. Il fallait tourner de nuit au parc Saboten(parc des cactus), dans la péninsule d’Izu. Alorsque le monstre apparaissait, me tenant près d'uncactus, mon fusil pointé vers lui, j’ai soudainperdu l'équilibre et suis tombé sur un cactus. J’aidû baisser mon pantalon pour que l’équipe retireles épines de mes fesses à la lumière d’une torcheélectrique !

Était-ce difficile de travailler avec TSUbUrAyA

Eiji, le créateur de Tsuburaya Productions ?Comment était-il sur le plateau ?K. S. : En fait nous n’avons jamais travaillé en-semble. Il était en charge du studio des effets spé-ciaux et il ne se mêlait pas vraiment des autres as-pects de la production. Les deux studios étaientdeux entités distinctes et c’est seulement dans lasalle de montage que les deux éléments étaientrassemblés. tSUBUrAyA-san était un homme trèsgentil. Je pense que les autres membres de l’AISl’ont rencontré quelques fois, mais, en ce qui meconcerne, je n’ai jamais eu la chance de lui parler.

A cette époque, le studio était situé dans l’ar-rondissement de Setagaya, au sud-ouest de Tô-kyô…K. S. : Oui, les deux studios – celui où je travaillaiset celui des effets spéciaux – étaient situés à15 minutes à pied de l'autre. Le fameux BijutsuSentâ (Art Center) en particulier n’était qu’unvulgaire bâtiment recouvert de tôle ondulée. Ilavait un côté primitif. On pouvait entendre touttype de bruit venant de l'extérieur, comme lapluie par exemple, ce qui interdisait tout travailde synchronisation.

Vous êtes apparu au cours des années dans denombreuses suites de la série ou dans les filmsinspirés par Ultraman. Que pensez-vous de lafaçon dont le personnage a évolué ?K. S. : Comme vous le savez, tSUBUrAyA Eiji aété un pionnier des effets spéciaux. Encore au-jourd'hui, cette spécialité japonaise est mondia-lement connue. Aujourd’hui, le numérique re-présente une partie essentielle de la production,mais je pense que les premières œuvres doiventleur succès à leur dimension analogique, au faitqu’elles donnaient l’impression d’avoir été faitesà la main. Il y avait une chaleur qu’un ordinateurne peut pas reproduire.

Les super héros américains ne meurent jamaiset ne vieillissent jamais, tandis qu'au Japon, lespersonnages importants disparaissent effecti-vement et ne reviennent pas. La première sérietournée en 1966 s’achève lorsque Ultramanest gravement blessé par le monstre Zettonavant que Zoffy (son supérieur) vienne luisauver la vie pour le ramener sur sa planète. EnOccident, une telle fin n’aurait jamais pu êtreimaginée. Pourquoi trouve-t-on dans les téléfilmset les films japonais des histoires qui se terminentde cette manière ?K. S. : Je ne sais vraiment pas pourquoi. A vraidire, je ne me suis jamais posé la question. Maisvous avez raison. Alors que la série se termineavec Zoffy emportant Ultraman au loin et avecHAyAtA sans aucun souvenir de ce qui est arrivédepuis leur première rencontre, la version anglaiseaffirme qu’Ultraman reviendra, que HAyAtA sesouvient de tout et qu’il attend le retour d’Ul-traman.A l’origine, la série devait durer plus longtemps,mais en raison de l’énorme quantité de travailqu’exigeait chaque épisode, il a finalement étédécidé d’arrêter la série après l’épisode 39. Voilàpourquoi, la fin est un peu maladroite.

PROPOS RECUEILLIS PAR J. D.

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Ultraman entouré des membres de l’AIS et du jeune HOSHINO Isamu qui avait obtenu l’autorisation de rejoindre l’équipe.

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MÉMOIRE Q-chan ou la parole du fanDepuis sa première diffusion en 1966, la série bénéficie d’une cote de popularitésans égale auprès des Japonais.

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L es bonnes gens qui vivent à soshigaya, unquartier calme de la banlieue de Tôkyô,peuvent dormir paisiblement. Ultraman

veille sur le quartier. Une statue rouge et argentdu super héros se dresse face à la gare de soshigayaOkura, à côté du poste de police, pour effrayer lesméchants. C’est ici que nous avons rencontré Q-chan Matsuo, l'un des meilleurs spécialistes d’Ul-traman et animateur de Kôseki, le site de référencesur le sujet. il a choisi soshigaya pour notre ren-dez-vous, car c’est ici que se trouvaient les anciensstudios de Tsuburaya Productions.

A quand remonte votre première rencontre avecUltraman ?Q-chan Matsuo : Je suis né la même année que lapremière série, mais je ne peux pas vraiment mesouvenir du moment où Ultraman est entré dansma vie. Cette série était si populaire que tous lesenfants disparaissaient des rues au moment de sadiffusion. Tout le monde rentrait en courant pourregarder l’épisode de la semaine. Mes cousins plusâgés que moi étaient de ceux-là. J’ai beaucoupappris d’eux sur le sujet. J’ai aussi été particulièrementchanceux car ma famille possédait un téléviseurcouleur – quelque chose de rare à l'époque – cequi m’a permis de le voir en couleurs.

Parmi toutes les séries de la saga, quelle est votrepréférée ?Q. M. : La première. Peut-être parce qu’elle a euune énorme influence sur ma génération ou enraison de sa qualité.

Par la suite chaque décennie a eu sa série Ultra-man. Comment analysez-vous son évolution ?Q. M. : Alors que les thèmes et l’histoire n’ontpas beaucoup changé, chaque série s’est adaptée àl’époque. Les années 1960, par exemple, étaientcelles de l’optimisme. L'avenir était dégagé, l'hommeallait sur la Lune, et les gens croyaient au rôlepositif joué par la science et la technologie. Celase reflète dans les premières séries. Mais une foisque nous sommes entrés dans la décennie suivante,nous avons connu le choc pétrolier et de nombreuxproblèmes liés à la pollution. Par conséquent, leshistoires d’Ultraman sont devenues plus sombreset même les monstres sont devenus plus menaçantsque leurs prédécesseurs.

Que pensez-vous de l’adaptation d’Ultramansous forme de manga imaginée par ShiMizU

Eiichi et ShiMogUChi Tomohiro (voir p. 10) ?

Apparemment, elle est très populaire puisquechaque volume s’est vendu à environ 2 millionsd'exemplaires.Q. M. : Même si son point de départ rappelle lepremier Ultraman, ce manga ressemble plus à unehistoire de robots comme il en existe tant. Je nepeux pas dire que je l’aime vraiment. L’histoire,en elle-même, ne fait pas beaucoup sens. L’alterego d’Ultraman, HAyATA shin, est un bureaucrated'âge moyen qui ne se souvient pas des combatspassés. son fils possède des pouvoirs extraordinaires.Cela est très étrange parce que HAyATA n’estqu’un être humain.

Votre site est un trésor d'informations sur Ul-traman. Quand l’avez-vous lancé ?Q. M. : il y a environ 15 ans.

Que signifie son nom Kôseki et pourquoi avez-vous décidé de vous lancer dans un tel projet ?Q. M. : Kôseki signifie littéralement “Trace deLumière”. Je voulais enregistrer autant d'infor-mations que possible avant de disparaître pour debon. Tout a commencé quand je cherchais des in-formations en ligne sans pouvoir en trouver nullepart. J’ai donc décidé de le faire moi-même. C’estquelque chose que je veux laisser aux nouveauxfans d’Ultraman, à savoir les enfants aujourd’huien primaire ou au collège qui savent peu ou riendes anciennes séries et des jouets qui en ont étédérivés. C’est un moyen de transmettre toutes cesconnaissances aux jeunes générations.

D’après vous, pourquoi la série Ultraman a-t-elle réussi à conserver une telle base de fans ?Q. M. : D’abord, Ultraman était une série très

haute en couleurs pour l’époque. Prenons parexemple du travail de JissôJi Akio. il est particu-lièrement célèbre pour avoir réalisé bon nombred’épisodes d’Ultraman (1966-1967) et d’UltraSeven (1967-1968). il avait un style visuel distinctif.Mais plus encore, sa façon de raconter l’histoireétait unique, en particulier pour une émissiondestinée aux enfants. [il me montre un livre intituléUltraman no Tôkyô [Le Tôkyô d’Ultraman] écriten 1993 par JissôJi]. sur la couverture, vous pouvezvoir le squelette d'un monstre mort. C’est tiré del’épisode où, pour une raison qui reste obscure, ilsdoivent renvoyer le squelette vers sa planète. Voilàun exemple parmi d’autres pour le moins étrange.Ultraman est aussi bien différent des autres superhéros. il ne voit pas le monde en noir et blanc.Tous les monstres qu’il combat ne sont pasmauvais. A certains moments, il compatit et faitface à de nombreux dilemmes moraux, notam-ment lorsqu’il doit lutter contre le seul survivantd'une planète détruite lors de l’essai d’une armede destruction massive. Ceci, je crois, est l'unedes principales raisons pour lesquelles tant d'en-fants ont développé un tel attachement enversce personnage. Peut-être qu’enfant, on n’est pasvraiment conscient de ces implications morales,mais en grandissant, on comprend et on a unemeilleure appréciation de l'histoire. il est aussiintéressant de noter l’attachement des fans del'émission à l’égard des monstres. Ultraman estla seule série où les fans aiment les “ennemis”presque autant que leur super héros. Même lesgens qui ne connaissent pas très bien la sériepeuvent citer au moins quelques monstres,comme Baltan ou Pigmon.

PROPOS RECUEILLIS PAR J. D.

Rencontre avec Q-chan au Café Melody, un bar dédié au super héros (www.cafe-melody.com), à Soshigaya.

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16 ZOOM JAPON numéro 60 mai 2016

ZOOM CULTURE

H UMEUR par KOGA Ritsuko

Je rêvais de passer une vie tranquille en France,car j'avais entendu que l’objectif du travail pourles Français était d’avoir leurs cinq semaines devacances par an, et que, pour eux, la prioritéétait la famille, jamais le travail. Quand on vit auJapon, ce genre de cliché est de même catégorieque “les Chinois mangent tout ce qui a quatrepattes, sauf les tables et les chaises.”Avant de m’installer en France, je travaillais pourtrois sociétés différentes. Je me couchais à 4 hdu matin pour me lever trois ou quatre heuresplus tard. Débarquée dans ce pays de rêve, j’aivite été confrontée à la réalité : même ici, on selève le matin ! Quel était donc l’intérêt de vivreen France ? Après mes études, j’ai trouvé un travail. C’est aubout de trois jours de ma vie professionnelle quej'ai compris que les horaires de travail étaientofficiellement identiques en France et au Japon,mais qu'il y avait cependantune énorme différence :beaucoup de Français respec-tent strictement leurs horaires,contrairement à mes compa-triotes qui croient sincère-ment que “ça ne se fait pas.”Pour eux, le travail est la loi,le héros est un bosseur responsable. Malgré cetteéducation, j’aimerais m’adapter à la mentalitédu pays où je vis. Et poser un petit panneau“caisse fermée” sur mon bureau à 17h me feraitdu bien.Pourtant, mes partenaires sont souvent des Japo-nais qui vivent dans l’archipel et commencentleur journée à l’heure où je dois aller au lit ! Enplus, ils restent à leur bureau jusqu’à minuit sansproblème. Afin de répondre à ces salarymend'enfer prêts à travailler 24h/24, je ne peux pasme permettre de leur dire que je ne travaille pasle dimanche à 3 h du matin. Si je devais calculermes heures supplémentaires, je pourrais prendreun an de congés pour les récupérer. Ou si je meconformais à la manière d'être employée enFrance, je devrais aller aux Prud’hommes pourtoucher de solides réparations, comme on mel’a toujours conseillé. Mais pour éviter d’en arriverlà, je vais me forcer à prendre 7 semaines devacances, par pure politesse nippone !

Quel travail !

ROMAN L’insoutenablemalaise de la jeunesseIl y a des œuvres littéraires plus fortes

que d’autres. Tel est le cas du roman

de Abe Kazushige qui paraît aux

éditions Philippe Picquier et dans

lequel l’écrivain décrit avec une

précision chirurgicale la lente dérive

de Tôya Haruo, un garçon de 17 ans.

Envoyé à Tôkyô après avoir été chassé

de sa ville natale, au nord du pays,

pour avoir provoqué le suicide d’une

collégienne qu’il harcelait, cet

adolescent est un asocial qui passe son

temps derrière

son écran

d’ordinateur.

Il finit par

s’intéresser à

une espèce

d’ibis, le

Nipponia

nippon, dont

la souche

japonaise s’est

éteinte. Seule

la souche chinoise subsiste, ce qui crée

un casse-tête pour les Japonais parmi

lesquels le jeune Haruo. Il va se mettre

en tête de réaliser un coup d’éclat

autour de ses oiseaux dont quelques

spécimens (chinois?) vivent sur l’île de

Sado,au large de Niigata. L’auteur

nous livre à partir du point de vue de

ce véritable psychopathe son plan

d’attaque. De quoi mettre mal à l’aise

le lecteur dans la mesure où le

romancier ne porte aucun jugement

sur ce personnage pourtant

détestable. Une belle claque littéraire

qui en dit long sur les troubles d’une

partie de la jeunesse japonaise.

Nipponia Nippon, de Abe Kazushige, trad. par

Jacques Lévy, éd. Philippe Picquier, 17 €.

EXPO Souffle poétique àl’hôtel de l’IndustrieLe Huboku Ga vise à représenter l’esprit

du vent, de l’élément aérien, du souffle.

Les peintures de

KOBAYASHI Mitsuo

sont des

compositions

d’éléments

picturaux disposés

autour d’espaces

laissés

volontairement

blancs, autour

desquels les œuvres

se construisent. Les détails ne sont donc

pas représentés, ni l’herbe des prairies,

ni le contour du visage des enfants.

Pourtant les œuvres produisent un effet

défini sur les personnes qui les

contemplent. C’est toute la force

poétique de cette exposition à ne pas

manquer, car de très courte durée !

Du 12 au 14 mai de 11h à 20h. Vernissage le

11 mai à 19h. Hôtel de l'Industrie

4 Place Saint-Germain des Près 75006 Paris

CINÉ-CLUB Une femmetourmentée à Vichy Chef-d’œuvre

méconnu de NARUSE

Mikio, Une femme

dans la tourmente

vous attend le 10

mai à 20h30 dans le

cadre du Rendez-

vous avec le Japon

qui se déroule tous

les mois à Vichy.

Cinéma Étoile Palace, Centre commercial des

quatre chemins, 35 rue Lucas 03200 Vichy,

www.rendezvousaveclejapon.fr

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D ix ans après Hana & Alice, qui a fait delui l'un des plus grands réalisateurs ja-ponais, IwAI Shunji a finalement réussi

à réaliser son rêve de construire une autre histoireautour des deux mêmes collégiennes un peu ex-centriques. Zoom Japon est allé à sa rencontredans son studio pour évoquer le film, l’animation,et la nature de la créativité.

Quand vous étiez à l’université aviez-vous uneambition particulière ? Saviez-vous déjà que vousvouliez devenir réalisateur ?IwAI Shunji : Pas du tout. En fait, je voulais devenirromancier ou mangaka car j’aimais beaucoupdessiner à l’époque. Il est vrai cependant que jefaisais des courts métrages en 8 mm avec mes amis.Aussi quand est venu le temps de choisir ma voie,je pensais que le travail avec une caméra me per-mettrait de gagner correctement ma vie. J’ai donctrouvé un emploi dans la réalisation de clips vidéo.

Vous avez à la fois tourné des longs métrages ettravaillé à la télévision pour des publicités etautres téléfilms. Quelles sont les différences entrele travail au cinéma et à la télévision ?I. S. : D'un point de vue créatif, il n’y a guère dedifférences. Toutefois, faire votre propre film peutvous donner plus de liberté, en particulier si vousparvenez à réunir l'argent vous-même et être fi-nancièrement indépendant.

C’est-à-dire…I. S. : Chaque fois que je peux réunir 100 millionsde yens, je suis plus ou moins libre de faire ce que jeveux. C’est vrai aussi si je ne dispose que de50 millions et que je peux emprunter le reste auprèsd'une banque. Bien sûr, il y a des limites à ce que jepeux faire dans la mesure où il ne s’agit pas d’unbudget extraordinairement élevé, mais cela mepermet de conserver ma liberté de création, ce quiest la chose la plus importante à mes yeux. Commevous pouvez l'imaginer, avec des budgets plus im-portants, les restrictions sont plus nombreuses et ilest nécessaire de faire des compromis sur de nom-breux détails, petits et grands. En ce qui me concerne,je ne me suis jamais retrouvé dans une telle situation.Le problème avec l'industrie du cinéma est quevous pouvez avoir la meilleure idée du monde,mais sans argent, vous ne pouvez rien faire. Dansmon cas, le nombre de projets avortés dépasse deloin les films que j’ai effectivement été en mesurede réaliser.

Je suppose que pour Hana & Alice mènentl’enquête vous avez disposé d’un budget assezgrand par rapport à bon nombre de vos œuvres?I. S. : En effet. Je pense que nous avions un budgetd'environ 250 millions de yens (2 millions €). Ils’agit d’animation après tout. Nous avons dû ras-sembler quelque 150 personnes pour mener à bience projet. Et là, je ne parle que de la partie dessin etde la modélisation 3D qui a pris environ huit mois.Au total, ce sont 200 personnes qui ont participé àcette aventure.

A la différence d’autres réalisateurs, vous vousêtes essayés à différents genres, de l'horreur auxfilms romantiques, en passant par les films sur lajeunesse (seishun eiga). Pourquoi ce côté touche-à-tout ?I. S. : J'ai l'impression que si l’on se cantonnetoujours au même genre, on finit par faire le même

A l’occasion de la sortie le 11 mai en Francede Hana & Alice mènent l’enquête, lecinéaste revient sur ses motivations.

CINÉMA Iwai Shunji, génial touche à toutfilm encore et encore. En tout cas, je pense quec’est ce qui m’arriverait. C’est donc pour gardermes idées fraîches que je tends à diversifier mes in-térêts. Je suis aussi très curieux de nature. J'aibeaucoup de centres d’intérêt. Aussi dès qu'unenouvelle idée de sujet ou d’histoire frappe monimagination, j’essaie d’en faire un film quel quesoit le genre.

Les films sur la jeunesse semblent être un de vosgenres préférés. On peut citer par exemple Allabout Lily Chou-Chou en 2001 ou encore lesdeux films de la série Hana & Alice qui appar-tiennent à ce même genre. Par ailleurs, les prota-gonistes sont toujours des filles, jamais desgarçons. Quelle part de vous-même peut-on trou-ver dans ces histoires ?I. S. : Il y a très peu d’éléments strictement auto-biographiques, mais je suppose que, dans tous lesfilms que je fais, je mets quelque chose de moi-même. Ce que je veux dire, c’est que chaque projetcommence lorsque j'établis un lien entre le sujet etmon expérience personnelle, et que je me projettedans mes personnages. Dans le premier Hana &Alice, par exemple, vous pouvez trouver une partiede moi, non seulement dans Masashi, le garçon,mais dans les deux filles. Je ne pense pas que jepourrais jamais faire un film si le sujet ne me touchepas dans un sens ou un autre. Peut-être est-ce unedes raisons pour lesquelles je ne suis pas un réalisateurprolifique.

De quelle manière votre environnement de travaila évolué depuis que vous avez commencé à fairedes films ?I. S. : Le principal changement a été l'avènementde la technologie numérique. Comme je le disais,j’ai commencé ma carrière en réalisant des clipsvidéo, mais quand j’ai commencé à faire des films,j’ai dû passer à la pellicule et à la technologie analo-gique. Ça n’a pas été facile surtout au début. J’ai

RÉFÉRENCESHana & Alice mènent l’enquête de Iwai Shunji(couleurs, 1h40) avec SUZUKI Anne, AOI Yû, AIDA

Shôko. Produit par IWASA Naoki et MIZUNO Aki.Directeur de l’animation KUNO Yoko. Distributeuren France : Eurozoom. Sortie le 11 mai 2016.

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donc été vraiment très heureux quand j’ai pu enfinutiliser le numérique, y compris dans mon travailde cinéaste. En dehors de cela, il y a eu unvéritable essor du documentaire au Japon. Il y adix ans, les documentaires étaient pratiquementignorés, mais maintenant il est beaucoup plusfacile d’en faire et il y a aussi un marché pour cegenre de films.

En  2000,  vous  avez  joué  un  rôle  dans  le  filmShiki-Jitsu d’Anno Hideaki. Avez-vous appréciéde vous retrouver face à la caméra pour une fois ?I. S. : Je pense que cela a été une expérience trèspositive. J'ai vraiment pris du plaisir parce que jepouvais profiter d'être sur un plateau sans lesproblèmes qui sont généralement liés à la direction

d’un film. Un réalisateur doit tout surveiller ettout vérifier, résoudre des problèmes techniqueset diriger les acteurs. C’est une tâche parfoisécrasante. Il est évident que j’aime ce métier,mais cela peut être très stressant. Les acteursn’ont qu’à se concentrer sur leur travail. J'ai aussicompris que les acteurs n’avaient pas forcémentbesoin d’être inondés d’instructions. Avant detravailler sur Shiki-Jitsu, j’avais l’habitude d’êtreomniprésent, d’expliquer en permanence ce queles acteurs avaient à faire et comment, mais main-tenant je pense qu’il est préférable de leur donnerplus de liberté. C’est plus efficace et cela meprocure moins de soucis.

Jouerez-vous un jour dans l’un de vos films ?

I. S. : Non, je ne crois pas. Je crois que ce seraittrop compliqué (rires).

Environ une décennie sépare Hana & Alice etHana & Alice mènent l’enquête. Comment cesecond film est né ?I. S. : En fait, l'idée de faire un second film étaitdéjà là il y a dix ans. Comme je vous l’ai dit, jevoulais devenir mangaka et même contribuer àShônen Magazine. Aussi l’idée de réaliser unfilm d’animation s’est imposée d’elle-même.Mais pour un certain nombre de raisons, je n’aipas pu le faire plus tôt. J’ai mis l’idée de côté etattendu qu’une opportunité se présente. En finde compte, je pense que j’ai bien fait. Il y a dixans, je pense que je n’aurais pas été en mesure

Dans son film, IWAI Shunji s’intéresse au rapport que les adolescents entretiennent avec la mort.

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d’aborder un tel projet. En fait, j’ai passé toutesces années à me former comme l’aurait fait unmangaka. J’ai affiné mes compétences en dessin,réalisant moi-même les storyboards de mes autresfilms. Par ailleurs, je ne savais rien de la complexitédu travail d’équipe lié à un film d’animation. Jesuis donc allé au Studio Ghibli pour les observer.J’ai ensuite découvert la rotoscopie. J’ai comprisque c'était une bonne approche de l’animationpour moi parce que c’est une méthode hybridequi mêle tournage en direct, modélisation 3Det dessin à la main. au lieu de commencer par lamodélisation ou le dessin 3D pour lesquels jen’avais aucune expérience, j’ai pu d’abord tournerles scènes comme je le faisais pour mes autresfilms, puis dessiner sur les images les unes aprèsles autres.

Quel est l’attrait de l’animation par rapport àun film en prise de vue réelle ?i. S. : De toute évidence, c’est quelque choseque vous ne pouvez pas faire si vous n’aimez pasle manga ni le dessin. moi, j’adore ça. mais dansl’animation, il faut passer une autre étape dansla mesure où vous filmez une série de dessinsdans une séquence en mouvement. Pour obtenirun bon résultat, il faut être constamment bondans votre technique de dessin. C’est quelquechose qui m’a vraiment époustouflé. Le faitd’avoir tous ces gens produisant un dessin à lafois, et de voir ensuite la chose prendre vie a étéune expérience vraiment émouvante. Si j’en aila possibilité, c’est une expérience que j’aimeraisreproduire. malheureusement, au Japon il n'y apas vraiment de public pour ce genre d'animation.Les gens ne veulent que le genre otaku de l’animeavec des filles stéréotypées ou des dessins animésvenus de la télévision comme Crayon Shinchanet Doraemon. La seule exception était le StudioGhibli, mais il a cessé ses activités.

C’est vous qui écrivez la musique de vos filmsdepuis 2002, mais même avant vous aviez unerelation étroite avec le monde de la musique.

Vous avez demandé par exemple à des chanteursde jouer dans vos films, lancé des projets dansla musique, et réalisé de nombreuses vidéosmusicales.i. S. : C’est vrai, mais quand vous tournez unclip vidéo, la musique est déjà là et vous nepouvez pas y toucher. Vous n'êtes pas libre defaire ce que vous voulez. Cela revient à faire unfilm muet et ça peut être très stressant. Cettequestion mise à part, c’est une façon d’êtretouché par quelque chose comme je le disaistout à l’heure. Je suis très curieux de nature, etquand j’aime vraiment quelque chose, j’ai souventenvie de l'essayer moi-même. Voilà commentj’ai commencé à écrire de la musique.

Pour revenir à l’animation, vous avez produitet écrit, en 2009, le script pour Baton de ki-tAmurA ryûhei. Est-ce que cette expérience ainfluencé votre travail pour Hana & Alice mè-nent l’enquête ?i. S. : Oui, cela a constitué une étape importantedans le développement des compétences néces-saires à la réalisation de mon propre projet.Pour la première fois, nous avons utilisé la ro-

toscopie et nous nous sommes heurtés à uncertain nombre de problèmes, surtout au faitque les visages des personnages étaient tropproches de la réalité et pas assez mignons. Dansle cas de Baton, cela n’a pas été un gros problèmeen raison de la nature même de l’histoire, maispour Hana & Alice mènent l’enquête, je savaisque nous devrions faire quelque chose à ce sujet.Travailler sur le projet de KiTamura ryûheim'a fait prendre conscience des problèmes queje serais amené à rencontrer plus tard avecmon propre film.

Puisque nous évoquons de jolis visages, com-ment se sont passées les retrouvailles avec Su-zuki Ann et Aoi Yû après cette coupure dedix années ?i. S. : Cela a été un peu bizarre parce que jen’avais pas l’impression que dix années s’étaientécoulées. Comme nous travaillions sur la mêmehistoire, je pensais qu’une semaine s’était passéedepuis le premier film. Cela dit, l’expérience aété très agréable et je suis heureux d’avoir eu lachance de travailler une nouvelle fois avec elles.

PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN DEROME

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La complicité entre Hana et Alice est pleine de fraîcheur et de surprises.

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R omancière, mais également traductriceet auteur de livres pour la jeunesse,Ekuni kaori écrit depuis plus de trente

ans. En France, son premier roman traduit (Dansla barque de Dieu, éd. Philippe Picquier, 2014)vient de décrocher le Prix Caméléon, un prix delittérature en traduction décerné par des étudiantslyonnais. L’auteur était invitée à Lyon, le 4 avrildernier, pour recevoir son Prix, et rencontrer aupassage son traducteur et ses lecteurs à Paris.

Vous avez passé votre enfance dans un milieuéminemment intellectuel et littéraire, puisquevotre père était un des plus grands poètes deson époque. Devenir écrivain était-il pour vouspoursuivre une tradition familiale ?Ekuni kaori : Mon père exigeait surtout que jedevienne une personne qui s’exprime, qui sachevocaliser ce qu’elle est et ce qu’elle pense. En faitj’ai appris naturellement à utiliser les mots avantmême de savoir regarder le monde. Enfant déjà, j’aimais écrire, j’inventais des histoires,mais je me préoccupais peu de devenir profes-sionnelle, m’auto-publier aurait été suffisant.Or, mon père avait une idée extrêmement hautedu métier d’écrivain et cela l’a mis dans unecolère noire : “Payer pour que des gens te lisent ?Jamais je ne permettrai que ma fille se rende cou-pable d’une action aussi honteuse ! Tu ne te mo-queras pas des écrivains professionnels commecela !” Cela a été terrible. Si c’était ça le mondedes lettres, alors je ne voulais surtout pas y mettreles pieds ! J’ai essayé de devenir autre chose, parexemple je voulais devenir marchande de fruits.Ou professeur d’anglais… Mais ni l’un ni l’autren’ont duré bien longtemps. Par contre, j’ai conti-

nué à écrire, et finalement au milieu de lavingtaine j’ai dû me rendre à l’évidence quec’était la seule chose que je savais faire, et je mesuis décidée à en faire mon métier pour de bon.

Cela fait écho à une scène de Dans la barquede Dieu, quand M. Momoi, le mari de Yôko,lui inculque l’idée qu’une musicienne profes-sionnelle ne joue pas du piano gratuitementpour faire plaisir à ses amis… Vous n’êtes passeulement romancière, vous êtes égalementtraductrice. Pour un écrivain, y a-t-il des chosesque l’ont ne peut pas dire dans sa langue, qu’onne peut dire que dans une langue étrangère ?E. k. : En fait, j’essaie de trouver un langagenouveau, je choisis mes phrases avec minutie, je

cherche une langue qui serait une langue d’étran-gers qui parleraient japonais, et comme dansmon esprit la notion “d’étranger” se confondavec la langue anglaise, parce que je n’en connaispas d’autre, j’ai l’impression que cela donne àmon écriture une coloration anglophone.

Pourtant, vos nombreux lecteurs se retrouventbien dans votre écriture…E. k. : Parce que les émotions et les sentimentsdont je parle baignent dans une température etun climat parfaitement japonais, je pense. C’estprécisément pour cela que je n’ai pas envie deme contenter d’un langage qui dirait au lecteur“vous voyez de quoi je veux parler”, “vous mecomprenez, n’est-ce pas ?”. Au contraire, pour

EKUNI Kaori lors de son séjour en France au début du mois d’avril.

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Auteur du très remarqué Dans la barquede Dieu, Ekuni kaori se confie sur sontravail de romancière.

RENCONTRE Un écrivain plein de caractère

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parler de nuances et de détails subtils que l’onaperçoit pour la première fois, le langage le plusapproprié est un langage inhabituel, différentde l’à-peu-près dont on se contente dans la viede tous les jours.

De quoi partez-vous pour trouver vos idées ?E. K. : il m’arrive souvent d’écrire à partir d’untitre, c’est le titre qui provoque l’histoire. Parexemple cette nouvelle que j’ai écrite en 2002 :Oyogu no ni, anzen de mo tekisetsu de mo arimasen[ni sûr ni approprié pour la baignade], c’étaitun panneau planté au bord d’une rivière auxÉtats-unis. Si cela avait été en japonais, il yaurait eu simplement écrit : “Baignade interdite”.mais cette façon de ne pas interdire sous-entendque si vous vous baignez, c’est sous votre propreresponsabilité, et par ricochet cela pose la questionde la responsabilité sous un angle différent. Lavie elle-même n’est pas un milieu sûr ni appropriépour s’y baigner…

Comment jugez-vous les tendances actuellesde la littérature japonaise ?E. K. : Je ne m’en préoccupe absolument pas. Jene surveille pas les critiques, et cela ne m’intéressepas beaucoup.

C’était mieux avant ? E. K. : Pour ne parler que du Japon, je penseque la littérature a tendance à se dévaluer. Sansdoute à cause de la crise, les éditeurs se reposenttrop sur les souhaits des lecteurs. avant aussi,les lecteurs disaient qu’ils n’avaient pas envie delire des livres compliqués ou trop longs, mais aumoins, le jour où on avait envie de lire autrechose, il suffisait d’aller dans une librairie pourtrouver un livre qui sortait de l’ordinaire. Celivre ne se vendait peut-être pas beaucoup, maisil existait pour le lecteur qui le rechercherait unjour. alors que maintenant, ni les éditeurs ni leslibraires n’ont plus la capacité économique de lemaintenir en stock. alors, les étudiants d’au-jourd’hui, même en Lettres, n’ont pas lu Tchekhov

ni Tanizaki Junichirô, parfois. Et les éditeursdemandent aux auteurs une production de l’émo-tion, propre à émouvoir n’importe qui et facileà comprendre, c’est assez inquiétant.Évidemment, cela n’empêche pas qu’apparaissentaussi depuis quelque temps des écrivains très in-téressants, qui étaient impensables dans le passé,comme Furukawa Hideo ou kawakami mieko.ils créent une littérature qui est de maintenant,qui ne se conçoit que dans notre époque et ça,c’est formidable.

L’un des thèmes les plus importants dans lalittérature d’aujourd’hui est la question du“genre”. Les auteurs dont vous parlez sontsymptomatiques de ce point de vue. Or, onpeut dire que ce thème est également au centrede votre écriture, mais avec une position radi-calement opposée à l’effacement des identitésgenrées. Au contraire, la nature essentiellementdifférente des personnages masculins et fémininsdans vos romans est une donnée absolue.E. K. : Vous avez parfaitement raison. il est fortpossible que l’on juge mes personnages comme“régressifs” par rapport aux tendances actuelles,d’ailleurs c’est peut-être pour ça que mes ventesbaissent [rires]. Quoi qu’il en soit, je crois qu’onne peut pas ignorer la question de l’identité. Lefait d’être une femme, non investie par la féminité,est nécessaire aujourd’hui. Et la même chosepour les hommes. C’est à dire qu’on peut inverserles genres, mais nier le genre comme axe del’identité est quelque chose de très difficile àconcevoir pour moi.

Est-ce que Yôko dans Dans la barque de Dieu,est proche de la femme parfaite ?E. K. : ah non, pas du tout ! De fait, en ce quime concerne, la perfection m’importe peu, je necherche pas à écrire une femme idéale ou unhomme idéal, j’essaie plutôt de peindre des in-dividus intéressants, et d’ailleurs, un individuest d’autant plus intéressant qu’il n’est pas parfait.au contraire, ce qui est parfait manque d’intérêt :

une famille idéale, un amour idéal, un mondeidéal…

Dans la barque de Dieu, c’est l’histoire d’unefemme, non pas qui ne se laisse pas apprivoiser,mais qui ne sait pas s’apprivoiser. Un personnagecomme Yôko, qui déménage de ville en villetous les ans ou presque est assez atypique dansla société japonaise.E. K. : En effet, il ne doit pas y avoir grandmonde qui vit comme cela !

Le lecteur est le dieu de l’écrivain, et l’écrivainest dans la barque de Dieu ?E. K. : [rires] Je n’ai pas envie de penser commecela, et je continuerai à écrire même si je n’avaispas de lecteurs. J’écoute très peu l’avis de meslecteurs ! Je ne regarde pas les avis de lecteurssur internet. Écrire d’une certaine façon pourqu’on pense ceci ou cela de moi, ça ne conduitnulle part.

Umberto Eco parle du lecteur idéal pour lequelchaque écrivain écrit…E. K. : Oui, mais je ne dirais pas que l’auteurécrit “pour” un lecteur. Je préfère l’idée quej’écris pour le roman, pour ce roman qui n’estpas encore écrit, c’est pour lui que j’écris. Cecidit, le lecteur fictif est bien là, je n’écris pas pourlui mais je m’efforce d’écrire avec suffisammentde rigueur pour ne pas provoquer son mépris.

PROPOS RECUEILLIS PAR

JEAN-LOUIS LACOURONNE

RéféRenceDans la barque de Dieu, de ekuni kaori, trad. parPatrick Honnoré, éd. Philippe Picquier,7,50 €

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choisit, en général, la cuisse. De temps en temps,on se régale de brochettes de seseri, partie du col-lier, légèrement croquantes. Pour les légumes, onutilise du potiron ou du poivron. On déguste aussi des pommes de terre envelop-pées de papier alu avec du beurre et du sel.Comme amuse-bouche, on prépare à l'avanceune salade de chou mélangée avec des algues(kobu) ou encore une marinade légère de radisblanc (asazuke) sans oublier des boulettes riz (oni-giri) que l’on peut aussi griller en ajoutant de lasauce de soja, ce qui donne un côté craquant etune odeur agréable. Tout ça, c’est un barbecue de base car on peutvarier avec des grillades de fruits de mer en

ZOOM GOURMAND

L a douceur qui se fait sentir à Osaka en cemoment me rappelle mon premier bar-becue à la française dans le Beaujolais où

j’habitais. Un de mes anciens collègues en faisaitchaque week-end, du printemps jusqu'enautomne. J'étais surprise de voir que le barbecuefaisait partie de son quotidien et qu'il n'avaitbesoin que d’un petit four en briques installé toutsimplement dans son petit jardin. Contrairementà lui, mon mari, deux mois avant la bonne saison,part à la recherche des nouveaux produits que jedécouvre plus tard dans notre garage: un barbecueportable avec grille, une grande plaque de métalpour les nouilles sautées, des glacières, des tableset des chaises pliantes, et toute la vaisselle ! A chaque barbecue, le déplacement en voitures’impose. Récemment, n’ayant pas de grand jardinet comme il est interdit d’en faire dans les parcsavoisinants, nous sommes partis avec des voisinsau bord d'une rivière, sous des cerisiers à moitiédéfleuris. La préparation a commencé par la posedu tarp. Une fois tout le matériel installé et lecharbon de bois allumé, on a commencé par cuirede la langue de bœuf finement tranchée car ellecolle moins sur le gril propre. En général, la viandela plus utilisée est le bœuf, notamment ce qu’onappelle kalbi signifiant la côte (en coréen), et lediaphragme appelé harami, marinées dans unesauce spéciale. Au Japon, les merguez sont rares, et on ne trouvepas comme en France de brochettes déjà toutespréparées. Les enfants, eux, adorent les saucisses(de Francfort de préférence). Pour le porc, onprend des baraniku (lamelle de travers de porcsans os) et tontoro (partie très grasse et tendredans les joues ou le collier). Quant au poulet, on

Pour les Japonais, le barbecue est l’occasion de s’adonner au plaisir des grillades. Et ils nemanquent pas de choix en la matière.

DÉTENTE L’art et la manière de griller

papillotes : coquilles Saint-Jacques, gambas etpavés de poisson blanc assaisonnés au sel, poivre,beurre avec un peu de vin blanc, de fines herbeset une tranche de citron. Le tout est à cuire surle gril pendant 10 minutes environ. On peut yajouter aussi un peu de sauce de soja. Le papieralu est pratique également pour cuire du porc etdu poulet marinés au miso ou kôji au sel, sans lecramer. C’est aussi un bon moyen de cuisson à lavapeur pour les épinards ou les pousses de soja !Ces derniers temps, de façon à ce que les femmespuissent faire plus facilement elles-mêmes leurbarbecue, on trouve du gel allume-feu en tube etdes grils jetables !

MAEDA HARUYO

Faire un barbecue relève de l’expédition, mais quel plaisir d’en profiter.

MA

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14 rue Chabanais 75002 ParisTél : 01 42 60 50 95 / M° Quatre Septembre

Ouvert tous les jours de 11h30 à 22h30

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ZOOM GOURMAND

L A RECETTE DE HARUYO

PRÉPARATION1 - Faire sauter le porc avec l’huile dans une poêle

bien chaude.2 - Ajouter l’oignon, la carotte et les champignons

émincés.3 - Ajouter le chou et les épinards coupés.4 - Ajouter les nouilles et de l’eau. Couvrir pendant

5 minutes.

5 - Ajouter la sauce, puis bien mélanger.6 - Servir aussitôt.

Astuce : Vous pouvez remplacer les nouilles pardes spaghettis bien cuits. Vous pouvez ajouter ducalamar ou encore de la coquille St-Jacques.

INGRÉDIENTS (pour 2)

2 sachets de nouilles150 g de porc émincé1/2 oignon1/2 carotte20 g de champignon30 g de choux50 g d’épinard10-20 g de sauce LEA & PERRINSHuile, sel et poivre

YAKISOBA(Nouilles sautées)

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D estinations quasi obligatoires pour lespersonnes désireuses de se rendre auJapon, Kyôto et Nara, deux anciennes

capitales impériales, recèlent de nombreux trésors.Les temples, sanctuaires, jardins japonais et autresbâtisses historiques sont nombreux et les pagesnoircies des guides touristiques vantent les charmeset l'importance de ces monuments incontourna-bles. Le célèbre Pavillon d'or ou l'extraordinaireKiyomizu-dera à Kyôto ne manquent pas d'attrait

tout comme le Tôdai-ji ou le Kasuga-taisha à Naraet il n'est pas imaginable de passer par ces deux citésqui ont joué un rôle crucial dans l'histoire du Japonsans faire une halte dans l'un de ses hauts lieux.Outre leur richesse architecturale et historique,les deux cités disposent d'autres arguments qui ne

laisseront pas indifférents les aventuriers du goût.A l'instar des touristes qui empruntent les routesfrançaises des vins pour découvrir à la fois les vigno-bles et la cuisine du terroir, il est aussi possible d'en-treprendre un voyage à Kyôto et Nara avec la mêmeidée. Elles constituent deux bastions de la gastro-nomie nippone et proposent une variété de cuisineaussi riche que celle de leurs monuments. En outre,elles abritent quelques producteurs de saké, boissondes dieux qui se marie on ne peut mieux avec lessavoureux mets servis dans les multiples restaurantsqui y sont implantés.Pour commencer ce périple gastronomico-histo-rique, nous prenons la direction de "Nara aux

Les deux anciennes cités impériales sontchargées d’histoire, mais on leur doit unetrès longue tradition gastronomique.

Le temple de Shôraku-ji revendique la paternité du saké comme le prétend cette stèle plantée à son entrée.

DÉCOUVERTE Nara et Kyôto, côté cuisine (1/2)

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POUR S’Y RENDREDepuis Tôkyô, il suffit d'emprunter le TôkaidôShinkansen pour Kyôto. Ensuite changer pourla ligne Kintetsu située dans la même gare quivous mènera jusqu'à Nara. Si vous êtes àÔsaka, les trains de la compagnie Kintetsu audépart des gares de Namba ou Ueômachi vousconduisent jusqu'à Nara ou Kyôto.

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couleurs éclatantes, comme les fleurs qui s’épanouis-sent odorantes, dans sa pleine beauté" comme ladécrit si bien ce poème du Manyôshû, la premièreanthologie de poésie japonaise daté du VIIIe siècle.Capitale impériale de 710 à 784, elle a joué unrôle prépondérant dans le développement de cer-tains éléments caractéristiques de la culture japo-naise, notamment le saké. Il suffit de se rendre autemple Shôraku-ji fondé en 989 où les moinesbouddhistes ont développé le premier moto, c'est-à-dire l'élément sans lequel la fermentation nepeut pas démarrer. D'ailleurs avant de pénétrerdans ce petit complexe monacal qui occupaitautrefois un vaste territoire, le visiteur ne peutéviter un petit monument sur lequel est inscritsimplement qu'il se trouve à l'endroit où est néle saké. "En outre nous disposons d'une eau trèspure. Cela a contribué à son développement",raconte Ôhara Kôshin qui dirige le temple. Celien avec l'univers religieux n'est guère surprenantpuisqu'il apparaît que le saké était avant tout uneboisson sacrée à l'époque. Sa consommation ser-vait à la fois de relation avec le divin et de liensocial. Le saké occupait une place majeure dansles rites, lesquels étaient la raison d'être de l'Etat.De nos jours, la consommation de cette boissona dépassé le cadre du sacré même si elle reste inti-mement liée aux nombreuses cérémonies rituellesqui ont cours à différents moments de l'année."Pour aider à la redynamisation de la ville, nousavons investi pas mal d'argent, ces dernières années,dans la recherche des éléments qui nous avaientpermis d'être des précurseurs. Nous avons réussi etnous fournissons notre moto à 9 brasseurs locaux",confie le prêtre fier de présenter quelques bou-teilles en vente sur place. Si la décence n'autorise pas que l'on sirote un peude cet excellent breuvage en contemplant lemagnifique jardin du Shôraku-ji, il est en revanchetout à fait possible sinon conseiller de déboucherune bonne bouteille de saké pour profiter plei-nement du moment de communion avec lanature que vous pourrez avoir si vous pouvez pas-ser la nuit dans la remarquable auberge Tsukihi-

tei située à 10 minutes à pied du sanctuaireKasuga-taisha et du temple Tôdai-ji. Construiteen 1903 pour accueillir les hôtes du gouverneurde la préfecture de Nara, cette auberge se trouvedonc dans une zone sacrée. On y sert une cuisineraffinée et les chambres de style japonais – il n'yen a que 3 – offrent toutes une vue sur la forêt deKasugayama, elle aussi inscrite au Patrimoinemondiale de l'humanité. Si l'idée de passer la nuitdans un endroit situé à l'écart de la ville, vous pou-vez opter pour le Mikasa, un hôtel qui surplombel'ancienne cité impériale avec une vue imprenablesur le Tôdai-ji. Certaines de ses chambres de stylejaponais et de style occidental proposent des bainsextérieurs (rotenburo). Côté cuisine, le Mikasan'est pas en reste et les gourmets y trouveront leurbonheur, en particulier le soir après une longuejournée de promenade dans la ville. Pouvoir sedélasser dans un bon bain avant d'enfiler unyukata (kimono léger en coton) pour le dîner estune des possibilités qu'offre le Mikasa à la diffé-rence de la plupart des hôtels plus classiques. Parmi les nombreux sites qu'il faut avoir visitésdans cette cité ancestrale figure Nara-machi, c'est-à-dire la vieille ville. Les petites ruelles qui la com-posent constituent un réservoir à surprises. Lesbâtiments de toutes époques abritant toutes sortesde commerces de la pharmacie traditionnelle auconfiseur en passant par l'incroyable bureau deposte en béton de Nara Gangô-ji à proximité dutemple homonyme ne manquent pas de charmeet pour peu que le beau temps soit de la partie,vous passerez un temps fou à les photographier.Pour en savoir plus sur le passé de ce quartier, ren-dez-vous à la Naramachi Nigiwai no ie, une mai-son de commerce construite en 1917 parfaitementpréservée et que l'on peut visiter tout au long del'année. En plus d'un très beau jardin et de bellespièces en tatamis, cette belle bâtisse dispose d'unecuisine traditionnelle (kamado) où il est possiblede goûter du riz cuit à l'ancienne et de suivrequelques cours de cuisine. Ce n'est pas un simplemusée, la Naramachi Nigiwai no ie devient aussiun lieu de diffusion de la culture locale autour deLa cuisine la Naramachi Nigiwai no ie.

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Le Tsukihi-tei pour passer une nuit extraordinaire.

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conférences, de cours, de concerts et autres évé-nements. Non loin de là, se trouve Shika no fune,un petit complexe touristique composé d'un vieilentrepôt transformé en galerie d'art, d'une maisondu début du XXe siècle où l'on peut venir consulterdes ouvrages ou écouter des conférences, d'un res-taurant; le Kamado, à l'architecture moderne maisoù l'on prépare devant les clients une cuisine àl'ancienne et d'un café où l'on peut faire une pausedans un cadre moderne. Pour son concepteur quitravaille en relation avec la municipalité, c'est unenouvelle façon de se rapprocher des touristes quede leur proposer des espaces comme celui-là oùils ont la possibilité de découvrir différents aspectsde la ville en un seul et même lieu. A la tête de lasociété Kurumi no ki qui gère Shika no fune,KUBO Toshihiro est convaincu que celle nouvellenotion de service va permettre à sa ville d'attirerdavantage de visiteurs. Il souhaite lui voir prendreun nouvel envol. C'est la raison pour laquelle il a aussi implanté dansle restaurant une petite boutique où l'on ne trouve

que des produits locaux, une manière de donnerun coup de pouce aux spécialités de la ville. L'unedes plus rares que l'on ne trouve pas dans sa bou-tique a pour nom narazukeou condiments de Nara.Leur apparence – parfois noire comme du charbon– peut être dissuasive par rapport aux tsukemonoque l'on a l'habitude de servir lors des repas japonais.Ce qui explique cette couleur sombre, c'est l'utili-sation des lies de fermentation du saké pour la macé-ration des aliments (concombre, radis blanc, auber-gine, etc.) au lieu du sel, du vinaigre ou de la saucede soja. Généralement, le narazuke est laissé à matu-ration pendant 6 mois à un an et prend une couleurambrée. Toutefois, l'un des plus anciens producteursde narazuke encore en activité, Imanishi Honten,a développé une période de maturation beaucoupplus longue, allant de 3 à 16 ans, ce qui donne auxaliments cette couleur noire de jais. Cette méthodepermet d'éliminer le sel et l'humidité des alimentset leur assure une plus grande conservation jusqu'àdeux ans après ouverture. En passant par la bou-tique, le visiteur peut découvrir la diversité des ali-Le Shimakaze et Sento-kun, la mascotte de Nara.

C’est autour de la cuisine que les clients du Kamado peuvent déguster leur déjeuner.

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Le chef du Kawanami cultive ses propres légumes.

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ments concernés ainsi que les prix parfois extraor-dinairement élevés de certains d'entre eux. C'estun souvenir original à offrir d'autant que la tech-nique employée par Imanishi Honten éliminel'odeur caractéristique de la saumure qu'ont géné-ralement les narazuke, ce qui permet de les dégusterpar exemple avec du fromage. OKUDA Masaaki, patron du restaurant Kawa-nami, ne propose pas ce genre de mariage gustatif.Celui qui se présente comme "un cuisinier de laterre" (Tsuchi no ryôrinin) met en avant une cui-sine composée de légumes bio cultivés par sessoins et servis dans des plats en terre qu'il a lui-même confectionnés. Son petit établissementouvert de midi à 14h et de 17h à 21h (réservationobligatoire le soir au 0742-35-1873) ne paie pasde mine, mais le soin apporté à la réalisation desplats et la qualité des produits en fait un endroitunique à ne pas manquer. D'autant moins qu'ilse trouve sur le chemin qui mène à la gare Kin-tetsu Shin-Ômiya, sur la ligne Kintetsu Nara, àpartir de laquelle il est très pratique de rejoindre

Kyôto, seconde étape de notre périple gastrono-mico-historique. Suite dans notre prochainnuméro.

GABRIEL BERNARD

CARNET D’ADRESSESShôraku-ji157 Bodaisen-chô, Nara 630-8413Tél. 0742-62-9569 - Entrée : 400 yens.Tsukihi-tei158 Kasugano-chô, Nara 630-8212Tél. 0742-26-2021 A partir de 28 080 yens par personne.Mikasa728-10 Kawakami-chô, Nara 630-8202Tél. 0742-22-5471 - www.naramikasa.comA partir de 14 000 yens par personne.Imanishi Honten31 Kami Sanjô-chô, Nara 630-8228Tél. 0742-22-2415KawanamiSawai Bldg. 101, 4-6-14 Shibatsuji-chô, Nara630-8114Tél. 0742-35-1873 - www.nara-kawanami.jp

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C’est une cuisine simple que le “cuisinier de la terre” propose à sa clientèle.

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• Week-end en pleine na-ture avec repas japonaisfamilial. 3h de Paris. Calmeabsolu. www.fricots.com

• JAPAN MOMENT EXPOSITIONEmiko TOSAKA (Textile Art)et Shigeki DOSAI (Peinture)Du 3 au 10 mai 2016, Ver-nissage mercredi 4 mai2016 de 18 à 21 heuresAyako TAKAHASHI (Peinturejaponaise traditionnelle) etMasahiro FURUSE (Peinture)Du 12 au 19 mai 2016, Vernissage jeudi 12 mai2016 de 18 à 21 heuresGalerie ETIENNE DE CAU-SANS25 Rue de Seine75006 PARIS

• Stage intensif de japo-nais pour débutant du 18mai au 24 juin - 24h. - mer.et ven. 19h-21h - 299€ ttc.Matériel compris. Inscriptionsur www.espacejapon.com

• Ateliers DESSIN-MANGA Réalise ton propre

manga ! Stages intensifspendant les vacances sco-laires. De 11h~15h. 265€ttc(matériel et bento compris).Attention nombre de placeslimité. Informations et ins-cription surwww.espacejapon.com

• Atelier NUNO-ZÔRI Pourcet été, réalisez vos propreszôri (tongs japonaises) àpartir de tissus recyclés. Du-rée 3h. 45€ttc (matérielcompris). Attention nombrede places limitées. Pro-chaines dates et inscriptionsur www.espacejapon.com

•Le restaurant parisien L'Inconnu dans le 7è arron-dissement cherche un(e)serveur(euse). Envoyez vo-tre CV à l'adresse [email protected]

•Paris Fudosan le spécia-liste de l'immobilier franco-japonais à Paris recherchedes STUDIOS à louer pour ses étudiants et expatriés ja-ponais. 18 rue de Richelieu75001 Tel : 01 4286 8739 [email protected]

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