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by Jérémie Souteyrat pour Zoom Japon www.zoomjapon.info Japon - Chine La poussée nationaliste gratuit numéro 6 - décembre 2010 - janvier 2011 SOCIÉTÉ Les robots sont là p. 3 CULTURE Kamui-den en France p. 9 VOYAGE Le ballet des autocars p. 20

ZOOM Japon 6

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Zoom Japon, numéro 6 (décembre 2010)

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Japon - ChineLa pousséenationaliste

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SOCIÉTÉLes robotssont là p. 3

CULTUREKamui-denen France p. 9

VOYAGELe ballet des autocars p. 20

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éDITO Tensions

Les relations entre la Chineet le Japon ont toujours étécompliquées. Mais depuisle 7 septembre dernier, ellesont pris un nouveau tourqui ne laisse présager rien de

bon. Des deux côtés de la Mer de Chine orien-tale, on manifeste contre l’autre, on s’invectiveet on ajoute aussi souvent que l’on peut de l’huilesur le feu. Un jeu dangereux dont les prota-gonistes ne savent pas très bien comment ensortir. C’est pourquoi nous avons un peu bous-culé notre numéro que nous devions consacrerà un sujet plus léger : le rock nippon. Nous yreviendrons prochainement. Ce numéro 6 estun numéro double. La prochaine livraison deZoom Japon aura lieu le 1er février. D’ici là,nous vous souhaitons une excellente fin d’an-née. Et pensez à abonner vos amis…

LA RÉ[email protected]

zoom aCTU

SpORT SoS Coupe dumonde de rugbyLe japon accueillera la Coupe du monde de

rugby en 2019. Une satisfaction pour les

amateurs de ce sport dans l’archipel qui se

battent depuis de nombreuses années pour

imposer leur discipline. L’événement va

nécessiter 30 milliards de yens

[265 millions d’euros] d’investissements.

Une somme que le comité d’organisation

n’a pas encore réunie.

nOëL Les femmes enveulent plusUn sondage réalisé auprès de ses clientes

par le magasin printemps Ginza montre

que ces dernières attendent un beau

cadeau pour noël. La valeur moyenne du

présent qu’elles souhaiteraient recevoir

est de 43 620 yens [386 euros], soit

13 732 yens de plus qu’en 2009. Elles sont

42 % à attendre un cadeau, soit deux

points de plus que l’année dernière.

Tel est le nombre

de personnes

âgées de plus de 65 ans accusées de crime

en 2009, selon le rapport annuel sur la

criminalité publié par le ministère de la

justice. En dix ans, leur nombre a été

multiplié par trois. Une tendance

expliquée par l’accentuation de la crise.

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U n jOUR AU jApOn

Un jeune moine devant le hall principal du temple zen Rinzai fondé en 1536. Les 27 et 28 octo-bre, des maîtres du thé y ont organisé une dégustation de macha dans une ambiance des plus recueil-lies à l’occasion du Festival mondial du thé 2010.

Retrouvez d’autres photos du collectif Sha-dô sur www.shadocollective.com

Le 27 août 2010, à Tokyo, quartier de Roppongi

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Les Japonais n’ont jamais manifesté deréticences vis-à-vis des androïdes. Ils vontmême les voir au théâtre.

E lle se nomme Gemenoid F, un nom pas trèsfacile à porter, mais elle ne s’en plaindra pas.Elle n’a pas été programmée pour cela. Geme-

noid F est un androïde dont l’expression a été jugéesuffisamment bonne pour être digne de figurer à l’af-fiche de la pièce de théâtre Sayonara présentée à Tokyoles 10 et 11 novembre dernier. Même si elle ne tenaitpas le rôle principal, elle a tout de même retenu l’at-tention du public qui a pu l’entendre réciter de la poé-sie à un malade en phase terminale. L’assistance n’a pasété choquée de voir un robotprendre la place d’un êtrehumain, comprenant sansdoute que leur futur procheserait peuplé de ces machinesà l’apparence humaine capa-bles de remplir des fonctionsplus ou moins compliquées. Rappelons-le, le Japon estdéjà le pays des robots. On encompte 295 pour 10 000salariés, soit dix fois plus quela moyenne mondiale. Laplupart d’entre eux sont desmachines industrielles quieffectuent des tâches répétitives, soulageant ainsi unemain-d’œuvre qui peut ainsi se concentrer sur d’autresdomaines. Les robots humanoïdes sont bien sûr plusrares et Gemenoid F fait encore figure d’exception dansle paysage robotique nippon. Toutefois, ils sont de plusen plus nombreux et leurs concepteurs n’hésitent pas

à les mettre au travail, histoire de familiariser l’opinionpublique à leur présence. Au printemps 2009, les élèvesd’une école élémentaire de Tokyo ont fait la connais-sance de Saya, une institutrice d’un nouveau genre, quebeaucoup d’entre eux ont trouvé “très jolie”. Capable deparler et montrer différentes expressions faciales, Sayaa rempli sa principale mission qui était de séduire cejeune public. Les Japonais investissent d’énormessommes dans le développement robotique afin de met-tre au point des machines à visage humain qui pour-ront accompagner et soutenir une population vieil-lissante. La Japan Robot Association estime que lespremiers robots “intelligents” seront commercialisésen 2015, c’est-à-dire demain, et que dix ans plus tard,

ils seront pleinement intégrésà la vie quotidienne. Au-delàdu marché potentiel qu’ilsreprésentent, les robots huma-noïdes constituent un enjeuconsidérable de société etaccessoirement un élémentintéressant de promotion dela technologie japonaise àl’étranger. Lors du sommet del’APEC qui a eu lieu à Yoko-hama à la mi-novembre, lesorganisateurs ont choisi demettre en avant Mim, unrobot humanoïde capable de

danser et de chanter, au milieu d’un vaste espace consa-cré à l’innovation technologique japonaise. Si certainsen doutaient encore, Gemenoid F, Saya, Mim et lesautres montrent que le Japon en a encore sous le capot.

GABRIEL BERNARD

InnOVATIOn Les robots fontun tabac à Tokyo

DR

décembre 2010 numéro 6 zoom japon 3

Gemenoid F, nouvelle vedette de théâtre

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C e n’est pas la première fois que les relationsentre Pékin et Tokyo se tendent, mais l’inci-dent, qui a conduit à la détention du capitaine

d’un chalutier ayant pénétré dans les eaux territorialesjaponaises près des îles Senkaku (Diaoyu en chinois),a rallumé les passions nationalistes chez les deux voi-sins. Dans plusieurs grandes villes chinoises, des mil-liers de personnes ont défilé pour dénoncer l’attitudedu Japon tandis qu’à Tokyo des rassemblements sontvenus rappeler à ceux qui en doutaient la détermina-tion d’une partie de l’opinion à ne pas se laisser mar-cher sur les pieds par le dragon chinois. “Les Chinoissont de plus en plus arrogants et provocateurs”, affirmeun responsable politique japonais, rappelant notam-

ment qu’au printemps 2010 des navires de guerre chi-nois avaient violé les eaux japonaises pour se rendredans l’océan Pacifique tandis que des hélicoptères venusde Chine n’avaient pas hésité à mettreen place une surveillance très stricte debâtiments japonais lors d’exercices navals.De son côté, la presse chinoise, en par-ticulier le très officiel Huanqiu Shibao,publié par l’agence de presse Xinhua, n’a cessé au coursdes dernières semaines de souligner l’intransigeancenippone sur la question des îles Diaoyu que Pékinrevendique au même titre que Taiwan, mais que Tokyorefuse de considérer comme un “problème” dans lamesure où, à ses yeux, cela n’a pas lieu d’être. Par le passé,les huit îlots qui forment l’archipel des Senkaku ontdéjà été au cœur de polémiques entre les deux pays.Des groupes nationalistes chinois avaient tenté d’yplanter le drapeau de la République populaire et des

navires scientifiques en provenance de Chine étaientpassés un peu trop près de la zone, suscitant à chaquefois une réaction japonaise.

Toutefois, l’incident du 7 septembre 2010a pris une tournure différente à la suitede l’arrestation de l’équipage du chalu-tier et de son capitaine. En agissant decette manière, les autorités japonaises ont

voulu montrer à leur voisin chinois qu’il y avait deslimites à ne pas dépasser. Il n’en a pas fallu beaucoupplus pour que ce dernier se raidisse et brandisse desmenaces. Dans le Huanqiu Shibao, on a même pu lireque la Chine aurait tout intérêt à utiliser l’arme éco-nomique pour ramener à la raison le Japon. Un pointde vue audacieux quand on connaît l’interdépendancedes deux principales économies de l’Asie (voir p. 7)qui traduit cependant l’assurance des Chinois à l’égardde leur poids dans les affaires mondiales. De leur côté,

japon - Chinela poussée nationaliste

Les japonais ont besoin de se rassurer

Entre Pékin et Tokyo, il y a de l’eau dans le gaz. Les deux capitales ontoublié leurs promesses de coopération au profit d’un discours qui en ditlong sur leurs divergences.

TEnDAnCE il a suffi d’une petite étincelleLe 7 septembre, l’arraisonnement d’unchalutier chinois par la marine nippone amis le feu aux poudres.

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Manifestation anti-chinoise organisée par la formation d’extrême droite Zaitokukai à Yokohama, le 13 novembre 2010, en marge du sommet de l’APEC

4 zoom japon numéro 6 décembre 2010

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I nTERVIEw

Dans votre dernier livre, Chineou japon : quel leader pourl’asie ? (éd. presses deSciences po), vous montrez trèsbien que le “choc” entre Pékin etTokyo est inévitable. Pourriez-vous résumer votre pensée à cesujet ?Claude Meyer : pour le dire enquelques mots, au risque de sché-matiser un peu, tout me sembleles séparer à la fois dans leur inter-prétation du passé, leur perceptiondu présent et leur vision de l’ave-nir : pour hier, choc des mémoiresconcernant les exactions du japonmilitariste, montée des nationa-lismes aujourd’hui et surtout, am-bitions rivales pour demain. Biensûr, il existe de fortes coopérationséconomiques, mais la convergencede leurs intérêts sur ce plann’éclipse jamais méfiance et animo-sité mutuelles.

La question des Senkaku (Diaoyuen chinois) est revenue sur ledevant de la scène ces dernièressemaines. D’un côté, on a sentiles Japonais déterminés et del’autre, les Chinois prêts à nerien lâcher. Est-ce que cettequestion territoriale est un sim-ple prétexte pour les uns et lesautres d’essayer de s’impression-ner mutuellement ?C. M. : non, ce n’est pas un sim-ple prétexte, car ces îlots revêtentune importance réelle pour cha-cun des deux pays, tant sur le planéconomique que stratégique. Eco-nomique, en raison d’importantesressources halieutiques et de pro-bables gisements d’hydrocarbures.Stratégique, car ils sont situés surune artère maritime vitale pourl’approvisionnement en ressourcesde l’Asie orientale mais aussi àproximité de Taiwan, d’où l’impor-tance de détenir cette position encas de conflit concernant l’île.Mais au-delà de ces enjeux réelsmais limités, ce psychodramediplomatique est le symptôme destensions sous-jacentes, car il est aucroisement de plusieurs probléma-tiques, notamment contentieuxhistoriques et positions straté-giques respectives en Asie. Sur cedernier plan, l’affirmation de lapuissance chinoise s’est accéléréedepuis 2009 (G20 de Londres etsommet de Copenhague en 2009,dépassement du pIB japonais parcelui de la Chine au 2ème trimes-

tre 2010). Le japon ne peut serésoudre à la domination chinoiseen Asie qui se profile à l’horizondes prochaines décennies; il espèrebien contenir les ambitions depékin grâce à son leadership tech-nologique mais aussi par l’affirma-tion de son rôle régional.

Dans votre livre, vous écrivezque “le Japon n’a d’autre choixque d’innover face aux ambi-tions chinoises”, mais en a-t-ilencore les ressources ? C. M. : C’est pour le japon unequestion de survie comme grandepuissance économique. non pasen termes quantitatifs – à l’horizon

2030, son pIB ne représenteraitque le quart du pIB chinois -, maisqualitatifs, à savoir une économietrès productive et compétitive, fon-dée sur une avance permanente enmatière d’innovation technolo-

gique. En a-t-il encore les moyens ?je le pense pour ma part. jeconstate que malgré les crises éco-nomiques successives et les défail-lances de la gouvernance politique,l’effort de recherche-développe-ment (R&D) ne faiblit pas. Lejapon représente 20 % desdépenses de R&D mondiales avecseulement 2,2 % de la populationet 8 % du pIB mondiaux. Il estnuméro un mondial pour le nom-bre de brevets par habitant etdépose 30 % des brevets interna-tionaux. Il est vrai que la Chineprogresse rapidement, dans lecadre d’un plan ambitieux à 15ans qui prévoit de doubler d’ici2030 les dépenses de R&D (1,3 %du pIB contre 3,6 % pour lejapon). Le véritable enjeu entre lesdeux puissances se situe donc surce plan.

Le poids de l’histoire joue un rôleimportant dans les rapportsentre les deux pays malgré uneinterdépendance très forte sur leplan économique. Pensez-vousqu’ils pourront un jour dépasserleurs rancœurs et mettre sur piedcette communauté asiatique pro-posée par les Japonais ? C. M. : je suis pessimiste à cetégard. En effet, contrairement aumodèle franco-allemand, la néces-saire réconciliation des peuples n’apu se faire durant l’après-guerre etde plus, je doute qu’il existe uneforte volonté politique de la partdes dirigeants, même dans le casdu japon. j’espère me tromper. peut-être lechoc des mémoires s’estompera-t-il dans les prochaines générationsau profit de la conscience d’unavenir commun et d’une culturepartagée (y compris à travers la j-pop, etc..), mais les blogs et lesslogans des récentes manifesta-tions ne rendent pas très opti-mistes sur une telle évolution, entout cas pour les jeunes généra-tions actuelles, notamment enChine.

PROPOS RECUEILLIS PAR O. N.

Claude meyer, l’impossible réconciliation

Claude Meyer, chercheur au GEM-Sciences Po et ancien directeurgénéral adjoint de Bank of Tokyo-Mitsubishi à Paris, enseignel’économie internationale àSciences Po. Son dernier ouvrage,Chine ou Japon : quel leader pourl’Asie ? (éd. Presses de Sciences Po,2010), vient d’être publié enjaponais (Jiji Press), les traductionsanglaise et chinoise sont en cours.

les Japonais ont besoin de se rassurer et d’obtenir le res-pect de leurs intérêts nationaux. Fragilisé sur le planintérieur, le gouvernement de KAN Naoto a voulu mar-quer son autorité sur le plan extérieur, en se lançantdans un bras de fer dangereux avec Pékin. Même s’ilsavait sans doute dès le départ qu’il devrait céder auxpressions (le capitaine du chalutier a finalement étérelâché fin septembre), il s’est aussi lancé dans cetteaventure pour rappeler qu’il ne fallait pas non plus lesous-estimer. Sa très vive réaction après la visite du pré-sident russe Dimitri Medvedev sur l’île de Kunashiri,dans les Kouriles du Sud, objet d’un contentieux ter-ritorial de plus de soixante ans avec la Russie, participede la même volonté de se comporter comme un payscomme les autres capable de se mobiliser lorsque sesintérêts sont en cause.“L’hypothèse d’un conflit entre la Chine et le Japon estun des scénarios de crises régionales auquel l’état-majordes Forces d’autodéfense japonaises réfléchit. A partir de2007, un dialogue avait été établi dans le domaine dela défense à l’initiative du Japon, mais il a été suspendu.De manière plus générale, la Chine, dans cette crise, serefuse au dialogue parce qu’elle sait qu’elle a le dessus”,

rappelle Guibourg Delamotte, auteur de l’excellentouvrage La Politique de défense du Japon qui vient deparaître aux éditions PUF. Bien sûr, on est loin d’enarriver à cette extrémité, mais les situations intérieurescompliquées (la Chine se prépare à un changement dedirection en 2012 et le Japon n’arrive toujours pas à sedépêtrer de la crise économique et sociale qui le frappedepuis les années 1990) “accroissent le risque de conflit.Ce qui pourrait survenir est une escalade après un▶

décembre 2010 numéro 6 zoom japon 5

ConféREnCE“2030 : QUEL LEadER poUR L’aSiE : ChinE oU japon ?”C’est sous ce titre que Claude meyer interviendra lors d’uneconférence organisée par le club ESCp-japon le 3 février à 19h.ESCp, 79 avenue de la République 75011 paris. inscription et réservation obligatoires auprès de Laurent Lepez :[email protected]

Le 19 septembre, le quotidien chinois Huanqiu Shibaoconsacre sa première page aux manifestations anti-japo-naises qui se sont déroulées dans plusieurs grandes villes.

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accrochage entre les marines des deux pays. Du pointde vue de la doctrine de défense japonaise, la situationest claire : le Japon a le droit de répliquer si son territoireest attaqué (ce qui comprend les Senkaku). Les États-Unis ont clairement indiqué que les Senkaku faisaientpartie du territoire du Japon que l’Alliance avait voca-tion à protéger”, ajoute-t-elle. Pour autant, l’ombre dela guerre ne plane pas encore sur les eaux troubles dela Mer de Chine orientale. Chacun des protagonistesessaie avec ses moyens de montrer à l’autre les limitesà ne pas dépasser.Cependant, il est évident que ce genre d’incidents estappelé à se multiplier dans les années à venir, notam-ment autour des Senkaku, zone dont les ressourcesnaturelles seront utiles pour le Japon dépourvu de

matières premières ou pour la Chine dont l’incroya-ble développement économique est dévoreur depétrole et de gaz. En 2008, Tokyo et Pékin s’étaiententendus pour faire de la Mer de Chine orientale “unemer de paix, de coopération et d’amitié”. Force est deconstater que cette belle idée a vécu et qu’elle n’est plusà l’ordre du jour. Elle le sera de moins en moins, car leJapon ne pourra pas tolérer l’expansionnisme mari-time de la Chine qui se concrétise dans d’autres régionsde l’Asie et suscite l’hostilité de plus en plus manifestede pays comme le Vietnam, les Philippines ou l’Indo-nésie. En rappelant à l’ordre les Chinois sur les îlesSenkaku, les Japonais font aussi un appel du pied endirection de l’Asie du Sud-Est qui doit faire face à lamontée en puissance de la Chine et à un désintérêt

des Etats-Unis soucieux de conserver les bonnes grâcesde Pékin. Un rapprochement avec l’Asie du Sud-Est,débouché important pour les produits japonais, consti-tue un bon moyen pour le Japon d’éviter d’être com-plètement isolé en Asie. Les responsables politiquesnippons ont en effet conscience du rapprochementrusso-chinois et des efforts de la Chine pour jouer lespremiers rôles dans la péninsule coréenne que ce soitavec Pyongyang ou Séoul. Alors que la République populaire de Chine sembletentée de renouer avec la tradition impérialiste del’époque où l’empire du Milieu dominait la quasi tota-lité du continent asiatique, le Japon voudrait se pré-senter “comme une petite planète qui gravite autour dela Chine mais qui en est irrémédiablement détachée”pour reprendre l’expression de Pierre-François Souyridans sa remarquable Nouvelle histoire du Japon paruechez Perrin au début de l’automne 2010. Après avoirété longtemps l’apanage de l’extrême droite, le discoursnationaliste a pris de l’ampleur au cours des quinzedernières années. Il se manifeste de plusieurs manières.Il y a ce que la psychiatre KAYAMA Rika présentecomme “ le syndrome du “puchi” [transcription japo-naise de l’adjectif français “petit”] nationalisme” quis’accompagne d’une redécouverte de la langue japo-naise et de la présence marquée du drapeau japonaisdans les stades. Il y a aussi les propos réguliers de diri-geants de premier plan comme IShIhARA Shintarô,gouverneur de Tokyo, qui appellent à un sursaut de lafierté nationale face à l’extérieur. Dans un entretienaccordé le 18 octobre à l’hebdomadaire de CantonNanfang Renwu Zhoukan, ce dernier a une nouvellefois dénoncé la “menace” que représentait la Chinegouvernée par le Parti communiste. Il n’a pas de grosefforts à fournir pour convaincre la population japo-naise. Selon un sondage publié conjointement en août2010 par l’ONG nippone Genron et le China Daily,72 % des Japonais ont une mauvaise opinion de laChine (voir Zoom Japon n°3 de septembre 2010). S’ilavait été réalisé quelques mois plus tard, nul douteque l’image négative de la République populaire auraitété encore plus forte au Japon. On voit mal comment les choses vont pouvoir s’arran-ger. La libération du capitaine du chalutier arraisonnédébut septembre a permis de limiter la casse, mais ellea été vécue par certains au Japon comme un geste delâcheté du gouvernement KAN incapable de se fairerespecter. Les manifestations en marge du sommet del’APEC des 13 et 14 novembre qui s’est tenu à Yoko-hama montrent que le ressentiment est profond. Ladivulgation de la vidéo classée secret défense montrantque le chalutier chinois avait délibérément percutéle bâtiment des garde-côtes venu lui réclamer descomptes et les rassemblements anti-chinois qui s’ensont suivis indiquent clairement que la fièvre nationa-liste qui s’est emparée du pays n’est pas retombée etqu’il faudra un remède de cheval pour en venir à bout.

ODAIRA NAMIHEI

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Shanghai

Séoul

Taipei

Osaka

Nagoya

CORÉEDU SUD

CORÉEDU NORD

CHINE

TAÏWAN

JAPON

Îles SenkakuAdministréespar le Japon,

revendiquéespar la Chine,

et Taïwan

Frontière revendiquée

par le Japon

Frontière revendiquée

par la Chine

Kyushu

Îles Okinawa

Îles Amami

Îles Tokara

Îles Osumi

ÎlesMiyako

ÎlesYaeyama

Shikoku

Honshu

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Tropique du Cancer

Les îles Senkaku au cœur de la tourmente

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i l n’est pas utile d’avoir fait de longues études pourcomprendre que les tensions diplomatiques entreTokyo et Pékin ne réjouissent guère les industriels

des deux côtés de la Mer de Chine orientale. Chacunest conscient que les deux économies sont de plusen plus liées [voir tableau ci-contre] et que les échangesentre le Japon et la Chine ne peuvent pas s’interrom-pre du jour au lendemain sans avoir des conséquencesnéfastes pour chacun d’entre eux. Lorsque le gou-vernement chinois a annoncé, le 19 septembre, qu’ilsuspendait les discussions sur les dossiers économiques,bon nombre d’industriels japonais ont manifesté leurmalaise et exprimé leur crainte de voir leur présencesur le territoire chinois compromise. Dans les joursqui ont suivi, plusieurs entreprises japonaises déjàimplantées ont été victimes de tracasseries adminis-tratives de la part des autorités chinoises et des appelsau boycott des sociétés nippones ont été lancés etrelayés dans la presse. Si les grandes entreprises japo-naises, qui ont dû faire face au printemps à des mou-vements de grève qui ont paralysé leur production enChine, disposent d’arguments pour ne pas trop crain-dre les soubresauts diplomatiques, les petites etmoyennes entreprises (PME) nippones, qui, rappe-

zoom doSSiER

lons-le, jouent un rôle clé dans le tissu industriel del’archipel, sont bien plus exposées et fragilisées. Denombreux responsables de PME ne voient pas d’unbon œil le raidissement chinois. Toutefois, cela donne des arguments supplémentairesà ceux qui dénoncent la dépendance japonaise à l’égardde la Chine et qui veulent en sortir. S’appuyant surplusieurs affaires dans lesquelles des produits made inChina ont été mis en cause (notamment l’affaire desraviolis frelatés de 2008), ils défendent le retour surle sol japonais de nombreuses industries délocalisées.Dans certaines boutiques de l’archipel, on voit mêmeapparaître des rayons made in Japan, slogan qui doitrassurer et attirer les consommateurs japonais. Cesderniers manifestent à l’égard des produits venus deChine une défiance qui va en s’accroissant. D’autress’inquiètent de la présence de capitaux chinois sur leterritoire nippon à la recherche de bonnes affairesindustrielles, de façon à récupérer le savoir-faire desPME. Ces dernières années, le nombre d’acquisitionsd’entreprises par des intérêts chinois ont pas mal aug-menté dans des secteurs aussi variés que l’industriepharmaceutique ou les machines-outils. Au cours desdeux dernières années, la presse spécialisée japonaises’est aussi alarmée de la chasse aux hommes d’expé-rience que les constructeurs automobiles chinois ontentamé pour s’attacher les services d’ingénieurs ou de

ECOnOMIE ils sont tombés sur la têteEn dépit de liens économiques très denses,certains envisagent de les rompre.

concepteurs japonais. Tout comme au niveau politique, on assiste donc à lamontée en puissance d’un nationalisme économiquedans les deux pays, chacun d’entre eux semblant oublierque les liens déjà existants pèsent particulièrementlourds. C’est ce qui fait dire à un observateur des rela-tions économiques bilatérales que “ces deux-là sonttombés sur la tête”.

O. N.

décembre 2010 numéro 6 zoom japon 7

Source : Centre japonais du commerce extérieur

(2009, 1er investisseur)

CHINE JAPON

665 377 Séjours 125 928 Séjours

1 006 085 Visites 3 317 500 Visites

122,5 milliards de dollars 109,7 milliards de dollars

d‘investissementsdirects

28,6 milliards de dollars

de bons du trésor japonais achetés par la Chine

4,1 milliards de dollars

Les hommes

Les marchandises

L‘argent

(janvier-juillet 2010)

1er partenaire commercial

(Exportations, 2009)

1er partenaire commercial

(2008)

(2009)

Une interdépendance croissante

d ans sa livraison du 5 novembre, l’hebdoma-daire Shûkan Asahi a publié un court arti-cle dont le titre était tout un programme :

“Résistons en achetant un porte-avions américain !” Loinde refléter l’opinion du magazine, cet article repre-nait les conclusions d’un certain MIYAZAKI Sadayuki,conseiller auprès du ministère de la Défense, selon les-quelles le Japon a tout intérêt à renforcer sa défense surle plan juridique et militaire pour contrer les ambitionsclairement affichées de la Chine. Rappelant que les Chi-nois se dotaient d’une force navale de plus en plus consé-quente, notamment par l’acquisition de porte-avions,il affirmait que le gouvernement japonais devait aussipenser à s’équiper de la sorte. “Compte tenu du yen fortet des sommes importantes détenues en bons du trésoraméricain, ne serait-il pas judicieux d’en profiter pouracquérir un porte-avions auprès des Etats-Unis ?” deman-dait-il dans cet article qui résume bien l’état d’esprit quipeut régner actuellement parmi le personnel politique

et les militaires nippons. Néanmoins, comme le rap-pelle Guibourg Delamotte dans son livre La Politiquede défense du Japon [éd. PUF], “les gouvernements suc-cessifs se sont heurtés à la fibre pacifiste de la popula-tion, répercutée par des mouvements associatifs qui conser-

ARMEMEnT Un porte-avions, sinon rienPour certains responsables, le Japon doitmieux s’équiper pour résister à la Chine.

vent une certaine influence. Par ailleurs, les dépenses sontencadrées dans le domaine de la défense et ce budget,s’il figure parmi les premiers du monde, est plus modéréque les comparaisons internationales ne le laissent sup-poser au premier abord”. Il n’empêche que les situations de tension à partir des-quelles les responsables militaires tentent de rebon-dir finissent par influencer l’opinion publique. En avril2009, lors du lancement de missiles nord-coréens, ilsavaient savamment organisé le déploiement d’unitésantimissiles dans plusieurs villes du pays, jouant ainsisur le sentiment de peur de la population. Malgré lechangement de gouvernement, avec l’arrivée du Partidémocrate au pouvoir en septembre 2009, les respon-sables de la défense ne semblent pas avoir modifié leurpartition. L’incident du chalutier chinois dans la zonetrès sensible des îles Senkaku a été largement média-tisé et la diffusion début novembre sur Internet de lavidéo pourtant “confidentielle” montrant clairementla responsabilité du bateau chinois semble aussi par-ticiper de ce désir de rassembler les Japonais derrièreles forces d’autodéfense. O. N.

“Empêchons l’invasion des Senkaku par les Chinois. Pro-tégeons ce territoire avec l’aide du peuple japonais”, peut-on lire sur ce document tenu par un manifestant lors d’unrassemblement anti-chinois au parc Yoyogi, à Tokyo, le2 octobre 2010.

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zoom CULTURE

H UMEUR par KOGA Ritsuko

Lorsque je poursuivais une formation artistique aujapon, je rêvais de faire mes études dans une écoleparisienne comme ces grands artistes et écrivains fran-çais passés par l'école des Beaux Arts ou par la Sor-bonne. je croyais alors que la Sorbonne était la seuleuniversité parisienne.Après une longue formation en langue, j'ai été admisedans une faculté d'art à paris que j'avais choisie auhasard, car elle était la première sur la liste. j’ai com-mencé ma première année de licence et ai regrettéaussitôt après avoir mis 3h pour lire 10 lignes d’untexte sur les sciences sociales. quant à la philosophie,je n'ai pas compris ce que je devais comprendre. étantla seule japonaise du campus,j'espérais obtenir l’indulgence demes professeurs. Mais non ! Ilsm’accordaient des notes basses,sans pitié pour la japonaise quiavait écrit un compte-rendu endeux semaines sans dormir, carelle ne connaissait pas la formeà respecter. Même dans les courspratiques, il fallait préparer un texte argumentant etvalorisant les œuvres pour obtenir de bonnes notes.C’en était au point que l'on pouvait être considérécomme un artiste talentueux avec un trait de 3cmdessiné en 1 seconde et 10 pages de texte argumentépour convaincre que le noir est en fait le blanc.Enfin, après 4 ans de manque de sommeil et de gas-trite chronique, j'ai fini par maîtriser le savoir-fairepour “remplir” 4 pages de dissertation en 2 heuressur Kant sans avoir lu ses ouvrages. Ma licence a étévalidée et je suis passée en master. je ne connais tou-jours pas grande chose sur l'art, mais je ne regrettepas ces 4 années. Au contraire, j'en suis ravie. Cesétudes m'ont au moins fait comprendre pourquoi lesFrançais racontent tout ce qu'ils connaissent jusqu'àla météo du lendemain et qu'ils savent se défendreen inventant des excuses dans n'importe quelle situa-tion désavantageuse. Oui, les études sauvent la vie !je devrais peut-être encore continuer à faire mesétudes pour atteindre le niveau des Français !

L’art et la manière de s’en sortir

ExpOSITIOn Que de couleursEn novembre 1908, le banquier albert

Kahn est de passage au japon. il est

accompagné de son chauffeur albert

dutertre formé à la photographie. Le

japon que les deux hommes visitent s’est

ouvert sur le monde depuis le début

de l’ère meiji. Une modernisation et une

industrialisation fulgurantes cohabitent

alors avec un

japon encore

traditionnel.

Le banquier

éprouve un tel

attachement

pour ce pays

qu’il fait

aménager un

jardin

japonais dans sa

propriété de

Boulogne-

Billancourt. il envoie deux autres

photographes au japon. Stéphane passet,

en 1912, puis Roger dumas, en 1926-

1927, ont rapporté de leurs voyages des

films noir et blanc et plus de 2 000

autochromes (premier procédé industriel

de photographie en couleurs véritables).

Le musée albert Kahn présente jusqu’au

29 août 2011 un montage sonorisé de

photographies noir et blanc en relief

datant de 1908-1909, 94 reproductions

d’autochromes datant de missions

effectuées en 1912 et en 1926-1927 et 6

montages de films d’archives noir et

blanc. Un bien bel ensemble dont la valeur

historique est avérée.

Albert-Kahn, musée et jardins, 10-14, rue du

port - 92100 Boulogne-Billancourt

Tél. : 01 55 19 28 00 - www.albert-kahn.fr

DISqUE Bon coup de soleiloriginaire de hokkaidô, le groupe

Taiyôzoku [la tribu du soleil] est un de

nos préférés. il revient avec un nouvel

album, un an après le mémorable The

Sun’s Song. Toujours aussi dynamique, la

formation nous offre un disque très

abouti et annonce une tournée dans tout

l’archipel. Un nom et un album à retenir.

3150 (Banana Moon Records).

InTERnET Cinéma nipponsur iTunes japondepuis quelques mois, iTunes propose à

ses clients français d’acheter et de

télécharger des films. Un privilège dont ne

disposait pas la version japonaise. C’est

désormais possible. Les détenteurs d’un

compte iTunes japon peuvent avoir accès

à des longs métrages parmi lesquels de

nombreuses productions locales pour un

prix allant de 2 000 ¥ [17,7 €] l’achat à

400 ¥ [3,5 €] la location.

CIné-CLUB Zoom Japon faitencore son cinémaaprès la réussite de la première séance

de son Rendez-vous avec le japon

le 13 novembre, votre magazine préféré

(on l’espère) vous invite le samedi

11 décembre, à 10h30, à assister à la

projection de Tokyo Godfathers de Kon

Satoshi. Ce film d’animation réalisé en

2003 et inédit en salles sera suivi d’un

débat avec Emmanuel pettini, journaliste

à la chaîne nolife.

La Pagode, 57 bis rue de Babylone 75007 Paris

Tél. 01 46 34 82 51

8 zoom japon numéro 6 décembre 2010

Page 9: ZOOM Japon 6

zoom CULTURE

a l’instar de TEZUKA Osamu, SHIRATO Sanpeiest un auteur dont le nom figurera en bonneplace dans l’histoire du manga au Japon”. Ces

propos étaient ceux de NAKAGAwA Masafumi, profes-seur à l’Université féminine de Kyoto, en 1966 à pro-pos de Kamui-den [La Légende de Kamui], l’œuvremagistrale de ShIRATO, qu’il utilisait alors dans ses courssur la culture. A la lecture du premier tome de cette his-toire enfin traduite en français, on comprend l’enthou-siasme de cet enseignant, mais aussi l’engouement quele manga a pu susciter au Japon entre 1964 et 1971,période au cours de laquelle ShIRATO Sanpei a publiéles 5 797 pages de ce chef-d’œuvre qui est entré dansl’histoire à plus d’un titre. Tout d’abord, il est associéau magazine Garo dont ShIRATO est le cofondateuravec feu NAGAI Katsuichi. Ce mensuel peut être pré-senté comme une publication engagée dans le sens oùelle rompait avec le conformisme ambiant et laissaitses auteurs s’exprimer le plus librement possible, touten ouvrant ses colonnes à des débats sur les grands sujetspolitiques du moment. Et c’est dans cette perspec-tive qu’il faut aborder Kamui-den, en se rappelant quele Japon de la seconde moitié des années 1960 étaittraversé par une forte agitation et une contestationd’une partie de la jeunesse à l’encontre du pouvoir en

place et de son alignement aveugle à l’égarddes Etats-Unis engagés alors dans la guerre auVietnam. Rappelons-nous l’existence au Japonde nombreux comités qui se mobilisaient en faveurde la paix dans cette partie de l’Asie du Sud-Estet soutenaient les déserteurs américains quine voulaient plus continuer à se battre dansce conflit dont on ne voyait pas l’issue.Kamui-den s’inscrit donc dans lemouvement pacifiste et pro-démocratique qui rassemble unepartie de la jeunesse japonaise. L’au-teur y décrit avec force détails la viedes paysans et des parias (hinin) dansle Japon du XVIIe siècle et les injus-tices qu’ils subissaient de la part desclasses dirigeantes. Cet aspect de l’his-toire qui avait été mis entre paren-thèses dans les manuels scolaires desannées 1950 et 1960 pour se concentrersur les côtés positifs du processus de moderni-sation de l’archipel a évidemment trouvé un échofavorable auprès de ceux qui remettaient en cause lesconditions du développement économique de l’après-Seconde Guerre mondiale qui a finalement permisau Japon de devenir la troisième puissance de la pla-nète en 1969. Conçu initialement pour le jeune public,Kamui-den n’a pas réussi à le séduire, mais il a faitde nombreux émules parmi les lecteurs plus âgés, ame-nant ShIRATO Sanpei à adapter progressivement sonrécit pour eux. C’est ce qui rend ce récit particulière-ment intéressant au-delà même de la parfaite maîtrisegraphique de l’auteur qui n’en était pas à son coup d’es-sai. On comprend aussi pourquoi ce manga hors ducommun est souvent réédité et reste une référence plus

de 40 ans après sa première publication. On ne peutdonc que se féliciter de la sortie du premier tome enfrançais même s’il s’agit d’une version courte en4 volumes et remercier l’éditeur Kana d’avoir décidéde lui donner sa chance en France. Ce dernier publieaussi le très beau Sabu & Ichi de IShINOMORI Shôtarô.heureusement, Noël approche.

GABRIEL BERNARD

Publié il y a plus de 40 ans au Japon, ce récit historique devenu une référence dans son pays est enfin édité en français.

MAnGA Kamui-den, le chef-d’œuvre deShiRaTo Sanpei débarque en france

Shôsuke, un des héros de Kamui-den.

RéféREnCEKamUi-dEn de ShiRaTo Sanpei, éd. Kana, coll. Sensei, 29 €. 4 volumes à paraître. Le Tome 1 en vente le 3 décembre.www.mangakana.com

décembre 2010 numéro 6 zoom japon 9

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i l est important de comprendre que TEZUKA Osamun’est pas le fondateur de l’animation japonaise. Cepen-

dant, le travail de TEZUKA révolutionna le secteur en trans-férant des formes reconnues d’expression cinématogra-phique du grand écran vers ses bandes dessinées et ses dessins

animés”, expliqueOTOMO Katsuhiro dansl’avant-propos de cetouvrage signé helenMcCarthy. En quelquesmots, le créateur d’Akirarésume parfaitement letravail de celui qui anotamment créé Tetsu-wan Atomu [Astro le petitrobot] que l’on retrouvesur la couverture du livre,mais aussi sur la plupart

des ouvrages ou magazines qui veulent aborder le mangaou l’anime. Le personnage est devenu le symbole de cesarts populaires japonais tandis que TEZUKA est présentécomme “le dieu du manga”.Dans son livre très riche-ment illustré, helen McCarthy dresse son portrait, ens’attachant à montrer les moments charnières dans lavie et l’œuvre de ce génie qui a fait rêver et pleurer desmillions de personnes. S’il a réussi à séduire tantde monde, c’est qu’il a su inventer de nouvellesfaçons de raconter des histoires. Même s’il aconnu des échecs et des difficultés liées à“un sens des affaires qui n’était pas à la hau-teur de son talent”, l’auteur de Black Jack et autres Jan-guru Taitei [Le Roi Léo] est tout de même parvenu à lessurmonter grâce à une imagination sans limites. Il nefaut donc pas s’étonner de voir qu’il reste 20 ans après

sa mort une référence. Le livre de helen McCarthy nousen fait la démonstration. GABRIEL BERNARDBIBLIOGRApHIE Rencontre avec

un dieu

BEAUx LIVRES Tout sur le manga et l’animeture dont on ne se lasse pas. Ce voyage dans l’histoirede l’animation nippone mérite de figurer dans la biblio-thèque du fan, mais aussi dans celle de celui qui ne veutpas mourir idiot.

ODAIRA NAMIHEI

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RéféREnCEoSamU TEzUKa, LE diEU dU manGa, helenmcCarthy, trad. de l’anglais par jean-pauljennequin, éd. Eyrolles, 32 €. www.editions-eyrolles.com

C eux qui croient encore que l’animation japonaiseest née avec Tetsuwan Atomu [Astro le petit robot]

en seront pour leurs frais. Si le personnage imaginé parTEZUKA Osamu figure en bonne place sur la couver-ture de l’excellent ouvrage de Brigitte Koyama-Richard,un examen plus rigoureux nous permet de découvrirune estampe d’UTAGAwA de 1858. Un choix qui résumel’état d’esprit de l’auteur qui a cherché dans ce livre trèsdocumenté à montrer le cheminement historique quiconduit le Japon à devenir l’un des principaux produc-teurs de dessins animés de la planète. Comme elle l’avaitfait dans son précédent ouvrage, Mille ans de manga(éd. Flammarion, 2007), l’auteur s’appuie sur de nom-

breuses études parues auJapon et des entretiens

avec les principaux créa-teurs d’animepour étayer

son propos. Cela rend lelivre très vivant et lui per-

met de ne pas tomber dans letravers du livre scientifique qui

se perd dans les notes et les réfé-rences. Le style est alerte et les

quelques 500 illustrations qui illustrent son proposdonnent à l’ensemble une cohérence et un plaisir de lec-

HISTOIRE L’animation commevous ne l’avez jamais lue

RéféREnCEL’animaTion japonaiSE dU RoULEaU pEinT aUxpoKémon, Brigitte Koyama-Richard,éd. flammarion, 40 €. http://editions.flammarion.com

i l faut, dit-on, savoir se faire attendre. Manga Impact !s’est fait attendre. Annoncé au lendemain de l’expo-

sition éponyme organisée, en 2009, à l’occasion du Fes-tival de Locarno, l’ouvrage a été long à sortir. Il est dé-sormais disponible et il seraitinconvenant de se dire qu’ilarrive trop tard. Il mérite eneffet qu’on s’y arrête, en parti-culier si l’on ne possède aucuneconnaissance dans le domainede l’animation. Contrairementà ce que laisse entendre sontitre, ce livre parle avant toutd’animation et se présente sousla forme d’un guide très bien illustré des principauxcréateurs et de leurs réalisations. Un joli cadeau à fairepour Noël. G. B.

DICTIOnnAIRE Avec les géantsdu dessin animé

RéféREnCEmanGa impaCT !, sous la direction de CarloChatrian et Grazia paganelli, éd. phaidon,39,95 € - www.phaidon.com

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décembre 2010 numéro 6 zoom japon 11

Q ue ceux qui n’ont jamais vu un dessin animéde MIYAZAKI hayao lèvent la main ? Si vousposez cette question, il est probable que le

nombre de personnes concernées sera très faible, carl’œuvre du réalisateur japonais est désormais largementdiffusée et surtout recommandée par les critiques qui,jadis, se faisaient un malin plaisir de “descendre” lesfilms d’animation made in Japan. Aujourd’hui, onapprécie le travail de MIYAZAKI hayao parce qu’il estriche et varié, mais aussi parce qu’il nous transportedans des univers qui nous interpellent et nous obligentà réfléchir sur notre propre vie. Aussi est-il intéressantd’en savoir plus sur l’œuvre du père de Porco Rosso ouChâteau dans le ciel. Raphaël Colson et Gaël Régner,auteurs de Hayao Miyazaki, cartographie d’un univers,ont fait le pari de décrypter le travail de celui qui

enchante nos longues soirées d’hiver. “En focalisantnotre attention sur le maillage thématique et formelde son œuvre, il apparaît évident que MIYAZAKI élaboreselon un schéma directeur, invariable dans sa structurefondamentale. La série, les trois manga et les dix filmsque le réalisateurs a imaginés sont autant d’histoires fonc-

Grand maître de l’animation japonaise, le créateur de Totoro fait l’objet d’un livre où toute son œuvre est analysée. Captivant.

ESSAI miyazaki à l’épreuve du décodagetionnant comme un seul récit élaboré selon ce schémadirecteur”, affirment les deux auteurs dans leur intro-duction. Un programme alléchant qui tient toutes sespromesses, car au fil des pages et au fil des œuvres ainsidécortiquées, on découvre la manière subtile aveclaquelle le créateur de Ponyo nous transporte d’uneœuvre à l’autre vers un monde dont il a le secret. Lemérite de cet ouvrage est de permettre au lecteur d’al-ler et venir d’un dessin animé à l’autre pour mieuxappréhender les efforts de MIYAZAKI. Un livre à dévo-rer avant la sortie le 12 janvier 2011 d’Arrietty, le petitmonde des chapardeurs de YONEBAYAShI Masahirodont MIYAZAKI hayao a signé le scénario.

O. N.

C ’est à un voyage dans le temps que nous convieDavid Michaud dans ce recueil de photogra-phies provenant d’albums conservés au musée

Nicéphore Niépce de Chalon-sur-Saône. Il nous ramèneplus d’un siècle en arrière à la découverte de ce Japonqui s’ouvrait au monde et suscitait la curiosité des Occi-dentaux. Les Japonais, quant à eux, découvraient avecl’arrivée des étrangers de nouvelles technologies commela photographie. Comme le rappelle François Che-

val, conservateur en chef aumusée Nicéphore Niépce, “en1868, la photographie prospèreavec les débuts de l’ère Meiji.Les studios prolifèrent. Les pho-tographes japonais s’établissent.Ils s’initient, ils apprennent aucontact des Européens et s’ins-tallent”.C’est leur travail que

David Michaud nous présente dans ce bel ouvrage quicomble bien des manquements dans notre connais-sance de l’archipel et de ses habitants à cette époque.On y découvre des paysages, des scènes de rue, des

Grâce aux collections du musée Niépce,David Michaud nous emmène faire un tourdans le Japon de la fin du XIXe siècle.

pHOTOGRApHIE Un japon inattendumétiers ou encore des lieux de divertissement qui nousfont rêver. habilement coloriées au pinceau, toutes cesphotographies d’un passé aujourd’hui révolu sont clas-sées par thème et accompagnées d’un petit texte clairet concis grâce auquel le lecteur peut pénétrer un uni-vers nouveau et inattendu. Un beau travail qui vaut biende figurer au pied du sapin. G. B.

RéféREnCEhayao miyazaKi, CaRToGRaphiE d’UnUnivERS, Raphaël Colson & Gaël Régner, éd. Les moutons électriques, 29 €. www.moutons-electriques.com

RéféREnCETRadiTionnEL japon, 240 phoToGRaphiES dU xixe SièCLE CoLoRiéES aU pinCEaU,david michaud, éd. du Chêne, 35 €. www.editionsduchene.fr

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12 zoom japon numéro 6 décembre 2010

L es peintures et estampes érotiques japonaises, dites“images du printemps” (shunga), jouent un rôleimportant et complexe dans le contexte artistique

du pays, alors qu’en Occident, cette forme d’art a sou-vent été perçue comme une expression du péché, voire dedéchéance morale”, rappelle, dans son introduction, GianCarlo Calza. Ce professeur d’histoire de l’art de l’Ex-trême-Orient à l’université Ca’Foscari de Venise, déjàauteur de la très remarquée monographie Hokusai, saitde quoi il parle et entraîne le lecteur dans un voyagepour le moins inattendu, vers un Japon sans tabous.S’appuyant sur les œuvres des plus grands artistes nip-pons de la fin du XVIIe au début du XIXe siècle, iltémoigne de la pratique sexuelle dans l’archipel. Mais,comme il le précise, “dans l’art japonais, l’acte sexuel n’estpresque jamais représenté dans une situation ordinaire.Il se déroule plutôt dans des situations transgressives : ren-contres clandestines, moment furtif d’intimité capté durantune promenade, amant qui s’insinue pendant le sommeilde son conjoint légitime”. Bref, à la manière de l’artiste,le lecteur se retrouve en position de voyeur face à cesmoments d’intimité volés. Au-delà même de ces scènes érotiques, on découvre dansla plupart des œuvres présentées dans cet ouvrage unsouci du détail au niveau des vêtements et de l’ameuble-ment, car souvent ces images servaient de publicité aux

couturiers et artisans de l’époque qui montraient ainsileurs créations à un public composé de personnes ayantles moyens de se les offrir. Le développement des villescomme Osaka et Edo devenues les poumons de l’éco-nomie japonaise s’est accompagné de l’épanouissementd’une culture populaire très riche et de la montée enpuissance des quartiers de plaisir, sources d’inspirationdes artistes. Les estampes, dont le procédé de reproduc-tion permettait un tirage important, étaient souvent uti-lisées comme support publicitaire pour les spectacles dumoment. Les images que l’on retrouve dans le recueilsupervisé par Gian Carlo Calza “constituent un cas par-

ticulier. Produites en moins grand nombre, elles faisaientsouvent l’objet de commandes spécifiques, surtout dans lecas des peintures”, note-t-il. Elles caractérisent tout demême l’état d’esprit et le raffinement qui régnait àl’époque malgré la crudité de l’acte sexuel. Tout cela dis-paraîtra avec “le nivellement par le bas des modes et desmœurs”. C’est pourquoi on aurait tort de ne pas profi-ter de ce très bel ouvrage qui se distingue à la fois parla qualité du travail de présentation des artistes et deleurs œuvres, mais aussi par celle de la reproduction. Lesoin apporté par Phaidon est une nouvelle fois à saluer.

ODAIRA NAMIHEI

Réservé à un public averti, ce beau livre nousentraîne dans un Japon où il n’existait pas detabous en matière sexuelle.

EDITIOn Le sexe selon Utamaro, hokusai,Kuniyoshi et les autres

RéféREnCEpoèmE dE L’oREiLLER ET aUTRES RéCiTSde Gian Carlo Calza, éd. phaidon, 29 €www.phaidon.com

KITAGAWA Utamarô, Poème de l’oreiller (Utamakura), 1788

VOICI LES SHISAS!

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W AKAMATSU Kôji a toujours eu le mérite des’intéresser à des sujets que la société japo-naise bien pensante ne veut pas entendre

tant qu’ils n’ont pas été filtrés des éléments qui pourraientremettre en cause son bon fonctionnement. Le réalisa-teur est le “clou qui dépasse”, le poil à gratter d’uneconscience collective qui refuse de regarder en face sonpassé. Comme il l’avait fait de façon magistrale (n’ayonspas peur des mots) avec son docu-fiction United RedArmy, wAKAMATSU revient jeter un nouveau pavé dansla mare avec Le Soldat dieu.Cette fois, il ne parle plusdes étudiants de la fin des années 1960 qui ont basculédans la violence, mais de leurs parents, c’est-à-dire la gé-nération qui a participé à la Seconde Guerre mondialeet en a finalement payé cruellement le prix. Il ne fait au-cune concession, il montre dès le générique de début labrutalité des Japonais qui se sont lancés dans l’invasionde la Chine. Le Japon est au faîte de sa gloire, mais celle-ci ne peut qu’être éphémère. L’engagement pour l’em-pereur ne peut que s’achever par la souffrance, celled’abord des victimes de l’agression nippone et celle deceux qui sont restés dans l’archipel à attendre le retourdes héros. Et lorsque le héros revient couvert de médailles,il ne reste pas grand chose de lui. C’est le cas du lieute-nant KUROKAwA (ÔNIShI Shima) parti combattre etcommettre des crimes soutenu par tout son village etrentré au pays sans bras ni jambes et un visage défiguré.C’est à sa femme Shigeko (TERAJIMA Shinobu) que re-vient naturellement la charge de veiller sur ce qu’il restede cet être qui n’a plus rien d’humain. Le face-à-face en-tre une femme agitée par des sentiments contradictoireset ce qui ressemble désormais à une chenille (le titre ori-ginal Carterpillar signifie en anglais chenille) dénuéede toute humanité est terrible. Les deux acteurs don-

Film événement, Le Soldat dieu est uneœuvre engagée et sincère sur les terriblesconséquences des conflits armés.

CInéMA Wakamatsu s’en va-t-en guerre

RéféREnCELE SoLdaT diEU de WaKamaTSU Kôji, Blaq out. Sortie le 1er décembre - www.lesoldatdieu.com

nent une force incroyable à leurs personnages. TERA-JIMA Shinobu est extraordinaire dans son rôle defemme de héros qui évolue au fur et à mesure de la guerre.Si elle accepte dans un premier temps de surmonter sarépulsion devant son mari mutilé, elle se révolte progres-sivement contre cette situation d’épouse modèle qui n’estplus adaptée à la réalité du pays en train de perdre laguerre qu’il a initiée. Utilisant des images d’archives rou-gies pour soutenir son propos, wAKAMATSU ne fait pasdans la dentelle. On sent qu’il veut frapper fort, faire malet réveiller les consciences endormies par la réussite éco-nomique de l’après-guerre alors que le travail de réflexionsur le conflit n’a jamais été vraiment entrepris. Cela donneun film dur, très dur qui met mal à l’aise. Mais ce ma-laise oblige le spectateur à s’impliquer et à se demanderce qu’il ferait en pareille situation. Qui peut le dire ? Laseule chose dont on est certain, c’est que toutes les guerres

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14 zoom japon numéro 6 décembre 2010

sont moches et qu’il faut s’y opposer quelles que soientles justifications. Librement inspiré de La Chenille (Imo-mushi), nouvelle d’EDOGAwA Ranpo, dont les éditionsLe Lézard noir viennent de sortir l’adapatation en mangasignée MARUO Suehiro, Le Soldat dieu est, vous l’aurezcompris, un film remarquable que l’on doit avant toutconsidérer comme un manifeste anti-guerre. Même sicertains jugeront la réalisation un peu bâclée (le film aété réalisé avec très peu de moyens), ils ne pourront pasnier sa valeur historique. C’est aussi à cela que peut ser-vir le cinéma. Cela fait plus de 50 ans que wAKAMATSU

Kôji nous en fait la démonstration. ODAIRA NAMIHEI

TERAJIMA Shinobu récompensée à Berlin pour sa remarquable interprétation de Shigeko

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décembre 2010 numéro 6 zoom japon 15

Chef de file du “courant social” (shakaiha) dansle polar nippon (voir Zoom Japon n°1, juin2010), MATSUMOTO Seichô a été l’un des pre-

miers auteurs japonais traduits lorsqu’à la fin desannées 1980 la littérature nippone a commencé à inté-resser massivement les éditeurs français. Aprèsentre autres Tokyo Express et Le Vasede sable, tous deux publiéspar Philippe Picquier,MATSUMOTO Seichô adisparu tout comme leroman policier japonais. Ilrevient aujourd’hui grâce àActes Sud avec Un Endroit dis-cret. Ce roman publié initialementsous forme de feuilleton dans l’heb-domadaire populaire Shûkan Asahi en1970-71 est une œuvre représentative del’écrivain qui s’est toujours attaché dans seslivres à dresser un portrait de son pays et deses compatriotes de manière pas toujours trèsflatteuse. Il semble que les Japonais ne lui en tien-nent pas rigueur compte tenu du culte qu’ils luivouent. Pourtant il n’est pas tendre avec ses contem-porains qui commencent à profiter des dividendes dela croissance économique.Dans cette histoire, il met en scène un fonctionnairedu ministère de l’Agriculture, ASAI Tsuneo. La vie decet homme sans histoire et sans relief bascule le jouroù sa femme meurt subitement alors qu’il se trouveen mission en province. Même s’il avait “plutôt l’im-pression de la choyer que de l’aimer”, sa disparition sou-

daine l’amène à s’interroger sur les conditions de samort naturelle. Il découvre alors que sa femme le trom-pait et menait une double vie. “Ses vagues suppositionsse transformèrent en hypothèse. Comme un liquidebrassé qui se décante”, explique MATSUMOTO qui, parpetites touches, transforme cet individu ordinaire enun homme capable de devenir un tueur. Cette pro-gression psychologique très fine se déroule avec entoile de fond une société japonaise en pleine muta-

tion elle aussi. Derrière les conventions et les règlesqui régissent la vie quotidienne, l’auteur n’a pas

de mal à montrer qu’elles sont souvent trans-gressées par ceux qui en sont les hérauts. Si

ASAI tue, c’est parce qu’il “était attachéau maintien de l’honneur de son minis-tère et à la position qu’il avaitacquise”. Cela explique aussi ses

efforts pour éviter d’êtreconfondu, profitant de la

complicité involontaired’un système qui sou-

tient contre vents etmarées ses membres même res-

ponsables du pire crime. Mais MAT-SUMOTO ne peut pas laisser son histoire

se terminer ainsi, il doit laisser une place à la jus-tice, en laissant entendre que le criminel, représen-tant de l’élite nippone (la bureaucratie), ne s’en tirerapas. C’est sans doute cette envie d’ajouter cette touchede morale qui explique l’extraordinaire popularité deMATSUMOTO dans son pays. G. B.

Observateur attentif de la société, l’auteur de Tokyo Express nous revient avec un roman très bien enlevé.

pOLAR Le grand retour demaTSUmoTo Seichô

RéféREnCEUn EndRoiT diSCRET, de maTSUmoTo Seichô, trad. de Rose-marie makino & yukari Kometani, éd. actes Sud, 18,80 € - www.actes-sud.fr

LA CHENILLE

Suehiro Maruo & Edogawa Ranpo15 x 21cm, n&b, 148 pages, 16 €

Entre dégoût et fascination, les retrouvailles de Tokiko et de son mari, rapatrié après avoir été gravement blessé au combat...

LE VAGABOND DE TOKYO 2 Takashi Fukutani15 x 21cm, n&b, 400 pages, 23 €

De loufoques rencontres en éternels déboires, la suite des aventures de Yoshio dans les bas-fonds du Tokyo de la bulle économique.

“Le chef d’oeuvre de l’ero-guro” “Le Bukowski du manga”diffusion Harmonia Mundi

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I N T E R N A T I O N A L

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zoom TEndanCE

T AMURA Ryôhei est un homme heureux. Le sou-rire aux lèvres, il accueille les clients qui pénè-trent dans sa boutique attirés par les deux cos-

tumes de samouraï en vitrine. “On peut aussi les ache-ter”, lâche-t-il malicieusement. Il vous en coûtera toutde même 7 000 euros. Rassurez-vous, tout n’est pas aussicher dans ce magasin qui ne présente que des objets au-thentiquement japonais. On trouve pas exemple des tabi,chaussettes traditionnelles qui montent soit jusqu'à lacheville, soit jusqu'à mi-mollet et séparent le gros orteildes autres orteils, à 6 euros. Les geta qui sont adaptéesaux tabi sont à 25 euros. Depuis juillet dernier, cette suc-cursale parisienne de Marugen, société originaired’Osaka, fait le bonheur de tous ceux qui craquent pourles tenues vestimentaires typiquement nippones ou pourles accessoires tellement kawaii qu’on a bien du mal ày résister. “Ce qui marche bien auprès de nos clients, ce sontles tobi, ces pantalons amples si caractéristiques de l’ouvrierjaponais. Ils sont très résistants et réputés pour durer”, ex-plique TAMURA Ryôhei, en désignant la vingtaine de pan-talons. Ils attendent d’être essayés par un de ces jeunesqui vient de rentrer dans la boutique. Mais, à 180 eu-ros pour le plus cher d’entre eux, il est possible qu’ils netrouvent pas preneur cette fois. D’ailleurs, leur regardse porte vers des jika-tabi, chaussures que l’on porte sou-vent avec ce genre de pantalon. “C’est très tendance”, ex-plique le patron du magasin, en montrant sa tenue. Apriori les jeunes ne sont pas tentés non plus, ils font letour de la boutique, jettent un coup d’œil sur la mul-titude de petits gadgets dont elle regorge avant d’aper-cevoir le “prikra”, comme dit l’un d’eux. Le purikura. Ce

Ouvert depuis le samedi 11 septembre, un concept store panasiatique fait la part belle aux objets made in Japan.

SHOppInG Chez marugenpour la dégaine

photomaton japonais (“le seul authentique de Paris”, ditM. Tamura) va leur permettre de ramener quelque chosede “vraiment japonais”de leur virée ici. 5 euros pour troispersonnes. L’affaire est conclue. On les entend rire dansla cabine. Des clients heureux comme cette jeunefemme qui va craquer pour un yukata. TAMURA Ryô-hei a toujours le sourire aux lèvres et les deux armuresde samouraï sont toujours aussi efficaces pour attirer lechaland. ODAIRA NAMIHEI

C’est vraiment tropkawaiiQuand Zoom Japon, le mensuel 100 %

japon rencontre Kawaii, le livre 100 %

Japon, que se passe-t-il ? Le premier parle

de l’autre. C’est

tout naturel.

Surfant sur la

vague de la

culture pop

japonaise qui a

envahi l’univers

des 10-15 ans,

Larousse a décidé

d’initier ces jeunes

au japon, en leur proposant des activités

diverses et variées allant de la préparation

de sushi à la confection d’origami. Un livre

sympathique qui plaira à celles et ceux qui

veulent en savoir plus sur le japon.

Carla Cino, xavier Guennifey-Durin et Linda-Laure

Greff, Kawaii le livre 100% Japon, Larousse, 14,90 €

pour être dans lecoupSorti alors que nous étions sous presse le

mois dernier, le magazine ideat nous

rappelle dans ce

numéro très réussi

que le japon est “la

destination la plus

tendance du moment !”

Ce n’est pas nous qui

dirons le contraire.

au travers de

nombreux articles

richement illustrés comme il se doit, il

nous dresse un portrait d’un archipel en

plein mouvement. a découvrir d’urgence.

Ideat, n°80, novembre 2010, 5 €

pRaTiQUES’y REndRE 33 rue des petits Champs 75001 paris - Tél. : 01 47 03 90 27 - www.marugentobi.com

Derrière les geta, la cabine de l’un des deux purikura

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16 zoom japon numéro 6 décembre 2010

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LE JAPONpour les petitset les grands !

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Page 17: ZOOM Japon 6

zoom nihonGo

pIpO AU jApOn

d ès son arrivée dans sa famille d'accueil, Pipofait connaissance avec son cadre de vie intime :sa chambre. Mais l'intimité dont il est ques-

tion n'est que celle qu'il va développer dorénavant au fildes jours. Dans un premier temps, il doit faire face àl'inconnu, la nouveauté. Pour ne pas passer pour un sau-vage, son regard doit faire fi de règles qui jusqu'alorsrégissaient son quotidien pour en adopter de nouvelles.Les formes, les lignes, les directions, tout semble si dif-férent. Pour gagner en confiance, Pipo doit apprendreà lire ce qu'il voit. Amusez-vous maintenant à relire ces dernières phrasesen pensant à l'apprentissage de l'écriture japonaise. Onpeut en effet aborder l'écrit en japonais comme une his-toire de regard et de remise en question. Pour repren-dre les mots de Stéphane Barbery sur son excellent blog(www.tropiques-japonaises.fr/apprendre-le-japonais),“on marche dans le monde différemment quand on nepeut s'appuyer sur l'écrit. Le regard est très proche de celuidu photographe. A l'affût. (…) La texture du monde s'épais-sit, croît l'inquiétude.” Mais quand on est motivé, l'ap-prentissage de l'écriture japonaise est tout sauf inquié-tant. Surtout que notre époque offre à tous ceux qui selancent dans l'étude des hiragana, katakana et kanjitoute une série d'outils interactifs aussi ludiques qu'ef-ficaces. Avec l'iPhone et l'iPad et la généralisation desinterfaces tactiles, il est par exemple possible, commele propose le programme Kanji LS Touch,de faire contri-buer le geste à l'effort de mémorisation sans sortir papieret crayon. Les applications iShodo et Samurai Shodopermettent quant à elles de s'offrir le plaisir de calligra-

LAnGUE La technologie ausecours des apprenants

phier avec les doigts sans se les salir. Les adeptes de laDS de Nintendo retiendront forcément le formidableinstrument pour s'entraîner à écrire les kanji : le jeu Cal-ligraphy Training (en import exclusivement). Conçupour un public japonais désireux de renouer avec lesbienfaits de l'écriture manuscrite dont il est continuel-lement détourné par l'utilisation de l'ordinateur et dutéléphone portable, ce jeu peut tout à fait servir de com-plément à un apprentissage des kanji par un apprenantétranger qui chercherait à perfectionner sa calligraphie.Car c'est bien d'un perfectionnement dont il s'agit.Le moindre petit défaut dans votre tracé sera instanta-nément identifié et corrigé par un programme qui nelaisse rien passer et qui soumet de précieux conseils pourque vous puissiez vous améliorer. Certains diront, sûrement à raison, que comme pourle dessin, la justesse d'une calligraphie ne peut se résu-mer aux critères figés d'un programme informatiquerigide et que correct n'est pas exactement synonyme dejuste, mais il faut se dire qu'une telle technologie, aussisophistiquée soit-elle, ne peut prétendre remplacer lemodèle dont elle s'inspire. Les Japonais eux-mêmes lesavent bien, et c'est surtout pour combler les petits tempsmorts de la journée qu'ils sortent leur DS et pratiquentleur calligraphie, sans jamais renier les méthodes tradi-tionnelles qui constituent la base de leur éducation.

PIERRE FERRAGUT

Lire et écrire en japonais peut paraîtreinsurmontable. Il existe désormais plusieurssolutions techniques pour y parvenir.

pRaTiQUELE moT dU moiS

自然���

(shizen) : nature, naturel

書�き順

���どおりに書

�けば自然

���で美

���しい字

�になります。

Hitsujun dôri ni kakeba shizen de utsukushii ji ninarimasu.Ecrire en respectant l'ordre des traits permetd'obtenir de beaux caractères naturels.

décembre 2010 numéro 6 zoom japon 17

Page 18: ZOOM Japon 6

une impression de chaleur incroyable. On y retrouvel’atmosphère des Izakaya, ces bars-restaurants si priséspar les Japonais. Ça tombe bien, car la spécialité d’UKAI

Osamu sont les kushiage, des brochettes dont les ingré-dients évoluent au fil des saisons. Champignons, œufde caille, racine de lotus, calamar-oursin, foie gras, pâtede riz omochi, viandes et légumes finement découpés et

plongés dans une pâte dont le chef a le secret avantd’être frits deviennent de petites brochettes appé-

tissantes qui disparaissent aussi vite qu’ellessont apparues. C’est tellement bon qu’on

en redemande. UKAI Osamu a conçudes menus qui répondent bien à

notre gourmandise et entretien-nent tout au long du repas

notre bonne humeur.C’est d’ailleurs ce qui

caractérise ce lieu chaleu-reux où l’on vient en famille

ou entre amis pour partager lesdélicieuses “bouchées” comme les

appelle le chef. Ce dernier veut procurerdu plaisir, et le moins que l’on puisse dire, c’est

qu’il y parvient parfaitement pour un prix raison-nable. Son menu Kaze (38 €) composé de kushiage de15 sortes, d’une soupe de riz au thé vert (ochazuke), deriz blanc, d’une soupe miso et d’un dessert ravira vospapilles. Les plus gourmands peuvent choisir d’autresformules un peu plus coûteuses (48 € et 56 €) avec tou-jours la même certitude, celle de passer un moment inou-bliable. GABRIEL BERNARD

zoom GoURmand

C omme la plupart des chefs japonais présents àParis, UKAI Osamu a pas mal bourlingué avantde poser ses valises et d’ouvrir son propre res-

taurant Shu situé dans le quartier latin à Paris. Sa for-mation, il l’a acquise à Tokyo et à Bangkok, où son oncledisposait d’un restaurant important, avant d’arriveren France en 2000. Jusqu’en 2008, date à laquelleil a ouvert Shu à quelques dizaines de mètresde la place Saint-Michel, il a travaillé dansdeux restaurants réputés de la capi-tale Yen et Kai. “J’y ai appris letravail en salle, le sens du ser-vice et le management”, confiele cuisinier, en regardant avec unecertaine fierté le lieu qu’il a choisien 2008 pour se lancer seul dans l’aven-ture. “Je m’étais d’abord orienté vers Nicedans l’idée d’ouvrir un restaurant japonais.Mais j’ai très vite renoncé, n’ayant pas trouvé l’en-droit idéal. Je voulais quelque chose qui ressemble àces petits restaurants que l’on trouve au Japon, ces endroitssouvent situés au sous-sol de bâtiments et que l’on atteinten prenant de petits escaliers. Je voulais recréer cette atmo-sphère si particulière qui y règne. Mais ce n’était pas évi-dent. Et puis, j’ai eu la chance de tomber sur cet endroitqui correspondait à ce que je voulais faire”, ajoute-t-il lesourire aux lèvres. La première fois que l’on se présentedevant l’entrée de ce restaurant, on a de quoi être sur-pris. La porte qui ressemble davantage à une trappene mesure pas plus de 1,30 mètre et exige une certainesouplesse, mais cela en vaut la peine. Les quatre petitesmarches vous conduisent dans un lieu d’où se dégage

Si vous êtes à la recherche d’uneatmosphère typiquement japonaise,l’établissement de M. UKAI est pour vous.

RESTAURAnT Shu pourrait biendevenir votre chouchou

mettez des alguesdans votre assietteLes japonais entretiennent, on le sait, un

rapport particulier avec les algues dans

leur quotidien alimentaire. ils en

consomment beaucoup et une grande

partie de celles qu’ils consomment

proviennent de france. pourtant les

français connaissent mal cette ressource

alimentaire. voilà pourquoi l’ouvrage

d’anne

Brunner est

intéressant,

car il offre

les données

de base sur

cet

ingrédient

si peu

connu, tout

en dressant

la liste des

adresses où l’on peut s’en procurer. dans

la première partie du livre, l’auteur se

concentre donc sur la présentation des

algues (apparence, à travers des dessins et

des photos, descriptifs gustatifs,

utilisation de chaque variété, provenance,

qualités nutritionnelles, etc.). La seconde

partie de l’ouvrage est consacrée aux

recettes qui vont de l’apéritif au dessert.

même si elles ne sont pas toutes

“japonaises”, ces recettes ont l’avantage

de familiariser les lecteurs avec un

ingrédient on ne peut plus nippon. Rédigé

par une passionnée et illustré avec de

magnifiques photographies, cet ouvrage

est un très bon guide découverte, car il

permet d’apprécier un excellent aliment.

Anne Brunner, Algues : saveurs marines à cuisiner,

éd. La plage, 19,90 € - www.laplage.fr

pRaTiQUES’y REndRE 8, rue Suger 75006 paris Tél. 01 46 34 25 88 - ouvert tous les jours (18h30-23h30) sauf dimanche. www.restaurant-shu.com

18 zoom japon numéro 6 décembre 2010

Page 19: ZOOM Japon 6

Teppan-Yaki

FINE CUISINE DU JAPON

3 rue André-Mazet75006 Paris M°Odéon

01 46 33 72 05Fermé dim. midi et lun.L A RECETTE D’OSAMU, chef de Shu

INGRÉDIENTS (pour 4 personnes)

1 petit bloc de foie gras2 belles aubergines8 gambas décortiquées

De la chapelure fineUn œuf100 g de farine

Une casserole d’huile

Un citronpersil hâché

Des pics

PRÉPARATION1 - Découper le foie gras en huit petits morceaux. 2 - Faire des tranches épaisses avec les aubergines et décou-per ensuite des morceaux en forme de boîtes d’allumettes. 3 - Saler et poivrer tous les morceaux découpéset les gambas. 4 - Embrocher ensuite chaque morceau sur un pic. 5 - Déposer les morceaux dans la farine etôter le superflu. 6 - Battre l’œuf. 7 - plonger chaque morceau dans l’œuf battu puis dans la chapelure. 8 - Faire chauffer l’huile. 9 - Une fois que l’huile est chaude, plonger chacune des “bouchées” en les retour-nant jusqu'à ce qu’elles brunissent et deviennent croustillantes. 10 - Les assaisonner avec du citron, du sel.11 - Servir immédiatement.

zoom GoURmand

La consommation des kushiage, ces petites brochettesde produits frits dans l’huile, s’effectue surtout dans lesizakaya. Bars-restaurants où l’alcool (bière, saké) couleà flots, les izakaya font partie du quotidien de nom-breux japonais qui s’y retrouvent entre collègues detravail ou entre amis pour partager d’agréablesmoments. Il en existe plus 20 000 dans tout l’archipel.On les repère à l’akachôchin [lanterne rouge] tradition-nellement suspendue à leur entrée et sur laquelle estinscrit simplement Izakaya. La carte, plus ou moins éla-borée, va de quelques plats simples à une carte presquegastronomique et peut être complétée par des platsdu jour, le poisson du marché, la marmite de saison.Mais l’une des spécialités les plus souvent servies sont

les kushiage que l’on grignote en sirotant sa bière ouson saké. La présence de cet alcool de riz est évidem-ment l’autre point fort de ces lieux qu’il convient d’avoirfréquenté au moins une fois lors d’un séjour dans l’ar-chipel pour s’imprégner de la culture populaire locale.Bien que les clients réclament moins de ce breuvage,les patrons de ces établissements sont toujours fiersd'exposer leurs bouteilles de saké. Une manière de rap-peler, notamment aux jeunes, que cette boisson estbien meilleure que la plupart des autres alcools à lamode. Autant ne pas se priver de ce savoureux breu-vage qui se marie très bien avec les saveurs variées desbrochettes qui figurent sur les cartes de ces lieux oùrègne une atmosphère festive.

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erna

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Brochettes d’aubergine, de gambas et de foie gras(kushiage)

décembre 2010 numéro 6 zoom japon 19

Page 20: ZOOM Japon 6

T ous les soirs à partir de 20 heures environ,devant les deux principales gares de la capitalejaponaise, Shinjuku et Tokyo, mais aussi dans

plusieurs autres villes de l’archipel, on peut assister àune certaine agitation. Des dizaines d’hommes et defemmes tirant leur valise répondent à l’appel desemployés des sociétés d’autocars qui annoncent les nom-breux départs prévus. On a beau se trouver devant desgares ferroviaires, ce qui mobilise l’attention de toutesces personnes ce sont les autocars qui les emmène-

ront à Osaka, Nagoya, hiroshima ou encore Sendai.Elles mettront bien sûr plus de temps pour rejoindreleur destination que si elles avaient emprunté le shin-kansen, le train à grande vitesse, mais elles feront uneéconomie substantielle. Un argument qui, en ces tempsde crise, pèse grandement dans la décision de ceshommes et ces femmes. Sur le trajet Tokyo-Osaka,

ils feront en moyenne près de 9 000 yens [79 euros]d’économie par rapport au train, ce qui est loin d’êtrenégligeable. Sur certaines lignes très concurrentielles,les entreprises se livrent une guerre des tarifs qui pro-fite très largement aux consommateurs, puisqu’on peuttrouver des places à 500 yens [one coin seat, un siègepour une pièce de 500 yens] entre Tokyo et Nagoya etentre Tokyo et Osaka. De quoi intéresser les voyageursprêts à sacrifier la rapidité au profit d’un service bonmarché et de mieux en mieux adapté aux besoins desclients. En d’autres termes, n’imaginez pas les Japonaisvoyager sur de longues distances dans des véhicules auconfort sommaire comme on peut en rencontrer enEurope quand on décide de rallier Paris à Amsterdam

Jugeant le train trop cher, de nombreuxJaponais choisissent l’autocar. Une autrefaçon d’appréhender le pays.

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Dans les petites rues situées à la sortie ouest de la gare de Shinjuku, tous les jours, on peut assister au ballet des autocars

TRAnSpORT découvrir l’archipel en autocar

20 zoom japon numéro 6 décembre 2010

pRaTiQUEa L’ExCEpTion dE WiLLER TRavEL, les sociétésd’autocars ne disposent pas de site en languesoccidentales. Si vous avez quelques notions dejaponais (ou en utilisant un site de traductionautomatique), n’hésitez pas à consulter KôsokuBus net : www.kousokubus.net

Page 21: ZOOM Japon 6

date et le lac Tazawa, situés à environ 600 kilomètresau nord-est de la capitale. Pour se rendre dans cette villeque l’on a surnommé “la petite Kyoto du Tôhoku”, il estpossible d’emprunter le shinkansen. Il vous en coû-tera un peu plus de 15 000 yens si vous ne disposez pasdu JR Pass. En revanche, si vous optez pour l’autocar,vous n’aurez qu’à débourser 8 860 yens. Un aller-retourpar jour au départ de Yokohama et du terminal de busde hamamatsuchô à Tokyo. Le départ a lieu à 21h35à Yokohama (22h25 à hamamatsuchô) pour une arri-vée à 7h25 à Kakunodate (8h devant la gare de Taza-wako). Après les quelques 11 heures de voyage, on peutaller profiter des nombreuses maisons de samouraisouvertes au public comme la merveilleuse demeure desAoyagi, l’une des plus belles de cette ville fondée en1620 et dont certaines semblent avoir été figées dansle temps. Ensuite, un petit tour au lac Tazawa, le plusprofond du Japon (423 m), lieu magnifique que l’onpeut parcourir en vélo ou sur lequel des mini croisièressont organisées. A la fin de la journée, après un bonrepas dans l’un des nombreux et délicieux restaurantsdes environs, on peut reprendre l’autocar (20h20 devantla gare de Tazawako, 20h55 à Kakunodate) pour redes-cendre vers la capitale (6h05 à hamamatsuchô) et Yoko-hama (6h50). Compte tenu du prix et du nombre réduitde liaisons en autocar, il n’est pas toujours facile de trou-ver des places notamment les veilles de week-end. D’au-tant plus que le lac Tazawa est devenu le lieu de pèleri-nage de nombreuses Japonaises qui veulent découvrirle lieu où l’on a tourné la série coréenne Iris qui a rem-porté un grand succès à la fin de l’année 2009 lors desa diffusion sur la chaîne TBS.Si vous avez du mal à réserver pour Kakunodate oule lac Tazawa, sachez qu’il existe des centaines d’au-tres destinations accessibles par autocar. willer Express,l’un des leaders du secteur, propose pour les touristesétrangers un Japan Bus Pass, équivalent du JR Pass, maispour un tarif bien inférieur. Il est possible de réserverdepuis l’étranger via son site Internet (http://willerex-press.com) en anglais. Un bon moyen de faire des éco-nomies et de voyager autrement au pays du Soleil-levant.

GABRIEL BERNARD

zoom voyaGE

(à peu près la même distance qu’entre Tokyo et Osaka).Ici rien n’est laissé au hasard. On soigne le client, car onsait qu’une petite faute de goût peut avoir des consé-quences fâcheuses. Désormais, les différentes sociétésqui se sont lancées dans l’exploitation de lignes auto-routières rivalisent d’imagination pour attirer le cha-land. Il existe en fait deux types d’entreprises qui se par-tagent actuellement ce juteux marché. Il y a cellesspécialisées dans le transport de passagers en car (rosenbasu) et les sociétés de transport touristique (tsuâ basu).Jusqu’en 2000, ces dernières ne pouvaient pas exploi-ter de lignes régulières, ce qui expliquait la relative sta-bilité du marché dominé alors par JR Bus, la filiale auto-mobile de la compagnie de chemin de fer. La réformede la règlementation, en février 2001, leur a alors per-mis de se lancer dans l’aventure et proposer l’ouverturede nouvelles lignes.Voilà pourquoi il règne une telle activité autour des garesavec des ballets d’autocars et des files de voyageurs quiattendent de pouvoir embarquer. En l’espace de dix ans,le nombre de clients sur les différentes lignes d’autocarsa décuplé grâce à une très forte concurrence. Alors qu’unaller simple entre Tokyo et Osaka coûte au tarif normal8 000 yens, on trouve régulièrement des places à 3 000yens et même à 2 300 yens si on les réserve 21 jours àl’avance. En y ajoutant les réductions consenties lorsquela réservation est faite en ligne, ces déplacements en auto-car sont une bonne affaire. Mais cela ne suffit pas tou-jours au Japon pour garantir le succès. Il faut faire preuved’inventivité pour séduire une clientèle parfois exigeante.Outre le siège à 500 yens mis en place comme produitd’appel, plusieurs sociétés proposent des services exclu-sifs qui répondent à des besoins exprimés par les usa-gers. Désireux de mettre la main sur la clientèle deshommes d’affaires, JR Bus a mis en place une sorte debusiness class dans certains de ses autocars avec des siègesbeaucoup plus confortables que ceux du shinkansen,mais 30 % moins chers. Entre 9 900 et 10 500 yens, lesPremier seat sont très appréciés à tel point que sur laligne Tokyo-Osaka, la société propose cinq allers-retoursquotidiens où l’on trouve au premier étage de ses véhi-cules ces espaces VIP qui font vraiment penser aux classes

affaires des compagnies aériennes. D’autres sociétés, sou-cieuses de répondre aux demandes des femmes souhai-tant voyager l’esprit tranquille, ont créé des lignes entiè-rement réservées aux voyageuses afin d’éviter lesdésagréments liés à la mixité comme le rappelait récem-ment un article de presse dans lequel ont pouvait lire

qu’un homme avait été condamné par la justice pouravoir laissé ses mains se balader sur sa voisine lors d’unvoyage entre Tokyo et Sendai. Comme la plupart destrajets s’effectuent de nuit, la création de ces autocarsréservés aux femmes a permis d’augmenter sensiblementla fréquentation de ces lignes. La mise en place de rideauxentre les sièges permet aussi d’assurer une meilleure inti-mité, ce qui n’est pas pour déplaire. Peu à peu, les ser-vices s’affinent et permettent aux clients de voyager dela manière la plus confortable qui soit. Imaginez que vous ayez envie d’aller visiter Kakuno-

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En partance pour Shizuoka

décembre 2010 numéro 6 zoom japon 21

Page 22: ZOOM Japon 6

zoom voyaGE

Qu’elles se nomment VIP Liner, willer Tra-vel ou JR Bus, les sociétés qui exploitent dé-sormais la plupart des grandes liaisons auto-

routières se livrent une lutte sans merci pour séduireune clientèle dont le seul intérêt est de voyager moinscher. Au départ de Tokyo, JR Bus Kantô propose unecinquantaine de destinations, allant de Morioka aunord de l’archipel aux quatres préfectures de Shikokuau sud. Mais c’est Osaka qui demeure, avec 14 allers-retours quotidiens, son principal fer de lance et sonlaboratoire en termes de prix. Son tarif le moins élevéest 3 500 yens l’aller simple tandis que le plus cheravoisine les 10 000 yens, sachant que pour cette sommevous voyagez à quatre au premier étage de l’autocardans des fauteuils dignes des premières classesaériennes et avec la télévision à volonté. NishitetsuKôsoku Basu s’est spécialisée dans la liaison Tokyo-Fukuoka dont le premier prix est 8 000 yens l’allersimple et dont le tarif le plus élevé se situe autourde 19 000 yens. Pour un voyage de 14 heures, on peutêtre tenté de choisir la classe au-dessus qui de toutefaçon demeure moins chère que le train. willer Tra-vel est une des sociétés les plus actives. A l’origine,tournée essentiellement dans le transport touristique,elle a profité des déréglementations pour se lancerdans l’exploitation de liaisons autoroutières. Elle des-sert près de 75 villes dans tout le pays et a initié denombreuses innovations comme les autocars réservésaux femmes et la mise à disposition d’écrans leur per-mettant de visionner des films. Elle bénéficie d’unecertaine popularité qui lui a permis d’ouvrir en avril

La concurrence exacerbée entre lesnombreuses entreprises de transport apermis de faire chuter les prix.

TARIFICATIOn La guerre desprix a bien eu lieu

dernier son propre terminal dans l’immeuble Sumi-tomo à 10 mn de la sortie ouest de la gare de Shin-juku où ont lieu la majorité des départs des autressociétés. Entre Tokyo et Nagoya, elle propose des allerssimples à partir de 3 600 yens. Enfin on peut citerheisei Enterprises dont le principal objectif est d’em-porter l’adhésion des candidats au voyage, en cassantles prix sur Internet. C’est elle avec son VIP Liner quipropose des allers simples vers Osaka et Nagoya à500 yens alors que son tarif de base est de 3 900 yens.Ce tarif imbattable, mais limité à un nombre de places,est un excellent appât pour les usagers et permet acces-soirement d’assurer le remplissage de ses véhicules. Sil’on ajoute son désir de fournir un service de qualité(qui rappelle celui de willer Travel), cette société illus-tre très bien la bataille qui se joue actuellement sur cemarché. Si l’on ajoute que dans les autres grandes villesdu pays, des sociétés locales exploitent les mêmesroutes ou en ouvrent d’autres, vous comprendrez l’im-portance de cette concurrence qui s’est ouverte depuisquelques années dans tout l’archipel.

G. B.

Pour attirer les clients, les différentes sociétés propo-sent des tarifs toujours moins chers.

22 zoom japon numéro 6 décembre 2010

L E BOn pLAn

Même si les voyages en autocar ont le vent en poupe,en particulier sur les distances relativement courtesqui ne prennent pas plus d’une nuit de voyage, il estévident que le train restera le moyen de transportle plus utilisé sur les grandes distances surtout si celles-ci sont parcourues à grande vitesse. Avec l’ouverturedu dernier tronçon de la ligne Tôhoku Shinkansen,le 4 décembre, entre Hachinohe et Aomori, nul douteque la fréquentation de cette ligne va connaître uneseconde jeunesse dans la mesure où la cité située àl’extrémité nord de l’île de Honshû dispose de nom-breux atouts pour attirer les touristes. Outre une gas-tronomie qui vaut le détour, la ville est très célèbrepour ses défilés annuels de géants de papier (nebuta,voir photo ci-dessous) suivis par des dizaines de mil-liers de personnes.Cependant, ne comptez pas emprunter le premier

train qui desservira la nouvelle gare d’Aomori, car les814 places mises en vente, le 4 novembre, ont étévendues en 30 secondes. Rien ne vous empêche deprendre les suivants pour partir à la découverte decette partie du japon qui reste méconnue de la plu-part des touristes. Au départ de la cité portuaire, d’au-tres trains (moins rapides, mais tout aussi fiables) vousconduiront vers des lieux magnifiques dont vous tom-berez assurément amoureux. C’est ça la magie dutrain. Alors n’oubliez pas d’entourer dans votreagenda la date du 4 décembre 2010.Tôhoku Shikansen (Tokyo-Shin aomori)www.jreast.co.jp/e/

Cap au nord

ulysse Le magazine de la culture du voyage

Chez votre marchand de journaux à partir du 16 décembre 2010

Sur la route du saké, à la table d’un rryyookkaann ou à l’ombre des toits de Tokyo ; de la cérémonie du thé à la cuisinevégétarienne en passant par le goût de l’uummaammii, partez avec UUllyyssssee à la découverte de la gastronomie japonaise.

N° 145 Décembre 2010 - janvier 20114,90 €

vivre et mangerà la japonaise

Page 23: ZOOM Japon 6

HôTEL pour passer une nuitinoubliable

Cité magique, Kyoto l’est assurément.

après une journée bien remplie à découvrir

les formidables charmes de cette ville, une

nuit à l’hôtel Kanra s’impose. ouvert fin

octobre, ce nouvel établissement offre un

cadre parfait qui s’accorde à merveille avec

la beauté de l’ancienne capitale impériale.

HOTEL KAnRA 185 Kitamachi, Rokujô Sagaru,

Karasumadôri, Shimogyôku, Kyoto

Tél. : 075-344-3815 www.hotelkanra.jp

ExpOSITIOn hommage audécouvreur d’Utamaro

TSUTaya jûzaburo, surnommé “Tsuta-jû”,

était un éditeur important. pourtant, peu

de gens savent qu’il a joué un rôle crucial

dans la publication des œuvres d’Utamaro

et Sharaku. Le Suntory museum of art

s’intéresse à lui et aux œuvres qu’il a

éditées. a découvrir jusqu’au 19 décembre.

SUnTORY MUSEUM OF ART

9-7-4 Akasaka, Minato-ku, Tokyo

www.suntory.co.jp/sma/

zoom voyaGE

C onvenons-en tout de suite. Se rendre au Japonpour y manger une pizza, ce n’est, disons, pastrès catholique dans un pays disposant d’une

si riche gastronomie. Pourtant, nous vous invitons àaller découvrir Pizzaman situé à proximité de la gared’Oimachi, à Tokyo. La première raison est architec-turale. Ce restaurant, qui s’est ouvert à la fin du moisde juin, ressemble plus à l’extérieur à un hangar pouravions qu’à un restaurant. Il illustre à lui seul cette for-midable liberté qui existe dans l’archipel en matièred’architecture. Il ne s’agit pas bien sûr d’un chef-d’œu-vre en la matière, mais il s’en dégage cependant un cer-tain charme. La seconde raison est d’ordre culinaire.Pizzaman est en effet le second restaurant lancé parKAKINUMA Susumu. Déjà propriétaire du Seirinkan àNakameguro, un des restaurants italiens les plus envogue de la capitale, celui, qui a contribué à la diffusionde la pizza napolitaine (pizza napoletana) dans sa recettetraditionnelle au Japon, a voulu élargir sa sphère d’in-

fluence à d’autres parties de la ville. Enfin, troisième etdernière bonne raison de faire le déplacement : le prix.Alors que la pizza servie dans son premier établisse-ment coûte 1 500 yens, elle ne coûte plus que 350 yenschez Pizzaman (même si la portion est un peu pluspetite). Voilà un concentré de très bonnes raisons poury faire un tour. Non ? ODAIRA NAMIHEI

La pizza napolitaine a trouvé une secondejeunesse à Oimachi dans un lieu qui neressemble pas à un lieu de restauration.

RESTAURAnT mamma mia !

S’y REndREpizzaman 1-11-8 oi, Shinagawa-ku, TokyoTél. : 03-3774-0900 - http://pizzamanworld.comdu mardi au dimanche 11h-15h et 17h-21h

décembre 2010 numéro 6 zoom japon 23

Page 24: ZOOM Japon 6

ACCÈS Métro ligne no 2 - Adresse : PARC CHANOT- PARC D’EXPOSITION, Rond Point du Prado 13008 MarseilleHORAIRES D’OUVERTURE Vendredi : 13h-19h 11h-19h 11h-18h

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