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1917LA GRANDE GUERRE

Introduction

En 1917, alors que la guerre entre dans sa 4e année, l’Allemagne semble se trouver dans une impasse. Étranglée économiquement, elle est distancée par la production des alliés de l’Entente et notamment dans le domaine aérien où la France est en tête, ce que nous examinerons dans le premier chapitre. Les Alliés disposent d’une supériorité numérique qu’ils vont utiliser au mois d’avril en tentant une nouvelle offensive commune décidée par le chef de l’armée française, le général Nivelle : une attaque qui va encore se briser dans les barbelés allemands (chapitre 2). L’Allemagne, aux abois, va tenter un coup de poker : relancer la guerre sous-marine à outrance pour tenter d’asphyxier économiquement l’Angleterre. Un pari perdu, notamment en raison du développement de l’aviation navale franco-britannique (chapitre 3), et qui provoque l’entrée en guerre de l’Amérique. L’échec de l’attaque d’avril ne va pas dissuader le général Haig, chef de l’armée britannique, de tenter un nouvel assaut : ce sera de nouveau un échec sanglant, tant au sol qu’en l’air où l’aviation britannique subira de très lourdes pertes (chapitre 4). L’Allemagne, qui a gagné une bataille défensive, va désormais attaquer l’Angleterre avec sa flotte de bombardiers bimoteurs qui vont remplacer les Zeppelin de plus en plus vulnérables (chapitre 5). Deux évènements vont rebattre les cartes en faveur de l’Allemagne : la révolution russe ; qui met ce pays et son aviation hors de la guerre (chapitre 6), et la déroute de l’armée italienne à Caporetto, provoquée par l’envoi de troupes et d’escadrilles allemandes pour aider les Autrichiens à bout de souffle (chapitre 7). Malgré l’entrée en guerre de la Grèce, peu de choses bougent sur le front d’Orient autour de Salonique (chapitre 8), tandis que hors du continent européen, jusqu’au bout du monde, l’aviation allemande réussit quelques exploits symboliques que nous raconterons dans un chapitre 9.

Le Nieuport 23 n° 3882 « 2 » de l’escadrille N 350 (future escadrille 462) près de Sois-sons le 27 mai 1917. Cette unité, normalement affectée au Camp Retranché de Paris où l’ennemi ne se montre guè-re, a été affectée en renfort sur le Chemin des Dames en avril 1917 où elle forme un groupe de chasse provisoire avec les N 65, N 124 et N 351. Le pilote est peut-être le médecin aide-major de 1re classe (Lt) Pierre Toulant. Né en 1883 à Poitiers, Toulant a d’abord servi dans le personnel médical avant d’être breveté pilote le 25 février 1917. Affecté à la N 461/CRP le 29 septembre 1917, il quittera l’aviation fin juin 1918 pour revenir dans le personnel médical. Installé en Algérie après la guerre, il y exercera en tant que médecin ophtalmologique. Il est décédé en 1962 à Paris. (photo Fer-nand Cuville, domaine public)

Chapitre 1 : guerre des ministres, des généraux et des ingénieurs

1-1-La France toujours en tête1-1-1-Bataille politique au Parlement

L’année 1917 va connaître nombre de bouleversements dans le pouvoir politique, qu’il convient d’évoquer car ceux-ci ont un lien direct avec l’état-major ainsi que le commandement de l’aviation.Régime instable avec un président de la République cantonné à un rôle représentatif et un vice-président du Conseil (Premier ministre) à la merci de majorités de circonstances à l’Assemblée nationale et au Sénat, la IIIe République fait la

démonstration de son instabilité en 1917, année durant laquelle pas moins de quatre hommes se succèdent au pouvoir suprême.À la tête du pays depuis le mois d’octobre 1915, Aristide Briand a dû en 1916 user de tous ses talents d’équilibriste pour tempérer l’animosité des députés et sénateurs envers la manière dont est conduite la guerre par le chef des armées, le général Joffre, dont les lauriers de la gloire amassés lors de la bataille de la Marne se fanent au fur et à mesure des offensives qu’il planifie et qui échouent sur les barbelés des tranchées allemandes... Si Joffre a survécu à l’offensive de Champagne en septembre 1915, il va tomber suite à l’échec de la bataille de

Aristide Briand (1862-1932), président du Conseil d’octo-bre 1915 à mars 1917. (DR)

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la Somme lancée de juillet à novembre 1916 et doit démissionner au mois de décembre 1916.

Briand choisit pour le remplacer à la tête des armées le général Robert Nivelle, qui s’est distingué avec son subordonné Mangin dans les contre-offensives menées à Verdun et remportées par de brusques attaques lancées après une courte et très violente préparation d’artillerie. Il compte reproduire ces exploits locaux à une plus grande échelle en menant une percée qui conduira à la victoire définitive. Il sait « vendre » son idée aux politiques, désespérés par le désastre de la guerre et avides d’espoir. Maîtrisant parfaitement la langue de Shakespeare car sa mère était anglaise, il sait également séduire les Britanniques avec lesquels son prédécesseur Joffre était en froid... Peu après son arrivée à la tête des armées, il place ses hommes aux postes-clés et le commandant Barès, chef de l’aviation auprès du Grand Quartier Général et homme de Joffre, en fait les frais : il est limogé le 15 février 1917 et remplacé de manière éphémère par le commandant Louis-Napoléon de Guillabert, puis, dès le 20 février, par son adjoint le commandant Paul du Peuty, un fervent partisan d’un emploi offensif de l’aviation.

L’offensive planifiée du Chemin des Dames a un farouche opposant, très lucide : le général Hubert Lyautey, l’ancien gouverneur du Maroc qui a été nommé ministre de la Guerre en décembre 1916. Il déduit vite de ses entretiens avec Nivelle le désastre qui s’annonce et va tout faire pour tenter d’en avertir les politiques... Convaincu de l’utilité d’un commandement interallié des troupes, il va tenter d’œuvrer en ce sens lors de son court passage au ministère de la Guerre. À ce titre, il crée le 20 février 1917, sous les ordres du général Amédée Guillemin, une Direction de l’aéronautique pour centraliser sous une même autorité tous les services de l’aviation : ceux de l’arrière régissant l’organisation de la production (tâche jusque-là effectuée par le colonel Henri-Jacques Régnier, chef de la 12e direction au ministère de la Guerre), tout comme l’emploi des appareils au front, sans oublier l’emploi des appareils utilisés par la Marine ni la question de l’aide aux industries aéronautiques des Alliés – tout particulièrement britanniques. Mais nombre de parlementaires ne font pas confiance à Lyautey à qui ils prêtent des ambitions de dictateur. Le 14 mars, exposant à la demande de l’opposition son projet d’organisation de l’aviation devant l’assemblée, il est chahuté par des députés à qui il refuse de donner des détails qu’il

estime relever du secret militaire. Excédé, il quitte la séance en lâchant un retentissant « tas de cons ! » et démissionne du gouvernement.Aristide Briand ne survit pas au scandale et son gouvernement tombe six jours plus tard. Lui succède le 20 mars, en tant que vice-président du Conseil, un ambitieux petit vieillard de 75 ans, le sénateur de la droite libérale Alexandre Ribot, par ailleurs élu à l’Académie française. Le gouvernement Ribot balaie le projet d’organisation de l’aviation de Lyautey et renvoie le général Guillemin dans l’infanterie ; l’organisation de la production aéronautique est confiée à un sous-secrétaire d’état à l’Aéronautique, le député radical Charles Daniel-Vincent.

L’offensive du Chemin des Dames, comme l’avait prévu Lyautey, se traduit par un sanglant échec quelques jours après son déclenchement le 15 avril 1917. Nivelle est remplacé à la tête des armées par le général Philippe Pétain exactement un mois plus tard, le 15 mai. Ce dernier doit faire face à une crise morale sans précédent dans l’Armée, avec des permissionnaires refusant de retourner en ligne. Améliorant les conditions matérielles des soldats, il va cesser toute grande offensive mais néanmoins mener des attaques locales à grand renfort d’artillerie. Il compte surtout laisser le temps à l’armée de se refaire en attendant l’arrivée des troupes américaines ainsi que le développement de nouveaux matériels de guerre, les tanks et l’aviation, dont il est un fervent partisan.

À ce titre, il va nommer comme directeur de l’aviation au GQG un de ses hommes de confiance, le colonel Maurice Duval qui succède au commandant du Peuty le 3 août. Sous les ordres de Pétain, Duval, qui sera nommé général en 1918, va parvenir à imposer ses idées auprès du sous-secrétariat d’état à l’Aéronautique en obtenant la rationalisation de la production sur les meilleurs appareils dans chaque spécialité puis va faire appliquer une nouvelle organisation au front afin d’employer l’aviation en grandes masses.Restant à son poste jusqu’à la fin de la guerre, Duval va rencontrer un écho favorable auprès de son pendant civil, le nouveau sous-secrétaire à l’Aéronautique Jacques-Louis Dumesnil nommé à ce poste le 12 septembre et qui le restera jusqu’à la fin de la guerre. Ce 12 septembre 1917 a en effet vu la constitution d’un nouveau gouvernement, dirigé par le mathématicien et député radical-socialiste Paul Painlevé, Ribot ayant été renversé

Le général Amédée Guille-min (1860-1941), éphémère

chef de l’ensemble de l’avia-tion française du 10 février

au 20 mars 1917. Il ne survi-vra pas à la chute du cabinet

Briand. (coll. Gallica)

En bas à gauche : Charles Daniel-Vincent (1874-1946), député radical-socialiste, sous-secrétaire d’état à l’aviation militaire du 20 mars au 12 septembre 1917. (coll. Gallica)

Ci-dessous : le colonel Maurice Duval

(1869-1958) est nommé par Pétain en tant que chef

du service aéronautique au GQG le 3 août 1917 et

conservera ce poste jusqu’à la fin de la guerre.

(coll. BDIC)

Le Cdt Paul du Peuty (1878-1918), chef du service

aéronautique au GQG du 15 février au 3 août 1917.

Partisan d’un emploi offensif de l’aviation, il ne survivra

pas à la disgrâce de Nivelle et retournera au front dans un

régiment d’infanterie où il sera tué le 30 mars 1918. (DR)

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suite la crise de confiance consécutive à l’échec de l’offensive Nivelle !

Le gouvernement Painlevé ne restera que deux mois aux affaires, miné par le scandale de l’affaire Malvy, son ministre de l’Intérieur, que le polémiste d’extrême-droite Léon Daudet accuse de trahison. Une accusation grotesque mais parfaitement orchestrée par Georges Clémenceau qui profite de l’occasion pour faire tomber le gouvernement Painlevé le 13 novembre 1917 et accéder au pouvoir, qu’il conservera jusqu’en 1920.Clémenceau gardera Jacques-Louis Dumesnil en tant que sous-secrétaire à l’Aéronautique. La France va ainsi connaître une stabilité à tous les niveaux décisionnels de l’aviation jusqu’à la victoire.

1-1-2-Une production industrielle au sommet

La France est à la tête de la production aéronautique mondiale avec 14 915 appareils sortis de ses usines durant l’année 1917, le double de l’année précédente. Les usines françaises produisent cependant un trop grand nombre de types d’appareils. Une note datée du 28 novembre 1917, signée de Pétain mais préparée par le colonel Duval à l’attention du sous-secrétaire d’état à l’Aéronautique Jean-Louis Dumesnil, fait état des appareils suivants en service, assortis de ses commentaires :

Observation (1059 appareils)94 Caudron G.6 – Avion périmé325 AR – Avion périmé

Fuselage du Farman F 46 sortant des usines du même nom en 1917. Ayant trop longtemps misé sur la for-mule propulsive, le construc-teur Farman voit ses appa-reils quitter les unités du front en 1917. Les quelques modèles qu’il sort tardive-ment en 1917, comme celui présenté ici, n’auront aucun succès. (léon Gimpel)

Un atelier des usines Farman à Billancourt durant l’été 1917. Les appareils « mai-son » étant jugés obsolètes, l’usine est réquisitionnée pour produire les modèles d’autres constructeurs – comme les Dorand AR ou les Letord L.1 dont on voit ici des ailes. (léon Gimpel)

Jacques-Louis Dumesnil (1882-1956), député radi-cal, sous-secrétaire d’état à l’aviation militaire du 12 septembre 1917 à la fin de la guerre. (coll. Gallica)

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2-1-Prologue : l’opération « Alberich »

Les Allemands commencent l’année 1917 avec une infériorité numérique accrue sur le front français. Le corps expéditionnaire britannique monte particulièrement en puissance et la petite armée de cinq divisions de 1914 est devenue en 1917, grâce à la conscription obligatoire, une force qui en comprend soixante-dix, réparties dans quatre armées fortes de seize corps d’armées (dont un canadien, et deux d’Australie et Nouvelle-Zélande). Avec les neuf armées françaises (cent divisions)

et la petite armée belge (six divisions), les Alliés de l’Entente disposent d’une supériorité numérique sur l’Allemagne.

Tous les observateurs militaires avisés savent que la situation est favorable aux Alliés de l’Entente : le nouveau chef du GQG, le général Nivelle, compte en profiter pour réaliser une percée comme il l’a fait lors des opérations de reconquête de Verdun fin 1916, avec son subordonné le général Mangin : une brusque attaque surprise, précédée d’une courte et très violente préparation d’artillerie. Mais il est difficile de réitérer des exploits locaux à l’échelle d’une armée entière, car l’élément principal nécessaire au succès, la surprise, fait immédiatement défaut. Nivelle doit en effet parcourir de nombreux cercles politiques (où trainent des oreilles allemandes) pour « vendre » son offensive, et même jouer au diplomate pour convaincre les Britanniques. Parfaitement bilingue, il parvient à séduire le premier ministre Lloyd George qui impose l’offensive au général Douglas Haig alors que celui-ci rechigne à l’idée d’être subordonné aux Français. Nivelle propose une offensive en deux tenailles : française dans l’Aisne et britannique autour d’Arras, pour prendre dans une nasse les armées allemandes des saillants de Noyon et Bapaume.

Les Allemands ont vite la puce à l’oreille en constatant la construction de multiples dépôts de munitions et cantonnements de troupes, mais aussi à cause de la multiplication des reconnaissances aériennes françaises et britanniques dès le mois de janvier 1917 sur les secteurs de l’attaque (pour les Français, une zone comprise entre les villes de Laon, Soissons et Reims). Maurice Boisseau, sous-lieutenant observateur à l’escadrille C 47 équipée de Caudron G.6 et stationnée près de Reims, témoigne de cette période préparatoire où les vols sont intenses malgré le temps hivernal :

Au début de l’année 1917, nous sommes allés au terrain de Fismes. C’était pour les attaques du 16

Chapitre 2 : l’offensive d’avrilRobert Nivelle, chef du GQG français et organisateur de l’offensive du Chemin des Dames.(Jules Gervais-Courtellemont, domaine public)

Lassée par deux ans et demi de guerre, l’opinion publi-que française veut croire à une victoire rapide et défini-tive sur l’Allemagne comme le montre cette affiche à la gloire du général Nivelle.(DR)

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même période (contre 19 face aux Britanniques), ce qui constitue un taux de perte non négligeable d’environ 6,5 % si l’on estime leurs effectifs à 450 appareils sur le secteur français.

Au niveau des revendications, un total de 70 victoires va être homologué aux chasseurs français, à la tête desquels les as de la N 3 qui en remportent 9, dont 5 au seul René Dorme et 2 à Guynemer qui terminent la bataille avec

respectivement 22 et 38 victoires homologuées à leur impressionnant tableau de chasse. Les onze Jasta affectées sur le secteur français se sont vues de leur côté homologuer 50 victoires.

Sans subir de pertes critiques, l’aviation allemande a perdu pied dans les airs, dans une guerre d’attrition face aux Français. Mais la mort d’une poignée d’aviateurs, quel que soit leur camp, est de peu de conséquences alors qu’au sol, près de

Albatros D.III D.2096/16 du Ltn Friedrich-Wilhelm Wichard, Jasta 24, Annelles-Rethel mi-avril 1917.

Nieuport 17 « 4 » Lou Camel du S/Lt Henri Languedoc, N 12, Lhéry mi-avril 1917.

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3-1-La guerre sous-marine à son point culminantÀ la fin de l’année 1916, la guerre est enlisée dans les tranchées ; les troupes allemandes se retrouvent en infériorité numérique accrue face aux Alliés, l’armée britannique montant graduellement en puissance avec l’apport de troupes venues du Commonwealth.L’amiral Henning von Holtzendorff, le chef d’état-major de l’amirauté allemande, pense avoir la solution pour sortir de cette impasse : la reprise de la guerre sous-marine à outrance, c’est-à-dire le fait de permettre à ses sous-marins de s’attaquer à tout ce qui flotte dans les eaux alliées, quel que soit le drapeau hissé sur le bâtiment et tout particulièrement autour des îles britanniques qui sont la principale puissance économique ennemie.Les sous-marins allemands sont supposés mettre l’économie britannique à genoux en se concentrant

sur les navires de commerce. Ils obtiennent d’importants résultats dès la fin de l’année 1916 en envoyant par le fond un peu plus de 300 000 tonnes de navires alliés tous les mois. En plaidant pour la reprise de la guerre à outrance qui enlèverait toute restriction à ses sous-marins, jusque-là obligés de distinguer la nationalité de leurs cibles, von Holtzendorff se fait fort de doubler les résultats obtenus et d’affamer l’Angleterre en à peine six mois, la flotte marchande britannique totalisant à cette époque près de 6 millions de tonnes.

Le chancelier Bethmann-Hollweg hésite : couler des navires neutres provoquerait la fureur des États-Unis et leur possible entrée en guerre, comme l’a démontré l’incident du Lusitania, paquebot britannique coulé en 1915 avec de nombreux passagers américains à bord qui valut à l’Allemagne une tempête diplomatique, la forçant à restreindre son offensive sous-marine. Mais l’amirauté balaie cette objection en affirmant que

Chapitre 3 : la bataille aéronavale

L’amiral Henning von Holt-zendorff (1853-1919).

Vue d’un U-Boot de classe UB II au large du port de Zeebruges en 1916.(coll. Jean-louis Roba)

Cinq U-Boot à l’entretien dans le port de Kiel en 1917. Le submersible le plus à gauche est un mouilleur de mines type UC II ; les quatre autres sont des sous-marins côtiers d’attaque de classe UB III.(coll. Jean-louis Roba)

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Mais c’est au large de la Grèce, venant d’un poste de combat isolé doté de matériel périmé que va être obtenue la première – et la seule – victoire prouvée de l’aviation maritime françaises sur un sous-marin en 1917, bien que remportée en collaboration avec des navires de surface.À l’aube du 14 décembre 1917, un convoi naval français parti la veille du port de Tarente fait son entrée dans le détroit situé entre les îles de Leu-cate et Céphalonie, pour emprunter le canal de Co-rinthe et ravitailler l’armée d’Orient à Salonique. Il est composé du vieux croiseur rapide Châteaure-nault converti en transport de troupes, du croiseur auxiliaire Rouen et de quelques chalutiers proté-

gés par les escorteurs Lansquenet et Mameluck. Le convoi est repéré par l’UC-38 de l’Oberleutnant zur See Hans Hermann Wendlandt qui passe en immersion périscopique pour toucher d’une torpille le plus gros navire, le Chateaurenault, tuant dix marins et l’immobilisant en lui faisant prendre de la gîte. Le Lansquenet et plusieurs chalutiers se portent à son secours en embarquant ses passa-gers tandis que le Mameluck cherche sans succès l’attaquant.

C’est alors qu’interviennent deux hydravions d’un centre ouvert sur la côté grecque pour proté-ger les entrées du Canal de Corinthe mais qui a

Aquarelle représentant un FBA Hispano 150 HP au PC de Saint-Mandrier, dé-pendant de l’école de Saint-Raphaël. (Jean Julien, coll. BDIC)

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d’Istrana. La veille, le Captain William Baker, un pilote du No 28 Sqn, a mitraillé seul à bord de son Camel un terrain d’aviation allemand, ce qui a eu le don de mettre en rage les aviateurs ennemis, furieux de cette rupture de la trêve de

Noël. Ceux-ci se vengent en attaquant au matin du 26 décembre le terrain d’Istrana, situé sur le front de la Piave à 30 km au nord-ouest de Venise. Ils ignorent peut-être que s’y trouvent, outre deux escadrilles de reconnaissance, pas moins de cinq

Situation suffisamment rare pour être signalée, l’industrie austro-hongroise (société OEFFAG) réussit une petite prouesse technique en construisant sous licence l’Albatros D.III, qu’elle dote d’un moteur plus puissant que son modèle allemand. L’exemplaire représenté ici est le n° 53.33 du Stabsfeld-webel Josef Kiss en vol sur un glacier durant l’été 1917. Avant sa mort le 24 mai 1918, ce pilote a obtenu 19 victoires aériennes confirmées. (coll. Paolo Varriale)

Albatros D.III n° 153.45 du Hptm Godwin Brumowski, commandant de la Flik 41/J fin 1917.

S’inspirant de l’exemple de Richthofen dans l’escadre duquel il est allé faire un stage, Brumowski a fait entièrement peindre son appareil en rouge.

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8-1-Guerre aux GothaSubissant le grand froid sur un front figé dans les montagnes de Macédoine, les aviateurs de l’armée d’Orient commencent l’année 1917 avec un matériel particulièrement périmé : des Farman F.40 pour les dix escadrilles d’observation et des Nieuport 21 pour les trois escadrilles de chasse. Ces derniers, avec leur faible moteur Le Rhône rotatif de 80 HP, sont incapables de rattraper les avions de reconnaissance et de bombardement allemands. L’aviation britannique, également présente sur place, n’apporte qu’un maigre renfort avec le Squadron 17 et son équipement mixte de chasseurs BE12 et de biplaces d’observation. Bien que disposant d’une supériorité numérique de deux contre un face aux unités aériennes germano-bulgares, l’infériorité du matériel est critique au point que le général Sarrail, qui dirige le front d’Orient, appuie avec force l’appel au secours lancé par son chef de l’aviation, le commandant Victor Denain, qui presse Paris de lui envoyer de nouveaux appareils ainsi que des pilotes qualifiés : il n’a que 24 chasseurs pour couvrir un front de 280 kilomètres !

Paris n’entend la demande que d’une oreille et livre quelques Nieuport 23 (moteur 110 HP) dont les mécaniciens de l’entrepôt de Salonique découvrent qu’ils ont été livrés sans les bandes de cartouches pour leurs mitrailleuses Vickers ! Comme d’habitude pour les aviateurs d’Orient, le système D devra prendre le

relais... Ces renforts, si minimes soient-ils, arrivent à temps car dès le mois de février 1917 l’Allemagne va prendre l’initiative sur ce front grâce à l’arrivée de la Kagohl 1, l’escadre de bombardiers lourds qui a mis la Roumanie à genoux quelques semaines plus tôt. Composée de trois escadrilles de chacune six bimoteurs AEG, Friedrichshafen ou Gotha, l’escadre dispose aussi de sa propre escorte de six chasseurs monoplaces Halberstadt D.II.

Arrivée en train depuis la Roumanie, la Kagohl 1 s’installe sur le terrain d’Hudova d’où décollent ses appareils le 15 février 1917 pour leur première mission. Une pluie de bombes tombe sur le terrain britannique de Janès dont les défenseurs sont complètement surpris. Le 26 février 1917, les bombardiers s’en prennent le matin au terrain français de Gorgop, y détruisant trois hangars et la plupart des appareils de l’escadrille F 385, puis un peu plus tard attaquent la ville de Salonique où leurs bombes font quelques 330 victimes dans des camps militaires et hôpitaux à proximité. La chasse française de Salonique, composée des Nieuport 21 de l’escadrille N 391, tente sans succès de s’opposer aux bombardiers sur le chemin du retour, jointe dans son effort par quelques chasseurs britanniques. Un Halberstadt D.II d’escorte est capturé suite au raid, après avoir été endommagé par la DCA ; l’interrogatoire de son pilote fait vite comprendre au commandant Denain l’importance de la menace à laquelle il va devoir faire face.

Début 1917, le Nieuport 21 est l’unique avion de chasse de l’aviation d’Orient, tel le n° 2369 « 13 » de l’escadrille F 399 (future escadrille 525), stationnée dans les montagnes de Macédoine. Un avion dont le moteur Le Rhône de 80 HP ne lui permet que difficilement d’intercepter les biplaces allemands.(coll. laurent Winer)

Chapitre 8 : le front d’Orient

Nieuport 21 n° 1649 du S/Lt Robert Nast, N 390 (renommée N 506 en juin 1917),

cuvette de Monastir début 1917.

Nast obtiendra trois victoires homologuées en Orient ; il devra attendre 22 ans pour devenir un as en remportant deux nouvelles victoires à bord d’un

Curtiss H-75 en 1940, en tant que membre de l’état-major du GC I/5.(cf. aVIONS n°203)

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1917 - la GRaNDE GuERRE92

9-1-Face à la TurquiePassé au second plan depuis la fin de la bataille des Dardanelles en 1915 puis l’échec de l’attaque sur le canal de Suez, l’empire turc est toujours en guerre en 1917 sur quatre fronts contre les principaux Alliés de l’Entente que sont les Britanniques, les Français et les Russes.L’aviation turque dépend entièrement des livraisons de l’Allemagne qui lui fournit dans le courant de l’année 1917 un total de 82 biplaces : dans un premier temps 15 Rumpler C.I et 40 Albatros C.III, qui lui permettent de maintenir à flot les quelques 6 compagnies aériennes (Tayyare Bölüḡü) d’observation réparties début 1917 dans son empire. Puis, en décembre 1917, arrive un lot de 27 AEG C.IV. En plus de ces appareils de classe C, sont livrés quelques chasseurs : 8 Fokker D.I et 3 Albatros D.II, puis 20 Halberstadt D.V à la fin de l’année. Tous ces matériels sont dépassés par rapport à ceux en service sur le front occidental ; mais la situation est à peu près similaire dans les détachements de l’aviation britannique et russe qu’ont à affronter les pilotes turcs et allemands de l’aviation ottomane.

Sur sa façade méditerranéenne, autour du plateau anatolien, l’empire turc doit assurer la surveillance des côtes dont la navigation est mise à mal par les patrouilles navales et aériennes des marines britannique et française. Le RNAS est présent sur les îles grecques de la mer Egée de Moudros et Lemnos et va réaliser des attaques sur la capitale Constantinople, notamment le 9 juillet 1917, lorsqu’un bombardier Handley Page O/100 parti de Lemnos (piloté par le Squadron Commander Kenneth Savory) attaque le croiseur de bataille Goeben à quai. L’aviation turque, qui stationnait près de Smyrne une petite escadrille navale ainsi que sa 5e compagnie aérienne sur biplaces, dédouble cette dernière au mois d’avril 1917 pour créer la 12e compagnie aérienne spécialisée dans la chasse, étant maigrement équipée d’un Fokker Eindecker, d’un Albatros D.II et d’un Fokker D.I. À l’entrée du détroit des Dardanelles se trouve la 1re compagnie aérienne sur biplaces, ainsi que la 6e compagnie aérienne de chasse dont les trois Fokker E.III encore en état vont être cloués au sol par pénurie d’huile de castor pour leurs moteurs rotatifs. Elle recevra le renfort de deux Albatros D.II et deux Halberstadt D.V et remportera malgré tout quelques succès contre les appareils britanniques. Une autre compagnie aérienne de chasse, recevant le n° 9, va être créée en septembre pour assurer la défense de la capitale, équipée de deux Halberstadt D.V et cinq Fokker D.I. Sur la côte au Sud, près de la frontière de l’actuelle Syrie, stationne la 4e compagnie aérienne dont les biplaces ont pour charge de patrouiller sur les eaux entourant le port d’Adana. Les forces turques vont remporter le 11 janvier 1917 un appréciable succès contre l’aviation britannique dans ce secteur en réussissant à couler de quelques coups de canons

Chapitre 9 : en Asie, en Afrique et en Océanie

Loin des tranchées sur le sol de France et des plaines de Russie ou des montagnes des Dolomites, d’autres affrontements ont lieu durant l’année 1917, dans l’empire turc ainsi que dans une colonie allemande.

Les photos d’avions turcs parvenues jusqu’à nous sont assez rares et de mauvaise qualité. Ces Albatros C.III à la voilure démontée sont en route vers la Dobroudja, sur le front de la Mer Noire.(coll. Christophe Cony)

Hans Joachim Buddecke, l’as allemand de l’aviation turque, pose sur la photo dans l’uniforme de ses hôtes. S’étant distingué aux Dar-danelles dans la 6e compa-gnie aérienne turque, il est rappelé sur le front français en septembre 1916 avant de revenir au début de l’année 1917 dans l’aviation turque, où il va servir à la 5e compa-gnie aérienne à Smyrne. Il y remportera deux victoires le 30 mars 1917(ses 11e et 12e) – probablement les derniè-res remportées à bord d’un Fokker Eindecker. (coll. Jean-louis Roba)

En Égypte se multiplient les terrains d’entraînement pour des pilotes venus des quatre coins de l’empire britanni-que, et qui vont être envoyés au combat à Aden, en Afri-que, en Palestine, en Mésopotamie où à Salonique. Sur la photo, un BE2c servant à l’entraînement.(coll. Cross and Cockade)


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