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  • ABCde l'sotrisme

    maonnique

  • Cor,r-BcrroN ABC

    liqailibre ^ABC de l'Ayurveda, S. Verbois

    ABC des Biorythmes, P. DebarbieuxABC des Cfiakras, D. LecroqABC de I'Energie pyramidale, J. WarinABC du Feng Shui, P. JolyABC du lene, C. CndidoABC du Magntisme, J. MandorlaABC des Massages traditionnels thailandais,

    D. LamboleyABC de la Mditation,I. ClercABC de la Miqonutritron, V. BalesABC des Mudras, F. DesondesABC des Pierres nergtiques, D. Mantez et

    J.M. et J. PaffenhoffABC du Qi Gong, L. DongABC du Qi Gong des enfants, L. CortadellasABC de la Rflexologie oculaire,

    C. MarchalABC de la Rfiexologie plantaire,

    D. LamboleyABC du Reiki,P. WagnerABC de la Relaxation, J. ChoqueABC dc la Respiration, D. LonchantABC de la Sophrologie, B. DretzABC fu Spa, S. von SaxenburgABC du Ta Chi Chuan, L. Wan der

    HeyotenABC du Ta-do, R. Cassol et S. GoffinonABC du T'Chi, J.C. SapinABC de la Voix, C. GuedjABC du Yoga, M.-F. Lemoine

    PsychologieABC de l' Analyse transactionnelle,

    G. GaribalABC de l'Au-Del, G. OsorioABC de |EMDR, S. Madoun

    et D. DumonteilABC de I'Ennagramme, E. SalmonABC de la Gnalogie, V. GautierABC de la Gnalogie analytique, A. CamusABC de la Graphologie, M. MoracchiniABC de I'Hypnose ricksonienne, D. Garibal

    Bnichou

    ABC de la Mythologie grecque,P. de Louvigny

    ABC de la Pense cratrice, Y. Le CamABC de la PNL, M. DurandABC de la Psychologie de I'enfant, C. MorelABC de la Psychologie jungienne, C. SdillotABC de la Psychologie et de la psychanalyse,

    C. MorelABC des Psychothrapies, C. MorelABC des Rves, C. GenestABC de la Sexualit, J. M. FitremannABC du Symbole, C. Sdillot etE. ZanaABC de la Symbolique dans les rves,

    C. MorelABC du Tarot psychologique, C. MorelABC du Tarot analytiqae, S. LamourABC de la Victimologie, S. Madoun

    et G. Lopez

    SantABC de I'Argile, J.-C. CharriABG de la Chromathrapie, J.-J. QunetABC de la Dittique chinoise, Dr R. AllardABC des Qouleurs articulaires, P. WolfABC des Elixirs floraux, E. et C. MaizireABC de I'Homopathie animale, B. SauvanABC des Huiles essentielles, Dr TelphonABC de Ilridologie, P. KandzaABC des Mdecines douces, P. ManouryABC de la Naturopathie, A. HeratchianABC de la Numrologie mdicale,

    Dr M. Rubin et M. Pitri-VignatABC des Oligolments, N. BlesABC de la Phytothraple, Drs Duraffourd,

    Lapraz et ValnetABC des Tisanes, Dr Telphon

    Spiritualit | ReligionABC de l'Angologie, J.M. PaffenhoffABC du Bouddhisme, F. MidalABC de la Franc maonnerie, G. GaribalABC de I'Islam, M. ArkounABC du Judai'sme, J. EisenbergABC de la Kaballe, D. Souffir

    ABC de I'Intelligence, G. Montlahuc ABC de la Kaballe, chrtienne, J.-L. de BiasiABC du Management, J. Gltre ABC du Soufisme, H. et A. SharifiABC de la Morphochirologie,M. Bouillon et ABC de la Spiritualit maonnique,

    P. Rouillier J.-L. de BiasiABC de la Morphopsychologie, C. Binet ABC du Zen, A. Saliba et P. Wagner

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  • Jean-Louis de Biasi

    ABCde l'sotrisme

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    maonruque

    Secrets des rites gyptens

    diteur: Michel Grancher

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  • Illustrations: D. R.

    ISBN: 2-7339-1066-3ISBN I 3 : 97 8-2-7339-1066-5

    ISSN:0761-019X

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  • Le vice de l'me, c'est l'ignorance. En effetquand une me n'a acquis aucune connaissancedes tres, ni de leur nature, ni du Bien, maisqu'elle est toute aveugle, elle subit les secoussesviolentes des passions corporelles. t...] Aucontraire la vertu de l'me est la connaissance... r

    Corpus Hermeticum, Trait X,

    Il comprit que celui qui lui donnait cesconseils, ne se souciait pas de redresser sa vie,tout en s'enorgueillissant de son initiation. Il lecorrigeait et l enseignait que pour ceux qui,mme sans avoir t initis, avaient connu unevie qui mritait f initiation, les dieux gardaientintactes les rcompenses; mais que les mchantsne gagnaient rien avoir pntr l'intrieur desenceintes sacres.

    N'est-ce pas ce que proclame l'hirophante?Car il interdit l'initiation ceux qui n'ont pas

    la main pure et qu'il ne faut pas initier. Empereur Julien

    - Discours, VII, 239b-c

  • INTRODUCTION

    La franc-maonnerie est une tradition fort anciennequi s'est constitue sous sa forme moderne en Angleterre la fin du xvt" sicle. L'ensemble de ses symboles et deses rites les plus connus sont censs nous ramener auxmythes des btisseurs et la fondation mythique dutemple de Jrusalem.

    L'histoire de la franc-maonnerie a fait l'objet danstous les pays d'un nombre trs important d'tudes. Laplupart du temps historiques, plus rarement philoso-phiques, elles tmoignent de la vigueur et de la perma-nence de cette riche Tradition.

    Il est parfois difficile d'avoir un recul suffisant pourapprcier toutes les facettes de ce complexe difice, car ledomaine initiatique n'est pas un monde toujours ration-nel et rigoureux. Or, la mthode historique a une cer-taine tendance ignorer ou rduire la porte des mytheset symboles. Souvent rfractaires une analyse clas-sique, les archtypes qui s'y dveloppent s'enracinenttrs profondment dans les courants des mystres anti-ques de la Mditerrane. Comme dans toute authentiqueinitiation, il existe un aspect visible, exotrique et un

  • ABC de l'sotrisme maonnique

    aspect occulte que nous appelons sotrique. Les cir-constances historiques de la fin du xx" sicle ont conduitdiverses obdiences europennes carter ou dnigrercette approche.

    Bien videmment il est dlicat de parler de l'sot-risme d'une faon rigoureuse sans trahir sa dimensionmystique, spirituelle et mme thurgique. Il s'agit bien dequelque chose qui se situe

  • Introduction

    pires des coles de Mystres de l'Antiquit. Cet en-semble de donnes y fut intgr parfois dlibrment,parfois sans le vouloir ou sans mme le savoir. Sousl'impulsion de francs-maons rsolument tourns verscette qute, ces connaissances sotriques s'agglom-rrent en rites maonniques spciflques. LJne importantebranche europenne de cette tradition sotrique sedonna comme enseigne l'ancienne gypte. Cette terretait, selon les anciens auteurs classiques grecs, la terredes dieux et donc la source de tous les cultes spirituels.Ces rites hermtistes et gyptiens apparurent pour la pre-mire fois Venise en 1788, puis dans le sud de la Franceen 1815, suite la redcouverte de l'Egypte. Ce furent lesRites de Memphis et Misram, aujourd'hui encore prati-qus dans diffrentes Obdiences maonniques dans lemonde. Certes, d'autres rites font de l'sotrisme leuraxe principal de travail, mais dans les pays europens,les Rites gyptiens de Memphis et Misram en sontvenus tre les reprsentants les plus visibles de cetteapproche maonnique. C'est pour cette raison que notretude de l'sotrisme maonnique utilisera l'histoire etI'enseignement du courant gyptien colme vecteurd'analyse. Cela ne signifie en rien que l'on doive limiteret circonscrire l'sotrisme maonnique ce que nousappellerons les rites gyptiens ! Ce serait trop rducteur.L'sotrisme implique une dimension voile qui donneson sens aux rites et symboles. Ce qui est vrai des ritesdits gyptiens, est donc tout aussi vrai du Rite Franaisou du Rite mulation, pour ne citer que ces deux rites.

    Mais au cours de son histoire, le courant maonniquegyptien a tent de rassembler dans sa structure, avec

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  • ABC de l'sotrisme maonnique

    plus ou moins de bonheur, l'hritage des traditionsgypto-hellnique, hermtiste et kabbalistique. Ces ritesgyptiens pourraient tre vus comme des cristallisationsse fixant progressivement autour d'une branche djexistante.

    Comme pour l'histoire maonnique en gnral, lamajeure partie des livres qui y sont consacrs sont histo-riques. Quoique tout fait intressants, ils ne donnentpas une ide juste de cette vivante tradition, de ce remar-quable exemple de l'sotrisme maonnique. Ils nemontrent que l'corce et ne parviennent pas toujours rvler la valeur et l'intrt pennanent de cette dimen-sion de la tradition. Bien plus, la tortueuse et tumul-tueuse vie de cette branche de la franc-maonnerieconduisit la majorit des autres francs-maons rejetercette forme d'sotrisme comme suspecte, largissantd'ailleurs ce rejet aux autres manifestations de l'sot-risme maonnique. Ceci est d'autant plus paradoxalque nous verrons qu'il s'agit du cur mme de cettetradition. Sans son acceptation et une bonne compr-hension de la nature mme de cette dimension, lafranc-maonnerie se retrouverait comme un corps sanssouffle et les francs-maons comme d'tranges mdecinstentant de maintenir en vie un tre dj mort.

    D'un autre ct, il faut bien reconnatre que les h-ritiers ou pratiquants de ces branches sotriques de lafranc-magonnerie n'ont en gnral pas fait grand-chosepour maintenir un niveau lev de leurs connaissancesphilosophiques, morales et initiatiques. Des drives ouattitudes que l'on comprendrait dans une franc-maon-nerie essentiellement proccupe de pouvoir temporel,

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  • Introduction

    deviennent difficiles comprendre et accepter dans unemaonnerie s'afflchant comme spirituelle et sotrique. Ilen est de mme des connaissances qui se devraient d'tre la hauteur de ces prtentions. Et que dire des fauxsecrets souvent utiliss dans un but de manipulation,bien loigne de la perspective de travail sur soi prndans le monde visible?

    Il conviendra donc de dmler dans cet ouvrage lesls de cette remarquable tradition en vous permettantd'apprcier sa richesse, son importance et utilit. Maisceci ne nous empchera pas de relever, lorsque nces-saire, les aberrations, mensonges ou errances.

    Allant au-del des fondements historiques, cet ou-wage vous aidera comprendre comment les traditionsantiques ont pu transmettre leur hritage et constituercertains rites et degrs maonniques. Nous pourronsalors voir comment et pourquoi des pratiques sot-riques ont t places sous une forme voile au sein decette nouvelle initiation maonnique.

    Nous expliquerons d'une faon claire quels sont lesrites et pratiques que l'sotrisme maonnique gyptiennous rvle. Enfln, diffrents rites et degrs devenus devritables rceptacles de pratiques initiatiques trs an-ciennes, nous aideront vous transmettre des techniquesimmdiatement utilisables.

    L'sotrisme maonnique se doit de rvler aujour-d'hui l'hritage qui est le sien. Le temps n'est plus auxverbiages pompeux des gardiens du secret, ni mme lacrainte d'une inquisition toute puissante. La confianceen l'tre humain est suffisante pour que nous sachionsqu'il est possible la fois de parler sa raison et son

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  • ABC de l'sotrisme maonnique

    intelligence, et invoquer dans un mme lan les puis-sances divines dont nous sommes issus et vers lesquellesnous retournons.

  • 1IIERMTISME ET FRANC-MAONNERIE

    Tradition orientale et reHgion gyptienne

    Il y a de nombreux sicles, lorsque les Grecs coulmeSthagore, Platon, Jamblique ou Proclus, voulaient re-monter aux sources de la tradition, ils devaient se rendreen gypte et y passer de longues priodes afin d'tudier q constituait leur tradition des Mystres.

    Citons Diogne Larce propos de Pythagore:

  • ABC de l'sotrisme maonnique

    Puis propos de Platon il crit, n l'g. de vingt-huitans, selon Hermodore, il s'en alla Mgare, chez Euclide,accompagn de quelques autres lves de Socrate. Puis ilalla Cyrne, auprs de Thodore le mathmaticien, etde chez lui en Italie, chez Philolaos et Eurytos, tous deuxpythagoriciens, puis en gypte, chez les prophtes. (Ibid. Tome I p. 165) Il en fut de mme pour de nom-breux philosophes de l'Antiquit qui taient initis auxprincipaux cultes de Mystres et accomplissaient unvoyage d'tude plus ou moins long en gypte.

    L'Orient de cette poque, c'tait l'gypte d'abord,la Msopotamie ensuite. Certes les philosophes del'Antiquit n'ignoraient pas la prsence des peuplesd'Extrme-Orient, des gymnosophistes comme ils lesnommaient, mais ce mondel tait autre chose. Desides religieuses et philosophiques furent changes,dans un sens comme dans l'autre, mais le cur et lasource de la tradition d'Occident demeurait l'gypte sa-cre, ainsi que Sumer et la Chalde travers le Nil.

    La source de cette tradition est la Mditerrane etles Matres Passs de cette tradition y puiseront leurconnaissance du sacr sous toutes ses formes. La franc-maonnerie en sera un lointain rameau. Mais avant d'enarriver cette poque moderne, il convient que nousnous penchions sur cette terre qui constitua le terreaude cette tradition.

    Parler des rites gyptiens sans voquer directementl'gypte, pourrait paratre bien surprenant. Or il s'agitl d'une question fort complexe. En effet, la reprsenta-tion dans la conscience maonnique de l'gypte, de ses

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  • H e rm tisme e t fr an c-ma onner ie

    traditions et de sa culture est bien souvent fort dcalepar rapport la ralit historique. Il est donc intressantde dire quelques mots sur la faon dont cette civilisationenvisageait sa relation au sacr. Nous pourrons ensuitecomprendre de quelle manire la tradition maonniqueglptienne s'articule concrtement par rapport cettelointaine origine.

    La premire remarque que nous pouvons faire, c'estqu'il n'est a priori pas possible de parler de philosophieglptienne, cette approche de la connaissance tant unecration hellnistique. Le monde gyptien se fonde sur lareligion, sur la relation au sacr. Les dieux sont l'lmentfondamental de toute la civilisation et le rapport que leshommes et les prtres entretiennent avec eux est garantde cet quilibre universel.

    L'utisation de rfrences mythologiques ou cultu-relles est toujours possible. Mais on ne peut se contenterde rpter mcaniquement les gestes et les paroles d'unrituel q utiliserait de telles rfrences gyptiennes. I1convient d'ouvrir notre conscience et de replacer cesnotions dans un contexte qui leur soit cohrent. Il n'estpas ncessaire qu'il s'agisse de la ralit historique laplus stricte. Cela relverait du dfi impossible, en toutcas inutile. Mais mconnatre l'algbre des mythes, desqm.boles, des fonctions et des noms qui les accompa-gnent relverait du seul plaisir anodin et gratuit. Il estdonc utile un moment donn d'en savoir suffisammentsur la culture de ceux qui les ont utiliss, pour tenterd'apprhender leur mode de pense. On peut approcherl'tude de l'homme gyptien, de son histoire, de son art,de son panthon, de ses conceptions religieuses et ven-

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  • ABC de l'sotrisme maonnique

    tuellement de sa langue, avant de chercher fairequelque interprtation que ce soit. Cette approche detype universitaire peut paratre dcale par rapport aubut recherch mais il faut reconnatre que les auteurssotristes sont souvent bien loigns de la ralit deschoses. Au pire il s'agit d'un pur dlire pyramido-maniaque, au mieux d'une rinterprtation la lumiredes concepts occidentaux du symbolisme et des mythes.Sous prtexte de Connaissance avec un grand C, on faitl'impasse sur la connaissance proprement dite. PourMircea liade, se plonger dans les livres, tudier, est unacte initiatique.

    Il est certain que le panthon grec est bien connu. Sastructure est atteste par une nombreuse littrature quilui tait contemporaine et par des tmoins archolo-giques. Ces dieux sont encore prsents dans notreculture, au moins sous leur forme romanise. Certainestudes contemporaines ont mme tent de rduire cha-cun d'eux une fonction archtypale lmentaire ducomportement humain. Ce n'est pas pour rien que lespsychologues et les astrologues les ont rcuprs sousleur forme authentique ou remanie comme outils d'ana-lyse. Plus proches de nos proccupations, les initiationsde la plupart des obdiences maonniques reprennent enpartie la structure des Petits Mystres d'Eleusis, mmecelle dont nous parlons et qui utilisent un vocabulairegyptianisant. Petits et Grands Mystres s'articulent vi-demment sur le thme de la mort et rsurrection enutilisant le support mythique de Dmter.

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  • H erm t isme e t fr anc-ma onnerie

    Il faut dire que l'utilisation de mythes et symbolesgrecs dans des rituels faisant intervenir le panthongyptien peut paratre curieux un esprit fru decohrence. Mais nous sommes trs aids par la synthsehermtique ne Alexandrie vers le tI. sicle. Davantagesynthse que syncrtisme, elle rassemble sans trop dedissonance le monde de Thot et celui d'Herms.

    I'oppos du domaine grec, le panthon gyptienn'offre aucun cadre cohrent, tout au moins perceptibled'emble. Lorsque l'on ne s'attarde pas sur les simplifi-cations abusives ou rinterprtations des sotristes ouoccultistes, la premire impression est celle d'un joyeuxdsordre. La personnalit de chaque dieu, et ils sontinnombrables, est fluctuante, mallable, voire contradic-toire. Ils pouvaient inspirer de la rpulsion aux Grecscontemporains: Tu adores le bauf, moi je sauifie auxdieux disait l'un d'eux. Par ailleurs, l'absence de livrecanonique ne facilite pas le travail de l'exgte.

    Nous pourrions nous demander pourquoi les gyp-tiens utilisaient un tel panthon. L'avis des Grecs estici intressant. Certains s'en moquaient, mais d'autresadmiraient les mystres gyptiens. La tradition voudraitque Pythagore et Platon aient acquis leur savoir enEgypte.

    La vrit est qu'il faut faire l'effort pralable de pn-trer ce monde avant d'en percevoir la richesse. Au dbut,on est attir par son tranget, puis on est rebut parcette mme tranget qui ne semble rductible aucunecomprhension. Enfln, si l'on fait l'effort de

  • ABC de l'sotrisme maonnique

    On ne peut se dpartir du religieux et parler unique-ment de symbolisme. L'un ne va pas sans l'autre, surtoutavec l'gypte. La religion n'est pas prire ou dvotion,c'est au sens propre un acte qui nous relie (religere). Atsens commun, cet acte suppose l'existence a priori dudieu, mais ce n'est pas aussi simple.

    I1 existe une forme d'action indissociable de la reli-gion gyptienne qui tend matriser les nergies de lanature, celles qui constituent la trame cache du tissu del'univers. Les gyptiens distinguaient le vrai etle rel. Lerel est la nature perceptible. Au-del, le vrai est I'ordreuniversel gr par les dieux, l'ensemble des nergiescosmiques qui donnent du sens la cration et luttenten pennanence contre le chaos originel. Dans ce mondedu vrai, se trouve ce que nous pourrions assimiler unematrice contenant une infinit de potentialits corres-pondant toutes les possibilits d'volution de l'universet des tres un moment donn. Et chaque instant uneseule possibilit se dgage et alimente le phylum tem-porel du rel. Ce lien du vrai et du rel n'est pas sousla coupe d'un dterminisme divin absolu. L'homme, leprtre est galement acteur et accompagne l'actiondivine. Comme Khnoum, il est le potier qui travaillesur la pte mallable du vrai par une sorte de crationperptuelle et lutte en mme temps contre le chaos.

    Le prtre gyptien n'est pas un mystique adorant undieu unique et transcendant, mais il tablit un lien avecdes dieux ayant revtu une ou plusieurs formes, dotsd'un ou plusieurs noms, mais accomplissant essentiel-lement un nombre limit de fonctions identifies. Ces

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  • Hermtisme et franc-maonnerie

    fonctions sont souvent d'apparences opposes maisrelvent de la mme finalit: entretenir et maintenir l'or-dre, social et cosmique. Le prtre est aussi une sorte demathmaticien qui connat les formules, les symbolesunis en une algbre, une combinatoire complexe maisefflcace.

    Le moyen d'action c'est bien sr le rituel. On n'enconnat que peu. Citons parmi les plus intressants,pour ce qui nous concerne ici, le rituel divin journalier,les rituels royaux de rgnration et le rituel d'animationdes statues, trs semblable au rituel d'ouverture de labouche.

    Le temple en gypte, sur la nature duquel nous re-endrons plus particulirement, est le lieu o rside ledieu. Les statues divines sont donc le centre d'un rite trsprecis qui vise permettre au dieu d'tre prsent en cemonde.

    Le texte de l'Asclepius parle de la faon dont un dieupeut se corporifier dans une statue. Mais il s'agit d'uneGuvre bien diffrente de la prsence de la chair et dusang du Christ sous les espces. Dans la perspectiveglptienne, c'est le Ba du dieu qui descend dans la statuegrce au rituel d'ouverture de la bouche. Le Ba n'est pasl'me contrairement ce qui est gnralement crit, maisest, entre autre chose, le pouvoir de transformation dudieu qui lui permet de passer d'une forme une autre.Donc le dieu ne se corporifie pas, mais plus exactementrevt la forme de la statue.

    Voici ce que dit le texte de l'Asclepius:

  • ABC de l'sotrisme maonnique

    plus haut, Dieu, est le crateur des dieux du ciel, ainsil'homme est-il l'auteur des dieux qui rsident dans lestemples et se satisfont du voisinage des humains: nonseulement il reoit la lumire (vie), mais il la donne sontour, non seulement il progresse vers Dieu, mais encoreil cre des dieux. [...]

    C'est une croyance universelle que la race des dieux estissue de la partie la plus pure de la nature, et que leurssignes visibles ne sont pour ainsi dire que des ttes, enlieu et place du corps entier. Mais les images des dieuxque faonne I'homme ont t formes des deux natures,de la divine qui est plus pure et inflniment plus divine, etde celle qui est en de de l'homme, je veux dire de lamatire qui a servi les fabriquer; en outre, leurs figuresne se bornent pas la tte seule, mais ils ont un corpsentier avec tous ses membres. Ainsi l'humanit, qui tou-jours se souvient de sa nature et de son origine, pousse-t-elle jusqu'en ceci I'imitation de la divinit, que, commele Pre et Seigneur a dou les dieux d'ternit pourqu'ils lui fussent semblables, ainsi I'homme faonne-t-ilses propres dieux la ressemblance de son visage.

    - Veux-tu dire les statues, Trismgiste?

    - Oui, les statues, Asclpius. Vois comme toi-mme

    tu manques de foi ! Mais ce sont des statues pourvuesd'une me, conscientes, pleines de souffle vital, et quiaccomplissent une infinit de merveilles; des statues quiconnaissent l'avenir et le prdisent par les sorts, I'inspi-ration prophtique, les songes et bien d'autres mthodes,qui envoient aux hommes les maladies et qui les guris-sent, qui donnent, selon nos mrites, la douleur et lajoie. (Asclpius chapitre 8)

  • H e rm t isme e t fr an c-m a onner ie

    Ces images ou ces statues performatives, les Pres defEglise les nommrent idoles puis les dtruisirent. Ilsmontraient l, soit leur ignorance, soit leur mauvaisefoi. Or, il ne s'agit pas d'idoles mais d'icnes, car jamaisbs gyptiens n'auraient ador ou utilis une image ouune statue sans vie. Ces statues animes taient le moteurmme de la religion. Traunecker parle leur sujet dethophanie portative. Par le rituel d'ouverture de labouche et la conscration sous le feu solaire, le prtre,par dlgation du roi, tablissait au moyen du rituelquotidien un point de contact entre le monde da vrai,l des dieux et le monde dt rel, celui des hommes.Par cet intermdiaire I'homme pouvait se rendre favo-rables les dieux et agir avec leur aide sur les forces puis-santes de I'univers, afin que l'ordre vainque le chaos etque rgne la Mat. On parlerait aujourd'hui de la lutteoontre les forces d'entropie, le chaos tant le retour I'indiffrenciation primordiale.

    Il s'agit bien d'une action dtermine par une pro-dure volontariste entirement mene par le prtre. Latheophanie ne relve pas ici de la volont dine, commepar exemple celle qui gouverne les apparitions de [aVierge. Ici I'homme en est le dclencheur.

    La tradition religieuse de l'ancienne Grce conservacette connaissance et aura le souci d'expliquer que lesChrtiens se trompent lorsqu'ils reprochent aux paensde prier leurs dieux sous la forme des statues. Celse,auquel rpondra longuement Origne crit en + 178dans le 4. livre du Discours Vrai: Ils [les Chrtiens] nepeuvent souffrir la vue des ternples, des autels, ni desstatues. [...] Les Perses partagent le mme sentiment

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  • ABC de l'sotrisme maonnique

    comme Hrodote le rvle dans ce passage de son his-toire : Je sais de bonne source que chez les Perses leslois ne permettent pas d'lever des autels, des temples,des statues: on taxe de folie ceux qui en rigent. C'estapparemment qu'ils pensent qu'on ne saurait attribueraux dieux une origine ni une forme humaine, commefont les Grecs. ce sujet, Hraclite crit quelquepart:

  • Herm tisme et franc-maonnerie

    Par exemple, le phnomne annuel de la crue du Nil, demme que l'orientation Sud-Nord de ce fleuve jouaientun grand rle. L'articulation des dieux par triades,ogdoades ou ennades, leurs gnalogies, leurs fonc-tions, leurs formes interpntres sont trs complexes etrebelles une comprhension immdiate pour un espritcontemporain.

    Il faut comprendre que le dieu en gypte est uneforme d'nergie oriente vers des fonctions spcifiquespsentant gnralement deux aspects, 1'un favorable,l'autre destructeur, les deux tant indispensables l'qui-libre social et cosmique. Hathor par exemple personnifielia femme, I'amante, mais c'est galement la desse dan-gereuse. La divinit, dans son naos, lorsqu'elle revt laforme d'accueil, requiert de n'avoir aucun contact avecIe monde profane, sauf avec le prtre. Si une protection,une scurit totale ne lui sont pas assures, elle s'enchargera elle-mme par tous les moyens dont elle disposey compris destructeurs. Les dieux gyptiens ne sauraientse comporter en fonction d'une morale du bien et dumal au sens o nous l'entendons. Ils f ignorent toutsimplement.

    Le flI, le canal qui reliait les dieux et leur monde I'homme gyptien semble aujourd'hui rompu. Cettesituation fut annonce il y a de nombreux sicles etcette sorte de prophtie semble bien actuelle. Le textede l'Asctpius crit propos de l'gypte: Ignores-tuque l'gypte est la copie du ciel ou pour mieux dire, lelieu o se transfrent et se projettent ici-bas toutes les

  • ABC de l'sotrisme maonnique

    oprations que gouvernent et mettent en uvre les forcesclestes ? Bien plus, s'il faut dire tout le vrai, notre terreest le temple du monde entier.

    Ces lignes peuvent tre interprtes plusieurs ni-veaux. Les Grecs dvelopperont cette doctrine philoso-phique au sein de l'idalisme platonicien, en montrantque le monde matriel n'est que I'apparence du mondedes ides, monde intelligible et spirituel contenant le mo-dle idal de tout ce qui existe ici-bas. Ainsi, il existe unetroite relation entre ces deux plans qui pourraient sem-bler incompatibles. La voie hermtiste empruntera cettevoie dans sa formulation philosophique. Sur le plan so-trique cette fois, les initis formuleront la mme vritd'une autre faon en parlant de macrocosme et de mi-crocesme, l'un tant I'image de l'autre. Certes, ils n'in-sisteront que peu sur la notion d'apparence illusoirede notre monde matriel et visible. Toutefois, un texteappel la Table d'meraude ou Tabula Smaragdina estdevenue en quelque sorte la synthse sotrique et alchi-mique de cette question. Les deux premires sentencesdu texte disent: l. Il est vrai sans mensonge, certain &trs vritable.2. Ce qui est en bas, est comme ce qui esten haut: & ce qui est en haut, est comme ce qui est enbas, pour faire les miracles d'une seule chose.

    Nous comprenons que le Cosmos, l'ordre du mondenat des relations entre ces deux natures, suivant l'ordredes plans clestes ou divins. Sur le plan sotrique, nouspouvons aller encore un peu plus loin et dire qu'il y aune relation directe entre ces deux plans. I1 s'agit d'unerelle connexion nergtique. L'Inde est un pays qui n'apas encore oubli ses dieux et leur monde. Or nous trou-

  • Herm tisme e t franc-maonnerie

    vons exactement la mme explication et ralit. Ainsi ilexiste des lieux gographiques sur lesquels les deux planssont en connexion. C'est ce que nous appelons un lieuthophaniqrre. certaines priodes du mois ou de I'an-ne, les portes entre les deux mondes s'ouvrent et lesnergies du ciel peuvent se mler celles de la terre. Ilen est ainsi du plerinage de Kumbh Mela (Kumba Melaou Kumbha Mel) en Inde qui est sans doute le plusgrand rassemblement religieux du monde (MahaKumbh Mela, 75 millions de plerins au total en 2001).Cette fte se droule pendant prs de deux mois tous les12 ans dans un mme lieu sacr.

    Il existe plusieurs variantes de I'origine du Kumbh(vase, coupe) Mela (Assemble, fte), dans les diverstextes sacrs indiens comme le Ramayana.

    La kumbha, vase sacr, contenait le nectar d'immor-talit (amrita). Aprs avoir pris le vase aux dmons(asura), un dieu transform en oiseau l'emporta au Nir-vana, faisant tomber des gouttes sur quatre lieux: Prayag(Allahabad), Ujjain, Hardwar et Nasik. Le voyage clesteayant dur douze jours, le Kumbh Mela a lieu tous les12 ans, dans un des quatre sites sacrs (il se produit doncen fait tous les trois ans alternativement dans ces quatrevilles).

    Dans une autre variante, dmons et dieux tiraient leserpent Vasuki tour de rle pour remuer l'ocan etainsi extraire le nectar, ce qui arriva au bout de milleans. Le nectar, contenu dans la Kumbha, tait tenu parDhavantari. Les dieux parvinrent s'en emparer maisdans leur prcipitation, ils renversrent quelques gouttesdans les quatre lieux cits.

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  • ABC de l'sotrisme maonnique

    Ces gouttes de nectar tant tombes dans les troisfleuves Godavari, Kshipra et Gange, ils devinrent leslieux sur lesquels il tait possible d'tre libr du cycledes renaissances. Il sufflt pour cela de se baigner troisreprises ces endroits. Pour des millions de plerins, cesbains rituels dans le fleuve leur assurent le salut eux,ainsi qu' leurs proches.

    Il est dit que lors de cette fte, les fleuves clestes etterrestres se rencontrent, mlant leurs nergies. Celui quise baigne ce moment-l dans ce point de jonctionbnficie de cette puissance la fois vibratoire et divinelui transmettant des bienfaits terrestres immdiats et desbienfaits spirituels influenant, comme nous venons de ledire plus haut, l'ensemble de ses destines futures.

    Il en tait exactement de mme enEgypte ou, comme nous le verronsdans les mythes, des lieux spcifiquesfurent marqus tout au long du Nilpar des pisodes mythiques. Le faitde s'y rendre lors de ftes particu-lires, de faire des offrandes auxdieux et de profiter des rites divins

    qui s'y droulaient permettait de se connecter au divin,influenant ainsi la vie quotidienne de chaque personne.Ce qui tait un acte sans conscience pour le peuple futtudi par les philosophes grecs qui se rendirent enEgypte. Il en fut de mme pour les initis de la traditionhermtiste qui hritrent de ces connaissances et de cessavoir-faire. Certes ils devaient disparatre et s'endormirdurant des sicles. Ces cycles taient prvus.

  • Hermtisme et franc-maonnerie

    L'Asclpiu.s poursuit en disant: Et cependant, puis-qu'il convient aux sages de connatre l'avance toutesIes choses futures, il en est une qu'il faut que vous sa-chiez. Un temps viendra o il semblera que les gyptiensont en vain honor leurs dieux, dans la pit de leurc@ur, par un culte assidu: toute leur sainte adorationchouera, inefficace, sera prive de son fruit. Les dieux,quittant la terre, regagneront leciel; ils abandonneront l'Egypte,cette contre qui fut jadis le domi-cile des saintes liturgies, mainte-nant veuve de ses dieux, ne jouiraplus de leur prsence. Des tran-gers rempliront ce ps, cetteterre, et non seulement on n'auraplus souci des observances, mais,chose plus pnible, il sera statupar de prtendues lois, sous peinede chtiments prescrits, de s'abste-nir de toute pratique religieuse, oude tout acte de pit ou de culteenvers les dieux. Alors cette terretrs sainte, patrie des sanctuaireset des temples, sera toute couvertede spulcres et de morts. [...] Carvoici que la divinit remonte auciel; les hommes abandonnsmourront tous et alors, sans dieuet sans homme, l'gypte ne seraplus qu'un dsert. (Asclpius,Chapitre 9)

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  • ABC de l'sotrisme maonnique

    Mais les dieux de l'gypte n'ont en fait pas disparu. Ilssurvivent dans notre mmoire sous une forme occidenta-lise. Nous devons remercier les Grecs et les Romains quiont transplant de nombreux cultes appels orientaux cette poque, mme s'ils ont t trs largement adapts ettransforms. Allons mme jusqu' remercier la chrtientqui a maintenu bien involontairement une tincelle de viegrce aux vierges noires, quand il ne s'agit pas des saintsdirectement issus du panthon gyptien. Cette expatria-tion des dieux, tout en entretenant leur souvenir, les arendus plus accessibles nos sensibilits occidentales parles diverses adaptations de caractre thologique que leura fait subir le monde grco-romain. Leur complexit a trduite de faon drastique en focasant les fonctions detoutes les divinits du panthon sur Isis et Osiris. surtoutIsis.

    Finalement, ces dieux nous sont proches car nous lespercevons au niveau des sentiments. On pourrait, re-bours de ce que dit la Bible, les voir corlme faits notreimage. Simplement, ils ne sont pas actualiss comme unindividu et une destine figs dans le temps, mais commedes potentialits de toutes les possibilits de vie attaches leur fonction. Isis/Hathor est celle qui potentialise lafemme. Qu'il s'agisse de sur, fille, amante, pouse,mre ou veuve, chaque femme sur terre en est une actua-lisation. Chacune est de la chair d'Isis et chaque hommeen est le fils. En cela se trouve la proximit.

    Si nous en revenons au panthon gyptien dans soncontexte authentique et non dans les formes adaptesgrco-romaines, cette mythologie n'est pas plus adapte

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  • H e rm t isme e t fr anc-ma onne r ie

    que les autres la dmarche symbolique car les processusde type initiatique ne sont pas clairement attests engypte. Certains considrent que les plerinages voquspar le papyrus de Leiden constituaient des initiations, maisalors il faudrait largement tendre l'acception du motinitiation. Ce n'est probablement qu'aux derniers siclesque sous les influences grecque et romaine, les cultes isia-ques ont inclu la dmarche initiatique. Cela dit, il convientd'apporter deux rserves. D'une part i1 est inconcevableque l'accession la prtrise n'ait pas t accompagnede rites spcifiques. D'autre part I'absence d'attestationn'est pas une preuve d'inexistence, la transmission oraletant frquente dans l'Antiquit. En fait, il existait bienune initiation au sens de passage d'un tat un autre,mais elle ne se pratiquait qu' la mort de f individu.

    Le rituel d'ouverture de la bouche, qui en tait undes composants, tait utilis sur les morts afin de leurpermettre de percevoir et de s'alimenter dans le mondede la Dout. On a vu qu'il tait utilis pour l'animationdes statues. On connat galement l'utilisation d'uneforme de ce rituel pour la conscration du temple l-mme. Or sa structure mme indique qu'il aurait pu,presque en son tat, tre mis en uvre pour la phasede renaissance d'un myste mort symboliquement dansun cadre initiatique classique. A l'extrme, c'est--diremme en considrant qu'il n'y a pas eu d'initiationdans l'gypte ancienne, le fait de l'utiliser dans certainsHauts Grades maonniques (que nous tudierons un peuplus loin), moyennant les adaptations et complmenta-tions qui furent ncessaires, en font une initiation d'unegrande richesse et d'un niveau quivalent celui des

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  • ABC de I'sotrisme maonnique

    Mystres d'Eleusis . La phase de nouvelle naissanceau plan de perception/action auquel le myste doit acc-der est tout fait signiflcative cet gard. Elle rappelleI'ouverture des sens du nouveau-n, sa dcouverte desdimensions de son nouveau monde et I'activation desfonctions physiologiques ncessaires sa survie. En re-vanche, pour toute la phase de dambulation dans laDout et de celle de la psychostasie, le Livre des Mortset autres textes similaires ne sont pas utiliss tels quelsaujourd'hui en raison de leur dcalage culturel, bien quel'esprit en soit conserv.

    Il faudrait galement voquer ici les rites de naissanceet de rgnration du roi. Malheureusement on ne saitpas grand-chose.

    Sur le plan artistique l'gyptomania a certainementproduit des uvres d'un intrt esthtique parfois discu-table. Il en est de mme quant l'aspect sotrique, maisen ce domaine, les erreurs ou approximations ne sontpas en elles-mmes trop problmatiques. N'ont-ellespas permis cette tradition de traverser les sicles etles gnrations?... Ce que l'on pourrait vritablementcritiquer dans une socit pratiquant l'gyptomania so-trique serait d'abuser leurs membres sur le sens et laporte de leurs pratiques. C'est hlas le cas dans la franc-maonnerie dite gyptienne laquelle nous nous atta-chons particulirement dans cet ouvrage.

    Il est trs diffrent de se rclamer d'une filiation spirituelle, que de faire croire son historicit. Plus gnra-lement ce problme des filiations, des chartes, des secretsdont tel ou tel Ordre se rclame pour asseoir son authenticit est un faux-semblant, quand ce n'est pas

  • H erm t isme e t fr an c-ma onner ie

    purement et simplement une escroquerie intellectuelle.Il parat vident que la franc-maonnerie a ramen aupassage des lments de la tradition gyptienne. MatreHiram sous l'acacia, coest par exemple Osiris sous letamaris de Byblos, retrouv par Isis la Veuve. Mais celaillustre plus un paralllisme tonnant des mythes fonda-teurs, qu'une simple gyptomanie.

    Ce qui est important, c'est d'tablir un lien par I'es-prit, par l'me et par le corps avec une tradition com-prise de la faon la plus exacte possible. C'est avant toutune aventure personnelle, mme si l'appui d'un groupeou d'un rite reste souvent indispensable. Dans la tradi-tion maonnique sotrique, celle de Memphis-Misraimen particulier et dans les rituels des trois premiers grades,comme nous le verrons plus loin, quelques rfrencesryptiennes sont utilises. Il s'agit vritablement d'unesorte de rappel symbolique, d'un rattachement motion-nel avec une tradition pressentie comme la source de laculture mditerranenne. Cela n'implique pas que toutesles rveries et fantasmes sur une tradition primordialeatlantolmurienne possdant la vrit de toute chose etI'ayant transmise aux gyptiens soient vrais... L encore,une dmarche authentique et honnte implique une exi-gence intellectuelle. On ne peut pas placer sur le mmeplan la ralit historique et le mythe. Ainsi, une fois lemythe replac dans le contexte qui l'a vu natre, les ritesqui se fondent sur lui pourront prendre toute leur valeuret accompagner le dveloppement de I'initi. C'est bienpour cette raison qu'un certain nombre d'Ordres nondirectement maonniques (voir les pistes Internet) et cer-tains rites maonniques notamment de Hauts Grades,

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  • ABC de l'sotrisme maonnique

    conduisent progressivement vers l'origine de cette tradi-tion, I'Egypte. Mais avant. de parvenir ce point, nouspouvons remarquer que l'Egypte sur laquelle nous nousfondons dans la tradition sotrique est en ralit, etpour une trs grande part, celle de l'poque ptolmaique.Cette riche priode a permis la fusion dans le milieualexandrin des principaux courants spirituels et la nais-sance de la tradition gypto-hellnique, de l'hermtismedans laquelle s'enracinent vritablement les courantsmaonniques sotriques dont nous parlons.

    Les mythes fondateurs

    Osiris

    Le mythe d'Osiris fut rapport, par les crivains grecset surtout par Plutarque (Isrs et Osiris).

    Osiris est considr comme l'tre perptuellementbon, mais son frre Seth, que Plutarque appelle Typhon,conut de la jalousie voir l'amour qu'Osiris attirait lui. Il s'adjoignit 72 complices... Ayant pris secrtementla longueur exacte du corps d'Osiris, Typhon, d'aprscette mesure, frt construire un coffre superbe, remarqua-blement dcor, et ordonna qu'on l'apportt au milieud'un festin. ta vue de ce coffre tous les convives furenttonns et ravis.

    Typhon promit alors en riant qu'il en ferait prsent celui qui, en s'y couchant, le remplirait exactement. Lesuns aprs les autres, tous les convives l'essayrent, maisaucun d'eux ne le trouva sa taille. Enf,n Osiris y entraet s'y tendit de tout son long. Au mme instant, tous les

  • Herrn tisrne et fr anc-maoruere

    convives s'lancrent pourfermer le couvercle. Lesuns l'assujettirent extrieu-rement avec des clous, lesautres le scellrent avec duplomb fondu. L'oprationtermine, le coffre fut portsur le fleuve et on le fit des-cendre jusqu' la mer.

    A cette tape du rcit, ontrouve quelques variantes,quoique assez rares, dans la littrature gyptienne. Ilest parfois fait mention d'un coffre et souvent de lanoyade d'Osiris immerg dans le Nil.

    C'est ce point de la lgende qu'intervient la Quted'Osiris . Selon les sources gyptiennes, Isis et Nephthysretrouvent le cadavre du dieu sur la berge de Ndit, le lieude sa mort. Mais, paralllement au dveloppement tardiftlu culte des reliques (chaque ville religieuse se vantant depossder un morceau du corps divin), une lgende pluscomplexe prit naissance, celle du dmembrement d'Osirispar Seth. Isis aurait retrouv le corps de son poux dans leport libanais de Byblos et l'aurait ramen en gypte. MaisSeth, ayant dcouvert la cachette o Isis I'avait dpos,reconnut le corps, le coupa en quatorze morceaux, et lesdispersa de tous cts. Informe de ce qui s'tait pass,Isis se mit leur recherche, monta sur une barque faite depapyrus et parcourut les marais. De 1 provient aussi queplusieurs tombeaux passent pour tre en gypte la spul-ture d'Osiris car Isis, dit-on, levait un tombeau chaquefois qu'elle dcouvrait un tronon du cadavre.

  • ABC de l'sotrisme maonnique

    Certains auteurs pourtant n'admettent pas cettelgende. Selon eux, Isis fit des images de ce qu'elle re-trouva et elle les donna successivement chaque ville,comme si elle eut donn le corps entier. Elle voulait ainsiqu'Osiris reut le plus d'honneurs possible, et queTyphon, s'il venait l'emporter sur Horus ft, dans sarecherche du vrai tombeau d'Osiris, gar et tromp parla diversit de tout ce qu'on pourrait lui dire ou luimontrer. La seule partie du corps d'Osiris qu'Isis neparvint pas trouver fut le membre viril. Aussitt arra-ch, Typhon l'avait en effet jet dans le fleuve et le lpi-dote, le pagre et l'oxyrrynque l'avaient mang... Pourremplacer ce membre Isis en fit une imitation, et laDesse consacra ainsi le Phalos dont aujourd'hui encoreles gyptiens clbrent la frte.

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  • Herm tisme e I franc-ma onnerie

    La rsurrection du dieu attribue tantt sa mreNout, tantt la piti de R qui envoie son secoursle dieu Thot et ses sortilges, tantt aux bons offlcesd'Anubis, est voque par des livrets tardifs. Ils nousrapportent les plaintes d'Isis et Nephthys, les appelsdchirants par lesquels elles invitent le dieu revenirsur terre. L'iconographie a conserv f image des deuxdesses balanant leurs grandes ailes au chevet du dieumort pour lui rendre le souffle de la vie. Nous apprenonsainsi comment Isis conut un fils de son poux djdfunt et cacha longtemps cet enfant posthume, le petitHorus, dans les marais de Chemmis, afin de le soustraireaux recherches de Seth. Puis les contes et les textes reli-geux nous racontent I'arrive du fils vengeur de sonpre, qui s'attaque Seth; enfin le jugement des Dieuxqui rpartit l'univers entre Horus et Seth (d'aprs leDictionnaire de la civilisation gyptienne de GeorgesPosener, Fernand Hazan, Paris 1970, pour les l'. et3e parties du rcit).

    Hiram

    Le mythe d'Hiram, fondation du troisime degr de lafranc-maonnerie, devint, ds sa cration, la marque duMatre accompli. Il est donc important de rsumer cercit de telle faon que vous puissiez tablir le momentvenu, les relations symboliques ncessaires.

    Marconis de Ngre dans son Panthon maonnique(1860) explique que la Lgende d'Hiram, que la plupartregardent comme le rcit d'un simple fait historique, estun aide-mmoire symbolique. Il poursuit:

  • ABC de l'sotrisme maonnique

    hiram est en chalden l'expression la plus leve de lae; comme personnage allgorique, Hiram est videm-ment l'Osiris des gyptiens, le Mithra des Perses, I'Atysdes Phrygiens, I'Adonis des Phniciens, le Bacchus desGrecs; il est, comme eux, l'emblme du soleil qui, par-courant dans sa marche apparente les douze signes duzodiaque, claire et feconde l'hmisphre septentrional ;puis, descendant sous l'quateur; va porter la chaleur etla vie l'hmisphre austral. Dans un hymne qu'on at-tribue Orphe, le pote dit que tantt Adonis habite leTartare obscur, et que tantt, montant vers I'Olympe, ilfait renatre la verdure et mrir les fruits. Macrobe, son tour, dit que les physiciens ont donn le nom deVnus I'hmisphre suprieur que nous habitons, etcelui de Proserpine I'hmisphre infrieur.

  • Hermtisme et fr anc-maonnerie

    dans les montagnes et se reposer deux mois dans leursfoyers. Tous ces ouvriers taient placs sous les ordresimmdiats d'Adoniram. I1 y avait, en outre, 70 000 ma-nuvres qui portaient les fardeaux et 80 000 tailleurs depierres, tous surveills par 3 300 Matres, qui donnaientles ordres au peuple et aux ouvriers.

    Aprs treize annes de travaux non interrompus, letemple se trouva achev Salomon fit venir de TyrHiram, frls d'une femme veuve de la tribu de Nephtali etd'un ouvrier tyrien nomm Ur (feu). Hiram travaillait lebronze avec une adresse merveilleuse; il tait d'ailleursrempli de sagesse, de science et d'intelligence. Il fitdeux colonnes de bronze de 48 coudes de haut chacune,et fondit part deuxchapiteaux de 5 coudeschacun, qu'il plaa surle haut des colonnes.Elles furent dresses dansle vestibule du temple:I'une droite, qu'Hiramappela B...; I'autre gau-che, qu'il appela J... I1 fitensuite une mer de fontecirculaire de 40 coudesde diamtre et de 5 cou-dees de hauteur; elle taitentoure de supports enforme de consoles, placspar faisceaux de dix danschaque intervalle d'unecoude. Enfin, cette mer

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  • ABC de l'sotrisme maonnique

    tait pose sur douze bufs, dont trois regardaient leSeptentrion, trois l'Occident, trois le Midi, et troisl'Orient. Tous ces ouvrages et beaucoup d'autres dumme genre, destins orner f intrieur du temple, furentfondus dans une plaine argileuse, non loin du Jourdain.

    Les ouvriers placs sous les ordres d'Hiram taientdistribus en trois classes: Apprentis, Compagnons etMatres, dont le salaire tait gradu suivant la classe.

    Les Apprentis s'assemblaient, pour tre pays, lacolonne B..., les Compagnons la colonne J..., et lesMatres dans la chambre du milieu. Quinze Compa-gnons, voyant le temple presque fini sans qu'ils eussentobtenu le grade de Matre, parce que leur temps n'taitpas expir, rsolurent d'arracher par force Hiram lesmots, les signes et les attouchements de ce grade, afin depasser pour des Matres et d'en recevoir le salaire. Douzede ces Compagnons rflchirent aux consquences pro-bables de cette mauvaise action, et finirent par renoncerau dessein qu'ils avaient form; mais trois persistrent etrsolurent de faire violence au Matre, pour obtenir laparole et le signe. Ces trois ouvriers sachant que leMatre venait tous les jours, midi, faire sa prire dansle temple, tandis que les ouvriers se reposaient, allrentse placer l'un la porte du Sud; l'autre la porte del'Ouest et le dernier celle de l'Est.

    Ainsi embusqus, les trois Compagnons attendirentqu'Hiram et fini sa prire et se prsentt, pour sortir, I'une des portes du temple. Il se dirigea d'abord vers laporte de l'Est. Le mauvais Compagnon lui ayant de-mand le mot de Matre, Hiram rpondit qu'il ne pouvaitle lui donner ainsi; qu'il fallait d'abord que le temps de

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  • H erm t isme e t fr anc-ma onnerie

    son compagnonnage fut termin, et qu'ensuite, s'il avaitrellement mrit une augmentation de salaire, le mot nepourrait lui tre confi qu'en prsence des rois d'Israletde Tyr car ces deux rois et Hiram avaient fait serment dene le donner que lorsqu'ils seraient runis tous les trois.Mcontent de cette rponse, le Compagnon frappa leMatre d'un coup de rgle au travers de la gorge.

    Hiram s'enfuit vers la porte du Sud, o il trouva ledeuxime mauvais Compagnon qui lui fit la mme de-mande, et, sur son refus, lui porta sur le sein gauche uncoup violent de l'querre de fer dont il tait arm.

    Hiram se sauva chancelant vers la porte de l'Ouest,o le dernier des comploteurs lui f,t la mme demandeque les deux autres, et sur son refus, lui assna un siterrible coup de maillet sur le front qu'il l'tendit mort ses pieds.

    Les trois meurtriers s'tant rejoints, se demandrentreciproquement la parole de Matre; mais voyant qu'ilsn'avaient pu l'obtenir, et dsesprs d'avoir commis uncrime inutile, ils ne songrent plus qu' en drober lestraces; ils enlevrent donc le corps d'Hiram, le cachrentsous un tas de dcombres, et pendant la nuit le portrenthors de Jrusalem, o ils l'enterrrent sur le penchant dela montagne.

    Le lendemain, Hiram ne paraissant pas aux travaux,comme son ordinaire, Salomon t des recherches quin'amenrent aucun rsultat; mais les douze Compa-gnons qui s'taient retirs, souponnant la vrit, mirentdes gants et des tabliers blancs en signe de leur inno-cence, puis allrent trouver Salomon et f informrent dece qui s'tait pass.

    4t

  • ABC de l'sotrisme maonnique

    Salomon envoya ces douze Compagnons la re-cherche du Matre, en leur promettant la matrise s'ilsrussissaient dans leur mission. Craignant que la parolen'et t arrache Hiram avant sa mort, s'il avait rel-lement succomb quelque violence, il fut convenuque le premier mot qui serait prononc en retrouvantle corps d'Hiram deviendrait dsormais la parole deMatre. Aprs avoir voyag pendant cinq jours sansrien dcouvrir, les Compagnons vinrent rendre compte Salomon de l'inutilit de leurs recherches; celui-ci fitalors partir neuf Matres, qui se rpandirent dans lamontagne et furent plus heureux que les Compagnons:l'un d'eux, en effet, puis de fatigue aprs une longuecourse, voulut se reposer sur un petit monticule, o ilremarqua que la terre avait t nouvellement remue; ilappela ses Frres et tous ensemble creusant la terre,trouvrent un cadavre qu'ils prsumrent tre celui d'Hi-ram; mais n'osant pousser leurs recherches plus loin, ilsrecouvrirent la fosse, et pour la reconnatre y plantrentune branche d'acacia; puis ils vinrent rendre compte Salomon de la triste dcouverte qu'ils avaient faite.

    Renvoys immdiatement sur le lieu o les assassinsavaient enterr Hiram, les Matres procdrent pieuse-ment son exhumation; mais quand le cadavre eut tcompltement dcouvert, ils ne purent s'empcher defaire un signe d'horreur, car le meurtre remontant dj neuf jours, le corps tait en pleine dcomposition; ilss'crirent tous : M. : B. L'un d'eux essaya de le souleveren le prenant par l'index de la main droite, et en disant:-8.:, mais le bras retomba inerte le long du corps; unsecond le prit par le doigt majeur de la main droite, en

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  • H er m t isme e t fr anc-ma oruter ie

    disant: ,/..', mais cet effort n'eut pas plus de rsultat quele premier; alors un troisime prit le poignet droit ducadavre et le releva par les cinq points de la matrise, endisant: M.: B.

    Salomon organisa pour le Matre des obsques ma-gnifiques; il fut inhum dans le sanctuaire, et on plaasur son tombeau une mdaille d'or triangulaire, surlaquelle tait grav l'ancien mot sacr. Aprs la mortdu Matre, les Frres prirent soin de sa mre, qui taitveuve, et qui vcut Tyr jusqu' un ge trs avanc.

    Les francs-maons se rfrant l'gypte, ne rem-placent que trs rarement le mythe d'Hiram par celuid'Osiris, pourtant quivalent au niveau du symbolisme.C-e dernier est plus gnralement associ Hiramoourme un complment d'instruction. Dans la franc-ma-onnerie gyptienne, le mythe d'Hiram comprend tou-tefois certaines petites nuances ou complments destins enraciner le mythe dans cette symbolique terre noired'gypte.

    Ainsi le rcit du troisime degr du rite de Memphis-Misram colmence par: Notre Matre, que l'onnommait lmhotep en gypte et Hiram-Abi Tyr.

    Aprs le meurtre d'Hiram, le rcit symbolique rituelprcise: Ainsi prit Hiram, l'homme juste et fidle son devoir jusqu' la mort. Depuis le moment fatal quinous a privs de notre Matre, les tnbres couvrentl'gypte et nos Travaur sont suspendus. Toutefois, l'es-prance nous reste, ne perdons point courage, et effor-ons-nous de poursuivre l'uvre inacheve.

  • ABC de l'sotrisme maonnique

    Dans un des rites gyptiens, le moment o Hiramest relev par les cinq points est associ un geste sym-bolique effectu par le Vnrable de la Loge. Celui-ciredresse un pilier Djed (symbole trs important dansl'ancienne gypte) qui se trouvait couch sur sa tableen disant: Tu as de nouveau ton axe, ta colonne vert-brale. Ton corps est renouvel, ton cur a cess debattre, puis tu es revenu la vie. Le pilier d'or est dress.Puisses-tu comme nous en tre rjoui.

    Peut alors retentir l'hymne tout imprgn d'orphismeque nous donne Marconis :

  • 2LA RENAISSANCE D'HERMS

    Herms et la franc-maonnerie

    Comme nous venonsde le comprendre, tousles acteurs de la tradi-tion sotrique maon-nique ont tent de fairerevivre les anciens Mys-tres, les synthtisantplus particulirement ausein des rites gyptiens.Nombreux ont t lessymboles, les sequences rituelles qui ont pntr les dif-frents aspects et rites de la tradition maonnique queI'on pourrait qualifier de plus symbolique et morale,sans quo ces termes ne contiennent rien de pjoratif oude disqualifiant. Plus explicitement, les rites orienta-tion sotrique > ont tent de faire revivre ce qui leursemblait particulirement riche dans les traditions dupass.

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  • ABC de l'sotrisme maonnique

    L'hermtisme est prsent plus d'un titre dans latradition maonnique et il convient de le distinguer del'sotrisme. Il s'agit d'un courant de la tradition occi-dentale ou mditerranenne qui s'est dvelopp partirdes civilisations gyptiennes, grecques, latines et byzan-tines, avant de revoir le jour au cours de la Renaissanceitalienne dans le milieu florentin. Comme l'crit Fran-oise Bonardel dans l'introduction de son remarquableouvrage L'hermtisme: Parler de la tradition herm-tique, c'est donc dsigner un courant de pense mythi-quement et historiquement fond sur les Hermetica(textes hermtiques) et plus particulirement sur la fa-meuse Table d'Emeraude. [...] Autonome par rapport auChristianisme, indpendant l'gard des socits initia-tiques constitues, I'Hermtisme aurait en fait rassemblau cours des sicles de I'histoire occidentale, une familled'esprits avant tout dsireux de travailler au dpas-sement de toutes les formes de dualisme; il serait carac-tris par un certain type de sensibilit, susceptible parsa plasticit mme, d'accueillir des voies de ralisationspirituelle diffrentes.

    On le voit, la pense que va constituer au cours de sonhistoire l'hermtisme et en assurer la prennit, est undsir d'associer la raison, l'intelligence, la qute du d-passement de soi et l'avancement vers une libre spiritua-lit non infode une chapelle quelconque, fusse-t-elleinitiatique. Malgr la disparition de textes d'une trsgrande importance, un vritable corpus philosophiquenous est nanmoins accessible. Nous pouvons trouverplusieurs catgories d'uvres. Celles qui sont typique-ment hermtistes se trouvent pour la plupart dans le

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  • La renaissance d' Herms

    Corpus Hermeticum et darus I'ensemble des textes qui lecompltent comme tes Oracles ChaldaiQues, et diverstraits thologiques et philosophiques. Bien videmmentI'axe central de cette tradition philosophique et spiritua-liste s'inspire des uvres de Platon et ses continuateursfirent plus que perptuer son enseignement. Ils codi-trent et runirent en un tout quilibr et significatif laphilosophie et la spiritualit. Cette forme particulire estappele Religio Mentis.Ici la pratique de la philosophiedeent l'activit de la vie spirituelle, une vritable qutedu divin. Les philosophes noplatoniciens et hermtistesd'alors runirent l'initiation aux Mystres antiques dontla franc-maonnerie est l'hritire spirituelle, cetteapproche originale de la philosophie.

    L'Antiquit connut galement ce qu'il est convenud'appeler les cultes Mystres . Ils correspondent detrs prs certaines formes maonniques, mais doiventtre distingus de la pratique religieuse courante. LesMystres transmettent une connaissance cache, sot-rique, un petit nombre d'individus parfois slectionnspour leurs qualits essentiellement morales. Ils utilisentdes techniques spirituelles et rituelles diffrentes selonles lieux sacrs qui les perptuent. Les initis ou Mystessont lis par des serments qui les obligent garder se-crets leurs connaissances et expriences. Il en est demme pour certaines coles de la philosophie grecque.Ainsi Clment d'Alexandrie crit-il : Non seulementles Pythagoriciens et Platon cachent la plupart de leursdogmes, mais les picuriens eux-mmes avouent qu'il y achez eux des secrets et qu'ils ne permettent pas tout lemonde de manier les livres o ils sont exposs. D'autre

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  • ABC de l'sotrisme maonnique

    part encore, suivant les stociens, Znot crivit certainstraits qu'ils ne donnent pas facilement lire leursdisciples. (Stromates, V, 9) De mme Jamblique crit:

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    oorme I'alchimie, implique tout simplement un certainnombre de textes rvls, transmis et interprts par unMatre quelques disciples soigneusement prpars [...]Il ne faut pas perdre de vue que la rvlation contenuedans les grands traits du Corpus Hermeticum constituela gnose suprme, notamment la science sotrique assu-rant le salut; le simple fait de I'avoir comprise et assimi-lee quivaut une initiation .

    Une fois de plus et sans entrer dans les dtails de tousles ouvrages et Matres qui constituent ce courant, il estfondamental de remarquer que cette cole met en avantla philosophie, la raison et l'tude. Tmoin la prire quiouvre le Commentaire de Proclus sur le Parmnide: Jeprie tous les dieux et toutes les desses de guider monesprit vers le sujet que je me propose et, aprs avoir allumen moi la brillante lumire de la vrit, de dployer monintelligence pour atteindre la science mme des tres,d'ouvrir les portes de mon me pour qu'elle puisse accueil-lir la doctrine divinement inspire de Platon, et, ayant misn mouvement ma facult de connaissance vers ce qu'ily ade plus lumineux dans l'tre, de mettre fin en moi laprtendue sagesse et l'errance parmi les non-tres,par l'tude toute intellective des tres, desquels 1'i1 del'me se nourrit et s'abreuve, comme le dit Socrate dansle Phdre. (Proclus, In Parm. 1,617-l)

    L'tudiant se doit d'tudier, de rflchir, d'approfondirles textes de la tradition qui lui sont confis. Cet appren-tissage est certes le fruit d'une longue rflexion solitaire,mais elle peut ne pas se rduire cela. En effet, nous nepouvons pas rellement sparer la tradition hermtistedes courants et coles philosophiques lis directement

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    ou indirectement au noplatonisme. Il est clair que l'tudephilosophique telle qu'elle est conue par Platon la stede Pythagore est en troite relation avec les courantsmystiques tels que le Pythagorisme ou I'Orphisme. Vou-loir cloisonner les diffrents courants serait vain, car laparent de certaines doctrines est vidente. Quoi qu'il ensoit, l'hermtisme mit davantage l'accent, au dbut de satradition, sur l'tude philosophique plutt que sur la r-vlation mystique. Ce fut entre le ue et le vI' sicle quela fusion entre les diffrents aspects philosophiques etmystiques s'effectua. Parmi ceux qui constiturent cettetradition, nous pouvons citer Plotin, Jamblique, Plu-tarque, Syrianus, Proclus, Damaskios. Les initiationsde l'Antiquit (dont nous reparlerons de manire plusapprofondie plus loin), bien que spares de l'hermtisme,n'en sont pas moins en interaction.

    Herms est cel qui voit et embrasse toute chose.Nous qui sommes noys dans la multiplicit du monde,aspirons un recul, une perspective qui nous permet-trait de donner un sens I'existence et au monde danslequel nous vivons. C'est un des objectifs de la qutehermtiste: rechercher et restaurer I'unit qui replacel'homme dans son rle de mdiateur entre les puissancesdivines et le monde naturel. Cette place retrouve del'homme accomplissant I'acte rconciliateur, ouvre lavoie cette tradition et donne naissance ce que l'on aappel L'Aurea Catena ou chane d'or des initis. Lavocation d'Herms est donc d'tre mdiateur, restaura-teur ou "sauveur" de l'ambigut lgitime et primordiale,pre de la rcurrence et donateur la fois du perfection-nement du savoir. >

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    Comme l'crit F. Bonardel,

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    chercher dans les milieux de cette poque. Cme deMdicis, Matre de Florence, invita et 1439 le Concilequi tentait de runir les glises d'Orient et d'Occident, se tenir en sa ville. Parmi les Grecs invits, se trouve unrudit de 85 ans, Giorgios Gemistos Plthon. Il ne faisaitpas partie des thologiens catholiques ou orthodoxes,mais tait un philosophe platonicien tolr par le pouvoirpolitique grec et byzantin. Formidable rudit, connais-sant la tradition chrtienne aussi bien que grecque, ilapportait cette prsence et cette permanence de la penseplatonicienne, capable de dnouer les subtilits thologi-ques dans lesquelles s'enfermaient les docteurs chr-tiens. Mais son objectif n'tait en rien comparable celuidu concile car selon ses termes, < toutes les religions nesont que des morceaux du miroir bris d'Aphrodite. Profondment platonicien, il transmettait une vision re-nouvele de l'hellnisme, pur par le noplatonisme etseul capable selon lui d'viter la dcadence morale etspirituelle. Son objectif tait de permettre l'homme des'amliorer et d'atteindre le bonheur:

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    discussions philosophiques. Sur la proposition de ce der-nier, il ouvrit une cole divisant les lves en Exotriques(oeux qui taient attachs la doctrine chrtienne et nepouvaient recevoir la totalit de la doctrine) et sotri-ques (ceux qui taient initis la doctrine des manationset la doctrine complte de l'hellnisme platonicien).Plthon s'opposait donc l'aristotlisme, enseignant lamthode qui permettait chacun de remettre en causeses prjugs et de pratiquer l'ancienne technique de laconnaissance de soi selon l'ancienne formule grecqueconnais-toi toi-mme et tu connatras I'Univers et lesDieux., travers lui, l'Acadmie de Platon renaissait,en rupture avec les systmes habituels de cette poque.

    Cette cole poursuivit ces activits jusqu' ce quequelques annes plus tard, en 1459, Marsilio Ficino, filsdu mdecin personnel de Cme, fonde sur demande decelui-ci, la premire Acadmie Platonicienne et f installe la Villa Careggi, prs de Florence. Pendant de nombreu-ses annes, les plus grands esprits et artistes vont serencontrer, rsider, travailler et vivre pour certainsdans

  • ABC de l'sotrisme maonnique

    frres acadmiciens doivent avoir le mme but: or si cebut est la richesse, les honneurs et la science pure, il nepeut exister d'amiti, parce que ces buts provoquent aucontraire la jalousie, la vanit, l'envie et la haine. L'ami-ti vritable n'est possible qu'entre frres qui cherchentensemble le bien. (Marsile Ficin, Opra Omnia, vol. I

    -

    cit par D. Bresniak)On voit combien ce travail et cette qute sont proches

    de la dmarche maonnique bien comprise.Durant plusieurs annes, de grands esprits se rassem-

    blrent et travaillrent. Sous la direction et l'impulsionde M. Ficin, avec la protection constante et la demandede Cme de Mdicis, la plupart des textes hermtistes,platoniciens et noplatoniciens furent traduits. Lesacteurs de I'acadmie de Florence rveillrent alors latradition hermtiste des anciens philosophes noplato-niciens et, travers erx, celle de l'gypte ptolmaique.Ils redonnrent vie cette

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    oommentaires du dernier livre du Corpus Hermeticum,lAsclepius nous montre cette association entre la kab-bale et le platonisme. partir de cette poque, il estpossible d'identifier avec une relative prcision le chemi-nement de la tradition hermtiste, dont la philosophie dela franc-maonnerie gyptienne est la lointaine hritire.

    Il est intressant de dire un mot sur cette chaned'or>, qui devint le cur de l'hermtisme, reliant parI'esprit chacun des acteurs de cette tradition tout aulong de l'histoire et symboliquement les hommes auxDieux. C'est encore elle qui est toujours prsente danshs aspects les plus riches de cette tradition maonnique.

    La chane d'or est mentionne sans doute pour lapremire fois dans le VIII" chant de l'Iliade. Homrefait parler Zeus qui se dclare le plus grand et le pluspuissant des Dieux. Il dit: Eh bien ! dieux, tentez unepreuve, afin que tous en soyez convaincus! Suspendezau ciel une chane d'or et accrochez-vous-y, tous, dieuxet desses; vous ne parviendrez pas tirer un ciel sur laterre Zeus, Matre suprme, si grand que soit l'effort quevous fassiez. Mais si moi-mme alors je me dcidai tirer, je tirerais avec vous et la terre et la mer. Je pourraisenste attacher cette chane au sommet de l'Olympe ettout resterait suspendu dans les airs, tant je suis au-dessus des dieux et au-dessus des hommes !

    Ainsi parla-t-il, et tous restrent silencieux et cois,mus de ses propos... Bien videmment et commepour la plupart des textes fondateurs, les philosophesct hermtistes en feront une lecture symbolique. Ellesera rapproche des interprtations noplatoniciennes

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  • ABC de l'sotrisme maonnique

    des manations de l'IJn, elle deviendra > (L'hermtisme, F. Bonardel, Ed. Quesais-je?) J.-8. Porta, dans son ouvrage sur La magienaturelle crit [La chane d'or] est une corde tenduedepuis la premire cause jusques aux choses basses etinflnies, par une liaison rciproque et continue: de tellesorte que la vertu suprieure rpandant ses rayons vien-dra ce point, que si on touche une extrmit d'icelle,elle tremblera et fera mouvoir le reste. Car dans cetteconception, l'homme est le point central de la cration. Ilest la rfrence perceptive partir de laquelle le mondes'organise, se pense, reli par cette chane d'or l'en-semble de l'Univers, aux diffrentes manations issuesdu Sublime Architecte des Mondes .

    La nouvelle Acadmie de Florence se plaa danscette continuit et devint un centre intellectuel de pre-mier plan, o s'effectua la riche fusion de la traditionjudo-chrtienne et des philosophies de l'hermtisme an-tique. Il est intressant de remarquer que la NouvelleAcadmie>r n'opposait pas la philosophie du paganismeantique noplatonicien au christianisme. Cette redcou-verte des traditions anciennes entrana au contraire unenrichissement rciproque. Ces esprits clairs et libresconcilirent la tradition d'Herms prsente dans lesenseignements des philosophes de cette chane d'or>@laton, Plotin, Plutarque, Jamblique, Proclus, etc.),avec les enseignements kabbalistiques judo-chrtiens

  • La renaissance d' Herms

    (vous pouvez vous reporter pour cet aspect l'ouvrageABC de la Kabbale chrtienne que j'ai consacr cenrjet).

    C'est en effet cette poque de I'Histoire que s'accen-Ee la rupture dcisive entre la raison et la foi. OrI'hermtisme du xv" sicle, fidle en cela la vocationd'Herms d'tre mdiateur, restaurateur ou "sauveur"de l'ambigut lgitime et primordiale, pre de la rcur-rence et donateur la fois du perfectionnement du sa-voir va tenter une rconciliation et une rgnration delr tradition que I'on pourrait qualifier de philosophieoulte. Car sous l'gide d'Herms, la nouvelle Acad-mie va tenter de runir savoir scientifique et gnose, foilnienne et chrtienne, antiquit et modernit. C'est unenouvelle re d'enthousiasme de I'esprit sortant de siclesde tnbres.

    Cette hroique tentative ne fut pas perue avec autantde tolrance de la part des pouvoirs de t'glise. En effet,faccent tait mis sur le plan philosophique et noplato-nicien plutt que chrtien. L'influence et l'approche defceuvre de M. Ficin, de Giordano Bruno, de T. Campa-nella et de bien d'autres se fit sentir dans toute I'Europe.

    Outre la richesse et la profondeur philosophique dontnous allons parler un peu plus loin, les ouvrages grecstraduits identifiaient l'gypte comme origine mythiqueet source de la tradition spirituelle. Or ce pays tait pourles Grecs le lieu o devait se rendre tout philosophe, toutindividu qui dsirait s'initier la sagesse.

    La redcouverte des ouvrages de Plutarque et deJamblique sur la tradition gyptienne, rendit peu peuddent aux traducteurs de la Renaissance qu'il existait

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  • ABC de l'sotrisme maonnique

    au-del de l'ancienne Grce, une tradition encore plusancienne qu'il convenait d'tudier. La campagned'gypte de 1798 aboutit quantit de dcouvertesdont nous bnficions encore. C'est ainsi qu'et 1822Champollion dcrypta enfin l'criture hiroglyphique.

    Dj en Angleterre, Anderson faisait rfrence auxMystres antiques et la franc-maonnerie se mit peu peu intgrer des lments symboliques relevant destraditions antiques. Certes ils ne furent pas dveloppscomme nous avons pu le montrer dans le chapitreprcdent, mais l'intention tait dj bien prsente.

    Le dcor du temple, le droulement des rituels se mo-difia quelque peu dans les premiers grades et acquit dansles hauts grades une teinture

  • La renaissance d' Herms

    un exemple concret de la prsence d'une tradition fortantique dans ses rituels.

    Philosophie hermtiste et rites gyptiens

    Il est courant de considrer que la tradition maon-nique est une institution issue des corporations de m-tiers et par extension un prolongement original de latradition biblique. L'introduction dans la Loge, la d-couverte de la lumire et plus encore le mythe d'Hiram,semblent une nouvelle exgse symbolique, initiatique,pour ne pas dire humaniste, de la rvlation biblique.Les Hauts Grades de l'cossisme approfondissent cetterelation en tirant les consquences du mythe et en reve-nant sur tel ou tel pisode biblique. Les points suscepti-bles de conforter ces sources dans nos rites sontnombreux et c'est la raison pour laquelle on ne cherchehabituellement pas d'origine diffrente qui soutiendrait,telle une fondation oublie, l'ensemble de l'difi.ce ma-onnique.

    Une des raisons qui nous conforte dans cette positionest l'origine historique de la franc-maonnerie spcula-tive et la considration du milieu dans lequel elle estapparue. L'anglicanisme d'alors tait sensiblement pluslibral que t'glise de Rome, qui n'a cess de condamnerla franc-maonnerie et sa bert de pense. L'histoire quia suivi nous a d'ailleurs montr cette rsistance du ca-tholicisme protgeant les dogmes, c'est--dire les vritsabsolues qui ne peuvent tre soumises l'examen cri-tique de la raison et au libre choix de chacun. Il nefaut d'ailleurs pas confondre comme cela arrive parfois,

  • ABC de I'sotrisme maonnique

    une hirarchie initiatique et une structure d'autorit tem-porelle pyramidale. Dans I'histoire, c'est bien la confu-sion entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel quia plac la papaut dans une telle position, fondant sarichesse et son autorit matrielle sur une thologie ettlologie spcifique. Il serait regrettable de rutiliser lemme schma dans la tradition dont nous parlons.

    Dans un premier temps, nous pouvons donc dire quela franc-maonnerie est une institution initiatique etadogmatique reposant entre autre sur un fond judo-chrtien, en un mot biblique.

    Il faut toutefois bien reconnatre que l'tude attentivedes rites et symboles utiliss ne conforte pas beaucoupcette origine suppose. Comme nous allons le dcouvrir,les exemples qui s'en loignent sont nombreux. Remar-quons d'ailleurs que cet tat de chose a d tre peru, carquelques rites ont dvelopp d'une faon plus accentueune sensibilit judo-chrtienne. C'est le cas par exempleen France de la franc-maonnerie des Elus-Cohensfonde par Martins de Pasqually et son prolongementparamaonnique le Martinisze. Nous trouvons une d-marche similaire dans le Rite Ecossais Rectffi fond parJ.B. V/illermoz, lui-mme disciple de Martins.

    Mais d'autres rites se sont dvelopps en marge de

  • La renaissance d'Herms

    ou Sublimes Matres de I'Anneau lumineax, Rite desParfaits Initis d'gypte, Rite de l'Acadmie Platonique,etc.

    Cela montre qu'il existe une constante tendance de-puis la cration de la franc-maonnerie, d'associer deslments faisant partie du pass commun. Or le fait queces rites soient demeurs minoritaires n'implique pasqu'ils soient dnus d'intrt, loin de 1. Nous allons aucontraire nous rendre compte que les crateurs de cesrites ont pressenti, sans parvenir tout fait le formulerobjectivement, que nombre d'lments rituels fondamen-taux ont pour origine les initiations antiques du bassinmditerranen, que l'on connat galement sous le nomde Mystres sacrs >>. Nous pourrions penser qu'unetelle affirmation demeure anecdotique et n'a que peu deconsquences. Ne serait-il pas naturel qu'une philoso-phie chasse l'autre et que les spiritualits antiques repla-es dans une perspective de progrs s'effacent devant lanouvelle forme de spiritualit tire de la Bible ? I1 seraitpossible de dire en effet que la structure du mythed'Hiram, le plan du temple de Salomon, les glises etles cathdrales confortent f interprtation maonniqueclassique dont nous avons hrite. Or il est tout faithors de propos d'appliquer la notion de progrs histo-rique la spiritualit. Comment en effet pourrions-nousaffirmer qu'une philosophie ou une spiritualit puissetre suprieure une autre?!... n convient au contrairede considrer toute initiation et tout mythe sur lequelelle est fonde avec I'ouverture d'esprit la plus largepossible. Cette attitude nous pennettra d'envisager uneautre forme de lecture moins apparente dcouvrant une

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  • ABC de l'sotrisme maonnique

    nouvelle vision de la tradition maonnique, mais gale-ment de sa philosophie et de sa pratique.

    Mais avant d'aller plus loin dans cette direction, il estimportant d'illustrer notre propos et de montrer quel-ques exemples signicatifs de la trame symbolique issuedes anciennes initiations. Il est bien vident qu'une tudeexhaustive serait ncessaire pour envisager tous lesaspects qui s'y rattachent. Toutefois, les lments quenous prsentons ici pourront dj servir de base notre rflexion.

    Rappelons tout d'abord que les rites dits gyptiens secaractrisrent essentiellement par leurs Hauts Grades etnon par les rituels en usage dans les loges bleues. Eneffet, la cration de ces rites au xv[Ie sicle ne concernaitque ceux qui taient suprieurs au 3', celui de lamatrise donc. Les trois premiers utilisent la plupartdu temps le rite majoritaire cette poque-l, le RiteFranais. I1 est important de retenir cette nuance dansla mesure o cela va nous permettre de comprendrel'volution et galement les difficults qui semblentsouvent inhrentes ce rite. Nous y reviendrons gale-ment dans la partie consacre aux Hauts Grades quiconnurent quant eux des volutions extrmementnombreuses, tant dans leur nombre, leur contenu, leurriche symbolique, que l'ordre dans lequel ils taienthirarchiss.

    Plusieurs Rites ou Ordres ont donc exist en France la fin du xvute sicle et faisant trs vraisemblablementsuite divers courants mystiques non maons beaucoupplus anciens. Se rajoutant ceux que nous avons cits

  • La renaissance d' Herms

    plus haut, c'est le cas par exemple en 1767 des ArchitectesSricains, en 1780 t Rite primitif des philadelphes, enl80l de l'Ordre sacr des Sophisiens et en 1806 des Amist sert. Ces Rites, connus pour quelques-uns, s'inspi-raient de ce que l'on appelait cette poque la traditiongptienne, mais qui se rvle tre l'association de diver-ses traditions du Moyen-Orient, telles qu'elles taientcomprises travers les textes et tudes alors connuesoomme le Sthos de l'Abb Jean Terrasson (1731),|'CEdi-pts aegyptianicus d'Athanase Kircher (1652) et s, MondeprWif de Court de Gbelin (1773). La Kabbale judo-chrtienne, I'hermtisme no-platonicien, l'sotrisme, lestraditions chevaleresques et autres, trouvaient l unesource naturelle d'expression. Toutes ces influences sont prendre en compte, lorsque l'on souhaite comprendrel'tat d'esprit des courants gyptiens et les enjeux q s'ydvelopperont dans les sicles qui suivirent.

    Comme nous I'avons dit, seuls les Hauts Gradesconstituaient cette poque la franc-maonnerie gyp-tienne. Mais les rites gyptiens dcidant de se constitueren Obdiences indpendantes, Misram d'abord puisMemphis ensuite, furent videmment amens dfinirtrois grades de loges bleues, Apprenti, Compagnon,Matre, utilisant peu ou prou les connaissances acquisesau niveau des Grades Suprieurs. Or si une certaineforme d'gyptomania est prsente dans les textes fonda-teurs et les Hauts Grades, il n'en va pas de mme auniveau des trois premiers Grades. Les premiers textesrituels de Misram aux trois premiers grades sont ceuxde 1820. Ils s'inscrivent dans la continuit du Rite deCagliostro et videmment dans celle des rites dj

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  • ABC de l'sotrisme maonnique

    existants, Rite Franais, quelques aspects du Rite cos-sais Ancien et Accept, ainsi que plus tard des lmentsdu Rite cossais Rectifi.

    Paralllement, le Rite de Memphis va lui aussi dve-lopper les trois premiers grades codifis par Marconis deNgre. Sans entrer dans une longue analyse de l'volu-tion de ces trois premiers degrs, retenons simplementqu'il faut compter au moins six versions ou tapes derdaction de ces rituels, chacune tenant compte, commenous le disions plus haut de l'intentionnalit du rite, desconnaissances et du milieu culturel de l'poque. D'unecertaine manire, nous pourrions dire que quelle que soitla version du rite utilise pour ces trois grades, il estanim d'une mme vie, vivifl par un mme souffle quilui donnent sa tonalit et son originalit. Cela se traduitvraisemblablement par cette ambiance, d'aucuns diraientcette grgore, que l'on peut ressentir lorsqu'on y assisteou participe. Et pourtant, les rites de Loge bleue n'ontjamais eu l'poque de leur constitution et pour la plu-part, de caractristiques vritablement gyptiennes. Cen'est que peu peu, et encore plus une poque relati-vement rcente, que l'on a introduit la fois en France(et l'tranger) des lments tirs des connaissancesque l'on avait de l'gypte. Quelques textes potiques etvocateurs, associs des terminologies spcifiques etdes squences rituelles intenses impliquant l'tre danssa totalit, en firent toutefois un rite spiritualiste d'unetrs intressante porte.

    Les rituels, tant de Misram que de Memphis sontcornus. Quant ceux de Memphis-Misram dans leurformulation de 1945, ils ont t publis par R. Ambelain

  • La renaissance d' Herms

    dans son livre Franc-maonnerie d'autrefors paru en 1988aux ditions Robert Laffont. Les rituels de Misraimd'origine sont quasi dpourvus de rfrences gyptien-nes, tandis que ceux de Memphis y font plus largementappel, mme si la forme demeure relativement classiquedu point de vue maonnique. La formulation de 1945des deux rites runis, y fait plus largement rfrence,mme si la phrasologie est souvent lourde et renoueavec les longues dissertations et commentaires communsaux initiations des Hauts Grades aux xv[Ie etxtx" sicles. Pour illustrer ce que nous venons de dire,nous pouvons nous reporter par exemple au rituel dugrade Apprenti dans sa version compose par R. Ambe-lain et publie par ses soins.

    Une des caractristiques rside dans les formulesvocatrices de cette antiquit mythique. Ainsi dans lacrmonie d'allumage des luminaires trouvons-nouscette phrase :

  • ABC de l'sotrisme maonnique

    Ou encore:Puisque le Temple de la Sagesse d'Egypte est juste et

    parfait... Et enf,n ces deux formules utilises lors de la clture:Le Vnrable:

  • La renaissance d' Herrnes

    sa tradition. Il s'agira pff exemple d'une certaine formed'sotrisme chrtien dans le cas du Rite cossais Recti-fi ou d'un hermtisme gyptien pour le rite dont nousparlons. Bien videmment, si cela est suffisant pour don-ner un . Or, la franc-maonnerie de ritegyptien va bien au-del, si on prend la peine de lacomprendre et d'en percevoir son essence et ses qualitspropres.

    Insistons sur le fait que notre analyse est bien videm-ment faite a posteriori. Rien ne dmontre que de myst-rieux initis aient au cours de l'histoire, vhiculs uncorpus doctrinal et des rituels inchangs, qui se seraienttransmis travers les cultes sotriques, jusqu'aux corpo-rations de mtiers, pour snfin parvenir jusqu' nous. Plusvraisemblablement, nous utilisons aujourd'hui un amal-game symbolique qui s'est, sous certaines influences,

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  • ABC de l'sotrisme maonnique

    constitu peu peu en un systme cohrent et structurque nous appelons franc-magonnerie.

    Il est cependant ais de montrer que philosophi-quement, pour n'en rester qu' ce niveau, la franc-maonnerie est beaucoup plus proche des coles deMystres de l'Antiquit, que de la tradition biblique oujudo-chrtienne.

    Pour ne prendre qu'un exemple, la notion de Vritest fort diffrente si l'on se place sur le plan religieux, ousur celui de f initiation maonnique. Dans le christia-nisme, la Vrit procde de la Rvlation et dbouchesnr la formulation d'un dogme fondant la foi ducroyant. La raison n'apparat qu'en un second temps etne se dveloppe qu' partir des principes admis par lafoi. Elle s'exprimera dans les disciplines que sont la tho-logie ou la philosophie chrtienne. La voie initiatique aucontraire, est multiple et varie dans son interprtationde la vrit et la faon d'y accder. Certes il s'agit parfoisd'une sorte de rvlation divine, mais la multiplicitet diversit de ces rvlations est source mme de leurrelativit. Quant la philosophie des anciens grecs, elles'articule plus ou moins troitement avec cette dmarchespirituelle.

    Mais une des constantes de ces rites antiques est lapossibilit pour nous d'avancer vers la lumire de lavrit par la pratique des rites de l'initiation, la vertupersonnelle lie nos actes et nos penses, ainsi quel'tude et la rflexion. Dans cette perspective, manifestedans la tradition noplatonicienne, la raison et la mdi-tation philosophique nous lve vers la Vrit. Nousn'attendons rien comme une grce qui descendrait du

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  • La renaissance d' Herms

    ciel, mais considrons que seule notre vertu morale etnos efforts intellectuels nous permettent de nous grandir,de devenir sans cesse plus responsables de ce que noussormes et d'autrui. Cette ide n'est pas nouvelle.Comme nous le disions, elle est intimement lie l'her-mtisme et la tradition. Ainsi nous pouvons lire dansle Corpus Hermeticum: Il ne reste donc plus qu' faire,c que tu as toi-mme entrepris: faire du bien touset imiter Ia divine nature qui est dans I'homme. (Discours, I, 48a)

    Mais si nous nous limitions ce que nous venons dedire, nous ne donnerions qu'une vision trop fragmentairede cette voie. En effet, comme le dit le texte du CorpusHermeticum cit plus haut, celui qui connat est bon [...]et dj divin. Nous sommes amens reconnatre I'exis-tence d'une dimension sacre, spirituelle, inhrente l'tre et au monde. Car la tradition maonnique tellequ'elle est vcue dans les rites gyptiens, n'est pas unesimple philosophie morale. Elle est une vritable voieinitiatique impliquant une relation au sacr la foisen soi et I'extrieur de soi. Le mythe et le rite ontalors pour fonction de serr de guides la consciencede celui qui parcourt cette voie. Dclarer que I'exercicede la raison, associe la vertu permettent de s'avancervers le monde spirituel, est une condition ncessaire,mais non suffisante. Cette ascension de l'esprit vers leBeau et le Bien dont parle Platon est lie dans la franc-maonnerie, et d'une faon explicite dans le Rite deMemphis et Misram, l'vocation du sacr par f inter-mdiaire de l'activation symboque et rituelle du mythe.

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  • ABC de l'sotrisme maonnique

    Car, comme nous allons le montrer dans le paragtaphesuivant, les symboles utiliss au cours des rituels sont lareprsentation des Ides du monde intelligible ou idal.

    Les crmonies rituelles associes la pratique de laraison et de la vertu permettent donc l'esprit de sepurifier et de se dtacher des passions, pour dvelopperles qualits propres l'tre que sont la fraternit,['amour, le courage, l'honneur, etc.

    Les mthodes furent videmment diffrentes selon lescoles et comme nous le disions plus haut la franc-maonnerie n'en hrita qu'indirectement. N'oublionspas que les initiations des mystres disparurent jusqu'ce que certains aspects rituels soient de nouveau prati-qus la Renaissance. Lorsque la franc-maonnerieapparut sous la forme que nous lui connaissons, elletait imprgne des valeurs religieuses et spirituellespropres son poque. Mais de nouveaux lments ri-tuels et symboliques y furent introduits et se rassem-blrent entre autre au sein de rites hermtistes etgyptiens. La remarquable intuition des frres qui adap-trent les rites maonniques fut de les replacer dans cequi leur semblait tre leur source originelle, c'est--direce que l'on pourrait appeler au sens large, l'gypto-hellnisme. Bien que peu de connaissances historiqueset archologiques taient accessibles cette poque, lesentiment d'une parent spirituelle se rvla le plus fortet compensa souvent les faiblesses documentaires. Lesrites gyptiens de Cagliostro, de Misram, de Memphis,de Naples, etc. apparurent et se dvelopprent jusqu'aujourd'hui.

  • La renaissance d' Herms

    Or, bien que l'intuition de dpart fut tout fait coh-rente, la mconnaissance des corpus philosophiques,henntistes, ainsi que des donnes archologiques nepermirent pas rellement ce que I'on peut appeler lamaonnerie gyptienne, de trouver sa voie et sa pleineexpression.

    Comme nous venons de le montrer, l'hermtisme im-plique un dveloppement parallle entre la raison et laspiritualit. De la mme manire, la franc-maonneriespculative cherche associer la rflexion intellectuelle,en un mot l'exercice de la raison, f initiation, vritabledmarche spirituelle. Considrer ou pratiquer l'une sansI'autre pouvait tre, selon nos lointains matres, sourced'erreur, d'orgueil, vanit, autrement dit la porte ouverteaux passions.

    Mais l'tude intellectuelle est comprendre de deuxmanires. Tout d'abord comme I'exercice constant de laraison critique, la prsence d'un certain scepticisme m-thodique nous aidant conserver et accrotre notre libertde pense. C'est l le point central, car nous savons qu'iln'est pas toujours vident de former des esprits libres etrespectueux d'autrui. Le deuxime aspect est la vritabletude intellectuelle des uvres du pass. Comme nousavons eu largement l'occasion de le montrer, nous vivonstous sur les paules de nos prdcesseurs et il est fonda-mental de connatre son hritage. Le mconnatre revient ne pas percevoir la profondeur de nos rites et ne pasacqurir les repres ncessaires notre vie.

    En effet, les anciens textes de la tradition hermtiquen'invitent pas une soumission aveugle un principe,

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  • ABC de l'sotrisme maonnique

    aussi divin soit-il. L'initiation telle que nous la dfinis-sions n'est pas cet influx qui descend travers tel ou telhirophante. Elle est au contraire I'expression de la vertuet de l'intelligence de I'homme, manifestation de cettedtermination qui lui a permis de dpasser le statutd'animal. Nous sommes vraiment l au cur de la tra-dition maonnique, dans ce quelle a de plus riche et deplus noble.

    Les anciennes instructions maonniques disent:

  • La renaissance d' Herms

    dbuter cette ascension vers la Lumire. Remarquons quec'est en cultivant la connaissance et donc I'intelligence,trous dirions aujourd'hui la raison, que nous nousdtachons des passions et que nous manifestons pleine-ment notre humanit, notre nature de dieu mortel .Nous n'avons pas attendre une quelconque rvlation,un salut qui viendrait de I'extrieur. Nous possdons djles qualits ncessaires et il nous appartient de les expri-mer, de les cultiver par notre travail constant et dter-min. Gloire au travail dirait la franc-maonnerie...S'il existe alors une hirarchie, elle ne peut tre que lefait d'individus conscients de leurs faiblesses et de la fra-gilit de la nature humaine uvrant se parfaire sur tousles plans. L'mulation par la raison, la connaissance et lavertu, voil ce que propose l'hermtisme.

    C'est pour cette raison qu'il convient de ne pasconfondre le dveloppement spirituel impliqu dans ladmarche initiatique, avec la pratique religieuse. Eneffet la spiritualit personnelle n'est en rien comparable la pratique communautaire ou individuelle d'une reli-gion. Il nous est par exemple possible de parler d'unespiritualit laQue ou athe


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