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0 Éditions Gallimard, 1994.

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AVANT-PROPOS

<c Le temps de l'analyse, ce fut C..J un gonflement dutemps: il y a eu pendant quatre ans un quotidien de

l'analyse, un ordinaire petites marques sur desagendas, le travail égrené dans l'épaisseur séances,leur retour régulier, leur ~y~ »

Je ne connaissais pas ces lignes de Georges Perec surl'ordinaire de son analyse, mais elles auraient pu nousservir de programme lorsque, en 1983, J.-B. Pontaliseut l'envie d'adjoindre à la Nouvelle revue de psycha-nalyse un cahier de feuilles extraites du <r carnet de

bord j' psychanalyste, et qu'il m'offrit d'en prendrela responsabilité. Nous avions pensé à plusieurs titres

Almanach, L'inactualité psychanalytique, L'idée qui

vient, In statu nascendi, Restes et fragments. Finale-ment VARIA a semblé le moins présomptueux (ce qui nenous a pas empêchés de l'écrire d'emblée, et toujoursdepuis, en« grandes f~cj'J. Notre «'~o-

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Avant-propos

gramme qui introduisait le premier cahier de VARIA,était le suivant:

Pas de textes sous ce titre mais des notes, extrai-

tes d'un carnet réel ou rêvé. Pas de souci d'argu-

menter ou d'administrer la preuve. Mais pas non

plus de fausses confidences. L'idée qui vient, quis'échappe, l'idée qu'on saisit au vol et qui tombe,ici, sur le papier. Dans chaque numéro, désormais,cet espace, ouvert, et en marge du thème.

En marge du thème, cela J~M~ sans l'appui ousans la contrainte du thème que la N.R.P. propose etargumente à chacun de ses numéros. L'appui et lacontrainte du thème le hasard a fait que le premiercahier de VARIA parut dans le numéro qui portait lebeau nom difficile de Liens.

L'absence du souci d'argumenter ou d'administrer lapreuve devait permettre ou susciter une écriture moinsf secondarisée que celle qui soutient obligatoirementun article ou une étude de fond, une écriture plus prochede ce que Freud a appelé l'Einfall, l'idée qui~o~ .IIou qui vient, malgré moi, voire malgré mon Moi. Celaappelait moins de Moi (d'où le choix, 7M/ de deman-der aux auteurs de ne signer qu'avec leurs initiales), cequi ne voulait pas Ça, mais un accueil plussimple à l'exigence intérieure, à l'urgence personnelle, età leurs formes paradoxales que sont les contradictions,les non-lieux, les points de J'M~. L~ces réflexions brèves et hors thème a imposé sescontraintes de formes et facilité dans cette mesure même

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Avant-propos

une liberté (je l'espère, je le crois) du mouvement de lapensée. Et ce qui est venu alors, dans l'intimité et la

discrétion du bref, a pris parfois le chemin de l'inavoué.Ce titre, VARIA, je l'avais trouvé dans la première

revue de la Société psychanalytique de Vienne, parueen 1910, le Zentralblatt für Psychoanalyse. Desinconnus, des anonymes. Nos premiers maîtres notaientleurs trouvailles et leurs questions en quelques lignesdans cette rubrique. C'est là que parurent certaines descélèbres notations cliniques brèves de Ferenczi; il yavait également informations, comptes rendus delecture, des curiosités rêves, lapsus, extraits litté-raires ou poétiques qui marquaient et étendaient auxyeux du contributeur le champ de la Découverte. En1911, Freud écrivit ainsi deux notes: l'une, de onze

lignes, sur rien de moins que la signification de l'ordredes voyelles dans le nom hébraïque de Dieu; l'autre, dedeux pages, sur un événement« médiatique la révéla-tion à une jeune Allemande pieuse de l'emplacement dela ~OM lit de la Vierge Marie à (et onles retrouva).

Quant au contenu de nos VARIA, nous n'en deman-

~o~ certes pas tant!Mais nous pensions à des notesprises après une séance, sur le indicationsd'une production singulière de l'inconscient, à réac-tions de lecteurs ou de spectateurs, ou encore à cesréflexions qu'on n'a pas pu dire à l'occasion d'uneconférence qui était écrit pour soi et non pour lapublication. Nous pensions à ce qui reste, dans un cer-tain péle-méle, au fond des filets que jette l'analyste unpeu partout et peut-être inconsidérément, ces objets

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Avant-propos

ramenés parce qu'ils n'ont pas la même forme que celle,prévue, préformée, réglementaire (?), de ses mailles, Etcomme il y a plus d'analystes que de psychanalystes,nous avons sollicité également des historiens d'art et deshistoriens, des anthropologues, des écrivains, lin-~~J, philosophes, hellénistes, dont l'objet nousinquiète ou nous apaise, dont le geste ?0~ interroge etno//J plaît,

Résultat: sinon l'inverse de nos prévisions, du moins,sur la longue durée et c'est la raison de la publicationde ce recueil qui sera suivi d'un second quelque chosed'autre. La brièveté des contributions a tout de suite eu

pour effet d'aiguiser l'écriture; et l'objet ramené dans lefond du filet, l'objet inavoué des VARIA, l'objet du fil

séances et travaux a pris la pente, nolensvolens, de l'extra-ordinaire.

L'écriture et l'objet avaient rusé avec notre premièreintention; le récit d'où sont extraites les lignes de Perec

s'appelait <' Les lieux d'une ruse j*.

Cinquante-quatre contributions dues à trente-huitauteurs (si on excepte deux lettres, de Joseph Breuer etMax Jacob) constituent le présent recueil. Elles nesuivent pas l'ordre de leur parution mais sont réordon-nées en deux grandes parties, divisées en chapitrestitrés. La première partie est centrée sur une pratique dela séance analytique ou de la théorie freudienne; sansJ~J/OM, elle dessine à la fois à grands traits etdans le détail la figure d'une pratique fondée sur le

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Avant-propos

renoncement au visible. Cest aussi un renoncement quiest l'axe de la seconde partie, un renoncement à donneraux <r~ des places assignées d'avance. L'ana-lyste, qui n'est pas toujours le psychanalyste, reconnaît~/on' que c'est dans un mode d'échange que son acte estle plus personnel, dans l'ouverture d'une correspondanceque son identité est la plus libre.

M. G.

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ONT CONTRIBUÉ À CE RECUEIL

BRUNO BAYEN Il voit pas. t~o~ sa pensée,p. 222 un ami /M~.f<~ p.,305.

ANDRÉ BEETSCHEN Passage du Commerce-Saint-André,p. 88.

JOSEPH BREUER À Auguste Fc~ p. 309.EVELIO CABREJO-PARRA La chose pointée, p. 66 La mort

comme lien, p. 78 &<& qui ?'<< ~J lieu,p.152.

CATHERINE CHABERT Autre chose (Moi, et elle), p. 205.MICHEL CHAILLOU Lettre à. p. 307.

DOMINIQUE CLERC-MAUGENDRE Pardon pour cet oubli,p. 24.

ALBERT CRIVILLÉ Faute d'3' croire, p. 155.JEAN-FRANÇOIS DAUBECH Nom et ~~M~, p. 99.CHRISTIAN ET MICHÈLE DAVID &~ /M~M closes,

p.102.

GEORGES DIDI-HUBERMAN Le verbe voit, p. 94 Para-doxes de /'?</ vorace, p. 106.

BERNARD FAVAREL-GARRIGUES ~<!K~<r,p.289.

MARC FROMENT-MEURICE Qu'est-ce que Dieu?, p. 229.

FRANÇOIS GANTHERET Quant?0! p. 243 Alarmes,p. 284.

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Ont contribué à ce recueil

GEORGES ARTHUR GOLDSCHMIDT ~f/ Kr~«j <! L~w~

Landgrebe, p. 278.EDMUNDO GÔMEZ MANGO Parler en langues, p. 70 E/

Burlador un homme sans nom, p. 115.

MICHEL GRIBINSKI Do«~ ~/«J ou MOMJ ~~«M, p. 163

Qu'est-ce qu'un ersatz?, p. 193 Q~ ~<j- p. 208 Nou-velles de l'étranger, p. 216 Le rédacteurà lui-même, p. 273.

SYLVIE GRIBINSKI Le Luftmentch, p. 55 just-so story,p.198.

MICHÈLE HECHTER La Grande Mademoiselle, p. 268.

JEAN-MICHEL HIRT Image et son, p. 128.

MAX JACOB La mère du Toudouxà son fils, p. 295.LAURENCE KAHN L'inquiétude, p. 181.MASUD KHAN Trois contes moraux, p. 81.

ÉVELYNE LAVENU P<M~<Mfe, p. 236.

JACQUES LE DEM je ne suis pas celui que vous croyez,p. 132 Une erreur technique, p. 147.

DANIELLE MARGUERITAT Le Père Mort, p. 62.

DAVID A. MILLER Davy who? said Ihe gentleman, p. 212.MARIE MOSCOVICI Il est arrivé quelque chose, p. 19.MICHEL NEYRAUT Pc~ ~'Ë/e'CMO~ ~a~M~O~J,

p.260.

HENRI NORMAND Le repos du psychanalyste, p. 42.ALINE PETITIER Sa Bathildeà Lucien L., p. 300.

ADAM PHILLIPS L'intrigue des baisers, p. 121 Le calme

retrouvé, p. 186.

J.-B. PONTALIS C~er/re,p.l69 Af~e~,p.247.

ANNE-GENEVIÈVE ROGER Défense de /'f.7.A., p. 34.JEAN-CLAUDE ROLLAND 0~/<M, p. 48 'T~ew ana-

lytique sur la trame de Discours, figure de yM~-F~~fo~Lyotard, p. 173.

JEAN-MICHEL STERBOUL Mon soi épuisé, p. 240.DOMINIQUE SUCHET Presque une, p. 136 A la lisière,

p.143.

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Ont contribué à ce recueil

LIUDVIKA TAMULIONYTÉ En regardant les yeux desfemmes, p. 30.

FELIPE VOTADORO The therapeutic tango, p. 159.J. 0. WISDOM Havelock Ellis en lesbienne, p. 254.

La contribution de David A. Miller est traduite de l'anglais par BrigitteBoj<; elle a depuis été publiée dans David A. Miller, The Novel and diePolice, University of California Press, Berkeley 1988. Michel Gr<~M~< a tra-duit de l'anglais celles de Masud Khan, d'Adam Phillips, réunies ilya peudans Adam Phillips, On Kissing, Tickling, and Being Bored, Har'ard Uni-f~M<~ Press, Cambridge, Massachusetts, 1993; ainsi que /M/M consacréespar j. 0. Wisdom à Havelock Ellis, parues sous le titreThe Psychical Self ofHavelock Ellisdans l'International Review of Psycho-Analysis (1984).Mirolanda Trakumaité a traduit du lituanien la contribution de Liudvika

Tamulionyté. La lettre de Breuer au médecin et célèbre naturaliste ruisseAuguste Forel a été publiée pour la première fois par Erwin H. Ackernecht dansGesnerus, t. XIV, en 1957, et traduite M~K~M l'année suivante parJeanStarobinski pour le n' 1212 du Mercure de France; c'est cette traduction quenous reproduisons. La /rc de j' Max Jacob ainsi que son dessin sont extraits<~ Lettres imaginaires, Cahiers Max Jacob n° 2, édité par les ~mu MaxJacob et la librairie Le Pont traversé, mars 1952. ËK/x,< C~~er la mère <, adonné lieu, sousle titre,De la mère, le maternel <, à un chapitre ~y.-B. Pon-talis, Perdre de vue, Gallimard 1988, et < 7/ est arrivé quelque ~M<< àl'introduction de Marie Moscovici, Il est arrivé quelque chose, Approches del'événement psychique, Ramsay, 1989. Nous remercions les auteurs, les tra-ducteurs et les éditeurs de leur aimable ~jy/onj~cN.

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Première partie

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I. LE TRAVAIL ÉGRENÉ

IL EST ARRIVÉ QUELQUE CHOSE

Marie Moscovici

Mme M., assise en face de moi, commence une

séance comme d'habitude par le récit de ses terreursconcernant les maladies de ses enfants. Plus exacte-

ment les maladies qui menacent ses enfants. Sont-ilsmalades < réellement > ? À poser la question ainsi, onne l'entendrait pas. Potentiellement, les enfants deMme M. sont menacés de toutes les maladies, et de cela,la < réalitésest-elle contestable?

Le corps parlé des enfants de Mme M. est constituéd'étrange façon. D'organes, bien sûr, tels que l'anato-mie les isole cœur, foie, reins, cerveau. De parties ducorps telles que le vocabulaire courant les désignepieds, mains, organes génitaux et, pour entrer dans unplus grand, ou plus petit détail doigts, dents, ongles.Dans une minutie plus précise encore extrémité desdoigts, bout du nez, coin des yeux, muqueuse de l'inté-rieur de la bouche. Et puis nerfs, vaisseaux sanguins,et encore, toutes leurs parties.

Les enfants de Mme M. peuvent être atteints demaladies touchant tous les mots du dictionnaire suscep-tibles de désigner le corps dans ses constituants externes

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Le travail égrené

ou internes, du plus global au plus millimétrique, voireau plus corpusculaire. On ne sait où s'arrête pour elle ladivisibilité. Les théories physiques, biologiques, denotre temps, la contrediraient-elles? Mme M., pensantà ses enfants, a dans l'esprit plus qu'un dictionnairemédical une encyclopédie universelle sans cesse enmouvement, où les mots se multiplient, se subdivisent,où, sous le visible, l'invisible ne cesse de se matérialiseren éléments de plus en plus ténus. Tous, faisant l'objetpour elle de représentations et de mots.

Dans cette séance, j'entends donc d'abord la litanie àlaquelle mon oreille est déjà accoutumée, cette sorte delecture d'un glossaire interne qui tient lieu à Mme M.de traité intime de pathologie, au moyen duquel elle< aimeses enfants. Et puis soudain, rupture de ton, lavoix devient plus grave, la phrase prend la tournured'une annonce pour un énoncé surprenant < Il estarrivé quelque chose, Gérard a saigné des gencives en sebrossant les dents. > Annonce suivie d'un commentaire,

et d'une question < C'est terrible, il arrive toujoursquelque chose de terrible. Est-ce que dans votre vie,avec vos enfants, il arrive des choses comme ça?>

Je me sens < drôle>. Le contraste entre le style tra-gique de l'énonciation et le caractère < anodin > de soncontenu m'a secouée d'une émotion étrange une émo-tion de l'esprit. Un trouble, une déstabilisation infime,mais que j'éprouve fortement, pas dans le corps (lecœur ne bat pas plus vite, la gorge ne se dessèche pas,les larmes ne viennent pas aux yeux; voilà que jerecense à mon tour les parties de mon corps.). Non,c'est dans la pensée que je ressens vivement l'atteinte.Comme si la pensée pouvait faire l'objet d'une sensa-tion Oui, il semble bien que oui. C'est ce qui m'arrivependant que j'écoute Mme M.

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