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Analyses d'ouvrages

Tissot S.A. D e la santé des gens de lettres. Préface de Chris tophe Dejours . un vol. 205 p . , Alexi tère édit. Valergues . 12340. , 1991.

Le publ ic cul t ivé auquel s 'adressait Tissot a fait, en son t emps , bon accuei l à cet ouvrage , écrit en latin, et publié en français, en 1768, la t raduct ion étant de l 'auteur lui-m ê m e .

Celui-ci mettai t en garde son lecteur contre les excès de toutes sortes, c o m m i s en l 'absence d 'exercices phys iques , car la sédentari té, selon l 'auteur, est toujours un mal , aggravé par la consommat ion de graisses animales , de vin, de café. L e tabac est un poi­son. Les nombreux désordres qui affectent les gens de lettres ne t iennent pas seulement à leurs préoccupat ions , à leurs angoisses , à leur désir de bien faire, mais relèvent aussi , et pour beaucoup , de fautes hygiéno-diété t iques .

Ces pages , écrites dans un style qui n'est plus le nôtre , gardent encore leur valeur et restent d'actualité.

A. Cornet .

Brehant J. L a mor t de Mozar t , ou le requiem inachevé . Presse Médicale., 1991 , 20, 4 1 , 2 0 7 7 .

Ce rappel très émouvan t des derniers jours de Mozar t vient au m o m e n t où les mélo­manes du m o n d e entier c o m m é m o r e n t le deux ième centenaire de la mor t de ce musi ­cien génial .

On sait que la composi t ion de son propre Requ iem lui coûta de terribles efforts, cette œuvre ne fut pas te rminée de sa main . Il écrivait alors à D a Ponte , son ami et librettiste, "c'est m o n chant funèbre". U n e légende, souvent reprise, laisse entendre qu'il reçut plu­sieurs fois la visite d'un é t range messager vêtu de gris. Celui-ci rappelai t au compos i ­teur ses engagements de terminer le Requ iem et lui apportait une partie de la s o m m e convenue pour ses honora i res . Mozar t resta dans l ' ignorance d 'une réali té à vrai dire misérable . L ' h o m m e n'était que l 'émissaire du Comte Wal segg zu Stuppach. Celui-ci subvent ionnai t Mozar t tout en gardant l ' incognito. Il dirigea la première exécut ion de cette œuvre ul t ime du composi teur , laissant croire qu'il en était l 'auteur. C'est à l 'élève de Mozar t , Sussmayer qui , avec Eybler , termina les parties manquan tes du Requ iem, que l'on doit la vérité.

A . Cornet .

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M o o r e R.I. - La persécut ion. Paris , Belles Let tres , 1991 , 225 p .

C'est une grande é tude his tor ique sur la "persécut ion, et sa formation en Europe du Xe au XHIe siècle". L'auteur y retrace les attitudes collectives des sociétés médiéva les européennes rejettant et persécutant certaines minori tés et certains groupes déviants où on re t rouve pê le -mêle les h o m o s e x u e l s , les pros t i tuées , les hé ré t iques , les ju i f s , les lépreux, et déjà, les ma lades men taux . La thèse de R.I. M o o r e est in téressante : ces m o u v e m e n t s sociaux persécu to i res seraient u n e des c o n s é q u e n c e s inév i tab les de la c r é a t i o n des p r e m i e r s é ta t s " m o d e r n e s " . M ê m e si ce t t e t h è s e r e s t e d i s c u t a b l e les informations et documents apportés par l 'auteur sont impress ionnants .

J. Postel

M i s r a h i C . - L a c o m t e s s e d e S é g u r ou la m è r e m é d e c i n . Su iv i du t e x t e de la Comtesse de Ségur "La santé des enfants". Paris , Denoël , 1991 , 160 p . "L 'espace analy­t ique".

Il y a déjà quelques décennies qu 'on a découver t le sado-masoch isme de l 'auteur des "Malheurs de Sophie" ; et les psychanalystes s'en sont donné à cœur jo ie pour coucher sur leur d ivan cr i t ique cel le qui étai t ainsi d e v e n u e p o u r eux la "d iv ine" comtes se . Malgré le titre de la collect ion où il parait , cet ouvrage heureusement se démarque de cette tendance. Il va nous apprendre ce que nous ne savions guère : la comtesse s'était in téressée à la médec ine des enfants avant d 'écrire ses fameux romans . Et elle avai t publié à compte d'auteur, en 1855, un petit ouvrage intitulé "La santé des enfants" qui ne m a n q u e pas d'intérêt sur le plan de l 'histoire des idées en pédiatr ie et dans la préven­tion des maladies infantiles, à une date où la médec ine des enfants c o m m e n c e à sortir de son empir i sme des siècles précédents . C'est un recueil de recet tes , et consei ls d'hy­giène et de prévent ion, d 'une soixantaine de pages , qui reflète bien les idées reçues de son époque , mais avec un côté pra t ique et rat ionnel qui a dû séduire ses lecteurs et lec­trices. En effet, c inq ans après, il était réédité par Hachet te (en 1860), et c'était le début de la longue collaborat ion de la comtesse avec ce célèbre édi teur populai re qui publ iera tous les romans qu'elle va alors écrire pour la fameuse "Bibl iothèque rose" . Ici, le texte de "La santé des enfants" nous est donc donné au complet . L a comtesse nous y apparaî t c o m m e une bonne observatr ice, s inon cl inicienne. Elle nous é tonne parfois par la préci­sion de ses descript ions des petits malades et de leurs maladies . Et elle devient m ê m e une p ionn iè re de la n e u r o p s y c h o - i m m u n o l o g i e lorsqu 'e l le décr i t cer ta ines réac t ions al lergiques aggravées par l 'angoisse : "J'ai vu l 'urticaire ou ortilière venir subitemeni: à la suite d 'une frayeur, d 'une douleur vive, e t c . . ; un de mes plus j eunes fils, en ramas­sant une balle qui avait roulé sous une c o m m o d e , fut piqué sous l 'ongle par une guêpe ; la douleur fut si v ive qu'il m a n q u a de se t rouver mal ; quelques instants après il fut cou­vert de boutons urt icaires, qui ne se dissipèrent qu'au bout de trois jour s" (p. 128-129). Voi là qui lui vaut le droit d'entrer, par la grande por te , dans l 'histoire de la médec ine .

F. Bing.

T h é o d o r i d è s J ean . H i s to i r e de la B i o l o g i e . P a r i s , P . U . F ; , c i n q u a n t e n a i r e de la collection "Que sais-je", réédit ion du № 1 . 1992, 127 p . , 17,5 x 11,5.

U n prest igieux anniversaire a été l 'heureuse occasion pour les Presses Universi taires

de France de rééditer après 50 ans de succès le № 1 de la fameuse collect ion "Que sais-

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j e ?". M a i s ce qu i t o u c h e r a p a r t i c u l i è r e m e n t les h i s t o r i e n s des s c i e n c e s et d e la m é d e c i n e est que ce N u m é r o 1 se t rouvai t être "L 'His to i re de la B io log ie" , dont le premier auteur, pendant ces années noires de l 'occupation, s'appelait Maur ice Caullery, l 'illustre biologiste , m e m b r e de l 'Académie des Sciences . "Par la force des choses" , il a bien fallu, devant l ' importance parfois décisive des nouvel les découver tes , et depuis la mort de Maur ice Caullery, faire appel à un autre éminent savant pour remet t re au point pu is réécr i re to t a l ement les c inq éd i t ions et les 36 .000 exempla i r e s de cet ouv rage essentiel , et celui qui m e n a à bien cette tâche depuis des années et peut maintenant lui-m ê m e signer ce "Que sais-je" est notre ami Jean Théodor idès , directeur de Recherche au C . N . R . S . , anc i en p r é s i d e n t de la Soc i é t é F r a n ç a i s e d 'His to i re de la M é d e c i n e , m e m b r e affilié de la Royal Society of Medic ine de Londres .

Ce q u e cont ient , dans un si pet i t n o m b r e de pages , un tel l ivre est r e m a r q u a b l e . Depuis les origines ant iques jusqu 'au X I X e siècle, toutes les grandes démarches de la n a i s s a n c e d e s s c i e n c e s b i o l o g i q u e s son t d é c r i t e s a v e c p r é c i s i o n et c l a r t é . E t si s e u l e m e n t le de rn ie r chap i t r e c o n c e r n e le X X e s ièc le , on y voi t f igurer tou tes les découver tes fondamenta les en b io logie cel lulaire et molécula i re , en embryo log ie , en géné t ique , en mic rob io log i e , en v i ro log ie , en i m m u n o l o g i e . C'est d i re l ' impor tance e x c e p t i o n n e l l e d 'un tel o u v r a g e a c c o m p a g n é d 'une b i b l i o g r a p h i e e x e m p l a i r e . U n e cé l èb re é m i s s i o n de t é l év i s ion en a fait un s y m b o l e . S o n a u t e u r e t son é d i t e u r le méri taient bien.

Michel Valentin

Sournia (Jean-Charles) - Histoire de la Médecine et des Médecins - Paris , Larousse , 1992, 592 pages , 700 figures, dont 300 en couleurs , 25 X 3 3 , prix : 750 Francs , et du m ê m e auteur : Histoire de la Médecine - Paris , La Découver te (1 p lace Paul Painlevé, 75005) , 3581992 , 358 pages , index, 22 X 14, prix : 160 Francs .

Après une magnif ique édition illustrée publ iée par Larousse en grand format et en c o u l e u r s , l e p r o f e s s e u r J e a n - C h a r l e s S o u r n i a fa i t p a r a î t r e , a u x é d i t i o n s d e la Découver te , une nouvel le "Histoire de la Médec ine" . Où doit-on d'abord commence r , te l e s t le su je t de la p r e m i è r e p a g e . O n é v o q u e la p a l é o m é d e c i n e , ou p l u t ô t les réflexions amenées par les découver tes récentes de la paléopathologie en l 'absence de tous textes , on cont inue les diverses et plus anciennes tentatives d' interprétation de tré­panat ions cicatr isées, " t raumat ismes accidentels ou blessures dél ibérées" de sujets néo­li thiques. Puis viennent les intercesseurs , à la fois devins et médec ins , c o m m e encore après des mil lénaires les forgerons D o g o n s , les chamans d 'Asie, ou les rebouteux de chez nous à l 'extrême l imite , in termédiai res entre le m o n d e surnaturel et les réali tés concrètes . Avec les rel iquats écrits des civil isations d 'Egypte et de Mésopo tamie surgis­sent les t races d 'une vraie médec ine , certes encore l iée à des ét iologies divinatoires , mais basée sur des observat ions cl iniques méthodiques , des essais thérapeut iques ingé­nieux, et aussi une structure sociale, une vaste hiérarchie , une spécialisation des méde ­cins, re t rouvées dès les premières dynast ies égypt iennes , 3000 ans avant notre ère.

Puis les Grecs fondent "notre médec ine" . Disc ip le d'un Escu lape myth ique et des savants phythagor ic iens , Hippocra te écrit à Cos , 4 0 0 ans avant Jésus-Chris t , soixante ouvrages fo rmant u n "Corps" qu i va r égner p e n d a n t deux mi l léna i res . L 'é th ique du

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médec in et son instruction par des maîtres qualifiés, son ent ra înement à l ' interrogatoire

et à l 'examen des malades , la p rudence qu'il doit prat iquer dépassent en intérêt les allu­

sions aux quatre é léments naturels dont la phi losophie a disparu.

Dans les siècles qui suivent, c'est cette médec ine grecque qui passera à R o m e où, le

premier , Celse , au début de notre ère, inaugurera le latin c o m m e langue médica le , dans

un l ivre e n c y c l o p é d i q u e où il m o n t r e qu ' i l é tai t b ien "le C icé ron de la M é d e c i n e " ,

pathologis te et thérapeute , avant Dioscor ide et sa "Matière médica le" , médec in mili taire

et pharmaco logue , 150 ans avant Gal ien qui les écl ipse tous à tort peut-être et pour plus

de 1600 ans , à t ravers Byzance , Alexandr ie , la conquê te a rabe , le M o y e n A g e et la

Renaissance . L'auteur nous décrit, dans une série de chapi tres , j ' a l la is dire de fresques,

l 'histoire médica le mê lée aux événement s qui firent l 'Occident et l 'Orient médi te r ra ­

néen, à l 'ombre de la Croix chrét ienne, de l 'Islam et de l 'ancienne Loi ju ive , éga lement

confrontés avec le p rob lème de la souffrance des malades au regard de la rel igion.

En m ê m e temps , et pendant des siècles sinon des mil lénaires , en Chine , en Inde, aux

A m é r i q u e s , d 'au t res m é d e c i n e s font leur c h e m i n , t and is qu ' ap rè s 1492 , su r tou t les

r e m è d e s c o m m e auss i , hé l a s , les g e r m e s s ' échangen t en t re p e u p l e s c o n q u é r a n t s et

peuples conquis .

Puis voici les anatomistes de la Renaissance , les précurseurs de la découver te de la

c i rcula t ion magn i f i quemen t d é m o n t r é e par H a r v e y en 1628 "au s iècle du ra i sonne­

ment" , celui qui verra naître le microscope de L e e u w e n h o e k et décrire le follicule de

De Graaf. Tout se cont inue par la médec ine des "Lumières" , de la variolisation à la vac­

cination, de Morgagni à Auenbri igger , de Haller et Stahl à Bichat et à P ine l . . . Et surgit

dès le X I X e siècle la médec ine actuelle avec la révolut ion anatomo-c l in ique , la mé tho­

de expér imenta le , Pasteur et la bactér iologie, la radiologie de Rbntgen , la b iochimie . Et

les conséquences immenses que sous-entendent ces nouvel les connaissances sont elles

aussi d'un poids singulier , la ch imie b io logique condui t à l 'anesthésie qui fera faire,

avec l 'antisepsie et l 'asepsie issues de la bactériologie, un bond prodigieux à la chirur­

gie. La radiologie s 'étendra à ce qu 'on appelle maintenant l ' imagerie médica le qui t rans­

forme toute la médec ine . D e la b iochimie et de la bactér iologie , issus de loin des obser­

vations et découver tes de Lady Montagu et de Jenner , naîtront sérums et vaccins , puis

l ' an t ib io thé rap ie . Enf in l ' i m m u n o l o g i e , la b i o c h i m i e m o l é c u l a i r e , la g é n é t i q u e , les

greffes et les t ransp lan ta t ions , la cor t ico thérapie , et c o m b i e n d 'autres d isc ip l ines ou

découver tes justifient bien ce que Sournia appelle "l 'explosion des savoirs et des tech­

n iques" de ces c inquante dernières années dont il décrit les ja lons pr incipaux dans ses

cent dernières pages .

D e mult iples tableaux synopt iques , généra lement en fin de chapi t re , éclairent ce livre

sobre et cependant très riche, qui peut être en part iculier infiniment utile aux médec ins ,

aux chercheurs , et aussi aux étudiants , t rop sevrés, hélas , il faut le dire encore , de la cul­

ture his tor ique et générale dont ils ont besoin.

Miche l Valent in

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