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Introduction

1. Propriétés physico-chimiques applicables à la saveur sucrée.1.1. Propriétés applicables aux relations

structure-activité1.2. Propriétés des solutions aqueuses.1.3. Propriétés utilisables en

technologie alimentaire

2. Application des méthodes physico-chimiques à l’élucidation du mécanisme de la saveur sucrée.2.1. Liaison hydrogène : intuitions et

observations2.2. Conformation et saveur sucrée2.3. Rôle de l’eau dans le mécanisme

de la saveur sucrée.

3. Importance des propriétés physico-chimiques dans l’élaboration des produitssucrés.3.1. Influence de quelques paramètres

physico-chimiques sur la saveur sucréea - températureb - viscositéc - polarité du solvant

3.2. Importance des propriétés physico-chimique dans la formulation de produits édulcorés.

3.3. A la recherche de l’édulcorant idéal pour remplacer le saccharose : imitations - limitations.

Conclusion

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Aspects Physico-chimiques de la saveur sucrée

M. MATHLOUTHIUniversité de Reims Champagne-Ardenne

Introduction :

Les propriétés physico-chimiques des sucres et desédulcorants sont nécessaires à la compréhension dumécanisme de la saveur sucrée et à la maîtrise del’application de ces produits dans les industries ali-mentaires et pharmaceutiques. Ces propriétés ont pourorigine la structure chimique des molécules sucrées etleurs interactions avec le solvant aqueux. Ces interac-tions de faible énergie sont particulièrement impor-tantes dans le domaine de la saveur sucrée. Suivantl’intensité de l’édulcorant et sa solubilité, il peut s’agirde faibles quantités de produit sucrant (intense) dansun grand volume d’eau ou de grandes quantités (édul-corant de masse) dans un faible volume d’eau. Dans lepremier cas, il y a prépondérance de l’effet du solutésur la structure du solvant. Dans le deuxième, on doitprendre en compte les interactions soluté - solvant,l’hydratation du soluté et la perturbation de la struc-ture du solvant.

Avant que ces notions d’interactions solvant-solutésoient étudiées par les méthodes spectroscopiquesrécentes et appliquées à l’élucidation du mécanisme dela saveur sucrée, la physico-chimie des solutions de

sucre et son intérêt dans le domaine de la saveur sucrées’est manifesté d’une façon très pragmatique. En effet,les sirops de glucose prenant l’ampleur que l’on sait surle marché américain, le problème de leur utilisationpour remplacer le saccharose dans la formule de bonnombre de produits alimentaires s’est posé dès lesannées 1950. Ainsi à matière sèche égale, on est arrivéà remplacer le saccharose par du sirop de glucose enretrouvant l’essentiel des propriétés sauf la sucrosité.Ce problème pratique à l’origine du travail duProfesseur Shallenberger sur la saveur sucrée aconduit à une première publication (1) en 1963 suggé-rant l’importance des liaisons Hydrogène entre lesgroupements hydroxyles des sucres et le site récepteur,puis en 1967 avec Terry Acree (2) le fameux articledans Nature proposant le système AH, B comme gly-cophore responsable de la saveur sucrée de tous lesédulcorants quelle que soit leur structure chimique.

Ainsi, il apparaît que dans ce domaine comme dansbeaucoup d’autres, la pratique précède la théorie. Lesmotivations technologiques et économiques peuventdonner des ailes aux scientifiques et les amener à pro-gresser rapidement. L’incidence du maïs sur les pro-grammes de recherche des chimistes glucidistes en

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Amérique est bien connue et la Conférence informelleannuelle qu’ils tenaient sous l’appellation “CornConferences” est le précurseur des “GordonConferences” (R.S. Shallenberger, Comm. person-nelle).

Dans ce domaine de la saveur sucrée, il y a eud’une part la nécessité de répondre aux problèmestechnologiques (exemple : Ketchup) et d’autre part lehasard qui est à l’origine de la découverte de la plu-part des édulcorants de synthèse (saccharine en 1879,cyclamate en 1937, aspartame en 1965 et acésulfame en1967). Les glucidistes et chimistes alimentaires commele professeur Shallenberger ont utilisé des bases phy-sico-chimiques comme la liaison Hydrogène pourexpliquer la saveur des sucres et les spécialistes de syn-thèse organique se sont appuyés sur des techniquesd’estimation des relations structure-activité (SAR) etde conception de produit pharmaceutique (DrugDesign) pour rationaliser l’étude de la chimioréceptiondu goût sucré et la recherche de nouveaux édulcorants.

Dans les deux cas les propriétés physico-chimiqueset structurales des molécules sucrées à l’état cristalliséet en solution ont servi de base à l’élaboration des dif-férentes théories. De même lorsqu’il s’est agi de rem-placer le saccharose par des édulcorants de synthèse oudes polyols, on a cherché à reconstituer un produitayant les mêmes caractéristiques que celui sucré ausucre et l’on s’est basé sur des paramètres physico-chi-miques tels que la viscosité, l’hygroscopicité, l’activitéde l’eau... Du reste, dans la plupart des études récentesde conception de nouveaux édulcorants, le but visé seprésente généralement sous la forme d’une liste de pro-priétés physico-chimiques du saccharose que l’on doitatteindre si l’on veut imiter tous les attributs de qualitéde saveur qui sont attachés au sucre. Nous nous pro-posons de rappeler les propriétés physico-chimiquesde sucres et d’édulcorants qui ont une certaine impor-tance dans le domaine de la saveur sucrée et de passeren revue leur application à l’explication du mécanismede chimioréception de la saveur sucrée d’une part, et àl’élaboration de produits édulcorés avec des substitutsdu saccharose d’autre part.

Propriétés physico-chimiquesapplicables à la saveur sucrée :

Pratiquement toutes les propriétés structurales ouphysico-chimiques des molécules sucrées à l’état solideou en solution peuvent avoir un lien direct ou indirectavec la saveur de ces molécules. Bien que les moléculessucrées appartiennent à différentes classes de compo-sés chimiques (voir Fig. 1), on arrive à leur trouver descritères physico-chimiques de comparaison commel’équilibre hydrophile-hydrophobe ou le volume spéci-fique apparent en solution. Suivant l’approche adoptée

dans l’étude de la saveur sucrée, on fera appel à l’uneou l’autre des propriétés du solide ou de la solutionaqueuse.

1.1. Propriétés applicables aux relations structure/activité :

Bien que la conformation exacte de la molécule aucontact du site récepteur ne peut être connue, desinformations précieuses peuvent être déduites des don-nées cristallographiques, des mesures en RMN ou descalculs théoriques y compris le calcul du minimumd’énergie. Les premières études (3) des corrélationsentre structure et activité ont eu pour objectif de trou-ver à partir de propriétés aussi diverses que le point defusion, la tension superficielle, l’adsorption ou l’inter-action avec différentes substances biologiques unmoyen de caractériser les substances sucrées. Cetteexploration physico-chimique de l’intéraction stimu-lus-récepteur fut suivie par d’autres études visant àquantifier la relation entre sucrosité relative (RS) etdifférents facteurs physico-chimiques. Parmi celles-ci,nous citerons l’approche de Hansch (4,5) qui trouveune bonne corrélation pour les nitroanilines entre logRS et la constante de Hammett σ et l’hydrophobicité πexprimée par le coefficient de partage de l’édulcorantentre l’octanol et l’eau :

Log R.S. = 1.610 π - 1.831 σ + 1.729Le rôle de l’hydrophobicité π semble prédominer

dans cette relation lorsqu’on compare les valeurs cal-culées et mesurées des dérivés 2-alkoxy-nitroanilines

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6

1

106

105

104

103

102

10

1

Guanidines

Protéines

Anilides

Saccharines

Dipeptide ester

Triterpenes

Sucres

Deoxyhalosucres

Dipeptide esters

Nitroanilines

Oximes

Acésulfames

Sulfamates

Polyols

Figure 1 : Différentes classes de molécules sucrées.

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(voir Figure 2). Une démarche analogue à celle deHansch a été adoptée par Laffort (6) dans le domainede l’olfaction pour relier l’activité odorante des molé-cules à certaines de leurs propriétés physico-chimiquescomme l’indice de liaison hydrogène, la polarisabilité,le point d’ébullition et la réfraction moléculaire.

D’autres propriétés physico-chimiques comme laconstante d’ionisation (pKa), les forces de dispersion(interactions de Van der Waals), la constante stériquede Taft (Es) ou la solubilité ont été utilisées dans desétudes SAR de la saveur sucrée. La structure molécu-laire des sucres a été représentée par un facteur destructure Xm qui prend en compte la présence decentres chiraux et d’autres propriétés physiques (7).Une bonne corrélation a été trouvée entre ce facteur destructure et la sucrosité relative des sucres et des poly-ols. Le même auteur (7) trouve que la balance hydro-phile/lipophile (HLB) qui peut être déduite ducoefficient de partage du sucre entre l’isobutanol etl’eau ou du rapport des masses moléculaires des por-tions hydrophile et hydrophobe dans la molécule, estun bon critère de prévision de la saveur sucrée.

Modèle de HanschRelation entre sucrosité relative (RS) et les

paramètres σ et π pour les nitroanilines

Log RS = 1,610 π − 1,831 σ + 1,729

R

NH2

N

OO

R

OMeOEtOPr

σ

-0,27-0,24-0,24

π

-0,020,480,98

log RS(observé)

2,5193,1463,699

log RS(calculé)

2,1922,9423,746

σ Constante de Hammettπ Constante d'hydrophobicité

Figure 2 : Modèle de Hansch reliant la sucrosité relative(RS) aux constantes de Hammett σ et d'hydrophobicité.

Figure 3 : Discrimination des saveurs par les valeurs devolume spécifique apparent.

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1.2. Propriétés des solutions aqueuses:

Aussi bien pour la saveur sucrée que pour la tech-nologie alimentaire le solvant aqueux est essentiel etles propriétés en solution aqueuse sont d’un grand inté-rêt. Les molécules sucrées se dissolvent plus ou moinsbien dans l’eau. Après dissolution leur degré de com-patibilité avec le solvant est décrit par le volumemolaire apparent. Le volume spécifique apparent quiest obtenu en divisant le volume apparent par la massemoléculaire semble être un bon facteur de discrimina-tion entre les différentes saveurs (8) (voir Figure 3). Enparticulier, le domaine des molécules sucrées s’étendde 0,5 à 0,7 cm3 g-1 quelle que soit leur nature, étantentendu que ces molécules contiennent un glucophoreapproprié. Parmi les substances sucrées, les sucresoccupent une bande étroite (0,60 - 0,62 cm3 g-1) au

Les viscosités intrinsèques des édulcorants rensei-gnent sur les volumes hydrodynamiques de ces molé-cules. Les valeurs de ces volumes sont 3 à 4 fois plusélevées que le volume spécifique apparent. Ils rensei-gnent indirectement sur la plus ou moins grande mobi-lité des molécules d’eau autour des solutés lors del’écoulement de la solution dans un capillaire. La per-turbation de la structure de l’eau peut aussi se mani-fester par une chute de tension superficielle de lasolution lorsque l’hydrophobicité de la molécule sucréeest grande et non équilibrée avec le pôle hydrophile.

Par ailleurs, le mécanisme de chimioréception de lasaveur sucrée peut aussi être décrit comme un phéno-mène électrochimique au contact d’une membranechargée. Et, à ce titre, le potentiel de membrane induitpar l’interaction entre stimulus et récepteur a pu êtretraité comme une interaction électrostatique et analysésur une base physico-chimique (9).

ASV

SALÉ0,003

0,33-0,52

0,52-0,71

0,71-0,93

ACIDE

SUCRÉ

AMER

GOÛT

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1.3 Propriétés applicables en technologie alimentaire :

A part la saveur sucrée et les calories, les édulco-rants interviennent dans les produits alimentaires pard’autres facteurs qui sont essentiels pour les qualitéstechnologiques et sensorielles ainsi que le marketing.Ces facteurs sont la viscosité et la palatabilité, la tex-ture, l’activité de l’eau, les modification de flaveur et decouleur, l’influence sur les autres saveurs, les réactionsde brunissement et de caramélisation ainsi que desattributs de qualité spécifiques à chaque catégorie deproduit (boissons, nappages, confitures, produits decuisson, crèmes glacées ...).

La texture des produits édulcorés en vue deréduire les calories est généralement obtenue par addi-tion d’ingrédients “basses calories” qui jouent le rôled’agents de masse. Parmi ces ingrédients on peut citerles fibres alimentaires de différentes origines ainsi quel’inuline, le polydextrose et les sirops de glucose hydro-génés. Suivant leur affinité pour l’eau obtenue par lamesure de la capacité de rétention d’eau ou la courbeisotherme de sorption de vapeur d’eau, les ingrédients“basses calories” vont permettre d’obtenir des produitsplus ou moins visqueux, de texture plus ou moins dure,plus ou moins granuleuse. Cela aboutit à une qualitésensorielle réduite. Les agents de masse utilisés avecles édulcorants intenses en vue de reproduire les pro-priétés du saccharose sont en général des polysaccha-rides chargés ou non qui manifestent un comportementrhéologique non-Newtonien. Leurs interactions avecl’eau et avec les autres constituants peuvent amenerdes modifications de texture et de rétention d’eauvariables avec la température de cuisson, le pH ou lesconditions de mélange. La plupart des travaux (10-12)sur le remplacement du sucre par un édulcorant aca-lorique montrent que la saveur sucrée pose moins deproblèmes que la texture, la stabilité et la flaveur quinécessitent parfois l’adjonction de plusieurs ingré-dients, ce qui rend la solution envisagée inacceptableéconomiquement et/ou réglementairement.

La stabilité aux basses températures des crèmesglacées, tant en ce qui concerne la saveur que l’aspectplus ou moins granuleux dû à la cristallisation de laglace est étroitement liée à la composition en sucres etagents de masse stabilisants (13). Ces critères de qua-lité sont directement liés aux interactions entre l’eau etles solutés. Plus l’eau est fortement liée aux consti-tuants solubles de la crème glacée, plus la proportiond’eau non congelée augmente. De plus, plus les tem-pératures de cristallisation commençante et de transi-tion vitreuse de ces systèmes aqueux sont basses, plusla durée de vie (stabilité de la texture et de la saveur)est longue.

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Application des méthodes physico-chimiques àl’élucidation du mécanisme de la saveur sucrée :

Différentes approches ont été adoptées afind’expliquer le mécanisme de perception de la saveursucrée. En l’absence d’isolation et de l’identification durécepteur, la plupart des informations sur ce méca-nisme sont déduites de la structure des moléculessucrées. Le caractère bioélectrique du phénomène detransduction de la saveur est généralement admis. Parailleurs, l’on sait aussi que la “conditio sine qua non”pour qu’une molécule soit sapide est qu’elle soit solubledans l’eau (la salive). C’est pourquoi l’approche phy-sico-chimique du mécanisme de la saveur sucrée entenant compte aussi bien de la conformation de l’édul-corant que des interactions solvant-soluté et de l’effetdu soluté sur la structure de l’eau, semble être digned’intérêt. Lorsque nous parlons d’interactions de faibleénergie entre stimulus et récepteur dans un environ-nement aqueux, c’est surtout de liaison Hydrogènequ’il s’agit.

2.1. Liaison Hydrogène : Intuitions et Observations :

L’implication de la liaison Hydrogène dans lasaveur sucrée a été proposée de façon intuitive parShallenberger (1, 2). Plus tard le système (AH-B)couple de donneur et d’accepteur de liaison Hydrogènedans le stimulus correspondant à l’unité (B-AH) durécepteur a été complété par le centre hydrophobe γ deKier (14). Ce centre γ semble être essentiel pour carac-tériser les édulcorants intenses. Le modèle (AH-B, γ)a été affiné ultérieurement. En effet Van der Heiden etses collaborateurs (15) ont introduit les paramètres α,δet ω qui correspondent à des distances différentes entrele couple AH-B et le centre γ suivant la famille de molé-cules sucrées considérées (voir Figure 4). Bien que leglucophore tripartite (AH-B, γ) soit utile comme hypo-thèse de travail dans les études de modélisation ouSAR, il est loin d’être applicable à toutes les substancessucrées. C’est ainsi que l’on a supposé (16) l’existenced’une barrière sur le récepteur pour rendre compte del’empêchement stérique dans les acides aminés L etexpliquer leur absence de sucrosité. On a égalementproposé (17) une barrière à 700 pm de la zone hydro-phile dans les cyclamates pour expliquer la relationentre saveur intense et conformation optimale.

Plus les moyens de calcul et de synthèse de nou-velles molécules devenaient importants, plus lesmodèles de glucophores devenaient sophistiquésquoiqu’à leur base on trouve toujours le vieux concept(AH-B, γ). C’est ainsi que la conception assistée par

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ordinateur a permis à Goodman (18) de proposer unmodèle en forme de L pour l’aspartame dans lequel ona cherché à obtenir une conformation plane de la molé-cule avec des groupements AH-B et γ occupant despositions optimales. On a l’impression quand onobserve la littérature récente, que la complexité du glu-cophore augmente avec la complexité de la moléculeétudiée. C’est ainsi que Nofre et Tinti (19) proposentun glucophore à 8 sites d’interactions (électrophile,nucléophile ou hydrophobe).

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A-H

B

B

B

B

H-A

2,5-3 Å

2,5-4 Å

5-7 Å

3-5 Å

AH

AH

γ

ω

δα

~300 pm

~260 pm

~740 pm

~525 pm

~520 pm

~350 pm~550 pm

~314 pm

Figure 4 : Glucophores d'après Shallenberger et Acree(AH-B), Kier (AH-B,γ) et Van der Heijden (α, δ, ω).

Si l’on accepte l’hypothèse suivant laquelle la liai-son hydrogène joue un rôle clef dans le processus dereconnaissance moléculaire associé à la saveur sucrée,il faudrait également prendre en compte les caractéris-tiques de la liaison hydrogène elle-même dans le milieuaqueux. Les deux caractéristiques de la liaison hydro-gène qui peuvent avoir de l’influence dans le domainede la saveur sont la coopérativité et la polarisabilité.La coopérativité entre liaisons hydrogène a lieu dansles séquences :

... O-H ...O-H ...O-H ...O-H ...

dans lesquelles elle procure un avantage énergétiquetel que E (H ... O)n > n E (H ... O). C’est pourquoi onl’appelle la propriété de non additivité. On trouve cephénomène de coopérativité dans l’eau, dans les sucres,dans les acides aminés et toutes les fois que les grou-pements tels que OH et NH peuvent être donneurs etaccepteurs de protons dans des chaînes droites oubifurquées(20). Dans les acides aminés ou les peptides,la coopérativité se manifeste dans des séquences tellesque :

O H…O H…O H…

C N C N C N

Cela accroit le caractère liaison simple de la doubleliaison C = O et augmente la rigidité de la liaison C-N.On a pu constater dans le cas de protéines ou d’acidesnucléique l’effet de résonance et de renforcement parcoopérativité des liaisons hydrogène. La deuxièmecaractéristique de cette liaison est la polarisabilité. Leschaînes de liaisons H contiennent des dipôles auxextrémités de chaque OH ou NH d’une valeur de 1 à2 Debyes. Ainsi on peut simplifier en disant qu’un sys-tème mettant en jeu sucre, eau et protéine est une suc-cession de dipôles. Le long de la chaîne qui a unestructure dynamique du type des “fluckering clusters”proposés(21) pour l’eau liquide, il y a transmission del’information dans les 2 sens. C’est à dire que la pré-sence du sucre ou de l’édulcorant peut polariser les liai-sons H au travers de l’eau jusqu’au site récepteur etcette intéraction électrostatique provoque la dépolari-sation de la membrane et le début du mécanisme detransduction de la saveur. Dans l’autre sens, on peutégalement concevoir que la polarisation de la liaisonhydrogène agisse comme un radar qui guide la molé-cule sucrée vers le site récepteur dans la bonne direction.

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Ainsi, il peut ne pas y avoir de contact direct avecle site récepteur. L’ensemble du processus se passe autravers des molécules d’eau. C’est du reste ainsi, c’està dire au travers des chaînes de liaisons hydrogènecoopératives et polarisées de l’eau, que l’on peut conce-voir la saveur sucrée des solutions sucrées de NaCl,KOH, NaOH ou KCl ainsi que de l’ion Beryllium (voirFigure 5). En plus de l’intervention de l’eau, une autrecondition semble prévaloir : le caractère symétrique duglucophore AH-B associé à la saveur agréable (sucréeou salée) alors que la dissymétrie est souvent liée à dessaveurs désagréables (amère ou acide) (22). Le rôle dela symétrie des molécules dans la qualité de la saveurest résumé sur le tableau n°1. Une telle classificationpermet de concevoir que toutes les saveurs constituentun continuum et d’expliquer que la même moléculepeut avoir en même temps les goûts amer et sucrécomme c’est le cas de la saccharine par exemple (23)(voir Figure 6).

H2O

OH2 OH2

OH2

OH2

OH2

BeBe

Be

HH

H B

AHO

O

O

Figure 5 : Glucophore de l'ion Beryllium (d'après Ref. 23)

Figure 6 : Glucophores symétrique (sucré) etassymétrique (amer) de la saccharine (d'après Ref. 22)

H

O

SO2

H

H

C

H

N(Na-HOH)

Dissymétrique AH, B

Symétrique AH, B

Saveur Caractère Général

Sapophoressymétriques

Salée

Sucrée

Sapophoresdissymétriques

Acide

Amère

interaction ionique ; agréable

liaisons hydrogènes compatiblesinteractions (n/e) ; agréable

transfert de charge disymétriquedésagréable

toute interaction non équilibréeionique, liaison H…

désagréable

Tableau 1 : Symétrie et classement des mécanismesréactionnels du goût (Ref 22).

2.2. Corrélation entre conformation et saveur sucrée :

Bien que les phénomènes de coopérativité et depolarisabilité des liaisons hydrogène soient difficiles àinclure dans des calculs empiriques ou semi-empi-riques basés essentiellement sur des potentiels depaires d’atomes, la mécanique et la dynamique molé-culaires ont permis de faire des progrès importantsdans la recherche des conformations actives. C’est ainsique l’utilisation de l’algorithme MM2HB qui est unemodification du programme MM2 d’Allinger a permisà Hooft (24) de calculer les énergies potentielles pourles différentes conformations du saccharose et de 15dérivés halogénés plus ou moins intensément sucrés.Une bonne corrélation a été trouvée entre les minimad’énergie potentielle localisés entre F = 55-85° et y= 80-120° et l’intensité de la saveur des 16 moléculesétudiées (voir Figure 7). Ce modèle est en accord avecles études cristallographiques du saccharose (25) et dusucralose (26) qui laissent apparaître une modificationappréciable de conformation autour de la liaison gly-cosidique après chloration.

Ces méthodes de calcul permettent d’accéder à uneinformation précieuse, à savoir la conformation activeau contact de la membrane réceptrice. C’est ainsi quePerez et ses collaborateurs (27) ont pu montrer que lamolécule de saccharose est flexible et que sa confor-mation active (sucrée) pourrait être approchée par lamodélisation de l’interaction sucre-protéine. La

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prévision par le calcul et par les mesures RMN a per-mis de démontrer la flexibilité du saccharose à l’étatsolide et en solution. En particulier, l’absence de liai-sons hydrogène intramoléculaires que nous avons (28)suggérée intuitivement à partir de résultats spectro-scopiques et de rayons X a pu être démontrée avecl’appui de plusieurs arguments de calcul conforma-tionnel et d’expérimentation RMN en solution sur lesaccharose et ses dérivés (29).

Ainsi les modèles moléculaires les plus intuitifscomme le modèle CPK (Corey-Pauling-Koltun), ceuxqui prennent en compte, en plus de la forme de la molé-cule, sa lipophilicité et son hydrophilicité suivant desreprésentations colorées que les calculateurs modernesautorisent, et les calculs de dynamique moléculaire etde minima d’énergie permettent d’avoir un éclairagesupplémentaire sur cette interaction électrostatiquequ’est l’interaction stimulus-récepteur de la saveursucrée.

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••

• • •

• •

• •

0

-1

5

12

log (sucrosité)

∆E (kcal mol-1)

Figure 7 : Corrélation entre le logarithme de l'intensitéde la saveur sucrée et l'énergie conformationnelle (pourla conformation la plus stable) pour 16 dérivés chlorésdu saccharose (d'après Ref.24).

2.3. Rôle de l’eau dans le mécanisme de chimioréception de la saveursucrée :

De la même façon que l’idée intuitive de l’implica-tion des liaisons hydrogènes dans la saveur des molé-cules a réussi à s’imposer dans les études du mécanismede la saveur sucrée, la présence évidente de l’eau dansl’environnement de l’interaction stimulus-récepteurdevrait inciter à prendre en compte ce liquide dansl’approche du problème. Nous avons depuis un

certain nombre d’années (30) montré l’importance desinteractions solvant-soluté dans le domaine de lasaveur sucrée des petits sucres. Récemment nousavons présenté un modèle de chimioréception de lasaveur sucrée prenant en compte le rôle de l’eau (31).Ce modèle comporte 3 étapes (Voir Fig.8).

∆ ∆∆

∆ ∆∆ ∆∆ ∆∆ ∆∆ ∆∆ ∆

∆∆

∆ ∆

∆∆

∆∆∆∆

Figure 8 : Modèle de chimioréception de la saveursucrée à 3 étapes

La première nécessite que la molécule hydratées’approche du site récepteur sur l’épithélium lingual.Une telle accession dépend de la taille de la molécule,de la fluidité du milieu ainsi que de l’effet détergent.Ces conditions sont décrites par les propriétés physico-chimiques suivantes : volume spécifique apparent,

ACCESSION AU SITE

V°2 {η}

Btaille

AH

B

B

AH

γ

γ

EXCITATION(AH-B, γ)

HO

HO

HO

HO

HO

O

γγ

Na+

K+H2O

PERCEPTION DE LASAVEUR MOBILITÉ

DE L'EAU

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viscosité intrinsèque et tension superficielle. Ladeuxième étape qui est nécessaire après l’accession ausite, c’est l’excitation de la membrane réceptrice grâceà un système (AH-B, γ) bien orienté. Plus qu’une géo-métrie exacte du triangle (AH-B, γ) , c’est une polari-s a t i o n d e l a m o l é c u l e e t u n é q u i l i b r ehydrophile-lipophile qui sont nécessaires pour quel’information “bioélectrique” passe, probablement avecla médiation des molécules d’eau comme le préconiseJeffrey (20). La chaîne de dipôles optimale étant obte-nue avec la conformation la plus probable de la molé-cule sucrée au voisinage de la membrane réceptrice,qui n’est pas forcément celle correspondant au mini-mum d’énergie.

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Importance des propriétésphysico-chimiques dansl’élaboration de produits sucrés

:

L’étude expérimentale des interactions solvant-soluté qui ont une incidence sur la perception de lasaveur sucrée se passe en général dans l’eau distillée àtempérature constante en solution diluée. Les simula-tions sur ordinateur sont encore plus éloignées de laréalité. Elles concernent des molécules isolées dans levide ou entourées d’un nombre limité de moléculesd’eau avec des conditions idéalisées qui n’ont rien à

A l’état actuel des connaissances, on peut se suffiredes données cristallographiques et de spectroscopievibrationnelle en attendant de pouvoir corréler les cal-culs de mécanique et dynamique moléculaire avec uneobservation expérimentale directe. La troisième étapede ce modèle résulte après accession de la moléculesucrée au site et excitation de la membrane, du plus oumoins grand ordre ou désordre des molécules d’eauqui environnent le couple stimulus-récepteur. La mobi-lité de l’eau doit aider à comprendre la qualité (inten-sité-persistance) de la saveur. L’on sait d’après lathéorie de Kier (14) que le centre hydrophobe inter-vient dans l’intensification de la saveur des édulcorantsintenses. Ce côté hydrophobe de la molécule contribueà repousser les molécules d’eau ; le côté hydrophile(AH-B) les attire. Plus les effets hydrophile et hydro-phobe dans une molécule sont élevés et opposés defaçon symétrique, plus les molécules d’eau sont mobileset la saveur intense. Pour rendre compte de la mobilitéde l’eau, l’analyse des sprectres Raman-laser desconstituants de la bande OH de l’eau et des solutionsaqueuses et leur comparaison semble être le meilleurmoyen (voir Figure 9 et Tableau 2).

Figure 9 : Spectres Raman de l'eau et des solutions de sucres

3600 3400 3200 3000 3600 3400 3200 3000 3600 3400 3200 3000 3600 3400 3200 3000cm-1

Water 10% Fructose 10% Sucrose 10% Glucose

ab

cd

expérimental

calculated

voir avec la perception de la saveur sucrée dans unproduit alimentaire. Or, le dernier juge de l’acceptabi-lité de la saveur de tel ou tel édulcorant, c’est leconsommateur qui va le déguster dans une boisson,une confiserie ou une patisserie qui doivent répondreà des critères de qualité plus ou moins faciles à mesu-rer. Il existe donc une étape intermédiaire entre la solu-tion diluée dans l’eau distillée et le produit réel. Cetteétape consiste à étudier au moyen de méthodes phy-sico-chimiques et par évaluation sensorielle l’effet deparamètres jugés importants tels que la température, laviscosité ou la polarité du solvant.

3.1. Influence de quelques paramètressur la saveur sucrée des sucres ensolution :

a) Température : L’intensité et la persistance de lasaveur sucrée du D-glucose, D-fructose et du saccha-rose ont été étudiées (32) pour des concentrationsvariant entre 2.3 et 9.2 % à trois températures : 15, 22et 35°C. Il a été trouvé un écart significatif entre le D-glucose d’une part, le D-fructose et le saccharosed’autre part (voir Figure 10) en ce qui concerne la varia-tion de l’intensité en fonction de la concentration. Latempérature de 22°C semble correspondre à une sucro-

3

★★ ★

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sité plus élevée à toutes les concentrations et pour tousles sucres. Les écarts entre les valeurs de persistancesont moins importants même si la persistance à 22°Cest légèrement plus élevée qu’au deux autres tempéra-tures. Les différences observées ont été expliquéesd’après les propriétés physico-chimiques en solution etla structure de l’eau aux températures étudiées. Eneffet, la structure de l’eau est plus stable à 22°C qu’à 15ou 35°C. L’évaluation sensorielle de la sucrosité n’estalors pas influencée par la température et l’intensité dela saveur est perçue comme étant plus élevée.

b) Viscosité : L’effet de la viscosité de la solutionsur l’intensité et la persistance de la saveur de solutionsde D-glucose, D-fructose et de saccharose a été étudiée(32). La variation de la viscosité a été obtenue parl’addition de maltodextrines. L’intensité de la saveursucrée décroît rapidement entre 1 et 5 mPa.S puis sestabilise pour le D-fructose et le saccharose, alorsqu’on n’observe pas de variation pour le glucose (voirFigure 11). La viscosité ne semble pas avoir d’influencesignificative sur la persistance de la saveur des 3 sucres(voir Figure 12). Le rôle de l’agent viscosigène quimasque le site récepteur et réduit les différences entre

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les trois sucres apparaît mieux avec la persistance. Ces mélanges de sucres et de maltodextrines laissentapparaître la compatibilité du glucose avec un poly-saccharide de même nature. Si l’augmentation de vis-cosité était obtenue avec un autre agent de masse, iln’est pas exclu que le comportement des sucres soitdifférent.

c) polarité du solvant : Etant donné l’importancedu caractère dipôlaire de l’eau et de sa participationaux chaînes de liaisons hydrogènes de la saveur sucrée,nous avons pensé que la modification de la polarité dusolvant pouvait apporter des renseignements utiles.C’est pour cela, que nous avons étudié (33) l’effet del’éthanol sur la structure de l’eau et son incidence surl’intensité et la persistance de la saveur des 3 sucres(D-glucose, D-fructose et saccharose). Les propriétésphysico-chimiques des sucres dans le mélange binaire(eau-éthanol) pris comme solvant sont différentes de ceque l’on observe dans l’eau. Les écarts sont attribuablesà la modification de la structure de l’eau par l’éthanol.Cet alcool exerce un effet renforçateur de structure surles molécules d’eau et un effet détergent très net. laperturbation de la structure de l’eau est également

Tableau 2 : Position du maximum (ν) surface (intensité intégrée), % surface totale, déplacements de fréquences (∆ν) et

de % surface totale (∆ surface %) de la bande Raman de l'eau et des solutions aqueuses du sucre.

Constituant

Constituant ν (cm-1) % surface ∆ν (cm-1) ∆ surface (%)

ν (cm-1)% surface

de pic

Eauabcd

3223341335473638

48,237,712,61,5

D-Fructose 10 %abcd

D-Glucose 10 %abcd

Saccharose 10 %abcd

3229341735473638

3228341735443638

3229341635443636

48,538,011,81,7

48,238,611,51,7

48,637,212,51,7

+6+400

+5+4-30

+6+3-3-2

-0,3+0,3-0,8+0,2

0+0,9-0,3+0,2

+0,4-0,5-0,1+0,2

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L’évaluation de la saveur des 3 sucres dans lemélange eau-éthanol montre une décroissance de laréponse particulièrement significative dans le cas de lapersistance(34). L’origine de cette décroissance estmultiple. D’une part l’éthanol peut agir comme anes-thésiant et provoquer une sensation de déshydratationde la langue auprès des dégustateurs. Cette déshydra-tation serait due à un phénomène d’adsorption del’éthanol sur la membrane réceptrice comparable à cequi a été observé sur le cortex cérébral (34). D’autre

part, le renforcement de la structure de l’eau et la dimi-nution de sa mobilité conduisent à une transmission dumessage sensoriel ralentie comme c’est le cas pourl’influx nerveux après une prise de boisson alcoolisée.Tous ces arguments plaident en faveur du rôle pré-pondérant de l’eau et du mécanisme physico-chimiquede la perception de la saveur sucrée. Ce mécanisme estd’ailleurs loin d’être un simple phénomène osmotiquepuisque les réponses des fibres nerveuses à des pres-sions osmotiques identiques de NaCl et KCl ne sontpas les mêmes (35).

3.2. Importance des propriétés physico-chimiques dans laformulation de produits édulcorés:

L’on sait par expérience que l’absence de viscositéaux doses où ils sont utilisés limite l’application desédulcorants intenses à quelques produits alimentairescomme les boissons ou les compotes. Dans les autresproduits leur utilisation doit être associée à un produitde masse qui remplace les fonctions sensorielles dusucre autres que la saveur sucrée. De même il fautsignaler que les édulcorants intenses sont souvent uti-lisés en mélange avec d’autres édulcorants ou dessucres pour masquer l’arrière goût ou provoquer unesynergie.

Pour les boissons, par exemple, il est nécessaired’avoir une palatabilité, un équilibre sucré/acide et unprofil de flaveur proches de ce que l’on obtient avec lesucre. De plus, la stabilité dans le temps et en fonctionde la température sont des paramètres importants.Bien que l’aspartame possède une saveur proche dusaccharose, il nécessite l’emploi d’agents de masse pourcorriger la palatabilité, un rapport sucré/acide équilibréet qui doit être stable pendant la durée de vie sans avoirde pointe d’acidité. Les agents aromatisants (concentréou huile) doivent être émulsionnés dans des agents demasse acceptables acaloriques qui n’altèrent ni la cou-leur ni la stabilité du produit. Le produit doit pouvoirêtre pasteurisé ou stérilisé ce qui ajoute une conditionde stabilité thermique. Enfin le produit doit être stabledans son emballage, ce qui implique l’absence d’inter-actions au pH du produit avec l’emballage, l’espace detête ou l’atmosphère extérieure.

Dans le cas de confitures ou de nappages, les cri-tères de couleur, de viscosité et de stabilité bactériolo-gique, imposent à la formulation des conditionsd’écoulement, d’acceptabilité de couleur et d’activitéde l’eau qui sont rarement réunies dans des formulesutilisant un autre produit que le saccharose.

Les pâtisseries industrielles peuvent être édulco-rées à l’aide d’édulcorants intenses, mais l’utilisationd’agent de masse se limite souvent à 5 -10% maximum

Figure 10 : Intensité de la saveur sucrée du D-glucose,du D-fructose et du saccharose en fonction de latempérature et de la concentration à 15, 22 et 35°C.

Intensité

C (g%ml)

0 2 4 6 8 10

100

60

20

35°C

Intensité

C (g%ml)

0 2 4 6 8 10

100

60

20

22°C

Intensité

C (g%ml)

0 2 4 6 8 10

100

60

20

15°C

SaccharoseFructoseGlucose

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du poids de sucre si l’on veut avoir un produit accep-table qui se conserve bien. Cela réduit bien entendu lecaractère allégé de la patisserie et décourage les tenta-tives de diversification dans ce secteur.

3.3. A la recherche de l’édulcorant idéal pour remplacer lesaccharose : imitations et limitations :

Le saccharose a été décrit comme l’édulcorant idéal

car il convient parfaitement à l’environnement alimen-taire où il est utilisé (36). Son remplacement a été unvéritable défi pour les nombreux industriels et cher-cheurs qui s’intéressent à la saveur sucrée. Le nombrede conditions à atteindre pour arriver à imiter la plu-part de ses propriétés dans un produit alimentaire estélevé. Nous pouvons citer les suivantes :

1 - la réponse en intensité de saveur en fonction dela concentration

2 - le profil de flaveur (pour chaque produit)3 - le profil temporel (intensité en fonction du

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Figure 11 : Persistance de la saveur des 3 sucres enfonction de la température et de la concentration.

Persistance (sec)

C (g%ml)

0 2 4 6 8 10

10

6

2

Glucose

Persistance (sec)

C (g%ml)

0 2 4 6 8 10

10

6

2

Fructose

Persistance (sec)

C (g%ml)

0 2 4 6 8 10

10

6

2

Saccharose

0 5 15 25 35 45

50

30

10

Intensité

η (mPas)

Glucose

0 5 15 25 35 45

50

30

10

Intensité

η (mPas)

Fructose

0 5 15 25 35 45

50

30

10

Intensité

η (mPas)

Saccharose

Figure 12 : Intensité de la saveur des 3 sucres enfonction de la viscosité.

15°C22°C35°C

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temps)4 - le temps d’adaptation5 - les interactions avec les autres flaveurs et

arômes6 - l’équilibre sucré/acide (citrique)7 - effet de la température8 - la sélectivité spatiale (langue - cavité orale ...)9 - la viscosité et autres propriétés rhéologiques du

produit10 - la palatabilité (tenue en bouche)

Chacune de ces caractéristiques peut-être appro-chée individuellement au travers de mélanges d’édul-corants et d’agents de masse, mais l’obtention de toutesles caractéristiques en même temps dans un produitdonné reste un but à atteindre pour nombre de cher-cheurs.

Conclusion :

La liste des conditions à atteindre pour imiter lasaveur et les autres attributs du saccharose est longue.Elle est à l’origine des travaux récents d’imitation de cesucre. Mais ces imitations portent en elle-mêmes leurslimitations. En effet, lorsqu’on déplace l’équilibre entrela sucrosité et les autres propriétés en utilisant un édul-corant intense, on a beaucoup de difficulté à rétablir cetéquilibre sur le plan technologique et en ce quiconcerne l’acceptabilité du produit. Il en est du sucre,en tant qu’édulcorant idéal comme de l’eau en ce quiconcerne la recherche de sa structure. Les modèles destructure de l’eau proposés par le calcul permettent derecouper certaines propriétés comme le maximum dedensité, la viscosité ou l’expansion thermique, maisaucun modèle n’a permis de retrouver une eau iden-tique à l’eau expérimentale (réelle). De même les édul-corants nouveaux ou anciens, associés ou non àd’autres ingrédients de masse permettent dans certainsproduits d’atteindre une palatabilité, une sucrosité ouune texture désirée mais rarement l’ensemble des qua-lités du produit sucré au saccharose.

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