Association des Amis du Musée SAFRAN
Bulletin N° 15 AVRIL 2012 BULLETIN N° 15 MAI 2012
ASSOCIATION DES AMIS
DU MUSEE SAFRAN
Edito du Président
Dès l’arrivée, on voit bien que la dalle ouest s’étale langoureusement sur le
frais gazon. Les différentes zones d’activité sont conformes aux plans : menuiserie
et chaudronnerie, motos-maquettes-espace, bibliothèque, et, tout au bout, près
des toilettes le bureau des chefs ! Chacun s’affaire pour prendre ses marques.
Quelques bougons regrettent l’antan, mais leurs discours d’anciens
combattants n’excitent personne, même que certain s’extasie de l’urinoir apparu
dans un coin de l’atelier, demandé depuis des lustres, toujours repoussé,
permettant de garder sèche la couche-culotte sur le trajet incompressible du sud
au nord.
Les fusées ont pris leur quartier en zone libre. Bien que les finitions de la
décoration laissent encore à désirer, elles ne regrettent pas la zone occupée
précédemment, exception fait pour celle d’Hammaguir, qui avait noué une idylle
avec le Renault 12S, qui s’était dressé verticalement pour lui ressembler.
Vulcain trône au milieu de ses congénères et répète à tout va qu’elles sont
entre gens de bonne compagnie et ne frayent plus avec ces fusées aéronautiques de
puissance ridicule, qui ne leur arrivent pas à la cheville. Les cinq Viking s’esclaffent
et se congratulent avec maints objets venant de Vernon, qu’elles avaient connu
dans des temps anciens. Seule Europa fait grise mine, considérant que son euro est
dévalué. Le satellite, qui domine la situation, leur demande le silence, car il va
faire un discours de bienvenue….
….. mais, tout à coup, le matin pointe à l’est, ce n’était qu’un songe…
….. j’ai fait un rêve, et, il n’y a rien de nouveau à l’ouest !
Claude Moussez
CONTACT
AAMS Musée Safran Rond Point René Ravaud 77550 Réau Tél : 01 60 59 72 58 Fax : 01 60 59 74 05
Mail : [email protected]
Bulletin n°15 Mai 2012
Bulletin édité par l’Association des Amis
du Musée Safran
Comité de rédaction : G. Lagny, G.
Laviec, C. Moussez, P. Boué, G. Basselin
J’ai connu… LOUIS DAMBLANC
Par Pierre Boué
Nota : Nous rééditons l’article de Pierre Boué qui avait été tronqué, à l’impression, dans notre précédent
bulletin.
Le nom de Louis Damblanc apparait dans le bulletin n° 13 de
l’Association qui relatait la restauration du moteur rotatif en étoile
Damblanc Muti dont il était le concepteur.
Ayant personnellement eu l’occasion de le rencontrer dans les
débuts de ma carrière à la SNECMA, il m’a semblé intéressant
d’évoquer, en quelques mots, la manière dont j’ai fait sa
connaissance et de relater brièvement ce que ma mémoire a retenu
des entretiens que nous avons eus.
Dans les années 1955,1956, le Président Henri Desbruères,
probablement eu égard à son passé, lui avait confié un rôle de
consultant. Cette fonction l’avait conduit à venir passer un après-
midi par semaine à Villaroche.
Au cours d’une de ces visites, il était venu voir Monsieur Eggers, chef de la division
« décollage vertical », qui avait réuni son équipe d’ingénieurs pour la lui présenter.
Esprit curieux, il s’était rapidement intéressé à nos travaux, et avait pris l’habitude de venir
nous voir, mais je ne me souviens pas qu’aucun d’entre nous se soit adressé à lui pour résoudre un
problème; les sujets de conversation n’avaient, la plupart du temps, rien à voir avec notre
activité.
Passionné par l’histoire de la seconde guerre mondiale, il lisait tout ce qui était publié sur le
sujet et prenait plaisir à nous commenter ses lectures. Etant moi-même intéressé par ce volet de
l'histoire, je l’écoutais avec intérêt.
Un jour qu’il déplorait le manque de littérature disponible sur le déroulement des
évènements en Extrême Orient et dans le Pacifique, à cette époque, mon collègue et ami Jean
Jardinier lui dit, en me désignant : Boué a vécu cette période en Indochine, avec les
Japonais. C’est ainsi que je suis devenu un de ses interlocuteurs privilégiés. A partir de ce jour,
j’avais droit à sa visite toutes les fois qu’il venait à Villaroche. Il me posait à chaque fois des tas de
questions, sur l’attitude des japonais vis-à-vis des français, sur le Gouverneur Général, l’Amiral
Decoux, sur la manière dont se déroulait la « cohabitation ».
Le prédécesseur de l’amiral Decoux était le général Catroux. Un humoriste, pour illustrer
l’évènement, avait dit : avec Catroux (alias quatre roues) l’Indochine roulait, avec l’amiral Decoux
(alias Pan Pan) ça va barder !
Louis Damblanc évoquait parfois son passé. Il avait coutume de dire, pour rappeler sa
notoriété entre les deux guerres, qu’il avait une table retenue en permanence chez « Maxim’s ».
L’établissement pour assurer sa renommée, favorisait une certaine clientèle dont il faisait partie.
Il bénéficiait d’un tarif préférentiel. Le prix du repas était, pour lui, dix fois moins cher que pour
les clients anonymes. Je ne sais si « Maxim’s » a toujours la même démarche commerciale auprès
de ses VIP.
Nous avions également un autre sujet de conversation. Louis Damblanc avait, dans les
années qui ont précédé la seconde guerre mondiale, effectué des travaux sur les fusées à étages.
Ces travaux l’avaient amené à déposer aux USA, des brevets relatifs à ce type de fusées. Malgré
leur exploitation par la NASA, elle refusait de lui payer les royalties auxquelles il pouvait
prétendre. Il était pour cette raison en procès avec cet organisme. La seconde guerre mondiale
causa certainement un grand préjudice à Louis Damblanc dans ce domaine.
Que dire d’autre des souvenirs que ma mémoire conserve des «tête à tête » avec lui ? Tout
d’abord que, dans ces années, Monsieur Damblanc m’apparaissait comme un très vieux monsieur.
Or, né en 1889, il n’avait en 1955 que soixante-six ans ! Quelle raison pouvait me pousser à
éprouver un tel sentiment ? Il y avait probablement la différence d’âge mais pas uniquement. Je
pense que l’apparence physique des hommes n’était pas la même il y a une cinquantaine d’années.
Une personne de soixante ans paraissait plus âgée qu’une personne du même âge aujourd’hui.
Je terminerai en rappelant brièvement le parcours de cet homme hors norme, peu connu en
regard de son apport à la science de la propulsion aéronautique. Né à Lectoure en 1889, il a
d’abord vécu à Fleurance où son père était carrossier. Après des études d’ingénieur à Grenoble, il
s’est illustré successivement dans l’étude des moteurs d’avions, des voilures tournantes, des fusées
multi étages, et, en dernier ressort, dans l’optique. Par ailleurs il a été journaliste, auteur de
nombreux articles, et directeur de nombreux journaux. Pendant 14 ans il a été maire de
Fleurance, fonction qu’il dut céder à une personne nommée par le gouvernement de Vichy. A cela
il faut ajouter un engagement politique. Il s’honorait de l’amitié d’Aristide Briand.
Louis Damblanc est décédé en 1969, à l’âge de quatre-vingt ans.
Dossier
MOTEUR BREGUET-BUGATTI 32B
Un monstre pour un monstre
Juste après la première guerre mondiale, l’idée d’utiliser des avions pour le transport aérien civil
germa dans les esprits des avionneurs. La première liaison de transport civil est réalisée en 1919
par des Farman 60 entre Paris et Londres avec 12 passagers.
Louis Breguet conçut à l’époque un avion dit « géant » pour son temps, pouvant emmener 20
passagers : le Br XX « Léviathan ». Cependant il lui fallait un moteur assez puissant pour le
propulser.
Dans cette même période, Ettore Bugatti créait non seulement des voitures, mais aussi des
moteurs d’avions. En 1916, il créa le moteur Bugatti 8A (8 cylindres en ligne) de 250 ch. C’était le
premier moteur avec 3 soupapes par cylindre. L’idée de base de cet homme de génie fut de créer,
à partir d’un moteur existant, un ensemble beaucoup plus puissant grâce à l’accouplement de
deux moteurs l’un à l’autre. C’est ainsi que naissait le moteur 16C. Les deux moteurs étaient
montés côte à côte, reliés par une boite d’engrenages pour entraîner l’arbre porte hélice. Cette
architecture donnait un moteur en U.
En 1920, Louis Breguet et Ettore Bugatti s’associèrent. Bugatti apporta ainsi à Breguet un moteur
capable de propulser son énorme avion « Léviathan ». Comme le moteur Bugatti 16C ne produisait
pas une puissance encore suffisante pour l’avion, Bugatti décida d’accoupler deux moteurs Bugatti
16C, pour donner naissance au moteur 32A et ensuite 32B. L’accouplement ainsi créé donnait donc
une forme de moteur en H. Il était aussi possible de débrayer un quart du moteur en cas de couple
négatif de celui-ci. En fait, on pouvait considérer que ce moteur était un bimoteur voire un
quadrimoteur. Chaque cylindre comportait deux bougies d’allumage et trois soupapes : une
d’admission et deux d’échappement plus petites.
Le moteur était placé à l’avant de l’avion dans ce que l’on peut appeler une « salle des
machines », car le mécanicien devait pouvoir accéder directement au moteur .Il était équipé d’une
hélice qui paraissait être quadri pale, en fait, elle était composée de deux hélices bipales
superposées, calées à 90°.
Le « Léviathan » équipé du 32A fut classé 2ème au prix des avions de transport de 1922, mais il ne
fut retenu par aucune compagnie aérienne.
CARACTERISTIQUES :
Année : 1925
Puissance : 950 ch.
Vitesse de rotation : 2100 tr/mn
Refroidissement : eau
Nombre de cylindres/disposition : 32/H
Alésage x Course : 108x160
Cylindrée : 47 litres
Taux de compression : 5,5
Masse : 1090 kg
Masse spécifique : 1,14kg/ch.
LA RESTAURATION DU BREGUET-BUGATTI 32B
Un quadrimoteur « monstrueux » au Musée SNECMA
De 1993 jusqu’à l’an 2000, une
équipe de joyeux lurons, fanas de
mécanique et d’histoire a vécu une
aventure extraordinaire en
réalisant, pour le Musée de l’Air, la
restauration d’un moteur prototype
qui restera l’une des plus belles et
mémorables aventures vécues
depuis que notre musée existe.
La devise qui peut se rapporter à ce
moteur, né des génies conjugués de
Louis BREGUET et de Ettore
BUGATTI, est : « pourquoi faire
simple quand on peut faire
compliqué ? »
Le génie inventif de nos restaurateurs amateurs dût, dans tous les domaines, se montrer à la
hauteur de celui des illustres industriels. Il leur fallut développer :
- Les outils : le démontage de chaque écrou ou de chaque vis nécessitait la mise au point
d'outillages spécifiques allant du bâti complet permettant la manipulation de l'ensemble dans tous
les axes jusqu'à la clé spéciale permettant le démontage des écrous au pas à gauche en passant par
le tournevis courbe capable d'atteindre les endroits inaccessibles.
- Les méthodes : la méthode de base mise au point fut la C.C.C. (Contrainte, Choc, Chauffe). Pour
la partie frappe, la sous méthode était le D.A.O. (Darracq Assisté par Opérateur) : l'ordinateur
utilisé fut un mélange d'huile de coude et de jurons quand le marteau s'égare sur les doigts du
frappeur. Le chauffage ressorti du C.A.O. (Chalumeau Assisté par Opérateur : le même que pour la
frappe!...).
Une autre méthode originale, dite trempage à la sauce caillou, fut mise au point pour espérer
venir à bout de l'huile de ricin transformée en super glue au cours des années : eu égard à sa
modestie, nous tairons ici le nom de son génial inventeur.
Il était bien sûr rigoureusement inutile de savoir lire un plan ; il n’y en avait aucun!
Et c'est ainsi que, tels Christophe Colomb, chaque mercredi on croyait atteindre Pondichéry alors
que c’était Terre-Neuve, les Açores ou ......l'île de Sein!
L’équipe atteignait enfin l'Amérique ; elle nous raconte maintenant quelques « Siouxeries »
découvertes au fil des années.
L’équipe de restauration :
Sur ce document, il manque Didier Marly et Jean-Max Silhouette: mais, comme eux, tous ceux que vous y voyez ont mis
la main à la pâte ou, plutôt, les mains dans l’huile de ricin pendant la plus longue restauration réalisée à ce jour
P. GOBERT A. VERDIER
M. JOUARD
G. GERMAIN J. RENNESSON M. LAIGO
R. LAZARETH J. PANNETIER C. KREMPEL
Nous voyons ci-contre, la reproduction
d’une photo d’époque de cette petite
merveille qui fit souffrir, transpirer,
jurer et rire pendant quelques années
toute cette joyeuse équipe.
P. GUILLEN
G. FOURNIER
JP BERNARD Y. CAUBET C.COLLIN G. CHATAIGNER
G. COLLADON
G. COLLADON
P. CORNET
Le démontage :
1. Moteur mis en place, avec son bâti avion, sur le poste de travail en juin 1993 !
2. Tentative de démontage des têtes de couvercles de culbuteurs des blocs cylindres supérieurs:
premières difficultés car, après dépose des vis de fixation, rien ne vient! Il nous faudra trouver un
cylindre, un peu plus docile que les autres, pour que nous découvrions la nécessité de tourner la
tête de 120 degrés.
Première constatation : la glue que constitue l'huile de ricin desséchée peut cacher des astuces de
montage imprévisibles !
3. Démontage des ensembles d’arbres à cames supérieurs et mise à nu des queues de soupapes à
des stades divers de montage.
4. Tentative de démontage des blocs cylindres
supérieurs : un premier a été démonté par des
moyens artisanaux (Vérin à vis assisté à l'huile de
coude), mais deux autres conclusions s'imposent :
Deuxième constatation : Les cylindres ne sortiront qu’en
les mettant en suspension au bout d’un palan à l’aide de
sangles et en soumettant le tout à des secousses répétées
pour les décoller.
Troisième constatation : Il faut construire un bâti spécial
permettant de travailler dans toutes les positions.
5. Bâti support du moteur terminé en septembre 1993.
6. Dépose du moteur de son bâti avion sur lequel il nous avait été livré: il est posé à terre sur
deux supports montés à la place des blocs cylindres inférieurs.
7. Tentatives de démontage des pistons : comme il est impossible de faire tourner le moteur à la
main, seuls pourront être démontés ceux dont le freinage de l'axe du piston est accessible.
8. Tentative de démontage de la table arrière où sont supposés se trouver les systèmes
d'embrayage et de débrayage de chacun des quatre vilebrequins par rapport à l'arbre porte hélice.
9. Devant le caractère parfaitement infructueux des efforts déployés par les moyens artisanaux
disponibles, des réflexions furent engagées pour permettre le démontage de l'arbre porte-hélice :
cet arbre était probablement accouplé à l'arbre d'hélice par un emmanchement conique avec
clavette et bloqué par un système écrou contre-écrou dont l'un des deux possède un pas à gauche.
Pour déterminer qui de l’écrou ou du contre-écrou possédait un pas à gauche, l'arbre porte-hélice
fut percé à l’aide d’une fraise à lamer pour affleurer le filetage du contre-écrou : c'est bien lui qui
avait un pas à gauche.
10. Prise des empreintes des écrous et contre-écrous pour fabriquer une clé spéciale (Valable
pour les deux).
11. Pour l’arrière du moteur, il sera décidé de le faire tremper dans un bac rempli d’alcool pour
venir à bout des problèmes d’huile de ricin. Pour éviter d’utiliser 1000 ou 1500 litres de ce
précieux ingrédient, on installe le moteur, arrière vers le bas, dans un grand bac et on commence
à le remplir avec des graviers avant de mettre l’alcool. Pendant ce temps (exemple remarquable
de travail en temps masqué !), on noie écrou et contre-écrou de l’arbre porte-hélice dans le
dégripoil.
12. Dépose du moteur de son bac de trempage et remise en position normale de vol.
13. Desserrage du contre-écrou de l’arbre porte-hélice : le couple nécessaire est de 3 personnes
de 80 à 90kg suspendus à un bras de levier de 2m environ !
14. Desserrage de l’écrou beaucoup plus facile : l’arbre porte-hélice ne tient plus que grâce au
serrage du cône.
15. Pour ce point, deux personnes exerceront une pesée longitudinale importante sur la bride de
l’arbre porte-hélice tandis qu’une 3ème chauffe ce dernier au chalumeau et qu’une 4ème frappe
dessus à tour de bras : quand brutalement l’ensemble se désolidarise, les deux pousseurs se
retrouvent bien sûr à terre !
16. La table arrière têtue et impavide refusera obstinément de reculer quelle que soit la
méthode d’approche utilisée après qu’aient été desserrées les 4 fixations (haute, basse et deux
latérales) sur le carter central : à noter que, pour des raisons d’architecture de la table arrière,
l’une des fixations latérales ne peut se démonter que par l’intérieur du moteur et nécessite la
dépose d’un renvoi d’accessoires. Les deux renvois sont déposés, non sans difficulté, car les
cannelures d’entraînement sont complètement collées à l’huile de ricin.
17. Après dépose des systèmes fixés en bout de vilebrequins et dont il sera supposé qu’ils jouent
un certain rôle dans les phases de débrayage ou d’embrayage, les fixations haute et basse serviront
de points d’appui à un outillage spécialement étudié pour désengager la table arrière du moteur.
18. Après plus de 6 mois de réflexions, d’efforts souvent inutiles, d’engueulades encore plus
inutiles mais parfois marrantes et d’échecs qui en auraient découragé plus d’un (pas nos
compagnons évidemment!), la table recule complètement entraînant avec elle l’ensemble de
l’arbre moteur central.
Eurêka !...On comprendra alors la raison des
difficultés rencontrées tout au long du démontage:
l’accouplement de l’arbre central avec les 4 arbres
de vilebrequins se fait par pignons hélicoïdaux et,
pour faire reculer l’arbre central, il aurait fallu que
les vilebrequins puissent tourner, ce qui n’était
évidemment plus le cas ! Par chance, l’angle et la
longueur des dentures étaient suffisamment faibles
pour permettre le désengagement, avec un effort
très important, certes, mais, heureusement, un
minimum d’élasticité des pièces en présence : en
outre, il sera découvert plus tard que les pignons hélicoïdaux fixés en bout de vilebrequins
l’étaient par l’intermédiaire d’un système de biellettes et de masselottes qui a probablement
fourni la part la plus importante du jeu indispensable au succès des efforts mis en œuvre!
Ci dessus, l’accouplement à masselottes qui a peut-
être permis le démontage de la table arrière
Son rôle était probablement d’amortir les variations
de couple entre vilebrequin et arbre porte-hélice.
Vue après démontage et
nettoyage
Vue en bout d’arbre
Désaccouplement de l’arbre central de la table arrière et dépose des roulements : il y a deux
roulements à gorge profonde rotulant à chaque bout de l’arbre. Début de remise en état de tous
les constituants de l’arbre central après démontage de l’ensemble.
19. Démontage et nettoyage des pièces constitutives des renvois d’accessoires.
20. Démontage des blocs cylindres : après la dépose des soupapes, le démontage des « boites à
eau » qui entourent chaque bloc de 4, n’offre pas de difficulté majeure à l’exception d’une vis de
fixation du couvercle supérieur, montée dans le circuit d’admission à la place d’un goujon, et qui
nécessite soit un tournevis tordu pour aller dans les coins, soit, plus rarement, un perçage du
carter pour permettre l’accès.
Par contre, le démontage de chaque chemise de l’embase inférieure fut
particulièrement difficile car chaque chemise est fixée par 4 boulons
(13/150) freinés par 4 énormes coups de pointeau entre vis et écrou ! En
outre, le très faible jeu entre écrou et chemise nécessitera une modification
notable de certaines clés à pipe qui diminuera de façon notable leur
résistance au couple : l’une d’elles ne s’en est jamais remise ! Les 128 vis et
écrous ont été immédiatement repassés au taraud et à la filière et, comme
pour tous, il faudra refaire des copeaux, il sera conclu que le profil de filet
d’origine était très différent des standards actuels (Probablement 50° au
lieu de 60 !).
Ce démontage a provoqué des blessures sur chaque chemise qu’un nouvel
arrivé, chaudronnier d’origine et bien connu de toute l’équipe depuis
longtemps, a redressé remarquablement et dans un temps record !
A partir de ce moment et, comme la suite du démontage ne paraissait pas montrer de
difficultés majeures, il a été décidé que, nonobstant toute curiosité concernant la suite, toute
pièce démontée devait être nettoyée !
21. Le démontage des embiellages et des vilebrequins ne révélera aucun piège, pas plus que les
désaccouplements du tube protecteur de l’arbre central et des trois carters supérieur, inférieur et
central.
Sur les vilebrequins, on découvrira la particularité de l’entraînement qui a facilité la tâche au
démontage de la table arrière : l’accouplement du pignon double engrené sur la couronne
correspondante de l’arbre central avec le vilebrequin n’est pas rigide ! C’est un ensemble de
biellettes et de masselottes qui donne un petit degré de liberté à l’arrêt, degré de liberté qui
diminue progressivement avec l’augmentation de la vitesse de rotation : le but recherché était
probablement d’amortir les vibrations de couple induites par les explosions dans les cylindres.
Le démontage des mécanismes montés en bout de vilebrequins, bien que fait avec beaucoup de
circonspection, n’a pas tout de suite permis de comprendre la séquence de démarrage du moteur.
On en déduira que l’accouplement à pignons hélicoïdaux permettait le débrayage de l’un des
vilebrequins tout seul en l’absence de couple.
22. Le déshabillage complet des renvois d’accessoires et des carburateurs fut fait en même
temps que le début de remontage du moteur.
En résumé, il a fallu près de trois ans pour réussir le démontage. Malgré toutes les photos faites à
la réception du moteur et en cours de démontage, de grosses difficultés furent rencontrées en
cours du remontage de l’habillage moteur et de tous ses équipements. Le remontage de toute la
pignonnerie d’entraînement et de lancement de l’arbre d’hélice fut le point d’orgue de cette saga.
Pour mieux comprendre ce système, l’équipe de restauration a fait une petite coupe permettant,
sinon de comprendre parfaitement toutes les astuces du dispositif, du moins d’en voir une bonne
part.
Le remontage :
Le nettoyage des pièces et le début de remontage fut effectué par 3 équipes :
L’une sur les blocs cylindres,
La deuxième sur les carters, vilebrequins et embiellages,
La troisième sur les arbres à cames
Pour mémoire, le nettoyage fut fait à la brosse sur les petites pièces et par sablage pour les pièces
les plus importantes comme les carters : une tentative de peinture des carters en peinture
aluminisée fut abandonnée pour …manque d’esthétisme du résultat !
Le bâti avion, impossible à sabler dans les installations de SNECMA ou du Musée, fut sablé en
extérieur avec un karcher et ensuite verni.
Au cours de ce remontage, deux difficultés non négligeables furent rencontrées :
La première concerne les filetages : les standards Bugatti pour chaque diamètre n’étaient pas
nécessairement ceux de l’ISO, même s’ils restaient métriques ! D’autre part, les têtes de vis
pouvaient être en standard anglais et les pas en standard métrique ! Ce qui imposa de réaliser des
pièces sur commandes spéciales !
Pour les durits en caoutchouc, la grande variété des diamètres a imposé des subterfuges pour
rendre l’habillage présentable (Manchons de caoutchouc à partir de plaques pour les grands
diamètres et tubes fendus pour les petits avec le souci que le subterfuge ne soit pas visible pour le
visiteur !)
Bilan et enseignement :
Dans les mémoires, et les cœurs, la restauration du Breguet-Bugatti 32B fut l’Aventure dont tous
les bénévoles se souviennent encore 15 ans plus tard !
Que de révélations techniques ce monstre a pu dévoiler ! Que de discussions, d’obstacles et
embuches rencontrés mais surmontés, grâce à la perspicacité, à la persévérance, à la technicité et
à l’abnégation de toute l’équipe. Un bel exemple de travail d’une équipe qui n’a jamais désespéré
malgré l’ampleur de la tâche. Un bel exemple aussi pour les équipes actuelles du Musée SAFRAN
confrontées parfois à des difficultés qui peuvent paraitre insurmontables.
Une œuvre titanesque, digne du monstre auquel l’équipe s’était attaquée, à la hauteur des
concepteurs du Léviathan conçu et réalisé par deux des grands génies français de l’aviation et de
l’automobile : Louis Breguet et Ettore Bugatti.
Merci à toute cette équipe dont malheureusement aujourd’hui plusieurs de ses membres ont
disparu. Que cet article leur soit un hommage.
Histoire & Patrimoine
RESTAURATION D’UN MOTEUR « SIEMENS und
HALSKE Sh.III ».
En 2008, le musée SAFRAN a participé à la manifestation « le rêve d’Icare « à Royan en exposant
quelques-uns de ses moteurs. A cette exposition, se trouvait un moteur en étoile prêté par l’école
des mécaniciens de l’armée de l’air de Rochefort. Ce moteur nous paraissait être un mystère car
aucun des membres de l’Association des Amis du Musée SAFRAN sur place ne pouvait l’identifier. Il
ne portait aucune marque d’identification mais une spécificité technique.
C’est un moteur rotatif en étoile de 11 cylindres avec la particularité d’être contrarotatif. C’est à
dire que le carter avec les cylindres tournent dans un sens et le vilebrequin dans l’autre. L’hélice
est fixée sur le carter. Ce mouvement de rotation inverse est obtenu par un boitier différentiel
placé à l’arrière du moteur entre le carter et le vilebrequin, le carter de ce différentiel est fixé à
l’avion.
Après des recherches plus poussées à l’aide de documentations aéronautiques, l’origine du moteur
est identifiée par notre ami Gérard Lagny. Il est d’origine allemande de la fin de la première
guerre mondiale : c’est un« Siemens und Halske Sh.III ».
Le moteur avait une puissance de 200 ch. au décollage à 1000 tr/mn et 160 ch. en régime continu
à 900 tr/mn (vitesse de rotation de l’hélice). En fait, sa vitesse de rotation était le double de
celle de l’hélice, grâce à son architecture contrarotative. Il équipait des avions de chasse de
l’armée de l’air allemande.
L’AAMS a offert à l’Armée de l’Air de restaurer ce moteur afin qu’elle puisse l’exposer dans sa
base école de Rochefort et que nous puissions en étudier l’architecture tout à fait particulière. Sa
restauration par une équipe de l’Association des Amis du Musée SAFRAN en 2011 fera l’objet d’un
article dans notre prochain bulletin.
Une anecdote peu banale est liée à cette restauration car le hasard fait que l’arrière, arrière-
petite-fille du co-fondateur de la société « Siemens un Halske », devenue depuis la société
« Siemens » bien connue, vit aujourd’hui en France à moins de 10 kilomètres de notre musée.
On peut voir sur la photo ci-dessous, une
partie de l’équipe qui a fait cette
restauration accompagnée de Stefanie
Naline née HALSKE à Lübeck en
Allemagne. Elle est l’arrière, arrière-
petite-fille de Johan Georg
HALSKE cofondateur de la société
« Siemens und Halske ». 95 années se sont
écoulées entre la naissance de ce moteur
et cette photo. C’est avec une certaine
émotion que Mme Naline a posé devant
une réalisation de la société cofondée par
son aïeul.
UNE MOTO GNOME & RHÔNE A GAZOGENE AU MUSÉE SAFRAN.
Safran possède, depuis 2009, une moto un peu insolite qui témoigne d’une époque où il fallut,
bien des fois, faire appel au génie des bricoleurs pour faire face à la pénurie de moyens (il est
bien connu qu’en France on n’a pas de pétrole mais on a des idées). Nous évoquons ici les
circonstances qui ont conduit à la production des motos gazogènes et les circonstances de
l’arrivée dans notre collection d’une GNOME & RHÖNE D3 à gazogène.
Contexte
La seconde guerre mondiale a conduit d’ingénieux amateurs à suppléer la pénurie d’essence par
des énergies issues des ressources locales, non importées. C’est ainsi que des carburants pauvres,
produits à partir du bois, du charbon, de lignite, de coke ou de houille ont été développés pour
alimenter les moteurs à combustion interne. Le gazogène est l’appareil qui permettra de
transformer en gaz pauvre ces ressources disponibles localement, et de remplacer ainsi l’essence.
La plupart des moyens de transport collectifs ou individuels se verront équipés du système
gazogène. En France, cette technique sera principalement due aux travaux de Georges Imbert.
Dès 1940 Gnome & Rhône a développé l’adaptation d’un gazogène sur une moto de type Junior 250
(voir la photo ci-dessous). Un essai routier eut lieu le 10 février 1941 depuis le Bd Kellerman, siège
des usines, jusqu’à Ris-Orangis A/R avec 2 personnes à bord, puis, le lendemain, du Bd Kellerman à
la pyramide de Brunoy. Le fonctionnement des moteurs Gnome & Rhône au gazogène était ainsi
validé
Moto Gnome et Rhône Junior 250 équipée, par l’usine, d’un gazogène en 1941
Principe de fonctionnement du gazogène
Le bois est d'abord séché puis distillé et se transforme en charbon de bois. Le charbon de bois
descend dans la zone de combustion. La combustion complète donne naissance à du gaz
carbonique (CO2, gaz non combustible) et
de l'oxyde de carbone (CO, gaz
combustible).Les produits de distillation,
le goudron et la vapeur d'eau, sont
décomposés en gaz combustibles (H2,
méthane CH4) dans l'étranglement du
foyer. Le gaz carbonique (CO2) produit est
réduit en oxyde de carbone (CO) en
traversant la zone de réduction en
touchant le charbon incandescent. Le « gaz
de bois » (CO) ainsi obtenu est débarrassé
de ses poussières, refroidi et purifié pour
entrer dans la chambre de combustion, en
parfait état d’utilisation.
La moto Gnome & Rhône D3 Gazogène du Musée Safran
C’est en 1943 que son propriétaire de l’époque équipera sa moto G&R type D3, de 1930, en
gazogène. Pour cela il s’adresse aux établissements Castiblanque dont les ateliers se trouvent à
Ardes sur Couze, près d’Issoire dans le Puy de Dôme. On lui construit alors, un appareil sur mesure,
capable de produire le gaz de bois qui se substituera à l’essence. Il utilisera sa moto pendant le
reste de la guerre. C’est en 1970 que Didier Simon, membre de l’Amicale des motos Gnome &
Rhône, achètera ce qui en reste : « un tas de ferraille », ainsi que la documentation qui s’y
rapporte. Après sa mise en dépôt jusqu’en 2009, date de son acquisition par l’AAMS, elle restera
dans l’état d’un tas de ferraille, sans avoir été remise en route.
Gérard Basselin et nos amis de la section moto de l’AAMS vont alors étudier le « monstre » afin
d’en comprendre le fonctionnement.
Comme elle est complète, il sera décidé de la remettre en route. Le moteur et la transmission
seront déposés, démontés, contrôlés et remis en état après remplacement des roulements,
segments, joints, et carburateur puis la réfection de la magnéto.
Le gazogène, quant à lui, doit faire appel aux techniques de plomberie-tuyauterie et à
l’expérience de Guy Fournier. En effet, notre ami avait travaillé pendant la guerre dans un
garage qui réparait des gazogènes. On va alors vérifier l’étanchéité du circuit complet du
gazogène, reconditionner la tuyauterie reliant le foyer au filtre.
Le remontage de l’ensemble achevé, il sera procédé aux essais. D’abord le démarrage à l’essence
pour vérifier le bon fonctionnement du moteur, puis le basculement au gaz produit par le
gazogène. Pendant les Journées du Patrimoine de 2010 et 2011 elle a été présentée, en
fonctionnement, devant un public étonné, émerveillé et enthousiaste.
Conclusion
Voilà un bel exemple de conservation du patrimoine. L’enrichissement de notre Musée par ce type
de joyau ne peut qu’accroitre sa notoriété déjà grande. Merci et bravo à toute l’équipe de
restauration des motos.
La moto G&R D3 du musée Safran adaptée au gazogène par les établissements
Castelblanque
Schéma de fonctionnement du gazogène de la G&R D3 adaptée au gazogène
par les établissements Castelblanque
Nouvelles de l’atelier
Gnome Oméga 7 cylindres avant restauration
Début de construction d'une moto G&R 4X Junker Jumo 205 en phase finale de remontage
Siemens 11 cylindres contrarotatif Renault 12 FE restauré
Daimler Benz DB 603 restauration terminée Side car Gnome & Rhône D3 nouvelle acquisition
Gnome mono soupape 9 cylindres