8/16/2019 Becker, Histoire de La Senegambie (1985)
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EHESS
Histoire de la Sénégambie du XVe au XVIIIe siècle: un bilan (The Precolonial Period inSenegambia, 15th to 18th Century)Author(s): Charles BeckerSource: Cahiers d'Études Africaines, Vol. 25, Cahier 98 (1985), pp. 213-242Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/4391965
Accessed: 06/09/2009 08:35
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8/16/2019 Becker, Histoire de La Senegambie (1985)
2/31
NOTES
ET
DOCUMENTS
Charles Becker
i s t o i r e
e
l
enegambie
d u Xve
u XVIIIC
i e l e
u n
b i l a n
Troisreflexionspreliminairespermettrontd'introduirece bilan, forcement
partiel, de l'histoire de
la
Senegambie
entre
le milieu du xve
siecle (soit
la
decouverte europeenne
et la
production
des
premieres
sources ecrites
europeennes)
et la fin
du
xvIIIe
siecle (c'est-a-dire
e
toumant
que
constitue
le passage progressif de
la traite
des
esclaves au
((
commerce legitime )).
i.
Nous parlerons d'histoire et d'historien dans un sens a la fois
precis
et
tres large. L'histoire est une
discipline et un discours sur
le
passe de groupes sociaux plus ou
moins 'tendus, sur leur vie materielle,
culturelle, politique.
II
n'est pas question
de
la
re'duire a
un
discours
universitaire:
au
contraire,
le
discours historique
est
multiple,
et
la
reconnaissance de chacune de ses formes, de leurs specificites et de leurs
limites
aussi,
est
indispensable a
a
reconstitution du
passe. Plus:
l'histoire
universitaire parait souffrir lourdement de son quasi-complexe de supe-
riorite sur
l'histoire
traditionnelle,
dont toutes les voies n'ont pas
ete
explorees,
sinon
tres
mal. Ainsi
la
promotion de l'histoire passe-t-elle
par l'interrogation
de toutes
les
sources
disponibles
-
bien
que parfois
cachees
-
sur
un
evenement
ou
sur
une periode ancienne.
Activite
critique
sur toutes
ces sources,
l'histoire ne peut etre que le fruit d'une
collaboration
honnete
et
franche
entre des chercheurs qui
ne
seront
jamais des observateurs neutres,
((
surplombant
))
i
la fois le passe et les
societes actuelles oiu ls exercent leur metier.
2. Nous n'entreronspas dans le debat concernant le statut de l'histoire
parmi
les
sciences
sociales, ou plutot
par rapport
i
I'anthropologie.
Rappelons seulement qu'il a fallu longtemps
pour que soit reconnue la
possibilite
d'une
histoire africaine et que l'ethnologie a trop souvent
etudie
les
societes
dans une
perspective an-historique.
Si les
discussions
au
sujet
de
l'ethno-histoire sont, dans une large mesure,
depassees,
elles
ont
neanmoins clarifie
certains problemes
et permis de mieux
X
Cet article
est
la
version
l6gErement
remaniee d'une
communication,
intitule
((La
p6riode
'
precoloniale 'ou la
S6n6gambie du xve au
XVIIIe sicle )),
pr6sent6e
au premier
colloque de
l'Association des historiens
senegalais, qui
s'est tenu
A,
Dakar
(2I-24
mai 1982).
Caihiers d'tItudes
africaines, 98, XXV-2, I985,
pp. 2I3-242.
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2I4
CHARLESBECKER
definir la tache de l'historien. Citons par exemple A. Leroi-Gourhan
(I975
:
I3):
((
L'intervention
du temps dans
les sciences
humaines
et
particuli6rement
en ethno-
logie
se traduit sous
trois aspects
qu'il est difficile
de
consid6rer
tout
a fait comme
compl6mentaires.
Le premier
est
fond6
sur les documents 6crits,
le second
sur
les
informations orales,
le
troisieme
sur les documents
archeologiques.
Chacune de
ces
m6thodes pr6sente un
c6te positif et
un
cot6
n6gatif
qui
ne sont
pas
n6cessairement
compl6mentaires
mais que l'on
trouve, dans
les meilleurs
cas, en convergence
au
moins approximative
)).
Rappelons aussi
le rapport introductif
au colloque
sur l'Anthropologie
en France
(I979:
i6o-i6I), oU
les relations entre anthropologie et histoire
sont presentees
d'une maniere
qui nous
semble juste
Histoire
et anthropologie diff6rent moins
par
leur
objet (il n'y a pas
des soci6tes
d'essences differentes
selon qu'elles sont
de tradition
orale ou
6crite, europeenne
ou
non
europ6enne)
que par leurs
techniques d'investigation.
Certes ces
techniques
ne sont pas neutres,
elles impliquent
en raison de leurs specificites
et des traditions
propres
3
chaque
discipline,
des
probl6matiques
et
des conceptualisations
diffe-
rentes. I1 s'agit donc
non seulement
de completer une
technique
de recherche
grace
a
d'autres
techniques, mais
encore de tenter
d'unifier
les champs
conceptuels.
Histoire et anthropologie
ou anthropologie
historique
l'enrichissement
doit
etre
mutuel car il
s'agit en fait d'une
seule et meme
discipline ou
science
[...] L'anthro-
pologie
et
l'histoire,
consid6rees
comme discipline
unique,
ont pour tache,
a
travers
des
techniques
vari6es et
complementaires (6crit,
oral,
mais
aussi arch6ologie,
bota-
nique,
linguistique,
biologie, etc.) d'analyser
les
logiques
des continuites, ruptures
et
transformations sociales )).
C'est
pourquoi
il est
bon
de
considerer
le
travail
historique
comme une
part
majeure du travail
anthropologique,
et
de
reconnaltre
que,
effective-
ment,
((
histoire )),
((
ethno-histoire ),
((
socio-histoire
)),
((
anthropologie
historique
))
constituent
la meme discipline,
l'anthropologie,
en tant
qu'
elle
s'interesse
aux
societ's
dans
toutes
leurs dimensions
temporelles.
3. Nous reprenons ici la distinction classique entre sources internes
et sources
externes, que
nous
avons
explicitee
precedemment
(Becker
& Martin
I975;
Becker
I977:
2I0-214).
Les
sources
internes, qui
sont
parfois
ecrites (tarikh
en arabe ou
en
walafall)
ou
le
plus
souvent
orales,
comprennent
les
divers
types
de traditions
(villageoises,
familiales,
provinciales,
dynastiques)
auxquelles
il faut
joindre
les donnees
socio-
logiques,
linguistiques,
ethnologiques
eclairant
le
passe
des
societes
senegambiennes.
Les sources
externes
sont
presque
exclusivement
d'origine
europeenne, pour
la
periode
qui
nous
occupe.
Cependant,
les
donnees
relatives
au Fuuta Tooro
dans le Tarikh es-Sudan ne
peuvent
i.
Walafal:
terme de'signant
une
transcription
du
wolof
en caracteres
arabes.
La transcription
des
noms
propres
de
pays
ou
de
personnes
et
des
quelques
noms
communs
utilises
suit les
regles
du
decret
no
75-I026
(lu
To oct.
I975,
modifie
par le d6cret
no
85-1232
du
20 nov. 1985,
Journal
officiel
de
la
Republique
du
Sene'gal,
23
nov.
I985 .
519-52
I.
8/16/2019 Becker, Histoire de La Senegambie (1985)
4/31
HISTOIRE
DE
LA
SENEGAMBIE, XVe-XVIIIe
SIECLE
2I5
etre
considerees
tout
a
fait
comme des sources
internes,
au sens de
sources
produites dans et
par
la
societe
decrite. Les
donnees
archeologiques
peuvent
etre
rattachees
legitimement aux
sources
internes,
mais
on
peut
aussi
insister sur la
specificite
de ces
sources et du travail
archeologique.
Notons donc
que la
distinction
entre sources
internes et sources
externes
reste
a
affiner, et
qu'elle
ne
recoupe
pas
celle
etablie
entre
tradition orale
et
texte
ecrit, le
vestige
archeologique etant un
temoin
particulier.
Dans
des
textes
anterieurs, nous
avons
souligne le fait
indiscutable
que les
sources
internes
ont
ete
insuffisamment mises a
contribution,
alors
que
les
traditions
representent
pourtant ((la
premie're
et
principale
source
de l'histoire sene'gambienne, qui est demeuree trop peu exploitee dans le
passe
))
(Becker
I977:
21I).
Nous avons
egalement
mis
l'accent sur
la
necessite
d'une
confrontation
entre les
deux
types
de
sources
(et l'archeo-
logie, si elle
est
consideree
comme
source
specifique)
des
'a present
et,
surtout, lorsque
la
collecte des
traditions aura
avance
et
que de
veritables
corpus
auront ete
constitues.
II
reste,
en
tout
cas,
important
de
poursuivre et
d'ameliorer
la
reflexion
sur
les
sources, de
prendre
conscience
de
l'interet
mais aussi
des
limites
inherentes
a chaque
type de
source,
pour
orienter
les
travaux
vers
des
domaines
prioritaires
et
sortir, grace
'a
ceux-ci, des
ornieres
oiu
s'enfoncent
trop souvent les historiens de la periode ((precoloniale
)2*
Apres
ces
remarques
preliminaires, qui
meriteraient
plus de
develop-
pements,
venons-en au bilan
meme des
etudes
concernant la
Senegambie
precoloniale
)).
Pour evaluer
les
etudes
dej'a
entreprises,
nous
avons
d'abord
effectue
un
inventaire
des travaux
academiques
(theses,
memoires,
diplomes)
sur
l'histoire de
la
Senegambie.
Cet
inventaire, mis
a
jour et
publie
par
ailleurs
(Becker &
Diouf
I985),
est
instructif
bien
qu'il
soit
a
completer
par
une
bibliographie exhaustive
des
autres
travaux histo-
riques et
recents
-
qui
serait
tres utile et
n'a
jamais
ete
etablie:
son
elaboration pourrait se faire 'al'aide des guides bibliographiques existants
(Porges
i967,
1977; Gamble
I979;
Brasseur
I964,
I976;
Toupet
I959,
I977).
L'examen
de
la
litterature
universitaire et
des
autres
etudes sur
la
Senegambie
((
precoloniale
))
permet
de dresser un
constat
global
assez
negatif,
qui
peut etre
formule
ainsi:
la
periode,
delimitee a
partir
de
criteres
discutables,
reste
mal
connue,
et
le projet
d'une
histoire
globale
2.
I1
n'est
pas
n6cessaire
de
rappeler
ici les
discussions
m6thodologiques
autour
de
i'histoire,
de
1'ethno-histoire,
de la
tradition
orale.
La
question
du
statut
de
ces disciplines et des types de sources historiques est loin d'etre
resolue, et les
theses
avanc6es
par
divers auteurs
(Y.
Person,
J.
Vansina,
D. P.
Henige,
H.
Brunschwig,
H.
Deschamps,
C.
Coquery-Vidrovitch)
continuent
'a
faire
l'objet
de
d6bats
s6rieux et
parfois
apres.
Tranclieront
certainement
les
etudes
plus
nombreuses
qui
seront
r6alisees
h
I'aide
des
traditions
et
qui
demontreront
I'apport
indiscutable de
la
m6moire
orale i
i'histoire
de
I'Afrique.
6
8/16/2019 Becker, Histoire de La Senegambie (1985)
5/31
2I6
CHARLES
BECKER
-economique,
sociale, politique, culturelle, demographique n'a ete
que
tres
partiellement
realise.
. Temporellement,
on
releve
des
inegalites
flagrantes
entre les
peiodes
ou sous-periodes
qui peuvent
etre distinguees
dans ces
350
annees.
Le
nombre et
l'interet des
etudes
varient beaucoup, en fonction
de l'impor-
tance et de
la valeur des sources
utilisees.
. Spatialement,
la
Senegambie
-
au sens
large que nous pouvons lui
donner
avec
B. Barry
([I98o])3
-
n'est qu'en partie
couverte par les
travaux publies.
Pour
certaines regions, les donnees accessibles
a
l'histo-
rien sans enquete personnelle preliminaire sont tres rares, ce qui rend
assez precaire
toute tentative
de synthese
generale
pour l'ensemble
senegambien.
. Qualitativement,
les
sujets abordes
different
selon
qu'on emploie
preferentiellement les
sources ecrites ou les traditions
orales. Dans le
second cas,
les
etudes
fondees sur des renseignements
traditionnels
privilegient
l'histoire socio-politique,
en
insistant
sur le
regne
de tel ou
tel
souverain,
ou
sur
le
role
de telle famille
ou de tel
groupe
;
elles
traitent
souvent
de
l'organisation sociale
et
politique,
et
citent presque toujours,
jusqu'a present,
les donn6es
fournies
par
Yoro
Dyao
(I864;
Rousseau
I933, I94i)
et Sire Abbas Soh
(19I3)
dont
l'int6ret
est
ind6niable
mais
dont
la
r6p6tition
obligatoire
dans
tous
les
travaux
sur les
pays
wolof
et
le
Fuuta
peut
etre
lassante.
Dans
le
cas des
travaux
exploitant
essentielle-
ment les sources
ecrites, l'importance
accord6e
au
commerce atlantique,
aux
'tablissements
europeens
de
la
cote,
aux relations
entre
les
souverains
cotiers
))
et les
commerSants
6trangers
est nette.
. L'utilisation
des
sources ecrites
a
ete
plus frequente que
celle des
traditions
orales.
De ce
fait
la
confrontation
des
deux
types
de
sources
demeure
rare et
presque
toujours
limitee.
Pour
cela
aussi,
l'elaboration
d'une
synthese,
qui
resulte
d'une
veritable
confrontation,
est difficile
car
on manque
encore
trop
de
corpus
consistants
de traditions
orales.
.
Alors
que
des documents
archeologiques
existent
pour
toute la
periode
( precoloniale )),
ls
n'ont
presque
pas
ete
interroges
et
les
fouilles
relatives
a
cette
epoque
sont
tres limitees.
Malgre
les difficultes
de
leur
exploitation
(il s'agit
de
vestiges qui
concernent
parfois
directement les
populations
3.
La d6finition
exacte
de la S6n6gambie
pose
des problemes
r6els.
Cependant,
celle
proposee
par
B. BARRY
([I980]:
25)
est assez
satisfaisante;
celul-ci
suggecre
de
deborder
le cadre
des
deux
ttats
actuels du S6n6gal
et de la
Gambie:
(
histori-
quement, la S6n6gambie d6passe largement les frontieres actuelles du S6n6gal
et
comprend
l'ensemble
des deux
bassins
du
Fleuve
S6n6gal
et
du Fleuve
Gambie
depuis
leurs sources
dans
les
Hauts Plateaux
du Futa Jalon
jusqu'a
leurs
embouchures
dans
l'Ocean
Atlantique.
I1 s'agit d'une
vaste r6gion
ayant
pour
limites,
au Nord
la Vall6e du
Fleuve S6negal,
au Sud
le Rio
Grande
et
a
l'Est
le Bafing
)).
C'est
surtout
la frontiere
ainsi
d6finie
au nord qui
nous
semble
devoir etre
adoptee
pour
englober
les anciennes
entit6s politiques
riveraines.
8/16/2019 Becker, Histoire de La Senegambie (1985)
6/31
HISTOIRE DE LA
SENEJGAMBIE
XVe-XVIILe
SIECLE
'7
actuelles, reticentes 'a l'idee d'une eventuelle fouille), ces temoignages
devraient servir
a resoudre
diverses
questions peu
ou mal
abordees.
Ce constat assez
negatif
une
fois
6nonce,
evoquons
quelques
problemes
poses a l'historien
de
la
periode
((
precoloniale
))
pour
mettre en
evidence
des acquis anciens
et
recents, pour
delimiter
certaines
zones
d'ombre,
et pour
essayer
de cerner les
taches
qui
demeurent.
Le bilan
prospectif
ainsi propose
ne
peut
bien
su'r
citer tous les
auteurs et tous les
apports
-
ce
n'est pas
un palmares
-
mais
retient
surtout,
avec
une
part
certaine
d'arbitraire,
quelques
etudes
qui
nous
paraissent
marquantes
a un titre ou a un autre et sont evoquees a titre d'exemple. Quand une
bibliographie plus complete aura ete etablie
et
depouillee,
il sera
possible
de
mieux
classer
les
etudes
et
d'en
souligner l'interet.
Nous
tenterons
pour
l'instant
de
repondre
a
trois
questions: (i)
Quelle
est
la
pertinence
du
terme
((
precolonial
))
ou, quelle periodisation doit-on
retenir
pour
J'histoire
senegambienne
?
(2)
De
quel
materiau
dispose-t-on
? Il
sera
surtout
question
ici
des
sources
disponibles (materiaux
((
bruts
)))
et des
travaux
realis6s
(materiaux
((
elabors
))). (3) Que
reste-t-il
a
faire ?
Nous
nous
contenterons d'avancer quelques
propositions
pour
l'orientation des
travaux
futurs.
Faut-il parler de
l'epoque
<
precoloniale >>?
La
question de
la
periodisation
de
l'histoire
senegambienne doit
etre
abordee
en
premier. Elle
est essentielle, et
epineuse.
Rappelons les
articles
deja
anciens d'Yves
Person (I962) et
d'Ivan
Hrbek
(I97i) qui
posaient,
en des
termes
toujours tres
actuels, cette
question
de
la
periodisation et
des
reperes
chronologiques
necessaires
a
l'elaboration
d'une
synthesc
historique.
Ces
reflexions
soulignaient
l'importance de la recherche d'un cadre chronologique, mais aussi les
difficultes
particuli'eres
quIon
rencontre dans
les
diverses
societes afri-
caines.
Dans
le
cas de
la Senegambie, ces
difficultes paraissent
moins
grandes qu'ailleurs car
les
societes
((
etatiques
))
predorninent
par rapport
aux
societ6s
egalitaires
ou
a chefferies
lignageres.
En
effet, les
principes
de
constitution
des
traditions,
differents dans ces deux
types de
societes,
font
que
les
premileres ont retenu
des
dates
parfois
etonnamment precises,
alors que les
secondes n'ont
guere
eu
cette
preoccupation
et proposent
des
genealogies non
datees,
sans
reference
a
des
evenements
situes dans
le temps. On
est
donc
oblige de
privilegier d'une
certaine
maniere
les
societes etatiques pour periodiser l'histoire senegambienne a partir de
criteres
internes, et de
((
raccrocher
))
tant bien que
mal les autres
societes
au cadre
chronologique
defini.
I1
est
possible de faire
un choix dont
il
faut
enoncer les
implications.
En
effet, nous parlons de la
periode
("precoloniale
))
en
distinguant
deux
8/16/2019 Becker, Histoire de La Senegambie (1985)
7/31
2I8
CHARLES
BECKER
grandes sous-periodes: l'une, allant de la fin de la protohistoire jusqu'a la
d6couverte
europeenne au
milieu du
XVe siecle,
qui ne sera pas
traitee
ici;
I'autre, allant
du milieu du
xve
siecle
jusqu'a la
fin du xvIIIe
siecle,
soit
la
periode de
la traite
atlantique,
dont les
caracteristiques
ont
varie
durant
ces
350
ans.
Cette
schematisation
retient
surtout (sauf
pour le
debut, d'ailleurs
difficile
'a
situer dans le
temps) des
criteres externes,
admettant
donc
implicitement
que la traite
atlantique, ses
debuts,
son
evolution,
puis
l'instauration du
((
commerce
legitime
))
sont
des
faits constitutifs
de
l'histoire
senegambienne et
servent
'a
la
periodiser.
Ces dates
sont uti-
lisees par la plupart des auteurs (Crowder
I977;
Coquery-Vidrovitch &
Moniot
I974;
Deschamps
I970; Ajayi &
Crowder
I97I,
etc.,
qui
retiennent
i8oo comme
tournant,
alors que
Ki-Zerbo I972
ne se
pro-
nonce pas
vraiment).
Le
decoupage
de l'ensemble
de la
((
periode
precoloniale
))
met
en
evidence
une
certaine
unite
de la
periode,
avec
la
cesure
principale
que
represente
le debut de
la
traite atlantique. I1
va de soi
que
l'utilisation
de
dates
precises
comme
1450
et I8oo est
commode mais
reste a bien des
egards insatisfaisante.
I1 n'est
pas
assure, a
moins
que des
travaux
ulterieurs
viennent
le
demontrer, que
ces
dates correspondent
'a
de
reels
tournants dans la vie des societes senegambiennes memes. ILest nean-
moins possible,
en
l'etat
actuel des
connaissances,
de les
retenir
aujour-
d'hui avec des reserves
et
en
constatant, par
exemple, que
pour
tel
royaume
ou tel
((
pays
))
d'autres
periodisations, plus
fines,
se
justifient
'a
partir
de
criteres
internes
(comme les
6tapes
de
l'histoire
du
peuplement).
Si
l'on
accepte
le
cadre
general
des
350
annees,
en
reconnaissant
le
role
majeur de la
traite
atlantique
dans
l'evolution
des
societes
senegam-
biennes,
on
peut
suggerer
une nouvelle
subdivision,
'a
partir
d'une
date
marquante pour les
royaumes
du Nord et de l'Ouest
senegambien,
'a
savoir
l'episode connu sous le nom de ((guerre des marabouts )) (ou guerre de
Tuubefiaan:
I673-I677).
Ainsi aurait-on
La
sous-periode
de
I450
i
677, marquee
par
le
debut
et
le
develop-
pement
de
la
traite
atlantique.
La
traite
des
esclaves,
mais aussi
le
commerce
d'autres
produits,
caracterisent
celle-ci:
son
d6but
connalt
une
((
refonte
de
la
carte
politique
))
(Boulegue [I968]: I77
sq.)
ou
plutot
des
modifications
notables,
suivie
d'une
relative
stabilite
qui
sera
remise
en
cause
par
l'augmentation
de
la
traite
des Noirs.
I1
est
probable
que
le
commerce transsaharien
et
le commerce
interafricain se
sont
maintenus
dans
une
large
mesure.
A
l'aide
des
travaux de
Boulegue ([I968]),
de
Moraes
(I976)
et
de
Thilmans4,
et en
privilegiant
des
criteres
externes,
4.
On trouvera, dans le
Bulletin de
l'IFAN, de nombreux
documents du XVIIe iecle
publi6s
et commentes
par G. Thilmans
et N.
I.
de Moraes. II
est impossible
de
les citer
ici.
8/16/2019 Becker, Histoire de La Senegambie (1985)
8/31
HISTOIRE DE LA
S?gNEGAMBIE, XVe-XVIIIe
SLECLE
2I9
nous pouvons encore distinguer (a)
la
periode portugaise
avec les
modifi-
cations politiques; (b) la
((
nouvelle ere
dans
le commerce
atlantique )
(Boulegue [I968]: 246 sq.) due
h la
rivalite
entre
les
nations
europeennes
a partir du dernier tiers
du xvIe
siecle.
.
La
sous-periode
de
I677
.
i8oo,
ojU
la traite des esclaves a joue
un
role
dominant dans le
commerce, avec
la
gomme
comme
second
produit
d'exportation.
C'est
l'epoque des nombreux conflits entre Etats
sene-
gambiens, de la pression maure sur le
Senegal
et de
profondes
modifica-
tions sociales,
economiques et
religieuses.
En retenant ces dates, approximatives, nous admettons que l'histoire
de
toutes les
societes
senegambiennes
a
ete
marquee par
l'existence de
la traite atlantique et ses
consequences
induites. Si
l'on cherche 'a pro-
mouvoir le point de vue africain
et
'a
comprendre ce qui s'est
effective-
ment
passe
dans
ces
societes,
il faut suivre la voie tracee
par
I. Hrbek
(197I: I26):
((
Nous devons
[...]
nous
d6barrasser de toute id6e
pr6conque
et essayer de suivre
le
processus historique
en
Afrique d'un point
de vue
africain,
sans
oublier
bien
s,6r
les forces exterieures qui
fagonn6rent
ou influenc6rent ce processus. Puisque
1'his-
toire
africaine
est
essentiellement
l'histoire
des
peuples qui habitent
ce
continent,
toute periodisation qui se veut objective doit 8tre envisag6e de favon Atenir compte
principalement et essentiellement
du developpement des soci6t6s africaines:
commencer
avec
les
Africains
et
voir en eux non seulement
l'objet,
mais
le
sujet
du
processus historique )).
I. Hrbek
poursuit en soulignant que la periodisation
marxiste
de
l'histoire universelle est
inoperante
pour l'histoire africaine, et
en recon-
naissant comme nous la
difficulte
de delimiter les
periodes.
La
solution
provisoire consiste a convenir que l'evolution des
societes
a
ete inflechie
par la traite atlantique, mais de
maniere
differente
sur
la cote,
dans les
Etats de
l'interieur,
dans les
societes
non
etatiques,
et dans
l'hinterland
d'ou provenaient la
plupart des captifs vendus sur
la cote.
Outre cette
periodisation
generale
-
l'aide de dates qui ont l'avantage
de
la
certitude mat6erielle,
on peut aussi suggerer d'autres
decoupages
beaucoup plus imprecis,
comme ceux que nous avons
adoptes dans
l'Atlas
du
Senegal (Martin
& Becker
1977:
52-53):
(a) l'empire du
Jolof,
XIVe-XVe
siecles; (b) Koli
Tengela et la domination pel,
XvIe-
XvIIe
siecles;
(c)
l'empire
du Kaabu, xiiIe-xvIIe
siecles
(dont l'histoire
s'acheve
au XIxe
siecle).
Cependant, ces delimitations peuvent
etre
critiquees, et elles ont
l'inconvenient de laisser hors du champ histo-
rique
les
zones, parfois vastes, qui ne
faisaient
pas partie de
ces
entites
principales.
On
peut
conclure
que
ces deux
periodisations restent
insuffisantes, bien
que
la
premiere
soit
plus
commode
a appliquer. Les questions chrono-
8/16/2019 Becker, Histoire de La Senegambie (1985)
9/31
220
CHARLES
BECKER
logiques pour les Etats ne sont pas resolues, et elles sont plus complexes
encore pour les
societes
sans structure
etatique.
Par ailleurs, les processus
de transformation des
societes
sont mal connus, et il est donc difficile
de
decider
quelle
modification
(demographique,
socio-familiale, culturelle,
economique) est
decisive
dans un ou dans tous les domaines de
la
-ie
sociale.
C'est pourquoi il convient d'employer le terme
((
precolonial
))
avec
beaucoup de
reserves,
en laissant ouverte
la
discussion sur
la possibilite
et
la pertinence d'autres denominations, ainsi que sur les
criteres
de
periodisation valables dans le cas de
la Senegambie.
Disons cependant
que, selon nous, l'histoire des peuplements, qui suppose une histoire
des villages, des familles et des migrations,
merite
une attention parti-
culiere car elle pourrait sans doute livrer des
criteres
neufs applicables
aux
Etats, mais surtout aux pays sans
Etat.
Elle constituerait un utile
contrepoids
a
l'histoire politique qui a
ete privilegiee:
elle rendrait compte
de la
partie negligee de la vie economique et culturelle, toujours
mal
evoquee
par les sources
europeennes.
De quel materiau disposons-nous?
Nous abordons ici le vrai bilan (provisoire) des connaissances, que nous
completerons
'a
l'aide de la bibliographie5,
en examinant
pour
cette
periode
les
sources existantes, leur interet et
leurs
lacunes, puis
en
pre-
sentant quelques tentatives de synthese regionale traitant de toute
la
zone
ou d'une de ses parties, de toute la periode ou d'une sous-periode
definie
par
l'auteur. Ce
faisant,
nous essaierons
de
preciser
certaines
urgences
du travail
historique
et
de
cerner
quelques questions.
I
-
Les materiaux
((
bruts
))
Notons
d'emblee la
contingence
et la
fragilite'
de ces
sources,
surtout dans
le
cas des traditions
orales.
S'agissant
des
sources
ecrites,
la
conservation
a
ete assuree
pour
une
petite partie
des
documents
dont
nous
aurions
besoin,
et
la decouverte
des textes
anciens est
souvent le
fait
du
hasard,
meme
lorsqu'on
les
recherche
systematiquement. Toutefois,
on
remarque
bien
de
grands
((
trous
))
dans
la
documentation
concernant
certaines
periodes ou
certains
pays. Quant
aux
traditions,
il
n'est
pas
necessaire
de
rappeler que
des
temoignages importants,
sinon
capitaux,
ont
disparu
5. Bibliographic
des
travaux universitaires
(BECKER
& DIOUF I985)
en cours
de
r6vision,
portant,
en
L'Ftat
actuel,
sur 6oo titres.
8/16/2019 Becker, Histoire de La Senegambie (1985)
10/31
HISTOIRE
DE
LA
SENEGAMBIE,
XVe-XVIe
SIECLE 22I
ou sont en train de disparaitre sous nos yeux
sans
qu'on
ait fait
les
efforts suffisants pour les recueillir.
Des problemes specifiques
se
posent
a
propos
des trois
types
de
sources
(internes; externes; archeologiques) decrits plus bas,
et donc
de
leur
mise en perspective historique. Ainsi, chaque type apporte
des
reponses
dans tel ou
tel
domaine, mais
la
convergence, souhaitable,
entre
ceux-ci
n'est souvent pas effective dans
la
pratique
courante
des
historiens.
a/
Les sources internes
. Les traditions orales publiees consistent pour la plupart en chroniques
evenementielles, plus ou moins completes, accompagnees
de
renseigne-
ments sur l'organisation
socio-politique.
Ces
donnees
sont souvent
exposees de
maniere
statique,
ce
qui
laisse
penser 'a
tort
que
les
rapports
entre
les groupes sociaux (castes, ordres)
n'ont
pas
evolue durant
des
siecles et que
le
meme titre correspond 'a
la
meme
fonction tout au
long
de
la
periode.
. Les traditions villageoises existent
i
peu pres partout,
mais ont ete
tres
peu exploitees
et
publiees. Nos recherches ont porte sur
ce
sujet
et de nombreux recueils
historiques suivront
ceux
que
nous
avons realises
(Becker & Martin
i98ia,
b, c,
I984;
Martin & Becker
I979b).
*
Les traditions relatives
aux
anciennes provinces
constitutives
des
royaumes sont egalement mal connues. Elles existent, mais souvent
leur collecte se fait difficilement dans ces provinces ou leur capitale,
et leurs detenteurs
se
trouvent plutot dans
les
centres urbains.
Ces
traditions ont, elles
aussi,
ete negligees.
. Les
traditions familiales sont
tres eparpillees, surtout
celles
des
grandes
familles dont
la
dispersion
est
i
suivre
a I'aide
des traditions
conservees
dans
des regions parfois eloignees.
I1
serait
possible
d'en
enregistrer un
grand nombre dans les villes.
.
Les donnees
concernant l'economie, l'agriculture, le commerce n'ont
guere ete
recueillies
en
tant que
telles.
On trouve en gen'ral des men-
tions
sur
certaines
questions,
mais
les traditions n'ont pas
ete
suffi-
samment interrogees sur ces sujets, et la documentation restera sans
doute
fragmentaire.
.
De
meme, les traditions
sur la vie
culturelle et religieuse sont
'a
ras-
sembler
-
notamment
les
manuscrits arabes (qui parlent aussi des
familles).
On
doit
rechercher
davantage
tous
les
temoignages culturels
pour
en
determiner
l'origine
et
la
signification historique. Citons, dans
ce
domaine,
les
travaux des
Archives culturelles (collecte d'objets, de
traditions
; publication
de
quatre repertoires)
et
du Centre d'etudes des
civilisations
(publication de
la
revue Demb ak Tey), les
donnees apportees
par
H. Gravrand
(sp.
I983)
sur
les Sereer, et notre presentation des lieux
de culte
traditionnels
sereer
(Martin
&
Becker
I979a).
8/16/2019 Becker, Histoire de La Senegambie (1985)
11/31
222
CHARLES
BECKER
. Les donnees linguistiques ont ete peu utilisees, en particulier pour une
etude
systematique
de la toponymie,
dont
l'interet
historique
est evident.
.
Enfin, les
donnees sociologiques
sur la
repartition
des
familles
et des
categories
sociales
peuvent jeter
une
lumiere
sur
le
passe,
comme le
demontrent
nos
etudes
sur les
familles
sereer
et
wolof (Becker
& Mar-
tin
I980,
I982, I983).
Apparaissent
des
situations
sociales
qui sont
manifestement
le
resultat
de I'histoire,
et donc
sont mis
en
evidence
des
aspects meconnus
de
cette
histoire.
Ainsi, la
tradition
orale fournit
de nombreuses
donnees
sur
les
royaumes, les familles, les villages, en developpant souvent les recits
d'origine qui legitiment
le
pouvoir et
la fonction.
Le probleme
majeur
est
que
certaines periodes
sont mal
couvertes, et
qu'on passe frequem-
ment
de la fondation
'a
des
evenements
re¢s
n laissant
un grand
hiatus a propos
des
periodes
intermediaires.
Mais
il
existe cependant,
tres souvent, des genealogies
fiables qui comblent
partiellement
ce fosse.
Un travail systematique
sur
ces genealogies,
dans
les societes avec
ou
sans Etat central, autorisera peut-etre
des conclusions
historiques
assurees
quant
"a
'anciennete des
villages et
l'histoire des
pays.
Signalons
aussi
que
la faiblesse
des donnees
statistiques
est
une lacune
importante
des
traditions.
Enumerons
les
principales
publications
ainsi
que
les sources
existantes
et mal connues:
.
Parmi
les auteurs
anciens, on
note surtout
Yoro DyAo
et Sire
Abbas
Soh
(I9I3),
ainsi
qu'Amadou
WAadeI964).
Toutefois les renseignements
livres
par Y.
DyAo
n'ont
ete
qu'imparfaitement
edites
par
Rousseau
(1933,
I94I)
et Gaden (I9I2),
et des
papiers
non
publies
subsistent.
La
constitution d'un corpus
et
la recherche,
vaine
jusqu'h present,
des
cahiers manuscrits de cet auteur
sont capitales.
.
On doit
egalement
citer
des auteurs du
xIxe,
voire du xvliie
siecle,
tels Boilat
(I853),
Bocande,
Le Brasseur,
Golberry, qui
transcrivent
des
traditions collectees
'a
l'epoque
et
dont les details
sont
a
comparer
a
ceux
des
recits posterieurs
sur les memes
personnes
ou
evenements.
.
Parmi les etudes recentes,
on remarque
l'edition
(ou
la seule
citation)
de
traditions
dynastiques
qui
portent
sur tous
les
souverains
ou
sur
quelques-uns
seulement6.
.
Les traditions familiales
concemnent
souvent
les
dynasties
-
qui
sont
a
succession
patrilineaire
ou,
ailleurs,
matrilineaire
-
mais
n'ont
que
rarement
fait
l'objet
de
publications
separees.
6.
Cf.
DIOuF
(I972)
pour le Siin;
BA
(I976)
et
SARR
(I983)
pour
le
Saalum
et
le
Badibu;
DyAo
(I864),
FALL
(I974),
A.
M. SAMB
(i964),
K. SAMB (I983)
pour
le
Kajoor
et
le
Bawol,
WADE
(i964) pour
le
Waalo,
etc.
8/16/2019 Becker, Histoire de La Senegambie (1985)
12/31
HISTOIRE DE LA
SENEGAMBIE, XVe-XVIIIe
SItCLE
223
Les manuscrits d'erudits arabisants commencent 'a etre edites
-
ainsi
ceux
laisses par Sheikh
Musa Kamara
(cf.
M.
Ndiaye
I975)
-
mais de
nombreux
textes
attendent, ou sont
conserves de
maniere precaire dans
les villages. Une
ample moisson serait
'a
faire
par des arabisants
quant
a
l'histoire des
royaumes, des pays, des
familles,
et il n'est
pas impossible
que
des
decouvertes
inesperees
soient ainsi
realisees.
Ces
manuscrits
en
arabe sont
cependant
'a
exploiter avec
precaution car
il
s'agit quelquefois
de
transcriptions de
textes fran9ais (listes
dynastiques
et
chronologies
publiees qui
sont
reprises, parfois
avec
des
erreurs
faciles 'a
reperer).
. Les traditions villageoises ont ete collectees sur le Fleuve et dans le
Bundu7,
mais la
documentation est
incomplete.
Dans les pays
sereer,
H.
Gravrand
(I983)
fournit
essentiellement des
renseignements
sur le
Siin.
Dans
les
regions wolof et
sereer,
comme en
Casamance,
P.
Pelis-
sier
(I966)
a
recueilli
beaucoup de
donnees sur l'histoire
des villages
et
des
peuplements.
Nous
avons
rassemble ces
traditions dans les
pays
du
Siin,
du
Bawol, du Saalum,
du Jegem et dans
les divers pays wolof:
nous avons
ainsi publi6 un
recueil sur
les
lles
du Saalum
(Martin & Becker
I979b),
trois recueils sur le
Saalum
(Becker &
Martin
i98ia,
b,
c),
un
autre sur
l'arrondissement de
Niakhar
(Becker & Martin
I984).
Pour la
Casamance, il existe des donnees inedites colligees dans les villages de
Basse-Casamanceau
cours
des
annees 1950.
.
Un bon nombre
de
notices, souvent
breves, ont ete publiees depuis le
debut de la
colonisation
jusqu'a nos
jours pour evoquer une
personnalite
c6lebre
ou un
evenement
important, un
fait
marquant,
telle une
bataille;
elles
eclairent
souvent
l'origine d'une
coutume ou d'un trait
de
l'organi-
sation
socio-politique. Parmi les
nombreux
documents,
citons le texte
de
F.
V.
Equilbecq (I974) sur
Samba
Gelajo; la
Grammaire
de la
langue
woloffe de P.
D. Boilat
(I858), qui
fournit des
donnees
sur Kocc Barma
et sur d'autres
philosophes comme
Biram Cam
et Maseni; les traditions
sur Kocc Barma
(cf.
un
texte inedit de
B.
Bocande,
et un
num6ro special
de la revue
Demb
ak
Tey) ; les
theses comportant des recueils de
traditions8.
.
Une seule
presentation
synthetique
de traditions a
ete proposee, par
F.
Brigaud (I962),
pour
tous les
anciens
royaumes du
Senegal : il faut la
mentionner
malgre
ses immenses
lacunes.
.
Beaucoup
d'autres donnees sur les
cultures
traditionnelles
ont
ete
publiees
ou
sont
consultables
(telles celles
mentionnees
dans les
quatre repertoires
etablis par
les
Archives
culturelles). Remarquons
7.
Cf. les travaux
de
CURTIN
I975;
ROBINSON, CURTIN &
JOHNSON
I972;
BATHILY
I985 ;
CISSOKO
1979.
8.
Cf.
les travaux de
B. DIENG
(I978)
sur le
Kajoor,
de
LY
(1978)
sur le
Fuuta, de
S.
DIENG
(I984) sur El
Hajj
Omar.
8/16/2019 Becker, Histoire de La Senegambie (1985)
13/31
224
CHARLES BECKER
en outre qu'une reflexion sur les proverbes peut etre riche en perspectives
historiques9.
Un
reel
effort
a
ete
effectue
pour faire
mieux connaitre
toutes ces
sources et
percevoir
l'interet
de chacune
pour la
recherche
historique.
Les
chroniques et
chronologies
sont
disponibles,
depuis
longtemps pour
certains
pays, beaucoup
plus
recemment
pour
d'autres.
Quant aux
traditions
villageoises,
familiales,
provinciales, leur
publication
commence
a peine
mais on
peut
esperer
la
constitution
prochaine de
corpus qui
permettront
de nouvelles
approches de
l'histoire du
peuplement.
Malgre les travaux recents, des vides subsistent "apropos de certaines
zones: il
faudrait, en
particulier, mener
des etudes
sur les
anciennes
provinces
(creation, liste
des
chefs,
role
dans
l'histoire des
royaumes)
dont les
traditions
pourraient
etre
utilement
confrontees aux
documents
du
debut de
la
colonisation,
quand de
nombreux
renseignements
ont
etc
reunis pour
determiner le
decoupage
des
cantons10. On
peut donc
consi-
derer qu'une
certaine
priorite
devrait,
a
l'avenir,
etre accordee a
l'inves-
tigation dans les
regions
mal
prospectees
et
dans les
provinces
anciennes,
'a
la
publication de
corpus
solides et
a
la
recherche
de documents
comple-
mentaires pour
des
periodes
moins bien
explorees
de
l'histoire
des
royaumes et des dynasties.
b/ Les sources
externes
Ces
sources,
rappelons-le,
peuvent
faire etat de
traditions
orales
et
constituer de ce
fait un
temoignage sur la
maniere dont
elles
etaient
fixees
'a l'epoque.
Cependant
ces
documents,
presque exclusivement
europeens dans
l'etat actuel
des
connaissances, ont en
general
d'autres
centres
d'interet.
I1
faut
souligner
le
caractere
partiel
et
lacunaire de
ces
sources
qui
expriment trop souvent le seul point de vue europeen sur les societes
africaines, d'ou
des
omissions et
des erreurs
regrettables.
Elles insistent
sur
les faits
economiques, les
relations
commerciales,
la
vie des
comptoirs
et
de
leur
personnel. Les
renseignements
sur
l'interieur du
pays
sont
tres
rares et ne
portent
que
sur les
abords
immediats
des
axes fluviaux
que
sont la
Gambie et le
Senegal;
le
Saloum
et
la
Casamance resteront mal
connus
jusqu'au
xIxe
siecle,
ou une
cartographie
correcte
en sera
proposee.
D'ailleurs
la
cartographie
demontre
a
souhait
les
limites
de l'information
procuree
par
les
documents
europeens:
assez
riche
pour
la
cote
et
les
9.
Cf. le Dictionnaire sereer...
de CRfTOIS
(I972-77),
ainsi que les travaux in6dits
de
N. Diatta sur
les
Jola,
de
J.
N. Diouf et
J.
N.
Seck
sur les
Sereer.
IO. Cf. les donn6es contenues
dans les rapports
des sous-s6ries
i G et 13 G des
Archives nationales du
Senngal
(citees
infya
ANS), intitul6es
respectivemeint
ttudes
generales. Missions,
notices, monographies,
I8I8-192I ,,
et
((
Affaires
politiques, administratives
et musulmanes,
I782-I9I 9D.
8/16/2019 Becker, Histoire de La Senegambie (1985)
14/31
HISTOIRE
DE
LA
SENEGAMBIE, XVe-XVIIIe SIECLE
225
deux vallees principales, elle est a peu pres inexistante pour le reste de la
Senegambie.
Ces
sources
sont variables
en nombre
et en
qualite
selon
les
epoques.
Ce sont
des relations
de
voyageurs
ou
bien
de
residents
dont les
temoi-
gnages
sont
souvent importants, mais
aussi plus
rarement
-
des
documents scientifiques comme ceux
rediges
et
partiellement
publies
vers le
milieu du
xVIIIe
siecle
par le naturaliste
Michel
Adansonll.
En
outre,
les archives
des anciennes
compagnies
commerciales existent
(surtout pour les
XVIIe
et
XVIIIe
siecles)
mais
les
pieces
du
XvIIe
siecle
restent
tres fragmentaires alors
que
celles
du
XvIIIe
sont
mieux
conservees,
sous forme de series continues et dans des depots connus. Signalons en
particulier, aux
Archives nationales de
France
(Paris),
le
fonds des
Colonies (series
C6
a C8) et celui de
la
Marine;
dans
la
Section
Outre-Mer,
le
depot
des
fortifications des colonies (DFC;
Saint-Louis,
Goree, Cotes
d'Afrique)
et
la
cartotheque, comportant
les cartes
du DFc avec
d'autres
documents
geographiques;
a
la
Bibliotheque
nationale
(Paris),
les fonds
du
departement
des
cartes
et
plans
et
ceux
du
cabinet des
manuscrits;
au Service
historique
de l'Armee
de
Terre
(Vincennes), plusieurs series;
celles du
Public
Record Office
(Londres);
aux
Archives
nationales du
Senegal
(Dakar),
de rares
pieces anterieures
au
XIxe
siecle. On
dispose,
pour le reperage des sources, d'instruments importants tels que les
Guides
edit's par le
Conseil
international des
archives (I970-83), ceux
des
archives
anglaises et
portugaises,
ainsi
que
les
repertoires
des
archives
du
Senegal
et
de
l'AOF.
Les
recherches
exemplaires
mene'es
sur ces
fonds d'archives, en
particulier celles
de A.
Brasio (I958-79), de G.
Thilmans, de N. I. de
Moraes (I976),
ont montre que
beaucoup
de
textes nouveaux
pouvaient
etre
exhumes
et
qu'ils se
trouvaient parfois
en
des lieux
inattendus. De
meme,
les
recherches
inachevees
de
J. Mettas
(I978, I984)
sur
la
traite
des
Noirs
ont
mis en
lumiere
l'interet
d'un
examen
des
archives por-
tuaires
fran9aises
(et
etrangeres):
elles
ont
livre une documentation
neuve sur cette
question encore
largement debattue.
Parmi
les
publications, on peut
mentionner:
. les
relations
d'epoque, qui sont
toujours
citees
dans les
travaux univer-
sitaires;
beaucoup
d'autres
demeurent
inedites,
malgre leur importance
i
i.
Adanson
est
un
botaniste
franSais,
n6
en
1727,
qui
s6journa
au
S6n6gal
de
1749 -
I754.
C'est
le premier
scientifique de renom
'a avoir r6alis6
des
etudes
tr6s poussees en Afrique subsaharienne. Son projet de publication d'une ency-
clop6die
consacr6e
au
Sen6gal ne put
etre men6 i
terme: un seul
volume,
avec
une
relation
de son
sejour et
une
pr6sentation
descoquillages,futpubli6
(I757).
Mais
beaucoup d'el6ments ont ft6 utilis6s dans
l'ouvrage
majeur
du
naturaliste,
intitul
Famille
des
plantes
(1763),
et de
multiples
fragments manuscrits
sont
conserves
dans un carton
d6pose'
L
a
biblioth6que du
Museum
d'histoire
natu-
relle,
a
Paris.
8/16/2019 Becker, Histoire de La Senegambie (1985)
15/31
226
CHARLES
BECKER
pour l'histoire de tel ou tel royaume. Toutefois, de nombreux textes
ont ete
presentes
au cours
des
dernieres annees
par Thilmans,
Moraes
(I976),
Becker
et Martin
(I975),
Ritchie
(I968), Delcourt
(cf.
David
I974):
les efforts
plus
anciens
dans
ce
domaine
(Cultru,
Froidevaux,
Machat,
Marty, Schefer)
ont
ete
ainsi
poursuivis
et
amplifies.
. le recueil
des
cinq volumes
de
Brasio
(1958-79),
qui comporte
des
textes
de tout genre,
connus
(edition
critique,
dans
ce cas)
ou
inedits.
Ces
Monumenta
missionaria...
ont
revele
l'importance
des archives
portugaises
(trop
peu exploitees)
et des
archives
missionnaires.
Cet ouvrage
est
fondamental
et
a largement
servi
'a
la synthese
de
J.
Boulegue
([i968])
-qui
a
publie
par
ailleurs
plusieurs
traductions
de textes
portugais.
*
les
editions
critiques,
par Mauny,
Monod,
Teixeira da
Mota,
Bourdon,
de textes
anciens
comme
ceux
de A. Zurara,
Valentim
Fernandes,
B. Miinzer,
Diogo Gomes,
C.
Dornelha.
On
peut
conclure
que
la documentation
desormais
utilisable
pour
le
xvIe
et le
xvIIIe
siecles
s'est considerablement
enrichie.
Les
decouvertes
realisees
doivent
encourager
a
poursuivre
la recherche
patiente et metho-
dique
des
documents,
en particulier
sur
les periodes
obscures,
et
a
ras-
sembler les textes disperses (par exemple une bonne partie des manuscrits
d'Adanson).
Les
sujets
abordes
dans
ces materiaux
sont
varies,
comme on
le
constate dans
le recueil de textes,
en
quatre
volumes,
de
N. I. de Moraes
(I976)
et dans
sa
synthese,
en deux
volumes,
qui
recapitule
les
donnees
de
faZon
thematique.
Mais les
renseignements
sont
tres inegaux
: le
fait
que
beaucoup
de
choses aient ete
trouvees
concernant
la Petite-Cote
au
xvIjIe siecle
ne
signifie
pas qu'une
recherche
sur d'autres
regions
serait aussi
fructueuse
-
et il est
probable
que
les documents
sur
les
pays
de
l'interieur (comme
le
Jolof)
resteront tres
rares.
On
peut
ajouter
que les sources decouvertes decrivent la vie a proximite des comptoirs
europeens,
et
beaucoup
moins
la vie
"a
'interieur
des
royaumes
cotiers,
la rarete
des
relations
sur
les
capitales
etant significative.
La collecte de
ces sources n'est
donc
pas
close,
mais
ses
resultats
concerneront
surtout
la
cote
et
les
vallees.
Comme nous avons
voulu
le
suggerer
dans
une
planche
de
l'Atlas
du
Senegal
sur
((
La Senegambie
au
xvlIIe
siecle
))
(Martin
&
Becker
I977
:
54-55),
en illustrant
l'epoque
de
la traite
des esclaves
par
la carte de d'Anville
et deux
plans
(Saint-
Louis et
Goree),
la
connaissance
de
la
Senegambie
est
tres
mince et
se
limite
aux endroits
strategiques pour
le commerce
atlantique.
Cependant,
pour le XVIIIe siecle mais aussi pour les siecles precedents, d'impor-
tantes
precisions
chronologiques
et de notables
donnees
statistiques
existent.
Toutefois,
la
chronologie
ne
peut
etre
fondee
que
sur
des
tra-
ditions,
et une
liste
dynastique
ne
peut
en aucun
cas
etre
dressee
t
partir
des
seules
sources
ecrites
:
signalons,
a
titre
d'exemple,
le
probleme
du
8/16/2019 Becker, Histoire de La Senegambie (1985)
16/31
HISTOIRE
DE
LA SENEGAMBIE,
XVe-XVIIIe SItCLE 227
teeii2 appele Denchafour par les documents europeens du
XVIue
siecle,
dont
le nom
est
deforme a
un
point
tel
que
son identification avec un
teeW
de
la
tradition
est malais6e
(Moraes
et Thilmans n'avancent
pas d'hypo-
these; peut-etre s'agit-il
du teeii Ce
Ndela).
De
meme,
les
renseigne-
ments
statistiques
ne
peuvent
etre
accept6s
sans
critique,
et nous
avons
souvent insist6
sur
la necessit6
de
tenir
compte
de
tout
le
trafic
illicite
que
les
documents
officiels
taisent.
De
ce
fait,
les chiffres de la traite
atlantique, merme
ceux
avanc6s apres
des recherches
m4ticuleuses,
resteront toujours
incertains et
seront 'a
considerer comme des estimations
minimales
(Becker i985)13.
c/
Les
sources
archeologiques
Ces
sources existent
et sont
a etudier. Or elles restent encore tres negligees,
a quelques exceptions pres (travaux inedits
d'O.
Linares
en
Basse-
Casamance,
de
Gray puis
de Hill en
Gambie,
de
Thilmans
'a Goree,
notices
de
Mauny, Monod,
Teixeira
da Mota
sur
les
anciens
comptoirs). L'omission
de
ces sources constitue une
grande
lacune
pour
la
connaissance de
la
periode.
Meme
si
toutes
ne
sont
pas exploitables (comme
les cimetieres),
leur etude
concomitante
avec celle des autres sources s'impose.
. Pour les comptoirs comme
Saint-Louis et
Goree,
ainsi que ceux de la
vallee du Senegal
et
de
la
Gambie, les recoupements avec les documents
europeens sont assez nombreux, ces documents pouvant meme
orienter
utilement
les
fouilles. On attend
en particulier les
resultats
de Thilmans
a Gor6e,
ses fouilles etant
un
pr6alable necessaire a la restauration
de
l'ile.
Des
travaux devraient
etre
conduits sur les anciens comptoirs cotiers
et
fluviaux, pour retrouver
non seulement l'emplacement et
les restes
de
ces
etablissements, mais aussi les traces
de
l'activite
economique
et
commerciale (par exemple l'exploitation
aurifere
ancienne et les
mines,
autour de la Faleme).
.
Plus
delicate est 1'exploitation
d'autres sources dont on doit
au
moins
assurer
le
reperage.
Ainsi les
cimetieres
traditionnels (les tumulus ou
lomb chez
les Sereer, voire les
baobabs
a
griots) et les lieux de culte ou
les emplacements
celcbres.
Leur
recensement et leur
etude,
meme
si elle
ne peut
etre accompagnee
de
fouilles,
peut se
reveler
riche en
renseigne-
ments
historiques.
*
Il
existe n6anmoins beaucoup de lieux historiques
ou
des travaux
archeologiques
seraient
possibles, apres des reperages
prealables.
Ainsi,
12.
Teeni:
titre donn6
au souverain
du Bawol.
I 3.
Une longue
discussion a
6te consacr6e
au problme du
chiffre de la
traite
frantaise
au
xvIrle
si6cle
(BECKER I985).
Nous
avons
montre
que
les
chiffres
officiels,
obtenus a partir d'un
depouillement
systematique
des
sources (METTAS
1978,
I984; Becker, recherches
personnelles), sont i r6viser
substantiellement
en
hausse, et que les
sources memes
demeureront sans
doute toujours
lacunaires.
8/16/2019 Becker, Histoire de La Senegambie (1985)
17/31
228 CHARLES BECKER
il serait bon de visiter, dans une perspective archeologique, les anciennes
capitales pour identifier les
hleux
oiu
se
deroulaient
les
ceremonies
du
couronnement, les lieux de culte, les amas d'ordures ou les places autre-
fois habitees, et d'autres vestiges
6ventuels.
La phase
preliminaire
d'exploration exige bien
sCur
ue l'on soit attentif
'a
toutes les traditions
relatives aux restes
archeologiques, a
leur
anciennete,
h
leur signification.
Cette
etude des capitales pourrait
s'etendre
aux chefs-lieux des provinces
historiques, aux villages principaux correspondant aux
premieres
implan-
tations de familles importantes, aux villages
consider6s
comme des points
de dispersion pour certaines castes (forgerons, cordonniers, boisseliers),
aux villages pres desquels se sont deroules des evenements particuliers
ou
des batailles.
La
fouille des amas de
dechets
d'anciennes capitales ou
d'anciens centres fourniraient des
donnees
tout
'a
fait neuves sur la vie
inaterielle et culturelle.
*
Le
recensement systematique des emplacements de villages abandonnes,
ainsi que l'analyse de la toponymie pourraient sans doute nous apprendre
beaucoup sur l'histoire du peuplement et sur des migrations mal connues.
Sur ces emplacements, une collecte
preliminaire
d'objets est souvent
possible.
. De mexme, l'inventaire des puits anciens, generalement proches de ces
emplacements, reste a faire. I1 demontrerait l'existence de grands puits,
creuses a travers des materiaux divers, attestant des technologies par-
ticulieres (les
grands puits du Kajoor dont
les
plus celebres
sont ceux
de
Ndande; ceux du Saalum; les puits creuses dans la
laterite,
au Ferlo
et
en Haute-Casamance).
*
Dans les
regions c6tieres,
les
amas
coquilliers
sont
egalement
'a
prendre
en
consideration.
J.
Joire
(I947)
a
entrepris
cette
etude
dans
les
environs
de
Saint-Louis, oiu
les
amas sont
presque
tous
plus
anciens
que l'epoque
precoloniale
meme.
Le travail
archeologique
sur la
periode
est encore
considerable
et
tiendra ses
promesses
s'il
est
ouvert
'a
'apport
de toutes
les autres
sources,
surtout des traditions.
Mais
rappelons,
avec
M.
Posnansky (I97I: II3),
[qu']il
ne
faut
pas trop
attendre
de
I'arch6ologue.
On
court
un
danger
en
posant
dles
questions auxquelles
on ne
peut r6pondre
et en
y repon(lant par
r6f6rence
h
des
d6ductions qui
ne
furent
jamais destinees
a etre
appliqudes a
des
champs
d'6tude
plus vastes. L'archeologie fournit,
au
mieux,
des informations mat6rielles
sur
la
technologie
d'un
peuple,
sur
son
&conomie
de
base,
6ventuellement
sur
l'importance
approximative
de
ses
groupes sociaux,
sur ses coutumes
funeraires
et,
dans une
certaine
mesure,
sur ses
realisations
artistiques.
Elle
n'est
pas
en mesure
de donner
des d6tails sur son organisation sociale, son economie politique, sa langue, sa reli-
gion ou
son ethos culturel
Ainsi
peut-on legitimement
demander
a
l'archeologie
des
renseigne-
ments
sur
des
questions peu
etudiees
auxquelles
des
elements
de
reponse
pourront
etre
fournis.
8/16/2019 Becker, Histoire de La Senegambie (1985)
18/31
HISTOIRE
DE
LA
SENEGAMBIE, XVe-XVIIIe SIECLE
229
2
-
Les materiaux ((elabores ))
La
limite entre
les materiaux
((
bruts
))
et
((
elabores
))
n'est
pas
toujours
nette, car
beaucoup d'etudes
juxtaposent
ou
compilent
surtout
des
donnees
traditionnelles ou
ecrites,
sans
veritable
travail
d'elaboration
et de critique.
I1
n'est
pas possible d'examiner
et
de citer
les
nombreuses
theses,
les
etudes ou les ouvrages,
les
commentaires sur des
textes
publies.
La
seule liste
des
travaux universitaires
(Becker
&
Diouf
I985)
permet
de
noter leur
grand
nombre, etant donne
que
la
plupart
des
textes,
meme
'ils traitent du XIXeou du xxe siecle, proposent un rappel plus ou moins
original
sur
la
periode
((
precoloniale )).
Toutefois, soulignons
que
dans
cet ensemble
la
part des travaux universitaires n'est
pas dominante,
comme on
le
constate
par
exemple
dans la
((
Bibliographie
sur
le
Siin,
le
Saalum
et
le
Badibu
))
que nous avons
jointe a une
chronique
tradi-
tionnelle d'A.
Sarr
(I983)
et
comme
on
le
verifierait
aisement
pour
les
autres
royaumes.
Nous parlons donc
ici
des travaux
comportant
la
presentation
et
l'utilisation de
documents publies ou
inedits, donc un examen
critique
des
sources
relatives
a
un
ou
plusieurs royaumes,
au
Senegal, 'a
un
pays
voisin, a la Senegambie entiere. La valeur de ces travaux, universitaires
ou
non,
est sans
doute
tres
inegale,
et
leur
nature est variable
-selon l'utilisation
predominante des
sources
internes
ou
des
sources
externes;
il
s'agira de
presentations et de
commentaires de
documents
europeens,
ou de
regroupements de traditions
orales plus ou moins
completes. L'utilisation
simultane'e
des deux
types
de sources
est assez
frequente,
mais
leur
confrontation est
generalement limitee 'a la
chrono-
logie dynastique
et
aux
caracteres
de
l'organisation
socio-politique. Or,
la
confrontation est
necessaire pour
eviter
ce qui
apparait dans de mul-
tiples etudes comme une simple juxtaposition: cette confrontation ne
peut
resoudre
tous
les
problemes
mais au moins
certains, quitte
a
constater
les contradictions
eventuelles et les
points d'accord
indiscutables, ainsi
que
la
complementarite
des
sources. Citons comme
exemplaire
l'
etude
de
J.
Joire
(1955)
sur les
tumulus
de
Rao,
bien
qu'elle traite surtout
la
periode anterieure
au
xve
siecle.
-
selon le
ou les
themes
retenus;
on trouvera
des
etudes
centrees
sur
l'histoire
politique,
sur le
commerce, les
etablissements
europeens, sur
la traite
des
escla-ves et
l'evolution de
l'esclavage,
sur
la vie
economique,
sur
l'evolution
du
droit
foncier, sur une periode de
l'histoire d'un royaume
ou sur un regne remarquable, sur des personnalites importantes. Plus
rares sont les
tentatives
de
synthese appliquees 'a une partie
ou
a
l'en-
semble de
la
Senegambie.
L'examen de
quelques problWmes
rendra evident le
fait que
l'elaboration
8/16/2019 Becker, Histoire de La Senegambie (1985)
19/31
230
CHARLES
BECKER
historique souffre encore trop des lacunes mentionnees a propos des
sources dont
la collecte et
la publication
sont pour
nous prioritaires.
(a)
Les chronologies:
des
progres
notables
ont
ete
enregistres
grace
aux
travaux relatifs
aux divers
royaumes
-
au Waalo
(Barry
I972),
au
Fuuta Tooro (Kane I970;
Robinson,
Curtin & Johnson
I972),
au
Gajaaga (Bathily
i985;
Curtin
I975),
au Haut-Fleuve,
au Xaso
et au
Bundu (Curtin I975;
Cissoko I979),
au Kajoor
et au Bawol (Becker
&
Martin
I975
; Martin
& Becker I976),
au Saalum (Becker
& Martin
Ig8I
d;
Boulegue i966),
au Siin (Becker
&
Martin
I972),
au Jolof (Monteil I966;
0. L. Ndiaye
I966).
Cependant, pour ces pays situes au nord de la Sene-
gambie,
les
listes et les dates
ne sont pas egalement
fiables,
car
de mul-
tiples
problemes
subsistent
au Saalum, au
Waalo, mais
surtout
au
Siin
et
au
Jolof.
Les
donnees
sur les unites politiques
meridionales
-
le Kaabu
et
ses
provinces,
les pays
manding du IRoomi,
du Badibu,
du Raani,
du
Wuuli
et
les petits
territoires
du
Sud-Est
-
sont
encore tres
diffuses,
mais
les etudes de
B. K. Sidibe'4
apporteront
sans doute
des
elements
chronologiques
interessants.
Toutefois,
des
progres
doivent etre
accomplis
dans
tous les
royaumes
senegambiens
pour parvenir
'a dresser
un tableau
synoptique
complet.
Un tel tableau
pourrait etre
propose des 'a
present;
cependant, sa realisation est delicate, necessitant non seulement la
connaissance
des
listes chronologiques,
mais aussi le recours a d'autres
traditions qui mettent
en
rapport
les regnes de
deux ou plusieurs
sou-
verains contemporains.
Apres
un
tel travail, subsiste
le probleme
d'une
integration
de
l'histoire
des societes lignageres
oju
les
reperes
datables
sont minces:
cette tache
est
peut-etre
vouee a
l'echec
pour
la
periode
precoloniale
)),
meme
si
les etudes historiques
sur
les
villages
et
les
familles
ont
notablement
avance
en Basse-Casamance
et chez les
popu-
lations tandanke.
(b) L'histoire evenementielle comme 1'histoire structurelle sont
tributaires
de la
qualite
et
de
l'importance
des
sources.
De
plus,
l'asso-
ciation
et donc
le
recoupement
des sources
sont
indispensables
mais
ne
sont
pas
toujours possibles.
Nous
n'avons
pas
cache
les lacunes
des
traditions
et
des
textes
ecrits.
D'une certaine
maniere,
les
premieres
apportent
plus
de
details 'a
'histoire
evenementielle
et
les
seconds
a
l'histoire structurelle grace
aux
donnees statistiques
et
chronologiques.
Toutefois,
cette
impression
reste
tres
nuancee
et
l'historien
ne
peut
cacher
les
points
de
desaccord
et
les
silences
qui
semblent
definitifs.
II
est
possible
de
revenir
sur la
periode
de la traite
des esclaves en
souligilant
ses "tapes et ses developpements, comme l'ont fait differents auteurs, en
14.
Directeur
du Musee
national
de
Banjul (Gambie),
auteur
de
trois
commnunica-
tions
in6dites
au
Congr6s
des
'tudes
man(ling
(School
of
Orien-tal
and
African
Studies,
Londres,
I972).
8/16/2019 Becker, Histoire de La Senegambie (1985)
20/31
HISTOIRE
DE LA
SENEGAMBIE,
XVe-XVIIIe
SIECLE
23I
se
fondant
surtout sur les
documents europeens
(car
la tradition
ne
parle
pas
beaucoup du sujet),
alors
que
la meme
periode
peut
etre
vue,
i
I'aide
des
traditions, comme une
periode
riche en
evenements.
La
comple-
mentarite
des
deux types de sources est
soulignee
dans de
nombreuses
etudes, parmi
lesquelles on peut citer en
particulier l'analyse
de la
guerre
de
Tuubefiaan par B.
Barry (I972: I35-I59;
I984: 8i-90).
Pour
toute
interpretation
des evenements et
pour chaque tentative
de periodisation
(longue
duree), la part de
l'hypothese
reste
reelle,
mais comme pour toute
science,
l'hypothese n'est
emise comrne
principe
heuristique
qu'apres
un
examen
honnete
de
toutes les sources
existantes.
(c) La demographie et les migrations sont des sujets peu abordes en
tant que
tels alors que
1'evolution
demographique de la Senegambie
depuis
la
prehistoire
jusqu'a
nos
jours represente une
question passion-
nante.
Comme pour tant
d'autres
questions
negligees (Pourquoi la
proto-
histoire
a-t-elle
ete
si mal
consideree jusqu'a la derniere
decennie
?
Pourquoi
s'est-on si peu interesse
a la
traite des
esclaves
et
'a
ses
conse-
quences ?
Pourquoi n'y a-t-il
pas eu,
jusqu'a une epoque
tres
recente,
d'etudes sur des souverains
((
precoloniaux
))
ou des
personnages
mar-
quants ?), il
convient de
comprendre
pourquoi les historiens
n'y ont
guere
prete d'attention.
Pourtant, dans
ce cas, les donnees
sont
abon-
dantes: les traditions permettent souvent de suivre les etapes de la
constitution
des provinces et
de
l'implantation des families dans un ou
plusieurs royaumes (cf.
les
travaux, en partie
publies,
de J.
Schmitz
I98I)
; les textes
europeens
evoquent aussi
diverses
migrations,
guerrieres
ou
non,
les
disettes et les
famines
qui ont
entraine
des
exodes ou de
fortes
mortalit6s, les
guerres qui ont eu
pour
cons6quences le
d6peuplement
des
zones
frontalieres entre les
royaumes et le
repli de certaines
societes dans
les
((
forets
))
ou
les
((
montagnes )), les
evenements
politiques qui
ont
provoque des
redistributions du
peuplement, tels
des
regroupements ou
des
migrations,
voire
des
revoltes sous
l'egide
de
l'islam.
I1
y
aurait
beaucoup d'autres exemples 'a ajouter pour montrer que l'histoire d6mo-
graphique
pendant la
periode
((
precoloniale
))
est
etroitement
liee
'a
celle de
la traite
atlantique
(Becker I985).
(d) Le
role
de l'islam et des
religions
traditionnelles au cours de la
periode
((
precoloniale
))
est
tres
mal
connu.
Ici,
les sources
ecrites
euro-
peennes
(et
chre'tiennes)
sont
souvent d'une
grande
partialite
et tres peu
fiables.
Pourtant,
leur
reexamen
a dej'apermis de
noter
l'importance des
implantations
islamiques dans
une
grande partie de
la
Senegambie'5.
Les souirces
traditionnelles
continueront sans
doute
a livrer de
nouveaux
documents probants, qui demontreront definitivement le caractere
g5.
Comme nous
le
suggIrions
sur
Ia
planche
a
Histoire
de
l'islam
D de
I'Atlas
du
Se'negal
(MARTIN
&
BECKER
I977
72-73)